tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/agriculteurs-25012/articlesagriculteurs – The Conversation2024-03-05T16:02:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2250412024-03-05T16:02:23Z2024-03-05T16:02:23ZDes prix plancher au secours de l’agriculture : ne peut-on pas trouver meilleure idée ?<p>La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout <a href="https://www.bfmtv.com/politique/reconquete/marion-marechal-aspergee-de-biere-au-salon-de-l-agriculture-va-continuer-a-mouiller-la-chemise_AN-202403010144.html">comme celle d’autres personnalités politiques</a>, a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=McEmx_9sO9A">relativement houleuse</a>. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/agriculture-les-prix-planchers-d-emmanuel-macron-une-proposition-qui-divise-le-monde-agricole-991500.html">prix planchers dans le secteur agricole</a>. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.</p>
<p>Le premier ministre, fin janvier 2024, en plein crise agricole, avait esquissé la mise en place <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/discours-de-politique-generale-le-premier-ministre-na-rien-compris-a-ce-que-demandent-les-agriculteurs-sur-les-barrages">d’une « exception agricole</a>, qui permettrait aux productions agricoles nationales de bénéficier de mesures de sauvegarde ou de protection (à l’image de ce qui fût fait <a href="https://www.csa.fr/Cles-de-l-audiovisuel/Connaitre/Histoire-de-l-audiovisuel/Qu-appelle-t-on-l-exception-culturelle">pour le cinéma au travers de l’exception culturelle</a>). Celle-ci est réclamée depuis longtemps par les syndicats, au motif que l’agriculture n’est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/26/puisque-l-alimentation-n-est-pas-une-marchandise-comme-les-autres-etendons-les-principes-de-la-securite-sociale-a-l-alimentation_6191050_3232.html">« pas une activité économique comme les autres »</a>. S’agit-il de couper l’herbe sous le pied au Rassemblement national qui depuis plusieurs années <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-prix-planchers-pesticides-europe-les-raison-des-contorsions-du-rassemblement-national_6355366.html">milite pour ce type de mécanismes</a> ?</p>
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<p>À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/01/entre-le-rn-et-la-coordination-rurale-une-proximite-ideologique-et-des-accointances-locales_6219533_823448.html">affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella</a>.</p>
<p>Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même <a href="https://www.lopinion.fr/economie/prix-plancher-un-peu-de-culture-economique-la-chronique-demmanuel-combe">largement discutable</a>, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.</p>
<h2>Pas de cavaliers seuls ?</h2>
<p>Premier point qui peut conduire à remettre cette idée en question : les prix planchers ne semblent <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-europeens-traiter-lorigine-des-maux-pour-eviter-la-polarisation-224420">pas avoir de sens au sein d’un marché commun européen</a>. L’Europe a abandonné depuis les années 2000 la politique de quotas et <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-une-reponse-politique-mal-ciblee-223947">a cessé de vouloir piloter les volumes produits et indirectement les prix</a>. Cela a presque automatiquement généré une <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">élévation de la concurrence intra-européenne</a> et mondiale, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-le-triste-bilan-de-la-fin-des-quotas-europeens-140391">qui s’est traduite par de fréquentes crises de surproduction</a>.</p>
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<p>Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoap_0013-0494_2001_num_54_1_1756">peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales</a>. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?</p>
<p>Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">théories de la concurrence</a> <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">pure et parfaite</a> consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>Or, cela ne correspond pas à la réalité des marchés et des filières agricoles. D’une part, il existe des acteurs <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/negociations-commerciales-et-prix-des-matieres-premieres-agricoles-la-france-a-cote-de-la-pac-905654.html">qui « font » le marché, en pesant plusieurs milliards d’euros</a>. En général les <a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">producteurs sont les grands perdants de ces rapports de force</a>.</p>
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<p>D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.</p>
<p>L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.</p>
<p>Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/27/quatre-questions-sur-les-prix-planchers-des-produits-agricoles_6218908_4355770.html">couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes,</a> quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?</p>
<h2>Une inspiration américaine ?</h2>
<p>La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont <a href="https://www.lopinion.fr/economie/agriculture-les-prix-planchers-suscitent-une-montagne-dinterrogations">interdites du point de vue du droit de la concurrence</a>. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).</p>
<p>Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">souveraineté nationale</a>. L’idée est de permettre d’échanger des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mercosur-poulets-bresiliens-contre-voitures-allemandes-ou-en-est-l-accord-de-libre-echange-entre-l-europe-et-l-amerique-du-sud-18373445.php">productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne</a>. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.</p>
<p>Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/agriculture-quest-ce-que-les-clauses-miroirs-que-demandent-les-agriculteurs">clauses miroirs</a> pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.</p>
<p>Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-nouveau-farm-bill-americain-un-renforcement-des-assurances-agricoles-subventionnees-et-des"><em>Farm Bill</em></a>, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-quels-defis-pour-demain-224685">venir d’immenses défis</a>, tant <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-crise-agricole-revele-des-contradictions-entre-objectifs-socio-ecologiques-et-competitivite-222293">techniques</a> et économiques <a href="https://theconversation.com/revoir-notre-vision-de-la-nature-pour-reconcilier-biodiversite-et-agriculture-223927">qu’environnementaux</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu d’instaurer un système de prix plancher dans l’agriculture, on s’inspirait de dispositifs américains, plus pertinents sans doute pour garantir un minimum de stabilité aux producteurs ?Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246852024-03-01T16:29:07Z2024-03-01T16:29:07ZCrise agricole : quels défis pour demain ?<p>Produire bio, en circuit court, en agriculture raisonnée. Et, « en même temps », accepter la concurrence de producteurs étrangers soutenus par des subventions internationales ou ne respectant pas les normes sanitaires. Produire toujours plus, mais si possible sans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> difficilement dissociables du modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-intensive-61354">production agricole intensif</a>. Respecter des réglementations plus ou moins strictes quant à leur usage, et devoir rétropédaler lorsque l’exécutif choisit de les « mettre en pause ». Nourrir la France, tout en restant invisible…</p>
<p>Les agricultrices et agriculteurs français ont marqué leur opposition à des normes et des injonctions contradictoires toujours plus nombreuses, dans un contexte où les consommateurs eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver. Retour sur les principaux points économiques, scientifiques, réglementaires ou historiques de ces colères.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a></h2>
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<span class="caption">Les agriculteurs sont en première ligne en matière d’exposition aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a></h2>
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<span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d’abord définir de quoi on parle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Usaid Egypt/Flickr, CC BY-NC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a></h2>
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<span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/mobilisations-agricoles-ou-en-sont-les-femmes-224106">Mobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?</a></h2>
<p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">Agriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française</a></h2>
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<span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L’agriculture de subsistance qui co-existait avec l’agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Dupré</span></span>
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<p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur les principaux points économiques, scientifiques et historiques des récentes colères agricoles.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceSarah Sermondadaz, Cheffe de rubrique environnement et énergieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244202024-02-28T15:40:23Z2024-02-28T15:40:23ZColère des agriculteurs européens : traiter l’origine des maux pour éviter la polarisation<p>Jeudi 1<sup>er</sup> février, j’ai assisté, à Bruxelles, à la manifestation des agriculteurs autour du Parlement européen. À un kilomètre de la place Luxembourg, je voyais déjà les longues files de tracteurs portant des plaques d’immatriculation belges, françaises et néerlandaises. Klaxons et pneus brûlés saturaient mes sens à mesure que je m’approchais du cœur de la manifestation.</p>
<h2>Voix multiples et dissonantes</h2>
<p>En tant que juriste, <a href="https://scholar.google.com/citations?hl=en&user=mN-xJAMAAAAJ&view_op=list_works&sortby=pubdate">j’ai passé les dernières années</a> à étudier la façon dont le droit économique européen et international peut saper les tentatives de mise en place de systèmes alimentaires durables. J’étais donc impatient de participer à cette « manifestation des agriculteurs ». Cependant, une fois sur place, j’ai dû nuancer l’idée que je me faisais de cet événement, plus complexe que je l’avais imaginé.</p>
<p>Derrière l’uniformité des tracteurs, la place rassemblait des identités bien différentes, chacune conservant sa spécificité tout en contribuant à la visibilité de l’action collective. Vue d’en haut, la place aurait ressemblé à un patchwork de gilets bleus, jaunes et verts, traversé de ballons jaunes, et éclaboussé ici et là de copieux tas de fumier, de banderoles vertes et jaunes de syndicats et de groupes de gauche, ainsi que de drapeaux belges et flamands exprimant des aspirations nationalistes.</p>
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<span class="caption">Certains des agriculteurs les plus progressistes montent sur scène le 1ᵉʳ février à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En réalité, il y avait au moins deux manifestations en une.</p>
<p>Près de l’entrée, une bannière recouvrant la statue de John Cockerill, un industriel d’origine anglaise, appelait les agriculteurs à « dire non au despotisme » et à s’organiser contre les mesures prises par l’UE au nom de la protection de l’environnement. Du côté du jardin central, des membres d’une confédération agricole italienne donnaient des interviews sur la nécessité de libéraliser les nouvelles technologies génomiques pour stimuler la productivité, tandis que d’autres discutaient des limites des lois sur le bien-être animal, tout en faisant la queue pour manger un hot dog.</p>
<p>Un peu plus loin, la situation était très différente. Près du Parlement, les drapeaux d’organisations militant pour l’agriculture paysanne et biologique telles que <em>La Via Campesina</em>, la Confédération paysanne et le <em>Forum Boeren</em> flottaient aux côtés de ceux d’<em>Extinction Rebellion</em> et de <em>Grandparents for Climate</em>. Depuis la scène, les orateurs exhortaient le public et les décideurs politiques à s’attaquer au pouvoir des distributeurs, à la concentration du marché, aux prix bas et à l’exploitation de la main-d’œuvre.</p>
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<span class="caption">La place Luxembourg, à Bruxelles, le 1ᵉʳ février 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si nous voulons vraiment tirer des leçons de ce qui se passe et élaborer des réponses politiques, il est essentiel de reconnaître que la <a href="https://vientosur.info/el-enfado-en-el-shared">contestation n’est pas uniforme</a>, et que les visions de l’avenir des protestataires sont divergentes, bien qu’elles découlent probablement des mêmes problèmes structurels.</p>
<h2>Des réactions opposées à un même problème</h2>
<p>Dans son dernier livre <a href="https://theconversation.com/in-doppelganger-naomi-klein-says-the-world-is-broken-conspiracy-theorists-get-the-facts-wrong-but-often-get-the-feelings-right-209990"><em>Doppelganger</em></a>, Naomi Klein souligne que la pandémie de Covid-19 et l’état d’incertitude qui l’a accompagnée ont conduit à des manifestations exceptionnelles de solidarité, mais aussi à un renforcement de l’individualisme, de la compétitivité et de la peur de l’autre. Bien qu’incompatibles, ces deux réactions seraient nées d’un sentiment d’isolement, d’insatisfaction et de frustration, et de la prise de conscience que la société – et son économie – a échoué à répondre aux aspirations de bon nombre d’entre nous.</p>
<p>Selon Naomi Klein, ces deux réactions seraient le « Doppelgänger » l’une de l’autre (les Doppelgänger sont des doubles, souvent maléfiques, dans le folklore et la mythologie germaniques et nordiques) ; mais nous avons tendance à considérer notre double (l’autre) comme différent ou séparé de nous, au point de nous en moquer : plutôt que d’affronter et d’identifier l’origine commune de notre état, nous refusons de le reconnaître. Et cela ne peut, selon l’essayiste, que conduire à davantage de divergences et de conflits qui, au final, favorisent l’extrême droite.</p>
<p>Pourtant, nous ne sommes pas condamnés à la polarisation, nous dit Klein. Si nous reconnaissons que ces réactions apparemment opposées ont une origine commune, nous pouvons commencer à créer un espace commun de compréhension et donc, dans ce cas, à élaborer une vision à long terme pour le système alimentaire de l’UE, loin des solutions hâtives telles que l’<a href="https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/von-der-leyen-to-withdraw-the-contested-pesticide-regulation/">affaiblissement de la régulation des pesticides</a> ou l’<a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240202IPR17320/nouvelles-techniques-genomiques-et-transition-ecologique-des-agriculteurs">autorisation de nouvelles techniques génomiques</a> (dites NTG, pour <em>new genomic technologies</em>).</p>
<p>Sur la place Luxembourg, l’origine commune des griefs des agriculteurs m’a semblé bien exprimée par ce slogan : « Free Farmers ! Stop Free Trade ! » (soit « Libérez les agriculteurs, pas le commerce international »).</p>
<h2>Des piliers essentiels pour nourrir l’Europe</h2>
<p>En effet, indépendamment de leurs tendances politiques, la plupart des agriculteurs semblaient s’accorder sur le fait qu’un système alimentaire qui traite la nourriture comme n’importe quel autre produit commercialisable était à l’origine de tous les maux – comme l’illustre le surnom donné à l’accord commercial UE-Mercosur <a href="https://www.veblen-institute.org/The-draft-trade-agreement-between-the-EU-and-the-Mercosur-countries-remains-a.html">« cars for cows »</a> (« des voitures contre des vaches »).</p>
<p>Car, dans l’agriculture, le libre-échange sans entraves et l’obsession de la compétitivité ont entraîné une baisse des revenus, une concentration des marchés, une dépendance accrue à l’égard des distributeurs, l’exploitation de la nature, des animaux et de la main-d’œuvre et l’<a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/652241/IPOL_ATA(2021)652241_EN.pdf">abandon de terres</a>.</p>
<p>Il y a d’autres raisons pour lesquelles la pandémie de Covid mentionnée par Klein peut constituer un modèle utile pour l’analyse de la crise des agriculteurs. Au début de cette crise, les agriculteurs et les travailleurs de l’alimentation furent estimés essentiels, indispensables pour nourrir l’Europe. En fait, « essentiels » signifiait souvent « exploités » : ces personnes étaient fortement exposées au virus, à la fragilité des marchés, et à l’absence de stratégies à long terme pour consolider leur position et leurs moyens de subsistance. Le temps est peut-être venu de traiter les piliers « essentiels » de notre société comme ils le méritent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tracteurs alignés dans le centre de Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des politiques tangibles pour surmonter la polarisation</h2>
<p>Si nous voulons surmonter la polarisation actuelle, il est essentiel que nous adoptions des politiques qui s’attaquent aux causes profondes du problème.</p>
<p>De 2020 à 2023, j’ai dirigé un projet de recherche-action <a href="https://fassfood.eu/">FASS-Food EU</a>, qui a rassemblé des agriculteurs, des consommateurs, des travailleurs, des organisations environnementales et des décideurs politiques de l’UE afin de décortiquer et d’améliorer le système agro-alimentaire européen. L’objectif était de réfléchir collectivement aux obstacles réglementaires et politiques qui empêchent l’UE de bénéficier de chaînes alimentaires équitables, accessibles, durables et courtes (<em>Fair, Accessible, Sustainable and Short</em>, FASS).</p>
<p>La première leçon qui est ressortie de ce projet est qu’il est essentiel de reconnaître que ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui souffrent, mais l’ensemble du système alimentaire : celui-ci se trouve dans un état de crise permanente et nécessite une transformation rapide.</p>
<p>Combien de temps l’UE pourra-t-elle accepter un système qui est à l’origine de <a href="https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/meps-call-for-mental-health-initiative-in-farming/">suicides d’agriculteurs</a>, d’insécurité alimentaire et de régimes alimentaires malsains, de dégradation de l’environnement, de souffrances animales et de conditions de travail précaires ?</p>
<p>Le débat autour d’une <a href="https://foodpolicycoalition.eu/wp-content/uploads/2023/05/SUSTAINABLE-FOOD-SYSTEMS-LAW-Recommendations-for-a-meaningful-transition.pdf">législation-cadre sur les systèmes alimentaires durables</a> a été une première tentative de la Commission européenne d’enrichir la <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">Politique agricole commune</a> avec un texte législatif qui aurait favorisé la transition durable de la production et de la consommation de denrées alimentaires dans l’UE.</p>
<p>Cependant, après des mois de retards et de frictions entre les différentes directions générales, la possibilité d’une discussion systémique sur les systèmes alimentaires a été oubliée dans un tiroir de la <a href="https://commission.europa.eu/about-european-commission/departments-and-executive-agencies/health-and-food-safety_en">DG-Santé</a>. Nous sommes maintenant revenus à la case départ, avec un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_24_417">Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture européenne</a> qui renforce la séparation entre l’agriculture et l’alimentation.</p>
<p>Dans notre projet de recherche, nous avons identifié d’autres possibilités pour trouver un terrain commun, dont certains ont été mentionnés sur la place Luxembourg :</p>
<ul>
<li><p>La révision de la <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/agri-food-supply-chain/unfair-trading-practices_en">directive de 2019 sur les pratiques commerciales déloyales</a> pourrait donner à l’UE et aux États membres la possibilité de sanctionner les grands acteurs commerciaux qui achètent des denrées alimentaires à un prix qui ne garantit pas un salaire décent aux agriculteurs et aux travailleurs.</p></li>
<li><p>Grâce au droit de la concurrence, l’UE et les autorités nationales peuvent briser les oligopoles du commerce et de la distribution. Le droit commercial peut également être utilisé pour repenser les accords commerciaux existants et l’impact de la compétitivité mondiale sur les systèmes alimentaires, tant en Europe que chez ses partenaires commerciaux.</p></li>
<li><p>Les initiatives des gouvernements peuvent aider les citoyens à mieux se nourrir. La <a href="https://www.fian.be/+-Sociale-Voedselzekerheid-+">Sécurité sociale de l’alimentation belge</a> en est un exemple : à partir des recettes fiscales, les administrations publiques émettent des bons alimentaires pour les citoyens, qui peuvent être utilisés pour acheter des denrées alimentaires respectant des normes sociales et environnementales.</p></li>
</ul>
<p>Ces solutions – quelles que soient celles que nous choisirons – n’émergeront pas des dynamiques de marché dominantes à l’heure actuelle ni d’approches purement technologiques. La boîte à outils est grande, mais pour pouvoir l’utiliser, nous devons accepter que la nourriture n’est pas une marchandise comme les autres, et que les protestations des agriculteurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tomaso Ferrando ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les agriculteurs divergent sur les remèdes à apporter à leurs maux, ceux-ci ont une origine commune : l’alimentation ne peut pas être traitée comme une marchandise comme les autres.Tomaso Ferrando, Research Professor of Law, University of AntwerpLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240252024-02-27T16:11:50Z2024-02-27T16:11:50ZLa gestion agroécologique des mauvaises herbes, un levier pour l’agriculture durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576803/original/file-20240220-16-uaxpth.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C6%2C1064%2C758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les herbicides représentent actuellement 54&nbsp;% de la consommation totale de pesticides en Europe.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/nature-paysages/champ-fr/mauvaises-herbes-plante-champ">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les herbicides, dont la consommation – en hausse – devrait atteindre environ <a href="https://www.statista.com/statistics/1403196/global-agricultural-use-of-herbicides-forecast/">2,4 millions de tonnes en 2027</a> dans le monde, représentent actuellement <a href="https://www.statista.com/topics/11803/pesticides-in-europe/">54 % de la consommation totale de pesticides en Europe</a>. Or, la stratégie « <a href="https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en">Farm to Fork</a> », promue au niveau de l’Union européenne (UE) inclut la réduction de l’utilisation des herbicides parmi ses objectifs politiques clés.</p>
<p>Les herbicides peuvent entraîner l’appauvrissement de la biodiversité et en <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/14-1605.1">nuisant aux plantes non ciblées</a>, cruciales pour l’équilibre de divers écosystèmes. La persistance de certains herbicides dans l’environnement peut contribuer à des dommages écologiques à long terme et présenter des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/weed-science/article/abs/seedbank-and-field-emergence-of-weeds-in-glyphosateresistant-cropping-systems-in-the-united-states/8814FD777D92DF0E026BDD6DE79874C4">risques pour la faune</a>.</p>
<p>De plus, leur utilisation entraîne des effets néfastes sur la santé humaine via des résidus dans les aliments et l’eau, <a href="https://www.mdpi.com/1422-0067/23/9/4605">pouvant causer des problèmes allant de réactions allergiques à des problèmes de santé plus graves</a>.</p>
<p>Comment faire pour réduire cette consommation de produits néfastes ? La gestion agroécologique des mauvaises herbes (AWM pour « agroecological weed management ») peut ici constituer ici une réponse. Il s’agit d’une approche qui concentre diverses pratiques agricoles pour lutter efficacement contre les mauvaises herbes en limitant l’usage des herbicides.</p>
<p>Par exemple : le pâturage, le contrôle automatisé des mauvaises herbes, les couverts (qui bénéficient au sol plutôt qu’à la récolte) ou encore la rotation des cultures (l’alternance de différentes cultures dans un champ pour perturber le cycle de croissance des mauvaises herbes).</p>
<p>Le résultat de ces techniques n’est pas seulement une meilleure gestion des mauvaises herbes, mais aussi une amélioration de la durabilité, de la biodiversité et de la santé des sols.</p>
<h2>La force de l’habitude</h2>
<p>Comment expliquer, dès lors, que les agriculteurs restent fortement tributaires des herbicides ? L’explication réside ici notamment dans la force des habitudes. C’est ce dont il ressort d’une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a>. Comme le montre la recherche en sciences comportementales, l’aversion au risque conduit les agriculteurs à <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15258-0_4">craindre des pertes</a> en cas de changement de pratiques. Ce biais, non seulement maintiendrait leur utilisation des herbicides, mais les conduirait aussi à en « surconsommer » 25 % en plus que nécessaire en moyenne !</p>
<p>Une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a> montre cependant que le terrain est propice à un changement d’habitude. S’inspirant de la « théorie du comportement planifié », qui a été appliquée dans de nombreux domaines (y compris le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2023.2210815">comportement de consommation du vin</a>), ce travail par questionnaire a impliqué 330 agriculteurs dans 8 pays (Portugal, Grèce, Chypre, Italie, Espagne, Pays-Bas, Serbie et Lettonie).</p>
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<p>Il en ressort en effet que les agriculteurs connaissent les pratiques de l’AWM et sont prêts à les adopter, ce qui témoigne d’une reconnaissance croissante des avantages et de la durabilité. Un autre résultat significatif de l’enquête révèle la tendance progressive des agriculteurs à réduire l’utilisation d’herbicides, avec 63 % de l’échantillon déclarant leur intention de réduire cet usage à court terme (figure 1).</p>
<p><iframe id="h7V5L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/h7V5L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’enquête met également en lumière les avantages perçus qui motivent l’adoption de l’AWM (figure 2). Les agriculteurs reconnaissent généralement le potentiel de ces pratiques pour l’amélioration de la qualité des sols. Ils sont convaincus que les herbicides représentent un problème critique de nos jours et que l’adoption de ces pratiques est une étape fondamentale pour garantir la sécurité alimentaire.</p>
<p><iframe id="1RYX6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1RYX6/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, un grand nombre d’exploitants estiment que d’autres agriculteurs continueront à utiliser des herbicides sans adopter les pratiques de l’AWM (figure 3).</p>
<p><iframe id="Yv5V9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Yv5V9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En effet, des obstacles perçus à l’adoption de l’AWM demeurent. En premier lieu, les agriculteurs admettent leurs difficultés à modifier leurs habitudes (figure 4). Ils estiment que, si la compréhension des pratiques de l’AWM reste relativement facile, la mise en œuvre s’avère plus compliquée, notamment en raison du manque de main-d’œuvre.</p>
<p><iframe id="JLP1C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JLP1C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans l’ensemble, l’avenir du secteur agricole semble néanmoins de plus en plus orienté vers des pratiques agricoles réduisant l’utilisation d’herbicides. Le développement d’un réseau de gestion agroécologique des mauvaises herbes pourrait ainsi fournir des lignes directrices pour une gestion durable de celles-ci, déployant des pratiques agricoles plus résilientes et plus respectueuses de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un projet de recherche montre que les freins à l’adoption de techniques agricoles moins gourmandes en herbicides sont notamment psychologiques.Lara Agnoli, Associate professor, Burgundy School of Business Efi Vasileiou, Assistant professor at the Economics and Social Science Department, Burgundy School of Business Nikos Georgantzis, Professor, Director of the Wine and Spirits Business Lab, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2233872024-02-25T16:27:23Z2024-02-25T16:27:23ZComment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577081/original/file-20240221-20-u0u13t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C102%2C1537%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne. </span> </figcaption></figure><p>Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">entre le monde rural et le monde urbain</a> et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales--9782348045691-page-864.htm">dévalorisantes de la ruralité</a>.</p>
<p>La France moderne a été construite depuis <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">Paris</a>, <a href="https://www.cairn.info/sociologie-historique-du-politique--9782707196477-page-19.htm">lieu de la puissance politique</a>, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/lantisemitisme-de-laffaire-dreyfus-a-miss-france-en-passant-par-laffaire-epstein">selon Jean Viard</a>.</p>
<p>Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">ville-capitale</a> érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=802211895;r=1;nat=;sol=2;">urbain</a> a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?71;s=802211895;r=2;nat=;sol=0;">paysan</a> a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.</p>
<h2>Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle</h2>
<p>C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm">à partir de la Révolution française</a> à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-constitutionnel-a-deja-pris-des-decisions-plus-politiques-que-juridiques-lexemple-des-langues-dites-regionales-203771">langue « normale » en France</a>. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le <a href="https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2018/01/Claude-Favre-de-Vaugelas.pdf">grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »</p>
</blockquote>
<p>La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81622t.image">Rivarol</a>, est régulièrement reprise dans les discours étatiques <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/10/30/inauguration-de-la-cite-internationale-de-la-langue-francaise-a-villers-cotterets">jusqu’à aujourd’hui</a>, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une <a href="https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/141020/cite-de-la-langue-francaise-villers-cotterets-le-contresens-d-un-mythe-national">cité qui cultive les mythes</a> sur la langue française.</p>
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<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la III<sup>e</sup> République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.</p>
<p>En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-1-page-7.htm">norme de prononciation du français</a> sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».</p>
<h2>Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »</h2>
<p>Quant aux autres <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/langues_de_France.htm">langues de France</a>, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.</p>
<p>Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Frédéric Mistral.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans <a href="http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/page/v12-p184/">l’Encyclopédie</a> (1765) :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3413126b">Dictionnaire de Furetière</a> (1690) précisait :</p>
<blockquote>
<p>« Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »</p>
</blockquote>
<p>À la création de la 1<sup>ere</sup> République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (<a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm">Rapport Barrère</a>, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/gregoire-rapport.htm">Rapport Grégoire</a> (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos. </p>
<p>Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIX<sup>e</sup> siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les <a href="https://hal.science/hal-00879629/document">Bretons</a> ou les <a href="https://www.codhis-sdgd.ch/wp-content/uploads/2020/11/Didactica-6_2020_Piot.pdf">Méridionaux</a>, bien attesté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le rapport de l’Abbé Grégoire.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque <a href="http://www.sociolinguistique.fr/">l’étude scientifique des langues</a> n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.</p>
<p>Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/11/25/le-francais-religion-d-etat-par-bernard-cerquiglini_343309_1819218.html">religion nationale de la langue française</a> accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.</p>
<p>En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le <a href="http://atilf.atilf.fr/">Trésor de la Langue française</a> (CNRS) la décrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »</p>
</blockquote>
<h2>Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre</h2>
<p>Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2018-1-page-55.htm?contenu=article">l’étude de Corentin Roquebert</a>, qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »</p>
</blockquote>
<p>Les préjugés <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-glottophobie-219038">glottophobes</a> contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/10/les-deux-bouts-de-la-langue-par-michel-onfray_1386278_3232.html">sont toujours là</a>. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les <a href="https://francaisdenosregions.com">traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français</a> : mots locaux, expressions, tournures, et <a href="https://www.lexpress.fr/societe/discrimination-a-l-embauche-moqueries-cette-france-allergique-aux-accents-regionaux_2126439.html">surtout accent</a>…</p>
<p>Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Blanchet est membre de la Ligue des Droits de l'Homme.</span></em></p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?Philippe Blanchet, Chair professor, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239472024-02-22T15:52:30Z2024-02-22T15:52:30ZCrise agricole : une réponse politique mal ciblée ?<p>En ce début d’année 2024, les agriculteurs français ont largement manifesté leur mécontentent à l’égard de la <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">Politique agricole commune</a> (PAC) et du Pacte vert européen, perçus comme des politiques de contraintes et de décroissance pesant négativement sur leurs revenus. Leurs griefs ciblaient aussi le gouvernement au double titre de la surtransposition des injections bruxelloises et de l’inefficacité des lois EGalim d’équilibre des relations commerciales agro-alimentaires.</p>
<p>À situation de crise, mesures de crise annoncées par le premier ministre en trois salves les 26, 28 et 30 janvier. Ces <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-ce-quil-faut-retenir-des-nouvelles-annonces-de-gabriel-attal-d023a8be-bf86-11ee-9812-c8f10941541a">annonces</a> comprennent des mesures de simplification et d’affaiblissement des contraintes, notamment environnementales dont la « mise sur arrêt » du Plan EcoPhyto de baisse des utilisations de pesticides. Elles sont associées à des décisions fiscales, dont le maintien de la niche sur le gazole non routier et des aides d’urgence à plusieurs secteurs pour un coût budgétaire de 400 millions d’euros.</p>
<p>Passées les annonces de Gabriel Attal, les principaux syndicats agricoles ont annoncé mettre le <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/l-attente-est-tres-forte-previent-le-president-de-la-fnsea-avant-le-salon-de-l-agriculture-20240219">mouvement sur pause</a>, conditionnant sa reprise à une concrétisation rapide ou non des dispositifs promis. Échéance fixée ? Le salon de l’agriculture qui se tient du 24 février au 3 mars, et qui s'est ouvert avec des affrontements entre agriculteurs et forces de l'ordre. </p>
