tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/amerique-du-nord-32090/articlesAmérique du Nord – The Conversation2023-10-29T18:11:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2163182023-10-29T18:11:53Z2023-10-29T18:11:53ZComment « La Catrina » mexicaine est devenue le symbole du jour des morts<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555625/original/file-20231005-24-skza08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=191%2C191%2C5051%2C3450&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune fille déguisée en "catrina" participe au défilé à Mexico pour célébrer le jour des morts.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/girl-dressed-as-catrina-walks-while-taking-part-in-the-news-photo/617638204?adppopup=true">Yuri Cortez/AFP via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 avril 1944, la police essayait de contenir une foule de plusieurs milliers de personnes sur les marches de <a href="https://www.artic.edu/about-us/mission-and-history/history">l’Art Institute de Chicago</a>.</p>
<p>L’attroupement n’avait rien à voir avec la participation des États-Unis à la Seconde Guerre mondiale, aux conflits sociaux ou à la <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/fdr-seizes-control-of-montgomery-ward">décision controversée du président Franklin D. Roosevelt de prendre le contrôle</a> des industries locales de Chicago.</p>
<p>En réalité, il s’agissait de visiteurs impatients de visiter le musée. Car tout le monde voulait profiter de la première américaine d’une exposition intitulée « Posada : Printmaker to the Mexican People » (« Posada : graveur du peuple mexicain »).</p>
<p>L’exposition présentait les gravures de <a href="https://www.posada-art-foundation.com/about-posada">José Guadalupe Posada</a>, un graveur mexicain décédé en 1913. L’exposition présentait ses <em>calaveras</em> (crânes), des illustrations satiriques de crânes et de squelettes réalisées à l’occasion de la fête des Morts et imprimées sur des journaux bon marché imprimés sur une feuille volante, les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Broadside_(printing)">« broadsides » (bordées)</a>.</p>
<p>Une des ces calaveras attirait plus l’attention que les autres.</p>
<p>Connue sous le nom de La Catrina, il s’agissait d’un squelette criard arborant un large sourire et un chapeau à plumes surdimensionné. Une grande reproduction d’elle était <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8528/gallery-of-art-interpretation-who-is-posada">accrochée au mur du musée</a>. Le public l’avait vue dans les documents promotionnels du musée. Elle avait même fait la couverture du <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">catalogue de l’exposition</a>. Au Mexique, elle était pratiquement inconnue, mais l’exposition américaine a fait d’elle une sensation internationale.</p>
<p>Aujourd’hui, La Catrina est la création la plus reconnaissable de Posada. Elle est l’icône du <a href="https://www.nationalgeographic.com/culture/article/top-ten-day-of-dead-mexico">Jour des morts</a>, la fête annuelle mexicaine en l’honneur des défunts qui a lieu chaque année les 1<sup>er</sup> et 2 novembre. Son visage est reproduit à l’infini pendant la fête, à tel point qu’elle est devenue le totem national officieux du Mexique, après la <a href="https://theconversation.com/warrior-servant-mother-unifier-the-virgin-mary-has-played-many-roles-through-the-centuries-165596">Vierge de Guadalupe</a>.</p>
<p>Si certains pensent qu’il en a toujours été ainsi, La Catrina est en réalité une icône transculturelle dont le prestige et la popularité sont à la fois le fruit d’une invention et d’un accident.</p>
<h2>Une vie obscure</h2>
<p>Lorsque Posada l’a gravée pour la première fois en <a href="https://www.posada-art-foundation.com/posada-lacatrina">1912</a>, elle ne s’appelait même pas La Catrina.</p>
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<img alt="Couverture de programme couleur pêche représentant un squelette coiffé d’un chapeau somptueux" src="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La couverture du catalogue de « Posada », une exposition organisée en 1944 à l’Art Institute of Chicago, présente celle qui allait être connue sous le nom de La Catrina ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">The Art Institute of Chicago</a></span>
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<p>Dans l’estampe originale, elle est la Calavera Garbancera, un <a href="https://glasstire.com/2019/11/02/jose-guadalupe-posada-and-diego-rivera-fashion-catrina-from-sellout-to-national-icon-and-back-again/">titre utilisé</a> pour désigner les paysannes indigènes qui vendaient des haricots garbanzo (pois chiches) dans les marchés de rue.</p>
<p>Posada l’a dotée de vêtements voyants pour satiriser la façon dont les garbanceras tentaient de se faire passer pour des membres de la classe supérieure en se poudrant le visage et en portant des vêtements français à la mode. Ainsi, dès le début, La Catrina était transculturelle – une femme indigène rurale adoptant des coutumes européennes pour survivre dans la société urbaine et métisse du Mexique.</p>
<p>Comme les autres illustrations de Posada, <a href="https://www.jstor.org/stable/1360573">l’affiche de 1912</a> était vendue pour un penny à des hommes principalement pauvres et de la classe ouvrière de Mexico et des environs. Mais la Calavera Garbancera n’avait rien de particulier. Comme son créateur, elle est restée dans l’ombre pendant de nombreuses années.</p>
<p>Posada est mort <a href="https://www.amazon.com/Guadalupe-Mexican-Broadside-Institute-Chicago/dp/0300121377">fauché et inconnu</a>, mais ses illustrations <a href="https://www.unmpress.com/9780826319043/posadas-broadsheets/">lui ont survécu</a>. Son éditeur les a réutilisées pour d’autres affiches jusque dans les années 1920. La Calavera Garbancera a été recyclée en divers autres personnages, aucun n’étant particulièrement remarquable. Et personne ne savait vraiment qui fabriquait les affiches de calavera que l’on voyait dans la capitale tous les jours de la fête des Morts.</p>
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<img alt="Feuille imprimée comportant un texte et un dessin d’un squelette portant un grand chapeau sur papier vert" src="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Revolutionary Calavera,’ by José Guadalupe Posada, printed on a broadside ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/revolutionary-calavera-c-1910-creator-josé-guadalupe-posada-news-photo/1447192444?adppopup=true">Heritage Art/Heritage Images via Getty Images</a></span>
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<p>Les choses changent au milieu des années 1920, lorsque l’œuvre de Posada attire l’attention de l’artiste français Jean Charlot, figure de proue de la <a href="https://books.google.com/books/about/The_Mexican_Mural_Renaissance_1920_1925.html?id=_g9ZAAAAMAAJ">Renaissance mexicaine</a>, cette explosion créative de peintures murales et d’œuvres d’art nationalistes qui s’est produite au lendemain de la révolution mexicaine.</p>
<p>Charlot était fasciné par les illustrations de calavera qu’il voyait dans la ville de Mexico, mais il ne savait pas qui les avait créées. Il a fini par retrouver l’éditeur de Posada et a commencé à faire des recherches sur le graveur. Charlot <a href="https://icaa.mfah.org/s/en/item/779806">publia des articles</a> sur Posada et présenta les calaveras de l’artiste à d’autres artistes et intellectuels de la Renaissance mexicaine. Parmi les plus importants, citons le peintre <a href="https://www.diegorivera.org/">Diego Rivera</a> et la critique <a href="https://www.nytimes.com/1956/06/18/archives/frances-toor-66-wrote-on-mexico-author-of-books-on-folkways-and-of.html">Frances Toor</a>.</p>
<h2>De La Garbancera à La Catrina</h2>
<p>Rivera, bien sûr, est sans doute le plus grand artiste de l’histoire du Mexique. <a href="https://theconversation.com/detroit-1932-when-diego-rivera-and-frida-kahlo-came-to-town-38884">Ses fresques murales épiques</a> restent célèbres dans le monde entier.</p>
<p>Frances Toor, quant à elle, était une modeste intellectuelle juive qui a fait carrière en écrivant sur la culture mexicaine. En 1925, elle a commencé à publier <a href="https://www.jstor.org/stable/43466157">Mexican Folkways</a>, un magazine bilingue populaire distribué au Mexique et aux États-Unis. Avec Diego Rivera comme éditeur artistique, elle a commencé à utiliser le magazine pour promouvoir Posada. Dans les numéros annuels d’octobre-novembre, Toor et Rivera ont présenté de grandes réimpressions des calaveras de Posada.</p>
<p>Cependant, la calavera Garbancera n’en fait jamais partie. Elle n’était pas assez importante pour être présentée.</p>
<p>En 1930, Toor et Rivera ont publié le <a href="https://philamuseum.org/collection/object/343276">premier livre</a> des gravures de Posada, qui s’est vendu dans tout le Mexique et aux États-Unis. Mais elle porte un nouveau nom : la Calavera Catrina. Pour des raisons inconnues, Toor et Rivera ont choisi cet adjectif honorifique, qui en fait une sorte de dandy au féminin. La calavera est à jamais La Catrina.</p>
<p>mais c’est avec l’exposition Posada à l’Art Institute of Chicago en 1944 qu’elle devient vraiment célèbre. L’exposition est le fruit d’une collaboration entre le musée et le gouvernement mexicain. Elle est financée et facilitée par une agence spéciale de propagande de la Maison Blanche qui a utilisé la <a href="https://www.academia.edu/29923182/Jos%C3%A9_Guadalupe_Posada_Art_Institute_of_Chicago_1944_pdf">diplomatie culturelle</a> pour renforcer la solidarité avec l’Amérique latine pendant la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>Cette promotion a permis à l’exposition Posada de tourner et de donner à La Catrina une plus grande visibilité. Elle a été vue et promue à New York, Philadelphie, Mexico et ailleurs au Mexique.</p>
<p>Le catalogue de l’exposition, avec la Catrina en couverture, a été vendu à chaque étape de la tournée. <a href="https://www.artic.edu/institutional-archives">Des exemplaires gratuits</a> ont également été distribués à d’éminents auteurs et artistes américains et mexicains. Ils ont commencé à écrire sur La Catrina et à la remodeler dans leurs œuvres d’art, la popularisant des deux côtés de la frontière.</p>
<h2>La Catrina s’internationalise</h2>
<p>En 1947, Diego Rivera a encore immortalisé La Catrina en la mettant au centre de l’une de ses plus célèbres peintures murales, <a href="https://www.diegorivera.org/dream-of-a-sunday-afternoon-in-alameda-park.jsp"><em>Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda</em></a>.</p>
<p>Cette peinture murale dépeint l’histoire du Mexique, de la conquête espagnole à la révolution mexicaine. La Catrina se trouve au centre de cette histoire, Rivera l’ayant peinte tenant la main de Posada d’un côté et d’une version enfantine de lui-même de l’autre.</p>
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<img alt="Peinture d’un squelette élégamment vêtu tenant la main d’un garçon et d’un homme portant des chapeaux" src="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail de la peinture murale de Diego Rivera « Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda », qui se trouve au musée de la peinture murale de Diego Rivera à Mexico ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nicksherman/4080802657">Nick Sherman/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>La célébrité de Rivera – et la solennité retrouvée de La Catrina – a incité les artistes mexicains et mexicano-américains à l’intégrer dans leurs œuvres.</p>
<p>Les <a href="https://books.google.com/books/about/El_D%C3%ADa_de_Los_Muertos.html?id=BTNQAAAAMAAJ">artistes folkloriques</a> du Mexique ont commencé à en faire des jouets en céramique, des <a href="https://books.google.com/books/about/En_Calavera.html?id=3mJQAAAAMAAJ">figurines en papier mâché</a> et d’autres objets d’artisanat vendus à l’occasion de la fête des morts. Les Américains d’origine mexicaine ont utilisé La Catrina dans leurs fresques murales, leurs peintures et leurs affiches politiques dans le cadre du <a href="https://theconversation.com/how-chicana-women-artists-have-often-used-the-figure-of-the-virgin-of-guadalupe-for-political-messages-213720">Mouvement Chicano</a>, qui visait à défendre les droits civiques des Américains d’origine mexicaine dans les années 1960 et 1970.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Costume extravagant comprenant une coiffe, un masque de crâne et une cape rouge et noire" src="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chaque année, Christina Sanchez, originaire de Los Angeles, s’habille en ‘Catrina Christina’ pour le Jour des Morts ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mars Sandoval</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’image de La Catrina est désormais utilisée pour vendre n’importe quoi, de <a href="https://tee-luv.com/products/victoria-beer-mexican-la-catrina-t-shirt-black">la bière</a> aux <a href="https://www.cnn.com/2020/11/01/us/day-of-the-dead-barbie-cultural-appropriation-trnd/index.html">poupées Barbie</a>. Vous pouvez commander des costumes de La Catrina dans les magasins <a href="https://www.walmart.com/c/kp/catrina-costume">Walmart</a> et <a href="https://www.spirithalloween.com/product/adult-la-catrina-day-of-the-dead-trumpet-dress-costume/175819.uts">Spirit Halloween</a>.</p>
<p>En fait, les défilés et concours de costumes de La Catrina sont une tradition relativement récente du Jour des Morts au Mexique et aux États-Unis.</p>
<p>Certaines personnes, comme <a href="https://shoutoutla.com/meet-christina-sanchez-catrina-christina/">« Catrina Christina »</a> à Los Angeles, revêtent un costume chaque année pour honorer les chers disparus du Día de los Muertos. D’autres se déguisent en Catrina pour augmenter leur <a href="https://www.uscannenbergmedia.com/2021/11/02/content-creators-use-their-platforms-to-celebrate-dia-de-los-muertos/">nombre de followers sur les réseaux sociaux</a>, ou se font passer pour elle pour gagner de l’argent.</p>
<p>Posada ne s’attendait probablement pas à ce que sa calavera devienne aussi célèbre. Il voulait simplement utiliser l’humour traditionnel pour se moquer des garbanceras vêtues de façon flamboyante qu’il voyait traîner sur la place centrale de Mexico.</p>
<p>Aujourd’hui, pendant le Día de los Muertos, cette même place centrale est remplie de centaines d’imitatrices de La Catrina qui, pour quelques dollars, posent pour des photos avec des touristes tout à fait prêts à payer pour une telle expérience culturelle « traditionnelle » avec une icône « authentique » du Jour des Morts.</p>
<p>Posada, quant à lui, est probablement en train de rire quelque part au pays des morts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathew Sandoval ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un obscur graveur mexicain du nom de José Guadalupe Posada a créé ce crâne satirique au début des années 1900 et l’a vendu pour un centime. Mais après sa mort, le crâne a pris une vie propre.Mathew Sandoval, Associate Teaching Professor in Culture & Performance, Arizona State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164042023-10-26T17:56:42Z2023-10-26T17:56:42ZCinq ans plus tard, quel bilan pour la légalisation du cannabis au Canada ?<p>Avant que le <a href="https://theconversation.com/topics/canada-20444">Canada</a> ne légalise le <a href="https://theconversation.com/topics/cannabis-30937">cannabis</a> récréatif en octobre 2018, ses effets potentiels faisaient, comme cela est toujours le cas ailleurs dans le monde, l’objet de <a href="https://www.euractiv.fr/section/sante/news/cannabis-lallemagne-legalise-la-france-penalise/">nombreux débats</a>. </p>
<p>Aux États-Unis, le gouverneur du Nebraska, Pete Ricketts, a déclaré que le cannabis était une <a href="https://www.usatoday.com/story/news/politics/2021/03/12/nebraska-gov-pete-ricketts-legal-marijuana-kill-your-kids/4663466001">« drogue dangereuse »</a> qui tuerait les enfants. L’homme politique allemand Markus Söder a exprimé des <a href="https://www.spiegel.de/panorama/gesellschaft/cannabis-legalisierung-bayern-plant-zentrale-kontrolleinheit-a-284e3aeb-63eb-4fb2-87cc-95f142707717">préoccupations similaires</a> alors que le gouvernement s’est accordé au mois d’août autour d’un <a href="https://fr.euronews.com/next/2023/08/22/le-cannabis-bientot-legal-en-allemagne-comment-se-positionne-le-reste-de-leurope-sur-la-co">projet de loi</a> qui ferait de l’Allemagne le deuxième pays de l’Union européenne à légaliser la possession de cannabis. Le candidat à la présidence du Kenya, George Wajackoyah, a même proposé la légalisation et la commercialisation du cannabis comme moyen d’<a href="https://africacheck.org/fact-checks/reports/ganjanomics-fact-checking-kenyan-presidential-candidate-george-wajackoyahs">éliminer la dette publique</a> de son pays.</p>
<p>En France le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a émis au mois de janvier dernier un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/288005-cannabis-recreatif-le-cese-favorable-une-legalisation-encadree">avis favorable</a> quant à sa légalisation. Une <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/legalisation-du-cannabis-la-moins-mauvaise-des-solutions-pour-le-senateur-devinaz-auteur-dune-proposition-de-loi">proposition de loi</a> sur le sujet a été déposée au Sénat au mois de juin par le député socialiste Gilbert-Luc Devinaz.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1558120647523540992"}"></div></p>
<p>Certains prédisent une <a href="https://www.thestar.com/business/real_estate/2018/08/09/cannabis-gold-rush-will-boost-retail-in-canada-riocan-says.html">« ruée vers l’or »</a> grâce à la légalisation d’un nouveau marché, tandis que d’autres craignent des <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.170555">« tragédies »</a> en matière de santé publique. Mes <a href="https://brocku.ca/goodman/faculty-research/faculty-directory/michael-armstrong/">recherches</a> se sont depuis penchés ses effets réels au Canada. Elles mettent en évidence que certaines tendances étaient déjà à l’œuvre avant la légalisation et se sont simplement poursuivies par la suite. D’autres changements ne sont en revanche pas intervenus comme prévu.</p>
<h2>Une consommation déjà en hausse</h2>
<p>Nombreux sont ceux qui craignaient que la légalisation du cannabis n’entraîne une augmentation considérable de la consommation, avec pour conséquence des <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/wherry-marijuana-trudeau-1.4069815">« hordes d’adolescents défoncés »</a>. Pour les opposants à la légalisation, toute augmentation de la consommation prouverait l’<a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.181287">échec de la mesure</a>.</p>
<p>Au Canada, le pourcentage d’adultes consommant du cannabis augmentait déjà avant 2018. Sans surprise, le mouvement s’est poursuivi après la légalisation. Selon des <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/canadian-alcohol-drugs-survey/2019-summary.html">enquêtes gouvernementales</a>, le taux de consommation était de 9 % en 2011, de 15 % en 2017 et de 20 % en 2019. La légalisation a donné un coup de fouet qui va au-delà de la tendance actuelle. Mais il se peut que cela soit en partie dû au fait que les gens parlent plus ouvertement de leur consommation de cannabis.</p>
<p>Par ailleurs, la consommation de cannabis des adolescents n’a pratiquement pas évolué après 2018. Cela suggère que les adolescents qui voulaient du cannabis pouvaient déjà en acheter facilement auprès de revendeurs.</p>
<h2>Conséquences néfastes sur les enfants</h2>
<p>Les effets sur la santé avaient également été une préoccupation importante lorsque le Canada débattait de la légalisation du cannabis. Stephen Harper, Premier ministre entre 2006 et 2015, affirmait que le cannabis était <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/stephen-harper-pot-marijuana-1.3255727">« infiniment pire »</a> que le tabac. Son successeur, Justin Trudeau, a au contraire déclaré que la légalisation serait <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/page-1.html">« protectrice »</a>.</p>
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<p>Dans les faits, le nombre de visites d’adultes à l’hôpital liées au cannabis était, lui aussi, <a href="https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.5/6.07">déjà en augmentation avant 2018</a> et <a href="https://doi.org/10.1111/add.16152">a continué de croître par la suite</a>. Par rapport au début de 2011, le taux dans l’Ontario, par exemple, était environ trois fois plus élevé en 2018 et cinq fois plus élevé en 2021. La croissance après 2018 était, une fois de plus, en <a href="https://doi.org/10.1111/add.15834">partie liée à la légalisation</a> et en partie une tendance qui se poursuivait.</p>
<p>Certains effets sur la santé ont toutefois été plus graves. Le nombre de <a href="https://theconversation.com/legalizing-cannabis-led-to-increased-cannabis-poisonings-in-canadian-children-it-could-get-a-whole-lot-worse-191938">visites d’enfants à l’hôpital</a> dues à une consommation accidentelle de cannabis a augmenté de manière significative. Chez les enfants de moins de 10 ans, le nombre de visites aux urgences a été multiplié par neuf et le nombre d’hospitalisations par six.</p>
<h2>Et sur la route ?</h2>
<p>Les forces de l’ordre craignaient en outre que la légalisation du cannabis n’entraîne une <a href="https://cacp.ca/index.html?asst_id=1332">augmentation de la conduite</a> sous l’emprise de stupéfiants. Les policiers se sont de plus plaints de ne pas disposer de l’équipement nécessaire pour détecter la consommation.</p>
<p>Les recherches visant à déterminer si la légalisation a effectivement <a href="https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.31551">entraîné</a> ou <a href="https://doi.org/10.1111/add.16188">non</a> une augmentation de la conduite sous l’influence du cannabis ne sont pas concluantes. Malheureusement, les rapports gouvernementaux ne précisent pas toujours quelles substances sont à l’origine de l’affaiblissement des facultés des conducteurs.</p>
<p>Cependant, nous savons que la conduite sous l’influence de drogues – toute substance à l’exception de l’alcool – a <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/cv.action?pid=3510017701">augmenté avant et après 2018</a>. Par rapport à 2011, les arrestations pour conduite sous l’emprise de drogues ont pratiquement doublé en 2017 et quadruplé en 2020. Le nombre de blessés dans les accidents de la route impliquant du cannabis n’a, lui, cessé d’<a href="https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.31551">augmenter</a>. Par rapport à 2011, dans l’Ontario, ils étaient environ deux fois plus nombreux en 2017 et trois fois plus en 2020.</p>
<h2>Un gain de temps pour les forces de l’ordre ?</h2>
<p>La légalisation a également suscité des inquiétudes en matière de criminalité et de justice sociale. Le gouvernement fédéral s’attendait à ce que la légalisation <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/page-1.html">réduise le temps</a> que la police consacre à la lutte contre les trafics de cannabis. Les partisans de la légalisation espéraient également voir diminuer le nombre d’arrestations parmi les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8315217/">groupes marginalisés</a>.</p>
<p>La baisse du <a href="https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2023.109892">nombre d’arrestations provoquées par la légalisation</a> n’a, en fait, pas été très importante. Les arrestations pour possession illégale de cannabis avaient <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/cv.action?pid=3510017701">déjà diminué</a> au Canada bien avant la légalisation. En 2018, le taux d’arrestation était déjà inférieur de 71 % à son niveau de 2011. Les arrestations pour des infractions liées à la distribution illégale de cannabis, comme la culture et le trafic, ont chuté de 67 % entre 2011 et 2018. Cette tendance s’est largement poursuivie après 2018.</p>
<h2>Un marché qui s’équilibre</h2>
<p>Les entreprises espéraient que la légalisation entraînerait une <a href="https://thetyee.ca/News/2015/05/19/Stephen-Harper-Marijuana-Politics/">ruée vers l’or</a>. Des <a href="https://thetyee.ca/News/2015/05/19/Stephen-Harper-Marijuana-Politics/">investisseurs étrangers</a> ont ainsi aidé à financer les entreprises canadiennes de cannabis. Les gouvernements ont également débattu de la manière de répartir les nouvelles <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/finance-ministers-pot-tax-1.4442540">recettes fiscales</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1681027749605957632"}"></div></p>
<p>Après la légalisation, le commerce du cannabis a connu un certain essor. Alors que la plupart des provinces n’avaient <a href="https://theconversation.com/scarce-retail-weed-shops-means-most-canadians-still-use-black-market-pot-113503">pas assez de magasins</a> dans les premiers temps pour répondre à la demande, il y en a aujourd’hui plus de 3 600 au Canada. Les ventes ont bondi de 42 millions de dollars en octobre 2018 à 446 millions de dollars en juillet 2023. Ces valeurs sont désormais <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230224/dq230224a-eng.htm">à peine deux fois moins importantes que les ventes de bière</a>.</p>
<p>Cependant, certaines régions ont désormais <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-too-many-marijuana-shops-too-much-pot-production-the-industrys/">trop de magasins</a> de cannabis et de <a href="https://www.cbc.ca/listen/live-radio/1-63-the-current/clip/16001923-the-challenges-facing-struggling-cannabis-business-owners">nombreuses entreprises luttent pour se maintenir à flot</a>. En conséquence, certaines sociétés et leurs actionnaires ont réalisé de <a href="https://www.wsj.com/articles/legal-marijuana-canadian-cannabis-pot-stocks-11665678274">grosses pertes</a>. Seules les <a href="https://mjbizdaily.com/most-profitable-cannabis-businesses-in-canada-are-owned-by-government/">agences publiques</a> semblent être constamment rentables.</p>
<h2>Des leçons pour ailleurs</h2>
<p>En somme, trois leçons peuvent être tirées de l’expérience canadienne. La première est que la recherche sur la légalisation du cannabis doit tenir compte des tendances existantes. Elle ne peut pas s’appuyer sur de simples comparaisons avant/après. Les gouvernements peuvent y contribuer en publiant <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.202041">davantage de données</a> sur le cannabis.</p>
<p>La deuxième leçon est que les décideurs publics dans les États qui ont légalisé le cannabis devraient moins se préoccuper de savoir si la légalisation a causé des problèmes spécifiques mais plutôt s’attacher à les résoudre. La troisième leçon concerne les autres pays qui envisagent la mesure. Les décideurs politiques devraient examiner leurs propres tendances avant de légaliser, car les résultats ultérieurs ne seront peut-être pas aussi différents qu’ils l’espèrent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael J. Armstrong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les tendances statistiques observées depuis la légalisation du cannabis au Canada en octobre 2018 étaient pour certaines déjà en cours auparavant.Michael J. Armstrong, Associate Professor, Operations Research, Brock UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2001332023-03-22T13:01:08Z2023-03-22T13:01:08ZLes écosystèmes d’eau douce deviennent de plus en plus salés. Voici pourquoi c’est inquiétant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516426/original/file-20230320-22-gium28.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3821%2C2889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les routes nécessitent des stratégies de déglaçage dans les régions tempérées du nord, mais cette pratique a des effets négatifs sur la biodiversité aquatique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Alison Derry)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les écosystèmes d’eau douce du monde entier <a href="https://doi.org/10.1126/science.aad3488">sont de plus en plus salés</a>. De nombreux facteurs anthropiques contribuent à la salinisation de l’eau douce, notamment l’irrigation des terres agricoles, l’extraction du pétrole, l’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1287569/mine-potasse-saskatchewan-sedley-environnement-pollution">extraction de potasse</a> et le <a href="https://theconversation.com/laccumulation-des-sels-de-deglacage-dans-les-lacs-menace-ceux-qui-y-vivent-179166">déglaçage des routes</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laccumulation-des-sels-de-deglacage-dans-les-lacs-menace-ceux-qui-y-vivent-179166">L’accumulation des sels de déglaçage dans les lacs menace ceux qui y vivent</a>
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<p>Par conséquent, les sels pénètrent dans les cours d’eau. Mais comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les sels sont souvent accompagnés d’un cocktail toxique composé d’autres polluants, dont les effets combinés sur la santé sont <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1711234115">largement inconnus</a>.</p>
<p>Alors que le problème de la salinisation croissante de l’eau douce a été largement ignoré <a href="https://doi.org/10.1007/978-94-017-2934-5_30">pendant de nombreuses décennies</a>, il a fait l’objet d’une attention considérable <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0507389102">au cours des 20 dernières années</a>. </p>
<p>Les scientifiques du monde entier, dont nous faisons partie, travaillons de concert pour comprendre les impacts écologiques de la salinisation croissante sur écosystèmes aquatiques. Notre objectif ultime ? Examiner l’adéquation des seuils de toxicité relatifs à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique. </p>
<h2>La salinisation, un problème de taille</h2>
<p>Le Canada possède la majorité des ressources mondiales en eau douce, principalement concentrée dans les provinces de <a href="https://doi.org/10.1038/ncomms13603">l’Ontario et du Québec</a>), où près de 5 millions de tonnes de sel de voirie sont épandues chaque année pour <a href="https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/pollutants/road-salts/code-practice-environmental-management.html">déglacer les routes</a>). </p>
<p>Avec le changement climatique et l’augmentation de la fréquence et de la durée des sécheresses dans de nombreuses régions du monde, le <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate1633">problème ne fait qu’empirer</a>. On parle ici d’une préoccupation majeure. Pourquoi ? Parce que la disponibilité des ressources en eau douce deviendra un facteur critique pour l’humanité <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1011615108">au cours des 50 prochaines années</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition mondiale inéquitable de la disponibilité des ressources en eau douce de surface (source : Philippe Rekacewicz, février 2006).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des chercheurs du monde entier mobilisés</h2>
<p>Nous avons récemment présenté une série d’articles dans un numéro spécial sur la salinisation de l’eau douce dans la revue <em>Limnology and Oceanography Letters</em>, <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10307">publié en février dernier</a>). </p>
<p>Dans ce numéro spécial, nous nous concentrons sur le chlorure de sodium (NaCl), la même molécule que l’on retrouve dans le sel de table, en tant qu’agent clé de la salinisation des eaux douces. Nous mettons en lumière une série d’expériences de terrain coordonnées, menées par des chercheurs d’Amérique du Nord et d’Europe, qui ont abordé les impacts de la salinisation de l’eau douce sur le <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/zooplancton">zooplancton</a> (petits crustacés microscopiques) à l’échelle régionale. </p>
<p>Le zooplancton est un groupe essentiel d’un point de vue écologique dans les réseaux alimentaires aquatiques et est souvent utilisé comme indicateur pour détecter les changements environnementaux. </p>
<p>Les principales conclusions de ces expériences sont les suivantes : </p>
<ul>
<li><p>Les lignes directrices sur la qualité de l’eau au Canada et aux États-Unis (normes) ne protègent pas adéquatement le zooplancton d’eau douce, ce qui pourrait entraîner une <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2115033119">augmentation de l’abondance des algues</a>, dont il se nourrit, en raison de la pression de prédation réduite ; </p></li>
<li><p>La salinisation de l’eau douce entraîne systématiquement une perte d’abondance et de diversité du zooplancton <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10239">dans toutes les régions</a>] ; et </p></li>
<li><p>Les individus d’une même espèce de zooplancton ne présentent pas tous la même tolérance à la salinité. Ainsi, cette variation peut interférer avec notre capacité à prédire les réponses au niveau de la communauté. Les lignes directrices sur la qualité de l’eau pourraient donc devoir être ajustées pour devenir <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10277">plus spécifiques à la région</a>.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture régionale d’une expérience coordonnée de mésocosme sur le terrain, avec un exemple de l’une des expériences menées au lac Croche (Laurentides, Québec, Canada) (figure modifiée d’après Hintz et al. 2022b).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une question de réglementation</h2>
<p>De nombreuses questions demeurent en suspens. Cependant, ce que nous savons maintenant, c’est que les recommandations de qualité de l’eau à long terme (Canada : 120 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup> et États-Unis : 230 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup>) et à court terme (Canada : 640 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup> ; États-Unis : 860 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup>) pour les concentrations de chlorure sont trop élevées pour protéger la vie aquatique <a href="https://doi.org/10.1021/acs.est.0c02396">au Canada et aux États-Unis</a>. À titre de référence, une pincée de sel dans une chaudière d’eau correspond à environ 0,3 mg de Cl⁻<sup>1</sup>/L⁻<sup>1</sup>. </p>
<p>En d’autres termes, des effets néfastes sont observés à des concentrations beaucoup plus petites. Les réglementations sont donc à revoir au Canada et aux États-Unis. En Europe, les normes de qualité de l’eau saline <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2018.0019">pour la protection de la vie aquatique dans les écosystèmes d’eau sont pour la plupart absentes</a>. </p>
<h2>L’importance de poser des actions concrètes</h2>
<p>Les lignes directrices relatives à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique sont généralement établies à l’aide de tests en laboratoire (appelés essais toxicologiques) <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10208">portant sur une seule espèce</a>. </p>
<p>Cependant, les habitats aquatiques abritent un amalgame complexe de prédateurs, de proies, de compétiteurs et de pathogènes, dont les interactions peuvent limiter notre capacité à <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2013.01.066">prédire les réponses des communautés et des espèces aux polluants</a>. </p>
<p>Ainsi, les recherches collectives publiées dans ce numéro spécial soulignent également l’importance de comprendre les réponses écologiques dans les communautés multiespèces en milieu naturel pour évaluer les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2115033119">réponses de la vie en eau douce aux impacts humains</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne d’une expérience d’enclos de terrain menée dans Lac Croche, un lac sensible au chlorure dans les Laurentides (Québec) (crédit photo : Etienne Laliberté).</span>
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<p>Globalement, nous devrions développer des applications et des technologies alternatives <a href="https://doi.org/10.1007/s11270-011-1064-6">plus durables et plus efficaces</a>.</p>
<p>Nous devons également établir des <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2018.0019">directives de qualité de l’eau plus appropriées</a> pour améliorer les contrôles des sels entrant dans nos environnements d’eau douce afin de réduire les effets nocifs sur la vie aquatique <a href="https://doi.org/10.1007/s10533-021-00784-w">et la qualité de nos ressources en eau douce</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200133/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Bien qu’elle ait été considérablement moins étudiée que d’autres problèmes environnementaux, la salinisation présente des défis majeurs pour la biodiversité des eaux douces et des zones côtières.Alison Derry, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal (UQAM)Miguel Cañedo-Argüelles, Profesor lector en Ecología, Universitat de BarcelonaStephanie J Melles, Associate Professor, Spatial Ecology, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845162022-07-06T18:17:38Z2022-07-06T18:17:38ZAu cinéma, l’identité amérindienne trop souvent malmenée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472779/original/file-20220706-13-9g4fd9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C28%2C3817%2C2121&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ajuawak Kapashesit dans le film Indian Horse.</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p><em>A l'occasion de la sortie du film de Martin Scorsese, Killers of the Flower Moon, fresque sur le drame méconnu des Amérindiens Osage dans les années 1920, nous republions cet article qui mentionne d'autres productions récentes et questionne la représentation des Amérindiens dans le cinéma américain.</em></p>
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<p>Un chef amérindien déclara jadis à des Blancs : « Votre civilisation va nous détruire. Mais votre magie le [cinéma] va nous rendre immortels ». Ces propos, extraits du documentaire canadien <a href="https://canfilmday.ca/fr/film/reel-injun-hollywood-et-les-indiens/"><em>Reel Injun</em></a> de Neil Diamond et Catherine Bainbridge (2009), étaient on ne peut plus clairvoyants si on les replace dans leur contexte. Car en plus de 100 ans d’histoire, l’industrie cinématographique a réalisé plus de 4 000 films sur les Amérindiens. Comme l’explique <a href="https://journals.openedition.org/lisa/2756">Anne Garrait-Bourrier</a>, c’est bien « le genre cinématographique qui a le plus repris les anciens stéréotypes historiques liés à l’image de l’Indien pour en faire le centre d’« histoires », avec un h minuscule, qui n’avaient plus rien à voir avec les réalités de la conquête de l’Ouest ».</p>
<p>Hollywood, notamment à partir de ses westerns des années 1930 à 1950, a exploité à l’extrême l’image de l’Indien et l’a fait évoluer au gré de la conjoncture (goûts des cinéastes, volontés des producteurs, attentes des spectateurs), allant ainsi du « sauvage sanguinaire » au « noble sauvage » en passant par l’<a href="https://wwnorton.com/books/The-Ecological-Indian/">« Indien New Age »</a>.</p>
