tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/culture-21935/articlesculture – The Conversation2024-03-28T16:40:34Ztag:theconversation.com,2011:article/2267872024-03-28T16:40:34Z2024-03-28T16:40:34ZMode et cinéma : comédie romantique ou mariage de convenance ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/584826/original/file-20240327-26-g1j41c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C88%2C1129%2C689&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les groupes de luxe créent des filiales de production cinématographique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/442000">Roman Boed Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La décision du géant mondial du luxe LVMH de <a href="https://www.harpersbazaar.fr/mode/lvmh-se-met-au-cinema-avec-sa-societe-22-montaigne-entertainment_2047">créer 22 Montaigne, une division dédiée au divertissement, en partenariat avec l’américain Superconnector Studios</a>, confirme le passage accéléré, dans de nombreuses industries, du produit au contenu, de l’objet à l’image : la production de biens matériels cède de plus en plus à la vocation d’offrir des expériences personnalisées qui créent un sentiment d’exclusivité. En outre, les liens du luxe avec l’univers du cinéma ne sont pas nouveaux, que l’on pense aux collaborations de grands couturiers à certains films, à la présence des groupes au Festival de Cannes, ou encore, à l’association d’acteurs et d’actrices avec des maisons de couture. Les marques de luxe aiment aussi avoir recours à des créateurs pour leur publicité, comme, par exemple, Wes Anderson qui a tourné plusieurs films pour Prada, entre court-métrage et promotion classique.</p>
<p>Avant de créer son studio de production, le groupe LVMH avait récemment collaboré avec la série Netflix « Emily in Paris » ou « The New Look » d’Apple +. Cette dernière série revient sur la créativité de Christian Dior, une des maisons phares du groupe LVMH. Rien d’étonnant donc si les personnages portaient des vêtements Dior.</p>
<p>Cette incursion à part entière dans l’industrie du cinéma apparaît comme un écho à la décision d’un des autres groupe français de luxe, Kering dirigé par François-Henri Pinault. Kering a pris le contrôle de CAA, l’une des agences d’artistes les plus en vue à Hollywood, et crée <a href="https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/strange-way-of-life-de-pedro-almodovar-est-produit-par-saint-laurent-et-oui-ca-se-voit-clx1_221677.html">Saint Laurent Productions, qui a déjà produit un film du célèbre réalisateur Pedro Almodóvar</a>.</p>
<p>En adoptant une stratégie de diversification, LVMH – Kering – recherche avant tout de nouveaux outils de marketing pour leurs marques et pour réaliser des économies de gamme. Pour cela, ils misent sur leur capital et leurs connaissances pour pénétrer dans des secteurs économiques voisins. Entre le luxe et le cinéma, le franchissement de la frontière semble plus aisé, car les deux secteurs font partie des industries créatives. D’où l’existence de facteurs communs à ces <a href="https://www.hup.harvard.edu/books/9780674008083">« business », comme l’imprévisibilité du succès, le rôle essentiel de la narration originale et le rythme effréné du changement</a> comme en témoigne la succession des collections.</p>
<p>L’histoire des arts est jalonnée de tels rapprochements, comme en témoignent les « Ballets russes » au début du vingtième siècle. La compagnie de danseurs d’avant-garde, dirigée par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0170840614563743">l’impresario Sergeï Diaghilev, a réuni les mondes de l’art, du luxe et de la mode dans d’éblouissantes productions de ballet qui ont séduit autant l’aristocratie que l’avant-garde artistique</a>. L’époque était <a href="https://www.academia.edu/6940189/Dance_Film_and_the_Ballets_Russes">riche en croisements entre la danse et le cinéma</a>.</p>
<p><strong>Poches profondes</strong></p>
<p>La principale différence entre ce qui se passe aujourd’hui et ces exemples passés réside dans la dimension financière. Diaghilev utilisait ses relations personnelles pour obtenir des financements. Le groupe de Bernard Arnault – la première fortune du monde – se lance aujourd’hui dans la production cinématographique avec d’importants moyens financiers, résultant des succès du groupe. Avec ce capital, le groupe de luxe pourra investir afin de transformer les contenus de l’industrie de la mode en films, séries, documentaires et biopics, qui séduisent les plates-formes de streaming comme Amazon Prime, Netflix, Apple+ ou Disney +.</p>