<p>À quelques jours du salon, le premier ministre avait fait le point sur différents avancements au cours d’une <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/direct-video-colere-des-agriculteurs-suivez-la-conference-de-presse-de-gabriel-attal-9h00-1735092">conférence de presse</a> le 21 février.</p>
<p>Parallèlement, le président de la République obtenait de ses homologues européens des concessions sur <a href="https://www.lepoint.fr/politique/colere-des-agriculteurs-les-annonces-d-emmanuel-macron-apres-le-sommet-a-bruxelles-01-02-2024-2551313_20.php">trois dossiers communautaires</a> : la suspension temporaire du retrait de la production de 4 % des terres arables, le meilleur contrôle des exportations agro-alimentaires ukrainiennes, et la reconnaissance de l’intérêt d’une loi « EGalim like » à l’échelle européenne. Il réaffirmait son opposition à la ratification par la France de l’accord commercial avec le Mercosur en l’état, en désaccord avec plusieurs autres chefs d’état et de gouvernement.</p>
<p>Mais ce n'est clairement pas la fin de l’histoire. </p>
<h2>Une inégale répartition des soutiens</h2>
<p>Commençons par un petit retour en arrière. Sous la pression internationale exercée au sein de l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne a remplacé, à compter du début des années 1990, sa politique de garantie des prix intérieurs à des niveaux supérieurs aux cours mondiaux par une <a href="https://www.quae.com/produit/1790/9782759234950/evolving-the-common-agricultural-policy-for-tomorrow-s-challenges">politique de soutien des revenus agricoles via des aides directes</a> progressivement déconnectées des choix et niveaux des productions. Ce processus dit de découplage est quasiment achevé.</p>
<p>Les aides étant versées à l’hectare, un lien étroit est maintenu entre la taille de l’exploitation, mesurée par sa surface, et le montant d’aides qu’elle perçoit. En moyenne sur les 3 années 2020, 2021 et 2022, une exploitation française du Réseau d’information comptable agricole (échantillon qui exclut les 30 % de micro-exploitations) a reçu <a href="https://theothereconomy.com/fr/fiches/evolution-du-revenu-des-agriculteurs/">13 200 euros d’aides directes si elle comptait moins de 50 hectares</a> contre 82 400 euros pour sa consœur de plus de 200 hectares. Sur les mêmes années, il existait un écart de 1 à 2, de 35 700 à 64 300 euros, entre le revenu courant avant impôt par unité de travail non salariée des petites exploitations par rapport aux grandes (indicateur qui inclut les aides et subventions). L’écart est variable toutefois, plus grand pour certaines productions (de 20 000 à 84 700 euros pour les exploitations spécialisées de grandes cultures céréales et oléo-protéagineux) et moindre pour d’autres en outre autour d’une moyenne bien plus faible (bovins, ovins et caprins).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>La nouvelle PAC en vigueur depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2023 pour cinq ans <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13280-023-01861-0">ne devrait pas modifier la donne</a>. Les mesures annoncées par le premier ministre ne sont donc pas une réponse à la double question des bas revenus de nombreuses petites exploitations et de l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s41130-023-00192-8">inégale répartition des soutiens publics</a> entre exploitations.</p>
<h2>Entre producteurs, industriels et distributeurs</h2>
<p>En France, la première loi EGalim a été adoptée en 2018. Une seconde a suivi en 2021 et une troisième en 2023. Ces lois ont rendu non négociable entre industriels et distributeurs la part du prix du produit final correspondant au coût de la matière première agricole, y compris aujourd’hui pour les produits sous marques de distributeurs. Les exportations et les débouchés de l’alimentation du bétail ne sont toutefois pas concernés.</p>
<p>L’application de ces lois est défaillante. Industriels et distributeurs se renvoient la balle, les premiers reprochant aux seconds de délocaliser hors de nos frontières une partie des négociations via des centrales d’achat basées à l’étranger, les seconds accusant les premiers d’une forte opacité sur les coûts de la matière première agricole et leurs coûts de production de façon plus générale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1754931388837417156"}"></div></p>
<p>Le gouvernement a promis de renforcer les contrôles chez les deux acteurs et d’augmenter les amendes en cas de non-respect. Gabriel Attal l’a réaffirmé en conférence de presse le 21 février :</p>
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<p>« Les fraudeurs doivent être sanctionnés, les contrôles se multiplient et les sanctions seront au rendez-vous. »</p>
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<p>Une mission parlementaire a été lancée et un projet de loi pour renforcer le dispositif est attendu « d’ici l’été ».</p>
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<p>« La construction du prix, ça doit partir d’abord du producteur avec l’industriel, puis ensuite la grande distribution »</p>
</blockquote>
<p>Ceci sera-t-il suffisant ? Outre la question de la traduction pérenne de la promesse en actes, ces annonces ne répondent pas totalement aux griefs dont les deux acteurs s’accusent. Les négociations doivent par ailleurs être totalement transparentes pour qu’il soit possible de développer des analyses indépendantes et fiables de leurs effets.</p>
<h2>Des cercles vertueux qui ne seront pas appliqués</h2>
<p>Il en va de même de la (re)mise à l’agenda de la question de la supposée surtransposition des textes européens sur la base de cas certes avérés mais qui ne font pas toute l’histoire. Il n’est pas possible de démontrer qu’il y a aujourd’hui <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/colere-des-agriculteurs-en-france-on-ne-peut-pas-parler-de-surtransposition-des-normes-europeennes">surtransposition généralisée</a>. En pratique, la colère des agriculteurs porte tout autant sur l’excès de normes, notamment celles relevant du volet environnemental de la PAC. Celui-ci inclut des obligations, via la conditionnalité de l’octroi des aides au respect de certains textes européens et de bonnes conditions agricoles et environnementales.</p>
<p>Il comprend aussi des incitations financières via la compensation des surcoûts liés à l’emploi de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. À ce second titre, la PAC 2023-2027 inclut un nouvel instrument, l’écorégime, doté d’un budget annuel bien supérieur à celui des mesures agri-environnementales et climatiques en place depuis 1992 : en France, il équivaut à 1,6 milliard d’euros contre 260 millions pour les mesures agri-environnementales et climatiques qui néanmoins bénéficient d’une dotation additionnelle de 150 millions euros en 2023.</p>
<p>L’écorégime aurait pu être le vecteur du verdissement de la PAC. Ce ne sera pas le cas puisque la quasi-totalité des agriculteurs français aura accès au paiement de base de l’instrument (46 euros par hectare) <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/11331">sans changer leurs pratiques actuelles</a>, et plus de 80 % auront accès au niveau supérieur (62 euros par hectare) dans les mêmes conditions. Cet accès devrait également être facile dans un grande majorité d’États membres. Dans cette perspective, les réponses françaises à la crise ne font qu’accentuer le signal que l’environnement peut encore attendre.</p>
<p>La transition agroécologique gagnerait à être mise en œuvre par des mesures fiscales visant à modifier les comportements plutôt qu’au moyen d’une croissance des normes que dénoncent les agriculteurs. Il y aurait par ailleurs là un moyen de compenser une large part des impacts négatifs économiques de la transition, en redistribuant de façon découplée aux agriculteurs le <a href="https://hal.science/hal-04318187">produit de ces taxes environnementales</a>. Augmenter les ressources budgétaires allouées au secteur agricole peut aussi se faire via la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13280-023-01861-0">création de marchés environnementaux</a>. Dans cette perspective, la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier et le ciblage des recettes ainsi générées sur le financement de la transition et de la transmission allaient dans le bon sens. Ce mécanisme vertueux ne sera finalement pas appliqué.</p>
<p>Cela vaut aussi pour le Pacte vert, qui vise à développer des systèmes alimentaires sains et durables. Si sa mise en œuvre a des effets positifs sur l’environnement, il aura aussi des <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-023-01019-6">impacts négatifs</a> sur des acteurs des systèmes alimentaires. Y renoncer à ce titre n’est sans doute <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/5-183OFCE.pdf">pas la solution</a> et un accompagnement des « perdants » semble préférable. Notons qu’il n’est pas encore appliqué dans le secteur agro-alimentaire et ne peut donc pas être accusé des maux actuels.</p>
<h2>L’Europe, perdante du commerce international ?</h2>
<p>En ce qui concerne les échanges internationaux, enfin, l’échec du cycle de Doha, reconnu en 2006 par Pascal Lamy alors directeur général de l’OMC, a conduit l’Union à multiplier les accords commerciaux bilatéraux. Si elle a échoué à conclure le partenariat transatlantique avec les États-Unis, elle a signé avec le Canada, Singapour, le Japon ou le Vietnam, sans oublier le Royaume-Uni en 2020 dans le contexte du Brexit. D’autres accords attendent signature ou ratification avec le Mercosur, le Mexique ou la Nouvelle-Zélande. Et des discussions sont en cours avec des pays aussi différents que l’Australie ou la Thaïlande.</p>
<p>Ces accords peuvent être légitimement critiqués au motif qu’ils ne tiennent pas assez compte des aspects sociaux, sanitaires ou environnementaux. À ce jour, ils ont plutôt <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Extra-EU_trade_in_agricultural_goods">bénéficié au secteur agro-alimentaire européen</a> puisque ses exportations ont davantage augmenté que ses importations. Entre 2000 et 2022, les premières sont passées de [69 à 233 milliards d’euros], les secondes de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-04353405/document">70 à 202 milliards d’euros</a>. En outre, ces accords sont loin d’ouvrir à tous les vents le marché communautaire agro-alimentaire. Quand les risques de déstabilisation de ce dernier sont élevés, l’ouverture à des droits de douane nuls ou réduits est limitée à des quantités prédéterminées faisant l’objet d’âpres négociations.</p>
<p>Qu’en-est-il de la France ? Avec 9,4 milliards d’euros, son excédent commercial agro-alimentaire en 2022 a atteint son plus haut niveau depuis 2013. Ce chiffre masque le fait que la balance commerciale agro-alimentaire de notre pays s’améliore avec les pays non-européens et se détériore avec le reste de l’Union. Double évolution qui questionne le positionnement produits et prix de notre pays sans se cacher derrière la seule cause de la surtransposition.</p>
<p>La concurrence des exportations ukrainiennes est une autre affaire car elle résulte d’une libéralisation temporaire des échanges via un règlement incluant la possibilité de rétablir des droits de douane en cas de trop fortes perturbations des marchés communautaires. Les deux priorités semblent ici de fonder de possibles restrictions aux échanges sur une mesure objective des perturbations, secteur par secteur, et de s’assurer que le règlement profite bien aux agriculteurs ukrainiens et non à un nombre réduit d’intermédiaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Guyomard a reçu des financements de la Commission européenne (projets BrightSpace, Step-Up). </span></em></p>Commerce international, transition verte, répartition des subventions, poids de la grande distribution… Le gouvernement répond-il vraiment aux difficultés des agriculteurs ?Hervé Guyomard, Chercheur, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235712024-02-21T11:45:55Z2024-02-21T11:45:55ZPlan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576541/original/file-20240219-30-szydzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d'abord définir de quoi on parle.</span> <span class="attribution"><span class="source">USAID Egypt / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Face aux manifestations des agriculteurs début 2024, le gouvernement français a annoncé une <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/pause-du-plan-ecophyto-cest-une-grave-erreur-pour-la-biodiversite-mais-aussi-pour-les-agriculteurs">« mise à l’arrêt » du plan Ecophyto</a> jusqu’au salon de l’Agriculture fin février. Cette pause devait permettre de revoir les indicateurs utilisés pour évaluer la <a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978">baisse de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques</a> (pesticides appliqués sur les cultures) en France.</p>
<p>Certains indicateurs développés au niveau européen étaient fortement mis en avant avec le soutien de certains syndicats d’agriculteurs. À l’inverse, des organisations de défense de l’environnement et de la santé défendaient l’indicateur NoDU, indicateur actuel du plan Ecophyto. Le gouvernement a finalement tranché le 21 février, avec l'annonce par Gabriel Attal de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/pesticides-lindicateur-de-mesure-conteste-par-les-agriculteurs-est-abandonne-2077724?xtor=CS4-6235">l'abandon du NoDU, au profit de l'indicateur européen HRI-1</a>.</p>
<p>Comment s’y retrouver dans cette jungle d’acronymes ?</p>
<p>En tant que membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto, comité indépendant des pilotes du plan, nous avons notamment pour mission de guider le choix des indicateurs. Dans ce texte, nous souhaitons préciser la nature de ces derniers et en clarifier les enjeux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a>
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<h2>À l’origine des indicateurs, un besoin d’évaluation</h2>
<p>La mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques publiques nécessitent la définition d’indicateurs quantitatifs. Mais pour construire des indicateurs pertinents, il faut faire des choix quant à la nature de ce que l’on mesure, et à la façon dont on le définit.</p>
<p>Du fait de ces choix, les indicateurs, y compris agro-environnementaux, sont par nature <a href="http://www.agro-transfert-rt.org/wp-content/uploads/2016/03/Evaluation-agri-environnementale-et-choix-des-indicateurs.pdf">imparfaits</a>. Une quantification des ventes décrira imparfaitement la toxicité et l’écotoxicité des produits, mais même un indicateur spécifique de la toxicité pose le problème de la définition des écosystèmes et espèces touchées : humains, insectes, faune du sol ou des cours d’eau… tous sont différents par leur exposition, mais surtout par leur sensibilité aux différentes substances actives.</p>
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<p>Face à cette complexité, il est utile de se rappeler qu’un indicateur doit éclairer une décision. Il faut trouver un compromis entre pertinence et accessibilité des données mobilisées pour le calculer.</p>
<h2>Les ventes de produits phytopharmaceutiques en France comme prérequis</h2>
<p>Devant la difficulté de connaître l’utilisation de produits dans les champs, il a été choisi, aux niveaux français comme européen, de mesurer les ventes au niveau des distributeurs, par année civile.</p>
<p>Il faut garder à l’esprit que la quantification des ventes ne permet pas de suivre les pratiques agricoles en temps réel, puisque les produits sont achetés à l’avance et que les agriculteurs adaptent leur utilisation au statut agronomique de leurs parcelles (mauvaises herbes, maladies, infestations par des insectes…).</p>
<p>En France, le suivi des ventes a été rendu possible par la création de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006195230/2021-02-14">redevance pour pollutions diffuses</a> (RPD) en 2008, qui est une taxe payée par les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. Sa mise en œuvre a permis l’enregistrement de toutes les ventes de produits phytopharmaceutiques en France dans une base de données (<a href="https://www.eaufrance.fr/actualites/mise-en-ligne-du-site-bnv-d-tracabilite">BNVD</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-une-taxation-des-terres-agricoles-qui-favorise-leur-artificialisation-216194">En France, une taxation des terres agricoles qui favorise leur artificialisation</a>
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<p>À partir des données de vente, plusieurs indicateurs ont été proposés dans le débat public. Nous les présentons brièvement ci-après.</p>
<h2>La quantité de substance active (QSA)</h2>
<p>La QSA correspond à la masse totale de substances actives dans les produits vendus au cours d’une année civile. Sa simplicité d’utilisation apparente voile un travers majeur : elle cumule des substances ayant des doses d’application par hectare très différentes, ce qui revient à additionner des choux et des carottes.</p>
<p>Par analogie, c’est comme si l’industrie pharmaceutique additionnait les masses de médicaments ayant des posologies radicalement différentes. Or, pour les traitements phytopharmaceutiques, les « posologies » varient fréquemment d’un facteur 1 à 100. Des substances potentiellement très toxiques, mais actives à beaucoup plus faible dose peuvent ainsi se retrouver « masquées » par d’autres substances.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La simplicité d'utilisation de l'indicateur QSA est entachée d'un problème de taille : elle cumule des substances ayant des doses d'application par hectare très différentes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LeitenbergerPhotography</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, les insecticides sont généralement efficaces à très faibles doses. Par conséquent, ces derniers ne représentent que 1,8 % de la QSA moyenne annuelle sur la période 2012-2022, alors qu’ils représentent environ 15 % des traitements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">Les bioinsecticides, miracle ou mirage ?</a>
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<p>Par ailleurs, l’industrie phytopharmaceutique tend à produire des substances de plus en plus légères pour une efficacité donnée. Par conséquent, la QSA peut baisser au cours du temps sans que cela soit lié à une diminution du nombre de traitements, ou à une baisse de toxicité des substances utilisées.</p>
<p>Par exemple, un herbicide en cours d’homologation serait efficace à un gramme par hectare, soit plus de 1000 fois moins que le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/glyphosate-40177">glyphosate</a>, efficace à plus d’un kilogramme à l’hectare. Si cette substance venait à remplacer les herbicides actuels, et notamment le glyphosate, la QSA pourrait baisser soudainement d’un tiers, sans que les pratiques ni leur toxicité potentielle n’aient changé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-et-apres-ou-va-le-droit-des-pesticides-219999">Glyphosate et après : où va le droit des pesticides ?</a>
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<h2>Le nombre de doses unité (NoDU)</h2>
<p>Le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-nodu">NoDU agricole</a> est l’indicateur de référence du plan Ecophyto depuis sa création en 2008. Historiquement, il a été construit par des scientifiques d’INRAE en lien avec les pouvoirs publics pour pallier les faiblesses de la QSA.</p>
<p>Sans rentrer dans les détails, on peut dire qu’il corrige le problème de la grande diversité des doses auxquelles sont utilisées les substances actives, en divisant chaque quantité de substance commercialisée par une dose de référence à l’hectare, appelée « dose unité » (DU).</p>
<p>Le NoDU correspond ainsi au cumul des surfaces (en hectares) qui seraient traitées à ces doses de référence. Cette surface théorique est supérieure à la surface agricole française, puisque les cultures sont généralement traitées plusieurs fois.</p>
<p>Le calcul de la dose unité, complexe et détaillé au paragraphe suivant, s’appuie sur les doses maximales autorisées lors d’un traitement (doses homologuées). Ces doses sont validées par l’Anses sur la base de l’efficacité et de la toxicité et écotoxicité de chaque produit.</p>
<p>Dans le NoDU, les substances appliquées à une dose inférieure à 100 g par hectare sont bien prises en compte : elles représentent la large majorité du NoDU. Dans la QSA au contraire, les quelques substances appliquées à plus de 100 g par hectare représentent la grande majorité de la QSA et invisibilisent les autres substances.</p>
<h2>Le calcul de la dose unité, ou quand le diable est dans les détails</h2>
<p>Bien que les indications données par le NoDU permettent de caractériser l'évolution du recours aux produits phytopharmaceutiques, il pose néanmoins des problèmes, liés notamment à la complexité du calcul des doses unités.</p>
<p>Commençons par préciser que lorsqu’une substance est présente dans plusieurs produits commercialisés, chaque produit va être homologué sur plusieurs cultures et pour différents usages, potentiellement à différentes doses. </p>
<p>La dose unité est définie, de manière complexe mais précise, comme la moyenne des maxima, par culture, des doses homologuées pour une substance une année civile donnée. Cette moyenne est pondérée par la surface relative de chaque culture en France.</p>
<p>Chaque année, le NoDU est calculé avec les doses unités de l'année et les NoDU des années précédentes sont recalculés avec ces doses unités pour éviter que les changements réglementaires affectent les tendances observées. </p>
<p>Le calcul des doses unités, tout à fait justifié du point de vue conceptuel, entraîne en pratique d'importantes difficultés :</p>
<ul>
<li><p>la définition est difficile à comprendre, ce qui en soi est un problème pour un indicateur aussi important ; </p></li>
<li><p>l’utilisation des surfaces de culture implique d’attendre la publication de ces valeurs, ce qui retarde d’autant le calcul du NoDU. Pourtant, tenir compte des surfaces cultivées n’a <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu">qu’un impact très faible sur le résultat obtenu au niveau national</a>. C'est également un frein à la généralisation du calcul à d'autres échelles géographiques ;</p></li>
<li><p>l’utilisation des maxima des doses homologuées <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">augmente la sensibilité du calcul</a> aux évolutions réglementaires, ainsi qu’aux erreurs potentiellement présentes dans les bases de données.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, et malgré les évolutions de surfaces de culture et de réglementation d'une année à l'autre, l’utilisation des doses unités d’une année ou d’une autre ne font varier la valeur du NoDU que de <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">quelques pourcents au niveau national</a>.</p>
<h2>Notre proposition pour simplifier le NoDU</h2>
<p>Pour faciliter la compréhension et le calcul du NoDU, tant au niveau régional qu’européen, nous recommandons de définir la dose unité d'une substance comme la médiane de toutes ses doses homologuées – plutôt que la moyenne des maxima des doses homologuées par culture, pondérée par la surface relative de chaque culture.</p>
<p>Cette modification ne remettrait pas en cause le principe général du NoDU pour caractériser les ventes des produits phytopharmaceutiques en tenant compte des doses homologuées.</p>
<p>Enfin, les variations du NoDU en fonction l’année de calcul des doses unités deviendraient indétectables. De plus, nous avons montré que l’indicateur résultant est <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">extrêmement corrélé au NoDU actuel</a>. De sorte que même si les valeurs absolues sont différentes, les évolutions restent identiques.</p>
<h2>Bilan du plan Ecophyto à l’aune du NoDU</h2>
<p>Depuis 2009, première année de collecte des données de vente, le NoDU a augmenté de 15 à 20 % jusqu’en 2014, puis s’est stabilisé jusqu’en 2017. S'en est suivi deux années exceptionnelles d'augmentation (stockage en 2018) puis de diminution (déstockage en 2019) liées à l'annonce, en 2018, de l'augmentation de la RPD au 1er janvier 2019. Depuis 2020, la valeur du NoDU s'est alors stabilisée à nouveau à un niveau proche de celui de 2009-2012.</p>
<p>Cette dernière baisse pourrait être liée à l’augmentation de la RPD en 2019 mais aussi à des conditions climatiques globalement défavorables aux pathogènes et aux ravageurs ces trois dernières années.</p>
<p>La relative stabilité du NoDU pour l'ensemble des substances entre 2009 et 2022 peut donner une impression d'immobilisme. Cependant, le plan Ecophyto prévoit aussi le calcul du NoDU sur la base plus restreinte des substances identifiées dans le code du travail comme <a href="https://www.anses.fr/fr/content/substances-canc%C3%A9rog%C3%A8nes-mutag%C3%A8nes-et-toxiques-pour-la-reproduction-cmr">cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction</a> (CMR) aux effets avérés ou supposés (CMR1) ou suspectés (CMR2). Ces substances particulièrement toxiques doivent en effet être éliminées en priorité.</p>
<p>Or, le NoDU pour les CMR1, les plus dangereuses, a baissé de 88 % entre 2009 et 2020 (voir graphe ci-dessous), avant <a href="https://agriculture.gouv.fr/une-nouvelle-strategie-nationale-en-construction-sur-les-produits-phytopharmaceutiques">d’approcher 0 % en 2022</a>. Les CMR dans leur ensemble ont vu leur NoDU diminuer de 40 % entre 2009 et 2020. Cette baisse met en évidence les changements importants permis par l’évolution réglementaire d’une part, et par l’adaptation des agriculteurs à ces évolutions d’autre part.</p>
<p>Autrement dit, oui, le NoDU a été utile pour quantifier la limitation de l’usage des produits phytopharmaceutiques dangereux. De plus, et contrairement à ce qui aurait pu arriver, cette élimination des produits les plus dangereux, et potentiellement les plus efficaces, n’a pas entraîné une augmentation des traitements dans leur ensemble.</p>
<p>C'est d'autant plus remarquable que l'interdiction de traitements de semences (par exemple <a href="https://theconversation.com/faut-il-simplement-interdire-les-neonicotino-des-pour-en-sortir-184268">néonicotinoïdes</a> sur colza), non inclus dans le NoDU, a sans doute entraîné l'utilisation de traitements en végétation (par exemple contre les altises à l'automne) qui eux sont comptabilisés dans le NoDU. Il faudrait donc profiter de la réflexion actuelle sur les indicateurs pour intégrer l’ensemble des substances actives utilisées pour les traitements de semences dans le calcul.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<h2>HRI, F2F… Les indicateurs européens</h2>
<p>Au niveau européen, d’autres indicateurs ont été proposés : les <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveau-europeen">HRI-1 et 2 (Harmonized Risk Indicator, prévu par la directive n°2009/128)</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/21/le-parlement-europeen-adopte-a-une-large-majorite-la-strategie-de-la-ferme-a-la-fourchette_6099346_3244.html">F2F-1 et 2</a> (Farm to Fork, prévu dans la stratégie de la Ferme à la Table).</p>
<p>Les indicateurs HRI-1 et F2F-1 sont jumeaux, puisqu’ils ne diffèrent que par l’éventail des substances prises en compte et par les périodes de référence considérées. Tous deux prennent en compte la masse de substances actives, comme le fait la QSA, mais en les pondérant en fonction de leur appartenance à des groupes de « risque » : 1 pour les substances de faible risque, 8 pour les substances autorisées, 16 pour les substances dont l’interdiction est envisagée, et enfin 64 pour les substances interdites.</p>
<p>Ces indicateurs européens sont problématiques pour plusieurs raisons :</p>
<ul>
<li><p>tout d’abord les masses ne sont pas rapportées à des doses d’usage ;</p></li>
<li><p>de surcroît, en France, environ 80 % des substances vendues sont par défaut classées dans le second groupe (substances « autorisées »), ce classement est donc peu discriminant ;</p></li>
<li><p>enfin, les valeurs de pondération utilisées pour le calcul de ces indicateurs sont arbitraires et ne sont étayées par aucun résultat scientifique.</p></li>
</ul>
<h2>Faut-il en finir avec le NoDU ?</h2>
<p>Le NoDU n'est aujourd’hui utilisé qu'en France mais il suffirait de simplifier son calcul, tel que nous le proposons, pour le rendre utilisable à l’échelle européenne.</p>
<p>Les doses maximales autorisées par application peuvent varier entre pays européens, la dose unité pourrait donc correspondre à la médiane de toutes les doses homologuées en Europe. Le calcul serait simple, pertinent et applicable partout en Europe. Cette méthode pourrait aussi être utilisée pour calculer l’évolution des ventes pour chaque groupe de « risque » défini actuellement au niveau européen.</p>
<p>Une autre option acceptable pourrait être que les indicateurs européens soient modifiés pour utiliser, au sein de chaque groupe, un équivalent au NoDU et non une masse totale de substance. C'est fondamentalement ce que l’agence environnementale allemande propose dans son <a href="https://www.umweltbundesamt.de/sites/default/files/medien/11740/publikationen/factsheet_zum_hri1.pdf">rapport de mai 2023</a> bien qu'elle critique aussi les coefficients de pondération du HRI-1.</p>
<p>Par ailleurs, il apparaît difficile d’embrasser la complexité de la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec un unique indicateur. Idéalement, il faudrait que le plan Ecophyto se dote d’un panel d’indicateurs complémentaires permettant de décrire :</p>
<ul>
<li><p>l’intensité de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les services agronomiques rendus par les produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les risques pour la santé humaine ;</p></li>
<li><p>les risques pour la biodiversité.</p></li>
</ul>
<p>Quelles que soient les options choisies, le comité alerte sur la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU. Cet indicateur doit continuer d'une part d'être appliqué à l’ensemble des ventes pour caractériser la quantité totale de traitement et d'autre part d'être appliqué aux substances les plus préoccupantes pour quantifier l’effort d'arrêt des substances les plus dangereuses.</p>
<hr>
<p><em>Pour citer cet article : Barbu Corentin, Aulagnier Alexis, Gallien Marc, Gouy-Boussada Véronique, Labeyrie Baptiste, Le Bellec Fabrice, Maugin Emilie, Ozier-Lafontaine Harry, Richard Freddie-Jeanne, Walker Anne-Sophie, Humbert Laura, Garnault Maxime, Omnès François, Aubertot JN. « Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement », The Conversation, 21 février 2024.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Corentin Barbu est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements de l'ANR et du plan Ecophyto. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexis Aulagnier est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Walker est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Labeyrie est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emilie Maugin est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabrice Le Bellec est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Omnes représente l'OFB au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harry Ozier-Lafontaine est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Aubertot est président du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Gallien est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Garnault est chargé de mission au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Véronique Gouy Boussada est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laura Humbert est chargée de mission pour le Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.Corentin Barbu, Chargé de recherche sur le contrôle des ravageurs et maladies des grandes cultures, InraeAlexis Aulagnier, Chercheur postdoctoral, projet APCLIMPTER au Centre Emile Durkheim, Sciences Po BordeauxAnne-Sophie Walker, Ingénieure de recherche, InraeBaptiste Labeyrie, Ingénieur de recherche en arboriculture, Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes (CTFIL)Emilie Maugin, Ingénieure recherche conseil en horticulture, Astredhor (Institut technique de l’horticulture)Fabrice Le Bellec, Directeur de l'unité de recherche HortSys, CiradFrançois Omnes, Chef du Service Usages et Gestion de la Biodiversité à l'Office français de la biodiversitéFreddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de PoitiersHarry Ozier-Lafontaine, Directeur de Recherche INRAE, InraeJean-Noël Aubertot, Senior research scientist, InraeMarc Gallien, Chargé de prévention de la santé et de la sécurité au travail, DREETS de NormandieMaxime Garnault, Ingénieur de recherche, InraeVéronique Gouy Boussada, Ingénieur de l'Agriculture et de l'Environnement, HDR, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227752024-02-08T17:00:20Z2024-02-08T17:00:20ZAgriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573508/original/file-20240205-23-b5p2m7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C3982%2C3233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L'agriculture de subsistance qui co-existait avec l'agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/de/Julien_Dupr%C3%A9_-_La_Recolte_Des_Foins.jpg">Julien Dupré /Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Le slogan « Notre fin sera votre faim », martelé sur chaque barrage routier depuis le départ de la contestation, témoigne de la crise morale et identitaire que traverse l'agriculture française. Le principe de « souveraineté alimentaire » <a href="https://twitter.com/FNSEA/status/1753158150818000996">se situe au cœur des revendications</a>. Arnaud Rousseau en fait son cheval de bataille depuis son élection à la présidence de la FNSEA en avril 2023. Il demande au gouvernement à ce que cet objectif de souveraineté alimentaire soit <a href="https://www.leparisien.fr/economie/colere-des-agriculteurs-on-veut-du-concret-sinon-on-remettra-le-couvert-assure-le-patron-de-la-fnsea-02-02-2024-VT2FYCEQHNBJBB6DNOETVY2NWA.php">inscrit dans la loi</a>. Pour lui, la souveraineté alimentaire est indissociable d'une agriculture française exportatrice et surtout <a href="https://www.lepoint.fr/politique/arnaud-rousseau-le-discours-de-macron-est-aux-antipodes-de-ce-que-fait-son-administration-13-01-2024-2549625_20.php">compétitive sur les marchés européens et mondiaux</a>.</p>
<p>La notion a pourtant été conçue dans un tout autre sens par le mouvement <a href="https://viacampesina.org/fr/vingt-cinq-ans-de-conviction-et-dengagement-pour-la-souverainete-alimentaire-celebrer-la-diversite-la-resilience-et-notre-volonte-de-transformer-la-societe/">Via Campesina</a>, qui la définit comme </p>
<blockquote>
<p>« le droit des personnes à produire de manière autonome […] en utilisant des ressources locales et par des moyens agroécologiques, principalement pour répondre aux besoins alimentaires locaux de leurs communautés ». </p>
</blockquote>
<p>Or, la centralité de l'acte de production et de la recherche du profit ouvre la voie au productivisme. En reprenant à son compte cette notion, A. Rousseau ne fait donc que rafraîchir la devanture de la vieille boutique agricole sans en modifier le fonds de commerce. Bien qu'il affirme le contraire, le président de la FNSEA défend la logique productiviste, qui est un facteur héréditaire de l'identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p>
<h2>L’invention du paradigme productiviste</h2>
<p>L’agronome <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Lecouteux">Édouard Lecouteux</a> (1819-1893), considéré comme le <a href="https://books.google.fr/books?id=TtcqimtmTPQC&pg=PA31">« père fondateur de l’économie rurale »</a>, est en quelque sorte le concepteur du paradigme productiviste en matière agricole. En 1855, il publie ses <a href="https://books.google.fr/books?id=85Q3AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage"><em>Principes économiques de la culture améliorante</em></a>, guide pour faire de la ferme une « entreprise » capitaliste et l’agriculture une « industrie » moderne.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait d’Édouard Lecouteux, agronome français du XIXᵉ siècle" src="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portrait d’Édouard Lecouteux, agronome français du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Lecouteux#/media/Fichier:%C3%89douard-Michel_Lecouteux.png">Société des agriculteurs de France -- Académie des sciences et lettres de Montpellier, conférence du 15/4/96. Bull. Acad. Sci. et Lettres de Montpellier, tome 27, pp. 117-134</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lecouteux mise sur la concurrence internationale pour encourager les transformations, à une époque où la France applique des tarifs douaniers prohibitifs. L’instauration du libre-échange permettra, selon lui, de réveiller « ces campagnes qui dorment ». Il entend par là mettre fin à l’emprise de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_subsistance">l’économie de subsistance</a>, qui est le modèle agricole dominant depuis des siècles. Néanmoins, une <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2346">agriculture commerciale</a> coexiste séparément avec l’économie de subsistance depuis la fin du XVII<sup>e</sup> siècle. C’est une agriculture spéculative, avec des produits destinés à la vente. Elle renvoie à des activités diverses – céréaliculture, viticulture, élevages, cultures maraîchère et industrielle, etc. – selon les régions. Quoique minoritaire, elle gagne du terrain à mesure que les infrastructures et les villes se développent en France. Lecouteux écrit à raison que l’accroissement des débouchés est le « plus vif stimulant des progrès agricoles » : la hausse des prix incite à produire davantage.</p>
