tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/agence-universitaire-de-la-francophonie-auf-46089/articlesAgence universitaire de la francophonie (AUF) – The Conversation2022-12-07T16:43:06Ztag:theconversation.com,2011:article/1959752022-12-07T16:43:06Z2022-12-07T16:43:06ZL’IA génère de nouvelles formes d’inégalités entre les femmes et les hommes<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE) est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de non-discrimination et <a href="https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2bf140bf-a3f8-4ab2-b506-fd71826e6da6.0002.02/DOC_1&format=PDF">d’égalité entre les femmes et les hommes</a>. Si le droit communautaire tend à prohiber les discriminations contre les individus, ou groupes d’individus, fondées sur une caractéristique particulière telle que le sexe, les pratiques de certains systèmes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle</a> (IA) ont mis en lumière de nouvelles formes d’inégalité entre les femmes et les hommes, plus difficiles à appréhender.</p>
<p>Dans la mesure où la question des biais de l’IA renouvelle les termes dans lesquels le principe d’égalité doit être formulé (1), il est donc urgent, pour l’UE, de se doter de nouveaux outils pour lutter contre ces nouvelles formes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/discrimination-21598">discrimination</a> (2).</p>
<h2>Les biais de l’IA</h2>
<p>Les groupes vulnérables englobent notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/femmes-27381">femmes</a> et les groupes ethniques, le sexe/genre et la race/l’origine ethnique étant des <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12012E/TXT:fr:PDF">caractéristiques protégées par le droit de l’UE</a>. Au regard de ces deux variables sensibles, les femmes noires sont particulièrement exposées aux erreurs et biais de l’IA, comme l’ont montré les <a href="https://proceedings.mlr.press/v81/buolamwini18a.html">mauvaises performances des systèmes de reconnaissance faciale</a>.</p>
<p>En effet, les algorithmes d’apprentissage machine, de plus en plus utilisés dans la prise de décisions, se basent sur des données souvent lacunaires ou biaisées. Des problèmes peuvent survenir au cours du processus de collecte de données ou de développement des modèles, lesquels peuvent entraîner des préjudices.</p>
<p>Par exemple, en médecine, la construction d’un modèle permettant de détecter un risque implique <a href="https://doi.org/10.1007/s43681-020-00012-5">d’entraîner ledit modèle sur les dossiers de patients</a>. Or, il se peut que le taux de faux négatifs (patients malades mais non diagnostiqués comme tels), donc non detectés par l’IA, soit supérieur chez les femmes que chez les hommes. Si le modèle n’a pas été en mesure d’apprendre efficacement le risque chez les femmes, c’est en raison d’un manque d’exemples. Il faut en conséquence rechercher des données supplémentaires sur les femmes et réentraîner l’algorithme.</p>
<p>Les biais peuvent aussi avoir pour origine l’évaluation humaine, comme en matière de recrutement : un algorithme prédisant l’aptitude des candidats en évaluant les CV se fonde sur des notes antérieurement attribuées par des humains qui peuvent avoir des <a href="https://www.ifop.com/publication/lobservatoire-meteojob-des-discriminations-a-lembauche/">comportements discriminatoires</a>.</p>
<h2>Une réglementation insuffisante</h2>
<p>En Europe, l’interdiction des discriminations – directes (sexe, origine, etc.) et indirectes (pratique prétendument neutre qui conduit, en pratique, à traiter différemment les personnes possédant une caractéristique protégée) – trouve sa source dans les droits nationaux et supranationaux (<a href="https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_14_Art_1_Protocol_12_FRA.pdf">Conseil de l’Europe</a> et <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32006L0054&from=LV">UE</a>).</p>
<p>Comme la plupart des biais générés par l’IA n’impliquent pas une intention discriminatoire mais sont involontaires ou accidentels, il est plus aisé de mobiliser le concept de discrimination indirecte. Pour autant, malgré sa souplesse, cette dernière notion présente des limites en matière de décisions algorithmiques.</p>
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<p>En effet, ladite interdiction repose sur un standard général qui s’avère difficile à mettre en œuvre en pratique car il faut pouvoir démontrer qu’une règle, neutre en apparence, affecte de façon disproportionnée un groupe protégé.</p>
<p>Une présomption de discrimination peut être établie grâce à des preuves statistiques. Pour autant, en matière d’IA, la principale difficulté réside dans le fait que les discriminations sont difficiles à identifier dans la mesure où les motifs des décisions défavorables (par exemple, un crédit refusé à une femme) n’apparaissent pas au grand jour. En l’absence de transparence, la preuve statistique n’est donc pas aisée à établir.</p>
<h2>Débiaiser les algorithmes</h2>
<p>En avril 2019, le groupe d’experts constitué par la Commission européenne affirmait, dans ses « <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52021PC0206">lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance</a> », que le principe d’égalité devait aller « au-delà de la non-discrimination » qui tolère le fait d’établir des distinctions entre des situations différentes sur la base de justifications objectives.</p>
<p>Dans sa proposition de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52021PC0206">règlement sur l’IA</a> (AI Act), formulée deux ans plus tard, la Commission a prévu un ensemble d’exigences pour une IA digne de confiance parmi lesquelles la non-discrimination et l’égalité entre les femmes. Elle a également rappelé que « les systèmes d’IA peuvent perpétuer des schémas historiques de discrimination » à l’égard des femmes.</p>
<p>Dans un contexte d’IA, l’égalité implique donc que le fonctionnement du système ne produise pas de résultats fondés sur des biais injustes, ce qui requiert un respect approprié des groupes vulnérables, tels que les femmes.</p>
<p>Pour cela, il existe des méthodes pour <em>débiaiser</em> les algorithmes. Il est possible, par exemple, d’introduire une forme de discrimination positive <em>via</em> la parité statistique : après avoir évalué l’<em>effet disproportionné</em> en estimant le rapport de deux probabilités (probabilité d’une décision favorable pour une femme sur probabilité d’une décision favorable pour un homme).</p>
<p>Aux États-Unis, les logiciels anticipent le risque juridique en intégrant ces méthodes de <em>fair learning</em>. Loin d’être un problème technique, la question du débiaisement requiert une réflexion axiologique et un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s43681-021-00067-y">débat démocratique</a>. Définir des métriques d’équité pour lutter contre les discriminations algorithmiques implique en effet de soulever la question de la discrimination positive, dont on sait qu’elle est plus controversée en Europe qu’aux États-Unis (entorse au principe d’égalité formelle).</p>
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<p><em>Cet article a été présenté par son auteur au cours des ateliers scientifiques de la <a href="https://www.auf.org/nouvelles/actualites/lancement-de-la-2e-edition-de-la-semaine-mondiale-de-la-francophonie-scientifique-le-caire-egypte/">« 2ᵉ semaine mondiale de la francophonie scientifique »</a> de <a href="https://theconversation.com/fr/partners/auf-agence-universitaire-de-la-francophonie">l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF)</a> qui se sont déroulées du 25 au 28 octobre 2022 au Caire, en Égypte. Ces Assises ont été organisées avec la collaboration des <a href="https://auf-semaine-francophonie.auf.org/01-partenaires-01/">réseaux scientifiques membres de l’AUF</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anaëlle Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réglementation européenne doit évoluer pour tenir compte des discriminations que peuvent reproduire les outils d’intelligence artificielle.Anaëlle Martin, Docteur en droit public, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1685902021-10-07T18:14:47Z2021-10-07T18:14:47ZEn Afrique, quelle francophonie au XXIᵉ siècle ?<p><a href="https://sommetafriquefrance.org/">Ce 8 octobre, à Montpellier</a>, la France et l’Afrique tiendront un sommet dans la perspective de « réinventer » leur relation. La francophonie est l’un des domaines où l’impératif d’une refondation se fait clairement ressentir.</p>
<p>Rappelons que <a href="https://www.cairn.info/journal-hermes-la-revue-2004-3-page-49.htm">l’idée de la construction d’un espace francophone</a> émerge au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et prend son essor après les indépendances des pays africains. Les chefs d’État, à l’instar du Sénégalais <a href="https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/leopold-sedar-senghor">Léopold Sédar Senghor</a>, qui y voyait une communauté d’intérêts regroupant des peuples ayant conscience d’avoir en commun une langue et une culture francophones, en furent les principaux instigateurs.</p>
<p>La francophonie s’est constituée en réponse à la nécessité supposée de résister à l’omniprésence de l’anglais et de la culture anglo-saxonne et américaine.</p>
<p>Différentes structures générales (<a href="https://www.francophonie.org/">Organisation internationale de la Francophonie</a>, OIF) et spécialisées (<a href="https://www.auf.org/">Agence universitaire de la francophonie</a>, <a href="https://www.aimf.asso.fr/">Association des maires francophones</a>, <a href="https://www.fondation-alliancefr.org/">Alliances françaises</a>, etc.) ont été mises en place pour réaliser ce projet.</p>
<h2>Un grand regroupement mais des acteurs et des enjeux qui ne s’harmonisent pas</h2>
<p>L’OIF regroupe <a href="https://www.francophonie.org/88-etats-et-gouvernements-125">88 pays sur les cinq continents</a>, ayant en commun l’usage du français à divers degrés. Dans certains, à l’instar de la France bien entendu, le français est la langue maternelle de la très grande majorité de la population. Dans d’autres pays, notamment africains, le français est souvent la langue officielle, c’est-à-dire celle employée par l’administration et l’école, sans nécessairement être la langue parlée au sein du foyer familial. Enfin, certains pays (par exemple l’Arménie, la Roumanie ou le Cambodge) font également partie de l’OIF alors que le français n’y est pratiqué que par une minorité de la population, généralement du fait d’un héritage historique important.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424036/original/file-20210930-16-bi4n09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des locuteurs francophones dans le monde. Du bleu le plus foncé au moins foncé : langue maternelle ; langue administrative ; langue de culture. En vert : minorités francophones.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axtoche/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cette extension géographique du français – qui lui confère, avec l’anglais, le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/le-francais-va-rester-seule-langue-mondiale-avec-langlais-1000438">statut de langue mondiale</a> – a été favorisée par des phénomènes historiques (notamment la colonisation) et en partie <a href="https://www.irsem.fr/data/files/irsem/documents/document/file/915/Etude%20n%C2%B026-2013.pdf">entretenue par la bipolarisation</a> du monde issue de la guerre froide.</p>
<p>Aujourd’hui, la réalité et le devenir de l’espace francophone, ainsi que les missions que s’assigne l’OIF, suscitent bon nombre de questionnements.</p>
<h2>Une francophonie qui ne concerne que les élites</h2>
<p>La francophonie constitue pour la France un moyen de déployer son <em>soft power</em>, notamment en tant que levier diplomatique mondial. Mais qu’en est-il pour les autres membres de l’OIF, notamment les pays africains ?</p>
<p>Dans le cadre des pays africains, c’est essentiellement <a href="https://journals.openedition.org/dhfles/117">l’élite</a> qui maîtrise le français – et cela, depuis la période coloniale. De même que l’accès au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volu%C3%A9">statut d’indigène évolué</a> sous la colonisation, l’accès, de nos jours, à l’élite des pays africains se fait souvent, de nos jours, sur la base d’une instruction et de diplômes <a href="https://journals.openedition.org/dhfles/117">obtenus en français et/ou en France</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119541216939532290"}"></div></p>
<p>Les élites politiques ne semblent voir dans la francophonie qu’un moyen de conquête et de conservation du pouvoir d’État. Les sommets franco-africains qui réunissent les chefs d’État s’inscrivent dans cette logique. Il en va de même pour les autres élites, notamment universitaires.</p>
<p>Les peuples sont exclus des bénéfices de la francophonie et même la subissent, étant donné que le français constitue la langue de l’administration et de l’école.</p>
<h2>L’Afrique, terre des luttes linguistiques à venir</h2>
<p>Peut-on continuer à fonder l’espace francophone et son devenir sur la base de ces bénéfices individuels ?</p>
<p>Le nombre de francophones est estimé en 2018 à 300 millions à l’échelle mondiale selon l’OIF. Ce chiffre passera à <a href="https://www.europe1.fr/societe/quelle-place-dans-le-monde-pour-la-langue-francaise-en-2050-3604640">700 millions en 2050</a> et à <a href="http://observatoire.francophonie.org/wp-content/uploads/2016/06/Le-denombrement-des-francophones-2-Tendances-Demographiques.pdf">plus d’un milliard en 2065</a>.</p>
<p>À cette date, parmi l’ensemble des locuteurs du français, 85 % seront en Afrique. <a href="http://observatoire.francophonie.org/">L’Observatoire de la Francophonie</a> estime à cet égard que la croissance démographique de l’Afrique subsaharienne va se répercuter sur l’équilibre des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Espaces_linguistiques">espaces linguistiques</a>, contribuant à les recentrer sur ce continent. D’ailleurs, le plus gros contingent du <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/04/20/qu-est-ce-que-le-commonwealth_5288362_4355770.html"><em>Commonwealth</em></a>, principal rival de la Francophonie, se trouve en Afrique et compte 2,4 milliards d’habitants.</p>
<p>À cette première donne s’ajoute la concurrence liée à l’arrivée, entre autres, de la Chine et du mandarin qu’elle diffuse dans sa stratégie de positionnement sur l’échiquier mondial. Le continent africain constitue une terre de prédilection pour cette extension, qui se met déjà en place via des <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_av71_softpowerchinoisenafrique_benazeraf.pdf">politiques culturelles très offensives</a>. Tout cela achève de placer l’Afrique au cœur des logiques de reconfiguration du monde.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-un-imperialisme-chinois-en-afrique-102592">Vers un impérialisme chinois en Afrique ?</a>
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<h2>Quelles perspectives pour l’espace francophone ?</h2>
<p>Cette double situation nous conduit à nous interroger sur le devenir de l’espace francophone. La francophonie pourra-t-elle se limiter à promouvoir le français comme langue des élites en excluant les peuples ? Ceux-ci vont-ils se contenter de parler le français en étant exclus des bénéfices concrets ou en n’en retirant que de simples bénéfices de circonstance ? Que signifient les valeurs de démocratie <a href="https://www.francophonie.org/la-francophonie-en-bref-754">promues par la francophonie</a> si elles ne s’accompagnent pas d’accès à l’eau potable, aux soins, à l’éducation de qualité… en un mot au progrès politique, économique et social ?</p>
<p>Les pouvoirs politiques, notamment africains, pourront-ils maintenir encore longtemps les peuples dans la francophonie, qui n’est guère synonyme de prospérité pour ces derniers ? À l’évidence non, au vu des processus de reconfiguration des migrations à l’œuvre. Plusieurs études <a href="https://www.cairn.info/l-economie-africaine-2020%E2%80%939782348057465-page-95.htm">confirment ces tendances</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1wIwTn61huA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Francophonie en chiffres, France 24, 11 octobre 2018.</span></figcaption>
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<p>En effet, si la France est encore une destination pour les jeunes Africains issus de familles moyennes et modestes (les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre4-2012-3-page-527.htm?contenu=article">élites l’ayant délaissée</a>), elle constitue de plus en plus un <a href="https://www.histoire-immigration.fr/hommes-migrations/article/globalisation-et-mobilites-internationales-des-etudiants-au-cameroun">pays de transit</a>, particulièrement pour ceux qui envisagent des études supérieures de 2<sup>e</sup> et 3<sup>e</sup> cycle.</p>
<p>Ces secousses internes à l’espace francophone vont s’accentuer et s’accélérer à l’avenir. Les populations s’interrogent de plus en plus sur leur appartenance à l’espace francophone. Les réseaux sociaux, devenus une des principales sources d’information, mettent largement en évidence le dynamisme et la prospérité économique supposée des pays africains anglophones, alors que la morosité, voire la décadence, des pays francophones est moquée.</p>
<p>Sur un autre plan, l’augmentation exponentielle à venir du nombre de locuteurs du français fait de la francophonie un espace mondial important. Pour autant, la francophonie pourra-t-elle se contenter d’être « un géant démographique » tout en restant un « nain politique, économique et social » ?</p>
<p>La tentation, pour les pays et les peuples, de s’en démarquer va croissant. Après le succès du Rwanda, entré dans le Commonwealth en 2009, dont la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/rwanda/overview#1">prospérité économique et les perspectives éducatives et sociales</a> séduisent les autres pays, c’est au tour du Gabon de <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-gabon-frappe-a-la-porte-du-commonwealth-18-06-2021-2431666_3826.php">déposer sa candidature à ce même Commonwealth</a>. À l’évidence, d’autres pays observent avec intérêt ces parcours. Et les peuples ont déjà anticipé ce mouvement dans certains pays via les choix éducatifs, les affaires, etc. Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/le-mandarin-triomphe-sur-le-continent-africain_3067295.html">mandarin a été introduit dans les programmes scolaires</a> de certains pays (Afrique du Sud, Kenya, Mozambique…) et l’apprentissage de cette langue devient un passeport recherché qui permet de prétendre à une bourse d’études en Chine, ou encore d’accéder à un emploi dans les entreprises chinoises installées en Afrique, ou de faire des affaires avec la République populaire. De la même façon, les écoles bilingues ou exclusivement anglophones fleurissent dans ces pays.</p>
<p>Pourtant, les reconfigurations actuelles du monde peuvent offrir à la francophonie des perspectives de repositionnement intéressantes. Face à la montée des inégalités mondiales et des violences que charrient certaines idéologies, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/3609">notamment le néo-libéralisme</a> triomphant, la francophonie peut constituer un espace humaniste de réconciliation des peuples et des pays. Pour ce faire, elle doit se repenser en profondeur et devenir, d’une part, un véritable espace commun d’intérêts partagés et, d’autre part, un espace de prospérité économique et de progrès social commun. Un ancrage durable de la francophonie dans le siècle à venir ne pourra passer que par ces évolutions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168590/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Ngwé est membre d'associations de recherche et culturelles </span></em></p>Face aux mutations que connaît aujourd’hui l’Afrique, la francophonie doit cesser de n’être qu’un relais de Paris et jouer un rôle plus affirmé en matière de justice sociale.Luc Ngwé, Politiste/Sociologue (ARES-CEPED), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605052021-07-27T13:41:49Z2021-07-27T13:41:49ZÊtre pourchassé, perdre ses dents, tomber… Ce que la science dit des rêves récurrents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409720/original/file-20210705-27-13i7y47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C6230%2C4128&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans certains cas, des rêves récurrents qui émergent durant l’enfance peuvent même persister jusqu’à l’âge adulte.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Rêver, encore et encore, au même scénario est un phénomène connu – près du <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">deux tiers de la population</a> rapportent avoir déjà connu un épisode de rêves récurrents. Être poursuivi, se retrouver nu dans un endroit public, faire face à un désastre naturel, perdre ses dents ou oublier d’aller à un cours pendant tout un semestre sont des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">thématiques typiques de ces rêves récurrents</a>.</p>
<p>D’où vient ce phénomène, dont les thématiques reviennent d’une personne à l’autre ? La science des rêves indique que les rêves récurrents feraient peut-être écho à des conflits non résolus dans la vie du rêveur.</p>
<p>Je travaille au Laboratoire des rêves et des cauchemars du Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. En tant que doctorante en neurosciences, je m’intéresse à la manière dont notre mémoire est réactivée, transformée et incorporée dans nos rêves.</p>
<p>Les rêves récurrents sont des rêves qu’un individu peut faire à répétition. On remarque qu’ils <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1021152411010">surviennent souvent en période de stress</a> ou sur de longues périodes de temps, parfois même sur plusieurs années, voire une vie entière. Ces rêves mettent en scène non seulement une même thématique, mais aussi un récit particulier qui peut se répéter d’une nuit à l’autre.</p>
<p>Bien que le contenu exact des rêves récurrents soit unique à chaque personne, il existe des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1959-09900-001">thématiques communes entre les individus</a>, et même entre les cultures et les différentes époques. Par exemple, se faire pourchasser, tomber, être mal préparé pour une évaluation, arriver en retard ou essayer de faire quelque chose à répétition comptent parmi les <a href="http://dreamscience.ca/en/documents/publications/_2003_Nielsen_Reprint_D_13_211-235_TDQ.pdf">scénarios les plus prévalents</a>.</p>
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<img alt="Une femme semble léviter près d’une falaise" src="https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les rêves récurrents n'ont pas tous une connotation négative. Certains, comme avoir la capacité de voler, peuvent même avoir un effet euphorisant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La majorité des rêves récurrents ont un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">contenu plutôt négatif</a>, comportant des émotions comme la peur, la tristesse, la colère et la culpabilité ; et plus de la moitié mettent en scène une situation ou le rêveur est en danger. Mais certaines thématiques récurrentes peuvent aussi être positives, voire euphorisantes, comme les rêves où l’on découvre de nouvelles pièces à notre maison, les rêves érotiques ou ceux où l’on a la capacité de voler.</p>
<p>Dans certains cas, des rêves récurrents qui émergent durant l’enfance peuvent persister jusqu’à l’âge adulte. Ces rêves peuvent disparaître pendant quelques années, resurgir en présence d’une nouvelle source de stress et se dissiper de nouveau lorsque la situation est passée.</p>
<h2>Des conflits non résolus</h2>
<p>Pourquoi notre cerveau joue-t-il ces mêmes rêves en boucle ? Des études suggèrent que les rêves, en général, nous aident à <a href="https://psycnet.apa.org/record/2009-12487-003">réguler nos émotions</a> et à nous adapter aux événements stressants – le fait d’intégrer du contenu émotionnel dans les rêves permettrait au rêveur d’assimiler un événement douloureux ou difficile.</p>
<p>Dans le cas des rêves récurrents, un contenu répétitif pourrait représenter une tentative infructueuse d’intégrer ces expériences difficiles. <a href="https://www.proquest.com/docview/2490256841?pq-origsite=gscholar&fromopenview=true">Plusieurs théories</a> s’accordent pour dire que les rêves récurrents seraient reliés à des difficultés ou des conflits non résolus dans la vie du rêveur.</p>
<p>La présence de rêves récurrents a aussi été associée à un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1986-19838-001">plus bas niveau de bien-être psychologique</a> et à la présence de <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Dream-Content%2C-Dream-Recurrence-and-Well-Being%3A-A-a-Zadra-O%27Brien/af492efdd0bcdee15c4b5d743df9deb530e2daa0">symptômes d’anxiété et de dépression</a>. Ces rêves ont tendance à <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1021152411010">réapparaître lors de situations stressantes</a> et à cesser lorsque la personne a <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">résolu son conflit personnel</a>, indiquant ainsi une amélioration du bien-être.</p>
<p>Les rêves récurrents reflètent souvent de manière métaphorique les préoccupations émotionnelles des rêveurs. Par exemple, <a href="https://archive.org/details/dreamsnightmares0000hart_k4s6">rêver à un tsunami</a> est courant à la suite d’un traumatisme ou d’un abus. C’est un exemple typique de métaphore pouvant représenter des émotions d’impuissance, de panique ou de peur vécues à l’éveil.</p>
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<img alt="Un homme affolé court avec son ordinateur sous le bras" src="https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certaines personnes, lors d’une situation stressante ou face à un nouveau défi, peuvent rêver de nouveau qu’elles arrivent en retard ou non préparées à un examen de mathématiques, et ce, même des années après avoir mis les pieds dans une école.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De manière similaire, être habillé de manière inappropriée dans son rêve, être nu ou de ne pas pouvoir trouver de toilettes privées ont en commun de représenter des scénarios d’embarras ou de pudeur.</p>
<p>Ces thèmes peuvent être considérés comme des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2011-11210-004">scripts</a> ou des scénarios « prêt-à-rêver » qui offrent un espace pour digérer nos émotions conflictuelles. Un même scénario peut ainsi être réutilisé dans des situations différentes où nous vivons des émotions similaires. C’est pourquoi certaines personnes, lors d’une situation stressante ou face à un nouveau défi, peuvent rêver de nouveau qu’elles arrivent non préparées à un examen de mathématiques, et ce, même des années après avoir mis les pieds dans une école. Bien que les circonstances soient différentes, un sentiment similaire de stress ou de désir de se surpasser peut déclencher à nouveau ce scénario de rêve.</p>
<h2>Un continuum de répétitions</h2>
<p>William Domhoff, chercheur et psychologue américain, propose l’existence d’un <a href="https://dreams.ucsc.edu/Library/domhoff_2000b.html">continuum de répétition dans les rêves</a>. À l’extrême, il y a les cauchemars traumatiques qui reproduisent directement un trauma vécu, comme un « flashback », et dont la présence est l’un des symptômes principaux du trouble de stress post-traumatique.</p>
<p>Ensuite, il y a les rêves récurrents, où le même contenu du rêve est rejoué en partie ou dans son entièreté. Contrairement aux rêves traumatiques, les rêves récurrents reproduisent rarement un événement ou un conflit directement, mais les reflètent plutôt de manière métaphorique à travers une émotion centrale.</p>
<p>Plus loin, sur le continuum, se retrouvent les thèmes récurrents dans les rêves. Ces rêves ont tendance à rejouer une situation similaire, comme être en retard, se faire poursuivre ou être perdu, mais le contenu exact du rêve diffère d’une fois à l’autre (être en retard pour prendre le train plutôt qu’à un examen).</p>
<p>Finalement, à l’autre bout du continuum, on retrouve la répétition chez une même personne de certains éléments de rêves, comme des personnages, des actions ou des objets. Tous ces rêves refléteraient, à différents niveaux, une tentative de résoudre certaines préoccupations émotionnelles.</p>
<p>Passer d’un niveau intense à un niveau plus faible dans le continuum de répétition est souvent signe d’une amélioration de l’état psychologique d’une personne. Par exemple, des <a href="https://www.jstor.org/stable/43853181">changements progressifs et positifs</a> dans le contenu des cauchemars traumatiques sont souvent observés au fur et à mesure que les personnes qui ont vécu un traumatisme se rétablissent de leurs difficultés.</p>
