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Bruxelles – The Conversation
2021-01-12T19:45:48Z
tag:theconversation.com,2011:article/150199
2021-01-12T19:45:48Z
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Le Comité européen des régions en temps de Covid-19
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375163/original/file-20201215-15-xgvvl8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">default
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://cor.europa.eu/fr">© European Union/Nuno Rodrigues</a></span></figcaption></figure><p>Alors que de nombreux élus locaux (en France et dans les pays voisins) s’estiment lésés par les conséquences et la gestion de la crise sanitaire, il existe une institution européenne qui vise à rehausser le poids des contributions des édiles locaux et régionaux dans la fabrique des politiques publiques. Si le méconnu Comité des régions demeure une ressource mobilisable pour les élus au niveau européen, ses pouvoirs sont toutefois limités.</p>
<p>En place depuis 1994, le <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-committee-regions_fr">Comité des régions</a> est un organe consultatif de l’Union européenne, fondé comme une solution possible pour « démocratiser » davantage l’Union européenne. Il s’agit de revenir, à l’occasion de son rôle dans la gestion de la Covid-19, sur l’histoire – à tort ou à raison – de ce parent pauvre des institutions européennes.</p>
<h2>« L’opportunité » de la Covid-19 ?</h2>
<p>Le Comité a promptement réagi à la propagation de la pandémie, qui a profondément affecté les pays de l’UE au cours de l’année 2020. Puisque les <a href="https://cor.europa.eu/en/regions?view=stories">acteurs locaux</a> étaient en « première ligne » de la crise, le Comité a tenu à rappeler le rôle clé de ces acteurs dans la gestion publique de la pandémie, justifiant une gestion plus directe des fonds européens par les <a href="https://www.euractiv.fr/section/politique/news/committee-of-the-regions-warns-against-centralising-cohesion-policy/">collectivités locales</a>.</p>
<p><a href="https://cor.europa.eu/fr/our-work/Pages/EURegionalBarometer-2020.aspx">L’initiative</a> la plus marquante relève de la fabrique et de la publication, à partir d’octobre 2020, d’un « Baromètre des Régions et des Villes » annuel.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370066/original/file-20201118-17-18fxfky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Baromètre des Villes et des Régions, édition 2020.</span>
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<p>Un tel outil, qui fait penser aux baromètres de la <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2010-1-page-79.htm">Commission européenne</a>, agit comme une autre ressource de légitimation du Comité. En effet, le Baromètre qui repose sur une <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-1997-1-page-117.htm">enquête par sondage</a> auprès de 26 000 citoyens européens, lui permet d’affirmer haut et fort que les citoyens européens ont davantage confiance dans leurs <a href="https://cor.europa.eu/fr/our-work/Pages/EURegionalBarometer-2020.aspx">pouvoirs locaux</a> que dans les autorités européennes et nationales. Cela justifierait selon le Comité une implication encore plus directe des autorités locales et régionales dans la fabrique des politiques communautaires (comme sur le <a href="https://cor.europa.eu/en/engage/Pages/green-deal.aspx">Green Deal</a> par exemple).</p>
<h2>Une « institution » en quête de légitimation depuis sa création</h2>
<p>Plus fondamentalement, le Comité vise à associer les élus locaux et régionaux à la fabrique des décisions communautaires.</p>
<p>Il est obligatoirement saisi par la Commission européenne, seule institution européenne disposant formellement de l’initiative législative, pour un ensemble de domaines précisés par les Traités européens (principalement : transport, politique de cohésion, environnement, formation professionnelle/éducation, santé et culture). Le Comité des régions rend des avis non-contraignants, même si le Parlement et le Conseil (les deux institutions qui légifèrent sur la base de la proposition de la Commission) sont tenus d’en prendre connaissance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/piJsRqctHkg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comité européen des régions.</span></figcaption>
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<p>En quête de légitimation depuis sa création, le <a href="https://www.lesechos.fr/1994/03/jacques-blanc-president-du-comite-des-regions-877933">CDR</a> (ou du moins ses artisans institutionnels, ses agents administratifs, les élus qui y siègent) a toujours mis en avant sa plus grande légitimité « démocratique » au sein des institutions européennes, et particulièrement par rapport au Parlement européen pourtant élu au suffrage direct depuis 1979.</p>
<p>Et pour cause, les 350 membres du Comité provenant des 27 pays de l’Union sont des élus locaux : maires, conseillers municipaux, présidents de départements, conseillers départementaux, élus régionaux. Ils sont donc investis par des électeurs, responsables devant leur assemblée locale, et c’est à ce titre qu’ils siègent au sein du Comité des régions.</p>
<h2>Des élus triés sur le volet</h2>
<p>Toutefois, tous les élus locaux européens ne sont pas <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1023263X0501200103">conviés</a>. Les procédures de sélection des élus ayant droit de siéger au Comité varient selon les pays. Ce sont souvent les associations de collectivités qui proposent un ensemble de candidats à chaque gouvernement d’État, par exemple l’Association des Régions de France, l’Association des Départements de France et l’Association des Maires de France.</p>
<p>Au sein du Comité, qui s’apparente à un « mini-Parlement », les membres siègent dans l’une des six commissions thématiques (de l’économie aux relations extérieures, en passant par la politique de cohésion), au sein desquelles ils produisent des avis sur des propositions législatives émises par la Commission européenne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"854999500523540481"}"></div></p>
<p>Ces avis sont ensuite adoptés au niveau de l’assemblée plénière du Comité (en présence des 350), avant d’être remis au Parlement et au Conseil de l’Union européenne, les deux institutions qui votent les propositions législatives européennes. Au-delà des commissions, les membres sont tenus de s’affilier à un groupe politique (il en existe six) et se réunissent également parfois par délégation nationale.</p>
<h2>Imposer son opinion ?</h2>
<p>Les premières années du Comité des régions furent marquées par une importante production d’avis, à destination des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-5965.2012.02313.x">autres institutions</a>. Si le Comité rend des avis sur demande de la Commission, il se saisit aussi lui-même, sans qu’aucune institution ne le lui demande, afin de faire connaître son opinion sur diverses thématiques politiques. Par la pratique de l’auto-saisine, le CDR souhaite se faire une place dans le concert des institutions européennes.</p>
<p>De plus, le Comité lance, à partir de 2003, les « Open Days » (aujourd’hui Semaine européenne des Villes et des Régions), une sorte de forum durant lequel les bureaux de représentation régionale et autres acteurs locaux sont conviés à échanger et « réseauter » lors de séminaires, ateliers et événements.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370068/original/file-20201118-19-g543w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hémicycle du Comité des régions, à Bruxelles.</span>
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<p>Le lent processus d’accréditation du Comité ne tient pas qu’à son action propre. En effet, si les domaines d’intervention pour lesquels la Commission est tenue de consulter le CDR s’élargissent au fil des Traités – en 1997 (Amsterdam), en 2001 (Nice), en 2007 (Lisbonne) –, c’est notamment parce l’ensemble des États membres consentent à augmenter les prérogatives consultatives du CDR. Par ailleurs, il faut souligner le rôle de la Commission européenne qui, dès 1994, a toujours souhaité associer le Comité aux travaux législatifs relevant des compétences des collectivités, afin de bénéficier de son expertise dans la gestion des affaires locales.</p>
<p>Enfin, la mise en place d’un tel Comité répond au « déficit de légitimité démocratique » des institutions européennes, souvent <a href="https://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/democratic_deficit.html">pointé du doigt</a> par ses détracteurs. Le discours officiel de l’UE met désormais en valeur le fait que les Maires, élus locaux et régionaux sont désormais directement au cœur de la machine européenne. Le Comité, que les citoyens européens ne connaissent pratiquement pas, aurait pourtant contribué à « démocratiser » en partie les affaires européennes.</p>
<h2>Entre source d’expertise et pilote de la démocratie « participative »</h2>
<p>Depuis 2014, le Comité cherche de plus en plus à devenir <a href="https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/opinion/un-plan-de-communication-2015-2019-pour-reconnecter-l-europe-a-ses-citoyens/219938/">l’intermédiaire</a> institutionnel incontournable des citoyens avec l’UE. Cela passe par la multiplication des recommandations et des initiatives prises en son nom afin de promouvoir des dialogues directs avec les citoyens.</p>
<p>En effet, à l’instar de ce que la Commission organisait depuis 2012, à savoir des rencontres entre Commissaires et <a href="https://www.ceps.eu/ceps-publications/direct-democracy-eu-myth-citizens-union/">groupes de citoyens</a> dans certaines capitales européennes, le Comité va organiser ses propres « dialogues citoyens ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"962222603380260864"}"></div></p>
<p>Entre 2016 et 2019, ce ne sont pas moins de <a href="https://cor.europa.eu/ReflectingEU/Pages/map/map.aspx">180 rencontres</a> qui ont été organisées entre des membres du Comité et leurs concitoyens. La finalité de ces rencontres est surtout communicationnelle. Il s’agit davantage pour les membres du Comité d’afficher leur proximité avec les administrés de l’UE et leurs ancrages locaux, que de prôner la mise en place d’une démocratie radicalement directe. Toutefois, il est intéressant de souligner que le Comité des régions souhaite s’imposer comme le principal visage institutionnel de la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Aa30000">doctrine de légitimation</a> lancée par la Commission européenne dans les années 2000. C’est-à-dire devant le Comité economique et social européen qui chapeaute les <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/149/l-initiative-citoyenne-europeenne">initiatives citoyennes européennes</a>, ainsi que devant la Commission.</p>
<p>Par ailleurs, pendant le mandat de l’ancien président de la Commission Jean‑Claude Juncker (2014-2019), plusieurs éminents membres du Comité ont été invités à participer à une <em>task-force</em> (groupe de réflexion directement nommé par le Président Juncker) afin d’étudier la manière dont les institutions européennes pourraient « mieux légiférer » (plus efficacement), tout en associant plus directement les autorités régionales et locales aux politiques publiques européennes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370067/original/file-20201118-19-1uvlugx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De gauche à droite : Franz Timmermans (premier vice-président de la Commission Juncker), Jean‑Claude Juncker (président de la Commission entre 2014 et 2019), Karl-Heinz Lambertz (président du Comité des régions), lors de la remise du rapport de la task-force en 2018.</span>
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</figure>
<p>Dans la continuité des travaux de ce groupe de réflexion institutionnelle, le Comité des régions lance en 2018, avec la Commission, une <a href="https://cor.europa.eu/fr/our-work/Pages/network-of-regional-hubs.aspx">plateforme</a> intitulée <em>Regional Hubs</em>. Les Régions européennes qui y participent évaluent directement la mise en œuvre de politiques publiques européennes au niveau local, afin d’influencer la législation future.</p>
<p>Le Comité des régions a aussi cherché à peser de tout son poids dans le cycle des négociations pour le <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/eu-budget/long-term-eu-budget/eu-budget-2021-2027_fr">futur budget européen</a> (2021-2027), en demandant notamment un rehaussement de son propre budget et des enveloppes financières à destination des Régions et autres collectivités locales. Les prochains chantiers du Comité consisteront d’une part à associer ces dernières à la mise en place du « Green New Deal » européen, d’autre part à s’imposer dans l’organisation de la prochaine <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_89">conférence sur l’avenir de l’Europe</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Philippe Aldrin et de François Foret.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jessy Bailly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Qu’est-ce que le Comité européen des régions ? À quoi sert-il ? Quel rôle joue-t-il dans la gestion européenne de la « crise » de la Covid-19 ?
Jessy Bailly, Doctorant en Science Politique, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/152121
2020-12-27T22:38:56Z
2020-12-27T22:38:56Z
« Je t’aime, moi non plus » : La difficile relation entre les GAFAM et les États
<p>Fermeture du <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/01/09/fermeture-du-compte-twitter-de-donald-trump-le-bal-des-hypocrites_6065741_4408996.html">compte officiel</a> de Donald Trump par Twitter, guerre d’information et <a href="https://www.lefigaro.fr/international/sur-facebook-la-guerre-secrete-de-l-armee-francaise-en-centrafrique-20201216">d’influence</a> au Sahel pour Facebook, prise de position des réseaux sociaux <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/covid-19-twitter-veut-faire-supprimer-les-messages-trompeurs-sur-les-vaccins-20201217">contre les messages de désinformation</a> sur les vaccins : la place prépondérante qu’occupent les géants numériques dans les économies occidentales ne se calcule plus simplement en parts de marché.</p>
<p>Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) jouent désormais un <a href="https://www.palgrave.com/fr/book/9783030206833">rôle central dans notre espace public</a> – rôle qui confère à ces géants une influence qui dépasse celle des grandes entreprises classiques.</p>
<p>Ces dernières sont donc sous le radar des États qui n’hésitent pas à brandir la <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/gafam-les-etats-unis-menacent-de-demanteler-facebook-ou-google_4221863.html">menace du démantèlement</a>, comme dans le cas de Google ou de Facebook, face à des activités de plus en plus complexes à encadrer.</p>
<h2>Un rôle dans l’espace législatif</h2>
<p>La centralité de ces GAFAM pose en effet trois dilemmes que les régulateurs ont du mal à surmonter à l’heure actuelle.</p>
<p>D’abord, la nature de leur activité pourrait rendre obsolète l’arsenal à la disposition des régulateurs qui chercheraient à mieux encadrer leur activité.</p>
<p>Ensuite, quand bien même les régulateurs parviendraient-ils à encadrer l’activité des GAFAM, sauraient-ils le faire et pourraient-ils le faire sans réduire l’efficacité de ces entreprises ?</p>
<p>Car ce sont bien les effets d’échelle des GAFAM qui placent ces entreprises en position dominante. Mais contrairement aux entreprises leaders du passé, cette position dominante ne se traduit pas forcément par une hausse des prix, indicateur habituellement utilisé pour mesurer l’intérêt du consommateur qui, lui aussi, bénéficie de cette efficacité. C’est d’ailleurs le principal <a href="https://www.nytimes.com/2020/10/06/technology/congress-big-tech-monopoly-power.html">argument</a> avancé par ces mêmes géants devant la puissance publique américaine.</p>
<p>Enfin (et corollaire du précédent dilemme), ces géants du numérique pourraient présenter un risque systémique pour les économies européennes et américaines. En s’appuyant sur les nouvelles technologies, afin de le rendre le plus efficace possible.</p>
<p>Une multitude de fournisseurs et de consommateurs en dépendent par conséquent : près de 500 000 PME américaines dépendent d’Amazon aux États-Unis. La question du risque systémique que présentent ces géants est ainsi posée : sont-il devenus <a href="https://www.wsj.com/articles/too-complex-to-break-up-is-the-new-too-big-to-fail-11602302406">« trop grands pour faire faillite »</a> (« too big to fail ») ?</p>
<p>Ces trois dilemmes expliquent pourquoi la relation entre GAFAM et États s’avère souvent compliquée : les règles du jeu manquent parfois de clarté et l’objectif même du régulateur s’en trouve parfois faussé.</p>
<p>C’est peut-être pourquoi, en matière de régulation, Américains et Européens ont fait des choix radicalement différents.</p>
<h2>En Amérique, la menace de démantèlement</h2>
<p>Les autorités judiciaires américaines se sont souvent focalisées sur la taille des entreprises en question et sur leur capacité à limiter la concurrence sur les marchés.</p>
<p>Le pays a mis en place un dispositif conçu pour garantir le maintien de la concurrence dès la fin du XIX<sup>e</sup>, avec le Sherman Act de 1890, et au début du XX<sup>e</sup> siècle, avec le Clayton Act et la Federal Trade Commission Act de 1914.</p>
<p>Ce <a href="https://www.ftc.gov/tips-advice/competition-guidance/guide-antitrust-laws/antitrust-laws">dispositif</a> de lois « antitrust » constitue encore à ce jour le cadre légal dans lequel la loi de la concurrence s’exerce aux États-Unis.</p>
<p>Il vise notamment à interdire toutes les pratiques de concentration qui viseraient à restreindre l’activité économique, à bannir les pratiques de concurrence déloyale et à restreindre l’influence des entreprises qui pourraient occuper une place prépondérante dans le marché.</p>
<p>Dans le cadre de ce dispositif, la menace qui a souvent plané sur les entreprises visées par les plaintes des autorités de la régulation américaine est celle d’un démantèlement.</p>
<p>L’exemple historique le plus connu est sans doute celui de Standard Oil, ou alors, celui, plus récent, de <a href="https://hbsp.harvard.edu/product/P50-PDF-ENG?Ntt=microsoft+antitrust+case&itemFindingMethod=Search">Microsoft</a> (qui l’aura finalement évité).</p>
<p>Au cœur de cette approche réside l’idée qu’une entreprise dominante doit être démantelée afin que les nouvelles entreprises qui en naissent puissent se faire concurrence entre elles. C’est la première condition nécessaire à l’existence d’une concurrence dite <a href="https://ssrn.com/abstract=1496192">« pure et parfaite »</a> : celle de l’atomicité du marché qui garantit qu’aucune entreprise ne soit assez prépondérante pour avoir une quelconque influence sur les prix.</p>
<p>Mais l’approche comporte un inconvénient majeur : il suppose que la puissance publique devienne acteur d’un marché qu’elle prétend réguler – et peut se trouver ainsi juge et partie en démantelant une entreprise et en influençant, volontairement ou non, les motivations des autres acteurs, actuels ou futurs, du marché. L’un des dirigeants de Microsoft le soulignera <a href="https://hbsp.harvard.edu/product/P50-PDF-ENG?Ntt=microsoft+antitrust+case&itemFindingMethod=Search">lors du procès de 1999</a> : comment justifier le démantèlement d’une entreprise qui proposait des outils populaires et influents et qui avait pris toutes les bonnes décisions stratégiques ?</p>
<p>Contrairement à Standard Oil d’ailleurs, qui s’était développé grâce au rachat de concurrents, Microsoft avait d’ailleurs choisi la piste de la croissance organique, reposant sur le développement de ses activités. D’autres rajouteront également que le recul historique nous laisse penser que la décision de démanteler Microsoft aurait aussi pu profondément peser sur les décisions de jeunes entrepreneurs comme Elon Musk et Mark Zuckerberg.</p>
<p>À l’heure où le Département de la Justice américaine prépare son offensive contre deux autres géants, Google et Facebook, le <a href="https://www.thecasecentre.org/educators/products/view?id=125633">même débat pourrait se poser</a>. La position dominante de Google est plus facile à mesurer, mais comment démanteler une entreprise dominante sans biaiser les dynamiques de marché ?</p>
<h2>Europe : entre amende et régulation du business-model ?</h2>
<p><a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/history/1946-1959/1957_fr">Le traité européen de 1957</a> interdit à deux entreprises privées (ou plus) de chercher à restreindre l’activité économique ou à contrôler les prix.</p>
<p>Le traité limite ainsi les possibilités de fusions et d’acquisitions, réservant à la Commission européenne un droit de veto en la matière. La Commission européenne dispose également d’un pouvoir d’investigation. Elle peut ainsi infliger des amendes à des entreprises qui auraient violé les règles de concurrence ou pour punir l’abus de position dominante d’une entreprise.</p>
<p>Ainsi, Google, mais aussi Microsoft et le fabricant de microprocesseurs Intel, ont dû payer des <a href="https://www.nytimes.com/2018/07/18/business/dealbook/eu-antitrust-tech-stocks.html">amendes souvent impressionnantes</a> après avoir été accusés d’avoir profité de leur position dominante, d’avoir empêché la concurrence de se développer et d’avoir ainsi protéger, de manière artificielle et contre l’intérêt du consommateur, leur place de leader.</p>
<p>Mais ces amendes représentent une part tout à fait négligeable du chiffre d’affaires de ces géants du web : à titre d’exemple, en 2018, l’amende de 4,3 milliards d’euros qu’a infligée la Commission à Google représente moins de 4 % de son chiffre d’affaire, <a href="https://qz.com/1744038/why-antitrust-fines-arent-enough-to-rein-in-the-tech-giants/">soit une perte que le géant a pu combler en moins de deux semaines</a>.</p>
<p><a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32016R0679">Le règlement général sur la protection des données</a> (RGPD) que l’Union européenne a mis en place en mai 2018 peut potentiellement changer la donne.</p>
<p>Il oblige les géants du numérique à obtenir le consentement de l’utilisateur pour recueillir ses données privées. Les entreprises qui veulent pénétrer le marché européen doivent s’y conformer.</p>
<p>L’État de Californie, qui abrite la Silicon Valley, a adopté un <a href="https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billTextClient.xhtml?bill_id=201720180AB375">standard très proche</a>.</p>
<p>De même, <a href="https://phys.org/news/2019-05-year-eu-gdpr-global-standard.html">l’Australie et le Japon ont adopté des réglementations similaires</a>, Tokyo et Bruxelles trouvant même une opportunité de coopérer sur le terrain de la protection des données. Le règlement s’impose ainsi de plus en plus comme un standard international qui pourrait ainsi forcer une transformation partielle des business-model de ces géants américains (et un jour chinois) qui ne peuvent se priver de ces marchés. Il faut cependant noter que le dispositif actuel n’est pas encore en mesure de pleinement imposer cette transformation et exigera des mises à jour à venir.</p>
<h2>Rendre les marchés « contestables »</h2>
<p><a href="https://www-jstor-org.ezproxy.hec.fr/stable/1808145?seq=1#metadata_info_tab_contents">Développée</a> par l’économiste William Baumol, puis formalisée par les prix « Nobel » d’Économie Eric Maskin et Jean Tirole en <a href="https://www-jstor-org.ezproxy.hec.fr/stable/2938208?seq=1#metadata_info_tab_contents">1990</a> puis en <a href="https://www-jstor-org.ezproxy.hec.fr/stable/2951674?seq=1#metadata_info_tab_contents">1992</a>, l’idée des marchés contestables suggère que l’on peut forcer une entreprise dominante à se comporter comme si elle faisait face à une véritable concurrence, en laissant planer l’ombre d’une possible émergence de concurrents demain.</p>
<p>Dans la mesure où l’entreprise craindrait la concurrence demain, sa capacité et sa volonté d’augmenter ses prix ou de se comporter de manière abusive vis-à-vis des autres parties prenantes du marché seraient ainsi limitées. Le marché contestable exige une absence de barrière à l’entrée et de barrière à la sortie (qui ne serait qu’une barrière à l’entrée déguisée) – et donc l’existence d’une entreprise qui pourrait venir défier le leader dominant.</p>
<p>En théorie, l’absence de barrières et l’existence de ce challengeur potentiel constitueraient une pression suffisante pour pousser le leader du marché à se comporter comme s’il était sur un marché autrement plus concurrentiel.</p>
<p>Rendre le marché des GAFAM « contestable » constitue ainsi une alternative intéressante tant elle pourrait réduire l’empreinte de la puissance publique dans les dynamiques de marché : faire en sorte que les marchés de ces géants deviennent contestables en les ouvrant le plus possible à des concurrents de l’extérieur en réduisant les barrières à l’entrée. Dans cette configuration, la puissance publique ne serait pas celle qui choisirait les vainqueurs et les perdants de par son action. Elle ne ferait qu’assurer le bon fonctionnement du marché qui déciderait de l’issue des dynamiques concurrentielles.</p>
<h2>L’ombre de la Chine</h2>
<p>La création de marchés contestables fait l’objet de débat tant la mise en pratique peut s’avérer <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwj0gZukubHtAhVSyoUKHR0ADoQQFjAEegQIBRAC&url=https%3A%2F%2Fec.europa.eu%2Fcompetition%2Fpublications%2Freports%2Fkd0419345enn.pdf&usg=AOvVaw3TRuDQFao0ERJIAqEtdAbG">problématique</a> compte tenu de l’importance des écosystèmes numériques, qui limite la possibilité de passer d’un fournisseur numérique à un autre, et des effets de réseau.</p>
<p>Il faut aussi noter que dans le contexte actuel dans lequel le protectionnisme pourrait devenir l’outil de préférence des puissances publiques, non seulement sur le plan du commerce international mais aussi <a href="https://www.axios.com/tech-is-learning-that-everything-is-politics-c8606899-2ff3-43ee-a0f7-211455133872.html">sur le plan du contrôle des entreprises numériques</a>, comme le montre l’exemple de TikTok, ouvrir le marché à la concurrence n’est pas l’option que favorisent les États à l’heure actuelle.</p>
<p>Pourtant, l’idée n’est pas sans valeur, car elle pose deux questions fondamentales sur l’absence de concurrence dont jouissent les GAFAM pour le bon fonctionnement de l’économie numérique de demain.</p>
<p>En effet, <a href="https://www.nytimes.com/2020/02/19/business/europe-digital-economy.html">l’incapacité des pays européens à produire leurs propres géants du numérique</a> devient pesante dans ce contexte. Cette absence de concurrence, qui aurait pu réduire de manière considérable la centralité des GAFAM, pèse énormément dans les réglementations telles qu’elles sont établies aujourd’hui.</p>
<p>Les autres candidats pourraient venir de la Chine et de ses BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Les réserves qu’éprouvent tant les opinions publiques que les pouvoirs publics à l’égard de Pékin empêchent cependant les BATX de jouer ce rôle à l’heure actuelle. Leur transformation et leur respect du droit européen, et plus généralement des réglementations occidentales, confèreraient à ces géants un rôle fondamental demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La difficulté des législateurs à encadrer les GAFAM repose sur deux dilemmes : leur taille et le risque de nuire à l’efficacité de leurs services.
Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/121056
2019-07-26T15:30:09Z
2019-07-26T15:30:09Z
« Mini-bots », quand l’Italie agite le chiffon rouge monétaire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285821/original/file-20190726-43104-1jeui8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C991%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mini-bots ressemblent avant tout à une provocation du gouvernement Salvini envers Bruxelles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Stefano Guidi / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Fin mai, le <a href="https://www.ilsole24ore.com/art/mini-bond-camera-si-bipartisan-moneta-parallela-contro-l-euro-mef-non-necessari--ACfYwyK">parlement italien a approuvé une motion</a> ouvrant la voie à l’émission de « mini-bots », des bons du Trésor de faible montant et sans date de remboursement, dont l’objectif premier serait de payer les arriérés de paiement de l’administration publique envers les entreprises privées.</p>
<p>Cette idée, promue par Claudio Borghi, l’un des économistes en chef de la Ligue, le parti d’extrême droite ministre de l'intérieur Matteo Salvini, n’est pas nouvelle. Elle a été relancée juste après le scrutin européen qui a vu la Ligue <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/26/elections-europeennes-2019-en-italie-la-ligue-de-matteo-salvini-arrive-en-tete_5467711_3210.html">arriver en tête</a> dans la péninsule. Faut-il donc y voir une provocation de plus du gouvernement italien pour montrer qu’il n’est pas disposé à se laisser dicter son comportement par Bruxelles, quitte à aller jusqu’à la sortie de l’euro après la <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/dette-deficit-l-italie-dans-le-collimateur-de-la-commission-europeenne-20190605">menace de sanction</a> pour déficit excessif ? Le peu de chances de voir cette initiative couronnée de succès le laisse en tout cas penser…</p>
<h2>Les entreprises n’en veulent pas</h2>
<p>En effet, les mini-bots pourraient circuler comme monnaie à la condition essentielle qu’elle soit acceptée par ceux que l’administration publique entend payer. C’est apparemment loin d’être le cas. Selon une <a href="https://www.ilsole24ore.com/art/mini-bot-10-no-imprese-moneta-parallela-ACMYjAR">enquête de la Confindustria</a>, le Medef italien, les entreprises seraient les premières à ne pas en vouloir. Il paraît difficilement envisageable que ces dernières acceptent indifféremment les mini-bots au même titre que des euros, car cet instrument ne serait pas considéré comme de la monnaie légale au sens de la Banque centrale européenne. Le président <a href="https://www.ft.com/content/9930319c-890d-11e9-a028-86cea8523dc2">Mario Draghi a été clair</a> sur ce point : la seule monnaie à cours légal est la monnaie émise par la BCE, donc l’euro. Les mini-bots représenteraient avant tout de la dette italienne, ce qui les rend peu attractifs pour les entreprises compte tenu du <a href="https://economic-research.bnpparibas.com/Views/EcoTvPublicationDetail.aspx?Lang=fr-FR&typevideo=chapter&id=29381">risque souverain</a> de la dette italienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285825/original/file-20190726-43109-10jguq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la BCE, la seule monnaie à cours légal reste l’euro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Miqu77/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Diverses formes de monnaie sans cours légal circulent déjà aujourd’hui en Italie : des cryptomonnaies, comme le bitcoin, ou des monnaies locales. Ces instruments monétaires sont librement acceptés par les acheteurs et vendeurs lors d’une transaction. L’absence de cours légal, qui n’entrave ni leur circulation ni leur diffusion, empêche toutefois de l’imposer dans les transactions. L’administration publique ne pourra ainsi pas forcer les entreprises à les accepter en paiement. Par exemple, ces monnaies sans cours ne permettent pas de régler ses impôts puisque le créancier, l’État, peut les refuser. Encore une raison qui n’incite pas à privilégier les mini-bots à l’euro.</p>
<h2>La mauvaise monnaie ne chasse pas la bonne</h2>
<p>En théorie, l’intérêt de ces derniers réside dans la capacité de l’État italien de court-circuiter le marché en réglant directement les entreprises avec de la dette. C’est intéressant tant que l’État peut, par ce biais, placer plus facilement et à un meilleur taux sa dette et/ou si les entreprises ont un besoin pressant de liquidités, ce qui est aujourd’hui <a href="https://www.ilsole24ore.com/art/mini-bot-10-no-imprese-moneta-parallela-ACMYjAR">moins le cas qu’auparavant</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=701&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=701&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285822/original/file-20190726-43145-98n7bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=701&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le besoin de liquidités des entreprises italiennes revient à son niveau d’avant-crise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.confindustria.it/home/centro-studi/temi-di-ricerca/valutazione-delle-politiche-pubbliche/tutti/dettaglio/Questions-and-answers-on-Minibot">Centro Studi Confindustria (Juin 2019).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En réalité, l’émission mini-bots n’a d’intérêt que lorsque l’État a le moyen de les imposer dans les paiements grâce au cours légal. En outre, l’urgence des italienne est moins grave aujourd’hui qu’elle n’a pu l’être par le passé – 53 milliards d’euros aujourd’hui (environ 3 % du PIB) contre 90 milliards en 2012 (environ (5,5 %).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285823/original/file-20190726-43126-dx3so4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les arriérés des paiements de l’administration publique en baisse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.confindustria.it/home/centro-studi/temi-di-ricerca/valutazione-delle-politiche-pubbliche/tutti/dettaglio/Questions-and-answers-on-Minibot">Centro Studi Confindustria (Juin 2019).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le cas des mini-bots apparaît ainsi comme un beau contre-exemple de la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/loi-de-gresham/00068031">loi de Gresham</a> qui veut que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Les mini-bots n’ont que peu de chances de s’imposer et de « chasser » l’euro. Ceci étant, le vote de la motion approuvant la création des mini-bots a eu au moins un impact certain, celui de peser sur le rendement de la dette italienne. Pour un pays dont la dette publique approche les 135 % du PIB, 400 milliards d’euros à lever par an et une charge d’intérêt de 65 milliards d’euros, il paraît peu judicieux d’inquiéter les investisseurs à l’heure où il est déjà sous le coup d’une procédure de sanction pour déficit excessif. Dans ces conditions, on ne voit vraiment pas l’intérêt, outre agiter un chiffon rouge politique dans le duel politique entre le gouvernement Salvini et Bruxelles, que représente l’émission de ces mini-bots.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Janson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le gouvernement Salvini envisage de lancer des « mini bons » du Trésor pour faciliter les remboursements de l’État envers les entreprises privées. Une manœuvre au succès pourtant plus qu’incertain…
Nathalie Janson, Économiste & enseignante-chercheure, Neoma Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/115725
2019-04-19T10:11:55Z
2019-04-19T10:11:55Z
Projet européen coLAB : les réfugiés partagent leurs savoirs à l’université
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270032/original/file-20190418-28113-1reka40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C32%2C2737%2C1669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les porteurs du projet coLAB, une initiative croisant travail d'équipe local et dialogue européen.</span> <span class="attribution"><span class="source">Université Clermont Auvergne</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la crise des réfugiés occupe régulièrement les premières pages des journaux et des magazines d’actualité <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211695817302295">depuis quelques années</a>, un rapport du Conseil de l’Europe décrit des réactions d’hostilité et de méfiance vis-à-vis des réfugiés et des migrants, parfois plus prononcées dans certains pays européens (<a href="https://edoc.coe.int/fr/rfugis/7366-couverture-mediatique-de-la-crise-des-refugies-perspective-europeenne.html">Georgiou et Zaborowski, 2017</a>).</p>
<p>Pour de nombreux citoyens, les réfugiés sont des individus dans le besoin. Et bien entendu, dans une certaine limite, ils le sont, mais leur identité est loin de se réduire à cette situation. Ils ont également des compétences et une expertise qu’ils peuvent partager avec la société d’accueil.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’avec trois autres établissements d’enseignement supérieur – l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales à Bruxelles (Belgique), le London College of Communication à Londres (Royaume-Uni) et la Libera Università Maria Ss. Assunta à Rome (Italie) – l’Université Clermont Auvergne a réfléchi à une manière originale de contribuer à l’intégration des réfugiés dans la société.</p>
<h2>Une réflexion collective</h2>
<p>C’est ainsi qu’est né le <a href="https://pjp-eu.coe.int/en/web/charter-edc-hre-pilot-projects/colab-a-laboratory-for-new-forms-of-collaboration">projet coLAB</a>, financé par le programme « Democratic and Inclusive School Culture in Operation » (DISCO) du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Pour cela, les quatre partenaires ont mis en place, pendant 18 mois, une expérimentation qui a permis à des réfugiés de partager leurs connaissances avec les étudiants, en assurant des cours.</p>
<p>Au départ, l’idée a émergé de l’IHECS, à Bruxelles, qui a contacté ses partenaires internationaux pour réfléchir à une réponse dans le cadre d’un appel à projets européens. Il proposait de travailler plus particulièrement sur l’inclusion des réfugiés dans la société et souhaitait construire un projet permettant de changer la manière d’aborder la question migratoire en inversant la logique actuelle : la personne migrante nous apporte une plus-value par son savoir et son expérience.</p>
<p>Nous avons discuté à quatre, affiné le projet en croisant nos pratiques d’enseignement et en l’adaptant à différents contextes réglementaires. De la sélection des enseignants au protocole d’évaluation, les étapes du projet ont été construites ensemble, afin de réfléchir collectivement à la manière dont ce genre de dispositif pouvait être développé dans plusieurs pays européens.</p>
<p>Au final, la création de notre consortium a permis non seulement de bénéficier d’un soutien financier pour déployer le dispositif, mais elle a également contribué à lui donner une richesse d’approches qu’il n’aurait pas eues autrement.</p>
<h2>Des compétences variées</h2>
<p>À l’Université Clermont Auvergne (UCA), <a href="https://www.lepoint.fr/societe/quand-l-europe-permet-a-des-refugies-d-enseigner-a-l-universite-18-04-2019-2308392_23.php">cinq réfugiés</a> ont participé au projet en assurant des cours magistraux et des travaux dirigés. Le recrutement s’est fait sur la base de plusieurs critères : les compétences linguistiques, les compétences techniques, la motivation, les expériences professionnelles passées, etc. Pour trouver des candidats potentiels, les acteurs locaux et nationaux du monde socio-économique et du monde associatif ont relayé l’information dans leurs réseaux et, à la fin du mois de juin 2018, <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/a-l-universite-clermont-auvergne-des-refugies-vont-bientot-enseigner_13016683/">cinq personnes</a> étaient sélectionnées.</p>
<p>Avant leur arrivée en France, trois d’entre elles avaient déjà enseigné – la sociologie, le français langue étrangère et l’anglais – deux autres occupaient des postes d’encadrement en entreprise. À l’Université, ils allaient assurer 30h à 60h de cours chacun, sur des thématiques variées, correspondant à leur expertise : marketing, stratégies de communication, communication interculturelle, civilisation, etc.</p>
<p>Pendant l’automne 2018, a commencé la phase de préparation, la plupart des enseignements devant débuter en janvier. À côté d’un suivi pour la construction des séquences de cours, un accompagnement interculturel s’est mis en place naturellement. Les enseignants réfugiés avaient de nombreuses questions car il était important pour eux de comprendre les attentes des étudiants en France, le contexte universitaire et de savoir comment transmettre leurs connaissances dans ce cadre.</p>
<p>Tour à tour, en tant que coordinatrice du projet, j’ai écouté, rassuré, interrogé, discuté avec les uns ou les autres. J’ai accompagné le processus de réflexivité chez les réfugiés, qui les a amenés à se poser des questions sur soi et sur les autres, à reconsidérer leur place dans la société. Ce faisant, j’ai assumé le rôle de <a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2005-1-page-169.htm">médiateur interculturel</a>, qui a permis de créer des liens entre les réfugiés et les étudiants et le personnel universitaire.</p>
<h2>De premiers retours positifs</h2>
<p>Pour que l’intégration réussisse, les nouveaux arrivants ont besoin de proximité avec les membres de la société d’accueil. Cela les aide à comprendre leur nouveau cadre et à s’y adapter, alors même qu’ils sont victimes de plusieurs formes d’éloignement (géographique, social, humain, psychique) qui induisent une perte de repères, une perte du cadre culturel auquel ils étaient habitués et peut nécessiter des réaménagements identitaires (<a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2005-1-page-131.htm?contenu=resume">Amin, 2005</a> ; <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2013-4-page-52.htm">Di, 2013</a>).</p>
<p>Ils ont besoin de communiquer avec les membres de la société d’accueil puisque l’<a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2005-1-page-131.htm?contenu=resume">intégration</a> suppose une <a href="https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/rqpw001.afficher_detail?owa_bottin=&owa_contexte=$1935-50&owa_apercu=O&owa_membre_par_adresse_IP=N&owa_annee=1998&owa_volume=19&owa_numero=3&owa_article=A075">réciprocité</a> et qu’elle repose sur une <a href="http://conflits.revues.org/2136">dynamique d’échange</a>. Le concept d’intégration pluraliste défini par <a href="http://www.sudoc.fr/002938456">Clanet</a> (1990) illustre parfaitement cette trajectoire qui nécessite trois conditions : des langages communs, la reconnaissance du droit à la différence culturelle, la réciprocité des échanges et des relations entre différents sous-ensembles culturels.</p>
<p>Et les premiers résultats obtenus révèlent que le projet coLAB a participé à une forme d’intégration pluraliste, qui a bénéficié aux réfugiés comme aux étudiants. D’abord, il a favorisé l’ouverture d’esprit et la curiosité des étudiants qui ont pris part au dispositif. Ainsi, lors des évaluations, ceux-ci ont expliqué qu’au-delà du contenu du cours, ils avaient eu accès à de nouveaux espaces de connaissance.</p>
<p>Les participants ont entre autres particulièrement apprécié le caractère authentique et différent des illustrations apportées en cours, comme lorsqu’un enseignant a expliqué ce que sont les éléments de la communication non verbale en prenant appui sur la culture syrienne. Ou lorsqu’un autre parlait de la civilisation contemporaine arabe à partir d’exemples provenant de la Lybie ou du Soudan.</p>
<p>Ensuite, en ouvrant l’accès à l’enseignement supérieur aux réfugiés et en mettant en valeur leurs connaissances, le projet coLAB a contribué à une meilleure intégration dans la société. Face aux premiers résultats positifs, coLAB ouvre la voie à l’invention de dispositifs originaux impliquant les établissements d’enseignement supérieur.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/321692559" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Lancement du projet.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/115725/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécilia Brassier-Rodrigues a reçu des financements du Conseil de l'Europe et de l'Union Européenne.</span></em></p>
Pour de nombreux citoyens, les réfugiés sont des individus dans le besoin. Mais ils ont aussi des compétences à transmettre, comme le montre ce nouveau projet porté par quatre universités européennes.
Cécilia Brassier-Rodrigues, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Directrice du département Information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)
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2018-12-14T01:21:07Z
2018-12-14T01:21:07Z
Theresa May : victoire partielle à Londres mais mission impossible à Bruxelles
<p>Après une journée dramatique à Londres, le jeudi 12 décembre, où Theresa May a survécu à une tentative de remplacement à la tête du parti conservateur, la première ministre britannique essaie encore une fois de sauver son accord avec l’Union européenne.</p>
<p>L’avenir de Theresa May en tant que première ministre du Royaume-Uni est assuré - du moins, pour le moment. Mais sa victoire est loin d’être à la hauteur du soutien dont elle a besoin. 200 députés conservateurs de la Chambre des Communes ont exprimé leur confiance en Theresa May en tant que chef du parti, contre 117. L’anticipation d’une forte opposition - un tiers de ses députés - l’a obligé à promettre, avant le vote, qu’elle démissionnerait avant les prochaines élections législatives (normalement en 2022).</p>
<p>Néanmoins, malgré sa victoire partielle, le seul objectif de son mandat - achever le processus du Brexit - reste un problème sans solution. <a href="https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/draft_withdrawal_agreement_0.pdf">Le vote obligatoire du Parlement sur le texte de l’accord</a> et sur <a href="https://www.consilium.europa.eu//media/37059/20181121-cover-political-declaration.pdf">la déclaration politique</a> concernant l’avenir des relations entre l’UE et le Royaume-Uni avait été annulé la veille du vote (mardi 11 décembre). Il a été finalement repoussé à la mi-janvier.</p>
<h2>Des « clarifications » possible mais pas de nouvelles négociations</h2>
<p>Pour tenter d’amadouer l’aile la plus europhobe de son parti, Theresa May a promis de renégocier la disposition la plus controversée de l’accord : le « backstop » entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Cette article affirme que si l’UE et le Royaume-Uni ne parviennent pas à conclure un accord de libre-échange dans un avenir proche, l’Irlande du Nord restera dans l’union douanière de l’UE, afin de maintenir les relations commerciales transfrontalières en Irlande. </p>
<p>Pour certains, dont le mouvement pro-Brexit Parti unioniste démocrate (DUP) de l’Irlande du Nord, lequel assure la faible majorité de May au Parlement, cette disposition est inacceptable. D’autres demandent une disposition facultative dans l’accord qui permettrait que le Royaume-Uni puisse éventuellement l’annuler unilatéralement. D’un point de vue juridique, cette position est illogique, et donc impossible à réaliser.</p>
<p>Il est clair que ni les institutions européennes ni les États membres ne souhaitent relancer les négociations. Michel Barnier, Jean‑Claude Juncker, Donald Tusk, Guy Verhofstadt et la quasi-totalité des chefs des gouvernements des 27 affirment que les textes actuels sont définitifs. Seules des « clarifications politiques » sur certains termes et dispositions seront possibles. Une impasse, donc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1072424163992879104"}"></div></p>
<h2>Theresa May exclut tout nouveau référendum</h2>
<p>La première ministre semble attendre le dernier moment, et la peur des effets catastrophiques d’une sortie sans accord - surtout au sein des pays voisins tels que la France, les Etats du Benelux et l’Allemagne - pour que l’UE soit prête a recommencer des négociations afin d’obtenir un accord plus favorable. Mais il s’agit là d’un jeu très dangereux. </p>
<p>Selon le traité (article 50), le Royaume-Uni va quitter l’UE le 29 mars 2019 – avec ou sans un accord de départ. Il y a deux exceptions possibles : le Royaume-Uni peut demander de repousser la date de départ (avec l’accord des 27 à l’unanimité). Cela serait nécessaire afin d’organiser un deuxième référendum. </p>
<p>L’autre exception consiste à retirer unilatéralement sa notification de quitter l’UE. Cette dernière possibilité a été confirme par la Cour de justice cette semaine (<a href="http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=208636&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=1372006">l’arrêt Wightman</a>), suite à une demande de six députés nationaux et européens de l’Ecosse du Parti nationaliste écossais (SNP), du parti des Verts et du parti des travaillistes (Labour). </p>
<p>Mais Theresa May a exclu de recourir à ces deux exceptions, et notamment à la possibilité d’organiser un deuxième référendum. Selon elle, « la volonté du peuple », c’est-à-dire 52 % de l’électorat qui a voté pour le Brexit il y a deux ans, doit être respectée absolument.</p>
<h2>En quête de quelques miettes</h2>
<p>Afin de satisfaire son parti et d’essayer d’obtenir une majorité parlementaire suffisante, elle essaie actuellement d’obtenir l’impossible. Dans un sens, ses nouvelles discussions prévues à Bruxelles montrent que la première ministre s’inscrit dans une tradition toute britannique, celle d’obtenir encore et toujours des exceptions au sein de l’UE : sur l’euro, l’espace Schengen, le budget. </p>
<p>Mais cette fois, l’UE a montré qu’elle défendra ses intérêts et les intérêts de ces États membres, notamment ceux de l’Irlande. Theresa May est en train de découvrir que « l’exceptionnalisme » britannique ne fonctionne pas de la même façon lorsque le Royaume-Uni sort du club.</p>
<p>Lundi dernier, le quotidien conservateur <em>The Times</em> a convoqué <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/theresa-may-to-handbag-brussels-in-frantic-bid-to-save-brexit-deal-bbcq7n5kl">la mémoire de Margaret Thatcher et de son sac à main</a>, le célèbre « Handbagging ». Autrement dit, la technique fameuse de « Miss Maggie » employée pour forcer les autres à se soumettre à ses idées. Mais Theresa May ne dispose ni du soutien du Parlement à Londres, ni d’un tiers des députés au sein de son propre parti, sans parler de celui de ses homologues des Vingt-sept. </p>
<p>Elle est de fait en quête de quelques miettes pour tenter de sauver son accord et le Brexit - sans autorité, sans soutien et face à l’exaspération ailleurs en Europe. Le cauchemar de Theresa May va se poursuivre pendant cette période de Noël.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul James Cardwell a reçu des subventions de recherche de "UK in a Changing Europe" (initiative de la Economic and Social Research Council (ESRC) du Royaume-Uni et du James Madison Charitable Trust.</span></em></p>
Sans autorité, sans soutien et face à l'exaspération ailleurs en Europe: le cauchemar de Theresa May va se poursuivre pendant cette période de Noël.