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<p>Dans son livre, Lecouteux s’adresse aussi bien aux promoteurs d’un capitalisme agricole qu’aux propriétaires rentiers, d’origine nobiliaire ou bourgeoise, qui possèdent les fonds pour améliorer leurs terres. À compter des années 1820, ces « agriculteurs » fondent des sociétés d’agriculture et des <a href="https://www.academie-agriculture.fr/sites/default/files/publications/encyclopedie/final_04.01.q11_les_comices_agricoles.pdf">comices agricoles</a>, dans l’objectif d’augmenter leurs revenus et de raffermir leur influence locale. Toutefois, un nombre important de propriétaires fonciers continue à produire du blé par l’intermédiaire de fermiers ou de métayers, car cette culture comporte peu de risques alimentaires et financiers.</p>
<h2>La crise finale de l’économie de subsistance</h2>
<p>L’identité agricole de la France change durant la décennie 1860. À partir de 1860, année de ratification du <a href="https://www.herodote.net/23_janvier_1860-evenement-18600123.php">traité de libre-échange franco-britannique</a>, le gouvernement de Napoléon III négocie une série d’accords comparables avec d’autres États voisins. Il espère pousser l’industrie française à se moderniser et réduire le coût de l’alimentation pour les citadins. Cette <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/un-empire-de-velours--9782348073359.htm">« véritable diplomatie du libre-échange »</a>, selon l’historien David Todd, vise à placer la France au centre du commerce mondial.</p>
<p>Dès le milieu des années 1860, la France constitue le noyau d’un espace européen du libre-échange s’étendant de la Scandinavie à la péninsule ibérique. Le secteur agricole, qui produit plus de 50 % de la richesse nationale, est un atout économique de poids. <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/52838">La France est le premier producteur de blé de la planète à cette époque</a>. Les producteurs de céréales et les propriétaires fonciers croient que l’abaissement des tarifs douaniers leur permettra d’exporter leurs récoltes sur le marché britannique. Sauf que la Grande-Bretagne préfère acheter son blé aux États-Unis en raison de leur histoire commune. En parallèle, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Minoterie">meuniers</a> du sud de la France importent des céréales depuis la Russie. Les consommateurs anglais rechignent à boire du vin français, alors qu’à l’origine les viticulteurs comptent sur eux pour écouler leurs surplus. En 1864-1866, les cours des prix du blé et du vin s’effondrent donc sous l’effet de la surproduction. L’agriculture française entre en « crise ».</p>
<p>Celle-ci affecte principalement les élites de la terre dont les revenus dépendent de l’état des marchés : les viticulteurs, les céréaliers capitalistes du Bassin parisien et les propriétaires rentiers qui, bien organisés, manifestent très vite leur mécontentement.</p>
<p>Les élites monarchistes hostiles à Napoléon III accusent le libre-échange et la concurrence déloyale d’être responsables des « souffrances agricoles ». Ils estiment que les agriculteurs étrangers produisent avec moins de contraintes fiscales et législatives. Beaucoup d’entre eux font partie d’associations agricoles et s’expriment au nom des <a href="https://books.openedition.org/cths/2753">millions de cultivateurs français</a>.</p>
<p>Les paysans ne ressentent pourtant pas vraiment cette crise. Le gouvernement réagit de façon inappropriée et défend à tout prix sa politique. Il exhorte les cultivateurs à réduire leurs emblavures <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/emblavure">(terres ensemencées)</a>, à produire de la viande, à mettre en pratique la logique productiviste.</p>
<p>Les autorités et les libre-échangistes croient que l’économie de subsistance est la source de la crise. Le discours gouvernemental n’est que partiellement audible pour les élites en colère. Elles réclament soit un allègement des charges pour être plus compétitives, soit l’instauration de mesures protectionnistes. Alors que ce « malaise temporaire » met à l’épreuve la capacité de résistance des rentiers et des capitalistes du sol, le débat public concourt à en faire une crise d’adaptation du modèle agricole de subsistance aux lois du marché. La politisation de la contestation conduit Napoléon III à ouvrir une vaste enquête, en 1866, dans le but de rechercher et de remédier aux causes de la crise agricole.</p>
<h2>L’enquête agricole de 1866-1870 : le triomphe du productivisme ?</h2>
<p><a href="https://theses.hal.science/tel-04187197">L’enquête agricole de 1866-1870</a> est la plus grande investigation organisée par un État européen au XIX<sup>e</sup> siècle. Le gouvernement institue des commissions dans chaque département pour auditionner les agriculteurs, mais aussi toutes autres personnes voulant être entendues. Les commissions se composent de notables, c’est-à-dire des nobles ou des bourgeois fortunés et influents auprès des populations rurales. La France des 89 départements est divisée en 28 circonscriptions. Comme il n’existe pas de véritable ministère de l’Agriculture, ce sont des commissaires délégués par le pouvoir et les préfets qui se chargent de superviser l’enquête.</p>
<p>L’administration invite les associations agricoles et les conseils généraux à répondre à un questionnaire de 80 pages.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’établir un tableau complet des campagnes françaises, mais d’inventorier les progrès agricoles réalisés et ceux qui sont encore à effectuer. L’agriculture de subsistance, jugée routinière, n’intéresse pas les enquêteurs, sauf pour la critiquer.</p>
<p>Le gouvernement étend aussi l’enquête à 31 États, répartis sur cinq continents, par l’intermédiaire des diplomates et des consuls. Son objectif est de mener une étude comparative des modèles agricoles étrangers, afin d’évaluer le degré de compétitivité de l’agriculture française. Seul le modèle agricole britannique est valorisé. Les notables ont le monopole de la participation que ce soit en France ou à l’étranger.</p>
<h2>Le premier atlas de la France agricole</h2>
<p>Les renseignements collectés sont imprimés et rassemblés dans une collection de 38 gros volumes, d’environ 20 000 pages. En 1870, ces données servent pour la confection du premier <a href="https://mrsh.unicaen.fr/bibagri2/france-agricole/nomenclature-cartes-agricoles.html"><em>Atlas de la France agricole</em></a> comprenant 45 cartes. Les résultats de l’enquête comprennent les revendications des élites agricoles, mais le pouvoir central qui leur promet des réformes préfère temporiser. En 1867, Lecouteux, devenu rédacteur en chef du Journal d’agriculture pratique, appelle les <a href="https://books.openedition.org/pur/20250">agrariens</a> à former une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_agriculteurs_de_France">Société des agriculteurs de France</a> (SAF).</p>
<p>Ce groupe de pression, toujours en activité, constitue pour la première fois une représentation nationale des agriculteurs. Il donnera une impulsion décisive au syndicalisme agricole sous la III<sup>e</sup> République. Dans l’immédiat, la SAF presse Napoléon III de céder aux revendications formulées dans l’enquête. L’empereur accepte seulement de développer l’enseignement agricole afin de freiner l’exode rural et former professionnellement les <a href="https://theses.hal.science/tel-04187197">fils de paysans</a>. Bien que l’enquête révèle la capacité de résistance de la petite exploitation aux aléas du marché, elle préconise l’arrêt du modèle économique de subsistance.</p>
<p>L’enquête de 1866-1870 annonce ainsi la fin de la coexistence pacifique entre celui-ci et le modèle agricole capitaliste. Cela montre que l’État a joué un rôle essentiel dans la transition entre les deux modèles, tout comme il choisit aujourd’hui de tolérer la cohabitation entre <a href="https://www.inrae.fr/actualites/meilleure-comparaison-entre-agriculture-biologique-conventionnelle">l’agriculture « conventionnelle »</a> et l’agriculture biologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hamon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).Anthony Hamon, Docteur en histoire contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227722024-02-07T15:43:50Z2024-02-07T15:43:50ZLa solitude des agriculteurs : retour sur l’ambivalence d’une notion<p>Ces dernières semaines la France, comme d’autres <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/03/colere-des-agriculteurs-ou-en-sont-les-mobilisations-en-europe_6214619_3234.html">pays européens</a>, a vu émerger une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/visuel/2024/02/02/aux-racines-de-la-crise-l-eprouvant-quotidien-des-agriculteurs_6214412_3234.html">mobilisation massive</a> d’agriculteurs et d’agricultrices. Réunissant des producteurs de filières différentes, une certaine solidarité dans la colère s’est rendue visible.</p>
<p>Dans le même temps, la journée mondiale des solitudes a eu lieu le 23 janvier dernier, se consacrant à la sensibilisation et à la mobilisation contre les solitudes. La solitude comme sentiment (se sentir seul) et comme pratique (être seul) comprend une histoire difficile à situer, ses significations sociales ayant évolué au fil du temps. On pourrait commencer l’entreprise par une tournure souvent proscrite car trop générale : de tout temps, les individus connaissent la solitude. Mais que signifie cette notion pour celles et ceux qui la vivent ?</p>
<p>Étudier le cas des professionnels du monde agricole peut permettre d’illustrer l’ambivalence de la solitude : la notion pouvant être tout à la fois bénéfique pour les professionnels, comme se révéler négative. Nous mêlons ci-dessous des résultats issus de deux terrains différents, au Canada (pour Mélissa Moriceau) et en France (pour Romain Daviere).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">Loin de « l’éternel paysan », la figure très paradoxale de l’agriculteur français</a>
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<h2>Une solitude valorisée</h2>
<p>En pratique, la vie solitaire est restée longtemps interdite en société. L’historien français Georges Minois dans son <a href="https://www.fayard.fr/livre/histoire-de-la-solitude-et-des-solitaires-9782213670669/"><em>Histoire de la solitude et des solitaires</em></a> précise que dans les sociétés du Moyen Âge qui pensent l’individu depuis le collectif : nulle place pour la solitude, sinon comme une sanction à travers l’exclusion ou l’isolement qu’elle engendre.</p>
<p>Mais Georges Minois rapporte aussi que c’est à cette époque que la notion devient synonyme de pratiques spirituelles, faisant découvrir à nouveaux frais son sentiment. Au XIII<sup>e</sup>, à travers la promotion de la lecture silencieuse, il note également le renouveau de la solitude.</p>
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<p>Puis, à l’époque moderne, la notion devient surtout le produit d’un choix : une terminologie <a href="https://www.albin-michel.fr/solitude-volontaire-9782226397171">toujours à l’œuvre en philosophie</a>. Alors d’usage dans des communautés religieuses, philosophiques ou des créateurs, le sens de la solitude se transforme jusqu’à signifier une manière d’être qu’il faut adopter. Avec la retraite choisie, la solitude est l’occasion non seulement de se découvrir soi, mais également de critiquer la société tout en prenant du recul. On comprend alors l’émergence des fameux récits sur la solitude, de <a href="https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/rousseau_reveries_promeneur_solitaire.pdf">Jean-Jacques Rousseau</a> et ses rêveries au philosophe américain <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Imaginaire/Walden-ou-La-vie-dans-les-bois">Henry David Thoreau</a> et son projet politique mobilisateur.</p>
<h2>La naissance d’un mal qui inquiète</h2>
<p>Cependant, la solitude a moins bonne réputation qu’avant, en témoignent les dispositifs récents qui visent à lutter contre elle comme les <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/01/24/au-royaume-uni-une-ministre-de-la-solitude-pour-lutter-contre-l-isolement-social_5246449_3214.html">ministères de la Solitude</a> au Japon et au Royaume-Uni par exemple.</p>
<p>En France, selon le <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr/les-solitudes-en-france/etude-solitudes-2024">dernier rapport de la Fondation de France</a>, 20 % de la population âgée de plus de 15 ans affirme se sentir seule.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait du philosophe Alexis de Toqueville" src="https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573750/original/file-20240206-24-hpior.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alexis de Tocqueville (1805,1859), philosophe auteur d’analyses du système démocratique, ses vertus, ses risques et de ses dynamiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Déjà, en 1849, le philosophe <a href="https://editions.flammarion.com/de-la-democratie-en-amerique-1/9782080703538">Alexis de Tocqueville</a> constate que les âmes sont plus inquiètes chez les peuples des nouvelles démocraties, avec le risque que le développement des sociétés individualistes « ramène sans cesse [l’individu] vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur ». Dans ce contexte, le sentiment de solitude gagne du terrain depuis le siècle dernier.</p>
<p>En sociologie, de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/socsoc/2018-v50-n1-socsoc04838/">nombreux travaux</a> étudient de <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2015-2-page-20.htm">manière inédite</a> ce fléau en le délimitant selon certains groupes sociaux (les personnes âgées, les femmes, celles et ceux qui vivent seuls, entre autres). La difficulté réside dans la compréhension des solitudes modernes, universelles, mais contingentes, selon la position dans l’espace social.</p>
<h2>Le solitude désirée des agriculteurs</h2>
<p>Entre volonté d’autonomie et désir de reconnaissance, l’exemple des agriculteurs bretons et québécois est révélateur des différents sens que peut recouvrir la solitude.</p>
<p>Elle se rapporte parfois à une expérience positive et désirable, notamment lorsqu’elle se lie à l’envie de passer son temps à <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2014-1-page-45.htm">prendre soin des animaux</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Ce que je préfère ? La liberté, être dehors. Les animaux. La nature quoi. Quand je dis dehors, c’est la nature. Personne sur mon dos. Juste moi et mes vaches. Je suis pas solitaire, mais faut prévenir si tu veux venir me voir. J’aime être seule » déclare Irène, 60 ans, éleveuse laitière en Bretagne quand on l’interroge sur son métier.</p>
</blockquote>
<p>Les entrées dans la profession d’agriculteur sont souvent justifiées par cette quête d’autonomie : « être son propre patron », « prendre seul ses décisions », « être indépendant », « être libre » constituent de puissants attraits de la profession permettant de (re)définir, pour soi, ses conditions de travail.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BbqdGmJPs7Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Agriculture en Europe : la colère est dans les prés (Arte Europe l’Hebdo).</span></figcaption>
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<p>Ce désir revendiqué d’autonomie, à la fois hiérarchique (mais aussi souvent alimentaire, voire énergétique), n’est pourtant pas synonyme d’autarcie. Loin d’être des ermites modernes, les producteurs agricoles cherchent à s’intégrer dans les communautés locales, que ce soit avec le voisinage ou la municipalité (au Québec comme en France) ou à travers l’installation à plusieurs, comme chez les agriculteurs français qui s’installent souvent <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/famille-travail-et-agriculture-9782402465502_9782402465502_1.html">à l’aide d’un parent</a>. Au-delà des ressources qui deviennent accessibles (prêts de matériels, transmission des savoirs, entraide, etc.), l’effort vise à lutter contre le risque de l’expérience déplaisante de la solitude au travail.</p>
<blockquote>
<p>« Tu fais tes récoltes le matin, tu n’as pas dit un mot à personne, et là le soir arrive, et je me demande si j’ai dit un mot à voix haute dans la journée » témoigne Claudia, 47 ans, ancienne gestionnaire de bibliothèque devenue productrice de fleurs comestibles au Québec.</p>
<p>« Je trais le lait seul. Le midi, des fois, je suis tout seul à manger. Ce n’est pas drôle. Même le soir de Noël, il faut traire. Tu quittes le repas de famille pour aller traire tes vaches. Tu n’as pas de vie. » Octave, 46 ans, éleveur laitier en Bretagne.</p>
</blockquote>
<p>Expérience tantôt positive et valorisée, tantôt synonyme de souffrance au travail : la solitude expose déjà son ambivalence. Le sentiment d’isolement s’installant, celui-ci peut se conjuguer avec celui du manque de reconnaissance sociale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753725650056237208"}"></div></p>
<h2>Un besoin de reconnaissance</h2>
<p>Les <a href="https://www.ifop.com/publication/le-barometre-dimage-des-agriculteurs-vague-19/">Français soutiennent majoritairement les professionnels</a> mais l’impression d’être mal jugé persiste, les agriculteurs et les agricultrices appuyant souvent la déconnexion qui réside entre eux et les autres travailleurs. Cette situation s’exprime par exemple depuis un décalage entre un sentiment d’auto-exploitation des agriculteurs pour produire à des prix accessibles et la dévaluation de la valeur des produits et, par extension, du travail de certains producteurs (comme celles et ceux en agriculture biologiques par exemple) :</p>
<blockquote>
<p>« Les agriculteurs s’exploitent beaucoup. On porte un espèce de fardeau. On travaille comme des dingues pour un salaire de crève-faim pour essayer d’offrir des produits le moins cher possible à des gens qui ne reconnaissent pas vraiment la valeur des produits qu’on leur offre. » (Anthony, 27 ans, ancien étudiant en communication maintenant producteur de fleurs au Québec)</p>
</blockquote>
<p>Or, en milieu agricole, le sentiment de reconnaissance évoqué constitue une source de rétribution majeure et un puissant facteur d’engagement au travail. Chez les agriculteurs, la reconnaissance participe à compenser les aléas et certains aspects négatifs du métier tels que l’isolement, la surcharge de travail, le stress, etc. <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-04477-003">La reconnaissance au travail</a> vient en effet rééquilibrer les efforts, les engagements et les sacrifices donnés dans le travail. C’est aussi ce que souligne la sociologue <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2005-2-page-311.htm">Catherine Négroni</a> : la souffrance n’est plus vaine lorsque les efforts et les doutes sont reconnus, laissant alors la place aux solitudes positives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’exemple des agriculteurs est révélateur des différents sens que peut recouvrir la solitude, parfois subie mais aussi recherchée car synonyme d'autonomie.Romain Daviere, Doctorant en sociologie, Sorbonne UniversitéMelissa Moriceau, Docteure en sociologie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227802024-02-06T14:39:21Z2024-02-06T14:39:21ZLes producteurs, principaux perdants de la répartition des gains de productivité de l’agriculture depuis 1959<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573407/original/file-20240205-15-nmkpfw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C26%2C1985%2C1353&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestations d’agriculteurs à Agen (Lot-et-Garonne), le mercredi 24&nbsp;janvier.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Agriculteurs_bloquant_l%27autoroute_%C3%A0_Agen,_24_janvier_2024_%282%29.jpg">Wikimedia commons/Raymond Trencavel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise actuelle du <a href="https://theconversation.com/topics/agriculture-20572">secteur agricole</a> et l’inflation récente qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, en particulier pour les produits alimentaires, doivent être replacées dans une perspective historique de long terme pour mieux comprendre une réalité plus complexe : la manière dont les gains de <a href="https://theconversation.com/topics/productivite-37011">productivité</a> dans l’agriculture sont répartis entre les diverses parties prenantes.</p>
<p>Des gains annuels de productivité globale apparaissent lorsque l’ensemble des productions augmente plus rapidement que l’ensemble des volumes des coûts. Ils représentent une création de valeur supplémentaire. Par le jeu des mouvements de prix, celle-ci se distribue entre les producteurs, les fournisseurs, l’État, les propriétaires fonciers et les clients qui achètent les produits agricoles (industrie agroalimentaire, grande distribution, consommateur final).</p>
<p>Notre récente <a href="https://www.sfer.asso.fr/source/jrss2023/articles/C13_59_Boussemart_Kahindo_Parvulescu_L%E2%80%99impact%20de%20l%E2%80%99inflation%20dans%20la%20distribution%20des%20gains%20de%20productivit%C3%A9%20de%20l%E2%80%99agriculture%20fran%C3%A7aise.pdf">étude</a> reprend les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6675413?sommaire=6675425&q=comptes+de+l+agriculture+en+2022">données</a> de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur l’agriculture française de 1959 à 2022 pour révéler des tendances de fond très significatives dans la distribution de ces gains, qui restent globalement défavorables aux agriculteurs.</p>
<h2>Une valeur créée inégalement répartie</h2>
<p>Nous constatons une croissance moyenne annuelle de 1,26 % des gains de productivité dans l’agriculture française. Cette tendance a connu une accélération notable entre 1959 et 2009 (1,45 %), avant de ralentir sensiblement (0,22 %).</p>
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<p>L’évolution a suivi plusieurs étapes distinctes : d’abord une augmentation plus rapide de la production par rapport aux coûts (1959-1979), ensuite un développement continu de la production associé à un décrochage des coûts, et enfin, depuis 2004, une stabilisation de la production.</p>
<p><iframe id="leNQS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/leNQS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au cours des soixante dernières années, ces gains de productivité ont participé pour 70 % à la création de valeur du secteur auxquels il faut ajouter les apports des partenaires ayant subi des évolutions de prix défavorables comme les fournisseurs de consommations intermédiaires (15 %), l’État par le jeu des taxes et des subventions (11 %) et les propriétaires fonciers (4 %).</p>
<p><iframe id="ZSInX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZSInX/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, la valeur créée n’est pas uniformément répartie entre les parties prenantes. Ainsi, les clients se trouvent en tête des bénéficiaires, captant 51 % de la valeur créée, suivis par les agriculteurs (39 %). Les salariés et les fournisseurs d’équipement récoltent une part moindre, respectivement 8 % et 2 %.</p>
<p><iframe id="mGN3B" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mGN3B/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le partage de la valeur créée dans le secteur agricole français est fortement influencé par une baisse soutenue des prix réels à la production. De 1959 à 2009, cette baisse a atteint un rythme annuel moyen impressionnant de -3,3 %. Pour mettre cela en perspective, cela signifie que les prix agricoles ont été divisés par deux tous les 20 ans !</p>
<p>Cependant, cette diminution n’a été que partiellement répercutée sur les consommateurs. Durant la même période, les prix des produits agricoles et alimentaires vendus aux consommateurs finaux n’ont baissé qu’à un rythme annuel moyen de -0,4 %.</p>
<h2>Dynamiques spécifiques</h2>
<p>Depuis 2009, une inversion de cette tendance a été observée pour les prix à la production agricole, avec une augmentation moyenne de 1,1 % par an. Cette tendance s’est même accélérée au cours des deux dernières années, 2021 et 2022, avec une hausse remarquable de 11 %. Cette évolution a permis aux agriculteurs de retrouver des niveaux de prix similaires à ceux du début des années 1990 mais loin encore du niveau affiché au début de la période d'étude.</p>
<p><iframe id="Rphls" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Rphls/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien sûr, des dynamiques spécifiques existent entre les différentes branches de production agricole, telles que les céréales, les élevages laitiers, les producteurs de viande, la viticulture, les fruits et légumes. Toutefois, en considérant l’agriculture française dans son ensemble, il apparaît donc un déséquilibre notable : malgré des avancées significatives en termes de productivité, les exploitants agricoles ne profitent pas pleinement des avantages de leur labeur.</p>
<h2>Fluctuations conjoncturelles aiguës</h2>
<p>Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre l’évolution du revenu réel des agriculteurs français par rapport à celui de l’ensemble des salariés du pays. À long terme, les tendances sont remarquablement similaires, avec une croissance annuelle moyenne de 1,55 % pour les agriculteurs travaillant dans des exploitations familiales, comparée à 1,54 % pour l’ensemble des salariés français.</p>
<p>Néanmoins, les agriculteurs sont soumis à des fluctuations conjoncturelles aiguës dues à divers facteurs tels que les conditions climatiques et les instabilités des marchés. Ces variations entraînent une évolution très irrégulière de leur revenu. En conséquence, sur des périodes de court à moyen terme, les agriculteurs font face à une forte incertitude et à des difficultés significatives en termes de pouvoir d’achat.</p>
<p><iframe id="LQ22h" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LQ22h/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La comparaison du revenu réel des exploitants agricoles familiaux avec celui de l’ensemble des salariés français ne reflète pas convenablement les différences dans les dynamiques de productivité de travail de ces deux groupes. Depuis 1960, la productivité du travail dans le secteur agricole a connu une augmentation exponentielle impressionnante de 4,15 % par an, surpassant nettement la croissance de 1,8 % enregistrée pour l’économie française dans son ensemble.</p>
<h2>La responsabilité des consommateurs</h2>
<p>Ces taux de croissance impliquent que la valeur ajoutée par actif agricole a plus que doublé en moins de 18 ans, tandis que pour la moyenne nationale, un tel doublement de la productivité du travail prend environ 38 ans. Cette distinction souligne la progression rapide de l’efficacité dans le secteur agricole par rapport à l’ensemble de l’économie.</p>
<p><iframe id="28K98" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/28K98/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est donc impératif de repenser la structure du secteur pour garantir une distribution plus juste des gains de productivité, particulièrement entre les exploitants agricoles et leurs clients principaux, à savoir l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui n’ont pas significativement répercuté ces avantages par des baisses de prix aux consommateurs.</p>
<p>Par ailleurs, il est important de souligner la responsabilité des consommateurs qui doivent être prêts à payer un prix juste pour des produits alimentaires de qualité et respectueux de l’environnement. Ce constat appelle à une transformation significative des dynamiques de négociation au sein de la filière agroalimentaire, pour veiller à un avenir plus juste et soutenable pour les agriculteurs, qui sont au cœur de notre système alimentaire.</p>
<p>Une telle réforme est non seulement vitale pour les agriculteurs, mais également bénéfique pour l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire, en assurant une plus grande équité et transparence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Boussemart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La perspective historique montre que les exploitants agricoles n’ont pas profité pleinement des avantages de leur labeur.Jean-Philippe Boussemart, Professeur émérite à l’Université de Lille, Membre du LEM (Lille Économie Mangement, UMR CNRS 9221), Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France, professeur d’économie, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223302024-02-05T15:15:57Z2024-02-05T15:15:57ZPesticides : vers une meilleure reconnaissance des effets sur la santé des enfants d’agriculteurs<p>Le 1<sup>er</sup> février dernier, pour répondre à la colère des agriculteurs, Gabriel Attal, le premier ministre, a pris un certain nombre de <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/produire-et-proteger-des-nouvelles-mesures-pour-lagriculture-francaise">mesures</a>, parmi lesquelles la « mise à l’arrêt » du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plan Écophyto</a>. Pour rappel, ce plan avait pour but de réduire progressivement de 50 % l’utilisation des pesticides sur le territoire français, d’ici à 2025.</p>
<h2>Suspension du plan Écophyto, à rebours des engagements de l’État</h2>
<p>Cette annonce s’inscrit à rebours des engagements pris par l’État, des objectifs du plan Écophyto et des attentes de la population. « La réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques (<em>c’est-à-dire les pesticides dans le langage courant, ndlr</em>) constitue une attente citoyenne forte et une nécessité pour préserver notre santé et la biodiversité », peut-on ainsi lire sur la <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">page dédiée du ministère de l’agriculture</a>.</p>
<p>Les organisations non gouvernementales (ONG) de défense de l’environnement déplorent, de leur côté, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/01/la-suspension-du-plan-ecophyto-un-signal-desastreux-selon-les-ong-de-defense-de-l-environnement_6214293_3244.html">« le signal désastreux »</a> envoyé par la suspension du plan Écophyto?</p>
<p>Nombre d’ONG et d’associations militent, en particulier, pour la reconnaissance des effets sanitaires liés à l’exposition aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> chez les agriculteurs et au sein de leurs familles.</p>
<p>C’est le cas, par exemple, du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest. Le 4 décembre 2023, à Rennes, l’association organisait une <a href="https://victimepesticide-ouest.ecosolidaire.fr/vers-une-reconnaissance-des-tumeurs-cerebrales-comme-maladie-professionnelle-liee-aux-pesticides/">conférence de presse</a> pour demander la création d’un nouveau <a href="https://www.inrs.fr/publications/bdd/mp.html">tableau des maladies professionnelles</a> spécifique aux tumeurs cérébrales dont le risque serait accru par l’exposition aux pesticides.</p>
<p>Ce tableau s’appuierait notamment sur l’expertise scientifique collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) <a href="https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/">« Pesticides et santé, nouvelles données »</a> rendue en 2021.</p>
<h2>Présomption de lien entre tumeurs au cerveau et exposition aux pesticides</h2>
<p>Par rapport à son précédent rapport sur le sujet qui datait de 2013, l’Inserm a fait passer de « faible » à « moyen » la <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-06/inserm-expertisecollective-pesticides2021-synthese.pdf#page=72">« présomption d’un lien entre exposition aux pesticides et de tumeurs du système nerveux central »</a> pour les populations agricoles. Cela concerne deux catégories de tumeurs du cerveau en particulier : les <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Tumeurs-du-cerveau/Les-tumeurs-du-cerveau/Types-de-tumeurs">gliomes et les méningiomes</a>.</p>
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<p>En épidémiologie, la « présomption d’un lien » signifie qu’on observe une association entre un facteur particulier – ici, une exposition aux pesticides – et un effet sur la santé – ici, la survenue de tumeurs du cerveau.</p>
<p>Néanmoins, il convient de préciser que la présomption d’un lien ne constitue pas une preuve définitive de causalité. On parle de « présomption de lien moyenne » quand il existe au moins une étude de bonne qualité qui montre une association statistiquement significative.</p>
<p>La demande du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest a pour objectif de faciliter l’obtention d’une réparation financière pour les personnes ayant été exposées, du fait de leur travail, à des pesticides et qui ont développé une pathologie de ce type.</p>
<h2>Un long parcours pour obtenir une reconnaissance et une réparation</h2>
<p>De nombreux rapports publics ou travaux de sciences sociales décrivent les obstacles auxquels doivent faire face les victimes du travail pour obtenir une telle réparation. Nous avons récemment publié un livre intitulé <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100424380">« L’agriculture empoisonnée, le combat des victimes des pesticides »</a> (aux éditions des Presses de Sciences Po), dans lequel nous analysons en particulier les difficultés que rencontrent les travailleuses et travailleurs agricoles exposés aux pesticides.</p>
<p>Ils ne connaissent pas toujours leurs droits et sont confrontés à des professions médicales souvent mal formées aux enjeux médico-administratifs des maladies professionnelles. De plus, il peut être compliqué pour eux de se revendiquer victimes de produits qu’ils ont volontairement utilisés en tant qu’exploitants et chefs d’entreprises, même sous l’incitation de nombre d’organismes agricoles.</p>
<p>Leurs parcours de reconnaissance est un long combat qui bénéficie du soutien de leurs familles, de journalistes, d’avocats et d’associations environnementales ou de victimes (le Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, <a href="https://www.phyto-victimes.fr/">Phyto-victimes</a> notamment).</p>
<p>S’il est difficile d’obtenir une réparation pour des victimes d’expositions toxiques professionnelles, cela est quasiment impossible pour les victimes d’expositions environnementales.</p>
<p>En effet, les maladies environnementales sont souvent multifactorielles, à délai de latence long. Et comme il n’existe pas de système de réparation basé sur la présomption d’origine comme pour les maladies professionnelles, les victimes doivent engager des procédures juridiques civiles où les exigences de preuves de causalité qui leur sont demandées sont insurmontables.</p>
<h2>Une première avancée avec le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides</h2>
<p>Les données scientifiques mettant en cause le rôle des pesticides dans l’apparition de certaines maladies chez l’adulte mais aussi <a href="https://presse.inserm.fr/une-etude-de-linserm-sinteresse-au-lien-entre-le-risque-de-leucemie-pediatrique-et-le-fait-dhabiter-a-proximite-de-vignes/67576/">chez l’enfant</a> sont de plus en plus nombreuses.</p>
<p>Face à ce constat, les autorités ont décidé en 2020 la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b1597_rapport-fond">création</a> d’un <a href="https://fonds-indemnisation-pesticides.fr/">Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides</a> (FIVP).</p>
<p>La principale innovation de ce fonds est d’ouvrir la possibilité d’une indemnisation facilitée pour les enfants atteints d’une pathologie parce qu’au moins un de leurs parents a été exposé aux pesticides en raison de son activité professionnelle. On parle d’ <a href="https://fonds-indemnisation-pesticides.fr/le-fonds-dindemnisation/">« enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale »</a> parce que l’exposition du père ou de la mère pourrait être associée à un risque accru de maladie de l’enfant.</p>
