tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/chretiens-democrates-48579/articlesChrétiens-démocrates – The Conversation2023-10-05T17:48:57Ztag:theconversation.com,2011:article/2129482023-10-05T17:48:57Z2023-10-05T17:48:57ZEn Bavière, le spectre de l’antisémitisme plane sur les élections régionales<p>C’est une « polémique » dont se serait bien passée la <em>Christlich soziale union in Bayern</em> (CSU, Union chrétienne-sociale), à quelques jours seulement des élections régionales qui doivent se dérouler le 8 octobre 2023 en Bavière.</p>
<p>Hubert Aiwanger, numéro deux du gouvernement régional bavarois, a vu son passé ressurgir dans la presse allemande. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/04/en-allemagne-le-gouvernement-bavarois-passe-sur-les-erreurs-de-jeunesse-antisemites-de-son-numero-deux_6187760_3210.html">Il est accusé d’avoir rédigé un tract antisémite à l’âge de 17 ans, lorsqu’il était au lycée</a>. L’affaire, qui remonte à l’année 1987/1988, a été rendue publique par le journal allemand <em>Süddeutsche Zeitung</em> à la fin du mois d’août. Le tract en question annonçait un « concours national » pour élire « le plus grand traître à la nation » puis invitait « les candidats à se faire connaître au <a href="https://theconversation.com/debat-le-devoir-de-memoire-sur-la-shoah-en-france-un-exercice-difficile-130724">camp de concentration de Dachau</a> pour un entretien d’embauche ». Il dressait ensuite la liste des prix à décrocher : « Un vol libre dans la cheminée d’Auschwitz, un séjour à vie dans une fosse commune, une balle dans la nuque, une année à Dachau, une décapitation par guillotine ».</p>
<p>Hubert Aiwanger, aujourd’hui âgé de 52 ans, a au départ démenti en bloc les accusations, s’interrogeant sur l’opportunité de ces révélations à quelques semaines des élections et allant jusqu’à parler de « <a href="https://www.deutschlandfunkkultur.de/aiwanger-flugblatt-antisemitismus-bayern-politik-100.html">chasse aux sorcières</a> ». Si de nombreuses voix l’ont invité à quitter ses fonctions, il a reçu un soutien de taille, celui de <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1693736168-allemagne-un-dirigeant-de-baviere-maintenu-en-poste-malgre-des-accusations-d-antisemitisme">Markus Söder</a>, le ministre-président de <a href="https://theconversation.com/en-baviere-les-limites-du-discours-radical-de-droite-102072">Bavière</a> et président de la CSU :</p>
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<p>« L’évincer de son poste ne serait pas proportionné […] Les faits remontent à 35 ans, personne n’est aujourd’hui celui qu’il était à l’époque. »</p>
</blockquote>
<p>De nombreux élus souhaitant la démission d’Hubert Aiwanger se sont insurgés contre cette décision, et les réactions se sont aussi fait entendre <a href="https://fr.timesofisrael.com/un-dirigeant-de-baviere-maintenu-en-poste-malgre-des-accusations-dantisemitisme/">parmi les responsables religieux du pays</a>. De son côté, Karl Freller, directeur des mémoriaux bavarois, <a href="https://www.deutschlandfunk.de/aiwanger-noch-fragen-offen-interview-mit-karl-freller-csu-landtagsvizepraesid-dlf-39a05869-100.html">a estimé</a> que la forme et le contenu étaient <a href="https://theconversation.com/lantisemitisme-aujourdhui-111774">délibérément formulés de manière antisémite</a> et que c’était inexcusable. Comment expliquer ce soutien du président de la CSU à Aiwanger, et que dit ce scandale de la situation politique allemande ?</p>
<h2>Un enjeu politique national</h2>
<p>La Bavière n’est pas un Land comme les autres. Avec près de 13,37 millions d’habitants, il est le <a href="https://de.statista.com/statistik/daten/studie/154879/umfrage/entwicklung-der-bevoelkerung-von-bayern-seit-1961/">deuxième Land le plus peuplé d’Allemagne</a> après la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et les Bavarois ont toujours revendiqué avec force et fierté leur identité. Si les électeurs sont traditionnellement conservateurs, ce Land représente néanmoins pour l’ensemble des forces politiques du pays un laboratoire politique intéressant. Seulement présente en Bavière, la CSU, considérée comme plus traditionnelle et conservatrice que son partenaire fédéral la CDU (Union chrétienne-démocrate, longtemps à la tête du pays avec Angela Merkel, aujourd’hui dans l’opposition au <a href="https://theconversation.com/a-quel-point-lheritage-dangela-merkel-va-t-il-peser-sur-le-gouvernement-dolaf-scholz-173926">gouvernement de coalition dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz</a>), a une influence non négligeable sur cette dernière.</p>
<p>Pour Markus Söder, les élections régionales constituent un enjeu national : il n’a jamais caché son intention de briguer un jour la chancellerie allemande. C’est pour des raisons électorales qu’il a tenu à défendre et à maintenir à son poste Hubert Aiwanger. Aiwanger est également le président du parti fédéral <a href="https://fw-landtag.de"><em>Freie Wähler</em> (FW, Électeurs libres)</a> qui, avec 27 élus au Landtag bavarois, soutient la CSU. Si Söder avait « lâché » son collègue, cette réaction aurait pu avoir des conséquences sur la coalition au pouvoir en Bavière et sur le soutien apporté par les FW.</p>
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<p>Pour l’instant, si l’on se fie aux <a href="https://www.sueddeutsche.de/bayern/umfragen-aktuell-wahl-bayern-2023-csu-spd-afd-fdp-gruene-freie-waehler-1.5757723">sondages</a>, « l’affaire Hubert Aiwanger » ne devrait pas avoir d’incidence en Bavière et Markus Söder devrait garder son poste de ministre-président à l’issue du vote du 8 octobre.</p>
<p>En effet, la CSU ne semble pas pâtir de l’affaire : elle devrait une fois de plus arriver en première position, recueillant entre 36 % et 38 % des suffrages. Les Grünen (Verts), Alternative pour l’Allemagne (AfD) et les FW espéreront tous trois prendre la deuxième place. Malgré « l’affaire Aiwanger », les FW obtiendraient entre 14 % et 17,5 % des voix. Les sondages situent les Grünen à 14-15 % et l’AfD à 13-14 %. De son côté, le SPD (Parti social-démocrate) devrait se contenter de 8,5 % à 9 % des suffrages.</p>
<p>Il n’y a rien d’étonnant à voir la CSU faire la course largement en tête, tant la Bavière est un Land qui lui est acquis électoralement – <a href="https://books.openedition.org/septentrion/45261?lang=fr">et ce, depuis 1958</a>. Cette affaire n’aura donc probablement aucun impact sur le scrutin. La raison principale ? Une parole politique de plus en plus décomplexée à droite de l’échiquier politique allemand, en partie du fait de l’influence croissante de l’AfD.</p>
<h2>Le retour de l’antisémitisme</h2>
<p>Fondée en février 2013, <a href="https://theconversation.com/endiguer-la-montee-de-lafd-en-allemagne-un-combat-perdu-davance-133104">l’AfD s’est très rapidement emparée des thèmes de campagne</a> propres aux partis d’extrême droite en Europe tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « les élites politiques » et « le peuple ». Désormais apparaissent aussi l’hostilité à l’islam, la défense d’une Europe composée d’États souverains, l’opposition au mariage de personnes de même sexe, et la fin de la « culture de repentance » allemande pour les crimes commis durant la période nazie – une revendication qui invite à souligner la proximité idéologique de certains cadres avec le national-socialisme.</p>
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<p>Björn Höcke, représentant du courant le plus radical de l’AfD (<em>Der Flügel</em> :<em>l’Aile</em>), qui défend une vision nationale ethnique, reprend ainsi ouvertement une rhétorique propre au national-socialisme. En janvier 2017, devant les jeunes de l’AfD, <a href="https://theconversation.com/endiguer-la-montee-de-lafd-en-allemagne-un-combat-perdu-davance-133104">il s’est indigné de la présence du Mémorial de la Shoah construit à Berlin</a>, se désolant que les Allemands soient « le seul peuple au monde à avoir implanté au cœur de sa capitale un monument de la honte ».</p>
<p>En outre, de nombreux cadres du parti n’ont jamais manifesté d’hostilité à l’égard de l’idéologie national-socialiste. En pleine campagne des législatives en 2017, Alexander Gauland, qui allait devenir peu après président du groupe AfD au Bundestag, habitué aux sorties provocatrices et polémiques (un peu comme Jörg Haider en son temps en Autriche) avait <a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">vanté les mérites des soldats de la Wehrmacht</a>.</p>
<p><a href="https://www.spiegel.de/politik/deutschland/afd-antisemitismus-gehoert-laut-studie-zum-programmatischen-kern-der-partei-a-ee57381b-a3c2-4910-a69e-d68e0bac8f73">Pour le politologue néerlandais Lars Rensmann</a>, « l’hostilité à Israël, la relativisation de l’Holocauste, la conspiration antisémite et les images anti-juives occupent une place prépondérante » dans les idées de l’AfD.</p>
<p>Un exemple supplémentaire est celui de <a href="https://www.bpb.de/themen/rechtsextremismus/dossier-rechtsextremismus/257899/die-afd-und-der-antisemitismus/">Wolfgang Gedeon</a>, député du Land de Bade-Wurtemberg. Avant de s’engager au sein de l’AfD, celui-ci avait publié plusieurs livres dans lesquels il reprenait des idées conspirationnistes et antisémites. Si l’AfD a, en apparence, condamné ses propos, son exclusion ne s’est pas opérée tout de suite. Au niveau régional, Jörg Meuthen, alors président du groupe AfD dans le Land, <a href="https://www.bpb.de/themen/rechtsextremismus/dossier-rechtsextremismus/257899/die-afd-und-der-antisemitismus/">avait appelé à son exclusion</a>. Mais celle-ci ne s’était pas concrétisée, faute de majorité sur le sujet au sein du groupe. Wolfgang Gedeon avait alors bénéficié du soutien indéfectible de certains de ses collègues du Parlement régional. Mais cet épisode avait provoqué une scission au sein de l’AfD. Il aura fallu attendre l’intervention de Frauke Petry, la co-présidente fédérale du parti, pour que Wolfgang Gedeon « <a href="https://www.zeit.de/politik/deutschland/2020-03/afd-antisemitismus-wolfgang-gedeon-austritt">daigne</a> » quitter le groupe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">En Allemagne, la résistible ascension de l’extrême droite</a>
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<p>Si les sorties antisémites proviennent essentiellement de l’AfD, « l’affaire Hubert Aiwanger » ne doit pas être minimisée. Elle devrait agir comme un coup de semonce dans la conscience collective allemande : l’antisémitisme est loin d’être un fléau éradiqué. En 2021, le <a href="https://report-antisemitism.de/documents/Antisemitische_Vorfaelle_in_Deutschland_Jahresbericht_RIAS_Bund_2021.pdf">rapport annuel du gouvernement allemand sur l’évolution de l’extrémisme</a> alertait sur une augmentation de près de 29 % des actes antisémites en un an (3 027 enregistrés actes en 2021, contre 2 351 en 2020). Pour le moment, le réveil ne semble pas avoir lieu. <a href="https://dawum.de/Bundestag/INSA/2023-09-04/">D’après un sondage paru le 4 septembre 2023</a>, si des législatives avaient lieu prochainement au niveau fédéral, la CDU/CSU ne pâtirait guère des révélations concernant Aiwanger. La liste présentée conjointement par les deux partis obtiendrait près de 26,5 % des voix. En pleine ascension, l’AfD deviendrait la deuxième force du pays avec 21,5 % des voix, devançant ainsi les deux partis actuellement au pouvoir le SPD (17,5 %) et les Grünen (13,5 %).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212948/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54)</span></em></p>La Bavière est agitée, à la veille des élections régionales du 8 octobre prochain, par une polémique liée à un tract antisémite rédigé par l’un de ses leaders dans sa jeunesse.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1315962020-02-12T19:24:46Z2020-02-12T19:24:46ZQuelle sortie de crise pour les chrétiens-démocrates en Allemagne ?<p>Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK ») vient de faire une annonce qui a résonné comme un coup de tonnerre : elle renonce à succéder à Angela Merkel à la chancellerie et remettra la présidence du Parti chrétien-démocrate (CDU), qu’elle occupe depuis seulement novembre 2018, à la disposition de son parti dès qu’un candidat au poste de chancelier aura été trouvé pour conduire la prochaine campagne électorale, officiellement prévue à l’automne 2021. AKK reste cependant ministre fédérale de la Défense. Cette décision est aussi complexe et ambivalente que toutes celles qu’AKK a prises ces derniers mois, sans jamais trouver la ligne politique claire qui lui aurait permis de rassembler son parti autour d’elle.</p>
<p>Il y a dans l’événement quelque chose qui rappelle le « dégagisme » qu’a connu la France au moment des primaires des Républicains en 2016 – à ceci près qu’en France ce sont les électeurs participant à ces primaires qui ont fait « dégager » des candidats dont ils ne voulaient plus tandis qu’en Allemagne ce sont les personnalités politiques qui « dégagent » d’elles-mêmes. En effet, la renonciation d’Annegret Kramp-Karrenbauer rappelle celle, pas si ancienne, d’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/03/en-allemagne-la-demission-de-la-cheffe-du-spd-ouvre-une-periode-d-incertitude-politique_5470623_3210.html">Andrea Nahles</a>, présidente du SPD d’avril 2018 à juin 2019, qui avait elle-même succédé à Martin Schulz, élu à la tête du SPD en janvier 2017. Officiellement, A. Nahles quittait la présidence de son parti à la suite du mauvais score réalisé par le SPD aux élections européennes ; en réalité, elle est partie parce qu’elle était en butte à des critiques internes croissantes et, surtout, ne parvenait pas à donner un nouvel élan à des sociaux-démocrates <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/03/allemagne-la-grande-coalition-en-debat-chez-les-sociaux-democrates_5505797_3210.html">profondément divisés</a> quant à l’opportunité de poursuivre la grande coalition formée début 2018 avec la CDU.</p>
<p>Dans le cas d’Annegret Kramp-Karrenbauer, il y a, de la même façon, le déclencheur et les raisons plus profondes d’un échec politique qui, inévitablement, fragilise la chancelière Merkel.</p>
<h2>Le déclencheur : l’élection du ministre-président de Thuringe</h2>
<p>Le 5 février avait lieu, au parlement régional d’Erfurt en Thuringe, l’élection du ministre-président, le chef du gouvernement régional. Bodo Ramelow, ministre-président sortant, avait gagné les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/27/nouvelle-poussee-de-l-extreme-droite-lors-d-un-scrutin-regional-en-allemagne_6017113_3210.html">élections régionales du 27 octobre 2019</a>, son parti Die Linke (La Gauche) obtenant 31 % des voix contre 23,4 % au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et 21,7 % à la CDU ; mais son gouvernement avait perdu sa majorité, le SPD n’obtenant que 8,2 % des voix et les Verts stagnant à 5,2 %. En l’absence d’autre option, B. Ramelow souhaitait continuer à gouverner avec la même coalition réunissant autour de Die Linke le SPD et les Verts, à la tête d’un gouvernement minoritaire. Son objectif : être élu à la majorité relative au troisième tour de scrutin. L’entreprise comportait une inconnue puisque les partis d’opposition réunissaient ensemble 48 sièges sur 90 contre seulement 42 acquis à la coalition sortante.</p>
<p>Au bout du compte, le 5 février dernier, c’est le candidat du FDP, Thomas Kemmerich, qui a été élu par 45 voix contre 44 à Bodo Ramelow. Cette issue n’était pas la plus vraisemblable ; elle ne pouvait pourtant pas être exclue. T. Kemmerich, dont le parti n’était entré au parlement d’Erfurt que d’extrême justesse, a été élu ministre-président avec les voix combinées de la CDU et de l’AfD, qui avaient donné la priorité au renversement du candidat de La Gauche – même si ces deux formations n’étaient pas en mesure, à elles deux, de former un gouvernement.</p>
<p>L’AfD de Björn Höcke – son leader régional particulièrement marqué à l’extrême droite raciste et nationaliste – avait habilement manœuvré pour faire voler en éclats le consensus existant jusqu’alors entre les partis traditionnels : ceux-ci acceptaient de se coaliser entre eux, mais excluaient de le faire avec les partis extrémistes tels que l’AfD (et, pour certains d’entre eux, La Gauche).</p>
<p>C’était la première fois en Allemagne qu’un ministre-président était élu avec les voix de l’extrême droite. Le scandale était complet, les protestations des partis politiques autres que l’AfD, ainsi que des médias et de la plus large partie de l’opinion publique, furent à l’avenant.</p>
<p>24 heures après son élection, T. Kemmerich <a href="https://www.lepoint.fr/monde/elu-grace-a-l-extreme-droite-le-president-de-thuringe-pousse-a-la-demission-06-02-2020-2361628_24.php">annonçait sa démission</a>, tout en restant en fonctions par intérim jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée pour élire un nouveau ministre-président.</p>
<p>C’est un peu aujourd’hui la foire aux propositions les plus insolites, mais ce qui importe pour notre propos, c’est qu’Annegret Kramp-Karrenbauer ne soit pas parvenue à convaincre la CDU de Thuringe d’accepter la tenue d’élections anticipées pour sortir de la crise, alors même que son leader régional, Mike Mohring, annonce qu’à la demande de son groupe parlementaire, mécontent de ses allées et venues entre l’AfD et La Gauche, il en abandonnera la direction en mai prochain. À noter que les fédérations régionales des partis disposent d’une large autonomie et que la centrale berlinoise ne peut rien imposer contre leur volonté. La CDU de Thuringe ne pouvait rien attendre de bon d’élections anticipées qu’elle risquait de perdre et se refusait à en accepter le principe malgré la proposition faite par T. Kemmerich. Un <a href="https://de.statista.com/infografik/20766/sonntagsfrage-fuer-thueringen-nach-der-kemmerich-wahl-versus-letztes-wahlergebnis/">premier sondage d’opinion</a> a confirmé que la coalition sortante les gagnerait et que la CDU s’effondrerait tandis que l’AfD ne progresserait pas.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, le reproche a été fait à AKK de manquer une fois de plus d’autorité et d’avoir trop louvoyé sur la conduite à recommander aux députés chrétiens-démocrates de Thuringe lors de l’élection du ministre-président. Son analyse de la situation dans ce Land a été bureaucratique plus que politique : elle s’est pour l’essentiel contentée de rappeler la règle adoptée sur l’incompatibilité entre CDU et La Gauche ainsi qu’avec l’AfD, sans chercher à mieux comprendre les subtilités de la situation thuringeoise, par exemple en s’abstenant de voter contre Ramelow.</p>