<p>Face à ces évolutions de l’économie de l’« entertainment », l’industrie du cinéma reste très éparpillée et fragilisée par les évolutions technologiques récentes. L’arrivée des conglomérats du luxe avec leurs poches profondes peut sembler une bonne nouvelle dans cette industrie fragilisée par les évolutions économiques récentes. Mais tout n’est pas qu’une affaire d’argent. En investissant le monde du cinéma, les groupes de luxe espèrent aussi accroître la désirabilité de leurs marques, en mettant en œuvre des formes plus subtiles d’influence voire de publicité. En pleine mutation, la publicité change de nature, devenant de plus en plus postmoderne, visuelle et conceptuelle. Voir son actrice ou son acteur préféré revêtir un vêtement iconique pourrait bien être plus efficace que la multiplication de pages de publicité en ligne ou sur papier glacé. De cette manière, les groupes de luxe cherchent aussi à établir un lien avec des publics peu exposés – à commencer par les plus jeunes – aux canaux publicitaires traditionnels. Ainsi, le secteur du luxe cherche à construire un réseau où les contenues liés à la mode circuleront au-delà des moyens traditionnels jusqu’ici. Le but est d’associer des artistes à des histoires qui seront ensuite exposées dans des musées, sur des podiums ou à l’écran. Le placement de produits dans les films et les séries télévisées n’aura donc été que la première étape de ce processus.</p>
<h2>Les nouveaux Médicis ?</h2>
<p>Cette irruption des groupes de luxe dans le monde du cinéma n’est pas sans poser de questions sur les œuvres cinématographiques. En effet, le secteur du luxe pourrait renforcer sa position d’arbitre des élégances, de producteur du bon goût cinématographique ou de médiateur. Leur puissance est telle qu’ils peuvent influencer voire façonner la culture contemporaine. On ne peut que spéculer sur la volonté de François Pinault ou de Bernard Arnault de se rapprocher de la prééminence de Diaghilev ou des Médicis des siècles précédents. Veulent-ils imiter ces illustres ancêtres ayant créé et subventionné un réseau reliant les arts entre eux ? Si la réponse n’est pas évidente, la succession des démarches, impliquant la constitution de collections d’art personnelles massives, la construction de musées dans des lieux prestigieux et la capacité croissante de produire des contenus audiovisuels pour un public de masse, les place dans la position d’un intermédiaire qui a peu de précédents historiques en termes de moyens mobilisés, de portée et de pouvoir. Les avantages privés de ces groupes sont évidents ; les avantages publics le sont un peu moins.</p>
<p>Le danger d’une influence excessive existe. Les géants du luxe possèdent outre des liquidités et une présence mondiale, des liaisons avec le monde politique. Cela pourrait leur donner le pouvoir de faire ou de défaire des réputations.</p>
<p>La question du maintien de l’indépendance artistique face à un pouvoir économique est désormais posée. Les conglomérats du luxe ont l’habitude de contrôler la narration autour de leurs produits. Comment réagiront ces nouveaux <em>tycoons</em> du cinéma quand, demain, un créateur viendra percuter dans une de ses productions l’histoire officielle de la maison ? Si le désir de projeter ces histoires sur grand écran est tout à fait compréhensible, l’industrie cinématographique beaucoup moins prévisible que le secteur du luxe, prospère aussi dans la controverse. Une relative indépendance dans le processus créatif prévaut du moins dans la conception européenne du cinéma, et notamment en France.</p>
<p>Le degré de liberté créative que les géants du luxe sont prêts à accorder devra être observé de près. Si les productions qu’ils financent sont trop alignées sur les histoires officielles, il n’est pas sûr que le public soit au rendez-vous. Qui voudra aller voir de longues publicités, fussent-elles déguisées en œuvre de fiction par d’habiles artistes ? La critique de cinéma Nandini Balial a souligné dans sa revue du « New Look » que le passé controversé de Coco Chanel dans la France sous occupation nazie était représenté de manière fallacieuse à l’écran : <a href="https://www.rogerebert.com/reviews/the-new-look-tv-review-2024">« Il n’y a pas grand-chose à propos de son parcours dans la série qui ne soit pas en contraste total avec la vérité »</a>.</p>
<p>« L’élégance exige l’intimité », explique justement le personnage de Christian Dior dans cette série qui lui est consacrée. Et si cette phrase d’apparence anodine sonnait comme un possible avertissement. En s’éloignant de l’intimité de la mode, les géants du luxe s’exposent à des critiques, qui pourraient les atteindre par ricochet. Les premières œuvres produites devront être regardées de très près.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stoyan V. Sgourev ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après Kering, LVMH investit dans la production cinématographique. Quelle stratégie poursuivent les groupes de luxe ? Quel impact pourrait avoir cette diversification sur l’avenir du cinéma ?Stoyan V. Sgourev, Professor of Management, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2267022024-03-27T14:06:07Z2024-03-27T14:06:07ZPhotographier l’éclipse solaire, un rappel du sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que nous<p>Si vous faites partie des <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/espace/eclipse-solaire-2024/#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9clipse%20solaire%20totale%20de,totale%20%C3%A0%20Montr%C3%A9al%20depuis%201932.">millions de personnes qui souhaitent voir</a> l’éclipse solaire totale du 8 avril, il y a de fortes chances que vous preniez des photos de votre expérience. </p>