<p>La présomption d’un lien entre ces expositions et une augmentation de risque existe pour les <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-06/inserm-expertisecollective-pesticides2021-synthese.pdf#page=72">tumeurs cérébrales</a> et pour les <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-06/inserm-expertisecollective-pesticides2021-resume.pdf">leucémies</a>. Les experts du Fonds considèrent également que les <a href="https://www.chu-poitiers.fr/specialites/chirurgie-pediatrique/fentes-labiales-palatines-et-labiopalatines/">fentes labio-palatines</a> et les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160412018302022">hypospadias</a> (les <a href="https://www.chu-nantes.fr/hypospadias">hypospadias</a> sont des anomalies génitales qui touchent les garçons) font partie des maladies pour lesquelles une présomption de lien existe.</p>
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<p>La création du FIVP est une véritable avancée dans l’ouverture des droits pour les victimes d’expositions environnementales. Cependant, comme le montrent les travaux en sciences sociales sur les <a href="https://hal.science/hal-03287005">victimes du travail</a> et plus largement sur les <a href="https://booksandideas.net/IMG/pdf/20100601_warin.pdf">droits sociaux</a>, il ne suffit pas que des droits soient ouverts pour qu’ils soient saisis et activés par leurs bénéficiaires potentiels.</p>
<p>Entre 2021 et 2022, le Fonds n’a ainsi reçu que douze demandes d’indemnisation pour des pathologies pédiatriques d’enfants exposés durant la période prénatale. (Précisément, son rapport d’activité 2021 fait état de <a href="https://fonds-indemnisation-pesticides.fr/wp-content/uploads/2022/10/Rappoct-dactivite-2021-FIVP.pdf#page=4">sept premières demandes</a>. Selon le <a href="https://fonds-indemnisation-pesticides.fr/wp-content/uploads/2023/08/Rapport-activite-FIVP-2022-12261.pdf#page=7">rapport 2022</a>, trois dossiers d’enfants ont été traités dans l’année et cinq nouveaux dossiers sont parvenus en 2022).</p>
<p>Pour les familles, les obstacles pour faire reconnaître la maladie de leur enfant et son origine sont très nombreux. De plus, les pathologies pédiatriques lourdes déclenchent souvent un besoin de comprendre l’origine du mal – « pourquoi moi ? pourquoi mon enfant ? » – Les parents font face à des savoirs épars et loin d’être maîtrisés par l’ensemble des pédiatres.</p>
<p>Surtout, les parents peuvent hésiter à explorer plus avant cette question de la causalité du fait des enjeux de responsabilité morale qu’elle soulève : pour un parent, incriminer sa propre exposition toxique comme cause de la maladie de son enfant peut entraîner un sentiment fort de culpabilité.</p>
<h2>Au CHU d’Amiens, une première consultation pour les familles concernées</h2>
<p>Pour aider les familles concernées par ces enjeux médico-administratifs, scientifiques et moraux, le <a href="https://www.chu-amiens.fr/patients-et-visiteurs/services-et-contacts/medecine/centre-regional-pathologies-professionnelles-environnementales-crppe-amiens/">Centre régional de pathologies professionnelles et environnementales des Hauts-de-France (CRPPE HDF) du Centre Hospitalo-Universitaire Amiens Picardie</a> a mis en place une consultation dédiée en octobre 2023.</p>
<p>Les <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_mig_f10_crppe.pdf">CRPPE</a> sont des structures hospitalières expertes dans l’évaluation des expositions environnementales et professionnelles et l’établissement de leur imputabilité dans la genèse des maladies. En d’autres termes, les spécialistes tentent d’établir si l’exposition à certaines substances présentes dans l’environnement de vie des patients a pu augmenter le risque de survenue de leur maladie.</p>
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<p>La consultation du CRPPE HDF – site d’Amiens repose sur un dispositif de repérage et d’accompagnement des familles dont un enfant est atteint d’une des pathologies susceptibles d’ouvrir droit à une réparation via le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides.</p>
<p>Cela implique une collaboration avec les praticiens spécialisés en chirurgie et oncologie pédiatrique du CHU d’Amiens de manière à identifier les familles concernées. Ces dernières ont accès à une consultation durant laquelle le responsable du CRPPE évalue les expositions professionnelles et environnementales des parents, et émet un avis expert consultatif sur l’imputabilité de celles-ci dans la genèse de la pathologie de leur enfant.</p>
<p>L’accent est mis sur les multiples facteurs à l’origine de la maladie, parmi lesquels l’exposition aux pesticides peut, ou non, avoir joué un rôle. Le cas échéant, le responsable du CRPPE présente les possibilités de réparation et aide la famille à constituer son dossier médico-administratif.</p>
<h2>Affranchir les parents du sentiment de culpabilité</h2>
<p>La consultation est aussi le moyen d’aider les familles à s’affranchir du sentiment de culpabilité qui les habite, en insistant sur la responsabilité collective de notre société dans l’utilisation des pesticides qui a été reconnue par la création du Fonds.</p>
<p>Cette consultation est également l’occasion d’expliquer aux familles les grands principes de la prévention du risque chimique. Le responsable insiste aussi sur le fait que supprimer ou contrôler collectivement le danger – en l’occurrence les pesticides à risque – est, de très loin, bien plus efficace que modifier les équipements de protection ou les comportements individuels.</p>
<p>Première de son genre en France, on peut espérer que cette consultation fera des émules dans d’autres régions grâce au CRPPE, et contribuera, comme d’autres dispositifs (par exemple <a href="https://stopauxcancersdenosenfants.fr/institut-citoyen-de-recherche-et-de-prevention-en-sante-environnementale/">l’Institut citoyen de recherche et de prévention en santé environnementale</a>) à une meilleure reconnaissance des dégâts induits par les pesticides sur la santé des humains et, en particulier, celle des enfants.</p>
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<p>Pour l’heure, ce type de consultation reste centré sur les cas d’expositions périnatales professionnelles, faute de dispositifs d’indemnisation prévus pour d’autres expositions périnatales potentiellement favorisées par l’utilisation de pesticides, par exemple pour des foyers qui vivent à proximité de cultures sur lesquelles ces produits sont épandus.</p>
<p>Les (rares) données épidémiologiques sur les effets de ces expositions sur la santé des enfants, <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-06/inserm-expertisecollective-pesticides2021-resume.pdf">citées notamment dans le rapport de l’Inserm</a>, incitent à ne pas écarter ces pathologies de la réflexion sur la prise en charge collective des dégâts causés par le recours massif à la chimie de synthèse en agriculture. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique et d’équité entre les victimes des pesticides.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Giovanni Prete a reçu des financements de l'Anses (APR EST) et du Labex Tepsis. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elodie Haraux, Jean-Noël Jouzel et Sylvain Chamot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un enfant peut être atteint d’une pathologie parce qu’un de ses parents a été exposé aux pesticides dans un cadre professionnel. Obtenir une reconnaissance et une réparation est un long parcours.Giovanni Prete, Maître de conférence en sociologie, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux et Lisis (délégation Inrae), Université Sorbonne Paris NordElodie Haraux, Service de chirurgie de l'enfant, CHU Amiens Picardie Laboratoire Peritox UMI-01, CURS Université Jules Verne Picardie, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Jean-Noël Jouzel, Chercheur CNRS, sociologie, science politique, Sciences Po Sylvain Chamot, MD, PhD student Péritox (UMR_I 01) ; UPJV/INERIS , Université de Picardie Jules Vernes & CHU Amiens Picardie, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224382024-01-31T17:17:30Z2024-01-31T17:17:30ZLa FNSEA, syndicat radical ? Derrière le mal-être des agriculteurs, des tensions plus profondes<p>Le mouvement des agriculteurs français de 2023-2024 est singulier par son ampleur et par la radicalité de ses actions. Un « siège » de Paris par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et Jeunes Agriculteurs (JA), sa branche jeunes, voire des blocages des marchés de gros appelés par la Coordination rurale (CR), la Confédération paysanne (CP) et envisagés par les JA d’Île-de-France, sont des mises en scène qui empruntent au registre militaire, ce qui est inédit à cette échelle.</p>
<p>On peut également s’étonner de cette radicalité affichée, de la part de la FNSEA et des JA qui sont associées depuis des dizaines d’années par l’État à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, et qui disposent de capacités importantes de lobbying auprès des responsables politiques et des acteurs économiques. Comment comprendre cette évolution ?</p>
<p>Le discours syndical, assez similaire entre syndicats dans ce mouvement, pointe des facteurs d’insatisfaction extérieurs aux agriculteurs français : l’État, l’Union européenne, la concurrence étrangère, les écologistes, les citadins. Certains commentateurs voient dans ce mouvement une occasion de célébrer une <a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">figure mythifiée du paysan</a> comme incarnation de classes populaires vertueuses, voire de « la France éternelle ». D’autres y lisent une autonomisation de « la base » contre les appareils syndicaux, qui s’inscrirait dans la lignée du mouvement des « gilets jaunes ».</p>
<p>Mais ces analyses passent sous silence les évolutions et tensions internes aux mondes agricoles, qui contribuent pourtant à expliquer comprendre la mobilisation en cours.</p>
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<h2>Une évolution graduelle des formes de mobilisation agricoles</h2>
<p>Si le « blocus de Paris » actuel est une innovation tactique, il trouve ses origines dans l’histoire des actions d’agriculteurs plus que dans d’autres mouvements comme celui des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-118981">« gilets jaunes »</a> – même si ce mouvement peut aussi être source de réflexions et d’emprunts.</p>
<p>La FNSEA et les JA ont l’habitude d’agir de façon sectorielle : ils ne se joignent quasiment jamais à des mouvements d’autres groupes professionnels et n’appellent pas à être rejoints par d’autres. La manifestation est pensée comme un complément à des négociations plus feutrées, techniques, qui occupent la majorité de l’activité syndicale.</p>
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<p>Les manifestations de la FNSEA dans les départements et les régions sont historiquement célèbres pour leurs violences symboliques et matérielles, largement tolérées par les pouvoirs publics. Longue est la liste des dégradations de l’espace urbain, avec des déversements de produits agricoles ou de matière organique (lisier, fumier), ou bien des saccages de bâtiments administratifs.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ePbOom6Nh8U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des agriculteurs déposent du fumier devant la préfecture à Agen le 24 janvier 2024.</span></figcaption>
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<p>Toutefois, sur le long terme, ces actions <a href="https://journals.openedition.org/conflits/209">tendent à devenir moins violentes</a>, et sont progressivement remplacées par des actions symboliques, comme l’étiquetage de produits en supermarché pour dénoncer certaines marques ou provenances.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mouvements-de-contestation-des-agriculteurs-servent-ils-a-quelque-chose-221889">Les mouvements de contestation des agriculteurs servent-ils à quelque chose ?</a>
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<p>Les dirigeants syndicaux visent à <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/11/04/la-fnsea-s-apprete-a-entrer-dans-l-arene_4518105_3234.html">limiter les dégradations et violences</a>. Leurs raisons en sont l’augmentation de la sensibilité de l’opinion publique, la diminution du nombre de militants qui rend les manifestations d’agriculteurs plus faciles à encadrer, et la perception que des actions symboliques peuvent représenter un meilleur rapport coût/efficacité.</p>
<p>Quant aux manifestations nationales organisées à Paris par la FNSEA et JA, elles ont été historiquement pacifiques et symboliques. Citons par exemple la manifestation de <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab8200556601/manifestation-agriculteurs">« cent mille agriculteurs » à Paris en 1982</a>, la couverture des Champs-Élysées par un <a href="https://www.gpmetropole-infos.fr/la-grande-moisson-sur-les-champs-elysees-1990/">grand champ de blé en 1990</a>, un rassemblement à la Concorde en 2014, ou un <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/5562709_001_163/manifestation-des-agriculteurs-a-paris">défilé de tracteurs en 2015</a>.</p>
<p>Les opérations de blocages de routes ou d’institutions publiques à Paris se sont développées depuis une dizaine d’années : blocage d’axes routiers franciliens en 2013, manifestation devant le Conseil d’État en 2015, blocage des Champs-Élysées en 2017…</p>
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<figcaption><span class="caption">L’accès aux Champs-Élysées bloqué le 23 septembre 2017 par des agriculteurs venus protester contre la réglementation liée au glyphosate.</span></figcaption>
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<p>Ces actions étaient à l’initiative de fédérations départementales ou régionales d’Île-de-France, de la FNSEA et des JA, pas des directions nationales. Le fait que le <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/cultivateur-grand-patron-maire-six-choses-a-savoir-sur-arnaud-rousseau-le-puissant-president-de-la-fnsea_6327027.html">président de la FNSEA depuis 2023</a> soit issu d’Île-de-France a possiblement facilité l’adoption de ce mode d’action par la direction nationale.</p>
<p>Mais c’est sans doute aussi le contexte européen, marqué par des mouvements d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/allemagne/allemagne-des-agriculteurs-bloquent-l-acces-a-plusieurs-ports-pour-protester-contre-la-suppression-d-un-avantage-fiscal_6332551.html">agriculteurs en Allemagne</a> avec des files de tracteurs à Berlin, <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/pays-bas-roumanie-allemagne-la-colere-des-agriculteurs-essaime-sur-tout-le-continent-20240121_6K7BRQN4ONGDNNBLTRVYZ6GMG4/">aux Pays-Bas et en Roumanie</a> avec des blocages de grands axes routiers, qui a été une source d’inspiration pour le mouvement français.</p>
<h2>La conjoncture seule n’explique pas tout</h2>
<p>Concernant l’ampleur du mouvement, il serait tentant de l’expliquer par la conjoncture et les revendications des agriculteurs. Les mots des agriculteurs mobilisés expriment des revendications variées, qu’on peut classer en quatre catégories :</p>
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<li><p>reconnaissance sociale,</p></li>
<li><p>administration,</p></li>
<li><p>environnement,</p></li>
<li><p>et économie.</p></li>
</ul>
<p>Si selon chacune de ces dimensions, le contexte peut être difficile, à l’examen, peu de facteurs semblent exceptionnels.</p>
<p>Une première revendication est celle de la reconnaissance sociale, la dignité, la considération. Il est difficile de connaître les sentiments de la population française, tant coexistent d’un côté un attachement symbolique à l’agriculture, et de l’autre la hausse des conflits d’usages des espaces ruraux.</p>
<p>On peut aussi y voir une protestation contre l’effacement de l’agriculture dans les débats politiques. Peut-être que ce mouvement en lui-même, ainsi que l’attention unanime que lui portent le gouvernement, les partis politiques, les médias et la population, est un début de réponse à cette revendication diffuse.</p>
<p>Une deuxième revendication concerne la simplification administrative ainsi que l’accélération des procédures de versement d’aides publiques. Comme beaucoup de groups professionnels, les agriculteurs sont confrontés à la <a href="https://journals.openedition.org/terrain/13836">bureaucratisation du gouvernement de leur travail</a>. Sachant que pour beaucoup d’entre eux, les aides représentent la grande majorité du revenu, on comprend que les délais de paiement ou d’instruction des dossiers soient des sujets particulièrement sensibles.</p>
<p>Les mesures environnementales représentent une troisième cible. Les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/16/pesticides-les-distances-de-securite-autour-des-zones-traitees-jugees-largement-insuffisantes-pour-proteger-les-riverains_6211049_3244.html">zones de sécurité pour la pulvérisation de pesticides</a>, les jachères, les interdictions de produits toxiques, contre lesquelles portent certaines revendications syndicales, existent pourtant depuis des décennies, à des niveaux comparables à aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-et-apres-ou-va-le-droit-des-pesticides-219999">Glyphosate et après : où va le droit des pesticides ?</a>
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<p>Quatrième domaine de revendications : les revenus. Sont mis en avant des facteurs conjoncturels (hausse des charges liée à la guerre en Ukraine, conséquences de maladies animales), des inquiétudes liées à l’organisation des marchés (accords de libre-échange, relations commerciales avec les industriels et la grande distribution) et des difficultés structurelles.</p>
<p>Certes, le coût de production (carburants, engrais, alimentation animale) s’est envolé et n’est que peu redescendu. Les prix des produits agricoles avaient aussi flambé, contribuant à une <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2314/Primeur2023-14_Rica2022.pdf">excellente année 2022</a> ; mais ils sont retombés plus vite que les <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/LetConj2304/Lettre%20de%20conjoncture_T4-%202023.pdf">coûts de production</a>. Concernant le commerce international, l’extension des zones de libre-échange est continue depuis des décennies, et l’accord avec le Mercosur a été négocié en 2019.</p>
<p>Les revenus des agriculteurs sont très variables <a href="https://agriculture.gouv.fr/evolution-du-revenu-agricole-en-france-depuis-30-ans">selon les productions</a> et territoires, certains étant très bien rémunérés de leur travail, d’autres très mal et depuis de nombreuses années, comme les producteurs de viande bovine, de moutons, voire de lait, ou de manière générale les petits exploitants.</p>
<p>Pour expliquer la mobilisation actuelle, il faut mettre tous ces facteurs en regard de la capacité des syndicats agricoles à y répondre.</p>
<h2>La FNSEA toujours dominante mais moins hégémonique</h2>
<p>Or, la FNSEA a démontré son efficacité pour traiter un ensemble des sujets qu’elle priorise. Depuis des années, elle a lutté avec succès contre des mesures environnementales, comme les réductions d’utilisation des pesticides (plans <a href="https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210119_pesticides.pdf">Ecophyto</a>, <a href="https://aoc.media/analyse/2020/09/01/retour-des-neonicotinoides-limpossible-reduction-des-pesticides/">interdictions de molécules</a>), la réduction du cheptel porcin en Bretagne considéré responsable de la production d’<a href="https://journals.openedition.org/etudesrurales/8988">algues vertes</a>, ou le développement des « méga-bassines » de rétention d’eau pour l’irrigation.</p>
<p>Sur le court terme, elle avait anticipé et accompagné le mouvement, obtenant dès la fin d’année 2023 des réductions de taxes sur le carburant ou sur les pollutions dites diffuses, et des mesures techniques du même ordre (réductions de taxes, affaiblissement des contrôles environnementaux) au fil du mouvement.</p>
<p>Plus largement, la FNSEA reste largement le syndicat agricole dominant. Elle est majoritaire en nombre d’adhérents (212000 revendiqués, 50000 pour les JA, contre 10000 à 15000 pour la CR et la CP), en voix aux élections professionnelles (55 % de moyenne nationale avec JA en 2019, contre 20 % à 25 % pour la CR et la CP), en ressources économiques (budget annuel de 20 millions d’euros, contre environ quatre millions d’euros respectivement pour la CR et la CP), en réseaux politiques et en capacités de lobbying. Les syndicats minoritaires gagnent régulièrement les élections professionnelles dans quelques départements, mais manquent de ressources pour pérenniser leur emprise et plus s’institutionnaliser.</p>
<p>Cependant, la FNSEA éprouve des difficultés croissantes à <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">représenter tous les agriculteurs</a>. Si sa base d’adhérents reste importante, elle tend à s’effriter, en perdant les agriculteurs les plus avant-gardistes et qui ont fait sa force.</p>
<p>Ces leaders techniques se sont en effet engagés dans des démarches d’exploitation innovantes, comme la réduction des intrants, la production sous signe de qualité et d’origine, la vente en circuits courts, ou différentes formes de diversification. Ces stratégies leur permettent de capter de la valeur ajoutée en se démarquant, et en profitant du fait que les aides PAC soient attribuées sans lien avec la production depuis les réformes des années 1992 à 2003.</p>
<p>Dans le même temps, la majorité des agriculteurs continuent à produire, selon des techniques dites conventionnelles, des produits de qualité standard vendus à l’industrie agro-alimentaire. La FNSEA tend à plus adopter une posture défensive de ce style d’agriculture et du <em>statu quo</em> pour la distribution des aides PAC sachant que sa base d’adhérents est composée en majorité de ce style d’exploitants.</p>
<p>Elle capte moins les leaders techniques, qui pour une partie d’entre eux s’engagent dans les syndicats minoritaires, mais beaucoup sont également non-encartés. Ils forment ainsi un groupe influent, mais peu aligné ni docile par rapport à la FNSEA.</p>
<p>Également, si le pouvoir à la FNSEA est traditionnellement partagé entre les céréaliers et les éleveurs de bovins, les équilibres internes sont remis en cause au détriment des éleveurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572484/original/file-20240131-29-86e7f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Traditionnellement, le pouvoir à la FNSEA se partage entre les céraliers et les éleveurs de bovins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Duprey/CD78</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Au cours des dernières décennies, les céréaliers ont gagné beaucoup de pouvoir grâce à la structuration du <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/retour-d-avril-a-la-tete-de-la-fnsea.N2128431">groupe Avril</a>, consortium industriel possédé par la branche de la FNSEA spécialisée sur les oléagineux et protéagineux. Cette puissance industrielle leur a permis de conquérir la présidence de la FNSEA pour la première fois depuis les années 1960, en 2010 et à nouveau en 2023.</p>
<p>La FNSEA tend à devenir un atout politique pour Avril, qui se pose en pilote de la « ferme France » et déclare viser structurer l’ensemble des filières végétales et animales, plutôt que l’inverse. Certes, Avril peut jouer un rôle d’instrument de solidification des filières d’élevage, mais depuis 2018 sa stratégie s’est recentrée sur les produits végétaux, revendant une partie de ses industries de transformation animale. Les filières d’élevage bovin sont ainsi affaiblies à la fois économiquement et politiquement dans la FNSEA.</p>
<p>En conclusion, ce mouvement est certes animé par des difficultés conjoncturelles, mais son ampleur et sa radicalité peuvent s’expliquer par une crise de la représentation des agriculteurs. Ces derniers possèdent un poids politique important, qu’il s’agisse des exploitants avant-gardistes, un groupe petit mais influent, ou des éleveurs bovins, un des groupes agricoles les plus nombreux en France.</p>
<p>La réponse aux revendications économiques nécessiterait une vision d’avenir pour solidifier les filières, notamment l’élevage, et garantir qu’elles répondent aux grands <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">enjeux alimentaires</a> et environnementaux. Ce travail prospectif reste à faire. Le moment est aussi une occasion pour les organisations syndicales de démontrer leur capacité à s’y engager.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/222438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hobeika ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour expliquer l'ampleur et la radicalité des manifestations des agriculteurs, il faut comprendre la crise de la représentativité au sein du syndicat dominant de la profession, la FNSEA.Alexandre Hobeika, Chercheur en science politique CIRAD, UMR MoISA, Montpellier, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220662024-01-28T16:09:20Z2024-01-28T16:09:20ZColère des agriculteurs : « Ce qui était cohérent et cohésif est devenu explosif »<p><em>Voici plusieurs mois qu’un mouvement de colère monte dans le monde agricole français. Cela a commencé par des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/13-heures/agriculteurs-en-colere-des-centaines-de-panneaux-retournes_6197664.html">panneaux de villes retournés</a>, censés évoquer un monde qui tourne à l’envers, puis ces dernières semaines, des actions plus traditionnelles ont pris le premier plan médiatique : blocage autoroutier, déversement de fumier, défilé de tracteurs.La composition de ce mouvement inédit, tout comme les causes qui l’ont fait naître, sont diverses. L’occasion pour The Conversation d’interroger la sociologie d’un monde agricole français fragmenté et à la croisée des chemins avec Gilles Laferté, chercheur en sciences sociales spécialiste des agriculteurs.</em></p>
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<p><strong>Médiatiquement, il est souvent question des agriculteurs, comme si ces derniers représentaient un groupe social unifié. Est-ce le cas ? </strong></p>
<p>D’un point de vue administratif, institutionnel, du point de vue de la description économique d’une tâche productive, « les agriculteurs », entendus comme les exploitants agricoles, ça existe. Mais d’un point de vue sociologique, non, <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/9560">ce n’est pas un groupe</a>. Les viticulteurs de régions canoniques du vin, ou les grands céréaliers des régions les plus productives, n’ont pas grand-chose à voir avec les petits éleveurs, les maraîchers ou ceux qui pratiquent une agriculture alternative. </p>
<p>Le sociologue aura dont plutôt tendance à rattacher certains d’entre eux aux catégories supérieures, proches des artisans, commerçants, chefs d’entreprises voire des cadres, et d’autres aux catégories supérieures des classes populaires. La plupart des agriculteurs sont proches des pôles économiques, mais une partie, sont aussi fortement dotés en capitaux culturels. Et, encore une fois, même dans les classes populaires, les agriculteurs y seront à part. C’est une classe populaire à patrimoine, ce qui les distingue de manière très décisive des ouvriers ou des petits employés. </p>
<p>Dans l’histoire de la sociologie, les agriculteurs ont d’ailleurs toujours été perçus comme inclassables. Ils sont autant du côté du capital que du travail. Car ils sont propriétaires de leur propre moyen de production, mais en revanche ils n’exploitent souvent personne d’autre qu’eux-mêmes et leur famille, pour une grande partie. Autre dualité dans leur positionnement : ils sont à la fois du côté du travail en col blanc avec un ensemble de tâches administratives de planification, de gestion, de projection d’entreprise sur le futur, de captation de marchés, mais ils sont aussi du côté du col bleu, du travail manuel, de ses compétences techniciennes. </p>
<p><strong>Comment expliquer alors qu’en France, ce groupe soit encore si souvent présenté comme unifié ?</strong></p>
<p>Cette illusion d’unité est une construction à la fois de l’État et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) pour un bénéfice mutuel historique : celle d’une co-gestion. Globalement, l’État s’adresse aux agriculteurs via ce syndicat dominant, pour tâcher de bâtir une politique publique agricole cohérente. Même si la co-gestion a été dépassée pour être plus complexe, cette idée que l’agriculture était une histoire entre l’État et les agriculteurs perdure comme on le voit dans les syndicats invités à Matignon, uniquement la FNSEA au début de la crise. La FNSEA a tenté historiquement de rassembler les agriculteurs pour être l’interlocuteur légitime. Mais cet état des lieux est aussi le fruit de l’action historique de l’État, qui a forgé une batterie d’institutions agricoles depuis la IIIème République avec le Crédit Agricole, une mutuelle sociale agricole spécifique, des chambres d’agriculture… Jusque dans les statistiques, les agriculteurs sont toujours un groupe uni, à part, ce qui est une aberration pour les sociologues. </p>
<p>Tout cela a produit l’image d’une existence singulière et unifiée du monde agricole, et dans le quotidien des agriculteurs, on trouve l’écho de cela dans des pratiques sociales communes instituées : l’immense majorité des agriculteurs va de fait à la chambre de l’agriculture, au <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-histoire-economique-2020-1-page-156.htm">Crédit Agricole</a> ou à Groupama, ils sont tous affiliés à la <a href="https://www.musee-assurance-maladie.fr/sites/default/files/users/user38/MSA.pdf">mutuelle sociale agricole</a>. </p>
<p><strong>Lorsqu’un agriculteur est présenté, c’est souvent par son type d’activité, la taille de son exploitation, son revenu, son appartenance syndicale. Ces critères sont-ils suffisants pour comprendre sa singularité ?</strong></p>
<p>Ces critères sont pertinents mais pas suffisants. D’abord, ils sont en général assez liés. Le type de culture, et ensuite la taille de l’exploitation sont très prédictifs du revenu, avec des filières particulièrement rémunératrices (céréales, viticulture), qui garantissent, avec un nombre d’hectares suffisants, des revenus, et, en bas de l’échelle, le lait, le maraîchage, beaucoup moins rémunérateur. Cette réalité est d’ailleurs assez injuste car les filières les moins rémunératrices sont aussi celles où l’on travaille le plus, du fait des contraintes de traite, de vêlage. </p>
<p>Ensuite, bien sûr, l’appartenance syndicale est très importante, elle situe l’univers de référence, le sens politique d’un agriculteur, son projet de société derrière son activité, avec par exemple une logique productiviste derrière la FNSEA ; une politisation bien à droite, aujourd’hui proche du RN, de plus en plus assumée ces derniers jours du côté de la Coordination Rurale ; et enfin des projets alternatifs, centrés autour de petites exploitations, d’accélération de la transition avec la Confédération Paysanne. </p>
<p>Mais ces critères sont loin d’être suffisants, ceux des générations et des origines sociales sont devenus également déterminants. </p>
<p>Car il faut garder en tête que le groupe agricole est aujourd’hui un groupe âgé, avec une moyenne d’âge d’actifs qui dépasse les cinquante ans en moyenne. Le monde agricole est donc traversé par un enjeu de renouvellement des générations. Ce même monde agricole est aussi un des groupes les plus endogames qui soient. Être agriculteur, c’est surtout être enfant d’agriculteur ou marié à un enfant d’agriculteur, avec des croisements d’alliances historiquement importants à l’échelle du village, du canton, qui fait que les agriculteurs d’aujourd’hui, sont le produit des alliances des agriculteurs d’hier. Ceux qui ont raté ces étapes matrimoniales ont déjà quitté les mondes agricoles. </p>
<p>Mais aujourd’hui, cette réalité est en train de se fissurer. Pour renouveler les groupes agricoles, il faut donc aller puiser dans d’autres groupes sociaux, et les enfants d’agriculteurs d’aujourd’hui ne feront plus l’écrasante majorité des agriculteurs de demain. Des enfants d’autres groupes sociaux sont également attirés par les métiers agricoles. À ce titre, un slogan du mouvement actuel est très intéressant : <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/les-agriculteurs-se-relaient-pour-bloquer-l-a20-et-maintenir-la-pression-2713594">« l’agriculture : enfant on en rêve, adulte on en crève »</a>. </p>
<p>Cette façon dont l’agriculture fait rêver est un vrai phénomène nouveau, non pas pour les enfants d’agriculteurs, qui sont socialisés à aimer leur métier très tôt, mais pour les groupes extérieurs aux mondes agricoles. L’agriculture incarne désormais quelque chose de particulier dans les possibles professionnels, un métier qui a du sens, qui consisterait à nourrir ses contemporains, avec des productions qui seraient de qualité, pour la santé de chacun, soit une mission très noble. C’est une sorte d’anti-finance, d’anti <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/les-bullshit-jobs-rendent-les-gens-malheureux-pour-lanthropologue-david-graeber_2912267.html">« bullshit jobs »</a> pour parler comme l’anthropologue <a href="https://theconversation.com/david-graeber-1961-2020-auteur-de-bullshit-jobs-anthropologue-et-chercheur-en-gestion-146446">David Graeber</a>. </p>
<p>Tout cela génère d’énormes écarts dans le monde agricole entre ceux qui partent et ceux qui arrivent, ceux qui croient en la fonction productiviste de l’agriculture pour gagner des revenus corrects, et ceux qui veulent s’inscrire dans un monde qui a du sens. On trouve ainsi beaucoup de conflits sur les exploitations agricoles entre générations, entre anciens agriculteurs et nouveaux arrivants mais aussi des conflits familiaux. Les nouvelles générations, plus elles sont diplômées d’écoles d’agronomie distinctives, plus elles sont formées à l’agroécologie et plus elles vont s’affronter au modèle parental productiviste. </p>
<p><strong>On entend beaucoup d’agriculteurs s’inquiéter que leur monde disparaisse, n’est-il pas seulement en train de changer ?</strong></p>
<p>Le discours de la mort de l’agriculture est tout sauf nouveau. Un des plus grands livres de la sociologie rurale s’appelle d’ailleurs <a href="https://www.actes-sud.fr/node/15658"><em>La Fin des paysans</em></a>. Il est écrit en 1967. Depuis lors, les <a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">paysans </a>se sont effectivement transformés en agriculteurs, et aujourd’hui, on parle de moins en moins d’agriculteurs et de plus en plus d’exploitants agricoles, voire d’entrepreneurs agricoles, à tel point que l’on pourrait écrire <em>La Fin des agriculteurs</em>. De fait, c’est la fin d’un modèle, d’une période de politique publique qui favorisait uniquement le productivisme. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il n’y aura plus de grandes exploitations productivistes, mais c’est la fin d’un mono bloc concentré sur l’idée principale de la production, de développement maximum des intrants et de la mécanisation.</p>
<p>Aujourd’hui, il y a <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">d’autres modèles alternatifs</a>qui sont en place et qui aspirent, en incluant l’environnement, la santé des agriculteurs et des ruraux à un autre mode de vie, plus seulement fondé sur l’accumulation matérialiste.</p>
<p>Les agriculteurs en ont conscience, leur modèle est en pleine transformation, et d’ailleurs les agriculteurs d’aujourd’hui eux-mêmes ne veulent plus vivre comme leur parent. Ils revendiquent une séparation des scènes familiales et professionnelles, et aspirent donc à ne pas nécessairement vivre sur l’exploitation, pouvoir partir en vacances, avoir du temps à soi, un modèle plus proche du monde salarial en général. Donc si les agriculteurs crient à la fin d’un monde, ils sont aussi les premiers à espérer vivre autrement. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<p>Et ceux qui sont en colère aujourd’hui ne le sont pas que contre l’Europe, l’État, la grande distribution, les normes, mais également contre eux-mêmes, leurs enfants, leurs voisins. Ils voudraient incarner la transformation mais ils n’ont pas les moyens d’accélérer le changement et subissent des normes qui vont plus vite qu’eux. </p>
<p>Ceux qui manifestent pour avoir du gazole moins cher et des pesticides savent qu’ils ont perdu la bataille, et qu’ils ne gagneront qu’un sursis de quelques années, car leur modèle n’est tout simplement plus viable. Ils sont aussi en colère contre les syndicats qui étaient censés penser pour eux la transformation nécessaire. La FNSEA ne maîtrise pas vraiment le mouvement. Ils savent qu’ils ne peuvent plus modifier la direction générale du changement en cours, ils souhaitent seulement être mieux accompagnés ou a minima, le ralentir.</p>
<p><strong>Si l’on revient à l’idée d’un monde agricole qui se meurt, difficile de ne pas penser également au <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/fiche4-10.pdf">nombre de suicides</a> parmi les agriculteurs, avec deux suicides par jour en moyenne.</strong></p>