<p>Toutefois, et bien que le jeu soit une composante essentielle des cultures amérindiennes (comme l’attestent les nombreux écrits missiologiques et anthropologiques), un aspect est resté peu visible voire minoré : la figure du sportif. C’est à partir de cette idée que le cinéaste Stephen Campanelli, s’inspirant du roman de <a href="https://www.ledevoir.com/lire/509759/richard-wagamese-ecrit-la-violence-du-deracinement-culturel-impose-aux-autochtones">Richard Wagamese</a>, a abordé, dans <em>Indian Horse</em> (2017), la question identitaire des Amérindiens qui, entre tradition et modernité, se situent dans un entre-deux culturel.</p>
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<h2>Générations sacrifiées</h2>
<p>Le héros, tourné vers la vie occidentale tout en se nourrissant de son héritage indien, des droits et devoirs qui y sont associés, cherche inlassablement sa place. Le film raconte l’histoire dramatique d’un jeune garçon ojibwa – Saul Indian Horse – qui, enlevé à sa famille pour intégrer de force un pensionnat catholique en 1961, doit oblitérer sa culture. </p>
<p>Il trouve temporairement son salut dans le hockey, un sport qui lui permet de s’épanouir et d’intégrer une équipe professionnelle. Toutefois, le racisme latent auquel il est confronté a raison de lui. Il jette l’éponge et finit par sombrer dans l’alcoolisme et la misère. Après des années d’errance, sauvé in extremis de la mort, il décide de se repentir en retournant sur les lieux de son enfance. Et là, en foulant l’ex-patinoire du pensionnat de Saint-Jerome, il prend conscience – sous forme de flash-backs – d’un autre mal qui le ronge depuis toujours : les abus sexuels dont il fut victime.</p>
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<p>Le pensionnat est ici décrit comme un lieu de souffrance, une dé-amérindianisation voire un génocide culturel : on voit à plusieurs reprises dans le film des enfants amérindiens subir de vrais abus psychiques et physiques. Il faut dire que le gouvernement canadien avait mis en place une politique visant à éradiquer les langues et cultures autochtones, fournissant ainsi des explications sur les taux élevés d’alcoolisme, de suicide et autres fléaux sociaux qui affectèrent grandement la communauté amérindienne, tout comme les Inuits par la suite. </p>
<p>S’appuyant sur les propos de Richard Wagamese, le réalisateur Stephen Campanelli a pris soin de mentionner ces quelques informations dans le générique de fin, entrecoupées par des images d’archives montrant la vie de jeunes Amérindiens dans les pensionnats :</p>
<blockquote>
<p>« Entre la fin des années 1800 et 1996, plus de 150 000 enfants indigènes ont été envoyés dans des pensionnats. Selon les archives, au moins 6 000 enfants sont morts pendant leur séjour dans ces établissements. Mais on estime qu’ils sont des milliers de plus. En 2008, le gouvernement canadien a finalement présenté des excuses et mis en place une commission de vérité et de réconciliation chargée d’établir la vérité. Nous encourageons tout le monde à ouvrir son cœur et son esprit à la souffrance et à la douleur infligées à des générations d’enfants et de familles indigènes par des politiques d’assimilation agressives sanctionnées par le gouvernement. »</p>
</blockquote>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/semanciper-par-le-sport-exploser-les-stereotypes-de-genre-117757">S’émanciper par le sport, exploser les stéréotypes de genre</a>
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</em>
</p>
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<p>En revenant sur l’histoire de ces générations sacrifiées, <em>Indian Horse</em> installe un certain nombre de débats sur la vérité historique, sur les conditions sociales actuelles, sur le destin de ces peuples devenus étrangers et marginalisés sur leurs propres territoires. L’évocation de ces témoignages douloureux constitue un levier dramaturgique important à travers lesquels sont abordés, avec plus ou moins de force, les questions de pauvreté dans les réserves, de dépendance à l’alcool ou à la drogue, de violences intercommunautaires voire familiales ; autant de blessures intérieures qui ont poussé certains enfants au suicide. Ce long métrage vient ainsi renouveler un genre cinématographique qui a eu tendance trop longtemps à imposer un modèle déformé voire humiliant de l’Indien dans des <a href="https://uknowledge.uky.edu/upk_film_and_media_studies/23/">intrigues souvent manichéennes</a>.</p>
<h2>Donner la parole aux Amérindiens</h2>
<p>Un changement dans l’histoire du cinéma qui a commencé à s’opérer à la fin des années 1970, avec la production d’un cinéma « pro-Indien » souhaitant montrer une vision plus réaliste de la situation amérindienne, et qui déboucha ces dernières années sur une production contemporaine hyperréaliste, voire désabusée comme <em>The Rider</em> de Chloé Zhao (2017), <em>The Grizzlies</em> de Miranda De Pencier (2018) et, bien évidemment, <em>Indian Horse</em>. </p>
<p>Les cinéastes d’aujourd’hui, à l’instar de Stephen Campanelli, donnent la parole aux Amérindiens eux-mêmes, sans maquillage ni faux-semblants, sans clichés susceptibles de mettre la communauté en danger dans ce qu’elle a de plus fragile : la préservation de son patrimoine culturel et religieux. Ce cinéma est, comme le souligne <a href="https://journals.openedition.org/lisa/2756">Anne Garrait-Bourrier</a>, « messager d’une autre voix, plus corrosive et sans concession : celle du réel américain ».</p>
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<p><em>Indian Horse</em> s’inscrit aussi, d’une certaine façon, dans la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17430437.2020.1826163">lignée des films sportifs</a> en présentant l’importance du jeu dans la culture traditionnelle indienne – « Le jeu, ma survie » déclare Saul dans le film – et le rôle joué par les pensionnats dans <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2019-2-page-141.htm?ref=doi">l’appropriation par les Amérindiens de pratiques sportives modernes</a>.</p>
<p>Ces institutions incluent dans leur cursus les pratiques physiques et plus particulièrement le sport, devenu partie intégrante de la culture nationale et incarnant les valeurs d’un système qui encourage l’esprit de compétition, l’individualisme, le succès. Le sport scolaire, pensé comme un facteur d’assimilation, devient un substitut aux pratiques ludo-sportives ancestrales. </p>
<p>Ces écoles, à l’instar de Carlisle et Haskell, permettent l’émergence de sportifs de haut niveau d’origine amérindienne comme James Francis Thorpe ou William Mills dont les parcours sont repris dans les biopics <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2020.1828359"><em>Jim Thorpe – All American</em> (1951)</a> et <em>Running Brave</em> (1983). Cette insertion remarquable des Amérindiens dans le monde sportif ne masque pas pour autant les dérives inhérentes à la société nord-américaine d’alors.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-quidditch-ce-sport-reel-venu-dharry-potter-64534">Le quidditch, ce sport « réel » venu d’Harry Potter</a>
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<p>Le racisme ambiant côtoie les exploitations commerciales, tout comme l’utilisation de l’indianité comme faire valoir sportif prend rapidement et durablement des allures de <a href="https://thestrikeoutfrance.com/2020/08/19/noms-et-logos-amerindiens-le-sport-us-face-au-defi-dune-societe-plus-juste/">pseudototémisme</a>, exploitant les symboles culturels amérindiens dans les différentes composantes de la société. Les athlètes amérindiens, même s’ils ne font pas l’objet d’interdiction de jeu, sont, tout comme leurs homologues de couleur, les victimes d’épithètes à caractères racistes ou autres insultes. Le film reprend cela via l’accueil reçu par l’équipe amérindienne des « Moose » dans le championnat régional, par Saul au sein de l’équipe des « Monarchs » de Toronto, et dans la caricature du joueur dans la presse.</p>
<p>Au regard de l’histoire fictionnelle tragique de Saul ou bien réelle de Thorpe, <em>Indian Horse</em> dénonce les injures et les cruels affronts dont les Amérindiens ont été victimes. David Q. Voigt insiste sur ce fait à travers ces quelques mots : </p>
<blockquote>
<p>« […] peut-être aucun groupe ne dut faire face à autant de sarcasmes sans pitié que ne le firent les Amérindiens ».</p>
</blockquote>
<p>Ce n’est certainement pas la bêtise populaire et médiatique qui a eu raison de la carrière professionnelle de Saul mais bien une conjonction de facteurs et de traumatismes auxquels plusieurs « générations volées » ont dû faire face.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184516/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>A travers la figure du sportif, le film « Indian Horse » de Stephen Campanelli dénonce le racisme et les abus sexuels dont ont été victimes de nombreux amérindiens.Thomas Bauer, Maître de conférences HDR en histoire du sport (STAPS), Université de LimogesFabrice Delsahut, Maître de conférences en STAPS, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789172022-03-16T21:02:31Z2022-03-16T21:02:31ZPays émergents : l’économie informelle, un avantage concurrentiel pour les exportateurs<p>La crise sanitaire a provoqué une réduction drastique du commerce international. Cependant, à y regarder de plus près, l’ampleur de cette réduction n’a pas été la même pour les pays avancés (-22 % entre janvier et avril 2020) et les émergents (-7 % sur la même période). Cette résilience des exportations des pays émergents face à la crise sanitaire s’inscrit dans une tendance plus large qui voit, au cours des années 2010, la croissance de leurs exportations rattraper puis dépasser celle des pays avancés.</p>
<p>Cette dynamique des exportations des pays émergents pourrait s’expliquer en partie par le rôle joué par l’économie informelle, qui leur confère un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s42214-020-00059-5">avantage concurrentiel</a>.</p>
<p>L’économie informelle est composée d’entreprises non enregistrées auprès des autorités et de travailleurs sans contrat de travail. La production légale de biens et de services, cachée aux pouvoirs publics pour des raisons monétaires, réglementaires ou institutionnelles, participerait ainsi à la construction de l’avantage concurrentiel de certains exportateurs émergents.</p>
<p><iframe id="1rcV8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1rcV8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon les dernières estimations du Bureau international du travail (BIT), l’économie informelle pèse significativement au niveau mondial : environ un tiers de la production de richesses et plus de deux tiers de l’emploi. Dans certains pays émergents, en Afrique subsaharienne notamment, les chiffres sont plus élevés ; l’économie informelle représentant <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_626831/lang--en/index.htm">62 % du PIB officiel</a> et l’emploi informel 90 % de l’emploi total.</p>
<p>L’étude empirique que nous avons menée auprès d’une population de plusieurs milliers d’entreprises mexicaines, récemment publiée dans la revue <a href="https://doi.org/10.1093/icc/dtab068"><em>Industrial and Corporate Change</em></a>, confirme l’influence de l’économie informelle sur les performances à l’export.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1140411828616552448"}"></div></p>
<p>Le Mexique est relativement représentatif du phénomène, puisque c’est le principal <a href="https://wits.worldbank.org/CountryProfile/en/Compare/country/MEX/indicator/XPRT-TRD-VL/partner/WLD/product/Total/country/ATG;ARG;ABW;BHS;BRB;CRI;CUB;DMA;DOM;SLV;GRD;GTM;GUY;HND;NIC;PAN;KNA;VCT;SUR;TCA;URY;VEN;LCA;BLZ;PRY;BOL;JAM;TTO;ECU;PER;COL;CHL;BRA;/show/line">exportateur</a> d’Amérique latine, mais également un pays dans lequel plus de <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_626831/lang--en/index.htm">50 % des travailleurs</a> opèrent de manière informelle.</p>
<h2>Coût et flexibilité</h2>
<p>Nos résultats montrent que plus les entreprises formelles s’approvisionnent auprès d’industries dans lesquelles le niveau d’informalité est élevé, plus elles sont susceptibles d’exporter et de générer des volumes d’export élevés. De fait, lorsqu’elles s’approvisionnent auprès de l’économie informelle, les entreprises formelles peuvent bénéficier d’un avantage concurrentiel en termes de coût et de flexibilité, et cela en activant plusieurs <a href="https://www.wiego.org/sites/default/files/publications/files/Chen_WIEGO_WP1.pdf">mécanismes</a>.</p>
<p>Premièrement, les entreprises formelles peuvent tirer un avantage direct dans leur coût de production des économies réalisées en s’approvisionnant auprès d’entreprises informelles, qui ne payent pas (ou peu) d’impôts et de charges sociales.</p>
<p>Deuxièmement, les entreprises formelles peuvent imposer leurs conditions tarifaires aux fournisseurs informels, du fait d’un pouvoir de négociation supérieur ; les fournisseurs informels dépendant souvent d’un seul client.</p>
<p>Troisièmement, la pression à la baisse des prix engendrée par la concurrence entre les nombreuses entreprises informelles contraint les fournisseurs formels des mêmes industries à baisser leurs prix. Cela peut même conduire ces derniers à recruter des travailleurs informels pour rester compétitifs face aux fournisseurs informels.</p>
<p>Quatrièmement, les transactions avec les fournisseurs de l’économie informelle sont moins coûteuses et plus flexibles, du fait de l’absence de contrats.</p>
<p>Cinquièmement, le recours à des fournisseurs informels permet une plus grande flexibilité en termes de volume de production ; ceux-ci ayant une plus grande facilité à accroître le nombre d’heures de travail de leurs employés ou à recruter de nouveaux employés pour faire face à une demande accrue et soudaine.</p>
<h2>Pressions réglementaires</h2>
<p>Ces mécanismes et les gains en termes de coût et de flexibilité liés au recours à l’économie informelle ont été documentés dans la plupart des pays émergents et pour plusieurs secteurs d’exportation. Il s’agit par exemple des secteurs des <a href="https://www.wiego.org/publications/chains-production-ladders-protection-social-protection-workers-informal-economy">fruits</a> au Chili et en Afrique du Sud, du <a href="https://doi.org/10.1093/jeg/lbab018">cuir</a> au Kenya, des <a href="https://doi.org/10.1017/9781316217382.016">téléphones portables</a> en Chine et en Inde, des <a href="https://www.wiego.org/publications/chains-production-ladders-protection-social-protection-workers-informal-economy">vêtements</a> en Thaïlande et aux Philippines, des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-7660.2012.01798.x">ballons de football</a> et articles de sport en Chine, en Inde et au Pakistan.</p>
<p>Toutefois, au Mexique comme dans les autres pays émergents, dans un contexte international où les réglementations commerciales intègrent de plus en plus les dimensions sociales et environnementales, les exportateurs des pays émergents sont soumis à une pression accrue des organisations non gouvernementales, des clients, des régulateurs et des gouvernements, des pays avancés notamment.</p>
<p>Les exportations sont désormais souvent conditionnées au respect du droit du travail et à des mécanismes rigoureux de traçabilité de non-recours à l’économie informelle dans les pays d’origine des exportateurs. Cela modifie la relation économique entre les économies formelle et informelle dans ces pays et conduit progressivement à une réorganisation des chaînes de valeur mondiales, avec des conséquences pour les acteurs économiques des pays émergents, notamment les plus vulnérables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude sur le Mexique, plus les entreprises s’approvisionnent auprès d’industries dans lesquelles le niveau d’informalité est élevé, plus elles atteignent des volumes d’export élevés.Olivier Lamotte, Professeur en économie et stratégie internationales - Professor of international economics and strategy, EM NormandieAna Colovic, Professeur de stratégie et de management international/ Professor of Strategy and International Business, Neoma Business SchoolOctavio Escobar, Professor of Economics, EM NormandiePierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1764272022-02-14T18:13:19Z2022-02-14T18:13:19ZAu Québec, le travail dans les mines est-il une option d’avenir pour les femmes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446297/original/file-20220214-126317-19lnjx5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C1382%2C954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux femmes « mineurs » chez iamgold. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=x6pjym7NKjI">Capture d'écran / Youtube</a></span></figcaption></figure><p>Le film québécois <em>Souterrain</em> a été projeté en avant-première pour tous les mineurs ayant participé au tournage, le 29 septembre 2020 dans la mine à ciel ouvert Sygma à Val d’Or. Il a été présenté au Festival du film de Whistler (Colombie britannique) le 20 décembre suivant, où il a reçu le prix de la meilleure réalisation. Mais en raison de la pandémie ce film, très attendu au Canada, n’est sorti sur les écrans que le 26 janvier dernier.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pUM0A60ffFk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>La réalisatrice, dont le <a href="https://www.filmsquebec.com/films/chien-de-garde-sophie-dupuis">premier film <em>Chien de Garde</em></a> a été doublement primé au Festival International du film de Saint-Jean-de-Luz en 2018 – prix de la meilleure mise en scène et prix de la meilleure interprétation pour les deux vedettes du film –, est petite-fille et fille de mineur. Sophie Dupuis est née à Val d’Or, ville industrielle de l’ouest du Québec dans la région de l’Abitibi-Temiscamingue, région minière, située sur les rives de l'étang Demontigny. A côté de l’or, des minerais tels que le cuivre, le zinc, l’argent et le plomb y sont également exploités. La ruée vers l’or de ce Klondike québécois s’opère surtout dans les années 1920-1950, en direction de la faille de Cadillac, autour des mines de Lamaque à Val d’Or, exploitées entre 1934 et 1989, et du « village de compagnie » Bourlamaque. Dans ces années, une cinquantaine de mines sont ouvertes dans la région, dont quelques quarante sont des mines d’or. En Abitibi-Temiscamingue de nombreuses mines d’or sont toujours exploitées par des compagnies telles que Mine Canadian Malartic, LaRonde, Westwood, employant <a href="https://propair.ca/fr/blogue/propair/l-abitibi-temiscamingue-une-terre-de-mines-de-richesses-a-decouvrir-/23/68384">toutes entre 500 et 1000 employés, ainsi que de plus petites à l’image de Goldex</a>.</p>
<p>Avec <em>Souterrain</em>, Sophie Dupuis rend hommage aux mineurs dont elle a partagé le quotidien. Son film se déroule en partie au fond d’une mine d’or moderne, mécanisée, dans laquelle travaillent, à quelques 450 mètres de profondeur, des <a href="https://www.lesaffaires.com/dossier/exploration-miniere-plongee-sous-terre/a-3-km-de-profondeur-dans-la-mine-d-or-laronde/582249">équipes réunissant des hommes et quelques femmes</a>. Confrontés quotidiennement au danger que présente, aujourd’hui encore, le travail dans les galeries, ces mineurs canadiens entendent la détonation d’une explosion, là où certains des travailleurs ont été affectés ce jour-là. Solidaires de leurs camarades un groupe de sauveteurs, composé de jeunes mineurs et de mineurs plus expérimentés, tous très bien équipés, est immédiatement formée pour aller à la recherche de potentielles victimes, sous la conduite d’une femme faisant preuve d’une grande autorité.</p>
<h2>Les femmes de plus en plus nombreuses</h2>
<p>En effet de plus en plus de femmes travaillent, désormais, dans le secteur minier au Québec. Elles représentent environ 17 % de la main-d’œuvre, plus particulièrement dans des postes de gestion, mais étonnamment elles sont 4 % dans les différents métiers liés à la production. En 2016, le Conseil d’Intervention pour l’Accès des Femmes au Travail (CIAFT) a publié à Montréal une étude sur les <a href="https://ciaft.qc.ca/wp-content/uploads/2017/01/ciaft_femmesmetierssecteurminierqc_pdf.pdf"><em>Femmes de métiers dans le secteur minier : un portrait, les principaux défis et pistes d’action pour l’industrie québécoise</em></a>. Face au manque de main-d’œuvre masculine, les compagnies minières ont commencé à faire circuler l’idée selon laquelle « travailler dans les mines est aussi pour les femmes ».</p>
<p>Jessica Salois-Rivard, est arpenteuse principale – c’est-à-dire chef d’équipe – <a href="https://inmq.gouv.qc.ca/publication/84/portraits-metiers-professions-mines">à la compagnie Westwood, près de Rouyn-Noranda</a>. Elle y est employée depuis six ans. Le matin, elle descend au fond pour coordonner le travail des arpenteurs. C’est elle qui décide de la répartition de l’équipe dans les galeries, qui organise le temps de travail, les déplacements, qui veille à la sécurité et à la santé de ses camarades. L’après-midi elle remonte à la surface, où elle est notamment en charge de la commande du matériel et d’autres tâches administratives et de gestion.</p>
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<p>Dans les mines du Québec les métiers du fond ont beaucoup évolué, selon Jessica l’arpenteuse. Il y a désormais beaucoup plus de « métiers de tête » : des ingénieurs, des électriciens, des mécaniciens et des soudeurs… C’est ainsi que des femmes bien formées peuvent être amenées à manœuvrer du matériel lourd. Ceci a amené les compagnies à faire des recherches dans le domaine de l’ergonomie, voire à repenser les normes en matière de sécurité et de santé au travail, mais également à être plus conciliantes dans l’aménagement des horaires afin de permettre aux mères de famille d’avoir à la fois une vie de famille et des perspectives de carrière professionnelle dans les mines.</p>
<h2>Un danger toujours présent</h2>
<p>Au regard de l’histoire du travail dans les mines, ces femmes font-elles avancer la cause féministe en affirmant ainsi leur capacité à exercer des métiers depuis longtemps dévolus aux hommes ? Au contraire, leur retour dans les galeries souterraines marque-t-il un recul de la protection des travailleurs exerçant leur métier dans des conditions dangereuses ? Telles sont deux des questions que pose, très utilement, ce film. </p>
<p>Il faut se souvenir que, même si les conditions de travail dans les mines ont beaucoup évolué depuis l’époque où les lois interdisant le travail des femmes et des enfants au fond ont été votées dans les grands pays industrialisés le danger, comme l’illustre bien <em>Souterrain</em>, est toujours présent et les catastrophes toujours menaçantes. Dans <em>Germinal</em>, Emile Zola met en scène de toutes jeunes femmes, comme Catherine Maheu et ses camarades à la tâche dans les galeries souterraines du Voreux. En effet, celles que l’on appelle <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hercheur/39647">« les hercheuses »</a> roulent de lourdes berlines pleines de minerai jusqu’au plan incliné, destiné à faciliter l’évacuation du charbon.</p>
<p>Ce type de travail harassant effectué par des femmes à des centaines de mètres sous terre, dans des conditions de promiscuité et d’insécurité va être, dans les dernières décennies du XIX<sup>e</sup> siècle, de plus en plus considéré comme une forme d’exploitation inacceptable. La saint-simonienne Pauline Viardot se fait l’écho de cette indignation dans <em>La Revue indépendante</em>, dirigée par George Sand et Louis Viardot, dès juillet 1842. Les témoignages recueillis semblent montrer que la vie que mènent les femmes dans les mines est « contraire aux lois de la pudeur, cette seconde nature de la femme » et qu’elles sont parfois contraintes de travailler jusqu’aux premières douleurs de l’enfantement.</p>
<p>En France, le travail des femmes au fond a été <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Loi_du_19_mai_1874.pdf">légalement et définitivement interdit grâce au vote de la loi du 19 mai 1874</a>. Néanmoins, certaines compagnies ont, jusque dans les années 1880, au mépris de la loi, continué à les faire descendre dans les entrailles de la terre. En Belgique, il faudra attendre près d’une décennie de plus – loi du 13 décembre 1889 – <a href="http://www.carhop.be/revuescarhop/wp-content/uploads/2017/03/Introduction-au-dossier-1.pdf">pour voir les femmes interdites de labeur au fond</a>. Faut-il aujourd’hui revenir sur cette législation, protectrice des femmes, au nom de l’égalité entre les sexes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En affirmant leur capacité à exercer des métiers depuis longtemps dévolus aux hommes, les femmes « mineurs » nous donnent à réfléchir.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743182022-01-05T18:46:24Z2022-01-05T18:46:24ZAttaque du Capitole du 6 janvier 2021 : enjeux et conséquences pour 2022<p>L’année 2021 restera marquée par un événement inédit dans l’histoire des États-Unis : l’assaut du Capitole par des partisans du président Trump dans le but d’empêcher la certification du résultat des élections de 2020. Il ne s’agissait pas d’une attaque contre un bâtiment, mais contre le Congrès lui-même, qui était en session, et dont les membres ont dû s’interrompre, <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/tasneemnashrulla/congress-members-describe-pro-trump-riot-capitol">se cacher</a>, et être évacués en urgence dans la panique générale.</p>
<p>Si le Capitole avait déjà été le théâtre de <a href="https://www.history.com/news/us-capitol-building-violence-fires">nombreuses violences</a> par le passé, il n’avait jamais subi d’attaque d’une telle ampleur commise par des citoyens états-uniens, lesquels étaient <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/14/aux-etats-unis-donald-trump-refuse-encore-d-accepter-la-victoire-de-joe-biden_6059711_3210.html">encouragés par un président ayant déployé des efforts sans précédent</a> pour renverser une élection légale et légitime.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-discours-populiste-de-donald-trump-a-conduit-a-linsurrection-de-ses-troupes-153002">Comment le discours populiste de Donald Trump a conduit à l’insurrection de ses troupes</a>
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<p>Conséquences immédiates : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/washington-qui-sont-les-cinq-victimes-des-emeutes-du-capitole">cinq morts</a>, plus de <a href="https://www.insider.com/all-the-us-capitol-pro-trump-riot-arrests-charges-names-2021-1">700 inculpations</a> et une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/01/etats-unis-la-creation-d-une-commission-speciale-sur-l-assaut-du-6-janvier-approuvee_6086443_3210.html">commission parlementaire bipartisane</a> chargée d’enquêter sur les faits, les circonstances et les causes de l’assaut.</p>
<h2>Le résultat du « grand mensonge »</h2>
<p>Au-delà de la question de savoir si l’expression <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/intrusions-de-pro-trump-au-capitole-on-peut-absolument-parler-d-une-tentative-de-coup-d-etat-selon-une-ancienne-conseillere-du-president-bill-clinton_4247797.html">« tentative de coup d’État »</a> est appropriée, ces émeutes ont été l’aboutissement violent d’un long processus de sape des institutions démocratiques des États-Unis.</p>
<p>On sait déjà que dans les semaines précédentes, un petit cercle de législateurs républicains, tous issus d’un groupe parlementaire d’ultra-droite, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Freedom_Caucus">Freedom Caucus</a>, composé notamment d’anciens membres du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tea_Party_(mouvement_politique)"><em>Tea Party</em></a>, a travaillé de concert avec la Maison Blanche <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/15/us/politics/trump-meadows-republicans-congress-jan-6.html">par l’intermédiaire du chef de cabinet Mark Meadows</a>, et du conseiller du président <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/jan6-peter-navarro-ted-cruz-green-bay-sweep-1276742/">Peter Navarro</a> avec l’aide du stratège <a href="https://www.newsweek.com/peter-navarro-steve-bannon-hero-january-6-capitol-riots-1660421">Steve Bannon</a> pour tenter de renverser l’élection de 2020.</p>
<p>Ils ont fait pression sur les élus locaux, sur le ministère de la Justice, et ont inondé les tribunaux de recours dont ils ont été systématiquement déboutés. Pourtant, aujourd’hui encore, Donald Trump et ses alliés continuent de promouvoir le <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/600482/etats-unis-le-grand-mensonge-de-donald-trump-menace-toujours-la-democratie-americaine">« grand mensonge »</a> (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Big_lie">« the Big Lie »</a>) d’après lequel l’élection leur a été volée, n’hésitant pas à amplifier de fausses allégations et des théories du complot, relayées par <a href="https://www.foxnews.com/category/politics/elections/voter-fraud-concerns">Fox News</a> ou <a href="https://www.oann.com/tag/january-6/">OAN</a>.</p>
<p>Suite à un tel assaut contre la démocratie, on aurait pu espérer que le pays s’unisse et que les élus mettent de côté leur divisions. Pourtant, à peine quelques heures après la fin des émeutes, alors que le Congrès se réunissait à nouveau au Capitole, la grande majorité des représentants républicains (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/2021_United_States_Electoral_College_vote_count">139 sur 212</a>) et quelques sénateurs ont objecté à la certification des résultats de la présidentielle.</p>
<p>Même si le chef des Républicains à la Chambre, <a href="https://www.npr.org/sections/trump-impeachment-effort-live-updates/2021/01/13/956452691/gop-leader-mccarthy-trump-bears-responsibility-for-violence-wont-vote-to-impeach">Kevin McCarthy</a>, et son homologue au Sénat, le tout-puissant <a href="https://apnews.com/article/mitch-mcconnell-donald-trump-impeachment-c9a38d7492feea56821f4e0930914b61">Mitch McConnell</a>, ont évoqué la responsabilité morale de Donald Trump dans l’attaque du Capitole, ils ne soutiendront ni la procédure de destitution (<em>impeachment</em>) symbolique de l’ancien président, ni même la mise en place d’une enquête bipartisane sur les événements. <a href="https://www.npr.org/2021/01/14/956621191/these-are-the-10-republicans-who-voted-to-impeach-trump">Seuls dix Républicains</a> voteront la mise en accusation de Donald Trump.</p>
<h2>Victoire de l’infox</h2>
<p>Il faut dire que <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/01/15/voters-reflections-on-the-2020-election/pp_2021-01-14_biden-trump-views_04-01/">l’électorat républicain</a> semble avoir majoritairement adhéré au « grand mensonge de Trump : l’élection présidentielle de 2020 était truquée ou le résultat d’un vote « illégal ». Une croyance pour 65 millions d’États-Uniens qui <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2021-05/IpsosReutersToplineWriteup-TheBigLie--17Maythru19May2021.pdf">persiste</a> au fil des mois, tandis que 9 %, soit potentiellement <a href="https://d3qi0qp55mx5f5.cloudfront.net/cpost/i/docs/Pape_AmericanInsurrectionistMovement_2021-08-06.pdf">23 millions d’Américains</a> tout de même, pensent même que le recours à la violence peut être justifié.</p>
<p>Ces sondages montrent également une corrélation entre ces croyances et le recours à des sources d’informations tels que <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/16/opinion/fox-news-trump-january-6.html">Fox News</a> et les <a href="https://www.newsweek.com/82-fox-news-97-oann-newsmax-viewers-believe-trumps-stolen-election-claim-poll-1644756">médias d’extrême droite</a>.</p>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/12/23/fox-news-trump-ratings-2021-lawsuit/">Débordés sur leur droite</a> par les petites chaînes extrémistes montantes Newsmax et One America News, Fox News et sa star <a href="https://www.youtube.com/watch?v=F7VKNRPyjPU">Tucker Carlson</a>, ainsi que certains membres républicains du Congrès tels que <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2021/06/19/jan-6-capitol-riot-trutherism-495197">Paul Gosar, Louie Gohmert ou Matt Gaetz</a>, ont rapidement avancé un récit révisionniste alternatif : les événements du 6 janvier auraient été principalement un exercice pacifique de la liberté d’expression. Quant aux rares violences commises ce jour-là, elles seraient le fait de groupes de gauche (<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-existe-t-il-une-menace-antifa-aux-etats-unis-comme-laffirme-donald-trump-149200">Antifa</a>), voire d’<a href="https://www.politifact.com/factchecks/2021/nov/04/tucker-carlson/tucker-carlsons-conspiracy-theory-about-fbi-and-ja/">agents du FBI infiltrés</a>, ou bien encore elles seraient justifiées par le désespoir de patriotes qui se battaient pour la survie de la république et de la démocratie.</p>
<p>Trump fait quant à lui un récit d’inversion très clair de ces événements : « L’insurrection a eu lieu le 3 novembre, jour de l’élection. Le 6 janvier a été le jour de la protestation », a-t-il écrit dans une déclaration publiée par son groupe de collecte de fonds en octobre.</p>
<h2>La démocratie représentative remise en cause</h2>
<p>Ce qui rend impossibles des fraudes électorales nationales massives, c’est que les élections sont précisément de la compétences des États. C’est donc au niveau local que se situent les enjeux. Le <a href="https://www.motherjones.com/politics/2021/07/gop-could-retake-the-house-in-2022-just-by-gerrymandering-four-southern-states/">redécoupage électoral partisan dans certains États</a> pourrait, par exemple et à lui tout seul, mécaniquement donner aux Républicains la majorité à la Chambre aux élections de mi-mandat de 2022, traditionnellement déjà défavorables à la majorité présidentielle. Quant au Sénat, où les Républicains sont déjà surreprésentés par rapport à leur poids électoral réel, la bataille va s’y jouer sur une <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/14/us/politics/senate-races-2022.html">dizaine de sièges</a>.</p>
<p>La possibilité existe donc de voir le <a href="https://www.npr.org/2021/06/09/1002593823/how-democratic-is-american-democracy-key-pillars-face-stress-tests">Congrès contrôlé par une minorité</a>. Mais les enjeux de représentation démocratique sont tout aussi importants au niveau local.</p>
<p>Prétextant des menaces de fraude jamais prouvées, 19 des 23 États où les Républicains contrôlent à la fois les assemblées législatives et le siège du gouverneur ont adopté des <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/voting-laws-roundup-october-2021">lois rendant le vote plus difficile</a>. Plus inquiétant : dans certains États clés (comme l’Arizona, la Floride, la Géorgie, le Nevada, l’Ohio, la Pennsylvanie, le Texas ou le Wisconsin), des <a href="https://statesuniteddemocracy.org/wp-content/uploads/2021/04/FINAL-Democracy-Crisis-Report-April-21.pdf">lois</a> permettant aux législatures des États d’interférer avec l’administration (non partisane) en charge des élections, voire de supplanter l’élection populaire et de certifier le vainqueur de leur choix ont été ou sont en train d’être votées.</p>
<p>Tout cela accroît la possibilité d’une crise constitutionnelle qui serait réglée par une <a href="https://theconversation.com/politisation-de-la-cour-supreme-la-democratie-americaine-en-peril-173281">Cour suprême elle-même politisée</a>.</p>
<h2>Test de loyauté de Donald Trump : la revanche comme enjeu de puissance</h2>
<p>Les primaires républicaines seront l’autre enjeu majeur en 2022. Donald Trump a systématiquement mis en place des candidats choisis non pour leur conservatisme mais pour leur loyauté envers lui, contre les Républicains qui ont osé le critiquer, et de surcroît contre les dix qui ont voté pour son <em>impeachement</em>, comme <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/562410-alaska-gop-endorse-murkowski-primary-challenger">Lisa Murkowski</a> (Alaska) ou <a href="https://www.nytimes.com/2021/09/27/us/politics/harriet-hageman-liz-cheney-trump.html">Liz Cheney</a> (Wyoming) – cette dernière ayant, en plus, commis le crime de lèse-majesté d’être l’une des deux élus républicains à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/28/liz-cheney-republicaine-tendance-faucon-seule-contre-trump_6089771_3210.html">participer à la commission d’enquête parlementaire</a> sur l’insurrection du 6 janvier.</p>
<p>Si le parti semble donc être entre les mains de Donald Trump, rien n’est encore joué. Il ne se présentera en 2024 que s’il est certain de pouvoir gagner, même en subvertissant le système en sa faveur. Sa puissance pourrait être mise à mal si ses candidats perdent aux primaires, d’autant qu’il <a href="https://www.politico.com/news/2021/12/17/gop-trump-oust-mcconnell-525207">n’a pas réussi à évincer McConnell</a>.</p>
<p>Il doit aussi faire face à de nombreux <a href="https://www.npr.org/2021/12/27/1068201299/lawsuits-could-expose-trump-business-practices-as-voters-consider-2022-midterms">problèmes judiciaires</a>, alors que le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/republican-party-trump-legal-bills-new-york-probe/2021/12/16/08af4524-5c3f-11ec-9c0e-a955f8a009c1_story.html">parti a accepté de payer ses frais d’avocats</a>. Ses récents <a href="https://www.forbes.com/sites/nicholasreimann/2021/12/16/trump-and-oreilly-history-tour-struggles-with-low-attendance/ ?sh=1e4695a225f7">meetings n’ont attiré qu’une faible affluence</a>, et selon un sondage récent, seuls 44 % des Républicains souhaitent le voir se présenter à la présidentielle de 2024. Il pourrait en outre se révéler dépassé par son propre mouvement : séquence inquiétante pour lui, il s’est récemment fait huer pour avoir promu la vaccination.</p>
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<h2>Le 6 janvier 2021 : signe d’un basculement sans retour ?</h2>
<p>Au final, on peut se demander si les événements du 6 janvier et leurs conséquences ne sont pas le signe que les États-Unis ont atteint un niveau de polarisation tel qu’un <a href="https://www.pnas.org/content/118/50/e2102144118">point de non-retour</a> a été franchi, rendant toute inversion impossible, y compris face à un ennemi commun comme une pandémie.</p>
<p>L’enquête parlementaire ne devrait pas avoir d’impact : <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/09/28/declining-share-of-republicans-say-it-is-important-to-prosecute-jan-6-rioters/">77 % des Républicains</a> ne croient pas qu’elle sera juste et raisonnable et ils sont de <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2021/09/28/declining-share-of-republicans-say-it-is-important-to-prosecute-jan-6-rioters/">moins en moins nombreux</a> à penser qu’il est important que les forces de l’ordre poursuivent les émeutiers.</p>
