tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/adaptation-22343/articlesadaptation – The Conversation2024-03-27T16:48:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2245652024-03-27T16:48:52Z2024-03-27T16:48:52ZPréserver l’avenir de nos forêts : ce que peut apporter la recherche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579184/original/file-20240301-20-3g2ric.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C9%2C3007%2C2032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour penser l'avenir des forêts, il faut intégrer leurs dimensions environnementales, mais également économiques et sociales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/arbres-a-feuilles-vertes-pendant-la-journee-HEHSE12vXSg">Nadia Ivanova / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de l’avenir de nos forêts taraude la société dans son ensemble, des forestiers aux industriels de la transformation du bois en passant par les citoyens et usagers des forêts.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, qui se traduit en France <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1397/2022/">par une trajectoire de réchauffement à +4 °C en 2100</a>, les superpouvoirs des forêts – sources de matières premières, puits de carbone, fonctions de régulation et de protection, réservoir de biodiversité, espace de bien-être – sont de plus en plus mis à mal.</p>
<p>À titre d’exemple, la séquestration du CO<sub>2</sub> par les arbres – qui contribue à réduire les effets du changement climatique via la photosynthèse – <a href="https://www.ign.fr/espace-presse/les-donnees-de-linventaire-forestier-national-confirment-limpact-du-changement-climatique-sur-la-sante-des-forets-francaises">a fortement diminué</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">Un autre regard sur l’évolution contemporaine de la forêt française</a>
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<p>Dans ce contexte, l’État lance un programme de recherche <a href="https://www.pepr-forestt.org/">sur la résilience des forêts</a>, qui vise à accroître les connaissances pour accompagner la conception et l’expérimentation – sur la base de travaux scientifiques – de trajectoires d’adaptation flexibles afin d’améliorer la résilience des socio-écosystèmes forestiers.</p>
<p><a href="https://anr.fr/en/france-2030/programmes-et-equipements-prioritaires-de-recherche/">Cette programmation scientifique</a> interroge le rôle de la recherche face aux défis de l’accélération des changements globaux. En effet, les forêts sont des <a href="https://sitesweb-tmp35.dsi.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2022-01/Couvet_socio%C3%A9cosyst%C3%A8me.pdf">socio-écosystèmes</a> (<em>c’est-à-dire, des systèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et écologiques, mais également sociétales, et notamment politiques et <a href="https://theconversation.com/les-forets-reserve-nourriciere-face-aux-aleas-climatiques-209432">économiques</a>, ndlr</em>). Sous l’effet de facteurs d’origine climatique et anthropique, mais aussi des évolutions des attentes et besoins de la société, ces socio-écosystèmes sont mis sous tension.</p>
<p><a href="https://www.seuil.com/ouvrage/agir-dans-un-monde-incertain-essai-sur-la-democratie-technique-yannick-barthe/9782020404327">« Agir dans un monde incertain »</a> implique de redéfinir la place des connaissances et des activités scientifiques. De quoi accompagner de nouveaux modes de gouvernance des forêts, l’évolution de la trajectoire climatique et les processus de décision en matière de gestion forestière.</p>
<h2>« Socio-écosystèmes »</h2>
<p>La forêt a longtemps été considérée comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62909">objet technico-administratif</a> : son sort devait échapper aux vicissitudes d’une société dominée par des aspirations de court terme. L’expertise technique détenue par les professionnels et organismes de gestion forestière avait le monopole « du dire et du faire » et les organes administratifs maintenaient un certain cloisonnement du débat forestier.</p>
<p>À l’évidence, ce cadrage ne répond plus aux attentes ni aux aspirations d’une société qui souhaite <a href="https://theconversation.com/assises-de-la-foret-et-du-bois-les-trois-dilemmes-de-la-politique-forestiere-francaise-172363">se réapproprier les enjeux forestiers</a>.</p>
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<p>Dans le domaine scientifique, l’objet forestier est encore souvent appréhendé de façon mono disciplinaire, ce qui donne une vision partielle et restreinte des enjeux associés aux forêts. Par exemple, la vulnérabilité des forêts est en général étudiée sans prendre en compte les interactions entre aléas, et sans couplage avec les enjeux sociaux et économiques. De plus en plus de travaux cherchent néanmoins à développer des approches plus intégrées en articulant les regards disciplinaires.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-019-00731-7">concept de « socio-écosystème »</a> est ainsi utilisé pour étudier les multiples interactions et interdépendances, à différentes échelles spatio-temporelles, qui déterminent l’avenir du secteur forêt-bois. Celles-ci s’opèrent entre, d’une part les dynamiques écologiques des arbres et des peuplements forestiers, de l’autre les représentations, comportements, pratiques, organisations et institutions des acteurs intéressés et concernés par les enjeux forestiers.</p>
<p>Voilà donc la première mission de la recherche : aider à penser le monde dans sa complexité, et dans le cas présent, aider à appréhender la forêt comme un « objet » ancré dans la société.</p>
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<li><p>D’un côté, la forêt ne peut être réduite à des considérations sociotechniques et à des intérêts particuliers ;</p></li>
<li><p>de l’autre, il n’est pas possible de penser son avenir en se limitant à ses dynamiques naturelles et à sa contribution au bien commun.</p></li>
</ul>
<p>Par conséquent, s’appuyer sur des approches scientifiques diverses permet d’élargir l’espace du débat public et de décloisonner les enjeux forestiers.</p>
<h2>Conservation, atténuation… et adaptation</h2>
<p>Depuis les débuts de l’ère industrielle, les forêts font l’objet de préoccupations environnementales en raison des conséquences, directes ou indirectes, des activités humaines.</p>
<p>Le paradigme conservationniste s’est alors développé, de manière progressive, autour des logiques de protection, de restauration et de limitation des impacts des activités humaines. À partir des années 1990, le <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">paradigme de l’atténuation</a> s’est aussi imposé dans beaucoup de régions du monde, et notamment en Europe : les forêts doivent soutenir les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant du carbone et en offrant des ressources alimentant une économie décarbonée.</p>
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<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Depuis quelques années, ces orientations paraissent toutefois incompatibles avec la dynamique d’évolution des forêts. La stratégie conservationniste ne peut pas être la réponse unique aux transformations profondes des socio-écosystèmes forestiers qui se profilent.</p>
<p>Et l’heure n’est plus à considérer les forêts comme des <a href="https://theconversation.com/planter-des-arbres-venus-de-regions-seches-la-migration-assistee-une-fausse-bonne-idee-221340">variables d’ajustement des stratégies d’atténuation</a>, mais à envisager comme problème central les conditions de leur <a href="https://www.lepoint.fr/environnement/forets-francaises-limiter-l-usage-du-bois-est-une-fausse-bonne-idee-01-01-2024-2548771_1927.php">adaptation au changement climatique et du développement d’une bioéconomie forestière qui accompagne cet effort</a>.</p>
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<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Un enjeu à mettre à l’agenda</h2>
<p>Dans la perspective d’opérer cette transition vers le paradigme de l’adaptation, il est attendu de la recherche qu’elle contribue à objectiver les enjeux et accompagne le développement d’alternatives.</p>
<p>La science joue un rôle décisif dans la mise à l’agenda du défi de l’adaptation et de son urgence. En complément des constats empiriques (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/feux-de-forets-93185">incendies</a>, dépérissements, tempêtes, etc.), les <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aaz7005">travaux académiques sur la dynamique d’évolution des socio-écosystèmes</a> offrent une capacité de <a href="https://theconversation.com/forets-en-peril-comment-limagerie-et-la-big-data-peuvent-contribuer-a-les-proteger-191321">suivi</a> et une vision dynamique, dans le temps et dans l’espace, du changement et de ses déterminants. Par exemple, le croisement des outils de monitoring (suivis terrain, télédétection) permet de suivre l’évolution de l’état de santé des forêts.</p>
<p>En situation de crise, les tensions entre les différents intérêts socio-économiques et écologiques sont exacerbées et un travail d’objectivation par la démarche scientifique peut contribuer à dépasser ces tensions pour partager une vision commune des problèmes.</p>
<h2>Passer des solutions tactiques aux solutions stratégiques</h2>
<p>L’adaptation doit aussi reposer sur une capacité à définir des trajectoires. La recherche est alors souvent mise à contribution pour proposer des solutions de court terme et des innovations « clés en main ».</p>
<p>Dans ce contexte d’incertitude, il faut changer la logique d’articulation entre connaissance et action. La recherche a dorénavant vocation à s’inscrire dans une dynamique d’expérimentation et de transformation des pratiques qui garantisse une <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">capacité de</a> <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">résilience à long terme des socio-écosystèmes</a>.</p>
<p>Sans abandonner les adaptations ponctuelles « tactiques » en réaction aux bouleversements, il faut glisser vers une adaptation « stratégique » qui assume une trajectoire de transformation de l’ensemble des composantes des socio-écosystèmes.</p>
<p>Nous devons partir du principe que la connaissance ne précède pas l’action, mais que l’une et l’autre s’alimentent grâce à une proximité plus forte entre les acteurs de la recherche et les acteurs de la forêt.</p>
<h2>Des processus de décision dépassés</h2>
<p>Comme évoqué, l’expertise technique de la « science forestière » a dirigé depuis le XIX<sup>e</sup> siècle les décisions en matière de gestion des parcelles et d’aménagement des propriétés forestières. Les fondements de ce processus de décision sont remis en question pour plusieurs raisons.</p>
<p>Il n’existe tout d’abord plus de corps socio-professionnel unifié porteur d’une expertise commune, mais une grande diversité de prescripteurs techniques qui développent leurs propres référentiels et orientations sylvicoles.</p>
<p>Les enjeux forestiers actuels impliquent en outre des processus de décision qui ne peuvent se limiter à un raisonnement à l’échelle de la parcelle ou la propriété mais doivent intégrer les échelles « fonctionnelles » (massifs forestiers, paysages, territoires, bassins d’approvisionnement, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond</a>
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<p>Enfin, l’accélération brutale du changement climatique rend obsolète une part importante des connaissances empiriques existantes.</p>
<p>Dans ce contexte incertain qui expose le décideur à une prise de risque face à un futur inconnu, il est nécessaire de développer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">des</a> <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">processus de décision davantage fondés sur la connaissance</a>.</p>
<h2>Fonder les décisions sur la connaissance</h2>
<p>Dans ce contexte, les travaux scientifiques peuvent d’une part servir de support à l’élaboration d’outils d’aide à la décision pour offrir à la diversité des prescripteurs techniques un socle commun de connaissances pour concevoir leurs référentiels de gestion.</p>
<p>La science a d’autre part vocation à fournir des éléments de caractérisation des différentes variables et de leurs interactions afin qu’elles soient prises en compte dans des modèles explicatifs, puis des outils d’aide à la décision multi-échelles.</p>
<p>La science doit finalement permettre d’intégrer la culture de l’incertitude et des risques multiples dans la décision, en encourageant le développement de connaissances sur la base de l’expérimentation et de la modélisation, en élargissant par la prospective le champ des possibles en matière de gestion et valorisation des forêts.</p>
<p>Un plan d’adaptation stratégique est donc une urgence absolue pour accélérer les transitions des forêts, favoriser leur résilience et assurer le maintien de leurs fonctions écologiques tout en accompagnant l’industrie face à un afflux de bois dépérissant aux propriétés potentiellement dégradées. Agir sans attendre, s’appuyer sur la science et la nature, suivre les évolutions en continu et construire des solutions collectives, constituent les quatre principes d’un plan d’action ambitieux pour la forêt et le bois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Sergent est membre du bureau du pôle de compétitivité Xylofutur. Il a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Plomion a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p>Pour répondre aux défis des forêts, la science ne doit plus seulement les considérer comme des objets technico-administratifs, mais comme des pourvoyeurs de services économiques et écosystémiques.Arnaud Sergent, Ingénieur de recherche en sciences politiques, InraeChristophe Plomion, Chercheur en génétique, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206122024-02-18T15:48:08Z2024-02-18T15:48:08Z« L’envers des mots » : Résilience<p>De plus en plus fréquent dans les discours médiatiques et le langage courant, le terme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971"><em>résilience</em></a> aurait été utilisé pour la première fois par <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9298804/">Emmy Werner</a>. Cette psychologue du développement se pencha dans les années 1980-1990 sur les conséquences à long terme du stress survenu au cours des périodes prénatales et périnatales, à partir d’une recherche longitudinale sur 698 personnes de l’île de Kauaï à Hawaii, de leur naissance à l’âge adulte.</p>
<p>Dans cette recherche, ce qui a étonné l’auteure fut qu’un tiers des enfants à risque n’avaient pas connu de problèmes particuliers pendant leur enfance et étaient devenus des adultes heureux et compétents. En outre, bon nombre des enfants ayant connu des problèmes ont été capables de rebondir à l’adolescence et à l’âge adulte. C’est pour qualifier ces sujets « vulnérables, mais invincibles » qu’Emmy Werner a utilisé le mot « résilience ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/psychologie-le-coping-ou-comment-nous-faisons-face-aux-stress-intenses-178833">Psychologie : le « coping », ou comment nous faisons face aux stress intenses</a>
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<p>La définition de la résilience proposée en 2001 par la Fondation de l’Enfance et par le <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-10-page-321.htm">groupe de travail dirigé par Michel Manciaux</a> envisage cette notion comme « … la capacité d’une personne, d’un groupe, à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères ».</p>
<p>Pour la professeure en psychologie <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay?vid=33UDL_INST:UDL&docid=alma991004344399705596">Marie Anaut</a>, la résilience implique « l’adaptation face au danger, le développement normal en dépit des risques et le ressaisissement de soi après un traumatisme ». Retenons également la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychanalyse/vilains-petits-canards_9782738109446.php">définition de Boris Cyrulnik</a> pour qui la résilience est « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative ».</p>
<p>L’importance de la résilience a surtout été mise en évidence dans la littérature relative au développement de l’enfant et de l’adolescent. Elle est souvent définie en fonction des facteurs de protection liés à l’individu lui-même et à son environnement. Des facteurs de résilience ont été relevés chez les personnes décrites comme ayant des ressources personnelles (estime de soi, la <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">confiance en soi</a>, l’autodiscipline, le courage et l’optimisme face à l’adversité) ou encore possédant des capacités cognitives supérieures à la moyenne, un sentiment de compétence, un lieu de contrôle interne, le sens de l’humour, de l’empathie et des compétences sociales.</p>
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<p>D’autres facteurs contribueraient à la protection des individus : l’adaptabilité au changement, l’autonomie, l’indépendance, les habiletés à résoudre les problèmes, la capacité à donner du sens à l’événement et la religion. Le contexte familial semble également jouer un rôle. Le fait d’avoir des parents chaleureux, de bénéficier de leur soutien, l’absence de conflits, la structuration de la vie de famille sont des facteurs propices à une bonne résilience.</p>
<p>Notons enfin que le soutien social des pairs, des professionnels, de la famille élargie, de professeurs et de voisins est également à prendre en compte. Il prend diverses formes comme le fait de bénéficier d’une présence réconfortante, de conseils ou d’informations susceptibles de constituer une aide pour mieux comprendre les événements ou les épreuves auxquels il faut faire face.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-stress-de-lenfance-menacent-ils-notre-coeur-dadulte-158716">Les stress de l’enfance menacent-ils notre cœur d’adulte ?</a>
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<p>La position qui domine actuellement la littérature consiste à aborder la résilience en termes de processus. Celle-ci est alors envisagée dans une perspective développementale, c’est-à-dire qu’elle est fonction du stade de développement dans lequel se trouve le sujet, ce qui conduit à des différences de réactions suivant l’âge, l’évolution, la construction psychique, l’entourage du sujet. Ce n’est pas une qualité « fixe » ou un trait de personnalité de l’individu, elle peut être soumise à des variations conséquentes selon les circonstances. Ainsi, la résilience ne se révèle pas dans le quotidien de la vie, mais dans l’épreuve qui seule est susceptible de mobiliser cette ressource, qu’il convient d’aller puiser au plus profond de soi.</p>
<p>Ainsi, pour mobiliser les processus de résilience, les individus doivent être confrontés à des événements aversifs ou traumatisants, comportant de la violence, une effraction physique ou psychique (par exemple, la perte d’un proche, un accident, une maladie…). Il peut aussi s’agir également d’une accumulation d’événements aversifs ou de carences graves et répétées, comme des négligences affectives.</p>
<p>Les processus de résilience peuvent être mis en œuvre dans des situations variées qui contribuent à rompre l’équilibre de l’individu adapté à son environnement. Certaines expériences suscitant des émotions fortes et négatives (comme la peur, la confusion, la défiance, etc.) pourraient constituer des risques pour le bien-être et l’équilibre mental de l’individu. Ainsi, une grande variété de situations est susceptible de mobiliser les processus de résilience, si tant est tant qu’elle soit alors mobilisable.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/220612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Tarquinio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La résilience, cette capacité à « se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants », est en vogue. Mais est-ce une qualité « fixe » qu’un individu possède ou pas ? Peut-elle se développer ?Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201152024-01-08T16:59:08Z2024-01-08T16:59:08ZNos villes doivent être plus perméables : comment le biochar peut être une solution durable face aux inondations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567914/original/file-20240104-17-14aycx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C36%2C5961%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Inondations à Nemours en Juin 2016</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nemours-france-2th-june2016-view-people-431226898">photofort 77/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Ce sont des images devenues de plus en plus fréquentes en Europe : celles de villes inondées, de maisons sinistrées par la montée des eaux, de populations désemparées par ces épisodes.</p>
<p>Le <a href="https://climate.ec.europa.eu/climate-change/consequences-climate-change_fr">changement climatique</a> est identifié parmi les causes potentiels de l’augmentation de la fréquence et l’intensité des précipitations. Dans le contexte d’une urbanisation croissante, l’utilisation répandue de matériaux imperméables dans les constructions routières aggrave les ravages de ces phénomènes météorologiques. L’infiltration adéquate des eaux pluviales à la suite d’épisodes de fortes pluies est ainsi considérablement entravée, engendrant par là un ruissellement pollué et des risques d’inondations. Les réseaux d’évacuation des eaux de pluie en milieu urbain se trouvent de plus en plus dépassés, et posent un défi de taille aux autorités quant à la gestion de ces eaux.</p>
<p>Le modèle conventionnel de collecte intégrale des eaux pluviales via un système de canalisations, évacuant ces eaux seules ou mélangées aux eaux usées, a, de fait, atteint ses limites. Non seulement cette approche s’avère coûteuse, mais elle accroît également le risque d’inondations, comme observé au cours du printemps 2023, tout en contribuant à la pollution des écosystèmes aquatiques. Il semble ainsi nécessaire de repenser les stratégies de gestion des eaux pluviales en milieu urbain pour faire face aux défis actuels et futurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Saint Rémy-lès-Chevreuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Inondation_du_31_mai_2016_%C3%A0_Saint-R%C3%A9my-l%C3%A8s-Chevreuse_-_09.jpg">Lionel Allorge</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Imiter le cycle de l’eau</h2>
<p>Face à cette réalité, une nouvelle approche émerge, qui vise à se rapprocher du cycle naturel de l’eau en réduisant l’imperméabilisation de surfaces urbaines tout en favorisant l’infiltration des eaux de pluie dès leur chute. En plus de maîtriser la pollution à sa source, cette gestion contribue au rechargement des nappes phréatiques tout en favorisant le verdissement urbain. Nommée « gestion à la source des eaux pluviales » cette approche intéresse de plus en plus divers pays européens. De nombreuses collectivités ont ainsi adopté des stratégies intégrées reposant sur la perméabilisation et la restauration écologique de leurs sols <a href="https://www.o2d-environnement.com/wp-content/uploads/2018/11/Fiche-essais-de-permeabilite-des-sols-ADOPTA.pdf">afin de limiter les rejets dans les réseaux d’assainissement</a>.</p>
<p>Ces stratégies de gestion des eaux de pluie se concentrent sur l’absorption naturelle par le sol et la végétation environnante, considérée comme le moyen le plus efficace et respectueux de l’environnement pour gérer les excès d’eau de pluie. Les noues (fossés peu profonds), les jardins pluviaux, les toitures végétalisées et les revêtements de chaussée perméables figurent parmi les <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/solutions-ville-demain-renaturation-sols-retour-journee">réalisations concrètes de cette approche</a>.</p>
<p>L’infiltration des eaux pluviales au plus près de leur point de chute <a href="https://eau.seine-et-marne.fr/fr/gestion-integree-des-eaux-pluviales">limite également l’accumulation de polluants</a> dans les eaux en évitant le ruissellement. Cette méthode représente ainsi un moyen durable et à faible impact sur l’environnement pour la gestion des eaux pluviales en milieu urbain.</p>
<h2>Matériaux drainants et végétalisation</h2>
<p>Pour rendre les sols urbains perméables, deux approches distinctes sont aujourd’hui mises en avant.</p>
<p>La première consiste à utiliser des matériaux drainants permettant d’ériger des sols tout en favorisant l’infiltration des eaux.</p>
<p>La seconde repose sur la végétalisation. Dans ce cas, les végétaux jouent un rôle crucial dans la prévention de l’érosion et la compaction des sols grâce à leurs racines tout en absorbant l’eau nécessaire à leur croissance. Cette action de décompactage <a href="https://www.18h39.fr/2-min-a-perdre/moins-de-beton-plus-de-vegetation-pour-lutter-contre-les-inondations.html">favorise l’infiltration des eaux de pluie</a>, évitant ainsi leur ruissellement.</p>
<p>La végétalisation compense enfin les avantages environnementaux perdus du fait du développement urbain en apportant de la biodiversité locale, des ilots de fraicheur ou la purification de l’air.</p>
<p>Pour rendre ainsi les sols urbains perméables tout en accroissant la végétalisation des villes, le <a href="https://biochar-international.org/about-biochar/how-to-make-biochar/biochar-technology/">biochar</a> apparaît comme un allier de choix. Ce matériau, à la fois poreux et riche en carbone, est issu de résidus organiques tels que les déchets verts ou forestiers, chauffés dans des conditions de faible oxygène, via un processus appelé décomposition thermique rendu possible grâce à des étapes successives de pyrolyse et de gazéification.</p>
<h2>Les nombreux atouts du biochar</h2>
<p>De par ses interactions physiques, chimiques et biologiques le biochar offre une multitude d’avantages lorsqu’il est intégré dans un sol. On peut noter à cet égard sa capacité à retenir l’eau, à prévenir la perte de nutriments des sols, à améliorer la structure du sol et à fertiliser les sols via sa capacité d’échange cationique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Biochar, le produit de la carbonisation des résidus verts en charbon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Dooley</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Son utilisation dans les terreaux représente également une alternative plus durable à des éléments moins écologiques tels que la perlite, la vermiculite et surtout la <a href="https://www.iucn.org/resources/issues-brief/peatlands-and-climate-change">tourbe</a>. </p>
<p>Cette dernière reste largement utilisée en Europe (<a href="https://www.researchgate.net/publication/318556686_Growing_media_constituents_used_in_the_EU_in_2013#fullTextFileContent">jusqu’à 80 % des substrats</a>) et provient de matière organique partiellement décomposée. </p>
<p>Toutefois, la tourbe est issue de tourbières, des écosystèmes vitaux pour la biodiversité et le stockage du carbone dans le sol. Face à l’augmentation de la demande et des coûts de la tourbe, une <a href="https://journals.vilniustech.lt/index.php/JEELM/article/view/1630">ressource non renouvelable</a>, il devient crucial de rechercher des alternatives plus durables comme le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09064710.2021.1903986">biochar</a>.</p>
<p>En raison de sa porosité importante et de sa résistance à la biodégradation, le biochar agit comme un excellent adsorbant pouvant être utilisé pour filtrer et purifier l’eau, remplaçant ainsi le charbon actif très souvent importé et issu de ressources fossiles. De plus, le biochar peut être incorporé dans la reconstruction des sols, mélangé à d’autres matériaux tels que les pierres, le gravier et la terre, afin de faciliter l’infiltration des eaux dans les environnements urbains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-et-canicules-quelles-solutions-pour-y-faire-face-en-ville-91790">Inondations et canicules : quelles solutions pour y faire face en ville ?</a>
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<h2>Le biochar : un matériau qui peut être produit directement en ville.</h2>
<p>Ultime avantage du biochar : il peut être produit directement en ville, et même participer à la gestion des déchets organiques, qui posent d’importants défis aux villes.</p>
<p>En effet, les résidus verts provenant des parcs et jardins constituent une ressource pouvant être transformée en biochar, offrant ainsi la possibilité d’une application dans les espaces verts urbains, dans le cadre d’une <a href="https://www.graie.org/graie/graiedoc/doc_telech/PlaqTA.pdf">approche intégrée de gestion des eaux de pluie par la végétalisation</a>. Le biochar peut agir à la fois en tant que substrat et amendement du sol, contribuant à décompacter et rendre perméables les surfaces urbaines.</p>
<p>Un exemple significatif d’utilisation du biochar dans l’amélioration structurale des sols est celui du projet <a href="https://www.biochar-journal.org/en/ct/77">Biochar à Stockholm</a> depuis Mars 2017. Celui-ci a permis une gestion conjointe des eaux pluviales et du verdissement urbain, favorisant la croissance des arbres par une optimisation de l’infiltration des eaux pluviales, évitant ainsi leur drainage vers les égouts et les stations d’épuration. </p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969718300378?via%3Dihub">Grâce à sa structure poreuse</a>, le biochar a également la capacité de purifier les eaux pluviales en éliminant les polluants, évitant ainsi la contamination des sources d’eau naturelles. Depuis, d’autres villes, à l’instar de <a href="https://bloombergcities.medium.com/inspired-by-stockholms-success-a-u-s-city-goes-big-on-biochar-70e011ccf865">Minneapolis</a> ou <a href="https://www.aalto.fi/sites/g/files/flghsv161/files/2020-02/Carbon%20Lane%20Executive%20Summary.pdf">Helsinki</a>, ont adopté cette approche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uQlDnXiG4Oc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Minneapolis Biochar project.</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, l’utilisation du biochar s’avère prometteuse dans le <a href="https://horti-generation.com/fr/introduction-utilisation-potentielle-du-biochar-dans-lindustrie-horticole-et-lagriculture-urbaine/">domaine de l’agriculture urbaine</a>. Il peut être intégré dans les toitures végétalisées en tant que <a href="https://char-grow.com/biochar-green-roofs">substrat horticole durable</a>. Ces toits verts peuvent retenir l’eau de pluie et atténuer les effets des îlots de chaleur urbains. Ainsi, le biochar offre un potentiel important dans la gestion écologique des ressources et dans la promotion de pratiques durables en milieu urbain.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G_4iL18VHl8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Helsinki Biochar project.</span></figcaption>
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<h2>Le biochar dans les villes françaises</h2>
<p>Si le biochar reste peu connu en France, <a href="https://www.la-croix.com/environnement/promesses-biochar-charbon-vegetal-vertueux-2023-08-29-1201280539">certaines collectivités manifestent un intérêt</a> croissant pour son utilisation dans leurs aménagements urbains. Des municipalités telles que Pantin (Seine Saint Denis), Franconville (Val-d’Oise) et Le Hommet-d’Arthenay (Manche) l’emploient déjà. Le constat est positif : les plantes sont en bonne santé et les besoins en arrosage ont connu une réduction significative malgré des environnements très urbanisés et des conditions climatiques parfois rigoureuses.</p>
<p>La ville de Franconville, par exemple, rapporte que l’usage du biochar pour ses aménagements a largement atteint les objectifs fixés, contribuant ainsi à <a href="https://www.environnement-magazine.fr/eau/article/2023/03/28/143484/biochar-pour-regenerer-les-sols-urbains">l’embellissement de la commune</a>
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Bien que le respect des critères de qualité, de santé et de sécurité du <a href="https://www.european-biochar.org/en/ct/2-EBC-and-WBC-guidelines-documents">Certificat Européen du Biochar</a> élimine les risques liés à son utilisation, le manque de normalisation et de cadre politique en France limite cependant encore son intégration sur le marché. Par conséquent, la production reste faible et le prix du biochar demeure élevé en raison des coûts substantiels associés au processus de pyrolyse.</p>
<p>Par ailleurs, les projets phares menés en Suède et en Finlande ont démontré que l’impulsion et l’initiative devraient émaner du secteur public plutôt que d’attendre une prise de risque initiale du secteur privé, plus hésitant et fragile. De plus, pour favoriser le développement de la filière du biochar, l’approvisionnement en biomasse doit reposer sur des contrats à long terme entre les fournisseurs de ressources et les opérateurs de pyrolyse, garantissant ainsi une qualité constante et une quantité suffisante. Les déchets verts urbains représentent une ressource précieuse à cet égard.</p>
<p>Dans le cadre des <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/article/l-adaptation-au-changement-climatique">objectifs fixés en matière de changement climatique et d’adaptation des villes</a>, la reconstitution des fonctions biologiques et naturelles des sols anthropisés (encore peu développés voire souvent négligée) est un enjeu primordial pour les années à venir. Une des clés de cette reconstitution réside dans la réintroduction de l’eau issue des eaux pluviales dans les sols urbains desséchés Pour y arriver, cela nécessite de développer des infrastructures adaptées pour collecter, stocker et infiltrer cette eau. En ce sens, le <a href="https://www.reversecarbon.com/blog/ipcc-biochar-potential-to-remove-26-billion-tonnes-co2">recours au Biochar</a> en ville peut être justifié et représente une opportunité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">Comment les villes peuvent faire face au risque d’inondations, l’exemple de Grenoble</a>
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<p>Tous ces enjeux peuvent être surmontés grâce à des échanges constructifs entre diverses parties prenantes telles que les administrations municipales, les scientifiques, le secteur privé et les associations de gestion des eaux pluviales.Ces aspects font l’objet du projet <a href="https://cascade.nweurope.eu/">Interreg NWE CASCADE</a>, visant à rendre possible ces échanges, en introduisant des solutions de gestion durable du carbone dans 7 régions de l’Europe Nord-Ouest, en utilisant des chaînes de conversion de la biomasse en biochar et à créant des scénarios applicables et soutenables pour d’autres régions dont des solutions techniques intégrant le biochar ainsi que des bonnes pratiques pour la bonne gestion des eaux pluviales.</p>
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<p><em>Les auteurs tiennent à exprimer leur sincère gratitude envers M. Jean-Jacques Hérin, Président Association pour le développement Opérationnel et la Promotion des Techniques Alternatives en matière d’eaux pluviales : ADOPTA, pour avoir gracieusement consacré son temps et partagé ses connaissances lors de la relecture attentive de cet article. Ses précieux commentaires et suggestions ont grandement contribué à l’amélioration de ce travail.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lydia FRYDA a reçu des financements de l'Union Européenne dans le cadre de projets INTERREG NWE : THREEC, CAPCALL REDIRECT, CASCADE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdoulaye KANE a reçu des financements de l'Union Européenne dans le cadre de projets INTERREG NWE : THREEC, CAPCALL REDIRECT, CASCADE.</span></em></p>Afin de lutter contre les inondations, mais aussi contre la pollution des nappes phréatiques, l'utilisation du biochar présente de multiples intérêts.Lydia Fryda, Enseignante-chercheure en procédés transformation biomasse, UniLaSalleAbdoulaye KANE, Enseignant-Chercheur en Procédés durables | Directeur de l’Unité de Recherche Cyclann Unilasalle Rennes, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2047862023-09-19T13:49:55Z2023-09-19T13:49:55ZLa flexibilité cognitive est essentielle pour naviguer dans un monde en mutation. Voici comment votre cerveau apprend de nouvelles règles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531648/original/file-20230613-15-y6xoup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une classe de neurones inhibiteurs peut établir des connexions à longue distance entre les deux hémisphères du cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(kinbostanci/iStock via Getty Images Plus)</span></span></figcaption></figure><p>Dans un monde en constante évolution, la flexibilité et l’adaptation sont des qualités que l’on met en pratique tous les jours. Modifier des comportements familiers en réponse à de nouvelles situations, comme dans le cas d’un nouveau chantier qui vous oblige à changer d’itinéraire ou pour retrouver votre émission préférée après avoir téléchargé une nouvelle application de diffusion en continu, est une compétence essentielle.</p>
<p>Pour réaliser ces adaptations, votre cerveau modifie ses schémas d’activité au sein d’une structure appelée <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.neuro.24.1.167">cortex préfrontal</a>, une zone du cerveau essentielle pour les fonctions cognitives telles que l’attention, la planification et la prise de décision. Mais on ignore quels circuits précis « demandent » au cortex préfrontal d’actualiser ses schémas afin de modifier le comportement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i47_jiCsBMs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le cortex préfrontal du cerveau est responsable des fonctions exécutives telles que la maîtrise de soi et la prise de décision.</span></figcaption>
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<p>Notre équipe de <a href="https://scholar.google.com/citations?user=EYE8lYIAAAAJ&hl=en">neuroscientifiques</a>, étudie la manière dont le cerveau traite les informations et ce qui se passe lorsque cette fonction est altérée. Dans nos recherches récemment publiées, nous avons découvert une <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">catégorie particulière de neurones</a> dans le cortex préfrontal qui pourrait permettre une flexibilité du comportement et qui, lorsqu’ils présentent des dysfonctionnements, risquent de mener à des pathologies telles que la schizophrénie et les troubles bipolaires.</p>
<h2>Les neurones inhibiteurs et l’apprentissage de nouvelles règles</h2>
<p>Les <a href="https://www.brainfacts.org/brain-anatomy-and-function/cells-and-circuits/2021/how-inhibitory-neurons-shape-the-brains-code-100621">neurones inhibiteurs</a> atténuent l’activité d’autres neurones dans le cerveau. Jusqu’à présent, les chercheurs considéraient que ces neurones n’envoyaient leurs signaux électriques et chimiques qu’aux neurones situés à proximité. Cependant, nous avons découvert une catégorie particulière de neurones inhibiteurs dans le cortex préfrontal qui communiquent sur de longues distances avec ceux de l’hémisphère opposé du cerveau.</p>