<p>Ces chiffres dramatiques sont effectivement les plus élevés parmi les groupes professionnels. Ils sont aussi révélateurs des immenses changements du monde agricole depuis un siècle. L’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avoir-raison-avec-emile-durkheim/le-suicide-une-question-sociale-4844051">étude des suicides</a> est un des premiers grands travaux de la sociologie avec <a href="https://editions.flammarion.com/le-suicide/9782081219991">Émile Durkheim</a>. Or lorsque celui-ci étudie cette question, à la fin du XIXème siècle, le groupe agricole était alors celui qui se suicidait le moins. Il y avait peu de suicides car le monde agricole formait un tissu social très riche avec des liens familiaux, professionnels et villageois au même endroit.</p>
<p>Or aujourd’hui, on voit plutôt des conflits entre scène professionnelle et personnelle, une déconnexion avec le village et des tensions sur les usages productifs, résidentiels ou récréatifs de l’espace. Ce qui était cohérent et cohésif est devenu explosif, provoquant un isolement des agriculteurs les plus fragiles dans ces rapports de force. La fuite en avant productiviste, l’angoisse des incertitudes marchandes, l’apparition des normes à rebours des investissements réalisés, l’impossible famille agricole entièrement consacrée à la production et les demandes sociales, générationnelles, pour le changement agricole, placent les plus fragiles dans des positions socialement intenables. Le sur-suicide agricole est en tout cas un indicateur d’un malaise social collectif, bien au-delà des histoires individuelles que sont aussi chacun des suicides. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-tant-de-suicides-chez-les-agriculteurs-162965">Pourquoi tant de suicides chez les agriculteurs ?</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Gilles Laferté ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le syndicalisme et l'état français ont tâché de penser comme uni le monde agricole, celui-ci n'a en réalité jamais été uniforme. Il est, en plus de cela traversé par des conflits de générations.Gilles Laferté, Directeur de recherche en sociologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2218892024-01-28T16:09:03Z2024-01-28T16:09:03ZLes mouvements de contestation des agriculteurs servent-ils à quelque chose ?<p>Depuis une dizaine de jours, le mouvement de blocage de routes et de défilés d’agriculteurs en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/24/agriculteurs-en-colere-gabriel-attal-tente-de-contenir-l-embrasement-sans-se-precipiter_6212641_823448.html">colère</a> connaît un écho retentissant. Après la Roumanie, les <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/en-europe-les-agriculteurs-sinvitent-sur-la-scene-politique-et-font-pression-sur-les-gouvernements/">Pays-Bas ou encore l’Allemagne</a>, la France a suivi sous l’impulsion du syndicat <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/qu-est-ce-que-la-fnsea-le-syndicat-qui-porte-la-colere-des-agriculteurs_6319698.html">FNSEA et des Jeunes Agriculteurs</a>.</p>
<p>Ces événements s’inscrivent dans un contexte inflammable : prochaines élections européennes, <a href="https://www.lexpress.fr/economie/agriculteurs-cette-taxe-du-gazole-non-routier-a-lorigine-de-la-colere-RFZSKQFDZBAOJAP4UUHLCNG2SI/">décisions politiques contestées</a>, <a href="https://agriculture.gouv.fr/concertation-sur-le-pacte-et-la-loi-dorientation-et-davenir-agricoles">projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles</a>…</p>
<p>Ajoutons à cela l’amplification et la récurrence de crises de tous bords, les conséquences des <a href="https://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">changements climatiques</a>, les effets relatifs des <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/documents/60499">Lois Egalim</a> qui repensent la <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/remuneration-des-agriculteurs-comment-fonctionnent-les-lois-egalim">manière dont les prix sont fixés</a>, et nous obtenons un <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-anatomie-dune-crise-qui-couve-depuis-longtemps-54e61b72-b9c4-11ee-9ea4-b02fbeb9c343">« ras-le-bol général »</a> couplé à un sentiment de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20240123-d%C3%A9classement-endettement-normes-europ%C3%A9ennes-raisons-col%C3%A8re-agriculteurs-fran%C3%A7ais-agriculture-attal-france-mobilisation">déclassement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-restaurer-la-nature-220297">Peut-on « restaurer » la nature ?</a>
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<p>Fin 2023 déjà, des agriculteurs avaient commencé à <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/30/on-marche-sur-la-tete-l-operation-retournement-des-agriculteurs-en-colere_6203095_4500055.html">retourner les panneaux d’entrées et de sorties des communes</a> pour protester contre <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/30/on-marche-sur-la-tete-l-operation-retournement-des-agriculteurs-en-colere_6203095_4500055.html">« l’excès de normes »</a> avec le slogan « On marche sur la tête ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0-zNqdRU9HM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mouvement « On marche sur la tête ».</span></figcaption>
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<p>En 2021, des agriculteurs biologiques se photographiaient nus dans leurs champs avec un panneau <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ddM797AoXX0">« La Bio à Poil »</a> pour protester contre <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">l’ambiguïté politique</a> autour des pratiques dites agroécologiques.</p>
<p>Si ces mouvements ne sont pas <a href="https://photo.capital.fr/la-colere-des-agriculteurs-en-10-dates-cles-15217#la-jacquerie-de-1961-barrages-sabotages-et-defiles-de-tracteurs-2">nouveaux</a>, leurs formes sont néanmoins de plus en plus <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/colere-des-agriculteurs-la-mobilisation-actuelle-est-la-plus-musclee-de-ces-dernieres-annees-20240124_SB5TNAGGP5EW3PKIDTWA2LPC7E/">musclées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<h2>Que comprendre de la colère des agriculteurs aujourd’hui ?</h2>
<p>D’une part, la <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2013-3-page-251.htm">cogestion</a> sur laquelle s’est construit notre modèle agricole contemporain s’est peu à peu affaiblie à mesure que le rôle de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est renforcé.</p>
<p>D’autre part, alors que la France est la première bénéficiaire de la <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr">Politique agricole commune</a> (PAC), les agriculteurs pointent un sentiment de <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/agriculteurs-en-colere-pourquoi-lunion-europeenne-est-pointee-du-doigt">« trop d’Europe »</a>, une agriculture bureaucratisée, un verdissement punitif de leurs <a href="https://www.terredetouraine.fr/manifestation-le-6-avril-oui-une-pac-incitative-et-non-punitive">pratiques</a> et une absence de stratégie nationale dans un contexte de crises <a href="https://books.openedition.org/pufc/5653">sanitaires et environnementales</a> croissantes.</p>
<p>Les attentes à l’égard des agriculteurs se sont multipliées en même temps que les responsabilités imputées à l’agriculture n’ont cessé de grossir.</p>
<p>En outre, si le mouvement de contestation actuel suggère une forme d’unité agricole et syndicale, la réalité témoigne de <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2008-2-page-291.htm">pratiques agricoles hétérogènes</a>, faites de <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-mondes-agricoles--9782200354404.htm">mondes agricoles</a> divers et <a href="https://www.bienpublic.com/economie/2024/01/24/colere-des-agriculteurs-il-faut-changer-de-modele-pour-la-confederation-paysanne">fragmentés</a>.</p>
<p>Ces mouvements de contestation visent alors à demander des changements profonds, en lien notamment avec les défis climatiques, comme le rappelle le Haut conseil pour le climat dans son <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/25/politiques-agricoles-et-alimentaires-le-haut-conseil-pour-le-climat-appelle-a-un-changement-de-cap_6212873_3244.html">récent rapport</a>.</p>
<p>Certes, les mobilisations suscitent soutien et sympathie, attirent l’attention du politique et des médias, mais les exemples passés montrent qu’elles peuvent rapidement tomber dans un <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-anatomie-dune-crise-qui-couve-depuis-longtemps-54e61b72-b9c4-11ee-9ea4-b02fbeb9c343">certain oubli</a>. On peut alors s’interroger : ces mouvements de contestation servent-ils à quelque chose ?</p>
<h2>Ce que ces mouvements disent de la condition agricole aujourd’hui</h2>
<p>Quel que soit leur mode de production, les agriculteurs font face à des dépendances fortes et des déséquilibres importants, suscitant des tensions contradictoires. Ainsi, comment concilier <em>en même temps</em> des conditions propres à garantir respect et <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2002-2-page-111.htm">bien-être animal</a> et favoriser l’accès à tous à une agriculture de <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/from-farm-to-fork/">proximité et de qualité</a> ?</p>
<p>Est-il possible de « nourrir la France » et « entretenir les paysages » en respectant un empilement de normes techniques et réglementaires <a href="https://www.tf1info.fr/societe/video-reportage-agriculteurs-en-colere-l-exemple-edifiant-du-millefeuille-des-normes-sur-les-haies-2283505.html">difficiles à suivre</a> ?</p>
<p>Comment faire face <em>en même temps</em> aux conséquences immédiates du gel, d’inondations, de sécheresse ou d’une <a href="https://agriculture.gouv.fr/mhe-la-maladie-hemorragique-epizootique">épizootie</a>, et s’adapter à long terme à leur inévitable récurrence ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">Poulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire</a>
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<p>Comment faire face à une attente sociétale de <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/09/Rapport-activite-2022_Agence-BIO.pdf">« plus de bio »</a> dans un contexte <a href="https://www.lafranceagricole.fr/agriculture-biologique/article/841135/le-marche-des-produits-bio-s-essouffle">d’inflation et de déconsommation</a>, alors que les processus de conversion prennent <a href="https://www.agencebio.org/questions/a-quoi-correspond-la-mention-en-conversion-vers-lagriculture-biologique/">plusieurs années</a> et engagent des moyens considérables ?</p>
<p>Comment permettre aux agriculteurs de s’engager dans la <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-na-94-agroecologie-ao%C3%BBt.pdf">transition agroécologique</a> tout en leur procurant un revenu propre à <a href="http://journals.openedition.org/economierurale/9560">vivre de leur métier</a> ?</p>
<p>Dans ce contexte, comment assurer la <a href="https://agriculture.gouv.fr/actifagri-transformations-des-emplois-et-des-activites-en-agriculture-analyse-ndeg145">pérennité</a>, le <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20230412-Politique-installation-nouveaux-agriculteurs.pdf">développement</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2022-3-page-40.htm">transmission de l’exploitation</a> dans des conditions tenables ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<h2>Ce que les mouvements ont obtenu dans le passé</h2>
<p>Ces attentes disent combien l’agriculture est <a href="https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/30369/30129">multifonctionnelle</a> et alors inévitablement, source de contradictions pour les agriculteurs. Il leur est difficile de répondre <em>en même temps</em> et de manière satisfaisante à toutes ces attentes et pratiquer une agriculture conforme à leurs valeurs et à leurs besoins.</p>
<p>Cette équation impossible les contraint à en faire « toujours plus ». Elle provoque une surcharge physique, psychologique et émotionnelle, et conduit à la <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/5-minutes-avec/les-agriculteurs-d-occitanie-sont-percutes-par-un-cumul-de-crises-pour-un-sociologue-toulousain-2780313">crise morale et de confiance</a> que nous connaissons aujourd’hui. Reste qu’un détour par les réponses apportées aux précédents mouvements de contestation montre que la colère des agriculteurs est généralement entendue, partiellement du moins.</p>
<p>Le mouvement « La Bio à Poil » de 2021 a contribué à la mise en œuvre par le gouvernement d’ajustements réglementaires visant à mieux reconnaître les spécificités de <a href="https://www.fnab.org/communiques-presse/le-ministre-annonce-la-creation-dun-3e-niveau-a-linterieur-de-leco-regime-avec-une-aide-a-112e-ha-an-pour-la-bio/">« la bio »</a>. Les agriculteurs biologiques se sont dit alors satisfaits des <a href="https://www.bio-provence.org/IMG/pdf/gains_syndicaux_fnab_2022.pdf">avancées réalisées</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WgDxqdoffIw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mouvement « La Bio à poil » le 2 juin 2021, Invalides, Paris.</span></figcaption>
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<p>Le mouvement « On marche sur la tête » a conduit au recul du gouvernement sur des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/06/taxes-sur-les-pesticides-et-l-irrigation-le-renoncement-du-gouvernement-a-les-augmenter-suscite-les-critiques_6204274_3244.html">hausses de taxes</a>, satisfaisant les agriculteurs <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/agriculture-la-fnsea-obtient-l-abandon-de-la-hausse-de-taxes-sur-les-pesticides-et-l-eau-4081485">engagés dans le mouvement</a>.</p>
<p>Pourtant, ces concessions n’ont pas permis d’éteindre le feu qui couve depuis <a href="https://www.letelegramme.fr/finistere/douarnenez-29100/selon-cet-eleveur-laitier-de-douarnenez-le-feu-couve-depuis-des-annees-et-des-annees-6512009.php">longtemps maintenant</a>.</p>
<p>S’agissant du mouvement de colère actuel, des mesures seront sans doute annoncées et des crédits débloqués. Permettront-ils de résoudre à eux seuls et à long terme l’équation impossible à laquelle l’agriculture paraît tenue ?</p>
<p>En outre, de nouvelles mesures peuvent accroître les contradictions et la surcharge perçues par encore plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2017-1-page-33.htm">« paperasse »</a>, et renforcer davantage leur colère.</p>
<p>Alors ces mouvements ont-ils tout de même un intérêt ?</p>
<h2>L’importance des stratégies menées aujourd’hui</h2>
<p>Les recherches que nous menons depuis 2019 auprès d’agriculteurs suggèrent l’importance des <a href="https://hal.science/hal-04253918">stratégies</a> mises en œuvre pour faire face aux tensions perçues, et les différents niveaux d’intérêts qu’elles présentent.</p>
<p>D’une part, ces mouvements permettent aux agriculteurs d’exprimer la <a href="https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C2894">colère</a> ressentie. Cette forme d’expression des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1269176308000254">émotions</a> permet ici de dire publiquement ce que d’autres finissent par taire. Car oui, l’anéantissement ultime que constitue le <a href="https://www.cairn.info/revue-sesame-2019-2-page-60.htm">suicide</a> touche aujourd’hui encore davantage les <a href="https://statistiques.msa.fr/wp-content/uploads/2022/10/Etude-mortalite-par-suicide_ok.pdf">agriculteurs</a> que la population générale.</p>
<p>Cela témoigne aussi d’une volonté des agriculteurs de s’unir et faire collectif pour parler d’une voix commune. Cette stratégie de <a href="https://iaap-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1464-0597.1993.tb00748.x">soutien social</a> leur rappelle qu’ils ne sont pas isolés dans leurs pratiques.</p>
<p>Justement, par-delà les désaccords syndicaux et professionnels, ces mouvements rappellent aussi que les agriculteurs forment une communauté de pratiques qui peut contribuer aussi de <a href="https://hal.science/hal-04150078">l’intérieur</a> à <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2015-1-page-31.htm">construire, définir et redire</a> ce que peut être un modèle agricole soutenable pour chacun.</p>
<p>Pour les politiques, les citoyens et les consommateurs, c’est aussi une occasion de rappeler leur attachement au monde agricole et sans doute aussi <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2013-1-page-67.htm">à une forme de ruralité</a>. Dans un contexte laissant craindre un <a href="https://reporterre.net/L-agribashing-une-fable-qui-freine-l-indispensable-evolution-de-l-agriculture"><em>agribashing</em> galopant</a>, c’est aussi redire aux agriculteurs <a href="https://hal.science/hal-03583047">qu’ils sont soutenus et essentiels</a>.</p>
<p>Ces mouvements rappellent enfin que l’agriculture n’est pas un secteur tout à fait <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr">comme les autres</a>.</p>
<h2>Affronter nos propres contradictions</h2>
<p>Toutefois, ces mouvements ne constituent des stratégies efficaces qu’à la condition d’être complétés de mesures structurantes, globales et de long terme au bénéfice des agriculteurs. Autrement dit, ils ne sauraient exonérer les pouvoirs publics, les consommateurs et les citoyens de leurs propres contradictions. Comme le relève le <a href="https://www.ifop.com/publication/barometre-dimage-des-agriculteurs-3">baromètre IFOP</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les Français demandent plus de soutien financier des pouvoirs publics (56 %), mais notons tout de même une proportion élevée en faveur (25 %) du maintien en l’état actuel des aides aux agriculteurs. »</p>
</blockquote>
<p>Alors que faire ?</p>
<p>Il s’agit peut-être de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20240123-d%C3%A9classement-endettement-normes-europ%C3%A9ennes-raisons-col%C3%A8re-agriculteurs-fran%C3%A7ais-agriculture-attal-france-mobilisation">« réarmer »</a> les agriculteurs et leur permettre de faire réellement le poids <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/colere-des-agriculteurs-la-confederation-paysanne-demande-une-interdiction-du-prix-d-achat-des-produits-agricoles-en-dessous-du-prix-de-revient_6321894.html">face aux distributeurs</a>.</p>
<p>C’est peut-être consommer local et au juste prix, et accepter une campagne dans laquelle l’agriculture est un <a href="https://hal.science/hal-03262804">métier</a> et pas seulement des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Tmw5qxcTFpM">paysages</a>. C’est peut-être enfin renforcer l’investissement dans la recherche et l’innovation afin de rendre la transition agroécologique possible.</p>
<p>Le Salon international de l’Agriculture prévu le mois prochain constituera sans aucun doute une épreuve de force pour le gouvernement, les agriculteurs et leurs syndicats, une étape déterminante avec celle des élections européennes prévues au mois de juin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Benoist ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment comprendre la colère des mouvements agricoles et sur quelles stratégies reposent-ils ?Sandrine Benoist, Enseignante-chercheuse, Université d'Orléans, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212722024-01-25T09:55:07Z2024-01-25T09:55:07ZL’obligation de tri des biodéchets va-t-elle enfin faire décoller la méthanisation en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570710/original/file-20240122-15-tacfxw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une unité de méthanisation agricole</span> <span class="attribution"><span class="source">Jérémy-Günther-Heinz Jähnick </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) impose depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024 à tous les professionnels de trier les biodéchets, et en particulier aux collectivités locales de fournir des solutions de collecte des biodéchets aux particuliers.</p>
<p>De quoi accélérer le développement de la méthanisation en France ? En tout cas de quoi sérieusement reconfigurer le secteur : jusqu’alors, la méthanisation était surtout pratiquée en milieu rural par des agriculteurs.</p>
<p>Elle tend désormais à se développer en <a href="https://theconversation.com/micro-methaniseurs-la-solution-pour-mieux-valoriser-les-dechets-en-ville-81723">milieu urbain</a>, péri-urbain et industriel avec même, parfois, des innovations inattendues comme la micro-méthanisation dans des conteneurs maritimes. Tour d’horizon.</p>
<h2>Un besoin de valorisation croissant</h2>
<p>Jusqu’au 30 décembre 2023, les organisations générant moins de cinq tonnes de déchets par an n’avaient pas d’obligation de les trier. Mais depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024, tous les professionnels sont concernés sans seuil minimum.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><a href="https://alchimistes.co/obligation-compostage-dechets-alimentaires/#entreprises">Même les plus petits</a> : restaurants proposant moins de 150 couverts par jour, hôtels de moins de 100 lits, points de vente alimentaires de moins 900 mètres carré, cantines scolaires de moins de 350 élèves ou Ehpad de moins de 70 résidents…</p>
<p>Du côté des particuliers, ceux-ci ne sont formellement pas obligés à trier, mais <a href="https://theconversation.com/dechets-alimentaires-a-quoi-va-servir-le-nouveau-tri-a-la-source-221052">fortement incités à le faire</a> parce que les communes ont l’obligation depuis 2024 de leur fournir une solution de collecte des biodéchets. La <a href="https://www.fnade.org/ressources/documents/source/1/4866-ANALYSE-PROSPECTIVE-FNADE-D-ORIENTATION-DES-FLUX-DE-DECHETS-A-HORIZON-2050-VDEF.pdf">croissance du flux de biodéchets à traiter</a> devrait ainsi s’accélérer au cours des prochaines années.</p>
<p>Une croissance qui va profiter au <a href="https://theconversation.com/lhistoire-peu-connue-du-compost-en-france-de-la-chasse-a-lengrais-a-la-chasse-au-dechet-220411">compostage</a> et à la méthanisation, deux solutions préconisées par les pouvoirs publics pour valoriser les biodéchets.</p>
<p>En tant qu’outil de la transition énergétique et compte tenu de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie Nationale Bas-Carbone de la France</a>, la méthanisation devrait logiquement être privilégiée par les entreprises et les collectivités locales convaincues par le besoin de décarbonisation.</p>
<h2>Quel modèle d’affaires pour la méthanisation ?</h2>
<p>La méthanisation est un processus de conversion de la matière organique en biogaz, c’est-à-dire en méthane d’origine biologique. Son essor répond à des enjeux d’économie circulaire – réduction et recyclage des biodéchets – et de décarbonisation de l’économie – baisse des émissions de gaz à effet de serre.</p>
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<p>Il existe évidemment des enjeux d’aménagement du territoire et d’emploi dans les territoires ruraux qui <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-territoires-doivent-semparer-de-la-bioeconomie-76243">sous-tendent le développement territorial de la méthanisation</a>.</p>
<p>De fait, aujourd’hui la méthanisation est principalement pratiquée par des <a href="https://eci-sig.ademe.fr/adws/app/bb11ce07-5cc9-11eb-a8fe-7dd6c4f9bb1d/index.html">exploitations agricoles situées en milieu rural</a>. Leurs intrants sont les effluents d’élevage, certains <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vZJ1Di_BuP8">déchets agricoles</a> ou agroalimentaires et les <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-quune-culture-intermediaire-vocation-energetique">cultures intermédiaires à vocation énergétique</a> (CIVE), plantées et récoltées entre deux récoltes principales afin d’être valorisées dans les usines de méthanisation.</p>
<p>Les méthaniseurs peuvent être exploités par des agriculteurs seuls ou encore par des groupements dont la taille peut aller de <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/dechets/ces-agriculteurs-du-finistere-veulent-transformer-les-biodechets-en-energie-et-en-engrais-ca985cb6-644e-11ee-84ee-9e4a9c99baa2">quelques agriculteurs</a> à <a href="https://www.lepopulaire.fr/peyrat-de-bellac-87300/agriculture/la-methanisation-a-grande-echelle-le-pari-de-74-agriculteurs-de-haute-vienne-et-de-l-indre_13684935/">plusieurs dizaines</a>. Ces groupements sont souvent nécessaires pour rassembler le capital nécessaire à la construction de l’unité et surtout disposer d’un volume suffisant de matière organique pour alimenter le méthaniseur.</p>
<p>En effet, la matière première est stratégique dans le modèle d’affaires du biogaz. Il faut trouver un volume de déchets suffisant car les unités doivent fonctionner au maximum de leur capacité pour être rentables. Il faut également que la matière ait un pouvoir « méthanogène » le plus élevé possible pour produire le maximum de biogaz. Or, des différences existent <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2013-3-page-44.html">entre les différents types de biodéchets</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre d’unités de méthanisation par région et répatition sectorielle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ADEME-SINOE/Business Geografic -- Ciril GROUP</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelques unités de <a href="https://eci-sig.ademe.fr/adws/app/bb11ce07-5cc9-11eb-a8fe-7dd6c4f9bb1d/index.html">méthanisation non agricoles existent aujourd’hui en France</a>, en particulier en <a href="https://www.arec-idf.fr/prometha/la-filiere-francilienne/etat-des-lieux/#notedbdp">Ile-de-France</a>, mais leur nombre est dérisoire par rapport à l’ensemble des unités en fonctionnement.</p>
<p>L’augmentation des volumes de biodéchets à traiter dans les métropoles peut amener ce type de méthanisation à se développer, tout comme les <a href="https://projet-methanisation.grdf.fr/la-methanisation/la-methanisation-quest-ce-que-cest/les-typologies-des-sites-en-injection">unités agricoles territoriales</a> situées à proximité des grands centres urbains, et qui pourraient gérer tout à la fois des déchets agricoles et des déchets urbains.</p>
<h2>Zones industrielles et toits d’hypermarchés</h2>
<p>Dans la mesure où la méthanisation est essentiellement rurale et que le gisement de biodéchets est plutôt urbain, de nouveaux acteurs se positionnent avec des stratégies d’implantation encore jamais vues : dans des zones industrielles et même sur le toit d’hypermarchés en milieu urbain !</p>
<p>La start-up Bee & Co, par exemple, propose des unités de micro-méthanisation dans des conteneurs maritimes. Un tel équipement a été <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/de-lassiette-a-lelectron-veolia-teste-la-methanisation-ultra-locale-a-marseille-2039362">installé à Marseille par Véolia sur le toit d’un centre commercial</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De petites unités de méthanisation peuvent être installées dans des conteneurs maritimes. De quoi les installer partout.</span>
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</figure>
<p>On assiste également à un redécoupage des fonctions. Par exemple, jusqu’alors, l’<a href="https://projet-methanisation.grdf.fr/cms-assets/2021/09/GUIDE-HYGIENISATION-VF-sept21.pdf">hygiénisation des biodéchets</a> – c’est-à-dire l’élimination des agents pathogènes par un processus de réchauffement des biodéchets à 70 °C – était réalisée à la ferme. Or, on assiste depuis quelques temps à la création d’unités spécialisées dans ce domaine, qui <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/dechets/faire-du-gaz-avec-nos-dechets-de-table-d15dd78e-99d1-11ee-97d2-9b86ef7e3954">pré-traitent les biodéchets avant de les envoyer chez les méthaniseurs</a>.</p>
<p>Cette réorganisation des fonctions permet de traiter davantage de biodéchets, de façon plus industrielle et en réalisant des économies d’échelle.</p>
<p>De nouveaux collecteurs et transporteurs de déchets sont également apparus. C’est le cas de <a href="https://actu.fr/normandie/le-havre_76351/elle-valorise-les-dechets-de-la-coquille-saint-jacques-une-entreprise-du-havre-recompensee_47233562.html">Bin’Happy</a>, entreprise créée au Havre et qui se développe actuellement sur toute la Normandie.</p>
<p>Outre les économies d’échelle, c’est la proximité à la fois géographique et relationnelle qui est recherchée par les opérateurs.</p>
<h2>Des méthaniseurs oui, mais loin des yeux</h2>
<p>Réussir un projet de méthanisation ne va pas de soi. Lorsque la distance entre les habitations et l’unité de méthanisation n’est pas considérée comme suffisante par les citoyens, cela peut créer de la contestation.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/ca-sent-le-gaz-pour-la-methanisation-en-france-68401">L’opposition aux projets de méthanisation</a> prend souvent la forme du phénomène <a href="https://www.scienceshumaines.com/syndrome-nimby-et-interet-general_fr_10872.html">NIMBY, pour « Not in my backyard »</a> (ce que l’on pourrait traduire par « Pas de ça chez moi »).</p>
<p>Ce à quoi les opposants ajoutent d’autres arguments, tels que des problèmes d’odeurs ou de trafic de camions accru que les projets de méthanisation peuvent engendrer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-methanisation-a-t-elle-mauvaise-presse-88280">pour les riverains</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-methanisation-a-t-elle-mauvaise-presse-88280">Pourquoi la méthanisation a-t-elle mauvaise presse ?</a>
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</p>
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<p>Pour autant, il ne faut pas réduire l’opposition des riverains au seul phénomène NIMBY. Une <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/6619">étude</a> a montré que l’acceptation sociale d’un projet de méthanisation au niveau local dépend de la juste répartition des bénéfices et des inconvénients.</p>
<p>Autrement dit, d’une bonne gestion du projet qui passe par une participation active des habitants, et non pas une simple consultation « descendante », ainsi que de la confiance et de la transparence entre les promoteurs du projet et les résidents.</p>
<p>Car la méthanisation n’est pas seulement un projet énergétique, c’est un projet de territoire. C’est ce qu’est venu récemment rappeler une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1462901122002076">autre étude</a>, qui rappelle que la méthanisation implique des décisions qui affectent le développement, l’environnement et la population locale d’un territoire.</p>
<p>Alors comment faire ? Une piste serait le renforcement des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09640568.2019.1680158">gouvernances territoriales</a> afin de s’assurer que ces décisions soient prises de manière « inclusive », en tenant compte des besoins et des aspirations de tous les acteurs locaux.</p>
<p>Cela passe par une plus grande implication des citoyens qui va au-delà de la simple consultation. Par exemple grâce au financement participatif, qui a l’avantage d’associer de façon active les habitants et de redistribuer les bénéfices de l’unité. C’est ainsi que des éleveurs de vaches laitières en Loire-Atlantique, à Blain, ont réussi à mobiliser les investisseurs privés pour <a href="https://fr.enerfip.eu/placer-son-argent/investissement-bioenergie/biogaz-de-l-isac/">financer la construction de l’unité de méthanisation de biogaz de l’Isac</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La chaire "Modèles entrepreneuriaux en agriculture", dirigée par Roland Condor, a reçu des financements de la Région Normandie, de Cerfrance Normandie et du Crédit Mutuel Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’alors, la méthanisation a surtout été déployée en France par le secteur agricole. L’obligation de tri des biodéchets peut-elle l’aider à se généraliser, malgré l’opposition récurrente des riverains ?Sebastien Bourdin, Professeur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieRoland Condor, Titulaire de la chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture », EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211262024-01-24T17:18:27Z2024-01-24T17:18:27ZEn Guinée, les vertus du « riz de boue » qui pousse dans les mangroves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569505/original/file-20240116-15-m4tq3z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C37%2C4016%2C3052&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visite en Guinée maritime d’un périmètre rizicole en zone de mangrove lors d’une mission de l’Agence française de développement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Dans une majorité des pays ouest-africains, comme pour plus de la moitié de la planète, le <a href="https://theconversation.com/de-lempire-dangkor-a-pol-pot-le-riz-est-indissociable-de-lhistoire-du-cambodge-120197">riz</a> – seconde céréale produite au monde – est la base de la ration alimentaire quotidienne.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/guinee-29421">En Guinée</a>, sa culture rime pour partie avec les marées, puisque près d’un quart de la production guinéenne provient des plaines de mangroves, en zone côtière. Pourtant, si l’on s’appuie sur les données récentes issues de <a href="https://zaeg.teledetection.fr/?page_id=2212">l’Atlas du zonage agroécologique de la Guinée</a>, les plaines de mangroves n’occupent que 0,3 % du sol guinéen. Elles représentent 89 421 hectares, soit plus du quart de la surface totale occupée par la mangrove (327 453 ha).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/mangroves-et-zones-humides-que-peuvent-elles-vraiment-contre-les-desastres-naturels-71506">Écosystèmes</a> les plus productifs de la planète, les mangroves sont constituées de palétuviers, une espèce qui sert de bois de chauffe (pour le fumage de poisson par exemple) mais aussi de construction pour les habitations.</p>
<p>Les plaines de mangroves sont essentiellement situées en zone d’estuaires, ce qui permet un apport en matière organique des fleuves, disponibles pour la production rizicole (attestée depuis quelque 300 ans en Guinée), comme pour d’autres activités humaines.</p>
<h2>Riziculture, pisciculture, saliculture</h2>
<p>Les mangroves sont notamment un lieu de reproduction de poissons, et donc de pêche. L’association entre culture rizicole et production de poissons, ou rizipisciculture est récente en zone de mangrove guinéenne. C’est néanmoins un exemple intéressant d’association « à double bénéfice », le riz profitant des rejets organiques des poissons (engrais naturel) quand les poissons, vivant dans un écosystème de rizières relativement fermé, sont ainsi à l’abri des principaux prédateurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Paysage rizière en zone de mangrove" src="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illustrations d’une zone de rizière en zone de mangrove : sur l’image de gauche, on voit des palétuviers, au fonds sur la gauche, séparés de la rizière proprement dite par une digue latéritique. L’image de droite montre un palétuvier dans une zone rizicole, le périmètre étant moins utilisé ((copyright).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak/AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, la <a href="https://charentemaritimecooperation.org/2016/12/07/le-sel-solaire-un-exemple-de-developpement-durable/">saliculture, qui se fait en Guinée par évaporation solaire</a> ou au chauffage à bois des eaux salées (ou saliriziculture, puisque la culture du sel peut se pratiquer en alternance avec les périodes de culture du riz), <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/vingt-ans-damenagements-rizicoles-dans-les-territoires-de-mangrove-en-guinee-maritime">est de plus en plus pratiquée</a> en Guinée maritime, et permet une nouvelle source de revenus aux populations locales.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nSVvdOo7854?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le ministère guinéen en charge de la pêche avec l’Agence Nationale de l’Aquaculture de Guinée (ANAG) et de l’ONG APDRA dans le projet PISCOFAM propose un exemple des actions entreprises en Guinée forestière et qui désormais sont en action en zone de mangrove. Source : MLK Films/YouTube.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Un système très simple et très complexe</h2>
<p>Le système de riziculture de mangrove est à la fois très simple et complexe à mettre en œuvre, car en <a href="https://www.holowaba.com/riz-bora-maale/">zones soumises à l’influence des marées</a>, l’idée est de gérer eau salée et eau douce en fonction des saisons.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Canalisation dans un paysage de mangrove en Afrique" src="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple de canalisation qui vidange l’eau douce depuis d’une plaine de mangrove à vocation rizicole vers une mangrove.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak/AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En saison sèche, lorsque le riz a été récolté, l’intrusion d’eau salée dans les périmètres rizicoles apporte des éléments nutritifs, empêche le développement de mauvaises herbes et diminue l’acidification des sols qui aurait eu lieu sans intrusion salée.</p>