<p>Mais c’est dans les urnes que tout va se jouer. Il faudra regarder le profil des Républicains élus en 2022 et voir si les « légitimistes » tels que Liz Cheney peuvent reconquérir le parti. Car même si Trump disparaissait, rien de ne dit que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trumpisme">trumpisme</a> ne lui survivrait pas. De <a href="https://www.pnas.org/content/by/section/Political%20Sciences">nombreux chercheurs</a> et médias (<a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2022/01/january-6-insurrection-trump-coup-2024-election/620843/">ici</a>, <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/interactive/2021/january-6-next-coup-signs/">ici</a> ou <a href="https://www.economist.com/leaders/2022/01/01/how-to-think-about-the-threat-to-american-democracy">ici</a>) ont tiré la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèsent sur la démocratie américaine, y compris celle d’un coup d’État larvé, de nouvelles violences politiques, voire d’une guerre civile. Le risque : une faible participation et la mort lente de la démocratie dans l’indifférence quasi généralisée d’une population désinformée, davantage préoccupée par des questions culturelles, identitaires ou économiques.</p>
<p>Voilà quelques-uns des enjeux des deux prochains cycles d’élections américaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec le recul, l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021 peut apparaître comme le signal d’un basculement sans retour de la démocratie américaine.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1717982021-11-25T20:44:33Z2021-11-25T20:44:33ZVentes d’armes : la France résiste à l’hégémonie américaine<p>L’annulation du « contrat du siècle » portant sur les sous-marins australiens au <a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">profit des États-Unis et du Royaume-Uni</a> a provoqué la stupéfaction et la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/rupture-du-contrat-des-sous-marins-par-l-australie-c-est-un-coup-dans-le-dos-denonce-jean-yves-ledrian_4770743.html">colère</a> des gouvernants en France. Certains observateurs n’ont pas hésité à dénoncer une <a href="https://www.meta-defense.fr/2021/09/22/les-etats-unis-veulent-ils-eliminer-lindustrie-de-defense-francaise/">volonté délibérée des Anglo-Saxons</a> d’affaiblir l’industrie de défense navale tricolore.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">Pourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible</a>
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<p>Si ces arguments peuvent être recevables (la guerre économique entre industries de défense concurrentes pousse évidemment à toutes les éventualités), il demeure important de ne pas perdre de vue que les États-Unis agissent avant tout dans le but de maximiser leurs intérêts nationaux, mais avec des moyens techniques (tels que le <a href="http://www.slate.fr/story/74651/echelon">réseau ÉCHELON</a>) et financiers largement supérieurs à ceux d’autres États.</p>
<p>La structuration du commerce d’armes au niveau international fait clairement ressortir une domination étasunienne, confirmée par le fait que les cinq entreprises de défense générant le plus de revenus <a href="https://people.defensenews.com/top-100/">sont toutes américaines</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432617/original/file-20211118-15-84nqa5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Le complexe militaro-industriel comme levier de puissance économique et politique</h2>
<p>Si de <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674725263">nombreux travaux</a> ont été publiés sur le rôle du complexe militaro-industriel américain et <a href="https://yalebooks.yale.edu/book/9780300177626/unwarranted-influence">son influence croissante au niveau politique</a>, il convient de ne pas négliger son poids économique.</p>
<p>Déjà, lors de son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1846">discours d’adieu à la nation en 1961</a>, le président Eisenhower mettait en garde contre les dangers de ce complexe militaro-industriel devenu à ses yeux trop enraciné dans l’économie et la société américaines. La fin de la guerre froide n’a pas signé sa fin : il a su, au travers de grandes vagues de fusions-acquisitions, <a href="http://archive2.grip.org/bdg/g1026.html">trouver un nouveau souffle</a>.</p>
<p><a href="https://facts.aia-aerospace.org/">Selon l’<em>US Aerospace & Defense Industry</em></a>, ce secteur emploie 2,1 millions de salariés en emplois indirects et 880 000 en emplois directs. Son chiffre d’affaires avoisine les 875 milliards de dollars en 2020 et les revenus des exportations frôlent les 91 milliards de dollars. Le marché domestique américain représente le premier marché de défense de la planète (38 % du marché mondial). Cela profite fortement à ses grands groupes de défense, leaders internationaux autour desquels est structurée la <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-de-la-defense-americaine/industrie-defense-americaine-2020">Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) américaine</a>.</p>
<p>Moins dépendants des exportations en raison de ce marché intérieur conséquent, les États-Unis sont soucieux d’éviter la diffusion de technologies militaires susceptibles de modifier les équilibres de puissance au niveau international et ont souvent été moins enclins à exporter leurs technologies militaires d’avant-garde que leurs concurrents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question</a>
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<p>Ainsi, les États-Unis ont mis en place un ensemble de mesures contraignantes dans le domaine des exportations de défense, démontrant que les <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2016-1-page-57.htm">considérations politico-stratégiques sont prioritaires pour eux</a>. La législation américaine (sur le transfert d’armes) est en effet <a href="https://www.bis.doc.gov/index.php/documents/technology-evaluation/ote-data-portal/ecr-analysis/1471-sta-use-through-april-2016/file">très sévère</a>.</p>
<p>Cependant, du fait d’un contexte budgétaire contraint, le gouvernement américain a assoupli les contrôles des exportations d’armes ces dernières années, afin de <a href="http://www.opex360.com/2020/08/06/les-etats-unis-vont-accorder-des-facilites-de-paiement-pour-maintenir-le-niveau-de-leurs-exportations-darmes/">soutenir son industrie de défense</a>.</p>
<p>Au-delà de l’assistance sécuritaire accordée à de très nombreux États dans le monde, via les <a href="https://www.dsca.mil/foreign-military-sales-fms">FMS</a> ou les <a href="https://www.dsca.mil/programs/excess-defense-articles-eda">EDA</a>, les États-Unis incitent leurs entreprises de défense à réinvestir une partie de leurs bénéfices issus des exportations dans le développement de technologies nouvelles.</p>
<p>D’autre part, en nouant des partenariats industriels de défense importants avec des pays comme les <a href="https://almashareq.com/fr/articles/cnmi_am/features/2017/12/12/feature-01">Émirats arabes unis</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/09/14/l-alliance-militaire-entre-les-etats-unis-et-israel-renforcee-pour-dix-ans_4997467_3218.html">Israël</a> ou la <a href="https://fr.euronews.com/2020/08/15/la-pologne-et-les-etats-unis-renforcent-leur-cooperation-militaire">Pologne</a>, Washington consolide ses relations de défense avec des alliés traditionnels.</p>
<p>Deux impératifs de leur politique étrangère apparaissent ainsi en filigrane : la lutte contre le terrorisme et les retombées des industries de défense pour leur économie nationale, via, notamment, l’annihilation des concurrents directs les plus dangereux.</p>
<h2>La France, concurrent le plus redoutable de l’industrie de défense américaine ?</h2>
<p>C’est un axiome bien connu dans le marché des armes : <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F5193.js&oid=42&c=&m=&l=&r=&f=pdf">« pour acheter, il est nécessaire de vendre »</a>.</p>
<p>La France n’échappe pas à cette règle et les marges de manœuvre dont elle dispose sont bien moins importantes que celle des États-Unis. Si la France veut conserver son autonomie dans le domaine de la défense, les <a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">exportations sont nécessaires</a> pour pérenniser sa BITD, qui représente <a href="https://www.lesechos.fr/2016/01/lindustrie-de-la-defense-devrait-creer-40000-emplois-dici-a-2018-195010">80 000 emplois directs et 120 000 indirects</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">4 questions sur les exportations d’armements de la France, Brut, 4 juin 2021.</span></figcaption>
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<p>Environ 40 % du chiffre d’affaires enregistré par la BITD française provient des exportations : la taille du marché français est insuffisante pour permettre une réduction massive des coûts et, donc, d’importantes économies d’échelles.</p>
<p>Possédant une industrie unique en Europe, la France est le seul pays de la région à être autonome dans encore nombre de systèmes critiques d’armes (avions de combat, chars lourds, navires de fort tonnage, missiles, radars…) tout en étant cependant dépendant pour ce qui concerne un certain nombre d’autres systèmes (drones longue endurance, ISR, composants électroniques embarqués…). Néanmoins, le savoir-faire accumulé fait de Paris une réelle et sérieuse alternative aux États-Unis dans nombre de secteurs hautement stratégiques des armements.</p>
<p>Cet état de fait n’est pas nouveau : dans les années 1960 déjà, l’industrie de défense française <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1976_num_41_6_1699">gênait énormément les États-Unis</a> dans le cadre de compétition internationale.</p>
<p>À l’époque, dans le domaine aéronautique par exemple, le Mirage était <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2010-4-page-75.htm">l’une des rares alternatives</a> aux avions de combat américains et soviétiques et attira tout particulièrement l’attention de pays qui, à l’instar de la France, voulaient atténuer l’influence hégémonique des deux superpuissances.</p>
<p>Depuis, si Paris s’est fortement rapproché des États-Unis, le comportement de ces derniers n’en a pas été moins offensif. Washington a, ces dernières années, systématiquement tenté de faire capoter des accords pourtant bien avancés dans de très nombreux contrats d’armements :</p>
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<li><p>1992 : la mise en place d’une surveillance de la forêt amazonienne au Brésil (projet SIVAM) via la fourniture d’un satellite et d’un radar de surveillance. Cet appel d’offres d’un montant de 1,4 milliard de dollars verra le Français Thomson-CSF (devenu Thales en 2000) affronter la firme américaine Raytheon. Cette dernière <a href="https://www.lesechos.fr/1994/07/le-bresil-confie-la-surveillance-de-lamazonie-a-lamericain-raytheon-886638">obtiendra ce marché</a> le 18 juillet 1994 après que des interceptions effectuées par la CIA sur des dessous de table supposés et des <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/pourquoi-l-affaire-echelon-embarrasse-thomson-csf-2060838.htm">interceptions de communications de la NSA</a> entre Français et Brésiliens aient été exploitées. Des révélations plus tardives démontreront que les États-Unis <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-economie-c-est-la-guerre-frederic-charpier/9782021022247">avaient agi de la même manière</a>.</p></li>
<li><p>2002 : le renouvellement des avions de combat de la Corée du Sud. Le Rafale était opposé au chasseur F-15K de Boeing. Au terme des campagnes d’évaluations techniques et opérationnelles, le Rafale fut classé en tête en termes de performances, mais de très nombreux rebondissements lors de cette affaire (perquisition, rumeurs de corruption, intimidations, espionnage…) amenèrent la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/defaite-politique-pour-le-rafale.N1819">défaite de Dassault</a>. Le F-15K fut choisi par Séoul pour des considérations de sécurité nationale, car les États-Unis demeurent le véritable garant de sa sécurité face à la Corée du Nord.</p></li>
<li><p>2002 encore : le Rafale était en concurrence avec le F-16 en Pologne. L’appareil français impressionna les pilotes de l’armée de l’air, mais les compensations proposées par les Américains firent basculer leur choix. Washington s’engagea à inclure dans le contrat un transfert de technologie portant sur le système de télécommunications crypté Tetra (avec Motorala), ainsi que la création d’un centre de recherche en informatique <a href="https://www.latribune.fr/archives/2002/entreprises/id67823a44af0b1848c1256c9c00490594/la-pologne-prefere-le-f-16-americain-au-mirage-francais.html">couplé à un plan de R&D conséquent</a>.</p></li>
<li><p>2007 : au Maroc, les États-Unis acceptèrent un rabais important pour empêcher une fois de plus Dassault de vendre son Rafale. Ils proposèrent 36 chasseurs F-16 pour un montant de 2 milliards de dollars, contre 2,3 milliards d’euros pour 18 Rafale, assortis d’une garantie américaine pour faire bénéficier Rabat de <a href="https://wikileaks.org/plusd/cables/10RABAT5_a.html">l’ensemble des ressources technologiques du F-16</a>. Dans ces conditions, le Rafale n’avait aucune chance de l’emporter.</p></li>
</ul>
<p>Il arrive parfois que les États-Unis bloquent, pour des raisons de « sécurité nationale et de politique étrangère », la vente de certains composants électroniques américains qui équipent certains systèmes d’armes français. La réglementation américaine ITAR a ainsi poussé Washington à <a href="https://www.lesechos.fr/2014/02/satellites-espions-les-etats-unis-imposent-leur-loi-a-la-france-291211">bloquer la vente</a> de deux satellites-espions français (Airbus et Thalès) aux Émirats arabes unis en 2014 ainsi que la vente de missiles de croisière Scalp (MBDA) <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/rafale-en-egypte-les-etats-unis-bloquent-768856.html">vers l’Égypte</a> et le Qatar.</p>
<p>Une intervention directe de l’ancien président François Hollande fut nécessaire pour débloquer la vente des satellites en février 2014. Le contrat pour le missile Scalp ne put être débloqué et Paris s’engagea auprès du Caire à fabriquer un composant analogue <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2018/11/enjeux-de-reglementation-itar-blocage-de-vente-missiles-scalp-a-legypte">échappant au dispositif ITAR</a>.</p>
<p>Dans ces cas précis, la sécurité d’Israël via le maintien d’un avantage militaire face à ses potentiels adversaires arabes, le <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/us-foreign-policy-and-israels-qualitative-military-edge-need-common-vision"><em>Qualitative Military Edge</em></a>, servit de prétexte pour contrer les effets politiques des succès commerciaux du Rafale à l’exportation.</p>
<p>Plus récemment encore, de très nombreux marchés ont opposé industriels français et Américains (<a href="http://www.opex360.com/2016/10/10/la-pologne-va-commander-des-helicopteres-americains-black-hawk-pour-ses-forces-speciales/">hélicoptères Caracal vs UH-60</a> en Pologne, chasseurs Rafale et systèmes antiaériens SAMP-T vs chasseurs F-35 et systèmes antiaériens Patriot en <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/defense-la-suisse-achete-des-avions-de-chasse-f-35-et-des-patriot-revers-pour-la-france-1408111">Suisse</a>…), avec à la clé de nombreuses défaites françaises, notamment en raison de pressions politiques en direction d’alliés fortement dépendants des États-Unis.</p>
<h2>Résister aux ambitions hégémoniques des États-Unis</h2>
<p>Ce qui ressort du comportement américain est la volonté manifeste de maintenir son hégémonie économique et industrielle dans le domaine des armements, notamment en Occident.</p>
<p>La France est ici principalement visée, car elle dispose justement des atouts qui font d’elle une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comment-la-france-a-decroche-la-troisieme-place-mondiale-en-matiere-d-exportation-d-armes.N1071464">véritable rivale</a> dans nombre de domaines technologiques clés.</p>
<p>En cherchant à maintenir son hégémonie par tous les moyens, Washington tente par ailleurs de limiter les marges de manœuvre de certains acteurs régionaux influents (Inde, Corée du Sud, Égypte, Indonésie…) en impactant leurs degrés d’autonomie stratégique et de décision sur la scène internationale.</p>
<p>En limitant ainsi la possibilité pour ces États d’acquérir des technologies autres qu’américaines, les États-Unis affermissent d’autant leur influence. En effet, il ne faut pas omettre le fait que le pays vendeur d’armes dispose, outre d’informations sensibles, de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">moyens de pression</a> quant à leur maintenance, leur modernisation et… leur utilisation.</p>
<p>La France, avec un budget de la défense contraint et une dépendance aux exportations forte, ne dispose que de peu d’appui au sein d’une Union européenne déjà en <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/ue/l-europe-peut-elle-se-passer-des-etats-unis-pour-sa-defense-eded5092-26a0-11ec-b8e1-a5d0cfbb7050">partie dépendante des industries de défense américaines</a>.</p>
<p>Il lui appartient donc d’être en mesure de continuer à établir avec certains États, européens ou extra-européens, des partenariats <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/defense-la-france-et-la-grece-renforcent-leur-partenariat-strategique/">susceptibles de durer dans le temps</a>, sans exposer inutilement sa BITD, afin de faire en sorte que le village gaulois continue à résister encore et toujours…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mourad Chabbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Visant l’hégémonie dans le commerce des armes, les États-Unis utilisent des stratégies très agressives, notamment vis-à-vis du concurrent français.Mourad Chabbi, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710392021-11-08T20:36:22Z2021-11-08T20:36:22ZRéformer l’économie américaine : pour Joe Biden, le temps presse<p>Élu sur un programme économique ambitieux, Joe Biden a dû gérer en priorité les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. En parallèle, il tente de profiter de la majorité relative dont les Démocrates disposent au Congrès jusqu’aux <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/2021/03/23/pourquoi-2022-sera-une-annee-importante-pour-donald-trump-NAKWIB7H7JHV7NKOXHLCYF7AXU/">élections de mi-mandat de 2022</a> pour essayer de faire adopter rapidement une série de mesures destinées à réformer l’économie américaine, quitte à revoir ses ambitions à la baisse pour convaincre <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211028-%C3%A9tats-unis-pour-joe-biden-un-cauchemar-d%C3%A9mocrate-nomm%C3%A9-joe-manchin">certains élus de son propre camp</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
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<h2>Au Congrès : une majorité fragile</h2>
<p>Alors que la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/congres-usa.asp">Chambre des Représentants</a> leur était déjà acquise, les Démocrates se sont assuré le <a href="https://www.franceinter.fr/monde/la-georgie-bascule-la-majorite-au-senat-americain-devient-democrate-et-donald-trump-perd-gros">contrôle du Sénat</a> en remportant début 2021 les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/06/election-en-georgie-le-suspense-demeure-pour-l-obtention-des-deux-sieges-decisifs_6065318_3210.html">deux sièges de la Géorgie</a>.</p>
<p>Cette situation permet théoriquement à Joe Biden de faire adopter les réformes proposées lors de sa campagne. Cependant, si les Démocrates disposent à la Chambre d’une avance suffisante (220 sièges contre 212 aux Républicains) pour garantir une adoption assez aisée, il n’en est pas de même au Sénat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1359823907906334724"}"></div></p>
<p>En effet, l’égalité (50-50) du nombre des sénateurs issus de chacun des deux grands partis ne donne l’avantage aux Démocrates que grâce à la voix de la vice-présidente Kamala Harris, présidente es qualités du Sénat. Sauf accord avec certains Républicains, la défection du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/reformes-biden-l-incroyable-cirque-de-la-senatrice-kyrsten-sinema_2160026.html">moindre sénateur démocrate</a> se traduit donc par un blocage des lois au Congrès.</p>
<h2>Crise sanitaire : priorité au nouveau plan de sauvetage</h2>
<p>Dès son investiture en janvier 2021, Joe Biden a été confronté à la nécessité de mettre en œuvre un nouveau plan d’aide pour soutenir le pouvoir d’achat des Américains, mis en difficulté par la crise du Covid-19.</p>
<p>Dans la lignée des <a href="https://home.treasury.gov/policy-issues/coronavirus/about-the-cares-act">deux plans de relance</a> adoptés sous l’ère Trump d’un montant respectif de 2 200 (« CARES Act ») et de 900 milliards de dollars (« Consolitated Appropriations Act »), l’« American Rescue Plan Act » (ARPA) voté le 10 mars 2021 prévoit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/10/que-prevoit-l-enorme-plan-de-relance-voulu-par-joe-biden-aux-etats-unis_6072643_3210.html">1 900 milliards de dollars de dépenses</a> supplémentaires.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : le Sénat américain approuve le plan de relance économique de Joe Biden (France 24, 7 mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Ces fonds sont tout d’abord destinés à la distribution directe de nouveaux chèques à une grande partie des ménages américains, à raison de 1 400 dollars pour toute personne gagnant moins de 75 000 dollars par an (2 800 dollars en dessous de 150 000 dollars de revenus pour un couple).</p>
<p>Ce nouveau plan permet aussi de poursuivre le versement aux chômeurs d’un montant hebdomadaire de 300 dollars en complément de leurs éventuelles allocations.</p>
<p>Le reste de l’ARPA est notamment affecté au paiement des vaccins et des tests de dépistage, ainsi qu’à des subventions aux petites entreprises en difficulté pour éviter que celles-ci ne licencient leurs salariés.</p>
<p>Enfin, une enveloppe de 350 milliards de dollars est <a href="https://home.treasury.gov/news/featured-stories/fact-sheet-the-american-rescue-plan-will-deliver-immediate-economic-relief-to-families">consacrée aux États et aux territoires</a>, afin de combler certaines inégalités en matière de couverture numérique ou pour leur permettre d’assister les ménages fragilisés, par exemple en les aidant à conserver leur logement.</p>
<p>Après l’adoption de ce plan dicté par les besoins de la conjoncture sanitaire, l’administration Biden a inscrit à son agenda le train des réformes économiques structurelles promises lors de la campagne présidentielle.</p>
<h2>Promesses de campagne : plans d’investissement dans les infrastructures et soutien aux familles</h2>
<p>Les deux priorités intérieures définies par Joe Biden lors de sa campagne se traduisent par la volonté de faire adopter au Congrès <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210824-les-plans-d-investissements-de-joe-biden-avancent-au-congr%C3%A8s">deux gigantesques plans d’investissement</a>, l’un concernant une modernisation historique des infrastructures du pays, l’autre étant destiné au soutien aux familles.</p>
<p>Consensuel entre les Démocrates et une partie des Républicains, le projet de loi sur le plan d’infrastructures, le « Bipartisan Infrastructure Bill », aura néanmoins attendu le 10 août 2021 pour être <a href="https://apnews.com/article/joe-biden-business-bills-38b84f0e9fcc8e68646eedf6608c4c70">approuvé par le Sénat</a>, après des mois de négociations.</p>
<p>D’un montant de <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2021/09/29/1-trillion-infrastructure-bill-house-vote-nears-what-included/5907055001/">1 200 milliards de dollars</a> de dépenses sur huit ans (contre <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-maison-blanche-reduit-la-voilure-de-son-plan-d-infrastructures-20210521">2 250 milliards envisagés initialement</a>), le plan a obtenu l’aval définitif du Congrès le 5 novembre 2021. Un vote d’une portée symbolique forte, un an après l’élection de Joe Biden.</p>
<p>Ce <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-le-plan-dinfrastructures-de-joe-biden-en-5-chiffres-fous-1338208">plan d’amélioration des infrastructures</a> devrait permettre la rénovation d’ouvrages existants (routes, ponts, voies ferrées, distribution d’eau, transports publics…) et la mise en place de nouveaux équipements, notamment destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre, soutenir l’adaptation au changement climatique, participer à la dépollution des sols et étendre l’Internet à haut débit.</p>
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<figcaption><span class="caption">États-Unis : des infrastructures en souffrance, Reportage C dans l’air, 18 décembre 2020.</span></figcaption>
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<p>À l’issue de la négociation bipartisane, seuls 550 des 1 200 milliards de dollars devaient constituer de nouvelles dépenses, le restant correspondant aux dépenses non réalisées dans le cadre des plans d’urgence sanitaire. Ainsi, seule une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/etats-unis-le-plan-infrastructures-vise-a-percevoir-plus-d-impots-sur-les-cryptomonnaies-20210810">taxe sur les cryptomonnaies</a> devrait être introduite pour assurer son financement.</p>
<p>De son côté, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/28/fact-sheet-the-american-families-plan/">l’American Families Plan</a> doit principalement mettre l’accent sur le soutien aux familles avec enfants dans le but d’améliorer la situation des nouvelles générations.</p>
<p>Cela passe notamment par l’augmentation des financements dévolus au système public d’éducation et à la formation des enseignants, et par des aides aux familles modestes avec enfants (subventions des frais de garde, mise en place de congés maternité).</p>
<p><a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210913-etats-unis-le-plan-de-relance-de-joe-biden-frein%C3%A9-par-un-s%C3%A9nateur-d%C3%A9mocrate">L’absence de consensus parmi les élus démocrates</a> freine depuis plusieurs mois l’adoption de ce plan, mais leurs négociations internes pourraient bientôt aboutir à l’adoption d’un texte à l’ambition réduite, bien loin des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1834215/plan-infrastructures-milliards-biden-democrates">3 500 milliards de dollars</a> prévus initialement.</p>
<h2>Face-à-face tendu avec la Chine</h2>
<p>L’administration Biden a d’emblée désigné la Chine comme le <a href="https://www.state.gov/translations/french/le-secretaire-detat-antony-blinken-reaffirmer-et-reimaginer-les-alliances-de-lamerique/">principal concurrent, voire adversaire</a> des États-Unis. Dépassant le débat sur le déficit commercial américain vis-à-vis de ce pays mis en avant par son prédécesseur à la Maison-Blanche, le nouveau président se place dans une confrontation en termes de leadership mondial sur tous les aspects : économique, diplomatique, militaire et technologique.</p>
<p>Début juin, le Sénat adoptait à une large majorité un projet de loi pour répondre au défi technologique, l’« United States Innovation and Competition Act ». D’un montant global de <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KCN2DL0C2/usa-le-senat-adopte-un-projet-de-loi-pour-concurrencer-la-chine.html">250 milliards de dollars</a>, le plan promeut la recherche dans des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/10/joe-biden-poursuit-sans-complexe-la-guerre-commerciale-et-technologique-de-trump_6083595_3234.html">secteurs stratégiques</a> pour l’industrie du futur, tels que les semi-conducteurs, les puces électroniques, l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique dans l’objectif de faire face à une concurrence internationale accrue, et en particulier celle de la Chine.</p>
<p>Sans abandonner les barrières douanières mises en place par Donald Trump, Joe Biden s’en démarque sur le plan diplomatique. Au lieu de poursuivre une lutte unilatérale contre la Chine, il cherche à renforcer ses alliances pour <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2021-3-page-11.htm">opposer à son principal concurrent un front le plus large possible</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’en juin 2021, les membres du G7 se sont entendus pour concourir au programme « <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/economie-le-g7-fait-front-commun-pour-contrer-la-nouvelle-route-de-la-soie-chinoise">Build Back Better World</a> » (B3W) qui vise à contrer l’influence grandissante de la Chine, laquelle investit massivement dans les infrastructures des pays en développement à travers les « nouvelles routes de la soie ».</p>
<p>Dans la zone Asie-Pacifique, Biden a resserré ses relations avec ses partenaires du Quad (Inde, Japon, Australie).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">AUKUS : la France, grande perdante du duel américano-chinois</a>
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<p>La forte priorité donnée aux alliances dans cette zone est à l’origine du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/16/crise-diplomatique-entre-washington-et-paris-au-sujet-des-sous-marins-australiens_6094856_3210.html">couac diplomatique récent entre les États-Unis et la France</a> concernant le contrat des sous-marins australiens.</p>
<p>Quand le président américain annonce lui-même la signature d’un nouveau contrat, évinçant de fait celui conclu quelques années plus tôt par Naval Group France, c’est pour marquer des points vis-à-vis de la Chine, au risque de vexer un allié européen beaucoup moins central dans ses préoccupations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question</a>
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<h2>Imposition des multinationales : les États-Unis à la manœuvre</h2>
<p>C’est au travers de larges négociations internationales que l’administration Biden a réussi à convaincre ses partenaires de l’OCDE d’appliquer une <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20211008-imp%C3%B4t-sur-les-multinationales-136-pays-s-accordent-sur-une-taxation-minimale-%C3%A0-15">taxation minimale sur les bénéfices des multinationales</a>. Il s’agit d’un accord historique malgré un taux minimal de 15 % bien en deçà des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/taxation-minimale-des-multinationales-il-fallait-fermer-le-robinet-de-levitement-fiscal-analyse-l-economiste-farid-toubal_4782471.html">21 % initialement souhaités par Joe Biden</a>.</p>
<p>Cela permettra de lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, tout particulièrement des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple). Ces derniers parviennent à <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/enquete-comment-les-gafa-se-debrouillent-ils-pour-payer-si-peu-d-impots-1551450994">échapper largement à l’impôt</a> grâce au dumping fiscal de certains pays qui tirent vers le bas les taux d’imposition sur les sociétés. Or, les États-Unis ont un besoin crucial de recettes fiscales pour financer les plans d’investissement voulus par les Démocrates.</p>
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<figcaption><span class="caption">Impôt minimum mondial : vers une révolution fiscale ? France 24, 4 juin 2021.</span></figcaption>
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<p>C’est aussi une manière de ne pas laisser d’autres pays prendre des initiatives en matière d’imposition des multinationales américaines. Le Royaume-Uni ou la Turquie, pour avoir mis en place une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">fiscalité spécifique</a> sur les grandes multinationales du numérique, sont d’ailleurs <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">menacés par les Américains</a> de mesures de rétorsion sous forme d’augmentation d’un ensemble de droits de douane.</p>
<p>L’administration Biden entend garder l’initiative sur l’évolution de la fiscalité internationale et éviter que d’autres pays suivent l’exemple français en taxant ces groupes sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur leur territoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/diplomatie-de-quoi-lamerique-de-joe-biden-est-elle-le-nom-168880">Diplomatie : de quoi l’Amérique de Joe Biden est-elle le nom ?</a>
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<p>Depuis le début de son mandat, Joe Biden a entrepris une réforme en profondeur de l’économie américaine tout en réinvestissant la scène internationale avec une vision du monde plus multilatérale que celle de son prédécesseur. La préservation du leadership des États-Unis reste néanmoins son objectif primordial au côté des enjeux de politique intérieure que sont la réduction des inégalités qui minent la société américaine, et la transition énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Joe Biden n’a pas encore réussi à faire voter tous ses grands plans d’investissement, les blocages venant notamment de son propre camp. Un problème urgent : les élections de mi-mandat se rapprochent.Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieThérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1688802021-09-30T18:18:19Z2021-09-30T18:18:19ZDiplomatie : de quoi l’Amérique de Joe Biden est-elle le nom ?<p>En matière de politique étrangère, Donald Trump a prôné et mis en pratique pendant quatre ans le principe « l’Amérique avant tout » (<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/269992-les-etats-unis-de-donald-trump-america-first-et-hegemonie-decomplexee"><em>America First</em></a>). Joe Biden a annoncé à ses alliés, dès son élection en 2020, que l’Amérique était « de retour » (<a href="https://fr.euronews.com/2020/11/25/america-is-back-joe-biden-veut-une-amerique-prete-a-guider-le-monde"><em>America is back</em></a>). Une formule qui impliquait, sur le plan international, un renouveau du multilatéralisme, ce dont les partenaires occidentaux des États-Unis n’ont pas manqué de se féliciter.</p>
<p>Huit mois après l’accession du candidat démocrate à la Maison-Blanche, de nombreux éléments de nature différente (continuité de plusieurs politiques de Trump, scènes éprouvantes à la frontière mexicaine, plusieurs ratés de politique étrangère) amènent à poser la question : l’arrivée de Biden a-t-elle vraiment changé la donne pour la France et les autres alliés de l’Amérique ?</p>
<p>Ces dernières semaines, cette question a encore gagné en acuité avec le retrait chaotique d’Afghanistan et l’affaire des sous-marins.</p>
<p>L’un s’est fait sans consultation des alliés et s’est soldé par l’<a href="https://theconversation.com/les-talibans-nont-pas-change-dapres-les-femmes-assujetties-a-leur-regime-extremiste-166322">abandon</a> des femmes, des journalistes, des interprètes et de tous ceux qui avaient soutenu et aidé les troupes américaines pendant vingt ans et qui, sans possibilité de quitter l’Afghanistan, se retrouvent en danger de mort.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/afghanistan-quand-la-protection-des-donnees-biometriques-devient-une-question-de-vie-ou-de-mort-167124">Afghanistan : quand la protection des données biométriques devient une question de vie ou de mort</a>
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<p>L’autre a été qualifié de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/crise-des-sous-marins-australiens/crise-des-sous-marins-prise-de-parole-de-jean-yves-le-drian-en-marge-du-sommet-de-lonu_4778885.html">trahison américaine</a> par Paris. Au-delà d’un cas de concurrence déloyale entre alliés, l’épisode qui a vu l’Australie renoncer à l’achat des sous-marins français au profit d’une nouvelle alliance avec Washington et Londres marque, du point de vue français, le refus américain de reconnaître le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/l-espace-indopacifique-une-priorite-pour-la-france/">rôle de la France dans la zone Indo-Pacifique</a>, alors qu’elle y compte plusieurs territoires, deux millions de ressortissants et 7 000 militaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">Pourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible</a>
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<p>Dans le cas afghan comme dans la séquence australienne, le comportement américain semble relever du mantra « America First », que l’on croyait appartenir au passé. Faut-il toutefois accorder le bénéfice du doute à l’administration Biden ?</p>
<h2>Le manque de personnel, raison de la cacophonie australienne ?</h2>
<p>Le département d’État américain travaille en silos, c’est-à-dire que ses services fonctionnent de manière très indépendante les uns des autres, et ses responsables Asie n’ont sans doute pas tenu le département Europe au courant des négociations avec Canberra.</p>
<p>De surcroît, dans le système des dépouilles (<a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-comment-ailleurs/c-est-comment-ailleurs-le-spoil-system-aux-etats-unis_2165060.html"><em>spoil system</em></a>) qui continue de prévaloir malgré ses nombreux effets pervers, un président doit nommer 4 000 personnes, dont 1 250 soumises à l’approbation du Sénat. Or, à ce jour, Joe Biden n’a obtenu la confirmation que de 137 de ses candidats, 226 autres attendant la leur, bloquée par les Républicains pour des raisons politiques, les centaines d’autres fonctionnaires attendant encore d’être nommés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423584/original/file-20210928-20-18z5peu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Seuls 137 des candidats soumis à approbation du Sénat devant être nommés dans l’administration Biden sont en poste.</span>
<span class="attribution"><span class="source">US Senate</span></span>
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<p>Certains départements sont donc dépeuplés et peu en mesure d’aider le président à prendre la meilleure décision. C’est ce que Joe Biden a laissé entendre à son homologue français lors de leur échange téléphonique, lorsqu’il a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/22/crise-des-sous-marins-emmanuel-macron-s-entretiendra-avec-joe-biden-mercredi_6095625_3210.html">reconnu sa responsabilité dans l’absence de consultation avec Paris</a>.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, la tâche de Joe Biden en est rendue plus délicate. Son élection en 2020 fut un soulagement, mais ceux qui ont cru que tout allait changer ont été bien naïfs : au fond, les présidents américains, démocrates comme républicains, ont toujours eu pour priorité l’intérêt de leur pays, et cela se fait au détriment des autres.</p>
<h2>Derrière les discours, <em>America First</em></h2>
<p>Sans nier ce que nous devons aux États-Unis, c’est toujours leur intérêt national qui prime derrière les discours de leurs dirigeants. Trump s’était contenté d’abandonner la partie « beaux discours » et d’opter pour des politiques impulsives et souvent contre-productives.</p>
<p>Il a <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/les-derniers-droits-de-douane-de-trump-menacent-directement-les-consommateurs-1346558">imposé des droits de douane</a> et d’autres vexations aux divers alliés de l’Amérique tout en apportant son soutien à bon nombre d’autocrates de la planète, et a donné au leader nord-coréen la visibilité qu’il souhaitait, sans rien obtenir en échange.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-donald-trump-a-t-il-apaise-les-tensions-avec-la-coree-du-nord-152499">Fact check US : Donald Trump a-t-il apaisé les tensions avec la Corée du Nord ?</a>