<p>Et, comme beaucoup d’autres avant vous, vous trouverez peut-être que ces photos ne sont pas à la hauteur de vos attentes, de vos expériences et de vos souvenirs de l’éclipse.</p>
<p>Nous vous proposons quelques conseils techniques pour la photographie d’éclipses. Nous nous demandons aussi pourquoi nous sommes si nombreux à vouloir photographier ce type de moments collectifs d’émerveillement et d’étonnement, en réfléchissant au contexte plus large de la culture visuelle autour des éclipses solaires à travers l’histoire.</p>
<h2>Défis techniques et sécuritaires</h2>
<p>Photographier une éclipse solaire présente quelques <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dClhdu0oyWM">défis techniques et de sécurité</a>. Vous pouvez vous préparer, notamment en vous assurant que votre appareil photo (<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2058820/eclipse-solaire-photographie-protection">même les téléphones intelligents !</a>) est équipé d’un filtre solaire. Il est également important de vous familiariser avec votre appareil photo et de vous entraîner à l’utiliser dans différentes conditions de luminosité avant l’éclipse. </p>
<p>Les changements de qualité de la lumière seront rapides et drastiques, c’est pourquoi il sera important de se familiariser avec l’ouverture et la vitesse d’obturation le jour J. Un trépied permet de réduire le flou lorsqu’une exposition plus longue est nécessaire. S’il y a des nuages, il est toujours important d’être prudent et de porter des lunettes de protection. La capacité à capturer une image dépendra de l’étendue de la couverture nuageuse. L’expérience visuelle sera différente, mais le ciel s’assombrira toujours, créant des changements dans la couleur et la façon dont la lumière passe à travers les nuages. </p>
<p>Il existe également des façons plus créatives d’envisager la capture de l’expérience, notamment la <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/jeunes-educateurs/activites/experiences-amusantes/projecteur-eclipse.asp">fabrication d’un projecteur à sténopé</a>. </p>
<p>Ce dispositif simple peut être fabriqué à partir d’une boîte en carton et permet à la fois de regarder en toute sécurité et d’obtenir des images intéressantes.</p>
<h2>Premières photographies d’éclipses</h2>
<p>Si vos photographies ne sont pas conformes à vos attentes, vous n’êtes pas seuls. En 1842, le physicien italien <a href="https://hyperallergic.com/392269/the-first-photographs-of-a-solar-eclipse/">Gian Alessandro Majocchi a tenté de photographier</a> l’éclipse solaire totale qui a eu lieu en juillet de cette année-là. Les documents qui subsistent indiquent qu’il n’a eu qu’un succès partiel : les images de son daguerréotype — une des premières techniques de photographie inventées par Louis-Jacques-Mandé Daguerre en 1839, c <a href="https://www.loc.gov/collections/daguerreotypes/articles-and-essays/the-daguerreotype-medium/#">onsistant à traiter une plaque de cuivre recouverte d’argent avec des produits chimiques sensibles à la lumière</a> — sont perdues.</p>
<p>Majocchi a pu prendre quelques photos <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=hvd.fl1241&view=1up&seq=265">avant et après</a> les moments de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2052917/eclipse-totale-soleil-avril-canada-quebec-montreal">l’éclipse totale</a>.</p>
<h2>Un rappel des sentiments d’émerveillement et de partage</h2>
<p>Au-delà des aspects techniques, une photographie réussie de l’éclipse constitue un rappel durable des sentiments d’émerveillement et de faire partie de quelque chose de plus grand que nous. </p>
<p>C’est le genre d’événement qui rassemble les gens. L’expérience partagée se poursuit longtemps après la fin de l’éclipse grâce aux photographies qui servent de marqueurs de mémoire et de preuve tangible que vous étiez là pour assister à l’éclipse. Et même si beaucoup d’entre nous finissent par avoir des photos similaires, il y a quelque chose de significatif dans le fait qu’autant de personnes prennent des photos du même événement.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-27715-001">prendre des photos d’événements peut augmenter le plaisir que l’on en retire</a>, comme l’ont montré les recherches conduites par Kristin Diehl, professeure de marketing, et ses collègues. </p>