<p>En saison des pluies (les zones côtières reçoivent en moyenne 3,5 m d’eau par an), le dessalement de la rizière se fait par submersion d’eau douce ; puis le riz est planté et protégé de l’océan Atlantique par des digues construites souvent manuellement à cet effet.</p>
<p>Un système de digues, diguettes et drains/canaux permet une régulation de la lame d’eau, sur le périmètre irrigué et parfois jusqu’à la parcelle.</p>
<h2>Une gestion des aménagements qui pose question</h2>
<p>Le tableau n’est pourtant pas idyllique : notamment en <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-amenagement_du_littoral_de_guinee_memoires_de_mangroves_olivier_rue-9782738469649-570.html">vertu de</a> « la permanence de défauts de mémoire, de différentiels de perception et de croisement des connaissances, des savoirs et des expériences » qu’a décrit le géographe Olivier Rue dans un long travail d’analyse historique critique produit à la fin des années 1990.</p>
<p>Il y propose ainsi un bilan qualifié de « faillite des interventions », en ce sens que les appuis techniques et financiers passés en faveur d’aménagements hydroagricoles en zones de mangrove n’ont pas donné les résultats initialement escomptés, en matière de durabilité des investissements comme d’amélioration des rendements agricoles.</p>
<p>En effet, la mise en œuvre de projets de développement est <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers10-07/010024718.pdf">rendue complexe</a> par la structure hydrogéologique de ces zones de balancement des marées, par la question de l’entretien et maintenance des infrastructures, et des structures et organisations sociales à l’œuvre.</p>
<p>À cette analyse, ajoutons que cette technique de culture propre aux pays du golfe de Guinée (en Guinée-Bissau, 80 % de la production de riz serait d’origine de mangrove) est actuellement sous tension.</p>
<h2>Pressions multiples</h2>
<p>Une pression anthropique tout d’abord, avec la <a href="https://data.worldbank.org/country/guinea">progression démographique</a> et le développement urbain qui met sous tension les espaces maritimes, y compris pour la disponibilité de main-d’œuvre pour l’entretien des aménagements hydroagricoles, la jeunesse ayant tendance à se détourner de ces tâches agricoles.</p>
<p>Une <a href="https://unfccc.int/documents/497517">pression climatique ensuite</a>, avec une augmentation du <a href="https://theconversation.com/sur-les-cotes-africaines-un-systeme-unique-de-videosurveillance-pour-mieux-gerer-les-risques-202079">niveau de la mer</a> qui vient défier les digues de protection, mais aussi une hausse des événements extrêmes, précipitations notamment.</p>
<p>Le riz de mangrove permet toutefois une stabilisation des zones littorales, si les infrastructures vertes (les digues sont constituées d’argile bien souvent) sont régulièrement entretenues.</p>
<p>Bien que les rendements soient modestes (de l’ordre de 0,5 à 2 T à l’hectare selon la Direction nationale du génie rural guinéen), les populations côtières, essentiellement les ethnies soussou et baga en Guinée, ont totalement intégré désormais à leurs habitudes alimentaires le « böra malé ».</p>
<h2>« Riz de boue », un mets plébiscité</h2>
<p>Ce « riz de boue » en langue soussou – ethnie majoritaire en zone côtière – fait référence aux particularités gustatives et organoleptiques du riz qui pousse dans les mangroves. La population de la capitale Conakry qualifie son goût d’exceptionnel. À cela s’ajoute une meilleure capacité de conservation que le riz importé (et un prix plus bas en période de récoltes). Il joue également une fonction culturelle et sociale, puisqu’il est notamment spécifiquement préparé à l’occasion de grandes cérémonies en Guinée.</p>
<p>Enfin, la culture du riz de mangrove a des <a href="https://books.openedition.org/irdeditions/4990">impacts environnementaux au final limités</a> : il est souvent associé au sein de projets de développement à des actions de protection de la faune et de la flore de mangrove et donc d’un moindre déboisement ; il ne nécessite ni herbicides ni engrais chimiques et peut en cela être qualifié de « bio ».</p>
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<p><em>Saikou Yaya Balde, de la Direction nationale du génie rural au ministère de l’Agriculture et de l’élevage de Guinée, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Ourbak ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Guinée, la culture du riz dans les mangroves présente de nombreux avantages, mais subit des pressions liées aux activités humaines et au changement climatique.Timothée Ourbak, Responsable de Pôle, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205602024-01-16T16:18:26Z2024-01-16T16:18:26ZUne vraie souveraineté alimentaire pour la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567861/original/file-20240104-27-n2p29k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C4656%2C3059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/agriculture-la-fnsea-annonce-obtenir-labandon-de-la-hausse-de-taxes-sur-les-pesticides-et-leau-333bc86a-23b2-411f-af77-d4a9bcafc79c">l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau</a>. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/glyphosate-l-autorisation-du-glyphosate-renouvelee-pour-10-ans-par-la-commission-europeenne_6187641.html">l’autorisation du glyphosate pour 10 ans</a>. Et, six jours plus tard, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/environnement-un-jour-sombre-le-reglement-contre-les-pesticides-tue-par-la-droite-europeenne">abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030</a>.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/commission_enquete_phytosanitaires">rapport de l’Assemblée nationale</a>. En plus <a href="https://www.agra.fr/agra-presse/enquete">du lobbying habituel de la FNSEA</a> et de <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs</a> et qui rend toute réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/securite-alimentaire-51357">sécurité alimentaire</a> des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.</p>
<p>La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la <a href="https://theconversation.com/gaspillage-et-in-securite-alimentaires-les-lecons-a-tirer-de-la-crise-sanitaire-153601">crise du Covid</a> et la <a href="https://theconversation.com/envol-des-prix-insecurite-alimentaire-les-lourdes-consequences-pour-lafrique-de-la-guerre-en-ukraine-181193">guerre en Ukraine</a>, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quatre-pistes-pour-une-souverainete-alimentaire-respectueuse-de-la-sante-et-de-lenvironnement-206947">Quatre pistes pour une souveraineté alimentaire respectueuse de la santé et de l’environnement</a>
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<h2>Le mythe de la dépendance aux importations</h2>
<p>De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les <a href="https://www.franceagrimer.fr/Actualite/International/2023/Souverainete-alimentaire-un-eclairage-par-les-indicateurs-de-bilan">derniers chiffres de FranceAgrimer</a> montrent que notre « dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.</p>
<p>Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/70677/document/ETU-2023-SOUVERAINETE_ALIMENTAIRE.pdf">148 % pour le blé dur</a>, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’interdépendances : la France serait le <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Les-exportations-francaises-de-ble-sont-en-passe-de-battre-un-record-historique-247861-3107024">« grenier à blé de l’Europe »</a>, il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/10/hcp_ouverture-n7-grande_puissance_agricole.pdf">« une puissance exportatrice »</a>, etc.</p>
<p>Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les exportations des surplus européens subventionnés ont <a href="https://www.euractiv.fr/section/aide-au-developpement/news/les-dommages-collateraux-de-la-pac-sur-lagriculture-des-pays-en-developpement/">détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment</a> – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.</p>
<p>Comprendre : la France est la 6<sup>e</sup> puissance exportatrice de produits agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.</p>
<h2>Voir la productivité de façon multifonctionnelle</h2>
<p>S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de productivité alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des <a href="https://theconversation.com/plan-eau-la-politique-des-petits-tuyaux-fera-t-elle-les-grandes-rivieres-203391">besoins en eau</a> pour produire les aliments, de la <a href="https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276">dépendance aux énergies fossiles</a> générée par les intrants de synthèse, de l’épuisement de la fertilité des sols lié à la monoculture intensive ou encore des <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">effets du réchauffement climatique</a> ?</p>
<p>Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du travail agricole (25 % des agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gaspillage-alimentaire-22121">gaspillage alimentaire</a> – qui avoisine les 30 % tout de même – des besoins nutritionnels et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alimentation-21911">habitudes alimentaires</a> de la population ?</p>
<p>La productivité alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les zones humides naturelles ont une certaine capacité à épurer les milieux aquatiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sandro Bisotti/Flickr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La cétoine dorée, un coléoptère, est aussi un pollinisateur, au même titre que les abeilles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Raphaël Guillaumin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>la capacité de rétention <a href="https://theconversation.com/podcast-donner-une-seconde-vie-aux-eaux-usees-208996">d’eau dans les sols</a>,</p></li>
<li><p>le renouvellement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisateurs</a>,</p></li>
<li><p>le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une eau potable,</p></li>
<li><p>le renouvellement de la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">fertilité des sols</a>,</p></li>
<li><p>la régulation des <a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">espèces nuisibles</a> aux cultures,</p></li>
<li><p>ou encore la <a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">séquestration du carbone</a> dans les sols.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-sauver-nos-systemes-alimentaires-restaurer-nos-sols-en-sequestrant-le-carbone-212820">Pour sauver nos systèmes alimentaires, restaurer nos sols en séquestrant le carbone</a>
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</p>
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<p>Or, il est <a href="https://sfecologie.org/regard/r110-mai-2023-e-porcher-pollinisation-en-crise/">scientifiquement reconnu</a> que les indicateurs de productivité relatifs à ces services <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">baissent depuis plusieurs décennies</a>. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.</p>
<h2>La diversification pour maintenir des rendements élevés</h2>
<p>Une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aba1715">revue de littérature scientifique parue en 2020</a>, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des pratiques agricoles permettent de répondre à ces objectifs de performance plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des rendements élevés.</p>
<p>Les ingrédients de cette diversification sont connus :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le non-labour est l’une des clés de la diversification agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lutz Blohm/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les haies permettent de limiter le ruissellement d’eau et rendent plusieurs services agrosystémiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean Balczesak/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<ul>
<li><p>augmentation de la rotation des cultures et des amendements organiques,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">renoncement aux pesticides de synthèse</a> et promotion de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-biologique-26141">agriculture biologique</a> à grande échelle,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/en-cessant-de-labourer-les-sols-on-pourrait-reduire-limpact-de-lagriculture-sur-le-climat-de-30-160218">réduction du labour</a>,</p></li>
<li><p>diversification des semences et <a href="https://theconversation.com/retour-sur-le-combat-pour-les-semences-paysannes-en-europe-190670">recours aux variétés rustiques</a>,</p></li>
<li><p>ou encore <a href="https://theconversation.com/climat-biodiversite-le-retour-gagnant-des-arbres-champetres-174944">restauration des haies</a> et des talus pour limiter le ruissellement de l’eau de pluie.</p></li>
</ul>
<p>Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les services écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les rendements agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.</p>
<h2>Les sérieux atouts de l’agriculture biologique</h2>
<p>Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. <a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">Se convertir au bio</a>, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.</p>
<p>C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-bonnes-pour-notre-sante-et-celle-de-la-planete-216845">légumineuses fixatrices d’azote dans le sol</a>,utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la <a href="https://theconversation.com/agroforesterie-intrants-labour-comment-ameliorer-le-bilan-carbone-de-lagriculture-165403">restauration d’un paysage qui devient un allié</a> dans la lutte contre les aléas naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs bio.</p>
<p>C’est une question de réalisme économique. Les exploitations bio consomment en France <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/system/files/2023-04/agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">deux fois moins de fertilisant et de carburant par hectare que les exploitants conventionnels</a>, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du prix du pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.</p>
<p>Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un faux procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de <a href="https://www.ressources.terredeliens.org/les-ressources/l-etat-des-terres-agricoles-en-france-dossier-thematique-rapport-1">72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020</a>. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, <a href="https://hal.science/hal-01197118v1/file/C57Coulon.pdf">à hauteur de 1000 km<sup>2</sup> par an en moyenne</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le conventionnel se réduit après quelques années seulement : de <a href="https://www.nature.com/articles/nature11069">25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite</a>. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.</p>
<h2>Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le pouvoir d’achat des consommateurs</h2>
<p>Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le revenu des agriculteurs. Il est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5434584">notoirement faible</a>. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.</p>
<p>Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1423674112">entre 22 % et 35 % plus élevés</a> que pour les agriculteurs conventionnels.</p>
<p>Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.</p>
<p>Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le travail agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/">nécessite plus de main-d’œuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces)</a> et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).</p>
<p>Cette question du travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.</p>
<p>Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.</p>
<p>Rien que le traitement de l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État</a>. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux pesticides ne sont plus tolérables.</p>
<h2>Le bio, impensé de la politique agricole française</h2>
<p>Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.</p>
<p>L’État a promu le label Haute valeur environnementale (HVE), dont l’intérêt est très limité, <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/doc/evaluation-performances-environnementales-certification-haute-valeur-environnementale-hve-dans">comme révélé par l’Office français de la biodiversité</a> (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle PAC, au risque de créer une <a href="https://www.biofil.fr/actualites-nationales/label-hve-le-conseil-detat-saisi-pour-tromperie/">concurrence déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio</a>, d’autant plus que les aides publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.</p>
<p>La décision récente de l’État de retirer son projet de taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, <em>de facto</em>, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/document/download/df01a3c7-c0fb-48f1-8eca-ce452ea4b8c2_en?filename=agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels</a>.</p>
<p>Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des charges sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la transition agroécologique.</p>
<p>Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la vente directe et à des dispositifs tels que les <a href="https://theconversation.com/les-amap-leconomie-collaborative-les-pieds-sur-terre-68318">AMAP</a> qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.</p>
<p>Les agriculteurs engagés pour la transition écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la chaîne de valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’une utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Harold Levrel est professeur d'économie écologique à AgroParisTech</span></em></p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.Harold Levrel, Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161942023-11-26T15:37:16Z2023-11-26T15:37:16ZEn France, une taxation des terres agricoles qui favorise leur artificialisation<p>Dans le cadre de l’Union européenne (UE), malgré une politique commune ancienne et qui bénéficie aujourd’hui de <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/financing-cap/cap-funds_en">32 % du budget européen</a>, malgré des directives sur l’environnement ou le marché intérieur, l’agriculture ne fait pas l’objet de processus d’harmonisation fiscale. Or, les <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">systèmes de taxation</a>, objet de nos <a href="https://fondationbiodiversite.fr/openpdf.php?pdf=https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2022/09/FRB_Taxation_terres_agricoles_Europe">travaux récents</a>, ne sont pas sans effet sur la rentabilité de l’<a href="https://theconversation.com/topics/agriculture-20572">agriculture</a>, l’adoption de telle ou telle pratique plus ou moins respectueuse de l’environnement et l’artificialisation des terres de culture ou d’élevage.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’UE, les gouvernements de nombreux États membres et la profession agricole sont unanimes : l’artificialisation des terres est <a href="https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/e9a42c93-0825-4fc0-8032-a5975c8df3c0">rapide</a>, particulièrement en France. C’est là un facteur d’<a href="https://www.ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf">érosion de la biodiversité</a> voire de hausse des émissions de gaz à effet de serre avec l’étalement urbain.</p>
<p>Quelle solution pour freiner le phénomène ? Des travaux universitaires suggèrent deux pistes : <a href="https://www.ccsenet.org/journal/index.php/jsd/article/view/40299">renforcer la rentabilité de l’agriculture</a> et des terres agricoles et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264837716302526">augmenter le prix des terres</a>. Or, la fiscalité influe sur ces trois facteurs. Si la taxation est trop élevée, elle peut diminuer la rentabilité de l’agriculture et donc faciliter l’urbanisation des terres agricoles. De même, le prix d’un actif correspondant en général à la somme actualisée de ses revenus futurs, si une forte taxation des terres agricoles diminue leur revenu annuel, cela tirera leur prix vers le bas et favorisera leur urbanisation.</p>
<p>En moyenne en Europe, les terres agricoles sont moins imposées que d’autres actifs, historiquement pour des raisons économiques et sociales plus qu’environnementales : soutenir la continuité de l’activité agricole et les revenus des exploitants, moderniser les exploitations. Toutefois, la France se trouve dans une situation particulière. Au sein de l’UE, elle est le pays qui taxe le plus fortement les terres agricoles.</p>
<h2>Des taxes nettement plus élevées en France que dans le reste de l’UE</h2>
<p>Outre plusieurs taxes liées au revenu (impôt sur le revenu, prélèvements sociaux, plus-values immobilières), la France applique, sur les terres agricoles, cinq taxes qui ne lui sont pas liées : la taxe foncière, la taxe pour frais de chambres d’agriculture, des droits sur les mutations à titre onéreux, des droits sur les mutations à titre gratuit et, le cas échéant, l’impôt sur la fortune immobilière.</p>
<p>La France fait partie de la moitié de pays européens qui conservent une taxe foncière indépendante du revenu sur les terres agricoles. Elle leur applique le taux marginal d’imposition le plus élevé en Europe au titre de l’impôt sur le revenu, le deuxième taux marginal le plus élevé pour les droits de mutation à titre gratuit, le quatrième taux le plus élevé pour les droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux le plus élevé pour les plus-values immobilières, avec des abattements très lents et la durée de taxation la plus longue. Elle est l’un des quatre seuls pays dans lesquels un impôt sur la fortune s’appliquant aux terres agricoles existe. Elle est le seul pays dans lequel cet impôt s’applique uniquement au foncier, désavantageant ainsi les terres agricoles par rapport aux valeurs mobilières ou liquidités.</p>
<p>En outre, alors que, dans plusieurs pays européens, la suppression récente de certains impôts a allégé la pression fiscale sur les terres agricoles, leur taxation a augmenté en France ces dernières années qu’il s’agisse des plus-values immobilières, des droits de mutation à titre onéreux, de l’impôt sur le revenu ou de plusieurs prélèvements sociaux.</p>
<p>Ces taxes multiples s’additionnent et leur total aboutit à une pression fiscale lourde et beaucoup plus élevée que dans les autres pays de l’UE sur les terres agricoles. Or, les propriétaires doivent les acquitter avec un revenu des terres agricoles particulièrement faible.</p>
<h2>Des loyers fortement taxés et pourtant de plus en plus bas</h2>
<p>La France se caractérise ainsi par un schéma devenu aujourd’hui contreproductif : un niveau de taxation élevé des terres agricoles et de leur revenu, une part importante de ces taxes qui est indépendante du revenu et qui ne tient pas compte du niveau très faible de ce revenu.</p>
<p>De fait, les loyers de fermage, fixés par l’État en France, y sont nettement plus faibles qu’en moyenne dans l’UE. Ils y représentent environ la moitié de ce qu’ils sont dans les pays voisins (en moyenne 140 euros par hectares en France contre 250 à 300 euros dans les pays voisins).</p>
<p>En comparant la taxation de deux personnes percevant le même revenu mais de deux sources différentes, on constate à quel point la situation des détenteurs de foncier rural est très défavorable. M. Dupont, propriétaire d’actions d’entreprises qui distribue un revenu libre et entier de 100 euros paye un impôt au taux fixe de 30 % et rien d’autre. Il lui reste 70 euros.</p>
<p>M. Durand, détenteur d’un terrain agricole, au lieu de percevoir un revenu complet de 100, ne recevra que 50 euros. Mais il payera, lui, chaque année, sur la moitié du revenu qui lui reste une taxe sur le foncier non bâti, une taxe pour chambre d’agriculture, un impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dont le taux marginal va jusqu’à 62,2 % et le cas échéant, un IFI. Bien que ne percevant que 50 % du revenu qu’il devrait percevoir, M. Durand est taxé comme s’il en avait perçu 100 %. La division par deux de son revenu, par l’État, n’est pas compensée par une taxation moindre. Au contraire, M. Durand est soumis à un taux global de taxation deux à trois fois plus élevé que M. Dupont qui, lui, perçoit 100 % de son revenu.</p>
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<p>Ce système institué à partir de 1945 avait, à l’origine, vocation à permettre aux exploitants agricoles un accès à la terre sans supporter les coûts notables de son acquisition et à soutenir le revenu de ces derniers. Il s’agissait d’inciter des non-agriculteurs à « porter » le foncier agricole pour épargner cette charge aux exploitants et leur permettre d’investir dans la modernisation de leurs exploitations. En échange, les bailleurs se contentaient d’un loyer modeste, permettant un rendement bas mais positif.</p>
<p>Le dispositif, qui a correctement fonctionné jusqu’aux années 60, a déraillé, peu à peu, à partir des années 70 pour plusieurs raisons. D’abord, les loyers de fermage, peu revalorisés, ont augmenté moins vite que l’inflation. Depuis 1950, ils <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2013-4-page-77.htm">reculent d’environ 1,2 % à 1,3 % par an en euros constants</a>. En parallèle, la taxation des revenus du foncier rural et des terres agricoles elles-mêmes s’est nettement accrue. On a donc assisté à un effet de ciseau : baisse des revenus et augmentation de la taxation.</p>
<h2>Artificialiser, seule porte de sortie ?</h2>
<p>Une telle combinaison aboutit tendanciellement à une rentabilité après impôt nulle voire négative des terres agricoles. Entre 1999 et 2019, le rendement locatif brut des terres agricoles a <a href="https://www.safer.fr/app/uploads/2023/06/2023-PDT2022-72p-BD.pdf">diminué de près de moitié</a>.</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.le-prix-des-terres.fr/nos-publications/">prix des terres</a> agricoles qui avait progressé entre 1953 et 1978 a régressé après. À partir de cette date, l’appréciation du prix des terres n’a plus compensé l’érosion des loyers de fermage. Aujourd’hui, le prix réel moyen de l’hectare agricole est toujours inférieur de plus d’un tiers à sa valeur de 1978.</p>
<p>Les détenteurs de terres agricoles se sont donc trouvés placés dans une situation où, du fait de l’érosion puis de la disparition du rendement locatif net, la seule porte de sortie qui leur était laissée, pour tirer un revenu positif de leur actif, était d’en changer la destination : urbanisation, installation d’infrastructures d’énergies renouvelables.</p>
<p>Le mécanisme mis en place pour soutenir le revenu des agriculteurs aboutit donc, paradoxalement, à diminuer la quantité de leur premier facteur de production : la terre. Cette évolution n’est guère conforme à l’intérêt des exploitants agricoles qui sont peu nombreux à ne pas louer une partie au moins des terres qu’ils exploitent. Près des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676823?sommaire=3696937#graphique-figure2">deux tiers</a> des terres sont louées en France, contrairement au Royaume-Uni par exemple où la majorité des exploitants sont aussi propriétaires.</p>
<p>Elle semble par ailleurs contradictoire avec la maitrise de l’artificialisation aujourd’hui inscrite dans la loi et défavorable à la biodiversité et aux politiques climatiques. Les objectifs de zéro artificialisation nette en 2050 et de diminution du rythme d’artificialisation d’ici à 2030 ne règlent nullement ce problème. Les nouvelles normes règlementaires aboutiront probablement à diminuer la vitesse d’artificialisation des terres agricoles et des espaces naturels. On peut s’en réjouir. Mais ils ne modifient en rien la situation de rentabilité négative du foncier rural. Or, on voit mal comment les pouvoirs publics pourraient obliger les détenteurs d’espaces naturels et agricoles à conserver des actifs structurellement en perte. Si la règlementation n’évolue pas pour leur permettre d’atteindre une rentabilité minimale, même faible, leur artificialisation se poursuivra de manière déguisée. On le voit déjà avec la multiplication récente des projets d’installations photovoltaïques, très consommatrices d’espace et contraires à l’essence même du zéro artificialisation nette.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216194/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Sainteny participe à plusieurs think tank travaillant sur les sujets du développement durable.</span></em></p>Le prix des terres agricoles comme les loyers fixés par l’État diminuent quand les taxes augmentent. Leurs propriétaires sont ainsi incités à artificialiser.Guillaume Sainteny, Maitre de Conférences à AgroParisTech, Membre de l’Académie d’Agriculture de France, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2052522023-08-08T14:02:53Z2023-08-08T14:02:53ZUn revenu de base garanti pour un système alimentaire plus juste et plus durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524926/original/file-20230508-40482-cjmogq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C18%2C3971%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une agricultrice de la ferme urbaine Roots Community Food Centre, dans le nord-ouest de l'Ontario, récolte les courges Gete-Okosomin.</span> <span class="attribution"><span class="source">(C. Levkoe)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le système alimentaire canadien <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/62f0014m/62f0014m2022014-fra.htm">subit des bouleversements constants</a>. Perturbations de la chaîne d’approvisionnement, inflation des prix et évènements météorologiques extrêmes sont en cause. </p>
<p>Évidemment, la population ressent les effets de ces tensions : en 2021, près de 16 % des ménages provinciaux ont <a href="https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2022/08/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2021-PROOF.pdf">connu une certaine forme d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Des programmes fédéraux tels que la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Prestation canadienne d’urgence (PCU)</a> et le récent <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2023/04/le-ministre-fraser-presente-les-investissements-du-budget-de-2023-pour-fournir-un-nouveau-remboursement-propose-pour-lepicerie.html">remboursement des épiceries</a> témoignent des interventions gouvernementales directes sur le revenu pour garantir l’équité en période d’urgence, y compris l’accès à la nourriture.</p>
<p>Il a été évoqué que ce <a href="https://theconversation.com/does-ottawas-grocery-rebate-signal-a-shift-to-a-broader-guaranteed-basic-income-203132">nouveau remboursement des épiceries</a>, qui a été distribué par le biais du système de crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS/TVH), ouvrait la voie à l’atteinte d’un revenu de base garanti. </p>
<p>Or, un revenu de base garanti doit passer par des paiements réguliers, et non un remboursement ponctuel. </p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre <a href="https://www.northernpolicy.ca/upload/documents/publications/reports-new/tarasuk_big-and-food-insecurity-fr.pdf">l’insécurité alimentaire individuelle et familiale</a> chez les personnes les plus vulnérables. Et il permettrait de s’assurer que chacun puisse répondre à ses besoins de base avec dignité.</p>
<h2>Ce que disent les recherches</h2>
<p>Les groupes et réseaux en faveur d’un revenu de base au Canada s’entendent sur la mise en place d’une <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/qu-est-revenu-de-base/revenu-de-base-que-nous-voulons/">évaluation du revenu</a>, impliquant des transferts d’argent aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil.</p>
<p>En tant qu’experts en systèmes alimentaires durables, nous suggérons qu’un revenu de base garanti pourrait non seulement être un outil important pour aborder l’accès économique à l’alimentation, mais également pour soutenir la durabilité de l’ensemble du système alimentaire.</p>
<p>Nous nous appuyons sur nos recherches réalisées en collaboration avec <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/">Coalition Canada</a>, un réseau de groupes de défense du revenu de base. Nos recherches ont réuni des équipes interdisciplinaires de chercheurs et de professionnels pour <a href="https://basicincomecoalition.ca/en/actions/case-for-basic-income/">développer une série d’études de cas</a> examinant le revenu de base dans différents secteurs. Ces secteurs comprennent les arts, la finance, la santé, les municipalités et le système de justice pénale.</p>
<p>Notre travail s’est concentré sur les secteurs de <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2023/03/1.-Case-for-agriculture-March-3-2023.pdf">l’agriculture</a> et de la <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2022/08/Fisheries-basic-income-case-formatted-July-2022.pdf">pêche</a>, avec l’implication des membres de l’Union nationale des fermiers, de l’Union paysanne, d’Ecotrust Canada et de l’Alliance des pêcheurs autochtones.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos recherches suggèrent qu’un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles sont confrontées les <a href="https://www.nfu.ca/fr/policy/towards-a-national-agricultural-labour-strategy-that-works-for-farmers-and-farm-workers/">agriculteurs</a> et les <a href="https://doi.org/10.1007/s10393-005-6333-7">communautés de pêcheurs</a> du Canada. Cet outil pourrait également contribuer à une <a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">transition plus juste et durable du système alimentaire</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">L’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste</a>
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<h2>Réduire l’incertitude économique</h2>
<p>L’un des impacts potentiels d’un revenu de base garanti serait de réduire l’incertitude économique pour les travailleurs les plus vulnérables des secteurs de l’agriculture et des pêcheries. </p>
<p>Les personnes employées dans le secteur de la transformation alimentaire et de la pêche ainsi que les ouvriers agricoles sont particulièrement vulnérables au chômage saisonnier, aux bas salaires, aux avantages sociaux inéquitables, et aux conditions de travail dangereuses, y compris des <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2021.736680">taux élevés d’accidents du travail et de maladies professionnelles</a>.</p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait offrir aux individus une plus grande sécurité financière et un plus grand contrôle sur leurs choix d’emploi et ainsi contribuer à résoudre les inégalités raciales, de classe et de genre <a href="https://doi.org/10.15353/cfs-rcea.v9i2.521">qui prévalent dans le travail lié aux systèmes alimentaires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une moissonneuse-batteuse récolte une culture de blé dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles font face les travailleurs-euses des industries agricoles et de la pêche au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jeff McIntosh</span></span>
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<h2>Soutenir les nouveaux pêcheurs et agriculteurs</h2>
<p>Un deuxième impact potentiel d’un revenu de base garanti pourrait être de soutenir la relève dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Dans l’ensemble du Canada, la main-d’œuvre des industries de la <a href="https://atlanticfisherman.com/the-greying-of-the-fleet/">pêche commerciale</a> et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220511/dq220511a-fra.htm">l’agriculture</a> vieillit.</p>
<p>Soutenir les nouveaux agriculteurs et pêcheurs, en particulier ceux qui utilisent des pratiques socialement et écologiquement durables, est essentiel pour construire un système alimentaire plus résilient.</p>
<p>La relève en agriculture et dans le milieu de la pêche commerciale <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/communaute-et-reseaux/nouveaux-agriculteurs-et-pecheurs">fait face à d’importantes barrières</a> liées aux coûts élevés d’entrée tels que l’accès à la terre et aux équipements ou l’achat d’un bateau et d’une licence de pêche combinés à des prix fluctuants et incertains pour leurs produits.</p>