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<p>Il a aussi sorti les États-Unis <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/donald-trump-retire-officiellement-les-etats-unis-du-tpp-632638.html">du partenariat transpacifique (TPP)</a> – qui était, selon l’administration de Barack Obama (son initiateur), la pièce maîtresse du <a href="https://www.iris-france.org/82973-quel-bilan-pour-le-pivot-asiatique-de-barack-obama/">pivot vers l’Asie</a> – et de <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/05/08/donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-de-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_5296297_3222.html">l’accord avec Téhéran</a>, ce qui a laissé l’Iran libre d’augmenter ses stocks d’uranium enrichi et, incidemment, a permis aux États-Unis de menacer de sanctions extraterritoriales les entreprises françaises et européennes qui continueraient à y investir.</p>
<p>Dans ce contexte, Joe Biden se devait de rassurer les alliés, rappeler l’importance du multilatéralisme malmené par Donald Trump et créer un front des démocraties pour lutter contre la Chine et les autocrates. Ce qu’il a tenté de faire <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/09/1104312">dans son premier discours devant l’assemblée générale des Nations unies</a>.</p>
<p>Et sur le papier, tout est parfait. Le discours est un mélange de belles paroles sur la démocratie, les droits humains et la nécessité d’agir ensemble, d’appels à la responsabilité (« nous devons » répété en leitmotiv), d’engagements divers (nous allons) et d’annonces chiffrées : 100 milliards de dollars pour le climat, 10 milliards de dollars pour lutter contre la faim dans le monde, sans oublier les distributions de vaccins.</p>
<p>Mais la réalité est que sa politique étrangère s’inscrit dans la continuité de celle de son prédécesseur au point d’être parfois qualifiée de <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/09/16/is-biden-normalizing-trumps-foreign-policy/">répudiation de celle menée par Barack Obama</a> dont il a été le vice-président pendant huit ans. Les droits de douane sont toujours en place, et si les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/19/comment-le-retour-des-etats-unis-dans-l-accord-de-paris-peut-accelerer-la-lutte-contre-le-dereglement-climatique_6070501_3244.html">États-Unis ont rejoint l’accord de Paris sur le climat</a>, les négociations avec l’Iran n’avancent pas et rien n’est fait sur la Corée du Nord ou sur le partenariat transpacifique (TPP).</p>
<h2>Alors, que peut faire Joe Biden ?</h2>
<p>Un premier constat s’impose : la situation actuelle aux États-Unis est fort éloignée des beaux idéaux que Joe Biden a affichés à l’ONU. Difficile de rassurer les alliés et de restaurer l’attrait pour la démocratie et les droits humains quand on voit des <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/limage-du-jour-au-texas-la-police-des-frontieres-chasse-les-migrants-cheval-une">hommes à cheval pourchasser des immigrants noirs</a> (les lynchages dans les États du Sud ne sont pas si lointains).</p>
<p>Chacun se souvient, aussi, de l’attaque du 6 janvier contre le Capitole, siège du pouvoir législatif, au moment où les élus devaient certifier les résultats de l’élection présidentielle et permettre ce qui a toujours été un marqueur fort du système étatsunien : la <a href="https://share.america.gov/fr/comment-se-prepare-une-transition-presidentielle-aux-etats-unis/">passation pacifique du pouvoir</a>. En outre, les fusillades et tueries <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1011844/article/2021-05-25/etats-unis-plus-de-cent-morts-par-arme-feu-chaque-jour">demeurent régulières</a>, de même que les <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210428-%C3%A9tats-unis-un-homme-meurt-apr%C3%A8s-avoir-%C3%A9t%C3%A9-plaqu%C3%A9-au-sol-par-des-policiers-%C3%A0-alameda">bavures policières</a>.</p>
<p>S’y ajoute le problème, majeur, du blocage institutionnel. Le président a beau promettre d’ambitieux plans d’infrastructures classiques (routes, ponts, haut débit) et d’infrastructures humaines (aides à l’enfance, scolarité gratuite à certains niveaux), annoncer un impôt minimal de 15 %, des engagements financiers et réglementaires pour lutter contre le réchauffement climatique, rien ne se fera tant que les Républicains refuseront de voter le moindre projet de loi.</p>
<p>Si l’on excepte un plan minimal de rénovation des infrastructures physiques qui s’élève en fait à 500 milliards de dépenses nouvelles et n’est pas encore adopté, le président et ses alliés démocrates n’ont avancé ni sur l’immigration, ni sur la réforme de la police et encore moins sur la protection du droit de vote.</p>
<p>Or, les modalités du vote sont de la compétence des États fédérés, dont 23 sont aux mains des Républicains (c’est-à-dire qu’ils y sont majoritaires dans les deux Chambres et détiennent le poste de gouverneur).</p>
<p>Les réformes adoptées en <a href="https://www.brookings.edu/blog/the-avenue/2021/04/19/georgias-voter-suppression-bill-is-an-assault-on-our-democracy/">Géorgie</a> et au <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/analysis-opinion/were-suing-texas-over-its-new-voter-suppression-law">Texas</a> par exemple visent à <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210327-%C3%A9tats-unis-joe-biden-s-indigne-face-%C3%A0-une-loi-des-r%C3%A9publicains-cens%C3%A9e-rendre-les-%C3%A9lections-plus-s%C3%BBres">tenir éloignés des urnes</a> les Afro-Américains et autres minorités qui ont permis aux Démocrates de l’emporter en 2020. La Cour suprême ne fait rien car elle a déclaré inconstitutionnels les mécanismes de la <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/USA-Federal_Loi-elections1965-2006.htm">loi sur le droit de vote (VRA) de 1965</a> qui permettaient d’interdire ces pratiques discriminatoires : la section 5 de la loi VRA sur le droit de vote imposait à certains États avec un historique de discrimination d’obtenir le feu vert du ministère de la Justice avant de procéder à des modifications de leur droit électoral (voir la <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/12pdf/12-96_6k47.pdf">décision Shelby en 2013</a>).</p>
<p>Tout est bloqué car, au Sénat, la règle n’est plus la majorité de 50 voix mais une super-majorité de 60 voix, nécessaire pour mettre fin à l’obstruction législative. Et au moins deux sénateurs démocrates modérés refusent de mettre fin à l’obstruction.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobstruction-parlementaire-lun-des-obstacles-majeurs-a-venir-pour-joe-biden-153902">Fact check US : L’obstruction parlementaire, l’un des obstacles majeurs à venir pour Joe Biden ?</a>
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<p>Tant que la règle de l’obstruction législative ne sera pas changée, il ne se passera rien. Les belles annonces resteront des mots et, en plus, les Démocrates risquent de perdre la plupart des élections pendant les années à venir. Quant aux alliés, certains se réjouissent certainement de l’implication des Américains dans la zone Indo-Pacifique mais, sans être nécessairement derrière la France, ils ont compris qu’eux aussi ne sont que des variables d’ajustement et que ce sont peut-être eux qui, la prochaine fois, feront les frais de la stratégie américaine.</p>
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<figcaption><span class="caption">De Trump à Biden : quel leadership américain ? (Arte, 30 janvier 2021).</span></figcaption>
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<p>Pour reprendre le slogan du président Biden, certes l’Amérique est de retour… mais c’est l’Amérique de toujours, celle qui fait passer ses intérêts stratégiques propres avant tout le reste, sans trop s’embarrasser des autres pays et des alliés qui est de retour. Est-elle si éloignée finalement de l’<em>America First</em> de Trump ? L’avenir le dira.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168880/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retrait d’Afghanistan et le pacte AUKUS incitent la France et les autres alliés des États-Unis à se demander si la politique étrangère de Joe Biden est vraiment différente de celle de Donald Trump.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1667872021-08-26T18:48:01Z2021-08-26T18:48:01Z« Sismo-citoyens » et chercheurs du monde entier s’allient pour comprendre le récent séisme d’Haïti<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418038/original/file-20210826-25-tq43me.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1268%2C952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le terrain, les chercheurs déploient rapidement des équipements de mesure pour mieux identifier les zones affectées. Ici, une antenne GPS.</span> <span class="attribution"><span class="source">Steeve Symithe et Sadrac St Fleur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Samedi 14 août 2021, 8h29 du matin, la terre <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/14/haiti-un-seisme-de-magnitude-7-2-fait-plusieurs-morts_6091441_3210.html">tremble en Haïti</a>. Déjà durement frappé il y a 11 ans par un séisme qui a ébranlé la capitale Port-au-Prince et fait entre 100 000 et 250 000 victimes, Haïti est de nouveau touché par un séisme de forte magnitude (Mw 7,2 magnitude de moment), cette fois-ci le long de la péninsule sud, environ 100 km à l’ouest de Port-au-Prince.</p>
<p>Les dégâts sont considérables et le bilan est déjà lourd. Alors que les secours tentent de sauver des vies, de nombreuses répliques sismiques frappent la zone épicentrale, comme attendu après tout séisme d’une telle ampleur.</p>
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<span class="caption">Les failles tectoniques dans la zone nord-caraïbe et les directions de la déformation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éric Calais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des scientifiques haïtiens, français, japonais, américains, eux, travaillent pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, afin de produire de l’information utilisable au plus tôt par les secours et de mieux pouvoir anticiper ce genre d’événements à l’avenir. Ce travail est plus simple qu’en 2010 grâce à une combinaison d’efforts locaux et internationaux ayant abouti à la mise en place d’un réseau de stations sismologiques dites « citoyennes » en Haïti.</p>
<h2>Hispaniola, une île aux frontières de deux plaques tectoniques</h2>
<p>L’île d’Hispaniola, deuxième plus grande île des Caraïbes partagée entre la République dominicaine et Haïti, est parcourue par de grandes failles sismiques résultant de la subduction (l’enfoncement) de la plaque nord-américaine sous la plaque caraïbe. À cet endroit, ce mouvement se fait de façon tellement oblique sous Hispaniola et Porto Rico que le mouvement active à la fois des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Faille_inverse">failles inverses</a> (aussi appelées chevauchements) et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9crochement">failles décrochantes</a> (aussi appelés décrochements).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux types de failles ont été activés par les mouvements sismiques en Haïti : des décrochements et des chevauchements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces séismes peuvent se répéter sous la forme de séquence d’évènements : ce fut le cas au XVIII<sup>e</sup> siècle où quatre séismes destructeurs frappèrent le sud de l’île en 1701, à deux reprises à trois mois d’intervalle en 1751, et en 1770.</p>
<p>Le 14 août dernier, les grandes agences sismologiques mondiales ont produit une première analyse du séisme en quelques minutes. Grâce aux données ouvertes des stations sismologiques du monde entier, situées à des milliers de kilomètres d’Haïti, on sait que le mouvement a été à moitié décrochant et à moitié chevauchant, avec un épicentre, point où commence la rupture, situé dans la péninsule du sud d’Haïti. Le glissement total est d’environ 1 à 2 mètres et la rupture a duré environ 25 secondes.</p>
<h2>Pourquoi travailler si vite est-il important ?</h2>
<p>Cependant, établir un tel modèle du séisme revient à tenter de déchiffrer une conversation ayant lieu dans la pièce d’à côté. On sait que quelqu’un parle, mais on n’arrive pas à savoir qui parle et ce qui se dit exactement.</p>
<p>Ici, les données sismologiques globales ne permettent pas d’identifier quelle faille a rompu, si la rupture a atteint la surface ni où se distribue le glissement. Or, ces informations sont cruciales pour les secours afin d’identifier les régions où les dégâts ont été les plus importants, car l’accès à la zone de faille est ardu et nécessite une organisation complexe, que nous mettons en œuvre, mais qui doit composer avec l’urgence de la situation.</p>
<p>C’est alors qu’entrent en jeu les données sismologiques locales et les images satellites.</p>
<h2>Depuis 2010, une mise en capacité réussie en Haïti</h2>
<p>En 2010, l’intervention scientifique fut très complexe à mettre en œuvre et il fallut de longues semaines avant que les premières données utilisables ne soient disponibles. En effet, il n’y avait à l’époque ni sismologue haïtien ni réseau sismologique national, et les scientifiques restèrent longtemps « aveugles » face à l’événement qui venait de se produire.</p>
<p>Ce séisme marqua le réveil de la sismologie en Haïti, grâce à l’engagement de jeunes haïtiens qui allèrent se former à l’étranger, à la mise en place d’un master en géoscience à l’<a href="https://ueh.edu.ht/">université d’État</a>, et au développement d’un réseau sismologique national maintenu par le Bureau des Mines et de l’Énergie. Les soutiens internationaux furent nombreux pour accompagner Haïti dans cette évolution scientifique (France, États-Unis, Belgique, Canada notamment). Nous en recueillons tous les fruits aujourd’hui : trois jours après le séisme, trois jeunes sismologues haïtiens sont partis pour installer des sismomètres et stations GPS sur le terrain. Cette rapidité de réponse, essentielle pour ne rien rater des chuchotements sismiques de la zone du séisme – la « conversation » mentionnée plus haut – était impensable en 2010.</p>
<h2>Citizen seismology, des sismomètres « chez l’habitant »</h2>
<p>Par ailleurs, l’idée de compléter le réseau sismologique national par un effort impliquant les citoyens <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02279-y">a vu le jour en 2019</a>. L’organisme haïtien en charge du réseau sismologique officiel peinait à trouver des fonds pour maintenir les sismomètres opérationnels. De plus, les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/feart.2020.542654/full">études</a> montraient un réel besoin – une demande même – des citoyens pour plus d’information sur les séismes et les risques environnementaux en général.</p>
<p>L’arrivée sur le marché en 2019 de <a href="https://raspberryshake.org/">sismomètres simples et compacts</a> a changé la donne : des petites boîtes de la taille d’un téléphone portable, placées dans son salon ou un bureau, connectées à l’internet et à l’électricité, leurs données sont mises à disposition des sismologues en temps réel. À ce jour, 15 stations citoyennes sont <a href="https://www.sciencenews.org/article/haiti-earthquake-citizen-science-seismology-risk">opérationnelles en Haïti</a>, hébergées par des « sismo-citoyens ».</p>
<p>Les données, mises <a href="https://ayiti.unice.fr/ayiti-seismes/">à la disposition de tous sur Internet</a>, ont d’ores et déjà permis de mieux localiser l’épicentre du 14 août dernier et de localiser en temps réel les nombreuses répliques toujours en cours.</p>
<p>En effet, suite à un séisme, les contraintes tectoniques sont localement chamboulées. Ce nouvel état des forces telluriques est accommodé par de nombreuses répliques, des séismes de magnitudes plus faibles que le choc principal, dont le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_d%27Omori">nombre et la magnitude décroissent avec le temps</a>. La distribution spatiale des répliques indique une rupture d’environ 80 kilomètres de long, orientée Est-Ouest, avec l’épicentre situé à l’extrême est de la rupture.</p>
<h2>Des images satellites pour voir la rupture</h2>
<p>L’<em>imagerie optique</em> – de « simples » photographies du sol depuis l’espace – a permis de cartographier dans la journée suivant le séisme de nombreux glissements de terrain. Malheureusement, Haïti est une zone très nuageuse, et nous n’avons pas pu détecter les déplacements de surface qui auraient permis de voir si la rupture avait effectivement rompu la surface (déplacements qui font souvent quelques dizaines de centimètres).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426842807394881542"}"></div></p>
<p>Grâce à l’<em>imagerie radar</em>, une première cartographie des dommages était réalisée dès le lendemain du séisme (on regarde si chaque pixel change beaucoup d’aspect entre les passages successifs du satellite), permettant elle aussi de guider les secours vers les zones durement touchées. C’est aussi cette technique qui a permis mesurer les déplacements du sol entre chaque passage du satellite (avant et après le séisme).</p>
<h2>Un séisme pas exactement comme on l’attendait</h2>
<p>Malgré les limitations inhérentes à la technique d’imagerie radar que nous utilisons, nous avons immédiatement réalisé que ce séisme ne correspondait pas complètement à ce qui était attendu : au lieu de s’éloigner du satellite comme ce que notre compréhension du système de faille traversant la péninsule du sud suggérait, le sol a bougé, sur une grande partie, vers le satellite, c’est-à-dire vers le haut.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des déplacements dues au séisme du 14 août dans la direction de la ligne de visée du satellite. Les déplacements positifs (rouges) indiquent un déplacement vers le satellite (c.-à-d., ici, essentiellement vers le haut). Les déplacements négatifs (bleus) indiquent un déplacement ici plutôt horizontal. Les données ont été acquises pas la constellation Sentinel 1 (ESA) et traitées par Bryan Raimbault au Département de Géosciences de l’École normale supérieure (PSL).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bryan Raimbault/ENS-PSL</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Avec les acquisitions satellites suivantes, notre compréhension a progressé : la rupture est distribuée sur au moins deux failles, avec un mouvement chevauchant à l’est et un mouvement décrochant à l’ouest – un modèle conceptuel cohérent avec la distribution des répliques, les premiers modèles sismologiques et les <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo992">informations géologiques et géodésiques acquises dans la région depuis 2010</a>.</p>
<p>Ces nouvelles connaissances vont permettre d’affiner notre compréhension de l’activité tectonique de la région, de mieux comprendre l’histoire géologique d’Haïti, mais surtout d’améliorer les modèles d’aléa sismique sur cette île malheureusement frappée de façon régulière par ce genre de catastrophe.</p>
<hr>
<p><em>Cet article et les études en cours bénéficient du concours de nombreux chercheurs et experts, en particulier de l’équipe de sismologie du laboratoire <a href="https://geoazur.oca.eu/fr/acc-geoazur/3164-seisme-m-7-de-haiti-du-14-aout-2021-bilan-a-24h">GEOAZUR</a> (CNRS, OCA, UCA, IRD), menée par Françoise Courboulex et Tony Monfret. Les travaux en cours se réalisent dans le cadre du laboratoire mixte international <a href="https://www.ird.fr/premiers-enseignements-sur-le-seisme-du-14-aout-2021-en-haiti">CARIBACT</a>, financé par l’Institut de Recherche pour le Développement.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p>
<hr><img src="https://counter.theconversation.com/content/166787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet est membre de l'Institut Universitaire de France. Il a reçu des financements du CNRS, de l'ERC (European Research Council), de la NASA, de l'ENS-PSL et de l'IUF.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bryan Raimbault a reçu des financements de l'ENS-PSL et du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) pour la réalisation de son contrat doctoral. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Calais est membre de l'Académie des Sciences et de l'Institut Universitaire de France. Il est actuellement en détachement auprès de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Pour cette étude, il a reçu des financements de l'IRD, du CNRS, du projet européen PREST (Interreg Caraibes) et un soutien logistique de l'UNAVCO.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sadrac St Fleur travaille aussi pour le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et a eu une bourse de thèse IRD (2012-2016).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Steeve Symithe a reçu des financements de l’USGS, de la coopération de Belgique, du Fond Appui à la Recherche (UEH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Boisson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les moyens colossaux des agences spatiales européenne et japonaise combinés à la sismologie participative permettent aux chercheurs haïtiens et du monde entier de comprendre le séisme du 14 août 2021.Romain Jolivet, Maitre de Conférences, École normale supérieure (ENS) – PSLBryan Raimbault, Doctorant en géosciences, École normale supérieure (ENS) – PSLDominique Boisson, Professeur en géologie structurale, géotechnique, exploration minière, Université d'Etat d'HaitiÉric Calais, Professeur, École normale supérieure (ENS) – PSLSadrac St Fleur, Professeur en géosciences, Faculté des Sciences, Université d'Etat d'HaitiSteeve Symithe, Chercheur en géosciences, Faculté Des Sciences, Université d'Etat d'HaitiLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641752021-07-08T17:49:48Z2021-07-08T17:49:48ZHaïti : quelles perspectives après l’assassinat du président impopulaire d’un pays exsangue ?<p>Le président d’Haïti Jovenel Moïse a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/08/l-assassinat-de-jovenel-moise-plonge-haiti-dans-le-chaos_6087504_3210.html">assassiné aux premières heures du matin du 7 juillet 2021</a>, lors d’une attaque à son domicile personnel, près de la capitale Port-au-Prince. Son épouse, Martine Moïse, a été grièvement blessée.</p>
<p>Les assaillants n’ont pas été immédiatement identifiés, même si la police a annoncé quelques heures plus tard avoir <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-president-haitien-assassine-chez-lui-par-un-commando-arme-07-07-2021-2434605_24.php">tué quatre « mercenaires »</a> et arrêté deux autres. Le premier ministre Claude Joseph a <a href="https://haiti24.net/jovenel-moise-assassine-claude-joseph-declare-letat-de-siege-sur-tout-le-pays/">décrété l’état de siège</a> et annoncé qu’il assumait provisoirement le pouvoir. Un retour sur les dernières années de la vie politique haïtienne permet de mieux comprendre comment le pays en est arrivé là.</p>
<h2>Jovenel Moïse, un businessman en politique</h2>
<p>Jovenel Moïse est né en 1968, ce qui signifie qu’il a grandi sous la <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Duvalier-un-regne-de-30-ans-sur-Haiti-2014-10-05-1216590">dictature des Duvalier</a>. Comme la plupart des Haïtiens d’aujourd’hui, il a vécu une époque turbulente – les dernières décennies ont été marquées non seulement par la dictature mais aussi par des <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/7/7/haitis-turbulent-political-history-a-timeline">coups d’État et une violence généralisée, y compris des assassinats politiques</a>.</p>
<p>Moïse, businessman devenu président, a fait carrière en politique en utilisant les connexions politiques qu’il avait tissées dans le monde des affaires. Il a d’abord investi dans des entreprises liées à l’automobile, principalement dans le nord d’Haïti, où il est né, avant de se consacrer au secteur agricole – un <a href="https://www.economy.com/haiti/indicators">élément majeur de l’économie en Haïti, qui emploie une partie importante de la population</a>.</p>
<p>En 2014, la société de financement agricole de Moïse, Agritrans, <a href="https://www.france24.com/en/20190214-haitis-banana-man-president-under-siege-frozen-crisis">a lancé une bananeraie biologique</a>, en partie grâce à des prêts de l’État. Sa création <a href="https://nacla.org/news/2016/01/22/haiti%E2%80%99s-fraudulent-presidential-frontrunner-seizes-land-his-own-banana-republic">a déplacé des centaines de paysans, qui n’ont reçu que des compensations minimales</a>.</p>
<p>Mais l’entreprise a permis à Moïse de se faire connaître. C’est en tant que célèbre exportateur de bananes que Moïse a rencontré le président haïtien de l’époque, Michel Martelly, en 2014. Bien qu’il n’ait aucune expérience politique, Moïse a été choisi pour <a href="https://www.globalsecurity.org/military/world/haiti/politics-moise.htm">succéder à Martelly lors de l’élection prochaine suivante</a>.</p>
<p>Martelly était <a href="https://www.wlrn.org/show/latin-america-report/2016-01-11/haitis-cursed-presidential-election-is-voting-there-set-up-for-failure">profondément impopulaire à la fin de son mandat</a>, et les dirigeants de son parti, le Parti haïtien Tèt Kale, ont supposé que Moïse serait mieux accueilli en raison de son expérience dans l’agriculture.</p>
<h2>Une présidence divisée et instable</h2>
<p>Moïse a été élu de justesse en novembre 2016 dans une élection à laquelle marquée par un <a href="https://haitiliberte.com/the-record-low-voter-participation-in-haitis-2016-election/">taux de participation inférieur à 12 % des inscrits</a>. Cette maigre victoire est intervenue après deux ans de reports de votes et de <a href="http://worldpolicy.org/2016/03/22/haitis-unending-electoral-transition/">fraudes électorales du gouvernement de Martelly</a>.</p>
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<p>En 2017, première année de mandat de Moïse, le <a href="https://haitiliberte.com/le-rapport-petrocaribe-de-la-commission-senatoriale-speciale-denquete-du-senateur-evalliere-beauplan/">Sénat haïtien a publié un rapport l’accusant</a> d’avoir détourné au moins 700 000 dollars d’argent public appartenant à un fonds de développement des infrastructures appelé PetroCaribe <a href="https://time.com/5609054/haiti-protests-petrocaribe/">vers son entreprise de bananes</a>.</p>
<p>Des manifestants sont descendus en nombre dans les rues en criant « <a href="https://theweek.com/articles/840427/fight-transparency-haiti">Kot Kòb Petwo Karibe a ?</a> » (« Où est l’argent du PetroCaribe ? »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1039275345491312640"}"></div></p>
<p>Ne bénéficiant pas de la confiance du peuple, Moïse s’est appuyé sur la force pour rester au pouvoir.</p>
<p>Il a créé en Haïti une sorte d’État policier, <a href="https://www.reuters.com/article/us-haiti-military/haitian-army-set-to-make-controversial-return-after-two-decades-idUSKBN1DJ01M">reformant l’armée nationale</a> deux décennies après sa dissolution et <a href="https://cepr.net/whats-in-haitis-new-national-security-decrees-an-intelligence-agency-and-an-expanded-definition-of-terrorism/">établissant un service de renseignement intérieur</a> chargé de surveiller la population.</p>
<p>Depuis le début de l’année dernière, Moïse gouvernait par décret. Il a de facto fermé le Parlement en refusant <a href="https://www.economist.com/the-americas/2020/01/18/jovenel-moise-tries-to-govern-haiti-without-a-parliament">d’organiser les élections législatives qui étaient prévues pour janvier 2020</a> et a sommairement <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article249251975.html">démis tous les maires élus du pays en juillet 2020</a>, à l’expiration de leur mandat.</p>
<p>Le mandat de Moïse a été marqué par des <a href="https://theconversation.com/haiti-protests-summon-spirit-of-the-haitian-revolution-to-condemn-a-president-tainted-by-scandal-126315">protestations récurrentes</a> dénonçant les pénuries de gaz, les pannes d’électricité et l’austérité budgétaire qui a provoqué une <a href="https://www.economist.com/the-americas/2021/02/25/can-haiti-rid-itself-of-jovenel-moise">inflation rapide et une détérioration des conditions de vie</a>, ainsi que par des <a href="http://hrp.law.harvard.edu/wp-content/uploads/2021/04/Killing_With_Impunity-1.pdf">attaques de gangs qui ont fait plusieurs centaines de morts</a>.</p>
<p>Les manifestations de rue se sont multipliées au début de l’année 2021 après que Moïse a refusé d’organiser une élection présidentielle et de <a href="http://www.haiti.org/wp-content/uploads/2020/11/CCI-CONSTITUTION-Note.pdf">se retirer à la fin de son mandat de quatre ans en février</a>. Au lieu de cela, il a affirmé que son mandat prendrait fin un an plus tard, en février 2022, parce que l’élection de 2016 avait été reportée.</p>
<p>Avant sa mort, Moïse prévoyait de <a href="https://www.liberationnews.org/fierce-struggle-resists-u-s-backed-haitian-presidents-power-grab/">modifier la Constitution haïtienne</a> pour renforcer les prérogatives de la présidence et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-02-03/proposed-changes-to-haiti-s-constitution-may-keep-moise-in-power">prolonger sa présence au pouvoir</a>.</p>
<h2>Moïse, successeur des Duvalier ?</h2>
<p>Pendant les mois précédant l’assassinat de Moïse, des manifestants haïtiens avaient exigé à de multiples reprises sa démission.</p>
<p>Pour bon nombre de ses concitoyens, les décisions non démocratiques prises par Moïse pour renforcer et prolonger son pouvoir rappellent les dictatures de François Duvalier, surnommé « Papa Doc », et de son fils, Jean‑Claude « Baby Doc » Duvalier, qui ont duré trente ans et ont été soutenues par les États-Unis.</p>
<p>Papa Doc et Baby Doc n’ont pas hésité à faire <a href="https://www.sjsu.edu/faculty/watkins/haiti.htm">assassiner</a> et <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1986-02-03-mn-3859-story.html">violeter</a> des Haïtiens pour rester au pouvoir, avec <a href="https://origins.osu.edu/article/pact-devil-united-states-and-fate-modern-haiti/page/0/1">l’approbation tacite des Occidentaux</a>. En travaillant avec les Duvalier, les industriels américains présents en Haïti ont assuré la rentabilité de leurs investissements, obtenant que les salaires locaux <a href="https://theconversation.com/gas-shortages-paralyze-haiti-triggering-protests-against-failing-economy-and-dysfunctional-politics-116337">restent bas et que les conditions de travail restent mauvaises</a>.</p>
<p>Lorsque les protestations des Haïtiens ont mis fin au régime en 1986, Baby Doc a fui le pays. Les Duvalier s’étaient enrichis, laissant leur pays Haïti dans une <a href="https://scholarworks.uvm.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1835&context=graddis">profonde crise économique et sociale</a>.</p>
<p>La Constitution haïtienne de 1987 que Moïse souhaitait modifier a été rédigée peu après leur départ, pour garantir qu’Haïti ne retomberait jamais dans la dictature.</p>
<p>En mars, le département d’État américain a annoncé qu’il soutenait la <a href="https://responsiblestatecraft.org/2021/03/09/the-biden-administration-is-greenlighting-haitis-descent-towards-dictatorship/">décision de Moïse de rester en fonction jusqu’en 2022</a>, afin de donner au pays frappé par la crise le temps d’« élire ses dirigeants et de restaurer les institutions démocratiques d’Haïti ».</p>
<p>Cette position – qui fait écho à celle des organisations internationales dominées par l’Occident qui exercent une influence considérable en Haïti, <a href="https://dyalog.org/refleksyon/2019/2/11/the-core-group-as-a-parasite-on-haitian-sovereignty">comme l’Organisation des États américains</a> – avait quelque peu renforcé la légitimité chancelante de Moïse.</p>
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<p>Les Haïtiens mécontents du soutien continu des Américains à leur président aux abois ont organisé de <a href="https://abcnews.go.com/International/wireStory/hundreds-haiti-protest-demand-leaders-resignation-75387503">nombreuses manifestations devant l’ambassade des États-Unis</a> à <a href="https://www.garda.com/crisis24/news-alerts/445921/haiti-activists-to-protest-outside-the-us-embassy-in-port-au-prince-feb-22-24">Port-au-Prince</a>, tandis que des Américains d’origine haïtienne résidant aux États-Unis <a href="https://www.peoplesworld.org/article/solidarity-rallies-call-for-end-to-u-s-backed-dictatorship-in-haiti/">ont manifesté devant l’ambassade d’Haïti à Washington, D.C.</a>.</p>
<p>De l’invasion et l’occupation militaire d’Haïti de 1915 à 1934 jusqu’au soutien fourni au régime Duvalier, les États-Unis ont joué un <a href="https://library.brown.edu/create/modernlatinamerica/chapters/chapter-14-the-united-states-and-latin-america/moments-in-u-s-latin-american-relations/a-history-of-united-states-policy-towards-haiti/">rôle majeur dans la déstabilisation du pays</a>.</p>
<p>Depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010, des organisations internationales comme les Nations unies et des organisations à but non lucratif comme la Croix-Rouge américaine sont également <a href="https://theconversation.com/a-decade-after-the-earthquake-haiti-still-struggles-to-recover-129670">très présentes dans le pays</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, le président impopulaire que les puissances étrangères ont soutenu dans l’espoir d’obtenir une certaine stabilité politique en Haïti a été tué.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est une version substantiellement mise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/haitians-protest-their-president-in-english-as-well-as-creole-indicting-us-for-its-role-in-countrys-political-crisis-160154">article</a> publié à l’origine le 10 mai 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tamanisha J. John ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le président Jovenel Moïse, qui vient d’être assassiné, était très contesté depuis le début de son mandat, en 2016.Tamanisha J. John, Ph.D. Candidate of International Relations, Florida International UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1598932021-05-10T17:16:52Z2021-05-10T17:16:52ZRaúl s’en va : quels changements pour Cuba ?<p>Le 8<sup>e</sup> Congrès du PCC – Parti communiste cubain, unique parti politique autorisé dans l’Ile, présenté dans la Constitution comme l’avant-garde organisée de la Nation – a pris fin le 19 avril 2021 à La Havane.</p>
<p>La principale information, qui ne fut guère une surprise, a été l’annonce de la succession de Miguel Diaz Canel, déjà président depuis 2018, à Raúl Castro au poste de premier secrétaire du PCC.</p>
<p>Pour la première fois depuis 1959, un Castro ne dirige plus Cuba. Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle ?</p>
<h2>Une prise de pouvoir dans un contexte compliqué</h2>
<p>Commençons par dire qu’il s’agit d’une « nouveauté » qui ne constitue pas une révolution dans la Révolution : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pirouette-miguel-diaz-canel-prend-la-tete-du-pc-cuba-mais-raul-castro-reste-en-fait-au">« la transition »</a> (terme sans doute impropre lorsque l’on évoque l’Ile) était ficelée depuis bien longtemps.</p>
<p>On ne peut même pas parler de rupture dans la continuité, mais seulement d’évolution du système économique cubain – le système politique, lui, demeurant inchangé. En effet, Miguel Diaz Canel se veut l’héritier spirituel de Fidel et Raúl Castro. Il le clame volontiers sur <a href="https://twitter.com/DiazCanelB/status/1384114325367918598?s=20">son compte Twitter</a>, et le rappelle à la population à travers les panneaux qui fleurissent dans les zones urbaines de Cuba où son portrait accompagne ceux du « père de la patrie » Carlos Manuel de Céspedes, du fondateur du Parti révolutionnaire cubain José Martí, de Fidel et Raúl Castro – les visages des cinq hommes étant soulignés de l’inscription « Somos continuidad » (nous sommes la continuité).</p>
<p><a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/miguel-diaz-canel-visage-du-cuba-post-castro-568589.html">Dès son élection</a> au poste de président du Conseil d’État en 2018, Miguel Diaz-Canel s’était engagé à « poursuivre la Révolution » initiée par Fidel Castro. Depuis, il a insisté sur la nécessité d’« actualiser » le modèle cubain, sans pour autant vouloir le réformer en profondeur.</p>
<p>Pour le moment, le nouveau premier secrétaire du PCC doit à la fois satisfaire la « vieille garde révolutionnaire » (même s’ils sont pour beaucoup <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/cuba-le-parti-elit-sa-direction-resultats-annonces-lundi_2149127.html">sortis du Bureau politique du PCC</a>), tous les barbudos ne sont pas morts) et la jeune génération. La biologie fait son œuvre, et ceux qui n’ont connu que les pénuries de la <a href="https://www.cubania.com/la-periode-speciale-a-cuba.html">Période spéciale</a> ainsi que celles provoquées par la crise de la Covid sont fatigués : l’invocation des acquis sociaux de la Révolution ne suffit plus à les mobiliser.</p>
<p>Le nouvel homme fort de l’Ile doit donc composer avec une situation interne difficile.</p>
<p>À cause de la pandémie de Covid-19 bien sûr, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/cuba-face-au-coronavirus-gestion-autoritaire-et-victoire-diplomatique">bien gérée</a>, mais apparemment impossible à endiguer à La Havane.</p>
<p>À cause de la fermeture du pays au tourisme comme conséquence de ladite pandémie, ce qui implique une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01887046/document">perte très importante de ressources</a> (l’Ile avait reçu un peu plus de 4 millions de touristes internationaux en 2019 ; cette année-là, le secteur, devenu sa deuxième source de revenus en 2018, lui a rapporté 3,3 milliards de dollars US).</p>
<p>À cause des tentatives de moderniser et d’adapter l’économie cubaine à une nouvelle réalité mondiale, qui se traduisent par exemple par le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/cuba-met-fin-a-la-coexistence-de-ses-deux-monnaies-un-systeme-unique-au-monde_4222455.html">processus d’unification monétaire</a> que connaît Cuba depuis le 1<sup>er</sup> janvier de cette année. Cette volonté de faire disparaître le CUC (devise indexée artificiellement sur le dollar des États-Unis) pour ne laisser en vigueur que le CUP (peso cubain) a provoqué une inflation galopante, des difficultés accrues pour la population à se procurer des produits de première nécessité et, en conséquence, de timides manifestations de la part de la société civile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un groupe d’artistes et d’intellectuels proteste devant le ministère de la Culture à La Havane, le 28 novembre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yamil Lage/AFP</span></span>
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<p>On a effectivement pu voir émerger à Cuba ces derniers mois des <a href="https://havana-live.com/fr/poing-leve-menottes-pendantes-un-instantane-de-la-dissidence-cubaine/">protestations d’artistes</a>, et des demandes en faveur du bien-être animal, qui sont autant de façons d’occuper le terrain de la revendication et d’ouvrir un espace de dialogue entre le peuple et les autorités.</p>
<p>Les défis sont donc nombreux.</p>
<h2>Une population cubaine en attente de changements</h2>