<h2>Une crise de confiance plus profonde</h2>
<p>La crise en Thuringe pose la question de la relation des chrétiens-démocrates à l’extrême droite et donc de son repositionnement politique – souhaité ou redouté. Elle pose également la question de la fiabilité du Parti libéral, qui n’a pas su déjouer le piège tendu par l’AfD, Th. Kemmerich acceptant son élection et même les félicitations de l’AfD.</p>
<p>Angela Merkel a en son temps choisi « AKK » comme dauphine dans l’espoir de préserver sa ligne de centre/centre-gauche contre celle, jugée plus conservatrice, de son adversaire Friedrich Merz. La nouvelle patronne de la CDU n’a pas su recoller les morceaux. Il est vrai que l’aile conservatrice de son parti ne lui a pas facilité la tâche et qu’elle a perdu une bonne partie de sa crédibilité en <a href="https://www.reuters.com/article/us-germany-politics-gaffe/gaffe-prone-carnival-joke-backfires-on-merkel-protege-idUSKCN1QN1YF">accumulant les gaffes</a>, immédiatement exploitées sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Chef de l’opposition chrétienne-démocrate au Bundestag évincé par Angela Merkel en 2002, Friedrich Merz s’était reconverti dans le privé. Lors du congrès fédéral de la CDU à Hambourg les 7 et 8 décembre 2018, Annegret Kramp-Karrenbauer ne l’avait emporté qu’au second tour face à lui, avec 51,75 % des voix des délégués contre 48,25 %, le rapport de forces étant au premier tour de 450 voix contre 392 à F. Merz et 157 au troisième candidat Jens Spahn, aujourd’hui ministre fédéral de la Santé.</p>
<p>La recherche d’un nouveau candidat chrétien-démocrate à la chancellerie tourne de ce fait inévitablement autour de Friedrich Merz et Jens Spahn, mais aussi de l’actuel ministre-président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, Armin Laschet, qui dirige dans son Land une coalition avec le FDP et peut surtout compter sur la plus importante fédération chrétienne-démocrate régionale d’Allemagne. Daniel Günther, ministre-président du Schleswig-Holstein, à la tête d’un gouvernement de coalition avec les Verts et le FDP, est également cité parmi les prétendants, mais n’a pas la faveur des pronostics. L’actuel ministre-président de la Bavière et président de la CSU, Markus Söder, a pour sa part rejeté la proposition d’être candidat à la chancellerie.</p>
<p>Friedrich Merz cultive aujourd’hui une prudente réserve tout en affirmant qu’il souhaite s’engager davantage au service de son parti. Depuis 2019, il est vice-président du Conseil économique de la CDU, ce qui en fait un porte-parole écouté des milieux d’affaires allemands. Président depuis 2016 du conseil de surveillance de la branche allemande de Black Rock, le plus important gestionnaire de patrimoine au monde, il vient d’abandonner cette fonction pour avoir les coudées plus franches sur la scène politique. Il semble qu’on s’achemine vers un duel Merz/Laschet, Jens Spahn (39 ans) étant jugé encore un peu jeune. Selon de premiers sondages, l’opinion publique allemande tablerait à 40 % sur la victoire de F. Merz. Celle-ci représenterait un désaveu pour Angela Merkel. Il reste que l’accession à la tête de la CDU de Merz ou de Laschet ne révolutionnera pas foncièrement la CDU ; elle infléchirait seulement son orientation dans un sens plus conservateur (si Merz l’emporte) ou plus centriste (si c’est Laschet).</p>
<h2>Quel sort pour Angela Merkel ?</h2>
<p>De nombreux observateurs allemands et étrangers s’inquiètent de l’impact que cette crise peut avoir sur la stabilité de la grande coalition en place à Berlin. Le SPD, par la voix d’Olaf Scholz, ministre des Finances et vice-chancelier, table sur son maintien et réduit la question à une affaire interne à la CDU – tout comme la CDU-CSU l’a fait quand le SPD a connu la même situation de crise après la démission de ses fonctions de présidente par Andrea Nahles en juin 2019.</p>
<p>Lors des primaires sociales-démocrates consécutives au départ d’Andrea Nahles, Saskia Askens et Norbert Walter-Borjans, qui se partagent la présidence du SPD depuis décembre dernier, s’étaient montrés hostiles à la poursuite de la grande coalition. Ils ont depuis fait changer leur fusil d’épaule et se gardent, du moins pour l’instant, de trop se découvrir.</p>
<p>Il semble pourtant peu probable que l’élection à la tête de la CDU d’un nouveau président, qui sera en même temps son candidat à la chancellerie lors des élections fédérales à venir, n’ait pas d’influence sur l’avenir de cette grande coalition si mal aimée. Tout simplement parce qu’on peut difficilement envisager que cette personne, auréolée de l’influence que lui donnera cette double fonction, conduite par la nécessité d’affirmer sa différence et d’apparaître comme une alternative crédible – ce que Annegret Kramp-Karrenbauer n’est manifestement pas parvenue à faire – n’entre pas tôt ou tard en conflit avec la chancelière. Vu son tempérament et sa personnalité, il est fort possible qu’Angela Merkel se retire alors avant qu’il ne soit trop tard, provoquant alors sans doute la tenue d’élections fédérales anticipées…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Parti chrétien-démocrate de la chancelière allemande Angela Merkel traverse une crise profonde que la récente démission de sa présidente, Annegret Kramp-Karrenbauer, a encore exacerbée.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164772019-05-08T19:34:27Z2019-05-08T19:34:27ZL’Allemagne est-elle encore pro-européenne ?<p>Les tensions qui se sont manifestées ces derniers mois entre la France et l’Allemagne ont conduit nombre de commentateurs à douter de l’engagement européen de Berlin et à mettre l’accent sur la montée du populisme outre-Rhin. Le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-de-cooperation-franco-allemand-d-aix-la-chapelle/">traité d’Aix-la-Chapelle</a>, présenté lors de la journée franco-allemande du 22 janvier 2019, a fait apparaître au grand jour ces tensions. Lors des négociations longues et difficiles, d’aucuns ont même pu douter de son aboutissement.</p>
<p>De nombreuses petites phrases de la part du Président français témoignent de son agacement face à la lenteur et à la tiédeur des réactions des chrétiens-démocrates allemands (CDU) à ses propositions – depuis son discours de la Sorbonne de septembre 2017 jusqu’à <a href="http://www.leparisien.fr/politique/pour-une-renaissance-europeenne-la-lettre-d-emmanuel-macron-aux-europeens-04-03-2019-8024766.php">sa lettre du 4 mars 2019</a> en faveur d’« une renaissance européenne », adressée à tous les Européens.</p>
<p>C’est surtout la réponse de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK ») formulée, le 10 mars 2019, dans l’édition dominicale de <em>Die Welt</em>, qui a mis le feu aux poudres – de nombreux médias (allemands comme français) ayant retenu prioritairement les points dans lesquels celle-ci opposait à Macron une fin de non-recevoir. Le titre choisi par ce journal – <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article190037115/AKK-antwortet-Macron-Europa-richtig-machen.html">« Faisons l’Europe comme il faut, maintenant »</a> (<em>Europa jetzt richtig machen</em>) pouvait être perçu comme un reproche adressé sans nuance au Président français qui, pour prêcher la renaissance de l’Europe, ferait les choses de travers.</p>
<h2>Quand Berlin froisse Paris</h2>
<p>Les commentateurs ont surtout relevé la phrase dans laquelle AKK affirme que « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. » Cette tribune dans <em>Die Welt</em> visait à clarifier les divergences franco-allemandes afin d’éviter de vains débats sur un certain nombre de questions entre les deux pays.</p>
<p>La proposition d’AKK d’installer une bonne fois pour toutes le Parlement européen à Bruxelles – une idée récurrente du côté allemand qui surgit invariablement en période électorale – a également retenu l’attention. AKK qualifie ainsi l’existence de deux sièges, à Bruxelles et à Strasbourg, d’« anachronisme » inutilement coûteux (ce qu’à mi-voix on ne conteste d’ailleurs pas du côté français). Mais cette demande a froissé la susceptibilité de Paris.</p>
<p>Même chose pour la proposition selon laquelle « l’UE devrait à l’avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations unies ». Une idée déjà défendue par Willy Brandt dans les années 1970 : il apparaissait alors logique que ce soit l’UE qui soit représentée de façon permanente au Conseil de sécurité de l’ONU dès l’instant que celle-ci aurait réussi son intégration.</p>
<p>Ces réactions françaises n’ont pas permis de percevoir la réponse d’AKK dans son ensemble. La dirigeante de la CDU cherche des réponses aux mêmes questions que Macron en matière de stratégie pour l’Europe face aux USA et à la Chine ou encore face à la Russie de Poutine qui, dit-elle, « semble vouloir tirer sa force de la déstabilisation et de l’affaiblissement de ses voisins. » Elle oppose à ces trois puissances les valeurs du « European way of life » symbolisé par « la démocratie représentative, le régime parlementaire, l’État de droit, les libertés individuelles et l’économie sociale de marché. »</p>
<h2>Des États plus forts pour une Europe plus forte</h2>
<p>En matière de défense, Annegret Kramp-Karrenbauer affirme : « Nous devons demeurer transatlantiques, tout en devenant plus européens. » Une formule qui révèle à la fois les continuités et les évolutions de l’Allemagne dans le nouveau contexte international. AKK, qui a déjà plaidé en faveur d’un assouplissement des règles soumettant à l’aval du Parlement les interventions extérieures de la « Bundeswehr » (l’armée allemande), évoque ainsi la mise en place d’un Conseil de sécurité européen, auquel appartiendrait le Royaume-Uni, quelle que soit l’issue du Brexit (une possibilité envisagée également par Emmanuel Macron).</p>
<p>Elle évoque aussi la création, en Allemagne même, d’un Conseil national de sécurité permettant de coordonner la politique étrangère, de défense et de sécurité, d’aide au développement et du commerce extérieur.</p>
<p><strong>Autre point important, sa vision des structures de l’Europe :</strong></p>
<blockquote>
<p>« Refonder l’Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l’identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l’échelon européen. C’est de cette réalité qu’émane le poids des Européens sur la scène internationale. »</p>
</blockquote>
<p>Un signal en faveur de plus d’intergouvernementalité en Europe plutôt que davantage d’intégration supranationale, avec au mieux la poursuite des processus « communautaires ».</p>
<p>Dans ce même texte paru dans <em>Die Welt</em>, la présidente de la CDU cherche visiblement à réagir à la montée des populismes en Europe, à prendre en compte les inquiétudes des populations en matière de politique d’immigration pour donner à l’Europe une dimension protectrice par la réforme (une place importante étant accordée à la politique africaine).</p>
<p>Mais, bien que critique à l’égard de plusieurs points de la politique de « renaissance européenne » de Macron, ce texte présente aussi un important potentiel pour la relance de la coopération franco-allemande au profit de l’Europe.</p>
<h2>Vu de Berlin, le retour de la « France irréformable »</h2>
<p>Pour l’Allemagne les inquiétudes face à l’immigration, la défense et les relations avec l’Afrique sont centrales. En revanche, ce texte n’aborde pas certains enjeux qui nourrissent le débat français sur l’Europe et les relations franco-allemandes. C’est le cas de l’excédent du solde commercial allemand que de nombreux économistes voudraient voir réduit par une politique de relance de la consommation des ménages en Allemagne : par une politique d’augmentation du pouvoir d’achat via la hausse des salaires, donc, mais aussi par une politique d’investissements massifs dans les infrastructures.</p>
<p>C’est un sujet que semble mal maîtriser la chancelière Merkel qui, peu soucieuse des équilibres internationaux, ne comprend pas en quoi les excédents commerciaux allemands peuvent poser problème à ses partenaires. Un dossier sur lequel AKK a préféré ne pas se prononcer.</p>
<p>Dans cette affaire, il faut bien comprendre que les réponses de Macron au mouvement des « gilets jaunes » – augmenter le pouvoir d’achat au détriment de la lutte contre les déficits publics – a provoqué une vive déception outre-Rhin.</p>
<p>L’opinion publique allemande, tout comme les états-majors de la plupart des partis, avaient pourtant bien accueilli son programme européen, sa politique volontariste en faveur de réformes, dans un premier temps couronnée de succès. Mais le mouvement des « gilets jaunes » a ravivé outre-Rhin la crainte que la France soit irréformable et cesse, une fois de plus, d’être un partenaire fiable.</p>
<h2>Avantages et inconvénients de l’Union européenne : des avis partagés</h2>
<p>Si l’on en croit un sondage effectué par l’Institut berlinois de recherches « Policy matters » à la demande de la fondation des syndicats, la <a href="https://rp-online.de/politik/eu/europawahl/europawahl-2019-wahlbeteiligung-hoeher-als-2014-65-millionen-menschen-wahlberechtigt_aid-37579885">Hans-Böckler-Stiftung</a>, les deux tiers des électeurs allemands auraient l’intention d’aller voter le 26 mai prochain.</p>
<p>Si tel était le cas, cela représenterait un bond spectaculaire de près de 20 points par rapport au taux de participation de 48,10 % en 2014. Un chiffre déjà plus élevé que le taux moyen enregistré dans l’Union européenne (42,60 %), notamment français (42,43 %). Ce sondage reste toutefois à manier avec prudence, l’électorat allemand restant très partagé sur l’appréciation de l’Union européenne.</p>
<p>Aujourd’hui, 83 % des personnes interrogées dans ce sondage souhaitent un approfondissement de la coopération avec les autres pays membres de l’UE et 72 % seraient même en faveur de la mise en place d’une avant-garde européenne qui pourrait aller plus vite de l’avant. En revanche, 37 % seulement estiment que l’<a href="https://www.spiegel.de/politik/ausland/europaeische-union-so-denken-die-deutschen-ueber-die-eu-a-1252954.html">Union européenne comporte plus d’avantages que d’inconvénients</a>. Pour 24 %, les inconvénients l’emportent et aux yeux de 39 % les deux s’équilibrent.</p>
<p>Plus l’électeur se situe à un niveau élevé de l’échelle sociale, plus son vote est positif ; et plus il est négatif à mesure qu’on descend au sein de cette même échelle. Les couches les plus défavorisées reprochent à l’Union européenne son manque de justice sociale. Les principales revendications portent sur la faiblesse du taux d’imposition des multinationales, sur davantage de protection contre la criminalité, la lutte contre le terrorisme et contre l’inégalité hommes-femmes.</p>
<h2>Pas de bouleversement politique en vue en Allemagne</h2>
<p>Un sondage, réalisé par l’institut <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/europawahl.htm"><em>Forschungsgruppe Wahlen</em></a> et publié le 12 avril dernier, attribue 32 % des intentions de vote à la CDU/CSU, 19 % aux Verts, 18 % au SPD, 7 % au FDP, 6 % à Die Linke et 10 % à l’AfD. Ce parti d’extrême droite, qui a enregistré une hausse de 2,6 points aux élections fédérales de septembre 2017 et semblait crédité d’un potentiel protestataire plus important aux Européennes, enregistrerait ainsi une <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/europawahlen/2014/ergebnisse/bund-99.html">progression de près de 3 points par rapport à 2014</a>. Dans les derniers jours de la campagne électorale, il n’est toutefois pas impossible que l’AfD soit à la hausse (un sondage non vérifié lui accorderait jusqu’à 15 % des voix).</p>
<p>Les gagnants potentiels du scrutin pourraient donc être les Verts (+8,3 points), qui bénéficieraient d’un transfert de voix venues du SPD, tandis que le FDP (Libéraux) doublerait son score (+3,6 points). Le SPD perdrait, quant à lui, près de 10 points et la CDU/CSU un peu plus de 3,2 points.</p>
<p>On ne s’attend donc pas à un bouleversement du paysage politique en Allemagne. Les intentions de vote aux Européennes collent assez bien aux tendances que révèlent les intentions de vote pour des élections fédérales.</p>
<p>Les craintes que nourrissent les partis démocratiques portent surtout sur les élections régionales de l’automne prochain dans les Länder du Brandebourg, de Thuringe : l’AfD y est créditée d’intentions de vote autour de 20 %, voire même supérieures à 20 % dans le cas de la Saxe.</p>
<p>Les nouveaux Länder issus de l’ancienne RDA n’ont pas encore, dans leur ensemble, fait leur conversion entière au régime libéral de la RFA. Leur électorat, quand il n’est pas parti à l’Ouest, n’a pas grandi avec la construction européenne.</p>