Paul James Cardwell, Professor of Law, University of Strathclyde
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tag:theconversation.com,2011:article/105160
2018-10-29T20:48:36Z
2018-10-29T20:48:36Z
En Belgique, un ethnologue au cœur du parti Islam
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242750/original/file-20181029-76384-1oxe7ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C1266%2C956&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue sur la rue Saint-Jean dans le quartier de Molenbeek, à Bruxelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.com/search?site=imghp&tbs=sur%3Afmc&tbm=isch&sa=1&ei=aRXXW9qWNs6KlwTkur3oBw&q=Belgique+Molenbek&oq=Belgique+Molenbek&gs_l=img.3...4572.4572.0.5108.1.1.0.0.0.0.48.48.1.1.0....0...1c.1.64.img..0.0.0....0.DQsqTxcNAG8#imgrc=HSiKg6Z1OqEKfM:">Michielverbeek/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Entre octobre 2016 et février 2017, j’ai mené une ethnographie au sein du parti Islam – un parti musulman belge à l’origine de nombreuses controverses – avec l’accord de ses membres. Mon travail de recherches m’a mené à un ouvrage, paru en octobre, <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60998"><em>Le parti Islam. Filiations politiques, références et stratégies</em></a>, aux éditions Academia.</p>
<p>L’accueil par le parti fut bienveillant et le terrain se déroula dans une atmosphère relativement apaisée. Durant cinq mois, je mis en œuvre une observation participante dite « périphérique » – selon la typologie établie par le <a href="https://academic.oup.com/sf/article-abstract/36/3/217/2226541?redirectedFrom=fulltext">sociologue Raymond Gold</a> (1958) – au sein et autour du parti Islam. Écrire « au sein » est ici un abus de langage dans la mesure où le parti ne disposait pas d’un local où il aurait pu se réunir périodiquement, il se retrouvait dans des appartements privés.</p>
<p>De plus, son « noyau dur » étant composé en grande partie de travailleurs à temps plein, les rencontres étaient donc prioritairement réservées aux soirées et aux week-ends. Observation « périphérique » car je ne fus jamais un membre actif du parti, je ne distribuai aucun tract ni ne fus sollicité pour aucune action. J’avais été accepté en tant qu’observateur et je pris la décision de tenir ce rôle.</p>
<p>Certes je fus soupçonné de diverses allégeances secrètes (médias, renseignements, etc.) autant que je dus composer avec les tentatives d’instrumentalisations multiples de la part des membres du parti (le livre comme futur produit publicitaire, devenir l’« anthropologue du parti » ou l’« assistant parlementaire du futur député Islam », etc.) mais ceci fut négligeable en regard de cette autre certitude : l’exposition médiatique du parti impliquait, à court terme, la mienne, appelé à répondre ici de la « dangerosité » du groupe Islam et là au lieu commun de « l’arbre qui cache la forêt » d’une « islamisation » rampante du pays. Bref, l’ethnologue était alors transformé en juge et les hypothèses de recherche en préoccupations morales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241854/original/file-20181023-169834-1wosof3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>« L’État islamique de Belgique », les coulisses d’un strike médiatique</h2>
<p>En 2012, le parti Islam est fondé à Bruxelles. À la fois référence explicite et revendiquée à la religion musulmane et acronyme d’« Intégrité, Solidarité, Liberté, Authenticité, Moralité », il propulse aux élections communales belges de la même année deux de ses trois candidats – qui constituaient également le trio fondateur du parti et la totalité du groupe – dans deux conseils communaux bruxellois (respectivement Lhoucine Aït-Jeddig à Molenbeek et Redouane Ahrouch à Anderlecht).</p>
<p>Aux élections communales d’octobre 2018, le parti a échoué à conserver ses élus et réalisé des scores bien moindres qu’en 2012, et ce malgré une exposition médiatique dont il n’avait pu bénéficier alors. À Molenbeek, <a href="http://bru2018.brussels/fr/results/municipalities/6082/index.html">il passe entre 2012 et 2018</a> de 1 478 voix à 695 et à Bruxelles-Ville de 1 833 à 1 125.</p>
<p>Les interventions médiatiques de ceux qui se présenteront comme les « premiers véritables élus musulmans de Belgique » – principalement Redouane Ahrouch – seront à l’origine de nombreuses déclarations massivement relayées et commentées dans l’espace médiatique belge.</p>
<p>Ils exposent, entre autres, leur volonté de créer un <a href="https://www.courrierinternational.com/article/belgique-faut-il-interdire-le-parti-islam">« État islamique de Belgique »</a>, d’établir une <a href="https://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/3279737/2017/10/10/Le-parti-ISLAM-veut-appliquer-une-charia-occidentale.dhtml">« sharî’a occidentale »</a> ou encore une <a href="https://www.levif.be/actualite/belgique/le-parti-islam-croit-en-l-avenir-islamiste-de-bruxelles-maingain-veut-le-faire-interdire/article-normal-823059.html">« démocratie islamiste »</a>.</p>
<p>Le 25 octobre 2012, ils organisent leur première conférence de presse dans laquelle le récent élu anderlechtois réalisera son premier « strike communicationnel », pour paraphraser la métaphore qu’il emploiera lors d’un entretien.</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence de presse du parti Islam en Belgique, 2012.</span></figcaption>
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<p>À dire vrai, les mots <em>sharî’a</em> et <em>État islamique</em> <a href="http://www.revuenouvelle.be/Entre-risque-de-sous-estimation-et-hysterie">n’apparaissent pas dans le programme</a>, ni ne sont prononcés lors de la conférence de presse à proprement parler mais après, lors de l’interview par la <a href="https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-parti-islam-espere-que-la-belgique-devienne-un-jour-un-etat-islamique?id=7865358">RTBF de Redouane Ahrouch</a>.</p>
<p>Cette courte intervention permettra au parti d’acquérir une visibilité nationale, voire <a href="https://www.euronews.com/2018/04/26/islam-party-stirs-controversy-ahead-of-belgian-elections">internationale</a>, sans précédent par rapport aux formations politiques bruxelloises antérieures (Parti Citoyenneté Prospérité, Parti Jeunes Musulmans, Noor, Musulmans.be) dont il constitue le dernier avatar.</p>
<h2>« Une histoire méconnue »</h2>
<p>L’apparition fulgurante du parti Islam dans la sphère médiatique, a donné soit l’illusion de son caractère anhistorique, soit a indiqué une possible filiation politique timidement établie au travers de quelques noms de personnes ou de partis. Mais, globalement, c’est avant tout un parti dont on ne sait presque rien et sur lequel, parfois, se greffent différents fantasmes.</p>
<p>C’est pourquoi le premier objectif de ce livre était de reconstituer la généalogie de cette activité politique musulmane sur Bruxelles, par l’imbrication d’une histoire « documentée » avec la mémoire que les acteurs en ont.</p>
<p>Le document ethnographique ainsi créé, qui laisse une grande place à la parole des acteurs, nous fait remonter aux années 1990 avec la fondation du Centre Islamique Belge (CIB, à ne pas confondre avec le CICB, le Centre Islamique et Culturel de Belgique), qui était auparavant une association sans but lucratif (Jeunesse bruxelloise sans Frontières), cofondée à Molenbeek par l’ancien imam franco-syrien d’Aix-en-Provence, Bassam Ayachi, et le médiatique converti, <a href="https://www.rtbf.be/tv/emission/detail_tout-ca-ne-nous-rendra-pas-le-congo/actualites/article_tiens-toi-au-coran-video-2003?id=5796253&emissionId=40">surnommé « Barberousse », Jean‑François Bastin</a>. Les jeunes étaient alors formés à la « gestion et à l’administration d’un État islamique » (Redouane Ahrouch) et appelés à rejoindre les talibans en Afghanistan. C’était le temps de « l’émirat » dira Redouane Ahrouch.</p>
<h2>Pressions</h2>
<p>Suite à la pression nouvelle exercée par l’État et par l’apparition – ou la réactivation – de la figure du « djihadiste » dans l’opinion publique après l’électrochoc des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le répertoire d’actions locales est considéré comme devant être étoffé. C’est ainsi qu’émergera le Parti Citoyenneté et Prospérité en 2002, destiné à « emmerder l’État belge »(Redouane Ahrouch) dans un contexte post-attentats où le CIB sentait qu’il était devenu une « cible ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑François « Abdullah » Bastin conteste l’affichage électoral en 2006, il est à l’époque à la tête du Parti Jeunes Musulmans.</span></figcaption>
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<p>L’ancien conseiller communal anderlechtois Redouane Ahrouch tirera de ce compagnonnage avec Jean‑François Bastin et de son intérêt pour la politique belge la volonté de rediriger vers le plat pays un projet qui ne le concernait préalablement pas, celui de devenir un « État islamique ». C’est de cette filiation dont le parti ISLAM est la dernière initiative.</p>
<h2>« Nourrir l’épouvante »</h2>
<p>Entre 2012 et 2018, la provocation médiatique à des fins de visibilisation dans l’espace public devient la stratégie quasi exclusive d’ISLAM. En effet, le trio fondateur, qui use de provocation afin de s’exposer, participe également à l’alimentation d’un climat d’épouvante lui-même maintenu par un flou terminologique caractérisé par une interchangeabilité de termes en « isme », comme le note le chercheur en sciences politiques <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2016-3-page-13.htm">Haoues Seniguer</a> : intégrisme, fondamentalisme, islamisme, salafisme, communautarisme, etc.</p>
<p>Ainsi, il remarque que la notion de « radicalisation » (radicalisme) qui est aujourd’hui d’un usage courant autant que sa « prévention » est l’objet de politiques publiques, est victime d’un amalgame qui établit l’idéologie extrême et le passage à l’acte violent comme indissociables et dès lors, il semble difficile d’appréhender l’individu « radical » en-dehors de la pente terroriste sur laquelle il serait invariablement engagé. Bref, radicalisme et terrorisme deviennent des notions interchangeables.</p>
<p>Cette stratégie de provocation sensationnelle – autant que contextuelle – s’exprimera également au travers du bref partenariat avec l’ex-député du Parti Populaire <a href="https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-parti-populaire-exclut-laurent-louis-son-unique-depute?id=5563213">Laurent Louis</a> (2014), qu’on peut situer à l’extrême-droite de l’échiquier politique, tandis qu’elle en compromettra d’autres et rendra finalement impossible les tentatives de structuration ou de diversification entamées en interne par les nouveaux membres (2016) qui se virent constamment opposer une résistance de la part du « noyau dur ».</p>
<p>Ces tensions sont apparues progressivement et concernaient la volonté d’ouverture et de transparence, mais aussi la redistribution progressive du pouvoir et de l’influence au sein du parti. Si le nom du parti ne faisait pas l’unanimité, le refus de transparence vis-à-vis de l’origine des financements, la volonté quasi explicite de maintenir le parti à un petit groupe et d’en exclure les femmes, l’absolue nécessité de toujours passer par le trio et le refus de discuter comme de voter les points du programme, furent progressivement des motifs sérieux de discorde.</p>
<p>Finalement, ces nouveaux membres seront à l’origine de la scission du groupe ISLAM (2017-2018) et à la naissance d’un nouveau parti, <a href="https://salem.brussels/">Salem</a>, qui s’est d’ailleurs présenté aux élections communales du mois d’octobre 2018, sans réaliser de scores notables.</p>
<h2>« Il ne s’agit pas d’un monolithe idéologique »</h2>
<p>La formation partisane ISLAM constitue une <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/1528">expression de « branchements »</a> déjà réalisés au cours du XIX<sup>e</sup> et du XX<sup>e</sup> siècle. Il lie ainsi participation aux systèmes électoraux, à un pouvoir libéral, organisation en partis politiques et volonté d’établissement d’un État islamique (qui recoupe la <a href="https://journals.openedition.org/mideo/2303?lang=fr">conception européenne traditionnelle de l’État</a>).</p>
<p>Mais, ce faisant, il est lui-même à l’origine de branchements inédits entre des événements historiques symboliques comme celui de la <a href="https://www.humanite.fr/node/239184">république du Rif d’Abdelkrim El Khattabi</a>, la réalité politique et administrative de la Belgique, le discours d’unité de l’islam propre aux Frères musulmans et les positions d’un <em>marja’</em> controversé – le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01861743"><em>marja</em> est une source, une référence religieuse dans l’islam chiite</a> –, de la ville de Qom (Iran).</p>
<p>Cette reconfiguration des références et des identités fait sens dans un monde globalisé où l’on observe une redéfinition des rapports politiques, une accélération du phénomène d’hybridation et de ces « branchements » inédits rendus possibles depuis la révolution digitale.</p>
<p>Ces ancrages idéels multiples s’expriment toutefois dans une « localité » précise, ce sont des ailleurs ancrés ; c’est en cela que le parti se considère comme un jalon de l’émancipation de la communauté musulmane de Belgique, instrumentalisée au même titre que sa religion qui serait, selon eux, devenue le « bouc-émissaire » de l’Occident dans un <a href="https://www.islam2012.be/president">« monde post-URSS »</a>.</p>
<p>Cet ouvrage entend témoigner, même dans le cas d’un groupe aussi décrié que celui du parti ISLAM, d’un individu qui ne se laisse plus penser comme étant inféodé à un système centré ou hiérarchique (<a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Capitalisme_et_schizophr%C3%A9nie_2___Mille_plateaux-2015-1-1-0-1.html">à l’instar du « rhizome » chez Deleuze et Guattari</a>).</p>
<h2>Pris dans la tempête médiatique</h2>
<p>Plusieurs tempêtes médiatiques eurent lieu autour du parti ISLAM et je fus moi-même projeté dans l’une d’elles. Les réactions consécutives <a href="https://www.rtbf.be/auvio/detail_lionel-remy-a-vecu-5-mois-avec-le-parti-islam?id=2334285">à mon apparition à la télévision</a> (RTBF) et dans la presse furent nombreuses et il est crucial de souligner qu’elles vinrent tantôt m’accuser, tantôt me soutenir, bref elles furent une modalité psychologique dans laquelle j’ai dû engager l’écriture de ce livre.</p>
<p>Les controverses au sujet de la juste distance, de l’implication militante et de la neutralité rencontrent celles de la position du chercheur dans l’espace public médiatique, tout à la fois légitimé par un statut « d’expert » et enfermé la plupart du temps dans un rôle de « commentateur » du réel.</p>
<p>C’est l’une des raisons pour lesquelles l’ouvrage devait, nécessairement, s’ouvrir par un chapitre réflexif. Quel peut être l’intérêt de plonger le lecteur dans l’antichambre des résultats produits ? N’est-ce pas l’affaire d’un carnet de terrain, d’un journal intime (qui se confondent bien souvent d’ailleurs) ? L’une des réponses à cette vaste question apparaît d’elle même lorsqu’un chercheur se trouve par exemple contraint de rassurer quant à sa « moralité », ce fut le cas de Daniel Bizeul, le sociologue français qui fit une enquête <a href="https://www.cairn.info/avec-ceux-du-FN--2707140481.htm">chez les militants du Front national en France</a>. Bizeul fut un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1998_num_39_4_4840">grand secours méthodologique</a> dans mon cas, car il avait établi un précédent dans la littérature.</p>
<p>Il nous faut continuer la description de ce chercheur, celui qui évolue sur un mince défilé : d’un côté, avoir sur ses contradictions morales une lucidité suffisante que pour ne pas rédiger un texte à charge ou faire terrain sans empathie, de l’autre se refuser absolument à égaliser toutes les conduites, au risque de devenir « partisan » malgré soi.</p>
<hr>
<p><em>_L’auteur vient de publier <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60998">« Le parti Islam. Filiations politiques, références et stratégies »</a>, aux éditions Academia.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lionel Remy a reçu des financements du Fonds Baillet Latour. </span></em></p>
Une enquête au sein d’un parti controversé révèle les difficultés auxquelles se confronte le chercheur autant que des stratégies médiatiques abusant des polémiques.
Lionel Remy, Doctorant, anthropologue, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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tag:theconversation.com,2011:article/87194
2017-11-09T21:06:59Z
2017-11-09T21:06:59Z
L’affaire du glyphosate comme révélateur de la santé démocratique européenne
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193941/original/file-20171109-27108-of5hx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Action de l’Ensemble zoologique de libération de la nature (EZLN) à Bruxelles le 15 juin 2017. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/ezln.zoologique/photos/a.1084207151724182.1073741828.1061984110613153/1084392068372357/?type=3&theater">EZLN</a></span></figcaption></figure><p>En Belgique, neuf citoyens ont comparu ce jeudi 9 novembre au Palais de justice de Bruxelles pour avoir participé à une action non-violente afin de dénoncer le poids des lobbies dans le secteur agroalimentaire, notamment autour de l’usage du glyphosate.</p>
<p>Le 9 mai dernier, avec 70 <a href="https://www.academia.edu/24002120/DE_LALTERMONDIALISME_AUX_INDIGN%C3%89S">alter-activistes</a> de l’<a href="http://www.ezln-zoologique.be">Ensemble zoologique de libération de la nature</a> (EZLN), ils se sont introduits pendant quelques minutes dans les couloirs du siège de l’European Crop Protection Association, un lobby qui rassemble les principaux producteurs de pesticides et qui est particulièrement actif autour des négociations sur le glyphosate. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6XLJNAlAtUI">Déguisés en animaux</a>, ils ont laissé derrière eux de la paille, des autocollants et un peu de peinture à l’eau, avant de reprendre en cœur le slogan écologiste : « Nous sommes la nature qui se défend ! ».</p>
<p>Dans un appel paru dans <a href="http://www.lesoir.be/121495/article/2017-10-27/activistes-contre-le-glyphosate-ne-nous-trompons-pas-de-proces"><em>Le Soir</em> du 27 octobre</a>, de nombreuses associations écologistes et citoyennes et des intellectuels ont marqué leur soutien aux inculpés et ont rappelé le consensus scientifique sur le danger sanitaire que représente le glyphosate.</p>
<h2>Bruxelles, la capitale des lobbies</h2>
<p>Au-delà de cet enjeu majeur pour la santé des Européens, c’est aussi de la santé de la démocratie européenne qui est en jeu face l’une des principales menaces qui pèse sur elle : les lobbies. Et ceux-ci sont particulièrement influents dans le secteur agroalimentaire.</p>
<p>Le <a href="https://corporateeurope.org/food-and-agriculture/2017/10/beneath-glyphosate-headlines-crucial-battle-future-eu-pesticide">rapport</a> publié par l’ONG « Corporate Europe Observatory » le 24 octobre dernier sur leurs activités au cours de dernières semaines autour des négociations sur le glyphosate est saisissant.</p>
<p>Mais le poids des lobbies ne se limite pas à ce secteur. Ne pas réguler davantage les lobbies revient à leur laisser le pouvoir dans des dossiers aussi sensibles que le nucléaire, les émissions de gaz à effet de serre ou la protection sociale des travailleurs.</p>
<p>Bruxelles est devenue la capitale mondiale des lobbies. Elle héberge davantage de lobbies que Washington et les règles européennes qui encadrent ces activités sont bien plus permissives que les règles américaines. Tout cela se joue au cœur de notre capitale, dont le Corporate Europe Observatory propose une visite alternative dans son guide touristique <a href="https://corporateeurope.org/sites/default/files/lp_brussels_report_fr_v6_screen.pdf">« Lobby planet »</a>.</p>
<p>Face à cette situation, les réactions citoyennes et politiques sont pourtant restées limitées et discrètes.</p>
<p>L’inculpation de ces neuf citoyens pour une action non-violente pose clairement la question : faut-il condamner des lanceurs d’alerte qui dénoncent les lobbies ? Ou est-ce, au contraire, du devoir des citoyens d’attirer l’attention des décideurs politiques sur la menace qu’ils constituent pour nos démocraties ?</p>
<p>La convocation au tribunal de neuf citoyens pour avoir badigeonné quelques traits de peinture à l’eau sur la façade du siège d’un lobby internationale illustre une accentuation de la répression des mouvements sociaux en Belgique. Des procès similaires sont en cours contre des « faucheurs volontaires » de champs de céréales OGM et pour le détournement d’un écran publicitaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"926044201187446784"}"></div></p>
<h2>Briser la routinisation du politique</h2>
<p>L’histoire des mouvements sociaux montre qu’une action non-violente et pleine d’humour – comme celle choisie par l’EZLN – s’avère un mode d’action particulièrement efficace pour dénoncer ces lobbies.</p>
<p>Ces actes disruptifs cherchent à briser la « routinisation du politique », de susciter un débat et de sensibiliser la population à un problème majeur mais largement ignoré et de l’inviter à s’informer davantage pour ensuite faire bouger les lignes.</p>
<p>C’est exactement le type d’action menée par Rosa Parks, cette étudiante noire américaine qui le 1<sup>er</sup> décembre 1955, refusait de céder sa place dans un bus en Alabama à un homme blanc comme la loi l’y obligeait. Son action a suscité un large débat et a renforcé le mouvement qui a mis fin aux politiques de discrimination raciale. Qui condamnerait aujourd’hui Rosa Parks ? Son action était illégale mais sa statue trône aujourd’hui au cœur du Capitole qui abrite le Sénat et la chambre des représentants à Washington.</p>
<p>En pointant l’énorme influence des lobbies dans l’Union européenne, l’EZLN joue un rôle majeur dans les démocraties contemporaines. Ces activistes font partie de ce « système d’alerte doté d’antennes hautement sensibles aux problèmes de la société » que Jürgen Habermas place au cœur de l’espace public démocratique et des pratiques de surveillance des acteurs politiques et économiques dont les politologues Pierre Rosanvallon et John Keane font la pierre angulaire des démocraties contemporaines.</p>
<h2>Révélations, analyses et nécessaire sursaut démocratique</h2>
<p>Ces actions symboliques sont d’autant plus efficaces qu’elles s’accompagnent depuis plusieurs années d’un intense travail d’investigation de journalistes et d’ONG pour pointer les conflits d’intérêt et le poids des lobbies.</p>
<p>La multiplication des analyses, <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Hold_up____Bruxelles-9782707186270.html">livres</a> et reportages, notamment du côté de l’ émission <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bOSVKfmFusg">« Cash investigation »</a> sur France 2, montrent de plus en plus clairement que, loin d’être marginale, l’action des lobbies est bien souvent au cœur du système politique comme le montre le best-seller allemand <a href="https://www.droemer-knaur.de/buch/8144192/lobbykratie">« Lobbykratie »</a>.</p>
<p>Dans ce livre, les journalistes Uwe Ritzer et Markus Balser montrent comment la politique allemande se construit sous la pression constante des lobbies et comment la proximité entre lobbies industriels et pouvoir politique explique des volte-face de la chancelière Angela Merkel au Conseil européen.</p>
<p>Vivons-nous donc déjà en « lobbycratie » ?</p>
<p>La menace des lobbies contre la démocratie est en tout cas exacerbée par la <a href="https://www.oxfam.org/fr/salle-de-presse/communiques/2017-01-16/huit-hommes-possedent-autant-que-la-moitie-de-la-population">concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns</a> et dans un monde où les chiffres d’affaires de certaines multinationales dépassent les PIB de plusieurs pays.</p>
<p>Le poids des lobbies n’est cependant pas une fatalité et les leviers d’action sont nombreux. Les législateurs belges et européens ont la capacité de reprendre le pouvoir qu’ils ont laissé aux lobbies. Les citoyens aussi. L’action de l’EZLN les invite à être plus vigilants et à ne plus rester passifs face à l’une des batailles essentielles pour la démocratie au XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87194/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geoffrey Pleyers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À l’occasion du procès de neuf activistes belges pour leur action anti‑glyphosate en mai 2017, se repose la question du poids des lobbies à Bruxelles.
Geoffrey Pleyers, Sociologue, Professeur à l'Université de Louvain. Chercheur FNRS au CriDIS (UCL) et au Collège d’études mondiales, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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tag:theconversation.com,2011:article/70968
2017-01-18T23:27:50Z
2017-01-18T23:27:50Z
Le lobbying des fédérations professionnelles à Bruxelles : fabriquer du doute
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153103/original/image-20170117-21167-tc4g5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Parlement Européen en octobre 2016 à Bruxelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/corepp/30302094305/in/album-72157671671792283/">EPP Group/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’espace public européen existe-t-il ? Si, tous les jours, nous avons les preuves de son inexistence pour les peuples et les pays, il existe bien un espace européen, non public, qui débat des questions concernant les Européens. C’est l’espace élaboré par le dialogue entre entreprises, plus largement fédérations professionnelles et membres de la Commission, plus largement les Institutions.</p>
<p>La construction politique de l’Europe s’est faite sur des accords entre gouvernements, sur un modèle de démocratie indirecte. Dans les années 80 et 90, la construction économique a repris la même démarche : les fédérations professionnelles se sont organisées pour influencer les politiques et ainsi créer un espace à leur avantage. Une fois ce contexte posé, quels sont les défis que posent le rôle et le lobbying des fédérations européennes dans la communication et la compréhension du projet européen.</p>
<h2>Le lobbying à Bruxelles</h2>
<p>À Bruxelles, selon le Parlement européen, le lobbying est une activité dont « l’action est essentiellement comprise comme un « effort concerté d’influer la formulation des politiques et le processus décisionnel, en vue d’obtenir des autorités gouvernementales ou des représentants élus un résultat spécifique. » Le lobbying s’inscrit donc dans le cadre plus large de la « représentation d’intérêts », mais se limite aux aspects législatifs et exécutifs de celle-ci. » plus loin, le même texte détaille les types d’activités possibles :</p>
<blockquote>
<p>• les contacts avec des Membres ou leurs assistants, des fonctionnaires ou autres agents, des institutions de l’Union,<br>
• la préparation, la diffusion et la communication de lettres, de matériel d’information, de documents de discussion et de prises de position,<br>
• l’organisation d’événements, de réunions, d’activités promotionnelles, de conférences ou d’événements sociaux, dès lors que des invitations ont été envoyées à des Membres ou à leurs assistants, à des fonctionnaires ou autres agents des institutions de l’Union, ainsi que,<br>
• les contributions volontaires et la participation à des consultations ou à des auditions formelles sur des actes législatifs ou d’autres projets d’actes juridiques de l’Union ou à d’autres consultations ouvertes.</p>
</blockquote>
<p>À Bruxelles, le lobbying est <a href="http://bit.ly/2jw3jAl">globalement accepté</a>. Il centre son action et sa légitimité sur l’apport d’information aux fonctionnaires et aux politiques, deux populations qui reconnaissent devoir s’informer. Derrière ce modèle « parfait », parfois nommé « check and balance » lorsque la séparation des pouvoirs contribue à un équilibre, la réalité est plus complexe. En effet, les moyens, actions et qualité de l’information peuvent varier selon les acteurs et leurs éthiques.</p>
<h2>Un processus d’influence codifié</h2>
<p>Les fédérations professionnelles sont des organisations qui regroupent les adhérents d’un même secteur industriel ou économique, afin d’en défendre les intérêts, plus largement d’en coordonner les actions à l’échelle européenne. Présentes dès le début du processus européen, elles se caractérisent par une culture similaire à celle des fonctionnaires de la Commission et des politiques, un fort niveau d’organisation et des ressources provenant des cotisations de ses membres.</p>
<p>Pour délimiter l’importance de ces fédérations dans les processus d’influence à Bruxelles, nous prenons comme référence le <a href="http://bit.ly/1W3vgvr">registre de transparence européen</a>. Si nombre de travaux académiques et la presse généraliste indiquent 15 à 20 000, voir 30 000 lobbyistes présents à Bruxelles, cette évaluation, difficile à vérifier, amalgame tous les acteurs telles les fédérations, organismes religieux, villes et associations de tous types. Ce chiffre est souvent mis en rapport avec un nombre équivalent de fonctionnaires de la Commission pour illustrer le poids des lobbies.</p>
<p>Crée en 2011 par la Commission et le Parlement européen, le registre de transparence, bien qu’imparfait est, selon nous, un outil clair et public qui permet d’identifier les acteurs du lobbying à Bruxelles. En outre, notre activité à Bruxelles permet des observations concrètes. » Facultatives depuis novembre 2016, les inscriptions augmentent, puisque la rencontre avec un commissaire ou un directeur d’une direction générale est, sans présence dans le registre, devenu impossible.</p>
<p>Le registre distingue six catégories et, au 10 novembre 2016, comprend un total de 10 361 inscrits :</p>
<ol>
<li><p>Cabinets de consultants spécialisés/cabinets d’avocats/consultants agissant en qualité d’indépendants (1 187, 11,4 %)</p></li>
<li><p>« Représentants internes », groupements professionnels et associations syndicales et professionnelles (5 294, 51 %)</p></li>
<li><p>Organisations non gouvernementales (2 618, 25 %)</p></li>
<li><p>Groupes de réflexion, organismes de recherche et institutions académiques (738, 7 %)</p></li>
<li><p>Organisations représentant des églises et des communautés religieuses (47, 0,004 %)</p></li>
<li><p>Organisations représentant des autorités locales, régionales et municipales, autres entités publiques ou mixtes, etc. (526, 4,6 %).</p></li>
</ol>
<h2>Comment agissent les lobbyistes</h2>
<p>Cinq types d’action existent pour les groupes d’intérêt : négociation et consultation, recours à l’expertise, protestation, juridicisation et politisation.</p>
<ul>
<li><p><strong>La négociation</strong> implique un caractère officiel – il faut être reconnu – et la consultation renvoie aux procédures mises en place par les Institutions pour améliorer la circulation de l’information.</p></li>
<li><p><strong>Le recours à l’expertise.</strong> Devant la complexité technique des sujets traités dans les directives et règlements proposées par la Commission, l’expertise se présente comme une réponse rationnelle à une question précise. Avec l’usage de données et ses études scientifiques, l’expertise se dote d’une légitimité, surtout pour les questions concernant la santé.</p></li>
<li><p><strong>La protestation</strong>, soit la force du nombre associée à la dynamique d’individus, utilise les lieux publics et les médias pour mettre au jour des intérêts. Dans une logique de communication parfois vue de manière techniciste, mobiliser des participants, puis des médias permet de toucher l’autorité publique.</p></li>
<li><p><strong>La juridicisation</strong> consiste à utiliser la justice pour défendre des intérêts. La décision d’un comité technique ou d’un tribunal apparaît comme synonyme de la défense de l’intérêt général.</p></li>
<li><p><strong>La politisation</strong> consiste à transformer un groupe d’intérêt en un parti politique. En France, les chasseurs devenus le parti « Chasse, pêche, nature et tradition » représentent cette logique.</p></li>
</ul>
<p>Les fédérations professionnelles portent leurs efforts sur la négociation, la consultation et l’expertise. Inspiré par les méthodes mises au point par les fabricants de cigarettes aux États-Unis dès les années 1950, le recours à l’expertise est devenu systématique. Ceci se traduit par une forte production d’études, la contestation des méthodologies, le débat sur le seuil de nocivité admissible… La coopération avec des scientifiques, voire la pression sur certains d’entre eux trop critiques existe également. Le cas Séralini–Monsanto est un exemple de ces méthodes.</p>
<p>Évidemment, la protestation et la politisation sont deux registres sont non pertinents pour les fédérations. Enfin, la juridicisation est aujourd’hui la suite logique des débats d’experts. Si l’on prend comme une donnée de la volonté de gagner du temps, le recours aux tribunaux s’inscrit dans cette logique.</p>
<h2>Des stratégies redoutables</h2>
<p>Les secteurs les plus offensifs semblent être la santé, l’énergie, la chimie et les transports. En même temps, comme les normes et régulations de ces secteurs sont devenues très techniques, un fort niveau d’expertise pour suivre les débats, arguments et projets est nécessaire.</p>
<p>Combinées, les stratégies sont redoutables : introduire des experts dans les commissions et comités, produire des rapports constatant l’impossibilité de statuer sur une nocivité, créer des associations paravents ou faussement citoyennes (nommé alors <em>astroturfing</em>) et bien sûr, diffuser les messages sur les canaux numériques. Les polémiques et controverses dont la durée semble parfois infinie illustrent, entre autres, cette tendance. Ici, les <a href="http://bit.ly/2iy51BU">débats sur les perturbateurs endocriniens</a> sont significatifs. Dans les cas connus, comme pour ceux observés, il s’agit de développer une « fabrique du mensonge » ou, selon le terme le plus courant, une stratégie du doute.</p>
<p>Ce schéma, gagner du temps par un surplus d’étude et semer le doute chez les chercheurs, les politiques et le grand public semble être la dynamique des plus importantes fédérations professionnelles dans leurs relations avec les Institutions et les États. Nous proposons de dire que les actions des fédérations contribuent à discréditer l’efficacité du système européen et à éloigner les citoyens d’une structure déjà perçue comme lointaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Arifon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Plus de 10 000 inscrits, une population totale variant de 20 000 à 30 000 les acteurs du lobbying à Bruxelles sont encadrés par des règles de transparence. Leurs stratégies le sont moins.