<p>Nous nous sommes demandé si ces connexions inhibitrices à longue portée participaient à la coordination des changements dans les schémas d’activité des cortex préfrontaux gauche et droit. Ce faisant, ils pourraient fournir les signaux cruciaux qui vous aideraient à modifier votre comportement au bon moment.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image microscopique d’un interneurone" src="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les fluctuations de l’activité neuronale se manifestent sous forme d’ondes cérébrales ou d’oscillations neuronales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/G2ScFK">(NICHD/McBain Laboratory via Flickr)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Pour tester la fonction de ces connexions inhibitrices à longue portée, nous avons observé des souris effectuant une tâche qui leur exigeait d’apprendre une règle pour recevoir une récompense, puis de s’adapter à une nouvelle règle afin de continuer à recevoir la récompense. Cette tâche consistait pour les souris à creuser dans des bols pour y trouver de la nourriture cachée. Au départ, une odeur d’ail ou la présence de sable dans un bol peuvent indiquer l’emplacement de la nourriture cachée. L’indice caractéristique associé à la récompense change ensuite, ce qui oblige les souris à apprendre une nouvelle règle.</p>
<p>Nous avons découvert que la suppression des connexions inhibitrices à longue portée entre les cortex préfrontaux gauche et droit <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">provoquait chez les souris un blocage</a>, ou une persévérance, vis-à-vis d’une règle, et les empêchait d’en apprendre de nouvelles. Elles n’ont pas été capables de modifier leur stratégie et d’apprendre que l’ancien repère n’avait plus de sens et que le nouveau repère indiquait la présence de nourriture.</p>
<h2>Les ondes cérébrales et la flexibilité comportementale</h2>
<p>Nous avons également fait des découvertes surprenantes sur la manière dont ces connexions inhibitrices à longue portée créent une flexibilité comportementale. Plus précisément, elles synchronisent un ensemble d’« ondes cérébrales » appelées <a href="https://doi.org/10.1523/jneurosci.0990-16.2016">oscillations gamma</a> dans les deux hémisphères. Ce sont des fluctuations rythmiques de l’activité cérébrale qui se produisent environ 40 fois par seconde. Ces fluctuations peuvent être détectées pour de nombreuses fonctions cognitives, par exemple lorsque vous effectuez une tâche qui nécessite de garder des informations en mémoire ou de faire différents mouvements selon les informations affichées sur l’écran d’un ordinateur.</p>
<p>Bien que les scientifiques aient observé la présence d’oscillations gamma depuis plusieurs décennies, leur fonction est controversée. Beaucoup de chercheurs pensent que la synchronisation de ces fluctuations rythmiques dans diverses régions du cerveau n’a aucune utilité. D’autres ont émis l’hypothèse que cette synchronisation entre différentes régions du cerveau améliorait la communication entre ces régions.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gvpuOBezW0w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les fluctuations de l’activité neuronale se manifestent sous forme d’ondes cérébrales ou d’oscillations neuronales.</span></figcaption>
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<p>Nous avons trouvé un rôle potentiel complètement nouveau pour la synchronisation gamma. Lorsque les connexions inhibitrices à longue portée coordonnent les oscillations gamma dans les cortex préfrontaux gauche et droit, elles semblent également <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">ouvrir la communication entre eux</a>. </p>
<p>Quand les souris apprennent à ignorer une règle précédemment établie qui ne conduit plus à une récompense, ces connexions synchronisent les oscillations gamma et semblent empêcher un des hémisphères de maintenir des modèles d’activité inutiles dans l’autre hémisphère. En d’autres termes, les connexions inhibitrices à longue portée semblent éviter que les données provenant d’un hémisphère ne « se mettent en travers » de celles de l’autre hémisphère lorsque ce dernier essaie d’apprendre quelque chose de nouveau.</p>
<p>Par exemple, le cortex préfrontal gauche peut « remémorer » au cortex préfrontal droit votre itinéraire habituel pour vous rendre au travail. Mais lorsque des connexions inhibitrices à longue portée synchronisent ces deux zones, elles semblent également interrompre ces rappels, et permettre à de nouveaux schémas d’activité cérébrale correspondant à votre nouveau trajet de se mettre en place.</p>
<p>Enfin, ces connexions inhibitrices à longue portée <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">déclenchent aussi des effets durables</a>. En coupant ces connexions, ne serait-ce qu’une seule fois, les souris ont eu du mal à apprendre de nouvelles règles plusieurs jours plus tard. À l’inverse, la stimulation rythmique de ces connexions pour synchroniser artificiellement les oscillations gamma peut inverser ces déficits et rétablir un apprentissage normal.</p>
<h2>Flexibilité cognitive et schizophrénie</h2>
<p>Les connexions inhibitrices à longue portée jouent un rôle important dans la flexibilité cognitive. L’incapacité à mettre à jour de manière appropriée les règles apprises précédemment constitue une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16965182/">forme caractéristique de déficits cognitifs</a> dans les troubles psychiatriques tels que la schizophrénie et les maladies affectives bipolaires.</p>
<p>La recherche a également mis en évidence des <a href="https://doi.org/10.1523/jneurosci.0990-16.2016">déficiences dans la synchronisation gamma</a> et des anomalies dans une catégorie de neurones inhibiteurs préfrontaux, dont ceux que nous avons étudiés, chez les personnes souffrant de schizophrénie. Dans ce contexte, notre étude suggère que les traitements qui ciblent ces connexions inhibitrices à longue portée peuvent contribuer à améliorer la cognition chez les individus atteints de schizophrénie en synchronisant les oscillations gamma.</p>
<p>De nombreux détails sur la manière dont ces connexions affectent les circuits cérébraux demeurent inconnus. Par exemple, nous ne savons pas exactement quelles cellules du cortex préfrontal reçoivent des informations de ces connexions inhibitrices à longue portée et modifient leurs schémas d’activité pour apprendre de nouvelles règles. Nous ignorons également s’il existe des voies moléculaires particulières qui produisent des changements durables dans l’activité neuronale. </p>
<p>La réponse à ces questions pourrait dévoiler la façon dont le cerveau passe avec souplesse de la conservation à la mise à jour d’informations anciennes, et conduire éventuellement à de nouveaux traitements de la schizophrénie et d’autres maladies psychiatriques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204786/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vikaas Sohal est financé par les National Institutes of Health, la Simons Foundation Autism Research Initiative, le UCSF Dolby Family Center for Mood Disorders et le Bay Area Psychedelic Research consortium.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kathleen Cho est financé par les National Institutes of Health, la Simons Foundation Autism Research Initiative, le UCSF Dolby Family Center for Mood Disorders et le Bay Area Psychedelic Research consortium.</span></em></p>Une meilleure compréhension des circuits cérébraux intervenant dans l’adaptation comportementale pourrait déboucher sur de nouvelles méthodes de traitement de plusieurs maladies, dont la schizophrénie.Vikaas Sohal, Professor of Psychiatry, University of California, San FranciscoKathleen Cho, Principal Investigator in Neuroscience, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2088852023-07-05T17:31:43Z2023-07-05T17:31:43ZSport, fatigue et canicule… Comment bien gérer ce trio potentiellement dangereux ?<p>Ça y est, nous avons connu les premières fortes chaleurs de l’année. Sans surprise, <a href="https://meteofrance.fr/actualite/publications/les-tendances-climatiques-trois-mois">d’après les prévisions de Météo-France</a>, d’autres, plus longues et plus fortes, nous attendent encore cet été. Certains essayent de s’y préparer psychologiquement… Mais qu’en est-il physiquement ?</p>
<p>Attention, ici il n’est pas question du fameux « summer body », ni de méthode pour avoir des transverses saillants sur la plage. C’est trop tard pour cela… mais il est encore temps de se préparer physiologiquement aux vagues de chaleur à venir. Si vous souhaitez continuer votre activité physique favorite pour garder la forme même en période de forte chaleur, sachez que c’est possible avec une bonne préparation et quelques précautions !</p>
<p>Même si leurs efficacités fluctuent en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-hommes-et-femmes-ne-sont-jamais-daccord-sur-la-temperature-ideale-71206">fonction des sexes</a> et des individus, nous possédons tous des <a href="https://theconversation.com/37-c-ete-comme-hiver-lenigme-de-notre-temperature-corporelle-163149">mécanismes de « thermorégulation » (contrôle de notre température corporelle)</a> afin de conserver le sacro-saint 37 °C :</p>
<ul>
<li><p>Pour <a href="https://theconversation.com/hypothermie-que-se-passe-t-il-quand-notre-corps-perd-la-bataille-du-froid-195886">lutter contre le froid</a>, nous pouvons bien sûr nous couvrir. Mais la principale stratégie de notre corps est le frisson. La contraction musculaire n’ayant qu’un rendement d’environ 25 %, beaucoup d’énergie est dissipée sous forme de chaleur…</p></li>
<li><p>Pour lutter contre le chaud, c’est entre autres l’évaporation de notre sueur qui permet de refroidir la peau. Par conduction, le sang circulant dans cette région cutanée se rafraîchit et revient moins chaud au cœur.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lesquels-de-nos-organes-sont-les-plus-menaces-par-la-canicule-119563">Lesquels de nos organes sont les plus menacés par la canicule ?</a>
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<p>Lorsque ces mécanismes de thermorégulation ne sont pas suffisants, la température corporelle change : si elle diminue trop, on parle d’hypothermie, et dans le cas contraire, d’hyperthermie. Les conséquences ne sont pas du tout les mêmes… Alors que le <a href="https://sjtrem.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13049-016-0210-y/tables/1">corps peut résister à une baisse de 9 °C de sa température</a> (hypothermie stade 2) sans risque majeur, une <a href="https://meridian.allenpress.com/aplm/article/130/9/1297/459980/Hypothermia-and-Hyperthermia-Medicolegal">hausse de seulement 3 °C</a> (température >40 °C) peut entraîner des <a href="https://theconversation.com/lesquels-de-nos-organes-sont-les-plus-menaces-par-la-canicule-119563">dommages irréversibles au niveau des organes</a>.</p>
<p>D’où les <a href="https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-climatiques/article/les-recommandations-pour-les-populations-en-cas-de-chaleur">messages de préventions et les recommandations</a> du ministère de la Santé lors des vagues de chaleur. Mais comment s’y préparer ? Comment aider notre corps à s’acclimater au mieux à ces fortes chaleurs ?</p>
<h2>Fatigue et stress thermique : des conséquences multiples</h2>
<p>Il convient de préciser que le stress thermique est lié à plusieurs phénomènes, interne et externe. À la production de chaleur libérée lors des contractions musculaires se combinent en effet :</p>
<ul>
<li><p>La température de notre environnement,</p></li>
<li><p>L’<a href="https://theconversation.com/avec-le-rechauffement-climatique-letre-humain-va-atteindre-ses-limites-de-resistance-a-la-chaleur-169882">humidité qui limite l’évaporation de la sueur</a>, et donc notre faculté de thermorégulation, au-delà d’un certain seuil ;</p></li>
<li><p>La vitesse du vent qui impacte la capacité de notre sueur à s’évaporer.</p></li>
<li><p>Les radiations du soleil qui viennent réchauffer notre peau.</p></li>
</ul>
<p>Ces paramètres sont utilisés pour quantifier le stress thermique d’un environnement via le calcul de l’<a href="https://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-171.pdf#page=9">indice « wet bulb globe temperature »</a> (température au thermomètre-globe mouillé).</p>
<p>Cette chaleur, on l’a vu, est difficile à supporter pour notre corps. Elle nous épuise, littéralement, de plusieurs façons et il est important de comprendre comment.</p>
<p>Toute activité est à double sens : notre cerveau commande nos muscles, et nos muscles informent notre cerveau de leur état physiologique. Aussi, la <a href="https://theconversation.com/la-fatigue-un-phenomene-psychophysiologique-normalement-sous-controle-190702">fatigue suite à un effort</a> est un phénomène à la fois d’<a href="https://perspectivesinmedicine.cshlp.org/content/8/7/a029728.full.pdf">origine centrale et périphérique</a> : soit, respectivement, au niveau de la moelle épinière ou plus (spinal ou supra-spinal) – elle va altérer la capacité du système nerveux à activer correctement nos muscles ; et au niveau des fibres musculaires – elle va limiter leur capacité à se contracter de manière intense.</p>
<p>L’augmentation de notre température corporelle conduit ainsi à une apparition prématurée de la fatigue d’origine centrale et à une <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1002605">altération de nos performances physiques et cognitives</a> (réflexion, résolution de tâches diverses, etc.).</p>
<h2>Activité physique et stress thermique : les idées reçues</h2>
<p>On entend souvent qu’il faut éviter l’exercice physique lorsque la température extérieure dépasse les 32 °C. Or nous venons de voir que le stress thermique ne dépend pas uniquement de la valeur indiquée sur le thermomètre : les risques associés dépendent principalement de l’<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fspor.2019.00059/full">intensité de l’activité réalisée</a>.</p>
<p>En effet, lors d’un exercice, la production de température interne est déterminée par le travail de nos muscles : elle est donc proportionnelle à l’intensité de l’effort fourni. En d’autres termes, continuer de courir sous un stress thermique élevé est possible… si nous diminuons notre vitesse de course.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-quun-coup-de-chaleur-le-reconnaitre-et-sen-premunir-186871">Qu’est-ce qu’un coup de chaleur ? (Le reconnaître et s'en prémunir)</a>
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<p>Une autre erreur est de penser que seules les personnes fragiles (enfants et personnes âgées notamment) sont vulnérables aux <a href="https://theconversation.com/quest-ce-quun-coup-de-chaleur-le-reconnaitre-et-sen-premunir-186871">coups de chaleur</a>. En fait, de multiples facteurs déterminent ce risque. Même individuellement, un niveau de stress thermique peut être supporté une fois et nous submerger à une autre occasion (selon notre fatigue, etc.) : sa <a href="https://theconversation.com/canicule-sactiver-et-mourir-de-chaud-119629">survenue est variable</a> !</p>
<p>Rester vigilant est donc primordial. Comme bien se préparer.</p>
<h2>Comment s’adapter ?</h2>
<p>Il est possible de <a href="https://theconversation.com/six-conseils-pour-eviter-le-coup-de-chaleur-en-sentrainant-120403">continuer de s’entraîner tout en évitant le coup de chaleur</a>. Une approche clef est notamment de se laisser le temps de s’acclimater à la chaleur, d’y aller progressivement.</p>
<p>Exposé à un stress thermique de manière continue, <a href="https://www.thieme-connect.com/products/ejournals/abstract/10.1055/s-2007-971985">notre corps s’acclimate en une dizaine de jours</a> grâce à diverses adaptations physiologiques. La fréquence cardiaque et la température corporelle, au repos comme à l’exercice, diminuent, le volume plasmatique (part d’eau dans notre sang) augmente. Nous transpirons donc davantage et évacuons mieux la chaleur.</p>
<p>De nombreux athlètes utilisent des stratégies de préacclimatation : ils vont solliciter en amont leurs mécanismes physiologiques d’acclimatation naturelle au stress thermique. C’est le cas par exemple de sportifs désirant se préparer au <a href="https://www.marathondessables.com/fr">Marathon des Sables</a>, 240 km à boucler en cinq jours dans le désert du Sahara au Maroc, où les températures avoisinent les 50 °C. Cette course est considérée comme la plus difficile qui soit.</p>
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<p>Les stratégies sont diverses et variées : en chambre chaude, en sauna, en immersion en bain chaud, etc. Le point commun de toutes ces méthodes est de se confronter régulièrement au stress thermique pour que l’organisme s’adapte.</p>
<p>Pour être efficace, elles doivent suivre <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jhes/4/1/4_1_11/_pdf">plusieurs recommandations</a> : choisir les conditions climatiques (température et humidité) auxquelles la personne sera confrontée, avoir une augmentation de la température corporelle lors des séances d’au moins 1 °C (qui soit supérieure à 38,5 °C mais inférieur à 39,7 °C), conserver cette augmentation pendant au moins une heure et réaliser cela pendant au minimum six jours consécutifs.</p>
<p>Mais l’accès aux infrastructures permettant de simuler ce stress thermique n’est pas forcément évident. Il est toutefois possible de se préparer chez soi.</p>
<h2>Une méthode simple : l’immersion en bain chaud après exercice</h2>
<p>Nous travaillons actuellement sur une méthode d’acclimatation simple, qui ne nécessite pas d’infrastructure reproduisant le stress thermique puisqu’elle implique seulement de prendre un bain chaud post-exercice :</p>
<ul>
<li><p>Réaliser un footing de 40 minutes à allure modérée, en ambiance thermique neutre (~20-25 °C), ce qui élève en moyenne la température de l’organisme autour de 38,5 °C.</p></li>
<li><p>Après cet exercice, se plonger dans un bain à 40 °C, pendant 40 minutes, permet de maintenir sa température corporelle au-delà du seuil de 38,5 °C. Attention à ne pas dépasser les 40 °C, qui peuvent être dangereux. Un suivi par des professionnels lors de ses premiers essais d’acclimatation est fortement conseillé.</p></li>
<li><p>Reproduire cette séquence de footing – bain chaud six jours de suite pour <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphys.2018.01824/full?&utm_source=Email_to_authors_&utm_medium=Email&utm_content=T1_11.5e1_author&utm_campaign=Email_publication&field=&journalName=Frontiers_in_Physiology&id=434421">bénéficier de toutes les adaptations physiologiques de l’acclimatation naturelle</a>.</p></li>
</ul>
<p>Nos recherches ont démontré que cette méthode permet également de diminuer la fatigue d’origine centrale initialement exacerbée lors d’un exercice sous stress thermique, et de diminuer l’impact sur les performances cognitives.</p>
<p>Cette méthode, simple à mettre en place, pourrait permettre d’anticiper les adaptations physiologiques de l’acclimatation naturelle avant l’arrivée des fortes chaleurs, de se préparer à un effort physique dans un pays chaud avant le déplacement (compétition sportive dans un pays chaud ou voyage en plein été avec randonnée au programme) ou, encore, de préparer les populations militaires au stress thermique avant déploiement.</p>
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<figcaption><span class="caption">La méthode d’adaptation appliquée aux populations militaires expliquée en trois minutes.</span></figcaption>
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<p>In fine, en adoptant des stratégies de préacclimatation, il est possible de se préparer efficacement au stress thermique. On repousse ainsi l’apparition de la fatigue d’origine centrale et préserve nos capacités physiques et cognitives. Toutefois, il est parfois difficile d’anticiper le stress thermique (manque d’information, de prévisions fines ou départ imprévu)…</p>
<p>Surtout, nos capacités d’acclimatation (et donc de préparation) sont limitées : sauna comme bains chauds ne suffiront pas si nous devons faire face à des épisodes de chaleur de 45 °C. Pour notre propre santé, il faudrait donc également travailler à limiter la production de chaleur environnementale et les hausses de température.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Di Domenico est également co-président de l’association Chambéry Escalade depuis 2018 (et de son axe recherche en accompagnement de la performance).
Ses recherches ont reçu le financement de l’Agence de l’Innovation de Défense du Ministère des Armées, et ont été réalisées en collaboration avec l’Université de Brighton (UK).</span></em></p>Continuer à s’entraîner par de fortes chaleurs est un dilemme que connaissent tous les sportifs. Voilà ce qu’il faut savoir pour le faire en sécurité, et comment se préparer simplement.Hervé Di Domenico, Doctorant sciences du sport, Laboratoire Inter-universitaire de Biologie de la Motricité, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966242023-06-07T15:21:52Z2023-06-07T15:21:52ZLes effets invisibles des activités humaines sur la nature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508427/original/file-20230206-29-7cs1ui.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4608%2C3373&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lac entourant un site minier au Nord-du-Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les discussions tenues lors de la récente COP15 ont permis, encore une fois, de mettre en lumière les <a href="https://naturequebec.org/finalement-une-bonne-ou-une-bad-cop-la-cop15/">conséquences des activités humaines sur la faune et la flore</a>. De nombreuses espèces sont <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.158038">forcées de migrer</a>, <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/blog/2019/05/nature-decline-unprecedented-report/">voient leurs populations décliner, ou, pire, sont en voie d’extinction</a>. Par exemple, les populations de caribou forestier (<em>Rangifer tarandus</em>) sont en déclin en <a href="https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/species-risk-public-registry/cosewic-assessments-status-reports/caribou-specific-populations-2014/part-2.html">raison de la dégradation de leurs habitats par les coupes forestières</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<p>Cependant, les conséquences des activités humaines ne sont pas toujours visibles. Avant d’être poussées au déclin, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-294X.2007.03484.x">certaines espèces peuvent s’adapter aux perturbations de leur habitat</a>, mais jusqu’à un certain point. C’est notamment le cas des plantes, qui n’ont pas l’option d’éviter les perturbations de leur environnement en se déplaçant, et doivent donc subir les conséquences des activités humaines. </p>
<p>Nos travaux en écologie forestière, réalisés à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), nous permettent de faire la démonstration des effets invisibles des activités humaines sur la flore boréale. </p>
<h2>S’adapter, mais pas sans conséquences…</h2>
<p>La capacité d’adaptation des plantes est une arme à double tranchant. D’un côté, elle permet de retarder le déclin des populations dû aux activités humaines. De l’autre, elle peut nous conduire à sous-estimer les conséquences des activités humaines sur l’environnement. Ni vu, ni connu !</p>
<p>Lorsqu’une espèce s’adapte aux perturbations de son habitat, ses propriétés nutritionnelles et médicinales peuvent changer. En effet, les plantes produisent des composés chimiques en réaction aux perturbations de leur habitat. <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/rapports-publications/salubrite-aliments/glyco-alcaloides-aliments.html">Certains de ces composés peuvent avoir des effets nocifs sur la santé des personnes qui consomment les plantes</a>. Les toxines contenues dans les graines de <a href="https://m.espacepourlavie.ca/flore-biodome/if-du-canada-buis-de-sapin-sapin-trainard">l’if du Canada</a> et dans les feuilles du <a href="https://espacepourlavie.ca/flore-biodome/kalmia-feuilles-etroites">kalmia à feuilles étroites</a> en sont de bons exemples en forêt boréale.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.jarmap.2018.11.004">D’autres composés sont, au contraire, recherchés pour leurs vertus sur la santé humaine</a>. Par exemple, les antioxydants, très prisés dans l’alimentation pour leurs effets bénéfiques sur la santé, ont comme fonction première de <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-10-5254-5_1">protéger les plantes du soleil et de divers polluants</a>. On peut penser par exemple aux <a href="http://www5.agr.gc.ca/resources/prod/doc/misb/fb-ba/nutra/pdf/polyphenols_fra.pdf">polyphénols contenus dans certains petits fruits de la forêt boréale, comme le bleuet et la canneberge</a>.</p>
<h2>… en particulier pour les communautés autochtones</h2>
<p>Les personnes dont l’alimentation est constituée de plantes sauvages sont particulièrement touchées par les changements de composition chimique induits par leur adaptation aux perturbations. C’est le cas des communautés autochtones, qui <a href="https://mackiki.uqat.ca/index.php">cueillent des dizaines d’espèces sur leurs territoires traditionnels pour usages alimentaires et médicinaux</a>.</p>
<p>Pour étudier les conséquences de l’adaptation des plantes sur leurs propriétés chimiques, nous avons réalisé un projet en partenariat avec trois communautés autochtones du nord-ouest du Québec. Les membres de ces communautés nous ont suggéré de travailler sur le <a href="https://espacepourlavie.ca/flore-biodome/du-labrador-ledon-du-groenland">thé du Labrador</a>, en raison de son importance culturelle pour la consommation et de ses usages médicinaux. Les feuilles du thé du Labrador sont <a href="https://doi.org/10.1186/1746-4269-8-7">utilisées sous forme d’infusion pour traiter de nombreux maux, tels que l’arthrose, le diabète ou les problèmes rénaux</a>. <a href="https://doi.org/10.1016/j.jep.2015.12.021">Ces vertus sont attribuables à des antioxydants</a> présents en <a href="https://doi.org/10.1002/pca.1203">grande quantité dans les feuilles de thé du Labrador</a> : les flavonoïdes.</p>
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<img alt="Plants de thé du Labrador en forêt" src="https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le thé du Labrador est une plante de sous-bois, de 30 à 120 cm de hauteur. Elle se trouve dans les environnements forestiers humides au Canada et dans le Nord des États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des perturbations aux effets contrastés</h2>
<p>Les membres des communautés rencontrées nous ont fait part de leurs inquiétudes concernant les conséquences de deux perturbations humaines sur leurs territoires : le passage de lignes de transport hydroélectrique, et l’exploitation de sites miniers. Les lignes de transport hydroélectrique provoquent une ouverture artificielle de la forêt, qui surexpose les plantes au soleil. Les sites miniers <a href="https://doi.org/10.1007/s11157-017-9453-y">génèrent quant à eux une pollution aux métaux lourds</a>. Dans les deux cas, le <a href="https://doi.org/10.1155/2013/162750">thé du Labrador s’adapte en produisant des flavonoïdes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Plants de thé du Labrador sous une ligne de transport hydroélectrique" src="https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les plantes sous les lignes hydroélectriques sont bien plus exposées au soleil que dans la forêt avoisinante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après avoir analysé la composition chimique de plants de thé du Labrador échantillonnés sur les territoires des trois communautés autochtones, nous avons trouvé un effet contrasté des perturbations humaines. D’un côté, les plantes sous les lignes de transport hydroélectrique produisaient davantage de flavonoïdes pour se protéger du soleil. De l’autre côté, les plantes près des sites miniers produisaient moins de flavonoïdes, en raison d’une dégradation de leur métabolisme par les métaux lourds.</p>
<p>Avant de conclure hâtivement que les plantes sous les lignes de transport hydroélectrique sont meilleures pour la santé, il faut prendre d’autres facteurs en considération. Par exemple, des produits chimiques potentiellement néfastes pour la santé humaine peuvent être utilisés pour entretenir les lignes de transport hydroélectrique, tels que le <a href="https://doi.org/10.1093/annhyg/meh106">triclopyr</a> ou le <a href="https://ici.radio-canada.ca/tele/la-semaine-verte/site/segments/reportage/142159/capsule-chiffree-glyphosate-foresterie">glyphosate</a>.</p>
<p>L’analyse des flavonoïdes ne fournit qu’une partie de l’histoire, et d’autres analyses, notamment sur la teneur en polluants des plantes, doivent être réalisées pour avoir un portrait complet des effets des perturbations sur les propriétés des plantes.</p>
<p>La biodiversité est importante pour le fonctionnement des écosystèmes, et aussi pour les services qu’elle rend aux humains. Les peuples autochtones <a href="https://theconversation.com/les-savoirs-autochtones-pourraient-ils-nous-aider-a-affronter-les-prochaines-pandemies-135022">possèdent des connaissances pointues sur les plantes et leur environnement</a>, qu’on aurait avantage à valoriser. </p>
<p>Les perturbations humaines affectent à la fois les plantes, les bénéfices qu’elles fournissent et les savoirs autochtones qui en dépendent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196624/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les activités humaines peuvent affecter les plantes, ce qui a des conséquences pour les populations humaines qui les consomment.Maxime Thomas, Doctorant en sciences de l'environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Hugo Asselin, Professeur titulaire, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Mebarek Lamara, Professeur, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Nicole Fenton, Professeure, écologie végétale/Professor, plant ecology, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998232023-06-01T16:18:16Z2023-06-01T16:18:16ZPourquoi une souris doit manger plus qu’un éléphant (proportionnellement)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529763/original/file-20230602-29-p8li4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4592%2C3444&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus un mammifère est petit, plus il doit produire de la chaleur pour compenser les déperditions. Et donc manger beaucoup !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/oJdMRtJwCCg">Benjamin Lecomte / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En biologie, la taille, ça compte ! Être un animal de plusieurs tonnes ou un animal de quelques grammes définit bon nombre de traits biologiques d’une espèce : ses prédateurs, ses proies potentielles, le nombre de petits, la quantité de nourriture ingérée, etc. </p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/why-are-bigger-animals-more-energy-efficient-a-new-answer-to-a-centuries-old-biological-puzzle-188724">masse corporelle</a> influence ainsi l’ensemble des processus et des structures biologiques, de l’échelle cellulaire jusqu’aux dynamiques des populations. Notamment, elle joue un rôle important dans l’adaptation à la température extérieure, mais aussi dans la production interne de chaleur. Le métabolisme des petits animaux est ainsi plus actif et plus adaptable que celui des gros animaux.</p>
<h2>Quelle relation entre la masse corporelle et la température extérieure ?</h2>
<p>D’un point de vue énergétique, s’il est facile de comprendre que de gros mammifères consomment plus d’aliments et d’oxygène que les petits, il est surprenant de constater que cette relation s’inverse quand on divise ces flux par la masse de l’animal. En d’autres termes, même si une souris mange moins qu’un éléphant, 1 gramme de souris nécessite plus d’énergie que 1 gramme d’éléphant pour fonctionner. </p>
<p>Cela est dû au fait que le métabolisme (qui représente l’ensemble des réactions chimiques au sein d’un organisme) augmente moins vite que la masse : on parle d’une relation allométrique entre ces deux composants.</p>
<p>Ces différences de métabolisme sont en partie attribuées aux différences de rapport entre la surface du corps et le volume du corps (rapport S/V).</p>
<p>La surface évoluant moins rapidement que le volume corporel, cela induit chez les espèces de petite taille une surface de contact avec l’air importante par rapport à leur volume (et donc un rapport S/V élevé). Cela se traduit par des pertes de chaleur élevées, qu’elles doivent compenser par une forte activité métabolique. </p>
<p>À l’inverse, les mammifères de grande taille ont un rapport S/V plus faible : ils gardent donc plus facilement leur chaleur corporelle et peuvent de plus stocker davantage d’énergie <a href="https://theconversation.com/pilosite-graisse-hibernation-toutes-les-techniques-de-notre-corps-pour-resister-au-froid-195229">sous forme de graisse</a>. Ils sont donc avantagés dans les milieux froids, polaires ou montagnards. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Ours polaire assis sur la glace, semblant faire coucou à la caméra" src="https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525940/original/file-20230512-20-u0x3xn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vivant dans un environnement froid, les ours polaires sont parmi les plus massifs des ursidés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/qQWV91TTBrE">Hans-Jurgen Mager/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette tendance générale chez les mammifères à observer des espèces plus grandes dans des milieux froids que dans les milieux plus chauds est regroupée sous la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12858287/">règle écologique dite de Bergman</a>. Par exemple, un ours polaire peut dépasser les 700 kg, alors que l’ours lippu (qui vit dans les chaudes régions tropicales asiatiques) ne dépasse pas 140 kg. </p>
<h2>Le rôle des mitochondries</h2>
<p>Au cœur des processus métaboliques se trouvent les <a href="https://theconversation.com/images-de-science-la-dynamique-des-mitochondries-eclairee-par-la-microscopie-a-fluorescence-166361">mitochondries</a>. Ces organites sont présents au sein des cellules, et produisent des molécules riches en énergie (principalement de l’Adénosine Triphosphate, ou ATP) qui permettent d’assurer toutes les fonctions cellulaires. En termes de quantité, un homme adulte de 70 kg produit aux alentours de 70 kg d’ATP par 24h.</p>
<p>La production d’ATP est effectuée grâce à un groupe particulier de protéines mitochondriales, appelé chaîne respiratoire. Certaines de ces protéines utilisent les produits de notre digestion (sucres, lipides…), et la dernière de la chaîne consomme de l’oxygène. C’est donc pour que nos mitochondries puissent produire de l’ATP que nous mangeons et respirons.</p>
<p>Or, ce processus n’est pas particulièrement efficace : seuls 40 % de l’énergie est stockée au sein de l’ATP, le reste étant libéré sous forme de chaleur. Les mitochondries sont donc des véritables fournaises microscopiques, qui libèrent inévitablement de la chaleur comme sous-produit de ses réactions. Cela contribue au réchauffement corporel, en particulier chez les organismes endothermes (c’est-à-dire qui produisent de la chaleur grâce à leur métabolisme interne), comme les oiseaux et les mammifères.</p>
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<p>À ces échelles cellulaires et subcellulaires, l’influence de la masse corporelle sur le métabolisme cellulaire est toujours significative. Ainsi, comme pour le reste des flux métaboliques, la respiration des cellules est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7503313/">corrélée négativement</a> avec la masse corporelle chez les mammifères : les cellules des grands animaux consomment moins d’oxygène que celles des petits mammifères. </p>
<p>Cette consommation moindre pourrait être expliquée par trois raisons : une diminution de la taille des cellules, une diminution du nombre de mitochondries, ou une diminution de l’activité des mitochondries. Or, étant donné que ni la taille des cellules ni le nombre de mitochondries ne varient en fonction de la masse corporelle, cette diminution de la consommation d’oxygène ne peut s’expliquer que par une activité mitochondriale plus faible. </p>
<p>Pour résumer, les grandes espèces ont une activité mitochondriale plus faible que les petites espèces. Et les petits animaux, quant à eux, ont une activité mitochondriale importante, ce qui explique leur fort taux métabolique par unité de masse.</p>
<h2>Quelle relation entre la masse corporelle et la production de chaleur ?</h2>
<p>Les petits mammifères ont donc des mitochondries plus actives. Mais <em>quid</em> de l’efficacité (c’est-à-dire la production d’énergie stockée sous forme d’ATP et non émise sous forme de chaleur) de ces mitochondries ? </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un colibri en vol en train de butiner une fleur" src="https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525939/original/file-20230512-19-qscfel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les colibris ont un métabolisme très actif, leur permettant de compenser les pertes de chaleur dues à leur faible poids.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/hjmED1qivmc">James Wainscoat/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On comprend assez aisément qu’il existe un compromis entre flux et efficacité. Prenez votre voiture : elle consomme plus d’essence à 150km/h qu’à 80km/h pour une même distance parcourue. Comprendre les performances d’une voiture nécessite ainsi de connaître son flux (la consommation d’essence du moteur), mais aussi son efficacité (le nombre de kilomètres qu’elle peut parcourir).</p>
<p>Pour revenir à nos mammifères, une augmentation du flux des mitochondries (c’est-à-dire de leur activité respiratoire) diminue leur efficacité (moins de production d’ATP) et augmente la production de chaleur. On s’attendrait donc à avoir des mitochondries moins efficaces chez les petites espèces de mammifères comparées aux grandes. </p>
<p>Pour le savoir, il faut calculer la quantité d’ATP produite par unité d’oxygène consommée : l’ATP/O. En comparant <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2019.1693">l’effet de la masse corporelle sur l’ATP/O mitochondrial</a> du muscle squelettique chez 12 espèces de mammifères allant de 6 g à 550 kg, Mélanie Boël, Damien Roussel et moi-même avons montré 1) que l’ATP/O était dépendant de la masse corporelle, mais 2) que cette dépendance est variable en fonction de l’intensité métabolique.</p>
<p>En effet, l’efficacité mitochondriale dépend positivement de la masse corporelle (plus l’animal est grand, moins ses mitochondries sont actives, plus elles sont efficaces) lorsque les mitochondries sont proches du taux métabolique basal (animal au repos, en sommeil…). En revanche, elle est indépendante de la masse corporelle au taux métabolique maximal (animal en mouvement). En conséquence, il s’ensuit que les grands mammifères présentent une augmentation dynamique plus rapide de l’ATP/O que les petites espèces, lorsque les mitochondries passent des activités basales aux activités maximales.</p>