<p>Déjà bien connu des Cubains avant sa nomination au poste de premier secrétaire, Miguel Diaz Canel est difficile à cerner pour l’observateur étranger. On le présente tour à tour comme un <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/radical-fan-des-beatles-le-cv-de-miguel-diaz-canel-le-successeur-des-castro-a-cuba_2149207.html">amateur de rock</a> favorable à l’apparition d’une presse plus « critique », puis comme un homme intransigeant vis-à-vis de la dissidence.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il a poursuivi les <a href="https://www.challenges.fr/monde/cuba-les-reformes-de-raul-castro-un-gout-d-inacheve_580335">changements qui avaient été amorcés</a> dans le domaine économique par Raúl Castro (notamment <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210415-cuba-autorise-pour-la-premi%C3%A8re-fois-les-%C3%A9leveurs-%C3%A0-vendre-de-la-viande">dans l’agriculture</a>,et dans le « cuentapropismo », l’auto-entrepreunariat à la sauce cubaine…).</p>
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<figcaption><span class="caption">Portrait de Miguel Díaz-Canel, nouveau premier secrétaire du PCC.</span></figcaption>
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<p>Mais tout cela se fait, il convient d’insister sur ce point, sans changer en rien le « cœur » du processus de prise de décision et du système politique. L’appareil de production reste aux mains de l’État, et l’apparente ouverture vers une économie de marché ne doit pas faire oublier l’ultra planification-centralisation de l’économie cubaine.</p>
<p>Pour le dire autrement, le nouveau gouvernement doit assurer une continuité politique (la survivance de la Révolution), tout en adaptant très progressivement l’économie aux nouveaux besoins de la population et aux réalités mondiales (notamment la <a href="http://alencontre.org/ameriques/amelat/cuba/cuba-mise-en-perspective-du-nouveau-virage-economique.html">perte d’anciens partenaires économiques et/ou diplomatiques</a> comme le Vénézuéla, l’Algérie, le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie…).</p>
<p>Du côté de la population, les attentes sont nombreuses. Concrètement, les Cubains veulent pouvoir avoir accès rapidement à des produits de consommation courante, sans faire la queue pendant des heures (on a vu apparaître de nouvelles « figures » dans la société cubaine, <a href="http://www.cubadebate.cu/especiales/2020/07/14/de-colas-y-coleros-terreno-a-la-deriva-video/">tel le « colero »</a>, qui vend des places dans les files d’attente devant les magasins d’État, ou <a href="https://www.cubanet.org/destacados/acaparadores-coleros-cuba/">« el acaparador »</a> qui achète et revend bien plus cher tous les produits qu’il peut stocker).</p>
<p>Pour autant, la majorité d’entre eux n’aspire pas à une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/A-Cuba-changer-depart-dernier-Castro-2021-04-19-1201151604">libéralisation totale de la vie économique</a>, qui conduirait à avoir le choix dans les rayons des hypermarchés entre quinze marques de shampoing. Ils souhaitent, en revanche, en finir avec <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/covid-19-a-cuba-le-rationnement-revient-en-force-via-la-libreta-826390.html">« la libreta »</a> (carnet de rationnement encore en vigueur actuellement dans l’Ile) et avoir accès facilement au minimum basique pour vivre dignement. Ils ne se nourrissent pas de réformes, comme ils le disent eux-mêmes, et s’ils sont conscients de la nécessité d’adapter le processus révolutionnaire, ils veulent des résultats concrets, c’est-à-dire une amélioration de leurs conditions de vie au quotidien, dans les plus brefs délais.</p>
<p>Mais beaucoup sont encore très attachés à la Révolution, qu’ils voient comme la Révolution cubaine et non castriste. Et s’ils désirent un ajustement du système, ils ne souhaitent pas voir se répéter l’histoire de <a href="https://journals.openedition.org/ideas/4787">l’ingérence états-unienne</a>. C’est que Cuba est un pays de contrastes, un paradoxe, une antithèse permanente.</p>
<h2>Le silence de l’administration Biden</h2>
<p>D’aucuns s’interrogent sur ce qu’il convient d’espérer du nouveau gouvernement de Washington. <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/il-sera-tres-difficile-pour-joe-biden-de-revenir-sur-lembargo-contre-cuba-20210203_N4NBY6SAINCXXDBL6KBV7RRHPY/">Aucune levée de l’embargo n’est prévue</a>, bien évidemment. Cela contreviendrait à la volonté des nombreux exilés cubains engagés en politique, qui pour certains sont très puissants au Congrès, et enverrait un signal en direction de la Floride que l’équipe de Joe Biden ne semble pas prête à assumer.</p>
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<p>Le silence total de son administration concernant Cuba, <a href="https://www.facebook.com/InstitutIRIS/videos/amloalberto-fernandez-amlo-joe-biden-rencontres-au-sommet-%C3%A0-mexico/264955825137316/">alors que d’autres signaux ont été envoyés à l’Amérique latine</a>, montre que Joe Biden a pour le moment adopté une posture attentiste. Sa porte-parole a <a href="https://www.aa.com.tr/en/americas/biden-administration-to-review-cuba-terror-blacklisting/2170373">indiqué</a> que le gouvernement états-unien pourrait éventuellement réfléchir à sortir Cuba de la « liste noire » des pays soutenant le terrorisme, sans que cela constitue une priorité.</p>
<p>Le gouvernement cubain s’est montré ouvert à un <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-01-18/avec-biden-une-nouvelle-partie-d-echecs-entre-cuba-et-etats-unis.php">dialogue constructif et respectueux avec Washington</a>.</p>
<p>Les Cubains n’attendent pour leur part rien du voisin du Nord. Ils sont habitués à se débrouiller seuls contre vents et marées et se méfient des discours politiques. Ils connaissent, pour l’expérimenter depuis 1962, la politique hostile du gouvernement états-unien à leur endroit. Mais on voit également poindre dans et hors de l’Ile des discours enjoignant les autorités cubaines à revitaliser l’économie en la diversifiant, et à cesser de voir tous les malheurs de Cuba dans sa relation avec les États-Unis.</p>
<h2>Un changement plus générationnel que politique</h2>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que certains membres de la famille Castro, sans être directement au pouvoir, demeurent actifs dans l’Ile. On peut par exemple penser à deux des enfants de Raúl Castro, Mariela et Alejandro. <a href="https://maze.fr/2019/10/mariela-castro-et-la-situation-des-lgbt-a-cuba/">Mariela</a> est directrice du Centro Nacional de Educación Sexual (CENESEX) et se présente comme une activiste des droits de la communauté LGBT ; <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/cuba-et-maintenant-alejandro-castro-2-2_1999882.html">Alejandro</a> est militaire et homme politique, à la fois conseiller à la présidence du Conseil d’État de la République de Cuba et coordinateur du Conseil de Défense et de la Sécurité nationale. Et Raúl lui-même conservera un certain poids dans les décisions de son successeur, Miguel Díaz Canel ayant précisé lors de son discours de clôture du Congrès qu’il le consulterait sur toute chose, et qu’il restait une <a href="https://www.larepubliquedespyrenees.fr/2021/04/19/raul-castro-s-en-va-mais-restera-incontournable-a-cuba,2810360.php">référence absolue</a> de tout communiste et de tout révolutionnaire.</p>
<p>Le grand changement est donc un <a href="https://www.leparisien.fr/video/video-cuba-raoul-castro-laisse-la-place-et-adoube-miguel-diaz-canel-comme-premier-secretaire-du-parti-communiste-20-04-2021-ORGORZBEFJG4LHTOOPMUUZ7DZU.php">changement de génération et de « style »</a> : Miguel Díaz Canel n’a pas été membre du fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_26_Juillet">M-26</a>, puisqu’il n’était pas né au moment de la guérilla révolutionnaire et a effectué toute sa carrière dans le civil. L’uniforme vert olive disparaît, certes, au profit du costume cravate ou du polo qu’arbore le nouveau président lors de ses bains de foule. Malgré tout, on voit émerger un leadership plus institutionnel que charismatique, et le danger est de verser dans toujours plus de bureaucratie, et de perdre le lien qui unissait jusqu’alors les dirigeants cubains au peuple.</p>
<p>En somme, le fait que Raúl Castro prenne une retraite relative à 89 ans ne signifie nullement que Cuba connaîtra tout prochainement des changements majeurs. En tous les cas, le nouveau gouvernement ne prévoit pas d’inflexion du processus révolutionnaire, mais seulement des « adaptations », afin de répondre à une demande croissante de la population, lasse de conjuguer le verbe « resolver » (se débrouiller) à tous les temps. S’il est compliqué de se lancer dans des prédictions, on peut raisonnablement penser que la clôture du 8<sup>e</sup> Congrès du PCC ne provoquera pas une agitation sociale majeure.</p>
<p>On l’aura compris, sans aller jusqu’à évoquer un non-événement, on ne peut pas non plus parler d’un bouleversement pour les Cubains. Il est bien trop tôt pour évoquer l’« ère post-castriste » tant espérée par certains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janice Argaillot est membre de Cuba coopération France. </span></em></p>L’accession de Miguel Diaz Canel au poste de premier secrétaire du Parti communiste de Cuba marque la fin du règne de la famille Castro. Cela change-t-il vraiment quelque chose ?Janice Argaillot, Maître de conférences en civilisation latino-américaine, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1590162021-04-25T16:36:33Z2021-04-25T16:36:33ZLégalisation du cannabis : l'exemple des marchés licites et illicites du Canada<p>Pour Emmanuel Macron, « la drogue a besoin d’un coup de frein, pas d’un coup de pub ». Dans une <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/emmanuel-macron-au-figaro-je-me-bats-pour-le-droit-a-la-vie-paisible-20210418">interview</a> accordée au journal <em>Le Figaro</em> le 18 avril 2021, le président de la République montre son opposition à la légalisation du cannabis. Si en France la législation concernant les usages de drogues est extrêmement prohibitive, ce n’est pas le cas de tous les pays.</p>
<p>Au Canada, par exemple, la situation est tout autre. <a href="https://www.canada.ca/fr/services/sante/campagnes/cannabis/canadiens.html">Depuis 2018</a>, les adultes sont autorisés à acheter et détenir jusqu’à 30 grammes de cannabis produit sous licence, vendu dans les boutiques de la Société québécoise du cannabis (SQDC).</p>
<p>Dans un contexte national où les <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/le-debat-sur-la-legalisation-du-cannabis_1781754.html">débats sur la légalisation du cannabis sont d’actualité</a>, il peut être bon d’aller observer les effets de cette légalisation dans un pays où elle est déjà appliquée.</p>
<h2>Provinces et âge légal</h2>
<p>Le Canada étant un état fédéral, les provinces ont eu certaines marges de liberté pour ajuster l’organisation concrète de la légalisation : par exemple, il faut avoir au minimum 21 ans pour acheter légalement du cannabis au Québec, alors que dans le reste du Canada, l’âge légal est fixé à 18 ans.</p>
<p>Le cannabis est, en France comme au Canada, un produit très consommé, avec des niveaux d’usage parmi les plus élevés au monde, surtout chez les jeunes. Selon l’<a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2284_usage_cannabis_quebec_canada_portrait_evolution.pdf">Institut National de Santé publique du Québec</a>, 44,5 % de la population jeune et adulte a déjà expérimenté le cannabis au moins une fois dans sa vie, et jusqu’à un tiers des jeunes du secondaire sont des consommateurs réguliers. À titre comparatif, les niveaux de consommation de cannabis au Canada sont proches des niveaux de consommation français, où 44,8 % des adultes âgés de 18 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, selon l’<a href="https://www.ofdt.fr/produits-et-addictions/de-z/cannabis/#conso">Observatoire français des drogues et toxicomanies</a>, avec là encore une forte prévalence chez les jeunes.</p>
<p>L’objectif de la légalisation du cannabis promise par le premier ministre Justin Trudeau était de restreindre l’accès des jeunes à ce produit, de permettre une meilleure santé publique, de réduire le coût du système pénal et les <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxioya.pdf">activités criminelles</a>. </p>
<p>En 2012, le marché noir du cannabis canadien était évalué à 6,2 milliards de dollars canadiens, soit environ 3,98 milliards d’euros. Le cannabis était de plus en plus accessible financièrement, ce qui contribuait à augmenter l’offre et à stimuler la demande tout en alimentant les réseaux criminels. Les prix du cannabis vendu par la SQDC ne devaient donc pas être trop élevés pour ne pas rediriger vers les marchés illicites, sans être non plus trop faibles pour ne pas motiver les consommations. L’organisme national Statistique Canada avait diffusé un sondage en janvier 2018 pour connaître le prix moyen d’un gramme de cannabis sur le marché noir, auquel 15 000 Canadiens avaient participé, d’après <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1082961/societe-drogue-cannabis-prix-sondage-statistique-canada">Radio Canada</a>.</p>
<p>Contrairement à ce qu’annonçaient les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1036623/verif-legalisation-cannabis-pot-marijuana-accidents-mortels-routes-canada-colorado-washington-etats-unis">détracteurs de la légalisation</a>, on a pu constater que les consommations de cannabis n’ont pas explosé et le nombre d’accidents de la route liés aux usages d’herbe ou de résine n’a pas augmenté, comme démontré par <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2020002/article/00002-fra.htm">Statistique Canada</a>. Cependant, les consommateurs sont encore nombreux à passer par le <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/apr/17/canada-cannabis-stores-sales-black-market-dealers">marché noir</a>, malgré les efforts mis en place pour dissuader les recours aux trafics illicites.</p>
<p>Pourquoi les usagers continuent-ils à acheter du cannabis de manière illégale ? C’est une des questions posées dans cette <a href="https://durkheim.u-bordeaux.fr/Notre-equipe/Doctorant-e-s/CV/Sarah-Perrin">thèse</a> en sociologie, qui compare les trajectoires de consommatrices et consommateurs de drogues insérés socialement, à Bordeaux et Montréal. Les résultats ici mobilisés s’appuient sur des entretiens réalisés avec 19 femmes et 8 hommes consommateurs de cannabis et d’autres drogues, insérés socialement et vivant à Montréal. L’objectif est d’illustrer le débat à partir du cas précis montréalais, sans généralisation abusive.</p>
<h2>Des tarifs plus concurrentiels</h2>
<p>Depuis plusieurs années, le marché illicite du cannabis à Montréal a mis en place une offre très professionnalisée. Avec cette offre, les dealers proposent plusieurs variétés de cannabis avec des tarifs dégressifs en fonction de la quantité achetée. Contrairement aux prix des filiales de la SQDC qui restent fixes. Ces prix fixes sont très critiqués par les interrogés.</p>
<p>Les prix sur le marché noir sont aussi moins élevés. Debby, 19 ans, étudiante en cinéma, explique que sur le marché licite, elle paye en moyenne 25 dollars canadiens pour trois grammes, alors que sur le marché illicite, ces trois grammes lui coûtent 10 dollars. Son dealer, qu’elle connaît depuis longtemps, pratique aussi des promotions, avec « 5 grammes offerts pour 10 grammes achetés », ce que la SQDC ne propose pas. Pour cette jeune femme qui fume quotidiennement et ne dispose pas de beaucoup d’argent, les tarifs dégressifs et moins élevés proposés sur le marché noir constituent un argument de poids.</p>
<p>Également, plusieurs interrogés mettent en avant une qualité décevante à la SQDC, ainsi que des problèmes sur la présentation des produits, vendus dans des emballages opaques ne permettant pas aux consommateurs de voir ce qu’ils achètent, et les quantités. Sofian, 25 ans, consultant en développement économique, interrogé au cours d’un entretien, affirme ainsi qu’« une fois quand j’ai ouvert il n’y avait clairement pas les 3,5 grammes indiqués, il manquait 0,5 gramme. Vu les tarifs, je ne peux pas me permettre ça. »</p>
<h2>Un marché noir plus confortable</h2>
<p>Le marché illicite n’est pas seulement moins cher, il est aussi, semble-t-il, moins contraignant. Le marché noir propose des livraisons quasiment en continu quand la SQDC est ouverte du lundi au vendredi de 9 heures à 21 heures, et le week-end de 9 heures à 17 heures. Il est possible de se faire livrer du Cannabis par la SQDC, mais il faut attendre plusieurs jours pour recevoir son colis, contre une livraison dans la journée sur le marché noir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le marché noir du cannabis est toujours aussi fort au Canada.</span></figcaption>
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<p>Les déplacements jusqu’aux filiales de la SQDC sont parfois décrits comme contraignants par les usagers. Ils déplorent aussi le fait que la SQDC vérifie les cartes d’identité de ses clients à l’entrée des magasins, alors que les contrôles sont moins stricts pour les magasins de la Société d’Alcool du Québec (SAQ).</p>
<p>Également, la SQDC a parfois été en rupture de stock sur certaines variétés de cannabis très demandées, et les files d’attente peuvent être longues les jours d’affluence. Plusieurs interrogés expliquent donc qu’il est plus simple et plus pratique pour eux de se faire livrer leur cannabis via le marché noir.</p>
<p>D’autres interrogés ne se font pas livrer leur cannabis, mais passent par des amis qui se chargent de commander l’herbe ou la résine sur le marché illicite. Faire des achats groupés entre amis permet plusieurs avantages : bénéficier de tarifs dégressifs, mais aussi passer un moment « convivial », pour reprendre les propos de Fleur, 24 ans, serveuse dans un café, rencontrée chez elle pendant une heure, quand le déplacement dans un magasin de la SQDC est vécu comme pénible.</p>
<p>Enfin, certains consommateurs refusent par principe d’acheter sur le marché licite, mettant en avant des arguments idéologiques liées à la vente étatique et aux sanctions pesant toujours sur les dealers. C’est le cas d’Amanda, 23 ans, animatrice en centre-périscolaire, qui explique par téléphone qu’elle refuse d’acheter « au gouvernement » : « Tant que les gens qui ont été emprisonnés pour possession de cannabis n’ont pas été libérés, tant qu’on n’efface pas leur dossier criminel, c’est de l’hypocrisie. »</p>
<p>Beaucoup d’interrogés critiquent aussi l’aspect peu écologique des nombreux emballages en plastique non-réutilisables utilisés par la SQDC. Cette dernière justifie ces emballages par la nécessité de protéger les produits vendus de toute altération, mais pour les consommateurs, cela n’empêche pas de les réutiliser ou de proposer un système de recyclage.</p>
<h2>Des achats à la fois sur les marchés licites et illicites</h2>
<p>In fine, la plupart des interrogés déclarent se fournir à la fois sur le marché licite et illicite. Les usagers apprécient la possibilité, dans les magasins de la SQDC, de connaître les taux de THC des variétés de cannabis et de pouvoir être conseillés par les vendeurs. Certains consommateurs rencontrés mettent aussi en avant un autre argument idéologique, allant cette fois par principe en faveur du marché licite : June, 28 ans, chargée de projet numérique, consommatrice quotidienne de cannabis ayant accepté de participer à la recherche, explique ainsi qu’« on a voulu la légalisation, maintenant il faut acheter sur le marché licite, il faut soutenir ça ».</p>
<p>Les marchés du cannabis québécois, qu’ils soient légaux ou illégaux, semblent avoir de beaux jours devant eux : les magasins de la SQDC sont ainsi restés ouverts durant les confinements au <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/03/23/coronavirus-les-succursales-de-la-saq-demeureront-ouvertes">Québec</a>, tandis que de nombreux commerces jugés moins essentiels fermaient leurs portes, et l’usage récréatif du cannabis au Canada a considérablement augmenté depuis le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/au-canada-le-cannabis-pour-echapper-a-l-enfer-du-covid-20201019">début de la crise sanitaire</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">A Montréal, le coronavirus a fait augmenter les ventes de cannabis.</span></figcaption>
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<p>En France aussi, les <a href="http://www.slate.fr/story/200838/confinement-augmentation-consommation-cannabis-joints-fumer-solitude">fumeurs ont globalement consommé davantage depuis le début de la crise sanitaire</a>, et on a vu apparaître sur le territoire depuis la fin de l’année 2020 de nombreuses alertes sur des cannabinoïdes de synthèse dangereux présents dans les lots d’herbe et de résine échangés sur le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/04/12/alerte-sur-les-nouvelles-formes-de-cannabis-beaucoup-plus-concentrees-en-thc-elles-entrainent-un-risque-de-dependance-accru_6076429_3224.html">marché noir</a>.</p>
<p>Malgré ces constats, les fumeurs français sont contraints de continuer à se fournir sur le marché illicite, la position du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’allant pas dans le sens d’un <a href="https://www.lepoint.fr/societe/darmanin-se-prononce-contre-cette-merde-de-cannabis-et-sa-legalisation-14-09-2020-2391740_23.php">assouplissement</a> de la législation.</p>
<hr>
<p><em>Sarah Perrin réalise sa thèse sous la direction d’Emmanuel Langlois et Karine Bertrand.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Perrin a reçu des financements de Université de Bordeaux (France) et Université de Sherbrooke (Canada)</span></em></p>Dans un contexte national où les débats sur la légalisation du cannabis sont d’actualité, il peut être bon d’aller observer les effets de cette légalisation dans un pays où elle est déjà appliquée.Sarah Perrin, Doctorante en sociologie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1429682020-07-20T18:20:56Z2020-07-20T18:20:56ZAux États-Unis, la bombe à retardement du Covid-19<p>À moins de quatre mois de l’élection présidentielle, l’épidémie de Covid-19 fait peser une forte incertitude sur l’avenir économique et social des États-Unis. Rien ne permet en effet de garantir que la reprise de l’activité puisse résister longtemps à la circulation incontrôlée du virus. Les conséquences seront d’ordre sanitaire, social, économique et peut-être aussi politique.</p>
<h2>La résurgence du Covid-19</h2>
<p>Dans la deuxième semaine de juillet, le nombre quotidien de décès dus au Covid-19 sur le sol américain <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/after-months-of-decline-americas-coronavirus-death-rate-begins-to-rise/2020/07/10/261fb24a-c2cd-11ea-864a-0dd31b9d6917_story.html">est reparti à la hausse</a>. Un cinglant camouflet pour Donald Trump qui tweetait encore le 9 juillet que la hausse des cas détectés était <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1281206354334625793?s=20">uniquement liée au nombre de tests effectués</a>, alors même que les experts s’accordaient pour dire que les contaminations augmentaient bien plus vite que les tests.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1281206354334625793"}"></div></p>
<p>Quoi qu’en dise le président, certains États, pour la plupart républicains, envoient des signaux particulièrement préoccupants. L’évolution de la situation dans les hôpitaux, publiée jusqu’au 13 juillet par le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), en est un bon indicateur. L’administration Trump a décidé que la remontée de cette information ne serait désormais plus réalisée par le CDC mais confiée à des organismes privés, ce qui suscite une <a href="https://www.washingtonpost.com/health/2020/07/16/coronavirus-hospitalization-data-outcry/">vive polémique</a>.</p>
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<span class="attribution"><span class="source">CDC-NHSN</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le 13 juillet, 25,2 % des lits hospitaliers de l’Arizona sont occupés par des « patients Covid-19 » (suspectés ou testés positifs) contre 8,1 % au niveau fédéral. En comparaison, le New Jersey avait atteint 46 % à la mi-avril, au pic de l’épidémie, pour retomber à 3,3 %.</p>
<p>Beaucoup d’États du sud, dont le Texas, la Floride et la Géorgie, connaissent également depuis plus d’un mois une inquiétante montée des cas, ce qui aboutit à un taux d’occupation des lits de soins intensifs très élevé (souvent supérieur à 70 %). Malgré un nombre de lits en soins intensifs largement supérieur à la moyenne fédérale, même la Floride fait face à l’engorgement rapide de son système de soins : sur les 205 hôpitaux disposant de tels équipements, 48 sont arrivés <a href="https://www.nbcnews.com/news/us-news/florida-hospitals-face-icu-bed-shortage-state-passes-300-000-n1233899">à saturation de leurs capacités</a> au 18 juillet.</p>
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<span class="attribution"><span class="source">CDC-NHSN/John Hopkins CSSE</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les États actuellement confrontés à la flambée du virus ont été plutôt épargnés par la première phase épidémique ; c’est pourquoi ils avaient alors adopté des mesures de confinement peu strictes, suivies de réouvertures rapides. Sans les tendances illustrées par les graphiques précédents, cette impression pourrait presque persister. Au Texas par exemple, le nombre de décès pour 100 000 habitants au 17 juillet n’est encore que de 13, loin des 176 du New Jersey ou même des 68 du Royaume-Uni.</p>
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<span class="attribution"><span class="source">Washington Post/John Hopkins CSSE</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Mais l’expérience des villes de la côte est et des pays européens laisse justement augurer d’une hausse rapide des chiffres de la mortalité dans les États du sud, si aucune disposition n’est prise pour tenter d’endiguer le développement de la maladie. Des raisons idéologiques, politiques et économiques limitent cependant la mise en œuvre de restrictions, notamment dans les États républicains où les gouverneurs <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/07/17/aux-etats-unis-batailles-politico-judiciaires-sur-le-masque-et-le-confinement">s’opposent voire contestent devant les autorités judiciaires</a> les décisions prises par les maires.</p>
<h2>Réouverture accélérée : un rebond inespéré de l’emploi</h2>
<p>La réouverture accélérée d’une grande partie des États américains a permis une indéniable reprise de l’activité à la fin du 2<sup>e</sup> trimestre. Faisant mentir les <a href="https://www.stlouisfed.org/on-the-economy/2020/march/back-envelope-estimates-next-quarters-unemployment-rate">prévisions catastrophistes</a>, l’emploi a commencé à se redresser en mai après une chute vertigineuse. De <a href="https://www.bls.gov/news.release/archives/empsit_03062020.htm">3,5 % en février</a> à <a href="https://www.bls.gov/news.release/archives/empsit_05082020.htm">14,7 % en avril</a>, le taux de chômage est redescendu à 11,1 % en juin.</p>
<p>Cette reprise reste cependant incertaine. En juin, le FMI prévoit une <a href="https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2020/06/24/WEOUpdateJune2020">baisse du PIB de 8 % pour l’année en cours, suivie d’un rebond autour de 6 % en 2021</a>. Goldman Sachs table plutôt sur une <a href="https://www.forbes.fr/business/goldman-sachs-optimiste-quant-a-la-reprise-aux-etats-unis/">récession qui pourrait se limiter à 4,2 % en 2020</a>, à condition qu’un plan supplémentaire de soutien aux ménages et aux entreprises soit rapidement mis en œuvre. Or ce nouveau plan reste en <a href="https://www.forbes.com/sites/jimwang/2020/07/09/second-stimulus-check-update-what-we-know-so-far/">suspens</a> pour des raisons politiques. Alors que Donald Trump envisage un plan à 2 000 milliards de dollars, la Chambre des Représentants à majorité démocrate a voté en mai un <a href="https://appropriations.house.gov/news/press-releases/house-democrats-introduce-the-heroes-act">« Heroes Act »</a> à 3 000 milliards, plan depuis bloqué par le Sénat (dominé par les républicains) qui souhaite limiter à 1 000 milliards de dollars le montant des aides additionnelles.</p>
<p>Après la destruction colossale de 22,2 millions d’emplois non agricoles sur la période mars-avril 2020, la reprise de l’activité a permis la création de 2,7 et 4,8 millions d’emplois respectivement en <a href="https://www.bls.gov/opub/ted/2020/nonfarm-employment-up-4-point-8-million-in-june-2020.htm">mai et juin</a>. Particulièrement dynamiques, la construction, l’industrie ou le commerce de détail ont rattrapé en deux mois plus de la moitié des emplois perdus. Dans l’hébergement et les loisirs, secteur qui fait travailler un <a href="https://www.bls.gov/emp/tables/employment-by-major-industry-sector.htm">Américain sur dix</a>, ce sont 42 % des 8,3 millions d’emplois perdus qui ont été récupérés. D’autres secteurs sont plus à la peine, comme les transports et les activités financières, qui commencent à peine à recréer des emplois, ou bien les exploitations minières et forestières, qui continuent à en détruire.</p>
<h2>« Black Lives Matter » : des inégalités qui concernent aussi l’emploi</h2>
<p>Les minorités ethniques, notamment les Noirs, <a href="https://www.americanactionforum.org/testimony/the-disproportionate-impact-of-covid-19-on-communities-of-color/">souffrent particulièrement</a> de la crise actuelle qui leur inflige en quelque sorte une double peine. Occupant souvent des emplois peu qualifiés et peu compatibles avec le télétravail, elles sont davantage exposées au risque d’une contamination par le coronavirus, mais également au licenciement et à la difficulté de retrouver un emploi. Une grande proportion des personnes concernées sont mal couvertes contre la maladie et surreprésentées dans les populations à facteurs de comorbidité.</p>
<p>Sur le plan sanitaire, le <a href="https://www.cdc.gov/">CDC</a> estime que le risque d’hospitalisation pour cause de Covid-19 des Afro-Américains est <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/need-extra-precautions/racial-ethnic-minorities.html">cinq fois plus élevé</a> que celui des Blancs.</p>
<p>Sur le plan économique, les écarts de taux de chômage se creusent entre les communautés, avec une hausse de 7 points entre <a href="https://www.bls.gov/news.release/archives/empsit_03062020.htm">février</a> et <a href="https://www.bls.gov/news.release/archives/empsit_07022020.htm">juin</a> pour les Blancs, contre 9,6 points pour les Noirs, 10,1 points pour les Hispaniques et même 11,3 points pour les Asiatiques. Le taux le plus élevé concerne toujours les Noirs : il a atteint son pic au mois de mai avec 16,8 %, pour une moyenne nationale de 13,3 %.</p>
<p>Ce constat intervient dans un climat de tensions raciales incarné par la série de vastes <a href="https://www.courrierinternational.com/article/manifestations-black-lives-matter-le-mouvement-de-protestation-le-plus-massif-de-lhistoire">manifestations</a> pour la plupart pacifiques du mouvement BLM, faisant suite au décès de George Floyd fin mai. En 1992 déjà, lors de la <a href="https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1992_num_20_1_1825">récession</a> provoquée par la guerre du Golfe, l’acquittement de quatre policiers blancs accusés d’avoir passé à tabac un jeune Noir, Rodney King, avait provoqué les <a href="https://www.npr.org/2017/04/26/524744989/when-la-erupted-in-anger-a-look-back-at-the-rodney-king-riots">émeutes de Los Angeles</a>. Ces deux événements ont certes pour point commun les violences policières envers les Noirs, mais aussi leur survenue dans une période de difficultés économiques aggravant la pauvreté qui frappe les minorités.</p>
<p>La crise est en outre arrivée dans un contexte où les inégalités de <a href="https://www.epi.org/blog/black-white-wage-gaps-are-worse-today-than-in-2000/">revenus entre Noirs et Blancs augmentaient</a>. Dans une <a href="https://www.iza.org/publications/dp/12950/decomposing-us-income-inequality-a-la-shapley-race-matters-but-gender-too">étude en cours</a>, nous montrons que la part des inégalités de revenus liées à l’appartenance ethnique reste plus élevée dans les régions correspondant aux anciens États confédérés et qu’elle s’accroît depuis 2010 au niveau fédéral. La crise économique actuelle risque fort d’accentuer cette tendance.</p>
<h2>Présidentielle 2020 : le nerf de la guerre et le poids de l’actualité</h2>
<p>L’histoire politique américaine montre que le montant des dépenses de campagne prédit mieux le résultat des élections que les sondages. Sur ce point, l’élection de Donald Trump en 2016 constitue une anomalie, car ni ses fonds de campagne ni les sondages ne le donnaient vainqueur.</p>
<p>Depuis la création en 1974 de la Federal Election Commission (<a href="https://www.fec.gov/">FEC</a>), qui encadre le financement des campagnes électorales, Donald Trump est le second candidat à avoir remporté la présidentielle avec des dépenses de campagne <a href="http://metrocosm.com/2016-election-spending/">inférieures</a> à celles de son opposant. Le premier avait été le démocrate Jimmy Carter, vainqueur du président républicain sortant Gerald Ford en 1976. Mais, à l’époque, l’économie américaine traversait une période de stagflation et de chômage élevé et, deux ans plus tôt, l’affaire du Watergate avait contraint Richard Nixon à la démission (Ford, qui était son vice-président, avait alors terminé le mandat). Ce contexte était favorable à un désir d’alternance.</p>
<p>Au contraire, en 2016, la fin de mandat de Barack Obama s’était accompagnée d’une belle dynamique de croissance et d’emploi qui aurait dû porter Hillary Clinton, la candidate démocrate, à la Maison Blanche. Pour expliquer cette anomalie électorale, certains avancent un <a href="https://theconversation.com/youd-be-better-off-lighting-your-money-on-fire-than-giving-it-to-a-politician-to-spend-on-tv-ads-117945">changement de paradigme</a> dans l’utilisation des fonds de campagne, avec un investissement croissant dans le numérique. Les fonds de campagne sont par ailleurs toujours plus colossaux. Depuis 2010, les candidats peuvent obtenir, de la part des entreprises et des particuliers, des financements sans limites via des dons à des Super-PAC (Political Action Commitee), privatisant ainsi la vie politique.</p>
<p>Cette fois, la crise sanitaire et économique ainsi que les tensions raciales pèsent comme une chape de plomb sur les ambitions de Donald Trump. En juin, pour la <a href="https://www.ft.com/content/25583b93-00a1-497f-90f5-2abe3b1198b7">troisième semaine consécutive</a>, Joe Biden a récolté davantage de fonds que lui. Le président est également fragilisé dans son propre camp par les activités du <a href="https://www.franceinter.fr/etats-unis-qu-est-ce-que-le-lincoln-project-le-groupe-republicain-qui-veut-la-tete-de-trump">Lincoln Project</a>, un super-PAC républicain prêt à tout pour le défaire. Ces républicains souhaitent préserver la démocratie et la Constitution qu’ils estiment bafouées par les actions de Donald Trump.</p>
<p>Signe des temps : fort d’un taux de chômage historiquement bas, Trump avait choisi dès 2017 comme slogan pour sa campagne de 2020 <a href="https://www.lesechos.fr/2018/03/keep-america-great-le-slogan-de-trump-pour-2020-986374">« Keep America Great »</a>… un slogan à contretemps qu’il songe <a href="https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-trump-cherche-slogan-desesperement">désormais à abandonner</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le pire n’est peut-être pas passé pour les États-Unis, où l’épidémie flambe à nouveau, menaçant la reprise économique. Cette actualité pèse sur le contexte de la présidentielle.Thérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1414882020-06-25T18:12:26Z2020-06-25T18:12:26ZVictoire historique : la Cour suprême américaine vote en faveur des droits LGBTQ+<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344087/original/file-20200625-33519-1p6xey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C1%2C997%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme brandit un drapeau arc-en-ciel devant le bâtiment de la Cour suprême, le 15 juin 2020 à Washington, DC. </span> <span class="attribution"><span class="source">Chip Somodevilla/Getty Images North America/Getty Images via AFP</span></span></figcaption></figure><p>La Cour suprême des États-Unis, plus haute instance judiciaire du pays, vient d’infliger un sérieux camouflet à Donald Trump, un président déterminé à lutter contre la reconnaissance des droits des Américains transgenres.</p>
<p>Dans l’affaire <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/19pdf/17-1618_hfci.pdf"><em>Bostock v. Clayton County</em></a>, six juges (dont deux conservateurs) contre trois ont voté pour l’extension aux personnes homosexuelles et transgenres du dispositif antidiscriminatoire garanti par le titre VII de la <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/STATUTE-78/pdf/STATUTE-78-Pg241.pdf">loi sur les droits civiques de 1964</a>. Cette décision est sans appel : le droit fédéral proscrit désormais la discrimination au travail fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.</p>
<h2>L’égalité des Américains transgenres : un contexte politique dégradé depuis 2017</h2>
<p>Cette victoire judiciaire est d’autant plus notable que depuis son accession à la Maison-Blanche, <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1587292-donald-trump-et-les-lgbt-sa-position-est-ambigue-mais-peut-etre-plus-pour-longtemps.html">Donald Trump s’est évertué à abolir</a> méthodiquement les victoires décisives du mouvement LGBTQ+, en annulant une série de réglementations passées sous Obama et en nommant deux juges conservateurs : Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh.</p>
<p>En février 2017, le président tout juste entré en fonctions abroge une directive permettant aux jeunes scolarisés <a href="https://apnews.com/ab7e4c13b98a4f4f881254c60e01472d?utm_campaign=SocialFlow&utm_source=Twitter&utm_medium=AP_Politics">d’utiliser les toilettes et les vestiaires</a> selon le genre auquel ils s’identifient. Le 27 juillet 2017, Trump annonce dans une série de tweets vouloir rétablir l’interdiction faite aux Américains transgenres de servir dans l’armée, alors qu’Obama l’avait suspendue le 30 juin 2016. Trump prétend qu’à quelques exceptions près, les soldats transgenres représentent un fardeau substantiel pour la sécurité nationale et le budget alloué à la défense en raison de coûts médicaux exorbitants liés à une chirurgie de réassignation sexuelle. En janvier 2019, alors que cette décision est en cours d’instruction par la justice fédérale américaine, la <a href="https://edition.cnn.com/2019/01/22/politics/scotus-transgender-ban/index.html">Cour suprême</a> autorise l’exécutif à poursuivre la mise en œuvre de son projet régressif.</p>
<p>Le 12 juin 2020, mois des fiertés LGBTQ+ et jour du quatrième anniversaire de l’attentat contre la boîte de nuit LGBTQ+ <a href="https://www.vox.com/2016/6/14/11920208/pulse-shooting-victims-orlando">Pulse</a> à Orlando, Trump – fasciné par le pouvoir des symboles – met fin à une <a href="https://www.vox.com/identities/2020/4/24/21234532/trump-administration-health-care-discriminate-lgbtq">réglementation</a> – actée sous Obama – qui protégeait les Américains transgenres contre la discrimination fondée sur le sexe exercée par certains hôpitaux, médecins et compagnies d’assurance maladie.</p>