<p>Bien qu’un revenu de base garanti ne puisse pas à lui seul résoudre ces défis, il pourrait offrir une <a href="https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2020/04/Income-Stability-Supplement-Proposal.pdf">plus grande stabilité économique aux nouveaux agriculteurs et pêcheurs</a>, particulièrement dans l’optique où ils doivent investir dans les infrastructures et la formation.</p>
<h2>Se préparer aux futurs facteurs de stress</h2>
<p>Un revenu de base garanti pourrait également constituer une étape vers la construction d’une résilience face aux facteurs de stress persistants, tels que la crise climatique et les évènements météorologiques extrêmes, en plus de permettre de se préparer aux urgences futures.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a démontré que ceux et celles ayant des revenus plus stables et des conditions de travail flexibles sont <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2021.614368">mieux équipés pour s’adapter aux chocs imprévus</a>. Par exemple, pendant la pandémie, les entreprises de transformation de produits de la mer de type <a href="https://open.library.ubc.ca/soa/cIRcle/collections/ubctheses/24/items/1.0390311">« du bateau à la fourchette »</a> ont mieux résisté aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer en raison de capacité d’adaptation et de leur proximité avec les consommateurs.</p>
<p>Actuellement, les agriculteurs et pêcheurs à petite échelle bénéficient de moins de soutien, car la plupart des <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">subventions vont aux grandes entreprises industrielles</a>. Cependant, ces petits producteurs jouent un rôle crucial dans <a href="https://theconversation.com/the-future-of-food-is-ready-for-harvest-103050">l’approvisionnement alimentaire des marchés régionaux et locaux</a>, ce qui peut servir de tampon important en période de crise, réduisant le stress lié aux chaînes d’approvisionnement de longue distance.</p>
<p>La mise en place d’un revenu de base garanti serait une mesure proactive pour <a href="https://doi.org/10.1080/19320248.2015.1004220">soutenir des moyens de subsistance équitables</a> pour les petits agriculteurs et pêcheurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes se tiennent sur le pont d’un petit bateau de pêche qui flotte dans le port d’un plan d’eau" src="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des pêcheurs autochtones quittent le port de Saulnierville, Nouvelle-Écosse en octobre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Andrew Vaughan</span></span>
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<h2>Les prochaines étapes pour le système alimentaire</h2>
<p>Un revenu de base garanti aurait le potentiel d’apporter de nombreux impacts positifs. Mais il ne devrait pas remplacer les programmes gouvernementaux existants de soutien à l’agriculture et à la pêche tels que les subventions, la recherche publique et la formation et les programmes de développement des compétences.</p>
<p>Un revenu de base garanti ne devrait pas non plus remplacer les programmes contributifs tels que les <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/assurance-emploi-pecheur.html">prestations d’assurance-emploi pour les pêcheurs</a>. Un revenu de base garanti offrirait un soutien aux pêcheurs dont les revenus sont trop faibles pour être admissibles à l’assurance-emploi ou qui sont dans l’incapacité de partir en mer.</p>
<p>Des recherches et des efforts politiques supplémentaires seront essentiels pour mieux comprendre comment un revenu de base garanti pourrait chevaucher d’autres formes de soutien financier telles que les assurances, les prêts et le financement climatique.</p>
<p>Des recherches supplémentaires seront également essentielles pour comprendre comment un revenu de base garanti pourrait soutenir les travailleurs migrants recrutés dans le cadre du <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/travailleurs-etrangers-temporaires.html">Programme des travailleurs étrangers temporaires</a>. Les travailleurs migrants sont essentiels à la transformation des produits de la pêche, de la viande et de l’horticulture.</p>
<p>Il est également nécessaire de réfléchir de manière systématique et holistique au rôle du revenu de base dans l’ensemble du système alimentaire. La seule façon de le faire est d’obtenir davantage de contributions des communautés agricoles et de pêche et des communautés autochtones en collaboration avec des organisations de lutte contre la pauvreté, de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire.</p>
<p>Nous pensons qu’un revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, tout en encourageant le développement de réseaux intersectoriels, de recherches et de politiques communes.</p>
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<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la contribution des équipes d’auteurs de la série de documents de Coalition Canada sur le revenu de base.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Marie-Camille Théorêt, assistante de recherche de <a href="https://theconversation.com/profiles/bryan-dale-1145023/">Bryan Dale</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205252/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Lowitt a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Z. Levkoe a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du gouvernement de l'Ontario.</span></em></p>Le revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.Kristen Lowitt, Assistant Professor, Environmental Studies, Queen's University, OntarioCharles Z. Levkoe, Canada Research Chair in Equitable and Sustainable Food Systems, Lakehead UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954162023-03-14T14:29:24Z2023-03-14T14:29:24ZL’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512997/original/file-20230301-14-xiowmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les semis poussent dans une serre en Outaouais, Québec. C'est le moment de réfléchir à l'avenir de notre système alimentaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Bryan Dale)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>[<em>Note d’autrices : Afin de faciliter la lecture du texte, nous avons employé le féminin comme genre neutre pour désigner tous les genres.</em>]</p>
<p>Ayant mis en lumière les défaillances et la fragilité d’un système alimentaire globalisé, la pandémie de la Covid-19 a créé un <a href="https://www.lenouvelliste.ca/2021/02/16/sondage--82--des-quebecois-font-des-efforts-pour-acheter-local-video-c67432c73c16b52ba4df8d2345057ca9">réel engouement pour la consommation locale</a>, largement promue par le gouvernement québécois comme mesure de mitigation des effets de la pandémie. </p>
<p>D’un côté, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1694883/gouvernement-quebec-incitatif-quebecois-agriculture">perturbation de l’arrivée de travailleurs étrangers</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/mordu/3639/euthanasie-poulet-quebec-exceldor-olymel-2022">celle du fonctionnement des abattoirs</a> ont été parmi les grandes difficultés vécues par les agricultrices québécoises. De l’autre, l’un des plus grands défis pour les plus petites productrices de proximité écologiques (PPÉ) (ou, autrement dit, les agricultrices de fermes durables à l’échelle humaine) a été de satisfaire une demande décuplée pour des produits frais, locaux et écologiques. </p>
<p>Mais les chiffres ne se maintiennent pas : si un brusque retour à la normale s’est opéré en 2021 (par rapport à 2020), certaines PPÉ rapportent même une <a href="https://www.ledevoir.com/economie/722988/consommation-minuit-moins-une-pour-les-producteurs-maraichers-bios">baisse de la demande en 2022</a>. </p>
<p>Pourtant, le gouvernement québécois redouble d’ardeur pour promouvoir les aliments locaux, que ce soit en bonifiant son soutien à <a href="https://www.alimentsduquebec.com/fr/"><em>Aliments du Québec</em></a>, en adoptant sa <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/strategie-nationale-achat-aliments-quebecois">Stratégie nationale d’achats d’aliments québécois</a>, ou en investissant massivement, voire uniquement, dans des technologies comme des <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/croissance-serres">serres</a> ou des infrastructures de transformation alimentaire. </p>
<p>Alors, comment expliquer cette baisse d’engouement ? </p>
<p>Chercheuses sur les systèmes alimentaires durables, nous proposons d’apporter un éclairage sur les raisons pour lesquelles les politiciennes et les citoyennes doivent viser à soutenir les changements beaucoup plus ambitieux que le soutien éphémère pour la production et la consommation locale.</p>
<h2>L’autonomie alimentaire est insuffisante</h2>
<p>La principale conclusion que nous tirons de la recherche que nous avons menée auprès de PPÉ et autres actrices issues d’initiatives alimentaires alternatives est la suivante : l’<em>autonomie alimentaire</em> comme cadre d’action pour (ré)organiser le système alimentaire québécois n’est pas suffisante ; il faut plutôt opérer ce qu’on nomme une <em>transition juste</em>. </p>
<p>En quoi l’autonomie alimentaire est-elle insuffisante ? Tout d’abord, elle ne remet pas suffisamment en question les modèles de production. Ceux des PPÉ, qui peuvent être très divers, sont à privilégier et à reproduire. </p>
<p>Face aux <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2020-12-13/le-rechauffement-climatique-affecte-l-agriculture-quebecoise.php">changements climatiques</a>, notamment, les PPÉ interrogées sont d’avis qu’une plus grande (bio)diversité sur de plus petites surfaces favorise la résilience des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-28/agriculture-regeneratrice/la-nature-est-dans-la-ferme.php">écosystèmes agricoles</a>. À l’inverse, les modèles conventionnels, souvent « hyperspécialisés » et dépendants d’une grande quantité et variété d’intrants, ne permettent pas cette résilience. </p>
<h2>La précarité des productrices agricoles</h2>
<p>Cependant, peu importe le mode de production, un autre angle mort de l’autonomie alimentaire est la grande précarité dans laquelle vivent les productrices. Notre recherche a confirmé ce qui avait déjà été <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1728349/canada-agriculture-manitoba-sante-mentale">largement démontré</a> : la charge financière et mentale des fermières est préoccupante et insoutenable. </p>
<p>Parmi ce qui contribue à ce fardeau, on compte le manque bien connu de main-d’œuvre agricole locale, manque que l’on tente de compenser par la venue de travailleurs étrangers temporaires dont les conditions de vie et de travail sont <a href="https://www.ledevoir.com/societe/606993/travailleurs-etrangers-temporaires-des-normes-de-logement-inferieures-a-toutes-les-autres">trop souvent déplorables</a>. </p>
<p>De plus, les PPÉ, en particulier, doivent très souvent porter à la fois les chapeaux de productrices et d’expertes en marketing et distribution, alors qu’elles sont très peu soutenues tant au niveau de la production qu’à celui de la mise en marché. Cette dernière est d’ailleurs particulièrement difficile pour les produits issus de la production de proximité écologique. </p>
<p>Alors que les PPÉ ne peuvent satisfaire aux exigences des chaînes d’approvisionnement menant aux supermarchés conventionnels, telles qu’un approvisionnement stable durant l’année ou encore une longue durée de conservation, la mise en marché directe dans les marchés fermiers ou via des abonnements de type <a href="https://www.fermierdefamille.org/lagriculture-soutenue-par-communaute">« Agriculture soutenue par la communauté » (ASC)</a>, par exemple, est coûteuse en temps et relativement inefficace. </p>
<p>De plus, l’accessibilité physique, logistique et économique de ces types de mise en marché est compromise par des facteurs socioéconomiques sortant largement du strict cadre alimentaire ; la production de proximité écologique étant la plupart du temps incompatible avec la lutte contre <a href="https://banquesalimentaires.org/qui-sommes-nous/nos-publications/">l’insécurité alimentaire</a>. La rencontre entre les consommatrices et les PPÉ se fait donc difficilement et dans la marge. </p>
<p>En somme, il est évident que l’autonomie alimentaire ne permet pas de prendre en compte tous ces enjeux, et c’est pourquoi des chercheuses y réfèrent comme étant le « piège local » (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0739456X06291389"><em>local trap</em></a> en anglais) lorsqu’elle est promue comme un cadre d’action en elle seule. </p>
<p>L’unique consommation locale ne permet pas de relever la grande majorité des problèmes au cœur de notre système alimentaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique représentant l’autonomie alimentaire par rapport à la transition juste et la souveraineté alimentaire" src="https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bien que la consommation locale soit fondamentale à la souveraineté alimentaire, qu’elle rejoigne l’agroécologie, et qu’elle fasse partie du processus de transition juste, l’autonomie alimentaire seule mène inévitablement au « piège local », car elle ne permet pas de prendre en compte les enjeux environnementaux et socioéconomiques indissociables des systèmes alimentaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Graphique par Bryan Dale)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vers une transition juste</h2>
<p>L’objectif ne doit donc pas être simplement d’atteindre l’autonomie alimentaire, mais d’entreprendre le processus d’une transition juste vers un système alimentaire souverain et <a href="https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/aux-champs-citoyens-agroecologie-et-transition-juste-au-quebec/">agroécologique</a>. Il s’agit d’une opportunité pour repenser activement le modèle alimentaire actuel, dont les règles ne permettent pas sa transformation. </p>
<p>Il est important de préciser que ce processus doit être structuré de façon à ce que toutes les actrices de l’agroalimentaire s’unissent et se dirigent vers un but commun : une agriculture de proximité écologique pour une alimentation saine, ainsi qu’accessible et inclusive, sans compromis. En d’autres termes, la <a href="https://iris-recherche.qc.ca/publications/qu-est-ce-que-la-transition-juste/">transition juste</a>, c’est inviter tout le monde à la table, des fermières aux consommatrices, pour penser au-delà des modèles établis et des pratiques populaires. </p>
<p>Jusqu’à maintenant, nos recherches nous permettent d’estimer que le développement d’infrastructures du milieu (<a href="https://foodpolicyforcanada.info.yorku.ca/rebuilding-infrastructure-of-the-middle/"><em>infrastructure of the middle</em></a> en anglais) offrirait une structure physique et logistique efficace pour les PPÉ et les consommatrices. Brièvement, ces infrastructures à la fois matérielles et immatérielles – réseaux, ressources, logistiques – permettent de réunir une masse suffisante de PPÉ et autres productrices et transformatrices alimentaires, d’un côté, et de consommatrices, de l’autre, afin de surmonter les difficultés de la mise en marché directe tout comme celles liées aux chaînes d’approvisionnement conventionnelles. </p>
<p>Plus précisément, les infrastructures du milieu s’adaptent aux réalités locales et peuvent prendre la forme de <a href="https://recolte.ca/salim-info/poles/">pôles logistiques alimentaires</a>, <a href="https://www.lepetitabattoir.com">d’abattoirs communautaires et coopératifs</a>, ou encore, de <a href="https://www.atestrie.com/">marchés alimentaires coopératifs</a>. </p>
<h2>Une question de responsabilité collective</h2>
<p>Bien évidemment, il est possible de nommer ces exemples puisqu’ils existent déjà. Cependant, les formes existantes de mise en commun et de coopération entre fermes, organismes et consommatrices sont marginales et doivent être soutenues. Nos recherches démontrent effectivement que ces infrastructures intermédiaires requièrent une contribution externe au milieu agricole. </p>
<p>Présentement, la plupart des initiatives de mise en marché alternatives et collaboratives est réalisée par de tierces parties, souvent des <a href="https://carrefoursolidaire.org/">organismes communautaires</a> de lutte contre l’insécurité alimentaire, et elles sont du même avis : le développement des infrastructures du milieu requiert un soutien substantiel du gouvernement de même qu’un profond engagement de la population. En d’autres mots, le déploiement de nouvelles infrastructures et nouvelles pratiques en général doit être envisagé comme un processus de transition – juste.</p>
<p>Finalement, la transition juste comme cadre d’action nous oblige à ne plus ignorer les angles morts de l’autonomie alimentaire qui incluent la crise climatique, le bien-être humain et la justice sociale. Effectivement, s’engager dans notre système alimentaire, c’est réaliser que les aliments sont au cœur de notre tissu social. </p>
<p>Comme nous l’a dit l’artisan fermier et auteur <a href="https://www.enpleinegueule.com/">Dominic Lamontagne</a>, « puisque tout le monde profite de l’acte alimentaire, tout le monde devrait mettre l’épaule à la roue. » </p>
<p>Nous avons toutes besoin de ce système alimentaire sain et juste. Nous devons toutes mettre la main à la pâte, d’une façon ou d’une autre, pour non seulement façonner le système alimentaire de demain, mais aussi des communautés saines et résilientes où il fera bon vivre. </p>
<p>En fait, il en va de notre responsabilité collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195416/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryan Dale a reçu des financements de l'Université Bishop's pour soutenir ses recherches. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marianne Granger a reçu des financements de l'Université Bishop's. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélodie Anderson a reçu des financements de l'Université Bishop's. </span></em></p>À la lumière des changements engendrés par la pandémie, il est clair que l’autonomie alimentaire comme cadre de référence pour (ré)organiser le système alimentaire québécois n’est pas suffisante.Bryan Dale, Assistant Professor, Bishop's UniversityMarianne Granger, Auxiliaire de recherche en agriculture et systèmes alimentaires durables, Bishop's UniversityMélodie Anderson, Auxiliaire de recherche en Agriculture et systèmes alimentaires durables, Bishop's UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2003102023-02-24T18:27:30Z2023-02-24T18:27:30ZCoopératives agricoles : la grande panne du modèle de gouvernance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511166/original/file-20230220-20-y7azd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=102%2C0%2C1005%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les coopératives qui dégagent plus de 75&nbsp;millions d’euros de chiffre d’affaires par an, moins de 25&nbsp;% des membres participent aux votes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sybarite48/28860656548">Daniel Jolivet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cooperatives-agricoles-62996">coopératives agricoles</a> représentent aujourd’hui la <a href="https://www.routledge.com/Farmers-Cooperatives-and-Sustainable-Food-Systems-in-Europe/Gonzalez/p/book/9780367510947">moitié des activités agricoles mondiales</a>. Fondées par des agriculteurs, qui seront à l’honneur comme chaque année fin février à l’occasion du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/salon-de-lagriculture-25013">Salon de l’agriculture</a> de la porte de Versailles, à Paris, les coopératives conservent un <a href="https://www.quae.com/produit/1699/9782759233588/gouverner-les-cooperatives-agricoles/commentaires-clients">système de gouvernance original</a> qui permet la représentation des intérêts des paysans.</p>
<p>Leur stratégie s’inscrit généralement dans le long terme et dans une perspective <a href="https://www.cairn.info/revue-recma-2020-4-page-23.htm">moins financiarisée que leurs homologues privés et cotés</a>. Les choix stratégiques des coopératives sont donc déterminants à la fois pour la <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/interview/100-des-cooperatives-sont-engagees-dans-les-transitions-agroecologiques-selon-dominique-charge/">qualité de notre alimentation</a> comme pour les sujets relatifs à la durabilité et à la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0iXj-2TWO74">souveraineté alimentaire</a>.</p>
<p>À la différence des autres entreprises, le bon fonctionnement des coopératives repose sur un pilier essentiel, qui conditionne leur développement et leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gouvernance-23847">gouvernance</a> : <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cjag.12015">l’engagement réel et effectif de leurs adhérents</a>. Les adhérents ont la particularité d’entretenir une <a href="https://www.cairn.info/revue-recma-2016-1-page-19.htm">triple relation</a> avec la coopérative : ils sont détenteurs de parts sociales, fournisseurs (ils apportent leurs récoltes afin qu’elles soient vendues ou valorisées) et également clients (ils achètent des produits et services à la coopérative). Du fait de cette triple fonction, l’engagement des adhérents est crucial pour que la coopérative, par le biais de sa gouvernance, soit en mesure de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie pertinente, porteuse de sens et qui bénéficie également aux membres de l’organisation.</p>
<p>Or, depuis plusieurs années, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cjag.12015">chercheurs</a>, des observateurs mais aussi les représentants des coopératives elles-mêmes tirent la sonnette d’alarme : les adhérents sont de moins en moins engagés, désertent parfois les réunions et participent très peu aux élections jusqu’à devenir parfois des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/apce.12205">passagers « fantômes »</a>.</p>
<h2>Des coopérateurs de moins en moins engagés</h2>
<p>Selon les derniers chiffres de <a href="https://actualites-agricoles.lacooperationagricole.coop/images/files/2021/AA-2021-07-23/Observatoire%20gouvernance%20coop%20Juin%202021.pdf">l’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles</a>, 75 % des coopératives interrogées (764 coops soit 83 % du chiffre d’affaires du secteur coopératif), identifient un risque important lié à l’engagement des adhérents. Cela se traduit notamment par une faible participation aux instances essentielles de la coopérative (assemblée générale et/ou de section). Le taux de participation chute en dessous de 25 % des membres dès le seuil de 75 millions de chiffre d’affaires franchi.</p>
<p>Cette même inquiétude était partagée dans le rapport de la récente mission parlementaire portant sur <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b5040_rapport-information">« le secteur coopératif dans le domaine agricole »</a>. Ainsi peut-on y lire :</p>
<blockquote>
<p>« La faible participation en assemblée générale, parfois réduite en moyenne à 20 % pour les grandes coopératives, traduit une certaine distension du lien entre les associés coopérateurs et les coopératives, en particulier dans les plus grandes d’entre elles ».</p>
</blockquote>
<p>La faible représentation des adhérents pose évidemment un problème politique majeur dans des organisations démocratiques, chaque adhérent n’ayant qu’une voix, quel que soit le nombre de parts sociales détenues. En effet, comment justifier et rendre légitime des décisions s’appliquant à l’ensemble des adhérents quand seule une petite minorité est présente à l’heure des décisions ? Cela renvoie à une <a href="https://www.jstor.org/stable/20024687">forme de « tyrannie » de la minorité</a> et interroge les fondements mêmes de la coopérative.</p>
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<p>Face à ce constat inquiétant, comment relever le défi de l’engagement des adhérents ? La recherche en sciences sociales s’est penchée de longue date sur le sujet. L’engagement revêt trois dimensions majeures : une dimension affective (attachement émotionnel et sentiment d’appartenance) ; un engagement normatif (je me dois de rester dans l’organisation) ; et une dimension de continuité (je n’ai pas d’autres choix que de rester ou si je souhaite partir cela m’est relativement coûteux).</p>
<p>La situation idéale est évidemment constituée par un alignement de ces trois dimensions. En revanche, si une des dimensions est manquante ou pénalisée, c’est l’engagement global des individus qui peut être <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/agr.21321">significativement affecté</a>.</p>
<h2>Le risque d’un cercle vicieux</h2>
<p>Au terme d’un travail de terrain, notre recherche récente nous a permis de dégager une typologie des adhérents de coopératives. Le désengagement se manifeste de diverses façons. Au-delà des adhérents les plus désengagés (les « absents »), deux cas de figure intermédiaires relèvent de formes intermédiaires et pernicieuses du désengagement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511168/original/file-20230220-28-xfgul0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Typologie des adhérents de coopératives.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons observé des adhérents faisant plus ou moins acte de présence mais qui ne s’investissent jamais dans leur structure ou ne participent pas à l’effort collectif, ce sont en quelque sorte des présents « passifs » et très peu moteurs (les adhérents « passifs »).</p>
<p>À l’inverse, nous avons observé des adhérents investis sur le terrain ou auprès de leurs collègues mais peu présents dans les instances ou ne souhaitant pas exercer de fonction ou de mandat (les adhérents « discrets »).</p>
<p>Or, il est absolument vital que les coopératives puissent s’appuyer sur des adhérents qui s’investissent, consacrent du temps et de l’énergie à leur coopérative et qui participent en même temps aux assemblées afin de légitimer la prise de décision qui en découle. À défaut, c’est bien un véritable cercle vicieux du désengagement qui est susceptible de se mettre en place.</p>
<p>En effet, les adhérents risquent d’être insatisfaits et d’être encore moins représentés, ce qui les conduit à ne plus croire au système politique de la coopérative et les incite à se désengager davantage au point de devenir des adhérents fantômes. Dans ce cas de figure, la coopérative est vidée de sa substance réelle, de sa nature coopérative et se retrouve livrée au bon vouloir d’une poignée d’élus ou de dirigeants. Il y a alors un risque fort de dérive « autocratique » ou de personnalisation du pouvoir, à l’opposé des principes coopératifs, qui sont, par essence le collectif et la démocratie.</p>
<h2>Quelques pistes de solution</h2>
<p>Face à ce constat (qui certes simplifie la diversité des situations), les coopératives, les élus et les adhérents peuvent cependant explorer quelques pistes.</p>
<p>En premier, sur ce qui fonde l’engagement des individus. Les coopératives doivent permettre le développement de la triple dimension de l’engagement : affectif, normatif et continuité. Concrètement, cela passe par la fierté et le sentiment d’appartenance. Ce qui suppose que les adhérents se sentent bien « traités » (notion de justice) et qu’ils se projettent avec fierté dans les projets portés et développés par leur coopérative.</p>
<p>À cette condition, ils seront en mesure d’avoir un engagement normatif et de s’inscrire dans une relation de continuité voulue et non subie avec leur coopérative. Au-delà du contrat liant juridiquement l’adhérent à sa coopérative, un « <a href="https://www.cairn.info/psychologie-du-travail-et-des-organisations--9782100738113-page-136.htm">contrat psychologique</a> », qui comprend les attentes non formalisées, se superpose et peut éventuellement évoluer en devenant de nature plus transactionnelle alors qu’il est idéalement de nature relationnelle.</p>
<p>Mais tout ne repose pas uniquement sur l’animation de la vie coopérative. Dès l’accueil des nouveaux adhérents comme à certains moments clés de l’année, il peut être utile de rappeler ce que « participer » veut réellement dire. On a la chance de pouvoir s’appuyer sur les <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/participer-essai-sur-les-formes-democratiques-de-la-participation/">travaux de la philosophe Joëlle Zask</a> qui a clarifié ce concept de participation : il s’agit de prendre <em>part</em> (participer à une aventure collective et être associé à un destin commun) ; d’apporter une <em>part</em> (apporter sa contribution qui permet au collectif d’exister) et enfin de bénéficier d’une <em>part</em> (sa participation est reconnue).</p>
<p>Ces quelques pistes brièvement esquissées constituent des pistes permettant d’avancer vers une véritable stratégie construite et pertinente pour faire « garantir » un contexte favorable à l’engagement réel, durable et contributif des adhérents à leur(s) coopérative(s). Car il en va au fond de la « survie » effective d’un modèle qui pèse 40 % du système agroalimentaire français et la moitié de l’agriculture mondiale.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur une étude terrain à laquelle ont été associés Rodolphe Bonsacquet et Elsa Bonnard, ingénieurs agronomes, ayant évolué au contact de nombreuses coopératives et leurs adhérents</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les adhérents, qui sont à la fois clients, fournisseurs, et détenteurs de parts sociales des structures coopératives, se montrent de moins en moins engagés dans les processus de décisions collectives.Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1931402022-10-31T19:09:53Z2022-10-31T19:09:53ZLe monde agricole n’a pas encore pris conscience de tous les avantages du numérique<p>L’agriculture est à la fois <a href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-le-secteur-agricole-et-forestier-la-fois-emetteur-et-capteur-de-gaz-effet-de-serre">responsable et victime</a> du réchauffement climatique. Responsable car elle émet près de 20 % des gaz à effet de serre, lesquels sont composés de méthane, issus notamment de l’élevage, de protoxyde d’azote, issu des épandages d’engrais et de dioxyde de carbone provenant de la consommation d’énergie fossile à la ferme. Victime car le réchauffement climatique entraîne des épisodes météorologiques fatals à certaines exploitations agricoles : gels tardifs pour les vignobles, sécheresses pour les grandes cultures, inondations altérant les sols, etc.</p>
<p>La lutte contre le réchauffement climatique constitue donc un enjeu important pour les agriculteurs : un enjeu économique mais aussi sociétal. Le monde agricole et la société en général doivent donc proposer des solutions pour réduire les gaz à effet de serre issus de l’agriculture. Les outils numériques font partie de cet arsenal de solutions.</p>
<h2>Des outils à disposition…</h2>
<p>La digitalisation de l’agriculture, ou <a href="https://theconversation.com/lagriculture-4-0-peut-elle-etre-responsable-185803">agriculture « connectée »</a>, se présente aujourd’hui sous différentes formes. La plus connue est sans doute la modulation des intrants. Celle-ci consiste à utiliser des matériels connectés qui permettent d’épandre des engrais ou des produits phytosanitaires dans la quantité suffisante, au bon moment et bon endroit.</p>
<p>Plusieurs matériels peuvent être utilisés : des boitiers connectés installés sur les rampes d’épandage, des rampes entièrement connectées ou encore des drones qui repèrent dans les champs les endroits où la plante est en stress hydrique, en perte de croissance ou attaquée par des ravageurs. L’épandage d’intrants se fait ainsi de manière précise, ce qui limite le volume d’intrants sur une parcelle.</p>
<p>D’autres outils sont utilisés par les agriculteurs : des <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/l-oeil-du-web-alsacien/alsace/les-serres-connectees-de-my-food">serres connectées</a> qui permettent de connaître la température et l’hydrométrie à l’intérieure des serres, les capteurs de gel, de température extérieure, de chlorophylle de la plante, etc. Tous ces outils permettant de limiter l’émission de certains gaz à effets de serre et notamment du protoxyde d’azote.</p>
<h2>… mais une faible digitalisation</h2>
<p>Dans une <a href="https://studies.hu/wp-content/uploads/2022/08/2305_Condor.pdf">étude</a> récente, nous montrons cependant que, si le numérique est majoritairement perçu comme un moyen d’augmenter la productivité agricole tout en respectant la planète, les outils et pratiques restent relativement peu répandus dans le secteur agricole – encore moins que dans d’autres secteurs avec des entreprises de la même taille. Dans le même temps, les bénéfices perçus de la digitalisation paraissent plus faibles que dans les autres secteurs.</p>
<p>Si ces résultats peuvent sans aucun doute cacher une importante diversité entre les sous-secteurs du monde agricole et les tailles des exploitations, ils interpellent néanmoins.</p>
<p>Les agriculteurs ne perçoivent pas le sens de la digitalisation, comme si on leur racontait des histoires à propos de l’intérêt écologique et économique de la digitalisation. Ils en concluent qu’il est nécessaire d’envisager autrement la digitalisation, de la présenter sous un angle moins productif et plus social. L’agriculture est, en effet, traversée par de multiples changements qui ne peuvent pas se réduire au changement technologique et à la réduction des gaz à effet de serre.</p>
<p>En creusant un peu plus, nous avons relevé que, en règle générale, les outils digitaux ne s’inscrivaient pas assez dans une logique de transformation numérique globale. Or, l’agriculture n’est pas seulement animée par des enjeux de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3763/ijas.2010.0583">production écologiquement intensive</a> : des enjeux sociaux sont également à prendre en compte, y compris au sein de la population des agriculteurs, lesquels justifient une nouvelle approche de l’agriculture connectée.</p>
<h2>Pas besoin des discours institutionnels</h2>
<p>Beaucoup d’exploitants aspirent aujourd’hui à changer de vie : à prendre des vacances, du temps avec leur famille, à gérer l’exploitation en distanciel, à être connectés avec leurs pairs, leurs partenaires ou leurs connaissances de manière rapide et fluide. L’agriculture est également traversée par des enjeux sociétaux comme le bien-être animal, la reconnaissance du travail de l’agriculteur, la <a href="https://theconversation.com/agriculture-urbaine-peur-sur-la-campagne-147144">lutte contre l’agri-bashing</a>, la vente directe, l’attractivité des métiers agricoles ou la transmission de l’exploitation.</p>
<p>Les agriculteurs sont aussi des entrepreneurs et des managers : ils ont donc besoin qu’on leur propose des outils de gestion prospectifs leur permettant d’être autonomes dans leurs prises de décision. Ils doivent disposer d’outils de pilotage de leur exploitation comme n’importe quelle entreprise.</p>
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<p>Plusieurs initiatives numériques sont révélatrices de ces changements : le recours à YouTube pour présenter son métier, l’utilisation d’un site marchand pour vendre les produits de la ferme, les colliers connectés pour connaître l’état de santé d’un animal à distance, les applications de gestion de la ferme ou la consultation en temps réel du cours des matières premières, des plates-formes interconnectant les agriculteurs, à des fins d’entraide notamment comme e-farm.com ou Agrifeel. Les exemples de ce type sont nombreux et tranchent avec la vision productive ou productiviste entourant l’agriculture connectée.</p>
<p>Ces nouvelles pratiques montrent qu’on se trompe probablement quant à la manière d’inciter les agriculteurs à se digitaliser. Ces derniers n’ont d’ailleurs probablement pas besoin des discours institutionnels pour le faire. Ils le font d’eux-mêmes, à leur rythme et transmettant la ferme de génération en génération. Ils ont toutefois encore besoin de nouveaux outils pour être plus réactifs en tant qu’agri-managers, pour vivre mieux au quotidien, pour mieux valoriser les métiers de l’agriculture et pour mieux transmettre leur exploitation.</p>
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<p><em>Cette thématique a été abordée les 4 et 5 juillet derniers, dans le cadre de la conférence <a href="https://www.em-normandie.com/fr/disruptechs-agora-dta-2022">DisrupTechs Agora « DTA22 »</a> lors d’un atelier dédié aux technologies disruptives et à l’agriculture. La troisième édition de cette conférence aura lieu les 26 et 27 juin prochain sur le thème des technologies disruptives et de la résilience.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Condor a reçu des financements du Crédit Mutuel, de Cerfrance et de la Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Aubry est responsable de la chaire Digitalisation et Innovation au sein des Organisations et des Territoires. Elle a reçu des financements du Credit Agricole Normandie et du groupe PTBG.