Olivier Arifon, Chercheur en Influence et lobbying, Université Libre de Bruxelles (ULB)
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tag:theconversation.com,2011:article/71361
2017-01-17T21:09:53Z
2017-01-17T21:09:53Z
Brexit : le Royaume-Uni sort, ses idées restent
<p>Le 17 janvier 2017, Theresa May a tenté de présenter une nouvelle version du <a href="https://www.gov.uk/government/speeches/home-secretarys-speech-on-the-uk-eu-and-our-place-in-the-world">journal du hard (Brexit)</a> britannique. Depuis qu’une légère majorité de Britanniques (17,4 millions contre 16,1) s’est prononcée en faveur d’un retrait de l’Union européenne, le 24 juin 2016, le fiasco politique britannique ne laissait pas d’étonner, dans un pays où les négociateurs préparaient fermement de longue date les Conseils et présidences européennes : fuite « à l’anglaise » de l’ex-dirigeant du UKIP, Nigel Farage, dérobade du tonitruant Boris Johnson, nomination d’un premier ministre <a href="https://www.theguardian.com/politics/video/2016/oct/25/theresa-may-private-Brexit-warning-speech-to-goldman-sachs-audio">intimement</a> favorable au maintien, déjugée par la Haute Cour qui l’invite à passer par le Parlement britannique pour enclencher la procédure de retrait – en attendant la décision finale de la Cour suprême.</p>
<p>Ces contradictions expriment assez bien la tension entre une volonté politique de mettre en scène un isolement qui a perdu de sa « splendeur » victorienne (la France et l’Inde viennent de passer devant le Royaume-Uni sur le <a href="http://www.lopinion.fr/edition/international/l-inde-devient-sixieme-economie-mondiale-detrone-royaume-uni-117019">plan économique à la faveur du Brexit</a>) et le désir de continuer à jouer un rôle « global » d’influence en Europe – à défaut d’empire mondial depuis la décolonisation.</p>
<h2>Le Brexit ? « Beaucoup de bruit pour rien »</h2>
<p>Theresa May reprend un registre thatchérien de l’intransigeance, mais sans monnaie d’échange. Le Royaume-Uni n’est pas assis le cul entre-deux-chaises (« half-in half-out »), il est <em>out</em> et n’a rien à « négocier ». Paradoxalement, au-delà des apparences, le Brexit ne constitue pas un changement majeur des politiques européennes, car le Royaume-Uni n’est jamais entré dans les grandes politiques européennes <a href="https://theconversation.com/Brexit-shocking-isnt-it-54877">depuis 1973</a>. Pire, pour de nombreux Européens, le bilan britannique n’est guère reluisant et se résume, au mieux, à une perte de temps préjudiciable pour l’Union européenne.</p>
<p>La politique étrangère a stagné ; l’Europe de la défense a été durablement enterrée, non seulement par la prévalence de l’OTAN dans les traités, mais par l’engagement britannique de Tony Blair en Irak en 2003 – une catastrophe politique qui a divisé durablement les Européens et dont ils paient en partie les conséquences aujourd’hui en termes de terrorisme. Par ailleurs, non seulement le Royaume-Uni n’a pas soutenu l’euro, mais la livre sterling l’a concurrencé ; les coûteuses politiques de compétition fiscale par les paradis fiscaux (Jersey, Guernesey…) sont devenues une politique officielle, <a href="http://www.connexionfrance.com/Boris-Johnson-tyranny-terror-1789-Hollande-London-Nazi-14152-view-article.html">revendiquée</a> déjà par l’ex-maire de Londres, Boris Johnson, voulant faire de la City un paradis de la compétition fiscale. Le refus de Schengen a démultiplié les difficultés pour les autres Européens, voire créé des situations inhumaines à Sangatte et à Calais.</p>
<p>Les politiques sociales et régionales de redistribution ont été réduites et dissimulées, dans un contexte de crise économique pourtant provoquée en grande partie par les banques de la City et les <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Regional_policies_and_Europe_2020/fr">régions aidées</a> sont parmi celles qui ont le plus voté en faveur du retrait. La France a dû financer pendant des années un rabais pour le Royaume-Uni. La qualité des politiques agricoles a été rabaissée, mais son iniquité a été maintenue au profit des grands domaines et de la Couronne, sans être compensée. Il n’est pas jusqu’aux symboles mêmes de l’Union (drapeau, hymne) devant figurer dans la Constitution européenne qui n’aient été attaqués et retirés lors des débats de la Convention, en juillet 2003.</p>
<p>Enfin, les révélations successives depuis l’affaire Snowden ont établi que le <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2013/11/07/01003-20131107ARTFIG00552-l-agence-de-surveillance-gchq-cette-petite-s%C5%93ur-britannique-choyee-par-la-nsa.php">GCHQ</a> (service de renseignement électronique) s’est fait l’exécutant de la politique de surveillance et de pillage des données qui, loin d’avoir aidé le continent à lutter contre le terrorisme, ont pénalisé les particuliers et les entreprises (<a href="http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/12/07/les-services-americains-et-britanniques-ont-espionne-les-appels-passes-a-bord-des-vols-air-france_5044732_4408996.html">Air France</a>) en Europe. Dans ce contexte, le Brexit confirme le discrédit des représentants britannique à Bruxelles depuis une dizaine d’années, constatée par plusieurs observateurs, comme l’Institut Jacques Delors.</p>
<p>À l’heure des défis mondiaux de changement climatique, du vieillissement démographique, des pressions migratoires, des défis sociaux et économiques, des risques géopolitiques, de l’hyperterrorisme, cette perte de temps et d’énergie contre-productive a durablement affaibli l’Union européenne face aux autres puissances politiques et économiques, et directement nui à sa compétitivité.</p>
<h2>Les illusions perdues autour du Brexit</h2>
<p>Sur le continent, le Brexit a soulevé de nombreux espoirs chez les plus europhiles. Pour de grands acteurs de l’Europe (Alain Juppé, Michel Rocard, Jacques Delors), il offrait justement le moment d’une saine clarification très attendue, une opportunité unique de mettre fin à l’hypocrisie décennale de membres qui sont à l’intérieur mais démultiplient les exceptions.</p>
<p>À droite, <a href="http://www.al1jup.com/category/reflexion/page/2/">Alain Juppé</a> estimait dès 2013 (donc avant même le Brexit) « le moment […] venu d’aller au fond des choses ». Certains, à gauche, s’étaient déjà prononcés contre le Royaume-Uni. Il était très tentant de tomber une fois de plus, comme en 2005, dans l’illusion de la crise salutaire. <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections-2014/opinion/le-depart-de-la-grande-bretagne-condition-de-la-reconstruction-de-l-ue/">Michel Rocard</a> faisait du « départ de la Grande-Bretagne […] la condition permissive à la reconstruction d’une Europe qui puisse et sache décider ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153055/original/image-20170117-23040-11mdtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, en 2011, avec son homologue britannique, William Hague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/foreignoffice/5974934772/in/photolist-7nK9RX-b7SDL6-a6Z6WL-hZQ4iw-b7SK4v-9LxM1w-b8jnbc-e4WUSX-e4WYs8-e4WZCp-e4X1ge-e4WZ1n-53k89V-e53Atw-baFHLX-e53B2U-e53ENW-cb8ghG-atp4gL-9uhVSM-cb8gty-a6Z6WE-atp4rL-a6Z6WW-9nJtqj-9a59YE-a7h4Q1-9a59Yy-a6Z6X3-atmpzx-a7h2hS-a6Z6WS-atmpv6-atmpHv-9GEi8H-a7e9JV-a7h2fG-AEBgCQ-ax1aMA-ax1aMJ-MxsDbC-MEuzqQ-JLqJ6b-zVVj3Z-rHWAaw-9CoHN9-9CkNr4-9CkN9a-9ukmof-6V1ivu">Foreign Office/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, ces espoirs ignorent tant l’effet domino potentiel des consultations eurosceptiques successives dans un contexte de crise politique – puis économique – depuis 2005 que la réalité d’une Europe encore partiellement « à l’anglaise ». Depuis une vingtaine d’années, cette clarification a, de fait, toujours échoué. Le moment historique est déjà passé, depuis le refus de l’euro et de Schengen, depuis Maastricht en 1992, depuis la Convention et ses référendums en 2005, depuis les élections européennes de 2009 et 2014, et même, <em>in extremis</em>, en 2016. Seule une clarification partielle et limitée a eu lieu avec le traité de Lisbonne.</p>
<h2>Des admirateurs extrêmement opportunistes</h2>
<p>Les défaitistes révolutionnaires ont cru pouvoir reprendre le flambeau. À gauche, les anglophobes économiques ont crié victoire et en attendent toujours le grand soir démocratique. Le politologue Laurent Binet a cédé <a href="http://theconversation.com/referendum-sur-le-Brexit-comme-un-air-de-deja-vu-60931">ici même</a> à la tentation du rapprochement entre les deux campagnes françaises de 2005, où un « non de gauche » avait pesé, et celles de 2015. En 2016, le grand soir n’a cependant pas eu lieu, car même à y chercher de près on peine à trouver le moindre représentant du « non de gauche » au Royaume-Uni tant dans l’électorat que dans le Cabinet britannique. Ken Loach, un des rares étrangers à avoir participé à des meetings nonistes en 2005, s’est d’ailleurs prononcé en faveur du <a href="http://fr.euronews.com/2016/10/12/ken-loach-deplore-les-effets-du-Brexit-sur-la-production-britannique">maintien</a>. L’extrême gauche française perd surtout un bon client, facile bouc-émissaire des politiques libérales.</p>
<p>Finalement, seule l’extrême droite tente encore de capitaliser sur cette nouvelle crise. Les Brexiters ont trouvé des admirateurs improvisés dans leurs meilleurs ennemis historiques, l’extrême droite française anglophobe. Alors que cette dernière fustigeait par nationalisme une Europe libérale « à l’anglaise », nuisant directement aux intérêts nationaux français, elle glorifie désormais l’individualisme économique du Royaume-Uni, baptisant même une impasse du territoire national français à Beaucaire du nom du Brexit – malgré les conséquences néfastes de cette sortie sur les exportations françaises et les outrances <a href="http://www.slate.fr/lien/28281/maire-londres-parisiens-chapardeurs-voleurs">francophobes</a> de ses leaders.</p>
<p>Au demeurant, malgré ses tentatives, le FN a échoué à bâtir une alliance durable avec les nationalistes britanniques au Parlement européen et les convergences eurosceptiques butent sur un mépris raciste <a href="http://www.slate.fr/monde/87689/marine-le-pen-nigel-farage-trop-differents-unir">antagoniste</a> réciproque. Le Brexit, plus que jamais, est une impasse.</p>
<h2>De la « gouvernante anglaise » au spectre britannique</h2>
<p>Toutefois, l’hypothèse d’une marginalisation totale politique, économique et culturelle du Royaume-Uni suite au Brexit est peu probable. Londres a su trouver des alliés ponctuels pour promouvoir durablement un certain nombre de politiques libérales partiellement populaires : la libéralisation du commerce et des services ; l’élargissement (l’ouverture à la Turquie, la libre-circulation des travailleurs polonais…) dont les nouveaux États-membres lui sont reconnaissants ; la limitation et la réorientation du budget européen avec la baisse de la part prépondérante de la PAC dans le budget européen ; la participation active à des projets de recherche scientifique. Le Royaume-Uni a même servi d’aiguillon pour des politiques parfois impopulaires qu’il avait le mérite d’endosser, comme les politiques commerciales.</p>
<p>Alors même qu’il renie désormais ces politiques – La Turquie est revenue occuper une place importante comme repoussoir des Brexiters ; les agriculteurs britanniques auraient bien continué de profiter de la PAC, etc. –, certains des 27 États-membres (Pologne, Suède) continuent de partager les réserves britanniques sur plusieurs points, y compris après son départ. Plusieurs membres ont ainsi promu activement les négociations commerciales récentes sur le TAFTA ou le CETA par exemple, malgré les réserves de nombreux citoyens et de nombreuses associations et de plusieurs régions et États. Ainsi, même en son absence, le Royaume-Uni risque fort d’occuper une chaise vide, d’être la « gouvernante anglaise » (<a href="https://www.cairn.info/edouard-daladier-chef-de-gouvernement--978272460377X-p-228.htm">François Bédarida</a>), l’inspirateur qui continue d’influencer les politiques.</p>
<p>Au demeurant, l’essentiel du legs britannique ne réside pas dans ses politiques, donc, mais dans sa philosophie. <em>De facto</em> une bonne partie de l’Europe est déjà « à l’anglaise ». C’est un legs d’ailleurs contradictoire, entre libéralisme et regain national :</p>
<ul>
<li><p>La logique libérale est devenue majoritaire. Les politiques de la Commission et de la BCE ont même été décrites comme plus libérales que celle des Anglo-Saxons. Le résultat partiel des résistances britanniques est que seul le commerce est une compétence exclusive de l’UE. C’est l’Europe du libre-échange, de l’abaissement des droits de douane qui a obtenu les résultats les plus concrets.</p></li>
<li><p>La logique comptable nationale britannique de Fontainebleau de 1984 – « I want my money back » de Thatcher – s’est durablement imposée dans la communication des gouvernements et la perception des opinions publiques. Les budgets sont présentés en termes de contribution nationale, au mépris de la logique solidaire des politiques régionales par exemple.</p></li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/U2f8nYMCO2I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<ul>
<li><p>Sur le plan culturel, l’anglais prime, notamment depuis le grand élargissement de 2004. Les autres langues que l’anglais sont souvent ignorées par les nouveaux membres. Dans ce contexte, le plurilinguisme, y compris sur les sites officiels des différentes directions générales de l’UE, reste un vœu pieux et on peut difficilement croire que l’anglais pourrait, comme le désireraient peut-être <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/06/24/apres-le-Brexit-l-anglais-boute-hors-d-europe_1461792">Jean Quatremer</a> et d’autres amoureux de la langue de Molière ou de Goethe, ne plus être une langue de travail de l’UE. Sur le plan professionnel, cela continue d’offrir une prime économique de fait aux <em>native speakers</em>. La maîtrise rhétorique de la langue continue ainsi de peser dans l’évaluation des dossiers de demande de fonds.</p></li>
<li><p>Ce monolinguisme de fait dans un anglais bruxellois entraîne des habitudes de pensée, de langue de bois, une simplification, une approche <em>business</em> et économiciste des problèmes. Les concours de recrutement des fonctionnaires européens ESPO <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2010-1-page-5.htm">ont été réformés en 2009</a> et dirigés par des Britanniques en supprimant la culture générale européenne et en alignant les épreuves sur des standards très présents dans le système académique britannique d’écoles de commerce, sans grand rapport avec les fonctions européennes. Au quotidien, en l’absence de réel média européen, le <em>Financial Times</em> ou <em>The Economist</em> restent, par défaut, les premières sources d’information des fonctionnaires européens. Plus qu’un outil de communication, l’anglais <em>globish</em>, à la recherche éperdue d’expressions idiomatiques, est devenu une éthique de substitution pour bien des fonctionnaires « expats ».</p></li>
</ul>
<h2>Sortir… du Brexit ?</h2>
<p>D’ailleurs, alors que les Européens sont gagnés par un fort populisme à connotation raciste, le Royaume-Uni est privilégié, il bénéficie d’une immunité, d’un capital paradoxal de sympathie et les manifestations d’anglophobie sont restées très discrètes, comparées aux outrances <a href="http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-Brexit/article/2016/10/27/les-francais-du-royaume-uni-vises-par-des-agressions-verbales-depuis-le-Brexit_5021284_4872498.html">racistes</a> mortelles au Royaume-Uni, même après cet abandon sans précédent.</p>
<p>Cette dissymétrie peut s’expliquer, en partie, par le travail de marketing de la diplomatie culturelle britannique en Europe dans tous les domaines – Theresa May se targue d’avoir le plus grand <em>soft power</em> mondial (linguistique, artistique, sportif avec les JO de Londres, le championnat anglais, etc.) –, mais aussi par le poids de l’influence américaine, prolongement puissant de l’influence britannique en Europe, qui constitue toujours pour de nombreux États membres (Belgique, Pologne…) l’alternative préférée à une intégration européenne dominée un axe franco-allemand plus étatique, et redoutée.</p>
<p>On le voit donc bien : le chemin pour sortir du Brexit sera long et la Révolution européenne tant attendue ne se fera pas en un jour et sans doute « avec » les Britanniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71361/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Serodes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
De facto, l’Europe est déjà « à l’anglaise ». Même en son absence, le Royaume-Uni risque fort d’occuper une chaise vide, celle de l’invité fantôme, et de continuer à influencer les politiques.
Fabrice Serodes, Dr./PhD en histoire contemporaine des relations franco-britanniques, Institut catholique de Lille (ICL)
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tag:theconversation.com,2011:article/71291
2017-01-16T21:48:59Z
2017-01-16T21:48:59Z
La transition énergétique, un enjeu géopolitique pour l’Europe
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/152921/original/image-20170116-9021-1778tha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/this-image-europe-city-lights-created-142043677?language=fr&src=Stae3HIv-_n1MgR3dpJGYw-1-0">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’Union européenne doit accélérer sa transition énergétique, tant pour lutter contre le changement climatique que d’un point de vue géopolitique. C’est ce que l’on peut retenir de la <a href="http://www.eea.europa.eu/fr/pressroom/newsreleases/grace-aux-politiques-menees-l2019union">dernière évaluation</a> de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publiée en 2014 et mise à jour en <a href="http://www.eea.europa.eu/themes/climate/trends-and-projections-in-europe">décembre 2016</a>.</p>
<p>Les tendances actuelles, si elles sont encourageantes, doivent en effet s’intensifier pour atteindre les <a href="http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/145356.pdf">nouveaux objectifs</a> que l’Union s’est fixée pour 2030. La voie à suivre est claire : les États membres doivent revoir leurs ambitions et leurs efforts à la hausse pour garantir une économie à faible intensité de carbone, compétitive et circulaire dans les décennies à venir.</p>
<h2>Des voix dissonantes</h2>
<p>Mais à Bruxelles, la question de la transition énergétique est loin d’être tranchée.</p>
<p>Pour <a href="http://info.arte.tv/fr/la-commission-europeenne-fan-des-energies-fossiles">Miguel Arias Cañete</a>, nouveau commissaire européen à l’Énergie et ex-président de la compagnie pétrolière Petrolifera, les énergies fossiles ne sont pas à bannir. L’Espagnol défend tout particulièrement le gaz de pétrole liquéfié (GPL), facile à transporter et permettant une diversification meilleure et plus sûre des sources d’approvisionnement, souligne-t-il.</p>
<p>Miguel Arias Cañete s’inscrit ici dans la lignée de son prédécesseur, l’Allemand Günther Oettinger, dont l’objectif en termes d’économies d’énergie ne dépassait pas les 28 %. Il recommandait d’ailleurs que l’Europe diversifie ses sources d’approvisionnement en énergies fossiles en s’appuyant notamment sur le <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/gaz-schiste-petrole-europe-oettinger-16254.php4">gaz de schiste</a>, une technologie de production de gaz naturel controversée.</p>
<p>Des positions qui contrastent fortement avec les recommandations adoptées lors de la COP21 en faveur d’une réduction drastique des énergies fossiles pour tenter de limiter les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.</p>
<p>Le vice-président de la Commission européenne en charge de l’Union énergétique, le Slovaque Maroš Šefčoviča, voit les choses bien différemment. </p>
<p>Le 30 novembre 2016, il a lancé le projet <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4009_fr.html">« Énergie propre pour tous les Européens »</a>. Il s’agit de s’éloigner des systèmes centralisés basés sur les combustibles fossiles. Maroš Šefčoviča prône une transition énergétique accélérée avec, à la fois, une baisse des énergies fossiles dans la consommation totale d’énergie au profit d’énergies vertes, et un objectif contraignant d’efficacité énergétique de 30 % au niveau de l’Union.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"818479692051337217"}"></div></p>
<p>L’idée étant d’assurer le droit à chaque citoyen européen de produire de l’énergie renouvelable, de l’autoconsommer, de la stocker et/ou de la vendre au réseau pour en retirer un revenu équitable. Le <a href="https://www.neweurope.eu/article/building-energy-union-stable-foundations/">vice-président</a> a ainsi annoncé dans le cadre de cette initiative, la création future de 900 000 emplois supplémentaires dans l’ensemble du secteur de l’énergie.</p>
<h2>Pour un marché unique de l’énergie</h2>
<p>Le 25 février 2015, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour une Union européenne de l’énergie. L’objectif était de proposer un marché de l’énergie compétitif, fiable, durable et abordable.</p>
<p>Mais avec des <a href="http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0066-l-ouverture-a-la-concurrence-des-marches-europeens-de-l-electricite-genese-et-perspectives">infrastructures vieillissantes</a>, des voix dissonantes à la Commission et des politiques énergétiques non coordonnées, les utilisateurs en bout de chaîne ne bénéficient toujours pas d’une vaste gamme de choix ni d’une baisse des prix de l’énergie.</p>
<p>Il est ainsi temps de créer un marché unique de l’énergie en Europe sans barrières nationales, permettant aux consommateurs d’acquérir leur énergie là où le coût en sera le moins élevé.</p>
<p>Un avantage majeur pour l’Europe réside dans le fait que la demande en énergie n’est pas la même au cours de l’année d’un pays à l’autre. Par conséquent, à tout moment, le besoin peut être fourni ou reçu des pays voisins. Des accords européens et transfrontaliers contribueraient de manière décisive à satisfaire la demande énergétique. Mais ce marché unique de l’énergie nécessiterait une compréhension et une coordination communes, absentes aujourd’hui. </p>
<h2>Un enjeu géopolitique</h2>
<p>La situation énergétique des pays est aujourd’hui très contrastée au sein de l’Union : de l’indépendance énergétique de certaines îles danoises à la dépendance totale de l’île de Malte à l’égard des importations (et ce malgré d’excellentes conditions climatiques pour développer l’énergie éolienne et solaire).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4cOgazl8UxQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Samso, l’île danoise qui est passée au 100% renouvelable (GEO, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les pays d’Europe de l’Est dépendent fortement du pétrole brut et du gaz naturel russes. <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Energy_production_and_imports/fr">En 2013</a>, 42 % du volume de gaz naturel et 33 % des importations de pétrole brut vers l’Europe provenaient de Russie.</p>
<p>Dans ce contexte, le premier ministre polonais <a href="https://www.ft.com/content/91508464-c661-11e3-ba0e-00144feabdc0">Donald Tusk</a> a appelé de ses vœux, en 2014, la création d’une <a href="https://europa.eu/european-union/topics/energy_fr">Union européenne de l’énergie</a> qui compenserait de possibles suspensions d’approvisionnements si les relations russo-européennes venaient à se dégrader.</p>
<h2>Qui a peur de Moscou ?</h2>
<p>En cas de sanctions économiques imposées par Bruxelles à Moscou, les autorités russes ne manqueraient pas de riposter ; mais les deux parties subiraient des dommages… et la Russie en tout premier.</p>
<p>L’économie d’exportation de ce pays s’appuie en effet sur ses matières premières. La <a href="http://www.connaissancedesenergies.org/situation-energetique-de-la-russie-en-2015-150805">Russie est riche</a> en pétrole brut, gaz naturel et charbon, mais aussi en plomb, fer, or, cobalt, cuivre, nickel, zinc, étain et platine. Cette impressionnante liste laisse cependant entrevoir la faiblesse de l’économie russe d’exportation en cas de baisse des prix des matières premières. Ce fut le cas en 2008, par exemple, avec la crise économique et financière qui a vu les prix mondiaux des matières premières s’effondrer.</p>
<p>La Russie ne peut ainsi se permettre de suspendre ses exportations d’énergie vers l’Union européenne. Et même aux jours les plus critiques de la Guerre froide, l’Union soviétique n’a jamais cessé de livrer de l’énergie à l’Occident.</p>
<p>Parallèlement, si la Chine a des besoins énergétiques de plus en plus importants, la Russie manque encore des infrastructures lui permettant de réorienter ses exportations d’énergies fossiles vers les économies émergentes d’Asie.</p>
<p>Il faudra en effet des années pour que les <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/21/gaz-mega-accord-entre-la-chine-et-la-russie_4422950_3244.html">livraisons de gaz</a> convenues entre Moscou et Pékin en 2014 atteignent la Chine via un pipeline qui n’a pas encore été construit.</p>
<p>Est-ce à dire que l’Europe peut baisser la garde ? Pas vraiment : malgré son <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_fr">Plan Climat</a>, la <a href="http://www.touteleurope.eu/actualite/la-dependance-energetique-europeenne.html">dépendance énergétique</a> de l’Union n’a cessé d’augmenter depuis les années 1990.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La question de l’indépendance, à l’égard de Moscou notamment, est au cœur des objectifs énergétiques des 28 États membres.
Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Institut du développement territorial (IDéT) – Laboratoire Métis, EM Normandie
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2016-11-11T15:42:43Z
2016-11-11T15:42:43Z
L’Europe de la sécurité : le choix pragmatique de Paris
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/145269/original/image-20161109-19051-11a5nau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un agent de Frontex, à la frontière gréco-turque.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/robdeman/5157508361/in/photolist-8RKzxX-wrx5FK-4Uidb9-csJYp5-wroq9G-wyjjyG-x6MHLW-bx71hP-w1eMnk-w1eMze-wUN1Hq-wUyyfm-w16hrG-4UWXKd-oUoDZf-4UdZZH-4UdZVk-4USJR2-4USJtV-o6SSJ5-4Uid5u-4Uid4G-4Uid7u-oUo9qz-4Ue148-hCnEcv-s8f7aM-pxYdEH-oaFGjc-4UicVY-9emtRo-hCnEyx-pxYdyF-pgsYcx-pgtXye-pgtHdw-pxYdCD-4UWXnN-pgoYQx-hCpedB-pxWpKE-4UicYd-pxTdTi-pgtXBa-o8U7e6-pxTemT-9Woj5x-9Wrg9d-hz69ni-pxWpWG">Rock Cohen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 4 novembre 2016, à Paris, près d’un an après les attentats commis dans la capitale française, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve et le Commissaire européen chargé de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme et contre le crime, le Britannique Julian King, ont confirmé, une tendance forte entre les deux parties : la volonté de renforcer encore et toujours la lutte contre le terrorisme.</p>
<p>A cette occasion, le ministre Cazeneuve s’est inquiété de la circulation des armes illégales, et a plaidé pour un encadrement accru à l’échelle de l’Union. Une manière de mettre à nouveau sous pression le Parlement européen, co-décideur avec le Conseil des ministres, pour l’adoption d’une directive visant à donner un nouveau tour de vis dans le contrôle des armes à feu.</p>
<p>Le discours du ministre Bernard Cazeneuve est rôdé : il avait dénoncé, il y a plusieurs mois, les tergiversations des députés européens refusant d’entériner la directive PNR intracommunautaire. Finalement, <a href="https://theconversation.com/le-long-chemin-de-croix-du-fichier-passagers-57700">après bien des péripéties</a>, le texte a été adopté en avril 2016 après que la France eut pesé de tout son poids dans le débat au Parlement européen. Depuis, elle fait partie des pays les plus avancés dans la mise en œuvre du texte.</p>
<p>La France fait indéniablement preuve de volontarisme politique en matière de lutte antiterroriste, donnant souvent l’impulsion au niveau européen. Trois exemples peuvent être mentionnés brièvement pour s’en convaincre :</p>
<p>1) la proposition d’une task-force visant à lutter contre le trafic de faux documents ;</p>
<p>2) le transfert substantiel d’informations sensibles à Europol sur certaines entités terroristes ;</p>
<p>3) l’appui décisif en faveur de la création au sein de l’agence européenne Europol de la <em>Task Force fraternité</em>, embryon du <a href="https://www.europol.europa.eu/newsroom/news/europol%E2%80%99s-european-counter-terrorism-centre-strengthens-eu%E2%80%99s-response-to-terror">nouveau Centre européen de lutte antiterroriste (ECTC)</a> d’Europol. Pour mémoire, l’ECTC – chargé de faciliter l’échange et l’analyse du renseignement – a été inauguré en janvier 2016 et son importance ne cesse de croître depuis dans le domaine de la coopération entre polices européennes.</p>
<h2>Convergences de vue</h2>
<p>Un constat s’impose d’emblée : il existe une convergence de vues entre les positions nationales et les institutions européennes. <a href="http://www.gdr-elsj.eu/2016/02/02/cooperation-judiciaire-penale/lelsj-a-lheure-de-letat-durgence-un-effet-collateral-du-syndrome-shadok-de-la-lutte-antiterroriste-francaise/">Vu du côté français</a>, l’Union européenne opère le prolongement de la politique nationale en matière antiterroriste. Le ministre de l’Intérieur le sait bien : face à un phénomène transnationalisé, une action purement hexagonale est inefficace.</p>
<p>Qui plus est, les institutions de l’Union européenne sont de nature à fournir un appui nécessaire, ne serait-ce qu’au plan financier. Ainsi le <a href="http://lessor.org/equipements-gign-finances-lunion-europeenne/">GIGN</a> a-t-il reçu plus d’un million d’euros de subventions en équipements aux fins de lutte antiterroriste grâce au Fonds européen pour la sécurité intérieure (FSI).</p>
<p>Vu du côté de Bruxelles, le soutien français est apprécié dans les efforts déployés en vue de l’édification d’une politique européenne dans des matières pour lesquels les États se montrent très sourcilleux (police, justice, renseignement, radicalisation).</p>
<h2>Un mariage de raison</h2>
<p>De part et d’autre, le rapprochement opéré est donc ardemment souhaité. Mais si mariage il y a, ce n’est pas par amour, mais par raison, chacun y trouvant son compte. La France fait preuve d’une <a href="https://theconversation.com/face-au-terrorisme-paris-veut-une-europe-de-la-securite-a-la-francaise-56704">europhilie de circonstance</a>, largement disposée à exiger de l’Europe et de ses États membres un investissement dans la lutte antiterroriste à la hauteur des siens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145279/original/image-20161109-19089-1jhn263.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Patrouilles dans les rues de Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/petit_louis/6944262262/in/photolist-EUbMUL-pfL2Yp-vz9udA-gBMuJN-8RqTPo-73cegH-8RnMEg-bzDaeG-rc7f3z-6R4Smb-bzDaSb-61ooc3-bNxFsP-3XtPt-dMjht2-5Bf8X-dDbVi8-e5NTri-jur65d-7aqCz3-94dsaW-7V5aVk-pAVMwq-PDX7d-8RqTS9-KfEHom-8RnMQ2-8Rt9zL-8RnMAX-6yKHWP-35D9bD-wRncWS-xnJGU6-K844wF-KdXgMA-KBdc2N-KdX9vm-KdBZMh">Petit_louis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le Conseil des ministres de l’Intérieur s’emploie, quant à lui, à montrer qu’il est à la manœuvre, conscient que si la lutte antiterroriste est une priorité pour l’Europe, les intérêts des États ne doivent pas être négligés. <a href="http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20160630STO34203/eurobarom%C3%A8tre-la-lutte-contre-le-terrorisme-devrait-%C3%AAtre-la-priorit%C3%A9-de-l%E2%80%99ue">Forte des résultats des sondages Eurobaromètre</a>, reflétant une réelle volonté des citoyens pour davantage d’Europe en matière de lutte antiterroriste, la Commission européenne s’efforce, pour sa part, de faire avancer son projet d’« Union pour la sécurité » et de faire émerger une conscience européenne dans le champ de l’Europe de la sécurité.</p>
<p>Quant aux agences européennes, en premier lieu Europol, elles ne voient pas non plus d’un mauvais œil une action européenne dans ce domaine, bien au contraire. Elles en retirent des bénéfices en voyant leurs compétences s’accroître dans des matières pourtant sensibles aux yeux des États membres.</p>
<h2>Une relation symbiotique</h2>
<p>L’Europe de la lutte antiterroriste, qui naît véritablement et grandit après les attaques de Paris de 2015, est le résultat de considérations pragmatiques. Il s’agit, par exemple, de trouver des solutions concrètes au <a href="http://securiteinterieurefr.blogspot.fr/2016/10/concurrence-police-services-de.html">cloisonnement persistant</a> entre le monde policier et celui du renseignement, car la mauvaise circulation entre services et entre États membres nuit à l’efficacité de la lutte. Les grands débats sur la souveraineté des États face à l’UE pèsent peu dès lors que l’un d’eux est confronté aux impératifs sécuritaires. Notamment lorsque des pays, comme la France ou la Belgique, sont victimes d’une attaque terroriste brutale, suscitant un choc au sein de l’opinion publique européenne.</p>
<p>L’Europe n’est rien sans les États (particulièrement dans un domaine tel que la sécurité), mais l’inverse est également vrai : les États ne sont rien sans l’Europe. Les <a href="https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/king/announcements/point-de-presse-conjoint-entre-julian-king-commissaire-europeen-charge-de-lunion-de-la-securite-et_en">propos du Commissaire Julian King</a> reflètent parfaitement l’idée que l’antiterrorisme européen ne se construit pas <em>contre</em> l’antiterrorisme français, mais plutôt que l’antiterrorisme français se développe <em>avec</em> l’antiterrorisme européen :</p>
<blockquote>
<p>« Cela fait presqu’un an que les attaques dévastatrices, choquantes du 13 novembre ont eu lieu Les citoyens européens demandent à l’Europe d’agir, et elle répond à cet appel. La première responsabilité pour les questions de défense et de sécurité appartient aux gouvernements. Mais l’Europe peut aider, soutenir, encadrer. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil du temps se créent des liens d’interdépendance toujours plus étroits, avec pour conséquence une intrication des administrations nationales et européennes formant <a href="http://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1997_num_15_3_2160">des réseaux plus denses</a>, notamment par l’entremise des agences comme Europol, sorte de nœud de la lutte antiterroriste. Les discussions de salon sur l’Europe <em>versus</em> les peuples qu’affectionnent certains hommes politiques et philosophes, sont bien éloignées d’une réalité marquée par une convergence très forte entre l’Union et ses États membres. Désormais, l’interdépendance est telle qu’elle oblige à revoir la vision binaire héritée du siècle dernier : l’UE et les États perçus comme deux entités séparées et hiérarchisées avec, pour faire simple, une Europe supérieure aux États pour les fédéralistes, des États au-dessus (voire en-dehors) de l’Europe pour les souverainistes.</p>
<h2>Le défi de l’évaluation</h2>
<p>Le discours nationaliste ou souverainiste prétendant que la lutte contre le terrorisme est seulement du ressort national fait parfois <a href="http://www.gdr-elsj.eu/2016/01/08/cooperation-judiciaire-penale/attentats-terroristes-de-paris-une-defaillance-de-lespace-de-liberte-securite-et-justice/">office de cache-sexe</a> pour masquer des manquements aussi graves que condamnables. Il sert alors de paravent bien commode évitant que l’Europe ne vienne poser les questions qui dérangent.</p>
<p>Le <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/02/13/31001-20150213ARTFIG00145-schengen-terrorisme-et-si-les-etats-cooperaient.php">professeur Henri Labayle</a> le souligne à juste titre : « La classe politique entretient curieusement un véritable fantasme à propos de Schengen », tantôt loué pour ses vertus antiterroristes, tantôt vilipendé en tant que une passoire sécuritaire. Or, Schengen est l’arbre qui cache la forêt. Le véritable problème est que les États ne jouent pas vraiment le jeu du partage de renseignements, pourtant essentiel.</p>
<p>L’idée d’une évaluation à l’échelle européenne est donc utile, et même indispensable, car elle est de nature à mettre en évidence d’éventuelles erreurs. Pour l’heure, cette évaluation est déjà pratiquée dans le domaine de la surveillance par les États membres du tronçon des frontières extérieures de l’UE qui leur incombe. En revanche, l’évaluation des mesures nationales antiterroristes reste encore d’ampleur limitée et trop peu fréquente. Le Parlement européen avait déjà appelé, il y a quelques années, à une évaluation globale des politiques des États membres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145280/original/image-20161109-19089-3kqrn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Métro sous surveillance.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sklkphoto/19409446458/in/photolist-EUbMUL-pfL2Yp-vz9udA-gBMuJN-8RqTPo-73cegH-8RnMEg-bzDaeG-rc7f3z-6R4Smb-bzDaSb-61ooc3-bNxFsP-3XtPt-dMjht2-5Bf8X-dDbVi8-e5NTri-jur65d-7aqCz3-94dsaW-7V5aVk-pAVMwq-PDX7d-8RqTS9-KfEHom-8RnMQ2-8Rt9zL-8RnMAX-6yKHWP-35D9bD-wRncWS-xnJGU6-K844wF-KdXgMA-KBdc2N-KdX9vm-KdBZMh">Serge klk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La Commission a affirmé le 12 octobre dernier qu’elle réalisera ce type d’exercice concernant les mesures européennes. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction qui requiert désormais son extension aux États membres, afin d’identifier les meilleures pratiques parmi chacun d’eux certes, mais aussi les « lanternes rouges ». Il est question par exemple des États « passagers clandestins » du renseignement : ceux qui investissent peu dans leurs capacités de renseignement, profitant du partage des informations émanant de services dont les États de tutelle s’impliquent bien plus en produisant les efforts conséquents.</p>
<p>C’est précisément le cas de la France qui, même s’il y a à redire sur l’efficacité de la coopération en interne, s’engage clairement dans la création de capacités nouvelles de renseignement et dans un échange accru d’informations avec ses partenaires européens.</p>
<h2>Ne plus payer pour les autres</h2>
<p>Par conséquent, Paris a tout intérêt à la mise en place de dispositifs évaluatifs tels qu’ils existent dans d’autres enceintes internationales, comme le Groupe d’action financière (GAFI). Là encore, la souveraineté sur ces questions ne fait pas grand sens et les débats sur sa préservation sont dogmatiques. Car, au final, la France paye, d’une manière ou d’une autre, pour les conséquences des lacunes en matière de renseignement des autres, recouvertes de l’épais manteau de la protection des intérêts nationaux.</p>
<p>À ce sujet, le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r3922-t1.asp">rapport parlementaire Fenech-Pietrasanta</a> consacré aux attentats de novembre 2015 avait émis l’idée que la France a été victime indirecte des défaillances en matière d’échange de renseignements entre deux pays. Il indique notamment :</p>
<blockquote>
<p>« Nonobstant sa volonté propre, la France est également tributaire de la qualité de la coopération entre pays tiers. La reconstitution du parcours de deux des terroristes ayant frappé au Stade de France, le 13 novembre 2015, en fournit une bonne illustration [puisque] notre pays a très directement souffert de la coopération défaillante entre deux autres pays, qui n’a pas permis d’intercepter la totalité du commando du Stade de France ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, l’idée d’une évaluation amenant les pays concernés à rendre des comptes est de nature à renforcer la collaboration entre États membres et éviter qu’à l’avenir, des attaques ne soient pas déjouées du fait d’un déficit de communication entre services de renseignement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Berthelet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis les attentats de novembre 2015, la France fait preuve de volontarisme politique en matière de lutte antiterroriste, donnant souvent l'impulsion au niveau européen.
Pierre Berthelet, Enseignant Chercheur en sécurité intérieure européenne, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/68308
2016-11-06T19:53:04Z
2016-11-06T19:53:04Z
Essence et existence d’une Europe en « polycrise »
<p>Après bien des péripéties, le président du Conseil européen Donald Tusk, le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et Justin Trudeau, le premier ministre du Canada, ont signé, le <a href="http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/10/30-eu-canada-declaration/">30 octobre 2016</a>, à Bruxelles l’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne et le Canada. Un moment démocratique intense, dont le Ministre-président de Wallonie Paul Magnette a été l’instigateur, a précédé cette signature. Il a, à nouveau, fait apparaître crûment les difficultés de fonctionnement de l’Union, pour ne pas dire sa paralysie.</p>
<p>L’AECG (ou CETA) s’est finalement révélé être un nouvel avatar de la crise sans fin qu’affronte l’Union, la crise de trop qui symbolise son affaiblissement extrême ! Depuis 2008, en effet, l’UE est frappée par des crises à répétition et de fortes amplitudes : crise bancaire, financière, économique et sociale ; crise migratoire, qui s’accompagne d’un retour du terrorisme, et impose d’agir afin que « Schengen » ne mette pas à bas l’idée européenne ; crise agricole depuis l’embargo russe de 2014, la suppression des quotas laitiers en mars 2015 et le recul de la demande mondiale, notamment chinoise ; enfin, depuis le <a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">référendum 23 juin 2016</a>, crise à rebondissements du Brexit, qui s’apparente fortement à une synthèse des multiples crises que connaît l’Union.</p>
<p>Sans aller jusqu’à évoquer un état de crise permanent, l’Union européenne est victime d’un traumatisme persistant que l’actuel <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-16-112_fr.htm">Président de la Commission</a> considère comme étant « le parfait reflet d’une Europe en polycrise ». L’Europe est en effet « confrontée à une conjonction de crises multiples, complexes, multistratificationnelles, venant de l’extérieur ou de l’intérieur de l’Union européenne, et qui surviennent toutes en même temps ». Toujours selon <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-16-3043_fr.htm">Jean-Claude Juncker</a>, elle « traverse, du moins en partie, une crise existentielle », qui se caractérise par une Union que les États membres ont réduit aux acquêts, et qui apparaît extrêmement fragilisée, car elle est en lambeaux, paralysée et à la recherche d’un nouveau souffle.</p>
<h2>Une Europe en lambeaux</h2>
<p>Le Brexit a produit l’<a href="https://theconversation.com/brexit-un-seisme-politique-qui-leve-les-tabous-europeens-61649">effet d’un séisme politique</a> et fait exploser l’UE, qui n’existe plus sur le plan politique. Avec l’épisode du CETA, elle n’existe plus également sur le plan économique et commercial.</p>
<p>On sait maintenant que le vote en faveur du Brexit a été un vote contre l’immigration, les élites politiques, les experts, des personnes âgées contre les jeunes, bref de l’« Angleterre profonde » contre Londres, incarnée par la City. Ce vote est de manière incontestable le reflet d’une crise européenne, de fractures générationnelles, géographiques et sociales. À la réflexion, le CETA fait ressortir le manque crucial d’unité de l’Union, son repli derrière ses frontières, son manque de légitimité et, plus largement, sa faiblesse institutionnelle. À l’évidence, la conclusion de nouveaux accords de libre-échange imposera davantage de pédagogie auprès des citoyens de l’Union et une réflexion sur la conduite de sa politique commerciale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144715/original/image-20161106-27904-1b8fhhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/paultox/27804225731/in/photolist-JmXVCg-JjQHNb-HzAdc5-oVvg75-Jow5jL-hhf3h8-Hzwmb9-JtCeWn-J45EQU-FCu8fw-JvqJ23-Jq1ecC-81XPqx-J2RZMV-HwWE1h-JmTa1Z-5GDcRf-J2QTAN-Jvj7b6-Jtuaya-Jjccfm-JjiMNG-HwWKc9-J3TTKo-9j19eh-JqZLJR-Jx7gcz-JtsuP8-HzJehW-JiUNk5-AVZDxh-JogbS9-9j19yj-Hzxh4Z-J53c63-JtaKNF-JjeFTE-HwWvAa-GZUSWs-DtRWqS-HxNEiv-Hrt6ZU-HxrD7f-7YWbmU-J6T64S-HACjXt-J3vULW-JktxxX-JwRJBV-Hx6G1m">Paul Toxopeus/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Plus grave, sans doute, est l’incapacité de l’Union et de ses États membres à dégager un intérêt commun, un intérêt général. Le <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-16-3043_fr.htm">Président de la Commission</a> n’a-t-il pas déclaré que le terrain d’entente entre les Vingt-Huit n’a jamais été aussi réduit, et qu’ils n’acceptent de travailler ensemble que sur un nombre limité de domaines. L’intérêt collectif européen est fréquemment ramené à son plus petit dénominateur commun. La fragmentation et le morcellement sont donc à leur paroxysme.</p>
<p>Les États membres sont très divisés – ce qui mine l’Union. La division Est-Ouest porte sur des sujets comme les plans « énergie-climat » (2020 et 2030) ou encore la refonte de la directive sur les travailleurs détachés. Onze Etats membres de l’Est, plus le Danemark, ont brandi leur « carton jaune » pour contester – au titre du respect du principe de subsidiarité – la <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0128&rid=1">proposition de la Commission</a>. La Pologne n’a pas fait le choix du Triangle de Weimar (avec l’Allemagne et la France), mais celui du groupe de <a href="http://www.visegradgroup.eu/">Visegrad</a>, avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Le <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-d-athenes-du-premier-sommet-des-pays-mediterraneens-de-l-union-europeenne/">premier Sommet</a> des pays méditerranéens de l’Union européenne, qui s’est tenu à Athènes le 9 septembre 2016, ravive le clivage Nord-Sud, l’opposition entre les partisans de l’orthodoxie budgétaire et ceux favorables à davantage de souplesse, pour ne pas dire adeptes d’un certain laxisme budgétaire.</p>
<p>Les fractures ne sont pas seulement nationales ; elles sont également régionales, comme l’indiquent les nationalismes régionaux en Écosse ou en Catalogne qui, souhaitant l’indépendance de leur région, taraudent les fondements de l’UE. De plus, avec le blocage du CETA par la Wallonie, l’Union vient de connaître son <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2016/10/26/le-quart-d-heure-wallonien_5020421_3232.html">« quart d’heure wallonien »</a> qui prouve par a + b que « l’Europe se subdivise en microrégions aux pouvoirs improbables ». Avec la rupture de la logique de l’intérêt commun, le morcellement de l’UE est bien réel et il conduit à la paralysie.</p>
<h2>Une Europe paralysée</h2>
<p>La première raison expliquant la paralysie de l’Union est une crise politique, une crise de la représentation. Elle se matérialise par le fait que non seulement les peuples ne font plus confiance aux dirigeants politiques nationaux, mais également aux dirigeants européens. Le pantouflage de l’ancien président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, chez Goldman Sachs, qui a maquillé les comptes de la Grèce afin qu’elle puisse participer à l’euro, ou les conflits d’intérêts concernant plusieurs autres commissaires, sapent totalement l’autorité de la Commission ! De même, comment peut-on avoir confiance en une Commission qui a annoncé, le 29 juin 2016, en plein sommet sur le Brexit – par un simple communiqué de presse – la prolongation pour 18 mois de l’autorisation du glyphosate entrant dans la composition du plus controversé des désherbants, le Roundup de Monsanto ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144718/original/image-20161106-27919-1tawumf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">José-Manuel Barroso, l’ancien patron de la Commission s’en va chez Goldman Sachs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/69583224@N05/8102196691/in/photolist-dkXSNp-grW14e-fafZL9-gs5fan-grUSrJ-fag2Cm-gsuCLZ-gsvSWt-grVvxL-gstTFk-gs3Cau-gsuLBY-gstNFj-gs57DR-bP4Kvi-gsv3b2-fag15y-gsuCmR-gsv1R1-gs5e7F-gsu2nb-grUmtX-fag3Kd-gsuvEx-gs4XFF-gsuwLF-gsux9C-gs3Eo7-gsv1oY-gstsyq-gsuzvZ-gs4BKb-gs3GxC-fag2Xj-gsun2c-fa1M2p-gs4VWm-oQcZS8-fag1du-nJuD8V-drT9FG-aBA6JJ-fa1LiR-fa1Mtz-fafZaG-fa1NYF-fa1KAt-grV6e4-bAa7a1-gsuAWM">Commission européenne/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cette absence criante de confiance ressort nettement de la <a href="http://www.eu2016.sk/data/documents/160916-bratislava-declaration-and-roadmap-fr.pdf">Déclaration de Bratislava</a> du 16 septembre 2016, qui évoque l’engagement à « offrir à nos citoyens, au cours des prochains mois, une vision d’une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien ». Bratislava n’est que « le début d’un processus », bien flou et imprécis au demeurant, qui doit se clôturer à Rome en mars 2017 lors des célébrations du 60ème anniversaire des Traités de Rome. Cette démarche post-Brexit semble très insuffisante pour améliorer l’image de l’UE et regagner la confiance des citoyens, qui considèrent – à tort ou à raison – qu’elle fait preuve d’une inertie coupable sur des sujets aussi fondamentaux que la lutte contre le chômage et la précarité, la défense, la sécurité intérieure ou l’immigration.</p>
<p>Un deuxième et triste constat peut être facilement dressé : l’Europe n’a plus de valeurs communes. Au-delà du Brexit, il faut bien comprendre que le Royaume-Uni rejette catégoriquement l’idée que l’Europe puisse lui imposer ses valeurs, que l’<a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2016:202:FULL&from=FR">article 2 du TUE</a> énonce pourtant pour la première fois, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. N’oublions pas que le Royaume-Uni souhaite également rompre avec la Convention européenne des droits de l’homme. Le <a href="http://www.cvce.eu/content/publication/2003/4/11/0d25d34f-04fc-4aae-88d0-7022cc9bd38d/publishable_fr.pdf">traité de Londres</a> de 1949, acte fondateur du Conseil de l’Europe, est remisé aux oubliettes !</p>
<p>Le <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/referendum-antimigrants-en-hongrie-viktor-orban-perd-son-pari_1852811.html">référendum hongrois</a> du 2 octobre 2016 sur la relocalisation des migrants en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois, ou le virage populiste de la Pologne qui rejette l’État de droit ou foule le principe de l’indépendance de la justice, sont également synonymes de rejet des valeurs de l’Union. Un nombre de plus en plus important d’États membres ne souhaite plus promouvoir en commun ces valeurs. L’identité de l’Union apparaît menacée et, contrairement à la formule de l’article 1 du TUE, le devenir n’est pas « une Union sans cesse plus étroite », mais « <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire.htm">sans cesse moins étroite</a> ».</p>
<p>La valeur solidarité, énoncée à l’article 1 TUE, qui est « le ciment de notre Union » selon Juncker, et apparaît 16 fois dans les traités, est particulièrement mise à mal. Il est vrai que toute la difficulté pour les États membres est d’être solidaire sans perdre leur souveraineté. Néanmoins, l’absence de solidarité intra-européenne est patente ; la gestion de la crise des migrants l’a fait ressortir avec éclat. Il est plus que temps de « <a href="http://www.philippe-rey.fr/livre-11Fraternit%C3%A9-313-1-1-0-1.html">retisser nos liens</a> ». Le devoir de fraternité auquel appelait Victor Hugo en 1875 – on dirait solidarité aujourd’hui – est certainement indispensable à l’avenir de la construction européenne.</p>
<h2>Une Europe à la recherche d’un nouveau souffle</h2>
<p>Le terme de crise convient parfaitement pour désigner l’état actuel de l’UE. À la différence de la situation qui a suivi en 2005 les « non » aux référendums français et néerlandais relatifs à la ratification du <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/dossiers_thematiques/referendum_2005/3tce.pdf">traité établissant une Constitution pour l’Europe</a>, il s’agit cette fois d’une crise fondamentale et de nature existentielle, et non simplement d’une crise structurelle de croissance. Sans dramatiser outre mesure, il ne faut pas hésiter à affirmer que la construction européenne pourrait s’arrêter. Les institutions de l’Union européenne doivent certainement se concentrer sur sa survie.</p>
<p>Il est en effet indispensable de reconstruire l’Europe de l’après-Brexit – l’Europe du futur – le plus rapidement possible, ce qui implique que le retrait du Royaume-Uni intervienne dans les meilleurs délais. Alors que le 3 novembre 2016 la <a href="http://www.bbc.com/news/uk-politics-37855207">Haute Cour de justice de Londres</a> vient d’admettre que le Parlement britannique devait être consulté avant que le gouvernement britannique n’enclenche la procédure de retrait de l’Union, l’activation de l’<a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2016:202:FULL&from=FR">article 50 TUE</a>, prévue initialement avant fin mars 2017, pourrait être retardée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144720/original/image-20161106-27943-6a0qfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Chambre des Communes, le Parlement britannique devra être consulté avant la mise en œuvre du Brexit.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/herry/1949271354/in/photolist-3YfwsN-7i2Lt3-rfRKSn-cY4YT7-JkfbeQ-cEV5e5-72CY8-z5yFS-r6tZZK-Micyq-8LCJEJ-6QeGEz-okSvMS-dLjUw-5CbcTW-cMa8sd-5CrhHG-zu3sx-4ym8FY-4UEAjM-4WFsPp-8vGnwi-pBQqjU-9tHezG-8nnv7V-8nA7NU-4tnzx8-etM5g5-4iXFJC-s8gCBQ-r5L6Jn-7MQNZd-6QJrA-9SeNQ5-9Vdfcj-99Ra4S-4j4nW5-kWTjrf-4kZcRa-5KWLqZ-atx2Ph-bip3Px-afzz1j-qX6b5e-73Rmn9-btoPYa-nJbhAz-2vVkpu-6BzJUN-8gLyR8">Herry Lawford/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La conjonction des crises, y compris le Brexit, rend nécessaire un travail de clarification, non seulement entre le Royaume-Uni et l’Union, mais également entre les États membres de l’Union eux-mêmes. Un débat existentiel sur la manière de parvenir à un retour aux valeurs qui ont fondé l’Union, afin de contrer la montée du sentiment anti-européen, s’avère indispensable. Le retrait d’Albion offre sans doute l’opportunité de parvenir à une Union plus restreinte géographiquement, plus efficace économiquement, et plus en phase avec les attentes des peuples des États membres.</p>
<p>Afin qu’une réflexion politique digne de ce nom puisse être conduite, il faut certainement que « les Chefs d’État ou de gouvernement fassent preuve de leadership ». Malheureusement, ce <a href="http://www.consilium.europa.eu/press-releases-pdf/2016/6/47244643704_fr.pdf">défaut de leadership énoncé sous forme d’aveu</a> se double d’une absence de vision de l’Europe de demain.</p>
<p>Faut-il alors envisager un retour aux sources et se référer, par exemple, au projet d’Union européenne d’<a href="http://www.cnrseditions.fr/histoire/7246-aristide-briand.html">Aristide Briand</a> présenté devant la Société des Nations (SDN) en 1929 ? N’affirmait-il pas déjà qu’« entre les peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral ; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d’établir entre eux un lien de solidarité, qui leur permette de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves, si elles venaient à naître » ?</p>
<p>On ne saurait mieux dire.</p>
<p><em>Cette contribution fera l’objet d’une communication lors d’un colloque à Belgrade sur « L’idée d’Union européenne de 1929 à 2016 : du projet d’Aristide Briand au retrait du Royaume-Uni » les 8-9 novembre 2016. Il a pour but de célébrer le 20ème anniversaire de la coopération entre la Faculté de droit de Belgrade (Serbie) et le Centre européen universitaire de Nancy (Université de Lorraine).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68308/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le CETA signé entre l'UE et le Canada est apparu comme un nouvel avatar de la crise sans fin qu’affronte l’Union. Une crise de trop qui symbolise son affaiblissement extrême et rend urgent sa relance.