<h2>Des phénomènes physiologiques</h2>
<p>Pourquoi les thématiques sont-elles souvent communes d’une personne à l’autre ? Une explication possible est que certains de ces « scripts » auraient été conservés chez l’humain en raison de leur avantage évolutif. En permettant de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/behavioral-and-brain-sciences/article/reinterpretation-of-dreams-an-evolutionary-hypothesis-of-the-function-of-dreaming/EE0E7DB39E361540D2DDA79C262EDA7E">simuler une situation menaçante</a>, le rêve d’être pourchassé, par exemple, offre un espace pour se pratiquer à percevoir et échapper à ses prédateurs tout en dormant.</p>
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<img alt="Une jeune femme dans son lit se tient les joues" src="https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains rêves récurrents, comme celui de perdre ses dents, peuvent être liés au serrement des dents durant le sommeil ou à l’inconfort dentaire au réveil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Certaines thématiques typiques pourraient aussi s’expliquer en partie par des phénomènes physiologiques qui ont lieu lorsque nous dormons. Une étude conduite en 2018 par une équipe de recherche en Israël a constaté que le fameux rêve de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.01812/full">perdre ses dents</a> ne serait pas particulièrement lié à des symptômes d’anxiété chez le rêveur, mais plutôt au serrement des dents durant le sommeil ou à l’inconfort dentaire au réveil.</p>
<p>Lorsque nous dormons, notre cerveau n’est pas complètement coupé du monde extérieur. Il peut continuer à percevoir des stimuli externes, tels que des sons ou des odeurs, ou encore des sensations corporelles internes. Ainsi, d’autres thématiques, comme être incapable de trouver une toilette ou se retrouver nu dans un espace public, pourraient être liées au fait d’avoir besoin d’uriner durant la nuit ou de porter un pyjama ample dans son lit.</p>
<p>Certains phénomènes physiques propres au sommeil paradoxal, le stade du sommeil où nous rêvons le plus, pourraient aussi entrer en jeu. En sommeil paradoxal, nos muscles sont paralysés, ce qui pourrait provoquer les rêves d’avoir les jambes lourdes ou d’être paralysé dans son lit.</p>
<p>De même, certains auteurs ont proposé que les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21570/">rêves de tomber ou de voler soient causés par notre système vestibulaire</a>, qui contribue à notre équilibre et qui se réactiverait spontanément durant le sommeil paradoxal. Bien entendu, ces sensations corporelles ne sont pas suffisantes pour expliquer la récurrence de ces rêves chez certaines personnes et leur survenue soudaine en période de stress, mais elles ont probablement une influence significative dans la construction de nos rêves les plus typiques.</p>
<h2>Sortir de la boucle</h2>
<p>Les personnes qui vivent l’expérience d’un cauchemar récurrent sont en quelque sorte figées dans une manière de répondre au scénario du rêve et de l’anticiper. Certaines thérapies ont été développées pour tenter de résoudre cette récurrence et briser le cercle vicieux des cauchemars.</p>
<p>L’une des techniques consiste à visualiser le cauchemar à l’éveil et à le réécrire, c’est-à-dire à en modifier le scénario en changeant un aspect, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-40667-001">par exemple la fin du rêve, pour quelque chose de plus positif</a>. Se pratiquer à <a href="https://www.academia.edu/6707271/Lucid_Dreaming_as_a_Treatment_for_Recurrent_Nightmares">devenir lucide dans les rêves</a> pourrait aussi être une solution.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-reves-lucides-levent-le-voile-sur-les-mysteres-de-la-conscience-53173">Les rêves lucides lèvent le voile sur les mystères de la conscience</a>
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<p>Les rêves lucides sont les rêves où nous devenons conscients d’être en train de rêver et où nous pouvons parfois même influencer le contenu du rêve. Devenir lucide dans un rêve récurrent pourrait permettre de réfléchir ou de réagir différemment face au rêve et ainsi d’altérer la nature répétitive de ces rêves.</p>
<p>Toutefois, tous les rêves récurrents ne sont pas néfastes en soi et peuvent même être utiles dans la mesure où ils nous informent sur nos conflits personnels. Porter attention aux éléments répétitifs de nos rêves pourrait ainsi être une manière de mieux comprendre et résoudre nos plus grands désirs et tourments.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160505/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudia Picard-Deland a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tore Nielsen a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. </span></em></p>Les rêves aident à réguler nos émotions et à nous adapter aux événements stressants. Un contenu répétitif pourrait représenter une tentative infructueuse d’intégrer des expériences difficiles.Claudia Picard-Deland, Candidate au doctorat en neurosciences, Université de MontréalTore Nielsen, Professor of Psychiatry, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1399102020-06-02T17:35:54Z2020-06-02T17:35:54ZVidéo : Conférence en ligne, « la science face à l’urgence »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339225/original/file-20200602-133860-xswt77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C5725%2C3837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pipette faisant tomber un échantillon dans un tube à essai.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/pipette-dropping-sample-into-test-tube-571093666">Africa Studio / Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à une pandémie de Covid-19 qui a déjà causé plus de 350 000 morts et nécessité des mesures inédites de confinement pour plus de 40 % de la population mondiale, les scientifiques doivent s’adapter pour trouver médicaments et vaccins le plus rapidement possible.</p>
<p>Mais que veut dire <em>vite</em> pour la science ? Depuis l’apparition du SARS-CoV-2 fin 2019, aucun traitement vraiment efficace n’a encore été validé et aucun vaccin n’est attendu avant de nombreux mois. Quels sont les facteurs limitant la recherche et la production rapide de solutions ? Peut-on s’affranchir de certaines pratiques en temps de pandémie ?</p>
<p>Pour essayer de répondre à ces questions, The Conversation France et l’AUF (l'Agence Universitaire de la Francophonie) ont organisé le 20 mai 2020 une conférence en ligne sur le thème : « La science face à l’urgence. »</p>
<p>Cette conférence était animée par Benoît Tonson, journaliste scientifique. Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l’Université Libre de Bruxelles (Belgique), et Alexandre Hocquet, historien des sciences à l’Université de Lorraine (France) répondaient à ses questions.</p>
<p>Si vous n’avez pas eu la possibilité d’assister à la conférence en direct, voilà la séance de rattrapage :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rXDsxhwTEh0?wmode=transparent&start=2" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence en ligne « La science face à l’urgence ».</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/139910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment les scientifiques du monde entier ont pu travailler dans cette période de crise ? Une conférence à voir et revoir.Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Maître de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Alexandre Hocquet, Professeur des Universités en Histoire des Sciences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063842018-12-04T20:57:52Z2018-12-04T20:57:52ZLe tradipraticien, acteur marginalisé de la santé publique en Afrique francophone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248494/original/file-20181203-194953-c7qm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C77%2C1435%2C1112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Herboristes vendant leurs marchandises, Afrique du Sud.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=153553&picture=herboristes-vendent-leurs-marchandises">PublicDomainPictures</a></span></figcaption></figure><p>Selon les données de l’<a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/549341/societe/pour-la-valorisation-du-pouvoir-des-plantes-dans-la-medecine/">OMS</a>, 80 % de la population africaine a recours à la médecine traditionnelle pour répondre à leurs besoins en matière de soins de santé. Cela pourrait amener à croire que le tradipraticien est un acteur de santé publique reconnu et valorisé.</p>
<p>Pourtant, l’activité du praticien reste très peu réglementée dans plusieurs pays d’Afrique francophone. De quoi et de qui parle-t-on au juste ?</p>
<h2>Un expert reconnu par les siens</h2>
<p>Le tradipraticien est une personne reconnue par la collectivité dans laquelle elle vit comme compétente pour diagnostiquer des maladies et invalidités y prévalant et dispenser des soins de santé grâce à l’emploi de substances végétales, animales ou minérales, et d’autres méthodes basées sur le fondement socioculturel et religieux aussi bien que sur les connaissances, comportements et croyances liés au bien-être physique, mental et social de la collectivité.</p>
<p>C’est dans ce même sens que, par exemple, les 17 pays membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle comprennent d’ailleurs ainsi la <a href="http://www.oapi.int/Ressources/Actes_OAPI/Initiative_Libreville.pdf">notion de tradipraticien</a>. L’appellation « tradipraticien » inclut également les accoucheuses traditionnelles, les herboristes et les tradithérapeutes. Ces derniers n’hésitent pas à s’organiser en <a href="http://base.afrique-gouvernance.net/fr/corpus_dph/fiche-dph-224.html">réseau</a> et même de <a href="https://journals.openedition.org/anthropologiesante/755">migrer d’un pays à l’autre</a> pour offrir leurs services dans des domaines spécifiques de santé.</p>
<p>Le tradipraticien est considéré comme le dépositaire du savoir ancestral qu’il a pour mission de répandre dans la société. Le recours à lui résulte aussi bien de la science qu’il possède ou est censé posséder que du sentiment qu’a la société de passer par cet intermédiaire utile pour obtenir l’opinion des ancêtres.</p>
<h2>Une activité suspecte pour les médecins</h2>
<p>Pourtant, l’activité du praticien continue de susciter la réprobation des praticiens de la médecine conventionnelle. L’un des principaux griefs fait à la médecine traditionnelle est l’<a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-06782-7">approche méthodologique considérée comme approximative</a>. L’on se demande si la médecine à base de plantes naturelles ne présenterait pas de sérieux dangers, notamment en raison de la <a href="http://www.seneplus.com/article/avantages-et-limites-de-la-medecine-traditionnelle">difficulté à prescrire de bons dosages</a>. Le corps des médecins regarde avec un mélange de crainte et de mépris « ce corps étranger » <a href="http://africa-and-science.com/?p=2789">pénétrer dans le domaine de la médecine</a>. Leur argument est fondé sur une certaine idée de l’intérêt général de la santé que seuls leurs principes pourraient conserver. Ces arguments ne résistent à l’observation ni des faits, ni du droit.</p>
<p>Sur le plan factuel, l’enthousiasme suscité par l’extension de la médecine conventionnelle s’est vite estompé devant la révélation d’obstacles difficiles à surmonter pour les populations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248495/original/file-20181203-194938-syw3zi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité d’un guérisseur (Yamoussoukro, Côte d’Ivoire, 2014).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Yamoussoukro-16.jpg">Barada-nikto</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>Pallier les insuffisances</h2>
<p>Ainsi, l’insuffisance d’accès aux médicaments essentiels et le faible pouvoir d’achat des populations justifient le renouvellement incessant de l’engouement pour la médecine traditionnelle. Rien que pour les frais de visite médicale, le montant varie entre à 10 et 15 000 francs CFA pour les médecins, alors que les tradipraticiens accepteraient volontiers le 10<sup>e</sup> ou moins du même montant pour des prestations de qualité acceptable, si l’on en juge par la <a href="http://africa-and-science.com/?p=2789">fréquence de leur clientèle</a>.</p>
<p>Au demeurant, le tradipraticien bénéficie de la légitimité sociale et culturelle de la communauté au sein de laquelle il déploie son savoir. Sa contribution à la couverture des soins de santé primaires des populations et en particulier des populations rurales est importante. Et justement, la santé publique ou santé de la collectivité est le niveau de santé d’une population. Elle regroupe l’ensemble des moyens collectifs susceptibles de promouvoir la santé et d’améliorer les conditions de vie. Toutes choses auxquelles entend se dévouer le tradipraticien. En outre, en considérant qu’un part importante de <a href="http://www.who.int/bulletin/volumes/90/8/12-020812/fr/">médicaments modernes est préparée à base de plantes</a> qui ont au départ été utilisées traditionnellement, l’on mesure l’enjeu des savoirs dont ces acteurs sont dépositaires.</p>
<p>Sur le plan juridique, la reconnaissance formelle de l’activité de tradipraticien de santé tarde à prendre forme. Il persiste un clair-obscur qui est source d’incertitude aussi bien pour les praticiens que pour les patients.</p>
<h2>Quel cadre légal ?</h2>
<p>Quelques pays d’Afrique francophone ont prévu un cadre légal d’exercice de la médecine traditionnelle, se traduisant par l’existence d’un texte juridique réglementant la pratique. C’est le cas pour le <a href="https://srhr.org/abortion-policies/documents/countries/01-Burkina-Faso-Public-Health-Code-Assembly-of-Peoples-Deputies-1994.pdf">Burkina Faso</a>, la <a href="https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/DA005F73-3324-9F8C-DF78-CCCA1544532E/attachments/Textes%20de%20loi%20Pdf1.pdf">Côte d’Ivoire</a>, la Guinée Équatoriale, le <a href="http://mail.cnom.sante.gov.ml/index.php?option=com_content&view=article&id=468:decret-94-282-p-rm-exploitation-etablissements-de-medecine-traditionnelle&catid=48&Itemid=87">Mali</a>, le Niger et la <a href="https://www.humanitarianresponse.info/sites/www.humanitarianresponse.info/files/LOI-SUR-LA-MTR.pdf">République centrafricaine</a> (RCA). Par exemple, l’article 141 alinéa 2 du code burkinabé de la santé exprime de manière fort édifiante que « l’exercice de la médecine traditionnelle est assuré par un tradipraticien de santé ». Même si un cadre similaire fait encore polémique dans des pays comme le <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/sante/actualites/senegal-les-medecins-opposes-la-legislation-sur-la-medecine-traditionnelle.html">Sénégal</a> ou le <a href="http://www.ethnopharmacologia.org/wp-content/uploads/2014/04/Abondo-Ethnopharm-def-copie.pdf">Cameroun</a>, en règle générale, il semble que la difficulté soit plutôt au niveau du choix des mécanismes les plus appropriés pour encadrer l’activité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248496/original/file-20181203-194932-1rfy0lb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Guérisseur traditionnel : dans de nombreux pays d’Afrique il n’y a pas de cadre établi pour réglementer les pratiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/traditional-healer-healer-3568630/">Bluesnap/Pixabay.</a></span>
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<p>La pratique étant généralement acceptée par les populations, il s’agirait de trouver des mécanismes qui ne remettent pas en cause la légitimité des médecins conventionnels. Mais ainsi que l’a souligné la juriste <a href="http://greenstone.lecames.org/collect/revueph1/archives/HASH01e0.dir/13-103-110.pdf">Victorine Kuitche Kamgoui</a>, l’absence de réglementation légale de la médecine traditionnelle à elle seule ne saurait justifier l’assimilation éventuelle de l’activité du tradipraticien à l’exercice illégal de la médecine. La complexité d’un système qui ne réprime pas l’exercice de la médecine par les personnes non habilitées, et qui de surcroît, leur accorde des autorisations légales d’exercer en associations, laisse apparaître un véritable décalage entre l’apparente sévérité de la loi et son exécution pratique.</p>
<h2>Une lente reconnaissance</h2>
<p>Le rôle d’acteur de santé publique du tradipraticien ne lui est pas (nécessairement) conféré par le droit : c’est un constat. La question des modalités de reconnaissance de ces acteurs est également présente à des degrés divers en <a href="http://docplayer.fr/8280544-La-guerison-traditionnelle-dans-les-contextes-contemporains-proteger-et-respecter-le-savoir-et-la-guerison-indigenes.html">Amérique</a>, en Asie ou en Europe.</p>
<p>En Afrique francophone, la problématique est symptomatique des <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00855954/document">crises civilisationnelles</a> que traversent la société. Dans une perspective historique, ces pays ont tous connu la domination étrangère, avec pour conséquence une tendance à placer dans un rapport hiérarchique la médecine moderne au-dessus de la médecine traditionnelle. Cette configuration des choses se reflète également dans les activités de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/2005-v46-n1-2-cd3841/043841ar/">codification des règles</a> de vie en société, avec une grande tendance à reléguer au second plan, si ce n’est ignorer les pratiques relevant de la tradition. Or, il est important d’établir des règles claires pour régir l’activité des tradipraticiens. Des exemples réussis, comme ceux de la médecine traditionnelle chinoise, pourraient inspirer le législateur.</p>
<p>En tout état de cause, réglementer l’activité du tradipraticien permettrait d’évaporer le brouillard qui entoure son exercice et d’apporter un surplus de sécurité juridique et sociale tant pour les tradipraticiens et les praticiens de la médecine conventionnelle que pour les patients. Il y va du bien-être physique, mental et social de chaque composante de la société, d’ici et d’ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Juvet Lowé Gnintedem ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré la popularité de la médecine traditionnelle dans les pays d’Afrique francophone, celle-ci demeure peu régulée et mal identifiée dans les discours de santé publique.Patrick Juvet Lowé Gnintedem, Enseignant-chercheur en droit à l'université Dschang (Cameroun), Fellow 2012- IméRa Marseille, Réseau français des instituts d’études avancées (RFIEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063882018-11-14T20:45:55Z2018-11-14T20:45:55ZConsultant·e ou chercheur·e ? Le dilemme des jeunes universitaires en Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245406/original/file-20181113-194513-kdv8tq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plutôt qu'une force de proposition scientifique radicale, le doctorat est devenu un simple outil pratique d'aide à l'action (humanitaire)</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Comment répondre à des exigences qui relèvent de l’apport des connaissances dans des contextes où les demandes d’expertise technique en matière d’intervention sanitaire ou médicale se multiplient ?</p>
<p>En juin 2018, au WARC (West African Research Center) à Dakar, nous présentions pour la première fois notre ouvrage collectif <a href="https://theconversation.com/faire-une-these-en-afrique-pas-dautres-moyens-que-la-volonte-dy-arriver-97713"><em>Tu seras docteur.e mon enfant</em></a>, en présence du Professeur Laurent Vidal, auteur de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1075"><em>Faire de l’anthropologie : santé, science et développement</em></a> (éditions La Découverte, 2010).</p>
<p>Parmi nous, un jeune docteur en sociologie avouait avec une pincée d’amertume qu’il aurait aimé « continuer » à l’université, mais qu’il n’était pas moins « fier » d’être consultant pour une grosse organisation non gouvernementale :</p>
<blockquote>
<p>« Les contraintes ne sont pas les mêmes. On travaille avec des termes de référence imposés […]. Mais ça nourrit bien son homme ».</p>
</blockquote>
<p>Le cas de ce jeune collègue n’est absolument pas isolé. Pour les nombreux candidat·es au doctorat sur les questions comme l’éducation, l’agriculture ou la santé, la consultance s’avère être à la fois un marqueur du parcours doctoral et un projet professionnel.</p>
<p>Dans l’ouvrage collectif précité, au rang des motivations à s’engager dans une thèse de doctorat, il y a très souvent les opportunités ouvertes par des projets financés par des acteurs étrangers. Ces projets constituent des incitations sérieuses à s’engager dans la recherche au cours de son master ou de son doctorat, et le désir de travailler à temps plein pour les organisations qui financent ces projets est considérable.</p>
<h2>S’éloigner des objectifs de la recherche</h2>
<p>En effet, l’insuffisance, voire l’absence de moyens destinés à la recherche au sein des universités africaines, de même que les demandes de plus en plus croissantes d’expertise locale sur des enjeux dits de développement poussent les jeunes chercheur·e·s à s’éloigner, parfois pendant longtemps des objectifs propres à la recherche qui sont : le positionnement dans des débats scientifiques, empiriques et théoriques à travers les publications ; la priorité aux enquêtes de terrain rigoureuses et intensives ; la priorité à la production de connaissances nouvelles empiriquement fondées ; le <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/16759?lang=en">respect des normes et standards internationaux en matière scientifique</a>.</p>
<p>La consultance et l’expertise répondent à des logiques différentes. Les termes de référence sont plus ou moins imposés, le temps imparti à la collecte des données est court, la pression forte pour une aide à l’action au service du commanditaire, etc. Au final, rien n’indique que l’expertise sociologique sollicitée ait un réel impact.</p>
<h2>Un seul thème : « l’Afrique » ou « les Africains »</h2>
<p>Le ou la jeune chercheur·e en sciences sociales et santé africain·e est dès le départ pris·e entre plusieurs logiques qu’il doit concilier. Premièrement, le choix de ses objets de recherche. Contrainte postcoloniale ou géographique ?</p>
<p>La quasi-totalité des recherches menées par les jeunes chercheur·e·s africain·e·s sur la santé ont pour dénominateur commun, unité partagée et point de départ et d’arrivée « l’Afrique » ou « les Africains ».</p>
<p>Bien sûr la recherche sur le continent par les enfants du continent est jeune et nécessite d’être approfondie. Cependant, les sujets traités ont (presque) toujours trait au développement. L’Afrique n’est-elle pas le <a href="https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2013-1-page-139.htm">laboratoire par excellence</a> des politiques d’aide au développement ?</p>
<p>L’Université elle-même, ce legs colonial, n’a-t-elle pas été pensée pour répondre <a href="https://www.amazon.fr/Enseignement-sup%C3%A9rieur-Afrique-francophone-transformations-ebook/dp/B07DP4Z46T">aux exigences de développement ?</a></p>
<p>Lorsqu’on choisit par exemple de travailler sur la santé maternelle, le paludisme, ou le VIH/sida plutôt que sur le tabagisme, la santé mentale ou l’obésité, c’est dans la certitude que ces thématiques intéressent les acteurs du Nord (ONG ou centres de recherche). En l’état actuel des choses, c’est-à-dire vu l’état de nos universités et le déséquilibre des relations Nord-Sud, il semble quasi impossible d’échapper à cet étau. Il y a pourtant une liberté à conquérir dans le choix de ses objets, peu importe qui on est et d’où on vient. Le premier enjeu est donc celui de l’autonomie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LKzQjkzbvwY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Feu le professeur Fabien Eboussi Boulaga a appelé, comme d’autres, à investir pour faire vivre la recherche en Afrique.</span></figcaption>
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<h2>Se faire une place</h2>
<p>Deuxièmement, le ou la jeune chercheur·e africain·e doit arbitrer entre la priorité scientifique et ses contraintes, et la priorité consultative et ses contraintes.</p>
<p>Dans le premier cas, il s’agit de mener une enquête de terrain assez rigoureuse auprès des acteurs de santé par exemple, et de gérer leurs suspicions quant à l’intérêt, voir l’utilité de votre démarche. Exercice d’autant plus difficile si l’on est inscrit en thèse à l’étranger et que <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/4765">son terrain se déroule « chez-soi »</a>. D’autre part, il s’agit de rédiger une thèse de très bonne qualité qui pourrait donner lieu à des publications dans des revues scientifiques. Or, les procédures de publication dans des revues scientifiques internationales sont longues, exigeantes et rigoureuses. Confronté·e aux pairs, il s’agit alors d’acquérir une certaine crédibilité dans les disciplines dans lesquelles il ou elle s’inscrit.</p>
<p>Cependant, peu de jeunes chercheur·e·s publient dans ces revues (lesquelles ne sont pas exemptes de subjectivisme) pour des raisons de qualité des propositions. Ce défaut de qualité ou de compétitivité est dû au fait que la reconnaissance par les pairs n’est pas nécessaire lorsqu’on est, ou lorsqu’on envisage d’être consultant·e.</p>
<p>Les exigences sont différentes, et les revenus beaucoup plus importants qu’un poste d’enseignant ou de chercheur <em>per se</em>. Les revenus d’une seule mission de consultance correspondent à trois à quatre fois le loyer mensuel d’un enseignant à niveau d’expérience/formation égale.</p>
<p>L’accès au marché de la consultance étant cependant très inégal, il vaut mieux se faire un nom et se constituer un réseau au plus tôt, ce que les jeunes chercheur·e·s s’attèlent à faire, avant, pendant ou après la thèse, parfois au détriment de la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/4662">« rigueur du qualitatif »</a>, et autres standards d’une recherche productrice de nouveaux savoirs.</p>
<p>Il se pose dans ce cas, un enjeu de négociation du fait des relations entre les jeunes chercheur·e·s et d’une part leurs pairs (au plan scientifique) et de l’autre les commanditaires des missions d’expertise ou les responsables des programmes financés pour lesquels ils/elles sont recruté·e·s. Au cœur de cette négociation se dresse également ainsi un enjeu d’adaptation important : adaptation de ses capacités ou du contenu des résultats de ses recherches en fonction des opportunités disponibles.</p>
<h2>L’impossible dé-liaison ?</h2>
<p>Il y a un plaisir intellectuel à s’engager dans une thèse de doctorat. Ce plaisir est d’autant plus grand lorsque son objet de recherche est porteur d’enjeux transformationnels comme c’est le cas pour les thèses en sciences sociales et santé. L’intérêt pour la santé n’échappe cependant pas à la logique du marché, et de nombreux jeunes chercheur·e·s africain·e·s se laissent emporter par la demande d’expertise locale, activité par ailleurs très lucrative.</p>
<p>Bien que <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2012-3-page-9.htm">cette expertise</a> est en soi une forme de valorisation et de reconnaissance, voire d’outil d’aide à la décision, elle brouille les frontières avec la production des savoirs éclairés, durables et généralisables. Elle affaiblit notre capacité à nous constituer en force de proposition dans les débats sur les enjeux de la science. Contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de santé publique est d’une importance réelle. Cependant, cela ne devrait pas se faire au détriment d’un investissement long, actif et constant dans les procédures de collecte des données, de recherches et d’analyse documentaire, de vulgarisation et de valorisation des résultats de ses recherches. Même en situation d’intervention, le ou la jeune chercheure devrait garder en mémoire sa posture analytique et travailler à faire entendre sa voix au sein de son champ disciplinaire.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) des 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Larissa Kojoué ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand les revenus d’une mission de consultance correspondent à quatre fois le loyer mensuel d’un enseignant d’université, comment promouvoir la recherche ?Larissa Kojoué, Chercheure associée, Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054072018-11-11T23:18:43Z2018-11-11T23:18:43ZQuelle couverture santé pour les femmes enceintes en Mauritanie ?<p><em>Cet article a été co-écrit avec Zakaria Amar, Martine Audibert, François Boillot, Emmanuel Bonnet, Aïssa Diarra, Inès Dossa, Alexandre Dumont, Vincent Fauveau, Arnaud Laurent, Aline Philibert, Bertille Raffalli, Andrainolo Ravalihasy, Marion Ravit, Valery Ridde et Philippe Vinard.</em></p>