<p>Cela signifie que les espèces de petite taille, sujettes aux pertes de chaleurs à cause de leur surface/volume désavantageux, possèdent des mitochondries à l’efficacité plus flexible que les grands animaux. Cela leur permet de faire fonctionner leurs mitochondries de façon à privilégier la production de chaleur (au détriment de la production d’ATP, et donc d’énergie) quand ils sont eu repos (et consomment donc peu d’oxygène). À l’inverse, leurs mitochondries augmentent leur efficacité de production d’ATP lorsque l’animal est actif (et consomme donc beaucoup d’oxygène). Pour les animaux de grandes tailles, le besoin de production de chaleur est moindre au repos, car ils conservent mieux leur chaleur grâce à leur rapport surface/volume faible et réduisent ainsi leurs besoins énergétiques.</p>
<p>Les mitochondries des muscles squelettiques des petits mammifères participeraient donc au maintien de leur température corporelle élevée au repos en diminuant leur efficacité (beaucoup d’oxygène consommé, peu d’ATP produite et beaucoup de chaleur libérée), et seraient aussi efficaces que les mitochondries des grands mammifères lors des périodes d’activités afin de fournir assez d’ATP.</p>
<p>Une question se pose alors pour les quelques très très petits mammifères (type musaraignes ou souris pygmées, qui ne dépassent pas 5-6 grammes à l’âge adulte). Ces espèces ont un métabolisme extrêmement élevé par grammes de tissus et doivent produire beaucoup de chaleur ; or, rendre les mitochondries inefficaces impliquerait une prise de nourriture quasi constante, ce qui est impossible. Dans ce cas, comment ces quelques espèces réussissent-elles à maintenir leur température corporelle constante ? La question reste ouverte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Voituron a reçu des financements du CNRS et de l'Université Claude Bernard Lyon 1. </span></em></p>La masse corporelle des animaux a une énorme influence sur leur biologie ; elle participe notamment à la production de chaleur corporelle et à l’adaptation à la température extérieure.Yann Voituron, Enseignant-chercheur en physiologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030932023-05-31T16:21:34Z2023-05-31T16:21:34ZChangement climatique : la diversité génétique à l’origine de l’adaptation des arbres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519937/original/file-20230407-217-21m4xw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les arbres font parfois preuve d'une résilience étonnante face aux changements climatiques, grâce à leur très grande diversité génétique. Une illustration de leur diversité est la grande variation de leur stade de développement au printemps lors de la reprise de la végétation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Marc Louvet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’accélération des effets du changement climatique et son lot d’aléas extrêmes (canicules, tempêtes, incendies, orages de grêles…), combinés à l’arrivée de nouvelles maladies et insectes ravageurs, représentent de vraies sources d’incertitudes et donc d’inquiétudes <a href="https://theconversation.com/comment-le-changement-climatique-va-redessiner-les-forets-51454">sur l’avenir de nos forêts</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises">récent bilan de santé des forêts françaises</a>, l’IGN faisait état d’une augmentation de 30 % du stock d’arbres de moins de 5 ans morts sur pied, c’est-à-dire d’arbres debout qui ne présentent plus aucun signe de vie. Ces dépérissements sont observés à l’échelle <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-21399-7">européenne</a> et même <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-29289-2">mondiale</a>.</p>
<p>Une question majeure émerge alors : les espèces d’arbres seront-elles en mesure de s’adapter à ces nouvelles menaces ?</p>
<p>Avant d’étudier ce point plus en détail, il est opportun de rappeler que les dépérissements antérieurs, <a href="https://hal.science/hal-03423759/document">documentés notamment chez les chênes</a>, ont rarement abouti à des extinctions locales de peuplement, ce qui témoigne implicitement des capacités d’adaptation des chênes.</p>
<h2>Le Graal de la valeur adaptative</h2>
<p>La plupart des forêts actuelles <a href="https://theconversation.com/comment-les-forets-tropicales-parviennent-a-se-regenerer-rapidement-175535">se reconstituent par régénération naturelle</a>, c’est-à-dire que le renouvellement est effectué par les graines produites par les arbres avant leur mort naturelle ou leur abattage.</p>
<p>Avant de devenir un majestueux spécimen, un arbre a été une simple graine, parmi des centaines de milliers d’autres. Pourquoi cette graine est-elle devenue un arbre adulte alors que d’autres n’ont pas survécu ?</p>
<p>Une réponse tangible à cette question est que cet individu a pris le dessus sur les autres, par une meilleure croissance vers la lumière, ou par une meilleure résistance aux maladies fongiques et insectes ravageurs, et sans doute aussi parce qu’il a eu beaucoup de chance. Toujours est-il que la sélection naturelle a fait son œuvre : elle a éliminé les individus les moins adaptés, parmi un très grand nombre de candidats.</p>
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<img alt="Parcelle forestière en cours de renouvellement, vue depuis un champ" src="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le renouvellement des peuplements se fait dans de très nombreux cas par le croisement au hasard d’arbres maintenus comme semenciers. Ce brassage entre de nombreux parents garantit une diversité génétique élevée dans la population de graines issues de la régénération.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une réponse moins perceptible est que les arbres possèdent une grande <a href="https://theconversation.com/proteger-la-diversite-genetique-pour-mieux-faire-face-a-ladversite-180917">diversité génétique</a>. Or, la capacité d’adaptation d’une population est fortement dépendante de ce niveau de diversité génétique (qui varie selon deux composantes principales, le taux de mutation et le nombre d’individus de la population). Chaque variation de l’ADN provient d’une mutation qui est apparue à un moment donné chez un arbre, puis a été transmise à un ou plusieurs descendants génération après génération, et ensuite disséminée par flux de pollen. La diversité génétique est donc façonnée sur le temps long, sur des centaines de milliers, voire des millions d’années d’évolution.</p>
<p>C’est sur la base de cette diversité que les individus les plus adaptés sont sélectionnés. La propagation de cette diversité à la génération suivante reste donc un point crucial. D’un point de vue de la gestion forestière, cela consiste à laisser un nombre d’arbres (appelés « semenciers ») suffisamment important pour produire le pollen et les ovules de la génération suivante et ainsi garantir cette transmission de la diversité.</p>
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<p>Pour illustrer combien cette diversité est grande chez les arbres, remarquons que deux glands de chêne d’une même parcelle diffèrent par environ 7 millions de différences génétiques simples dans leurs séquences d’ADN ! À l’échelle d’un peuplement en régénération, et de ses centaines de milliers de glands, cela constitue autant de combinaisons génétiques uniques, conférant aux nouvelles plantules une plus ou moins bonne capacité d’adaptation à leur environnement.</p>
<p>Une mesure (difficile à appréhender en forêt) permettant de savoir si certaines combinaisons génétiques sont plus favorables que d’autres, consiste à étudier, pour un individu de la génération n, le nombre de ses descendants en vie à la génération suivante n+1 : c’est ce qu’on appelle la valeur adaptative.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.13082">étude récente que nous avons menée sur les chênes</a>, nous avons montré que la variation génétique de la valeur adaptative des chênes était parmi les plus élevées du règne végétal. Certaines combinaisons génétiques ont ainsi varié en fréquence plus que d’autres entre deux générations successives. Concrètement, cela indique que certains arbres possèdent dans leur génome des combinaisons génétiques qui ont été plus favorables à la survie des graines qui les portaient, d’où une augmentation de la fréquence de ces allèles favorables entre deux générations, selon le principe de la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/evolution/le-tri-sur-la-diversite-derive-et-selection">sélection naturelle</a>.</p>
<h2>Une grande diversité génétique favorise une adaptation rapide</h2>
<p>Le contexte du changement climatique actuel représente une nouvelle épreuve dans la vie de ces jeunes arbres. Les jeunes plantes vont en particulier faire face à des périodes plus fréquentes et plus prononcées de sécheresse.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/evl3.269">autre étude</a>, nous avons analysé l’évolution des chênes de trois forêts françaises au cours des trois derniers siècles, de la période froide du petit âge glaciaire à celle du réchauffement dû aux activités humaines. Nous avons montré qu’ils avaient évolué de manière concordante dans les trois forêts, pour s’adapter à cette transition climatique qui s’est déroulée sur quelques décennies.</p>
<p>De manière surprenante, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/levolution-suit-climat-chenes-se-sont-rapidement-adaptes-aux-variations-climatiques-lanthropocene">l’adaptation à cette transition climatique</a> (froid -> chaud), a été quasi « immédiate ». Ce résultat contre-intuitif s’explique par le très grand nombre de combinaisons génétiques uniques formées à chaque génération lors de la régénération naturelle, ce qui permet à la sélection naturelle d’être très efficace dans son tri des plus aptes à survivre et se reproduire.</p>
<p>L’analyse de l’ADN de ces chênes a d’ailleurs permis de constater que ces changements génétiques ont concerné un très grand nombre de régions du génome, et non juste quelques gènes.</p>
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<img alt="Gros plan sur des dizaines de très jeunes chênes (semis naturel)" src="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les méthodes de régénération naturelle contribuent à la production d’un grand nombre de descendants (plus de 100 000/hectare). Hors perturbation anthropique, il n’en reste guère que 4000/ha après 10 ans, soit une réduction de plus de 95 % des effectifs ! La sélection naturelle a donc au cours de cette période éliminé les combinaisons génétiques les moins bien adaptées au milieu local.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En résumé, cette étude a clairement montré que l’adaptation actuelle des populations est liée à de très nombreuses variations génétiques, chacune de faible effet, et ayant une origine évolutive ancienne.</p>
<h2>Les mutations somatiques comme moteur de l’adaptation : une vraie fausse piste</h2>
<p>Plusieurs articles de vulgarisation récents comme <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">celui-ci</a> publié par la société botanique de France et <a href="https://www.uniqueheritage.fr/fr/epsiloon-le-nouveau-magazine-dactualite-scientifique-en-kiosque-le-23-juin-2021/">celui-ci</a> publié par le magazine <em>Epsiloon</em> se sont fait l’écho du rôle adaptatif que pourraient jouer les mutations nouvelles accumulées au cours de la croissance d’un arbre (on parle de mutations somatiques, à l’inverse de la diversité génétique préexistante décrite ci-dessus).</p>
<p>Pourquoi s’agit-il là d’une fausse piste pour l’adaptation ?</p>
<p>Parce que si ces mutations existent bien, elles sont très peu fréquentes : 17 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-017-0066-9">chêne suisse de 230 ans environ</a>, 46 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-018-0172-3">chêne français de 100 ans</a>. Même si le nombre de mutations a été <a href="https://www.inrae.fr/actualites/detecter-mutations-arbres-laide-dune-methode-utilisee-medecine-humaine">sous-estimé</a> à cause de la complexité de leur détection, cette diversité reste ridiculement faible au regard de la diversité présente dès la formation du gland : les 7 millions de différences indiquées précédemment. On parle de quelques dizaines de nouveaux variants d’un côté, des millions préexistants de l’autre !</p>
<p>De plus, ce n’est pas une mutation seule qui procure l’adaptation du chêne à l’environnement, mais toute une combinaison génétique.</p>
<p>Par ailleurs, même si ces mutations avaient un effet sur la survie de l’individu qui les portent, encore faudrait-il qu’elles puissent être transmises aux autres arbres pour qu’elles aient un effet au niveau de l’ensemble de la population. Sans compter que la diffusion des mutations (éventuellement favorables) par flux de pollen nécessite plusieurs générations avant qu’elles puissent alimenter l’adaptation de la population…</p>
<p>En tant qu’auteurs de l’étude sur le chêne centenaire français, nous avions nous-mêmes explicitement émis des réserves sur les interprétations adaptatives de ces mutations. Ce discours a malheureusement été très largement détourné pour alimenter des scénarios d’adaptation rapide au changement via ces mutations somatiques, bien que cette hypothèse semble extrêmement peu probable.</p>
<h2>Quelles applications concrètes pour les forestiers ?</h2>
<p>Ces rappels sur la nature et l’origine de la diversité génétique contribuant à l’adaptation des arbres conduisent inévitablement à évoquer les interventions humaines permettant d’en valoriser les bénéfices.</p>
<p>Tout d’abord, il semble vain de proposer un vieillissement des peuplements, sous le seul prétexte que ceux-ci produiraient plus de mutations somatiques. La préconisation serait plutôt de faire l’exact opposé. La sélection naturelle ayant surtout lieu au stade jeune, des cycles plus rapides de régénération seraient vraisemblablement plus favorables à une adaptation rapide.</p>
<p>D’ailleurs, le fait de favoriser une régénération naturelle abondante, en cumulant plusieurs années de floraison et de fructification des semenciers, permet de maintenir un bon niveau de diversité génétique au sein des plantules et en conséquence de renforcer l’action de la sélection naturelle.</p>
<p>S’assurer de la production d’un très grand nombre de plantules lors de la régénération naturelle permettra par ailleurs de bénéficier d’une intensité de sélection plus élevée au stade juvénile. Le maintien des peuplements sera d’autant plus facilité que le « semis » sera dense. En effet, la sélection naturelle sera plus efficace pour sélectionner – au sein d’un très grand nombre d’individus – ceux qui sont les mieux adaptés au changement de l’environnement.</p>
<p>Diversité génétique et intensité de la sélection naturelle constituent donc les deux facteurs principaux de l’adaptation et de la résilience de nos forêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Changement climatique, maladies, ravageurs… De nombreuses menaces pèsent sur les arbres. Heureusement, ceux-ci peuvent compter sur leur forte diversité génétique pour s’adapter et survivre.Antoine Kremer, Directeur de Recherches Emérite, InraeChristophe Plomion, Chercheur en génétique, InraeThibault Leroy, Biologiste, chercheur en génétique des populations, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033482023-05-03T20:47:03Z2023-05-03T20:47:03ZLutte contre le réchauffement : comment les villes montrent la voie par l’expérimentation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524133/original/file-20230503-25-xvfehm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C426%2C4128%2C2669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur les bords du Rhône à Lyon. </span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Girot / Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Novembre 2022 : la COP27 s’achève sur des engagements <a href="https://theconversation.com/cop27-will-be-remembered-as-a-failure-heres-what-went-wrong-194982">manquant d’ambition</a>, <a href="https://www.reuters.com/business/cop/cop27-climate-summit-missed-chance-ambition-fossil-fuels-critics-say-2022-11-28/">étouffés</a> par les producteurs d’énergies fossiles et des garanties financières nettement insuffisantes ; cette fin de conférence mondiale sur le réchauffement climatique avait ainsi laissé les observateurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-03812-3">frustrés</a> et <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221107-why-are-we-here-climate-activists-shunted-to-cop27-sidelines">déçus</a>. </p>
<p>Malgré la déception, <a href="https://theconversation.com/6-reasons-2023-could-be-a-very-good-year-for-climate-action-197680">l’espoir de trouver des solutions</a> à la hauteur de ces problématiques de plus en plus complexes demeure.</p>
<p>Le constat est bien connu : les politiques ambitieuses, à l’image d’un <a href="https://theconversation.com/green-deal-seeks-to-make-europe-the-first-climate-neutral-continent-by-2050-128887">Green New Deal</a> européen ou des traités approuvés par l’ONU, se heurtent à l’éternelle difficulté d’emporter l’adhésion politique, et sont en outre notoirement peu fiables. </p>
<p>Parmi les échecs récents, citons le fiasco qu’a constitué en 2017 la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Donald Trump avait alors <a href="https://edition.cnn.com/2017/06/01/politics/paris-pittsburgh-trump-nationalist-decision/index.html">clamé</a> avoir été élu pour représenter « les habitants de Pittsburgh, pas ceux de Paris ».</p>
<h2>De Pittsburgh à Paris</h2>
<p>Ce qui aurait pu apparaître comme une mise en garde contre l’imprévisibilité des États à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique a finalement servi à nous rappeler que les actions concrètes s’opèrent souvent à d’autres échelles. </p>
<p>En 2017, il a ainsi fallu moins d’une semaine aux maires de Pittsburgh et de Paris, Bill Peduto et Anne Hidalgo, pour publier un <a href="https://www.nytimes.com/2017/06/07/opinion/the-mayors-of-pittsburgh-and-paris-we-have-our-own-climate-deal.html">communiqué commun</a> réaffirmant les objectifs de l’Accord de Paris. Depuis, des centaines de villes aux États-Unis et dans le monde ont adhéré à des pactes pour le climat, à l’image de la campagne <a href="https://www.wearestillin.com/">« We’re Still In »</a> ou le <a href="https://www.globalcovenantofmayors.org/">Global Covenant of Mayors</a>, initiatives soutenues par des philanthropes et des personnalités politiques.</p>
<p>La volonté des maires de jouer un rôle significatif dans la résolution des problèmes les plus urgents de la planète suggère qu’un des moyens d’inverser le cours du changement climatique est de se concentrer sur l’expérimentation et l’innovation à partir de la base.</p>
<p>Au lieu d’essayer de mettre en œuvre de grands projets ambitieux, les villes et les communautés peuvent continuer à montrer la voie par l’expérimentation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La maire de Paris Anne Hidalgo s’exprimant sur les villes durables lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/23460775051">Public domain</a></span>
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</figure>
<p>Les villes méritent-elles un tel optimisme ? Oui, avec une réserve, comme le montre l’exemple de la construction économe en énergie, que j’ai étudiée ces dernières années au sein du <a href="https://pacscenter.stanford.edu/research/civic-life-of-cities-lab/">Laboratoire de la vie civile des villes</a> de l’université de Stanford et à l’<a href="https://miurban.uchicago.edu/">Institut Mansueto d’innovation urbaine</a> de l’université de Chicago. </p>
<p>La construction verte représente une part essentielle de la solution au problème du changement climatique. Selon les <a href="https://architecture2030.org/why-the-building-sector/">estimations</a>, 40 % des émissions carbone dans les villes industrialisées sont générées par le secteur du bâtiment, tandis que la construction verte connaît depuis deux décennies une croissance rapide et constante.</p>
<p>Les innovations technologiques utilisées dans la construction de bâtiments verts <a href="https://theconversation.com/a-green-trifecta-how-a-concrete-alternative-can-cut-emissions-resource-use-and-waste-192501">existent déjà</a>. Leur application généralisée, en introduisant des standards raisonnablement élevés dans la construction et la rénovation de bâtiments, pourrait <a href="https://www.c40.org/what-we-do/scaling-up-climate-action/energy-and-buildings/">marquer une différence significative</a> dans la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. </p>
<p>Si les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments n’ont jamais été aussi élevés, un <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/co2-emissions-buildings-and-construction-hit-new-high-leaving-sector">rapport de situation</a> de la COP27 indique toutefois que l’augmentation des émissions de CO<sub>2</sub> engendrées par les nouvelles constructions surpasse l’efficacité énergétique des bâtiments. Si construire des bâtiments plus écologiques n’est <a href="https://theconversation.com/we-cant-afford-to-just-build-greener-we-must-build-less-170570">pas suffisant</a>, la construction verte montre que les villes peuvent se trouver à l’avant-garde de profonds changements.</p>
<p>Pour autant, la recherche globale de solutions techniques ne rend pas compte d’un élément essentiel dans l’action menée par les villes en faveur du climat : toutes n’ont pas adhéré d’emblée à ce mouvement en direction de constructions plus vertes, et certaines demeurent à la traîne. Les municipalités de plus petite taille, plus pauvres et dirigées de manière plus conservatrice sont moins susceptibles de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. </p>
<p>Mes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0275074020930362">recherches</a> suggèrent que cette situation n’est pas seulement liée à des raisons politiques ou à un manque de moyens financiers, mais aussi à l’absence d’une société civile dynamique.</p>
<h2>L’écologisation par la base</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/722965">nouvelle étude</a> publiée dans la revue <em>American Journal of Sociology</em>, j’ai analysé le recours au <a href="https://www.usgbc.org/leed">LEED</a> (Leadership in Energy and Environmental Design) – une certification développée par le US Green Building Council qui promeut la haute qualité environnementale des bâtiments – dans plus de 10 000 villes et villages aux États-Unis. </p>
<p>Dans ce cadre, j’ai répertorié les villes qui se sont tournées les premières vers la construction verte. Puis j’ai inventorié le nombre de bâtiments d’une ville faisant partie des quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/323383/leed-registered-projects-in-the-united-states/">60 000</a> à avoir reçu la certification LEED, 15 ans après être devenue un standard disponible dans le domaine du bâtiment.</p>
<p>Je montre que les villes qui témoignent d’une présence plus importante d’organisations à but non lucratif et d’une volonté à prendre des risques pour s’engager dans une mission sociale ont emprunté plus tôt le virage vers la construction verte. Les villes qui jouissent d’un secteur associatif plus vigoureux comptent également un nombre plus élevé de bâtiments efficaces sur le plan énergétique. </p>
<p>Washington DC, par exemple, fait partie des villes leaders aux États-Unis en termes de construction verte et bénéficie d’un riche réseau d’organisations à but non lucratif. Un des planificateurs urbains de cette ville m’a dit en 2017 que « le nombre de bâtiments LEED représente un critère de référence important de l’impact du secteur du bâtiment sur le climat ».</p>
<p>Pourquoi ce lien si étroit ? Dans des villes comme Chicago, Cincinnati et San Francisco, ce sont les musées, les laboratoires et les fondations qui, au début des années 2000, ont ouvert la voie aux premiers bâtiments verts. Les immeubles de bureaux, les résidences d’habitation et les commerces leur ont emboîté le pas lorsqu’il est apparu évident que les bâtiments possédant une bonne efficacité énergétique permettaient à la fois de réaliser des économies et de bénéficier d’une reconnaissance nationale. Le lien manifeste entre organisations à but non lucratif et construction verte demeure, même lorsque l’on prend en compte les mesures de réglementation municipales qui relèvent les standards environnementaux.</p>
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<img alt="Le Plateau Mont-Royal" src="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C3159%2C2085&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Cela ne signifie pas que les maires peuvent se contenter de déléguer les initiatives pour le climat aux communautés locales. La législation locale crée une réelle différence. D’après mes analyses, environ 10 à 18 bâtiments écologiques supplémentaires sont construits chaque année après que la mairie a adopté une mesure d’incitation ou d’obligation d’obtention d’une certification verte pour les nouveaux bâtiments.</p>
<p>Le législateur adopte surtout de telles mesures dans des villes qui possèdent déjà une forte proportion de bâtiments écologiques, construits par des promoteurs passionnés de durabilité. Les États peuvent alors s’inspirer des réglementations locales réussies en matière de construction verte et <a href="https://www.usgbc.org/articles/illinois-and-california-lead-green-building-practices">placer la barre plus haut</a> pour les municipalités et les promoteurs.</p>
<h2>Faire pression en faveur de la neutralité carbone</h2>
<p>En conclusion, ces résultats suggèrent que les initiatives en faveur de la construction écologique ne sont pas issues des politiques nationales et internationales, ni même des politiques proactives développées par les maires. </p>
<p>La solution provient des organisations à but non lucratif qui attestent concrètement de la validité d’un concept, des organismes spécialisés engagés (tels que le <a href="https://worldgbc.org/">World Green Building Council</a> ou encore le <a href="https://www.usdn.org/index.html">Urban Sustainability Directors Network</a>), qui élaborent et diffusent des protocoles d’action, ainsi que des administrations des villes qui rendent les meilleures pratiques visibles – voire obligatoires lorsqu’elles ont fait leurs preuves.</p>
<p>De nombreuses villes, de New York à Buenos Aires en passant par Copenhague, s’engagent sur la voie de la <a href="https://www.bbc.com/future/article/20211115-how-cities-are-going-carbon-neutral">neutralité carbone</a>. Si nous voulons atteindre cet objectif, nous devons faire en sorte que dans les villes du monde entier puisse s’épanouir une société civile qui aura la place d’expérimenter et de partager ses expériences. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contre-la-clim-concevoir-des-villes-eoliennes-en-zone-tropicale-132483">Contre la clim, concevoir des « villes éoliennes » en zone tropicale</a>
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<p>Il est donc primordial de soutenir le tissu associatif et les communautés locales qui œuvrent pour lutter contre le dérèglement climatique, même lorsque les retours sur investissement ne sont pas immédiats. Cela veut dire fournir à ces structures les moyens financiers et les ressources qui leur permettront de prendre des risques.</p>
<p>Les solutions de « haut niveau », mobilisant de grandes ambitions, ne régleront pas le problème du changement climatique. Les événements tels que la COP demeurent un lieu essentiel pour que les administrations infranationales partagent leurs meilleures pratiques. Néanmoins, la majeure partie de l’action devra s’opérer aux interfaces entre les administrations locales et les organisations citoyennes. </p>
<p>La prochaine grande idée sur la manière dont nous parviendrons à enrayer le changement climatique ne viendra pas de Dubaï, qui accueillera la COP28 en 2023, mais de Lyon, Montréal, Nairobi, Grenoble ou Vienne. Pour que cela se concrétise, nos dirigeantes et dirigeants doivent s’inspirer d’expérimentations et d’innovations vues sur le terrain et s’employer à cultiver une société civile dynamique avec au moins autant de sérieux qu’elles et ils mènent les pourparlers entre États centrés sur leurs propres intérêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christof Brandtner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que les maires, ce sont les organisations à but non lucratif qui constituent la véritable force des villes pour réaliser les transitions locales face aux dérèglements climatiques.Christof Brandtner, Assistant professor in organisational and economic sociology, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974802023-05-03T13:38:17Z2023-05-03T13:38:17ZMigrer sans pattes ni ailes ? Le défi de la migration assistée des arbres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510177/original/file-20230214-24-as6jr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux, mais sur une période différente.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>S’il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux ! Mais sur une fenêtre temporelle différente. </p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>C'est ce que nous allons approfondir dans cet article, le premier de notre nouvelle série estivale. En tant que chercheurs en écophysiologie forestière, nous étudions le fonctionnement des arbres en relation avec des dynamiques écologiques à plus large échelle. Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. Face à ces nouveaux problèmes, nous cherchons de nouveaux outils. Parmi ceux-ci, la migration assistée des arbres. </p>
<p>Et pour nous inspirer, cet extrait d'une chanson de notre poète national, Gilles Vigneault. </p>
<blockquote>
<p>J’ai planté un chêne au bout de mon champ,</p>
<p>perdrerai-je ma peine ?</p>
<p>perdrerai-je mon temps ?</p>
</blockquote>
<p>Débarrassons-nous d’abord des définitions : la migration assistée réfère au <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">« mouvement d’espèces, assisté par l’humain, en réponse aux changements climatiques »</a>. Nous avons l’habitude d’associer le terme « migration » au déplacement des personnes ou aux vols saisonniers des oiseaux. </p>
<p>Il peut donc paraître étrange d’associer la migration aux arbres, qui sont typiquement enracinés au sol et ne bougent pas. Mais est-ce vraiment le cas ?</p>
<h2>La forêt mouvante</h2>
<p>La migration des arbres se produit par la dispersion des semences, la germination, puis l’établissement de nouveaux semis. Ceux-ci, après un certain temps, produisent de nouvelles semences et contribuent à une lente expansion géographique.</p>
<p>Les stratégies de migration peuvent différer selon les espèces d’arbres : les <a href="https://www.zoom-nature.fr/les-samares-des-erables-des-autogires-tres-performants/">samares d’érable</a>, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limitées par leur poids imposant. Cependant, les nouveaux semis ont besoin d’années, souvent de décennies, pour pousser et produire des semences qui peuvent migrer plus loin que leurs parents.</p>
<p>Ce mouvement, qui se met en place à l’échelle des siècles, généralement trop lent pour notre conception du temps, peut <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1752-4571.2007.00013.x">devenir limitant</a> face aux changements rapides induits par l’homme dans les systèmes climatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="glands de chêne" src="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les samares d’érable, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limités par leur poids imposant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Changements rapides, arbres lents</h2>
<p>Les changements climatiques actuels induisent des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">modifications rapides</a> des conditions environnementales ; <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo2681">aucun événement</a> de réchauffement naturel du passé ne s’est produit à une vitesse comparable. Ces changements climatiques exercent ainsi de fortes pressions sur les écosystèmes forestiers, notamment en modifiant les conditions des habitats.</p>
<p>La grande majorité des arbres ont des vitesses de migration <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ddi.13630">inférieures à la rapidité de déplacement des habitats favorables</a>. Cela signifie que leur migration vers de nouveaux habitats favorables (par exemple, des régions froides devenant plus chaudes au nord) ne pourra pas compenser la perte d’habitats dans d’autres zones (par exemple, des régions chaudes devenant plus sèches au sud).</p>
<p>Ce décalage entre la modification des conditions d’habitats et la migration naturelle des arbres entraîne une perte de vigueur des forêts. Pour beaucoup d’espèces, <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/57/11/939/234280">on prévoit un déclin</a> qui peut compromettre les écosystèmes forestiers locaux.</p>
<h2>Aider les arbres à migrer</h2>
<p>Nous sommes appelés à trouver des stratégies pour harmoniser les forêts aux nouvelles conditions climatiques. Cela motive les chercheurs et les gestionnaires à envisager de nouvelles approches pour solutionner ce problème, en recourant par exemple à la <a href="https://doi.org/10.5849/jof.13-016">migration assistée</a>. </p>
<p>Le déplacement artificiel et la plantation de semences peuvent accélérer le processus de migration naturel et aider à surmonter les barrières géographiques, telles que les chaînes de montagnes ou les grandes surfaces d’eau.</p>
<p>La migration assistée peut donc être appliquée pour maintenir des écosystèmes forestiers fonctionnels dans le futur. Ce n’est pas seulement important pour la conservation des espèces, mais aussi pour le maintien de l’ensemble des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780080983493000244">services</a> offerts par les forêts, par exemple la production du bois ou la séquestration du carbone de l’atmosphère.</p>
<p>En général, les transferts sur de courtes distances sont plus faciles à réaliser, tandis que la migration sur de plus longues distances nécessite une planification plus minutieuse. Comme cette dernière présente des risques écologiques plus élevés, elle n’est généralement considérée <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">que pour des actions de conservation</a>. </p>
<p>Mais assez parlé de théorie, passons à des exemples concrets.</p>
<h2>Un exemple canadien</h2>
<p>L’érable à sucre (<em>Acer saccharum</em>) est une espèce d’arbre emblématique au Canada. À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/ES15-00238.1">souffrent d’une concurrence accrue</a> de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique (<em>Fagus grandifolia</em>).</p>
<p>Parallèlement, des chercheurs ont constaté que les régions au nord de l’aire de répartition de l’érable deviennent de <a href="https://academic.oup.com/forestscience/article/67/4/446/6270781">plus en plus propices à cette espèce</a>. Dans ce cas, la migration assistée pourrait favoriser une adaptation plus rapide des forêts nordiques aux nouvelles conditions, et rendre des services appréciés des propriétaires forestiers locaux, comme la production de sirop d’érable. Alors, pourquoi ne pas simplement aller de l’avant avec cette technique ?</p>
<h2>Pionniers</h2>
<p>En 2019, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a établi une plantation expérimentale d’érable à sucre à la limite nord de son aire de répartition, dans la région du Saguenay, au Québec. L’expérience est menée en partenariat avec une entreprise agricole familiale de la région, qui a choisi de consacrer une partie de ses terres à la recherche scientifique et à sa vision d’une érablière productive pour les générations futures.</p>
<p>La plantation, qui compte environ 500 jeunes arbres issus de plusieurs populations du Québec et des États-Unis, fêtera sa quatrième année de vie au printemps 2024. D’ici quelques décennies, de l’excellent sirop d’érable pourrait être produit, en plus des précieuses données scientifiques recueillies jusqu’alors.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="érable à sucre" src="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) souffrent d’une concurrence accrue de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Essais de migration</h2>
<p>Des études similaires ont été réalisées par le réseau de recherche <a href="https://dream-forests.org/membres/">DREAM</a>, un projet du gouvernement du Québec (MRNF), du USDA Forest Service et de l’Université Laval. Les essais, incluant une dizaine d’espèces d’arbres plantées en mélange, se situent dans la région de Portneuf au Québec et au Wisconsin (États-Unis). On y teste les effets des différents facteurs, tels que le microclimat, le broutement et la concurrence végétale, sur l’acclimatation des plants. De plus, on compare la performance des plants de populations méridionales, adaptées à des conditions similaires aux prédictions du climat futur, à celle des populations locales.</p>
<p>Réaliser ce type d’étude expérimentale permet d’obtenir des informations précieuses sur les caractéristiques qui peuvent aider ou nuire à la réussite des projets de migration assistée. Par exemple, on peut comprendre quelles espèces ou populations sont plus sensibles aux <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/58/3/253/230872">évènements de gel tardif</a> ou au <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40725-021-00148-5">broutement des herbivores</a>.</p>
<p>La mise en place d’essais scientifiques aujourd’hui peut aider à bien comprendre les dynamiques et les risques liés à la migration assistée, afin que nous puissions faire les meilleurs choix d’aménagement forestier pour les années et les générations futures. </p>
<p>Les changements climatiques progressent vite et les forêts ne poussent pas au même rythme : il est donc important de commencer à planter aujourd’hui les forêts de demain. </p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Emilie Champagne de la Direction de Recherche Forestière du Québec (Ministère des Ressources Naturelles et des Forêts) pour les contributions et commentaires au texte écrit et les Jardins Gobeil pour la collaboration et l’aide matérielle avec le maintien de la plantation expérimentale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197480/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Mura a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) dans le cadre du projet Alliance-Érable, partenaires le gouvernement du Québec (ministère des Ressources naturelles et des Forêts), le Centre Acer, les Productrices et Producteurs acéricoles du Québec, le Syndicat des Producteurs de bois du Saguenay Lac-Saint-Jean et l'Université du Québec en Outaouais (UQO). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Raymond est membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (QC, Canada). Elle a reçu du financement du Plan pour une économie verte du Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Gouvernement du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sergio Rossi est membre de l'Ordre des Ingénieurs Forestiers du Québec (QC, Canada) et de l'Ordine dei Dottori Agronomi e Forestali di Padova (Italie).