<p>Mais, malgré ces particularités sociales et territoriales, l’Allemagne d’aujourd’hui reste un pays favorable à l’Europe. L’Union européenne, comme ne cessent de le dire les dirigeants politiques et économiques du pays – <a href="https://www.t-online.de/finanzen/boerse/news/id_85511426/bvmw-praesident-ohoven-die-wachsende-europaskepsis-macht-mir-grosse-sorge-.html">à l’instar de Mario Ohoven, président de la Fédération des entreprises du Mittelstand (Verband mittelständischer Wirtschaft (BVMW)</a> – demeure bien le fondement en matière de paix, de liberté et de bien-être.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les élites allemandes restent très pro-européennes, un quart de l’électorat outre-Rhin estime que les inconvénients l’emportent sur les avantages apportés par l’Union européenne.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1058762018-10-29T14:00:12Z2018-10-29T14:00:12ZEn Allemagne, le déclin des « anciens » partis pousse Angela Merkel vers la sortie<p>Les <a href="https://statistik-hessen.de/l_2018/html/BVII2_3_5j18.pdf?0.846968590053308">résultats des élections régionales en Hesse</a> de ce dimanche 28 octobre ressemblent, dans leurs grandes tendances, à ceux de Bavière quinze jours plus tôt. Ils confirment l’établissement d’un système pluripartite à six dans les parlements régionaux d’Allemagne comme au parlement fédéral lors des élections de l’automne 2017 et ont eu d’ores et déjà pour effet de provoquer le renoncement de la chancelière à briguer un nouveau mandat de présidente de son parti, la CDU. Jusqu’ici, Angela Merkel avait toujours estimé que la chancelière devait en même temps exercer cette fonction. Celle-ci entame donc un retrait ordonné de ses fonctions sans cesser pour autant d’être chancelière. Angela Merkel disait encore récemment savoir que ce n’était pas elle qui déciderait de sa succession.</p>
<p>Principal enseignement : ce qu’il faut bien désormais appeler les deux « anciens » grands partis de rassemblement populaire (<em>Volkspartei</em>), chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, perdent à nouveau chacun une dizaine de points par rapport aux élections régionales de 2013, pour se situer, les premiers à 27 %, les seconds à 19,8 %. Les Verts gagnent pour leur part 8,7 points, et font jeu égal avec le SPD.</p>
<p>En revanche, leur score est inférieur à celui de l’AfD qui, avec 13,1 % des voix, dépasse de 9 points le résultat obtenu il y a cinq ans, tout en stagnant par rapport à son score au niveau fédéral : 12,6 % lors du scrutin de septembre 2017.</p>
<p>À côté de ces quatre formations, deux autres – nettement plus petites – s’établissent durablement au parlement de Wiesbaden, passant cette fois sans difficulté la barre des 5 %, seuil en dessous duquel un parti n’est pas représenté, en Allemagne, dans un parlement : Les Libéraux (7,5 %) et La Gauche (6,3 %).</p>
<p>Dans ce contexte de fortes fluctuations, il convient de souligner que la CDU enlève 40 des 55 mandats directs de circonscription – pour lesquels une majorité relative suffit –, le SPD 10 et les Verts 5 – ce qui atteste malgré tout de l’attachement d’une partie non négligeable de leur électorat et, pour les Verts en particulier, de leur capacité à obtenir de tels mandats.</p>
<h2>En Hesse, les Verts profitent de la coalition, pas la CDU</h2>
<p>La désaffection frappe avec la même vigueur les deux partis constitutifs de la Grande coalition à Berlin – ce qui a conduit de nombreux commentateurs à se poser la question de sa survie et celle de l’avenir de la chancelière. Pour certains seul un renouvellement à la tête du Parti chrétien-démocrate lui permettrait de prendre un nouveau départ et de reconquérir son électorat.</p>
<p>Ce n’est pas le moindre paradoxe de ces élections régionales que de voir les deux composantes du gouvernement sortant de Hesse – CDU et Verts – traités aussi différemment : la CDU essuie de fortes pertes, mais les Verts continuent de progresser alors qu’ils ont été cinq ans durant partie prenante du même gouvernement. On leur a même reproché d’avoir été plus gestionnaires que visionnaires et d’avoir abandonné certains des objectifs chers à l’électorat vert tel que la réduction des nuisances sonores de l’aéroport de Francfort.</p>
<p>Cette différence de traitement dans les urnes s’explique par la place qu’a prise dans les élections de Hesse la politique de la Grande coalition à Berlin. Les Verts apparaissent comme un parti auquel il est possible de faire davantage confiance qu’à ceux de la Grande coalition. Ils prennent d’ailleurs à peu près autant de voix à l’un qu’à l’autre : 101 000 au SPD, 92 000 à la CDU, alors que l’<a href="https://wahl.tagesschau.de/wahlen/2018-10-28-LT-DE-HE/index.shtml">AfD draine d’abord des électeurs à la CDU</a> et continue de mobiliser d’anciens abstentionnistes et des nouveaux électeurs.</p>
<h2>Une « bonne leçon au gouvernement fédéral</h2>
<p>Comme en Bavière, les résultats en Hesse constituent un désaveu certain du gouvernement fédéral. Ou plutôt « une bonne leçon » puisque 50 % des électeurs hessois ont confié à un institut de sondage avoir profité de ces élections régionales pour en donner une à la CDU-CSU et au SPD : il s’agissait de faire comprendre aux anciens partis que les citoyens en avaient assez du « spectacle lamentable » qu’ils avaient offert ces derniers mois avec leurs sempiternelles querelles quand les <a href="https://wahl.tagesschau.de/wahlen/2018-10-28-LT-DE-HE/index.shtml">Allemands attendent d’abord d’eux qu’ils trouvent des solutions aux problèmes du pays</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242736/original/file-20181029-76390-yeauud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bulletin de vote du dimanche 28 octobre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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<p>Le ministre-président chrétien-démocrate sortant de Hesse, Volker Bouffier, voit clairement dans les pertes de son parti « un appel en direction de Berlin à se réveiller ». Le ministre-président social-démocrate de Basse-Saxe, Stephan Weil, n’a pas hésité pour sa part à mettre en cause nommément le <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-en-baviere-une-scene-politique-allemande-en-pleine-ebullition-104994">ministre fédéral de l’Intérieur et président de la CSU, Horst Seehofer</a>, à l’origine des querelles au sein de la CDU-CSU et des tensions avec le SPD. La secrétaire générale de la CDU, Annegret Karren-Krampbauer, a laissé entendre à la télévision qu’il revenait à la CSU de régler en toute autonomie ses problèmes de personne.</p>
<h2>Quelle coalition en Hesse ?</h2>
<p>Les Chrétiens-démocrates ont pourtant la satisfaction de rester le premier parti du Land de Hesse et d’avoir ainsi, selon l’usage, la charge de former le gouvernement. La CDU dit vouloir engager des pourparlers avec tous les partis représentés au Landtag de Wiesbaden sauf avec l’AfD et avec La Gauche.</p>
<p>Plusieurs options s’offrent à elle : reconduire la coalition sortante (CDU-Verts) qui dispose juste de la majorité qualifiée nécessaire, négocier une coalition aux couleurs de la Jamaïque (noir, vert, jaune, soit CDU+Verts+FDP) lui garantissant une majorité plus large. Arithmétiquement parlant, la CDU pourrait également négocier avec le SPD une grande coalition.</p>
<p>De son côté, le SPD pourrait être tenté de former une coalition avec les Verts et le FDP. Tout comme, d’ailleurs, les Verts, à égalité de voix et de sièges au parlement de Wiesbaden avec le SPD, pourraient prendre l’initiative d’une telle coalition sous leur direction. Mais ce qui est arithmétiquement possible ne l’est pas forcément politiquement.</p>
<p>Le président fédéral des Verts, Robert Habeck, a ainsi exclu que son parti fasse appel au FDP dès l’instant qu’il n’a pas besoin de son appoint. Il s’était auparavant vivement querellé, lors d’un talk-show, avec son homologue du FDP, Christian Lindner, à l’origine de la rupture des pourparlers pour former une coalition aux couleurs de la Jamaïque après les élections fédérales de septembre 2017. FDP et Verts se perçoivent comme des partis rivaux.</p>
<h2>Angela Merkel fragilisée</h2>
<p>Une grande coalition des perdants comme à Berlin apparaît également peu vraisemblable : le SPD de Hesse ne voudra pas s’engager dans une aventure aussi risquée alors qu’au plan fédéral, la présidente du SPD, Andrea Nahles, visiblement sonnée par le score de son parti en Hesse, fait pression sur la CDU-CSU pour « mettre en place une feuille de route qui permette de vérifier, comme cela est prévu à mi-mandat, si le SPD a sa place dans cette coalition. »</p>
<p>Le SPD sait qu’il a besoin de s’affirmer par rapport à une CDU social-démocratisée et qu’il lui faut présenter des succès tangibles dans les domaines de la justice sociale, de la politique du logement, de l’école, mais aussi dans celui de la numérisation, etc. – autant d’objectifs qu’Angela Merkel dit également poursuivre !</p>
<p>Certains commentateurs prédisent un mois de novembre difficile pour une chancelière, à nouveau fragilisée. Celle-ci avait répété, dès avant le scrutin de dimanche, qu’il s’agissait d’une élection régionale. D’autant que la Hesse (4,4 millions d’électeurs) est un Land qui a connu dans le passé bien des sautes d’humeur, provoquant chez les chrétiens-démocrates comme chez les sociaux-démocrates et les libéraux des pertes ou des gains de l’ordre de 10 % (en 2009, 2009 ou 2013).</p>
<h2>Le « malus » Merkel</h2>
<p>Mais, comme le souligne le politologue de l’université de Duisburg-Essen, Karl-Rudolf Korte, il ne suffira pas à la Grande coalition de faire preuve de sa capacité à travailler dans une plus grande sérénité pour se défaire de la mauvaise image que les Allemands ont désormais d’elle et qu’il faut à la CDU un renouvellement à sa tête pour pouvoir prendre un nouvel élan. Il parle même <a href="https://www.zdf.de/nachrichten/heute-journal/heute-journal---wahl-in-hessen-vom-28-oktober-2018-100.html">du « malus »</a> que représenterait désormais Angela Merkel pour la CDU.</p>
<p>Tirant les conséquences du double désaveu de son parti en Bavière et en Hesse Angela Merkel a donc fait filtrer, le lendemain des élections, qu’elle ne serait pas candidate à la présidence de son parti lors de son congrès de décembre prochain.</p>
<p>Est-ce la bouffée d’oxygène qui doit lui permettre de poursuivre plus sereinement son travail de chancelière ? Mal aimée, la Grande coalition devrait se maintenir sous sa direction et chercher à reconquérir la confiance des Allemands. C’est théoriquement possible si le calme revient dans les rangs chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. Mais cela ne sera pas chose aisée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Le scrutin en Hesse confirme l’établissement d’un système pluripartite à six dans les parlements régionaux d’Allemagne comme au parlement fédéral.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049942018-10-15T21:38:28Z2018-10-15T21:38:28ZAprès les élections en Bavière : une scène politique allemande en pleine ébullition<p>Défaites et victoires étaient annoncées lors des élections en Bavière du 14 octobre. À quelques nuances près, elles se sont produites comme les sondages le prédisaient dans ce Land de près de 13 millions d’habitants et de 9,5 millions d’électeurs.</p>
<p>Les Chrétiens-sociaux (CSU) perdent 10,5 points mais restent, malgré tout, la première force politique de Bavière, avec 37,2 % des suffrages. Les Verts gagnent 8,9 points par rapport à 2013 et occupent, avec 17,5 % des voix, la seconde place. Un succès annoncé mais peu commenté. Or ils sont les vrais gagnants de ces élections régionales.</p>
<p>Le SPD qui, depuis quinze ans ne parvenait pas à dépasser les 20 %, voit son résultat divisé par deux : il perd 10,9 points et n’obtient que 9,7 %, un résultat tel qu’il a même provoqué l’apitoiement du ministre-président CSU en exercice, Markus Söder. Longtemps, il a été possible d’expliquer l’incapacité du SPD bavarois par la suprématie incontournable de la CSU, ce n’est plus aujourd’hui possible et cela rend cette défaite historique du SPD plus cuisante encore.</p>
<p>Le parti populiste AfD reste, quant à lui, en dessous des pronostics : crédité jusqu’au soir des élections de 14 à 15 % des intentions de vote, il n’a obtenu que 10,2 % des voix – un résultat en net retrait par rapport aux 12,6 % obtenus aux élections fédérales du 24 septembre 2017 (12,4 % dans le seul État de Bavière). Certes l’AfD est désormais représentée dans tous les parlements régionaux d’Allemagne comme au Bundestag, mais sa montée apparaît aujourd’hui résistible.</p>
<p>Avec 5,1 % des voix, les Libéraux (FDP) parviennent de justesse à être représentés au Landtag de Munich, tandis que La gauche (Die Linke), malgré une progression de 1,1 point (pour un total de 3,2 %), reste en deçà du seuil des 5 %.</p>
<p>Peu représentée au niveau fédéral, mais très active en Bavière depuis la fin des années 1990, la formation des Électeurs indépendants (Freie Wähler, FW) progresse de 2,6 points et occupe, avec 11,6 % des voix, la troisième place derrière la CSU et les Verts. Ce score est d’autant plus important que nombre de ses adhérents sont d’anciens membres de la CSU qu’ils ont quittée en raison de désaccord sur ses évolutions. Ils apprécieront sans doute de devenir la force d’appoint dont la CSU aura besoin désormais pour gouverner…</p>
<p>La CSU a annoncé, le soir même des élections, son intention de constituer avec elle un gouvernement de coalition. Un appel entendu, la FW ayant déjà réclamé, par la voix de son président Hubert Aiwanger, trois postes de ministres.</p>
<h2>L’erreur insigne de la CSU</h2>
<p>Un premier constat s’impose : l’Allemagne va bien mais son électorat n’a, en 2017, renouvelé qu’en rechignant sa confiance à Angela Merkel. La Bavière se porte encore mieux que l’ensemble de l’Allemagne, mais son électorat a fortement réduit la confiance qu’il avait dans un parti pourtant étroitement associé à son succès économique : croissance de 2,8 %, taux de chômage de 2,8 % également, le plein emploi dans un Land qui – avec un PIB de près de 600 milliards d’euros en 2017 – participe le plus fortement à l’ensemble du PIB allemand.</p>
<p>Selon les études faites par l’Institut Infratest-dimap pour la première chaîne de télévision allemande (ARD), la CSU a commis l’insigne erreur de miser sur un seul sujet, celui de l’immigration, pour contrer la montée du populisme dans le pays. Un choix personnifié par le président du parti, Horst Seehofer, à qui 66 % des personnes interrogées reprochent la <a href="https://www.tagesschau.de/inland/wahl-bayern-analyse-101.html">zizanie qu’il a semée au sein du gouvernement fédéral en ne cessant d’attaquer la chancelière sur ce point</a>. Pour 56 % des électeurs, c’est bien lui qui porte la plus grande part de responsabilité dans l’état actuel de la CSU, loin devant Angela Merkel avec 24 % et Markus Söder avec 8 %.</p>
<p>Élu ministre-président depuis seulement quelques mois, celui-ci n’a pas encore acquis la confiance des Bavarois. Il a, de plus, le handicap d’être originaire de Franconie, souvent en délicatesse avec la Bavière historique. La CSU a surtout perdu des voix <a href="https://www.tagesschau.de/inland/waehlerwanderung-bayern-101.html">au profit des Électeurs indépendants (220 000), des Verts (190 000) et de l’AfD (160 000)</a>.</p>
<h2>La politique migratoire, quatrième sujet de préoccupation des Bavarois</h2>
<p>C’est quasiment pour la même raison que la CSU que l’AfD n’a pas progressé : elle a misé uniquement sur le thème de la politique migratoire alors que ce n’était que le <a href="http://www.tagesschau.de/multimedia/bilder/uvotealbum-977.html">quatrième sujet de préoccupation des Bavarois</a>, loin derrière l’école, le logement et le climat.</p>
<p>Le SPD bavarois a, en gros, les mêmes problèmes que le SPD au niveau national quand Martin Schulz en était le président. Sa présidente, Natascha Kohnen, a acquis une certaine réputation mais, pour 80 % des électeurs, elle n’est pas arrivée à préciser ce pourquoi le SPD se battait, faute d’un grand thème central mobilisateur. Ce sont les Verts à qui revient la palme de défendre la justice sociale, le thème historique du SPD.</p>
<p>Et ce sont les Verts, justement, qui se sont trouvés le <a href="https://www.tagesschau.de/inland/gruene-bayern-101.html">plus en adéquation avec leur électorat</a> qui leur reconnaît le plus de compétences en matière de défense de l’environnement, du climat et… de justice sociale, ainsi que pour promouvoir une politique sociale du logement.</p>
<p>Près de 60 % des électeurs verts appelaient de leur vœu la formation d’une coalition entre les Verts et la CSU pour infléchir la politique de cette dernière. C’est désormais un vœu pieux, quand bien même Markus Söder entamerait-il des pourparlers avec tous les partis représentés au Landtag de Munich, sauf l’AfD.</p>
<h2>Le patron de la CSU dans la tourmente</h2>
<p>Quelles seront les conséquences du scrutin bavarois au plan national ? L’analyse réalisée par l’Institut Infratest-dimap fournit un premier élément de réponse : elle confirme en effet deux choses essentielles. La première : ce n’est plus la politique migratoire qui importe – Angela Merkel a d’ailleurs fortement infléchi sa ligne depuis 2015. Les électeurs souhaitent passer à d’autres sujets tels que l’environnement et le climat.</p>
<p>Ils n’admettent pas non plus qu’un ministre fédéral sème la discorde dans son propre camp à des fins opportunistes et fasse de sa querelle personnelle avec la chancelière la référence de toute chose. Les premières voix se font, d’ailleurs, entendre au sein de la CSU pour réclamer son retrait de la présidence de la CSU. Ce qui induirait forcément son retrait du gouvernement fédéral.</p>
<p>Le débat qui est ouvert n’est donc pas celui de la succession d’Angela Merkel, mais bien celle de Horst Seehofer. Certes, de nouvelles échéances attendent la chancelière : tout d’abord les élections en Hesse le 28 octobre prochain, un Land actuellement dirigé par une coalition CDU-Verts ; puis le Congrès fédéral de la CDU en décembre au cours duquel Angela Merkel, soutenue en cela par de nombreux ministres-présidents chrétiens-démocrates, briguera à nouveau la présidence.</p>
<p>Mais ce Congrès sera, à n’en pas douter, un champ ouvert pour ses opposants internes. D’autres candidats se sont déjà déclarés pour favoriser le renouveau du parti. Leurs scores seront scrutés à la loupe.</p>
<h2>Le pluripatisme à la hausse</h2>
<p>À lire et entendre les prises de position des différents leaders politiques allemands au lendemain des élections bavaroises, on ne peut que constater une certaine humilité face aux résultats de chaque formation.</p>