Yves Petit, Professeur de droit public, Université de Lorraine
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2016-07-28T20:18:08Z
2016-07-28T20:18:08Z
Réinventer l’Europe commerciale sans le Royaume-Uni
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/132340/original/image-20160728-12116-yzh638.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qu’y a-t-il dans le cheval de Troie du TAFTA/TTIP ? (manifestation à Strasbourg en février 2015).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/greensefa/16443610605/in/photolist-o6aE5H-r1LBxw-okCqUU-ono8qg-o6aRCw-opq98e-o6aDgQ-opqnmi-qLtXXj-onCL1U-qn5DLk-ogE5vq-qLtWZh-r3UH2z-onErhR-onEsGK-q5EN36-qLCWAT-okCun5-onCHjb-qmUx1c-r3UHWR-onCLxW-qLBe86-o6aP7E-r44NxF-q5wjf9-opqgMx-ons3E9-qn2faA-q5ENdX-scCAGS-rTrWa4-o6aLB9-q5Dp4e-onsbb1-sau8mS-rVbMaj-rVbP1J-scJ5NR-scJ5ep-scM4ba-rVbN6N-scM1Rk-rfYsk2-rWHLXu-uy8Kek-tBhCUr-ugFkx4-uvNxSJ">Greensefa/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Plus d’un mois après la victoire du « Leave » au Royaume-Uni, l’Europe reste sous le choc d’une décision qui la plonge collectivement et durablement dans l’inconnu. Si les partisans du Brexit, et en particulier leur figure de proue <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/07/22/97001-20160722FILWWW00352-il-ne-faut-pas-confondre-Brexit-et-isolationnisme-boris-johnson.php">Boris Johnson</a>, ont feint dans un premier temps que rien n’allait changer, les déflagrations à répétition dans la classe politique britannique et l’évidente complexité de la négociation des conditions du divorce ne laissent désormais aucun doute quant à la réalité du basculement brutal dans une nouvelle ère pour les relations entre le continent et son voisin insulaire.</p>
<h2>Des relations commerciales à repenser</h2>
<p>C’est peut-être dans le domaine commercial que les egos blessés des deux anciens partenaires souffriront le plus. Le commerce était à la fois le socle de cette interdépendance économique garante de paix dans la vision de Jean Monnet et Robert Schuman, et le canal privilégié par lequel le Royaume-Uni organisait son rapport à l’Europe et au reste du monde.</p>
<p>Le commerce, un terrain d’entente, un terrain neutre dans une relation compliquée, un terrain investi pleinement par les Britanniques : sur les 14 commissaires européens qu’ils envoyèrent successivement à Bruxelles, la moitié auront été en charge du commerce, des relations extérieures ou de l’union douanière.</p>
<p>C’est là tout le paradoxe du vote du 23 juin : la défiance des Britanniques à l’égard d’une mondialisation dont ils se considèrent comme les perdants fut un thème majeur de la campagne pour le Brexit, alors même que le Royaume-Uni a de tout temps été un acteur de premier plan dans la définition de la politique commerciale européenne.</p>
<h2>Le TTIP, initiative britannique en Europe</h2>
<p>Un dossier illustre particulièrement cette problématique, c’est celui du très polémique <a href="http://hikari-editions.com/products/pourquoi-bruxelles-brade-leurope-decrypter-l-accord-transatlantique">TAFTA ou TTIP</a>, l’accord de libre-échange actuellement en négociation entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis.</p>
<p>Ce projet est d’abord le fruit de la volonté d’un Britannique, <a href="http://www.bbc.com/news/uk-politics-30938755">Lord Leon Brittan</a>, commissaire européen en charge du commerce à partir de 1989 et atlantiste convaincu, qui parvient à faire du rapprochement économique et commercial entre les deux côtés de l’Atlantique une véritable priorité politique.</p>
<p>Celle-ci se trouve entérinée et formalisée par la signature en décembre <a href="https://eeas.europa.eu/us/docs/new_transatlantic_agenda_en.pdf">1995 à Madrid du Nouvel Agenda Transatlantique</a>, une déclaration commune du président américain Bill Clinton et de ses homologues européens qui pose les premières pierres du grand marché transatlantique tel qu’il se construit aujourd’hui.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Qjzl8UUm7SA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dire que la donne a changé en vingt ans serait un doux euphémisme. Car aujourd’hui plus rien ne convainc une majorité de Britanniques de l’intérêt de ce genre de super-accords commerciaux, pas même la visite à Londres fin avril 2016 d’un Barack Obama qui faute de convaincre brandit la menace ultime : aucun accord parallèle au TAFTA/TTIP ne sera négocié avec le Royaume-Uni s’il fait le choix de quitter l’UE. Acteur ou spectateur de la conclusion du plus important accord de libre-échange jamais négocié, couvrant la moitié du PIB mondial et près de 800 millions de consommateurs, à l’heure des choix la décision finale fut donc celle du « Leave ».</p>
<h2>Comment désormais négocier le TTIP ?</h2>
<p>Quelle attitude adoptera désormais le Royaume-Uni dont 45 % des exportations sont destinés au marché européen, et pour lequel le Commonwealth ne constitue plus depuis longtemps un débouché commercial suffisant ? Quelle politique proposeront les eurosceptiques Boris Johnson, désormais ministre des affaires étrangères, et David Davis, chargé de négocier le Brexit, à une population tout à la fois nostalgique de la grandeur d’antan de l’Empire britannique et déçue par une mondialisation que ses propres dirigeants ont contribué à façonner ?</p>
<p><strong>Premier scénario, la revanche du « Bremain »</strong></p>
<p>Il est le moins probable à court terme, surtout avec la nomination de Theresa May à la tête du gouvernement et son désormais célèbre « Brexit means Brexit », mais sa pertinence augmentera si les négociations sur les modalités de sortie de l’UE s’enlisent. Une <a href="http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/brexit01.pdf">récente étude</a> de la London School of Economics souligne ainsi à quel point l’équation d’une sortie combinée à un maintien dans l’union douanière est techniquement difficile à résoudre et politiquement intenable.</p>
<p>Ainsi il n’est pas impossible que l’intérêt supérieur du Royaume-Uni à préserver son influence mondiale en matière commerciale et le lobbying intense des milieux d’affaires souhaitant profiter des perspectives offertes notamment par le futur TAFTA/TTIP achèveront de convaincre les responsables politiques de la nécessité de rester dans l’UE.</p>
<p>Boris Johnson soutiendra avoir négocié les garanties nécessaires pour satisfaire aux attentes du peuple britannique et clamera que c’est dans la continuité de l’appartenance à l’UE que les choses peuvent réellement changer…</p>
<p><strong>Second scénario, le retour vers l’ami américain</strong></p>
<p>La force des liens historiques entre États-Unis et le Royaume-Uni et leur convergence de vues en matière de politique commerciale, jusque dans les récents sursauts protectionnistes observés d’un côté de l’Atlantique sous l’effet de Donald Trump et de l’autre dans le contexte du Brexit, peuvent amener les deux partenaires à se rapprocher pour développer une stratégie commune.</p>
<p>Celle-ci ne prendra pas la forme d’un nouvel accord de libre-échange entre les deux pays (cela n’aurait pas de sens d’un point de vue économique) mais pourrait se traduire par la définition conjointe de nouvelles priorités, plus ciblées, secteur par secteur, et plus lisibles pour les citoyens.</p>
<h2>Le TAFTA est mort, vive le TISA</h2>
<p>En cas d’échec des négociations transatlantiques, voilà quelle pourrait être la première concrétisation de cette nouvelle stratégie. Le <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/09/tisa-quand-le-liberalisme-revient-par-la-porte-de-derriere_4452691_4355770.html">TISA</a> est un projet d’accord sur le commerce des services, négocié actuellement entre 23 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce, dont les États-Unis et l’UE.</p>
<p>Il porte sur la libéralisation d’une série de secteurs tels que les services financiers ou les télécommunications, et rien n’empêche en théorie que le Royaume-Uni rejoigne la table des négociations après son divorce avec l’UE. Le pays pourrait bien assumer de claquer la porte du TAFTA/TTIP et d’aller faire valoir ses intérêts offensifs dans cette nouvelle enceinte, en manœuvrant avec les États-Unis pour imposer une vision anglo-saxonne de la libération des services.</p>
<h2>L’UE va devoir réviser sa politique commerciale</h2>
<p>De son côté, l’Europe s’affiche encore comme insensible au départ du Royaume-Uni dans le domaine commercial. La commissaire européenne en charge du commerce, Cecilia Malmström, répète incessamment que l’UE reste la première puissance commerciale du monde, avec ou sans Brexit.</p>
<p>Elle veut également croire que le TAFTA/TTIP verra le jour, avec ou sans le Royaume-Uni. Cela ne sera probablement pas le cas, et bientôt l’UE ne pourra plus faire l’économie d’une profonde révision de sa politique commerciale, afin que les citoyens s’en approprient les objectifs et les moyens et cessent de la voir comme une menace.</p>
<p>Si, comme le disait le général de Gaulle lorsqu’il refusa la première demande d’entrée du Royaume-Uni dans l’UE en 1963, « La nature, la structure, la conjoncture qui sont propres à l’Angleterre diffèrent profondément de celles des continentaux », alors l’UE devra acter que le départ du plus atlantiste de ses membres n’est pas neutre en termes de sens.</p>
<p>Les priorités et le choix des partenaires privilégiés devront être revus en conséquence. Une bonne chose serait que la priorité soit redonnée au niveau multilatéral, au sein de l’Organisation mondiale du commerce et en lien prioritaire avec les pays en développement, afin que soient édictées des règles permettant un commerce respectueux des besoins de chacun et favorisant un développement harmonieux à l’échelle de la planète. Si un tel revirement s’opère à l’avenir, le Brexit aura peut-être produit au moins une chose positive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62531/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Dammane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le Brexit, un choc politique et peut-être demain un choc commercial. À l’heure du célèbre TAFTA ou TTIP, comment l’Europe poursuivra-t-elle sa politique commerciale sans le Royaume-Uni ?
Charlotte Dammane, Chargée de Cours, commerce international, Sciences Po
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2016-07-11T04:41:40Z
2016-07-11T04:41:40Z
Le Royaume-Uni et l’Europe : d’un 23 juin à l’autre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/129378/original/image-20160705-820-1b86ef2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entré début 1973, le Royaume-Uni demande une renégociation dès l'année suivante.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/paulrobertlloyd/26010795334/in/photolist-FCu8fw-JtCeWn-J45EQU-Jow5jL-Jq1ecC-81XPqx-J2QTAN-JmTa1Z-HwWE1h-J2RZMV-5GDcRf-JEuaGr-JChVDb-HxNEiv-Jtuaya-Jjccfm-JKgGhz-JvqJ23-JjiMNG-HMxbNY-JhZZ43-J3TTKo-9j19eh-HR4U8x-HQmL8N-JtsuP8-JiUNk5-JogbS9-AVZDxh-9j19yj-oL1KxV-Jx7gcz-J53c63-HMhorX-HR4uNX-JDanRW-HzJehW-JtaKNF-JEJvbd-JAUX94-JjeFTE-Hzxh4Z-JFrPQ5-JFTnpY-JsqpvQ-GZUSWs-JiaBxC-DtRWqS-JqZLJR-HwWvAa">Paul Lloyd/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 23 juin 1971, après de longues négociations, les représentants des six pays membres de la Communauté économique européenne (CEE) et ceux du Royaume-Uni parvenaient à un <a href="http://www.cvce.eu/en/recherche/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/f0d3b03b-cbe2-484a-8d17-466e7a6bf34a/Resources">accord sur les conditions d’adhésion du Royaume-Uni au marché commun</a>. Cet accord, qui sera accepté et ratifié quelques mois plus tard par le Parlement britannique, malgré l’opposition des députés travaillistes, mettait un terme à dix ans de tentatives britanniques visant à rejoindre la CEE. Ce 23 juin ouvrait ainsi la voie à l’adhésion du Royaume-Uni – intervenue officiellement le 1er janvier 1973 – et propulsait, non sans ambiguïtés, le projet européen vers d’autres horizons.</p>
<p>Entre l’accord d’adhésion du 23 juin 1971, initiant l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, et le <a href="http://www.theguardian.com/politics/ng-interactive/2016/jun/23/eu-referendum-live-results-and-analysis">référendum sur l’Union européenne du 23 juin 2016</a>, augurant de sa sortie de l’UE, ce sont deux époques de l’histoire politique britannique et européenne qui se font face.</p>
<h2>23 juin 1971, les horizons du <em>in</em></h2>
<p>L’issue favorable des négociations entre Bruxelles et le Royaume-Uni augurait le premier élargissement de la CEE depuis sa création en 1957 – étendant ainsi son territoire vers le nord de l’Europe (avec l’adhésion simultanée de l’Irlande et du Danemark). Mais surtout, elle marquait – pour le meilleure ou pour le pire – une transformation radicale des conditions dans lesquelles la construction européenne s’était réalisée jusque-là, et donc une transformation des conditions de possibilité de l’Europe de demain.</p>
<p>En faisant entrer une puissance équivalente à celle de la France ou de l’Allemagne, avec des intérêts et une représentation de son rôle dans le monde et en Europe très affirmés, les États membres bousculaient l’équilibre des rapports de force politiques et intellectuels (visions de l’Europe) au sein de la CEE. Structurellement, cette entrée s’apparentait à un changement de paradigme au sein du processus européen en ce qu’elle ouvrait la possibilité qu’émergent et s’expriment en son sein un autre récit sur l’Europe, une autre volonté, une autre ambition, concurrents de ceux qui s’affirmaient tant bien que mal au sein des Six.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129385/original/image-20160705-804-swc8fk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La carte des élargissements successifs de la CEE/UE.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.touteleurope.eu/actualite/carte-des-elargissements-successifs-de-6-a-28-etats-membres.html">Toute l’Europe.eu/DR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En rendant possible l’expression d’un autre discours sur la construction européenne depuis l’intérieur même de la CEE, l’adhésion du Royaume-Uni autorisait qu’une autre direction, tout aussi légitime, soit proposée au processus. Cette entrée créait les conditions pour que puisse se fissurer le consensus général implicite, ou le non-dit mal assumé, qui prévalait jusque-là entre les Six quant au caractère inéluctable de l’unification politique du continent.</p>
<p>Une fois devenu membre, en effet, le Royaume-Uni n’entendait pas être traité comme un membre de seconde zone. Contraint de revoir ses exigences et ses conditions d’entrée, le pays allait – une fois son adhésion intervenue – user de l’ensemble des droits inhérents aux États membres pour faire évoluer le processus dans un sens favorable à ses intérêts et à ses ambitions.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129392/original/image-20160705-786-1txmcea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Buste de l’ancien Premier ministre britannique Harold Wilson.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pigalleworld/8688696079/in/photolist-3z9kLd-3z7VYf-aweY8q-s81ztp-eeTBiU-3JfQu-k35D5-eeTAaG-eeTDG3-9pgJUc-eeMPtz-eeTERA-9DXyGf-dTv9vW-aJPKxM-ojMkd9-4vGj7w-eeTx4w-Du3xLd-eeTCxb-eeMXpM-7iY7MY-ama3AX-5AnSEP-eeMMee-eeMQCP-FkzP14-8fbLmo-kbqvx-4R4vYV-kboHX-q2kajD-pF8Ut4-pXGnBq-sVekii-sxhukz-sXwACL-trjmD4-sQ4bW3-stmMay-tcf1Ri-p1M1Lj-pVsSam-pFbgkj-qFFMGp-4QjFc5-pFe1Bh-pXoPve-p1Qaxa-rXbhEL">Pigalle/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>C’est la raison pour laquelle à peine entré dans la CEE et à la faveur d’un changement de majorité politique en 1974, le <a href="http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/june/6/newsid_2499000/2499297.stm">gouvernement travailliste d’Harold Wilson allait s’opposer aux conditions d’adhésion et demander une renégociation du traité</a>. Au début de l’année 1975, au terme de ces renégociations, le gouvernement travailliste estimait avoir obtenu gain de cause et décidait donc de soumettre leurs résultats au jugement du peuple en convoquant, le 5 juin 1975, un référendum. Le <a href="http://www.theguardian.com/politics/from-the-archive-blog/2015/jun/05/referendum-eec-europe-1975">gouvernement fit campagne pour le maintien dans la CEE et réussit à convaincre près de 67,2 % des Britanniques</a>.</p>
<p>Deux ans après son entrée dans la CEE, quoique de manière artificielle, le Royaume-Uni avait donc renégocié les conditions de sa participation et montré qu’il entendait réorienter à terme la construction européenne dans un sens qui lui était favorable. L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 n’allait faire que renforcer cette tendance, que l’on retrouvera ensuite, sous des formes différentes, chez ses successeurs : John Major de 1990 à 1997, Anthony Blair de 1997 à 2007, <a href="http://www.iris-france.org/docs/pdf/actu_europe/2008-05-07.pdf">Gordon Brown de 2007 à 2010</a>… Jusqu’à David Cameron, dont le recours au référendum, les motivations politiques intérieures qui en sont à l’origine et la stratégie adoptée rappellent étrangement ceux qui avaient conduit <a href="http://www.theguardian.com/politics/2016/feb/25/britains-1975-europe-referendum-what-was-it-like-last-time">au référendum de 1975</a>.</p>
<h2>23 juin 2016, les inconnues du_ out_</h2>
<p>Alors que le référendum du 5 juin 1975 sur le maintien ou non dans la CEE s’était traduit par une très nette victoire du « Remain », le 23 juin 2016, les résultats du référendum enregistrent la victoire du camp du « Leave ». Après une campagne structurée par des enjeux de politique intérieure bien plus qu’européens, marquée par l’outrance, les discours économiques anxiogènes et l’<a href="https://theconversation.com/la-question-migratoire-au-c-ur-du-referendum-sur-le-Brexit-61101">omniprésence des questions relatives à l’immigration</a>, ce 23 juin, 51,9 % des électeurs britanniques se sont prononcés en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, entérinant une situation inédite dans l’histoire de la construction européenne : aucun État n’avait jusque-là quitté l’organisation européenne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129394/original/image-20160705-795-wdcrf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation pro-Brexit, le 28 juin à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ed Everett/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Du point de vue européen, alors que le 23 juin 1971 symbolisait le <a href="http://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/enlargement.html">début du processus d’ouverture du projet européen à de nouveaux États</a>, le 23 juin 2016 marque le <a href="http://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/withdrawal_clause.html?locale=fr">début du retrait d’un État membre</a>. Pour le Royaume-Uni, malgré les non-dits et les ambiguïtés, l’adhésion au projet européen dans les années 1970 indiquait un souci d’ouverture et la volonté britannique d’inscrire son avenir dans l’Europe en utilisant l’échelle et le levier européens comme moyen de satisfaire ses préférences économiques.</p>
<p>En retour, le 23 juin 2016 est marqué par une logique de fermeture, par le <a href="https://theconversation.com/suspicieux-nostalgiques-desorientes-un-portrait-des-brexiteurs-60462">souvenir d’un passé impérial</a> auquel on tente de se rattacher et par le pari d’une intégration réussie à l’économie internationale qui pourrait se passer de l’intermédiaire européen. Cet argument entendu durant la campagne référendaire prend l’exact contre-pied des motifs invoqués dans les années 1960 par le Royaume-Uni pour rejoindre la CEE, après avoir refusé dans les années 1950 de s’arrimer au projet d’intégration balbutiant et privilégiant alors les relations avec les pays du Commonwealth et les États-Unis.</p>
<p><a href="https://www.gov.uk/government/speeches/eu-speech-at-bloomberg">En décidant l’organisation d’un référendum sur le maintien ou non dans l’UE</a> sur le modèle du référendum de 1975 – mêmes raisons de politique intérieure, mêmes procédures de renégociation, même stratégie d’évaluations des intérêts britanniques –, le premier ministre et leader du parti conservateur, David Cameron, a tenté un <a href="https://theconversation.com/les-paris-risques-de-david-cameron-61189">pari qui s’est transformé en piège</a>, l’obligeant à annoncer sa démission une fois les résultats connus.</p>
<p>L’intégration du Royaume-Uni à la CEE en 1973 avait marqué de son empreinte le processus de construction européenne ; en votant pour son retrait quarante-trois ans plus tard, le Royaume-Uni saute, et l’Union européenne avec lui, dans l’inconnu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61829/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Chaouad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Entre l’accord du 23 juin 1971 sur l’adhésion du Royaume-Uni dans la CEE et le référendum sur l’UE du 23 juin 2016, deux époques de l’histoire politique britannique et européenne se font face.
Robert Chaouad, Adjunct assistant professor/Chargé d'enseignement, City University of New York
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/61997
2016-07-07T04:44:13Z
2016-07-07T04:44:13Z
Sécurité : les leçons d’Istanbul
<p>Les aéroports sont les infrastructures de transport pour lesquelles les dispositifs de sécurité sont les plus visibles et les plus contraignants. Ce sont aussi celles pour lesquelles les réflexions sur leur protection ont été le plus poussées. Le XX<sup>e</sup> siècle en a fait des cibles privilégiées pour les attentats terroristes. Le début du XXI<sup>e</sup> siècle s’inscrit dans la continuité. La menace est donc bien identifiée et a été intégrée dans la conception et l’organisation du transport aérien. La lutte antiterroriste a ainsi conduit à un contrôle accru des voyageurs et des bagages tant par le recours aux nouvelles technologies, le déploiement de services de sécurité qu’à l’organisation même des flux.</p>
<p><a href="http://lemonde.fr/europe/article/2016/06/30/l-attentat-d-istanbul-en-cinq-questions_4960834_3214.html">À l’aéroport international d’Istanbul</a>, les attentats-suicides ont été commis avant les points de franchissement des barrières de filtrage et de contrôle. De ce point de vue, ils présentent des similarités avec l’attaque de celui de Bruxelles-Zaventem. Mais l’opération se déroule dans un pays où la menace terroriste s’est installée et où un attentat n’est plus considéré comme un évènement exceptionnel.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/erdogan-le-choc-et-les-voix-50120">En Turquie, depuis 2015</a>, une cinquantaine d’attentats ont en effet causé au moins deux cents morts. Celui-ci, le plus grave, permet de faire ressortir des points essentiels pour la compréhension de la lutte contre la menace terroriste, aujourd’hui : la singulière vulnérabilité des infrastructures de transport, les visées stratégiques des terroristes et les différents échelons de la lutte contre le terrorisme.</p>
<h2>La vulnérabilité des infrastructures de transport</h2>
<p>Dans la soirée du 28 juin, l’aéroport international d’Istanbul est la cible d’un attentat suicide. Il fait plusieurs dizaines de tués et plusieurs centaines de blessés. Ces résultats sont le produit de l’action de trois individus, armés de fusils mitrailleurs. Ils ouvrent le feu dans les halls de départ et d’arrivée de l’aéroport avant d’actionner leurs charges d’explosifs.</p>
<p>Les vols momentanément suspendus reprennent <a href="http://www.20minutes.fr/monde/1876663-20160629-attentat-istanbul-aeroport-atatrk-rouvert-temps-record">quelques heures après</a>. Malgré le nombre des victimes et l’importance des dégâts matériels, la machine est ainsi capable de repartir presque instantanément. À la volonté des terroristes d’arrêter le cours normal des choses répond le souci du redémarrage de l’activité interrompue. La résilience des dispositifs et la reprise rapide des flux se veulent ainsi une réponse aux perturbations produites par l’attentat.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129414/original/image-20160705-823-ggw7c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A Bruxelles (avril 2016), au lendemain des attentats.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/saigneurdeguerre/26302610962/in/photolist-G5gKSs-G1TC3m-FNjFHJ-GWcx98-FqciRf-GvxbCu-G7zLuk-FErpkN-BpYdMQ-BixQgY-BqZwCk-AtFEn3-GNrwMN-GWH9LM-FqdrWm-Brq7iQ-FR9dHJ-FhZ6Xd-FBfWk8-GDKoG1-5USQgE-GWGLoF-FEYerG-GQDwuX-GDKoK7-GJyQJx-GyasGo-6ieJsw-GjtGYS-B1Ynhs-F8B6v8-AuRXWK-EHXQCL-GNrtY1-AtFPmf-G86kgf-Bsh7Z8-GTGcHu-G2ds5Q-G2di3m-FBHd26-GNrDah-GWGQ5Z-AtKqz5-FK3nEn-FVr4A3-FX1DCz-G2fAPZ-GQEoHc-FsPsXr">Antonio Ponte/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>À travers cet énoncé factuel, on perçoit la résilience mais aussi toute la vulnérabilité de ce type d’infrastructures. La préparation logistique d’une telle action peut exiger la mobilisation de soutiens non négligeables. Pour autant, un aéroport international peut être attaqué avec de faibles moyens et l’impact de l’attaque a toutes les chances d’être démultiplié.</p>
<p>Cela tient à la forte densité de personnes réunies dans les halls et au peu de doute qui pèse sur le degré de fréquentation du lieu. La continuité et la précision horaire des activités déployées et la faible variabilité des flux assurent les terroristes de l’impact qu’auront leurs actes. En prenant pour cible une population non discriminée et étrangère au conflit dans lequel ils entendent inscrire leur action, les terroristes savent que celle-ci a toutes les chances de bouleverser l’opinion publique. Le traumatisme peut ainsi s’étendre à une population bien plus large que les victimes immédiates. On touche ici aux visées stratégiques de l’action terroriste.</p>
<h2>Les visées stratégiques de l’acte terroriste</h2>
<p>Un groupe peut considérer que le recours à la violence la plus extrême <a href="https://theconversation.com/apres-la-sideration-faire-face-au-terrorisme-56798">pour susciter l’effroi</a> fait partie de son répertoire d’action politique. Que le plan programmé n’ait finalement pu être mis en place n’y change rien. Les barrières de contrôle ont pu se révéler infranchissables ou les terroristes, repérés trop tôt, ont été contraints au déclenchement prématuré de l’attaque. Les visées stratégiques tiennent moins au <em>modus operandi</em> qu’aux particularités de la cible choisie. Ce sont ici l’accessibilité, la fréquentation et la relative simplicité du passage à l’acte en comparaison des effets escomptés.</p>
<p>Au-delà des caractéristiques propres aux infrastructures de transport, il convient aussi de tenir compte de l’importance économique de la cible. Dans le cas de l’aéroport Atatürk, elle est liée à la menace que le terrorisme fait peser <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/03/26/20002-20160326ARTFIG00061-turquie-les-attaques-terroristes-font-craindre-le-pire-pour-l-economie.php">sur le tourisme en Turquie</a> et tout particulièrement en ce début de période estivale. Les conséquences que les attentats et menaces terroristes ont pu avoir dans d’autres pays, comme l’Égypte ou la Tunisie, en confirment l’importance.</p>
<p>En plus du manque à gagner dans le secteur et des menaces qui pèsent sur le bien-être économique des populations vivant plus ou moins directement du tourisme, on peut ajouter les coûts financiers pour les autorités concernées. Il suffit de songer aux compensations financières qui pourraient être attribuées aux populations touchées par une désaffection massive des touristes dans les lieux de villégiature menacés ou plus directement au coût des investissements de sécurité auxquels ce type de menace contraint les pouvoirs publics et les opérateurs de transport.</p>
<p>Par ailleurs, les solutions technologiques et organisationnelles existantes – barrières de sécurité, détecteurs de métaux, caméras de vidéosurveillance, etc. – ont un coût. Enfin, cette lecture stratégique des actions terroristes au regard de leurs conséquences se trouve confortée par les réactions des autorités dénonçant une tentative de « déstabilisation politique » du pays ou s’étonnant de l’<a href="http://lemonde.fr/djihad-online/article/2016/06/29/en-turquie-des-attaques-pour-l-instant-jamais-revendiquees-par-l-etat-islamique_4960535_4864102.html">absence de revendication</a> de l’attentat par un groupe criminel organisé.</p>
<h2>Les différents échelons de la lutte antiterroriste</h2>
<p>Une autre dimension mise en évidence par l’attentat suicide d’Istanbul est que son impact dépasse de beaucoup la seule Turquie, ses menaces pour la stabilité politique du pays et l’économie du tourisme. On est ici loin de l’assassinat d’agents des forces de l’ordre à leur domicile ou même d’une <a href="https://theconversation.com/meurtres-de-masse-une-fatalite-60959">fusillade ciblée dans une boîte de nuit</a>.</p>
<p>Dans un contexte d’interconnexion croissante liée aux nouvelles technologies et à la libéralisation des circulations, l’aéroport Atatürk est une porte ouverte sur le reste du monde. On comprend ainsi plus aisément les appels immédiatement lancés à une lutte commune à mener sur toute la planète. Cela renvoie d’ailleurs à l’idée largement admise que la réussite ou l’échec de l’action publique dans ce domaine dépend d’abord de la qualité du travail de renseignement et donc <a href="https://theconversation.com/face-au-terrorisme-paris-veut-une-europe-de-la-securite-a-la-francaise-56704">des échanges d’informations et collaborations entre services et autorités de différents pays.</a></p>
<p>Dans ce contexte de mondialisation, on comprend cependant aussi le rejet immédiat, par les autorités, de toute idée de défaillance des mesures locales de sécurité. Après tout, la ministre belge des Transports a été poussée à la démission au lendemain des attentats de Bruxelles, accusée de ne pas avoir tenu compte des avertissements de ses services sur les failles dans la sûreté des aéroports du pays.</p>
<p>Les messages immédiatement envoyés par les autorités turques s’adressent alors tout autant à la population qu’aux pays partenaires et à l’opinion publique internationale. À cette anticipation d’éventuelles critiques s’ajoute la mise en avant, dans les médias, du rôle joué par les policiers en faction à l’entrée de l’aéroport pour déjouer les plans des terroristes. Il en est de même du rôle attribué dans la gestion post-attentat aux services de sécurité dont on souligne, par exemple, le rôle dans l’évacuation des victimes. Les acteurs de la sûreté dans les infrastructures de transport, ce sont aussi et prioritairement les professionnels de la sécurité publique présents sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61997/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Hamelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Malgré le renforcement des moyens de surveillance, un aéroport international peut être attaqué avec de faibles moyens et l’impact de l’attaque a toutes les chances d’être démultiplié.
Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
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tag:theconversation.com,2011:article/61260
2016-06-23T04:43:12Z
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Consommation critique en Belgique (2) : sensibiliser au-delà des cercles militants
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/127424/original/image-20160620-8882-u14dty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ville de Gand a instauré depuis 2009 ses « jeudis végétariens ». </span> </figcaption></figure><p><em>Dans cet article en deux volets, l’auteur aborde les enjeux et les évolutions des nouveaux usages de la consommation alimentaire alternative en Belgique. Second temps avec la question du développement de ces pratiques dans la société belge.</em></p>
<p>Les <a href="http://theconversation.com/consommation-critique-en-belgique-1-convivialite-et-quotidiennete-pour-changer-la-societe-60876">initiatives de consommation « critique »</a> se sont multipliées en Belgique depuis le milieu des années 2000. Après une première phase marquée par la multiplication des projets locaux, les convergences avec des programmes de politiques publiques de protection de l’environnement et de développement économique local, ou encore avec des initiatives d’économie sociale et solidaire, sont appréhendées par certains acteurs comme des opportunités d’étendre ces usages au-delà des cercles militants.</p>
<p>Avec l’émergence de coordinations régionales comme le Réseau des consommateurs responsables ou le Réseau des acteurs bruxellois pour l’alimentation durable <a href="http://www.rabad.be/">(RABAD)</a>, le secteur a progressivement acquis visibilité et influence au niveau régional. Plusieurs associations et coordinations ont bénéficié du financement public de la société civile particulièrement étendu en Belgique et ont pu embaucher quelques militants. Les Amis de la terre et plusieurs autres ONG de premier plan se sont également davantage intéressés à ces usages.</p>
<p>Certains acteurs de la consommation critique font désormais le pari d’une collaboration avec des institutions ou autorités politiques ou de projets plus vastes. L’enjeu est d’étendre le mouvement et les pratiques de la consommation critique en s’appuyant sur les leviers des politiques publiques, de l’économie sociale et solidaire ou des autorités locales et régionales <a href="https://theconversation.com/la-consommation-alternative-entre-critique-et-recuperation-56316">pour toucher une plus large part de la populatio</a>n, favoriser des modes de vie plus « durables » et donc diminuer l’empreinte écologique d’un plus grand nombre de citoyens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de « L’Alliance emploi environnement » (vidéo Bruxelles Environnement, 2014).</span></figcaption>
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<h2>Convergence autour du dynamisme économique</h2>
<p>En Flandre, la coordination efficace des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Gi5YJpLte1I"><em>voedselteams</em></a> a permis de gagner en visibilité et d’initier certaines collaborations avec la région, qui a adopté un important programme de développement des filières courtes, largement initié et mis au point par les <em>voedselteams</em>.</p>
<p>Plus réticents à l’origine, un nombre croissant de groupes wallons et bruxellois font désormais le pari d’une convergence entre la consommation critique, la transition écologique, l’économie sociale et solidaire et le développement local ; ils misent sur une collaboration renforcée entre des associations de la société civile, de petits entrepreneurs locaux et les pouvoirs publics. La Ceinture aliment-terre liégeoise <a href="http://www.catl.be/">(CATL)</a> réunit ainsi des « citoyens-consommateurs », des producteurs, des représentants administrations locales et des acteurs économiques dans la province. Ils espèrent créer « des centaines d’emplois non délocalisables » grâce à de <a href="https://www.entraide.be/IMG/pdf/analyse_catl.pdf">nouvelles filières</a> de production et de distribution d’aliments locaux.</p>
<p>Comme dans d’autres initiatives de « transition », l’aspect conflictuel des revendications <a href="https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/cr-cridis/documents/WP_2015-05_-_Capocci.pdf">est gommé</a> au profit d’une convergence autour de pratiques et d’un objectif commun, qui sied aussi bien aux tenants d’une critique du consumérisme et des marchés globaux qu’à ceux qui souhaitent un redéploiement économique de la région. </p>
<p>Davantage que la gestion du territoire ou le développement durable, la convergence avec les acteurs institutionnels du développement local pourrait s’opérer sur la base du potentiel du secteur de l’alimentation comme créateur d’emplois. Pour la seule région de Bruxelles-capitale, ce secteur représentait 2 500 emplois, un nombre qui pourrait être triplé, notamment grâce à l’agriculture urbaine. La région bruxelloise a ainsi lancé l’« Alliance emploi environnement », dont le développement de l’alimentation durable constitue l’un des quatre axes et qui regroupe des acteurs associatifs, des centres de recherche, des administrations communales et des écoles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Rob Hopkins, le fondateur du Mouvement de la transition (Arte, 2014).</span></figcaption>
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<h2>Les villes en première ligne</h2>
<p>Rob Hopkins, héraut du <a href="http://www.transitionfrance.fr/">Mouvement de la transition</a>, très populaire en Belgique, souligne l’importance de la collaboration des initiatives locales de transition avec les villes, communes et régions. L’implication de Gand dans la promotion et la mise en œuvre des <a href="https://visit.gent.be/fr/gand-v%C3%A9g%C3%A9tarien">« jeudis végétariens »</a> a ainsi permis d’étendre la pratique végétarienne et de sensibiliser la population aux enjeux de la consommation de viande, responsable <a href="http://www.fao.org/3/i3437e.pdf">selon la FAO</a> de 14,5 % des gaz à effet de serre produits par l’homme. Loin de nuire à l’économie de la ville et de ses restaurateurs, ces « jeudis végis » sont devenus un argument touristique.</p>
<p>Les villes, communes et régions sont également appelées à jouer un rôle majeur pour développer les filières d’alimentation locale et leur assurer des débouchés durables, et sensibiliser les citoyens. Max Havelaar Belgique a lancé une campagne <a href="http://fairtradebelgium.be/fr/comment-agir/commune-du-commerce-equitable">« Communes commerce équitable »</a>, afin d’inciter les municipalités à modifier les pratiques de consommation dans les administrations et les écoles, à mener des campagnes de sensibilisation auprès des restaurateurs locaux et à mettre en œuvre des « ateliers de consom’acteurs ».</p>
<p>Cette nouvelle étape est cependant marquée par <a href="https://theconversation.com/la-consommation-alternative-entre-critique-et-recuperation-56316">des dilemmes inédits</a>. Le mouvement a-t-il entamé une transition qui l’éloignera de l’esprit et de la culture activiste qui l’ont initialement porté ? L’expérience de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/politique-de-l-association-jean-louis-laville/9782020848299">l’économie sociale et solidaire</a> montre que l’institutionnalisation du secteur n’empêche pas certains de ses acteurs de maintenir et renouveler la dimension de critique sociale, économique et politique. La réflexivité face aux processus d’institutionnalisation dont font preuve de <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1860">nombreux mouvements contemporains</a> permet également d’être raisonnablement optimiste sur la capacité de ces acteurs à promouvoir des innovations sociales pour combiner ces enjeux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geoffrey Pleyers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Après s’être implantées dans le paysage belge, de nombreuses initiatives de consommation alternative tentent d’atteindre un plus large public.
Geoffrey Pleyers, Sociologue, FNRS-Université de Louvain & Collège d’études mondiales, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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2016-06-22T04:36:52Z
2016-06-22T04:36:52Z
Consommation critique en Belgique (1) : la politique de l’alimentation au quotidien
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/127422/original/image-20160620-8894-1ikrqrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les groupes d’achat solidaire de l’agriculture paysanne sont nombreux à Bruxelles, on en compte plus d’une soixantaine. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.gasap.be">gasap.be</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans cet article en deux volets, l’auteur aborde les enjeux et les évolutions des nouveaux usages de la consommation alimentaire alternative en Belgique. Aujourd’hui, décryptage de ces pratiques qui se sont développées ces dix dernières années.</em></p>
<p>La « consommation critique » et les initiatives pour une alimentation « locale, durable et conviviale » se sont multipliées en Belgique depuis le milieu des années 2000. Après une première étape marquée par une multitude de projets locaux, ces pratiques se sont installées progressivement dans le paysage socio-politique, citoyen et citadin.</p>
<p>L’achat direct d’aliments, de préférence biologique, auprès de producteurs locaux est particulièrement en vogue. Parmi les nombreuses initiatives en Flandres, le réseau des équipes alimentaires <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Gi5YJpLte1I">« voedselteam »</a>, permet à plus de 3 000 ménages de s’approvisionner en aliments locaux auprès d’une centaine de petits ou moyens exploitants agricoles, dont la moitié est certifié biologique.</p>
<p>Bruxelles compte 75 groupes d’achats solidaires pour l’agriculture paysanne <a href="http://www.gasap.be/">(GASAP)</a>. En Wallonie, une centaine de groupes d’achat commun <a href="http://www.asblrcr.be/gac">(GAC)</a> fournissent 2 500 foyers en aliments locaux. 82 systèmes d’échange locaux (échange de services, produits, savoirs et biens) ont été répertoriés en Wallonie et à Bruxelles ; des « donneries » sont établies ou régulièrement organisées dans une vingtaine de villes ou communes et Bruxelles compte une trentaine de potagers collectifs, pour plus de 150 à travers la Wallonie, initiés par des citoyens, des écoles, et diverses institutions.</p>
<h2>Une critique ancrée dans les pratiques</h2>
<p>Ceux qui participent à un groupe d’achat commun ou échangent des services dans un <a href="http://sel-lets.be/">système d’échange local</a> (SEL) ne formulent pas la même critique du consumérisme. C’est cependant à partir de cette critique et de cette culture dites « activistes » qu’ont émergé bon nombre de groupes d’achat commun et d’initiatives au cours des années 2000 ; et l’on ne peut saisir les défis et dilemmes auxquels ces acteurs font face aujourd’hui sans comprendre les ressorts de cette critique ancrée dans le quotidien.</p>
<p>La <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1860">« consommation critique »</a> inscrit des pratiques de consommation responsable dans une démarche de critique de la société de consommation et des marchés globalisés qui leur confère une dimension engagée et de transformation sociale. Les acteurs et réseaux de la consommation critique combinent une volonté de s’ancrer dans leurs espaces locaux avec une sensibilité pour les défis globaux (environnement, excès du capitalisme financier…).</p>
<p>À la source de leurs pratiques alternatives se trouvent cependant moins l’utopie d’un changement global qu’un sens de la responsabilité personnelle et l’exigence d’une plus grande cohérence entre les pratiques et les valeurs défendues. Plutôt que de grands discours politiques, la critique est formulée et vécue à partir de la vie quotidienne, à partir d’une mise en pratique de ses valeurs et de ses combats dans la vie de tous les jours.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/flvs6pQe9dY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Témoignages à propos des potagers collectifs (vidéo RCR ASBL, 2012).</span></figcaption>
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<h2>L’importance de la convivialité</h2>
<p>Le rapport à l’autre est une autre dimension fondatrice de ces mouvements « conviviaux » qui visent à recréer du lien social. À l’anonymat des relations de (super)marché, ils opposent l’authenticité et la convivialité de relations locales. Face à une société « qui individualise » et « soumet toutes nos relations à l’argent », ils placent la convivialité des relations sociales au cœur de leur mode de vie et des alternatives qu’ils proposent, que ce soit l’usage du vélo comme moyen de transport, le covoiturage ou les réunions hebdomadaires des groupes d’achats communs.</p>
<p>Les potagers collectifs sont avant tout des lieux de rencontre et de convivialité, où se mélangent différentes couches de la population. Les partisans de la « simplicité volontaire » estiment eux aussi que la réduction de la consommation matérielle permet de limiter son impact environnemental, mais aussi de dégager du temps pour développer des relations sociales conviviales. Derrière ces initiatives, c’est d’un autre projet de société dont il est question. Comme le soulignait <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">Ivan Illich</a> :</p>
<blockquote>
<p>Passer de la productivité à la convivialité, c’est substituer à une valeur technique une valeur éthique.</p>
</blockquote>
<p>Cette perspective se traduit également par une conception différente de l’organisation du mouvement. La croissance d’un groupe risque de le dénaturer : « Au-delà de vingt, il vaut mieux créer un deuxième groupe, car une fois cette limite dépassée, différents problèmes surgissent et il devient difficile de maintenir les mêmes relations entre les membres » (un activiste cité par Mélanie Louviaux dans « Le GAC de Barricade : à petits pas vers un autre monde », dans l’ouvrage collectif <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1860"><em>La consommation critique</em></a>). Le mouvement s’étend dès lors par essaimage, en encourageant la création de groupes et projets semblables mais autonomes dans d’autres quartiers et d’autres villes.</p>
<p>Pour ces activistes, le changement social ne viendra pas de la rupture d’un grand soir, mais des actes concrets des « petits matins ». De nombreux « activistes de la transition » clament fièrement qu’ils n’en restent pas aux discours et développent des alternatives concrètes. Pourtant, le passage d’une transformation de soi ou d’un changement social dans un groupe limité vers une transformation sociale à plus grande échelle reste un angle mort de ces mouvements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geoffrey Pleyers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis une quinzaine d’années, les réseaux de consommation alternative se développent en Belgique. Panorama de cette constellation d’initiatives qui visent à changer la société au quotidien.
Geoffrey Pleyers, Sociologue, FNRS-Université de Louvain & Collège d’études mondiales, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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2016-05-11T04:36:43Z
2016-05-11T04:36:43Z
Quatre raisons d’espérer dans la « polycrise » de l’Europe
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/121863/original/image-20160510-20707-mhdn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’Europe plie, mais ne rompt pas.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/theo_reth/16202337168/in/photolist-qFKdmQ-9uhLp9-bsm26R-gwYka-b7T2L-RYp2E-drQ2mq-km5rRy-knG8s-RYoUE-RYoQ1-S1ncg-dAL7sC-6mH4Je-o2P6Uy-6mMeEC-dTVJ1z-3XkTw-5DkU-6mH4zZ-6mH5bi-jzoQf-4qUcs8-dyMsiN-6mH4tp-5rfKpk-6KnrKT-8BeMs9-jzoQe-nnSLS-4AAUNm-7DsZPb-5x5eJx-7QPRsg-7QPUZK-dkNKBh-b7T39-4qYgYq-7QSS1m-dyFYWn-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB">Theophilos Papadopoulos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce n’est plus une crise mais une <a href="http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2016/01/18/le-pessimisme-de-lintelligence-de-jean-claude-juncker/">« polycrise »</a> – morale, politique, institutionnelle, économique – que connaît l’Union européenne (UE). Drames des réfugiés, menace de Brexit, poussées populistes et extrémistes multiformes, difficultés économiques et sociales dans certains pays se conjuguent pour exercer des pressions centrifuges sur l’UE.</p>
<p>Alors que la réversibilité de la construction européenne n’avait jamais été pensée et envisagée, l’atmosphère est aujourd’hui au catastrophisme, l’UE est scrutée, moquée et condamnée comme un ensemble en train de s’effondrer sur lui-même, sans que ne soient pensés ni les causes et conditions de cet effondrement, ni les scénarios alternatifs d’une Europe pouvant aussi sortir transformée et renforcée de ces difficultés.</p>
<p>Les crises, lorsqu’elles ne débouchent pas sur des ruptures violentes et des catastrophes, peuvent être porteuses d’adaptations et d’innovations positives. Pourquoi ne pas espérer qu’il en soit ainsi de cette polycrise de l’UE ? Dans le marasme et le chaos européens ambiants, il existe des occasions à saisir, des raisons d’espérer.</p>
<h2>La question du sort des réfugiés et demandeurs d’asile se politise et s’européanise</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/echange-demandeurs-dasile-contre-refugies-57402">sort des réfugiés et demandeurs d’asile</a> a longtemps constitué un non-enjeu pour une majorité d’États membres et de citoyens de l’Union. S’il existait officiellement une politique européenne en matière d’asile, celle-ci se limitait en grande partie au dispositif technique de la règle dite de Dublin prévoyant que la demande d’asile devait être effectuée <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:l33153">dans le pays d’entrée dans l’Union</a>. Une règle contestée, devenue inapplicable face à la crise soulevée par l’afflux de réfugiés et demandeurs d’asile depuis 2014.</p>
<p>Celle-ci a européanisé, politisé et mis sur l’agenda une question des réfugiés et du droit d’asile autrefois considérée comme technique et nationale, et qui ne peut plus être ignorée ni gérée au niveau des seuls États. Cette prise de conscience s’opère aussi au niveau des opinions publiques, pour lesquelles la question des réfugiés et demandeurs d’asile est devenue un <a href="http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/PublicOpinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2098">enjeu visible et important</a>. Une partie de la jeunesse européenne, par le prisme de sa sensibilité humanitaire, vit un éveil politique et européen sur cette question.</p>
<p>Enfin, si la crise des réfugiés a donné à voir <a href="https://theconversation.com/vivre-et-laisser-mourir-michel-foucault-avait-il-predit-la-crise-des-refugies-56061">des compromissions européennes et égoïsmes nationaux désastreux</a>, elle fait aussi émerger une plus grande sensibilité et une plus grande réactivité des médias et opinions sur ces enjeux autrefois méconnus ou tus, comme en attestent les vives réactions suite à un vote récent de la chambre des communes du Royaume-Uni <a href="http://www.theguardian.com/world/2016/apr/26/im-disgusted-people-respond-to-mps-vote-against-accepting-3000-child-refugees">sur le sort des mineurs</a>.</p>
<h2>On va enfin savoir ce que veulent les Britanniques</h2>
<p>Ayant affirmé dès le Traité de Maastricht de 1992 son refus de s’engager dans l’Union économique et monétaire, ne faisant pas partie des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, le Royaume-Uni bénéficie déjà d’un <a href="https://theconversation.com/brexit-shocking-isnt-it-54877">statut particulier dans l’UE</a>. Il contribue ainsi à l’émergence d’une Europe à la carte, dans laquelle chacun vient prendre ce qui l’intéresse tout en s’abstrayant autant que possible des engagements contraires à ses intérêts immédiats.</p>
<p>Les gouvernements britanniques successifs ont soutenu une Europe du marché sans obligations fiscales, sociales et politiques poussées qui ressemble étrangement à l’UE d’aujourd’hui. Leur attachement à un projet européen plus approfondi, figurant pourtant dans les Traités européens, a toujours oscillé entre l’incertain et l’inconcevable.</p>
<p>Quant aux citoyens britanniques, si les sondages eurobaromètres attestent d’un attachement à la souveraineté nationale et d’une méfiance à l’égard des institutions européennes supérieurs à la moyenne de leurs homologues Européens, cela implique-t-il un rejet de l’appartenance à l’UE en tant que telle ? Difficile de le savoir.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/le-bruxit-de-david-cameron-55115">logique très binaire du référendum « In or Out » du 23 juin</a> permettra au moins de combler ces incertitudes et de placer les autorités britanniques devant leurs responsabilités. Cet épisode du Brexit, quelle qu’en soit l’issue, aura aussi permis de reposer la question de l’avenir du projet européen dans un contexte de visions différenciées entre États membres.</p>
<h2>États membres et opinions redécouvrent l’utilité des institutions et politiques européennes</h2>
<p>Des indignations et appels à la coordination entre Européens dans la crise des réfugiés ou au regard du <a href="https://theconversation.com/panama-papers-la-forteresse-de-loffshore-vacille-57252">scandale des « Panama papers »</a> démontrent certes les fragilités des politiques européennes. Mais ils soulignent aussi, paradoxalement, la nécessité d’une action concertée à l’échelle européenne, l’utilité potentielle du travail des institutions européennes pour faire émerger des compromis entre des positions nationales parfois hétérogènes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le siège de l’UE à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/106447493@N05/15926493666/in/photolist-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB-4qUcsr-7QPNP2-5xNHet-75Bngf-7QPKRi-3BvVLG-7QSHuE-fbWjP1-nfR6sF-7QSJTJ-6mH4Rn-9yD1Ku-9cWdt-6mH4eZ-knGaW-8sdu63-mLbZHX-kEenvH-egk9y9-6gPTC-2hJ16L-dU2moC-b7T1r-7QPauH-4anxp6-knGbL-oh7yJ6-dmN9fy-dt2dTi-7y3GEX-7TErsx-g7TPT-7TErwz-6oDP4J-qqZCbx-67Gy3p-7wBKEx-8aZWcB-7QTopU-7QTqiY">Leon Yaakov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ironie du sort, les États en appellent ainsi parfois aux institutions européennes pour leur faire des propositions qu’ils ont eux-mêmes bloquées, ou ne souhaitent pas mettre en œuvre. Les pressions récentes en faveur d’un renforcement de la transparence et de la coopération en matière fiscale et de la coopération entre États au regard du scandale des Panama papers, ont par exemple vue la Commission européenne formuler des propositions dont certaines avaient déjà été bloquées par les États membres au cours des dernières années.</p>
<p>Les reproches et appels faits à « l’Europe » pour une meilleure coordination dans la <a href="https://theconversation.com/laccord-union-europeenne-turquie-sur-les-migrants-un-troc-de-dupes-57601">prise en charge des réfugiés et demandeurs d’asile</a>, démontrent aussi, en filigrane, le coût de la non-Europe, de l’absence de politiques européennes sur des enjeux où l’interdépendance entre États européens est très forte.</p>
<h2>L’Europe ne peut plus être perçue et gérée comme un processus automatique et irréversible</h2>
<p>Les crises multiples de l’UE qui se coagulent aujourd’hui sont le résultat de tendances lourdes et non d’accidents de parcours ou d’éléments conjoncturels. La tonalité catastrophiste des diagnostics sur l’UE aujourd’hui, fait écho à une construction européenne pensée, vécue et considérée à tort comme un processus irréversible (pas de sortie ou de retour en arrière possible), et automatique (le marché intérieur entraînera une Europe politique, sociale, et fiscale, l’euro suscitera une convergence économique, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Devant la Banque centrale européenne, à Francfort.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/roofless/241914570/in/photolist-nnSLS-4AAUNm-7DsZPb-5x5eJx-7QPRsg-7QPUZK-dkNKBh-b7T39-4qYgYq-7QSS1m-dyFYWn-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB-4qUcsr-7QPNP2-5xNHet-75Bngf-7QPKRi-3BvVLG-7QSHuE-fbWjP1-nfR6sF-7QSJTJ-6mH4Rn-9yD1Ku-9cWdt-6mH4eZ-knGaW-8sdu63-mLbZHX-kEenvH-egk9y9-6gPTC-2hJ16L-dU2moC-b7T1r-7QPauH-4anxp6-knGbL-oh7yJ6-dmN9fy-dt2dTi">dasroofless/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Hypothèses de Brexit et de Grexit, possibles renoncements à l’espace Schengen rappellent que des « déseuropéanisations » sont aussi possibles et que l’UE n’a rien d’irréversible et doit prouver son intérêt et sa légitimité au quotidien. La crise de la zone euro hier et les questionnements sur l’espace Schengen aujourd’hui rappellent aussi que la construction européenne ne se fait pas toute seule : ces fleurons symboliques de la construction européenne sont dysfonctionnels car les États membres n’ont pas tenu compte de toutes leurs conséquences et implications. Ils n’ont pas mis en place les dimensions politiques qui devaient les accompagner.</p>
<p>Accumulations de défis politiques, forces centrifuges, replis populistes et nationalistes, incohérences politiques et morales renvoient l’image – fondée – d’une UE tétanisée par l’accumulation des injonctions contradictoires et ses propres faiblesses internes. Si une Europe est en train de disparaître, ce peut être celle de la gestion technique d’enjeux politiques, de la procrastination, de l’hypocrisie d’États membres prompts à européaniser leurs problèmes et nationaliser leurs atouts.</p>
<p>Une Europe plus politique, solidaire et consciente de ses responsabilités peut émerger de ce chaos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Nivet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les crises, lorsqu’elles ne débouchent pas sur des ruptures violentes et des catastrophes, peuvent être porteuses d’adaptations et d’innovations positives.