Sergio Rossi a reçu des financements par des programmes publiques: le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)</span></em></p>Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. La migration assistée est un outil qui permet de faire face à ces enjeux.Claudio Mura, PhD student in Forest Ecophysiology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Patricia Raymond, Chercheuse scientifique et professeure associée, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Sergio Rossi, Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2008742023-03-06T14:42:02Z2023-03-06T14:42:02ZDeuil parental : nous devons apprendre à accompagner collectivement la souffrance des parents<p>Le 8 février dernier, <a href="https://www.latribune.ca/2023/02/16/tragedie-dans-une-garderie-de-laval-jour-de-funerailles-dun-garcon-de-4-ans-75dbb38b97871142bca854504b63812a">deux jeunes enfants ont perdu la vie lors d’une tragédie dans une garderie de Laval</a>. </p>
<p>Par souci de bienveillance envers les familles endeuillées, nous souhaitons répondre à trois questions qui reviennent en boucle dans les médias : </p>
<blockquote>
<p>– Un deuil parental, est-ce différent d’un autre type de deuil ?</p>
<p>– Comment les parents peuvent-ils traverser les étapes de ce deuil ?</p>
<p>– Comment les parents qui vivent un tel drame peuvent-ils s’en sortir et poursuivre leur vie comme avant ? </p>
</blockquote>
<p>Détenant une expertise dans le deuil, nous éplucherons ces questions pour mieux comprendre l’expérience des parents, mais aussi apporter un éclairage sur le deuil parental dans l’optique d’apprendre collectivement à côtoyer et accompagner leur souffrance.</p>
<h2>Un deuil parental, est-ce différent d’un autre type de deuil ?</h2>
<p>Pour faire une réponse courte, oui, le deuil parental est différent. Bien simplement, le lien d’attachement entre un parent et son enfant est unique, et se forge dès la conception de ce dernier. La naissance d’un enfant transforme la vie du parent de différentes manières et ce, dans toutes les sphères du quotidien. On peut donc facilement comprendre comment l’absence devient lourde de sens quand survient un décès. </p>
<p>Ainsi, au-delà du sentiment de responsabilité du parent et du deuil de son rôle parental, le parent est confronté au deuil du futur et de la vie imaginée avec cet enfant. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1636652217300211">Lorsque survient son décès, c’est ce futur qui n’aura jamais lieu qui peut prendre toute la place</a>. </p>
<p>Qui plus est, avec la circulation de l’information par les médias, <a href="https://www.lesoleil.com/2023/02/09/tragedie-de-laval-cest-un-drame-qui-nous-touche-de-pres-754021f9444fe0e3323e965af52e63fc">toute la communauté en est témoin simultanément, ne sachant pas comment réagir tant pour soi-même qu’envers les parents endeuillés</a>.</p>
<p>Entendre la souffrance des parents exige d’accueillir leur discours de ce futur déconstruit et des projets et rêves qui ne se réaliseront pas. Il s’agit de s’enquérir de ces événements manquants dans l’histoire familiale, par des questions centrées sur le parent. Offrir une oreille attentive au partage de souvenirs et savoir que ce simple geste d’écouter, sans donner de réponse, est précieux. Être présent véritablement pour le parent, c’est reconnaître que sa peine est nécessaire et qu’elle peut réapparaître, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/pon.5112">même plusieurs années après le drame</a>. </p>
<p>D’ailleurs, ce deuil, qui bien souvent se prolonge dans le temps, est maintenant reconnu par l’<a href="https://icd.who.int/browse11/l-m/en#/http://id.who.int/icd/entity/1183832314">Organisation mondiale de la santé</a> comme une réalité faisant partie du vécu des personnes endeuillées ; un gain important pour développer notre sensibilité au réel vécu des parents.</p>
<h2>Comment les parents peuvent-ils traverser les étapes de ce deuil ?</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-empan-2009-3-page-159.htm">Les recherches ont démontré que le processus de deuil se vit de façon très différente pour chaque parent</a>. Le deuil est unique à chaque individu. Ainsi, un couple vit le même deuil, mais pas de la même façon. Les émotions et les réactions de chaque personne peuvent varier. Parfois, on peut avoir besoin de parler, de ventiler, de voir des amis ou encore de s’isoler. D’autres personnes <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kW_cQMqfIhM">peuvent avoir besoin de faire du sport, d’être dans l’action ou de retourner au travail rapidement</a>. </p>
<p>En somme, il n’y a pas « une seule » bonne manière de réagir, « les » bonnes manières étant celles qui conviennent au caractère de chacun. Le défi, <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1530-353520220000019005/full/html">pour les parents</a> (et les proches), est d’accepter leurs manières différentes de réagir, de se respecter, et surtout, d’oser se parler. Bien que souvent difficile ; il s’agit d’une conversation nécessaire.</p>
<p>Un mythe à défaire est celui qui dépeint le deuil <a href="https://theconversation.com/les-etapes-du-deuil-de-kubler-ross-sont-un-mythe-il-y-a-plus-quune-facon-de-faire-son-deuil-157504">comme des étapes de 1 à 5</a> (le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation). Les études ont confirmé que le deuil se vit plutôt comme des vagues dans un <a href="https://www.funeralguide.co.uk/help-resources/bereavement-support/the-grieving-process/the-dual-process-model">mouvement perpétuel de va-et-vient</a> (des hauts et des bas), entre s’investir dans la vie (manger, dormir, s’occuper des autres enfants, faire des projets, etc.) et vivre le deuil (pleurer, être en colère, repasser les événements dans sa tête, se poser des questions, etc.). Les premiers jours, voire semaines, les creux de vague sont fréquents et longs. Ils apparaissent interminables. Éventuellement, des hauts font surface, les émotions de détresse s’apaisent, pour quelques minutes, quelques heures, plusieurs jours ou semaines. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="triste fils embrassant sa mère à la maison" src="https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513413/original/file-20230303-18-q92xgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le lien d’attachement entre un parent et son enfant est unique, et se forge dès la conception de ce dernier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/segments/entrevue/432490/faire-deuil-enfant-decede-circonstances-tragiques">Notons qu’on ne parle plus « d’accepter » la mort d’un enfant, puisque ce mot ne dépeint pas la réalité du travail de deuil</a>. Le défi des parents est d’apprendre à vivre avec cette absence, de sorte que leur douleur s’apaise et devienne plus tolérable. Dans ce deuil, il faut aussi savoir qu’un des nombreux défis est que parfois, en une seule journée, ce que les parents croyaient la veille peut être tout l’inverse le lendemain. Et c’est tout à fait normal. </p>
<p>Dans les premiers jours, semaines et mois de leur deuil, plusieurs parents se demandent comment ils pourront traverser cette terrible épreuve et reprendre goût à la vie. Certains parents voudront retrouver le goût du bonheur, afin d’honorer la mémoire de leur enfant. D’autres se culpabiliseront et se demanderont s’ils ont le droit à ce bonheur. Certains douteront, se demandant « si je m’en sors, si je poursuis ma vie et suis heureux, est-ce dire que je n’aimais pas suffisamment mon enfant ? » D’autres encore se diront « mon enfant aurait voulu que je sois heureux ». Cette complexité démontre que les réflexions sont omniprésentes. L’entourage doit alors porter une attention à leurs propres paroles. Dire à un parent qu’on ne sait pas comment il fait pour vivre ce deuil peut ajouter au fardeau déjà lourd. </p>
<h2>Comment les parents qui vivent un tel drame peuvent-ils s’en sortir et poursuivre leur vie comme avant ?</h2>
<p>Les parents survivent à la mort de leur enfant, mais en poursuivant leur vie différemment. Il y a un <em>avant</em> et un <em>après</em> ce drame. Il ne s’agit pas d’oublier, de passer à autre chose, de « faire » son deuil, utilisant ici un verbe d’action. </p>
<p>Le deuil est souvent décrit par les parents comme un travail, un travail sur soi, dont découleront des découvertes personnelles, sur leur lien avec l’enfant, sur la vie et sur leur rapport aux autres et à leur existence. Le deuil se vit, une seconde, une minute à la fois. Accepter son rythme, respirer, être patient, être indulgent face à ses réactions, accueillir les larmes et l’amour envers l’enfant ; sont des comportements réalistes qui se veulent concrets et invitent à être rappelés par l’entourage.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8158955/">Les études le démontrent, le deuil est influencé par le contexte social</a>. Ainsi, des parents s’isolent, ne sachant pas comment demander du soutien, devant un entourage qui lui ne sait pas comment réagir. Mais… comment réagir ? Le deuil de chaque parent étant singulier, il n’y a pas une seule bonne manière de les soutenir ! </p>
<p>Nous sommes tous, comme société, responsables de répondre présents. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1636652219300832">Aller au-delà du sentiment d’impuissance, des malaises et de nos propres vulnérabilités, pour écouter</a>. Ainsi, il convient de dire des phrases comme celles-ci : « je me sens impuissant devant ta peine » ; « je suis là » ; « je suis de tout cœur avec toi » ; « si tu trouves ce qui peut t’aider, dis-moi » ; « je suis choqué, je suis peiné, je n’aime pas te voir vivre ce drame ». </p>
<p>Entendre la souffrance, c’est aussi ne pas mettre de pression sur les parents pour qu’ils passent à autre chose dans les semaines, les mois ou années suivant le drame. Les parents sauront décider de la route et la façon dont ils vivront les choses. Ils poursuivront leur vie au rythme qu’eux seuls pourront déterminer. </p>
<p>« Laisser du temps au temps » et simplement être là, sans jugement, et les soutenir pour identifier avec eux les besoins qu’ils auront et les manières d’y répondre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200874/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chantal Verdon a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Francine deMontigny est membre du comité de direction de l'International Stillbirth Alliance.</span></em></p>La naissance d’un enfant transforme la vie du parent de différentes manières et ce, dans toutes les sphères du quotidien. On peut donc comprendre comment l’absence devient lourde de sens quand survient un décès.Chantal Verdon, Professeure titulaire en sciences infirmières et sciences de la famille, Université du Québec en Outaouais (UQO)Francine deMontigny, Professeure titulaire en sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais (UQO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980392023-01-26T13:56:30Z2023-01-26T13:56:30ZL’humain n’est pas fait pour vivre dans le froid. Voici comment il s’est adapté – et fort bien !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506200/original/file-20230124-14-m9zcbj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C0%2C4898%2C3262&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">CP</span> </figcaption></figure><p>L’être humain est une espèce tropicale. Nous avons vécu dans des climats chauds pendant la majeure partie de notre évolution, ce qui pourrait expliquer pourquoi nous sommes nombreux à passer en rêvant à l’été.</p>
<p>Toutes les espèces de singes habitent des régions tropicales. Les plus anciens fossiles connus de la lignée humaine (homininés) proviennent <a href="https://www.researchgate.net/publication/242882028_erratum_A_new_hominid_from_the_Upper_Miocene_of_Chad_Central_Africa">d’Afrique centrale</a> et <a href="https://afanporsaber.com/wp-content/uploads/2017/08/First-hominid-from-the-Miocene-Lukeino-Formation-Kenya.pdf">orientale</a>. Les homininés qui se sont déplacés vers le nord, sous des latitudes plus élevées, ont rencontré des températures glaciales, des jours plus courts qui réduisaient le temps pour chercher de la nourriture, de la neige qui rendait la <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688579">chasse plus difficile</a> et un vent glacial qui <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8889744/">accentuait la perte de chaleur</a> de leur corps.</p>
<p>Compte tenu de sa capacité limitée d’adaptation au froid, comment se fait-il que notre espèce soit devenue dominante, non seulement dans les régions chaudes de nos ancêtres, mais aussi partout sur la planète ? La réponse réside dans notre habileté à développer des solutions culturelles complexes pour relever les défis de la vie.</p>
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<img alt="Une femme se réchauffe les mains avec un chat à côté d’un chauffage électrique" src="https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C32%2C5426%2C3590&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503268/original/file-20230105-16-nc2xj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreux humains redoutent le froid de l’hiver.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/using-heater-home-winter-woman-warming-1254492208">Mariia Boiko/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Les premiers signes de la présence d’homininés en Europe du Nord ont été découverts à <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0088329">Happisburgh, dans le Norfolk</a>, dans l’est de l’Angleterre. Il s’agit d’empreintes de pas et d’outils en pierre vieux de 900 000 ans. À cette époque, Happisburgh était une région de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379118306863">forêts de conifères aux hivers froids</a>, comme le sud de la Scandinavie aujourd’hui. Il existe peu de preuves que les homininés de Happisburgh sont restés longtemps sur le site, ce qui laisse penser qu’ils n’ont pas eu le temps de s’y adapter physiquement.</p>
<p>La façon dont ces homininés ont survécu aux conditions difficiles si différentes de celles de leurs terres ancestrales d’Afrique demeure un mystère. Il n’y a pas de grottes dans la région ni de traces d’abris. Les artefacts de Happisburgh sont simples et ne témoignent d’aucune technologie complexe.</p>
<p>Les preuves de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1018116108">l’utilisation de feux de camp</a> à cette époque sont controversées. Les outils permettant de confectionner des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004724841830085X">vêtements ajustés et résistants aux intempéries</a> n’apparaissent en Europe occidentale que près de 850 000 ans plus tard. De nombreux animaux migrent pour éviter le froid saisonnier, mais les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1040618211005957">homininés de Happisburgh</a> auraient dû parcourir environ 800 km vers le sud pour un réel changement de climat.</p>
<p>Il est difficile d’imaginer que les homininés ont pu survivre aux hivers du Norfolk sans feu ni vêtements chauds. Pourtant, le fait qu’ils ont vécu <a href="https://www.researchgate.net/publication/349378194_Robert_Hosfield_2020_The_earliest_Europeans_a_year_in_the_life_seasonal_survival_strategies_in_the_Lower_Palaeolithic_Oxford_Oxbow_9781785707612_paperback_2499">si loin au nord</a> signifie qu’ils ont dû trouver un moyen de survivre au froid, alors qui sait ce que les archéologues découvriront à l’avenir.</p>
<h2>Les chasseurs de Boxgrove</h2>
<p>Les sites de peuplement plus récents, comme celui de Boxgrove dans le West Sussex, dans le sud de l’Angleterre, offrent davantage d’indices sur la façon dont nos ancêtres ont survécu aux climats nordiques. Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248498902159">site de Boxgrove</a> date d’il y a près de 500 000 ans, une des périodes les plus froides de l’histoire de l’humanité.</p>
<p>De nombreuses preuves, comme des marques de coupure sur des os ou une omoplate de cheval qu’on pense avoir été percée par une lance en bois, attestent que ces homininés <a href="https://www.researchgate.net/publication/344449964_The_Horse_Butchery_Site_A_High_Resolution_Record_of_Lower_Palaeolithic_Hominin_Behaviour_at_Boxgrove_UK_Spoil_Heap_Monograph">chassaient des animaux</a>. Ces découvertes concordent avec les études menées sur des chasseurs-cueilleurs d’aujourd’hui, qui montrent que les habitants des régions froides <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21745624/">dépendent davantage des proies animales</a> que leurs semblables des régions chaudes. La viande contient les calories et les graisses nécessaires pour affronter le froid.</p>
<p>Un tibia d’homininé fossilisé trouvé à Boxgrove est plus robuste que celui des humains actuels, ce qui suggère qu’il appartenait à un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248499902956">homininé grand et trapu</a>. Un <a href="https://www.digitale-sammlungen.de/en/view/bsb10306637?page=,1">corps volumineux</a> avec des <a href="http://people.wku.edu/charles.smith/biogeog/ALLE1877.htm">membres relativement courts</a> réduit la perte de chaleur en minimisant la surface.</p>
<p>La meilleure silhouette pour éviter la perte de chaleur étant une sphère, les animaux et les humains des climats froids se rapprochent le plus possible de cette forme. Nous avons également des <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1018116108">preuves</a> de l’existence de feux de camp à cette époque.</p>
<h2>Spécialistes des climats froids</h2>
<p>Les Néandertaliens, qui vivaient en Eurasie il y a environ 400 000 à 40 000 ans, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/%28SICI%291096-8644%28199710%29104%3A2%3C245%3A%3AAID-AJPA10%3E3.0.CO%3B2-%23">habitaient des climats glaciaires</a>. Par rapport à leurs ancêtres d’Afrique et à nous, ils avaient des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/ajpa.1330370605">membres courts et forts</a>, et des corps larges et musclés adaptés à la production et à la conservation de la chaleur.</p>
<p>Pourtant, le visage proéminent et le nez large et saillant des néandertaliens sont à l’opposé de ce que l’on pourrait imaginer être adapté à une période glaciaire. Comme les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379117308211">macaques japonais</a> vivant dans des régions froides et les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2006.3629">rats de laboratoire</a> élevés dans des conditions froides, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248417300921">humains des climats froids</a> ont généralement un nez relativement haut et étroit et des pommettes larges et plates.</p>
<p>La <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2018.0085">modélisation informatique</a> des squelettes anciens nous indique que le nez de l’humain de Neandertal était plus efficace que celui de ses ancêtres des climats chauds pour conserver la chaleur et l’humidité. Il semble que la structure interne soit aussi importante que la taille globale du nez.</p>
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<img alt="Un bœuf musqué debout dans la neige" src="https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503266/original/file-20230105-14-yxyovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le bœuf musqué était bien adapté aux climats froids.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/muskox-looking-your-eyes-standing-snow-1079290970">Fitawoman/Shutterstock</a></span>
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<p>Même avec leur physique adapté au froid, les Néandertaliens avaient gardé des caractéristiques de leurs ancêtres tropicaux. Ainsi, ils n’avaient pas <a href="https://www.academia.edu/4570677/Parasitic_lice_help_to_fill_in_the_gaps_of_early_hominid_history">l’épaisse fourrure</a> des autres mammifères de l’Europe glaciaire, comme le rhinocéros laineux ou le bœuf musqué. Ils ont plutôt développé une culture complexe.</p>
<p>On possède des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/evan.21894">preuves archéologiques</a> que les Néandertaliens confectionnaient des vêtements et des abris avec des peaux d’animaux. Des traces de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3021051/">cuisson</a> et de l’utilisation du feu pour préparer de la <a href="https://pure.tudelft.nl/ws/portalfiles/portal/82720614/Kozowyk2020_Article_UnderstandingPreservationAndId.pdf">colle à base d’écorce</a> de bouleau pour fabriquer des outils montrent que l’humain de Neandertal avait une excellente maîtrise du feu.</p>
<p>Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552120300832">archéologues affirment</a>, même si c’est controversé, que les ossements de Néandertaliens trouvés sur le site de Sima de los Huesos, dans le nord de l’Espagne, vieux de 400 000 ans, présentent des lésions causées par le ralentissement de leur métabolisme pour hiberner. Selon les chercheurs, ces os montrent des cycles de croissance interrompue et de guérison.</p>
<p>Seules quelques espèces de primates hibernent, comme certains lémuriens du Madagascar et le galago moholi, ainsi que le <a href="https://rdcu.be/c3hVi">loris paresseux pygmée</a> du nord du Vietnam.</p>
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<img alt="Un petit galago moohli se nourrissant de résine d’arbre lors d’un safari de nuit en Afrique du Sud" src="https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503267/original/file-20230105-24-zrjt92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le galago moohli est l’un des rares primates qui hibernent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/lesser-bushbaby-seen-feeding-on-tree-1892296174">Rudi Hulshof/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Cela pourrait nous inciter à croire que les humains auraient la possibilité d’hiberner. Mais la plupart des espèces qui hibernent ont un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/brv.12137">petit corps</a>, à quelques exceptions près, comme les ours. Les humains sont peut-être trop grands pour hiberner.</p>
<h2>Capacité d’adaptation</h2>
<p>Les plus anciens fossiles de la lignée <em>Homo sapiens</em> datent d’il y a 300 000 ans, <a href="https://www.nature.com/articles/nature22335">au Maroc</a>. Nous ne sommes sortis d’Afrique qu’<a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03244-5">il y a environ 60 000 ans</a>, pour ensuite coloniser toutes les régions du globe. Nous sommes donc relativement nouveaux dans la plupart des habitats où nous nous trouvons aujourd’hui. Au cours des milliers d’années qui se sont écoulées depuis, les personnes des régions froides se sont adaptées biologiquement à leur environnement, mais pas parfaitement.</p>
<p>Un exemple bien connu de cette adaptation est que dans les régions peu ensoleillées, <em>Homo sapiens</em> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10896812/">a développé des teintes de peau claires,</a> qui permettent de mieux synthétiser la vitamine D. Les génomes des Inuits du Groenland montrent une adaptation physiologique à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26383953/">régime marin riche en graisses</a>, bénéfique dans le froid. Des preuves plus directes proviennent de l’ADN d’un cheveu conservé dans le pergélisol au Groenland. Ce cheveu vieux de 4 000 ans laisse entrevoir des <a href="https://www.nature.com/articles/nature08835">modifications génétiques</a> qui ont conduit à une forme corporelle trapue maximisant la production et la rétention de chaleur, à l’instar de l’homininé de Boxgrove dont nous n’avons qu’un seul tibia.</p>
<p>Notre héritage tropical fait en sorte que nous sommes toujours incapables de vivre dans des lieux froids sans concevoir des moyens pour affronter ce climat. Il suffit de penser au <a href="https://www.jstor.org/stable/26974873">parka traditionnel des Inuits</a>, qui offre une meilleure isolation que l’uniforme d’hiver de l’armée canadienne moderne.</p>
<p>Notre capacité d’adaptation comportementale a été <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-018-0394-4">déterminante pour notre succès évolutif</a>. Si <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-47202-8">on le compare aux autres primates</a>, l’humain fait montre d’une moindre adaptation physique au climat. L’adaptation comportementale est plus rapide et plus flexible que l’adaptation biologique. Les êtres humains sont des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11303338/">champions de l’adaptation</a>, ce qui leur permet d’habiter presque toutes les niches écologiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198039/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Vous n’aimez pas l’hiver ? La réponse se trouve peut-être dans notre évolution.Laura Buck, Senior Lecturer in Evolutionary Anthropology, Liverpool John Moores UniversityKyoko Yamaguchi, Senior Lecturer in Human Genetics, Liverpool John Moores UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935102023-01-12T11:32:28Z2023-01-12T11:32:28ZGarder ses feuilles ou les perdre, telle est la question<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503505/original/file-20230108-11529-vq9evg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chêne pubescent et chêne vert en Provence. </span> <span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En cette période hivernale, dans nos régions à la saisonnalité bien marquée, beaucoup d’arbres présentent des silhouettes nues et sombres, se détachant nettement des paysages. Quelques semaines plus tôt, à l’automne, leurs feuilles sont tombées. Plus ou moins précoce <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1917660/secheresse-feuilles-arbres-automne-senescence">selon les conditions climatiques</a>, cette perte totale du feuillage ne concerne cependant pas toutes les espèces. </p>
<p>Les arbres se répartissent en effet en deux groupes principaux, au comportement phénologique bien différent, la phénologie désignant chez les végétaux, l’étude des phases de développements saisonniers, feuillaison, floraison, fructification, etc. </p>
<p>Soit ils gardent leurs feuilles vivantes (ou du moins une partie) en hiver, ce sont les espèces sempervirentes ou dites à feuillage persistant ; soit ils les perdent toutes en automne, renouvelant la totalité de leur feuillage au printemps ; on les qualifie alors d’espèces caducifoliées ou au feuillage caduc.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des chênes et des hêtres sans feuilles" src="https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503502/original/file-20230108-22706-cgseqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chênes et hêtres caducifoliés dans la forêt de Montmorency (Ile-de-France).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Feuilles larges et fines ou réduites et en aiguille</h2>
<p>La sempervirence est de règle chez les conifères, ce grand groupe d’arbres résineux à feuilles en aiguilles ou en écailles comprenant sapins, pins, épicéas, etc., à quelques notables exceptions, comme le cyprès chauve (<em>Taxodium distichum</em>) des bayous de Louisiane, largement introduit en Europe, ou encore le mélèze (<em>Larix decidua</em>), présent dans les Alpes.</p>
<p>Chez les feuillus, qui diffèrent des conifères par leurs feuilles bien développées – où l’on retrouve les chênes, les hêtres, les charmes, les châtaigniers, les tilleuls, etc. –, les deux comportements peuvent exister, même au sein d’une même famille ou d’un même genre, comme celui des chênes (<em>Quercus</em> sp.).</p>
<p>Dans tous les cas, on observera des feuilles plutôt molles, larges et fines chez les espèces caducifoliées et plutôt réduites, coriaces, chez les espèces sempervirentes.</p>
<p>Concernant la répartition géographique de ces deux types phénologiques, les forêts de montagne et de hautes latitudes (comme la taïga, par exemple), privilégient les espèces à feuillage persistant.</p>
<p>Dans le bassin méditerranéen, siège de l’essentiel de nos recherches, les forêts sont aussi plutôt structurées par des espèces à feuillage persistant, même si les forêts caducifoliées ne sont pas rares, par exemple celles de chêne pubescent dans le Sud-Est de la France ou encore celles de chêne zéen dans le Moyen Atlas marocain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cyprès chauve en Lousiane" src="https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503498/original/file-20230108-23190-90cq38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cyprès chauves dans les bayous de Louisiane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="Chênes et cèdres dans les montagnes marocaines" src="https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503496/original/file-20230108-19-63bem4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des chênes zéens au milieu de la cédraie sempervirente du Moyen Atlas, au Maroc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un feuillage toujours renouvelé</h2>
<p>Soulignons que les espèces sempervirentes perdent bien sûr aussi leurs feuilles de temps en temps ; sinon les feuilles auraient le même âge que l’arbre ! </p>