<p>Les deux partis de la coalition gouvernementale à Berlin ont perdu ensemble 21,4 points, un désaveu que ceux-ci ne peuvent ignorer. Mais à Munich, c’est la CSU plus que la CDU qui est mise en cause. On entend, par ailleurs, peu de voix qui appellent sérieusement à la fin de la grande coalition, un événement qui plongerait plus encore le pays dans les incertitudes d’élections anticipées.</p>
<p>Les seuls à remettre vraiment en cause la grande coalition sont ceux-là même qui en ont contesté la formation dès le départ : les représentants de l’aile gauche du parti et, en tout premier lieu, le président des Jeunes sociales, Kevin Kühnert. Ces derniers estimaient que le SPD n’avait rien à gagner à faire cause commune avec la CDU/CSU. La grande coalition risque donc de continuer, bon an mal, an son bonhomme de chemin, sans trouver de nouvel élan libérateur.</p>
<p>Les seuls à pouvoir se réjouir au lendemain des élections bavaroises sont les Verts, même s’ils ne disposent pas de stratégie de retour au pouvoir.</p>
<p>Les résultats du scrutin bavarois montrent aussi que l’électorat allemand en se tournant vers d’autres sujets que les problèmes migratoires s’oppose majoritairement à l’ascension du populisme de droite. La marche de Berlin, le 13 octobre, contre la xénophobie et le racisme est davantage significative, illustrant l’attachement à la démocratie, que les accès de fièvre extrémistes de Chemnitz et Köthen, en Allemagne de l’Est.</p>
<p>Les regards se tournent désormais vers la Hesse, un Land de plus de 6 millions d’habitants représentant un PIB de plus de 200 milliards d’euros, où le sondage le plus récent (datant du 3 octobre 2018) fournit la <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/hessen.htm">photographie suivante</a> : CDU à 29 % ; SPD à 23 % ; Verts à 18 % ; AfD à 13 % ; FDP à 6 % ; La Gauche à 6 %.</p>
<p>La répartition des voix sur quatre formations rivalisant d’importance et deux autres de taille moyenne confirme bien l’évolution du système partisan allemand vers le pluripartisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Les résultats du scrutin de dimanche en Bavière témoignent de l’évolution du système partisan allemand vers le pluripartisme.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1046422018-10-12T09:38:53Z2018-10-12T09:38:53ZL’Allemagne, un pays d’immigration qui s’assume au-delà des tensions<p><a href="https://www.letelegramme.fr/monde/allemagne-la-tension-ne-retombe-pas-a-chemnitz-09-09-2018-12072047.php">Les images des incidents de Chemnitz</a> inquiètent à juste titre en France. Tout événement pouvant rappeler le passé nazi de l’Allemagne doit être analysé avec la plus grande attention, sans toutefois donner lieu à la surinterprétation. Prenons garde, notamment, à l’essentialisme qui menace parfois d’affleurer lorsque l’on regarde l’Allemagne depuis la France.</p>
<h2>Un pays ouvert à l’immigration</h2>
<p>L’Allemagne est aujourd’hui un pays extrêmement diversifié qui compte parmi sa population une part d’immigrés plus importante que la France <a href="https://www.oecd.org/fr/migrations/indicateursintegration/indicateursclesparpays/name,219043,fr.htm">selon l’OCDE</a>. En 2017, 19,3 millions de personnes (<a href="https://www.bpb.de/wissen/NY3SWU,0,0,Bev%F6lkerung_mit_Migrationshintergrund_I.html">23,5 % de la population</a>) étaient issues de l’immigration en Allemagne (immigrés ou enfants d’immigrés), dont 9,8 millions d’Allemands (12 %) et 9,4 millions d’étrangers (11,5 %).</p>
<p>La crise des réfugiés de 2015 n’est pas la première du genre en Allemagne depuis 1945. Sans remonter à l’arrivée des « Vertriebenen » (les « Expulsés ») dans l’immédiat après-guerre, chassés des anciens territoires allemands d’Europe de l’Est, il est intéressant de comparer la crise des réfugiés des années 1990 avec la situation actuelle.</p>
<p>En effet, entre les deux crises, de profondes mutations se sont produites en Allemagne : le pays se considère désormais officiellement comme un pays d’immigration, il a mis en œuvre une politique d’intégration, tente d’organiser ses relations avec les responsables du culte musulman, etc.</p>
<h2>La violence d’extrême droite dans les années 90</h2>
<p>Dans les années 90, au lendemain de la réunification, l’Allemagne accueille la majorité des réfugiés au sein de l’Union européenne : plus de 400 000 demandes d’asile en 1992, plus de 300 000 en 1993 par exemple (issues notamment de l’ex-Yougoslavie).</p>
<p>De plus, suite à l’effondrement de l’Union soviétique, des citoyens des anciennes républiques communistes aux lointaines origines allemandes font usage de leur droit à regagner l’Allemagne (environ 200 000 personnes par an entre 1991 et 1995) : ce sont les « Aussiedler », puis les « Spätaussiedler » (les « Rapatriés » et les « Rapatriés tardifs »).</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’on assiste à la montée de la violence d’extrême droite dans le pays. A Rostock, près de 3000 habitants applaudissent l’incendie d’un foyer qui abrite des immigrés vietnamiens en août 1992. Ailleurs en Allemagne, y compris à l’Ouest, des étrangers ou des immigrés sont victimes de la violence de groupes d’extrême droite. La même année, à Mölln (Nord), par exemple, deux familles turques périssent dans l’incendie criminel de leur maison.</p>
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<p>A l’époque, le chancelier allemand Helmut Kohl n’avait pas jugé pertinent de participer aux obsèques des membres de ces deux familles. Le journaliste Christian Jakob estime à plus d’une trentaine le nombre de victimes de l’extrême droite en 1992 si bien que l’on a pu parler d’une <a href="http://www.bpb.de/shop/zeitschriften/apuz/223928/zufluchtsgesellschaft-deutschland">« ambiance de pogroms »</a>.</p>
<p>Sur le plan politique, la situation a mené à un durcissement de la politique de l’asile connu sous le nom de l’« Asylkompromiss » (le compromis sur l’asile), en 1993.</p>
<p>Toutefois, la violence d’extrême droite n’a pas pris fin dans les années 90, comme l’ont montré les meurtres de la NSU, une organisation terroriste d’extrême droite née en Allemagne de l’Est. Celle-ci est responsable du meurtre de 9 immigrés entre 2000 et 2006. A l’époque, la police allemande n’a pas pris au sérieux le motif raciste de ces actes (comme l’a illustré le cinéaste Fatih Akin <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=231371.html">dans son film <em>In the Fade</em></a>), se montrant incapable de repérer les liens qui unissaient les différentes affaires.</p>
<p>C’est seulement à la suite du suicide de deux membres de ce groupuscule que le scandale a éclaté. Il a débouché, en 2018, sur la condamnation à la prison à perpétuité du seul membre du groupe vivant, Beate Zschäpe. En 2012, une cérémonie officielle à laquelle participait Angela Merkel avait été organisée en mémoire des victimes.</p>
<h2>La rupture du début des années 2000</h2>
<p>L’arrivée au début des années 2000 de la coalition rouge-verte au pouvoir, qui associe le SPD aux Verts, a marqué un tournant majeur dans la politique migratoire de l’Allemagne. Depuis 2005 et la promulgation d’une loi sur l’immigration, l’Allemagne est devenue officiellement un pays d’immigration, ce qu’elle était dans les faits depuis bien longtemps.</p>
<p><a href="http://kjbade.de/">Selon l’historien Klaus Bade</a>, qui avait appelé avec d’autres chercheurs à ce que la classe politique allemande reconnaisse le fait migratoire dans le « Manifeste des 60 » dès 1993, il s’agit là d’un pas essentiel mais qui arrive bien tard. En effet, la République fédérale allemande avait signé, à partir de 1955, des accords de recrutement de travailleurs étrangers avec de nombreux pays tels que l’Italie, la Turquie ou la Grèce.</p>
<p>Mais les politiciens allemands considéraient cette immigration comme temporaire. Or, à la suite du choc pétrolier de 1973, ces travailleurs sont restés en Allemagne, ont fait venir leur famille, si bien que l’Allemagne s’est retrouvée avec une immigration de fait, mais sans politique d’intégration.</p>
<p>Les communes ne restaient certes pas inactives, mais c’est bien au début des années 2000 que la politique d’intégration s’est considérablement développée au niveau national. Ce mouvement a ensuite été amplifié, en 2014, avec l’introduction de la double nationalité, sous la pression du SPD, pour tous les enfants de parents étrangers ayant obtenu un diplôme en Allemagne, suivi leur scolarité dans le pays pendant six ans ou bien vécu sur place pendant huit ans.</p>
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<p>Cette nouvelle législation rendait ainsi caduc le système de l’« Optionspflicht » introduit sous Gerhard Schröder en 2000 : jusqu’en 2014, les jeunes de deux parents étrangers obtenaient la nationalité allemande à leur naissance, mais à leur majorité ils devaient choisir entre la nationalité allemande et celle de leurs parents. Un choix considéré par beaucoup comme particulièrement injuste.</p>
<p>Par ces diverses mesures, l’Allemagne s’est ainsi rapprochée de façon décisive, au début du XXI<sup>e</sup> siècle, de la situation des pays d’immigration classiques.</p>
<h2>Le pari d’Angela Merkel</h2>
<p>Lorsqu’Angela Merkel prend la décision, en août 2015, de ne pas fermer les frontières de l’Allemagne aux réfugiés syriens, elle est donc à la tête d’un pays qui a accompli des pas importants dans la reconnaissance de sa diversité et d’une société qui se considère majoritairement comme ouverte et tolérante.</p>
<p>Toutefois, les conflits et les polémiques n’ont jamais cessé outre-Rhin avec les débats sur l’idée d’une culture de référence (« Leitkultur ») et sur l’existence de sociétés parallèles (« Parallelgesellschaften »), mais aussi les craintes exprimées par certains d’une islamisation rampante de l’Allemagne attisées par les écrits de <a href="http://www.thilo-sarrazin.de/">Thilo Sarrazin</a> qui a vendu de très nombreux exemplaires de son ouvrage <em>Deutschland schafft sich ab</em> (« L’Allemagne s’auto-détruit ») en 2010 (et qui réitère son succès en 2018 avec un brûlot anti-islam). Sans oublier l’aveu d’échec de la chancelière Angela Merkel elle-même <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2010/10/17/01003-20101017ARTFIG00129-angela-merkel-admet-l-echec-du-multiculturalisme-allemand.php">à propos du « multiculturalisme »</a>.</p>
<p>Toujours est-il qu’Angela Merkel prend, à l’été 2015, la décision d’accueillir les réfugiés, une décision d’abord largement approuvée par la population allemande, avant de susciter de fortes interrogations.</p>
<p>Or, il faut souligner que sans l’engagement de très nombreux bénévoles en faveur de l’accueil des réfugiés, les structures publiques auraient été complètement dépassées par l’ampleur de la tâche. L’Église protestante (très active dans le domaine social, comme l’Église catholique) estime que <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article150200411/Viele-Deutsche-helfen-haben-aber-auch-Angst.html">10 % des Allemands ont participé personnellement</a> à des actions en faveur de l’accueil des réfugiés.</p>
<p>Ce mouvement de solidarité a été rendu possible grâce au développement des initiatives locales depuis les années 70 après la révolte étudiante, renforcé par la mise en place de programmes tels que <a href="https://www.staedtebaufoerderung.info/StBauF/DE/Programm/SozialeStadt/soziale_stadt_node.html">« Soziale Stadt »</a>, qui reposent sur la mise en réseau et l’activation des acteurs locaux dans les territoires en difficulté.</p>
<h2>Le temps de la désillusion</h2>
<p>Mais à l’engouement initial a vite succédé la désillusion, accrue par les <a href="https://theconversation.com/angela-merkel-face-a-leffritement-de-la-culture-de-laccueil-53341">événements du réveillon de la Saint-Sylvestre 2015</a> où des hommes, dont de nombreux réfugiés, s’en sont pris à des femmes allemandes, quelques heures après qu’Angela Merkel avait répété dans son allocution télévisée pour la nouvelle année que leur arrivée était une « chance pour l’Allemagne ».</p>
<p>Dans un contexte général de baisse de la criminalité en Allemagne, on constate cependant une hausse des faits impliquant <a href="http://www.spiegel.de/panorama/justiz/kriminalitaet-in-deutschland-die-fantasiezahlen-des-donald-trump-a-1213951.html">des étrangers</a>, surreprésentés (avec de fortes variations en fonction des pays d’origine). Beaucoup d’Allemands prennent alors conscience que l’intégration des réfugiés va demander du temps, que l’insertion professionnelle avance doucement, etc.</p>
<p>Au plan politique, ce changement d’ambiance se traduit par les difficultés politiques d’Angela Merkel, en fin de règne, péniblement réélue fin 2017 et attaquée par ses partenaires historiques de la CSU, en difficulté pour constituer une coalition gouvernementale avec un Bundestag qui compte désormais plus de 90 députés d’extrême droite, une première dans l’après-guerre.</p>
<p>Lors des élections législatives, l’<a href="https://theconversation.com/lafd-radiographie-dun-ovni-politique-en-allemagne-88196">AfD</a>, revigorée par la crise migratoire, fait en effet un score à deux chiffres (12,6 %), enregistrant de bons résultats dans l’ex-RDA (supérieurs à 18 % dans tous les <em>Länder</em> de l’Est, sauf Berlin, et même jusqu’à 27 % en Saxe), mais pas seulement. L’AfD est aussi représentée dans de nombreux parlements régionaux d’Allemagne de l’Ouest.</p>
<p><a href="https://www.svr-migration.de/presse/presse-svr/ib2018/">Le baromètre de l’intégration</a> de septembre 2018 montre toutefois qu’une majorité d’Allemands reste favorable à l’accueil des réfugiés, tout en souhaitant une réduction du nombre d’arrivées.</p>
<h2>Les mystères de la Saxe</h2>
<p>C’est à Dresde, en Saxe, que le mouvement <em>Pegida</em> a été lancé, détournant le slogan « Wir sind das Volk ! » (« Nous sommes le peuple ! ») de la révolution pacifique de 1989-1990 dans un sens xénophobe et populiste. C’est aussi en Saxe que certains groupes d’extrême droite s’en sont pris à des foyers de réfugiés <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1672959-20150826-incidents-racistes-allemagne-president-denonce-face-sombre-pays">comme à Heidenau</a>, suscitant la venue d’Angela Merkel, huée lors de sa visite, ou bien ont protesté de façon violente dans une véritable chasse à l’homme contre les migrants à Chemnitz.</p>
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<p>Cette concentration – non-exclusive – de manifestations en Saxe interroge. Le taux de chômage n’y est pas élevé (5,8 % pour l’ensemble de la population locale, 7,3 % pour les jeunes en août 2018). De plus, la part de la population immigrée et étrangère y est beaucoup plus faible que dans d’autres régions allemandes.</p>
<p>Mais les zones rurales connaissent de vraies difficultés. Beaucoup de jeunes partent encore à l’Ouest, où les opportunités professionnelles sont plus nombreuses. Et la politique d’aide locale peut paradoxalement y être perçue comme une forme d’abandon par la puissance publique des zones en difficulté (Chemnitz et Heidenau sont concernées par le programme « Soziale Stadt »), alors que les groupes d’extrême droite s’engagent parfois dans le soutien associatif au plus près des populations.</p>
<p>Surtout, ces personnes qui soutiennent aujourd’hui l’extrême droite ont vécu l’effondrement du communisme, l’introduction de l’économie de marché dont elles n’avaient pas la culture. Elles ont vécu de nombreuses années dans un système où le rôle de l’État n’avait rien à voir avec celui qu’il a dans une République fédérale marquée par l’idée de subsidiarité et d’auto-responsabilisation des acteurs. Elles se perçoivent comme des perdants de la réunification, des perdants de la mondialisation et idéalisent parfois le passé communiste. En définitive, elles estiment qu’Angela Merkel, « la fille de l’Est », les a trahies.</p>
<p>En RDA, les travailleurs immigrés vietnamiens ou mozambicains étaient tenus à l’écart. Ainsi, si une travailleuse étrangère venait à tomber enceinte, elle devait avorter ou bien rentrer dans son pays. La confrontation avec la diversité culturelle vient donc pour la plupart après la réunification.</p>
<p>Beaucoup d’immigrés turcs, partis dans les nouveaux <em>Länder</em> juste après la réunification afin d’y faire des affaires (y ouvrant, par exemple, des magasins de primeurs), le savent bien : ils y ont été accueillis froidement, les vitrines de leurs magasins ont parfois été saccagées et nombre d’entre eux sont finalement rentrés à l’Ouest. Vingt-huit ans après la réunification, rien n’aurait donc changé ?</p>
<h2>Des tensions, mais pas de panique !</h2>
<p>Ce n’est pas notre analyse. Les tensions sont bien présentes, les manifestations de rejet et la violence également, y compris à l’Ouest. On a enregistré depuis 2015 de très nombreuses attaques contre des réfugiés ou leurs résidences. Mais, contrairement à l’année 1992, il n’y a pas eu, à notre connaissance, de victimes parmi les réfugiés depuis la crise de 2015, même si on dénombre des blessés.</p>
<p>La violence verbale s’est certes accrue avec l’arrivée de l’AfD au Bundestag qui dispose ainsi d’une résonance nouvelle. Si ce mouvement d’extrême droite possède un fort pouvoir de nuisance, et si l’on assiste à un effritement de la position des partis traditionnels, on ne peut toutefois pas parler d’effondrement : 41 % des Allemands soutiennent toujours les deux principaux partis au pouvoir, <a href="https://www.tagesschau.de/inland/deutschlandtrend-1405.html">d’après un sondage de l’ARD datant d’octobre 2018</a>. Il s’agit néanmoins du pire score historique jamais enregistré dans une enquête d’opinion par la grande coalition, tandis que les Verts progressent (17 %) et que l’AfD reste stable (16 %).</p>