<hr>
<p>La Mauritanie a longtemps été caractérisée par des niveaux parmi les plus alarmants de mortalité maternelle. Selon les <a href="http://www.aho.afro.who.int/en/maternal-mortality-ratio">projections de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)</a>, celle-ci serait en 2015 de 602 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Ce taux est très supérieur à celui de pays voisins, pourtant plus pauvres, comme le Burkina Faso ou le Sénégal (respectivement 371 et 315 décès pour 100 000 naissances selon la même source). À titre de comparaison, la mortalité maternelle se situe en <a href="https://presse.inserm.fr/mortalite-maternelle-diminution-de-la-mortalite-par-hemorragies/10335/">France autour 10 pour 100 000 naissances</a>. </p>
<p>En Mauritanie, la plupart des patientes doivent toujours systématiquement payer l’intégralité des actes pour être soignées. Pour favoriser la couverture de la prise en charge et du risque obstétrical, la coopération française pour le développement international soutient depuis 1998 un dispositif de financement de l’accès aux soins maternels et infantiles, qui progressivement s’est étendu sur la majeure partie du territoire. Une évaluation d’impact a servi à mesurer son efficacité et à mieux comprendre sa mise en œuvre.</p>
<h2>Un prépaiement forfaitaire qui couvre les complications</h2>
<p>L’accès aux soins et la réduction de la mortalité pour les femmes et les nouveau-nés sont au cœur des objectifs de développement durable de l’ONU. Les mécanismes de protection sociale sont considérés comme des leviers pour améliorer l’accès aux soins et une prise en charge plus équitable. En Mauritanie, le « forfait obstétrical » est un dispositif volontaire couvrant les frais de santé maternelle dans les formations sanitaires publiques.</p>
<p>Lors de leur première consultation prénatale, les femmes qui le souhaitent payent entre 15 et 17 €, en un ou deux versements. Ce montant représente environ 20 % du <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GNP.PCAP.CD">revenu mensuel moyen par habitant</a>.</p>
<p>Le forfait donne accès à tout un ensemble de services médicaux sans paiement supplémentaire : consultations prénatales, postnatales, examens biologiques, échographie, accouchement dans une formation sanitaire par du personnel qualifié, prise en charge des complications éventuelles. Ce dispositif, qui a été initié en 1998 à Nouakchott avec le soutien de la France, été progressivement étendu à la majeure partie du territoire national dans des établissements sélectionnés pour leur bon niveau de soins.</p>
<p>Il s’agit d’une approche originale, qui allie paiement des soins par les femmes, partage du risque et amélioration de l’offre de soins, dans un contexte où la plupart des pays sahéliens ont privilégié des politiques d’exemption du paiement des soins en matière de santé maternelle et néonatale. Restait à évaluer son efficacité.</p>
<h2>Une approche pluridisciplinaire</h2>
<p>L’évaluation d’impact a été lancée au démarrage d’une nouvelle phase d’extension géographique du dispositif du forfait obstétrical. Elle visait à mesurer les effets du forfait sur l’accès aux soins de santé maternelle et sur la qualité des soins.</p>
<p>Elle a combiné deux approches, l’une quantitative, l’autre plus qualitative. Une première équipe a associé des chercheurs en économie, en santé publique et en géographie. En 2015, ils ont utilisé les données disponibles de quatre enquêtes socio-sanitaires menées entre 2001 et 2012 par l’Office Mauritanien de la Statistique. Les informations disponibles à l’époque portaient sur la dernière grossesse de chaque femme, sans indiquer toutefois si elle avait souscrit au forfait obstétrical. L’effet du forfait obstétrical a donc été étudié sur l’ensemble des femmes et des nouveau-nés résidant à proximité des établissements couverts par le forfait. Tout récemment, en 2018, une analyse plus poussée a été rendue possible grâce à de nouvelles données sur l’adhésion au forfait et des audits sur la disponibilité et la capacité opérationnelle des services dans l’ensemble des établissements de soin mauritaniens.</p>
<p>Un second groupe de recherche rassemblait des experts de santé publique, en anthropologie et sociologie. Cette équipe a étudié les données de gestion des établissements de santé et analysé le fonctionnement interne des établissements couverts. Elle a également mené une étude qualitative sur les pratiques du personnel soignant, sur l’incidence du forfait obstétrical sur l’interaction des soignants entre eux, sur la relation soignants-patientes, et sur la perception du forfait obstétrical par celles-là même qui en bénéficiaient.</p>
<h2>Des résultats significatifs qui se heurtent aux dysfonctionnements structurels</h2>
<p><a href="https://www.afd.fr/fr/impact-du-forfait-obstetrical-en-mauritanie">La première phase d’évaluation</a> a montré que la disponibilité du forfait obstétrical n’a pas eu d’impact significatif à l’échelle des territoires couverts sur l’amélioration du recours aux consultations pré- et postnatales ainsi que pour les accouchements. On constate cependant que le recours à ces soins a davantage augmenté pour les populations les plus vulnérables (femmes les plus jeunes, pauvres, non éduquées) dans les zones couvertes par le forfait que dans les zones non-couvertes. Mais comme il s’agit d’échantillons assez petits, ces tendances ne sont pas d’une ampleur suffisante pour qu’on puisse les attribuer au forfait obstétrical. La disponibilité du forfait obstétrical a néanmoins eu un impact clair sur le type d’établissements de santé dans lequel les femmes sont prises en charge : elles ont plus recours à des structures de proximité (centres et postes de santé) et moins à l’hôpital.</p>
<p><a href="https://www.afd.fr/fr/evaluation-du-projet-dappui-lextension-du-forfait-obstetrical-en-mauritanie">L’analyse qualitative</a> a pour sa part mis en avant la pertinence initiale du dispositif. Le forfait obstétrical a contribué à former du personnel de santé et à améliorer l’offre de soins, notamment par une meilleure prise en charge des complications et le transfert des patientes vers l’hôpital. Son efficacité s’est cependant essoufflée avec son extension, à mesure qu’il était confronté aux dysfonctionnements structurels du système de santé mauritanien. La supervision technique et le suivi de la gestion financière s’avèrent insuffisants compte tenu de l’ampleur prise par le dispositif.</p>
<p>Néanmoins, le forfait bénéficie d’une impression globalement positive selon les femmes, même si celles-ci relèvent cependant certains dysfonctionnements. Ainsi, certaines femmes n’ont jamais été au courant du dispositif alors qu’elles résident pourtant dans des zones couvertes. D’autres signalent que des paiements additionnels leurs sont parfois réclamés et se plaignent d’une qualité des services insuffisante : indisponibilité de médicaments, manque d’attention du personnel de santé, attentes très longues, consultations trop courtes…</p>
<h2>Le forfait obstétrical incite au recours aux soins</h2>
<p>La dernière phase d’analyse est en cours d’achèvement. Elle montre un impact positif de l’adhésion au forfait obstétrical sur le recours aux soins et sur la prise en charge des femmes enceintes pendant leur grossesse. Les femmes qui ont adhéré ont accouché dans 84 % des cas dans des établissements de santé, contre 61 % pour celles qui n’ont pas adhéré. Quand on tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans cet écart pour isoler l’effet propre au forfait obstétrical, on constate que le fait d’y adhérer accroît la probabilité de 15 % d’accoucher dans un établissement de santé, de 11 % d’avoir au moins quatre consultations prénatales, de 9 % celle de passer au moins une échographie, de 12 % celle d’avoir une analyse sanguine et de 8 % celle d’être assistée par un personnel médical qualifié lors de l’accouchement.</p>
<p>De même, l’adhésion au forfait réduit de manière significative l’inégalité d’accès aux consultations prénatales selon le niveau de vie des patientes, qu’elles vivent en zones urbaine ou rurale. L’adhésion au forfait a contribué à la réduction des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres dans l’accès à la césarienne en zone rurale ainsi que dans l’accès aux accouchements en établissement de santé en zone urbaine. Cependant, l’étude ne met pas en évidence d’impact du forfait obstétrical sur la qualité des soins.</p>
<h2>Des enseignements pour avancer vers une couverture universelle en santé</h2>
<p>L’évaluation montre que si l’on souhaite soutenir le recours aux soins maternels, il est important d’agir sur des leviers supplémentaires que le seul volet financier, comme le renforcement des ressources humaines, la disponibilité des produits médicaux, l’efficacité du système d’information, ou encore la supervision. Il est donc nécessaire d’intégrer le forfait dans la construction d’une couverture santé universelle en santé pour la Mauritanie et de refonder son ancrage institutionnel, pour une meilleure intégration au sein du ministère de la Santé.</p>
<p>Ces résultats ont directement influencé la conception, courant 2016, d’une nouvelle phase d’appui au forfait obstétrical en Mauritanie. Une approche plus globale a été mise en place au niveau régional pour améliorer la qualité et le recours aux soins, associant un travail sur les ressources humaines, la filière du sang et du médicament, ainsi que la sensibilisation communautaire.</p>
<p>Ces enseignements alimentent également le débat national et international sur le financement de la santé. Ils sont aussi utiles pour des expériences similaires, comme le chèque santé en cours d’implantation dans le nord du Cameroun. Enfin, cette étude démontre l’importance d’évaluer l’impact des interventions de santé publique avec des données quantitatives et qualitatives, mais aussi d’utiliser les systèmes d’informations statistiques nationaux, trop peu exploités et soutenus, afin de guider la décision publique.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Bédécarrats travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement. Il est notamment chargé d'organiser et de suivre des évaluations d'impact réalisées par des chercheurs. L'activité de la division évaluation est supervisée par un Comité des Evaluations, présidé par une personnalité indépendante et rassemblant des représentants de l'Etat, des chercheurs et un représentant d'organisations de la société civile.</span></em></p>En Mauritanie, afin d’améliorer l’accès aux soins des femmes enceintes, un dispositif d’assurance volontaire ouvrant accès à divers services a été mis en place. Retour sur les premiers résultats.Florent Bédécarrats, Chercheur, spécialiste de l'évaluation de projets et politiques, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063692018-11-07T07:42:42Z2018-11-07T07:42:42Z« Bogou », faire voyager l’expertise au cœur des déserts médicaux africains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/244146/original/file-20181106-74769-1cqakb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1020%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une professionnelle de la santé apprend à utiliser le logiciel Bogou avec un médecin-formateur, au Mali.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://raft.g2hp.net/files/2016/08/Bogou.jpg">Raft</a></span></figcaption></figure><p><em>Bogou</em> : une contribution de tous pour aider quelqu’un qui ne peut pas finir de cultiver son champ. Les amis et voisins du village viennent alors de loin et de tous les horizons pour l’aider. <em>Bogou</em> signifie également le bac qui aide à traverser le fleuve d’une rive à l’autre. Bogou, où l’entraide en langue djerman ou sonrhai parlées au Niger et au Mali.</p>
<p>C’est ce terme qui a été choisi comme nom pour un logiciel de télémédecine adaptée à la prise en charge de patients vivant au cœur de déserts médicaux dans de nombreux pays d’Afrique.</p>
<h2>Déserts médicaux</h2>
<p>La plupart des pays d’Afrique Subsaharienne connaissent une insuffisance des ressources humaines en santé, en particulier à l’intérieur des pays. Lorsqu’elles existent dans les zones éloignées, elles ne sont pas motivées généralement pour y rester ou ne sont pas qualifiées pour une prise en charge spécialisée.</p>
<p>Ces constats sont d’autant plus réels que la presque totalité des spécialistes toutes disciplines confondues sont <a href="https://www.jeuneafrique.com/195268/societe/l-afrique-rurale-un-d-sert-m-dical/">concentrés dans les capitales</a> au détriment de l’intérieur des pays contribuant ainsi à la création les déserts médicaux.</p>
<p>Les professionnels de la santé exerçant dans ce contexte font face à plusieurs défis dont l’inexistence ou l’obsolescence des plateaux techniques de base tels que l’échographie ou l’électrocardiogramme (ECG) qui permettent d’asseoir les hypothèses diagnostiques et d’orienter en conséquence la prise en charge du patient. Dans les endroits où ces équipements existent, il n’y a pas de spécialistes pour interpréter les résultats. Ces professionnels sont complètement désarmés dès que la prise en charge demande un avis spécialisé. Ils n’ont de choix dans ces cas que de demander aux patients d’aller dans les centres de référence des capitales régionales. Dans la plupart des cas, ces patients ne suivent pas le conseil du professionnel de santé : ils préfèrent simplement se tourner vers d’autres options pour soulager leurs souffrances.</p>
<p>Le manque de personnel de santé qualifié, l’insuffisance des plateaux techniques entraînent une <a href="https://journals.openedition.org/factsreports/1238">iniquité d’accès aux soins et services</a> de santé de qualité pour les populations de ces zones éloignées. En outre ces zones ne bénéficient pas souvent d’un réseau routier en état permettant d’atteindre dans les meilleurs délais les premiers centres de référence.</p>
<h2>Un logiciel d’expertise</h2>
<p>C’est au regard de cette situation que le <a href="https://raft.unige.ch/bogou/">logiciel Bogou</a> est né pour permettre aux professionnels de la santé isolés et des fois même aux environs des grandes villes de demander l’avis des experts à distance afin de mieux prendre en charge ces populations vulnérables.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244090/original/file-20181106-74775-opr78k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Discussions cas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bogou</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Il peut s’agir d’urgences médico-chirurgicales comme ce fut le cas plusieurs fois où l’interprétation à distance des examens échographiques via « Bogou » a permis d’éviter des évacuations systématiques devant des urgences obstétricales. C’est également le cas de la cardiologie ou la dermatologie.</p>
<p>Ainsi tout médecin, sage femme ou infirmier en cas de besoin peut utiliser « Bogou » via une interface web ou sur un téléphone mobile simplement avec une connexion à faible débit Internet comme la connexion 3G. Pour l’usager, cela équivaut à un forfait de 10 euros mensuels pour une utilisation quotidienne.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244088/original/file-20181106-74787-7h7rpa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ajouter un nouveau cas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bogo</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244089/original/file-20181106-74763-1y8zcly.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cercles expertise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bogou</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le professionnel de la santé doit préalablement être inscrit dans un cercle de son domaine d’activité après approbation du modérateur du dit cercle.</p>
<p>Bogou peut être interfacé directement avec les échographes portables permettant de traiter directement les images ou les séquences vidéo, de les compresser dans un format acceptable afin de faciliter l’envoi des images aux spécialistes via les connexions Internet faible débit. Il permet aussi le transfert des examens d’électrocardiogramme (ECG).</p>
<p>Les échanges entre professionnels se déroulent dans 57 cercles actuellement dans différents domaines de la santé. Les utilisateurs sont originaires d’une quinzaine de pays repartis sur quatre continents. Ils se trouvent majoritairement en Afrique francophone et les pays d’Amérique latine comme la Bolivie sont également représentés. Chaque cercle peut avoir un ou plusieurs modérateurs. Le modérateur a le droit d’administration du cercle. Il peut donc inviter un nouvel utilisateur à rejoindre le cercle et à contribuer à la discussion des cas. L’utilisateur est identifié par son adresse e-mail et son mot de passe.</p>
<p>Plusieurs exemples illustrent l’usage de l’outil. C’est le cas de la télédermatologie au Mali : après une phase pilote sur 10 sites de santé périphériques dans 3 régions sanitaires, l’activité vient juste d’être étendue à l’ensemble des régions sanitaires du Mali y compris celles du Nord qui en ont particulièrement besoin en raison de l’insécurité.</p>
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<figcaption><span class="caption">AFP, la télémédecine via Bogou.</span></figcaption>
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<h2>Une prise en charge des patients efficace</h2>
<p>La phase pilote a enregistré en un an et demi la prise en charge de 406 patients à travers la plate-forme en leur évitant ainsi des évacuations sanitaires ou même des abandons de soins car la majorité n’aurait pas eu des moyens pour se rendre dans les structures de référence.</p>
<p>Dans le seul espace Afrique francophone qui compte les pays les gros utilisateurs (Mali, Cameroun, Niger) 3 955 cas sont actuellement pris en charge via Bogou dans différents domaines dont principalement les urgences obstétricales, la pédiatrie, la cardiologie, la dermatologie. C’est aussi 9 087 discussions échangées cette année entre les professionnels de la santé sur la prise en charge des patients.</p>
<p>L’intérêt médico-économique de cet outil est évident. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25080312">Les résultats</a> d’une étude menée sur une année dans quatre districts de santé au Mali pour les cas d’urgences obstétricales et la cardiologie en témoignent.</p>
<p>Ils montrent que cette pratique a permis d’éviter des évacuations sanitaires inutiles et coûteuses à 215 patients. Ainsi, ces derniers ont pu économiser 65 415 000 FCFA, soit près de 100 000 euros sur les coûts de transport et de séjour dans les grandes villes où ils devaient se rendre pour les soins.</p>
<h2>Un modèle reproductible</h2>
<p>Bogou, <a href="https://www.odess.io/initiative/bogou.html">développé par le Réseau en Afrique Francophone pour la Télémédecine</a> (RAFT), a une version web et une version mobile. La version mobile qui a eu le prix de <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/bogou-lappli-sante-africaine-recompensee-par-rfi_37930/">RFI Apps Challenge Afrique</a> lors de sa première édition peut être aussi accessible offline (hors connexion Internet) permettant ainsi la description des cas et leurs envois dès qu’une connexion Internet sera accessible.</p>
<p>Cette version intègre également une messagerie SMS. Sur le plan de la sécurité informatique, les données sont chiffrées avant d’être échangées entre le serveur et les clients au moyen d’une connexion chiffrée (https). L’outil est disponible en six langues : français, anglais, espagnol, portugais, russe et vietnamien.</p>
<p>À ce jour plus de 250 sites sur 4 continents utilisent les outils développés par le RAFT. En plus de Bogou, une <a href="http://raft.g2hp.net/les-plateformes-de-tele-expertise-pour-soigner-mieux-partout-dans-le-monde/">plateforme d’enseignement à distance appelée Dudal</a>, lancée dès 2008, prend de l’essor pour assurer la formation médicale continue de ces professionnels de la santé quelque soit leur situation géographique à l’aide d’une connexion Internet faible débit.</p>
<p>Cette plate-forme enregistre actuellement des milliers de cours produits majoritairement par les experts africains en direction des professionnels de la santé isolés à l’intérieur des pays.</p>
<p>En conclusion, l’usage de ces outils par des pays comme les nôtres n’est plus une nécessité mais une obligation ou même une urgence si nous voulons réduire le « fossé sanitaire » qui existe entre les grandes villes et l’intérieur du pays dans un souci d’équité et de justice sociale.</p>
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<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cheick Oumar Bagayoko est Coordinateur Général du Réseau en Afrique francophone pour la télémédecine. Il est membre du CERTES MALI. Il intervient comme expert lors du colloque 'santé publique' organisé par l'Agence universitaire de la Francophonie à Bruxelles les 6 et 7 novembre.</span></em></p>Pour lutter contre le manque de ressources humaines dans l’intérieur des pays, des outils utilisant Internet à bas débit permettent aux praticiens d’échanger à distance.Cheick Oumar Bagayoko, Maître de conférences en Informatique Médicale, Université des sciences, des techniques et des technologies de BamakoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054632018-11-05T19:58:25Z2018-11-05T19:58:25ZInnovation organisationnelle à l’hôpital : s’appuyer sur l’évolution des fonctions infirmières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243639/original/file-20181102-83632-1jblz29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C795%2C6886%2C4085&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Suisse, le « case manager », assisté d’un data manager, prend en charge les soins des patients tout au long du parcours.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Dotshock/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’innovation organisationnelle en établissements de santé ? La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a fait un premier pas dans ce sens avec la création d’un fonds pour l’innovation organisationnelle <a href="https://www.directions.fr/Veille-juridique/dernieres-infos/usagers/2018/5/Le-cadre-des-innovations-organisationnelles-en-matiere-de-sante-se-precise-2051325W/">doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros en 2018</a>. Alors que les hôpitaux publics et les cliniques privées vont se saisir de cette opportunité pour expérimenter de nouveaux parcours de soins et de nouvelles coopérations, quelles leçons peut-on tirer des expériences à l’étranger (notamment dans le monde francophone) ?</p>
<h2>L’innovation organisationnelle : un enjeu pour l’avenir</h2>
<p>Si, en général, l’innovation est d’abord entendue comme thérapeutique ou technologique, aujourd’hui les <a href="http://gestions-hospitalieres.fr/innover-imiter-disparaitre/">établissements de santé se doivent également de transformer leurs organisations</a>, et notamment les métiers de la santé et du soin.</p>
<p>L’article 51 de la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-10918/">loi de financement de la sécurité sociale de 2018</a> prouve combien l’innovation organisationnelle est essentielle à notre système de santé. Le dispositif de financement prévu dans le texte vise en effet à encourager et soutenir les expérimentations d’organisations innovantes dans l’objectif : d’améliorer l’accessibilité des services de santé aux usagers ; de fluidifier leur parcours médical et de soin tout en veillant à une meilleure utilisation des ressources, financières bien sûr mais aussi humaines (expertise des professionnels) et techniques (dernières innovations techniques de diagnostic et de traitement) ; le tout en assurant un <a href="https://www.ars.sante.fr/linnovation-en-sante-lengagement-des-agences-regionales-de-sante">suivi de qualité</a>.</p>
<p>L’innovation organisationnelle doit ainsi être pensée de manière ouverte, comme le montrent les travaux du professeur américain d’innovation Henry Chesbrough : conçue de manière collaborative et ouverte autour du partage de connaissances, elle est vectrice de nouvelles solutions particulièrement intéressantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Video du World Economic Forum.</span></figcaption>
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<p>Des indices d’une telle prise de conscience et d’actions concrètes se développent dans tous les univers de la santé, comme en témoignent la <a href="http://www.pascaline-sante.com/services/reseau-social-professionnel/">constitution de réseaux de professionnels</a>, instaurant un espace d’échange et de dialogue propice à aller plus loin.</p>
<h2>Une nécessaire évolution des ressources humaines</h2>
<p>Les innovations thérapeutiques ou technologiques évoquées plus haut imposent souvent une adaptation des services hospitaliers, notamment dans les champs du management et de l’allocation des ressources humaines. Les habitudes de travail sont parfois bouleversées et de nouveaux métiers peuvent apparaître. Les professionnels de santé en place acquièrent ainsi de nouvelles compétences ; certains doivent accepter une délégation de tâches et/ou un exercice en équipe pluridisciplinaire. De nouvelles synergies entre métiers et entre services peuvent se former.</p>
<p>Tous ces changements, qui modifient le quotidien et les habitudes, ne se réalisent ni naturellement ni spontanément. La directrice générale de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (<a href="http://www.anap.fr/accueil/">Anap</a>), Sophie Martinon, a d’ailleurs encouragé les acteurs du monde de la santé au changement. « Tout le monde est habilité à proposer des innovations organisationnelles et ensuite à les porter. Tout le monde est légitime. Il n’y a pas de monopole, et puisque ces innovations ont un impact dans le quotidien, elles doivent s’ancrer et être pragmatiques », a-t-elle ainsi insisté dans une récente <a href="https://www.apmjob.com/news/357/">déclaration officielle</a>.</p>
<p>Le métier infirmier, notamment, connaît des <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/mayenne-53100/mayenne-le-metier-d-infirmier-est-en-pleine-evolution-5973776">transformations importantes</a>, illustrant la nécessité d’une innovation dans les organisations de santé. La Suisse et le Québec fournissent des exemples très concrets à cet effet, montrant l’intérêt, pour les établissements de santé, d’innover en matière de coordination de soins.</p>
<h2>En Suisse, le « case manager »</h2>
<p>Les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont notamment expérimenté, dans leur <a href="https://www.hug.ch/cancerdusein">Centre du Sein</a>, la fonction de <a href="https://www.hug.ch/centre-du-sein/case-manager-du-centre-du-sein">« case manager »</a>. Celui-ci, assisté d’un data manager, prend en charge les soins des patients tout au long du parcours, depuis la prévention jusqu’à la guérison en passant par le dépistage, le diagnostic et l’ensemble des soins liés à cette pathologie.</p>
<p>La fonction est confiée à une infirmière expérimentée qui n’a pas de contact direct avec la patiente (selon la volonté expresse des médecins), mais qui assure la coordination de l’ensemble du parcours de la patiente à partir du premier appel. Le data manager, quant à lui, collecte les données médicales et de soins des patientes à des fins analytiques et de « benchmarking » (comparatif). Cette fonction est proche, en France, de celle d’un <a href="https://cadres.apec.fr/Emploi/Marche-Emploi/Fiches-Apec/Fiches-metiers/Metiers-Par-Categories/Sante-social-culture/Medecin-DIM">médecin DIM (Département d’Informations Médicales)</a>. Mais, alors que le data manager assure, pour une seule pathologie, la collecte des données médicales des patientes à des fins analytiques, le médecin DIM français code et collecte ces informations pour l’ensemble des prises en charge d’un hôpital.</p>
<p>En Suisse, le case manager a alors accès en temps réel à toute l’information et organise le parcours dans l’établissement ainsi qu’en dehors, à partir d’un dossier médical partagé. Ses domaines d’intervention sont délimités en amont par l’organisation et les médecins qui lui attribuent toutes compétences pour définir les rendez-vous médicaux, transmettre les comptes rendus de suivi et compléter le dossier médical partagé. Ce modèle de case manager est essentiellement focalisé sur la dimension organisationnelle du suivi du patient. La transmission des informations médicales au patient restent dans les attributions des médecins et des personnels soignants.</p>
<h2>L’infirmière pivot au Québec</h2>