<p>Mais au lieu de perdre la totalité des feuilles tous les ans, elles n’en perdent que la moitié, ou 1/3, voir moins selon les espèces ; il reste donc toujours des feuilles vertes sur l’arbre qui est de ce fait toujours vert (<em>sempervirent</em> en latin), le feuillage se renouvelant ainsi sur plusieurs années.</p>
<p>Les deux stratégies ont leurs avantages. Garder des feuilles en hiver permettra, en région méditerranéenne, de prolonger la période d’activité photosynthétique à la période hivernale relativement clémente climatiquement. </p>
<p>Dans les forêts boréales, telles la taïga ou celles de montagne, il s’agira, en gardant ses feuilles plusieurs années, d’économiser des ressources, tels l’azote ou le phosphore, en quantité relativement limitée dans les sols de ces milieux. </p>
<p>Ce processus est facilité par le fait que les aiguilles d’espèces colonisant ces milieux, tels que les pins sylvestres ou l’épicéa, présentent une résistance au gel exceptionnelle, en concentrant dans leurs cellules un certain nombre de substances organiques qui agissent <a href="https://hal.science/hal-00964617/document">comme de véritables antigels</a>. </p>
<p>Il faut en effet insister sur le fait que renouveler son feuillage tous les ans, cela a un coût. Et ce que l’on qualifie pour les végétaux d’« allocation d’énergie » n’ira pas dans d’autres fonctions vitales, telles que la reproduction (faire plus de fleurs, plus de fruits) ou encore la production de métabolites secondaires permettant de lutter contre les prédateurs. </p>
<p>En revanche, les feuilles âgées de trois ou quatre ans, voire beaucoup plus – comme chez le pin aristé de Californie où les aiguilles <a href="https://theconversation.com/vivre-extremement-vieux-comme-le-pin-ariste-174362">peuvent persister 20 ou 30 ans</a> – seront moins performantes en matière de photosynthèse que des feuilles de printemps toutes neuves élaborées par les espèces caducifoliées à la sortie d’une période de repos hivernal, à laquelle de toute manière leurs feuilles larges et fines n’auraient pas résisté.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439336/original/file-20220104-25-nsqxlh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pin aristé des White Mountains de Californie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Chêne pubescent et chêne vert</h2>
<p>Mais les deux types peuvent aussi se succéder dans l’espace et dans le temps.</p>
<p>Prenons l’exemple de la région méditerranéenne française, et notamment de la Provence calcaire, où deux espèces de chênes se disputent l’espace. </p>
<p>Au chêne pubescent, caducifolié, même s’il présente la particularité (qualifiée de « marcescence ») de garder une partie de ses feuilles mortes sur l’arbre en hiver, les versants les moins ensoleillés, les pentes les plus faibles et les sols les plus profonds et au chêne vert, sempervirent, les versants les mieux exposés et les sols superficiels, chauds et caillouteux. </p>
<p>À une autre échelle spatiale, les secteurs les plus humides et les moins chauds de la région méditerranéenne française, telle la Haute-Provence, voient dominer le chêne pubescent alors que dans les zones littorales ou de basses altitudes, plus chaudes, le chêne vert est plus fréquent. </p>
<h2>Les effets de l’action humaine</h2>
<p>Mais qu’en était-il, avant que les communautés humaines n’aient profondément modifié le milieu, depuis plus de 6000 ans, par la déforestation et la mise en culture ?</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0031018200000754?via%3Dihub">Pour certains</a>, le chêne pubescent, dont on connaît la large répartition hors Méditerranée – du Quercy jusqu’au Bassin parisien, voire le plateau de Langres –, c’est plutôt une espèce subméditerranéenne qui ne s’épanouit sous climat méditerranéen que quand les sols sont profonds et ont retenu suffisamment d’eau au printemps pour s’affranchir de la sécheresse estivale. </p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1251805099800470?via%3Dihub">Pour d’autres</a>, il est parfaitement adapté au climat méditerranéen, et si le chêne vert l’a supplanté, c’est que l’ouverture du milieu par l’homme et la mise en culture des terrains les plus favorables au chêne pubescent a favorisé ce dernier, mieux adapté aux situations chaudes, sèches et ensoleillées. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des chênes en automne en de Haute Provence" src="https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503503/original/file-20230108-21-16hypb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une chênaie pubescente de Haute Provence en automne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Le débat reste ouvert même si on sait aujourd’hui que le chêne pubescent est tout aussi capable que le chêne vert de résister à de très fortes sécheresses.</p>
<p>Mais il se peut aussi que les deux types phénologiques cohabitent dans une même forêt. </p>
<p>C’est le cas de la hêtraie-sapinière de la forêt d’Iraty, dans les Pyrénées. Deux essences d’une même importance dans la strate arborée et, de plus, une caducifoliée et une sempervirente, est-ce naturel ou est-ce lié à l’action de l’homme ? La réponse est en partie dans la façon dont cette forêt a été gérée durant les siècles passés avec des utilisations différentes pour chacune de ces deux espèces : confection des mâts de bateaux pour les sapins, charbonnage et alimentation en bois des forges pour le hêtre.</p>
<p>Dans tous les cas, combiner dans un même écosystème, deux comportements fonctionnels différents, c’est jouer sur la complémentarité des espèces.</p>
<h2>Comment le réchauffement change la donne</h2>
<p>Le changement climatique va profondément modifier le paysage forestier actuel de la France. </p>
<p>En 2100, le chêne vert, aujourd’hui considéré comme une valeureuse espèce méditerranéenne (même si déjà présente sur le littoral atlantique) sera beaucoup plus présent à l’Ouest et au Nord. À l’inverse, le chêne pédonculé, caducifolié, présent partout hors région méditerranéenne, régressera dès 2050, se concentrant au Nord et à l’Est et semblant même condamné du littoral atlantique <a href="https://www.reseau-aforce.fr/n/effets-attendus-du-changement-climatique-sur-l-arbre-et-la-foret/n:3254">qui lui convenait si bien</a> !</p>
<p>Le hêtre, exemple parfait d’une caducifoliée à feuilles larges et fines, sans aucune adaptation permettant de limiter leur transpiration, <a href="https://www.francebleu.fr/infos/environnement/rechauffement-climatique-le-hetre-va-disparaitre-en-mayenne-d-ici-2050-selon-un-expert-mayennais-1657789913">devrait voir son aire de répartition fortement modifiée</a> </p>
<p>Dans la France de 2100, les espèces sempervirentes, plus résistances aux nouvelles conditions climatiques contraignantes, prendront alors peut-être le pas sur les caducifoliées, modifiant ainsi considérablement les paysages actuels.</p>
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<img alt="Dans une forêt du Luberon" src="https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503499/original/file-20230108-16875-ozj0vb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Côte à côte, dans le Luberon, chênaie pubescente caducifoliée (vert tendre) et chênaie verte sempervirente (vert foncé).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thierry Gauquelin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Avec l’augmentation des surfaces forestières <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/en-deux-siecles-les-forets-ont-double-en-france-et-voici-pourquoi-thierry-gauquelin">liée à la déprise pastorale</a>, cette nouvelle donne conduira à un couvert forestier plus étendu, mais aussi plus constant tout au long de l’année, susceptible d’entraîner une augmentation de la température, du fait d’une capacité plus faible à réfléchir l’énergie solaire – on parle d’albédo – des canopées sombres par rapport aux terrains à découvert ou des forêts hivernales sans feuilles.</p>
<p>Mais tout cela reste une hypothèse… <a href="https://www.pnas.org/content/118/33/e2026241118">Une nouvelle étude de l’université de Princeton</a> vient en effet de montrer que les forêts pourraient avoir un effet rafraîchissant, en prenant en compte un nouvel élément : les nuages qui ont tendance à se former plus fréquemment sur les zones forestières.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Gauquelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En hiver, certains arbres apparaissent nus tandis que d'autres gardent leurs feuilles. Comment expliquer cette différence ?Thierry Gauquelin, Professeur émérite, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1957432022-12-26T17:52:02Z2022-12-26T17:52:02ZPoissons des glaces et grenouilles des bois, comment résistent-ils au froid extrême ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502635/original/file-20221226-62854-e66ef0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C705%2C467&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un poisson des glaces.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Icefish_Chionodraco_hamatus.jpg">Marrabbio2/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans leur ouvrage, « <a href="https://www.quae.com/produit/1742/9782759235391/la-vie-en-milieu-extreme">La vie en milieu extrême</a> » aux éditions Quae, Juliette Ravaux et Sébastien Duperron explorent les adaptations remarquables des animaux capables de vivre dans des environnements hostiles pour les humains. Dans cet extrait, nous vous proposons de découvrir les poissons des glaces et les grenouilles des bois qui ont mis au point des solutions pour résister aux grands froids.</em></p>
<hr>
<p>Le problème majeur des espèces exposées au froid extrême est le gel des fluides corporels. Un problème aigu, en particulier, pour celles qui ne régulent pas leur température interne. La prise en glace des liquides corporels endommage sévèrement les cellules, qui risquent l’écrasement ou l’éclatement, et doit être évitée.</p>
<p>Les poissons des glaces ont trouvé la parade. Ces poissons osseux peuplent les eaux australes de l’Antarctique et de la pointe de l’Amérique du Sud, et appartiennent au groupe remarquablement bien adapté au froid des <a href="http://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/evolution/accompagnement-pedagogique/accompagnement-au-lycee/seconde-2019/poissons-des-glaces/caracteres-remarquables-des-notothenioides">notothénioïdes</a>.</p>
<p>Dans leur environnement, l’eau de mer avoisine – 2 °C la majeure partie de l’année, et les cristaux de glace omniprésents se déposent sur leur peau, leurs branchies, et pénètrent dans leur corps lorsqu’ils se nourrissent et boivent de l’eau de mer. Malgré cela, les poissons des glaces ne gèlent pas, et vivent ainsi jusqu’à – 2,2 °C. Comment font-ils ? Leur résistance au froid est liée à la présence de protéines « antigel » dans leur sang et leurs fluides corporels. Ces protéines ont la particularité d’être hérissées de minuscules pointes hydrophobes qui, à la manière d’une clé dans une serrure, s’insèrent parfaitement dans les trous nanométriques formés naturellement par l’agencement des molécules d’eau à la surface des cristaux de glace. Une fois liées aux cristaux, les protéines les empêchent de grossir et de faire prendre en glace tout le liquide présent. Elles abaissent ainsi la température à laquelle la glace se forme en dessous du point de congélation naturel des fluides corporels (– 0,7 à – 1 °C). Elles agissent donc comme des agents de protection contre le gel, appelés aussi cryoprotecteurs.</p>
<p>Par leur capacité à contrôler la formation de la glace, ces protéines antigel
présentent un potentiel d’application dans de nombreux domaines : l’agriculture, pour développer des plantes résistantes au gel, l’industrie alimentaire pour préserver la structure des surgelés d’origine animale ou végétale, ou encore la médecine pour la congélation de tissus vivants ou de cultures cellulaires.</p>
<p>Paradoxalement, ce mécanisme de protection pourrait être fatal aux poissons antarctiques. Les protéines antigel se lient en effet de façon irréversible aux cristaux de glace, et elles les stabilisent de sorte qu’ils ne fondent qu’à des températures relativement élevées. Or, dans l’habitat de ces poissons, celles-ci ne sont jamais atteintes ; un <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1410256111">suivi sur plus d’une décennie</a> entre 2000 et 2013 rapporte des valeurs oscillant entre – 2 et – 0,5 °C. Les cristaux de glace stabilisés s’accumulent donc dans les tissus de l’animal, envahissant le sang, le système digestif, et même la rate. On ne sait pas encore comment l’animal élimine ou stocke ces cristaux délétères… Les protéines antigel n’expliquent donc pas à elles seules la résistance des poissons antarctiques au froid.</p>
<h2>Un sorbet de grenouille</h2>
<p>Contrairement aux poissons antarctiques ou aux <a href="https://canadiangeographic.ca/articles/les-secrets-des-collemboles-de-lantarctique/">collemboles arctiques</a> qui luttent contre la formation de glace, d’autres animaux résistent au froid extrême… en gelant !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502636/original/file-20221226-88055-76w7a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une grenouille des bois.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Rana_sylvatica.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Ces animaux sont dits tolérants au gel. C’est le cas de la grenouille des bois <em>Rana sylvatica</em>, qui peuple les forêts boréales de l’Alaska et du Canada. En automne, elle s’aménage un abri pour hiberner : un simple trou dans le sol forestier recouvert de feuilles et de débris, puis de neige. Elle s’y réfugie jusqu’au printemps, endurant pendant sept mois des températures négatives avec des minimales à – 15 °C dans l’abri, alors que la température à l’extérieur descend jusqu’à – 40 °C. La grenouille gère la déshydratation de ses tissus et la formation des cristaux de glace, sans toutefois complètement éviter de geler. Elle survit ainsi à l’hiver arctique en tolérant que son corps gèle jusqu’à 60 % de son volume !</p>
<p>Comment la grenouille des bois fait-elle pour résister à ce traitement de choc ? Sa survie est en partie due à sa capacité à accumuler et recycler un déchet du métabolisme : l’urée. En automne, elle cesse d’uriner et stocke l’urée dans ses tissus. Cette molécule agit comme un cryoprotecteur, car son accumulation dans les cellules abaisse leur point de congélation. De plus, elle retient l’eau dans les cellules et leur évite ainsi de se déshydrater.</p>
<p>En effet, lorsque des cristaux de glace se forment dans les liquides environnant les cellules, ces derniers deviennent plus salés puisque la quantité d’eau liquide diminue. L’eau se déplaçant naturellement du milieu le moins salé vers le plus salé, elle va être progressivement drainée hors des cellules. La présence d’urée contre ce phénomène, car en augmentant la concentration de petites molécules dans la cellule, elle rétablit un équilibre entre l’intérieur et l’extérieur. Il n’y a alors plus de fuite d’eau, et les cellules peuvent rester intactes bien que des cristaux de glace se forment dans les liquides extracellulaires.</p>
<p>En plus de son rôle protecteur, ce déchet riche en azote sert également de source d’énergie. L’intestin de la grenouille des bois abrite en effet une riche population de bactéries capables de dégrader l’urée. Ces bactéries sont beaucoup plus actives et efficaces pendant l’hibernation. Elles produisent en effet deux fois plus d’uréase, l’enzyme qui dégrade l’urée, pendant la phase de dormance, et l’enzyme possède alors une activité trois fois supérieure à celle mesurée chez des grenouilles actives. Cette dégradation de l’urée libère de l’azote qui sert à renouveler les composants cellulaires. Ce recyclage de l’azote à partir de l’urée permet un apport nutritif qui aide la grenouille à survivre pendant l’hibernation, et à redémarrer son métabolisme au printemps avant qu’elle ne recommence à se nourrir.</p>
<p>En automne, la grenouille produit une autre molécule cryoprotectrice, le glucose. Le foie libère alors de grandes quantités de glucose à partir des stocks de glycogène, ce qui entraîne une augmentation de la teneur en sucre des tissus. Le glucose s’accumule dans les cellules, et s’ajoute à l’action de l’urée pour retenir l’eau et éviter la déshydratation concomitante à la formation de glace dans les liquides extracellulaires. Les quantités de glucose sont cinq fois plus élevées dans les muscles des cuisses, et trente fois dans le cœur, chez des grenouilles d’Alaska congelées en laboratoire par rapport à des grenouilles non congelées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502634/original/file-20221226-61468-acxc1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture de l’ouvrage <em>La vie en milieu extrême</em>, aux éditions Quae.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quae</span></span>
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<p>Et ces quantités augmentent encore d’un facteur dix chez des grenouilles congelées dans leur milieu naturel. Cette accumulation exceptionnelle s’explique par l’alternance de cycles de congélation et décongélation partielle pendant l’automne. Dans les forêts d’Alaska, dès le mois d’octobre, la température nocturne descend fréquemment en dessous de – 1 °C, point de congélation de la grenouille des bois. Pendant ce premier mois d’automne, le batracien connaît en moyenne douze cycles de gel et dégel.</p>
<p>Les phases de congélation entraînent une production chronique de glucose par le foie, alors que la décongélation partielle ne s’accompagne pas d’une reprise du métabolisme qui consommerait ce glucose. En hiver, le sol des forêts arctiques cache ainsi des grenouilles congelées, riches en urée et en glucose, donc amères et sucrées !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juliette Ravaux a reçu des financements de Sorbonne Université, de l'Agence Nationale pour la Recherche et de la Commission Européenne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sébastien Duperron a reçu des financements de l'ANR, de la Commission Européenne, du CNRS et du MNHN. </span></em></p>Quand les températures tombent sous zéro, certains animaux n’hésitent pas à geler.Juliette Ravaux, Maître de conférences, Sorbonne UniversitéSébastien Duperron, Professeur d'écotoxicologie microbienne, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939832022-11-11T14:30:20Z2022-11-11T14:30:20ZÇa brûle et j’aime ça : la science du piquant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494494/original/file-20221109-19-jtb97m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C6%2C4195%2C2833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C’est la capsaïcine qui donne aux piments leur goût piquant.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le piquant, ou la perception de celui-ci, sont présents dans la plupart des cuisines du monde. Le piment, du genre <em>Capsicum</em> (famille des Solanacées), est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23328940.2015.1133878">l’une des épices les plus utilisées au monde</a>. On le retrouve dans des milliers de recettes et il est parfois consommé comme un plat en soi. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1878450X18300234?via%3Dihub">Une personne sur quatre</a> sur la planète en mange au quotidien.</p>
<p>En tant qu’écophysiologiste forestier, j’étudie les caractères d’adaptation développés par les organismes végétaux pour interagir avec les autres organismes et le milieu environnant.</p>
<p>La recherche sur les piments et le piquant constitue un parfait exemple de science multidisciplinaire. Au cours des dernières décennies, plusieurs scientifiques ont fourni des informations et parlé des particularités de cette sensation unique et recherchée.</p>
<h2>Bref historique</h2>
<p>Les piments étaient inconnus d’une grande partie du monde jusqu’à ce que <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/christophe-colomb/">Christophe Colomb atteigne le Nouveau Monde</a>, en 1492. Plusieurs théories ont désigné divers endroits d’Amérique du Sud comme étant « le » lieu d’origine des piments.</p>
<p>Une analyse <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/neuroscience/phylogenetics">phylogénétique</a> a révélé qu’ils <a href="https://doi.org/10.14237/ebl.4.2013.2">proviennent d’une zone qui longe les Andes</a>, de l’ouest au nord-ouest de l’Amérique du Sud. Ces <em>Capsicum</em> sauvages ancestraux étaient <a href="https://cpi.nmsu.edu/chile-info/for-kids-pages/the-story-of-chile-peppers.html">« de petits fruits rouges, ronds, ressemblant à des baies »</a>.</p>
<p>Les premières traces de domestication <a href="https://doi.org/10.14237/ebl.4.2013.2">datent d’il y a 6 000 ans au Mexique ou dans le nord de l’Amérique centrale</a>. Les piments ont été introduits en Europe <a href="https://doi.org/10.1080/23328940.2015.1133878">au XVIᵉ siècle</a>. Il existe de nos jours <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780857090393500074">cinq espèces de piments cultivés</a>.</p>
<p>Ces cinq espèces sont <em>Capsicum annuum</em>, <em>C. chinense</em>, <em>C. frutescens</em>, <em>C. baccatum</em> et <em>C. pubescens</em>. Celle qui compte le plus de variétés est <em>C. annuum</em>, qui comprend le jalapeño du Nouveau-Mexique et le piment doux (ou poivron). Les habaneros et les piments écossais appartiennent à l’espèce <em>C. chinense</em>, tandis que les piments tabasco sont des <em>C. frutescens</em>. Les ajis d’Amérique du Sud font partie des <em>C. baccatum</em>. Les <em>C. pubescens</em> incluent quant à eux les rocotos péruviens et les manzanos mexicains.</p>
<p>De nos jours, plus de trois millions de tonnes de piments sont produites chaque année, pour un marché mondial qui dépasse largement les <a href="https://www.tridge.com/market-guides/posts/how-is-the-general-landscape-of-the-chili-pepper-market">4 milliards de dollars</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rangées de variétés de sauce piquante Tabasco sur un rayon de supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La sauce Tabasco – composée de piment tabasco, de vinaigre et de sel – est l’une des sauces piquantes les plus populaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Pourquoi le piment brûle-t-il ?</h2>
<p>Le piquant est une sensation de brûlure provoquée par la capsaïcine présente dans les aliments. Lorsqu’on mange des aliments épicés, la capsaïcine stimule les récepteurs <a href="https://www.nature.com/articles/39807">TRPV1</a>, situés dans la bouche, et déclenche une réaction. Les récepteurs TRPV1 servent à la thermoréception, soit la détection de la chaleur. En d’autres termes, cela signifie qu’ils sont censés nous dissuader de consommer des aliments qui causent une sensation de brûlure.</p>
<p>Quand la capsaïcine active les récepteurs TRPV1, la sensation qu’on éprouve ressemble à celle que l’on ressent lorsqu’on est en contact avec quelque chose de chaud, proche du point d’ébullition de l’eau. Cependant, cette douleur est en réalité une illusion causée par nos récepteurs neuronaux confus – il n’y a rien de vraiment « chaud » dans la nourriture épicée.</p>
<h2>Tous les piments ne sont pas égaux</h2>
<p>Les piments ne sont pas tous aussi épicés. En 1912, le pharmacien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilbur_Scoville">Wilbur Scoville</a> a créé une <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/nutrition-echelle-scoville-16617/">échelle</a> pour mesurer le caractère piquant des piments. Cette échelle, mesurée en unités de chaleur Scoville (SHU), est basée sur la réaction aux capsaïcinoïdes, qui se produit lorsqu’on mange des piments forts.</p>
<p>Sur l’échelle de chaleur de Scoville, les poivrons (SHU de 0) se trouvent en bas de l’échelle. Les piments jalapeños peuvent varier de 2 500 à 10 000 unités. En comparaison, les piments tabasco sont classés de 25 000 à 50 000 unités, et les piments habanero, de 100 000 à 350 000.</p>
<p>Le piment le plus fort du monde – le <a href="https://doi.org/10.21273/HORTSCI13574-18">Carolina Reaper</a> (ou Faucheuse de la Caroline) – atteint 2,2 millions d’unités. Le <a href="https://doi.org/10.1002/zoo.1037">répulsif à ours</a> – avec 2 % de capsaïcine – touche le 3,3 millions d’unités, et la capsaïcine pure atteint 16 millions, au sommet de l’échelle de Scoville.</p>
<h2>Un plaisir humain</h2>
<p>Le psychologue <a href="https://paulbloom.net/">Paul Bloom</a> a écrit :</p>
<blockquote>
<p>Les philosophes ont souvent cherché la caractéristique qui définit les humains – le langage, la rationalité, la culture, etc. Je dirais pour ma part : <a href="https://wwnorton.co.uk/books/9780393066326-how-pleasure-works">l’humain est le seul animal à aimer la sauce Tabasco</a>.</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nupi_cJRlHY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’émission « Hot Ones » sur YouTube présente des célébrités interviewées en train de manger des ailes de poulet épicées.</span></figcaption>
</figure>
<p>Bloom a raison. Si aucun animal n’aime les piments, nous ne sommes toutefois pas la seule espèce animale à en manger. Les mammifères, tels les souris et les écureuils, <a href="https://pharmrev.aspetjournals.org/content/51/2/159.short">ont les mêmes récepteurs de nourriture piquante</a> que les humains, et ils évitent les piments forts comme source de nourriture.</p>
<p>Les oiseaux mangent des piments forts, mais ils ne perçoivent pas de sensation de chaleur. Leurs récepteurs sont différents des nôtres, ce qui les rend biologiquement incapables d’enregistrer les effets de la capsaïcine.</p>
<p>Il est difficile de savoir ce qui a causé l’évolution de la capsaïcine. Certains affirment qu’il s’agit d’une adaptation pour sélectionner les oiseaux comme consommateurs de piments. Les oiseaux ne mâchent pas et ne digèrent pas les graines, contrairement aux rongeurs, et ils les transportent très loin.</p>
<p>D’autres études indiquent que la capsaïcine est un composé efficace <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1438-8677.2012.00717.x">contre les champignons parasites</a>, et que la sensation de chaleur ne constitue qu’un effet secondaire chez les mammifères.</p>
<p>Certains experts prétendent que nous aimons les piments parce qu’ils sont bons pour nous. Ils auraient des <a href="https://doi.org/10.1080/10408398.2021.1884840">effets bénéfiques pour la santé humaine</a>. Ils <a href="https://doi.org/10.3390/nu8050174">réduisent la pression artérielle</a> et peuvent avoir des <a href="https://doi.org/10.3390/molecules25235681">effets antimicrobiens</a>. La douleur des piments peut même être envahissante et aider à <a href="https://doi.org/10.1002/ptr.2650020405">gérer d’autres douleurs</a>.</p>
<p>Selon une autre hypothèse, il s’agirait d’une forme bénigne de masochisme. Le psychologue Paul Rozin suggère que <a href="https://doi.org/10.1007/BF00995932">cela procure une sensation agréable, similaire au plaisir ressenti dans des montagnes russes</a>. Dans le cadre d’une entrevue, il explique :</p>
<blockquote>
<p>L’esprit domine le corps. Mon corps pense que je suis en danger, <a href="https://mbird.com/psychology/pain-pleasure-and-pepper/">mais je sais que je ne le suis pas</a>.</p>
</blockquote>
<h2>Réduire la brûlure</h2>
<p>Que se passe-t-il lorsqu’un aliment est si épicé qu’il est difficile à supporter ? Des chercheurs ont testé la <a href="https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2019.05.018">capacité de diverses boissons à calmer le feu</a>, ou à réduire la brûlure orale causée par la capsaïcine.</p>
<p>Un verre d’eau est sans effet sur la capsaïcine, car celle-ci est hydrophobe – sa molécule ne se lie pas à l’eau. Bien que cela reste à prouver, l’éthanol contenu dans une bière fraîche pourrait même augmenter la sensation de brûlure.</p>
<p>Les boissons avec une quantité importante de sucre peuvent apaiser, car l’activation de la perception du sucré déconcerte notre cerveau. Avec trop de stimuli à gérer, la sensation de piquant est réduite.</p>
<p>Un verre de lait, ou quelques cuillères de yogourt ou de crème glacée calment la brûlure. Ces produits sont habituellement sucrés, mais il y a plus : la caséine – principale protéine du lait de vache – attire les molécules de capsaïcine. <a href="https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2019.05.018">Les molécules de caséine entourent les molécules de capsaïcine et les éliminent</a>, de la même manière que le savon élimine les graisses.</p>
<p>Ainsi, la prochaine fois que vous voudrez essayer une nouvelle sauce ou un plat épicé, n’oubliez pas de l’accompagner d’un verre de lait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193983/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roberto Silvestro reçoit la bourse de mérite pour les doctorants internationaux (PBEEE), attribuée par le Fonds de Recherche du Québec - Nature et Technologies (FRQNT).