<p>Quels enseignements pourra-t-on tirer des élections régionales qui se déroulent en Bavière ce dimanche 14 octobre ? Confirmeront-elles l’embellie des Verts dans les sondages ? Quelles seront les répercussions de ce scrutin sur la politique allemande au niveau fédéral ? Et quel sera, notamment, le sort réservé à l’encombrant ministre de l’Intérieur, issu des rangs de la la CSU, Horst Seehofer ?</p>
<p>Quel que soit le résultat, la démocratie allemande est forte, les positions exprimées y sont souvent très tranchées. Mais les protections constitutionnelles sont élevées et la société civile est prête à faire entendre sa voix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104642/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Sellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Allemagne, qui se considère officiellement comme un pays d’immigration, a mis en œuvre une politique d’intégration, et tente d’organiser ses relations avec les responsables du culte musulman.Julien Sellier, MCF d'allemand, Faculté d'AEI, IMAGER, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037492018-09-27T21:34:22Z2018-09-27T21:34:22ZEn Allemagne, la résistible ascension de l’extrême droite<p>Procédons, pour commencer, à un bref rappel historique. L’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un parti politique qui a été fondé en février 2013. Très rapidement, celui-ci va s’emparer des thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».</p>
<p>Lors des élections législatives de 2017, l’AfD fait une entrée historique au Bundestag. Le tout « jeune parti » est devenu la troisième force politique au Parlement. Avec 12,6 % des voix, l’AfD s’est placée derrière les sociaux-démocrates du SPD, crédités de 20,5 %. Si le mouvement de la chancelière Merkel, la CDU avec 33 % des suffrages est resté le premier parti, il va vite se retrouver en <a href="http://www.spiegel.de/politik/deutschland/bundestagswahl-2017-alle-ergebnisse-im-ueberblick-a-1167247.html">difficulté face à cette percée inédite de l’extrême droite</a>. De ce fait, l’Allemagne est alors entrée dans une <a href="https://www.zdf.de/kinder/logo/deutschlands-neue-regierung-100.html">crise politique sans précédent</a> qui a duré près de 6 mois avant de pouvoir retrouver une stabilité et surtout un gouvernement.</p>
<p>Par ailleurs, comme le reste de l’Europe, elle a été frappée de plein fouet par la crise migratoire qui a eu des répercussions sur la politique menée par la chancelière Merkel et qui a permis à l’AfD de conquérir une place encore plus grande auprès de l’opinion publique. A l’été 2018, comme en écho à cette montée extrémiste se sont multipliées dans différentes villes d’Allemagne des manifestations anti-migrants.</p>
<h2>Une alternative de plus en plus crédible</h2>
<p>Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Chemnitz (anciennement Karl-Marx-Stadt au temps de la République démocratique allemande) ait été un lieu de rassemblements contre les migrants. Dans ce lieu symbolique politiquement puisqu’ancienne ville de la RDA socialiste, l’extrême droite ne cesse depuis la chute du mur de Berlin de s’implanter et d’obtenir de bons scores.</p>
<p>Ainsi, il n’est gère surprenant d’avoir vu participer aux différentes manifestations des militants et cadres de l’AfD, des néonazis, des skinheads ou encore des membres du mouvement de droite populiste Pegida (Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident). Depuis le début de la crise migratoire en Europe, l’AfD a fait de ce thème son cheval de bataille.</p>
<p>Face à une chancelière Merkel bousculée même dans son propre camp par son « aile droite conservatrice », l’extrême droite s’est peu à peu imposée comme étant une alternative crédible. Les participations de l’AfD aux manifestations dans différentes villes sont d’ailleurs payantes puisque le parti talonnerait, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">d’après certains sondages</a>, le SPD.</p>
<h2>Mobilisation tous azimuts sur les réseaux sociaux</h2>
<p>Le grand quotidien de la presse allemande, <em>Die Zeit</em>, n’a pas manqué de mettre l’accent sur ces manifestations par un titre accablant : « Der Abend, an dem der Rechtsstaat aufgab » (Le soir où l’État de droit a abdiqué). Ce titre symbolise bien le climat actuel qui domine en Allemagne avec l’expansion de l’extrême droite, et un <a href="https://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2018-08/chemnitz-rechte-demonstration-ausschreitungen-polizei">gouvernement acculé de plus en plus à la défensive</a>.</p>
<p>Ainsi, l’AfD mène une lutte sans relâche contre la chancelière Merkel, accusée d’avoir favorisé l’accueil de plus d’un million de demandeurs d’asile. Elle est, à ses yeux, responsable de tous les crimes perpétrés par les étrangers. De fait, chaque fait divers est l’<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">occasion pour ce parti</a> de pointer du doigt et de critiquer la politique migratoire du gouvernement et ce, uniquement à des fins électoralistes.</p>
<p>De plus, l’AfD a un avantage sur les deux autres partis traditionnels allemands que sont la CDU et la SPD : sa capacité à mobiliser ses militants sur les réseaux sociaux, permettant de transmettre l’information, et plus exactement leur idéologie, au plus grand nombre. YouTube est le réseau préféré de l’AfD qui peut mettre en ligne beaucoup de vidéos, dont des « fake news », le <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2337067-20180915-allemagne-comment-extreme-droite-sert-youtube-attiser-mobilisation-anti-migrants">seul but étant d’inonder les médias du thème de l’immigration afin de faire réagir et d’arriver à créer le « buzz »</a>. Et c’est précisément cette capacité de mobilisation qui peut expliquer en partie la montée de l’AfD dans l’opinion publique.</p>
<h2>Une relation des plus ambiguës avec le nazisme</h2>
<p>Le climat politique actuel en Allemagne semble profiter à l’AfD : une chancelière en fin de règne, des sociaux-démocrates qui peinent à exister sur la scène politique, un pays divisé sur le sujet des accueils des réfugiés. Dès lors, pour un grand nombre d’Allemands l’extrême droite apparaît comme une solution plausible.</p>
<p>Mais un frein demeure : l’AfD, tout comme son voisin autrichien du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), entretient une relation ambiguë avec le nazisme par ses comportements xénophobes et antisémites. Lors des dernières manifestations, des slogans ont été scandés dans la foule et on a pu voir des saluts nazis. L’AfD n’a à ce sujet pas souhaité réagir, <a href="https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/gesellschaft/id_84455390/kundgebung-in-chemnitz-tausende-folgen-protestaufruf-hitlergruss-gezeigt.html">esquivant volontairement ces questions</a>.</p>
<p>Cette ambiguïté ne date pas d’aujourd’hui car rappelons tout de même que de nombreux cadres du parti n’ont jamais montré leur inimitié à l’égard de l’idéologie national-socialiste. En pleine campagne des législatives en 2017, Alexander Gauland, le leader de l’extrême droite habitué aux sorties provocatrices et polémiques (un peu comme Jörg Haider en son temps) avait vanté les <a href="http://www.europe1.fr/international/allemagne-le-leader-de-lextreme-droite-compare-hitler-a-une-fiente-doiseau-3670112">mérites des soldats de la Wehrmacht</a>.</p>
<h2>Soupçons de collusion avec les services secrets</h2>
<p>Il y a quelque temps, un autre cadre du parti, Björn Höcke, s’était singularisé par son antisémitisme. Il avait comparé le monument au cœur de Berlin dédié aux victimes de l’Holocauste à un <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/25/world/europe/germany-bjorn-hocke-bornhagen.html">« mémorial de la honte »</a>, ce qui avait suscité de vives réactions de la part nombreuses personnalités politiques et au sein de la population en général.</p>
<p>Enfin tout récemment encore, Hans-Georg Maassen, le patron du renseignement allemand, a été destitué par la chancelière Angela Merkel, après la polémique sur l’existence de « chasses collectives » d’immigrés à Chemnitz et des soupçons de collusion avec l’AfD. L’ancien chef du renseignement avait relativisé l’ampleur des attaques néonazies à Chemnitz lors des manifestations.</p>
<p>De plus, il aurait divulgué des informations confidentielles à des cadres et députés issus de l’AfD. <a href="https://www.morgenpost.de/politik/article215102067/Wie-nah-steht-Verfassungsschutzchef-Maassen-der-AfD.html">En effet, il aurait expliqué comment faire pour que l’AfD" échappe à la surveillance du Bundesamt für Verfassungsschutz (l’Office fédéral de protection de la constitution).</a> Cette institution a, entre autres, pour mission de vérifier que les partis politiques allemands n’ont pas d’intentions antidémocratiques qui pourraient mettre en péril la pérennité de la République fédérale d’Allemagne.</p>
<p>Les missions principales de l’Office fédéral de protection de la constitution sont la collecte et la valorisation de renseignements concernant les activités extrémistes et hostiles à la constitution, c’est-à-dire notamment des activités politiques qui mettent en danger, par leurs orientations antidémocratiques, la réputation ou la sécurité, ou encore l’existence même de la République fédérale d’Allemagne</p>
<p>Depuis de nombreux jours, le SPD demandait son éviction. Angela Merkel a finalement pris la décision de lui retirer son poste pour ensuite le nommer Secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur – une <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/18/germanys-domestic-spy-chief-hans-georg-maassen-chemnitz">décision qui suscite la polémique en Allemagne</a>.</p>
<h2>La bataille des idées</h2>
<p>La situation se tend en Allemagne. Après avoir fait son entrée historique au Bundestag lors des dernières élections législatives, l’AfD met fin peu à peu à la bipolarisation allemande (CDU/SPD) et tente ainsi de s’imposer sur l’échiquier politique local.</p>
<p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, ce nouveau parti pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local. Aujourd’hui, l’AfD mène la bataille des idées et les impose dans le débat politique, imitant en cela le même phénomène que l’on a pu observer en Autriche avec le FPÖ.</p>
<p>Les prochaines « Landtagswahl » (élections législatives régionales) en Bavière auront lieu le 14 octobre prochain. Depuis quelques mois, la CSU (l’Union chrétienne-sociale), alliée conservateur de la CDU, ne cesse de baisser dans les enquêtes d’opinion. <a href="https://www.merkur.de/politik/landtagswahl-umfrage-in-bayern-soeders-csu-rauscht-weiter-ab-afd-holt-auf-zr-10105575.html">Un sondage de l’Institut INSA/Bild en date du 26 septembre 2018</a> montre ainsi que la CSU serait à 34 % d’intention de vote, bien loin des 47,7 % obtenus lors des élections en 2013. Cette baisse profiterait à Bündnis 90/Die Grünen (Alliance 90/Les Verts) créditée de 17 %. L’AfD, qui n’existait pas encore lors du scrutin régional de 2013, pourrait quant à elle recueillir 14 % des suffrages.</p>
<p>En cas de nouvelle percée de l’AfD, cette fois en Bavière, se posera inévitablement la question de l’avenir de la coalition CDU/SPD actuellement au pouvoir en Allemagne. Cette élection pourrait-elle provoquer la chute d’Angela Merkel ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54). Également Directeur de cabinet du Maire de Remiremont (88.</span></em></p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, l’AfD pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037452018-09-23T19:19:46Z2018-09-23T19:19:46ZEn Allemagne, une scène politique de plus en plus éparpillée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237609/original/file-20180923-129850-1johbhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C6%2C2029%2C1355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Horst Seehofer (ici en 2016), le leader de la CSU, allié de plus en plus encombrant d'Angela Merkel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/andreaskhol/25689557794/in/photolist-kPtsa1-kkYVsP-kJfr2p-kFSZWP-aCtLbY-kFSYrK-kPrq7Z-kkYU1a-kkZEHK-kkZZ6B-aC3MQV-aC3PNx-HC2PMB-FVjJ83-KAa7yH-fTfw1i-HC2NGa-751wFk-HC2MPi-22w34A3-28F8CsU-fSQDRj-fSHuz4-F9aujG-FVrP89-fSMhxa-FDeq41-FDmhnW-G4Bznt-G4sJWg-FXHVHi-FVecSo-G2jywY-FXBeTR-FVpPQ5-G4zz9M-F9cE6v-21dPvYn-G4kZgn-G4BAne-F96Gwf-27vviKF-22w34Kw-HhkscR-kJgXDA-F9geQP-FVpLJq-FDnMwL-EsfWbL-CWnG6V">Andreas Khol/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les événements de Chemnitz en Saxe à la fin du mois d’août, et plus récemment ceux de Köthen en Saxe-Anhalt, ont largement donné à l’étranger le sentiment que, malgré tout le travail de mémoire effectué les décennies passées en Allemagne, ses vieux démons n’avaient pas entièrement disparu et se réveillaient dans le contexte de la crise migratoire.</p>
<p>Chemnitz, l’ancienne Karl-Marx-Stadt du temps de la RDA, est la troisième ville de Saxe. Fin août, elle fêtait son 875<sup>e</sup> anniversaire. La mort d’un Allemand de 35 ans lors d’une rixe avec des migrants d’origine irakienne et syrienne met le feu aux poudres. Avant même qu’une enquête policière ait pu faire la lumière sur les circonstances du drame, les réseaux sociaux font circuler l’information selon laquelle la victime aurait voulu protéger des femmes des attaques des migrants. « L’information » réveille le traumatisme qui subsiste en Allemagne <a href="https://theconversation.com/angela-merkel-face-a-leffritement-de-la-culture-de-laccueil-53341">depuis la soirée de la Saint Sylvestre 2015-2016, à Cologne</a>, quand de jeunes migrants avaient assailli des femmes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1033806135990644744"}"></div></p>
<p>Des supporteurs d’extrême droite du club de foot de Chemnitz réunis sous le nom de Kaotic Chemnitz appellent alors à manifester contre les « envahisseurs étrangers ». Ils sont bientôt rejoints par le mouvement Pegida, antimusulman et antieuropéen. Des représentants du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) appellent également à manifester. Ce serait, selon eux, un « devoir citoyen de stopper la migration des tueurs porteurs de couteaux ».</p>
<h2>Le fantôme de Weimar</h2>
<p>Lors de la première manifestation, le samedi 25 août, la police est dépassée. À 6 000 manifestants d’extrême droite ne s’opposent alors qu’environ 1 500 contre-manifestants. À Köthen, une petite ville de l’Anhalt à mi-chemin de Leipzig et de Magdebourg, les événements se déroulent de façon semblable. La mort d’un jeune homme est mise sur le compte de migrants, les manifestations organisées par l’extrême droite se font aux cris de « Les étrangers dehors ! »</p>
<p>Dans les jours qui suivent à Chemnitz comme à Köthen, les contre-manifestations prennent de l’ampleur et rassemblent des milliers de personnes contre la xénophobie. <a href="https://www.deutschlandfunk.de/konzert-in-chemnitz-65-000-setzen-ein-zeichen-gegen-rechts.1773.de.html?dram:article_id=427175">Un concert</a> rassemble à lui seul le 3 septembre à Chemnitz 65 000 personnes.</p>
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<p>Mais ce clivage rappelle aussi en Allemagne la fin de la République de Weimar qui a vu s’affronter les extrêmes de droite et de gauche dans des batailles de rue sanglantes. Il n’est pas jusqu’au directeur de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich, <a href="http://www.spiegel.de/plus/andrea-nahles-und-die-spd-geschichte-die-wertschaetzung-ist-weg-a-00000000-0002-0001-0000-000159428621">Andreas Wirsching</a>, qui juge cette évolution « inquiétante ».</p>
<h2>Face à la radicalisation de l’extrême droite néonazie</h2>
<p>On n’en est pas là, mais le réveil de l’extrême droite en Saxe et Saxe-Anhalt confronte l’Allemagne à un phénomène minimisé depuis des années, en particulier dans les Länder d’Allemagne de l’Est, celui de la radicalisation de l’extrême droite néonazie et sa disposition à recourir délibérément à la violence.</p>
<p>Cela commence avec la déclaration du premier ministre-président de Saxe après l’unification, Kurt Biedenkopf (CDU), qui, dans un entretien accordé au journal <em>Die Leipziger Volkszeitung</em>, déclare en 2015, sans doute dans le souci de ne pas stigmatiser les Allemands de l’Est, que ceux-ci sont <a href="http://www.haz.de/Nachrichten/Politik/Deutschland-Welt/Ostdeutsche-immun-gegen-Rechtsradikalismus">« immunisés contre l’extrémisme de droite »</a>. En 2017, <a href="https://www.zeit.de/2017/41/cdu-sachsen-kurt-biedenkopf-wahlergebnis/seite-4">ce même Kurt Biedenkopf</a> estime que le succès de l’AfD en Saxe n’a rien à voir avec les néonazis mais avec l’insatisfaction d’une partie de la population et que ce sont ceux qui affirment que la démocratie ne fonctionne pas en Saxe qui la menacent.</p>
<p>Son actuel successeur à la tête du gouvernement du Land de Saxe, Michael Kretschmer, banalise lui aussi les événements de Chemnitz quand il contredit la chancelière qui les interprète, quant à elle, et le condamne comme <a href="https://www.welt.de/newsticker/dpa_nt/infoline_nt/brennpunkte_nt/article181424020/Kretschmer-widerspricht-Merkel-Keine-Hetzjagd-in-Chemnitz.html">des manifestations de haine xénophobe et de chasse aux étrangers</a>.</p>
<h2>Les frustrations de l’Est</h2>
<p>L’extrémisme de droite n’est pas un phénomène limité à la seule Allemagne de l’Est. L’Allemagne de l’Ouest est pourtant mieux immunisée, même si celle-ci a connu, elle aussi, des accès de fièvre comme à Mölln (1992) et Solingen (1993), récemment encore à Dortmund et a été le théâtre de meurtres racistes perpétrés par le groupe néonazi clandestin NSU (Nationalsozialistischer Untergrund) dont les principaux protagonistes sont morts et dont la survivante du groupe, Beate Zschäpe – originaire de Thuringe – vient d’être <a href="https://info.arte.tv/fr/le-proces-de-la-nsu-touche-sa-fin-mais-sans-reponse">condamnée à la perpétuité</a>.</p>
<p>Les Länder de l’Est sont nettement plus perméables aux slogans d’extrême droite. L’AfD qui a fait une moyenne de 12,6 % dans l’ensemble de l’Allemagne aux élections fédérales du 24 septembre 2017, tourne autour de 20 % dans tous les Länder de l’Est et réalise, en Saxe, le score de 27 % des voix, y dépassant de 0,1 point la CDU. Elle atteint 22,7 % en Thuringe.</p>