<p>En pleine pandémie, cette humiliation supplémentaire intervient alors que la plupart des 49 victimes du Pulse sont des <a href="https://www.vox.com/2016/6/16/11954668/whitewashing-orlando-victims-lgbt-violence">Américains LGBTQ+ non blancs</a> et que le pays est secoué par des manifestations d’une ampleur inédite contre les brutalités policières et le racisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1274137474235858945"}"></div></p>
<p>La communauté transgenre est particulièrement exposée à cette culture de la violence. En 2019, <a href="https://www.hrc.org/resources/violence-against-the-trans-and-gender-non-conforming-community-in-2020">27 personnes transgenres</a> ont été assassinées aux États-Unis, la plupart des victimes sont non blanches (d’où l’émergence du mot d’ordre <a href="https://www.bbc.co.uk/bbcthree/article/33ab8fbd-792f-44ee-85de-5dd3894f60bf">Black Trans Lives Matter</a>). Malheureusement, ce constat accablant peine à se traduire par des actions politiques de grande envergure.</p>
<h2>L’affaire Bostock : qui sont les plaignants ?</h2>
<p>Gerald Bostock, travailleur social pour le comté de Clayton (Géorgie) depuis dix ans, est un employé modèle. Il est pourtant licencié en 2013 pour « comportement indécent » après avoir rejoint une <a href="https://www.hotlantasoftball.org/page/show/1533142-about-hotlanta-softball-league">équipe sportive gay de softball</a>.</p>
<p>Donald Zarda est moniteur de parachutisme pour Altitude Express à New York. En 2010, dans un souci de transparence, comme à l’accoutumée, il informe l’une de ses clientes de <a href="https://time.com/5617310/zarda-supreme-court-lgbtq/">son homosexualité avant un saut en parachute</a>. Vraisemblablement choquée, la cliente se plaint à son petit ami d’avoir subi des « attouchements inappropriés » pendant le saut. Donald Zarda, rapidement congédié, décédera après un accident de parachute en 2014.</p>
<p><a href="https://www.npr.org/2020/05/12/854946825/aimee-stephens-transgender-woman-at-center-of-major-civil-rights-case-dies-at-59">Aimee Stephens</a> travaille pendant six ans en tant qu’homme dans un funérarium (Harris Funeral Home) du Michigan. En 2013, elle rédige un courrier à son employeur l’informant de sa décision de « vivre et travailler à plein temps en tant que femme » dès son retour de congés. Alors que sa transition reçoit l’approbation des médecins, elle est immédiatement renvoyée. Elle décède le 12 mai 2020 à la suite d’une grave insuffisance rénale.</p>
<p>Ces trois récits authentiques ont tous pour dénominateur commun un licenciement abusif caractérisé, en lien avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre des plaignants, sans qu’il soit démontré que ces salariés aient commis la moindre faute professionnelle dans l’exercice de leurs fonctions. Le <a href="https://www.nytimes.com/2019/04/22/us/politics/supreme-court-gay-transgender-employees.html">22 avril 2019</a>, la Cour suprême a accepté une ordonnance de recevabilité de ces trois affaires afin de remédier à des jugements divergents rendus par deux cours d’appel (<em>circuit split</em>).</p>
<h2>Une discrimination contre les LGBTQ+ fondée en partie sur le sexe</h2>
<p>D’après <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/gorsuch-a-la-cour-supreme-un-juge-plus-jeune-plus-dur-et-plus-conservateur_1874896.html">Neil Gorsuch</a>, auteur de l’opinion majoritaire dans <em>Bostock</em>, l’objectif principal n’est pas tant de déterminer ce que recouvre le critère du sexe contenu dans le titre VII de la loi de 1964, mais de démontrer, en des termes pragmatiques, que la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est consubstantielle à une discrimination fondée sur le sexe du salarié :</p>
<blockquote>
<p>« Ou bien, prenez un employeur qui licencie une personne transgenre identifiée comme homme à la naissance, mais qui s’identifie maintenant comme femme. Si l’employeur maintient en poste un employé, par ailleurs identique, qui a été identifié comme femme à la naissance, il pénalise intentionnellement une personne identifiée comme homme à la naissance pour des traits ou des actes qu’il tolère chez un employé identifié comme femme à la naissance. Là encore, le sexe de l’employé joue un rôle indéniable et inadmissible dans la décision de licenciement »</p>
</blockquote>
<p>Le juge rejette en bloc l’idée selon laquelle une femme cisgenre et une femme transgenre ne seraient pas situées au même niveau. Elles devraient, au contraire, être soumises au même règlement en entreprise. Une femme transgenre est une femme : aucun traitement défavorable fondé sur des stéréotypes de genre ne saurait lui être opposé comme motif de licenciement.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XsT1lecNzQg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">États-Unis : la Cour suprême accorde une victoire historique aux salariés homosexuels et transgenres. Il est légalement interdit de licencier un salarié en raison de ses orientations sexuelles.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans le cas de l’orientation sexuelle, la discrimination porte également sur le sexe de la personne pour lequel l’employé ressent une attirance homosexuelle. À l’inverse, le lien affectif entre deux sexes opposés n’aurait en tout état de cause pas provoqué le licenciement de Gerald Bostock et de Donald Zarda. En l’espèce, ce critère du sexe l’emporte sur tout autre motif discriminant. En outre, il constitue un facteur déterminant, faisant jaillir un lien de causalité évident entre la discrimination invoquée et le critère du sexe sur lequel l’employeur s’est appuyé pour licencier ses collaborateurs :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’un employeur licencie un employé parce qu’il est homosexuel ou transgenre, deux facteurs de causalité peuvent entrer en jeu : le sexe de l’individu et quelque chose d’autre (le sexe vers lequel l’individu est attiré ou celui auquel il s’identifie). Mais le titre VII ne s’en soucie pas. Si en l’absence de toute considération du sexe de l’individu, l’employeur n’aurait pas renvoyé son employé, le critère de causalité de la loi est respecté et la responsabilité peut être engagée (p.11). »</p>
</blockquote>
<p>Gorsuch fait également valoir une <a href="https://www.law.cornell.edu/supct/html/96-568.ZO.html">jurisprudence solide</a> qui va dans le sens de son raisonnement et de l’histoire du mouvement pour les droits civiques, quelles que fussent les intentions des élus du Congrès au moment du débat sur l’adoption de la loi de 1964 : « Ce sont les dispositions de nos lois plutôt que les principales préoccupations de nos législateurs qui nous régissent. » Ainsi, le juge conservateur prône une lecture textualiste (basée uniquement sur le texte comme dispositif légitime) et dynamique du texte de loi. À cet effet, il s’attache à isoler certains mots clés (discriminer, à cause de, sexe) afin de créer une mise en réseau opérante avec la ferme volonté de contrecarrer l’approche originaliste de ses collègues conservateurs, qui s’intéressent à l’intention du législateur au moment de l’adoption du projet de loi.</p>
<p>Outre l’interprétation large qu’il confère au critère du sexe, Gorsuch rejette la responsabilité sur les législateurs à qui il revenait d’établir les catégories d’individus ou les situations pour lesquelles le dispositif était inopérant, d’autant plus que le gouvernement fédéral de l’époque était ouvertement hostile aux personnes homosexuelles (la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=isU81OjYLwc">Peur violette</a>). <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zbU_lcVzJ0I">Frank Kameny</a>, fer de lance du mouvement pour les droits des personnes LGBTQ+, avait d’ailleurs fait les frais de la politique discriminatoire de l’État fédéral. « Mais les limites de l’imagination des rédacteurs ne justifient pas que l’on ignore les exigences de la loi », tance Gorsuch.</p>
<p>En effet, après l’adoption de la loi, deux décisions jurisprudentielles ont confirmé que le harcèlement sexuel des hommes (<em>Oncale</em>) ainsi que la discrimination fondée sur la maternité (<em>Phillips</em>) tombaient sous le coup du titre VII, ce qui tend à prouver que la justice a œuvré à une application large de la mention du sexe. D’ailleurs, Gorsuch précise à juste titre que le critère du sexe avait été amendé, à la dernière minute, par Howard Smith, un démocrate ségrégationniste de Géorgie, qui misait sur l’échec de l’adoption de la loi en y associant les discriminations fondées sur la race et le sexe par pure manœuvre politicienne. La stratégie de Gorsuch est claire : le contexte importe peu, seul le mot compte (« seul l’écrit fait loi, et toutes les personnes ont droit à son bénéfice »).</p>
<h2>Trahison des juges conservateurs ou textualisme progressif ?</h2>
<p>La Cour réaffirme son indépendance en se « désolidarisant » du <a href="https://www.justice.gov/sites/default/files/briefs/2019/08/23/17-1618bsacunitedstates.pdf">gouvernement Trump</a> qui avait plaidé en faveur d’une lecture originaliste du concept de sexe contenu dans le titre VII de la loi de 1964. En d’autres termes, le département de la justice, par la voix de son ministre William Barr, soutenait une construction binaire du sexe, assigné à la naissance (homme ou femme) et issu de la biologie humaine, par opposition à une conception du genre en tant que construit social (<a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/490/228/"><em>Price Waterhouse v. Hopkins</em></a>, 1989, p.9), ajoutant que les législateurs n’avaient nulle intention d’inclure les personnes homosexuelles et transgenres à l’époque.</p>
<p>Cette hypothèse, quoique recevable, supposerait que le Congrès ait toute latitude pour décider d’inclure les statuts d’orientation sexuelle et de genre au concept de sexe, sans que la Cour suprême – incubatrice d’idées – interfère dans ce processus. Gorsuch en appelle au bon sens de ses collègues conservateurs dont le rôle est d’interpréter et de veiller au respect de l’application stricte de « termes simples » contenus dans la loi. Ce jugement s’inscrit dans un conservatisme sociétal, compatible avec la protection du droit fédéral pour les Américains LGBTQ+ dans une démarche non partisane. Gorsuch, nommé par Trump en 2017, est un juge fondamentalement attaché à la signification et à la portée du concept de sexe dans les interactions professionnelles des Américains. Au moment de sa confirmation par le Sénat, certains commentateurs de la vie politique affirmaient même que l’approche originaliste de Gorsuch n’avait pas systématiquement comme corollaire le textualisme.</p>
<h2>Portée et répercussion de la décision</h2>
<p>Bien que l’arrêt, ne s’appliquant pas aux petites entreprises de <a href="https://www.aljazeera.com/ajimpact/supreme-court-lgbt-worker-ruling-giant-loophole-200616153010789.html">moins de 15 salariés</a>, n’ait aucun impact pour 1 employé sur 6, il y a fort à parier que le jugement de lundi provoquera un effet domino (approche de la percolation) : de multiples recours seront formulés dans les tribunaux des États fédérés (27) qui n’ont à ce jour proposé aucun arsenal législatif pour protéger les Américains LGBTQ+ contre la discrimination dans les domaines de l’emploi, du logement et de l’accès aux lieux publics. Deux États (Wisconsin et Utah) proposent une interdiction encore partielle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1274415218500616193"}"></div></p>
<p>Aucune mention n’est faite de l’obstruction de Mitch McConnell (chef de la majorité républicaine au Sénat) qui refuse de mettre au vote <a href="https://www.hrw.org/news/2019/03/16/why-us-needs-equality-act">l’<em>Equality Act</em></a> (adopté à la Chambre avec le soutien de huit républicains). Ce projet de loi prévoit justement d’amender le titre VII de la loi sur les droits civiques de 1964 afin de garantir que soient protégées l’orientation sexuelle et l’identité de genre contre la discrimination dans les domaines précédemment cités y compris l’accès au crédit bancaire, à l’éducation et à la fonction de juré. Trump avait étrillé les démocrates de la Chambre, jugeant ce projet de loi <a href="https://www.nbcnews.com/feature/nbc-out/trump-opposes-federal-lgbtq-nondiscrimination-bill-citing-poison-pills-n1005551">« truffé de pilules empoisonnées</a> ». On peut logiquement en déduire sur le plan politique que :</p>
<ol>
<li><p>sans remettre en cause la séparation des pouvoirs, l’arrêt <em>Bostock</em> apporte sa contribution à l’interminable débat législatif autour de l’<em>Equality Act</em>, puisque la Cour suprême confirme l’illégalité de la discrimination des minorités sexuelles dans le seul domaine de l’emploi.</p></li>
<li><p>Bostock_ servirait alors de tremplin afin d’accélérer l’adoption de l’<em>Equality Act</em> dont la légitimité est désormais incontestable, puisqu’elle est soutenue par le tribunal de l’opinion publique à <a href="https://www.advocate.com/news/2020/4/14/americans-arent-polarized-lgbtq-equality-survey-finds">72 %</a>.</p></li>
</ol>
<p>Néanmoins, il semblerait que les regards soient déjà tournés vers la prochaine affaire (<a href="https://www.lambdalegal.org/in-court/cases/fulton-v-city-of-philadelphia"><em>Fulton v. City of Philadelphia</em></a>, 2021) dont la Cour suprême s’est saisie. Les juges devront déterminer si les familles homoparentales peuvent être exclues de l’adoption au nom de la liberté religieuse. Nouvelle bataille en perspective…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Castet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour suprême vient de voter une loi qui proscrit la discrimination au travail des personnes LGBTQ+, au grand dam de Donald Trump.Anthony Castet, Maître de Conférences civilisation nord-américaine, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1376642020-05-11T19:29:53Z2020-05-11T19:29:53ZLes États-Unis avant le Covid-19 : retour sur l'épidémie mortelle des opioïdes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333080/original/file-20200506-49558-1hmd6fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1016%2C702&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, la plupart des nouveaux accros à l'héroïne sont d'abord devenus addicts à des analgésiques opioïdes délivrés sur ordonnance avant de passer à l'héroïne, qui est plus forte et moins chère.</span> <span class="attribution"><span class="source">John Moore/Getty Images North America/Getty Images Via AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les grandes épidémies agissent souvent comme un révélateur de l’état d’une société et du rapport qu’elle entretient avec ses populations vulnérables. Aux États-Unis, il semble que ce soient les fractions les plus modestes de la communauté noire, notamment dans les métropoles comme <a href="https://www.economist.com/united-states/2020/04/11/covid-19-exposes-americas-racial-health-gap">Détroit, Chicago ou La Nouvelle-Orléans</a>, qui paient actuellement le plus lourd tribut à la pandémie de Covid-19. </p>
<p>Le drame sanitaire en cours constitue une occasion de s’intéresser à une autre épidémie, passée au second plan du fait du coronavirus, qui, elle, affecte principalement les Blancs issus de la classe ouvrière : celle des « opioïdes », qui a tué <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/69/wr/mm6911a4.htm">plus de 47 000 personnes en 2018 et plus de 450 000 depuis 1999</a>.</p>
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<span class="caption">Des familles montrent les photos de leurs proches morts d’overdose aux opioïdes lors d’une conférence de presse le 19 mai 2016 à Capitol Hill à Washington, DC.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alex Wong/AFP</span></span>
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<p>Cette épidémie est de part en part sociale dans sa genèse et ses effets. La vague d’overdoses, principalement liées dans un premier temps à des consommations d’antalgiques opioïdes (dont l’OxyContin), a touché tout spécialement la classe ouvrière blanche du nord-est des États-Unis (Indiana, Michigan, Ohio, Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Wisconsin), mettant en exergue la situation de déclassement de pans entiers de la population américaine, notamment dans ces vastes régions passées en une vingtaine d’années, du fait de la désindustrialisation, du statut de <em>Manufacturing Belt</em> (ceinture des usines) <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/obradovic_crise_opioides_etatsunis_2018.pdf">à celui de <em>Rust Belt</em></a> (ceinture de la rouille).</p>
<h2>L’avidité des industries pharmaceutiques exposée</h2>
<p>Au milieu des années 1990, les médicaments opioïdes anti-douleurs (<em>painkillers</em>) n’étaient encore prescrits en majorité qu’à des patients souffrant de cancers en phase terminale. Certaines compagnies pharmaceutiques ont alors souhaité étendre cette prescription aux personnes souffrant de douleurs chroniques. L’épidémie est partie de là.</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/apr/10/purdue-opioids-crisis-doctor-testify-against-drugmaker">Instrumentalisation d’études scientifiques douteuses</a>, marketing mensonger, pression commerciale : les procès en cours intentés par les associations de victimes et les États sont en train de lever le voile sur un système fondé <em>in fine</em> sur la recherche maximale de profits.</p>
<p>Le dernier scandale mis à jour implique une firme, Practice Fusion, qui commercialisait des outils informatiques de gestion des données destinés notamment aux médecins généralistes. La justice fédérale du Vermont a révélé que l’entreprise avait perçu, entre 2016 et 2019, 1 million de dollars de la part de Purdue Pharma. Cette firme, responsable de la commercialisation de l’OxyContin, a pu insérer dans le logiciel de gestion des dossiers des patients de 30 000 cabinets à travers le pays une fonctionnalité d’aide à la <a href="https://www.reuters.com/article/us-purdue-pharma-investigation-opioids-e/exclusive-oxycontin-maker-purdue-is-pharma-co-x-in-us-opioid-kickback-probe-sources-idUSKBN1ZR2RY">décision incitant à prescrire des opioïdes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1173538606662717441"}"></div></p>
<p>Mais au-delà des affaires de corruption, c’est le cynisme des firmes qui est le plus frappant. Le journaliste américain Sam Quinones, auteur d’une remarquable enquête de terrain conduite de l’Ohio au Mexique, a montré que dans sa stratégie commerciale Purdue Pharma avait <a href="https://www.bloomsbury.com/us/dreamland-9781620402511/">délibérément ciblé certaines régions des États-Unis</a>.</p>
<h2>Les plus vulnérables sont les plus ciblés</h2>
<p>Parmi les critères retenus, un taux de chômage et d’accidents du travail supérieur à la moyenne nationale. Dans une <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2017/10/30/the-family-that-built-an-empire-of-pain">interview accordée en 2017 au <em>New Yorker</em></a>, Mitchel Denham, le procureur général représentant les intérêts de l’État du Kentucky, un des plus touchés par les surdoses mortelles liées aux opioïdes, a confirmé l’existence d’un plan de développement axé prioritairement sur :</p>
<blockquote>
<p>« les communautés où la pauvreté est importante, le niveau éducatif faible et les perspectives peu nombreuses. […] Ils exploitaient les données relatives aux accidents du travail et à la fréquentation des médecins pour des douleurs chroniques. »</p>
</blockquote>
<p>La Virginie-Occidentale, un des États de la <em>Rust Belt</em>, a été particulièrement visée par les industriels. Une enquête a montré qu’entre 2007 et 2012, 780 millions de comprimés et de pilules d’oxycodone et d’hydrocodone y avaient été prescrits, soit l’équivalent de <a href="https://eu.courier-journal.com/story/news/politics/2018/05/08/drug-crisis-distributor-apologizes-large-opioid-shipments/589760002/">433 pour chaque habitant, enfants compris</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage en Virginie-Occidentale, un des États les plus touchés par la crise des opioïdes, le 30 août 2019.</span></figcaption>
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<p>En 2019, le procureur général de cet État a <a href="https://www.dea.gov/press-releases/2019/04/17/appalachian-regional-prescription-opioid-strike-force-takedown-results">indiqué</a> que si la crise des opioïdes est <em>« la crise sanitaire la plus grave que les États-Unis aient eu à subir dans leur histoire, c’est la région des Appalaches qui en le plus souffert ».</em></p>
<p>Cette offensive commerciale du cartel pharmaceutique va provoquer dans les territoires les plus affectés par la globalisation la catastrophe sanitaire que l’on sait. Elle va favoriser, notamment, le passage de nombre de patients à des consommations d’héroïne, puis aujourd’hui, de fentanyl, drogues distribuées par le <a href="https://www.noria-research.com/fr/no-more-opium-for-the-masses-2/">crime organisé d’origine mexicaine</a>.</p>
<p>Selon les données du NIDA (National Institute on Drug Abuse), qui remontent à 2017, le taux de mortalité aux opioïdes pour 100 000 habitants est, à l’exception de l’Iowa, largement supérieur à la moyenne nationale dans tous les États qui constituent la <em>Rust Belt</em> (voir tableau 1), la Virginie-Occidentale et l’Ohio étant les États américains où la mortalité est la plus importante.</p>
<p><em>Tableau 1 : Taux d’overdoses mortelles liées aux opioïdes en 2017 dans les États de la Rust Belt</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333788/original/file-20200509-49573-1h1ahtp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">National Institute on Drug Abuse (NIDA)</span></span>
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<p>Un nombre croissant de chercheurs américains s’intéressent aujourd’hui aux facteurs socio-économiques qui ont favorisé l’épidémie des opioïdes et, notamment, à l’impact du libre-échange et des fermetures d’usines. Ainsi, deux études publiées en 2019, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31309136">« Free Trade and opioid death in the United States »</a> et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31886844">« Association between Automotive Assembly Plant Closures ans Opioid Overdose Mortality in the United States »</a>, montrent qu’il existe une corrélation entre les pertes d’emplois liées aux délocalisations industrielles et l’augmentation significative des overdoses mortelles. Même si désormais, l’épidémie affecte aussi les grandes métropoles comme New York, elle constituerait en premier lieu une expression des souffrances physiques et psychologiques d’une partie des populations des régions en voie de désindustrialisation.</p>
<h2>Á qui profite le libre-échange ?</h2>
<p>Comme en Europe occidentale, ces populations ont été victimes d’un vaste processus de délocalisation des entreprises manufacturières vers le Mexique et l’Asie. Si entre 1965 et 2001, aux États-Unis, la baisse de l’emploi manufacturier n’était que relative, à partir du début des années 2000, période qui coïncide avec l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), elle est devenue absolue.</p>
<p>Avant même la crise dite des « subprimes », survenue en 2007 et 2008, l’emploi manufacturier avait <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/ou-en-sommes-nous-emmanuel-todd/9782021319002">baissé de 18 %</a>. Ce phénomène avait été précédé par le développement, à partir du début des années 1980, marqué par l’élection de Ronald Reagan, d’un néolibéralisme jamais vraiment démenti, lequel a favorisé à coups de baisses d’impôts massives destinées aux hauts revenus, une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/capital-et-ideologie-thomas-piketty/9782021448207">concentration des richesses jamais vue depuis les années 1920</a>.</p>
<p>On estime aujourd’hui que 1 % des Américains possèdent plus de 20 % de la richesse nationale, une proportion qui a doublé en vingt ans, tandis que le revenu médian des ménages a baissé tout au long des années 2000, manifestation d’un rapport de forces entre les différentes couches sociales défavorable aux plus modestes.</p>
<p>Entre 1999 et 2015, le revenu en dollars constants de la moitié des foyers américains est passé de 58 000 à 56 500 dollars. L’économiste démocrate Paul Krugman, dans un livre publié en 2008, bilan de l’ère néolibérale, qu’il espérait voir close par l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, symbolisait le cours suivi par la société américaine, par le passage d’un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/675">modèle symbolisé par « General Motors » à un autre représenté par « Walmart »</a>.</p>
<p>Alors que General Motors, le premier constructeur automobile américain, avec ses hauts salaires, son niveau élevé de couverture maladie, son fort taux de syndicalisation, incarne le fordisme des années 1960 et 1970, Walmart, la chaîne de grande distribution devenue la plus puissante entreprise américaine et mondiale, grâce notamment à l’importation de biens de consommation bas de gamme produits en Chine, illustre, avec ses bas salaires et sa politique anti-syndicale, la réalité de la situation d’une partie du salariat.</p>
<p>Au-delà des indicateurs d’ordre économique reflétant l’état de la société américaine, les évolutions démographiques sont particulièrement éloquentes. Entre 1999 et 2013, le taux de mortalité chez les hommes blancs de 45 à 54 ans habitant dans les comtés américains les <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aeri.20180396">plus touchés par la désindustrialisation</a> a connu une hausse sans équivalent dans les pays développés en temps de paix.</p>
<p>En croisant l’évolution de la mortalité avec le niveau éducatif, on constate que celle-ci est concentrée au sein de la population blanche ayant le plus faible niveau scolaire. Si le taux de mortalité est en augmentation de plus de 33 % dans la population blanche en général, il croît de plus de 134 % chez ceux ne disposant que d’un niveau d’éducation secondaire ou moindre (voir tableau 2). Entre 2014 et 2016, l’espérance de vie globale aux États-Unis a baissé de 78,9 ans à 78,7 ans.</p>
<p><em>Tableau 2 : L’évolution de la mortalité des 45-54 ans selon le niveau d’éducation</em></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333789/original/file-20200509-49542-11ebcjs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Todd, 2018</span></span>
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<h2>Des répercussions politiques</h2>
<p>La détresse d’une grande partie de la population américaine appartenant aux classes laborieuses n’est pas que sociale, mais également <a href="https://www.respadd.org/wp-content/uploads/2018/11/Actes23eRencontresRespadd.pdf">profondément politique</a>.</p>
<p>L’<a href="https://agone.org/elements/pourquoilespauvresvotentadroite/">historien Thomas Frank</a> a bien mis en évidence le fait que le parti démocrate avait délaissé sa base ouvrière traditionnelle au profit des minorités noires et hispaniques et des couches les plus diplômées des grandes aires métropolitaines, tout en se convertissant massivement au libre-échange. Ce phénomène s’exprime par le fait que la quasi-totalité des banlieues américaines, qui comptent plus de 50 % de diplômés du supérieur, votent pour le <a href="https://www.economist.com/united-states/2020/01/04/the-2020-presidential-election-will-be-decided-in-the-suburbs">parti démocrate</a>.</p>
<p>Le sentiment d’abandon par l’establishment démocrate qu’éprouvent une partie des classes populaires blanches, renforcé par les déclarations d’Hillary Clinton sur les <a href="https://time.com/4486502/hillary-clinton-basket-of-deplorables-transcript/">« déplorables »</a> pendant la campagne de 2016 et son refus d’une alliance avec Bernie Sanders, a favorisé l’élection de Donald Trump. Deux États de la « Rust Belt », qui semblaient solidement acquis aux Démocrates, le Michigan et le Wisconsin, ont basculé du côté républicain, de même que la Pennsylvanie et l’Ohio, deux « swing states » remportés en 2012 par le candidat démocrate Barack Obama et qui en 2016 ont donné la préférence au représentant du parti républicain.</p>
<p>L’État de l’Ohio a notamment offert à Trump une de ses plus larges victoires avec plus de 8 points d’avance. Si, au début de l’année 2020, les sondages, dans le sillage des succès démocrates aux élections de mi-mandat de 2018, laissaient entrevoir un retour de la Pennsylvanie, du Michigan et de l’Ohio dans l’escarcelle du parti démocrate, les marges sont si faibles qu’une nouvelle surprise n’est pas à exclure. Et cela, malgré la manière très erratique dont l’administration de Donald Trump gère <a href="https://www.economist.com/united-states/2020/04/11/the-white-house-v-covid-19">l’épidémie de Covid-19</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Gandilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aux États-Unis, les autorités sanitaires luttent contre deux épidémies, le Covid-19 et la crise des opioïdes. Avec le confinement, les cas d’overdoses d’opioïdes auraient nettement augmenté.Michel Gandilhon, Chargé d'enseignement, master de criminologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1348742020-03-29T17:18:01Z2020-03-29T17:18:01ZDe l’Europe à l’Amérique du Nord, la contagion du renforcement des frontières<p>Depuis quelques années, en réponse à chaque « crise » qui les affecte – attentats, narcotrafic, afflux de réfugiés, récession économique –, les États érigent leurs frontières en boucliers protecteurs. La crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui n’échappe pas à la règle : dans une réaction épidermique quasi instantanée, les pays ferment un à un leurs frontières. </p>
<p>Lorsque Michel Foucher parlait en 2016 du <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/le-retour-des-frontieres/">« Retour des Frontières »</a>, il ne se doutait peut-être pas qu’un retour d’une telle ampleur aurait lieu, surtout dans le monde occidental. Même si l’actuelle crise que nous traversons ne verra qu’un renforcement temporaire des lignes internationales, ce phénomène est si exceptionnel et si rapide qu’il mérite que l’on s’y attarde afin d’en analyser non seulement les modalités mais également les forces qui le sous-tendent.</p>
<h2>Union européenne : un modèle mis à mal ?</h2>
<p>Face à l’arrivée de l’épidémie, un resserrement graduel s’est effectué au sein de l’UE, les frontières « se ferm[a]nt les unes après les autres », comme l’a <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200314.OBS26039/face-au-coronavirus-plusieurs-pays-ferment-leurs-frontieres.html">titré récemment <em>L’Obs</em></a>. Dès le 30 janvier, après avoir identifié deux cas de coronavirus parmi des touristes chinois, l’Italie avait déjà annulé ses vols avec la Chine, le pays par lequel est arrivée l’épidémie. Puis, le 16 mars, l’Espagne a annoncé la fermeture de ses frontières terrestres alors que l’Allemagne a mis en place des contrôles accrus, ne laissant passer que les travailleurs frontaliers et les marchandises.</p>
<p>S’en est suivi un mouvement général, de nombreux pays cédant à cette contagion du renforcement frontalier : après la Hongrie, c’est la Norvège, la Pologne ou encore l’Autriche qui ont décidé de mettre en place un confinement territorial derrière leurs frontières nationales. Enfin, ajoutant sa pierre à l’édifice, l’UE, qui s’est construite sur un idéal de libre circulation des personnes, avec la mise en place des accords Schengen en 1995, s’est accordée mardi 17 mars sur une réponse commune : la fermeture de ses frontières externes.</p>
<h2>Amérique du Nord : le retour d’un réflexe autarcique</h2>
<p>Mais c’est d’Amérique du Nord que la réponse la plus radicale est venue. Du protectionnisme économique à la promesse de construction d’un mur pour faire face à l’immigration clandestine, Donald Trump est l’un des « champions » de la « refrontiérisation » (<em>rebordering</em>) un phénomène de renforcement des frontières qui est en jeu à travers le monde depuis près de 20 ans, remplaçant l’idéal d’un « monde sans frontières » qui avait émergé dans les années 1990 avec la chute du Mur de Berlin et de l’URSS.</p>
<p>Alors qu’il se refuse toujours d’appeler à un confinement total et qu’il souhaite même assouplir les mesures de distanciation sociales, le président américain n’a pas hésité à prendre des mesures radicales concernant les frontières états-uniennes, que ce soit celle avec le Mexique ou celle avec le Canada.</p>
<p>En effet, lors de la conférence de presse organisée vendredi 20 mars, la protection des frontières a été présentée comme la pierre angulaire de la réponse que l’administration Trump a déployée pour lutter contre la pandémie liée au coronavirus. L’allocution a duré près de 35 minutes et a vu se succéder plusieurs dignitaires américains dont le président lui-même ; plus de la moitié de leurs interventions ont été consacrées aux frontières. Ces dernières ont d’ailleurs été identifiées par Antony Fauci, immunologue américain et membre de la Task Force mise sur pied par la Maison Blanche pour lutter contre le coronavirus, comme « l’un des deux piliers dans la lutte contre la propagation du virus ».</p>
<p>Afin de faire face à ce qu’ils désignent comme le « virus chinois », Donald Trump, son secrétaire d’État Mike Pompeo et le secrétaire par intérim à la Sécurité intérieure, Chad Wolf, ont tous trois annoncé deux mesures exceptionnelles. Après avoir suspendu les vols avec l’UE le 14 mars, une semaine plus tard, ce sont les frontières nord-américaines que le gouvernement américain décide de verrouiller. Au terme de deux accords bilatéraux que le pays a conclus avec le Mexique et le Canada, « les voyages non essentiels » sont interdits, notamment pour les touristes et les consommateurs – deux catégories de personnes qui structurent les flux transfrontaliers entre les États-Unis ses voisins. Sont exemptés de ces restrictions les travailleurs frontaliers, les professionnels de la santé ainsi que les chauffeurs routiers. Au vu du degré d’intégration et des liens commerciaux qui lient les trois pays, le secrétaire d’État américain a toutefois assuré que cette mesure ne s’appliquerait pas aux échanges commerciaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Arche de la Paix, à la frontière Canada/États-Unis (entre Blaine, Washington, et Surrey, British Columbia) porte l’inscription « Que ces portes ne se ferment jamais ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Alexandre Beylier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La seconde mesure annoncée concerne les migrants clandestins qui traversent les frontières canadienne et mexicaine. En application de la section 362 du Public Service Act, le Center for Disease Control a interdit, à partir du 21 mars, l’entrée de ces derniers sur le territoire américain, arguant qu’ils constituent une « menace de santé publique ». Ceux-ci seront donc renvoyés dans leur pays d’origine sans aucune autre forme de procès. Bien que le Canada ait résisté, dans un premier temps, à adopter une mesure similaire, le premier ministre, Justin Trudeau, a <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/covid-19-la-frontiere-canado-americaine-est-officiellement-fermee-aux-migrants-207d3eb74983ec3f7a8143b23da133b5">annoncé</a>, vendredi 20 mars, avoir conclu un accord avec Washington afin de procéder de la même façon. Il a bien souligné que cette mesure répondait à des circonstances « exceptionnelles » et qu’elle restait en conformité avec « les valeurs canadiennes ».</p>
<p>Cette annonce intervient alors que le Canada voit, depuis plusieurs années, affluer à sa frontière <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/demandes-asile/demandes-asile-2017.html">plusieurs dizaines de milliers de personnes</a> – 20 593 en 2017, 19 419, en 2018 et 16 503 en 2019 – qui la traversent entre les points d’entrée officiels afin de pouvoir formuler une demande d’asile. En effet, en vertu de l’Accord sur les Pays Tiers Sûrs de 2002 (<a href="https://www.canada.ca/en/immigration-refugees-citizenship/corporate/mandate/policies-operational-instructions-agreements/agreements/safe-third-country-agreement.html">Safe Third Country Agreement</a>) – l’équivalent du protocole de Dublin en vigueur dans les pays de l’UE –, les demandeurs d’asile ne peuvent pas se présenter à la frontière s’ils viennent d’un pays « sûr » tels que les États-Unis. Contournant cet accord, ils se sont donc mis à traverser entre les points d’entrée officiels, principalement depuis l’élection de Justin Trudeau (2015) mais plus encore depuis l’élection de Donald Trump (2016) afin de <a href="https://journals.openedition.org/eccs/1414">trouver refuge au Canada</a> qui les a accueillis à bras ouverts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241178654270541830"}"></div></p>
<p>Enfin, pour renforcer ce verrouillage territorial, l’administration Trump a même envisagé, jeudi 26 mars, de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/trudeau-trump-border-coronavirus-1.5510853">déployer des soldats le long de sa frontière septentrionale</a> afin d’intercepter d’éventuels migrants. Si cette mesure ne sera vraisemblablement pas mise en œuvre, elle n’en fait pas moins écho à <a href="https://www.nationalguard.mil/News/Article/1487429/national-guard-troops-deploy-to-southern-us-border/">l’envoi de la Garde nationale en 2018 le long de la frontière Mexique/États-Unis</a> pour répondre à l’arrivée de « caravanes de migrants ».</p>
<h2>Une instrumentalisation des frontières</h2>
<p>Si les frontières nord-américaines se referment en réponse à la pandémie du coronavirus, la situation est aussi pour l’administration Trump l’occasion d’instrumentaliser de nouveau ces dernières et par là même l’un de ses sujets de prédilection : l’immigration.</p>
<p>Non seulement, ces sujets ont dominé la conférence de presse du 20 mars, mais Donald Trump et les membres de sa « Task Force » ont presque tous présenté les migrants clandestins comme une menace susceptible de « propager l’infection aux agents frontaliers, aux [autres] migrants et, plus largement, au public », Chad Wolf allant même jusqu’à dire qu’« une grande majorité d’entre eux présentaient des cas de coronavirus ».</p>
<p>Par ailleurs, l’argumentation était sous-tendue par des propos nationalistes selon lesquels les migrants engendreraient une pression sur le système de santé états-unien, voire le « paralyseraient » pour reprendre les mots de Donald Trump, « privant ainsi les citoyens américains de ressources dont ils ont besoin », une idée soulignée deux fois par le président américain ainsi que par le secrétaire à la Sécurité intérieure.</p>
<p>Enfin, tout cela n’est pas sans rappeler la rhétorique développée <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4124">dans le sillage du 11 septembre 2001</a> par l’administration Bush concernant les frontières nord-américaines. D’une part, le président américain a annoncé vendredi que les deux frontières seraient « traitées de façon égale », soulignant un phénomène de banalisation des frontières nord-américaines, qui est en jeu depuis 2001 avec la politique <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/one-face-border-it-working">« One face at the border »</a>. D’autre part, tout comme l’objectif des « frontières intelligentes » mises en place suite aux attentats de 2001 était de trouver un équilibre entre sécurité et facilitation des flux, l’administration Trump a assuré le 20 mars que la politique actuelle de fermeture des frontières aurait lieu « sans faire obstacle au commerce » transfrontalier qui sert de « fondement à l’économie [américaine] ».</p>