<p>Toujours en cancérologie, mais cette fois-ci outre-Atlantique, la fonction d’infirmière pivot, <a href="https://fqc.qc.ca/fr/information/l-oncologie-au-quebec/rencontre-avec-l-infirmiere-pivot-en-oncologie-ipo">mise en œuvre au Québec</a>, est en partie similaire à celle de case manager mais présente quelques spécificités. Les travaux de la <a href="https://www.usherbrooke.ca/campagne-majeure/projets/chaire-de-recherche-sur-lamelioration-de-la-qualite-et-la-securite-des-soins-aux-personnes-atteintes-de-cancer/">Chaire sur l’amélioration de la qualité et la sécurité des soins aux personnes atteintes de cancer</a> de l’Université de Sherbrooke définissent avec précision cette fonction dans le domaine de la cancérologie. Comme dans l’exemple suisse, l’infirmière pivot intervient dans le suivi des patients dès leurs premiers contacts avec l’établissement pour du dépistage ou pour de la prise en charge après diagnostic médical.</p>
<p>En revanche, elle est en contact direct avec les patients et leurs familles afin d’évaluer leurs ressources et leurs besoins de santé. Elle les informe sur les différents aspects de la maladie, sur les traitements et ses conséquences, et sur le suivi à court, moyen et long terme. Enfin, comme le case manager, elle assure la coordination et la continuité des soins entre tous les intervenants. Le modèle de l’infirmière pivot recouvre à la fois des dimensions informationnelles et organisationnelles du parcours de soin, ce qui peut renforcer la fluidité du parcours à la condition que son rôle soit accepté par tous les acteurs.</p>
<h2>En France, des freins à comprendre afin de mieux les dépasser</h2>
<p>Ces deux exemples viennent éclairer la réflexion en cours sur la coordination des soins dans le système de santé français. Dans ce cas précis, il reste néanmoins quelques obstacles importants, mais non irréductibles, à la diffusion progressive des innovations organisationnelles en matière de coordination des parcours de soins et de santé :</p>
<ul>
<li>Le système de formation des cadres de santé en France reste centré sur les services médicaux, même si des expériences de <a href="https://chu-clermontferrand.centredoc.fr/?lvl=cmspage&pageid=6&id_rubrique=76">rapprochement entre Institut de Formation des Cadres de Santé (IFCS) et écoles de management</a> ont vu le jour dernièrement afin de construire des programmes de formation orientés vers le management et la coordination de l’ensemble des acteurs du parcours d’un patient. La création, à partir de la rentrée universitaire 2018, des <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/acces-territorial-aux-soins/article/la-pratique-avancee-417776">diplômes d’Infirmières en Pratique Avancée (IPA)</a> marque également la volonté du ministère de la Santé d’aller vers le renforcement des personnels de coordination dans les activités sanitaires.</li>
</ul>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="470" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x6w1ieq" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<ul>
<li><p>Les moyens financiers des établissements de santé publics demeurent contraints par une surreprésentation de l’indicateur « activité » dans les modes de gestion des structures. La coordination des soins représentant, avant toute chose, une charge supplémentaire, il conviendra de convaincre les gestionnaires des établissements qu’elle peut avoir à long terme un effet sur la réduction des coûts et/ou sur l’augmentation de l’activité rémunérée.</p></li>
<li><p>L’organisation du système de santé fonctionne encore largement sur le modèle des bureaucraties professionnelles dans lesquelles la standardisation des qualifications reste le mode d’ajustement privilégié (Mintzberg, 1982). Ceci tend à d’abord favoriser la coordination entre les professionnels des spécialités médicales ou médico-techniques (par exemple : la cancérologie, l’imagerie médicale, la médecine de ville, la pharmacie, etc.) même si des efforts importants ont été accomplis pour réduire le cloisonnement professionnel, notamment dans le milieu de la cancérologie.</p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105463/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Mériade a reçu des financements de la Fondation de l'Université Clermont Auvergne et du Cancéropole Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Rochette a reçu des financements de de la Fondation de l'Université Clermont Auvergne et du Cancéropole Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Albert-Cromarias et Catherine Dos Santos ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quelles leçons peut-on tirer des expériences menées dans différentes zones francophones en matière de coordination des soins ?Laurent Mériade, Enseignant chercheur en sciences de gestion - Titulaire de la chaire de recherche "santé et territoires" - IAE, Université Clermont Auvergne (UCA)Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolCatherine Dos Santos, Professeur de Management Stratégique, ESC Clermont Business SchoolCorinne Rochette, Professeure des universités en management public et de la santé HDR, Titulaire de la chaire de recherche Santé et territoires, IAE- Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049842018-11-05T19:57:25Z2018-11-05T19:57:25ZSanté et alimentation : la francophonie, futur laboratoire des nouveaux modèles agroalimentaires ?<p>« Que ton alimentation soit ta première médecine » recommandait <a href="http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-hippoc.htm">Hippocrate</a> 400 ans av. J.-C.. « La diète est le meilleur remède » confirmait le géographe <a href="https://www.herodote.net/Bio/Ibn_Khaldoun-biographie-SWJuIEtoYWxkb3Vu.php">Ibn Khaldoun</a> au XIV<sup>e</sup> siècle. Comme en témoignent ces deux citations, le lien entre alimentation et santé a été établi de longue date. Dans le monde contemporain, on considère que l’alimentation peut-être à l’origine de deux catégories de pathologies : d’une part les maladies infectieuses (ou transmissibles), d’autre part les maladies chroniques.</p>
<h2>Vers une augmentation des infections alimentaires ?</h2>
<p>Les maladies infectieuses d’origine alimentaire sont provoquées par des agents infectieux ou des substances <a href="https://www.edilivre.com/vraies-fausses-informations-alimentaire-montet.html/">présents dans l’alimentation au sens large (incluant les boissons et notamment l’eau)</a> : virus, bactéries, protozoaires, mais aussi des composés chimiques telles que les <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/aflatoxins-food">aflatoxines</a>, des toxines produites par certaines moisissures. En France, le dernier incident qui a connu un grand retentissement médiatique est <a href="https://theconversation.com/affaire-lactalis-pour-en-finir-avec-ces-crises-sanitaires-a-repetition-89931">« l’affaire Lactalis »</a>, survenue fin 2017 suite à l’indisposition de nourrissons par du lait contaminé aux <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/salmonellose">salmonelles</a>.</p>
<p>Selon l’OMS, en 2010, on a recensé 600 millions de cas d’intoxications alimentaires dans le monde et 420 000 décès, dont un <a href="http://www.who.int/foodsafety/publications/foodborne_disease/fergreport/en/">tiers d’enfants de moins de 5 ans</a>. Grâce aux progrès de la médecine et de l’hygiène, les décès par maladies infectieuses sont passés de 16 millions en 2000 à 11 millions en 2016 et de <a href="https://www.who.int/healthinfo/global_burden_disease/estimates/en/index1.html">2,5 millions à 1,7 million pour les causes alimentaires</a>. Cependant, des phénomènes tels que la massification de la production et de la consommation, la globalisation des échanges, la pharmacorésistance, le bioterrorisme ou le refus de la vaccination font craindre une expansion des pathologies infectieuses.</p>
<h2>Le double fardeau des maladies d'origine alimentaire</h2>
<p>Les maladies chroniques d’origine alimentaire se caractérisent par un déséquilibre nutritionnel de déficit ou excédent en composants protéiques, glucidiques ou lipidiques et en micronutriments (métaux, vitamines). La sous-alimentation provoque des pathologies pouvant être mortelles (par exemple les famines) ou des carences souvent irréversibles entravant le développement anatomique, physiologique et psychologique (par exemple le rachitisme dû à un manque de vitamine D).</p>
<p>Les maladies de la suralimentation ont été considérablement amplifiées par l’industrialisation de l’ensemble de la chaîne alimentaire, depuis environ un siècle. Le <a href="http://www.quae.com/fr/r966-le-systeme-alimentaire-mondial.html">modèle agroindustriel</a> a provoqué une pandémie de surpoids dans de nombreux pays du monde. Aux États-Unis, l’obésité est passée de <a href="http://www.oecd.org/health/health-systems/Obesity-Update-2017.pdf">15 % de la population en 1972 à 37 % en 2013</a>. Les pathologies liées à la suralimentation en sucre, corps gras et sel, aux additifs de synthèse et aux résidus agrochimiques sont nombreuses : maladies cardio-vasculaires, cancers, diabète de type 2, etc.</p>
<p>Dans les pays à faible revenu qui sont touchés à la fois par le déficit et l’excédent nutritionnel, on parle de <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980018002495">« double fardeau »</a>. Selon les estimations de <em>Development Initiatives</em>, un <em>think tank</em> britannique, plus du tiers de la population mondiale serait atteint directement ou indirectement par des maladies d’origine alimentaire, avec un impact économique <a href="http://globalnutritionreport.org/wp-content/uploads/2017/11/Report_2017-2.pdf">amputant le PIB de 4 à 5 %</a>. Un constat accablant, mais encore peu intégré dans les décisions politiques, entrepreneuriales et citoyennes !</p>
<h2>Dans la francophonie, une situation un peu meilleure que la moyenne</h2>
<p>Avec 11,1 % de la population et 11,7 % de la mortalité mondiale, la francophonie (OIF, 52 pays membres) se situe légèrement au-dessus de la moyenne en 2016 en ce qui concerne l’ensemble des causes (maladies infectieuses, chroniques et blessures). Pour les maladies d’origine alimentaire (MOA), la situation est plus favorable avec 10,2 % de la mortalité mondiale. Ceci s’explique par des occurrences de maladies d’origine alimentaires dans l’OIF inférieures à la moyenne mondiale (43,5 % des causes de mortalité, soit 2,9 millions de décès, contre 50,1 %, soit 28,4 millions).</p>
<p>Dans le monde comme dans les pays de l’OIF, les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause de décès, respectivement 63 % et 56 % de la mortalité totale en 2016. On notera l’écart important en faveur des pays de l’OIF : 7 points.</p>
<p>Le second groupe de maladies est représenté par les cancers (en faisant l’hypothèse qu’un cancer sur trois est potentiellement imputable aux maladies d’origine alimentaire), avec un risque accru par la <a href="http://dx.doi.org/10.1136/bmj.k322">consommation d’aliments ultra-transformés</a>. 11 % de la mortalité par maladies d’origine alimentaire sont d’origine cancéreuse dans le monde et 10 % dans les pays de l’OIF.</p>
<p>Les maladies diarrhéiques (respectivement 9 % et 5 %) constituent la troisième cause de mortalité par maladies d’origine alimentaire. Vient ensuite la maladie d’Alzheimer (7 % dans les deux groupes de pays). En effet, un article scientifique récent suggère que cette pathologie <a href="https://doi.org/10.1080/07315724.2016.1161566">peut être influencée par l’alimentation</a>. Enfin, les cinquième et sixième causes sont le diabète (6 % et 5 %) et les déficiences nutritionnelles (2 % et 4 %).</p>
<p>En étudiant la répartition par continent des pays de l’OIF, on constate que le score global de l’OIF résulte de l’hétérogénéité des diètes alimentaires selon les pays et du poids des pays dans la population totale :</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/eKc0H/7/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="579"></iframe>
<p>Ces chiffres confirment l’ampleur de l’impact négatif sur la santé de l’alimentation industrielle (par le biais des maladies chroniques) ainsi que la gravité persistante des maladies infectieuses et de la sous-nutrition en Afrique.</p>
<h2>Objectifs du développement durable : mettre l’accent sur l’alimentation</h2>
<p>Cette urgence alimentaire est prise en compte dans les <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs du développement durable 2015-2030 de l’ONU</a> (ODD) : trois des 17 ODD y sont consacrés.</p>
<p>L’objectif 2, <a href="http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/goal-2-zero-hunger.html">« Faim “zéro” »</a>, concerne les déficits nutritionnels. L’objectif 3, <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/health/">« Bonne santé et bien-être »</a>, vise l’ensemble des pathologies, y compris les maladies d’origine alimentaire. Le <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/water-and-sanitation/">6 concerne quant à lui</a> l’accès à une eau potable et le traitement des eaux usées. Malheureusement, les <a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/forum-politique-de-haut-niveau-2018-un-bilan-en-demi">bilans annuels des ODD en 2016, 2017 et 2018 sont décevants</a>. Une approche par grande fonction « nourrir, soigner, éduquer, protéger », dans une vision holistique et systémique, eut été (et reste) sans doute préférable, en termes de lisibilité et d’efficacité.</p>
<h2>Envisager l’aliment dans toutes ses dimensions</h2>
<p>La problématique de l’alimentation devrait être traitée en mobilisant les concepts de <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoru_0013-0559_1994_num_224_1_4698_t1_0066_0000_3">« système alimentaire »</a> et <a href="http://www.fao.org/docrep/016/i3004e/i3004e00.htm">« d’alimentation durable »</a>. Cette approche permet d’envisager l’aliment à travers ses différents attributs-consommateur (nutritionnels, organoleptiques, culturels et sociaux), dont tous sont nécessaires à une bonne santé. « Manger, c’est se nourrir, se réjouir et se réunir » nous dit le Dr Jean‑Michel Lecerf de l’Institut Pasteur. Il importe également que l’environnement de l’acte alimentaire soit favorable (style de vie, services publics, infrastructures matérielles, information, formation, conditions économiques).</p>
<p>Cependant l’approche consommateur ne constitue que la moitié de la longue route vers une alimentation durable. Encore faut-il que les produits souhaitables soient élaborés et distribués selon les critères du développement durable (qualité des produits, équité entre acteurs, environnement préservé, économie positive, gouvernance participative). Or, les systèmes alimentaires contemporains les plus présents (agroindustriel et traditionnel) se caractérisent par de lourdes <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/externalites-negatives/00079503">externalités négatives</a> en termes de santé publique, d’environnement et d’emploi. Ces impacts délétères sont aggravés par des facteurs écosystémiques (changement climatique) et sociaux (inégalités croissantes, migrations). D’où l’intérêt de l’objectif de <a href="https://www.sfecologie.org/regard/ro6-sept-2018-m-duru-agriculture-et-sante/">« santé unique » proposé par l’agronome Michel Duru</a>, qui intègre l’Homme, l’animal, les plantes, le sol et la nature.</p>
<h2>Concevoir de nouveaux systèmes alimentaires ancrés dans les territoires</h2>
<p>Pour espérer changer la donne, la prospective doit imaginer des scénarios alternatifs d’alimentation durable qui orienteraient la transition des systèmes alimentaires agroindustriels et traditionnels.</p>
<p>Les travaux de recherche menés depuis une vingtaine d’années proposent la mise en place de <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires.html">« systèmes alimentaires territorialisés »</a> (SAT) satisfaisant aux critères du développement durable. Ces SAT sont fondés sur des innovations de rupture. Les innovations techniques se nomment <a href="http://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-lagro-ecologie">agro-écologie</a>, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leco-conception-des-produits">éco-conception</a> artisanale, industrielle et logistique. Les innovations organisationnelles ont de leur côté pour mots-clés diminution d’échelle, proximité, mutualisation des ressources, réseaux d’acteurs. Les innovations institutionnelles, enfin, prennent la forme d’une gouvernance territoriale par les parties prenantes et de politiques alimentaires offensives et décloisonnées.</p>
<p>La francophonie, du fait de la diversité de ses écosystèmes et de son patrimoine linguistique et culturel commun, pourrait constituer un laboratoire pertinent pour expérimenter puis généraliser des systèmes alimentaires territorialisés. Le cadre spatial en serait l’échelon infra-étatique (régions ou provinces) et le cadre géopolitique, celui d’un <a href="http://www.ipemed.coop/fr/publications-r17/ipemed-palimpsestes-c47/n%C2%B012-pour-une-securite-et-une-souverainete-alimentaires-durables-et-partagees-a2935.html">partenariat international de co-développement durable</a>.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Louis Rastoin est conseiller scientifique d'Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen)</span></em></p>Les maladies d’origine alimentaire touchent plus du tiers de la population mondiale. Si les pays de la Francophonie sont un peu en déca du taux de mortalité moyen, leur situation reste préoccupante.Jean-Louis Rastoin, Professeur honoraire en économie et gestion des entreprises, Montpellier SupAgroLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1048932018-11-04T19:44:40Z2018-11-04T19:44:40ZPour vaincre le choléra, il faut surtout un réseau d’eau potable décent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243703/original/file-20181102-83641-1uicbok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5699%2C3828&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ville d'Uvira, au Sud Kivu, laboratoire à ciel ouvert de la recherche contre le choléra.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/monusco/24887739354">MONUSCO Photos / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Selon l’OMS, chaque année plus de 502 000 personnes décèdent des suites <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/drinking-water">de maladies diarrhéiques liées à l'eau</a>. Le choléra à lui seul tue 100 0000 à 120 000 personnes par an. Le 22 mars est la <a href="http://www.un.org/fr/events/waterday/">Journée mondiale de l'eau</a>, l’occasion de revenir sur la lutte contre ce terrible fléau.</em></p>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Aurélie Jeandron, Martin Leménager, Damien Machuel, Baron Bashige Rumedeka, Jaime Mufitini Saidi et Oliver Cumming.</em></p>
<hr>
<p>Pour lutter contre le choléra, la communauté internationale privilégie généralement des interventions d’urgence qui ont une efficacité limitée et à court terme. Il s’agit souvent de réponses à des flambées épidémiques, comme celles qui se sont déclarées récemment au Yémen et au Zimbabwe. Les preuves de l’efficacité d’investissements plus pérennes, généralement plus difficiles à obtenir, manquent cruellement.</p>
<p>Une recherche en cours dans la ville d’Uvira, au Sud Kivu, RDC, apporte des arguments pour considérer la réhabilitation des moyens de production et de distribution d’eau potable comme un enjeu prioritaire de santé publique.</p>
<h2>Un enjeu essentiel pour guider l’action publique contre le choléra</h2>
<p>Selon l’<a href="http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/cholera">Organisation mondiale de la santé (OMS)</a>, les maladies diarrhéiques liées à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène causent plus de 1 000 décès par jour en Afrique. Le choléra, en particulier, est chaque année responsable de la mort de 100 000 à 120 000 personnes.</p>
<p>Or un débat persiste sur la manière la plus efficiente d’intervenir pour la prévention de ces maladies. Bon nombre des acteurs engagés pour cette cause préfèrent se concentrer sur des réactions rapides affichant des coûts unitaires faibles (kits de chloration/filtration à domicile, distribution de petites quantités destinées uniquement à la boisson, sensibilisation à l’hygiène, etc.). La vaccination contre le choléra est par ailleurs aujourd’hui souvent présentée comme la priorité. On dispose de nombreux résultats récents et largement médiatisés sur les impacts de ces interventions, lesquels sont généralement positifs mais de faible ampleur, et de courte durée.</p>
<p>En revanche, aucune recherche rigoureuse n’a encore apporté d’éléments tangibles sur l’efficacité des infrastructures d’eau potable pour prévenir ce fléau. Deux raisons expliquent ce manque de données. D’une part, les foyers de choléra sont majoritairement situés dans des pays très pauvres, en proie à de sévères crises sécuritaires, où construire des réseaux et les gérer durablement est un défi considérable. D’autre part, la recherche scientifique ne valorise aujourd’hui, quasi exclusivement, que des essais cliniques fondés sur le tirage au sort entre des groupes traitement et contrôles (<a href="https://theconversation.com/le-principe-des-essais-cliniques-peut-il-sappliquer-aux-politiques-de-developpement-90426">expériences randomisées</a>).</p>
<p>S’il est aisé d’attribuer aléatoirement des pastilles ou des sessions de sensibilisation, il serait très compliqué de trouver une façon de le faire pour des tuyaux, les problèmes qui se posent étant à la fois techniques et éthiques. À l’heure où prévaut le paradigme d’<a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RTM_200_0853"><em>evidence-based policy</em></a> – qui préconise que les actions publiques se fondent sur des preuves scientifiques – cette difficulté peut détourner les acteurs locaux et internationaux de solutions plus profondes et durables, mais qui sont trop difficiles à évaluer scientifiquement.</p>
<p>Et les façons de faire commencent à évoluer. Les acteurs de l’humanitaire reconnaissent de plus en plus que les actions d’urgence doivent s’articuler dans un continuum urgence-reconstruction-développement. En témoignent le <a href="https://www.solidarites.org/fr/en-dirhttps:/www.solidarites.org/fr/en-direct-du-terrain/manifeste-enfin-eradiquer-cholera-rdc/ect-du-terrain/manifeste-enfin-eradiquer-cholera-rdc/">« manifeste pour enfin éradiquer le choléra en RDC »</a> lancé par l’ONG Solidarités International en avril 2018 et des posts sur des blogs comme <a href="https://defishumanitaires.com/2018/03/09/contre-le-cholera-que-faire/">défishumanitaires</a>. Fin 2017, la <a href="http://www.who.int/cholera/publications/global-roadmap/en/">stratégie pour mettre fin au choléra en 2030</a> promue par l’OMS tâche d’encourager les approches multisectorielles.</p>
<h2>À Uvira, des résultats inédits qui ébranlent les idées reçues sur le choléra</h2>
<p>Située sur la rive du lac Tanganyika, Uvira constitue l’un des foyers endémiques du choléra, d’où partent les épidémies qui touchent ensuite toute la sous-région. Un projet de réhabilitation du réseau d’eau potable d’Uvira soutenu par l’<a href="https://www.afd.fr/fr/un-meilleur-acces-leau-potable-pour-lutter-contre-le-cholera">Agence française de développement</a>, la <a href="https://www.fondation.veolia.com/fr/un-programme-de-longue-haleine-contre-le-cholera-3">Fondation Veolia</a>, l’<a href="https://ec.europa.eu/europeaid/projects/eau-contre-cholera-uvira-par-lamelioration-de-lacces-leau-potable-et-lhygiene_fr">Union européenne</a> et OXFAM Grande-Bretagne offre une opportunité unique pour mener une évaluation d’impact scientifiquement rigoureuse, et fournir des preuves de l’efficacité de ce type d’interventions.</p>
<p>Cette ville de 250 000 habitants est coincée entre le lac et la montagne et elle s’étire en arc de cercle. Les populations qui souffrent de maladies diarrhéiques sévères consultent systématiquement auprès de l’établissement dédié au traitement du choléra établi à proximité de l’hôpital général.</p>
<p><iframe id="tc-infographic-310" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/310/9d10da96112f37637911b1417644bb799d7bfe1e/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avec l’appui de la compagnie d’eau – la Regideso – et du ministère congolais de la Santé, la London School of Hygiene and Tropical Medicine s’est astucieusement appuyée sur le calendrier des travaux d’amélioration du réseau d’eau pour concevoir un <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02928341">protocole rigoureux et pragmatique</a>. Cette évaluation combine un essai reposant sur le phasage dans un ordre aléatoire des travaux sur les canalisations, pour identifier l’effet propre à la qualité du réseau de distribution, avec un suivi de cohortes, pour comprendre comment les comportements évoluent quand s’accroissent la proximité et la continuité des sources d’eau potable. Elle inclut en outre une analyse chronologique et géographique des cas pour mesurer l’impact de l’amélioration générale des capacités de production, et une étude biomoléculaire pour identifier les pathogènes rencontrés et analyser les vecteurs d’infection.</p>
<p>Les premiers résultats sont déjà publiés dans des revues scientifiques de santé publique parmi les plus réputées : <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001893"><em>PLoS Medicine</em></a> et <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0201306"><em>PLoS One</em></a>. Ils démontrent que 23 % des cas de choléra de la ville étaient directement dus aux pannes récurrentes de l’usine de production d’eau potable. Ils mettent aussi en évidence que les pratiques d’hygiène des populations sont très disparates d’un ménage à l’autre, et sont directement déterminées par le type de branchement et la continuité du service dont disposent les populations.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243900/original/file-20181105-83654-1pxqyr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Série temporelle représentant les volume d’eau potable produits pour le réseau d’Uvira (partie supérieure droite), le nombre de cas de choléra enregistrés dans la ville (partie inférieure gauche) et l’association statistique entre ces deux phénomènes (partie droite).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0201306">Jeandron A. et al. (2018)</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Enfin, des tests de confirmation chez les patients admis au centre de traitement du choléra en Uvira montrent que « seuls » 40 % des cas présumés relèvent réellement d’une infection par le choléra. Ce taux étonnamment faible montre l’importance et la sévérité d’autres maladies diarrhéiques aiguës et souligne l’importance d’approches globales, par rapport à la vaccination notamment, qui ne cible que le choléra.</p>
<h2>La recherche se poursuit, dans des conditions difficiles</h2>
<p>De prochains résultats permettront d’évaluer les bénéfices de santé qui découlent d’un changement du type d’accès : lorsqu’on résorbe les coupures au niveau des bornes-fontaines, lorsqu’un robinet collectif est établi à proximité ou lorsque le ménage bénéficie d’un branchement individuel.</p>
<p>La biologie moléculaire permettra de mieux comprendre les voies de transmission du choléra, ainsi que les autres causes de maladies diarrhéiques aiguës dont est victime la population.</p>
<p>Malheureusement, la situation politique et sécuritaire reste en RDC et au Sud-Kivu reste volatile, et des flambées de violences sporadiques continuent de perturber ces travaux.</p>
<p>Dans ce contexte très difficile, il est important de rappeler que ces avancées sont rendues possibles grâce à la détermination de femmes et d’hommes qui, sur un terrain très difficile et dans des conditions matérielles précaires, collectent des échantillons, mènent des enquêtes ou réparent des canalisations vétustes. Leur engagement doit être salué.</p>
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<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui s’est tenu les 6 et 7 novembre 2018, à Bruxelles, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Bédécarrats travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement. Il est notamment chargé d'organiser et de suivre des évaluations d'impact réalisées par des chercheurs. L'activité de la division évaluation est supervisée par un Comité des Evaluations, présidé par une personnalité indépendante et rassemblant des représentants de l'Etat, des chercheurs et un représentant d'organisations de la société civile.</span></em></p>En cette Journée mondiale de l’eau, retour sur la lutte contre le choléra. Si l’efficacité de certaines interventions fait débat, la remise en état des réseaux d’eau donne des résultats pérennes.Florent Bédécarrats, Chercheur, spécialiste de l'évaluation de projets et politiques, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054252018-10-28T20:22:12Z2018-10-28T20:22:12ZEspace africain francophone: quels sont les grands enjeux de santé publique?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242077/original/file-20181024-71029-fllcn9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C794%2C535&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hopital à Bamako, campagne de prévention contre le diabète.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Sant%C3%A9_Diab%C3%A8te_Bamako_hopital_Point_G.JPG">Olivier Hébrard/Diabete Afrique/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quels sont les grands enjeux de santé contemporains et à venir pour le monde francophone et plus particulièrement pour l’Afrique francophone ? Pourquoi s’en soucier ? Comment le faire ? Les institutions francophones de santé et les formations universitaires peuvent-elles apporter des réponses fortes aux tendances qui se développement dès aujourd’hui ?</p>