</span></em></p>Notre penchant pour la nourriture épicée nous distingue des autres mammifères. Le piment est une épice bien populaire, mais comment cette affinité est apparue demeure un mystère.Roberto Silvestro, PhD Candidate, Biology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935112022-11-06T16:30:53Z2022-11-06T16:30:53ZClimat : l’épineuse question de la responsabilité historique des pays industrialisés<p>Cela ne vous aura pas échappé : la 27<sup>e</sup> Conférence des parties à la Convention climat des Nations unies s’ouvre ce lundi 7 novembre 2022 à <a href="https://cop27.eg/">Charm el-Cheikh, en Égypte</a>. Les discussions, qui s’annoncent âpres, se poursuivront jusqu’au 18 novembre prochain. Ce sera en effet la première <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop-47443">COP</a> où la question des compensations financières pour les dommages subis par les pays en développement figurera en haut de l’ordre du jour.</p>
<p>Cette rencontre au sommet, qui réunit près de 200 pays, promet d’être chahutée par la défiance grandissante du Sud envers le Nord, et par les revendications récurrentes du groupe « pays en développement + Chine », rien moins que <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.POP.TOTL">6,5 milliards d’habitants sur les 8 de la planète</a> !</p>
<h2>La saga des 100 milliards</h2>
<p>Pour comprendre les tensions et débats autour de cette question centrale (qui est responsable du réchauffement, qui devrait payer ?), il faut faire un retour en arrière.</p>
<p>Décembre 2009 : alors que les négociations à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_de_Copenhague_de_2009_sur_les_changements_climatiques">COP15 de Copenhague</a> entrent dans leur dernière ligne droite, le président états-unien Barak Obama propose une enveloppe de <a href="https://unfccc.int/files/meetings/cop_15/application/pdf/cop15_cph_auv.pdf">100 milliards de dollars par an</a>, à mobiliser à partir de 2020 pour le financement des politiques d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement.</p>
<p>Il s’agissait ici moins d’une « solidarité Nord-Sud » que d’une tentative d’arracher un <em>deal</em> : des transferts financiers en provenance des pays industrialisés contre des engagements de réduction des émissions des grands émergents. Tous se refuseront, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2009/dec/22/copenhagen-climate-change-mark-lynas">Chine en tête</a>, à promettre quoi que ce soit.</p>
<p>Treize ans plus tard, selon l’OCDE, les 100 milliards seraient en passe d’être réunis. Mais l’annonce est accueillie avec scepticisme et méfiance par les pays en développement. Cette enveloppe est en effet <a href="https://www.oecd.org/fr/environnement/financement-climatique-fourni-et-mobilise-par-les-pays-developpes-en-2016-2020-6cbb535f-fr.htm">constituée très majoritairement de prêts</a> – qu’il faudra donc rembourser – plutôt que de dons.</p>
<p>Peu transparents quant à leur caractère « nouveau et additionnel » par rapport à l’aide au développement traditionnelle, ces financements échappent presque à tout contrôle des pays du Sud quant à leur affectation.</p>
<p>Le bol d’air qu’avait constitué la promesse des 100 milliards s’est aujourd’hui mué en une profonde frustration.</p>
<h2>Le serpent de mer des « pertes et dommages »</h2>
<p><a href="https://interactive.carbonbrief.org/q-a-should-developed-nations-pay-for-loss-and-damage-from-climate-change/?utm_campaign=Carbon%20Brief%20Weekly%20Briefing&utm_content=20220930&utm_medium=email&utm_source=Revue%20Weekly">Dès 1991</a>, lors des premières négociations pour la Convention climat des Nations unies, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), tous vulnérables à la montée des eaux, proposait déjà un « mécanisme international de compensation financière pour les pertes et dommages associés aux effets négatifs du changement climatique ».</p>
<p>De fait, un <a href="https://unfccc.int/topics/adaptation-and-resilience/workstreams/loss-and-damage/warsaw-international-mechanism">mécanisme international pour pertes et préjudices</a> sera créé en 2013 à la COP19 de Varsovie. Mais, deux ans plus tard, l’Accord de Paris précisait qu’il s’agissait d’un outil de coopération et non de réparation, et qu’il <a href="https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/eng/10a01.pdf">« ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation »</a>.</p>
<p>Un « dialogue sur les pertes et dommages pour les pays les plus vulnérables » aura finalement été engagé à la COP26 de Glasgow (2021) (dit <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma3_auv_2_cover%20decision.pdf">« Pacte climatique de Glasgow »</a>).</p>
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<p>Ces dernières années, les pays du Sud auront mis la pression pour qu’un mécanisme financier de compensation des préjudices puisse être officiellement lancé à la COP27. Mais les États-Unis et l’Europe n’en ont jamais voulu et ils ne soutiendront pas la création d’un nouveau fonds.</p>
<p>À Charm el-Cheikh, pour cette COP27, ils se limiteront donc à proposer – c’est la position officielle de l’UE – de <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/10/24/council-sets-out-eu-position-for-un-climate-summit-in-sharm-el-sheikh-cop27/">renforcer les institutions existantes</a>.</p>
<p>Ces tensions intenses trouvent leurs racines dans la représentation des « responsabilités historiques », concept qui structure les négociations depuis le début des années 1990.</p>
<h2>Les responsabilités historiques, cette dimension structurante des négociations climat</h2>
<p>Le principe des « responsabilités communes mais différenciées », inscrit dans la Convention climat de 1992, a gravé dans le marbre la division du monde en deux blocs ainsi que le concept de responsabilité historique des seuls pays industrialisés.</p>
<p>Il a jusqu’ici exonéré les pays du Sud, Chine comprise, de toute obligation de réduction des émissions ; puis fait entrer la thématique du financement de l’adaptation ; et enfin, celle des compensations financières pour les dommages subis par les pays du Sud.</p>
<p>C’est, depuis 30 ans, un élément central des négociations climat, exprimant la demande d’une solidarité internationale face aux menaces du réchauffement. Au moins dans les discours, car les difficultés ont été constantes. Ce principe des responsabilités historiques s’est en effet transformé au fil du temps en revendications de plus en plus pressantes, toutes formulées en termes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/justice-climatique-22344">« justice climatique »</a>.</p>
<p>Les États-Unis ont toujours été un <a href="https://openyls.law.yale.edu/bitstream/handle/20.500.13051/6301/28_18YaleJIntlL451_1993_.pdf">opposant tenace</a> à ce principe. Ils ne s’y sont jamais ralliés et ce sera couché sur le papier dès la conférence de Rio (1992). Ce principe ne peut donc être interprété comme une reconnaissance d’obligations internationales de leur part ; encore moins comme <a href="https://digitallibrary.un.org/record/168679?ln=fr">« une diminution des responsabilités des pays en développement »</a>.</p>
<p>Cette position demeure la ligne rouge de la diplomatie climatique de Washington.</p>
<h2>Des responsabilités historiques toutes relatives</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm">L’économiste Olivier Godard</a> a bien souligné que la responsabilité historique des pays industrialisés, qui sous-tend les revendications de compensation pour les pertes et dommages, n’est <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-en-finir-avec-les-idees-recues-sur-la-responsabilite-du-nord-52163">pas aussi simple à établir</a> qu’il n’y paraît, que ce soit en termes de fondements juridiques et moraux, ou même de statistiques.</p>
<p>Mais pour ses défenseurs, représentants des pays émergents ou des pays moins avancés, les choses sont claires. Dès 1991, le <a href="https://www.southcentre.int/about-the-south-centre/">South Centre</a>, un laboratoire d’idées des pays du Sud, indique que les pays industrialisés auraient historiquement préempté l’espace environnemental. Et le simple constat des émissions cumulées relatives suffirait à démontrer cette responsabilité. Il serait alors fondé d’imputer aux États et à leurs populations actuelles les agissements des générations passées. Il leur appartiendrait alors d’assumer des obligations de réparation des dommages produits par les comportements de leurs aïeux.</p>
<p>Qu’en est-il dans les chiffres ? Pour y voir plus clair il faut étudier l’évolution relative des émissions de gaz à effet de serre, annuelles et cumulées, des pays industrialisés (dit groupe Annexe 1 dans la Convention climat) et celle des pays en développement, grands émergents et Chine comprise (groupe Non-Annexe 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs, données PRIMAP, PIK (Institut du climat de Postdam)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’examen des émissions annuelles fait apparaître une rupture dans les pays Annexe 1 à partir de 1980 (le second choc pétrolier), avec depuis une décroissance lente. En revanche, pour les pays Non-Annexe 1, elles n’ont cessé d’augmenter, et de manière exponentielle. Résultat : si, en 1980, les émissions des pays industrialisés représentaient deux fois celles du groupe « pays en développement + Chine », cette proportion est aujourd’hui inversée.</p>
<p>Pour les émissions cumulées (celles qui pourraient mesurer la responsabilité historique) jusqu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, avant le plein déploiement de la révolution industrielle au Nord, ce sont les émissions des pays du Sud qui dominent.</p>
<p>Le paysage change ensuite du tout au tout, et cela jusqu’en 1980, date à laquelle la part des pays du Nord atteint son maximum (70 %). Depuis, elle n’a cessé de décroître du fait de la forte croissance économique des pays émergents. Aujourd’hui, elle est encore supérieure à 50 %, mais il ne faudra pas dix ans pour que les émissions cumulées des pays en développement et émergents ne dépassent celles des pays industrialisés. Les responsabilités historiques seront alors partagées de manière égale.</p>
<h2>Une responsabilité morale ?</h2>
<p>D’autre part, avant 1990 les conditions élémentaires pour fonder un argument de responsabilité n’étaient pas réunies. Les générations antérieures n’avaient pas la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm"><em>connaissance préalable</em></a> du fait que les émissions de gaz à effet de serre altéreraient le climat, impossible donc de le leur reprocher et, <em>a fortiori</em>, d’en rendre responsables les générations ultérieures. Et, il va de soi que les générations actuelles n’ont aucune <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm"><em>capacité d’action</em></a>, aucun moyen d’infléchir les choix énergétiques et de développement des générations passées.</p>
<p>Par ailleurs, c’est à partir des années 1990, que l’accélération de la croissance économique des pays émergents, fondée sur une augmentation massive de leurs consommations d’énergies fossiles, se traduit par une augmentation également massive de leurs émissions. En résultat chaque année depuis vingt ans, leurs émissions dépassent toujours plus celles des pays Annexe 1.</p>
<p>Pour autant, en termes de responsabilité individuelle instantanée, les émissions par tête sont encore beaucoup plus élevées au Nord qu’au Sud, en raison notamment de l’intensité de leur consommation d’énergie. Avec une exception de taille cependant, puisque les émissions par tête de la Chine dépassent maintenant celles de l’Union européenne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe montrant les émissions de GES par habitant" src="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">SDES, ministère de la transition écologique (Chiffres-clé du climat 2022)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On le voit, il sera impossible de trancher la question de la responsabilité historique. Elle restera indécidable, passionnelle et au plus haut point politique. Aucun chiffre, ni aucune théorie de la justice ne pourra jamais fonder un consensus, et cette question constituera de manière durable un <a href="https://www.cairn.info/revue-sigila-2014-1-page-13.htm">« skandalon »</a>, une pierre d’achoppement, susceptible de faire trébucher la négociation.</p>
<h2>Un conflit insoluble</h2>
<p>Les exigences des pays du Sud ne pourront être pleinement satisfaites à Charm el-Cheikh.</p>
<p>Sur les « pertes et dommages », une étude d’envergure publiée en 2018 les estimait à rien moins que <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-72026-5_14">290-580 milliards de dollars par an d’ici 2030</a>. Avec une intensification du réchauffement, le coût des impacts pourrait excéder <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-72026-5_14">1 000 milliards de dollars chaque année d’ici 2050</a>.</p>
<p>Quelle que soit la fiabilité de ces évaluations, il est irréaliste d’imaginer que les États-Unis et l’Union européenne, se lient à une responsabilité qui les contraindrait à débourser des centaines de milliards de dollars chaque année.</p>
<p>Personne n’a cependant intérêt à ce que la COP27 se solde par un fiasco. Un compromis, insatisfaisant, et au premier chef pour les pays en développement, devra être trouvé. La diplomatie est aussi l’art de masquer les conflits qui ne trouveront jamais de solution.</p>
<hr>
<p><em>Nathalie Rousset – docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan Bleu, aujourd’hui consultante – a contribué au traitement des données et à la rédaction de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bol d’air qu’avait constitué la promesse des 100 milliards de dollars annuels au titre de la solidarité Nord-Sud est aujourd’hui source de frustration pour les pays en développement.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900302022-10-24T17:21:32Z2022-10-24T17:21:32ZÀ Paris, quels arbres pour adapter la ville au changement climatique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489060/original/file-20221010-15-jrsuy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C12%2C3880%2C2305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paysage d’automne au parc de Bagatelle, un haut lieu de diversité ligneuse du jardin botanique de Paris.</span> <span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La ville de Paris possède un patrimoine arboré très important, dont témoigne l’open data de la ville présentant l’identité et la localisation de <a href="https://opendata.paris.fr/explore/dataset/les-arbres/">plus de 205 000 arbres</a> dans la capitale.</p>
<p>À ce nombre s’ajoutent tous les arbres non gérés et suivis par la direction des espaces verts et de l’environnement de la ville de Paris, comme ceux du jardin des plantes, du parc de la cité internationale, du jardin du Luxembourg, du jardin des Tuileries et de très nombreux autres parcs et jardins privés.</p>
<h2>Plus de 700 espèces d’arbres à Paris</h2>
<p>Le comptage précis des essences d’arbres de Paris se heurte à plusieurs autres difficultés, comme la limite non clairement établie entre arbre et arbuste (en principe <a href="https://www.fao.org/3/y2328f/y2328f26.htm">hauteur supérieure à 5 ou 7 m</a> pour un arbre), ainsi que les variations taxonomiques intraspécifiques, certaines sous-espèces ou variétés étant parfois perçues comme de vraies espèces par certains auteurs.</p>
<p>Les dénombrements réalisés à partir de l’open data et de données complémentaires sur les autres espaces verts, non comptabilisées dans cette base de données, permettent toutefois de considérer qu’il y a actuellement à Paris plus de 700 espèces différentes d’arbres (tel que considéré dans l’open data, prenant parfois aussi en compte des espèces arbustives hautes), ce qui est tout de même assez remarquable.</p>
<p>C’est logiquement l’arboretum de Paris, au cœur du bois de Vincennes, qui, sur ses 12 ha, en concentre le plus grand nombre, avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arboretum_de_Paris">environ 485 espèces</a> (et globalement plus de 800 taxons, en comptant les sous-espèces, variétés et cultivars). Le <a href="https://www.mnhn.fr/fr/jardin-des-plantes">jardin des plantes</a> abrite quant à lui, sur 23,5 ha, plus de 270 espèces d’arbres (dont beaucoup évidemment en commun avec l’arboretum), alors que le <a href="https://www.ciup.fr/wp-content/uploads/2021/09/DepliantParc540x405mm-BD.pdf">parc de la cité internationale</a> affiche 235 espèces d’arbres sur 34 ha.</p>
<p>Les grands parcs urbains créés à l’époque haussmannienne dépassent aussi pour chacun d’entre eux les 100 espèces différentes d’arbres : environ 115 pour celui des Buttes-Chaumont (24,7 ha), 140 pour le <a href="https://theconversation.com/arbres-et-oiseaux-balade-au-parc-montsouris-ce-point-chaud-de-la-biodiversite-parisienne-139329">parc Montsouris</a> (15,5 ha), et même 150 pour le parc Monceau sur 8,4 ha. Des squares de plus petites dimensions peuvent également héberger une diversité arborescente importante, comme celui <a href="https://www.paris.fr/lieux/square-du-serment-de-koufra-1773">du Serment de Koufra</a> (de 2,7 ha) avec plus de 50 espèces distinctes, dont certaines espèces très rares dans les parcs botaniques de Paris, par exemple les chênes de Hongrie (<em>Q. frainetto</em>) et du Japon (<em>Quercus acutissima</em>), ainsi que le chêne noir <em>(Q. nigra)</em>, une espèce américaine.</p>
<h2>Des essences dominantes, d’autres très rares</h2>
<p>Les espèces dominantes dans la ville de Paris sont les platanes, les marronniers, les tilleuls et les érables, qui ensemble constituent plus de 50 % des arbres de la ville. Ces arbres ont souvent été plantés historiquement en peuplements denses et monospécifiques, ce qui accroît leur vulnérabilité aux agents pathogènes. Comme <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2019/07/24/4887edf9bceb66818b59b2e5fb74b7de.pdf">essences secondaires bien représentées</a>, on peut citer le sophora du Japon, les frênes, les pins, les chênes, etc.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489061/original/file-20221010-24-qe37cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’arbre de fer ou parrotie de Perse, une espèce à port buissonnant dense très décorative à l’automne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span></span>
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<p>D’autres espèces au contraire sont bien plus rares, certaines n’étant représentées que par moins de 5 individus dans les espaces verts de la capitale. Par exemple le remarquable conifère <em>Wollemia nobilis</em>, <a href="https://theconversation.com/le-pin-de-wollemi-la-decouverte-botanique-la-plus-retentissante-du-xx-si%C3%A8cle-151997">espèce nouvelle découverte en 1995</a> en Australie, n’est pas mentionné dans l’open data. Il est présent au jardin des plantes, au parc des Bagatelles ainsi que dans celui du quai Branly et peut-être également dans quelques autres jardins secrets de la capitale.</p>
<p>Le genre le plus diversifié dans les espaces verts de Paris est le genre <em>Quercus</em>, correspondant aux chênes, avec plus de 40 espèces et quelques hybrides plantés dans la capitale. Un autre genre très bien représenté est <em>Acer</em>, correspondant aux érables, avec 36 espèces différentes et 4 hybrides.</p>
<h2>Quelle place pour les essences indigènes ?</h2>
<p>La ville de Paris s’est engagée à planter <a href="https://theconversation.com/fact-check-planter-170-000-arbres-a-paris-en-6-ans-est-ce-faisable-132916">170 000 arbres</a> <a href="https://www.paris.fr/pages/l-arbre-a-paris-199">au cours de la mandature 2020-2026</a>. Faut-il y opter principalement pour des essences indigènes en Île-de-France ? En effet, le plan biodiversité de la ville de Paris propose, dans son action 21, <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2021/02/17/fbb551749cd3dabdf2b730d5f4097629.pdf">« de favoriser les espèces végétales régionales »</a>. Les essences indigènes en Île-de-France, peu nombreuses (de l’ordre <a href="https://cbnbp.mnhn.fr/cbnbp/ressources/telechargements/Catalogue_flore_ile_de_France_simplifie.pdf">d’une vingtaine d’espèces d’arbres</a>), doivent évidemment y avoir toute leur place, à condition qu’elles y soient adaptées aux conditions environnementales actuelles et à venir dans les prochaines décennies.</p>
<figure class="align- zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489243/original/file-20221011-14-c4uve9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le frêne élevé est une essence indigène en Île-de-France très menacée par l’extension de la chalarose, une maladie fongique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span></span>
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<p>Dans les « vraies forêts » d’Île-de-France hors agglomérations, ce choix de privilégier les essences indigènes (et d’exclure autant que possible les essences exotiques) dans les plantations <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/wp-content/uploads/2021/12/2021-12-09_livre_blanc_web_HQ_vf.pdf">est pleinement justifié</a>. Cette orientation doit aussi être appliquée dans les forêts suburbaines parisiennes (bois de Boulogne et de Vincennes) dans l’objectif d’accroître la naturalité de ces forêts.</p>
<p>Par contre, cette option apparaît bien plus discutable en centre-ville, car des espèces allochtones y sont souvent mieux adaptées aux conditions environnementales actuelles et futures et peuvent y rendre des services écosystémiques plus importants <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/choisir-arbres-adaptes-au-climat-aujourd-hui-demain">que les espèces autochtones</a>.</p>
<p>D’autre part, les essences exotiques potentiellement envahissantes peuvent y être facilement identifiées et maîtrisées. La diversification de la palette végétale par des essences allochtones doit ainsi permettre un accroissement des services écosystémiques et un embellissement du paysage urbain.</p>
<h2>70 % des essences de nos villes à risques</h2>
<p>Selon la dernière estimation <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2115329119">publiée début 2022</a>, la flore ligneuse mondiale serait riche de plus de 73 000 espèces d’arbres, dont 9000 resteraient à décrire, la plupart de ces espèces étant inféodées aux régions tropicales et donc non adaptées aux conditions climatiques de la ville de Paris.</p>
<p>Des milliers d’espèces d’arbres existent toutefois <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10549811.2017.1310049?scroll=top&needAccess=true">dans les régions tempérées américaines et eurasiatiques</a>, ce qui laisse encore de grandes possibilités d’enrichissement et de diversification de la flore ligneuse parisienne.</p>
<p>Des expérimentations d’introduction à Paris de telles essences exotiques pourraient ainsi permettre d’évaluer leurs potentialités d’acclimatation dans nos villes et les services écologiques qu’elles seraient susceptibles d’y assurer, en particulier <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ppp3.10162">dans le contexte du changement climatique actuel</a>.</p>
<p>Cette diversification des essences dans les villes apparaît d’autant plus cruciale que plus de 70 % des espèces actuelles de nos villes, dont toutes les essences indigènes en Île-de-France, seront en <a href="https://theconversation.com/climat-dici-2050-71-des-especes-darbres-en-situation-de-risque-a-paris-bordeaux-montpellier-grenoble-et-lyon-190511">situation de risque</a> par rapport au changement climatique d’ici à 2050 à Paris et <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-022-01465-8">dans les autres grandes villes françaises</a>.</p>
<p>Par exemple, il existe <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/botanique/l-etonnant-succes-evolutif-des-chenes-20105.php">quelque 435 espèces</a> de chênes dans le monde, présentes principalement dans les zones tempérées de l’hémisphère nord.</p>
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<p>Un grand nombre d’entre elles ont été introduites dans des arboretums français et des pays voisins. Ainsi plus de 300 espèces de chênes sont <a href="https://arboretumpouyouleix.com/arboretum-des-pouyouleix/">à l’arboretum de Pouyouleix</a> (Dordogne), plus de 250 espèces dans <a href="http://jeanlouis.helardot.free.fr/l%E2%80%99auteur.htm">celui de JL Hélardot</a> (Corrèze), de nombreuses également à l’arboretum de Wespelaar <a href="https://www.arboretumwespelaar.be/">près de Bruxelles</a>, etc. De quoi permettre d’enrichir encore les collections de chênes des parcs et jardins, ainsi que des boulevards et avenues de la ville de Paris !</p>
<figure class="align- zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489241/original/file-20221011-23-zcorsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le chêne-liège de Chine (<em>Quercus variabilis</em>), une espèce très décorative à croissance rapide, encore peu présente à Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span></span>
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<h2>Un enrichissement à poursuivre</h2>
<p>Ce sont évidemment en premier lieu l’arboretum de Paris et les jardins botaniques (dont le jardin des plantes, en liaison avec <a href="https://www.arboretumdeversailleschevreloup.fr/fr">l’arboretum de Versailles-Chèvreloup</a>) qui ont vocation à diversifier la flore ligneuse parisienne, mais les parcs, squares, cimetières et d’autres espaces verts de la capitale peuvent également y contribuer.</p>
<p>Cet enrichissement peut aussi conduire à créer des ensembles ligneux cohérents sur le plan biogéographique. C’est ainsi que, dans le cadre du projet de la ville de Paris de création d’une forêt urbaine à la place de Catalogne (XIV<sup>e</sup> arrondissement), nous avons proposé de constituer une <a href="https://theconversation.com/quels-arbres-choisir-pour-la-future-foret-urbaine-place-de-catalogne-a-paris-173781">forêt de type subméditerranéen</a>.</p>
<p>Sur le même principe, pourraient être créées dans la capitale (comme dans d’autres villes…), sur de petites surfaces (de l’ordre de quelques milliers de m<sup>2</sup>), des forêts tempérées de type américain ou asiatique, voire de l’hémisphère Sud, permettant au public de bénéficier sans se déplacer d’un premier aperçu des communautés d’arbres de ces régions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Muller a présidé le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), ainsi que le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) de la région Grand Est. Il est actuellement membre associé de l’Autorité environnementale de l'IGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)</span></em></p>Paris possède un patrimoine arboré considérable, qu’il faut toutefois continuer à diversifier car le changement climatique menace une partie des espèces dominantes de la capitale.Serge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896022022-10-16T15:34:43Z2022-10-16T15:34:43ZLes diversités de colorations, une stratégie d’adaptation pour les escargots des dunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489746/original/file-20221014-23-1x73yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C3051%2C2128&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grappe de Theba pisana, Sud de la France</span> <span class="attribution"><span class="source">Pr. Köhler</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Lors d’une balade en été à travers les dunes de Biville en Normandie mais aussi ailleurs, n’importe où dans les dunes côtières du bassin méditerranéen jusqu’au îles Canaries et à la <a href="https://archive.org/details/zoologische-verhandelingen-241-001-059">frontière écossaise</a>, on peut observer des escargots suspendus aux plantes, piquets de clôture et autres supports verticaux et ceci parfois en grappes assez importantes. Il s’agit pour la plupart d’escargot des dunes, aussi appelés la <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/163385">Caragouille rosée ou <em>Theba pisana</em> en latin</a>. Est-ce bien la même espèce ? !</p>
<p>Majoritairement oui, mais pas nécessairement. On trouve parmi les Theba d’autres espèces telles que la Caragouille globuleuse, <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/61766"><em>Cernuella virgata</em></a> et, dans le su sud de la France, l’Hélicelle des Balkans, <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/163293"><em>Xeropicta derbentina</em></a> qui peuvent ressembler à l’escargot des dunes. Toutefois, toutes ces espèces varient, d’individus blancs à des individus ornementés de stries et taches brunes-noires très divers. Pourquoi cette variabilité peut-elle être présente à la fois chez des individus très clairs et des individus bien foncés dans une seule et même espèce ? Et pourquoi les animaux s’agrippent aux herbes s’exposant totalement au soleil brûlant ?</p>
<p>À cette dernière question, nous pouvons répondre facilement. Pendant la nuit, quand il fait frais, les escargots sont actifs au sol. Cependant, en plein jour, en été la température au sol peut dépasser 50 °C dans les espaces ouverts. Sur les plantes balancées par le vent, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.5607">température est bien plus agréable</a>. Et si les conditions sèches et chaudes deviennent extrêmes et persistantes, les escargots rentrent alors en dormance, c’est-à-dire dans un arrêt métabolique prolongé qui se nomme <a href="https://doi.org/10.1242/jeb.054403">estivation</a>.</p>
<h2>Des escargots blancs ou noirs</h2>
<p>Mais quel est le rôle de la variation phénotypique, c’est-à-dire la variation des caractères apparents et observables de la coquille dans ce contexte ? Plusieurs hypothèses sont possibles : Les stries peuvent aider à dissimuler les escargots dans la végétation et ainsi les protègent des prédateurs, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00114-013-1049-y">notamment des oiseaux</a>. Dans ce cas, les différentes couleurs seraient liées à la végétation environnante. Cependant, la coloration peut aussi <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.5607">protéger de la chaleur</a>. Il est bien connu qu’un objet sombre absorbe davantage le rayonnement solaire. Par contre, un objet blanc reflète plus le soleil et possède de ce fait un pouvoir réfléchissant plus élevé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489748/original/file-20221014-27-6tyf4n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les escargots des dunes peuvent être blancs ou pigmentés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andreas Thomas Knigge</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cela étant, la mélanine, pigment brun-noir contenu dans les stries pourrait fournir une protection contre les rayonnements solaires, notamment les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/brv.12268">ultraviolets</a>. De plus, il a été démontré que les <em>T. pisana</em> fortement pigmentés refroidissent aussi plus rapidement que les escargots de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jtherbio.2017.06.001">couleur plus claire</a>. Finalement, les expériences ont prouvé que les individus clairs performent mieux dans les habitats fortement ensoleillés, tandis que la mortalité chez les spécimens foncés y est <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ece3.7002">plus haute</a>. Ce constat favorise donc l’hypothèse qu’une coquille de couleur claire protège contre le rayonnement solaire et la chaleur. La couleur semble donc être soumise à une pression sélective en fonction de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ece3.7002">l’ensoleillement et des températures résultantes</a>. Par conséquent, on devrait trouver plus d’animaux avec des coquilles claires dans les régions chaudes au sud et plus d’escargots de couleur foncée dans les régions plus clémentes, dans l’aire de répartition septentrionale. Si cela s’avère vrai, le changement climatique ferait certainement évoluer la pression sélective en favorisant les escargots clairs aussi au nord de l’aire de répartition. Par conséquent, il est attendu que le réchauffement climatique diminuera également la variation phénotypique dans le bassin méditerranéen et modifiera l’aire de répartition de cette espèce.</p>
<h2>Une analyse de 20 000 individus</h2>
<p>Mais quelle est précisément la fréquence des morphes, c’est-à-dire des regroupements phénotypiques clairs et foncés de <em>T. pisana</em> par rapport à leur aire de répartition ? Par ailleurs, quelle capacité morphologique possède cette espèce afin de s’adapter au réchauffement climatique ? Pour répondre à ces questions, nous avons mobilisé des chercheurs de différents pays, d’Israël, de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de France, des Pays de Galle, d’Angleterre et des Pays-Bas. Les scientifiques ont collecté près de 20 000 individus de <em>T. pisana</em> provenant de plus de 170 sites et les ont envoyés au laboratoire d’Écologie et physiologie animale de l’Université de Tübingen, en Allemagne pour analyse morphométrique, c’est-à-dire de leur taille, leur forme et de leur intensité de pigmentation.</p>
<p>Les données morphométriques ont été modélisées en fonction de paramètres bioclimatiques, dont notamment la température et la pluviométrie, ainsi que la densité de la couverture végétale. De plus, l’aire de répartition historique entre le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, et l’Europe du Nord-Ouest a été reconstituée à partir des données publiées dans les revues scientifiques. La future distribution de <em>T. pisana</em> du bassin méditerranéen à l’Europe Nord-ouest ainsi que la fréquence future des morphes plus ou moins pigmentés est prédite sur la base des différents modèles de changement climatique. Ces derniers travaux sont en cours et n’ont pas encore été publiés.</p>
<p>Les résultats indiquent une distribution actuelle des morphes clairs et sombres de <em>T. pisana</em> qui correspond à la répartition nord-sud de l’espèce. En effet, les escargots fortement pigmentés semblent être plus fréquents aux Pays de Galle et Pays-Bas, pourtant les escargots plus clairs se trouvent plus nombreux dans les parties sud de l’aire de répartition. Même si la végétation change également du nord au sud, mais aussi d’ouest à l’est, les analyses suggèrent fortement que les facteurs climatiques, dont la température et l’ensoleillement, déterminent majoritairement la distribution des morphes clairs et des morphes sombres par rapport à d’autres facteurs. La végétation impacte plus localement les différentes distributions des morphes clairs et foncés.</p>
<p>Il se dessine également que la zone propice à la colonisation par <em>T. pisana</em> va s’étendre plus vers l’Europe centrale et l’Europe du Nord. À l’avenir, nous devons également nous attendre à la présence de populations de cet escargot en Allemagne continentale ainsi qu’au Danemark, en Écosse et dans le sud de la Suède. Effectivement, <em>T. pisana</em> est déjà présente à Helgoland, petite île dans la baie allemande <a href="http://www.dmg.mollusca.de/images/mitteilungen_dmg/mitteilungen090/mitt_dmg_090_013-016_roesch.pdf">depuis 2014</a>. Par contre, <em>T. pisana</em> pourrait disparaitre ponctuellement des habitats extrêmement chauds et secs, comme certaines parties de la côte nord de l’Afrique ou de l’intérieur de l’Espagne. L’espèce profitera donc généralement d’une extension de son aire de réparation qui compensera probablement la disparition dans d’autres régions. En contrepartie, dans l’aire de répartition méridionale, l’espèce pourrait être confrontée à une perte de diversité intraspécifique concernant la pigmentation et les motifs de la coquille dans ces régions pour lesquelles la durée et l’intensité d’ensoleillement ainsi que la température moyenne annuelle dépassent un niveau seuil, au-delà duquel des mécanismes évolutifs sont enclenchés afin d’induire la modification des aspects morphologiques. Effectivement, les modèles prédisent que dans le sud de la France, les populations seraient pour la plupart de couleur claire. En contrepartie, ces populations pourraient être appauvries en diversité génétique, ce qui peut avoir pour corollaire une perte de capacité d’adaptation à des conditions environnementales variables autres que l’ensoleillement et la température.</p>
<p>En résumé, nous pouvons constater que <em>T. pisana</em> est une espèce qui pourrait s’adapter au changement climatique lui permettant de persister dans la plupart des régions qui subissent un ensoleillement plus fort et une augmentation des températures. En même temps, l’espèce pourrait dans le futur coloniser de nouvelles régions pourvu que les habitats restent hors du gel, comme l’Écosse et la Scandinavie. C’est notamment cette condition qui limite la propagation vers le nord.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ces escargots peuvent être blancs ou ornés de stries noires, le changement climatique va-t-il influencer la répartition de ces deux types ?Thomas Knigge, senior lecturer, Université Le Havre NormandieHeinz-R. Köhler, Professor of Animal Physiological Ecology, University of TübingenHenri A. Thomassen, Associate Professor in Evolutionary Biology and Ecology, University of TübingenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918832022-10-14T15:10:23Z2022-10-14T15:10:23ZComment les insectes gèrent à leur échelle le changement climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488985/original/file-20221010-12-682y91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1902%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le changement climatique pose aussi des soucis d'adaptation aux insectes.</span> <span class="attribution"><span class="source">PxHere</span></span></figcaption></figure><p>L’été 2022 a été le deuxième plus chaud jamais observé en France, avec de <a href="https://theconversation.com/troisieme-vague-de-chaleur-une-secheresse-sans-precedent-cet-ete-2022-184792">multiples vagues de chaleur successives</a> et de nombreux records de température battus dans plusieurs villes. Si ces extrêmes climatiques préfigurent ce qui pourrait devenir la norme d’ici la fin du siècle, ils interrogent quant à leurs conséquences sur la biodiversité.</p>
<p>Les insectes représentent plus de la moitié des espèces vivantes décrites, avec plus d’un million d’espèces reconnues au niveau mondial et près de 50 000 en France. Généralement mal connus du grand public, ils sont perçus comme capables de résister à tout… Pourtant, eux non plus ne sont pas épargnés par ces températures élevées et doivent lutter pour survivre.</p>
<p>Comme pour les autres organismes vivants, la réponse des insectes aux changements climatiques se décompose en trois alternatives principales : s’adapter (génétiquement), ajuster leur physiologie et chercher des conditions plus clémentes. Par exemple, des études ont rapporté des modifications de la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1365-2486.2000.00322.x">« phénologie »</a> (la temporalité de phénomènes biologiques au cours des saisons) ou de l’<a href="https://www.nature.com/articles/21181">aire de répartition</a> de certaines espèces de papillons en réponse au changement de leur environnement.</p>