<h2>Quelle efficacité et quelles conséquences ?</h2>
<p>Il est trop tôt pour réfléchir aux conséquences que de telles mesures auront mais de nombreux spécialistes doutent de leur efficacité. Comme l’a souligné Pierre Haski sur France Inter, mardi 17 mars, l’Italie a été le premier pays à suspendre ses vols avec la Chine dès l’apparition des premiers cas, ce qui ne l’a pas empêché d’être le pays le plus touché par le virus. Car ce dernier était déjà là. Il en va de même pour les États-Unis. Alors que, dimanche 22 mars, le <em>New York Times</em> faisait déjà état de 24 380 personnes contaminées et de 340 morts aux États-Unis et que le pays devenait jeudi 26, le <a href="https://coronavirus.jhu.edu/map.html">pays le plus touché avec près de 83 000 cas</a>, la priorité devrait être le ralentissement de la propagation du virus à l’intérieur des États-Unis avant le renforcement des frontières qui apparaît comme un nouvel écran de fumée occultant la recherche de vraies solutions.</p>
<p>Si ces mesures de refrontiérisation sont si populaires ces dernières années, notamment au sein des partis de droite, voire d’extrême droite, c’est parce qu’elles permettent aux politiques de proposer une réponse visible – bien qu’imparfaite et souvent inefficace – aux problèmes auxquels les pays sont confrontés, leur permettant ainsi d’accumuler un capital politique auprès de populations qui adhèrent à cette instrumentalisation des frontières. Donald Trump l’a bien compris. Toutefois, si la crise sanitaire prend aux États-Unis des proportions inquiétantes qui rendraient l’épidémie impossible à enrayer, sa réélection en novembre prochain pourrait être compromise… et ce ne seront pas ses mesures de fermeture des frontières qui le sauveront. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Alexandre Beylier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au sein de l’UE comme aux États-Unis et au Canada, les gouvernements tendent à fermer les frontières pour bloquer la propagation de l’épidémie. Une réaction pour le moins discutable.Pierre-Alexandre Beylier, Maître de Conférences en civilisation nord-américaine, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1325672020-02-27T19:50:49Z2020-02-27T19:50:49ZCETA et Mercosur : pourquoi les agriculteurs vont continuer la lutte<p>L’année 2019 aura été marquée par une forte opposition des agriculteurs français et européens à deux importants traités de libre-échange : le <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-ceta.html">CETA</a>, passé avec le Canada (entré en vigueur en 2017 au sein de l’Union européenne et ratifié par les députés français en juillet 2019) et le <a href="https://ec.europa.eu/france/sites/france/files/mercosur_fr__0.pdf">Mercosur</a>, passé avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay (non encore ratifié au niveau européen). </p>
<p>Sans un sursaut de la politique agricole commune (PAC), il y a toutes les chances pour que cette mobilisation perdure. </p>
<h2>Investissements et surcoûts</h2>
<p>L’agriculture française est l’une des plus sûres au monde. Les normes sanitaires et environnementales imposées par le régulateur français et européen ont conduit les agriculteurs à développer des compétences et des comportements qui sécurisent la qualité de l’alimentation. </p>
<p>Ces normes poussent également à l’adoption d’usages souhaités toujours plus vertueux en matière de protection de l’environnement. Une simple comparaison des pratiques agricoles actuelles avec celles des années 1990 permet de prendre la mesure de ce saut qualitatif (abandon de certaines molécules, prise en compte de la biodiversité, qualité de l’alimentation du bétail, par exemple).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/317545/original/file-20200227-24701-129ti6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des pesticides autorisés ou interdits en fonction des pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBAMA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>On a souvent tendance à oublier que ces démarches d’amélioration ne se réalisent pas sans investissements ni surcoûts. La substitution d’une technique de production par une autre n’est pas qu’un simple changement d’habitude pour un agriculteur. C’est un investissement, un apprentissage et un risque nouveau qu’il faut apprendre à gérer. </p>
<p>On oublie aussi régulièrement que ces investissements et surcoûts sont très difficilement répercutés sur les prix, du fait de la structure et du fonctionnement des marchés des matières premières agricoles. Un agriculteur soucieux de l’environnement et de ses pratiques n’est pas un agriculteur mieux rémunéré. </p>
<p>Cette dure loi économique, que l’on retrouve dans le secteur agricole, porte le nom d’<a href="https://www.jstor.org/stable/3146915?seq=1#metadata_info_tab_contents">« effet tapis roulant »</a>. Elle a été introduite pour la première fois par l’économiste Willard Cochrane. </p>
<h2>« L’effet tapis roulant »</h2>
<p>Pour rester compétitifs et présents sur les marchés, les agriculteurs doivent procéder à des investissements et à l’incorporation de nouvelles technologies qui les rendent plus productifs. Cela engendre une plus grande disponibilité de denrées alimentaires commercialisées sur les marchés des matières premières et une baisse concomitante des prix. </p>
<p>Il faut alors procéder à de nouveaux investissements et à l’incorporation de nouvelles technologies pour rester sur le marché. On a, à l’arrivée, des agriculteurs toujours plus efficients mais faiblement rémunérés. Ils doivent toujours courir plus vite sur le tapis roulant sans que leurs situations économiques progressent pour autant. </p>
<p>Le même effet (tapis roulant) s’observe au niveau de la préservation de l’environnement. Les agriculteurs incorporent des normes environnementales toujours plus contraignantes sans jamais bénéficier d’augmentation des prix. </p>
<h2>L’UE en pleine contradiction</h2>
<p>La signature des traités CETA et Mercosur touche directement à cette question en faisant entrer sur le territoire européen et français des denrées alimentaires produites selon des normes bien moins strictes, voire tout simplement interdites aux agriculteurs hexagonaux : utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance, variétés issues de la transgénèse, farines animales, recours à certaines molécules chimiques…</p>
<p>Ces accords contribuent ainsi à déverser sur le marché français et européen des matières premières agricoles moins chères et produites dans des conditions peu soucieuses de l’environnement.</p>
<p>C’est cette réalité brutale qui a poussé les agriculteurs français et européens à descendre dans la rue afin de dénoncer une concurrence déloyale, réalisée au détriment de l’environnement et de leurs exploitations. </p>
<p>On le comprend bien, l’Europe envoie aujourd’hui un message contradictoire à ses agriculteurs, leur demandant de respecter des normes strictes tout en ouvrant ses portes à des produits bien moins contrôlés. Elle accélère de la sorte la vitesse de rotation du tapis roulant tout en augmentant les charges que doivent supporter les agriculteurs français. Ces derniers progressent de manière continue sur le respect de l’environnement sans que les marchés récompensent les efforts accomplis. </p>
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<figcaption><span class="caption">Accord UE-Mercosur, la colère des agriculteurs. (CNEWS/Youtube, juillet 2019)</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Actions anti-CETA des agriculteurs, les raisons de la colère. (Le Parisien/Youtube, août 2019)</span></figcaption>
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<h2>Les géants de l’agroalimentaire renforcés</h2>
<p>S’ils sont contestés par les agriculteurs, les traités CETA et Mercosur sont en revanche plébiscités par les industriels de l’agroalimentaire. Ces derniers y voient une possibilité d’accéder à de nouveaux marchés.</p>
<p>Lactalis, le géant français des produits laitiers qui vient de faire l’acquisition de la branche laitière Kraft Heinz au Canada, se montre ainsi <a href="https://www.lesechos.fr/2018/11/lactalis-avale-les-fromages-de-kraft-heinz-au-canada-998611">très enthousiaste</a> quant à la signature du CETA lui permettant de renforcer son positionnement concurrentiel.</p>
<p>Cette présence commerciale accrue des deux Amériques sur les marchés alimentaires mondiaux est ainsi présentée comme une véritable opportunité pour les agriculteurs français : selon les industriels de l’agroalimentaire, ils devraient pouvoir écouler leurs productions sur de nouveaux marchés. </p>
<p>Si pour certaines productions de niche, valorisant des savoir-faire et des terroirs, cette opportunité est réelle, dans une majorité des cas, l’ouverture ne bénéficiera que de manière très marginale aux agriculteurs. Elle risque en revanche d’avoir nombre d’effets négatifs. </p>
<p>L’approche du <a href="http://www.ipes-food.org/_img/upload/files/Concentration_FullReport.pdf">« too big to feed us »</a> (« trop gros pour nous nourrir »), développée par les économistes du laboratoire d’idées iPES Food, traduit bien l’état d’inquiétude.</p>
<h2>La main sur les prix et les volumes</h2>
<p>Les marchés alimentaires possèdent une structure oligopolistique : sur chaque secteur concerné (lait, viande, céréales), on note la présence d’acteurs de très grande taille qui ont un pouvoir de négociation déterminant face aux agriculteurs. </p>
<p>Les 10 plus grandes firmes de l’alimentaire contrôlent ainsi à elles seules 90 % des échanges. Et comme le montrent <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/1e40/d9f6c8e3377317f38f83aaa3f1371d322f63.pdf">les travaux de l’économiste C. Peter Timmer</a>, la concentration du secteur de la distribution ne fait que renforcer cette même dynamique chez les industriels de l’agroalimentaire ; seuls les plus gros acteurs d’envergure mondiale semblent pouvoir survivre.</p>
<p>Ces entreprises agroalimentaires géantes ont réussi à obtenir un pouvoir de marché sans précédent leur permettant d’imposer des prix, des volumes et des normes de productions aux agriculteurs.</p>
<p>Les <a href="https://hbr.org/1979/03/how-competitive-forces-shape-strategy">travaux de Mickael Porter</a> en économie industrielle éclairent cette augmentation du pouvoir de marché des industriels – qu’il définit comme la capacité qu’une entreprise développe pour obtenir des concessions sur les prix et les volumes en jeu dans les transactions avec ses fournisseurs. </p>
<h2>Les pièges d’une production standardisée</h2>
<p>Ce pouvoir de négociation est d’autant plus fort que les fournisseurs produisent des biens standards. On parle généralement de « commodités » pour décrire ce type de bien, produits et commercialisés selon des conditions homogènes et banalisées. </p>
<p>Le pouvoir de négociation de l’acheteur est également renforcé quand il représente une part importante du chiffre d’affaires de ses fournisseurs et que ces derniers ne peuvent pas facilement changer de partenaire commercial pour vendre leurs produits à des concurrents susceptibles de se montrer plus généreux. La plupart des agriculteurs français et européens se trouvent aujourd’hui embarqués dans de telles relations commerciales, dont on peut dégager trois grandes caractéristiques.</p>
<p>Tout d’abord, leurs productions sont banalisées, les consommateurs ne font plus la différence entre un lait produit en France, en Allemagne ou en Nouvelle-Zélande. Un industriel peut alors très facilement changer ses sources d’approvisionnement. </p>
<p>Ensuite, les agriculteurs livrent souvent 100 % de leur production à un seul industriel. L’arrêt des relations commerciales avec celui-ci signifiant l’arrêt et la disparition de son exploitation agricole.</p>
<p>Enfin, changer de partenaire commercial est souvent inenvisageable. La concentration des industriels de l’agroalimentaire rend impossible la contractualisation avec d’autres partenaires, à moins de délocaliser l’exploitation agricole.</p>
<p>Les traités CETA et Mercosur participent pleinement à cette dynamique de concentration des acteurs de l’agroalimentaire, renforçant leur pouvoir de marché face aux agriculteurs. </p>
<p>Ceux-ci deviennent ainsi toujours plus dépendants des industriels – de moins en moins nombreux et toujours plus puissants. Ces derniers peuvent alors imposer les prix, les volumes et avoir éventuellement recours à d’autres producteurs agricoles. </p>
<h2>Une PAC déboussolée</h2>
<p>Le refus de signer les traités CETA et du Mercosur est emblématique d’une inquiétude de la part des agriculteurs qui les perçoivent comme des moyens supplémentaires pour renforcer le pouvoir de marché des industriels à leurs dépends. </p>
<p>Ils ont pris conscience que la structure oligopolistique des marchés alimentaires et leurs modes de fonctionnement apportent des bénéfices très limités aux agriculteurs mais renforcent toujours un peu plus le pouvoir de marché des industriels.</p>
<p>Ces industriels sont devenus trop gros pour rémunérer les agriculteurs, car les relations commerciales sont totalement déséquilibrées. Ils ont acquis un pouvoir de marché qui leur permet de faire les prix et les volumes. Ils capturent une valeur économique qui ruisselle au compte-gouttes auprès des agriculteurs. Le CETA et le Mercosur sont perçus par eux comme en ensemble de mesures qui accélèrent la concentration des chaînes de valeur alimentaires et font d’eux les grands perdants.</p>
<p>La contestation des agriculteurs au sujet des traités de libre-échange CETA et Mercosur met en évidence les contradictions de la politique agricole commune. Ces contradictions sont de plus en visibles et difficilement supportables pour les agriculteurs français et européens qui multiplient les mouvements de contestation. </p>
<p>Reste à savoir si le <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">Pacte vert pour l’Europe</a>, que la nouvelle commission européenne souhaite mettre en place, va permettre de résoudre les atermoiements d’une PAC sérieusement déboussolée.</p>
<hr>
<p><em><a href="http://www.agriculture-strategies.eu/lequipe/">Frédéric Courleux</a>, directeur des études et des recherches au sein du laboratoire d’idées Agriculture stratégies est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132567/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ces accords de libre-échange accentuent le déséquilibre entre les différents acteurs des marchés agricoles mondialisés, aux dépends des agriculteurs.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1269822020-01-16T22:48:20Z2020-01-16T22:48:20ZSe saisir du numérique, un défi pour la littérature québécoise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310271/original/file-20200115-134820-b4w9yu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C9%2C1058%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l'album photos de Rhizome.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/productionsrhizome">Rhizome/Facebook</a></span></figcaption></figure><p>Si de nombreuses communautés de lecteurs telles que <a href="https://www.babelio.com/">Babelio</a> ou <a href="https://www.goodreads.com/">Goodreads</a> se sont constituées au fil de ces dernières années sur la Toile, les acteurs du milieu littéraire ne sont pas en reste. Alors qu’en France, la <a href="https://ligue.auteurs.pro/">ligue des auteurs professionnels</a> qui rassemble un collectif d’auteurs et une fédération d’organisations propose de penser les conditions de création et de militer en faveur d’un statut d’auteur, suite aux mouvements #payetonauteur et #auteurencolère, depuis cet automne, outre-Atlantique, une communauté inédite de pratiques s’esquisse au Québec, sous l’impulsion d’une structure atypique : <a href="https://www.productionsrhizome.org/fr/">Rhizome</a>, qui promeut le décloisonnement et le rayonnement de la littérature québécoise.</p>
<h2>Rhizome : des connexions aux interactions</h2>
<p>Fort d’une démarche originale nourrie par la recherche et l’innovation, <a href="https://www.productionsrhizome.org/fr/">l’organisme Rhizome</a> « générateur de projets interdisciplinaires » accompagne, depuis une vingtaine d’années, les auteur·e·s dans leurs projets et les encourage à se saisir de formes dites hors du livre allant des spectacles, aux œuvres numériques en passant par les performances ou les installations.</p>
<p>Sensible aux évolutions technologiques, Rhizome s’attache également à exploiter les possibilités qu’offrent l’environnement digital aussi bien dans ses productions que dans leur diffusion et dispose ainsi de ses propres éditions qui, outre un format papier, se déploient sur le web.</p>
<p>Les rencontres, collaborations et partenariats qui nourrissent et fortifient Rhizome l’amènent aujourd’hui à impulser une dynamique nouvelle avec le lancement d’une communauté de pratique consacrée à la place de la littérature québécoise en ligne.</p>
<p>Ce projet qui mobilise 13 acteurs représentatifs du milieu littéraire québécois entend mieux comprendre l’impact des technologies sur la « création, la diffusion et l’image de la littérature actuelle ».</p>
<h2>Penser la littérature ensemble</h2>
<p>L’idée est d’inviter les divers acteurs à se saisir des outils numériques, à des fins analytiques pour mieux investir et maîtriser cet environnement, tout en amorçant une réflexion autour des questionnements liés à la découvrabilité, la pérennisation, et la reconnaissance des œuvres papier, numériques, scéniques ou médiatiques.</p>
<p>Les échanges et rencontres doivent aussi permettre aux professionnels de travailler et d’unifier à la fois leur image et présence en ligne. Par ailleurs, l’adoption d’un plan d’action est en jeu, pour accroître l’efficacité digitale du milieu littéraire québécois, voire aboutir à l’instauration d’états généraux.</p>
<p>Animée par <a href="https://www.cvoyerleger.com/">Catherine Voyer-Léger</a>, lauréate du Prix littéraire Jacques-Poirier-Outaouais 2019 et blogueuse, la communauté se donne jusqu’à l’hiver 2020 pour atteindre les divers objectifs qu’elle se fixe. D’une part, il s’agira d’accorder une meilleure visibilité à la littérature québécoise sur le web et de dégager des stratégies qui permettront aux différents acteurs de réduire la charge de travail induite par les communications et leur gestion de l’espace numérique. Un autre volet devrait permettre au public de s’orienter plus aisément dans le repérage des contenus littéraires québécois sur les plates-formes et réseaux en améliorant leur présentation. Enfin, une autre visée du projet consiste à accroître la pertinence, la fiabilité et la mise à jour des informations relatives à la littérature québécoise en ligne.</p>
<h2>Le numérique, un enjeu prépondérant pour la culture québécoise</h2>
<p>Parfaitement conscient du tournant que représente le numérique, le Conseil des arts et des lettres du Québec s’était associé à la firme SOM dès 2011, dans le cadre du <a href="https://www.calq.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2016/05/calq_numerique20111111_rapportalon.pdf">projet @LON</a>, afin de mener à bien une enquête consacrée à l’utilisation des technologies par les artistes et écrivains en vue d’évaluer leurs besoins pour les prochaines années.</p>
<p>Les résultats obtenus ont révélé que ces derniers démontraient un intérêt grandissant pour celles-ci et envisageaient d’y avoir davantage recours :</p>
<ul>
<li><p>96 % affirmaient y faire appel au cours de leurs recherches,</p></li>
<li><p>92 % des répondants les jugeaient essentielles pour l’avenir de la culture québécoise, tandis que</p></li>
<li><p>51 % dénonçaient néanmoins leur aspect chronophage qui tend à réduire le temps dédié à la création.</p></li>
</ul>
<p>Enfin les sites web, blogs, réseaux sociaux bénéficiaient d’ores et déjà aux personnes interrogées et jouaient un rôle important dans la diffusion, la promotion et la valorisation de leurs œuvres.</p>
<p>Aujourd’hui le large éventail de mesures du <a href="http://culturenumerique.mcc.gouv.qc.ca/">plan culturel numérique du Québec</a> accompagne de mieux en mieux les libraires, bibliothécaires et éditeurs de même que l’ensemble des acteurs culturels face au digital.</p>
<h2>Une littérature impactée</h2>
<p>Ces préoccupations font écho aux profondes mutations qui sont actuellement à l’œuvre au sein du milieu littéraire francophone. En effet, des déplacements s’opèrent. Désormais, la littérature s’émancipe du livre et conquiert le public à travers des formes nouvelles qui vont jusqu’à investir l’espace numérique.</p>
<p>Les technologies ne sont donc pas sans effet sur les pratiques de lecture et d’écriture dont l’évolution s’est progressivement intensifiée et accélérée des deux côtés de l’Atlantique. Si le livre numérique <a href="https://www.sne.fr/actu/le-9eme-barometre-sofiasnesgdl-des-usages-du-livre-numerique-est-publie/">connaît une embellie en France</a>, au Québec son prêt en bibliothèque suscite un certain engouement. Selon les statistiques recueillies par l’entreprise De Marque, spécialisée dans la distribution de contenus culturels numériques, principalement des livres, les Québécois auraient emprunté <a href="https://www.demarque.com/7-millions-de-prets-de-livres-numeriques-enregistres-dans-les-bibliotheques-publiques-du-quebec/">plus de 7 millions d’ebooks en 2018</a> un bond de 40 % par rapport à l’année 2017. Mais les lecteurs ne sont pas les seuls à se laisser séduire.</p>
<p>De plus en plus d’auteurs osent le changement de support et n’hésitent plus à expérimenter les formes et écritures multiples que rassemble la littérature numérique. Alors que certains montrent un intérêt marqué pour la twittérature à l’image de <a href="https://twitter.com/jyfrechette?lang=fr">Jean‑Yves Fréchette</a>, directeur de l’Institut de twittérature comparée de Québec-Bordeaux, d’autres cherchent à éprouver les <a href="http://alain.salvatore.free.fr/">limites de l’hypertexte</a>, produisent des <a href="http://www.utc.fr/%7Ebouchard/detournement/menu.html">œuvres interactives</a>, ou conçoivent comme Stéphane Bataillon des <a href="https://www.stephanebataillon.com/suivre/">instapoèmes</a> pour ne citer que ces quelques exemples.</p>
<p>Dans cet espace, le texte s’ouvre, s’anime, s’enrichit d’une dimension multimédia. En d’autres termes, le numérique bouscule notre rapport à l’écriture, mais plus encore au langage, ce « matériau à partir duquel se construit la littérature » comme l’affirme Simon Dumas, poète et directeur artistique de Rhizome. C’est donc la littérature dans son ensemble, ainsi que sa représentation qui s’en trouvent, de fait, modifiées.</p>
<p>La création de cette communauté de pratiques intervient tandis que la littérature québécoise traverse une période d’effervescence et constitue un rempart contre les inquiétudes que peuvent éprouver les professionnels à l’égard du numérique, des craintes qui s’étaient déjà manifestées aux environs 2010 en particulier avec l’<a href="https://www.idboox.com/economie-du-livre/google-books-les-reactions-dans-le-monde/">arrivée de Google Books</a>.</p>
<p>Car si « les technologies viennent secouer le livre », comme le souligne très justement Simon Dumas « elles n’ambitionnent pas pour autant sa destruction », mais tentent plutôt d’entrer en résonance avec lui pour nouer un véritable dialogue, qu’il s’agit aujourd’hui d’étoffer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126982/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karen Cayrat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le numérique apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur pour la littérature ; au Québec, de nouvelles pratiques émergent sous l’impulsion d’une structure atypique, Rhizome.Karen Cayrat, Doctorante au CREM |SIC, Langue et Littérature françaises|Traductrice -interprète, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261232019-11-07T19:29:19Z2019-11-07T19:29:19ZFight for $15, le nouveau visage de l’action syndicale aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300446/original/file-20191106-12470-1vajyr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C55%2C2034%2C1305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La convergence des luttes, l'une des clés du succès du mouvement Fight for $15.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bob Simpson / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, le sentiment à l’égard des actions syndicales tend à osciller entre le rejet et l’indifférence, entre le ras-le-bol des <a href="https://actu.orange.fr/france/pecresse-les-usagers-pris-en-otage-par-la-greve-surprise-a-la-sncf-magic-CNT000001kjxZ7.html">« otages de la grève »</a> et le fait que, « désormais, quand il y a une grève, <a href="https://www.rtl.fr/actu/nicolas-sarkozy-quand-il-y-a-une-greve-personne-ne-s-en-apercoit-678157">personne ne s’en aperçoit</a> », selon la pique lancée en 2008 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. </p>
<p>La prévisibilité et la redondance des actions syndicales tendent ainsi à rendre inaudible le message et les raisons de la colère des salariés, ce qui se contribue à réduire le pouvoir des syndicats. Le renouvellement des pratiques de contestation apparaît donc comme un enjeu central pour la pérennité de leur mouvement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"974548265008951297"}"></div></p>
<p>Et si, pour relever ce défi, les syndicats français s’inspiraient de leurs homologues américains ? L’idée pourrait paraître saugrenue tant notre imaginaire collectif associe les États-Unis à un libéralisme débridé plutôt qu’aux luttes sociales… C’est pourtant bien à New York qu’est né en 2012 l’un des mouvements syndicaux les plus innovants et conquérants des dernières décennies, au point d’être qualifié par la presse américaine de <a href="http://inthesetimes.com/working/entry/18365/to_understand_the_power_of_fight_for_15_look_to_mcdonalds">prototype de syndicalisme du XXIᵉ siècle</a> : Fight for $15.</p>
<h2>La surprise, le spectaculaire et le vécu des salariés</h2>
<p>Piloté par la SEIU (<em>Service Employees International Union</em>), l’un des principaux syndicats américains, Fight for $15 vise à établir un salaire minimum de 15 dollars par heure (contre 7,62 dollars au niveau fédéral). Avec des victoires obtenues dans sept États et plusieurs entreprises, on estime que plus de 22 millions d’employés vont bénéficier d’une hausse de salaire, dont le montant annuel global dépasserait les <a href="https://www.nelp.org/publication/impact-fight-for-15-2018/">70 milliards de dollars</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1068261144312365056"}"></div></p>
<p>Trois caractéristiques saillantes du mouvement Fight for $15 ont contribué à son succès :</p>
<ul>
<li><p>une stratégie d’action basée sur la surprise et le spectaculaire ;</p></li>
<li><p>une méthode de communication centrée sur le vécu des salariés vulnérables ;</p></li>
<li><p>et une politique d’alliance large, englobant la société civile et les nouveaux mouvements sociaux.</p></li>
</ul>
<h2>Attirer l’attention des médias</h2>
<p>La première composante de la stratégie de Fight for $15 a été de déplacer le champ de bataille des lieux de travail vers l’arène médiatique. Si le mouvement n’a pas eu recours à des actions de grève classiques sur les lieux de travail, c’est tout simplement qu’il n’en avait pas la possibilité. Pour les salariés précaires et mal payés, initier une grève relève en effet de la gageure. Ni le droit du travail, <a href="https://www.kluwerlawonline.com/abstract.php?area=Journals&id=IJCL2019006">très contraignant aux États-Unis</a>, ni le <a href="https://www.researchgate.net/publication/292979093_Working_for_McDonald%E2%80%99s_in_Europe_The_Unequal_Struggle">système managérial hostile</a> – notamment dans le secteur du fast-food – ne les rendent envisageables.</p>
<p>Face à cette impossibilité, le mouvement a alors misé sur la multiplication de mobilisations qualifiées de « flash mobilisation » par les organisateurs (« mobilisations éclair »). Ces rassemblements avaient généralement pour but d’occuper un restaurant de fast-food pour une courte durée, afin d’éveiller l’intérêt des salariés et de susciter l’attention des médias et du grand public.</p>
<p>D’autres mises en scènes, telles que des flashmobs, organisées devant les restaurants par des groupes de soutien, ou des <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=1341250485905665">journées d’actions nationales</a> tous les 3 à 4 mois sont venues compléter le dispositif d’actions de Fight for $15.</p>
<p>Ce flot quasi continu d’actions locales a contribué à créer un mouvement d’ampleur nationale jouissant d’une forte visibilité, dans tous les médias.</p>
<p>Fight for $15 a ainsi mis en évidence qu’à l’heure de la connectivité et de la viralité, l’impact d’une action syndicale peut se compter au moins autant en nombre de « vues », de « like » et de « partages » qu’en nombre de journées de travail perdues pour grève ou de manque à gagner pour l’employeur en termes de chiffre d’affaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/Fightfor15/videos/1055518147812235/?v=1055518147812235">Capture d’écran de la vidéo « Why Derrell Fights for $15 » qui cumule plus d’1,2 millions de vues</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les salariés précaires au cœur du « storytelling »</h2>
<p>Le deuxième élément clef de la stratégie de Fight for $15 a été de placer le sort des salariés – et non celui des syndicats – au centre de leur communication.</p>
<p>Pour l’observateur français, la communication du mouvement est déroutante. Lors des manifestations, dans les messages sur Facebook ou sur Twitter, peu voire pas de trace de logos syndicaux. Devant les caméras, pas – ou très peu – de prise de paroles des leaders syndicaux. Dans les discours, peu voire pas de recours au traditionnel vocable syndical (capital, classe, exploitation, par exemple).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les logos des syndicats ne sont pas mis en avant sur les pancartes lors des manifestations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bobbosphere/26773450656/">Bob Simpson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En lieu et place, le mouvement Fight for $15 a mis en scène le vécu et les souffrances endurées par ces millions de travailleurs mal payés, en organisant leur propre prise de parole. Cette stratégie efficace de « storytelling » a largement facilité l’acceptabilité du message auprès du grand public. Comme l’a résumé un responsable des communications impliqué dans la mouvement :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très facile de critiquer une idée. Mais il est beaucoup plus <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/bjir.12482?af=R">difficile de critiquer le vécu d’une personne</a> en difficulté ».</p>
</blockquote>
<h2>Mobiliser la société civile</h2>
<p>Si en France, les syndicats se sont en grande partie tenus à l’écart – et ont été tenus à l’écart – d’initiatives telles que « Nuit debout » ou les « gilets jaunes », le mouvement Fight for $15 a, au contraire, fortement misé sur la convergence avec les autres mouvements de protestation qui ont émergé ces dernières années outre-Atlantique.</p>
<p>Il a tout d’abord repris le mot d’ordre d’<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/occupy-wall-street-ne-savoue-pas-vaincu-139014">Occupy Wall Street</a>, né en 2011 et qui proteste contre la mainmise des 1 % les plus nantis sur l’économie ; puis il s’est allié avec la mouvance <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-black-lives-matter_3583497.html">Black Lives Matter</a> qui dénonce depuis 2013 la surreprésentation des personnes issues de minorités parmi les travailleurs pauvres ; il a plus récemment fait cause commune avec <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metoo-45285">#MeToo</a>, le mouvement devenu mondial en 2017 et qui vise à lutter les violences à caractère sexuelles dont ces travailleurs peuvent être victimes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1191886786223624194"}"></div></p>
<p>Fight for $15 s’est donc appuyé sur un important réseau d’organisations militantes pour croître. Fort de moyens <a href="https://www.foxbusiness.com/politics/fight-for-15-fast-food-campaigns-suffering-funding-cut">financiers conséquents</a> mais d’une capacité limitée à atteindre les salariées très précaires, le syndicat derrière le mouvement a choisi de déléguer une partie du travail de terrain à des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0896920517745685">associations militantes locales</a>, dont les moyens tendent à être plus restreints mais qui bénéficient d’une grande proximité avec les populations fragiles.</p>
<h2>Un succès difficile à répliquer</h2>
<p>Le mouvement Fight for $15 apparaît donc comme une bouffée d’air frais pour le monde syndical et illustre comment une stratégie ambitieuse et innovante rend possible l’acquisition de nouveaux droits à grande échelle.</p>
<p>Néanmoins, aussi impressionnantes que soient ses victoires, elles sont loin d’être totales. Le mouvement n’a en effet pas permis de rééquilibrer durablement les relations employeurs-employées dans les milieux de travail précaires, car faute d’avoir réussi à syndiquer ces entreprises, le rapport de force reste localement largement à l’avantage du management.</p>
<p>Par ailleurs, si le mouvement fascine à l’étranger, il reste difficile de répliquer son succès n’est pas chose aisée. Les tentatives d’exportation du mouvement Fight for 15, y compris en France, se sont révélées pour le moment <a href="https://www.researchgate.net/publication/327650974_Lost_in_translation_la_delicate_importation_de_la_campagne_Fight_for_15_en_France">infructueuses</a>, en raison principalement de l’inertie des principaux acteurs syndicaux et de leurs divisions.</p>
<p>Ces difficultés rappellent alors que ce mouvement est la résultante d’un long processus d’évolution entamé il y a une trentaine d’années outre-Atlantique, guidée par la prise de conscience que sans changement significatif de son modèle, le syndicalisme états-unien pouvait disparaître.</p>
<hr>
<p><em>Cet article sur le travail de recherche : <a href="https://www.researchgate.net/publication/327650974_Lost_in_translation_la_delicate_importation_de_la_campagne_Fight_for_15_en_France">« Lost in translation : la délicate importation de la campagne Fight for 15 en France »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Né en 2012, ce mouvement est parvenu à augmenter le salaire minimum dans plusieurs États et entreprises sans recourir aux grèves classiques. Une inspiration pour le syndicalisme français ?Vincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalMarcos Barros, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Thibault Daudigeos, Professeur Associé au département Homme, Organisations et Société, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1260502019-10-31T18:36:32Z2019-10-31T18:36:32ZDu texte à l’espace public : les arts littéraires dans la rue à Québec<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299186/original/file-20191029-183116-9w01zp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2041%2C1508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Littérature exposée et contre-narration : « Ceci n’est pas une pub »</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, la création littéraire québécoise se distingue par la diffusion sur son territoire des arts littéraires. Ainsi apparaissent des œuvres hybrides et souvent expérimentales, qui recourent à de multiples pratiques transdisciplinaires centrées sur une dimension performative ou spectaculaire, à partir d’un travail esthétique sur la langue et d’une écriture qui combine les supports.</p>
<p>En cela, les arts littéraires sont proches d’une certaine tendance de la littérature contemporaine française qualifiée « hors du livre » <a href="https://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4.htm">par certains chercheurs</a> (Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel).</p>
<p>De manière plus générale, cette tendance s’inscrit dans le « tournant performatif » touchant à la fois le champ artistique et celui des sciences humaines et sociales (<a href="https://www.researchgate.net/publication/248991019_Performing_History_The_Importance_of_Occasions">Peter Burke</a>, <a href="https://trove.nla.gov.au/work/8187415?q&versionId=46260717">Elizabeth Bell</a>).</p>
<p>Les arts littéraires croisent les champs, transgressent les frontières artistiques et s’actualisent ainsi sous des formes variées. Poésie sonore, œuvres vidéo et numériques, lectures musicales, installations, performances participatives et expositions sont au rendez-vous. La littérature quitte le support livresque pour investir l’espace public : de nombreuses créations littéraires infiltrent l’espace de la rue, les façades d’immeubles, les trottoirs, tout en posant aussi la question des « faire avec l’espace » qui <a href="https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_2007_num_33_129_1527">rejoint certains enjeux de l’art contemporain</a> (Anne Volvey).</p>
<h2>Un festival-laboratoire</h2>
<p>Le festival « Québec en toutes lettres » s’impose depuis 2010 comme un laboratoire d’expérimentation novateur qui s’emploie à soutenir et à rendre visibles les arts littéraires dans leur diversité, comme le dispositif « Œuvres de chair » (2012) offrant au public un étonnant speed dating littéraire sous la forme d’un rendez-vous clandestin avec un écrivain dans l’intimité d’une chambre d’hôtel de la ville aménagée par l’auteur ou encore les « commandos poétiques » (2018) <a href="https://www.les-souffleurs.fr/pages-cach%C3%A9es/page-canada-2018/">du collectif les Souffleurs</a> qui chuchotent à l’oreille des passants des poèmes et brandissent au sommet des toits des écriteaux-poèmes afin de désenclaver la littérature.</p>
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<span class="caption">L’affiche du festival.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À l’occasion de son 10<sup>e</sup> anniversaire, le festival a lancé dans la ville une offensive littéraire axée sur la performance avec l’instauration d’une ambitieuse brigade de 40 créateurs investissant les rues et identifiables dans l’espace public grâce à leurs dossards orange, porte-voix et insignes. L’enjeu est d’infuser le terrain et de propager la littérature selon différentes formes (poèmes, contes, micro-récits, fragments, slams) en allant par équipe de 3 artistes au contact des passants dans quatre quartiers de la ville.</p>
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<p>Privilégiant le corporel, l’instantané et l’improvisation, cette littérature performée prend appui sur un enjeu physique et s’efforce d’effacer les frontières entre le privé et le public, mais aussi entre la vie quotidienne et la littérature.</p>