<h2>Des pays vulnérables</h2>
<p>Les États situés en Afrique subsaharienne, notamment dans le Sahel, figurent au rang des pays les plus pauvres de la planète, sont ceux qui ont accusé le plus de retard à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement sur la période 2000-2015, où le changement climatique a des conséquences sur l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire, le développement rural et sur les phénomènes migratoires ; ce sont les pays les plus vulnérables à l’expansion de groupes terroristes et djihadistes dans la région traversée par de multiples trafics (humains, femmes, armes, drogues, énergies fossiles, faux médicaments, etc.).</p>
<p>Ce sont les pays de la planète, le Niger notamment, où le taux de fécondité est le plus élevé au monde, où la moitié de la population est âgée de moins de 15 ans (Niger), moins de 17 ans (Burkina Faso), moins de 14 ans (Nigeria), et où la pression migratoire Sud-Sud ou Sud-Nord est élevée. Le nombre de demandeurs d’asile en France ne cesse de croître depuis 2007 : parmi les 45 053 demandes d’asile instruites par l’OFPRA, 18 726 demandes, soit <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/cab_-_bilan_de_la_da_enregistree_en_2014_au_9.08.2018.pdf">41,5 % proviennent d’Afrique</a>.</p>
<h2>Un espace riche en savoirs et connaissance</h2>
<p>L’espace francophone a tellement d’expérience et d’expertise à partager dans le domaine de la santé publique ; celles-ci sont reconnues de longue date, ont rayonné dans l’histoire et sur la planète. Pour ces raisons, l’espace francophone doit pouvoir maintenir une position significative au plan international, notamment pouvoir peser, les pays de l’espace ensemble, sur les choix stratégiques mondiaux des acteurs publics et privés de l’aide au développement en <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/MONDES_N7-FR_-_SOMMAIRE.pdf">appui au secteur de la santé</a> des pays pauvres de l’espace francophone ou d’autres régions.</p>
<p>Les enjeux contemporains de la santé semblent décrits autant que faire se peut par les départements d’épidémiologie des ministères de la Santé des pays, dont les données sont compilées par l’Organisation mondiale de la santé. Autant que faire se peut, disons-nous, car il est techniquement compliqué et coûteux d’établir un système d’information sanitaire et un système de surveillance épidémiologique qui décrivent de manière fiable l’état de santé des populations, ou la performance de l’offre de services préventifs et curatifs de soins à un temps <em>t</em>.</p>
<h2>Natalité, addictions : des enjeux sous-évalués</h2>
<p>Dans ce cadre les tendances montrent que les maladies infectieuses, les maladies non transmissibles (diabète, cancers, maladies respiratoires, maladies cardio-vasculaires et hypertension artérielle, etc.), les maladies mentales, les accidents de la voie publique, sont autant d’enjeux de santé contemporains. La mortalité des femmes pendant la grossesse ou l’accouchement, et la mortalité de jeunes adolescentes par avortement, par exemple, sont, de manière regrettable, <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=47438">bien moins mises en exergue</a>, et pourtant, de très jeunes filles, parfois dès l’âge de 14 ans, meurent en couches : ce sont alors parfois deux enfants qui meurent, l’adolescente et son bébé.</p>
<p>Les politiques de santé des États n’ont pas encore abordé la question des addictions en tant que phénomène contemporain de santé publique <a href="https://issuu.com/medecinsdumonde/docs/mdm_rapport_sante_ud_abidjan">croissant dans l’espace francophone africain</a>, devenu en quelques années la plaque tournante des trafics de drogues, cocaïne notamment, provenant d’Amérique latine et dirigées vers le continent européen.</p>
<p>Sont encore moins abordées d’autres questions transversales qui s’observent pourtant dans bien des régions du monde, dont l’espace francophone.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242076/original/file-20181024-71017-s6g662.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes et jeunes filles sont particulièrement vulnérables dans de nombreux pays d’Afrique. Ici en Érythrée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/gens-fr/foule-fr/lerythree-la-communaute-la-sante-leducation-la-foule">Pixnio</a></span>
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<h2>Péril démocratique, personnels de santé en danger</h2>
<p>On note un désintérêt politique pour la santé en général : la plupart des États d’Afrique de l’Ouest consacrent <a href="http://aidswatchafrica.net/index.php/africa-scorecard-on-domestic-financing-for-health/document/75-2018-africa-scorecard-on-domestic-financing-for-health-english/12">moins de 10 % de leurs budgets nationaux au secteur de la santé</a>.</p>
<p>Par ailleurs le péril de la démocratie au sein de la gouvernance mondiale de la santé est un autre sujet préoccupant. Par exemple la fondation Bill and Melinda Gates a placé ses agents dans les <a href="http://www.journaldumauss.net/./?Philanthrocapitalisme-en-sante-une">directions stratégiques de l’OMS</a>, dont les orientations et priorités sont censées être choisies par l’Assemblée mondiale de la santé c’est-à-dire les États membres qui mandatent l’organisation onusienne. La question qui se pose est celle de la légitimité de la Fondation Bill and Melinda Gates à orienter les priorités stratégiques de l’OMS, de la légitimité du secteur privé, fût il « philanthropique », à interférer dans l’élaboration de politiques publiques dans le champ de la santé, encore qualifiée « publique ».</p>
<p>Dans le cas particulier des régions en situation de conflits armés, les personnels de santé, non considérés, sont en danger, par exemple en Syrie, où plus d’une centaine de médecins ont été délibérément assassinés, en violation des principes de l’indépendance et de la neutralité médicales, et surtout du droit humanitaire internationale <a href="http://healthcareindanger.org/fr/hcid-project-4/">dont les dispositions sont censées les protéger</a>.</p>
<p>En République démocratique du Congo les femmes sont violées et déchirées, au sens propre et au sens figuré, par une arme de guerre : le viol. Cette « arme de destruction massive » a été notamment mise en évidence par le travail du docteur Denis Mukwege récompensé par le Prix Nobel de la Paix cette année.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AAkY1Y6TC30?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>L’homme qui réparait les femmes</em> (2015).</span></figcaption>
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<p>Enfin, le fait que la communication a outrepassé la science, au sens où les ratios sanitaires qui sont transmis par les départements de communication des grandes agences de l’ONU ou par les agences administrant l’aide au développement de différents pays en faveur du secteur de la santé, repris par les journalistes, ou même les journaux scientifiques (c’est là un très sérieux problème épistémologique), <a href="https://www.cairn.info/les-bonnes-pratiques-des-organisations-internation--9782724617207-p-97.htm">ne sont pas basés sur des dénominateurs de populations cibles</a>, ainsi que l’exige la science épidémiologique et de la santé publique, mais sur des dénominateurs de populations qui ont accès aux services de santé, c’est-à-dire une <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=47438">infime minorité de la population dans la plupart des pays</a>.</p>
<h2>Préparer nos étudiants</h2>
<p>Que dire des enjeux à venir ? Difficile d’anticiper l’avenir du point de vue de la santé publique. Une épidémie, ou une pandémie, un agent infectieux, peut toujours émerger : la forte croissance et la densité démographiques, l’urbanisation, la promiscuité, la pauvreté, l’absence chronique d’hygiène, le changement climatique et des écosystèmes en sont, parmi d’autres <a href="https://global.oup.com/academic/product/ecology-and-evolution-of-infectious-diseases-9780198789840?cc=fr&lang=en&#">autant de facteurs de risques</a>.</p>
<p>Ainsi que je l’ai mentionné lors de <a href="http://autour-de-la-question-rfi.lepodcast.fr/sante-mondiale-et-si-linnovation-venait-du-sud">mon intervention au Forum de la Fondation de l’Académie de Médecine en mai dernier</a>, nous trouvons peu d’études qui s’intéressent aux <a href="https://www.youtube.com/user/famx">conséquences économiques et sanitaires d’une croissance démographique</a> en cours de déroulé sur le continent africain, croissance pourtant sans précédent dans l’histoire de l’humanité, tant par son ampleur que par son rythme : la population du continent va doubler en moins de trois décennies, passant de 1 milliard d’habitants à 2 milliards d’ici à 2050, pendant que le continent africain est le dernier de la Terre à amorcer sa transition démographique.</p>
<p>Les conséquences économiques et sociales des phénomènes migratoires ne semblent pas davantage anticipées en termes de besoins en nourriture, en éducation, en soins, en assurance maladie et en protection sociale, en emplois, tant du côté des pays du continent, que pour les pays d’accueil pour les personnes qui arrivent et obtiendront (ou non) le statut de réfugié ou un visa de résidence.</p>
<p>Les objectifs de développement durable proposent un calendrier de réalisation 2015-2030. Mais les choses se déroulent et se transforment si vite. Ne faudrait-il pas dès à présent regarder plus loin, à l’horizon 2050, et préparer nos étudiants à penser l’avenir sur la période des trente années qui viennent, c’est-à-dire sur la durée de leur vie active ?</p>
<h2>Un paradigme à revoir ?</h2>
<p>Le paradigme de la coopération sanitaire internationale est celui de la « Global Health » depuis plus de vingt ans. Comme je l’ai montré lors de ma leçon inaugurale au Collège de France alors que j’étais titulaire de la <a href="https://books.openedition.org/cdf/2291">Chaire Savoirs contre Pauvreté</a>, intitulée Géopolitique de la santé mondiale, la « santé mondiale » est ontologiquement associée à la pandémie du sida en Afrique subsaharienne au milieu des années 1990, et au phénomène épidémique en général, en tant qu’il pose une question de sécurité internationale et nationale américaine.</p>
<p>La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si de ce paradigme, toujours en vigueur, peut découler l’élaboration de politiques de santé et de stratégies de coopération pertinentes eu égard aux transformations et enjeux en cours ou à venir, ou se former des instruments de financements adéquats, dont les mécanismes s’inscrivent dans ce cadre tout autant que dans celui de la mondialisation et de la financiarisation de toute chose à notre époque. Sur tout cela les étudiants doivent être formés, apprendre à réfléchir, car ce sont eux qui, dès demain, choisiront les stratégies, agiront dans des cadres qu’ils contribueront à définir.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org/">« Santé publique</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone. L’auteur interviendra lors de la conférence inaugurale du 6 novembre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Kerouedan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le paradigme actuel de la coopération sanitaire, toujours en vigueur, peut-elle amener à l’élaboration de politiques de santé pertinentes eu égard aux transformations et enjeux en cours ou à venir?Dominique Kerouedan, Professeure, fondatrice et conseillère scientifique de la spécialisation « Global Health » à la Paris School of International Affairs., Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1055882018-10-25T22:10:41Z2018-10-25T22:10:41ZAméliorer durablement les soins dans les pays en développement : coopérer pour mieux former<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242071/original/file-20181024-71045-7qxnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Professionnels de santé en formation, Côte d'Ivoire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hubert Jaspard.</span></span></figcaption></figure><p>La qualité des soins et des services de santé se définit selon l’Organisation mondiale de la santé comme la capacité de « garantir à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science, au meilleur coût pour le même résultat, au moindre risque iatrogénique, pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, résultats, contacts humains à l’<a href="https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/guide_epp_juin_2005.pdf">intérieur du système de soins »</a>.</p>
<p>Cette définition générale n’intègre pas des dimensions essentielles liées à la culture, l’éducation, l’histoire, la formation, les compétences et les infrastructures.</p>
<h2>Le manque d’hygiène, première cause de mortalité</h2>
<p>À titre d’exemple, l’eau et l’assainissement sont indispensables à la santé publique. Ainsi, peut-on envisager d’améliorer durablement la qualité et la sécurité des soins dans un pays en voie de développement alors que les établissements de santé ne disposent pas des installations opérationnelles, fiables et sûres pour l’eau, l’énergie, l’assainissement, l’hygiène des mains et l’élimination des déchets ?</p>
<p>Chaque année, 1,8 million de personnes, dont 90 % d’enfants de moins de cinq ans, vivant pour la plupart dans les pays en développement, meurent de maladies diarrhéiques (y compris du choléra). 88 % des maladies diarrhéiques sont imputables à la mauvaise qualité de l’eau, à un assainissement insuffisant et à une hygiène défectueuse. L’<a href="https://www.who.int/water_sanitation_health/publications/facts2004/fr/">amélioration de la qualité de l’eau</a> ferait reculer de 6 % à 25 % la morbidité attribuable aux maladies diarrhéiques, cas graves inclus.</p>
<p>Les stocks de médicaments, de fournitures et d’équipements des établissements sont souvent <a href="https://www.francophonie.org/conference-acces-medicaments-afrique-48809.html">très insuffisants</a>.</p>
<p>De même, la conception des locaux devrait permettre l’intimité, le respect de la vie privée et faciliter la prestation de services de qualité. Ce n’est souvent pas le cas, comme je l’ai constaté dans les services d’urgence des hôpitaux de Côte d’Ivoire lors d’une visite de 12 établissements hospitaliers réalisée en novembre 2017 dans le cadre d’un projet EHESP-Expertise France.</p>
<p>Nous savons que le manque de qualité des soins est responsable de nombreux décès et de séquelles importantes chez bien des malades. Ses conséquences économiques pèsent lourdement sur la collectivité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242073/original/file-20181024-71032-n0sh26.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’entrée de l’hôpital général de Koumassi est barrée par des eaux puantes. Les usagers sont obligés d’emprunter un pont de fortune., Côte d’Ivoire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://news.educarriere.ci/news-12088-environnement-insalubre-autour-de-l-hopital-general-de-koumassi-le-personnel-menace-d-arreter-le-travail.html">Edu carriere.ci</a></span>
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<p>Que reste-t-il alors pour envisager une amélioration concrète de la qualité et de la sécurité des soins ? Comme le souligne le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1057.asp">rapport d’information de la commission des affaires étrangères</a> sur l’aide publique au développement publié en juin dernier, quelle est alors la valeur ajoutée réelle de ces actions de coopération compte tenu des différences culturelles et structurelles entre « aidants et aidés » ?</p>
<p>C’est tout l’enjeu des actions de coopération.</p>
<p>« Il n’y a richesse, ni force que d’hommes. » Cette citation de Jean Bodin (<em>Les six livres de la République</em>, 1576) reflète un enjeu majeur dans ces pays. Si le manque de moyens et la difficulté de maintenir dans un état satisfaisant les infrastructures demeurent une difficulté quasi-structurelle, les professionnels de ces pays – globalement formés – sont très désireux de parfaire leurs compétences dans divers domaines.</p>
<p>Il est donc essentiel de s’appuyer sur les forces vives des pays concernés en mettant en œuvre des formations qui intéressent à la fois les décideurs et les professionnels de terrain.</p>
<p>Cependant, il faut s’interroger sur la façon dont ces formations doivent être pensées.</p>
<h2>La transmission en question</h2>
<p>Qu’est-ce que transmettre ? Que souhaitons-nous transmettre ? La réussite d’une action de coopération repose sur le degré d’appropriation par les professionnels. Il faut veiller à ne pas plaquer de l’extérieur des méthodes ou postulats, mais s’inspirer des expériences et réussites locales. C’est à partir de bonnes pratiques qu’il faut réfléchir aux démarches pédagogiques les plus à même de favoriser l’appropriation des professionnels formés.</p>
<p>L’exemple de « l’école des maris » est de ce point de vue très éclairant. Il s’agit d’un projet que j’ai découvert en novembre 2017 à l’Hôpital de Yamoussoukro en <a href="http://america.aljazeera.com/articles/2014/7/20/schools-for-husbands.html">Côte d’Ivoire</a> et <a href="https://www.humanite.fr/monde/l-ecole-des-maris-la-cause-des-femmes-556349">qui existe aussi au Niger</a>. Il consiste à éduquer les époux sur l’importance d’accompagner leur épouse pour qu’elles fréquentent les centres de santé afin d’améliorer leur suivi médical lors de leurs grossesses. Cela contribue ainsi à agir de manière de préventive sur la mortalité maternelle, qui reste un fléau qui frappe quasiment unilatéralement les pays en voie de développement. La quasi-totalité des décès maternels (99 %) se produisent dans des pays en développement, dont plus de la <a href="http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/maternal-mortality">moitié en Afrique subsaharienne</a>. Ce projet avait permis de réduire de 50 % les décès en 6 mois en 2017 dans cet établissement.</p>
<p>Comme l’illustre cet exemple réussi, il faut imaginer des actions de coopérations qui s’efforce de créer une histoire commune prenant soin non pas de gommer les différences mais d’essayer d’en faire un tout cohérent pour paraphraser l’écrivain et philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne « Faire humanité ensemble et ensemble habiter la terre ».</p>
<p>Ainsi, la pédagogie active doit impliquer les stagiaires dans une démarche interactive forte en alternant des travaux de groupes et des séquences d’enseignement à visée pratique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242074/original/file-20181024-71020-11m9mpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Groupes de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hubert Jaspard</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>« Cap Qualité hôpitaux de Côte d’Ivoire 2020 »</h2>
<p>La formation « Cap Qualité hôpitaux de Côte d’ivoire 2020 » s’est déroulée en avril et en juin 2018. Elle a concerné 120 professionnels des hôpitaux de Côte d’Ivoire : directeurs d’établissement, médecins, sages-femmes, infirmiers, aides-soignants, directeurs qualité, référents qualité, référents hygiène, directeurs administratifs, etc. Elle a été organisée en lien avec Expertise France et le Ministère de la Santé et de l’hygiène publique de Côte d’Ivoire.</p>
<p>La formation s’est déroulée autour de 4 « modules » :</p>
<ol>
<li><p>La compréhension de l’importance des processus dans l’organisation et la performance d’un établissement,</p></li>
<li><p>Le rôle essentiel du management et du travail collectif pour améliorer la prise en charge des patients,</p></li>
<li><p>L’appropriation d’une méthode de travail et d’outils permettant de conduire une démarche collective autour de la conduite du changement,</p></li>
<li><p>Enfin, l’élaboration d’une feuille de route et le partage de bonnes pratiques avec des actions concrètes concourant à l’amélioration de la qualité.</p></li>
</ol>
<h2>De l’alloco à la basilique de Yamoussoukro, inspirations locales</h2>
<p>Les stagiaires ont dans un premier temps travaillé à partir de trois exemples concrets connus des participants, qui font la fierté de la nation ivoirienne.</p>
<p>Premier cas : la basilique Notre-Dame-de-la-Paix de Yamoussoukro, capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. Sa construction a duré 4 ans et <a href="https://www.cotedivoiretourisme.ci/index.php/religieux/612-la-basilique-notre-dame-de-la-paix">a été achevée en 1990</a></p>
<p>Elle est présentée comme l’édifice religieux chrétien le plus large au monde (150 m de largeur contre 115 m pour la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Saint-Pierre">basilique Saint-Pierre</a></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242242/original/file-20181025-71038-tv05pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Basilique Notre Dame de la Paix Yamoussoukro : un cas d’étude pour stagiaires et professionnels de santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Notre-Dame_de_la_Paix#/media/File:Basilique_Notre-Dame_de_la_Paix_Yamoussoukro.jpg">Félix Krohn/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Second exemple ; la préparation d’un plat populaire en Côte d’Ivoire (et dans l’Afrique de l’ouest) : l’alloco. <a href="http://www.recettesafricaine.com/alloco.html">L’alloco</a> est un plat de bananes plantains frites, cuite dans l’huile de palme et servi avec une sauce piment.</p>
<p>Enfin une dernière <em>success story</em> : le parcours du footballeur Didier Drogba. Il fait l’objet d’un véritable culte en Côte d’Ivoire. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs de foot africain, il est un exemple pour beaucoup d’ivoiriens et a décidé d’utiliser son nom et son argent pour promouvoir l’<a href="https://www.afrique-sur7.fr/382683-cote-divoire-didier-drogba-veut-faire-de-la-politique">éducation en Côte d’Ivoire</a>.</p>
<p>Les stagiaires ont été invités à interagir et intervenir par petits groupes de travail. L’objectif était de les amener à réfléchir aux conditions de réussite de ces projets, idées ou d’un destin singulier. Ils devaient décrire les étapes menant à la réalisation d’un projet ou une action comme préparé un plat d’alloco : une idée initiale (préparer un plat), des produits de qualité (comment assurer la culture de ces produits, en assurer l’acheminement), des compétences (comment assurer la préparation et la cuisson), et enfin l’évaluation.</p>
<p>L’objectif était de décrire un processus complet et une gestion de projet afin de maîtriser des concepts autour de mots clés : prévoir, acquérir et gérer des ressources (financières, humaines, matérielles), disposer des compétences adaptées, assurer une cohérence, évaluer, ajuster. Ces concepts permettant de décrire un processus ou une action</p>
<h2>Mieux appréhender le fonctionnement hospitalier</h2>
<p>Les stagiaires ont ensuite été invités à décrire un processus hospitalier (la gestion des déchets, les bonnes pratiques en hygiène) en s’appuyant sur les mêmes déterminants que ceux mis en valeur dans la première partie de l’exercice. L’objectif était de montrer que la réussite d’un projet ou d’une action repose sur les mêmes déterminants à l’hôpital comme dans la vie en général.</p>
<p>Lors des échanges avec les stagiaires, les professionnels ont fait part de leur expérience et de leurs difficultés à l’hôpital. Soigner en Côte d’Ivoire est un défi permanent : absentéisme, compétence inadapté (affectation d’une infirmière alors qu’un technicien de laboratoire est attendu), coupure d’eau et d’électricité, matériel hors d’usage.</p>
<p>Pour réfléchir à la manière de gérer des situations de dysfonctionnements, les stagiaires ont été amenés à réfléchir à trois types de situations dans le cadre d’une approche ludique autour de jeux interactifs tels que « la fable du coursier ».</p>
<p>La fable du coursier : La fable du coursier permet d’analyser les causes d’un dysfonctionnement. Avec la méthode des 5 « POURQUOI », on cherche à identifier les raisons d’un dysfonctionnement et la cause racine. Cette cause est souvent moins visible qu’il n’y paraît. Ainsi, dans la fable de coursier, l’imputabilité du retard semble à première vue de la responsabilité du coursier. C’est simple et… commode. L’analyse des faits permet de constater que le retard est consécutif à un défaut d’arbitrage dans la définition des priorités qui relève du chef et non pas du coursier.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>À la fin de la formation, chaque établissement a proposé une action qui a constitué une réussite et dont les conditions de mise en œuvre semblaient facilement reproductibles.</p>
<p>Les projets paraissant les plus emblématiques ont été retenus. L’hôpital de Sassandra (situé dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, en bordure de l’océan atlantique, plus précisément dans la région sanitaire du Gbôklè-Nawa-San Pedro, l’Hôpital Général de Sassandra (HGS) dispose d’une superficie de 18 136 mètres carrés dont 5 269,2 mètres) a ainsi mis en place une démarche relative à promouvoir les bonnes pratiques en hygiène.</p>
<p>Jusqu’en 2009, les activités d’hygiène et de sécurité étaient méconnues dans la plupart des services de santé de Côte d’Ivoire (CI) dont l’Hôpital Général de Sassandra (HGS).</p>
<p>Les différentes stratégies utilisées étaient :</p>
<ul>
<li><p>L’évaluation des pratiques de gestion des déchets médicaux produits dans les différents services ;</p></li>
<li><p>Le renforcement du matériel d’hygiène,</p></li>
<li><p>La mise à disposition des services de soins de supports de gestion des déchets,</p></li>
<li><p>Les coachings périodiques du personnel de santé (nouveaux comme anciens).</p></li>
</ul>
<p>Cette démarche s’est traduite par une nette réduction du nombre de cas d’infections de site opératoire chez les césarisées passé de 6 % à 1 % et de celui des AES de 10 % à 2 % de 2013 à fin 2015.</p>
<p>Le Centre Hospitalier Régional (CHR) de Touba – situé dans la Région sanitaire du Kabadougou Bafing Folon au Nord – Ouest de la Cote d’Ivoire- a également travaillé sur les bonnes pratiques en hygiènes en promouvant l’information via la diffusion de protocoles et la formation des agents. Ainsi, le nombre de personnes formées est passé de 45 % à 78 % entre 2015 et 2016.</p>
<p>Tous ces projets ont permis l’élaboration d’une feuille de route « qualité » qui concoure de manière opérationnelle, à améliorer la qualité de prise en charge des patients touchant aussi bien les soins que les services (accueil, hygiène, bonnes pratiques). La diffusion de ces bonnes pratiques est réalisée sous l’égide de la Direction de la Médecine Hospitalière et de Proximité en octobre 2017 auprès de tous les hôpitaux de Côte d’Ivoire.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faut s’appuyer sur les forces vives des pays concernés par le manque de qualité des soins pour mettre en œuvre des formations à la fois pour les décideurs et les professionnels de terrain.Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1048012018-10-23T21:59:17Z2018-10-23T21:59:17ZQuand les patients enseignent la médecine aux soignants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241622/original/file-20181022-105761-3d60ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4259%2C2647&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans certains programmes, des patients sont recrutés pour la qualité de leur projet pédagogique, et pour leurs savoirs collectifs construits dans le milieu associatif ou dans des communautés virtuelles.</span> </figcaption></figure><p>Depuis quelques années, on assiste à une participation accrue des patients, non seulement dans leurs soins, mais aussi comme acteurs de santé.</p>
<p>Les savoirs expérientiels des patients et l’expertise de leurs associations ont progressivement gagné en reconnaissance. Des patients dits experts, ou ressources, ou partenaires, collaborent avec des soignants pour faire en sorte que les interventions en santé correspondent à ce que les personnes en attendent. Aussi, depuis une vingtaine d’années, la démocratie en santé ne cesse de s’étendre, et le point de vue des patients est convié de plus en plus d’espaces. Sans chercher l’exhausitivité, sont concernés des domaines aussi divers que: l’éducation thérapeutique, l’évaluation des produits de santé ou encore la médiation en santé. Et le champ de la formation médicale n’échappe pas à ce mouvement.</p>