<p>Alors pourquoi la Saxe n’est-elle pas immunisée contre l’extrémisme de droite ? Il y a des explications historiques, démographiques, sociologiques et politiques à ce phénomène. Comme l’ensemble de l’ancienne RDA, la Saxe n’a pas appris le « vivre ensemble » pratiqué à l’Ouest, faute entre autres d’avoir connu la proximité d’étrangers dans le passé. Elle ignore encore pour de larges franges de sa population la tolérance qui seule naît du débat démocratique : plus de 25 ans après l’unification, il semble qu’elle reste marquée par les décennies de dictature qui ont précédé.</p>
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<p>L’ancienne RDA est la région privilégiée où grandit un mouvement d’extrême droite qui, sous le nom de Reichsbürger, refuse d’appliquer la Constitution fédérale et de payer l’impôt et rêve d’un rétablissement du Reich. En rejetant la démocratie parlementaire à l’occidentale, les <a href="http://www.maz-online.de/Lokales/Havelland/Rathenow/Jan-Gerrit-Keil-spricht-in-Rathenow-ueber-Reichsbuerger">Reichsbürger</a> expriment en même temps leur malaise face à une société dans laquelle ils s’estiment laissés pour compte.</p>
<p>Ils représentent une minorité qui formule de façon diffuse les frustrations de toute une frange de la population qu’expriment plus ouvertement Pegida et l’AfD. La frustration, en particulier, de ceux qui pensent que l’Allemagne en fait plus pour les étrangers que pour eux, des retraités aux pensions limitées, des victimes de la mondialisation et tous ceux qui n’ont pas su ou pas voulu ou pas pu s’adapter au mode de vie occidentale dont ils rêvaient pourtant avant l’unification.</p>
<h2>La position particulière de la Saxe</h2>
<p>La Saxe a perdu près de 800 000 habitants depuis 1990 au profit des autres Länder, principalement de l’Ouest. Le nombre de femmes à être parties, au nombre de 454 000, dépasse de beaucoup celui des hommes (240 000) – ce qui provoque un excédent masculin confronté non seulement au chômage mais au risque de ne pas trouver de partenaire pour se marier.</p>
<p>À cela s’ajoute que ce sont prioritairement les plus jeunes qui sont partis. La part des jeunes de moins de vingt ans dans la population est ainsi passé de 24 à 17 %, tandis que celle des personnes âgées de plus de 60 ans a augmenté de 21 à 33 % faisant passer l’âge moyen de la population de 39,4 à 46,7 ans. Pour la seule ville de Chemnitz, la <a href="https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/gesellschaft/id_84389582/wut-in-chemnitz-manche-kraenkung-kann-keine-demokratie-kompensieren-.html">moyenne d’âge de la population est de 50-51 ans</a></p>
<p>Une partie dynamique de la population de Saxe a donc quitté le pays et laissé sur place la vieille génération qui n’a toujours pas trouvé ses repères dans le système politique, économique et social de l’Allemagne unifiée. D’où cette revendication de reprendre la révolution de l’automne 1989 là où elle s’est arrêtée et cette façon de s’en prendre, dans le plus pur style de l’ancienne RDA, à « ceux qui sont là-haut » (<em>Die da oben</em>), une réaction ambivalente de sujets soumis à la tyrannie d’en haut dont on attend en même temps la solution à ses problèmes économiques et financiers.</p>
<h2>L’émergence de groupes d’extrême droite violents</h2>
<p>C’est dans ce contexte que se sont développés des groupes d’extrême droite dits « militants » en Allemagne, c’est-à-dire prêts à recourir à la violence, une évolution que les services du renseignement intérieur chargé de la protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz) se sont refusés à prendre pleinement en compte et à combattre. L’appréciation par son président aujourd’hui démissionné, Hans-Georg Maassen, qui refusait de voir des scènes de chasse aux étrangers dans les vidéos de Chemnitz qui lui étaient présentées est à cet égard symptomatique.</p>
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<p>Les groupes néonazis ont choisi de se manifester dans la rue en recourant à des slogans haineux et en provoquant l’intimidation par la violence. Ils ont trouvé à l’occasion des événements de Chemnitz et Köthen un allié dans l’AfD, trop contente d’enfoncer le clou sur la question migratoire alors qu’elle semblait plutôt être dans les mois précédents en quête d’honorabilité parlementaire.</p>
<p>La campagne électorale en Bavière où les élections régionales auront lieu le 14 octobre prochain a contribué à exacerber le débat politique et à faire flamber les réseaux sociaux.</p>
<h2>La CSU en perte de vitesse en Bavière</h2>
<p>La CSU, menacée de perdre par la montée de l’AfD la majorité des sièges au parlement régional de Munich, a cru qu’en copiant l’AfD elle réussirait à préserver son électorat. Comme il arrive en pareil cas, c’est l’inverse qui se produit. Les sondages d’opinion font apparaître une chute constante des intentions de vote des électeurs bavarois en faveur de la CSU. Appréciée encore à 44 % en avril, la CSU n’obtiendrait plus aujourd’hui que 35 à 36 % des suffrages.</p>
<p>Mais on aurait tort de croire que cela se fait au seul profit de l’AfD. Certes, celle-ci voit parallèlement son score s’améliorer, elle passerait sur le même laps de temps de 12 à 13 %, voire 14 %. Mais le <a href="http://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/bayern.htm">sondage le plus récent</a> la place à 11 %. La stratégie suivie par la CSU aurait donc eu pour effet de profiter aux autres partis, en premier aux Verts qui passent dans les intentions de vote de 11 à 16-17 % et aux associations d’électeurs indépendants qui sont crédités soudain de 11 % des intentions de vote contre 6 % seulement en avril. SPD, FDP et la Gauche (die Linke) n’évoluent pas sensiblement ou pas au point de bouleverser l’échiquier politique bavarois.</p>
<h2>La CSU en mode marche arrière</h2>
<p>Entre-temps, la CSU, par la voix de son président Horst Seehofer, qui se veut réaliste, ne prétend plus préserver sa majorité de sièges à Munich et revendique pour soi seulement de rester le premier parti sans lequel aucun gouvernement en Bavière ne pourra être formé. Il n’est pas jusqu’au nouveau ministre-président bavarois, Markus Söder, qui n’enclenche la marche arrière pour ne plus effrayer les électeurs hostiles à un discours proche de celui de l’AfD. Il lui faut penser à la coalition qu’il pourra former pour gouverner la Bavière.</p>
<p>De 2008 à 2013, la CSU – qui, avec un score de 43,4 % des suffrages venait de perdre 17,3 points aux élections – avait dû gouverner avec un autre parti. Horst Seehofer avait été alors propulsé à la tête d’un gouvernement CSU-FDP.</p>
<p>Si la CSU reste en dessous de 40 %, elle devra peut-être envisager de trouver deux partenaires pour former le gouvernement, sauf à croire qu’une grande coalition avec le SPD soit possible ou une petite coalition avec les Verts. Cette dernière option apparaît politiquement peu vraisemblable, même si en Hesse, où les électeurs voteront 15 jours après les Bavarois, la <a href="http://www.faz.net/aktuell//politik/inland/Bilanz-der-schwarz-gruenen-hessischen-landesregierung.html">CDU s’entend fort bien au gouvernement avec les Verts</a>. Toutefois, elle n’est pas davantage assurée d’avoir avec eux le 28 octobre au soir la <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/hessen.htm">majorité requise</a>.</p>
<h2>L’ego surdimensionné d’Horst Seehofer</h2>
<p>Les observateurs en viennent à se demander si le comportement d’Horst Seehofer dans ce qu’on est bien obligé d’appeler l’affaire Maassen n’est pas suicidaire. L’homme reste imprévisible tant son ego semble avoir le dessus sur sa raison et son entendement politique. L’affaire jette une lumière crue sur l’état non plus des affaires bavaroises mais de la grande coalition à Berlin.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237608/original/file-20180923-117383-ap3nlq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Horst Seehofer (ici en 2009).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/michael-panse-mdl/5182103083/in/photolist-8TVCGT-8TYDe5-71QKFh-22NE4dR-WcGNfc-8TYjhw-aCtLbY-kPrRW2-71QHpf-kQbopp-km146R-kQc8L2-kQcbsX-71LkCa-kFSySx-kkYVsP-kJfr2p-j2LMoF-kFTbwX-kFSYrK-kPrq7Z-kkYU1a-71R4Qw-7H972h-kkZZ6B-kQc5cR-kPtsa1-71L81M-eCKWUU-bYJv81-kkZEHK-bYJAPG-71QsHs-j2MpyY-bYKT2J-71LaP4-71LfCe-71QDVY-aC3PNx-bYJxjf-71Qosh-71R3z9-71QUW9-7cxrgb-71LiAx-71PXGQ-7cxrgU-7dAVDq-71PTeo-71LHZv">Michael Panse/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Suite à ses déclarations mensongères et à ses critiques de la politique migratoire du gouvernement fédéral, le SPD réclamait le départ de H-G. Maassen qu’Horst Seehofer voulait préserver. Les trois partis de la grande coalition, CDU et CSU (qu’il faut bien présenter séparément plutôt que comme les partis-frères qu’ils sont officiellement) et SPD, se sont mis d’accord sur ce qu’on ne peut qualifier que de compromis foireux.</p>
<p>Intenable à la tête du Bundesverfassungsschutz, Maassen ne pouvait être que sanctionné, il cesse donc d’être président de ce service fédéral. Mais Horst Seehofer qui a pris sa défense a obtenu qu’il soit promu aux fonctions de secrétaire d’État dans le ministère qu’il dirige. Sanction et promotion en un, cela paraît difficilement acceptable aux yeux de nombreuses personnalités politiques non seulement de l’opposition mais des partis constitutifs de la grande coalition.</p>
<h2>La guerre d’usure d’Angela Merkel</h2>
<p>Ce compromis, s’il en était besoin, montre la fragilité de la coalition gouvernementale transformée en champ de bataille entre la CDU et la CSU, et non pas tant entre la CDU-CSU d’une part et le SPD d’autre part, qui perd ainsi toute occasion de se profiler par rapport à son partenaire chrétien-démocrate. Remis en cause par le SPD, le compromis doit être renégocié, mais Seehofer continue de soutenir Maassen qu’il apprécie pour ses compétences en matière de lutte antiterroriste.</p>
<p>Ce nouvel épisode ne fait qu’accroître l’instabilité de la grande coalition et fragiliser encore plus Angela Merkel contrainte de mener une guerre d’usure permanente pour tenir tête à son ministre de l’Intérieur. L’image de marque de la grande coalition auprès de l’opinion s’en trouve profondément ternie, comme il ressort <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/deutschlandtrend-afd-verdraengt-spd-als-zweitstaerkste-kraft-15799090.htm">du sondage le plus récent au niveau fédéral</a> : ensemble CDU+CSU+SPD ne réuniraient plus que 45 % des voix, soit une perte de près de 8 points depuis les élections fédérales de septembre 2017, déjà catastrophiques pour eux. L’AfD dépasserait le SPD d’un point tandis que les Verts confirment leur remontée.</p>
<p>L’éparpillement des voix sur les six partis représentés au Bundestag (sept si l’on considère CDU et CSU comme deux partis différents) n’a jamais été aussi marqué. Seuls les chrétiens-démocrates émergent malgré tout du lot puisqu’ils conservent une avance de 10 points par rapport à l’AfD. Appréciés à 28 %, ils auraient toutefois perdu à eux seuls 5 points depuis septembre 2017. Certes, il ne s’agit là que d’un instantané en période de crise, on notera en tous cas que ce sondage sanctionne particulièrement Horst Seehofer, dont la notoriété se réduit au point que de nombreux commentateurs s’interrogent sur ce que sera son sort politique au lendemain des élections bavaroises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Le réveil de l’extrême droite en Saxe et Saxe-Anhalt confronte l’Allemagne à un phénomène minimisé depuis des années, celui de la radicalisation de l’extrême droite néonazie.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1020722018-09-03T20:52:14Z2018-09-03T20:52:14ZEn Bavière, les limites du discours radical de droite<p>La fin du mois d’août est marquée en Allemagne par les manifestations et violences racistes de Chemnitz, en Saxe (est de l’Allemagne). L’expression de la frange la plus extrémiste de la droite radicale est visible sur tous les écrans de télévision européens. L’étonnement de beaucoup de médias est important devant la capacité mobilisatrice de la droite radicale saxonne : quelques 4 500 personnes à Chemnitz (ville de 250 000 habitants) se sont réunies le 1<sup>er</sup> septembre.</p>
<p>Si les élections du Land avaient lieu cette semaine, le parti radical de droite, l’AfD, obtiendrait près de 25 % des voix, selon les derniers sondages. Le contexte politique est donc celui d’une droite radicale bien établie dans certains Länder – avec des propensions à la violence qui ne sont plus à démontrer.</p>
<p>Intéressons-nous, dès lors, aux stratégies des partis de gouvernement, comme le parti chrétien-social (CSU, parti sœur de la CDU), en vue des prochaines élections qui auront lieu le 14 octobre prochain et aux réactions qu’elles suscitent.</p>
<h2>Mobilisation en Bavière</h2>
<p>Au cœur de l’été, le dimanche 22 juillet, une manifestation, frappante de par son ampleur, mais certainement moins visible que celles de Chemnitz, a eu lieu <a href="https://www.zeit.de/politik/deutschland/2018-07/muenchen-demonstration-ausgehetzt-csu-asylpolitik">dans la capitale bavaroise, Munich</a>. Plus de 20 000 personnes se sont rassemblées afin de protester contre la politique d’asile menée par le ministre fédéral de l’Intérieur (ancien Ministre-Président du Land), Horst Seehofer, et la CSU. Avec des slogans comme « Seebrücke statt Seehofer » (« Seebrücke l’[association venant à la rescousse de migrants dans la mer Méditerranée] plutôt que Seehofer »), les manifestants sont venus rappeler à la CSU que toute la Bavière n’était pas réceptive à sa politique migratoire restrictive.</p>
<p>À la veille des élections de l’État de Bavière où la CSU détient la majorité absolue, cette mobilisation civile sonne comme un avertissement. Davantage, elle semble indiquer la cooptation par le parti social-chrétien des idées radicales de droite n’est pas sans susciter des réactions critiques.</p>
<p>Un retour sur l’histoire des stratégies politiques de la famille chrétienne-démocrate face à l’émergence des partis radicaux de droite semble utile pour éclairer la situation actuelle.</p>
<h2>L’enjeu central du droit d’asile</h2>
<p>Dans les années 1980, l’Allemagne de l’Ouest, et particulièrement les deux États du sud de l’Allemagne, la Bavière et le Bade-Wurtemberg, font face à l’essor d’un parti radical de droite, les <a href="https://www.booklooker.de/B%C3%BCcher/Hans-G-Jaschke+Die-Republikaner/id/A01ZaB4c01ZZ8?zid=f7e5ae4c66ec4c76c5999f3420e5e0e1"><em>Republikaner</em></a> – dont les cadres sont des dissidents de la CSU (et de la CDU). Dans un contexte marqué par l’arrivée de réfugiés des Balkans et de violences racistes, les chrétiens-démocrates adoptent alors une rhétorique proche de celle des <em>Republikaner</em>, particulièrement sur la thématique du droit d’asile – stratégie de cooptation qui atteindra son apogée en 1993 avec la réforme qui vient restreindre le <a href="https://www.br.de/nachrichten/fluechtlinge-rueckblick-kosovo-balkan-100.html">droit d’asile en Allemagne</a>.</p>
<p>Une vingtaine d’années plus tard, la politique d’accueil des demandeurs d’asile <a href="https://www.zeit.de/2015/38/angela-merkel-fluechtlinge-krisenkanzlerin/seite-4">affirmée par la chancelière en 2015</a> et symbolisée par le désormais célèbre « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ») est immédiatement suivie de réticences émanant de la CSU. Dès l’automne 2015, Seehofer se positionne en faveur de quotas d’accueil, dans une tentative de limiter le nombre de demandeurs d’asile.</p>
<p>Durant 2017 et les négociations portant sur le programme de la CDU-CSU en vue des élections législatives de septembre 2017, la chancelière reprend le dessus et la question des quotas n’apparaît pas. À l’issue des élections parlementaires fédérales du 24 septembre, la CSU bavaroise obtient un score de près de 10 points inférieur qu’en 2013. En parallèle, l’AfD, parti radical de droite, obtient <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/bundestagswahlen/2017/ergebnisse/bund-99/land-9.html">10,5 % des suffrages exprimés</a>.</p>
<p>À cette occasion, le leader de la CSU affirme son intention de fermer l’espace à la droite de la CSU (« wir werden diese rechte Flanke schließen »). Il semble alors clair que le parti va se repositionner plus fortement sur des thématiques visant à attirer l’électorat perdu au profit de l’AfD. Le différend entre la CDU et la CSU sur la question migratoire débouche, au printemps 2018, sur un ultimatum d’Horst Seehofer, devenu depuis ministre de l’Intérieur fédéral, venant déstabiliser le gouvernement pendant plusieurs semaines. Le conflit se focalise sur l’application de la législation européenne permettant le <a href="https://blog.francetvinfo.fr/bureau-berlin/2018/06/13/immigration-conflit-ouvert-entre-merkel-et-son-ministre-de-linterieur.html">renvoi des demandeurs d’asile vers le premier pays européen pénétré</a>.</p>
<h2>« L’original plutôt que la copie »</h2>
<p>Dans ce contexte, la mobilisation d’une partie de la population en faveur d’une autre politique migratoire est le signal le plus visible de l’opposition à la reprise de la rhétorique des partis radicaux de droite. <a href="https://www.sueddeutsche.de/bayern/csu-kirche-landtagswahl-bayern-1.4082709">D’influents représentants de l’Église en Bavière</a> prennent également leurs distances avec la CSU. Les sondages, qu’il faut prendre avec toutes les précautions habituelles, tracent la baisse de popularité de la CSU dans l’opinion qui se situe désormais, et depuis plusieurs semaines, <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/landtage/bayern.htm">sous la barre des 40 %</a> – score dont rêverait tout parti français mais <a href="https://www.bayern.landtag.de/fileadmin/Internet_Dokumente/Wahlergebnisse.pdf">historiquement bas pour la Bavière conservatrice</a>.</p>