<p>La photographie nous permet de conserver des souvenirs, de les partager avec d’autres et de revivre ces moments à l’avenir. Ce qui fait qu’une image se distingue des millions d’autres partagées chaque jour sur les médias sociaux tient souvent à une combinaison de facteurs : son impact visuel, l’histoire qu’elle raconte et la résonance émotionnelle qu’elle peut susciter chez les personnes qui la regardent. En d’autres termes, une grande partie de ce que nous partageons concerne l’expérience au sens large.</p>
<h2>Une preuve d’une expérience vécue et une connexion dans le temps</h2>
<p>Les photographies répondent également depuis longtemps à un besoin profond de preuve de l’expérience vécue — « nous y étions ». Qu’il s’agisse d’une image floue de la <em>Joconde</em> prise par un téléphone portable ou d’un cliché de l’éclipse, ces images servent de rappels tangibles de nos expériences. Elles valident nos souvenirs, ancrent les histoires que nous racontons et nous permettent de partager ces moments avec d’autres. </p>
<p>Regarder des images de personnes observant une <a href="https://www.atlasobscura.com/articles/century-eclipse-watching-photos">éclipse à d’autres époques peut également offrir un sentiment partagé de connexion à travers le temps</a>. Il s’agit d’un phénomène qui nous dépasse et ces images nous relient aux expériences des générations précédentes. </p>
<p>Les photographies scientifiques d’une éclipse, comme celles que <a href="https://siarchives.si.edu/collections/siris_arc_308088">Thomas Smillie</a> a réalisées pour le Smithsonian en 1900, ont pu être saluées comme des <a href="https://siarchives.si.edu/blog/smillie-and-1900-eclipse">avancées technologiques</a>. Pourtant, les <a href="https://www.atlasobscura.com/articles/century-eclipse-watching-photos">photographies de personnes rassemblées, qui s’arrêtent un instant et regardent le ciel</a> ont quelque chose de particulièrement fascinant.</p>
<h2>Les photographies donnent des indications partielles</h2>
<p>Un <a href="https://hyperallergic.com/392269/the-first-photographs-of-a-solar-eclipse/">daguerréotype d’une éclipse solaire pris le 28 juillet 1851 est la première photographie réussie connue de la couronne solaire</a>. Cette image a été réalisée à l’Observatoire royal prussien de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie) par Johann Julius Friedrich Berkowski à l’aide d’un télescope. <a href="https://www.space.com/37656-first-total-solar-eclipse-photo-ever.html">L’exposition de 84 secondes a permis de capturer l’instant de manière particulièrement détaillée</a>.</p>
<p>En 1890, le <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=hvd.fl1241&view=1up&seq=265"><em>American Journal of Photography</em> écrivait</a> : « la photographie n’a probablement pas été aussi utile dans aucun autre domaine scientifique, et certainement dans aucune branche de la science astronomique, que dans l’étude des éclipses solaires ».</p>
<p>Comme le notent les rédacteurs, la photographie peut certainement façonner notre compréhension du monde, contribuer à créer de nouvelles connaissances et fournir des indications précieuses sur la nature de l’univers. </p>
<p>Mais il y a aussi une limite à ce que la photographie peut faire. L’expérience d’une éclipse solaire va au-delà du visible : les <a href="https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impact-recherche/5-vrais-ou-faux-sur-leclipse-totale/">températures chutent</a>, le <a href="https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impact-recherche/des-animaux-sont-perturbes-par-une-eclipse-solaire-vrai/">comportement des animaux non humains peut soudainement changer</a> et de nombreuses personnes font état de <a href="https://www.cbc.ca/player/play/1.7149511">réactions émotionnelles ou spirituelles inattendues</a>.</p>
<h2>De nombreuses réponses visuelles et artistiques</h2>
<p>En outre, il existe une longue tradition d’enregistrement des éclipses sur <a href="https://doi.org/10.1038/508314a">différents supports visuels</a>. Par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1017/S1743921314004621">dynastie Shang en Chine fournit un enregistrement visuel des éclipses solaires</a> par le biais d’une écriture ancienne gravée <a href="https://asia-archive.si.edu/learn/chinas-calligraphic-arts/oracle-bone-script">sur des os d’oracle</a>.</p>
<p><a href="https://smarthistory.org/peter-paul-rubens-elevation-of-the-cross/">Un tableau de 1610 de Peter Paul Rubens, intitulé « L’élévation de la croix »</a>, illustre la longue et complexe histoire des liens entre des phénomènes tels que les éclipses et les croyances religieuses. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le peintre américain Howard Russell Butler a réalisé une série de peintures dans lesquelles il se concentrait sur les <a href="https://hyperallergic.com/393623/howard-russell-butler-eclipse-paintings/">aspects de l’éclipse qu’il était difficile de saisir avec la photographie en noir et blanc — la qualité changeante de la lumière et des couleurs du ciel</a>. </p>