Bastien Nivet, Docteur en science politique (École de management), Pôle Léonard de Vinci
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/57022
2016-04-04T04:36:16Z
2016-04-04T04:36:16Z
La sûreté des transports à l’épreuve du risque terroriste
<p>La mise en débat de la menace terroriste et des réponses qui y sont apportées par les pouvoirs publics est un signe de bonne santé démocratique. Il semble plutôt sage que ces questions aussi soient discutées en place publique et ne soient plus perçues comme réservées aux seuls spécialistes, qu’ils soient professionnels de la sécurité ou politiques en responsabilité.</p>
<p>Les éléments du débat sont connus mais dispersés. Un premier élément d’interrogation relève du bon sens et est abondamment discuté : <a href="https://theconversation.com/expliquer-la-radicalisation-portrait-robot-du-djihadiste-maison-53770">qui sont-ils et pourquoi font-ils cela ?</a> La discussion porte alors sur l’identité des terroristes, leurs origines, ce qui les relie à leur environnement et à notre société, l’organisation qui les réunit et les manipule.</p>
<p>Tout cela mérite évidemment notre attention. Il n’y a pas de raison de relancer ici les débats sur la connaissance et ses usages. On pressent très bien tout l’apport de cette démarche pour construire une réponse adaptée à la réalité de la menace. Qu’un responsable politique ressente le besoin de renforcer son appel à la guerre contre le terrorisme par un <a href="https://theconversation.com/la-politique-de-lhistoire-56935">mépris volontairement affiché</a> pour le savoir ne va guère au-delà de la bravade populiste visant à bien distinguer – comme si il pouvait y avoir un doute aujourd’hui ! – les agissant et les sachant. Mais la réflexion sur qui sont les terroristes, ce qui les motive et les fait passer à l’acte ne suffit pas.</p>
<h2>Sortir des imprécations</h2>
<p>Une autre question essentielle pour les pouvoirs publics et les sociétés concernées est bien : comment ont-ils pu le faire ? L’enracinement de la menace et la succession des attentats semblent légitimer cette question longtemps vue comme secondaire ou politiquement plus incorrecte. Elle suggère en effet l’existence de dysfonctionnements voire de défaillances – <a href="https://theconversation.com/les-failles-du-renseignement-francais-ou-le-syndrome-shadok-51832">celles prêtées aux organismes de renseignement</a>, par exemple, ou les difficultés de coordination des moyens des partenaires sont aujourd’hui le plus discutés. Elle réanime aussi le spectre d’une postmodernité où il faut renoncer au risque zéro. La menace est là et bien là. Nous ne pourrons pas l’éradiquer, regardons comment elle peut être gérée.</p>
<p>Cette question-là est essentielle, puisqu’elle nous renvoie aux termes du contrat social qui nous réunit et aux limites que nous acceptons pour nos libertés en échange de la sécurité pour nous, nos proches et nos biens. Elle renvoie aussi, plus prosaïquement, à la légitimité et à l’efficacité de l’action publique dans ce domaine.</p>
<p>C’est ici que les mots utilisés semblent bien trop généraux : identifier les terroristes, faire la guerre au terrorisme, accepter la vulnérabilité de nos sociétés, s’opposer à la constitution d’enclaves criminogènes, reconnaître l’échec des services de renseignement, admettre l’impuissance des États…</p>
<p>Bien entendu, dans le débat public, ces formules font sens. Mais ces imprécations n’aident pas vraiment à comprendre la menace, l’acte commis et les réponses que les gouvernants peuvent y apporter. Ainsi, pour interroger les attentats de Bruxelles, il ne faut pas simplement regarder les attentats parisiens, parce qu’ils sont voisins dans le temps et l’espace. Il faut aussi faire revenir en mémoire ceux de Madrid (2004), de Londres (2005), de Moscou (2010) et aussi celui commis, bien plus récemment, dans le Thalys.</p>
<p>Au-delà du contexte général, le métro et l’aéroport visés mardi dernier renvoient à une question qui est celle des particularités de la sûreté dans les transports.</p>
<h2>Continuum de risques</h2>
<p>Distincte de la notion de sécurité, la sûreté recouvre les mesures qui sont prises pour éliminer le risque « intentionnel », c’est-à-dire pour prévenir et gérer les actes de délinquance et de malveillance à l’égard des biens et des personnes dans les espaces dédiés à la mobilité. Pour les responsables de la sûreté, ces actes dessinent un continuum qui va des incivilités aux actes terroristes, en passant par d’autres crimes et délits.</p>
<p>L’actualité conférée aux actes terroristes ne peut pas effacer ce continuum de risques et le fait qu’ils ne se combattent pas forcément avec les mêmes outils. L’inscription du terrorisme dans ce continuum de menaces relativise la place qui lui est accordée dans l’action publique.</p>
<p>Il y a également une spécificité de la sûreté des transports qui renvoie à des systèmes ouverts. Ces derniers constituent des espaces de forte concentration des populations et offrent ainsi, aux terroristes, des opportunités de provoquer des grands dégâts à la société et à un coût minimal. De plus, les implications de l’acte terroriste sont aisément magnifiées. Elles dépassent le seul périmètre du système de transport du fait des impacts économiques d’un arrêt ou d’une paralysie momentanée de la mobilité. </p>
<p>Ces caractéristiques font que les outils et les compétences des terroristes n’ont pas forcément besoin d’être très sophistiqués pour faire des dégâts considérables. Le recours aux bombes, y compris artisanales, va dans ce type d’espace pouvoir être privilégié, par rapport à d’autres armes plus difficiles à manier. Les comparaisons avec les résultats des attaques dans le Thalys – où l’intervention de passagers courageux contre un assaillant armé a permis d’éviter un drame – et avec les actions suicides commises près du stade de France en novembre dernier en offrent une illustration.</p>
<h2>« Attentifs ensemble ! »</h2>
<p>De plus, l’acte terroriste une fois commis appelle d’autres réponses liées notamment à l’évacuation des victimes et à la remise en marche du système. L’impact potentiel est donc déplacé vers les moyens et les modalités de gestion de la crise. Une double attaque renforce évidemment la difficulté pour les pouvoirs publics. La question de la gestion des conséquences de l’attaque terroriste montre que le problème ne s’arrête pas à l’action des services de renseignement, même si elle en est un rouage clé dont on ne peut accepter les défaillances.</p>
<p>Il faut aussi intégrer dans la réflexion les réponses technologiques et architecturales, étroitement localisées, apportées à la menace terroriste. Cela renvoie aux démarches liées à la prévention situationnelle et aux débats sur la possibilité de recours aux portiques ou autres technologies de détection. Bien entendu, la mobilisation des ressources humaines dédiées est l'autre voie communément empruntée. Il s’agit des forces policières et militaires, bien entendu, mais de plus en plus aussi des services de sécurité des opérateurs privés de transport. La SNCF annonce ainsi que ses agents de sûreté armés vont patrouiller dans les trains. La privatisation d’une partie de la prise en charge de la sûreté va même jusqu’à l’enrôlement des usagers et des agents des opérateurs de transport dans l’activité de surveillance – « Attentifs ensemble ! »</p>
<p>L’évocation de ces différents acteurs, chargés du contrôle et de la surveillance quotidienne des systèmes de transports, entraîne vers d’autres questions allant de la coordination des actions aux cofinancements dont peut dépendre le développement de l’action publique dans ce domaine.</p>
<h2>Gérer la menace</h2>
<p>Les prises de parole qui se multiplient pour nous éclairer sur les attentats commis en Belgique ne peuvent ainsi faire l’impasse sur les spécificités des systèmes de transport et leurs répercussions sur l’intervention publique en matière de sûreté. La compréhension des défis propres à la sûreté de la mobilité, que ce soit dans les gares, les stations de métro et les aéroports, demande l’intégration de questions liées à la technologisation et à la privatisation des réponses visant à prévenir et gérer cette menace.</p>
<p>Elle passe certes par l’étude des réponses des États et des regroupements régionaux aux problématiques posées par la globalisation de la menace terroriste. Mais elle doit tout autant tenir compte des dispositifs locaux de prévention et de réponse aux actes qui ont été commis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Hamelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les attentats commis à Bruxelles le 22 mars dernier posent de manière aiguë la question de la sûreté dans les transports. Et la réponse n’est pas uniquement sécuritaire.
Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
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2016-03-24T21:09:28Z
2016-03-24T21:09:28Z
Après la sidération, faire face au terrorisme
<p>Quand le terrorisme djihadiste vient encore de frapper aussi brutalement qu’aveuglément, c’est – une nouvelle fois – la sidération qui domine. Mais que peut-on faire, pour s’en délivrer et la dépasser ? En particulier, quand on veut réagir en tant que citoyen éclairé, et désireux de participer utilement au nécessaire débat public sur l’attitude à adopter face au terrorisme ? Quatre grandes voies nous paraissent ouvertes, qu’expriment quatre verbes : expliquer, comprendre, excuser, juger. Ces verbes désignent autant de postures différentes, dont il y a lieu de tenter d’apprécier le bien-fondé, et la valeur.</p>
<h2>Expliquer</h2>
<p>C’est une posture qui paraît s’imposer. À l’évidence, un effort d’explication est plus que jamais nécessaire. On ne peut combattre un obscurantisme par un autre obscurantisme. C’est ce qui a conduit un <a href="https://theconversation.com/terrorisme-quelle-place-pour-lexplication-sociologique-52730">certain nombre d’intellectuels et de chercheurs</a> à reprocher vivement à Manuel Valls d’avoir condamné « ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques » aux attentats terroristes, au motif, selon lui, qu’« expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ».</p>
<p>Jeter un doute sur l’explication, n’est-ce pas une <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2016/03/14/manuel-valls-continue-de-se-reclamer-de-la-gauche-en-toute-impunite_4882234_3232.html">« injonction à ne pas comprendre et in fine à ne pas penser »</a> ? Comme le fait observer <a href="http://lemonde.fr/livres/article/2016/01/06/bernard-lahire-comprendre-le-monde-tel-qu-il-est-ce-n-est-pas-excuser-les-individus-qui-le-composent_4842623_3260.html">Bernard Lahire</a>, comment refuser le travail d’interrogation critique, d’investigation et d’interprétation auquel se livrent les sciences sociales pour tenter de rendre compte des actions des terroristes ?</p>
<p>Récuser a priori cet effort d’explication constitue « une incroyable régression obscurantiste », d’autant plus regrettable que comprendre ce qui s’est passé peut permettre de prévenir le risque terroriste, comme l’affirme un <a href="http://lemonde.fr/societe/article/2016/03/03/terrorisme-la-cinglante-reponse-des-sciences-sociales-a-manuel-valls_4875959_3224.html">rapport remis le 3 mars</a> à la ministre de l’Éducation nationale : « Connaître les causes d’une menace est la première condition pour s’en protéger ». Il est donc bien indispensable de tenter d’expliquer. Mais peut-on s’en contenter ? Et que faire d’autre ?</p>
<h2>Comprendre</h2>
<p>On tient parfois pour équivalents les termes d’expliquer et de comprendre. Pour Bernard Lahire, il s’agit bien de « comprendre le monde tel qu’il est ». Mais comprendre engage autre chose que simplement expliquer. On peut déjà observer que l’indispensable analyse des « mécanismes et processus » qui ont conduit les terroristes à l’acte connaît des limites internes en termes d’imputation causale.</p>
<p>Cela a très bien été mis en évidence par l’écrivain et essayiste américain <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2015/11/30/il-n-y-a-pas-de-causes-sociales-au-djihadisme_4820126_3232.html">Paul Berman</a>, pour qui la recherche même des causes est une entreprise assez vaine s’agissant du djihadisme. Car si, apparemment, les spécialistes en sciences sociales n’ont aucune difficulté à en cerner la cause, au final il y a autant de « causes profondes » que d’experts ! « Et elles disent tout et son contraire ». Au mieux, on pourra mettre en évidence des « circonstances favorables ».</p>
<p>Pour comprendre la rage terroriste, qui est pour Paul Berman de l’ordre du discours de haine, il faudrait l’aborder comme une émotion, en disposant pour cela d’une « poétique ». Mais ne risque-t-on pas alors d’être gagné par l’émotion ? Comprendre, c’est saisir un sens, et d’une certaine façon le partager. C’est ainsi que comprendre peut conduire à admettre, voire à approuver. Puisque c’est ainsi, c’est bien ainsi… À trop vouloir comprendre, le risque est de ne plus juger, et d’acquiescer à l’horreur, à qui on trouvera des excuses !</p>
<h2>Excuser</h2>
<p>S’agissant de fait criminels, et d’actes de barbarie, il ne viendra semble-t-il à l’idée de personne de vouloir les excuser. Sauf si, victime de l’idéologie islamiste, et emporté dans un délire islamo-fasciste, on tient les terroristes pour des héros et des martyrs. Ou sauf, peut-être, si l’on fait partie des proches de ceux qui ont cru que Dieu pouvait leur demander de faire exploser des innocents.</p>
<p>Toutefois, nous venons de dire que la tentation de l’excuse guette ceux qui, in fine, comprennent trop bien. L’acquiescement au réel peut prendre valeur de « bénédiction du fait ». Deux questions se posent alors. Comment se prémunir contre la tentation de l’excuse ? Et comment, tout d’abord, pouvons-nous être sûrs que certains comportements sont inexcusables ? Sur quoi donc peut se fonder la certitude – qui semble aujourd’hui unanimement partagée – que la posture de l’excuse est inacceptable, et qu’il faut absolument refuser d’emprunter cette voie ?</p>
<h2>Juger</h2>
<p>L’analyse scientifique écarte par principe le jugement. Le laboratoire n’est pas un tribunal, écrit Bernard Lahire. La logique de la recherche des déterminismes sociaux ne doit pas se confondre avec celle de la recherche des responsabilités. À chacun son travail. Précisément, alors, il faut prendre acte du fait qu’un double travail est nécessaire, et prendre conscience de ce que cela engage. Car l’utilité de l’un (travail d’explication scientifique) ne doit pas faire oublier l’urgence de l’autre (travail de jugement éthique).</p>
<p>L’analyse du terrorisme djihadiste peut se situer dans deux ordres différents : l’ordre des faits, et l’ordre des valeurs. Dans l’ordre des faits, les chercheurs mènent leur travail d’interrogation critique « sans porter de jugement sur l’état des choses » (Lahire). Dans l’ordre des valeurs, on se prononce sur les faits. On juge, d’une part par référence à la Loi, de l’autre par référence à l’Éthique, et à ses exigences. Dans l’ordre des faits, on s’incline, et on accepte : les choses sont ce qu’elles sont. Dans l’ordre des valeurs, on refuse. On dit non à l’inacceptable : le crime, la barbarie, l’horreur.</p>
<p>Malraux avait très bien exposé le problème dans son livre <em>Les Conquérants</em> : « Juger, c’est, de toute évidence, ne pas comprendre puisque, si l’on comprenait, on ne pourrait plus juger ». Pour les sciences sociales, l’explication, au mieux, débouche sur la compréhension. Après quoi il n’y a plus rien à dire. Mais il y a plus que jamais tant à dire, dans l’ordre des valeurs. Que la plus haute des libertés, comme l’ont écrit les parents d’un universitaire grenoblois ayant trouvé la mort au Bataclan, « c’est pouvoir garder sa vie, rester en vie en toute circonstance ». Que les actes terroristes sont par nature odieux, et inexcusables. Qu’il n’y aura jamais d’excuse à vouloir massacrer des êtres pour qui souvent, comme le chantait Brassens, « La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas ».</p>
<p>Tout compte fait, il nous semble que ce que peut faire de mieux, aujourd’hui, le citoyen éclairé qui veut surmonter sa sidération, est de refuser sans hésitation ni faiblesse la tentation de l’excuse. D’être attentif aux explications que fournissent les sciences sociales, mais sans chercher à comprendre à tout prix. Et surtout d’exercer son pouvoir de jugement, afin de discerner et d’affirmer les exigences d’ordre éthique dont seul le respect est de nature à nous sauver de la barbarie. Car si la question de la responsabilité n’est pas scientifiquement pertinente, elle est humainement brûlante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comme après le 13 novembre, la sidération domine au lendemain des attentats de Bruxelles. Comment aller au-delà et participer au débat public ? Quatre postures différentes sont possibles.
Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l'education), Université Grenoble Alpes (UGA)
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tag:theconversation.com,2011:article/55115
2016-02-21T23:15:33Z
2016-02-21T23:15:33Z
Le « Bruxit » de David Cameron
<p>Le « Bruxit » se définit comme le retour du premier ministre britannique David Cameron de Bruxelles à Londres. Il invite à se demander si ce qu’il rapporte du Conseil européen des 18-19 février 2016 au Royaume-Uni est suffisant pour éviter un « Brexit » ? En dépit de profondes divergences entre États membres, le premier ministre britannique pourra au moins se prévaloir de presque trente heures de négociations d’affilée pour parvenir à arracher un accord. Selon ses propres termes, David Cameron s’estime crédible et assez fort pour pouvoir persuader le peuple britannique de voter en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.</p>
<p>Cet accord, obtenu vers 22 heures vendredi 19 février, est relativement complexe. Les <a>conclusions du Conseil européen des 18-19 février</a> fournissent la liste de l’ensemble des dispositions « pleinement compatibles avec les traités », regroupées dans sept annexes et qui ont pour but de répondre aux préoccupations du Royaume-Uni. Dans la perspective d’un accord lors du Conseil européen, <a href="http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/02/02-letter-tusk-proposal-new-settlement-uk/">son Président</a>, Donald Tusk, avait précisé les quatre questions à propos desquelles un accord devait être trouvé : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté, les prestations sociales et la libre circulation.</p>
<p>Si les Chefs d’État ou de gouvernement réunis au sein du Conseil européen sont parvenus à adopter un « nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne », que complètent un projet de décision sur l’intégration de la zone euro et un ensemble de déclarations du Conseil européen et de la Commission, la procédure utilisée est discutable. Elle a permis l’obtention d’un compromis régressif favorable aux seuls intérêts du Royaume-Uni et, plus grave, lui accorde sans vraiment le dire un statut particulier – ce qui constitue un saut dans l’inconnu pour l’Union.</p>
<h2>Une procédure discutable</h2>
<p>La procédure utilisée pour parvenir au nouvel arrangement avec le Royaume-Uni est très critiquable. Même si un certain formalisme semble avoir été respecté, il est possible de considérer que les négociations ne se sont pas déroulées sur la bonne base, c’est-à-dire l’<a href="http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M048:fr:HTML">article 48 du TUE</a> qui est relatif à la révision des traités. Eu égard à l’importance des questions soulevées par le Royaume-Uni, la procédure de révision ordinaire était la bonne. Or, elle prévoit notamment la notification d’un projet de révision aux Parlements nationaux, la consultation de la Banque centrale européenne pour « les modifications institutionnelles dans le domaine monétaire », ou encore la convocation d’une Convention, comme celle qui avait précédé l’adoption du traité établissant une <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/dossiers_thematiques/referendum_2005/3tce.pdf">Constitution pour l’Europe</a>. On en est loin !</p>
<p>Le Conseil européen des 18-19 février 2016 vient en effet de modifier les traités par une procédure qu’ils ne prévoient pas, ce qui incline à penser que 27 États membres ont cédé face au Royaume-Uni, dans l’espoir qu’il puisse demeurer membre de l’Union. Une telle révision est <em>contra legem</em> disent les constitutionnalistes et il semble bien que le Conseil européen, soucieux avant tout de parvenir à un accord politique, ait statué <em>ultra petita</em> ! C’était certainement le seul moyen de parvenir à un compromis acceptable par le Royaume-Uni, mais c’est tout de même capituler face à son chantage.</p>
<h2>Un compromis régressif</h2>
<p>Très soucieux de limiter les prestations sociales accordées aux travailleurs migrants, le Royaume-Uni a obtenu gain de cause sur ce point hypersensible, sans susciter trop de réactions de la part des États membres de l’Est, directement concernés par les risques de discrimination introduits. Le principe d’un mécanisme de sauvegarde (<em>emergency brake</em>), qui pourra être appliqué pendant une période de sept ans, est entériné pour « faire face aux situations caractérisées par l’afflux d’une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée de travailleurs en provenance d’autres États membres ». Une déclaration de la Commission européenne estime que le Royaume-Uni « connaît aujourd’hui le type de situation exceptionnelle auquel le mécanisme de sauvegarde (…) devrait s’appliquer ».</p>
<p>Le Royaume-Uni se voit reconnaître le droit de ne pas accorder pour une durée de quatre ans certaines prestations sociales (prime pour l’emploi ou allocation logement), ainsi que celui d’indexer les allocations familiales « sur les conditions qui prévalent dans l’État membre où l’enfant réside ». Elles vont par conséquent pouvoir être réduites et concerner ainsi jusqu’à 100 000 enfants polonais restés en Pologne.</p>
<p>Une autre déclaration de la Commission précise qu’elle entend modifier la <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32004L0038">directive 2004/38/CE</a> relative à la liberté de circulation des citoyens, afin de la limiter et prendre – sans le dire – le contre-pied de l’<a href="http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-127/08">arrêt Metock de la Cour de justice</a>. Cet arrêt a admis que le conjoint non européen d’un citoyen de l’Union pouvait séjourner avec ce citoyen et circuler librement dans l’Union, bien qu’il n’ait pas vécu légalement dans un État membre.</p>
<p>La vision britannique de la construction européenne est entérinée. Tant dans l’arrangement que dans la Déclaration du Conseil européen sur la compétitivité, le caractère primordial du marché intérieur, la simplification et l’allègement de la législation – basé sur le programme pour une réglementation affûtée et performante, <a href="http://ec.europa.eu/smart-regulation/refit/index_fr.htm">REFIT</a> – sont mis en avant. Un nouveau mécanisme de « carton rouge » permettant à des Parlements nationaux représentant plus de 55 % des voix de bloquer une législation européenne en cours d’adoption renforce la portée du principe de subsidiarité.</p>
<p>Un des rares points où le Royaume-Uni n’a pas totalement obtenu gain de cause est la gouvernance économique, car il ne pourra pas freiner une intégration plus poussée de la zone euro en y opposant un veto. Il a tout de même réussi à réintroduire la philosophie du <a href="http://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/ioannina_compromise.html?locale=fr">compromis d’Ioannina de 1994</a>, permettant de prolonger les débats afin de parvenir à un accord. Il ne participera pas non plus aux fonds de secours de l’euro.</p>
<p>Cet ensemble de dispositions traduit incontestablement un retour en arrière par rapport aux traités existants. Mais, plus grave, <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/02/19/brexit-un-accord-trouve-pour-tenter-de-garder-le-royaume-uni-dans-l-ue_1434458">David Cameron s’est félicité</a> que le Royaume-Uni obtienne un « statut spécial » au sein de l’Union européenne, et que son pays ne soit jamais membre d’un « super-État européen ».</p>
<h2>Un statut particulier</h2>
<p>Arc-bouté sur la souveraineté de l’État britannique, David Cameron a fait clairement admettre qu’un approfondissement de l’UEM était « facultatif pour les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro », afin de préserver la livre et la City. Il a obtenu que « les références à une union sans cesse plus étroite ne s’appliquent pas au Royaume-Uni » – ce qui le dispense de progresser dans cette direction avec les autres États membres, cette expression étant pourtant un des fondements de l’idée européenne inscrits dans les traités depuis 1957.</p>
<p>Tout aussi important, si ce n’est plus, l’arrangement précise encore que « les références à une union sans cesse plus étroite entre les peuples sont donc compatibles avec la possibilité pour les différents États membres, d’emprunter différentes voies d’intégration, et elles n’obligent pas l’ensemble des États membres à aspirer à un destin commun ». David Cameron peut se montrer satisfait, car l’Europe à la carte n’est plus virtuelle mais une réalité tangible. Un État membre, le Royaume-Uni, est parvenu à ses fins : il peut choisir les dispositions qu’il ne veut pas appliquer, avec le consentement plus ou moins réel des 27 autres États membres.</p>
<p>Il ne s’agit donc pas de dispositions dérogatoires <a href="http://ec.europa.eu/dorie/fileDownload.do;jsessionid=2v3yJmdMhQWnjGxwzw8j2Q2cZ261QYbwTnSkSQMzy7s2FbMfPdrB!469751194?docId=208041&cardId=208041">comme le Danemark en avait obtenu</a> lors du Conseil européen d’Édimbourg des 11-12 décembre 1992, afin de faciliter sa ratification référendaire et permettre l’entrée en vigueur du traité de Maastricht. Le Danemark avait alors pu émettre des réserves de nature interprétative que le Conseil européen avait acceptées. Le Royaume-Uni a obtenu beaucoup mieux : des concessions juridiques bien plus importantes que des réserves à un traité, précisant ses conditions spécifiques d’appartenance à l’Union, ce qui équivaut à une renégociation de ses conditions d’adhésion.</p>
<p>La construction européenne va pouvoir se poursuivre, le Royaume-Uni – bientôt rejoint par d’autres États membres ? – restant en retrait. Le démantèlement de l’Union n’est pas loin. Malgré des sondages serrés, il reste à espérer que le peuple britannique refuse le Brexit lors du référendum du 23 juin 2016. Si ce n’est pas le cas, David Cameron devra sans doute en affronter un deuxième, car l’Écosse souhaite demeurer dans l’Union européenne. Bon courage Monsieur Cameron !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Grâce à l’accord du 19 février, la construction européenne va se poursuivre, avec un Royaume-Uni en retrait. Mais le démantèlement de l’Union n’est pas loin.
Yves Petit, Professeur de droit public, Université de Lorraine
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