<p>La reprise du discours radical de droite par des partis de gouvernement fonctionne en termes électoraux sur certains territoires, le FIDESZ hongrois (parti conservateur) en est l’exemple le plus frappant. Cela semble plus compliqué en Bavière où les positions radicalement restrictives concernant la politique d’asile restent associées à l’AfD et ne résonnent pas complètement au sein de la population – <a href="https://www.routledge.com/Radical-Right-Parties-in-Central-and-Eastern-Europe-Mainstream-Party-Competition/Pytlas/p/book/9781138889668">deux conditions pourtant nécessaires pour que la cooptation soit réussie</a>.</p>
<p>De fait, une partie de l’électorat chrétien-social semble vouloir se tourner vers l’AfD suivant le désormais célèbre adage choisir « l’original plutôt que la copie ». On remarque également que l’autre grand parti de gouvernement, le Parti social-démocrate, qui a progressivement vu <a href="https://www.cambridge.org/core/books/the-transformation-of-european-social-democracy/C92F284FC17302253C3B5B14123BBA80">sa base électorale s’effriter depuis trois décennies</a> ne profite pas de cette chute de la CSU. Le parti vert, en revanche, devient attractif pour une partie de l’électorat chrétien-social en opposition avec les récents choix politiques de la CSU.</p>
<h2>L’efficacité des politiques de prévention</h2>
<p>Si ces tendances venaient à se vérifier dans les urnes, cela montrerait les risques politiques pour un parti de gouvernement à coopter les idées de partis radicaux de droite – ce qui a d’ailleurs déjà été <a href="http://www.cambridge.org/gb/academic/subjects/politics-international-relations/comparative-politics/party-competition-between-unequals-strategies-and-electoral-fortunes-western-europe?format=HB&isbn=9780521887656">mis en évidence</a> par une partie de la littérature en <a href="http://eprints.lse.ac.uk/70882/1/blogs.lse.ac.uk-Hungary%20Poland%20and%20Slovakia%20show%20the%20risks%20associated%20with%20mainstream%20parties%20co-opting%20the%20platforms.pdf">science politique</a>.</p>
<p>L’objectif de la mobilisation actuelle est donc bien de rendre visible l’opposition d’une partie de l’électorat aux partis de gouvernement cooptant le discours radical de droite. Elle semble aussi indiquer que les <a href="https://theconversation.com/extreme-droite-et-terrorisme-perspectives-franco-allemandes-99335">politiques préventives</a> menées depuis deux décennies pour contrer le radicalisme de droite ont marqué les attitudes d’une partie de la population, capable de se mobiliser largement contre les idées radicales de droite.</p>
<p>A contrario, les récentes <a href="https://www.sueddeutsche.de/politik/sachsen-eine-schande-1.4106168">manifestations xénophobes de Chemnitz</a> suggèrent l’importance de ces politiques sur les (contre)-dynamiques militantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Laumond a reçu des financements de la Fondation Heinrich Böll. </span></em></p>À quelques semaines des élections en Bavière, la stratégie populiste contestée du parti conservateur risque de profiter davantage à l’extrême droite qu’au SPD.Bénédicte Laumond, Docteure en science politique, spécialiste de l'Allemagne, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928132018-03-04T21:10:08Z2018-03-04T21:10:08ZAllemagne : les adhérents du SPD disent oui à « la voie de la raison »<p>Les adhérents du SPD, consultés sur la question de savoir s’ils approuvaient ou non le contrat de coalition négocié avec les chrétiens-démocrates, ont dit oui à 66,02 % et ouvert ainsi définitivement la voie à une nouvelle « grande coalition » conduite par Angela Merkel. La participation (78,39 %) a été très légèrement plus élevée qu’en 2013 quand la même question leur avait été posée, le taux de votes favorables étant quant à lui, cette année-là, d’environ dix points supérieurs (75,93 %).</p>
<h2>La voie de la raison</h2>
<p>C’est pourtant un résultat plus net que pronostiqué, et surtout il est de 10 points supérieur au vote des délégués du congrès extraordinaire du SPD réunis à Bonn le 21 janvier pour dire si oui ou non le SPD devait engager des négociations avec les chrétiens-démocrates.</p>
<p>C’est la preuve que, malgré les doutes qui parcourent le parti, ses membres ont majoritairement opté pour la voie de la raison et pour le pragmatisme contre la voie de l’aventure pour le parti et le pays.</p>
<p>La procédure a été longue mais la direction comme la base du SPD se félicitent des débats que la question controversée de reconduire la grande coalition a provoqués, un bel exemple, pour eux, de démocratie participative qui a le mérite de clarifier la situation politique en Allemagne.</p>
<p>Le SPD présentera ses ministres dans les jours à venir, trois femmes et trois hommes, comme l’a indiqué le président par intérim du SPD, Olaf Scholz, sans laisser fuiter de noms. L’élection de la chancelière devrait intervenir lors de la prochaine séance du Bundestag, le 14 mars.</p>
<h2>Soulagement en Europe</h2>
<p>Le soulagement à Berlin comme dans les autres capitales européennes est sensible tant il apparaissait nécessaire que l’Allemagne retrouve sa capacité non pas seulement de gérer les affaires courantes mais de faire de la politique et d’être un partenaire à part entière dans les négociations à mener. Sur le mode amusé mais à l’évidence soulagé, la <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/kommentar-zum-groko-votum-wie-gut-dass-die-spd-noch-mitglieder-hat-15477558.html"><em>Frankturter Allgemeine Zeitung</em> titrait</a> : « Comme il est bon que le SPD puisse compter sur ses adhérents… »</p>
<p>Il aura fallu près de six mois pour que l’Allemagne retrouve sa capacité d’action. Cette durée interroge. Il n’y a pas si longtemps encore l’Allemagne était présentée en France comme risquant de devenir durablement instable, voir ingouvernable. La durée du processus de décision au sein du SPD interroge également sur sa situation intérieure et sa fiabilité au gouvernement.</p>
<h2>Un SPD divisé, vieillissant et masculin</h2>
<p>Le résultat du vote confirme que le SPD reste divisé puisque l’opposition à la grande coalition représente un bon tiers des voix, mais il invalide le pronostic du président des Jeunes socialistes, Kevin Kühnert, qui voyait le non l’emporter sans doute de justesse. Il y aurait eu alors deux partis au sein du SPD, difficiles à réconcilier.</p>
<p>Le rapport de forces de deux tiers à un tiers devrait permettre à la minorité de s’incliner plus facilement devant le choix de la majorité tout en continuant de débattre et de s’affirmer au sein du parti. Ce devrait être d’ailleurs une opportunité à saisir pour la direction du parti qui ne peut que s’inquiéter de la composition de ses membres si elle ne veut pas se couper encore plus des jeunes générations et creuser le fossé entre hommes et femmes et entre l’Est et l’Ouest, devenir de plus en plus un parti des services publics et des employés au détriment des autres salariés, en particulier ouvriers.</p>
<p>En effet, en 2017, les jeunes de moins de 30 ans ne représentent que 8 % de ses membres (16 % avec les personnes de 31 à 40 ans), tandis que les 41 ans – 60 ans en représentent 30 % et les personnes âgées de plus 60 ans plus de 50 % ! Les femmes ne sont représentées qu’à 38 % pour 68 % aux hommes ; 40 % des membres du SPD viennent des services publics.</p>
<p>Enfin, la sous-représentation du SPD dans les Länder de l’Est (moins de 5 %), est tout bonnement catastrophique et explique qu’il y soit devancé par les chrétiens-démocrates, la Gauche ou l’AfD bien qu’il participe à des gouvernements mais de coalition à Berlin, dans le Brandebourg, le Mecklenbourg-Poméranie occidentale et la Thuringe. Le SPD apparaît ainsi comme un <a href="http://www.bpb.de/politik/grundfragen/parteien-in-deutschland/zahlen-und-fakten/140358/soziale-zusammensetzung">parti vieillissant, masculin, occidental de fonctionnaires.</a></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208814/original/file-20180304-65547-1wq5dyi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Un besoin de rénovation</h2>
<p>La révolte des Jeunes socialistes apparaît dans ce contexte comme l’opportunité de revivifier le parti social-démocrate et de lui insuffler des idées nouvelles, en rupture avec les vieilles générations, d’autant plus que leur leader, Kevin Kühnert, sait allier au sens de la révolte celui de la mesure réfléchie – même si la déception lui dicte aujourd’hui un discours plus agressif.</p>
<p>Le SPD a connu un précédent qui pourrait lui servir d’exemple quand, après la révolte étudiante de la fin des années 1960, Willy Brandt a su accueillir et intégrer ceux qui se voyaient, selon la formule du leader étudiant de l’époque, Rudi Dutschke, « entamer leur longue marche à travers les institutions. »</p>
<p>Reste la question de savoir si le SPD saura se rénover tout en gouvernant. Les Jusos répondaient par non à cette question quand la direction leur opposait que ne pas participer à la gestion des affaires de l’État provoquerait encore plus certainement son affaiblissement.</p>
<p>C’est dire que le SPD va devoir travailler à son renouvellement programmatique et personnel dans des conditions d’autant plus difficiles qu’il va affronter au gouvernement un parti chrétien-démocrate autrement mieux préparé que lui depuis qu’Angela Merkel a repris la main et l’a remis en ordre de marche.</p>
<h2>Une CDU à l’offensive</h2>
<p>Lors de son congrès de Berlin le 26 février 2018, la CDU, en effet, a non seulement formellement approuvé l’accord de gouvernement négocié avec les sociaux-démocrates, elle s’est également donnée à quasiment l’unanimité une nouvelle secrétaire générale en la personne de la ministre-présidente sortante de Sarre, Annegret Kramp-Karrenbauer.</p>
<p>A. Merkel a ainsi signalé qu’elle refusait une droitisation du parti et entendait continuer de gouverner au centre. Les deux femmes se présentent d’ailleurs à la presse et au public avec une étiquette : CDU = die Mitte, c’est-à-dire le milieu, le centre.</p>
<p>A. Merkel a également présenté les membres chrétiens-démocrates de son futur gouvernement, ses choix ont fait taire le début de fronde qui se profilait sur sa droite en nommant à la santé Jens Spahn qui passe pour être son plus ambitieux adversaire conservateur potentiel.</p>
<p>Elle a encore engagé un rajeunissement du gouvernement et entamé une réflexion pour remplacer d’ici deux ans le programme fondamental du parti vieux de dix ans.</p>
<h2>Des frictions à prévoir</h2>
<p>Les rapports entre les deux formations de la coalition gouvernementale risquent d’être plus conflictuels que dans le passé parce que le SPD, affaibli, cherchera à s’affirmer contre la CDU-CSU et la chancelière elle-même dans le double souci de faire ressortir ce qui dans la politique gouvernementale est à mettre à son compte et de revendiquer des améliorations à tout ce que n’a pas gravé dans le marbre le contrat de coalition.</p>
<p>Les premières joutes ont d’ailleurs déjà eu lieu, dès avant le vote du SPD. La chancelière, poussée en cela par sa droite conservatrice, a signifié à son futur ministre des Finances, Olaf Scholz, qu’il serait tenu de respecter le cadre fixé par le contrat de coalition et serait tenu en particulier de présenter des budgets en équilibre, sans recours à l’emprunt pour ne pas accroître la dette publique. Mais le contrat de gouvernement prévoit également une enveloppe budgétaire supérieure de 48 milliards d’euros au précédent budget – une somme à vrai dire disponible vu les rentrées fiscales foisonnantes du pays.</p>
<p>Les tensions entre les deux partis gouvernementaux proviendront, enfin, de leurs stratégies pour se maintenir au pouvoir ou pour le conquérir dans le cadre d’autres constellations politiques. Sur ce plan, la CDU/CSU est mieux placée que le SPD qui a un plus gros handicap à refaire et moins de partenaires potentiels.</p>
<p>Mais tous deux, sous réserve du vote des électeurs, savent que cette grande coalition devrait être la dernière. CDU-CSU et SPD sont même convenus de faire un bilan à mi-parcours pour vérifier dans quelle mesure ils auront appliqué leur contrat de gouvernement et sont disposés à continuer leur coopération jusqu’au terme du mandat de quatre ans du Bundestag.</p>
<p>L’Allemagne a un nouveau gouvernement et il va falloir à nouveau compter avec elle en Europe, mais on est en droit de se demander si elle sera encore gouvernable à l’avenir ou bien si l’on verra se répéter dorénavant de longs préliminaires avant d’aboutir à la mise en place d’un gouvernement stable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Les rapports entre les deux formations de la coalition gouvernementale risquent d’être plus conflictuels que dans le passé parce que le SPD, affaibli, cherchera à s’affirmer contre la CDU-CSU.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/904882018-01-22T22:12:15Z2018-01-22T22:12:15ZUn SPD profondément divisé ouvre la voie aux négociations sur une Grande coalition<p>Le jour était qualifié d’historique, il n’est pourtant qu’une nouvelle étape sur la voie qui conduira peut-être – sans doute ? – dans quelques semaines à la formation d’une nouvelle Grande coalition à Berlin entre Chrétiens-démocrates et Sociaux-démocrates.</p>
<p>Le débat entre les 600 délégués et les 45 membres du Comité directeur du parti a duré quatre heures. Le débat a été contradictoire, toujours civilisé, soigneusement minuté vu le grand nombre de demandes de parole, mais vigoureux, avec quelques morceaux de bravoure des deux côtés.</p>
<p>Il a opposé la jeune génération du parti, fortement hostile à l’idée même de renouveler une Grande coalition avec la CDU-CSU avec laquelle le SPD aurait épuisé tout ce qu’ils pouvaient avoir de commun, et la vieille génération entourant le comité directeur et le président du parti, Martin Schulz. La direction du parti sollicitait du Congrès l’autorisation d’engager avec les chrétiens-démocrates des négociations sur la base du document <a href="http://theconversation.com/la-grande-coalition-un-horizon-indepassable-en-allemagne-90096">négocié pendant les discussions exploratoires des semaines passées</a>.</p>
<h2>La direction du SPD sur la défensive</h2>
<p>Pendant les débats, les applaudissements et les manifestations plus bruyantes de sympathie pour les orateurs et oratrices ont pu faire penser, à plusieurs occasions, que la majorité était du côté des opposants. Lors du vote final à main levée, un comptage s’est avéré nécessaire pour départager les deux camps, même si une tendance semblait, selon le président de séance, se dégager.</p>
<p>Le décompte a donné 362 voix pour la demande du comité directeur contre 279 voix et une abstention : une majorité on ne peut plus courte de 56,4 % des voix, qui a déçu les membres du comité directeur, qui s’attendaient certes à un résultat serré mais espéraient malgré tout une majorité plus confortable, tel Stephan Weil, ministre président récemment réélu en Basse-Saxe, à la tête non plus de la coalition SPD-Verts qu’il avait dirigée jusqu’alors (2013-2017), mais à la tête cette fois d’une Grande coalition.</p>
<p>Les arguments échangés à Bonn n’ont rien apporté de véritablement nouveau. Chaque camp avait préalablement fait connaître ses positions : une Grande coalition ne pouvait être qu’exceptionnelle pour le bien de la démocratie ; revenir au gouvernement, c’était renoncer au renouvellement du parti qui ne serait possible que dans l’opposition… Et surtout : il faut respecter la parole donnée, celle de Martin Schulz qui à deux reprises avait refusé d’entrer dans une grande coalition (<em>NoGroKo</em>) !</p>
<p>À ces prises de position la <a href="https://www.stuttgarter-nachrichten.de/inhalt.spd-parteitag-in-bonn-martin-schulz-verteidigt-kurswechsel-in-debatte-um-groko.69c80a26-503a-4107-b2f0-d590059c80c8.html">direction du parti répondait</a> qu’elle n’était pas responsable de la situation dans laquelle l’Allemagne se trouvait, qu’il lui avait fallu faire un nouvel état des lieux après l’échec des négociations en vue de former un gouvernement CDU-CSU+FDP+ Verts (aux couleurs de la Jamaïque) et suite à l’appel du président fédéral à trouver un compromis.</p>
<p>Pour Martin Schulz, « si on ne devait pas à tout prix gouverner, il ne fallait pas pour autant ne pas vouloir gouverner ». Selon lui, le SPD aurait déjà beaucoup obtenu sur le plan social qui méritait d’être mis en œuvre. Finalement, poursuivait la direction, c’est en gouvernant que les Sociaux-démocrates pourraient le mieux améliorer le sort des gens. C’est ce point précis qui a valu à la direction du SPD le soutien à Bonn du <a href="http://lemonde.fr/economie/article/2014/05/13/reiner-hoffmann-un-syndicaliste-allemand-resolument-europeen_4416165_3234.html">président du syndicat DGB, Reiner Hoffmann</a> – lequel regroupe pas moins de 8 syndicats de branche, soit 6 millions d’adhérents.</p>
<h2>Dégagisme à l’allemande</h2>
<p>Le Congrès de Bonn a confirmé la profonde division du SPD. Il a également fait apparaître plus clairement que jamais que les oppositions entre les deux camps étaient au fond une opposition entre la jeune génération – impétueuse, fondamentaliste, hostile aux compromis – et la vieille génération qui, au nom de l’expérience de l’âge et de l’Histoire, se veut raisonnable dans l’intérêt de l’État, de même que dans l’intérêt bien compris du parti.</p>
<p>On pouvait y retrouver des traces d’un « dégagisme » à l’allemande qui ne dit pas son nom mais conduit à dire : 12 ans de Merkel, c’est assez ! Ce qu’avait dit à satiété dans les médias le président des Jeunes socialistes, Kevin Kühnert : « Depuis que j’existe, je n’ai rien connu d’autre que Merkel ! »</p>
<h2>Angela Merkel, le « chiffon rouge »</h2>
<p>Le score réalisé à Bonn place Martin Schulz dans une position d’autant plus délicate pour poursuivre les négociations avec les Chrétiens-démocrates qu’il a dû reprendre à son compte nombre de critiques faites à un document jugé insuffisant, censé pourtant servir de fondement aux négociations à venir alors même qu’il avait mené à la tête de la délégation social-démocrate les négociations avec les délégations de la CDU, dirigée par Angela Merkel, et de la CSU, dirigée par Horst Seehofer.</p>