<p>La <a href="https://artmuseum.princeton.edu/transient-effects/eclipses-art/blackstar">vidéo accompagnant <em>Black Star</em> de David Bowie</a> (2016) s’ouvre sur une éclipse solaire totale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kszLwBaC4Sw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de la chanson « Black Star » de David Bowie.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit d’une imagerie visuelle évocatrice, qui complète les thèmes de la chanson relatifs à la mortalité, tout en faisant un clin d’œil aux interprétations anciennes de l’éclipse, comme symbole d’un malheur imminent. Ce symbolisme était d’autant plus poignant qu’il s’agissait du titre du dernier album studio de Bowie.</p>
<p>Ces types de réponses artistiques aux événements célestes mettent en avant l’interprétation personnelle et les réactions émotionnelles qu’ils suscitent. Elles mettent également en évidence et reflètent les significations sociales, culturelles et spirituelles associées à une éclipse solaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226702/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Keri Cronin a déjà reçu des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amy Friend ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des aspects techniques, une photographie réussie de l’éclipse constitue un rappel durable de l’émerveillement et du sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que nous.Amy Friend, Associate professor, Visual Arts Department, Brock UniversityKeri Cronin, Professor, History of Art & Visual Culture, Brock UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2258392024-03-26T16:24:16Z2024-03-26T16:24:16ZLes éclipses totales de Soleil constituent une occasion de s’intéresser à la science, à la culture et à l’histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581957/original/file-20240311-16-li8vda.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3724%2C2146&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De tout temps, les éclipses ont inspiré les sociétés à comprendre le cosmos et ses événements.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 8 avril 2024, une éclipse solaire totale se produira au Canada. C’est une occasion de vivre une expérience exceptionnelle, d’apprendre et de prendre part à l’excitation et à l’émerveillement. Des chercheurs ont expliqué comment profiter en toute sécurité de cet événement unique, plutôt que de se terrer à l’intérieur.</p>
<p>À peu près tous les 18 mois, le Soleil, la Lune et la Terre s’alignent parfaitement, et il se trouve un endroit sur notre planète <a href="https://eclipse.gsfc.nasa.gov/SEatlas/SEatlas.html">où l’on peut observer une éclipse solaire</a>. La Lune projette alors une ombre d’environ 250 km de large sur la Terre.</p>
<p>Cette obscurité diurne éphémère constitue une expérience que l’on ne voit habituellement qu’une seule fois dans sa vie. Toronto a connu sa dernière éclipse solaire totale le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+19250124&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69660&Lng=-79.41391&Elv=162.0&Zoom=8&LC=1">24 janvier 1925</a> ; la prochaine s’y produira dans 120 ans, le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+21441026&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69629&Lng=-79.29982&Elv=127.0&Zoom=8&LC=1">26 octobre 2144</a>.</p>
<p>Notre compréhension des éclipses totales de Soleil et notre réaction à celles-ci ont énormément évolué. Ces phénomènes étaient autrefois considérés comme des présages cosmiques qui annonçaient la mort des rois, de bonnes récoltes ou la nécessité de conclure de nouveaux traités territoriaux. Aujourd’hui, elles offrent une occasion unique de réfléchir à la nature physique de l’univers et au privilège cosmique d’assister à l’alignement de la Lune et du Soleil.</p>
<h2>Éclipses et développement des connaissances</h2>
<p>En raison de l’obscurité soudaine qu’elles provoquent, les éclipses solaires <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2015-03-17/pourquoi-avons-nous-peur-des-eclipses-f5dc6f2a-9aac-4c7a-ac20-b2ba1321592f">ont longtemps été perçues comme des événements catastrophiques</a>. De nombreuses sociétés ont élaboré des récits <a href="https://www.britannica.com/list/the-sun-was-eaten-6-ways-cultures-have-explained-eclipses">pour expliquer ces manifestations inhabituelles</a>, souvent empreints de peur et de violence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="illustration d’un démon brun doré mangeant un disque jaune sur un fond violet" src="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Peinture murale qu’on peut admirer au temple Wat Phang La, dans le sud de la Thaïlande, et qui représente le démon hindou Rahu avalant la Lune.