<p>Le livre n’est envisagé que comme un relais, sorte de partition pour la performance à venir. Il s’agit en effet d’une démarche interactive visant à aborder le public en lui proposant une courte lecture capable le temps d’un instant de le transporter dans un autre univers. Cette interpellation du public engendre des réactions diverses. Si certains refusent ou mettent en place des stratégies d’évitement, d’autres participent activement et prennent part à ce moment d’échange, dans l’interaction, en récitant en retour un texte aimé ou un poème de leur propre création parfois. À travers cette dynamique de partage et approche performative, les arts littéraires génèrent à la fois une expérience artistique, esthétique et culturelle éphémère et extraordinaire.</p>
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<span class="caption">Littérature exposée et contre-narration : « Ceci n’est pas une pub »</span>
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<h2>Détourner les valeurs marchandes et publicitaires</h2>
<p>Se saisissant de manière ludique de la critique du développement du capitalisme hyperindustriel et du consumérisme outrancier analysé notamment par l’écrivain et philosophe Bernard Stiegler, (<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2004/06/STIEGLER/11261">« Le désir asphyxié, ou comment l’industrie culturelle détruit l’individu »</a>, Le Monde diplomatique, juin 2004), le festival opère cette année un détournement des valeurs marchandes et publicitaires au profit d’un message désintéressé visant à démocratiser la littérature et à réfléchir sur la fabrication artificielle de nos désirs.</p>
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<span class="caption">Dans les vitrines du quartier Saint-Roch.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’événement intitulé « Ceci n’est pas une pub », mené en partenariat avec les libraires indépendants de Québec et les commerçants, invite actuellement le public à suivre une création dispersée dans plusieurs quartiers de la ville (Faubourg Saint-Jean, Montcalm, Saint-Roch et Vieux-Québec). Cette littérature exposée et fugace cherche à bousculer le quotidien des passants et à détourner les supports communicationnels habituels au sein de l’espace public durant quelques jours.</p>
<p>Ainsi, dans cet espace symbolique, correspondant selon Jürgen Habermas à l’expression d’un <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/espace-public/">« intérêt général partagé »</a>, se déploient des fragments poétiques inédits produits à cette occasion par 40 auteurs sur des banderoles géantes dans les rues, des graffitis poétiques à la craie sur les trottoirs, des affiches dans les vitrines de magasins, des ardoises dans les restaurants, des expositions extérieures de bandes dessinées sur présentoirs et de poèmes sur les grilles des jardins.</p>
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<span class="caption">Les textes investissent les grilles du cimetière St Matthew.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les œuvres ne sont pas conçues comme des objets mais plutôt comme une dynamique et un principe de prolifération. L’installation sonore s’infiltre aussi sur le territoire urbain grâce à la mise en place d’une dizaine de capsules audio diffusant les poèmes créés pour l’occasion au détour des rues (boîte aux lettres vocale), des librairies (bornes interactives) et des ascenseurs.</p>
<p>Cette littérature exposée se joue des usages instrumentaux de la narration soumise habituellement à des fins de stratégie communicationnelle et commerciale, afin d’activer un art de conter transmédial qui s’inscrit dans une visée esthétique interrogeant le citoyen, en écho avec la thématique porté par le festival sur les enjeux actuels liés à l’avenir de la vie sur Terre, les liens avec les territoires et la sauvegarde de la beauté du monde.</p>
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<span class="caption">La brigade poétique en action.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Philippe</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Culture expérentielle et médiations in situ</h2>
<p>Outre l’inscription territoriale, la manifestation « Ceci n’est pas une pub » intègre une « promenade accompagnée » par le biais d’une cartographie, sous la forme de cartels, signalant les rues de Québec investies. Dans une perspective dialogique et hybride, cette médiation culturelle in situ portant sur les arts littéraires met en jeu une pluralité d’acteurs et de lieux, tout en cherchant à renouveler les rapports entre l’individu et la littérature.</p>
<p>Partant de la Maison de la littérature, la déambulation menée sous la conduite d’un médiateur comprend quatre stations (rue St Jean, place d’Youville, jardin St Matthew, rue St Joseph) qui permettent de contextualiser le projet littéraire et la démarche, tout en lisant les créations exposées ou en activant les bornes des poèmes sonores. Cette expérience singulière et immersive, établie grâce à cette relation entre le sujet et l’œuvre exposée, invite les participants à se décentrer afin de s’immerger dans la poésie et d’expérimenter les émotions qui en découlent. Mais quel bilan au final du côté du public ?</p>
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<span class="caption">Dans un ascenseur, un poème sonore.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un public enthousiasmé</h2>
<p>Sur la quarantaine de personnes représentant un panel particulièrement hétérogène (genre, âge, profils professionnels…) et ayant assisté à cette « promenade accompagnée », nous avons pu, lors d’entretiens menés au cours de la déambulation, saisir l’intérêt de cette médiatisation des arts littéraires dans ce format spécifique. En effet, plusieurs participants ont souligné leur goût pour « une activité culturelle moins habituelle que les lectures musicales ou conférences d’auteurs durant les festivals », un « renouvellement du rapport à la littérature grâce à la promenade ». </p>
<p>D’autres ont insisté sur la possibilité offerte de vivre la poésie « comme une pratique collective encadrée permettant de mieux comprendre les œuvres, en étant guidé » et aussi « une pratique qui relie aux autres », « un moyen de partager ses émotions » face aux œuvres. Enfin pour certains : « un attrait pour les arts littéraires », « une façon de lutter contre les stéréotypes sur la poésie comme genre inaccessible », « un moyen de rendre accessible la culture ». Au final, un objectif de taille semble avoir été atteint à travers cette publicisation des arts littéraires, celui de démocratiser la littérature contemporaine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la suite du monde… un poème de Normand Baillargeon.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/126050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Bisenius-Penin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le festival « Québec en toutes lettres » s’impose depuis 2010 comme un laboratoire d’expérimentation novateur.Carole Bisenius-Penin, Maître de conférences Littérature contemporaine, CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1098202019-01-15T20:03:35Z2019-01-15T20:03:35ZTrump aurait-il pu construire son mur au Moyen Âge ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253711/original/file-20190114-43544-2aprls.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C980%2C637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Copie de la mappemonde d’Ebstorf, réalisée vers 1300, mais détruite dans un bombardement en 1943. Détail. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://landschaftsmuseum.de/Bilder/Ebstorf/Ebstorf-Lueneburg_ganz-2.jpg ">Site du Landschaft Museum</a></span></figcaption></figure><p>« Build that wall! ». Tel était le mot d’ordre de la campagne de Trump et il s’agit désormais d’un véritable <em>casus belli</em> dans la vie politique aux États-Unis : la <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20190105.OBS7999/mur-donald-trump-pret-a-ce-que-le-shutdown-dure-des-annees.html">construction d’un mur à la frontière avec le Mexique</a>, en vue de mettre fin à l’immigration. Souvent caricaturée, cette obsession du mur chez Trump semble pourtant être le symptôme plus général d’une rupture dans nos sociétés.</p>
<p>L’idéal occidental d’un monde sans frontières, voire d’un village mondial, semble avoir vécu. La mondialisation en crise a montré les limites d’un tel projet fondé sur un paradigme libéral et a suscité des mouvements de repli économique et identitaire. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/30/les-frontieres-reviennent-le-politique-aussi_4928990_3232.html">Ce « retour des frontières » étudié par le géographe Michel Foucher</a>, se retrouve évidemment à travers l’« America first » de Trump mais aussi, en Europe, avec la fermeture de l’Italie, dont le ministre de l’Intérieur, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Migrants-toujours-pas-de-solution-pour-49-migrants-au-large-de-Malte-2019-01-05-1300993374">Matteo Salvini, refuse tout accueil aux migrants</a>.</p>
<p>On ne s’étonnera pas qu’au Moyen Âge les formes et les conceptions des frontières divergent de celles d’aujourd’hui. Pourtant, il existait bel et bien des manières, parfois dignes de Trump, de fabriquer ou d’imposer des délimitations dans l’espace.</p>
<h2>Où se trouve la frontière médiévale ?</h2>
<p>La frontière cartographique fixe et rectiligne est un <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/FrontScient.htm">produit des époques moderne et contemporaine</a>, avec l’affirmation des États-Nations et la multiplication des processus de découpages territoriaux.</p>
<p>Pendant la majeure partie du Moyen Âge, la réalité est quelque peu différente. Avant de se penser comme « Français », « Anglais » ou « Allemands », les médiévaux d’Occident se considèrent en effet comme chrétiens. Dès lors, l’espace imaginé n’est pas découpé en États. <a href="http://classes.bnf.fr/ebstorf/repere/ind_map.htm">Les cartes médiévales, que l’on appelle « mappemondes »</a> représentent plutôt les grandes régions du monde avec leurs caractéristiques naturelles, mais aussi les principales villes, parmi lesquelles Rome, Constantinople ou Jérusalem constituaient de véritables centres du monde du fait de leur caractère sacré. Les frontières s’avèrent extrêmement floues et ce sont plutôt les différences sensibles – paysage visuel et sonore, langues et spécificités locales – qui marquent le passage d’un territoire à un autre.</p>
<p>Il faut attendre la fin du Moyen Âge pour que se mette en place l’idée de royaumes clairement distincts les uns des autres. Les souverains et leurs administrations s’appuient alors sur les éléments naturels afin de fixer des frontières. Dans le royaume de France ce processus commence avec Philippe Auguste (r. 1179-1223) puis s’accentue sous le règne de Philippe le Bel (r. 1285-1314) qui cherche à raffermir son contrôle sur l’espace et à en délimiter mieux les contours. Cela fait émerger progressivement l’idée d’un <a href="https://journals.openedition.org/medievales/7511">« royaume des quatre rivières »</a>, autrement dit, d’une France dont les limites à l’est sont dessinées par l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône.</p>
<p>D’ailleurs, sur les mappemondes médiévales, ce ne sont pas des lignes droites fixées arbitrairement par l’être humain qui marquent les frontières, mais bien plutôt les éléments naturels – fleuve, montagne, forêt – que l’on observe et qui constituent autant de points de repère dans l’espace. À leur tour, Louis XIV puis les révolutionnaires de 1789 reprennent ces marqueurs naturels pour construire la nation France telle que nous la connaissons. De même, la conception étatsunienne du territoire national va jusqu’au Rio Grande et peut ainsi servir d’argument pour le mur de Trump.</p>
<h2>« The wall just got ten feet higher »</h2>
<p>Si la frontière se trouve aux marges d’un pays ou d’un royaume, elle n’en retient pas moins l’intérêt des autorités en place. Au moment de la constitution de l’empire carolingien, à la fin du VIII<sup>e</sup> siècle, il devient ainsi stratégique pour Charlemagne de contrôler ses frontières, parallèlement à la mise en place d’une administration intérieure efficace. C’est l’émergence des « marches », en Bretagne, en Espagne ou encore en Bavière. Ces zones frontalières qu’il faut tenir face aux puissances voisines passent sous l’autorité d’un marquis, désigné directement par l’empereur. Par exemple, après avoir passé un certain temps à Ratisbonne, sur le Danube, dans les années 790, Charlemagne remet cette ville de Bavière à son beau-frère Gérold. Ce dernier est alors chargé de mener des attaques à l’est contre les Avars en vue d’imposer l’autorité impériale dans la région.</p>
<p>Face à cette nécessité de contrôler l’espace, les médiévaux pouvaient aussi marquer la frontière en élevant des fortifications ou bien en s’emparant de celles qui existaient déjà sur place. Toujours à l’époque carolingienne, les rois danois entreprennent la <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1553">construction du Danevirke</a>. Cette ligne de défense d’une trentaine de kilomètres située en Allemagne du nord permettait de contrôler une zone d’autant plus stratégique qu’elle était un carrefour commercial vers l’espace baltique.</p>
<p>Plus encore, ce dispositif évolua au cours du temps – d’abord composé de palissades de bois et de fossés, il fut dans les siècles suivants surélevé jusqu’à sept mètres et fortifié par un mur de briques. Enfin, son nom signifie « ouvrage des Danois » : ce mur a donc pour fonction de marquer concrètement et symboliquement la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/histoire-des-frontieres-34-echanges-et-confrontations-en-europe-viieme-xieme-les-frontieres">limite du territoire danois</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253709/original/file-20190114-43529-mudxd0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vestiges actuels du Danevirke.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Danevirke#/media/File:Danewerk.JPG">Joachim Müllerchen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Pas de territoire sans château</h2>
<p>À partir du milieu du Moyen Âge, ce sont les châteaux qui, sous des dimensions et architectures diverses, deviennent de grands marqueurs territoriaux. En 1184, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt envoie son fils Jean sans Terre, fraîchement adoubé, pour une expédition en Irlande afin d’y renforcer la présence royale face aux chefs locaux. Or, sur place, le jeune prince a pour principale action de construire des châteaux. À la différence de nos postes douaniers contemporains, ces derniers n’ont bien sûr pas vocation à créer une ligne infranchissable, sous contrôle anglais ; néanmoins, ils matérialisent la double progression de l’autorité du roi d’Angleterre et de la présence des colons anglais. D’ailleurs, en protestation contre cette avancée, les seigneurs gaéliques locaux n’hésitent pas à détruire plusieurs de ces édifices après le départ de Jean sans Terre.</p>
<p>Cependant, la question des châteaux comme marqueur frontalier s’avère complexe. Dans l’Orient latin qui met en contact chrétiens et musulmans, les châteaux construits ou conquis par les croisés ont pu être perçus comme une ligne de défense à tenir face aux tentatives de reconquête musulmane. C’est notamment une remarque de l’évêque Jacques de Vitry, au début du XIII<sup>e</sup> siècle, qui a pu conduire à une telle interprétation. Il raconte en effet que, par le passé, les croisés « firent construire des châteaux extrêmement forts et imprenables entre eux et leurs ennemis, à l’extrémité de leurs terres, pour défendre leurs frontières ». Toutefois, comme le montrent des recherches historiques récentes, plutôt qu’une ligne frontalière, les châteaux dans les zones de contact comme en Palestine constituent un réseau distribué sur l’ensemble d’une seigneurie pour affirmer sa présence et surveiller l’espace.</p>
<p>L’affirmation de l’autorité politique semble en partie passer par le contrôle des frontières. À la fin du XV<sup>e</sup> siècle, pour réaffirmer son pouvoir et protéger son royaume face aux ducs de Bourgogne, le roi de France Louis XI décide par exemple la construction de trois forteresses adaptées à l’artillerie, dont celle de Dijon avec ses murs de huit mètres d’épaisseur. Le fleuve de la Saône, limite naturelle, devient aussi une véritable ligne de places d’armes que Trump n’aurait sans doute pas reniée.</p>
<p>Pourtant, cette obsession des frontières ne doit pas cacher le fait que celles-ci demeurent irréductiblement insaisissables, quelle que soit l’époque, car ce sont des territoires à part entière où se jouent des phénomènes indépendamment du pouvoir central.</p>
<hr>
<p>Retrouvez l’auteur de cet article sur <a href="https://actuelmoyenage.wordpress.com/">le blog Actuel Moyen Âge</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109820/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Hasdenteufel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au Moyen Âge, comment fabriquait-on ou imposait-on des délimitations dans l’espace ?Simon Hasdenteufel, Doctorant en histoire médiévale, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1075532019-01-06T20:29:27Z2019-01-06T20:29:27ZAvec les « classes éloignées en réseau », les écoles rurales jouent collectif<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252475/original/file-20190104-32130-1hr4ou1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C4%2C997%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les écoles éloignées en réseau augmentent les échanges entre élèves.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Dans les petites écoles, il y a plein d’activités qui méritent d’être partagées », rappellent les élèves du village de Jenzat, dans l’Allier, au seuil du <a href="https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:parisdescartes+70005+session01/about#">MOOC sur les « classes éloignées en réseau »</a>, produit en 2018 par l’Université Sorbonne Paris-Cité. Voilà qui pourrait être la devise de ce dispositif inventé dans les années 2000 au Canada. Devant faire face aux besoins d’une multitude de petits établissements dispersés sur un vaste territoire, le Ministère québécois de l’Éducation s’est alors demandé comment profiter de l’essor du numérique pour assurer l’égalité des chances entre les élèves.</p>
<p>Et si, plutôt que de distribuer les mêmes ressources pédagogiques aux écoles, on les amenait à travailler ensemble pour s’enrichir de leurs différences ? C’est la vision de l’<a href="https://eer.qc.ca/">école en réseau</a> (ÉER) qu’a proposée le centre de transfert de connaissances sollicité, soit le <a href="https://cefrio.qc.ca/fr/">CEFRIO</a> (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication), après avoir fait appel au centre de recherche et d’intervention <a href="https://crires.ulaval.ca/">CRIRES</a> (Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire).</p>
<h2>Un dialogue entre les classes</h2>
<p>Une fois réglées les questions pratiques, de l’installation d’une bande passante suffisante à l’appropriation des modes d’emploi techniques par les intervenants, le numérique a bel et bien permis d’étoffer le cadre quotidien des élèves. D’abord, les enseignants ont pu mutualiser des contenus réalisés en commun (<a href="https://learningpolicyinstitute.org/product/effective-teacher-professional-development-report">Darling-Hammond, 2017</a> ; <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11251-014-9340-7#page-1">Voogt et coll., 2015</a>) et s’appuyer sur une équipe de soutien. Grâce à un système de vidéoconférence, ils la sollicitent pour un jumelage avec une ou d’autres classes, un conseil ou une vérification technique, un échange pédagogique, un projet à monter.</p>
<p>En effet, là où l’ÉER du Québec se démarque, c’est dans l’effort qu’elle met à placer les élèves d’écoles séparées par de grandes distances géographiques dans des échanges et créations de contenus, dont la co-élaboration de connaissances. S’appuyant sur la curiosité naturelle des élèves, il s’agit par exemple d’inciter une classe à formuler des questions essentielles, en sciences ou en histoire, par exemple, pour les soumettre à leurs camarades d’une autre école. Guidés par leur enseignant, ceux-ci devront alors mener une démarche d’enquête pour trouver des éléments expliquant comment les avions volent, ou pourquoi l’orthographe des mots change au fil des époques…</p>
<p>Puis, il leur faudra trouver les mots justes pour restituer leurs recherches à leurs correspondants. Le caractère dynamique de collaboration et de recherche qu’engendre l’ÉER donne à la notion de réseau son sens plein, <a href="https://aqep.org/wp-content/uploads/2018/06/Lecole-en-reseau.pdf">celui qui permet à chaque participant de confronter sa pensée à celle des autres</a>. Il s’agit de privilégier un avancement collectif d’un savoir, plutôt qu’un apprentissage individuel, au travers de l’élaboration d’un discours progressif, avec un recours constant à l’écriture.</p>
<h2>Du Québec aux écoles d’Auvergne</h2>
<p>Inspirée par l’expérience québécoise, consciente de la nécessité de trouver des solutions afin d’assurer la qualité de la formation lorsqu’un environnement d’apprentissage appauvri menace certaines écoles de village de fermeture (<a href="https://cefrio.qc.ca/media/1520/eer-rapport-synthese-2011.pdf">CEFRIO</a>, 2011, p. 7), l’<a href="http://www.ac-clermont.fr/action-educative/numerique-educatif/la-strategie-et-le-pilotage-academique/ecole-eloignee-en-reseau/">académie de Clermont</a> a décidé en 2016 de lancer une version auvergnate de l’école éloignée en réseau. En effet, l’académie, avec ses petites écoles de moyenne montagne, pouvait bénéficier de l’apport du numérique de manière similaire à ce qui avait été développé au Québec.</p>
<p>Dans un premier temps, des écoles se sont portées volontaires pour développer des projets incluant des outils numériques et travailler en réseau, autour de la géométrie ou d’apprentissages lexicaux notamment. En alternant des séances en classe et d’autres en ligne, <a href="http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article449">quatre classes ont ainsi travaillé sur « les verbes de parole »</a>, pour discuter ensemble de leurs définitions, explorer la palette de synonymes disponibles ou faire émerger les nuances entre des termes comme « marmonner » ou « ronchonner », par exemple.</p>
<p>Pour rendre visible à un large public (enseignants, parents, élus) des activités possibles entre élèves, nous avons lancé un MOOC en mai dernier. L’objectif était de faire l’expérience d’un dispositif ouvert entre classes d’écoles isolées et de réfléchir aux bénéfices et aux problèmes posés par la mise en place de travaux collectifs d’élèves via les réseaux, réactivant d’une certaine manière les correspondances de classe dans un contexte technologique contemporain.</p>
<h2>S’ouvrir à d’autres environnements</h2>
<p>D’abord, nous avons demandé aux élèves de présenter leur école. C’est ce qu’ont fait des élèves de <a href="https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:parisdescartes+70005+session01/about">Jenzat</a> pour le teaser du MOOC. Puis, toutes les classes ont conçu des énigmes pour les autres classes sous forme de texte (« Les cristaux que l’on peut retrouver dans l’eau d’érable ont-ils des formes similaires aux cristaux de neige ? »), d’images, de montage vidéo… À charge pour les autres de les résoudre.</p>
<p>En plus des activités robotiques (avec la présentation finale d’un ballet de robots et un concours), une galerie de photographies a été initiée, à partir de cette consigne : « Sur le chemin de ton école, choisis quelque chose de spécial que tu prendras en photo pour le montrer à tous les autres participants du MOOC ».</p>
<p>Le MOOC, visant un public international francophone, a réuni des classes de différentes régions de France, du Québec et de Tunisie. Outre les activités destinées aux classes et aux élèves, un espace a été dédié aux enseignants, aux formateurs, à l’équipe éducative des classes, ouvrant à des présentations et des discussions sur les différents sujets liés à l’école éloignée en réseau (collaboration, pédagogie de l’enquête, ergonomie cognitive…).</p>
<p>Si le MOOC réalisé est certainement un très bon pilote et permet de montrer ce qu’il est possible de faire (alors que beaucoup ont du mal à imaginer ce qui est possible), son succès est mitigé : une participation encore trop timide montrant la difficulté du terrain à prendre en main les opportunités offertes. Du temps semble encore nécessaire pour favoriser l’appropriation de dispositifs qui peuvent au démarrage compliquer la gestion scolaire.</p>
<h2>Des bilans très encourageants</h2>
<p>Avec le temps, revenant au Québec, les partenaires de l’ÉER ont élargi la nature des activités qui s’y déroulent (figure 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251917/original/file-20181221-103649-1kb168e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">image.</span>
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</figure>
<p>Des collaborations se mettent petit à petit en place en France, et une aide de la DNE (direction du numérique pour l’éducation) a été obtenue pour documenter le dispositif mis en place. Toutefois, il y a plus de recul pour l’opération québécoise. Si le principe de collaboration rompt avec la forme scolaire conventionnelle (un maître/une classe), il s’appuie sur des résultats de recherche qui démontrent, d’une part, l’intérêt qu’il y a à miser sur l’amélioration de la compréhension écrite pour la réussite scolaire et, d’autre part, la pertinence, à cette fin, du Knowledge Forum (KF)/Forum de co-élaboration de connaissances (FCC) – l’<a href="http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article234">outil d’écriture collaborative adapté à ces activités</a>.</p>
<p>Doublement constituée, l’école en réseau repose sur une relation dynamique entre technologie et agentivité. Ce sont les enseignants, agents autonomes, qui vont se saisir d’opportunités potentielles d’innovation, de nouvelles façons de structurer et de mettre en œuvre l’activité d’enseignement dans la communauté qui est la leur.</p>
<p>Dans son <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/ministere/PAN_Plan_action_VF.pdf">plan d’action numérique</a> (2018), le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a choisi de soutenir la poursuite du déploiement des écoles en réseau. Un exemple à suivre en France ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Bruillard a reçu des financements de la direction du numérique pour l'éducation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thérèse Laferrière a reçu des financements du Ministère de l'Éducation du Québec. </span></em></p>Fermer les petites écoles est-il la seule solution en zone rurale ? Initiative québécoise transposée en Auvergne, le dispositif des « classes éloignées en réseau » offre des alternatives.Eric Bruillard, Enseignant-chercheur, Université Paris CitéThérèse Laferrière, Professeure en sciences de l'éducation, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1071282019-01-03T00:22:15Z2019-01-03T00:22:15ZCensure, menaces et stress post-traumatique : le journalisme environnemental sous haute tension<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246825/original/file-20181122-182065-1fowu65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C0%2C5268%2C3380&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les journalistes qui couvrent les opérations d’activistes environnementaux, comme ici en Birmanie, sont régulièrement menacés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Myanmar-Lost-Forests/f751a16e1fb345cfbce7eec0655f7f97/40/0">Gemunu Amarasinghe/AP</a></span></figcaption></figure><p>Du meurtre du <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-45935823">journaliste Jamal Kashoggi</a> par des agents saoudiens à Istanbul en octobre dernier, aux tensions entre <a href="https://www.cnn.com/2018/11/07/media/trump-cnn-press-conference/index.html">Donald Trump</a> et un reporter de CNN à la Maison Blanche, les attaques envers les journalistes font régulièrement l’actualité. Mais cette situation dépasse largement la sphère politique.</p>
<p>Au sein du <a href="https://knightcenter.jrn.msu.edu/">Knight Center for Environmental Journalism</a>, à l’université du Michigan, nous formons des étudiants et des journalistes professionnels à enquêter sur l’état environnemental de la planète, à nos yeux le sujet le plus important de tous. Or ceux qui couvrent ces thématiques s’exposent à un risque accru de meurtre, d’arrestations, d’agressions, de menaces, d’exil, de poursuites judiciaires ou de harcèlement.</p>
<p>J’ai creusé cette problématique dans une <a href="http://knightcenter.jrn.msu.edu/wp-content/uploads/2018/08/AEJMC-In-the-Crosshairs-as-presented.pdf">récente étude</a>, en menant des interviews approfondies avec des journalistes des cinq continents ayant vécu de telles expériences. J’ai notamment abordé avec eux l’impact des attaques qu’ils avaient subies sur leur santé psychologique et leur carrière. Si certains avaient renoncé au journalisme, d’autres étaient sortis de ces épreuves plus décidés que jamais.</p>
<p>Couvrir les sujets environnementaux est l’un des exercices les plus périlleux du journalisme. Quarante reporters ont ainsi perdu la vie entre <a href="https://www.vanityfair.com/news/2016/09/one-of-the-most-dangerous-beats-in-journalism-revealed">2005 et 2016</a> pour avoir enquêté sur ces problèmes. C’est davantage que le nombre de journalistes tués lors des conflits entre les États-Unis et l’Afghanistan.</p>
<iframe src="https://e.issuu.com/anonymous-embed.html?u=rsf_webmaster&d=rapport_environnement_fr-1" width="100%" height="500" frameborder="0" allowfullscreen="true"></iframe>
<p><em>En 2015, Reporters sans frontières publiait un rapport sur la situation des journalistes environnementaux dans le monde.</em></p>
<h2>Dans le viseur</h2>
<p>Les controverses environnementales impliquent souvent de puissants intérêts économiques et commerciaux, des batailles politiques, des activités criminelles, des insurgés anti-gouvernementaux ou encore de la corruption. Dans de nombreux pays, d’autres facteurs peuvent rendre les distinctions entre « journaliste » et « activiste » ambiguës – notamment au sujet des luttes pour les droits des peuples indigènes à la terre et aux ressources naturelles.</p>
<p>Que ce soit dans les pays riches ou en développement, les journalistes qui couvrent ces questions deviennent une cible privilégiée. La plupart d’entre eux survit, mais beaucoup subissent de graves traumatismes qui affectent profondément leur carrière.</p>
<p>En 2013, Rodney Sieh, journaliste indépendant au Liberia, découvre ainsi l’implication d’un ancien ministre de l’agriculture dans une affaire de corruption : l’homme politique en question avait détourné des fonds censés être affectés à la lutte contre la maladie infectieuse et parasitique du ver de Guinée. Sieh est alors condamné à <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-45607713">5 000 ans de prison</a> et reçoit une amende d’1,6 million de dollars pour diffamation. Il est incarcéré pendant trois mois jusqu’à ce que l’indignation internationale fasse pression sur le gouvernement pour le libérer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"670997425708929024"}"></div></p>
<p>La même année, le reporter Miles Howe devait couvrir à New Brunswick (Canada) les manifestations de la Première nation Elsipotog – les « Premières nations » désignant au Canada les peuples autochtones, hors Inuits et métis – contre un projet d’extraction hydraulique de gaz naturel. Howe travaillait pour un média en ligne qui cherchait à mettre en lumière des histoires peu ou pas visibles dans la presse traditionnelle. Il se rappelle :</p>
<blockquote>
<p>« J’étais souvent le seul journaliste accrédité à être témoin d’arrestations violentes, par exemple une femme enceinte de trois mois menottée, ou des hommes plaqués au sol. »</p>
</blockquote>
<p>Howe a été arrêté à de <a href="https://www.vice.com/en_us/article/av4g7b/the-many-arrests-of-new-brunswick-journalist-miles-howe">multiples reprises</a> : au cours d’une manifestation, un membre de la Gendarmerie royale du Canada l’a pointé du doigt en criant : « Il est avec eux ! ». Son matériel a été saisi et la police a perquisitionné sa maison. Ils lui ont aussi proposé de l’argent en échange d’information sur les « événements » à venir – en d’autres termes, espionner les manifestants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/245472/original/file-20181114-194519-qrljvo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La liberté de la presse dans le monde a atteint un niveau particulièrement alarmant en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Impacts psychologiques</h2>
<p>Les rares études qui se sont penchées sur les attaques envers les journalistes montrent que ce type d’agressions peut avoir des conséquences durables, y compris sous forme de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01296612.2017.1374630?journalCode=rmea20">stress post-traumatiques</a> et des problèmes de dépression et de dépendance. Si certains journalistes réussissent à dépasser ces épreuves, d’autres plongent dans un état de peur ou culpabilisent pour avoir dû fuir en laissant derrière eux des proches ou des collègues.</p>
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<p>« De manière générale, les journalistes sont une tribu plutôt résiliente, m’a expliqué Bruce Shapiro, directeur général du <a href="https://dartcenter.org/">Dart Center for Journalism and Trauma</a> de l’université de Columbia. Leur taux de stress post-traumatique et de dépression oscille entre 13 et 15 %, un taux comparable à celui observé chez ceux qui dispensent les premiers secours. Les journalistes spécialisés sur les questions de justice sociale et d’environnement ont souvent un engagement dans leur mission et un niveau de compétences supérieurs à la moyenne. »</p>
</blockquote>
<p>Mais cette attitude peut se traduire par une réticence à chercher de l’aide. La plupart des journalistes que j’ai interviewés n’ont par exemple pas suivi de thérapie, souvent parce qu’ils n’ont pas trouvé de services disponibles ou à cause du machisme encore prégnant dans la profession. Gowri Ananthan, professeur à l’Institut pour la santé mentale du Sri Lanka, qualifie le journalisme de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01296612.2017.1379814?src=recsys&journalCode=rmea20">« profession dans le déni »</a>, même si quelques victimes reconnaissent en avoir payé le prix.</p>
<p>Miles Howe, par exemple, a souffert de sérieux problèmes psychologiques à la suite de ses arrestations. « Qu’est-ce que ça m’a fait ? Ça m’a mis en colère », confie-t-il. Le journaliste n’a pas suivi de thérapie jusqu’à ce qu’il abandonne la profession deux ans plus tard.</p>
<p>D’autres m’ont rapporté que leurs expériences avaient réaffirmé leur engagement dans leur mission d’informer. Rodney Sieh explique que son séjour en prison « a vraiment porté notre travail à un niveau international, que nous n’aurions jamais atteint si je n’avais pas été arrêté. Cela nous a rendus plus forts, plus grands, meilleurs. »</p>
<h2>Droits indigènes, éthique professionnelle</h2>
<p>Les controverses environnementales concernent régulièrement les droits des indigènes. En Amérique du Sud, notamment, les journalistes indigènes et les « ethno-communicateurs » jouent un rôle de plus en plus vital en dévoilant la <a href="https://cpj.org/blog/2018/10/how-brazils-ethno-communicators-are-helping-indige.php">vaste exploitation</a> de ressources naturelles, forêts et landes dont ces peuples autochtones sont victimes.</p>
<p>En dépit des codes professionnels qui exigent une couverture équilibrée et impartiale, certains journalistes peuvent se sentir obligés de prendre position. « Nous l’avons clairement vu à Standing Rock », raconte Tristan Ahtone, membre du conseil de la Native American Journalists Association (<a href="https://www.naja.com/">NAJA</a>), en référence aux manifestations de la Standing Rock Indian Reservation dans le Dakota du Nord contre l’installation d’un pipeline. « NAJA a dû diffuser des lignes directrices d’éthique pour les journalistes. Nous l’avons principalement constaté chez de jeunes reporters natifs qui étaient heureux de faire sauter les frontières éthiques. »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/245475/original/file-20181114-194503-1ys873t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des protestataires manifestent contre le gazoduc Dakota Access à Cannon Ball, dans le Dakota du Nord, 16 décembre 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Year-In-News-North-Dakota/3c0852e3c23d4328916357d5a99e57f5/23/0">David Goldman/AP</a></span>
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<h2>Meilleure formation et protection légale</h2>
<p>Beaucoup de ces questions appellent une recherche plus poussée. Comment ces expériences affectent-elles la manière dont les journalistes travaillent ? Comment gèrent-ils leurs sources, particulièrement si ces personnes sont en danger ? De quelle manière les éditeurs et directeurs de rédaction traitent leurs reporters en termes d’affectations, de placement des articles et de rémunération ?</p>
<p>Ces résultats interrogent aussi la façon dont les groupes de défense de la presse réussissent à protéger et défendre les journalistes environnementaux. À mes yeux, ces reporters devraient être plus nombreux à recevoir une formation à la sécurité, comme beaucoup de correspondants de guerre ou internationaux.</p>
<p>La pollution et la dégradation des ressources naturelles affectent tout le monde, mais tout particulièrement les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la société. Le fait que les journalistes qui couvrent ces questions soient si vulnérables est profondément inquiétant, leurs agresseurs agissant souvent en toute impunité.</p>
<p>Il n’y a eu ainsi aucune condamnation dans le meurtre, en 2017, de la journaliste radio colombienne <a href="https://www.telesurenglish.net/news/Unesco-Demands-Investigation-into-Murder-of-Efigenia-Vasquez-20171019-0001.html">Efigenia Vásquez Astudillo</a>, abattue alors qu’elle couvrait un mouvement indigène pour récupérer une terre ancestrale convertie en fermes, hôtels et plantations de sucre.</p>
<p>Comme le rappelle le <a href="https://committeetoprotectjournalists.tumblr.com/post/130754527279/murder-is-the-ultimate-form-of-censorship-cpjs">Comité pour la protection des journalistes</a>, « le meurtre est la forme ultime de la censure ».</p>
<p><br>
<em>Traduit de l’anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107128/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Freedman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Couvrir les sujets environnementaux est l’un des exercices les plus périlleux du journalisme. Entre 2005 et 2016, 40 reporters y ont laissé la vie.Eric Freedman, Professor of Journalism and Chair, Knight Center for Environmental Journalism, Michigan State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.