<p>Il s’agit donc, désormais, pour Martin Schulz d’obtenir de la CDU-CSU la réouverture du paquet négocié sur trois questions sensibles : la politique migratoire (question du regroupement familial), le régime des assurances maladie (introduction d’un régime universel dépassant régime général vs régime privé) et la suppression des CDD injustifiés engendrant de la précarisation de l’emploi.</p>
<p>De plus, Martin Schulz a rappelé que l’accord passé avec la CDU-CSU prévoyait un bilan à mi-mandat, que ce serait donc l’occasion de faire le point sur ce que le SPD avait obtenu au sein du gouvernement et, si nécessaire, de renégocier les conditions du contrat.</p>
<p>Cette insistance laisse entendre qu’il pourrait y avoir des changements jusqu’à la tête même du gouvernement et que, fragilisée, Angela Merkel – qui est devenue le « chiffon rouge » de la gauche social-démocrate pourrait passer la main.</p>
<p>Cependant, le score obtenu à Bonn a également l’effet paradoxal de conforter la position du SPD face à la CDU-CSU en la soumettant à un véritable chantage si elle veut vraiment éviter des élections anticipées.</p>
<p>Les réactions du côté de la CDU et surtout de la CSU ne se sont pas fait attendre : si les deux partis frères se sont félicités de pouvoir entamer les négociations qui devraient enfin conduire à la mise en place d’un gouvernement stable et durable en Allemagne (comprendre : pour la durée complète du mandat), ils estiment que les négociations exploratoires ont défini un cadre qui ne peut être remis en question au risque sinon de menacer l’équilibre de l’ensemble. Celui-ci inclut, à leurs yeux, le difficile compromis auquel CDU et CSU sont parvenues entre elles sur la question migratoire.</p>
<p>Il appartient désormais aux Chrétiens-démocrates d’apporter la preuve qu’ils sont prêts à trouver de nouveaux compromis qui permettront aux négociations avec les Sociaux-démocrates d’aboutir. Et il revient à Angela Merkel de faire preuve d’autorité si elle veut être réélue chancelière. Enfin, il s’agit de permettre aux Sociaux-démocrates de ne pas faire trop mauvaise figure devant leurs adhérents quand ceux-ci seront appelés, comme en 2013, à voter sur le contrat de gouvernement négocié.</p>
<p>À ce moment-là, tout pourra encore basculer vu l’hostilité persistante de la base du SPD, motivée par les Jeunes socialistes qui ont trouvé un leader charismatique en la personne de leur président, Kevin Kühnert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>Le Congrès de Bonn a révélé le fossé séparant une jeune génération très hostile à l'idée même d'une nouvelle alliance avec la CDU à la vieille garde, sensible au poids de l'Histoire.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/900962018-01-14T20:44:38Z2018-01-14T20:44:38ZLa Grande coalition : un horizon indépassable en Allemagne ?<p>Au terme de leurs discussions exploratoires, Chrétiens-démocrates et Sociaux-démocrates sont parvenus, vendredi 12 janvier, à un accord matérialisé dans un document de 28 pages qui est d’abord une déclaration d’intention (« Nous voulons… »), mais qui borne également <a href="http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100526650">certains grands thèmes</a> par des propositions plus concrètes.</p>
<p>Il s’agit d’un document perfectible qui se contente, dans un premier temps, de fixer les grandes lignes pour les négociations à venir sur un véritable accord de gouvernement. Un premier pas est donc accompli sur la voie de la formation d’une nouvelle Grande coalition, mais des obstacles importants doivent encore être surmontés en raison des résistances qui continuent de s’exprimer au sein du SPD, principalement <a href="https://theconversation.com/quelle-sortie-de-crise-en-allemagne-88503">au sein de son aile gauche</a> et <a href="https://www.mdr.de/nachrichten/politik/inland/juso-und-spd-linke-bleiben-bei-nein-zur-groko-100.html">chez les Jeunes socialistes</a>.</p>
<p>Géographiquement, l’opposition est particulièrement forte au sein de la plus grande fédération sociale-démocrate, celle de Rhénanie du Nord Westphalie, où le SPD jusqu’alors au pouvoir avec les Verts a perdu les <a href="https://www.wahlergebnisse.nrw.de/landtagswahlen/2017/aktuell/a000lw1700.shtml">élections régionales de mai 2017</a> au profit d’une coalition chrétienne-démocrate-libérale. Mais, à l’initiative des Jeunes socialistes, une fédération moins représentative, telle que celle de Saxe-Anhalt, a voté contre la réédition d’une grande Grande coalition, lors de son congrès régional du 13 janvier. À une voix seulement de majorité, certes, mais cette décision peut servir de fanal à la <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/spd-bei-landesparteitag-zwischen-werben-und-zaudern-15397394.html">résistance des militants du SPD hostiles à la Grande coalition</a>.</p>
<h2>Remontrances présidentielles</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201844/original/file-20180114-101495-1u6zn1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frank Walter Steinmeier, le président fédéral.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Frank-Walter_Steinmeier_12.jpg">Armin Kübelbeck/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>On pouvait s’attendre à ce que ces discussions exploratoires entre les deux parties aboutissent depuis que le Président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, avait rappelé à l’ordre son parti d’origine, le SPD. À deux reprises, ce dernier avait rejeté toute idée de Grande coalition avec les Chrétiens-démocrates : la première fois, le soir même des élections et, la seconde fois, après la rupture des négociations en vue de constituer un gouvernement aux couleurs de la Jamaïque, qui aurait associé les Libéraux et les Verts aux Chrétiens-démocrates – une expérience qui aurait eu l’avantage de la nouveauté politique.</p>
<p>À l’occasion de la réception du Nouvel An, organisée le 9 janvier, en présence de la chancelière, de ministres de son gouvernement et de représentants des partis, en hommage à « l’engagement citoyen », F.-W. Steinmeier avait encore déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Le sujet numéro un ici à Berlin et dans toute l’Allemagne est la formation du gouvernement. Tout le monde a le regard fixé sur les partis et leurs représentants. Tout le monde se demande, à juste titre, ce qui va advenir et ce qui doit advenir. »</p>
</blockquote>
<p>Le thème de l’engagement citoyen était certes une aubaine pour rappeler aux partis les responsabilités qu’ils contractent en se soumettant au suffrage populaire et leur obligation de trouver entre eux le moyen de constituer un gouvernement stable.</p>
<p>La relative longueur des discussions exploratoires, mais surtout la dramatisation qu’a provoquée un dernier marathon de plus de 24 heures jusque tard dans la nuit du 11 au 12 janvier, ont surtout servi à montrer aux électeurs et sympathisants du SPD que celui-ci savait résister à la pression des Chrétiens-démocrates et qu’il négociait, pied à pied, avec eux pour leur arracher de substantielles avancées.</p>
<p>Il est d’ailleurs significatif, à cet égard, que les deux délégations chrétiennes-démocrates, CDU et CSU, ont, dès la fin des discussions, validé à l’unanimité les décisions prises, tandis que la délégation sociale-démocrate attendait plusieurs heures pour le faire et que le comité directeur du parti attendait même quelques heures de plus pour aboutir à la même décision. Cette fois, à vrai dire, non pas à l’unanimité mais à une forte majorité, 6 voix seulement sur 40 s’opposant au document proposé.</p>
<p>Après les remontrances présidentielles, la direction du SPD qui s’était elle-même placée en porte à faux en renouvelant sans nécessité son opposition à toute idée de Grande coalition cherchait les meilleurs moyens de justifier sa volte-face et de l’expliquer à une base rétive. Il ne pouvait donc être question de donner le sentiment que le SPD n’avait qu’une hâte, celle de rejoindre la couche confortable d’une nouvelle Grande coalition.</p>
<h2>Pourquoi le SPD a d’abord choisi de dire non…</h2>
<p>La direction du SPD avait justifié son choix d’être dans l’opposition pour quatre raisons essentielles :</p>
<ul>
<li><p>une nouvelle Grande coalition serait une coalition des perdants, la CDU-CSU et le SPD réunis ayant perdu 13,6 points de pourcentage aux élections fédérales ;</p></li>
<li><p>une Grande coalition ne pouvait être qu’exceptionnelle, au risque sinon de dénaturer le débat démocratique et de favoriser l’émergence des extrêmes, la preuve en étant faite avec les succès électoraux remportés par l’AfD ;</p></li>
<li><p>il ne fallait pas laisser à ce parti d’extrême droite le rôle de leader de l’opposition ;</p></li>
<li><p>enfin, le SPD avait d’autant plus besoin de se regénérer dans l’opposition que sa participation aux gouvernements Merkel ne lui avait pas permis de faire ressortir sa propre marque politique auprès des électeurs. La gauche du parti affirmait même – et continue d’affirmer – que la reconduction d’une telle coalition faisait perdre au SPD sa crédibilité, l’engageait sur la voie du déclin et programmait même, dans le contexte de la <a href="https://theconversation.com/la-social-democratie-est-morte-vive-la-social-democratie-89782">crise généralisée de la social-démocratie</a> en Europe, sa disparition à terme. Seule une orientation à gauche permettrait de repenser la politique sociale du pays et de faire un nouveau choix stratégique de reconquête du pouvoir par un accord avec les Verts et la Gauche (Die Linke).</p></li>
</ul>
<h2>… avant de changer d’avis ?</h2>
<p>La direction du SPD a finalement choisi de surmonter son opposition au renouvellement d’une Grande coalition en raison de la pression présidentielle, comme nous l’avons dit, mais aussi de crainte de se voir reprocher son incapacité à prendre ses responsabilités alors qu’il faut tirer le pays de l’ornière dans laquelle il se trouve à la suite de l’échec des pourparlers en vue d’une coalition aux couleurs de la Jamaïque.</p>
<p>On ne dira jamais assez que le système parlementaire est fondé en Allemagne sur le principe qu’il appartient au Parlement élu de trouver en son sein les solutions aux crises et que cela implique pour tout parti démocratique d’être prêt à entrer dans une coalition avec un ou plusieurs partis démocratiques. Sans pour autant que cela le contraigne, bien évidemment, de nouer des alliances qui seraient contraires à son programme politique : c’était le sens du message présidentiel.</p>
<h2>Comment convaincre une base sociale-démocrate rétive ?</h2>
<p>Après s’être persuadée elle-même du bien fondé de son revirement, il s’agit maintenant pour la direction du SPD de convaincre sa base. La prochaine étape sera celle du congrès extraordinaire du SPD <a href="https://www.spd.de/presse/pressemitteilungen/detail/news/ausserordentlicher-spd-bundesparteitag-am-21-januar-2018-in-bonn/21/12/2017/">convoqué à Bonn le 21 janvier prochain</a> pour valider ou non l’ouverture de négociations sur un véritable contrat de gouvernement avec les Chrétiens-démocrates.</p>
<p>Cet obstacle surmonté, il appartiendra ensuite aux membres du SPD de valider, dans le cadre d’une consultation interne au parti, le contrat de gouvernement négocié. C’est seulement à ce moment-là, dans plusieurs semaines donc, qu’il sera possible d’envisager la formation d’un nouveau gouvernement fédéral et la réélection d’Angela Merkel comme chancelière.</p>
<p>Celle-ci voudrait aller plus vite et souhaite qu’un contrat de gouvernement aboutisse avant le mercredi des Cendres (est-ce vraiment le bon symbole ?), le 14 février prochain, mais de longues semaines devront encore s’écouler après cette date <a href="http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/spd-chef-martin-schulz-schliesst-ministeramt-nicht-mehr-aus-15394278.html">avant la prestation de serment des ministres</a> de son nouveau gouvernement.</p>
<h2>Un document favorable à l’Europe</h2>
<p>Ce parcours d’obstacles mis en place par le SPD sous la pression de sa base explique que son président, Martin Schulz, se soit empressé d’affirmer que le document issu des discussions exploratoires portait la marque du SPD. Selon lui, le parti social-démocrate aurait ainsi réussi à y transposer son programme à 60 % !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201843/original/file-20180114-101498-3qwhna.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Emmanuel Macron et Angela Merkel (ici en octobre 2017), prêts à relancer l’UE.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Emmanuel_Macron_and_Angela_Merkel_(Frankfurter_Buchmesse_2017).jpg">ActuaLitté/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est une affirmation que le contenu même de ce document ne permet guère de soutenir. Il contient, certes, de nombreux points de détail qui vont dans le sens de la politique sociale voulue par le SPD : par exemple en matière de retraites des femmes, du travail à temps partiel, de rééquilibrage sur une base paritaire des cotisations patronales et salariales des assurances sociales. Il comprend également une promesse d’investissements dans le domaine essentiel aux yeux du SPD de l’éducation, de la formation et de la culture ainsi que dans celui de la mise à niveau du pays en matière de très haut débit.</p>
<p>Il comprend, enfin et surtout, à la première place, un engagement en faveur de l’Europe qui devrait réjouir le cœur du président Macron puisqu’il ne propose pas seulement de relever la contribution allemande au budget européen (qui s’imposera de toute façon ne serait-ce qu’en raison du Brexit) mais de poursuivre l’intégration européenne et de réformer la zone euro en mettant en place un budget d’investissements propre et en transformant le Mécanisme européen de stabilité en un Fonds monétaire européen. Le document précise que cela ne pourra se faire que grâce à la coopération franco-allemande. L’Europe est un sujet qui tient à cœur à Martin Schulz, mais la chancelière s’est exprimée de façon semblable sur la question, sauf sur l’idée de créer dans un avenir plus ou moins lointain les États-Unis d’Europe.</p>
<h2>Les exigences des Chrétiens-démocrates satisfaites</h2>
<p>Mais sur des points essentiels, le SPD a été contraint de céder <a href="http://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/bundestagswahl/id_83041668/nach-den-sondierungen-ein-kommentar-von-florian-harms.html">face aux exigences chrétiennes-démocrates</a>. Le document ne prévoit pas d’augmentation d’impôts pour les revenus les plus élevés et instaure une disparition progressive de l’impôt dit de solidarité (avec les länder de l’Est) au vu de l’accroissement des recettes fiscales provoqué par la reprise économique.</p>
<p>Le document n’évoque pas ne serait-ce qu’un début de réforme de l’assurance maladie pour créer un régime universel (<em>Bürgerversicherung</em>) comme le souhaiterait le SPD afin de dépasser un système de santé fondé sur la distinction entre assurés du régime général et assurés privés.</p>
<p>Et, surtout, le document prévoit de limiter le nombre des immigrés à 180 000, au maximum 220 000 personnes par an et de réformer le droit au regroupement familial pour limiter les entrées à ce titre à 1 000 par mois. Autant de questions dont le SPD avaient fait son cheval de bataille.</p>
<p>Celui-ci a finalement accepté de faire d’importantes concessions au nom de l’équilibre à respecter entre les partis de la future coalition. Il manque, par ailleurs, une vision et un souffle à un document qui aurait pu être davantage programmatique puisqu’il n’est que le fondement d’un accord gouvernemental à venir.</p>
<p>La direction du SPD escompte, pourtant, que le Congrès du 21 janvier l’autorisera à pousser plus loin la négociation avec les Chrétiens-démocrates. Ces derniers ont actuellement la sagesse de faire remarquer que l’accord obtenu est équilibré et tient compte des sensibilités des trois partis concernés.</p>
<h2>Une chancelière ébranlée mais stabilisée par cet accord</h2>
<p>Ce succès renforce momentanément la position de la chancelière qui sait en même temps que son nouveau mandat, si elle l’obtient, sera le dernier et que ses adversaires, à l’extérieur comme au sein de la CDU-CSU, ne manqueront pas de lui faire sentir qu’affaiblie depuis les élections fédérales de septembre, elle est désormais sur le départ.</p>
<p>L’AfD peut-elle tirer son épingle du jeu dans le cadre d’une nouvelle coalition de ce type ? Ce qui frappe pour l’instant, c’est que le mouvement d’extrême droite a adopté une position d’attente voire de repli qui ne lui permet d’attirer l’attention sur elle que de façon négative : à l’occasion, par exemple, d’un tweet raciste sur Noah Becker, le fils de Boris Becker, <a href="http://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2018-01/afd-noah-becker-anzeige-jens-maier-tweet">traité de « demi-nègre » par le député AfD au Bundestag Jens Maier</a>. L’AfD confirme ainsi ses compromissions avec l’extrême droite néo-nazie, tout en accroissant le risque déjà existant en son sein de scissions intestines.</p>
<p>En définitive, ce pourrait être la dernière Grande coalition avant longtemps en Allemagne et le début d’une recherche d’autres horizons plus neufs et plus prometteurs d’expériences innovantes. Encore que… Tout dépendra des électeurs allemands !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est secrétaire général de l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA), directeur de la revue «Allemagne d'aujourd'hui» et membre du centre de recherche pour l'étude civilisations, lettres et langues étrangères (CECILLE) de l'Université de Lille Sciences humaines et sociales. </span></em></p>L'accord de principe entre le SPD et la CDU renforce momentanément la position de la chancelière. Mais Angela Merkel sait que son nouveau mandat, si elle l’obtient, sera le dernier.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.