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/anandajoti/10684670235/">(Anandajoti Bhikkhu/Flickr)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Dans les mythes indiens, on évoque un <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2017/lifestyle/eclipse-myths/">démon immortel qui cherche à se venger de Vishnu en mangeant le Soleil et la Lune</a>. Les Pomo, peuple autochtone du nord de la Californie, parlent d’un <a href="https://www.exploratorium.edu/eclipse/eclipse-stories-from-around-the-world">immense ours en colère qui tente d’avaler le Soleil</a>. Dans d’autres mythologies, les éclipses étaient considérées comme des forces célestes qui nous enlevaient notre source de chaleur et de vie.</p>
<p>Les croyances relatives aux éclipses ont incité les astronomes grecs de l’Antiquité à créer le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0103275">mécanisme d’Anticythère</a>, un ordinateur analogique complexe qui prédisait le moment des futures éclipses avec une précision de 30 minutes. Ces prédictions étaient cruciales pour la société grecque, car une éclipse solaire pouvait annoncer la mort du roi, et l’on nommait alors un pseudo-empereur qui serait tué à sa place.</p>
<p>Nos réactions aux éclipses ont évolué, et nous comprenons mieux désormais le système solaire et l’univers dans son ensemble.</p>
<p>Lors de l’éclipse du 18 août 1868, les astronomes Norman Lockyer et Pierre Janssen ont étudié la lumière de la couronne solaire et <a href="https://doi.org/10.1007/978-1-4614-5363-5">découvert un nouvel élément chimique</a>. Cet élément a été baptisé hélium, d’après le mot grec désignant le Soleil.</p>
<p>Le 29 mai 1919, Frank Watson Dyson et Arthur Stanley Eddington ont observé la <a href="https://doi.org/10.1098/rsta.1920.0009">trajectoire courbe de la lumière des étoiles</a> pendant une éclipse totale de Soleil, donnant lieu au premier <a href="https://timesmachine.nytimes.com/timesmachine/1919/11/10/118180487.pdf">« triomphe de la théorie d’Einstein »</a> de la relativité générale.</p>
<p><a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="anciens fragments carrés verdâtres" src="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fragments d’un mécanisme d’Anticythère exposés dans un musée d’Athènes, en Grèce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Vivre une éclipse</h2>
<p>Contrairement à divers autres événements cosmiques, tels que les pluies de météorites ou les comètes, qui nécessitent des télescopes coûteux ou des <a href="https://darksky.org/what-we-do/international-dark-sky-places/">endroits où le ciel est sombre</a>, les éclipses sont accessibles à tous. Pour la regarder sans prendre de risques, il suffit de se munir de lunettes spéciales ou d’une <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/jeunes-educateurs/activites/experiences-amusantes/projecteur-eclipse.asp">boîte en carton</a>.</p>
<p>De nombreuses universités canadiennes profitent de l’éclipse solaire totale pour inciter les gens à suivre ce phénomène astronomique en toute sécurité. À titre d’exemple, l’Université Queen’s de Kingston, au Canada, met à disposition du public <a href="https://www.queensu.ca/physics/2024-total-solar-eclipse/eclipse-glasses">120 000 lunettes</a> pour permettre une observation sûre de l’éclipse.</p>
<p>Dans une optique éducative, des centaines <a href="https://exoplanetes.umontreal.ca/emplois-formation/ambassadrices-et-ambassadeurs-de-leclipse-programme-de-formation/#:%7E:text=Notre%20programme%20d%E2%80%99Ambassadrices%20et,les%20observer%20en%20toute%20s%C3%A9curit%C3%A9">d’ambassadeurs de l’éclipse</a> se rendent dans les écoles pour discuter avec les élèves de l’importance de vivre cette expérience d’une manière riche et sans risques. Ils animent des ateliers sur la construction de boîtes à éclipse solaire servant à projeter l’image du Soleil pendant l’éclipse, expliquent les phénomènes uniques que l’on peut remarquer pendant les éclipses, telles que les <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/astronomie-eclipse-soleil-plus-belles-images-657/photos-grains-baily-ces-perles-lumiere-3901/">grains de Baily</a> et l’<a href="https://www.nasa.gov/image-article/diamond-ring-effect/">effet d’anneau de diamant</a>, et aident les gens à découvrir l’immensité du système solaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un cercle noir entouré d’un anneau lumineux plus épais dans le quadrant inférieur droit" src="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’effet des grains de Baily se produit lorsque des irrégularités dans le relief accidenté de la Lune permettent à la lumière du Soleil de passer à certains endroits juste avant la phase totale de l’éclipse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.nasa.gov/resource/baileys-beads/">(Aubrey Gemignani/NASA)</a></span>