<h2>Des soignants dépassés</h2>
<p>Quel que soit le champ de leur engagement, de nombreux patients cherchent à améliorer l’expérience de soins du plus grand nombre de personnes.</p>
<p>Une expérience de soins réussie est multifactorielle. Elle dépend de la fluidité des parcours de soins, des traitements accessibles, de la qualité des soins dont fait partie la sécurité, les compétences professionnelles mais aussi la qualité des relations de soins. Or celles-ci peuvent générer beaucoup d’insatisfactions chez les patients.</p>
<p>Elles en génèrent aussi du côté des soignants à qui il arrive souvent de se sentir dépassés par certaines situations. Sans doute que leur formation les y a insuffisamment préparés. C’est ce que révèle une enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (non publiée mais <a href="https://www.anemf.org/contact/">disponible sur demande</a> qui a mis en évidence qu’ils se sentaient insuffisamment formés pour faire face à toutes les situations, en particulier sur le plan relationnel.</p>
<p>Cette association a identifié plusieurs solutions pour remédier à ce constat, parmi lesquelles faire intervenir les patients dans leur formation. Leur constat converge avec des recommandations officielles récentes qui invitent également à faire participer les patients à la formation médicale, tant dans l’enseignement que dans l’évaluation des étudiants (<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/ma-sante-2022-les-10-mesures-phare-de-la-strategie-de-transformation-du-systeme">Ma Santé 2022</a>).</p>
<p>Ces recommandations interviennent alors que depuis une vingtaine d’années, en France, <a href="https://pactem.hypotheses.org/">des patients</a>, des proches de patients ou leurs associations, sont parfois invités à intervenir devant des étudiants en sciences de la santé. Mais depuis peu, ce mouvement a pris de l’ampleur. Cela se constate au fait que certaines facultés de médecine ont systématisé ces interventions, dans le cadre de programmes formalisés.</p>
<h2>Des patients-enseignants en fac de médecine</h2>
<p>Ainsi, à la faculté de médecine de Bobigny-Université Paris 13, des patients sont membres de la commission pédagogique et des instances décisionnelles du département de médecine générale. Depuis quatre ans, vingt patients enseignent dans ce département, avec un statut d’enseignants-vacataires – et rémunérés à ce titre – au côté des enseignants-médecins.</p>
<p>Ces patients sont recrutés par un comité de patients pour la qualité de leur projet pédagogique, et pour leurs savoirs collectifs construits dans le milieu associatif ou dans des communautés virtuelles. Ils interagissent avec les internes, notamment lors des analyses de situations cliniques. Ces analyses débouchent sur des propositions de soins, qui grâce aux apports des patients-enseignants intègrent ce que les patients attendent des soins.</p>
<p>Ces enseignements concernent 90 % des cours suivis par les internes. Les patients participent également à l’évaluation des étudiants, en corrigeant leurs traces écrites d’apprentissage et en siégeant dans les différents jurys qui certifient les aptitudes médicales des internes.</p>
<p>Les résultats des recherches portées par le laboratoire Éducations et Pratiques de santé (EA3412) <a href="http://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2374373518803630">ont mis en évidence l’acceptabilité de ce programme</a>, ses ingrédients actifs (parmi lesquels l’importance des critères du recrutement des patients, leur statut d’enseignant vacataire, le rôle des coordonnateurs du programme, l’engagement d’un doyen, d’un département), et l’<a href="https://leps.univ-paris13.fr/index.php/fr/612-gross-o-l-engagement-des-patients-au-service-du-systeme-de-sante-doin-editions-paris-2018.html">utilité de ces enseignements</a>, au regard de l’analyse de leurs contenus qui a été réalisée.</p>
<p>Le programme de cette faculté est encore pionnier sans toutefois être unique. Des facultés autres que Bobigny intègrent des patients, mais encore rarement de manière aussi systématique. C’est notamment le cas des facultés de médecine de Lyon Est, Sorbonne Université, Paris 12 et Montpellier. Et de nombreuses autres se questionnent, non pas tant sur le sens de cette intégration, mais sur la meilleure façon de la réussir.</p>
<h2>Valoriser le statut du patient-contributeur</h2>
<p>Pour répondre aux défis soulevés par ces questions, la faculté de médecine de Bobigny-Université Paris 13 a organisé début octobre avec des représentants des facultés sus-citées le <a href="https://www.univ-paris13.fr/event/collaborations-patients-qualite-de-soins/">premier colloque</a> inter-facultaire sur l’enseignement avec les patients.</p>
<p>Les conclusions ont été édifiantes. Ainsi, il ne paraît plus envisageable d’enseigner l’approche centrée sur les patients, sans patients. Il apparaît aussi que les patients doivent intervenir au plus tôt dans la formation afin de sensibiliser les étudiants à la perspective des patients, à l’intérêt du partenariat de soins et des actions collaboratives avec des usagers en général pour améliorer la qualité des soins.</p>
<p>Au niveau du troisième cycle, il s’agit d’aider les internes à passer de personnes sachantes à des personnes bien-faisantes. En faisant en sorte que cette transformation soit en partie guidée par des patients porte-parole de leurs pairs.</p>
<p>Enfin, selon les participants à ce colloque, un statut doit être pensé pour les patients les plus engagés dans la formation médicale, pour reconnaître la valeur de leur contribution.</p>
<p>De manière à instituer ces apports, les participants du colloque se sont prononcés pour que soient créés dans les facultés des bureaux de la responsabilité sociale, sur le <a href="https://medecine.umontreal.ca/faculte/direction-collaboration-partenariat-patient">modèle du bureau facultaire de Montréal</a>. Ces bureaux devront intégrer des coordonnateurs en charge de l’implémentation des patients, implémentation qui devra concerner les études de santé en général.</p>
<p>Enfin, comme toute innovation pédagogique, il convient d’encadrer celle-ci de recherches. Des chercheurs seront donc à être intégrés dans ces bureaux. Leurs recherches ne devront pas être déconnectées de celles qui portent sur l’engagement des patients en général car elles s’enrichissent mutuellement.</p>
<hr>
<p>L'auteur a récemment publié <a href="https://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/l-engagement-des-patients-au-service-du-systeme-de-sante-9782704015641">L'engagement des patients au service du système de santé</a>, 2017, éditions Doin.</p>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivia Gross intervient au colloque de l'Agence universitaire de la francophonie des 6 et 7 novembre dédié à la question de la santé publique.</span></em></p>La formation médicale doit reconnaître et valoriser la participation des patients-experts dès les premières années du cursus médical.Olivia Gross, Chercheur Associée Laboratoire Educations et Pratiques de Santé, EA3412, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1046562018-10-16T20:02:34Z2018-10-16T20:02:34ZVaccins : dans la ceinture de la méningite, une campagne de rappels nécessaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239909/original/file-20181009-72106-19hbg56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C926%2C609&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un enfant reçoit le vaccin MenAfriVac™ au Burkina Faso. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.aho.afro.who.int/profiles_information/index.php/Burkina_Faso:Analytical_summary_-_Health_system_outcomes">WHO/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Situés dans une zone connue sous le nom de <a href="https://academic.oup.com/trstmh/article-abstract/96/3/242/1921676?redirectedFrom=fulltext">«ceinture de la méningite»</a>, plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne, dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont été ravagés à de multiples reprises par des <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/meningococcal-meningitis">épidémies de la maladie</a>.</p>
<p>En 1996-1997, la plus grande épidémie jamais recensée de méningites et de <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/septic%C3%A9mie">sépticémies</a> à méningocoque du groupe A (MenA) a sévi dans la région. En un an, elle a tué plus de 25 000 personnes, et a laissé des séquelles irréversibles à des milliers de survivants : dommages neurologiques, surdité, perte d’un membre, etc.</p>
<p>Le vaccin MenAfriVac a été <a href="http://www.who.int/features/2010/meningitis_vaccine/fr/">introduit sur le marché en 2010</a>. Depuis, plus de 300 millions d’habitants de la région, âgés de 1 à 29 ans, ont été vaccinés contre la méningite à méningocoques A, à l’origine de la plupart des épidémies. Il s’en est suivi une baisse considérable du nombre de cas. Aujourd’hui, les méningites de ce type sont <a href="http://www.who.int/emergencies/diseases/meningitis/epidemiological/en/">très rares</a>.</p>
<p>Cependant, nous savons que les vaccins qui préviennent cette maladie ne sont pas efficaces à vie. Les recherches sur le sujet que nous avons entreprises le confirment.</p>
<p>Dans une <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciy488/5059984?guestAccessKey=c078a9cd-98a8-488b-add5-788fc9581872">étude</a> récente financée par la <a href="https://www.meningitis.org/">Fondation de recherche sur la méningite</a>, un organisme caritatif international, nous démontrons que les Burkinabés vaccinés contre la méningite A entre 1 et 4 ans en 2010 ont besoin d’un rappel de vaccin dès cette année pour s’assurer de rester immunisés.</p>
<p>Nos travaux prouvent qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Il est nécessaire de mettre en place des programmes de vaccination à long terme pour contrôler la maladie, y compris des campagnes de rappel. La collecte de fonds pour financer ces doses de rappel est un défi, étant donné que le budget actuel est consacré aux campagnes de première vaccination de masse et à l’instauration d’une vaccination de routine pour les jeunes enfants.</p>
<h2>Ce que nous avons découvert</h2>
<p>Notre étude rassemble les résultats de trois enquêtes menées après la campagne de lancement du vaccin MenAfriVac au Burkina Faso, l’un des premiers pays à en avoir bénéficié. Notre objectif était d’évaluer l’efficacité du vaccin plusieurs années après.</p>
<p>Chacune des enquêtes a été menée en prélevant des échantillons de sang sur environ 600 personnes âgées de 6 mois à 30 ans, et en estimant et le temps nécessaire pour que leur taux d’immunité retombe au niveau pré-vaccinal (mesuré en 2008).</p>
<p>Ces tests nous ont fourni de nouvelles informations sur la durée de l’effet de ce type de vaccin. Nous avons déterminé que cette durée était étroitement liée à l’âge auquel la personne avait été vaccinée.</p>
<p>IL apparaît que le taux d’immunité a reculé pour toutes les tranches d’âge. Cependant, nous avons constaté que les enfants âgés de 1 à 4 ans au moment de la campagne de vaccination étaient retombés rapidement au taux pré-vaccinal. Ce qui signifie que, huit ans après leur vaccin, ils sont de nouveau vulnérables aux méningocoques A.</p>
<p>Les personnes plus âgées au moment de la campagne de vaccination restent immunisées plus longtemps.</p>
<p>Étant donné qu’une grande partie de la population du Burkina Faso est toujours protégée, et que la vaccination de routine des enfants est maintenant bien établie, le nombre de méningocoques A en circulation a fortement diminué, comparé aux épidémies des années 1990. Cela pourrait protéger indirectement ceux qui ne seront bientôt plus immunisés.</p>
<p>Toutefois, cette catégorie de population potentiellement vulnérable va bientôt entrer dans l’adolescence, l’un des âges où l’on court le plus de risques de contracter la maladie dans la ceinture de la méningite. En effet, les adolescents ont été sévèrement touchés lors des épidémies de méningite A et pourraient l’être de nouveau.</p>
<h2>Des solutions pour l’avenir</h2>
<p>La campagne de vaccination avec le MenAfriVac a été un succès sans précédent en termes de prévention de ces épidémies en Afrique sub-saharienne. Mais cette protection doit être maintenue.</p>
<p>Les nouveaux éléments mis en évidence dans notre étude pourront être pris en compte par les autorités sanitaires, en plus des considérations financières et organisationnelles, au moment de planifier des programmes de vaccination.</p>
<p>Cela devrait permettre de déterminer le moment idéal pour lancer une campagne de rappel afin de s’assurer que les populations locales restent protégées.</p>
<p>Nos études indiquent qu’une telle mesure sera sans doute bientôt nécessaire.</p>
<p>Au niveau planétaire, la méningite et la septicémie (ou <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/sepsis-septicemie">sepsis</a>) néonatale comptent parmi les <a href="https://www.unicef.org/publications/files/Child_Mortality_Report_2017.pdf">infections les plus meurtrières</a> pour les enfants de moins de cinq ans. Leur effet combiné fait davantage de victimes que le paludisme, le SIDA, la rougeole et le tétanos réunis. Seule la vaccination permet d’en protéger les populations les plus vulnérables. Nous devons donc nous assurer que ces personnes soient immunisées dès l’enfance et le restent à l’âge adulte.</p>
<p>Ces études nous permettent de mieux comprendre l’évolution du taux d’immunité qu’offrent les vaccins contre les infections à méningocoques et d’estimer à quel moment une dose de rappel sera nécessaire. En plus de leurs possibles implications pour l’usage de futurs vaccins, ces informations pourraient, à terme, améliorer notre contrôle global sur ces maladies.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.auf.org/asie-pacifique/nouvelles/agenda/colloque-annuel-de-lauf-sante-publique/">« Santé publique</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mueller a reçu des financements de l'association caritative Meningitis Research Foundation.</span></em></p>Dans le monde, méningite et septicémie tuent plus que paludisme, SIDA, rougeole et tétanos réunis. Or si, en Afrique, les vaccins anti-méningite ont joué leur rôle, ils ne protègent pas la vie durant.Judith Mueller, Professor in epidemiology, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/929502018-04-04T19:58:51Z2018-04-04T19:58:51ZDébat : Les données de notre santé doivent rester confidentielles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211241/original/file-20180320-80634-1w6em7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C521%2C5607%2C3203&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accès aux données de l'Assurance maladie ou des hôpitaux, même rendues anonymes, fait courir un risque pour la protection de la vie privée. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/patient-paying-medical-consultation-141930811?src=yTAqCcNT2dzQ_TjCcDqzSQ-1-24">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Où vont les données que nous produisons lorsque nous nous soignons ? Les noms et la quantité des médicaments que nous prenons à la pharmacie, les actes réalisés par l’infirmier ou le médecin lorsque nous nous rendons aux urgences ? Qui les utilise, et de quelle façon ?</p>
<p>Le mouvement général en faveur de l’ouverture des données, ou <em>open data</em>, se renforce, dans un objectif de transparence et surtout d’avancées pour la recherche en santé publique. Il vise notamment à mieux prévenir les crises sanitaires, par exemple en repérant le plus tôt possible les effets indésirables liés à un médicament.</p>
<p>Le système actuel rend public un grand nombre de données de santé, après les avoir rendues anonymes. Se pose néanmoins la question de leur réelle confidentialité. C’est l’un des sujets actuellement débattu dans les États généraux de la bioéthique, notamment à travers la consultation en ligne ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai. « Comment concilier des objectifs, antinomiques en apparence, de protection de la vie privée et de contribution à l’intérêt collectif ? » : tout citoyen peut <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/project/intelligence-artificielle-et-donnees-de-sante/presentation/presentation-9">y poster ses propositions sur ce thème</a>.</p>
<h2>Les soins remboursés via la carte Vitale, les actes réalisés à l’hôpital</h2>
<p>Le principe de l’ouverture des données consiste à mettre à la disposition de tous les citoyens des données relevant de la vie publique. Celles sur la santé en font partie. Beaucoup sont issues des remboursements de soins via la carte Vitale et du codage des actes réalisés à l’hôpital. Elles sont d’ores et déjà regroupées en totalité dans un seul système, le Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM). Un autre système, le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), offre également un fichier très étoffé, contenant des données sur les ressources et l’activité des établissements de soins.</p>
<p>Il en existe un troisième, plus récent, le Système national des données de santé (SNDS). Créé en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, c’est un métafichier, autrement dit un fichier de fichiers, institué pour mettre à la disposition des chercheurs un certain nombre de données de santé. Celles-ci sont rendues anonymes, le but affiché étant de ne pas nuire aux personnes dont il est question. Elles peuvent aussi être réutilisées par des établissements publics ou des entreprises privées, à l’exception de celles relevant du commerce d’assurance et de l’industrie pharmaceutique.</p>
<p>En pratique, cela revient à regrouper en un seul lieu les informations émanant des feuilles de soins gérées par l’Assurance maladie, des données hospitalières, des données liées au handicap et un échantillon des données provenant des organismes de garantie complémentaire (les mutuelles), ainsi que des actes de décès.</p>
<h2>Le respect de la confidentialité de nos données personnelles de santé</h2>
<p>Dans un tel système, la confidentialité de nos données personnelles de santé est-elle assurée ? Le principe d’un contrôle <em>a posteriori</em> du respect de cette confidentialité a été retenu par le législateur. La Cour des comptes a publié en mai 2016, après la loi de modernisation, un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-donnees-personnelles-de-sante-gerees-par-lassurance-maladie">rapport</a> sur les données personnelles de santé gérées par l’Assurance maladie. Elle se disait favorable à ce mode de contrôle « s’appuyant sur des sanctions renforcées et faisant notamment l’objet d’un rapport annuel au Parlement de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ».</p>
<p>Le 27 février, la <a href="https://www.cnil.fr/fr/sniiram-la-cnamts-mise-en-demeure-pour-des-manquements-la-securite-des-donnees">CNIL</a> a mis en demeure l’Assurance maladie de « renforcer la sécurisation » de la base SNIIRAM dans les trois mois, en raison de ses insuffisances. Un mois plus tôt, cependant, la présidente de la CNIL, Isabelle Falque-Pierrotinelle, regrettait le <a href="http://premium.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/01/22/32001-20180122ARTFIG00326-isabelle-falque-pierrotin-la-cnil-manque-de-moyens-face-a-ses-nouvelles-missions.php">manque de moyens</a> pour faire face aux missions qui lui étaient confiées.</p>
<p>Aujourd’hui, l’anonymat apparaît difficile à garantir, dans les faits, au citoyen. Pour l’élaboration de la loi créant le SNDS, l’inspecteur général des affaires sociales (IGAS) Pierre-Louis Bras avait rendu en 2013 <a href="http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-donnees-de-sante-2013.pdf">son rapport sur les données de santé</a>. Il remarquait qu’« en croisant certaines informations, on peut identifier des personnes connues par ailleurs ». Et insistait sur le fait que, dès lors que les données présentaient un risque pour les patients d’être ré-identifiés, l’accès devait en être restreint. Il écrivait ainsi (page 29) :</p>
<p>« Même si le risque de réidentification ne doit pas être majoré, il est indéniable que ce risque existe et ne permet pas d’envisager un accès libre à l’ensemble des données du système d’information. Il ne fait aucun doute en particulier […] aux dires des experts rencontrés par la mission IGAS, que les données individuelles exhaustives du système d’information, associant soins hospitaliers et ambulatoires [NDLR : c’est-à-dire les soins avec des nuits passées à l’hôpital et les soins sans], permettent d’identifier une grande proportion des personnes présentes dans la base pour qui en connaît – même approximativement – l’âge, l’adresse, la nature et la date de certains soins et éventuellement la date du décès. De sorte qu’un tiers disposant de ces informations peut apprendre pour quelles maladies ces personnes ont reçu des soins. »</p>
<p>La commission <em>open data</em> en santé avait à son tour, en 2014, remis <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000397.pdf">son rapport</a> à la ministre de l’époque, Marisol Touraine. Celui-ci était favorable au « principe d’ouverture par défaut des données anonymes, sauf exception motivée ». À propos des possibilités de ré-identification, la commission concluait : « Le risque de mésusage n’est pas considéré comme un motif de non-publication ». Et par là-même, reconnaissait l’existence de ce risque.</p>
<h2>Eviter des scandales comme celui du Mediator</h2>
<p>Les promoteurs de l’<em>open data</em> défendent, non sans raison, une certaine idée de la santé publique, promettant que l’analyse des données permettra d’éviter des scandales comme celui du Médiator. L’accès aux « données administratives de l’Assurance maladie » était déjà, en 2014, une recommandation de la <a href="http://www.prescrire.org/fr/3/31/49374/0/NewsDetails.aspx">revue médicale indépendante <em>Prescrire</em></a> pour que les victimes du médicament puisse étayer leur action en justice. En outre, cet accès aux données permettrait de mieux mesurer le poids de chaque pathologie dans la population et son coût pour le système de santé.</p>
<p>Robert Madelin, alors conseiller spécial sur les questions d’innovation à la Commission européenne, se demandait en 2015 s’il était éthique de refuser de partager des données personnelles dans des domaines comme la recherche médicale. <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/news/l-inquietude-sur-les-donnees-personnelles-est-elle-excessive/">Sur le site du média européen Euractiv</a>, il affirmait : « Si le stockage des mégadonnées, plus mon génome, plus le génome de tout le monde peut sauver des vies, ai-je le droit de dire “Non, je ne veux pas partager mon génome avec la société” ? »</p>
<p>En revanche, il faudrait, toujours selon lui, imposer des limites aux variations de primes d’assurance que l’accès aux données de santé ne manquera pas d’entraîner. Ainsi, pour Robert Madelin, il est acquis que les assureurs connaîtront nos données de santé et que certaines personnes en pâtiront.</p>
<h2>Des remboursements modulés selon les citoyens</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses questions se posent. Les données de santé issues du SNDS peuvent être recoupées avec celles de nombreuses autres sources, par exemple des smartphones ou des pèse-personnes connectés. Qui peut garantir que ces mégadonnées ne serviront pas, un jour, à moduler les remboursements des citoyens par l’Assurance maladie ou des mutuelles ?</p>
<p>Le danger est que des critères actuariels, c’est-à-dire tenant compte du risque individuel, soient appliqués, à la place de la solidarité collective qui prévaut actuellement. Et que le modèle mutualiste, dans lequel les plus vulnérables sont pris en charge de la même manière que les autres, soit remis en cause.</p>
<p>Ces mégadonnées vont-elles permettre, à terme, de contrôler la conduite des personnes malades, en les remboursant seulement si elles adoptent un comportement jugé responsable, par exemple en arrêtant de fumer ? En trouvant les bons algorithmes, l’ensemble des données issues des objets connectés et des réseaux sociaux peut permettre de connaître assez précisément les comportements des individus. Si une personne diabétique poste des photos de sucreries sur Instagram, que pourra en conclure sa mutuelle ?</p>
<p>Le même type d’interrogation surgit concernant les assureurs. Le groupe Axa, par exemple, a lancé <a href="https://www.lesechos.fr/19/11/2015/LesEchos/22069-150-ECH_axa-investit-les-big-data.htm">dès 2015</a> son chantier pour produire et exploiter des mégadonnées ou <em>big data</em>. Projetons-nous dans un futur peut-être pas si lointain : si l’assureur connaissait le génome de l’assuré, avec ses prédispositions à telle ou telle maladie, ne serait-il pas tenté de calculer un risque spécifique le concernant ?</p>
<h2>Quel secret médical dans une période où l’échange d’information domine ?</h2>
<p>Nous nous trouvons actuellement dans une forme d’injonction paradoxale. D’une part, l’accès plus grand à des données de santé massives est un réel service rendu à la population, qui bénéficie à la santé publique ; de l’autre, ses enjeux économiques risquent de mettre à mal la cohésion sociale. L’objet du débat, c’est au fond notre capacité à continuer à supporter ensemble, à l’échelle du pays, un risque commun, afin de protéger les plus vulnérables au sein de la population.</p>
<p>Le secret professionnel des médecins participe de cela en évitant que soient stigmatisés les plus malades. D’une certaine manière, il protège la possibilité de vivre ensemble. Quel sens donner à ce secret dans une période où le principe de l’échange d’information et de l’accès généralisé aux données domine ? Le médecin que je suis, soucieuse de le voir respecté, s’interroge.</p>
<p>Entre protection de la vie privée et sécurité sanitaire, la question se pose de ce que chacun veut vraiment. À l’échelle de la société, notre capacité de faire n’excède-t-elle pas, actuellement, notre capacité à penser ce que nous faisons ?</p>
<p><em>Ce texte a été republié dans le cadre d'une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.auf.org/asie-pacifique/nouvelles/agenda/colloque-annuel-de-lauf-sante-publique/">« Santé publique</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Lécu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’accès aux données de l’Assurance maladie ou des hôpitaux doit permettre d’éviter des crises sanitaires comme celle du Mediator. Mais il faut mettre en balance le respect de la vie privée.Anne Lécu, Médecin, co-directrice du département d’éthique biomédicale, pôle de recherche, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/916042018-02-18T18:13:44Z2018-02-18T18:13:44ZCe que les mères séropositives nous apprennent sur le placenta<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206389/original/file-20180214-174993-p0jfvk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C1761%2C1221&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le placenta constitue un moyen privilégié de comprendre le développement du bébé, puisqu’il s’agit du seul lien entre l'organisme de la mère et celui de l’enfant.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/pregnant-pregnant-woman-m-mother-2640994/">Daniel Reche/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans de nombreuses régions du monde, le placenta est considéré comme un déchet et jeté après la naissance du bébé. Tous les regards se portent sur l’enfant et la jeune maman. Mais les scientifiques commencent à s’apercevoir qu’il contient <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/therapie-cellulaire">beaucoup de cellules importantes</a>. Et que leurs connaissances du développement de l’enfant pourraient progresser s’ils utilisaient les technologies modernes pour comprendre cet organe éphémère de l’être humain.</p>
<p>On sait déjà <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15507270">beaucoup de choses</a> sur lui. Le placenta commence à se développer quelques semaines après la fécondation de l’ovule et le début de la croissance du fœtus. Pendant la <a href="http://theconversation.com/fr/topics/grossesse-32160">grossesse</a>, il se structure et se spécialise, assurant de nombreuses fonctions critiques. Il fournit au fœtus de l’oxygène, de l’eau et des nutriments, garantit l’élimination des déchets métaboliques, dont le dioxyde de carbone, et assure le transfert d’hormones telles que la progestérone ou l’oestrogène entre la mère et l’enfant.</p>
<p>Mais on ignore toujours comment le placenta se développe chez les femmes enceintes séropositives. Plusieurs <a href="https://academic.oup.com/jid/article/206/11/1695/896109">études</a> menées en Afrique subsaharienne ont montré que les futures mamans séropositives courent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3940209/">beaucoup plus de risques</a> de rencontrer des complications : enfant mort-né, prématuré, trop <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/27/6/1846/620226">petit au vu de son âge gestationnel</a>, ou qui décède au cours du premier mois de vie. Lorsqu’il survit, le nourrisson court des risques importants de tomber gravement malade au cours de sa première année.</p>