De plus, l’étude évoquée, dans cet article, a été permise par la mise en place d’une grande enquête menée par le Conseil régional de Normandie. Le Conseil régional de Normandie est à l’origine de la création d’un observatoire des transformations numériques en partenariat avec les chambres de commerce, d’agriculture et des métiers, deux laboratoires de recherche (le Metis de l’EM Normandie et le CEREQ de l’université de Caen Basse Normandie), la préfecture et la Banque des Territoires.</span></em></p>Selon une étude, la plupart des pratiques observées aujourd’hui chez les agriculteurs se constituent d’initiatives déployées à petite échelle.Roland Condor, Titulaire de la chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture », EM NormandieMathilde Aubry, Enseignant-chercheur en économie, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1868822022-09-27T20:01:31Z2022-09-27T20:01:31ZLe biocontrôle pour remplacer les pesticides : de la difficulté de changer les usages<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479350/original/file-20220816-5388-5ffk8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C57%2C5316%2C3473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coccinelle est un exemple emblématique de macroorganisme pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/harmonia-axyridis-most-commonly-known-harlequin-1460876276">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nous savons aujourd’hui que nous ne pouvons pas faire face aux problèmes environnementaux <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-a-la-croisee-des-chemins-91100">sans révision de nos modèles agricoles</a>.</p>
<p>L’agriculture affecte les grandes variables, comme le climat à travers la production de méthane ou la biodiversité à travers l’affectation de surfaces de terre considérables à des systèmes de monoculture. L’épandage à grande échelle de produits issus de la chimie de synthèse contribue bien sûr également à <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">fragiliser l’habitabilité</a> de notre planète. <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">En polluant les sols, les eaux et l’air</a>.</p>
<p>Depuis 2008, les <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plans Ecophyto</a> successifs ont visé la réduction de l’utilisation des produits chimiques dans le domaine agricole. Malgré cette intervention de l’État, l’usage de ces produits reste stable voire augmente. Des alternatives existent pourtant, <a href="https://www.researchgate.net/publication/227328058_Eilenberg_J_Hajek_A_Lomer_C_Suggestions_for_unifying_the_terminology_in_biological_control_BioControl">sous le nom de « lutte biologique »</a> ou <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">« de biocontrôle »</a>.</p>
<p>La création du consortium « biocontrôle » entre l’État et des entreprises du secteur a mis ce thème en valeur ; les techniques et les produits se diffusent cependant lentement, bien que les besoins des agriculteurs soient criants, que l’urgence à agir au plan écologique ne soit plus discutée et que la transformation des modes de production de nos économies soit en question.</p>
<h2>Le biocontrôle, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>La lutte biologique utilise des organismes vivants dits « auxiliaires de culture » pour répondre au besoin de limiter les populations de bioagresseurs des cultures – les insectes qui mangent les grains, piquent les fruits, attaquent le bois et les feuilles, etc. Parmi les solutions de biocontrôle, il en existe à base de microorganismes, de bactéries ou de virus, qui agissent sur des maladies des plantes.</p>
<p>Une seconde catégorie est faite de macroorganismes, notamment sous forme d’utilisation d’insectes ou de petits organismes vivants (par exemple, la coccinelle contre les pucerons). La lutte biologique peut consister à introduire de nouveaux organismes ou bien à développer ou maintenir la présence de populations déjà existantes d’auxiliaires de culture. En plus de ces catégories, le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">biocontrôle en France tel que défini par le consortium biocontrôle y ajoute les substances minérales</a>.</p>
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<p>S’il existe une boite à outils alternative aux produits phytosanitaires et aux engrais de synthèse, ces innovations ont du mal à se diffuser du fait de leur nature et des transformations de pratiques qu’elles supposent.</p>
<h2>Les usages agricoles dominants en question</h2>
<p>Les produits conventionnels chimiques ont une efficacité rapide, fondée sur l’éradication des insectes ravageurs des cultures. En contrepartie, ils ont aussi des <a href="https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides">effets non désirés sur d’autres entités naturelles</a>. À l’inverse, le biocontrôle propose des solutions variées et très ciblées, compatibles avec les enjeux écologiques, mais une efficacité aux délais plus longs. Il s’agit donc de deux paradigmes différents de protection des cultures.</p>
<p>Avec le biocontrôle, il s’agit de réguler les populations indésirables plutôt que de les éradiquer, d’observer ces populations dans les champs plus que de suivre un calendrier de traitement défini à l’avance, et l’efficacité est observée sur le long terme et non juste après le traitement. Le biocontrôle marche par ailleurs mieux s’il est coordonné <a href="https://www.quae.com/produit/1605/9782759230778/biocontrole">avec des efforts sur le territoire de vie des ravageurs</a> – or les institutions pour systématiser cela n’existent pas actuellement.</p>
<p>Passer de l’un à l’autre peut donc être déstabilisant pour les agriculteurs habitués depuis l’après-guerre à l’utilisation d’intrants chimiques. Certaines solutions de biocontrôle sont cohérentes avec les usages agricoles majoritaires tandis que d’autres impliquent des modifications des pratiques.</p>
<h2>Microorganismes : une prise en main assez facile</h2>
<p>Des solutions de biocontrôle à partir de microorganismes ou de phéromones peuvent en effet être formulées sous des formes similaires que ceux des produits phytosanitaires de synthèse donc utilisés de la même manière – épandage sous forme liquide par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moins-de-phytosanitaires-dans-les-vignes-cest-possible-57989">Moins de phytosanitaires dans les vignes, c’est possible</a>
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<p>Dans ce cas, les agriculteurs peuvent les intégrer dans leurs itinéraires de culture avec des modifications mineures de leurs habitudes de travail. L’utilisation conjointe avec des produits phytosanitaires de synthèse n’est cependant pas optimale, ces derniers ayant en général un effet délétère sur les microorganismes présents dans les solutions de biocontrôle. Il est donc important de penser l’utilisation alternée des solutions de lutte biologique et de produits phytosanitaires de synthèse.</p>
<p>Du point de vue économique, ce sont aujourd’hui les produits à base de microorganismes qui voient leur diffusion la plus rapide, mais ils ne répondent que partiellement aux problèmes agronomiques.</p>
<h2>Macroorganismes : transformer les itinéraires techniques</h2>
<p>L’autre grande méthode de biocontrôle, ce sont les macroorganismes, dont le représentant emblématique est la coccinelle pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles. On dit d’eux qu’ils sont des « auxiliaires de cultures » : ils sont différents des produits conventionnels chimiques tant dans les modes d’action que dans les modes d’utilisation.</p>
<p>Les recours aux auxiliaires de cultures et aux produits phytosanitaires de synthèse ne sont presque jamais compatibles entre eux, les seconds ayant un effet délétère sur les premiers. Ce type de biocontrôle implique donc des réflexions de long terme, d’introduire des logiques favorisant les équilibres naturels et un recours aux produits phytosanitaires de synthèse ultra minoritaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">INRAE : les insectes auxiliaires pour aider les agriculteurs dans la lutte biologique (France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, 28 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Au-delà de la question des itinéraires techniques, la production et l’acheminement des auxiliaires de culture impliquent aussi d’autres modes de pensée ; les insectes ne peuvent être stockés, les délais d’acheminement ne peuvent être trop longs, les distances entre sites de production et d’épandage sont contraintes pour que les insectes soient « en forme » à l’arrivée sur les lieux d’épandage. Ces contraintes requièrent de gérer différemment les approvisionnements et la mise en œuvre des auxiliaires sur le lieu d’utilisation.</p>
<h2>Développement d’une agriculture plus durable</h2>
<p>Si parmi les produits de biocontrôle certains peuvent déjà être intégrés dans les itinéraires techniques des agriculteurs, ils ne rendent pas les mêmes services que ceux des produits phytosanitaires chimiques – régulation plutôt qu’éradication des populations de ravageurs, efficacité de long plutôt que de court terme. Ils ne suffiraient donc pas à développer une agriculture agroécologique.</p>
<p>Il faudrait intégrer au fur et à mesure la totalité des solutions de biocontrôle en s’éloignant progressivement des pratiques habituelles des agriculteurs. Cela impliquerait des transformations dans les itinéraires techniques agricoles et ces nouvelles solutions devront aussi être associées à d’autres méthodes agroécologiques <a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">afin de rendre l’agriculture cohérente avec les enjeux environnementaux</a>.</p>
<p>Cette différence d’usage est l’un des paramètres qui entrent dans la moindre diffusion de ces techniques : elle invite à repenser les habitudes des agriculteurs, des coopératives d’intrants et des conseillers techniques, mais pas uniquement. Il s’agit aussi de changements systémiques impliquant différents niveaux des chaînes de valeurs et des chaînes logistiques liées à la production alimentaire et donc au système agri-alimentaire dans son ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aura Parmentier Cajaiba a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par le dispositif Ecophyto et FranceAgrimer.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manuel Boutet a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par les dispositifs Ecophyto.</span></em></p>Le biocontrôle offre des alternatives aux pesticides chimiques, ils impliquent cependant des changements à plusieurs niveaux du système agro-alimentaire.Aura Parmentier Cajaiba, Maitre de conférences, management et organisation, Université Côte d’AzurManuel Boutet, Maître de conférences, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858032022-09-21T18:29:06Z2022-09-21T18:29:06ZL’agriculture 4.0 peut-elle être responsable ?<p>Des imposants tracteurs connectés aux capteurs électroniques presque invisibles, le numérique <a href="https://theconversation.com/numerique-et-agroecologie-font-ils-bon-menage-le-cas-de-lelevage-180178">s’invite de plus en plus dans les fermes</a>, sous diverses formes. Il offre différents services pour améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources et renforcer la résilience des exploitations (santé animale et du sol, protection de la biodiversité, collecte d’informations). Son usage peut aussi contribuer à la création de connaissances et à la gouvernance collective de ces ressources.</p>
<p>Une partie des agriculteurs voient toutefois d’un mauvais œil cette incursion croissante du numérique dans leurs champs. Le 9 février 2022, <a href="https://agriculture.gouv.fr/investir-dans-la-france-de-2030-3-nouveaux-appels-projets-pour-accelerer-les-transitions-agricoles">après la parution du volet agricole</a> du plan de relance du gouvernement, la Direction départementale des territoires de la Drôme <a href="https://ricochets.cc/La-Confederation-paysanne-de-la-Drome-investit-des-locaux-de-la-DDT-mercredi-9-fevrier-a-Valence.html">a été occupée par des collectifs d’agriculteurs</a> contestant les 3 axes énoncés dans le plan par l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, pour l’avenir de l’agriculture : le numérique, la robotique et la génétique.</p>
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<p>Car, si elle est souvent présentée comme une solution face aux enjeux environnementaux – par exemple pour réduire l’usage des intrants – « l’agriculture 4.0 » pourrait aussi rendre le secteur tout autant voire plus polluant qu’auparavant.</p>
<p>Aux pollutions « classiques » engendrées par l’agriculture industrielle viendrait s’ajouter la contamination du numérique. Autrement dit, si celui-ci peut contribuer à réduire certaines pollutions agricoles comme celle des intrants, les outils utilisés pour le faire ne sont pas sans impact.</p>
<p>Les plus sceptiques perçoivent également le risque d’une perte d’autonomie des agriculteurs et la disparition de formes d’agriculture non productivistes. <a href="https://lebasic.com/wp-content/uploads/2021/11/basic-fc21-02-numerisation-monde-agricole.pdf">Dans un rapport de 2021</a>, le bureau d’études Basic concluait que la logique dominante de la numérisation de l’agriculture demeurait la maximisation des rendements et l’industrialisation du secteur.</p>
<h2>Une troisième révolution agricole ?</h2>
<p>Après une première révolution engendrée par la mécanisation (<a href="https://www.senat.fr/rap/l98-129/l98-12921.html">dans les années 1950</a>) puis une seconde fondée sur l’utilisation d’intrants chimiques (à partir des années 1960), le numérique semble incarner la troisième révolution agricole, <a href="https://agriculture.gouv.fr/investir-dans-la-france-de-2030-3-nouveaux-appels-projets-pour-accelerer-les-transitions-agricoles">largement soutenue par les pouvoirs publics</a>. </p>
<p>L’OCDE <a href="https://www.oecd.org/fr/agriculture/sujets/technologie-et-agriculture-numerique/">incite par exemple</a> les États à s’équiper en images satellitaires afin de « réduire le coût de surveillance de nombreuses activités agricoles. Les responsables de l’action publique pourraient ainsi opter pour des mesures plus ciblées en vertu desquelles les exploitants se verraient octroyer des versements (ou seraient sanctionnés) en fonction de résultats environnementaux observables ».</p>
<p>En France, le secteur public investit 1,1 milliard d’euros dans la recherche agricole en 2015 et ses dépenses sont en hausse de 1,2 % en volume sur un an. Aucun chiffre ne ventile des distinctions entre la R&D liée à l’agriculture numérique et le reste de la R&D mais l’État est actif dans la constitution d’un écosystème en faveur de « l’agriculture numérique ». En témoigne la ferme digitale qui a remis un état des lieux et des besoins de l’écosystème au ministère de l’Agriculture en <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-french-agritech-lhonneur-au-sia-de-nouveaux-engagements-pour-le-numerique-et-linnovation-dans-le">février 2022</a>.</p>
<p>L’Institut de Convergence DigitAg, visant à rassembler les projets de recherche scientifique sur l’agriculture numérique, s’est vu doter <a href="https://www.hdigitag.fr/fr/qui-sommes-nous-2/">d’une enveloppe de 9,9 millions d’euros sur huit ans</a>. La chaîne YouTube de Public Sénat relaie d’ailleurs aussi des vidéos faisant la promotion du numérique en agriculture.</p>
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<figcaption><span class="caption">Agriculture et numérique : la technologie au service des agriculteurs (Public Sénat, 1ᵉʳ mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Tandis que les associations de défense de l’agriculture voient leurs subventions publiques conditionnées à l’engagement de « ne pas troubler l’ordre public » – des subventions <a href="https://reporterre.net/Paysan-je-refuse-la-Legion-d-honneur-car-l-%C3%89tat-pietine-notre-metier">ne sont pas reconduites</a> en cas d’actions de leur part considérées portant atteinte à l’ordre public –, les start-up de l’AgTech fructifient sur des levées de fonds, avant d’être rachetées par de grands groupes ou de faire faillite alors même que de l’argent public y avait été investi. Nombre de celles gravitant autour de la robotique et de l’intelligence artificielle sont rachetées par le géant américain du machinisme agricole, John Deere, emblématique des enjeux que posent l’industrialisation et la numérisation de l’agriculture.</p>
<h2>Perte d’autonomie</h2>
<p>Après <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2020-03-05/farmers-fight-john-deere-over-who-gets-to-fix-an-800-000-tractor">l’opposition d’agriculteurs</a> au Digital Millennium Copyright Act, ce constructeur a en effet fait l’objet d’un <a href="https://www.farm-equipment.com/articles/20002-deere-hit-with-class-action-lawsuit-over-right-to-repair">combat législatif</a> aux États-Unis. Cette loi lui confère l’exclusivité sur la réparation et la modification des logiciels que l’entreprise intègre aux tracteurs qu’elle vend, ce qui force ses clients à passer par des réparateurs agréés… ou bien à pirater le logiciel. Aux États-Unis, la question de <a href="https://discardstudies.com/2021/07/14/copyright-on-the-farm/">l’ouverture au droit à la réparation</a> est maintenant conditionnée à la législation en vigueur dans chaque État fédéré.</p>
<p>Ce type de barrières restreint les capacités de résilience et d’autonomie des agriculteurs qui n’ont plus le droit officiel <a href="https://theconversation.com/la-lutte-pour-une-agriculture-libre-bricoler-et-partager-pour-semanciper-147051">d’adapter ou réparer ces machines</a>, même s’ils en ont les compétences. Le cas John Deere est le plus décrié à ce sujet et pour cause, en France, un <a href="https://www.pleinchamp.com/actualite/les-immatriculations-de-tracteurs-en-hausse-de-8-9-en-2021">tracteur roulant sur 5 serait un John Deere</a>. Certaines associations comme l’Atelier paysan, essaient de contrer ce phénomène qui consiste à rendre l’autoréparation du matériel agricole impossible.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-lutte-pour-une-agriculture-libre-bricoler-et-partager-pour-semanciper-147051">La lutte pour une agriculture libre : bricoler et partager pour s’émanciper</a>
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<p>Bien que les pièces détachées et les services de réparation soient <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2020-03-05/farmers-fight-john-deere-over-who-gets-to-fix-an-800-000-tractor">3 à 6 fois plus rentables</a> que les ventes d’équipements d’origine, John Deere affirme que sa démarche vise avant tout à sécuriser les utilisateurs des engins agricoles. Autrement dit, la tentative d’effectuer une réparation seul·e serait dangereux pour ceux qui sont amenés à conduire ultérieurement les machines.</p>
<h2>Uniformisation et appropriation du vivant</h2>
<p>Si l’usage du numérique suscite des résistances, c’est aussi parce qu’il est souvent associé à des innovations génétiques, notamment dans le cadre de pratiques de sélection génétique (végétale et/ou animale) dont les modalités sont loin de faire consensus.</p>
<p>Pour être inscrite dans le catalogue officiel, et donc utilisée et vendue légalement à des fins commerciales et productives, une variété doit respecter les critères de « Distinction, Homogénéité, Stabilité », limitant fortement la diversité génétique et la sélection par les agriculteurs. Plusieurs communautés paysannes – au niveau français le Réseau semences paysannes ou en Amérique latine la Via Campesina – demeurent attachées à des pratiques ancestrales qu’elles considèrent plus vertueuses et respectueuses de la biodiversité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-six-chantiers-prioritaires-pour-lavenir-de-lagriculture-francaise-175198">Les six chantiers prioritaires pour l’avenir de l’agriculture française</a>
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<p>Certains estiment par ailleurs que l’usage du numérique pour les avancées génétiques est responsable de l’appropriation industrielle de ressources naturelles communes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471801/original/file-20220630-12-obv80l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un robot désherbeur est photographié lors d’une démonstration de nouvelles technologies Digifermes (fermes numériques) à la ferme Arvalis, un organisme de recherche agricole appliquée dédié aux grandes cultures, le 15 juin 2016 à Saint-Hilaire-en-Woevre, dans l’Est de la France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Christophe Verhaegen/AFP</span></span>
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<p>La multiplication des capteurs et des objets connectés questionne aussi la capacité de l’agriculture 4.0 à évoluer dans des systèmes de cultures diversifiés. Le recours aux semences paysannes, de variétés anciennes et de mélanges variétaux <a href="https://resiliencealimentaire.org/wp-content/uploads/2021/01/VersLaResilienceAlimentaire-DigitaleVersion-HD-1.pdf">est pourtant recommandé par certaines associations</a> pour mieux s’adapter aux changements climatiques et aux conditions locales. Seulement, la forte hétérogénéité de ces variétés (tailles, formes, besoins en intrants, et autres) les rend difficiles à cultiver à une échelle industrielle.</p>
<p>Les avancées génétiques vont au contraire dans le sens d’une logique d’uniformisation du vivant pour faciliter l’usage des nouveaux outils, comme cela a été le cas lors de la mécanisation agricole, en adaptant le vivant aux outils plutôt que les outils au vivant.</p>
<h2>Des données en jeu</h2>
<p>Autre dimension controversée liée à la numérisation, la collecte de données qu’elle engendre : grâce aux capteurs et aux ordinateurs embarqués, les logiciels enregistrent et transmettent une multitude de données comme l’humidité du sol, niveau d’azote et autres nutriments, placement des semences, des engrais et des pesticides mais aussi qualité et quantité de la récolte. </p>
<p>Plusieurs chercheurs évoquent le risque de la revente de ces données pour développer de nouvelles solutions à destination… des agriculteurs eux-mêmes. Dès 2011, John Deere <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264282483-8-fr/index.html?itemId=/content/component/9789264282483-8-fr">a ainsi collecté et transmis à d’autres entreprises du secteur</a> les données de production des agriculteurs utilisateurs de ses tracteurs connectés, et ce sans les avertir.</p>
<p>Mais certains agriculteurs sont aussi prêts à divulguer leurs informations à ces entreprises pour qu’elles améliorent les solutions qu’elles vendent. Le 4<sup>e</sup> constructeur mondial de tracteurs AGCO Corp., qui fabrique les machines Challenger et Massey Ferguson, refusait initialement de divulguer les données de production de ses clients à un tiers. Certains agriculteurs réclamant plus de services liés aux données, cette politique a été modifiée.</p>
<p>À l’échelle sociétale, l’alliance des géants de l’agrochimie et du numérique laisse présager le danger d’une dépendance grandissante de notre alimentation envers les multinationales. La captation et l’usage de données agricoles rendent l’agriculture plus vulnérable : cyberattaques et prédictions de récoltes par territoire constituent des menaces pour la sécurité alimentaire. Or des faiblesses importantes ont été identifiées dans le logiciel de John Deere et les systèmes CNH Industrial de New Holland.</p>
<h2>L’agriculture numérique, un visage responsable ?</h2>
<p>Une agriculture 4.0 aux mains des multinationales fait courir de grands risques au secteur agricole et aux agriculteurs, mais tout n’est pas à jeter dans les outils numériques. </p>
<p>Certains ont peut-être un réel potentiel pour soutenir le développement d’une agriculture résiliente et autonome. À travers leur instantanéité et leur simplicité d’accès, ils peuvent augmenter le partage de connaissances et contribuer à la conservation du savoir paysan. Via les réseaux sociaux, les agriculteurs échangent conseils, retours d’expériences, savoirs liés aux pratiques culturales…</p>
<p>La mise à disposition des données à travers des processus libres, transparents et consentis peut aboutir à la construction de réseaux collaboratifs et améliorer l’accessibilité des agriculteurs aux technologies. Ces initiatives sont cependant limitées par les craintes légitimes des agriculteurs de se voir déposséder de leurs données et de leurs savoirs.</p>
<p>La création des connaissances et des outils numériques par, avec et pour les agriculteurs apparaît indispensable. Certaines initiatives, comme le <a href="http://agricultures-alternatives.org/rubrique12.html">pôle InPACT</a>, une plate-forme associative issue du rapprochement de réseaux associatifs agricoles, proposent la construction d’une souveraineté technologique des paysans grâce à l’intégration active des agriculteurs aux processus d’innovation et de création. L’objectif est de construire des outils à la fois mieux adaptés, mais aussi intensifs en savoir-faire et en connaissances et qui ne dépossèdent pas les agriculteurs de leur expertise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de recherche évoqué dans cet article a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme d’Investissements d’Avenir portant la référence ANR-16-CONV-0004.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romane Guillot est doctorante au sein de l’Institut DigitAg. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>George Aboueldahab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tant qu’elle restera entre les mains des multinationales, l’incursion croissante du numérique dans l’agriculture suscitera des résistances.Ysé Commandré, Doctorante en sciences de gestion, Institut Convergences Agriculture Numérique, Université de MontpellierGeorge Aboueldahab, Doctorant, Université de MontpellierRomane Guillot, Doctorante, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798502022-03-30T18:13:40Z2022-03-30T18:13:40ZDans le bassin arachidier du Sénégal, l’agroforesterie tente de retrouver sa place<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/454730/original/file-20220328-23-16kmxhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un agriculteur dans sa parcelle d’arachide en cours de reboisement grâce à la technique de régénération naturelle assistée (RNA). Les jeunes arbres qui poussent spontanément dans les parcelles sont sélectionnés, marqués et élagués afin de stimuler une croissance verticale, permettant le déploiement des cultures sous la canopée en saison des pluies.</span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin / Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 7 février au 15 mars 2022, la <a href="https://theconversation.com/au-senegal-la-grande-caravane-de-lagroecologie-reprend-la-route-176575">Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal</a> (DyTAES) – réseau qui fédère l’ensemble des acteurs de l’agroécologie du pays – a entrepris une grande caravane pour rencontrer les agriculteurs et agricultrices du pays.</p>
<p>Après les <a href="https://theconversation.com/avec-la-caravane-de-lagroecologie-au-senegal-dans-la-zone-des-niayes-pour-aborder-la-gestion-de-leau-177076">Niayes</a> et la <a href="https://theconversation.com/quelle-agroecologie-pour-le-sahel-rencontre-avec-les-agropasteurs-du-nord-senegal-177850">zone sahélienne du Nord-Sénégal</a>, la caravane DyTAES a parcouru le bassin arachidier, une vaste zone d’agriculture pluviale située au centre du pays.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455335/original/file-20220330-5922-u2qc18.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des 45 départements du Sénégal de 2008 à 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9partements_du_S%C3%A9n%C3%A9gal#/media/Fichier:Senegal,_administrative_divisions_in_colour_2.svg">Amitchell125 / Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Au cours des cinq étapes réalisées dans la zone – Ndiob, Fatick, Kaolack, Koungheul et Bambey –, les personnes rencontrées ont souligné l’urgence de lutter contre la salinisation des terres et de replacer l’arbre au cœur des systèmes de culture.</p>
<h2>Le bien nommé « bassin arachidier »</h2>
<p>Quittant la zone sahélienne et pastorale, la caravane progresse vers le sud le long d’un gradient bioclimatique marqué par une pluviométrie croissante et des paysages de plus en plus arborés. Passé la ville sainte de Touba, s’ouvre le bassin arachidier, une zone d’agriculture pluviale où les communautés Sérères cultivent des céréales sèches (mil, maïs, sorgho) et des légumineuses (arachide, niébé) en intégrant des activités d’élevage.</p>
<p>Traditionnellement, l’arbre constituait le véritable pivot du terroir du bassin. Les champs étaient constellés d’espèces ligneuses de différentes familles (Mimosacées, Bombacacées, Combrétacées) qui fertilisaient les sols, guérissaient les populations et alimentaient le bétail.</p>
<p>En particulier, les acacias de l’espèce <em>Faidherbia albida</em> (appelés aussi Kaad) fournissent des gousses nourrissantes en saison sèche et stimulent le développement des cultures de mil et d’arachide en saison des pluies. Olivier Roupsard, chercheur au Cirad, étudie les propriétés de cet arbre depuis de nombreuses années :</p>
<blockquote>
<p>« Faidherbia est l’arbre emblématique par excellence de l’agroforesterie des zones sèches : grâce à son cycle inversé, il garantit un fourrage très apprécié des animaux au moment crucial (en saison sèche) et n’entre pas en compétition avec les cultures en saison humide, ni pour l’eau, ni pour la lumière : au contraire, il les fertilise ! »</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454732/original/file-20220328-17765-1ojbzlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une parcelle d’arachide dans la commune de Ndiob. Une fois les fleurs fécondées, l’arachide enterre ses gousses où se développent les précieuses cacahuètes. L’essor des exportations d’huile d’arachide à partir des années 1960 a fait du bassin arachidier la première région agricole du Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454733/original/file-20220328-19-1lb9sw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De haut en bas et de gauche à droite : Chandelles de mil prêtes à être récoltées au mois d’octobre. Pilage du mil pour séparer les grains du rachis. Récolte de l’arachide au mois d’octobre. À Niakhar, au cœur du bassin arachidier, une équipe de chercheurs Cirad-ISRA-IRD étudie l’impact du kaad (en arrière-plan sur la photo) sur les rendements du mil et de l’arachide. Conséquence de la pression démographique croissante, les kaad subsistent mais ne sont pas renouvelés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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</figure>
<p>Le flan sud-ouest du bassin arachidier est bordé par les fleuves Sine et Saloum, dont les eaux rejoignent la mer au niveau du delta du Saloum. Classé patrimoine mondial de l’Unesco, ce delta est un refuge pour les oiseaux migrateurs venus d’Europe et l’un des plus grands réservoirs de mangrove d’Afrique. Il sert également de lieu de reproduction et de croissance juvénile pour de nombreuses espèces de poissons. À chaque marée haute, l’eau salée fait incursion dans les terres et se mélange à l’eau douce dans un dense réseau de chenaux, jusqu’à 100 km dans les terres. Les populations des villes de Fatick et de Kaolack exploitent abondamment le sel qu’ils commercialisent partout au Sénégal.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454735/original/file-20220328-13-f2tu37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une pirogue s’enfonce dans un dédale de boolong formé par les palétuviers. Les mangroves du Sine Saloum abritent une diversité exceptionnelle d’espèces d’oiseaux et poissons. Elles protègent également les terres contre les intrusions marines et l’érosion côtière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad ; Marie-Liesse Veirmeire/Cirad</span></span>
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<h2>Déforestation, surpompage et salinisation… une note salée pour le bassin arachidier</h2>
<p>Les personnes consultées par la DyTAES ont souligné une régression significative des savanes arborées et des mangroves du bassin arachidier. Avec l’augmentation de la population, les besoins en bois-énergie et en terres cultivables ne cessent de croître. La dégradation des ressources forestières a été amorcée par la politique d’intensification de la culture de l’arachide menée par l’État sénégalais à partir des années 1960 : abattage des arbres, recours à la monoculture et aux engrais minéraux… ces changements ont entraîné une importante dégradation de la fertilité des sols et une vulnérabilité accrue face au changement climatique.</p>
<p>Dans les zones attenantes au delta du Sine Saloum, la montée des océans a provoqué des intrusions marines qui ont transformé des pans entiers du territoire en zones stériles. Dans l’arrondissement de Tattaguine, le pourcentage de terres salinisées atteint plus de 40 %. Le déficit vivrier qui s’est installé a engendré une pauvreté et un exode massif des populations vers les centres urbains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454947/original/file-20220329-19-jce9gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans la région de Fatick, le surpompage a provoqué la baisse et la salinisation des nappes phréatiques. Les sols salés occupent plus de la moitié des terres arables. Mal utilisée, l’eau devient source de déséquilibres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des années 1990, la crise du secteur de l’arachide a conduit le gouvernement sénégalais à construire de nombreux forages et à promouvoir le maraîchage dans le bassin arachidier. Cette politique de diversification économique et alimentaire a abouti à la multiplication de petits périmètres irrigués en marge des zones habitées. Le recours au maraîchage a apporté une indéniable amélioration du cadre de vie des populations, en particulier des femmes. Il dépend toutefois d’une ressource en eau dont l’avenir se révèle plus qu’incertain. Hamet Diallo, chef de projet pour l’ONG Gret, nous alerte :</p>
<blockquote>
<p>« Dans 25 ans, il n’y aura plus d’eau pour l’agriculture si nous continuons ainsi. »</p>
</blockquote>
<p>Le surpompage entraîne une baisse progressive des nappes phréatiques et par endroit leur salinisation, diminuant ainsi l’accès à l’eau dans les périmètres irrigués. Un diagnostic réalisé par le Gret a estimé que la consommation en eau des populations des communes de Notto Diobass et Tassette dépasse de 593 % ce que le rechargement naturel des nappes permet.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454738/original/file-20220328-17748-9jjoy8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En marge des cultures pluviales, des périmètres d’agriculture irriguée se développent autour des 1200 forages qui composent le bassin arachidier, comme ici à Pout Ndoff, près de la ville de Thiès. La privatisation récente des forages étatiques a abouti à une augmentation du prix de l’eau agricole. Cela a conduit un nombre croissant de producteurs et productrices à réduire, voire abandonner, leur activité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
</figcaption>
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<span class="caption">Visite par la DyTAES du périmètre maraîcher agroécologique de Nderep (département de Bambey). Dans ce périmètre de 4 hectares, l’ONG AgriSud International accompagne 123 productrices et producteurs en transition vers l’agroécologie. Parmi les techniques promues par l’ONG, on peut citer les haies d’acacia melifera, le compostage, l’intégration des arbres fertilitaires, l’utilisation de biopesticides, les pépinières sur pilotis (en bas à gauche) et l’utilisation de filets anti-insectes (en bas à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Diallo/Enda Pronat, Thierno Sall/Enda Pronat</span></span>
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<h2>S’appuyer sur la « régénération naturelle assistée »</h2>
<p>Pour reconstituer les parcs agroforestiers du bassin arachidier, plusieurs projets ont recours à une technique appelée « régénération naturelle assistée » (RNA).</p>
<p>La RNA consiste à encourager les communautés à mettre en défens et accompagner la croissance des jeunes arbres qui apparaissent spontanément dans les parcelles cultivées. Oumar Sylla, représentant de l’ONG Symbiose, a présenté une expérience en RNA réalisée dans les départements de Nioro et de Kaffrine :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons abandonné le reboisement qui mobilisait beaucoup de ressources et avait un taux de réussite très faible, pour adopter la RNA. »</p>
</blockquote>
<p>De 2016 à 2021, le projet a permis de protéger 10 000 arbres sur une surface de 998 ha, avec moins de 800 euros par ans. Le retour de l’arbre dans les terroirs s’accompagne de nombreux effets bénéfiques : amélioration de la fertilité des sols, diminution de l’érosion, régénération de la biodiversité et retours des pluies.</p>
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<span class="caption">Entre 2016 et 2021, l’ONG Enda Pronat a accompagné la régénération naturelle assistée (RNA) de 944 hectares de terres dans trois communes du bassin arachidier (Tattaguine, Diouroup, Diarrere). Des conventions locales de gestion durable des ressources naturelles ont été mises en place afin que les populations protègent les arbres issus de la RNA.</span>
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<span class="caption">À Ngouloul Sérère (département de Fatick), Diatta Diouf utilise des pneus recyclés pour concentrer les apports de fumier et d’eau au niveau des racines de ses pieds de piment. La cherté et la rareté de l’eau a conduit certains producteurs du bassin arachidier à innover pour économiser la moindre goutte d’eau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<h2>L’agroécologie comme projet holistique</h2>
<p>Les caravaniers ont rencontré des pionniers qui abordent l’agroécologie dans sa globalité. Ils interviennent de façon coordonnée dans des domaines complémentaires – agriculture, élevage, énergie, formation – à l’échelle de leur ferme ou de leur territoire.</p>
<p>Lors de l’étape de Kaolack, l’agroécologiste Moustapha Mbow a offert une visite du Grenier du Saloum, une ferme-école qui forme les agricultrices et agriculteurs de demain à l’arboriculture fruitière, l’élevage (bovins, caprins, oies, poulets locaux…), le maraîchage, les grandes cultures (mil, maïs, arachide) et la transformation et commercialisation des produits agricoles.</p>
<p>À Ndiob, les caravaniers ont été accueillis par Oumar Ba, un maire qui a fait de sa commune une référence internationale en matière d’agroécologie. Oumar Ba a exposé clairement sa vision et son engagement :</p>
<blockquote>
<p>« Je souhaite faire de Ndiob une commune verte et résiliente à travers un processus de développement endogène, inclusif et respectueux des droits des personnes vulnérables. »</p>
</blockquote>
<p>La commune promeut un large éventail de leviers : RNA, reboisement, énergie solaire, fourneaux améliorés, « Tolou Kër », technique du « Zaï », unités artisanales de transformation de produits locaux et conventions locales de gestion durable des ressources naturelles. L’action holistique du maire de Ndiob a été primée à Rome par la FAO et à Marrakech lors du sommet Africacités.</p>
<p>À Fatick, les chercheurs de l’ISRA et du Cirad ont réalisé une prospective territoriale à l’issue de laquelle ils ont identifié 8 scénarios pour l’avenir du département. La méthode prospective s’appuie sur une vision systémique des facteurs de changement d’un territoire. Elle permet de replacer la transition agroécologique dans un processus de changement plus vaste.</p>
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<span class="caption">Le Tolou Kër (ici à Tiaffoura, région de Fatick) est un modèle de ferme intégrée qui se multiplie au Sénégal, avec le soutien de l’Initiative pour la relance de la grande muraille verte. Sur une série de cercles concentriques, on trouve de l’élevage (poulailler central), du maraîchage, des cultures de plantes aromatiques et médicinales et de l’arboriculture (agrumes, arbres fertilitaires). Ces différentes composantes se complètent pour construire un écosystème riche et nourrir plusieurs familles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454750/original/file-20220328-27-1q6ql8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De haut en bas et de gauche à droite : Une femme transformatrice de Ndiob présente à la DyTAES les savons naturels qu’elle fabrique. La technique du Zaï permet de doubler les rendements du mil en semant ce dernier dans des poquets amendés avec du fumier. Oumar Ba, maire de Ndiob, a su attirer de nombreux financements extérieurs pour donner vie à sa vision d’une commune verte et résiliente. Lors de l’étape de Fatick, les caravaniers ont découvert les résultats d’une prospective participative menée par le Cirad et l’ISRA. La future DyTAES locale de Fatick s’appuiera sur ce travail pour construire un plan territorial de transition agroécologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad ; Malick Djitté/Fongs</span></span>
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<p>Des idées plein les têtes, la caravane quitte le bassin arachidier et continue sa progression vers le Sud. Prochaines et dernières étapes : la Casamance et le Sénégal oriental.</p>
<hr>
<p><em>Laure Brun Diallo (Enda Pronat), Mame Farma Ndiaye Cissé (Isra), Banna Mbaye (Isra), Dienaba Sall Sy (Isra), Louis-Étienne Diouf (AgriSud International), Ousseynou Dieng (AgriSud International), Jean-Michel Sene (Enda Pronat), Thierno Sall (Enda Pronat), Mamadou Sow (Enda Pronat) et Malick Djitté (Fongs) ont collaboré à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les étapes de la caravane évoquées dans cet article ont été organisées par les membres de la DyTAES avec l’appui financier du projet Desira fair Sahel (Union Européenne / AFD) de AgriSud International (ENABEL, AFD, Région Nouvelle Aquitaine) et de MISEREOR, Union Européenne, WFD, Caritas France, Broederlijk Delen, FAO. Raphael Belmin accompagne le développement de la DyTAES en tant que scientifique et photographe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Astou Diao Camara et Marie-Liesse Vermeire ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Nouvelle étape de notre découverte de l’agroécologie sénégalaise en compagnie de la DyTAES.Raphaël Belmin, Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), CiradMarie-Liesse Vermeire, Chercheuse en écologie du sol, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.