<p>Cependant, ces réponses sont souvent trop lentes et/ou inadaptées pour faire face aux événements climatiques extrêmes régulièrement brutaux et imprévisibles tels que les vagues de chaleur. Prendre la mesure du challenge que représentent les vagues de chaleur pour les insectes et identifier les solutions qui s’offrent à eux constituent une priorité pour connaître quelles espèces sont les plus en danger et comment limiter les risques d’extinction.</p>
<h2>Pourquoi se préoccuper des insectes ?</h2>
<p>On a toujours besoin d’un plus petit que soi… Le proverbe s’applique parfaitement aux insectes car, si petits soient-ils, ils jouent des rôles cruciaux au sein des écosystèmes. La pollinisation, la dégradation de végétaux et matières organiques, leur place dans les chaînes alimentaires ou encore leur utilisation comme agents de biocontrôle en agriculture sont autant d’exemples qui soulignent leur place omniprésente dans nos quotidiens.</p>
<p>Leur déclin est lié à de nombreux facteurs, incluant les changements de pratiques agricoles (pesticides, remembrement, etc.), l’urbanisation, mais aussi les changements climatiques, et <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/declin-des-insectes-lurgence-dagir">devient extrêmement préoccupant</a>.</p>
<p>Les insectes sont des organismes « ectothermes », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas en mesure de produire de la chaleur par eux-mêmes – à la différence des animaux <a href="https://theconversation.com/37-c-ete-comme-hiver-lenigme-de-notre-temperature-corporelle-163149">endothermes, tels les mammifères</a>, qui, eux, en sont capables. Ils sont donc dépendants de leur environnement pour trouver une température qui leur soit favorable. On pourrait alors croire que les vagues de chaleur leur soient bénéfiques… Mais, <a href="http://www.lasciencesimplement.fr/incroyables-capacites-insectes-deserts/">hormis pour quelques espèces particulièrement bien adaptées aux hautes températures</a>, ce n’est pas le cas.</p>
<p>La tolérance des insectes aux hautes températures va en effet dépendre de nombreux paramètres. Certains peuvent être mis en parallèle avec ceux qui influencent la thermorégulation chez l’humain : l’âge, la taille du corps, le stade de vie (œuf, larve, adulte) ; <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/brv.12588">d’autres sont plus originaux</a> comme la photopériode, la disponibilité en oxygène ou la possession de symbiontes (micro-organismes associés à l’insecte).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’un insecte localisant ses capteurs de chaleur (antennes), de libération de la chaleur excédentaire (gaz respiratoires), etc." src="https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489543/original/file-20221013-24-npwemq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Systèmes d’évaluation de la température et de régulation à la chaleur chez les insectes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">G. Deconninck, d’après González-Tokman (2020)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Lorsque l’insecte perçoit une température qui lui est défavorable, son organisme réagit et des réponses métaboliques se mettent en place. Tout comme l’humain, il va pouvoir transpirer (évapotranspiration) pour équilibrer sa température. Dans les cas extrêmes, il va diminuer son taux métabolique, c’est-à-dire <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1815828116">limiter au maximum les pertes d’énergie</a>.</p>
<p>Mais la réponse peut aussi être comportementale : il peut quitter l’endroit où il se trouve pour aller dans une zone plus fraîche.</p>
<p>D’où l’importance, pour comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les insectes, de se placer à leur hauteur… Pour ce faire, l’étude du microclimat permet de définir l’habitat thermique des insectes. Ce qui n’est pas si évident.</p>
<h2>Développer l’importance des microclimats… à hauteur d’insectes</h2>
<p>Même si la « météo » peine parfois à proposer des prévisions pertinentes, la mesure des températures ne pose – apparemment – guère de souci. Or les températures fournies par les organismes météorologiques sont adaptées aux humains… mais pas toujours pertinentes pour les insectes. En effet, l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214574520300870">échelle spatiale n’est pas la même pour un humain ou un insecte</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pour un insecte de 2mm, le micro-habitat ne s’étire que sur 10 cm, contre 85 pour un homme" src="https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489047/original/file-20221010-26-mo1wrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Selon la taille de l’organisme (insecte, humain…), le micro-habitat à considérer n’est pas le même : il est beaucoup plus réduit pour un insecte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M. Leclerc, d’après S. Pincebourde et Current Opinion</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Par rapport à une fourmi, un humain qui se trouve dans une zone trop chaude ou trop froide pourra parcourir une plus grande distance à la recherche d’un environnement favorable. Mais surtout, à échelle d’insecte, le « paysage thermique » est très différent du nôtre : aux grandes zones dessinées par les données climatiques « classiques » correspondent des espaces très découpés si l’on considère les données microclimatiques.</p>
<p>Si on prend l’exemple des insectes présents à la surface des feuilles, comme les pucerons, ils pourront trouver à quelques centimètres d’écart des zones plus ou moins chaudes à cause de phénomènes physiques (couches limites, rayons solaires, convection, évapotranspiration de la feuille, etc.). L’insecte n’est donc pas exposé aux mêmes températures en fonction de sa position, ce qui est imperceptible à notre échelle humaine. Il en est de même pour les pollinisateurs lorsqu’ils visitent des fleurs.</p>
<p>À une échelle plus large, pour les insectes forestiers, une forte hétérogénéité de la température est présente dans ce type de milieu. Un paysage thermique complexe est plus accueillant pour la biodiversité.</p>
<p>Avec le changement climatique et les vagues de chaleur, les températures de l’air sont par définition plus élevées, se répercutant ainsi sur les micro-habitats. Les insectes seront donc exposés à des températures plus chaudes. Par exemple, la cime des arbres peut atteindre plus de 55 °C lors d’une vague de chaleur ! Une solution pour eux serait de trouver un refuge climatique, c’est-à-dire un secteur plus frais.</p>
<p>Cependant, les vagues de chaleur, quand elles se suivent, homogénéisent les températures, ce qui limite la disponibilité des environnements favorables. Les insectes peuvent donc se retrouver confrontés à des températures stressantes, voire létales, sans avoir la possibilité d’y échapper.</p>
<p>Toutefois, tout n’est pas perdu pour la biodiversité. Il existe une autre capacité d’adaptation des insectes, plus inattendue a priori : « l’architecture » ! Des espèces sont capables de réguler la température de leur microhabitat en construisant des structures spécifiques. Nous pouvons citer le cas des termitières ou les cocons des chenilles processionnaires, qui permettent de maintenir une température relativement optimale pour leurs occupants.</p>
<p>Dans les termitières, par exemple, la température est maintenue constante à environ 30 °C. <a href="https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-reseaux-de-micro-pores-controlent-la-ventilation-et-regulent-la-temperature-des">L’architecture du nid et sa structure microporeuse</a> vont permettre une circulation de l’air via des pores, des galeries et des cheminées : l’air extérieur chaud est envoyé sous terre où il se refroidit, puis redistribué à l’ensemble de la termitière, et enfin sa densité le fait remonter et sortir de la termitière au travers de cheminées.</p>
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<img alt="Termitière pouvant atteindre 7m en Australie" src="https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488990/original/file-20221010-26-dbq37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour résister à la chaleur, certains insectes comme les termites sont capables de créer des habitats ventilés et où la température est contrôlée (Litchfield National Park, Australie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">W. Bulach/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’évolution a conduit les insectes à tirer profit des phénomènes physiques qui nous entourent et leur ingéniosité inspire les scientifiques et ingénieurs pour <a href="https://www.ladn.eu/archives/maison-2050/biomimetisme-la-clim-de-cet-immeuble-est-inspiree-par-les-termites/">diverses constructions</a> : on appelle cela la bio-inspiration ou biomimétisme.</p>
<p>Mais tous les insectes ne vivent pas dans des termitières. Reste alors à maintenir le réchauffement climatique dans une marge acceptable, afin que les autres aient la possibilité de trouver des zones qui assurent leur survie.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Prédire les conséquences du changement climatique sur la biodiversité représente un challenge de taille, mais pourtant essentiel. L’importance des conditions microclimatiques dans la réponse des organismes vivants aux conditions futures est probablement sous-estimée et mérite une plus grande attention, par exemple en étudiant différents habitats (terrestre, aquatique, etc.), différentes régions climatiques (tropicale, continentale, etc.) et différents groupes d’organismes (insectes, poissons, reptiles, etc.).</p>
<p>Les résultats dans ce domaine laissent toutefois entrevoir des solutions pour lutter contre les conséquences négatives du changement climatique. En effet, favoriser ou recréer des paysages thermiques hétérogènes, via la végétalisation de zones urbaines ou la préservation des haies dans les zones agricoles, permettrait de fournir des refuges thermiques aux insectes lors des vagues de chaleur.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Foray a reçu des financements de l'ANR, du CNRS et de la Fondation pour la Recherche Médicale. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Deconninck Gwenaëlle a reçu des financements de ANR DroThermal 20-CE02-0011. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathieu Leclerc a reçu des financements de l'Université de Tours. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvain Pincebourde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On les croit résistants à tout, mais les insectes sont, eux aussi, sensibles au changement climatique. Le réchauffement notamment les met en danger. Quelles sont leurs stratégies de survie ?Vincent Foray, Maître de conférences, Université de ToursDeconninck Gwenaëlle, Doctorante à l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte, Université de ToursMathieu Leclerc, Doctorant, Université de ToursSylvain Pincebourde, Chargé de Recherche en écologie physique, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1851842022-10-06T18:30:32Z2022-10-06T18:30:32ZAvec la low-tech, penser et agir par-delà la technique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486363/original/file-20220924-2090-5ttg67.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C52%2C1183%2C840&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Four solaire de Neoloco, projet d’artisanat low-tech en Normandie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://neoloco.fr/">Neoloco</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’Agence de la transition écologique (Ademe) a mené une <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5421-demarches-low-tech.html">étude publiée en mars 2021</a> pour dresser un état des lieux des <a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">démarches low-tech</a> et des perspectives associées. Car si le concept prend racine dans les années 1970 avec des auteurs comme Ivan Illich, Lewis Mumford, Ernst F. Schumacher, Jacques Ellul ou Cornélius Castoriadis, il n’existe pas de définition commune et partagée relative à ce terme. L’objectif était donc d’en proposer une autre, complémentaire.</p>
<p>En bref, alors que la masse de la « techno-sphère » (objets, machines, équipements, infrastructures, etc.) fabriquée par l’humain (évaluée à 1100 milliards de tonnes) aurait dépassé celle de la biomasse terrestre (évaluée à 1000 milliards de tonnes) <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-3010-5">selon une étude parue dans <em>Nature</em> en décembre 2020</a>, la démarche low-tech vise à réduire la taille, l’intensité et la complexité du système technique de l’économie pour que celle-ci se « ré-encastre », comme dirait l’économiste hongrois Karl Polanyi, dans les limites planétaires.</p>
<p>Tentons d’en dresser les contours.</p>
<h2>Le triptyque « utilité, durabilité, accessibilité »</h2>
<p>Et concrètement ? Le terme <em>low-tech</em> est associé dans les esprits à la diminution de l’empreinte environnementale d’un objet en particulier – par exemple, un <a href="https://theconversation.com/la-cuisine-solaire-quand-la-decarbonation-devient-un-plaisir-189608">cuiseur solaire</a> ou des toilettes sèches. Le Low Tech Lab, laboratoire d’exploration, de documentation et de démonstration low-tech, dresse une liste de trois critères caractérisant les <a href="https://theconversation.com/quand-linnovation-se-fait-frugale-127670">produits low-tech</a> : l’accessibilité, la durabilité et l’utilité.</p>
<p>L’accessibilité renvoie à la démocratisation de l’accès aux savoirs, savoir-faire (et même savoir-être) techniques, dans une perspective de circulation ouverte (open source) par la transmission et des parcours de formation adaptés.</p>
<p>La low-tech est durable en ce qu’elle s’inscrit dans des logiques d’économie circulaire, de réemploi, de réutilisation, de recyclage. Elle encourage par conséquent la réflexion sur la sobriété mais aussi sur l’écoconception et la simplicité de l’outil technique, en évitant par exemple les alliages de matériaux, qui rendent le recyclage beaucoup plus difficile.</p>
<p>Enfin, l’objet low-tech doit être utile : baisser l’empreinte écologique d’un objet qui répond à un besoin relevant d’une consommation ostentatoire et superfétatoire n’aurait pas de sens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques critères de démarches low-tech complémentaires à ceux de l’étude de l’Ademe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arthur Keller et Émilien Bournigal/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Discernement, remède à l’ambivalence technique</h2>
<p>Tous ces critères sont bien sûr au cœur de la définition qu’a tenté de construire l’Ademe, et celui de l’utilité en tête : elle renvoie aux notions de sobriété et de discernement, comme remède à l’ambivalence de la technique mise en avant par l’historien et sociologue Jacques Ellul, et la nécessité d’en déterminer collectivement la finalité avant de la développer.</p>
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<p>Un chauffe-eau solaire a beau être low-tech dans sa conception, il n’a pas de sens s’il est utilisé pour chauffer une piscine privée. De même que des outils agricoles low-tech ne sont pas pertinents s’ils sont au service d’organisations et pratiques agricoles économiquement inefficaces, insoutenables énergétiquement et destructrices des sols et du vivant. À l’inverse, certains secteurs stratégiques, comme le domaine militaire ou la santé, pourront difficilement se passer de certaines technologies de pointe.</p>
<p>Derrière, c’est tout un système de pensée et de valeurs que doit aider à transformer la démarche low-tech, avant même la dimension purement technologique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand bricoler et partager devient un geste politique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">L’atelier Paysan/Flickr</a></span>
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</figure>
<h2>Un requestionnement central des besoins</h2>
<p>Parce qu’elle interroge notre rapport anthropologique à la technique, à l’aune notamment de certains renoncements de consommation, la démarche low-tech dépasse donc la simple échelle de l’objet ou du service rendu par la technologie, et c’est ce qu’a voulu montrer l’Ademe : il s’agit non seulement de concevoir des systèmes techniques durables, d’entretenir l’existant plutôt que de le remplacer, d’en démocratiser l’accès et également d’en maîtriser les usages, mais aussi et surtout de questionner nos besoins sous différents angles combinés (psychologique, sociologique, sanitaire, économique, culturel, historique, géographique, etc.).</p>
<p>Pour tenter de l’objectiver, une telle approche pourra conduire à passer du modèle de la totémisation du PIB, du réductionnisme à l’invididu-consommateur et du solutionnisme technologique à celui d’un « pouvoir de bien vivre et de faire-ensemble » caractérisé par des indicateurs quantitatifs et qualitatifs au regard des insécurités climatique, énergétique, alimentaire, écologique, sanitaire, technologique, économique, sociale, identitaire, culturelle et physique subies sous les effets conjugués de la globalisation et du dépassement des limites.</p>
<p>Niveau d’inégalités sociales, accès à l’emploi, espérance de vie en bonne santé, qualité de l’énergie, de l’alimentation, de l’eau, de l’air, des sols, de l’instruction, des soins, de l’information, accès à la mobilité, à la culture et à la nature, capacités de résilience aux chocs, indicateurs de santé (obésité, alcoolisme, tabagisme, etc.), niveaux de violence, progression des séparatismes et obscurantismes, etc : autant de variables à analyser dans leurs interactions pour créer les conditions d’une cohésion sociale solide indispensable à une nation plus sobre et résiliente et donc plus low-tech.</p>
<p>Comme toute démarche de sobriété, elle doit s’inscrire dans une gestion planifiée et équitable des limites planétaires par l’État, en privilégiant par exemple les outils de régulation structurelle par les quantités (réglementations, quotas démocratiquement définis) en parallèle d’investissements dans les alternatives. Car la régulation conjoncturelle par les prix (aides, fiscalités), en plus de creuser la dette publique, pénalise surtout les plus modestes d’entre nous ou ne les libère pas de leurs dépendances aux ressources finies, quand les plus aisés ont des marges de réduction de consommation importantes et les moyens de contourner ou de supporter la fiscalité.</p>
<h2>Une approche systémique intrinsèque</h2>
<p>Des ambitions qui ouvrent un <a href="https://librairie.ademe.fr/institutionnel/5345-strategie-recherche-developpement-2021-2027-de-l-ademe-9791029718823.html">large champ transdisciplinaire d’explorations et d’expérimentations scientifiques</a> impliquant une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=00634qQdTG0">démarche systémique</a> qui tient compte des différentes variables endogènes et exogènes, de leurs interactions complexes et des objectifs ou fonctions du système considéré.</p>
<p>Prenons l’exemple du système de mobilité. La démarche low-tech embarque alors une analyse globale en amont qui permet de déboucher sur un projet de transformation du système diminuant son intensité et sa complexité technologique, anticipant les effets rebonds et désaliénant l’humain.</p>
<p>On constate en effet aujourd’hui que les consommations d’énergie et émissions des voitures ne baissent pas malgré des moteurs plus efficaces et moins polluants. Et ce du fait non seulement de l’augmentation de la taille du parc mondial de véhicules mais aussi du poids unitaire croissant des véhicules, lié à l’ajout d’équipements de confort et de sécurité, eux-mêmes induits par une demande sociale façonnée par le marketing et le mimétisme social (publicités, influenceurs, etc.), et permise par les vitesses élevées de circulation du code de la route.</p>
<p>Ainsi, dans un système de mobilité dominé, dans ses multiples variables (équipements, véhicules, infrastructures, règles de circulation, services, aménagements, imaginaire collectif…), par la voiture individuelle, l’usage de véhicules considérés plus low-tech, comme le vélo et ses déclinaisons, ne pourra pas se déployer rapidement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1HqMdKsDVw8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Colloque ADEME mobilité low-tech du 29 septembre 2020 (France Innovation, 29 septembre 2020).</span></figcaption>
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<h2>Un passage à l’échelle à enclencher</h2>
<p>Par ailleurs, la question du déploiement à plus grande échelle de systèmes low-tech implique de penser des modèles socio-économiques et organisationnels qui faciliteront le passage à l’échelle, en particulier par le levier des communs, c’est-à-dire de ressources naturelles, techniques mais aussi socioculturelles et politiques définies et gérées par une assemblée de citoyens ou de leurs représentants selon des règles démocratiquement établies.</p>
<p>L’Ademe a par exemple lancé une initiative nationale baptisée <a href="https://xd.ademe.fr/">l’eXtrême Défi</a>, qui vise à faire émerger des écosystèmes de conception et de production de véhicules low-tech, intermédiaires entre le vélo et la voiture. Une gamme de véhicules standardisés, très légers, peu consommateurs, facilement réparables et dotés de moins de pièces détachées, qui entend devenir une alternative crédible à la voiture, notamment dans les territoires peu denses.</p>
<p>Ce défi a vocation à créer des écosystèmes territoriaux, avec des acteurs locaux et des processus de fabrication standardisés et ouverts, selon la logique de commun évoquée plus haut, afin de lever le frein de la propriété intellectuelle et d’accélérer le déploiement des savoirs et savoir-faire, dans une perspective collaborative. L’ambition de l’eXtrême Défi étant que ces écosystèmes soient opérationnels d’ici trois ans, avec une production de 30 à 40 véhicules par an, selon une cadence d’« artisanat de série ».</p>
<h2>Stratégie de relocalisation en Europe</h2>
<p>Enfin, cette dimension territoriale de la démarche low-tech a aussi l’ambition de réorganiser les flux physiques (biens et personnes) dans le temps et dans l’espace. Elle s’inscrit donc dans les stratégies nationales de relocalisation des activités productives et d’aménagement du territoire, avec la volonté de rééquilibrer les dynamiques entre les métropoles, très peu soutenables et résilientes aux chocs à venir par leurs tailles et leurs densités d’activités, et la ruralité, en déprise démographique, souvent sinistrée socioéconomiquement.</p>
<p>Elle peut apporter une puissante contribution dans cette stratégie de rééquilibrage territorial, en privilégiant <a href="https://www.post-urbain.org/">notamment les villes petites et moyennes et les villages</a> reliés par un maillage fin de systèmes de mobilités des personnes et des biens (vélo, véhicule intermédiaire, bus, car, covoiturage, train, bateau), et en développant des économies prospères, plus intensives en emplois manuels, serviciels et intellectuels hautement qualifiés et dignement valorisés (et parfois combinés en plusieurs métiers) qu’en technologies et machines, largement fondées sur une agriculture écologique et paysanne, et plus généralement sur la préservation des écosystèmes et le soin du vivant.</p>
<p>De fait, elle a vocation à être créatrice de sens, afin de réenchanter la valeur du travail comme voie d’émancipation et d’autonomie tant individuelles que collectives, à l’instar des combats des mouvements ouvriers européens concomitants aux révolutions industrielles des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut Faucon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La low-tech dépasse la seule question de l’intensité et de la complexité technologique. Elle doit aussi s’inscrire dans un discernement à l’échelle de la société vis-à-vis de nos besoins.Thibaut Faucon, Coordinateur scientifique et technique, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841652022-10-06T18:29:27Z2022-10-06T18:29:27ZL’évolution est plus rapide qu’on ne le pensait chez les animaux sauvages<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488551/original/file-20221006-18-77ng4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4587%2C3435&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La phalène du bouleau : un exemple d'adaptation rapide.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Biston_betularia_couple.JPG">Siga/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quelle est la vitesse de l’évolution ? L’évolution adaptative se produit quand la sélection naturelle cause des changements génétiques favorisant la survie et la reproduction des individus.</p>
<p>Charles Darwin, le découvreur de ce phénomène, pensait qu’il était tellement lent qu’on ne pouvait l’observer que sur des échelles de temps géologiques. Cependant, au cours du siècle dernier, plusieurs exemples d’évolution adaptative se produisant sur seulement une poignée de générations ont été documentés. Ainsi, la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">phalène du bouleau</a>, un papillon a changé de couleur en quelques décennies quand la pollution de l’air a noirci les murs et l’écorce des arbres. Ce papillon, qui était le plus souvent blanc, est rapidement devenu noir à cause de la sélection due aux prédateurs. En effet, les papillons noirs étaient mieux camouflés sur les surfaces salies, et les gènes produisant des papillons noirs sont devenus de plus en plus communs. Dans un autre exemple, la fréquences des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/biodiversite/les-braconniers-font-perdre-leurs-defenses-aux-elephants_158410">éléphants sans défenses</a> a augmenté en réponse au braconnage, les braconneurs tuant en priorité les animaux avec des défenses.</p>
<p>Cependant, il reste difficile de dire à quelle vitesse l’évolution adaptative se produit actuellement. Pourrait-elle être suffisamment rapide pour influencer la réponse des populations confrontées aux changements environnementaux actuels ? Jusqu’à maintenant on supposait plutôt que la réponse était non, sans toutefois avoir de données précises sur le sujet.</p>
<p>Pour mesurer la vitesse d’évolution adaptative dans la nature, nous avons étudié 19 populations d’oiseaux et de mammifères sur <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abk0853">plusieurs décennies</a>. Nous avons constaté qu’elles évoluaient deux à quatre fois plus vite que les travaux antérieurs ne le suggéraient. Cela montre que l’évolution adaptative peut jouer un rôle important dans la façon dont les traits et les populations d’animaux sauvages changent sur des périodes de temps relativement courtes.</p>
<h2>Les outils du biologiste de l’évolution : maths et jumelles</h2>
<p>Comment mesurer la vitesse de l’évolution adaptative ? Selon le « théorème fondamental de la sélection naturelle », énoncé par R.A. Fisher en 1930, la variance (une mesure des différences) génétique dans l’aptitude à survivre et à se reproduire entre les individus d’une population est égale au taux d’évolution adaptative de la population.</p>
<p>Ce « théorème fondamental » est connu depuis 90 ans, mais il est difficile à appliquer. Les tentatives d’utilisation du théorème dans les populations sauvages ont été rares et souffrent de problèmes statistiques.</p>
<p>Nous avons travaillé avec 27 instituts de recherche pour assembler les données de 19 populations sauvages qui ont été suivies pendant de longues périodes, certaines depuis les années 1950. Parmi les oiseaux et mammifères étudiés, on peut citer des mésanges bleues en Corse, des mouflons au Canada, des hyènes en Tanzanie ou encore des babouins au Kenya. Des générations de chercheurs ont recueilli des informations sur la naissance, l’accouplement, la reproduction et la mort de chaque individu de ces populations.</p>
<p>Au total, ces données représentent environ 250 000 animaux et 2,6 millions d’heures de travail sur le terrain. L’investissement peut sembler exorbitant, mais les données ont déjà été utilisées dans des milliers d’études scientifiques et le seront à nouveau.</p>
<h2>Les statistiques à la rescousse</h2>
<p>Nous avons ensuite utilisé des modèles de génétique quantitative pour appliquer le « théorème fondamental » à chaque population. Au lieu de suivre les changements dans chaque gène, la génétique quantitative utilise des statistiques pour capturer l’effet total résultant de changements dans des milliers de gènes.</p>
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<p>Nous avons également développé une nouvelle méthode statistique qui s’adapte mieux aux données que les modèles précédents. Notre méthode capture deux propriétés clés de la répartition inégale de la survie et de la reproduction entre les populations sauvages.</p>
<p>Premièrement, la plupart des individus meurent avant de se reproduire, ce qui signifie qu’il y a beaucoup d’individus avec aucun succès reproducteur. Deuxièmement, alors que la plupart des adultes se reproduisent peu, quelques-uns donnent naissance à un très grand nombre de descendants, ce qui conduit à une distribution asymétrique.</p>
<h2>La vitesse de l’évolution adaptative</h2>
<p>Parmi nos 19 populations, nous avons constaté qu’en moyenne, le changement génétique en réponse à la sélection était responsable d’une augmentation de 18,5 % par génération de la capacité des individus à survivre et à se reproduire.</p>
<p>Cela signifie que la progéniture est en moyenne 18,5 % « meilleure » que ses parents. Autrement dit, une population moyenne pourrait survivre à un changement environnemental qui réduit la survie et la reproduction de 18,5 % à chaque génération.</p>
<p>Compte tenu de cette vitesse, nous avons constaté que l’évolution adaptative pouvait expliquer la plupart des changements récents dans les caractéristiques des animaux sauvages (tels que la taille ou le moment de la reproduction). D’autres mécanismes sont également importants, mais ce résultat indique que l’évolution doit être considérée parallèlement à d’autres explications.</p>
<h2>Un résultat enthousiasmant pour un avenir incertain</h2>
<p>Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir ? À une époque où les environnements naturels changent radicalement partout dans le monde, en raison du changement climatique et d’autres forces, l’évolution aidera-t-elle les animaux à s’adapter ?</p>
<p>Malheureusement, c’est là que les choses se compliquent. Notre recherche n’a estimé que les changements génétiques dus à la sélection naturelle, mais dans le contexte du changement climatique, d’autres forces sont en jeu.</p>
<p>Premièrement, il existe d’autres forces évolutives (telles que les mutations, le hasard et la migration).</p>
<p>Deuxièmement, le changement environnemental lui-même est probablement un moteur plus important de la démographie de la population que le changement génétique. Si l’environnement continue de se détériorer, la théorie nous dit que l’évolution adaptative sera généralement incapable de compenser entièrement.</p>
<p>Enfin, l’évolution adaptative peut elle-même modifier l’environnement vécu par les générations futures. En particulier, lorsque les individus sont en compétition pour une ressource (comme la nourriture, le territoire ou les partenaires), toute amélioration génétique entraînera une plus grande compétition au sein de la population.</p>
<p>Notre travail seul est insuffisant pour formuler des prédictions. Cependant, il montre que l’évolution ne peut être ignorée si l’on veut prédire avec précision l’avenir proche des populations animales.</p>
<p>Malgré les défis pratiques, nous sommes émerveillés d’assister à l’évolution darwinienne, un processus autrefois considéré comme extrêmement lent, agissant de manière observable au cours de nos vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Bonnet a reçu des financements de l'Australian Research Council. </span></em></p>Mais sera-t-elle suffisante pour s’adapter aux changements environnementaux majeurs à venir ?Timothée Bonnet, Researcher in evolutionary biology (DECRA fellow), Australian National UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873242022-09-04T15:19:11Z2022-09-04T15:19:11ZFace à la sécheresse, innover pour transformer notre agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476658/original/file-20220729-4556-929x0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C16%2C1417%2C924&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face à la sécheresse, la vulnérabilité de l’agriculteur dépendra de ses choix de variétés et de pratiques culturales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>À l’été 2022, l’Europe a subi une vague de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/reportage-l-italie-frappee-par-la-secheresse-cela-fait-trois-mois-qu-il-ne-pleut-pas-ici-temoigne-un-maraicher-du-sud-du-pays_5227432.html">chaleur exceptionnelle et un manque d’eau dévastateur</a> pour son agriculture. Dans la Corne de l’Afrique, ce sont quatre saisons déficitaires d’affilée qui menacent déjà <a href="https://theconversation.com/is-eastern-africas-drought-the-worst-in-recent-history-and-are-worse-yet-to-come-185327">plus de 16 millions de personnes de famine en Somalie, Éthiopie et Kenya</a>. </p>
<p>Ces épisodes de sécheresse ne sont pas prêts de s’arrêter avec le changement climatique, qui renforce leur intensité et leur fréquence.</p>
<p>L’agriculture, majoritairement pluviale, est très vulnérable à ces fluctuations de précipitations. Et là où les paysans bénéficient des technologies d’irrigation, les réserves s’épuisent vite, accentuant la crise de l’eau. Ainsi, la Californie, paradoxalement une des principales régions rizicoles des États-Unis en conditions extrêmement arides, est en situation de sécheresse depuis les 15 dernières années ; au Maroc, la crise de l’eau risque de rendre l’agriculture tout simplement impossible dans un avenir proche <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/maroc-lagriculture-un-pilier-de-leconomie-menace-par-le-manque-deau-1384739">comme le montre le cas d’Agadir</a>.</p>
<p>Le manque d’eau est devenu une des contraintes majeures de la production alimentaire au XXI<sup>e</sup> siècle, alors même qu’il nous faut augmenter la production agricole <a href="https://doi.org/10.1093/biosci/bix010">jusqu’à 70 % dans les 20-30 prochaines années</a>, notamment sur le continent africain. Le secteur agricole, premier usager des ressources en eau puisqu’il en consomme 70 à 80 %, doit donc augmenter radicalement son efficacité d’utilisation en eau face à l’épuisement des ressources en eau et la demande des autres secteurs, elle aussi de plus en plus pressante – eau domestique/urbanisation, industrialisation, tourisme et équilibres des écosystèmes.</p>
<p>Produire davantage avec moins d’eau est dans ce contexte devenu un défi interdisciplinaire. Comment intensifier la production végétale dans un contexte de sécheresse et d’une façon durable ? C’est un défi scientifique et sociétal multidimensionnel pour assurer la sécurité alimentaire future.</p>
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<figcaption><span class="caption">Canicule : va-t-on manquer d’eau pour nourrir la France ? (<em>Le Monde</em>, juin 2022).</span></figcaption>
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<h2>Sélection variétale</h2>
<p><a href="https://www.iavao.org/en/a-propos/presentation">La sélection variétale</a> est un levier essentiel de la résilience des agriculteurs à la sécheresse. La recherche fait continuellement des progrès pour comprendre comment les plantes peuvent s’adapter au manque d’eau et comment. la diversité génétique au sein des espèces cultivées peut être mobilisée pour répondre à des enjeux de production sous <a href="https://doi.org/10.1111/gcbb.12571">conditions de contrainte hydrique</a>. Concernant les cultures alimentaires, la capacité d’une plante à produire plus de grain avec moins d’eau est une combinaison de <a href="https://publications.csiro.au/publications/publication/PIprocite:16a0b1b4-f4e0-4207-9cf6-3fd561de0889">trois phénomènes</a> :</p>
<p>D’une part, la capacité à capturer l’eau du sol au niveau racinaire : Au sein des espèces cultivées, il existe une diversité génétique considérable d’architecture et de fonctionnement du système racinaire, représentant une source essentielle pour la sélection de variétés adaptées <a href="https://doi.org/10.1093/jxb/eraa487">aux différentes situations de sécheresse</a>.</p>
<p>Ensuite, comment la plante convertit cette eau en biomasse par les mécanismes physiologiques de la photosynthèse sans trop perdre d’eau via le mécanisme d’évapotranspiration. Les feuilles portent en effet de minuscules orifices à leur surface : les stomates. Ces stomates s’ouvrent et se ferment pour capter le CO<sub>2</sub> utilisé par la plante pour produire, au travers de la photosynthèse et sous l’effet de l’énergie lumineuse, les glucides nécessaires à sa croissance. Mais en s’ouvrant, les stomates laissent s’échapper de la vapeur d’eau de la plante vers l’atmosphère. En régulant les mécanismes d’ouverture des stomates en réponse à la lumière, certains types variétaux peuvent <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-03231-x">économiser jusqu’à 25 % d’eau</a> par unité de carbone assimilé.</p>
<p>Enfin, en maximisant la transformation de cette biomasse en grain (efficacité d’utilisation de l’eau ou <em>water use efficiency</em>). <a href="https://doi.org/10.1093/jxb/eru040">Un dispositif lysimétrique innovant</a> a révélé que l’efficacité de transpiration de plantes comme le sorgho variait fortement entre variétés, sans affecter forcément les rendements offrant des opportunités intéressantes à la sélection variétale.</p>
<h2>Diversification des systèmes de culture : intercultures et mélanges variétaux</h2>
<p>Différentes formes de diversification des systèmes de culture offrent également des solutions agroécologiques et durables d’adaptation à la sécheresse, comme les intercultures ou les mélanges variétaux. <a href="https://doi.org/10.1111/jac.12552">Du mil (<em>Pennisetum glaucum</em>) associé avec du niébé en situation de stress hydrique</a> atteint ainsi un rendement équivalent à celui en monoculture mais avec une récolte additionnelle de légumineuses riches en protéine. Les associations céréales – légumineuses optimisent en effet l’utilisation des ressources du sol notamment en eau, du fait de l’effet bénéfique de la légumineuse sur la fixation des ressources, et d’une limitation de l’évaporation de l’eau du sol via une couverture végétale plus dense. Ces associations contribuent également davantage à la sécurité alimentaire en bénéficiant à la santé et la fertilité des sols sur le long terme et en produisant plus de protéines végétales par unité de surface cultivée.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Un autre levier en réponse à l’aridité croissante consiste à maximiser le stock d’eau « verte » des sols, grâce à des pratiques de <a href="https://doi.org/10.1016/j.agwat.2017.07.020">conservation</a>, ou de gestion de l’eau à la parcelle permettant de forcer la plante à explorer <a href="https://doi.org/10.1016/j.plaphy.2020.06.017">plus efficacement l’eau du sol notamment en profondeur</a>, ou différentes techniques d’aménagement paysager (terrasses, butées de contours, etc.), entre autres.</p>