<h2>L’unique lien entre l’organisme de la mère et celui de l’enfant</h2>
<p>Ces constats ont conduit les scientifiques à s’intéresser au placenta pour mieux comprendre les effets du <a href="http://theconversation.com/fr/topics/vih-46821">VIH</a> sur le moment de l’accouchement et la santé du nouveau-né.</p>
<p>L’étude du placenta constitue un moyen privilégié de comprendre le développement du bébé, puisqu’il s’agit de l’unique lien entre l’organisme de la mère et celui l’enfant.</p>
<p>Il est important d’adopter de nouvelles approches pour étudier les corrélations entre VIH, modes de traitement et complications à la naissance, ainsi que l’effet du VIH sur la qualité de vie du nouveau-né.</p>
<h2>Des bébés moins protégés et plus petits</h2>
<p>Le placenta peut être étudié de plusieurs manières. Une approche possible pour comprendre ses fonctions est d’étudier ses cellules. Il en abrite des millions, regroupées en différents types, chacun jouant un rôle crucial pendant la grossesse.</p>
<p>Par exemple, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lymphocyte_T_r%C3%A9gulateur">lymphocytes T régulateurs</a> régissent le fonctionnement de certaines fonctions du corps humain. <a href="http://www.jimmunol.org/content/jimmunol/180/8/5737.full.pdf">En temps normal</a>, ces cellules du système immunitaire doivent se multiplier pendant la grossesse. <a href="http://www.jimmunol.org/content/jimmunol/194/4/1534.full.pdf">Les recherches actuelles</a> suggèrent qu’elles migrent du sang de la mère vers le placenta afin de garantir la protection du fœtus.</p>
<p>Les études menées sur le sang qui passe dans le placenta chez les mères séropositives montrent que la croissance de ces cellules <a href="http://www.bloodjournal.org/content/117/6/1861?sso-checked=true">n’est pas aussi régulière</a> que chez les femmes non porteuses du virus. Le bébé est donc moins protégé.</p>
<p>Une deuxième approche consiste à évaluer la structure et les dimensions du placenta. À 40 semaines de grossesse, il pèse en moyenne de 500 à 700 grammes. Mais, dans certains cas, celui d’une mère séropositive est légèrement plus petit, davantage sujet à l’inflammation et plus susceptible de développer des lésions empêchant la circulation sanguine et l’oxygénation. Cela pourrait expliquer pourquoi certains nouveau-nés sont petits pour leur âge gestationnel.</p>
<h2>Un organe qui dévoile de précieux secrets</h2>
<p>L’étude du placenta est soumise à certaines limites. Tout d’abord, il est compliqué de l’étudier aux différents stades de la grossesse, car le fœtus en est totalement dépendant et pourrait souffrir du moindre changement apporté par les chercheurs. Cela implique que les études soient généralement menées à un stade précoce de la grossesse (premier trimestre), après une <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=avortement">Interruption volontaire de grossesse (IVG)</a> ou une fausse couche, à un stade avancé de la grossesse (troisième trimestre), ou une fois que le bébé est né. Très peu de travaux sont conduits au cours du deuxième trimestre de la grossesse.</p>
<p>Ensuite, le placenta est difficilement accessible. Son étude implique une procédure très coûteuse, qui demande beaucoup de temps.</p>
<p>Enfin, les effets du traitement des femmes enceintes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sida-29224">séropositives</a> brouillent les pistes dans la mesure où il est difficile de savoir si c’est le virus ou le traitement qui altère le placenta. Or la plupart des femmes porteuses du VIH sont désormais soignées <a href="http://www.who.int/hiv/PMTCT_update.pdf">dès que leur séropositivité est avérée</a>.</p>
<p>Malgré ces difficultés, le placenta est un organe qui nous dévoile de précieux secrets sur l’être humain. Grâce à l’étude de celui de mères séropositives et de mères saines, les scientifiques pourraient bientôt avoir un meilleur aperçu de la vie intra-utérine.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Pour en savoir plus sur le travail de Nadia Chanzu-Ikumi, rendez-vous sur <a href="https://www.axa-research.org/en/projects/nadia-chanzu">le site dédié</a>.</em> </p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Typhaine Lecoq-Thual pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nadia Chanzu-Ikumi est boursière du Fonds AXA pour la Recherche.</span></em></p>Les femmes porteuses du VIH présentent des taux plus élevés d’accouchements prématurés. Le placenta pourrait être en cause, montrant son rôle capital dans la protection du fœtus.Nadia Chanzu-Ikumi, AXA Research Fund-Post doctoral research fellow, Division of Immunology, University of Cape TownLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/882832017-11-30T21:08:33Z2017-11-30T21:08:33ZLes défis de l’enseignement supérieur au Vietnam<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196761/original/file-20171128-28899-149hfiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le principal défi du Vietnam demeure son marché du travail saturé face à un accroissement du nombre de jeunes et d'étudiants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://maxpixel.freegreatpicture.com/Siagon-Chi-Ho-Vietnamese-City-Vietnam-Minh-2463460">Max Piwxel</a></span></figcaption></figure><p>Le Vietnam comme de nombreux autres pays a, en une vingtaine d’années, développé son offre universitaire en raison d’un <a href="https://cres.revues.org/2968">afflux massif d’établissements étrangers et de capitaux privés</a>. Durant l’année académique 2016-2017, notre pays comptait 235 établissements d’enseignement supérieur (170 publics, 60 privés et 5 universités de capitaux étrangers allemands, américains, anglais, japonais ou français). Cette offre a permis de répondre aux besoins variés d’une population de 640 000 jeunes qui souhaitent faire des études supérieures dans un <a href="https://ries.revues.org/4471">contexte</a> où les financements et soutiens de l’état restent limités.</p>
<h2>Chômage et limites financières</h2>
<p>Le premier défi est le <a href="https://www.lecourrier.vn/le-taux-de-chomage-des-jeunes-augmente/370481.html">chômage</a> qui touche environ 200 000 jeunes diplômés parmi les 1,1 million de chômeurs dans tout le pays <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/vietnam/presentation-du-vietnam/">selon les statistiques</a> de 2017 du Ministère du Travail, des Affaires sociales et des Invalides de guerre. L’une des principales raisons réside dans le décalage entre les contenus plutôt théoriques enseignés à l’université et les compétences professionnelles demandées par les entreprises. De plus, les systèmes d’orientations professionnelles des lycées laissent encore à désirer. Les jeunes sont mal orientés et leurs parents persuadés que l’avenir reste dans les métiers permettant de bien gagner leur vie tels que le management, la banque, la finance, la comptabilité, ce qui cause une saturation du marché.</p>
<p>Le deuxième défi concerne l’<a href="https://www.lecourrier.vn/autonomie-de-luniversite-les-chances-de-reussite/181728.html">autonomie de l’université</a> sur presque tous les plans : ouverture de nouvelles formations, ressources humaines, recherche scientifique, coopération internationale, financement et investissement…</p>
<p>Sur le <a href="http://www.veille.univ-ap.info/veille/systeme-academique/">plan financier</a>, les universités autonomes ne reçoivent plus, pour le moment, des financements de l’État pour les salaires du personnel ou le fonctionnement ou les investissements dans les infrastructures. Par contre, ils ont le droit d’augmenter les frais de scolarité selon une feuille de route jusqu’à ce que les recettes couvrent les dépenses de leurs activités.</p>
<p>Pourtant, l’augmentation des frais de scolarité constitue elle-même un défi parce que le PIB par habitant du Vietnam était de <a href="https://www.populationdata.net/pays/viet-nam/">2 200 dollars US par an en 2016</a> et les frais de scolarité varient entre 350 et 800 dollars par an plus les dépenses de logement et de nourriture (environ 800 dollars par an) coûtent une fortune pour plusieurs familles rurales.</p>
<p>Les universités doivent chercher donc un modèle économique qui leur permettrait d’équilibrer la qualité et le prix afin d’attirer les étudiants dans le contexte où le nombre d’étudiants baisse depuis deux ans et que la concurrence entre les universités devient de plus en plus accrue.</p>
<h2>L’assurance qualité pour relever les défis</h2>
<p>Un département d’assurance qualité au sein du Ministère de l’Éducation et de la formation (MEF) <a href="https://ries.revues.org/789?lang=en">a été mis en place en 2003</a>. Plusieurs textes réglementaires en la matière ont aussi été approuvés, parmi lesquels les référentiels qualité des établissements d’enseigement supérieur (10 critères, 61 sous-critères) et des programmes de formation universitaire (11 critères, 50 sous-critères).</p>
<p>Quatre centres vietnamiens d’accréditation de la qualité de l’éducation indépendants du MEF ont été créés afin de réaliser des activités d’évaluation externe et d’accréditation selon les procédures fixées par le MEF. Outre les référentiels vietnamiens, les institutions peuvent choisir les standards européens (ceux de HCERES) ou asiatiques (ceux de l’Asean).</p>
<p>Le soutien du réseau francophone et de l’AUF dans une application de démarche-qualité est donc crucial, d’autant plus que le gouvernement a déclaré que toutes les universités <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01475554/document">devraient être accréditées</a> d’ici à 2020.</p>
<p>Plus concrètement, les universités membres de l’AUF en Asie-Pacifique bénéficient, dans le cadre des projets de démarche qualité, des formations à l’emploi de quatre guides de démarche qualité dans quatre domaines : plan de développement, offre de formation licence et master, formation doctorale, structuration de la recherche. Ces guides, composés des questions ouvertes suggérant des pistes de réflexions et d’actions, visent une amélioration continue de la qualité. L’emploi de ces guides est flexible, prêt à être adapté aux besoins spécifiques des universités tels que le partenariat avec les entreprises pour résoudre le problème du chômage ou l’internationalisation pour l’alignement de l’université sur le niveau régional.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nguyen Thi Cuc Phuong est membre du bureau CONFRASIE.</span></em></p>Le Vietnam doit faire face à une hausse accrue de ses étudiants ne trouvant pas suffisamment de débouchés : l’assurance qualité et l’accréditation peuvent aider à relever les défis à venir.Nguyen Thi Cuc Phuong, Vice-rectrice, professeur, département de français, Université de HanoiLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/873132017-11-12T20:07:12Z2017-11-12T20:07:12ZQuand les forces francophones se rapprochent face au défi de la qualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194219/original/file-20171111-29352-wci1dq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3142&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Agences signataires de la 'Déclaration de Beyrouth' le 8 novembre 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">AUF</span></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion de son colloque annuel les 7 et 8 novembre, à Beyrouth (Liban) autour de la thématique <a href="https://www.auf.org/nouvelles/agenda/colloque-annuel-de-lauf-qualite-lenseignement-superieur/">« la Francophonie universitaire face au défi de la qualité : pour un rapprochement des forces »</a>, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) a réuni plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts de l’assurance qualité. Jean‑Paul de Gaudemar, recteur de l’AUF, décrypte les enjeux de cette rencontre pour The Conversation France.</em></p>
<hr>
<p>Le monde universitaire francophone a connu d’importantes transformations et un essor sans précédent depuis une vingtaine d’années. À l’exception de la France qui connaît une démographie estudiantine en hausse, cette dernière est plutôt stable dans la <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Tertiary_education_statistics/fr">plupart des pays européens</a> ou d’Amérique du Nord.</p>
<p>En revanche, dans la plupart des pays dits « du Sud » cette démographie a crû de manière exponentielle. Il y a ainsi <a href="https://www.contrepoints.org/2015/02/28/199541-il-y-a-deux-fois-plus-detudiants-dans-le-monde-quen-2000">aujourd’hui deux fois plus d’étudiants dans le monde qu’en 2000</a>.</p>
<p>Loin de rester confiné à une élite, l’enseignement supérieur s’est démocratisé dans de nombreux pays illustrant de nouvelles aspirations au sein des sociétés, la montée des classes moyennes, ou le besoin de qualifications plus élevées pour le développement.</p>
<p>En revanche, cette croissance a souvent été accompagnée de politiques publiques insuffisantes et nous faisons aujourd’hui face <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/expansion-in-global-higher-education-has-increased-inequality">à une offre universitaire démultipliée, globale mais très inégale</a>.</p>
<p>Les conséquences peuvent être catastrophiques avec des jeunes diplômés mal préparés à la réalité de marchés de l’emploi peu capables de les absorber. Beaucoup <a href="https://www.theguardian.com/global-development/poverty-matters/2011/aug/31/consequences-increasing-access-to-education">se retrouvent alors vite marginalisés</a>.</p>
<h2>« Il faut éviter que la quantité n’étouffe la qualité »</h2>
<p>La prise de conscience et la réponse des gouvernements sont souvent trop lentes. Pourtant il est nécessaire aujourd’hui d’éviter que la quantité n’étouffe la qualité. Pour cela, il faut que les gouvernements investissent davantage dans ce domaine essentiel et que les institutions d’enseignement supérieur et de recherche acceptent de véritables processus d’évaluation sur la qualité de leur offre éducative, basés sur des référentiels exigeants et permettant de souligner les changements nécessaires : <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2009-2-page-79.htm">c’est l’assurance-qualité</a>.</p>
<p>En France cette question a été longtemps débattue avant que les autorités n’installent, il y a 10 ans, une <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20566/installation-de-l-agence-d-evaluation-de-la-recherche-et-de-l-enseignement-superieur-aeres.html">agence d’évaluation de l’enseignement supérieur</a> (AERES) devenue depuis le <a href="http://www.hceres.fr/PRESENTATION/Missions">Haut Conseil d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur</a> (HCERES).</p>
<p>Beaucoup d’autres pays du monde francophone se sont engagés sur ce chemin et peu à peu, sont nées différentes agences d’assurance-qualité. À l’AUF cette question est au cœur de notre <a href="https://www.auf.org/wp-content/uploads/2017/04/Strat%C3%A9gie-2017-2021.pdf">stratégie</a> car la promotion de la francophonie universitaire ne peut passer que par une qualité démontrée. Au Liban et notamment à l’<a href="https://www.usj.edu.lb/qualite/files/objectif.html">Université Saint-Joseph</a> on est ainsi très attaché au dynamisme de la démarche d’assurance-qualité. Ce sont d’ailleurs des échanges tenus à Beyrouth l’an dernier tant avec nos membres qu’avec leur ministère de tutelle qui ont inspiré la tenue de ce colloque.</p>
<p>On nous a souvent posé la question : pourquoi l’AUF ne jouerait-elle pas ce rôle d’agence d’assurance-qualité auprès de ses membres ?</p>
<p>Mais ce n’est ni notre vocation ni notre domaine d’expertise. L’assurance-qualité ne s’improvise pas. Nous préférons nous concentrer sur l’accompagnement de nos membres dans cette direction et nous appuyer sur les acteurs spécialisés que sont notamment les agences pour porter les opérations d’évaluation, d’accréditation et plus généralement d’assurance-qualité.</p>
<h2>Répondre aux besoins spécifiques des membres</h2>
<p><a href="https://www.auf.org/les_membres/nos-membres">L’AUF compte plus de 800 d’établissements</a> d’enseignement supérieur répartis dans une centaine de pays. Leurs situations sont très disparates. Certes, de nombreuses agences existent, surtout anglo-saxonnes. Elles ont été les premières à <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1016/j.polsoc.2014.09.005">s’engager sur ce terrain</a>, créant un véritable marché aujourd’hui tourné vers les <a href="https://www.elsevier.com/books/the-rise-of-quality-assurance-in-asian-higher-education/shah/978-0-08-100553-8">économies émergentes</a>. Dans ce contexte, il est souhaitable que les opérateurs d’assurance-qualité francophones ou installés dans des pays où se trouvent des établissements de l’AUF, soient plus visibles, plus disponibles aussi pour répondre à une demande croissante et fournir ainsi une vraie alternative francophone.</p>
<p>Le rapprochement des forces francophones en ce domaine et les mutualisations correspondantes sont des éléments essentiels de réponse. C’est tout l’intérêt de la <a href="https://www.auf.org/maghreb/nouvelles/actualites/a-beyrouth-forces-francophones-se-rapprochent-faveur-de-qualite-lenseignement-superieur-recherche/">déclaration adoptée à Beyrouth</a> par huit de ces agences que d’opérer ce rapprochement au sein du réseau dénommé FRAQ-Sup (<a href="https://www.fraq-sup.fr/">Réseau francophone d’Assurance-Qualité pour l’enseignement supérieur)</a>. Il appartient à l’AUF de le soutenir pour lui permettre de constituer cette alternative francophone souhaitée par tant de nos membres.</p>
<h2>Former, sensibiliser, préparer</h2>
<p>Adopter une démarche vers l’assurance-qualité ne se fait pas du jour au lendemain. C’est ici que l’AUF a un rôle de facilitateur : il faut expliquer, afin de sensibiliser et proposer à nos membres de former leurs cadres à l’importance et à la culture de l’assurance- qualité, leur faire connaître le réseau d’agences d’évaluation dont ils ne connaissent pas forcément l’étendue du fonctionnement ni de leur impact possible.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194243/original/file-20171112-29389-8z036a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les 7 et 8 novembre 2017, le colloque de l’AUF a réuni des experts, chercheurs et institutions du monde entier autour de la démarche-qualité au sein du monde académique francophone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AUF</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est ainsi que nous avons lancé ces dernières années un exercice d’<a href="https://www.auf.org/nouvelles/actualites/temps-fort-pour-le-projet-auto-evaluation-des-univ/">auto-évaluation au Maghreb</a> suivi par près d’une centaine de nos membres. De même dans quelques pays d’Afrique subsaharienne avec le <a href="http://www.lecames.org/">concours du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur</a> (CAMES). Cela a permis aux acteurs locaux de mieux s’approprier des notions et des processus qu’ils ne maîtrisaient pas forcément voire qu’ils redoutaient parfois.</p>
<p>Il est important en effet de faire comprendre qu’évaluation ou assurance-qualité ne signifient pas contrôle administratif normatif mais désignent un processus d’amélioration continue adaptée à son contexte. On ne doit pas imposer « par le haut » l’assurance-qualité mais faire en sorte qu’elle soit appropriée par ceux qui en seront les bénéficiaires.</p>
<p>Les décisions gouvernementales sont essentielles car elles donnent une légitimité institutionnelle aux démarches d’assurance-qualité et aux acteurs qui y opèrent. Elles donnent aussi des contreparties positives aux progrès effectués. Mais elles ne trouvent leur pleine efficacité que si les établissements s’emparent de la démarche. Un de nos outils pour aider à cette compréhension est l’<a href="http://ifgu.auf.org/">Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire</a> (IFGU) basé à Yaoundé.</p>
<p>Cet institut a pour mission de contribuer à la qualité de la gouvernance universitaire notamment en formant ses cadres : nous allons élargir son périmètre d’action en nous appuyant sur notre <a href="http://esfam.auf.org/">école de management de Sofia en Bulgarie</a> mais aussi sur l’expertise de nos membres. Ainsi sur l’<a href="http://www.usenghor-francophonie.org/">Université Senghor à Alexandrie</a> (Égypte) ou encore sur le <a href="http://g3univ.org">réseau G3</a> – qui regroupe l’Université Libre de Bruxelles, l’Université de Montréal et l’Université de Genève – prêts à apporter son concours.</p>
<h2>Redonner le goût à la langue française par une éducation de qualité</h2>
<p>Dans quel but oeuvrons-nous à améliorer la qualité des institutions d’enseignement francophones ? Pour nos enseignants, pour faire rayonner nos établissements, et à travers eux la francophonie universitaire, mais avant tout pour l’étudiant. C’est pour cela que sa place est cruciale au sein des processus d’évaluation. Cette tendance ne fait pas toujours l’unanimité au sein des établissements. En France, pays longtemps frileux en ce domaine les <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-5-page-46.htm">choses bougent doucement</a> et c’est heureux.</p>
<p>Le soutien que nous voulons accorder au réseau FRAQ-Sup ne cherche pas à imposer un seul type de réseau d’agences ou d’expertise mais sa constitution peut contribuer à ce que la francophonie soit à nouveau synonyme d’excellence. Les jeunes générations francophones cherchent d’abord une formation qui leur assure un avenir. Nous devons leur apporter des réponses pour redonner goût à la langue française dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul de Gaudemar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour accompagner les grandes transformations du monde universitaire francophone, les acteurs de la francophonie s’engagent durablement dans la démarche-qualité dans l’enseignement supérieur.Jean-Paul de Gaudemar, Professeur, Recteur de l'Agence Universitaire pour la Francophonie, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/866002017-11-05T22:06:37Z2017-11-05T22:06:37ZLe rôle des agences françaises d’évaluation et d’accréditation dans l’enseignement supérieur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193287/original/file-20171104-1017-1sg7x8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Diplôme d'ingénieur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cadrescfdt.fr/sites/default/files/styles/page_actualite_750x360/public/fotolia_27260782_xs.jpg?itok=cJmDkJpV">Fotolia XS</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est publié dans le cadre du <a href="http://www.colloqueannuel.auf.org/">colloque annuel de l’Agence Universitaire de la Francophonie</a> du 7 et 8 novembre 2017 à Beyrouth sur le thème « La francophonie universitaire face au défi de la qualité : pour un rapprochement des forces ».</em></p>
<hr>
<p>La CTI (<a href="https://www.cti-commission.fr/">Commission des titres d’ingénieur</a>) – créée par l’État français en 1934 – est, au sein de l’ensemble des agences qualité concernant l’enseignement supérieur français, avec le <a href="http://www.hceres.fr/">HCERES</a> (Haut Conseil à l’évaluation de la recherche dans l’enseignement supérieur) – créé en 2007 sous le nom initial d’AERES – , l’une des agences les plus importantes en terme de nombre de missions accomplies chaque année.</p>
<p>La CTI s’intéresse uniquement aux formations d’ingénieur et son rôle est d’accréditer les écoles d’ingénieurs à délivrer le titre d’ingénieur diplômé à leurs diplômés. Son rôle est analogue à celui de la <a href="https://www.cefdg.fr/">CEFDG</a> pour les écoles de management.</p>
<h2>Un travail d’évaluation paritaire</h2>
<p>La particularité majeure de la CTI est sa composition paritaire, en effet l’assemblée plénière qui vote les décisions d’accréditation est composée de 32 membres : 16 sont issus du monde académique et 16 proviennent du monde socio-économique.</p>
<p>Après écriture par l’école de son rapport d’auto-évaluation, une visite d’audit est effectuée par une équipe de membres et experts de parités complémentaires incluant un expert étudiant. L’équipe d’audit rédige ensuite un rapport et effectue une présentation de ses observations devant une assemblée plénière qui vote une décision d’accréditation et formule des recommandations.</p>
<p>Il y a actuellement <a href="http://bit.ly/2A7BOCt">206 écoles d’ingénieur en France</a>. Le calendrier des évaluations CTI a beaucoup évolué : au démarrage l’ évaluation se faisait une seule fois, puis en 1997, l’évaluation est devenue périodique et en 2016, cette périodicité est passée à 5 ans pour alignement avec la contractualisation ministérielle.</p>
<h2>Des visions complémentaires</h2>
<p>Bien évidemment, l’évaluation d’une formation (incluant son recrutement et son employabilité) ne peut se faire qu’en regardant de près l’environnement de la formation en terme de gouvernance, de partenariats, mais aussi le système qualité de l’école, principal générateur de l’amélioration continue.</p>
<p>De son côté le HCERES évalue la recherche, les formations, les établissements ainsi que les politiques de site de l’enseignement supérieur. Il en résulte donc une intersection des préoccupations du HCERES et de la CTI qui peut générer pour les établissements concernés, durant l’année de contractualisation avec l’état, une charge de travail importante.</p>
<p>Depuis un an, les deux agences expérimentent des solutions sur les écoles volontaires, afin de réduire la charge de travail lors de l’auto-évaluation (dossier unique) ou lors de l’audit (audits coordonnés). Ces expérimentations nécessitent un travail d’alignement de calendrier qui se fait prudemment avant d’aboutir à une éventuelle généralisation.</p>
<h2>Un double cadre européen</h2>
<p>Il faut souligner que depuis 2007, la CTI est comme le HCERES membre d’ENQA (<a href="http://www.enqa.eu/">European Network for Quality Assurance</a>) ce qui lui impose un certain nombre d’obligations dont la prise en compte dans ses critères (R et O 2016) des <a href="http://www.enqa.eu/index.php/home/esg/">European Standards and Guidelines</a> (ESG 2015) qui évoluent régulièrement en fonction des tendances observées dans l’ESR au sein de l’UE, la dernière évolution importante étant l accroissement du rôle joué par les apprenants : l’éducation centrée sur l’étudiant.</p>
<p>L’ENQA demande aussi que les parties prenantes soient consultées lors de l’écriture du référentiel d’évaluation. La publication grand public des données certifiées des écoles effectuée annuellement sur le site de la CTI est également une résultante des standards d’ENQA.</p>
<p>La CTI est aussi accréditée par un autre organisme l’ENAEE (<a href="http://www.enaee.eu/">European Network for Accreditation of Engineering Education</a>) à délivrer aux formations qui le souhaitent le label EUR ACE ; ce label atteste de la qualité de formation à l’ingénierie des écoles et donc de leurs diplômés, et le référentiel utilisé est l’EAFSG (<a href="http://bit.ly/2lRVAPM">European Accreditation Framework Standards and Guidelines</a>) qui se présente sous forme de « standards et guidelines » destinés aux établissements évalués ainsi qu’aux agences évaluatrices. Ce référentiel est compatible avec celui de la CTI mais le label EurAce ne peut être accordé à une formation dans laquelle aucun diplômé n’est en emploi.</p>
<h2>Un volet international essentiel</h2>
<p>En 1934, le législateur avait été visionnaire puisqu’un volet international existait dans les missions initiales de la CTI. Ce volet s’est fortement développé ces dernières années selon trois axes :</p>
<ul>
<li><p>l’admission par l’État français : il s’agit au terme d’un processus classique d’auto-évaluation et d’audit de délivrer aux diplômés concernés par cette admission le droit de porter le titre d’ingénieur diplômé en France, actuellement des établissements de nombreux pays ont bénéficié de cette procédure : la Chine, la Belgique, le Viet Nam, le Maroc, le Cameroun, la Suisse…</p></li>
<li><p>la délivrance du <a href="http://bit.ly/2hFzcVt">label Eurace</a> selon les procédures de cross-accréditation définies par ENAEE</p></li>
<li><p>l’aide au montage d’agences d’accréditation d’ingénierie locales, c’est le cas actuellement avec la Tunisie, par exemple.</p></li>
</ul>
<p>Les membres de la CTI sont des bénévoles et l’agence n’a pas vocation à accréditer le monde entier ! Cependant les bonnes pratiques de l’école d’« ingénieur à la française » peuvent et doivent être disséminées et partagées lors de ces différentes procédures qui accroissent le rayonnement de l’ESR français.</p>
<p>Il est à noter que lorsqu’elle travaille à l’étranger la CTI cherche à effectuer un travail commun avec les agences locales et éventuellement le poste diplomatique français, l’AUF, l’AFD…</p>