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<p>Ces initiatives démontrent la valeur universelle de la science et encouragent le développement de la curiosité scientifique hors des salles de classe et des institutions.</p>
<p>L’éclipse d’avril est non seulement l’occasion d’inspirer une nouvelle génération de scientifiques, mais elle sert également à faire progresser les connaissances scientifiques. Contrairement aux expériences de Dyson, d’Eddington et de Lockyer qui se limitaient au monde universitaire, les institutions d’aujourd’hui mobilisent le public pour mener des expériences de science citoyenne.</p>
<p>Lancé par la NASA, le <a href="https://eclipsemegamovie.org/goals">projet Eclipse Megamovie</a> utilisera des photos prises pendant la totalité de l’éclipse solaire pour étudier la couronne solaire. En 2017, des images prises pendant une éclipse totale ont permis aux chercheurs de détecter un nuage de plasma dans la couronne solaire. L’éclipse de 2024 sera une occasion de l’étudier plus en détail.</p>
<p>Toute personne disposant d’un appareil photo reflex numérique et d’un trépied peut soumettre une photo de l’éclipse solaire totale au projet Eclipse Megamovie. Les données publiques collectées pour l’éclipse de 2024 dépasseront de loin ce qui pourrait être accompli par une seule expérience ou en un seul lieu.</p>
<p>L’éclipse solaire totale d’avril, et d’autres à venir, nous rappelleront que la science est passionnante et inspirante, et que l’expertise scientifique a une grande valeur universelle. Une telle coïncidence céleste est l’occasion de nouer un dialogue avec les collectivités et de discuter de l’origine et de la mécanique de notre système solaire, tout en associant le public à la découverte scientifique au moyen d’images recueillies auprès de la population.</p>
<p>Il ne reste plus qu’à espérer un ciel dégagé et à s’émerveiller une fois de plus devant le cosmos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225839/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nikhil Arora reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mark Richardson est basé à l'Institut canadien de recherche en astroparticules Arthur B. McDonald, qui a reçu un financement du Fonds d'excellence en recherche du Canada.</span></em></p>Les éclipses ont inspiré des mythes, des prédictions et des découvertes scientifiques. L’éclipse solaire totale du 8 avril est une occasion unique de s’intéresser à la science et au cosmos.Nikhil Arora, Postdoctoral fellow, Physics, Engineering Physics & Astronomy, Queen's University, OntarioMark Richardson, Manager for Education and Public Outreach, Adjunct Professor of Physics and Astronomy, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260312024-03-19T16:58:05Z2024-03-19T16:58:05Z« Djadja » cause bien français ou pourquoi Aya Nakamura représente aussi la pluralité de la France<p>Aya Nakamura, chanteuse franco-malienne à l’aura internationale – elle est l’artiste francophone la plus écoutée au monde –, a été la cible de propos racistes de la part de membres de l’extrême droite, suscitant <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/03/15/polemique-aya-nakamura-aux-jo-le-parquet-de-paris-ouvre-une-enquete-apres-un-signalement-de-publications-racistes-visant-la-chanteuse_6222236_3246.html">l’ouverture d’une enquête</a> par le parquet de Paris il y a deux jours.</p>
<p>Cette polémique enfle depuis quelques semaines après une <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/03/09/le-choix-d-aya-nakamura-pour-la-ceremonie-d-ouverture-des-jeux-olympiques-de-paris-2024-souleve-des-enjeux-politiques-qui-la-depassent_6221072_3246.html">déclaration d’Emmanuel Macron</a> concernant la participation de la chanteuse plusieurs fois primée (dont les <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/victoires-de-la-musique-2024-aya-nakamura-sacree-artiste-feminine-10-02-2024-QWM4NYHHGNBRRMONA3TY5RTIUQ.php">Victoires de la musique 2024</a>) à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques où elle interpréterait une chanson d’Édith Piaf.</p>
<p>Cette hypothèse a suscité des <a href="https://theconversation.com/nostalgie-reactionnaire-et-politique-la-fabrique-dune-memoire-fantasmee-180609">réactions de la droite et de l’extrême droite</a>, surtout du parti « Reconquête » et d’un <a href="https://theconversation.com/comment-les-groupuscules-dextreme-droite-se-recomposent-apres-generation-identitaire-209430">groupuscule d’ultradroite</a> « Les Natifs » qui a déployé une <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/people-culture/ici-c-est-paris-pas-le-marche-de-bamako-aya-nakamura-qui-pourrait-chanter-aux-jo-ciblee-par-l-extreme-droite_AD-202403110620.html">banderole</a> : « Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako », faisant référence au refrain de sa chanson phare, « Djadja ».</p>