<p>Ainsi, face à la sécheresse, la vulnérabilité de l’agriculteur dépendra de ses choix de cultures, de variétés, de pratiques culturales incluant la date de semis – alors que prédire les prochaines pluies est devenu un véritable casse-tête – ces choix définiront sa vulnérabilité non seulement à l’échelle d’une saison de culture mais aussi sur le plus long terme au travers de leurs effets sur la santé et la fertilité des sols et leur capacité à retenir l’eau plus longtemps.</p>
<h2>Avancées technologiques</h2>
<p>Tous ces choix dépendent de l’environnement spécifique de chaque exploitation agricole, où les paramètres agronomiques et climatiques fluctuent et évoluent rapidement. L’incertitude et la variabilité des situations agroclimatiques qui en résulte font que les essais agronomiques traditionnels ne suffisent plus à explorer des solutions d’adaptation et à y répondre dans l’urgence.</p>
<p>Pour s’adresser à cette complexité, certaines avancées technologiques récentes sont prometteuses :</p>
<ul>
<li><p>des senseurs de plus en plus abordables mesurent finement et en temps réel l’humidité du sol et <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy11050850">l’état hydrique de la plante</a> ;</p></li>
<li><p>les plates-formes de phénotypage (ou d’observation du comportement des plantes) à haut débit permettent d’évaluer des centaines voire des milliers de variétés directement dans le champ ou la serre d’expérimentation sous différentes situations d’irrigation pour mesurer des indicateurs clés de l’adaptation à la sécheresse tels que la surface ou la température des feuilles, ou la profondeur racinaire, contribuant par exemple à la <a href="https://doi.org/10.1071/FP13355">sélection d’un sorgho qui reste vert même en stress hydrique intense</a> ;</p></li>
<li><p>la télédétection, qui permet de <a href="https://doi.org/10.1016/j.eja.2019.04.007">relever la température du feuillage comme indicateur de stress hydrique de la plante</a> combinée aux moyens d’analyse de l’intelligence artificielle, offre à la recherche agronomique une foison de données plus précises pour éclairer ce problème de l’optimisation de la production végétale au manque d’eau sous de nouveaux angles.</p></li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">Agriculture : des solutions innovantes en Afrique pour une alimentation saine et durable (France 24, 11 janvier 2021).</span></figcaption>
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<h2>Outils de simulation</h2>
<p>Mais comment faire le tri dans cette complexité ? Comment prédire des solutions pour les agricultures de demain ? Les outils de simulation de la croissance des plantes et des cultures combinés avec des modèles statistiques permettent de créer des essais virtuels à l’infini <a href="https://doi.org/10.1093/insilicoplants/diab018">pour évaluer différents scénarii</a> combinant des variétés, des pratiques culturales dans des situations pédoclimatiques actuelles ou futures.</p>
<p>Ce type d’approche a permis récemment de répertorier, à bien moindre coût qu’une approche purement expérimentale, le niveau d’adaptation de 150 variétés de blé à 13 environnements de sécheresse différant selon les années sèches, humides ou intermédiaires dans le Nord-Est australien.</p>
<p>Ces approches basées sur l’analyse de jeux de données massifs (« big data ») et sur des expérimentations « in silico » représentent de nouvelles opportunités pour l’aide à la décision, vers des solutions innovantes d’adaptation et de gestion des risques liés à la sécheresse ; ceci, que ce soit à l’échelle de la plante (variété), du champ (pratique culturale), de la ferme ou du territoire (par exemple la gestion de l’eau).</p>
<p>Paysan ou décideur politique, il faut composer avec un équilibre complexe entre risques, incertitudes et bénéfices. <a href="https://news.climate.columbia.edu/2021/10/27/in-new-project-millions-of-farmers-will-help-to-improve-insurance-against-climate-disasters/">Créer des produits d’assurance sécheresse plus adaptés pour la petite agriculture du Sud</a> peut contribuer à transformer l’agriculture d’une région, en gérant mieux les risques et planifier d’une année sur l’autre.</p>
<h2>Nouvelles méthodes et espèces anciennes</h2>
<p>À l’échelle d’un pays, dans un contexte de crise alimentaire pressante et donc de résurgence des questions de souveraineté alimentaire, certains pays africains comme le Sénégal vont devoir investir pour produire plus de grain par goutte d’eau. Cela passera éventuellement par la transformation radicale de leur type d’agriculture.</p>
<p>Au Népal, dans la plaine du Terai ou au Penjab en Inde, les paysans n’ont plus assez d’eau pour cultiver le riz en immersion continue comme cela se fait depuis des siècles. De nouvelles méthodes de culture où le riz est alternativement au sec ou immergé (<a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/185485/water-saving-rice-tech.pdf">AWD</a> ou <em>alternate wetting and drying</em> en anglais) permettent de réduire les besoins en eau jusqu’à un tiers (15-30 %) tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Certaines régions rizicoles pourraient aussi basculer sur du riz pluvial non irrigué. L’Afrique sub-saharienne pourrait produire du blé dur, comme le montre <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy9050263">cette expérimentation</a> <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy9050263">du Sénégal et de la Mauritanie</a>, pour combler un déficit commercial croissant (4 milliards de dollars par an de blé importé pour l’industrie locale).</p>
<p>Une alternative est de mieux valoriser les espèces traditionnelles comme la <a href="https://theconversation.com/le-niebe-une-alternative-pour-la-souverainete-alimentaire-des-pays-dafrique-subsaharienne-181912">légumineuse niébé</a>, ou le <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2022/jul/07/fonio-indigenous-crops-africa-food-security">fonio</a>, déjà bien adaptées aux conditions arides locales. Certains de ces choix nationaux pourraient avoir des conséquences sur la vulnérabilité de leur agriculture aux futures sécheresses.</p>
<p>La conférence <a href="https://interdrought7.org/">Inter drought</a> qui se déroule en 2022 pour la première fois en Afrique sera un moment clé pour imaginer à l’échelle de la plante, du champ, de la ferme et de nos sociétés, l’agriculture résiliente, durable et économe en eau dont nous avons urgemment besoin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Vadez a reçu des financements de Bill and Melinda Gates Foundation, ACIAR-Australia, ANR-France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Delphine Luquet et Ndjido Ardo Kane ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Comment intensifier la production végétale dans un contexte de sécheresse et d’une façon durable ? C’est un défi scientifique et sociétal multidimensionnel pour assurer la sécurité alimentaire future.Delphine Luquet, Écophysiologiste, CiradNdjido Ardo Kane, Plant geneticist, molecular biologist and director of the Institut Sénégalais de Recherches Agricoles ISRA-CERAAS, Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA)Vincent Vadez, Principal Scientist in ecophysiology, agronomy and modelling, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864132022-07-20T16:49:12Z2022-07-20T16:49:12ZQuand leurs microbes aident (ou pas) les pucerons à survivre à la hausse des températures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472959/original/file-20220707-16-pi6y3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1588%2C1075&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pucerons vivent en colocation avec différentes bactéries, dont certaines sont fragilisées par la hausse des températures et d'autres aident au contraire à les supporter.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/laurent_jegou/4558367791/">Laurent Jégou, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>La biodiversité planétaire subit de plein fouet les effets d’une augmentation de la température globale moyenne et de la fréquence des vagues de chaleur comme manifestations du réchauffement climatique : chutes de populations d’organismes iconiques, perturbations des cycles biologiques, ou encore migrations d’espèces invasives sont devenues monnaie courante.</p>
<p>Il existe toutefois une part de la biodiversité qui reste cachée du feu des projecteurs : les microorganismes symbiotiques (symbiotes) vivant dans le corps de leur hôte et leur apportant des bénéfices variés.</p>
<p>Ces symbiotes pourraient jouer un rôle majeur dans l’adaptation de certains organismes, comme les insectes, à la hausse globale des températures, avec des répercussions sur l’agriculture pour les insectes ravageurs (pucerons, punaises) et pollinisateurs (abeilles, bourdons), mais aussi sur la santé humaine pour ceux vecteurs de maladies (moustiques, mouches tsé-tsé).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreux insectes à forts enjeux économiques et sociétaux sont associés à des symbiotes microbiens, qu’ils soient des ravageurs des cultures (à gauche, la punaise verte ponctuée <em>Nezara viridula</em>), des pollinisateurs (au centre, un bourdon <em>Bombus</em> sp.), ou des vecteurs de maladies (à droite, le moustique tigre <em>Aedes albopictus</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Presque tous les animaux sont impliqués dans des symbioses microbiennes, à des degrés plus ou moins forts. Chez les humains comme chez les abeilles, la communauté bactérienne qui colonise l’intestin <a href="https://www.nature.com/articles/s41684-018-0173-x">joue un rôle majeur</a> dans les fonctions digestives, immunitaires, ou même neurologiques de leur hôte.</p>
<p>Cette part longtemps inconnue de la biodiversité suscite aujourd’hui l’intérêt des scientifiques, qui cherchent à prédire les réponses des organismes et de leurs symbiotes à leur environnement, et plus particulièrement au <a href="https://sfamjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1462-2920.15826">réchauffement climatique</a>.</p>
<h2>Une fragile cohabitation : ce qui ne vous tue pas peut vous rendre… plus faible</h2>
<p>Le fort degré de codépendance entre les partenaires de la symbiose rend cette interaction très vulnérable à toute modification environnementale. Par exemple, le réchauffement est une cause majeure du blanchissement des récifs coralliens, survenant lorsque l’animal perd son alliée microscopique : une algue logée dans les cellules du corail et lui fournissant, par photosynthèse, les nutriments nécessaires à sa survie (sucres, acides aminés). La disparition de l’algue résultant de l’augmentation de la température de l’eau provoque à son tour la mort du corail. Ainsi, alors que l’animal tire des avantages vitaux de sa dépendance étroite à son partenaire symbiotique, il en hérite aussi des faiblesses.</p>
<p>Dans les écosystèmes terrestres, de nombreuses études explorent <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-ento-112408-085305">l’effet des symbiotes sur les pucerons</a>, fidèles soldats de laboratoire pour certains, pénibles ravageurs des jardins et cultures pour d’autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le puceron est un organisme modèle pour l’étude des symbioses microbiennes chez les insectes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>À l’instar des coraux, les pucerons hébergent un symbiote « obligatoire » appelé <em>Buchnera aphidicola</em> : une bactérie fournissant des nutriments indispensables, que l’insecte ne peut trouver seul dans son alimentation à base de sève. En échange, le puceron lui offre le gîte, le couvert et le transport, puisque la bactérie se multiplie à l’intérieur des cellules de l’insecte, avant d’être transmise à la descendance.</p>
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<p>La bactérie <em>B. aphidicola</em> subit les variations thermiques liées au changement climatique, tout comme son hôte « à sang-froid », qui est incapable de maintenir une température corporelle stable. Une hausse de la température externe induit ainsi un déclin de cette population bactérienne, dès 25 °C. Et comme le puceron ne peut pas vivre sans la bactérie, véritable maillon faible de l’interaction, le système s’effondre bien avant d’arriver à des températures qui pourraient directement affecter l’insecte.</p>
<h2>Location et colocation : plus on est de fous, plus on survit</h2>
<p>Certaines espèces de pucerons ne s’arrêtent pas là et peuvent être associées à des bactéries « facultatives », qui leur assurent des avantages variés mais pas toujours vitaux selon le contexte environnemental. Par exemple, certaines bactéries facultatives comme <em>Serratia symbiotica</em> <a href="https://resjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1365-2311.2002.00393.x">accroissent la résistance du puceron à la chaleur en évitant l’effondrement de la symbiose</a>. Le mécanisme implique en fait un ménage à trois : la bactérie facultative <em>S. symbiotica</em> ne protège pas directement le puceron des hautes températures, mais limite le déclin des populations de la bactérie obligatoire <em>B. aphidicola</em> en libérant certaines molécules, ce qui profite aussi à l’insecte. En revanche, <em>S. symbiotica</em> ne confère aucun bénéfice (et peut même s’avérer néfaste) si le puceron reste exposé à des températures tolérables (généralement en dessous de 25 °C).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À l’intérieur du corps du puceron, on observe un ménage à trois : certaines cellules de l’insecte appelées bactériocytes (en bleu) peuvent héberger la bactérie obligatoire <em>Buchnera aphidicola</em> (en vert) ou la bactérie facultative <em>Serratia symbiotica</em> (en rouge).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monnin et al. (2020), Current Biology</span></span>
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<p>Un bailleur (l’insecte), un locataire (la bactérie obligatoire), des colocataires (les bactéries facultatives) et le réchauffement climatique susceptible de mettre fin au contrat de location (les bénéfices que chaque partie tire de l’association). Dans cette toile de fond, le partenaire bactérien obligatoire apparaît comme le talon d’Achille de l’interaction. Vient alors l’intérêt de s’associer à des bactéries facultatives agissant comme une assurance-vie lorsque les conditions environnementales deviennent défavorables.</p>
<h2>Les bactéries facultatives : parfaites colocatrices ou squatteuses ?</h2>
<p>Tout ceci est un peu trop beau pour être vrai, <a href="https://www.nature.com/articles/s41579-021-00550-7">à en croire certaines études scientifiques</a> : loin d’une romance sentimentale, la liaison entre insecte et symbiotes est très pragmatique, chacun tire le drap de son côté pour en profiter au maximum. Certes, ces symbioses ont été maintenues au cours de l’évolution car elles procurent des avantages aux deux parties.</p>
<p>Cependant, deux règles prévalent dans la nature : rien n’est simple, et rien n’est gratuit.</p>
<p>Rien n’est simple, car les pucerons peuvent abriter plusieurs espèces de bactéries facultatives simultanément. Outre la fonction de tolérance à la chaleur, certaines <a href="https://doi.org/10.1016/j.tim.2009.05.005">protègent leur hôte face aux ennemis naturels</a> (parasites, prédateurs), et d’autres lui permettent de coloniser de nouvelles espèces de plantes.</p>
<p>Rien n’est gratuit, car héberger un symbiote reste une infection, et la prolifération bactérienne est coûteuse pour la santé de l’insecte. Ces coûts sont contrebalancés par les bénéfices conférés par les bactéries, et tous deux dépendent de l’environnement.</p>
<p>Toute la question est donc de savoir <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rspb.2021.2660">comment le réchauffement climatique peut modifier cet équilibre coûts-bénéfices</a> qui va décider du sort de chaque partenaire. Parmi les gagnants, les bactéries protégeant face à la chaleur pourraient se propager dans les populations de pucerons. En revanche, d’autres bactéries pourraient y perdre en cas de défaillance des fonctions bénéfiques qu’elles sont normalement censées assurer.</p>
<p>Dans une nature très pragmatique, si le puceron ne tire plus de bénéfice direct de son association avec une bactérie facultative, il pourrait bien « résilier le bail ».</p>
<h2>Au-delà des pucerons</h2>
<p>Gageons que peu pleureraient la disparition d’un ravageur notoire ou d’une obscure bactérie au nom imprononçable. Mais les herbivores sont un maillon essentiel des écosystèmes terrestres, duquel dépend la survie de nombreuses espèces les consommant.</p>
<p>Et surtout, les connaissances tirées des recherches sur les pucerons permettent de comprendre comment un système complexe constitué d’un hôte et tout un ensemble microbien peut répondre à une perturbation environnementale. Les découvertes sur ces systèmes peuvent aider à mieux appréhender comment des associations bien plus complexes font face aux changements globaux actuels et peuvent s’y adapter.</p>
<p>Ce propos pourrait s’appliquer aux communautés microbiennes extrêmement diversifiées qui élisent domicile dans le système digestif de nombreux mammifères, y compris l’espèce humaine. Une équation à un nombre vertigineux d’inconnues, mais des perspectives de recherche toujours plus passionnantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La symbiose entre le puceron et son microbiote est une colocation complexe, qui rappelle les avantages et inconvénients du vivre ensemble.Kévin Tougeron, Chercheur en écologie, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Corentin Iltis, Chercheur en écologie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867482022-07-17T18:23:32Z2022-07-17T18:23:32ZLa perception des catastrophes naturelles affecte-t-elle notre rapport au risque climatique ?<p>Créé en 1988, le GIEC a publié ces derniers mois sa 6<sup>e</sup> vague de rapports pour alerter décideurs et populations du changement climatique en cours et de ses potentiels effets. Le <a href="https://www.carbone4.com/article-giec-goupe2-points-cles">dernier rapport du groupe de travail II</a> portant sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité souligne des initiatives intéressantes mais bien insuffisantes.</p>
<p>Ce constat nous interroge sur la façon d’expliquer ce décalage entre prise de conscience de plus en plus marquée et faible réponse des citoyens comme des politiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rapport-du-giec-diviser-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-par-deux-dici-a-2030-cest-possible-180513">Rapport du GIEC : diviser les émissions de gaz à effet de serre par deux d’ici à 2030, c’est possible</a>
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<p>Les phénomènes météo-climatiques occupent ponctuellement mais fréquemment le devant de la scène médiatique. Qu’il s’agisse de pluies record donnant lieu à des inondations soudaines et violentes, de sécheresse combinée à des vents forts à l’origine d’incendies incontrôlables, de vagues de chaleur dans les pays du Nord peu habitués à ce type d’événement ou de tempêtes entraînant des submersions marines, les images de destruction sont régulièrement à la une de nos médias quotidiens.</p>
<h2>Le facteur « proximité »</h2>
<p>Ces images marquantes et les témoignages poignants des victimes ayant perdu leurs proches ou leur maison suscitent l’émoi dans l’opinion publique. Individuellement, nous nous identifions d’autant plus à ces victimes que nous partageons les mêmes modes de vie et préoccupations quotidiennes, a fortiori quand l’événement touche des territoires à proximité de chez nous ou auxquels nous sommes émotionnellement attachés.</p>
<p>Cette proximité relative est l’un des facteurs qui nous font percevoir plus fortement le risque d’extrême météorologique que celui plus générique et incertain du changement climatique.</p>
<p>La proximité temporelle est elle aussi un facteur de perception du risque qui peut aboutir à la survenue d’émotions propres à motiver l’action.</p>
<p>Lorsque de fortes précipitations associées à un risque de crues rapides sont prévues dans les 24 heures, la plupart d’entre nous se posera la question de savoir comment s’habiller ou si c’est utile de prendre un parapluie. Ce n’est qu’après avoir constaté de visu l’ampleur des pluies et des ruissellements ou avoir été alerté de façon récurrente par des personnes de confiance ou par les réactions d’urgence dans notre environnement immédiat que nous serons éventuellement en mesure d’imaginer le danger qui nous guette.</p>
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<p>Si elle n’est pas suffisante pour déclencher l’action de protection, cette perception du danger est néanmoins utile pour susciter la motivation d’agir. Celle-ci, faite d’un ensemble de processus cognitifs issus d’un raisonnement conscient ou d’une réaction émotionnelle instinctive et rapide, doit alors se combiner à une capacité individuelle (psychologique et physique) et des opportunités contextuelles d’agir pour permettre la mise en protection.</p>
<p>Mais comme le révèle l’expérience de catastrophes passées, nous attendons bien souvent que le danger nous paraisse imminent pour agir, et cela quelle que soit la quantité de temps disponible pour l’action.</p>
<h2>Des échelles qui nous dépassent</h2>
<p>Si notre compréhension des processus à l’œuvre dans les réponses comportementales face aux extrêmes météorologiques s’affine avec les retours d’expérience que ces nombreux événements permettent, c’est moins évident pour le risque lié au changement climatique.</p>
<p>Les phénomènes météorologiques s’expérimentent en effet au quotidien à l’échelle de nos bassins de vie. Ils se traduisent heure par heure par l’évolution des températures journalières ou l’occurrence de phénomènes orageux. Ces événements sont hautement perceptibles et conditionnent nos choix de tenues ou d’activités au quotidien.</p>
<p>Le climat fait quant à lui appel à des échelles d’espace régionales à mondiales et de temps long qui se comptent en dizaines d’années. Il reflète une variabilité généralisée moyenne et à long terme des paramètres météorologiques (température, précipitation, vent…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/prevoir-les-changements-climatiques-a-10-ans-le-nouveau-defi-des-climatologues-68448">Prévoir les changements climatiques à 10 ans, le nouveau défi des climatologues</a>
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<p>À ce titre, nous ne pouvons pas en faire l’expérience directe par la perception de nos cinq sens. Seules des analyses statistiques poussées de longues séries de données d’observations de ces paramètres traduisent la notion de climat. Une information qui nous intéresse lorsqu’il s’agit de choisir le type de vêtements à mettre dans nos valises pour partir en vacances loin de chez nous. Ainsi, si la doudoune et les gros pulls sont requis dès l’automne pour s’adapter au climat du nord de l’Europe, une anomalie météorologique ponctuelle toujours possible pourra nous faire regretter d’avoir oublié de prendre des tee-shirts.</p>
<p>Le changement climatique est également un processus lent, peu perceptible à l’échelle de nos vies humaines, qui ne peut être prouvé que par l’observation de la récurrence sur le temps long d’anomalies affectant les paramètres météorologiques. La gamme de leur variation sur le temps long (nous parlons actuellement de 1,5°-2 °C en moyenne) nous paraît d’ailleurs bien négligeable au regard de la variabilité journalière de ces mêmes paramètres.</p>
<h2>Les paysages, un signal visible</h2>
<p>S’il est difficile de raccrocher le changement climatique à l’expérience quotidienne que nous faisons de notre environnement, il devient lisible dans l’évolution à long terme de nos paysages.</p>
<p>Cela est particulièrement criant dans les Alpes où les glaciers se réduisent comme peau de chagrin ainsi qu’en témoignent les passerelles ajoutées au fur et à mesure des années pour accéder au niveau de la mer de Glace qui continue de baisser inexorablement.</p>
<p>Certains événements extrêmes, et rares, nous le rendent également plus perceptible. C’est le cas de ces accidents de haute montagne <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/italie-au-moins-six-morts-et-huit-blesses-dans-l-effondrement-d-un-glacier-des-dolomites_5237146.html">à l’image de celui de la Mamolada dans les Dolomites en juillet 2022</a>, qui surviennent à la suite de chutes de séracs provoquées par la combinaison d’hiver déficitaire en précipitations et d’épisodes caniculaires anormaux.</p>
<p>Que ce soient les glaciologues ou les professionnels de la haute montagne qui le constatent, les conditions des glaciers ne sont plus en phase avec celles des saisons que nous avions connues jusqu’à il y a quelques dizaines d’années. Les agriculteurs et notamment les viticulteurs voient eux aussi la date de leurs vendanges avancer dans la saison d’été.</p>
<h2>Augmenter la perception du danger</h2>
<p>Si météorologie et climat sont les deux faces d’une même pièce, le lien entre les deux n’est pas toujours évident, bien que le discours médiatique tisse très fréquemment des liens de cause à effet.</p>
<p>Ainsi, les extrêmes météorologiques sont bien souvent présentés comme la manifestation tangible du changement climatique. Certains répondront à raison que ces épisodes extrêmes ont toujours existé : attribuer un de ces événements en particulier au changement climatique n’est pas chose facile et c’est ce que les climatologues appellent l’<a href="https://www.carbonbrief.org/mapped-how-climate-change-affects-extreme-weather-around-the-world/">attribution</a>. Elle permet de voir dans quelle mesure l’évolution de la fréquence est imputable au changement climatique.</p>
<p>La communication sur les risques météo-climatiques vise à augmenter la perception des dangers potentiellement encourus et à engager les individus ou les collectifs à risque à diminuer leur exposition et leur vulnérabilité en <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/10067?lang=fr">adoptant des mesures et des comportements appropriés</a>. Ces changements d’attitude sont malheureusement difficiles à provoquer d’autant plus quand il s’agit de bousculer des habitudes au profit de l’anticipation d’événements peu probables et incertains et dont les conséquences ne sont pas toujours imaginables.</p>
<p>Dans ce but, les experts de la météorologie et du climat s’attachent à produire les meilleures prévisions possibles pour aider les décideurs et le grand public à prendre conscience de ces évolutions et de l’ampleur des conséquences et dommages qui pourraient en découler.</p>
<h2>Le rôle de la prévision</h2>
<p>La prévision d’ensemble et les modèles orientés-impacts figurent parmi les outils en cours de déploiement pour mieux rendre compte de la probabilité de ces extrêmes et de leurs conséquences. Ils permettent notamment d’envisager les chances de dépassement de certains seuils (de pluie, de hauteur d’eau, de température moyenne consécutive sur plusieurs jours…) jugés critiques par les gestionnaires d’infrastructure de protection ou pour la santé humaine par exemple.</p>
<p>Traduits en termes de conséquences sur les infrastructures, les activités économiques ou la vie humaine, ils peuvent ainsi favoriser la personnalisation du risque pour les gestionnaires des territoires et les personnes exposées d’autant plus lorsqu’ils sont déclinés localement.</p>
<p>Comme nous l’avons toutefois vu, la connaissance du problème ne suffit pas : il faut également savoir envisager des solutions efficaces et les mettre en œuvre… et nous ne sommes pas tous égaux dans le choix de nos actions. C’est en veillant à ne laisser personne sur le bord de la route et en articulant nos volontés individuelles et collectives que nous parviendrons à nous adapter aux changements rapides en cours.</p>
<p>Pour une fois, <a href="https://theconversation-com.cdn.ampproject.org/c/s/theconversation.com/amp/face-au-rechauffement-climatique-passer-de-leco-anxiete-a-leco-colere-184670">anticipons plutôt que d’attendre que le ciel</a> nous tombe sur la tête !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Ruin a reçu des financements de l’Agence nationale pour la recherche (ANR) dans le cadre de différents projets de recherche portant sur les comportements des populations face aux extrêmes météo-hydro-climatiques. Les enseignements de cet article sont en partie tirés des projets ANR MobiCLIMeX et PICS.</span></em></p>Malgré notre émotion face à la médiatisation répétée des phénomènes météo-climatiques extrêmes, prendre conscience du changement climatique et notre nécessaire adaptation demeure difficile.Isabelle Ruin, Chercheuse, CNRS, Institut des Géosciences de l'Environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1776022022-06-14T13:29:55Z2022-06-14T13:29:55ZLes tournesols ont des motifs imperceptibles qui attirent les pollinisateurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451615/original/file-20220311-27-1ylp0hw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C4663%2C3746&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les tournesols sont plus colorés pour les pollinisateurs, qui voient dans l’ultraviolet, que pour nous.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Marco de Hevia)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les fleurs constituent un des exemples les plus frappants de la diversité de la nature. Elles présentent une myriade de combinaisons de couleurs, de motifs, de formes et de parfums. On y trouve des tulipes colorées, de délicates marguerites, des frangipaniers odorants, mais aussi des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arum_titan">fleurs cadavres géantes à l’odeur putride</a>. Leur variété et leur diversité sont stupéfiantes – il suffit de penser à <a href="https://www.2tout2rien.fr/orchidee-canard-volant/">l’orchidée en forme de canard volant</a>.</p>
<p>Mais même si nous pouvons admirer la beauté et la diversité des fleurs, elles ne sont pas vraiment conçues pour nos yeux.</p>
<p>Le but des fleurs est d’attirer les pollinisateurs, et c’est à leurs sens que les fleurs répondent. Les motifs ultraviolets (UV) en sont un bon exemple. De nombreuses fleurs accumulent des pigments UV dans leurs pétales, formant des motifs qui sont invisibles pour nous, mais que la <a href="https://doi.org/10.1016/S0169-5347(00)89179-X">plupart des pollinisateurs peuvent voir</a>.</p>
<p>Le décalage entre ce que nous voyons et ce que les pollinisateurs perçoivent est particulièrement frappant pour les tournesols. Malgré leur caractère emblématique dans la culture populaire (comme en témoigne le supposé honneur d’être l’une des rares espèces de fleurs ayant un <a href="https://unicode.org/emoji/charts/full-emoji-list.html">emoji à leur image</a>), ils ne semblent pas être le meilleur exemple de diversité florale.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2gduA3EM26M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les insectes voient-ils le monde ?</span></figcaption>
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<h2>Une affaire de perception</h2>
<p>Ce que nous considérons généralement comme un seul tournesol est en fait une grappe de fleurs, appelée inflorescence. Tous les tournesols sauvages, dont il existe environ <a href="https://www.jstor.org/stable/43390641">50 espèces en Amérique du Nord</a>, ont des inflorescences très similaires. À nos yeux, leurs ligules (les <a href="https://cronodon.com/BioTech/asteraceae.html">pétales agrandis et soudés au pourtour de l’inflorescence du tournesol</a>) sont toutes du même jaune vif uniforme que nous connaissons bien.</p>
<p>Cependant, lorsqu’on l’examine dans le spectre UV (c’est-à-dire au-delà du type de lumière que nos yeux peuvent voir), ce qu’on voit est très différent. Les tournesols accumulent des pigments absorbant les UV à la base des ligules. Sur l’ensemble de l’inflorescence, il en résulte un motif <a href="https://www.researchgate.net/publication/268075987_A_Microscopic_Review_of_the_Sunflower_and_Honeybee_Mutualistic_Relationship">qui forme comme un centre de cible</a>.</p>
<p>Dans une étude récente, nous avons comparé <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.72072.sa0">près de 2 000 tournesols sauvages</a>. Nous avons constaté que la taille de ces taches UV varie considérablement, tant entre les espèces qu’au sein d’une même espèce.</p>
<p>Le tournesol présentant la plus grande diversité dans la taille des cercles UV est <em>Helianthus annuus</em>, le tournesol commun. <em>H. annuus</em> est le <a href="https://dx.doi.org/10.3390/genes11030266">parent sauvage le plus proche du tournesol cultivé</a> et est le plus répandu des tournesols sauvages, poussant presque partout du sud du Canada jusqu’au nord du Mexique. Alors que certaines populations de <em>H. annuus</em> possèdent de très petites taches UV, chez d’autres, la région absorbant les ultraviolets couvre toute l’inflorescence.</p>
<h2>Attirer les pollinisateurs</h2>
<p>Pourquoi y a-t-il d’aussi grandes différences ? Les scientifiques connaissent depuis longtemps les <a href="https://doi.org/10.1007/BF00340242">motifs UV des fleurs</a>. Parmi les nombreuses approches utilisées pour étudier le rôle de ces motifs dans l’attraction des pollinisateurs, certaines ont été très inventives, comme <a href="https://doi.org/10.1242/bio.20146445">couper et coller des pétales</a> ou les <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2435.12242">enduire de crème solaire</a>.</p>
<p>Lorsque nous avons comparé des tournesols avec différents cercles UV, nous avons constaté que les pollinisateurs étaient capables de les distinguer et préféraient les plantes avec des taches de taille moyenne.</p>
<p>Cela n’explique pas pour autant toute la diversité des motifs UV que nous avons observée dans différentes populations de tournesols sauvages : si les cercles UV moyens attirent plus de pollinisateurs (ce qui est <a href="https://doi.org/10.2135/cropsci2017.03.0148">manifestement un avantage</a>), pourquoi existe-t-il des plantes avec des taches petites ou grosses ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="images de tournesols sous lumière ultraviolette montrant des distributions de couleurs en forme de bulles d’air" src="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tournesols avec différents motifs UV tels que nous les voyons (en haut) et tels qu’une abeille pourrait les voir (en bas).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Marco Todesco)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>D’autres facteurs</h2>
<p>Si l’attraction des pollinisateurs est sans contredit la principale fonction des caractéristiques des fleurs, il apparaît de plus en plus que des facteurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/254469747_Non-pollinator_agents_of_selection_on_floral_traits">non liés à la pollinisation</a>, comme la température ou les herbivores, peuvent affecter l’évolution de caractéristiques telles que la couleur et la forme des fleurs.</p>
<p>Nous avons découvert un premier indice que cela pourrait être le cas pour les motifs UV du tournesol lorsque nous avons examiné comment leur variation est régulée sur le plan génétique. Un seul gène, HaMYB111, est généralement responsable de la diversité des motifs UV qu’on observe chez <em>H. annuus</em>. Ce gène contrôle la production d’une famille de substances chimiques appelées glycosides de flavonol, que nous avons trouvées en forte concentration dans la partie absorbant les UV des ligules. Les <a href="https://dx.doi.org/10.1111/j.1365-313X.2007.03078.x">glycosides de flavonol</a> ne sont pas seulement des pigments qui absorbent les UV, et ils jouent un rôle important en aidant les plantes à <a href="https://dx.doi.org/10.1093/aob/mcr234">affronter différents stress environnementaux</a>.</p>
<p>Un deuxième indice est lié à la découverte du fait que le même gène est responsable de la pigmentation UV dans les pétales de <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.06100">l’arabette de Thalius, <em>Arabidopsis thaliana</em></a>. Cette plante est l’organisme modèle le plus couramment utilisé en génétique végétale et en biologie moléculaire. Elle est capable de se polliniser elle-même et <a href="https://doi.org/10.1055/s-2003-44784">se passe donc généralement de pollinisateurs</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une petite fleur blanche dans une prairie" src="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’arabette de Thalius peut se polliniser elle-même sans recourir à des pollinisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Comme elles n’ont pas besoin d’attirer les pollinisateurs, leurs fleurs blanches sont petites et discrètes. Pourtant, leurs pétales sont remplis de flavonols qui absorbent les rayons UV. Cela laisse croire qu’il existe des raisons non liées à la pollinisation qui expliquent que ces pigments soient présents dans les fleurs de l’arabette de Thalius.</p>
<p>Enfin, nous avons remarqué que les tournesols de climats plus secs présentaient systématiquement des taches UV plus grosses. L’une des fonctions connues des glycosides de flavonol est de <a href="https://dx.doi.org/10.1111/tpj.12388">réguler la transpiration</a>. Nous avons effectivement constaté que les ligules avec de gros motifs UV (qui contiennent de grandes quantités de glycosides de flavonol) perdaient de l’eau à un rythme beaucoup plus lent que celles avec de petits motifs.</p>
<p>Cela semble indiquer que la pigmentation UV des fleurs peut avoir deux fonctions, du moins chez les tournesols : rendre les fleurs plus attrayantes pour les pollinisateurs et aider les plants à survivre dans des environnements secs en conservant l’eau.</p>
<h2>Une évolution économe</h2>
<p>Alors, qu’est-ce que cela nous enseigne ? Tout d’abord, que l’évolution est économe et que, dans la mesure du possible, elle utilise le même trait pour atteindre plus d’un objectif adaptatif. Ces observations nous apportent également une voie potentielle pour améliorer les cultivars de tournesol, en augmentant les taux de pollinisation en même temps que la résistance des plantes à la sécheresse.</p>
<p>Nos travaux, ainsi que d’autres études portant sur la diversité végétale, permettront de prévoir comment et dans quelle mesure les plantes arriveront à faire face aux changements climatiques, qui modifient déjà les environnements auxquels elles sont adaptées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177602/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marco Todesco a reçu des financements de Génome Canada et Genome British Columbia, et du Human Frontier Science Program. </span></em></p>Les tournesols ont des motifs cachés de couleurs ultraviolettes. Visibles par les pollinisateurs, ces couleurs sont dues à la présence de pigments qui aident également les plantes à retenir l’humidité.Marco Todesco, Research associate, Biodiversity, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.