<p>Pour certaines opérations un travail commun avec le HCERES est en cours : label Cequint, labellisation des instituts franco-chinois.</p>
<p>Les activités agences d’évaluation et d’accréditation sont assez méconnues par le grand public. Il était important de les rappeler au moment de la réunion mondiale de l’AUF à Beyrouth ou elles participeront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Marie Jolly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agences dévaluation et d’accréditation : à quoi servent‑elles ? Comment sont‑elles régulées au niveau européen ? Quel est leur impact à l’international ?Anne-Marie Jolly, Professeur des universités émérite, Polytech Orléans, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/564032016-03-21T21:24:26Z2016-03-21T21:24:26ZLes grands défis de l’Agence universitaire de la francophonie, instrument de la démocratisation des savoirs (2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/115462/original/image-20160317-30206-12ziotd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C36%2C579%2C396&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'université de Cocody, en Côte d'Ivoire, membre de l'Agence universitaire de la francophonie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/husseinabdallah/4017236781/in/photolist-77ZnP6-bT5vjx-vJydib-77Zox8/">abdallahh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La francophonie peut devenir à travers l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) l’espace d’un nouveau pacte de codéveloppement scientifique, culturel, économique et politique entre le Sud et le Nord, l’Est et l’Ouest, à condition qu’elle soit capable d’aller au-delà des cercles actuels, de toucher tous les francophones (y compris en France !), d’articuler la conscience du passé dont se nourrit l’univers culturel francophone et la capacité d’innovation intellectuelle, méthodologique et technologique sans laquelle il sera très difficile de répondre aux défis de la massification des études supérieures.</p>
<p>Pour ce faire, il faudrait que l’AUF ne soit pas l’affaire des quelques élites et qu’elle n’apparaisse pas comme une institution respectable mais trop repliée sur elle-même.</p>
<p>L’AUF doit se penser comme une agence globale, avec plusieurs centres de réflexion, d’action et de décision, s’appuyant sur plusieurs pôles de rayonnement au service d’un seul projet et d’un idéal commun.</p>
<h2>Massification, diversité et excellence</h2>
<p>Par-delà les aspects institutionnels et d’organisation, le principal défi auquel la francophonie sera confrontée dans les prochaines années consistera à concilier la massification des études, la diversité culturelle et l’excellence scientifique dans un monde de la connaissance globalisée et de l’innovation technologique.</p>
<p>Des universités francophones qui ne poursuivraient que l’un de ces objectifs seraient destinées soit à la marginalisation scientifique, avec une aggravation des crises économiques et des inégalités sociales, soit à une forme d’élitisme sans avenir.</p>
<p>L’AUF a pour mission d’être au cœur de la démocratisation des savoirs, en accompagnant les universités de son réseau vers un processus d’innovation didactique, pédagogique et scientifique, qui permette de faire face aux exigences d’un environnement culturel et sociétal en profonde mutation ; sa vocation est de soutenir les chercheurs dans l’élaboration de nouvelles connaissances, d’aider les étudiants francophones à acquérir ces compétences qui vont leur permettre de construire un monde plus responsable et plus solidaire, de contribuer à la modernisation des structures administratives et à l’émergence d’une gouvernance académique capable de répondre à tous ces défis, d’encourager et accompagner l’accès des femmes aux études supérieures, en promouvant leur présence dans la gouvernance universitaire.</p>
<p>Ce dernier enjeu est capital pour les sociétés des pays francophones et pour la démocratisation des savoirs. La vocation de l’AUF est de poursuivre sur ce chemin de la subsidiarité et de la coopération, en devenant aussi une agence de savoirs et de savoir-faire, un opérateur fédérant la recherche universitaire francophone et ouvrant à ses partenaires un accès aux grands projets internationaux.</p>
<p>Pour réussir à mener à bien un tel programme de modernisation, l’Agence doit se doter d’un programme stratégique ayant comme horizon 2050.</p>
<p>Plusieurs perspectives peuvent être d’ores et déjà être envisagées pour faire en sorte que le réseau de l’AUF se métamorphose en un horizon linguistique choisi pour sa fécondité intellectuelle et son efficacité pédagogique et économique et pour qu’il devienne un modèle pour la croissance des savoirs. Je me contenterai dans le bref espace de cette réflexion d’en énumérer cinq.</p>
<h2>S’appuyer sur les personnalités de la francophonie</h2>
<p>L’AUF s’appuie aujourd’hui sur l’expertise de deux conseils (associatif et scientifique) qui réunissent une partie de ses membres institutionnels. Elle ne bénéficie pas assez, en revanche, de l’éclairage que pourraient lui garantir des personnalités éminentes de la francophonie : écrivains, intellectuels, savants, académiciens venant d’horizons scientifiques et de pays différents.</p>
<p>Un seul exemple. L’AUF publie en ce moment un <a href="https://www.auf.org/appels-offre/appel-candidatures-conseil-scientifique-2016/">appel à candidatures</a> pour le renouvellement d’une partie des membres de son Conseil scientifique. Ce processus, parfaitement conforme aux statuts de l’Agence, est fondé sur un principe de transparence, louable en-soi.</p>
<p>Mais la transparence peut finir par devenir un écran institutionnel. En effet, cet appel à candidatures risque, d’une part, de n’être lu que par ceux qui connaissent bien l’AUF et ses procédures – on peut d’ailleurs espérer que la présente tribune contribuera à sa diffusion ; la procédure, d’autre part, peut paraître surprenante au vu des traditions académiques : qui peut raisonnablement imaginer que des personnalités éminentes, des intellectuels, des artistes ou des scientifiques renommés remplissent un formulaire en ligne, accompagnent leur candidature de trois lettres de recommandation ou encore envoient une lettre de motivation pour justifier leur candidature ?</p>
<p>La motivation d’un universitaire ou d’une personnalité qui peut contribuer au rayonnement de l’AUF et enrichir avec son expérience et ses compétences la réflexion du Conseil scientifique est d’abord et avant tout dans son œuvre, dans son parcours, dans ses connaissances. Son engagement à les partager ne peut pas être transformé en un dossier administratif de plus.</p>
<p>La francophonie est connue surtout grâce aux productions d’artistes, intellectuels et scientifiques ; l’AUF s’honorerait d’en accueillir un certain nombre dans un Conseil scientifique, qui apporterait ainsi beaucoup au rayonnement de l’Agence et qui favoriserait la réussite de ses initiatives. Si pour ce faire, il faut modifier les statuts de l’Agence, cela ne paraît pas un obstacle insurmontable et c’est sans doute même un changement souhaitable.</p>
<h2>Augmenter le budget pour une meilleure coopération</h2>
<p>Même si elle ne pourra faire face à l’augmentation exponentielle du nombre de demandes d’aides à la mobilité, l’AUF a l’obligation de multiplier dans les prochaines années les bourses destinées aussi bien à la mobilité des étudiants qu’à celles des enseignants universitaires.</p>
<p>Elle devrait réfléchir, par exemple, à une coopération accrue avec le programme européen Erasmus. Plusieurs universités françaises ont déjà réservé une part de leurs supports Erasmus aux échanges entre la France et les universités du Sud.</p>
<p>L’AUF peut inciter d’autres universités à s’engager dans cette direction, y compris à travers l’offre de formations en alternance. L’AUF devrait multiplier les accords avec des Centres de formation d’apprentis ou des structures analogues. Elle pourrait également envisager une coopération stratégique avec les grandes universités scientifiques asiatiques et sud-américaines, qui observent avec un intérêt culturel, industriel et économique les aires de la francophonie.</p>
<p>Or tout cela ne sera possible que si les moyens de l’Agence se diversifient et s’accroissent de manière considérable. Les quarante millions d’euros du budget actuel et le millier de bourses à la mobilité accordées chaque année (2 407 en 2014) constituent une réponse de plus en plus insuffisante, pour ne pas dire dérisoire, par rapport aux dizaines de millions d’étudiants qui relèvent des 817 établissements adhérant à l’AUF dans 106 pays.</p>
<p>La France contribue certes à hauteur d’une trentaine de millions d’euros au budget de l’Agence, mais lorsqu’on réfléchit au prestige et aux retombées culturelles, intellectuelles, industrielles, commerciales et politiques qu’elle retire de l’espace universitaire de la francophonie, quand on pense à l’enjeu que la croissance des savoirs constitue pour les pays du Sud et de l’Est de la francophonie, et par ricochet pour nous tous, cette contribution généreuse apparaît surtout comme une dotation très insuffisante, comme un palliatif pour se donner bonne conscience à peu de frais.</p>
<p>Ce manque de clairvoyance et de générosité doit être imputé également à d’autres pays de l’hémisphère nord de la francophonie (Canada, Belgique, Suisse, etc.), dont la participation au budget de l’AUF est encore plus modeste, voire symbolique. Le budget de l’AUF devrait être multiplié au moins par dix (à titre d’exemple, il représente actuellement moins de 0,2 du budget de l’enseignement supérieur français), pour que l’Agence puisse offrir des bourses semestrielles d’aide à la mobilité à 3 ou 4 % des étudiants francophones sur la durée du premier cycle (en gros 250 000 bourses sur trois ans), par rapport au pourcentage actuel que l’on peut estimer à 0,08 %.</p>
<p>Il revient cependant à l’AUF de chercher de nouvelles ressources budgétaires à travers des partenariats avec d’autres institutions de la recherche mondiale, publiques et privées, via des collaborations avec le monde de l’industrie et du commerce, en s’ouvrant à la coopération avec les fondations privées et avec des consortiums internationaux. Il en va de la crédibilité et de l’efficacité de son action.</p>
<h2>Favoriser l’accès aux programmes internationaux de recherche</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/115463/original/image-20160317-30241-vgrhlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campus numérique à Cocody.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/husseinabdallah/4017234343/in/photolist-77ZnP6-bT5vjx-vJydib-77Zox8/">abdallahh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La France possède, notamment à travers le CNRS, une compétence remarquable dans la conception et le « pilotage » de projets scientifiques internationaux de grande envergure.</p>
<p>L’AUF devrait favoriser l’accès des universités francophones aux programmes internationaux de recherche.</p>
<p>La création d’un bureau de l’AUF avec des ingénieurs de projet capables d’orienter et de conseiller les chercheurs dans une utilisation maîtrisée des instruments de coopération scientifique internationale semble être une priorité absolue.</p>
<p>L’AUF permettrait ainsi à tous ses partenaires de bénéficier de ce savoir-faire, qui est l’une des conditions de l’accès à l’excellence de la recherche.</p>
<h2>Créer un réseau des laboratoires internationaux de la francophonie</h2>
<p>L’AUF pourrait également contribuer à la création d’un réseau des laboratoires internationaux de la francophonie, sur le modèle de celui des Unités mixtes des Instituts de recherche français à l’étranger (UMIFRE).</p>
<p>Les UMIFREs (on pense en particulier à l’Institut français du Proche-Orient, au Centre d’études et de documentations économiques, juridiques et sociales en Égypte et au Soudan, au Centre Jacques Berque au Maroc, à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain en Tunisie et en Algérie, à l’Institut français de recherche en Afrique à Nairobi, à l’Institut français de Pondichéry) forment un réseau qui doit être accessible aux chercheurs francophones.</p>
<p>Les universités qui ont acquis une expérience dans ce secteur, grâce à des accords déjà en vigueur avec le CNRS, pourraient devenir les « pilotes » de ces partenariats.</p>
<h2>Inventer les journées internationales de la francophonie</h2>
<p>Alors, que l’Agence promeut des centaines de colloques et de journées d’étude à travers le monde, il n’existe pas des journées internationales de la francophonie (sur le modèle des journées de l’histoire de Blois), où des intellectuels et des savants venant de toutes les aires de la francophonie pourraient rencontrer un public plus large, français et européen.</p>
<p>L’AUF serait inspirée d’instituer une telle manifestation. Le médiéviste, francophone d’élection, ne peut pas ne pas penser à Strasbourg comme lieu idéal d’une telle manifestation ou du moins de sa première célébration. Strasbourg a été le lieu le 14 février 1842 de ces Serments homonymes qui sont le premier monument de la langue française ; elle est également l’une des deux capitales, avec Bruxelles, de la francophonie institutionnelle européenne.</p>
<p>Ces journées pourraient aussi fournir l’occasion d’instituer un grand prix quadriennal des universités francophones, qui renforcerait l’appartenance à cette communauté scientifique, et qui créerait un mouvement d’émulation positive, en offrant une plus grande visibilité aux réalisations et aux nouvelles connaissances issues de la recherche universitaire francophone.</p>
<h2>Les frontières d’une nouvelle connaissance</h2>
<p>Par-delà ces mesures, ce qui est essentiel est que l’AUF contribue par ses initiatives, par une plus grande visibilité de ses actions et surtout par une vision ambitieuse et haute à ouvrir aux universités francophones les frontières d’une nouvelle connaissance, fondée sur le partage des savoirs, sur un humanisme fécondé par la recherche, sur une diversité culturelle et scientifique exigeante, sur une liberté individuelle et collective de tous les acteurs universitaires.</p>
<p>Bien qu’elle puisse légitimement revendiquer son héritage historique, la Francophonie ne doit avoir rien d’une structure figée. Sa vocation consiste à poursuivre cette ouverture, cette diversité et cette pluralité qui sont sa raison d’être. Elle doit défendre l’idéal d’un humanisme culturel, scientifique et économique solidaire face à une conception du monde purement comptable et utilitaire.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’opposer deux visions antagonistes et hégémoniques de la culture, de la science, des lettres, mais de faire valoir que le partage des savoirs, l’esprit critique et la liberté intellectuelle portés par la langue française sont les conditions <em>sine qua non</em> d’une économie de la connaissance exigeante, juste, démocratique et émancipatrice.</p>
<p>Tel est, me semble-t-il, le destin de la Francophonie, tel est l’idéal de grandeur universitaire que l’AUF devrait porter avec cohérence et détermination pour que le français soit une patrie d’élection et la francophonie une chance offerte à tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56403/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Galderisi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’AUF doit se penser comme une agence globale s’appuyant sur plusieurs pôles de rayonnement au service d’un seul projet et d’un idéal commun. Cinq pistes de développement.Claudio Galderisi, Professeur de langues et littératures de la France médiévale, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/563132016-03-20T21:12:17Z2016-03-20T21:12:17ZLa francophonie, un horizon global (1)<p>Dans les mêmes années où les pères fondateurs de ce qui s’appellera plus tard l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) concevaient « la création d’une communauté de langue française », selon la formule de Léopold Sédar Senghor, Albert Camus rappelait qu’il n’avait d’autre patrie que sa langue : le français.</p>
<p>Cette identification à la langue est pour beaucoup de francophones d’élection celle à un <em>patrius sermo</em> devenu une deuxième langue maternelle et par là même constitutif d’une nouvelle identité.</p>
<p>Dans ce sens, la francophonie, d’élection ou pas, peut nous aider, d’une part, à poser autrement la question des identités nationales. Elle offre, d’autre part, l’une des réponses que la culture peut apporter aux grands défis de la croissance démographique et de la démocratisation des études auxquelles nos sociétés seront de plus en plus confrontées.</p>
<h2>La francophonie, une histoire vieille de plusieurs siècles</h2>
<p>Lorsqu’on parle de la francophonie, on fait souvent référence au néologisme introduit dans la langue française par Onésime Reclus en 1886 et à la formule que Raymond Queneau met dans la bouche d’un des personnages de <em>Zazie dans le métro</em>. Or la conscience d’une portée supranationale de la langue française est bien plus ancienne :</p>
<blockquote>
<p>Et se aucun demandoit por quoi ceste livre est escrit en roman selonc le patois de France, puis que nous [so]mes ytaliens, je diroie que c’est par.ii. raisons, l’une que nos [so]mes en France, l’autre por çe que la parleure est plus delitable et plus comune a touz languaiges.</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase est sans doute le premier manifeste de la francophonie. Elle est d’un exilé italien qui fuyait les guerres entre gibelins et guelfes : Brunet Latin.</p>
<p>C’est dans un français qui ne nécessite pratiquement pas de traduction, malgré les sept siècles et demi qui le séparent de nous, que le maître de Dante explique les raisons esthétiques et politiques (« delitable » au sens d’« agréable », et « comune » au sens de « diffuse ») pour lesquelles il a composé en français et pas dans une autre langue romane son encyclopédie des savoirs de l’époque : le <em>Tresor</em>.</p>
<p>S’il est vrai que l’armée, la marine, le commerce et l’administration sont pour beaucoup de linguistes le fer de lance de toute domination linguistique, du moins jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, l’expansion supranationale de la langue française trouve au Moyen Âge sa source première et une partie de ses ressorts dans le rayonnement des lettres, qui va bien au-delà des conquêtes militaires, des Croisades, des réseaux commerciaux. C’est ce rayonnement qui est aux origines de la francophonie choisie, aussi importante, sinon plus, que la francophonie institutionnelle.</p>
<h2>Penser, compter, créer et transmettre en français</h2>
<p>La littérature est donc l’une des causes historiques de l’expansion du français. Les sciences humaines et sociales ne sont que l’une des branches du savoir autour desquelles doit se consolider aujourd’hui le réseau de la Francophonie.</p>
<p>Car penser en français n’est pas le seul privilège des écrivains francophones ; ce processus cognitif est commun à toutes les disciplines du savoir. Les sciences, en particulier, peuvent avoir un rôle de plus en plus central dans les projets transversaux, dans les échanges didactiques, dans la confrontation de savoirs.</p>
<p>Comme les humanités, les sciences ne connaissent pas de frontières linguistiques et n’ont d’autre horizon que la connaissance. Cependant la diversité des processus et des approches heuristiques est un gage méthodologique, indépendamment de la langue de publication des nouveaux savoirs scientifiques. Car la recherche est d’abord un processus cognitif dont la langue est à la fois le sillage et la sève.</p>
<p>En ce sens, le pouvoir créateur des langues n’est pas interchangeable et des résultats pertinents et différents peuvent être obtenus selon que le chercheur forme sa pensée en allemand, en anglais, en chinois, en russe ou en français.</p>
<p>Mais penser en français c’est également penser à travers la multiplicité des variétés qui le composent et qui l’enrichissent, en faisant de cette langue l’un des idiomes les plus dynamiques de notre temps. Variété doit s’entendre ici dans toutes ses dimensions, à commencer par la variété lexicale, par ces innovations sémantiques qui fécondent la langue de Molière, mais aussi d’Aimé Césaire, de Léopold Sédar Senghor, d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett, de François Cheng, d’Andreï Makine.</p>
<p>La francophonie peur favoriser la diversité herméneutique et heuristique, qui est aussi importante pour la connaissance et la survie de l’humanité que la diversité biologique et la pluralité des espèces le sont pour la nature. Il s’agit d’un enjeu à la fois culturel, scientifique, didactique et démocratique.</p>
<h2>La francophonie : une pluralité de cultures, un modèle pour les autres langues romanes</h2>
<p>Penser en français c’est donc penser à travers la multiplicité des variétés linguistiques qui le composent et qui l’enrichissent.</p>
<p>Or le français, dans toutes ses variétés, s’inscrit dans un long processus historique qui concerne toutes les langues néo-latines.</p>
<p>La langue française est la première des langues romanes issues d’une même langue-mère : le latin. Elle constitue pour les autres langues néo-latines (catalan, espagnol, italien, occitan, portugais, roumain, etc.) un modèle littéraire et esthétique d’abord, philosophique, juridique, politique et scientifique par la suite.</p>
<p>Cette relation de primauté et d’exemplarité entre le français et les autres langues néo-latines est encore vivante de nos jours, en particulier dans les milieux académiques.</p>
<p>La francophonie constitue indiscutablement un modèle pour le monde hispanophone et lusitanophone, et dans une moindre mesure pour les communautés italophones à travers le monde. Elle peut devenir pour les universités des aires linguistiques néo-latines à la fois un réseau de référence et un modèle de coopération.</p>
<h2>La francophonie et l’Agence universitaire de la francophonie</h2>
<p>Or la francophonie bénéficie à travers l’AUF d’un instrument unique en son genre. L’Agence peut jouer un rôle essentiel dans la structuration de ces relations et devenir une institution de référence pour les universités qui relèvent des aires linguistiques néo-latines en Amérique ou en Afrique.</p>
<p>Cela favoriserait ces échanges scientifiques entre les universités de l’hémisphère méridional qui doivent être l’une des priorités de la politique de mobilité didactique des universités françaises et francophones.</p>
<p>Un grand nombre d’universités asiatiques et sud-américaines s’intéressent aussi au monde francophone universitaire dans toutes ses dimensions ; l’AUF doit être sensible à cet intérêt et élaborer un cadre institutionnel qui favorise des coentreprises scientifiques et didactiques</p>
<p>La vocation de l’AUF est d’être l’un des moteurs de la recherche scientifique francophone. Elle pourrait l’encourager et la soutenir à travers des accords de coopération avec les départements universitaires et les organismes de recherche : dans le domaine des sciences de la vie et de la nature et dans le domaine des sciences appliquées, y compris avec des pays qui sont en dehors de la francophonie institutionnelle.</p>
<h2>Pour une nouvelle AUF</h2>
<p>Depuis sa fondation, l’AUF a permis à des dizaines de milliers d’étudiants et de chercheurs de se former et d’enrichir leurs savoirs à travers des aides à la mobilité et à la coopération universitaire. Cette action doit être saluée. Mais l’agence souffre d’un manque de notoriété et de visibilité, notamment en France. Surtout, elle ne bénéficie pas du rayonnement qui devrait être le sien pour pouvoir mener à bien sa mission.</p>
<p>La conscience de l’importance que l’agence peut avoir dans la réussite d’une francophonie universitaire ouverte et à la pointe de la recherche serait plus vive si elle était mieux partagée. Elle devrait progresser, d’une part, dans tous ces pays, comme la France et le Canada, qui contribuent déjà généreusement au budget de l’agence ; elle doit pénétrer plus en profondeur, d’autre part, dans ces régions qui ont été moins sensibles jusqu’ici à la fonction fédératrice de l’AUF, ou qui sont à l’extérieur du périmètre institutionnel de la Francophonie.</p>
<p>Cette conscience doit se renforcer y compris dans les universités françaises. On peut remarquer en effet au sein des établissements de l’enseignement supérieur hexagonal une méconnaissance partielle des enjeux de la francophonie et des stratégies didactiques et scientifiques de l’AUF.</p>
<p>Trop souvent on entend par francophonie dans les milieux universitaires les études littéraires postcoloniales, qui ne constituent qu’une dimension périphérique et secondaire de la réalité de la francophonie et des objectifs que l’AUF devrait poursuivre. Il s’agit certes d’une perspective surtout française, qui ne concerne pas tout le réseau des universités francophones, mais, très répandue, elle nuit à la reconnaissance de la fonction que la francophonie peut jouer dans le monde moderne.</p>
<h2>Des questions d’identité et d’image</h2>
<p>En dehors du monde académique, le mot francophonie renvoie à une autre réalité institutionnelle et politique, celle de l’Organisation internationale de la Francophonie (à laquelle l’AUF est d’ailleurs institutionnellement liée), et de manière indirecte aux relations diplomatiques entre la France et les pays de l’Afrique francophone, brouillant ainsi encore plus le sens et la portée du mot et rendant encore plus difficile la reconnaissance des missions de l’AUF.</p>
<p>L’Agence aurait tort de ne pas se poser ces questions qui concernent son identité et son image et de ne pas réfléchir à comment faire porter aujourd’hui le message de ses pères fondateurs. Elle aurait intérêt à renouveler ses structures, à les ouvrir à des personnalités capables d’incarner par leur histoire et leur œuvre le symbole d’une francophonie universelle.</p>
<p>Elle doit surtout réfléchir à une stratégie globale qui permette d’anticiper les questions d’organisation, de coopération, de circulation consécutives à la croissance démographique exceptionnelle que connaîtront dans les prochaines années les universités francophones.</p>
<p>Les démographes annoncent plus de 700 millions de locuteurs francophones en 2050 ; le nombre d’étudiants dans les universités de la francophonie devrait être de 16-18 millions dans trente ans, c’est-à-dire trois fois plus qu’aujourd’hui. La plupart d’entre eux (autour de 80 %) seront dans les universités du continent africain. Un tel accroissement du nombre d’étudiants représente un défi inédit. Or l’AUF peut œuvrer pour une augmentation des moyens destinés à la mobilité didactique et scientifique, mais, disposant d’une quarantaine de millions d’euros, elle ne pourra pas satisfaire à une demande qui risque d’être multipliée en raison de la croissance démographique universitaire.</p>
<p>Certes l’AUF a développé ces dernières années d’autres formes de synergies didactiques, en favorisant à travers les Campus numériques, les formations à distance, les CLOM (cours en ligne offerts aux masses), ce qu’on appelle la « mobilité virtuelle ». Mais les CLOM, ou MOOCs en anglais, semblent avoir montré leurs limites (taux d’abandon très élevé, difficulté de validation des résultats, absence de diplomation, etc.), à tel point que le père de ces cours interactifs à distance, Sebastian Thrun, a fini par avouer sa déception et son désenchantement.</p>
<p>La mobilité virtuelle ne peut venir qu’en complément d’une formation en présence ; elle ne pourra jamais remplacer la relation directe entre les étudiants et leurs professeurs, le contact vivifiant entre jeunes venant d’horizon divers, la possibilité pour les étudiants qui se déplacent d’être confrontés à des cultures différentes, bref cette diversité qui fait la richesse de l’espace francophone.</p>
<p>Si l’AUF veut envisager la nouvelle massification des études supérieures non pas comme un problème mais comme une chance formidable, une chance pour ces jeunes des deux sexes – l’accès d’un nombre croissant de femmes aux études supérieures doit être évidemment promu et favorisé – et pour leurs pays, et une chance pour la Francophonie, qui pourra rayonner à partir de ces nouveaux foyers de savoirs, elle devra modifier en profondeur ses structures et son image, diversifier ses moyens budgétaires, construire une stratégie globale clairvoyante et généreuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Galderisi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La francophonie représente un enjeu culturel, scientifique, didactique et démocratique. C’est pour cela qu’il faut donner un nouveau rayonnement à l’AUF, l’agence universitaire de la francophonie.Claudio Galderisi, Professeur de langues et littératures de la France médiévale, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.