<p>Un sondage réalisé le 10 mars par <a href="https://www.odoxa.fr/sondage/aya-nakamura-aux-jo-une-mauvaise-idee-pour-63-des-francais">Winimax RTL</a> révèle que 63 % des Français seraient opposés à l’idée que la chanteuse puisse interpréter Édith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des JO. Les arguments avancés sont les suivants : les Français n’aiment pas ses chansons (73 %) ; elle ne représente pas la musique française (73 %), et encore moins la jeunesse (60 %). D’autres Français déplacent la polémique <a href="https://theconversation.com/la-defense-de-la-langue-francaise-un-mythe-a-revisiter-158450">sur le terrain linguistique</a> ; c’est le cas du député RN du Nord, Sébastien Chenu qui considère qu’Aya Nakamura ne valorise pas la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9Wqrx8Q0GhQ">langue française</a> ou de <a href="https://theconversation.com/marion-marechal-lheritiere-qui-bouscule-les-codes-du-champ-politique-154524">Marion Maréchal</a> qui <a href="https://www.jeanmarcmorandini.com/article-565360-jo-2024-la-violente-charge-de-marion-marechal-contre-aya-nakamura-sur-bfmtv-elle-ne-chante-pas-francais-ce-n-est-ni-notre-langue-ni-notre-culture-video.html">déclare</a> qu’elle « ne chante pas en français. Ce n’est ni notre langue ni notre culture. »</p>
<p>Pourtant, le premier titre de la chanteuse, « Djadja », sorti en avril 2018, est devenu le « tube de l’été » en traversant les frontières belges, suisses, autrichiennes, allemandes, etc.</p>
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<figcaption><span class="caption">La chanson « Djadja », 2018, a cumulé 951 millions de vues sur YouTube.</span></figcaption>
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<p>Aux Pays-Bas, « Djadja » a pris la tête des ventes, ce qui était une première depuis 1961 où Édith Piaf avait réussi cet exploit avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FtvJbAkVgbc">« Je ne regrette rien »</a>. Le clip de « Djadja » a cumulé 951 millions de vues sur YouTube. Depuis, la chanteuse a atteint plus de 9 millions d’auditeurs par mois et est l’artiste française la plus écoutée sur Spotify.</p>
<p>Pourquoi Nakamura ne peut donc pas, selon certains, « représenter la France » aux JO ? Maltraiterait-elle à ce point la langue française ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-beyonce-a-contribue-a-la-diffusion-des-cultures-africaines-188477">Comment Beyoncé a contribué à la diffusion des cultures africaines</a>
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<h2>La langue est identitaire</h2>
<p>On sait comme la langue est identitaire. Si la France s’enorgueillit de sa francophonie – en témoigne l’inauguration en octobre 2023 de la <a href="https://www.lemonde.fr/cite-internationale-de-la-langue-francaise/article/2023/10/18/la-langue-francaise-prend-ses-quartiers-au-chateau-de-villers-cotterets_6195169_391.html">Cité internationale de la langue française</a> –, elle se réjouit de ce que ce concept instaure une barrière imaginaire entre le <a href="https://www.sgdl.org/sgdl-accueil/presse/presse-acte-des-forums/l-ecrivain-dans-l-espace-francophone/1171-lespace-francophone-pourquoi">français du dehors</a> – « exotique »- et le français du <a href="https://www.lepoint.fr/histoire/vous-avez-dit-langue-de-moliere-11-01-2022-2459944_1615.php">dedans</a> – assimilé à la langue de Molière.</p>
<p>En ce sens, Aya Nakamura aurait toute latitude pour chanter en français à Bamako, mais le faire à Paris, dans une cérémonie qui engage l’image de la France, devient pour certains, une hérésie.</p>
<p>Les textes d’Aya Nakamura sont en effet parsemés de mots issus d’autres contextes linguistiques. On pense ainsi à des termes <a href="http://www.inalco.fr/langue/bambara-mandingue">bambara</a> (<a href="https://dictionnaire.orthodidacte.com/article/definition-djadja">« djadja »</a>) ou de l’argot ivoirien (« tchouffer »), mais aussi le verlan à partir de mots français (« tit-pe ») ou anglais (« de-spi » pour « speed ») ou encore quand elle a recourt à des expressions argotiques très contemporaines (« bails », « seum », « afficher quelqu’un », « c pas mon délire », « genre »). Elle utilise aussi des structures qui tordent la syntaxe (« donne-moi douceur » ; « il me voulait cadeau »). Or ces usages s’inscrivent dans une dynamique linguistique qui ne lui est pas spécifique.</p>
<p>Comme tous les poètes, écrivains et chanteurs, elle <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2022/10/23/le-rap-est-un-braquage-de-la-langue-c-est-de-la-poesie-qui-s-ecoute-comment-les-rappeurs-reveillent-le-francais_6146973_4497916.html">« invente » une « outre-langue »</a>, c’est-à-dire une langue neuve pour réveiller la langue commune. Le pseudonyme « Piaf » (petit oiseau) d’<a href="https://musique.rfi.fr/artiste/chanson/edith-piaf">Édith Gassion</a> vient aussi de l’argot et on sait que la chanteuse populaire, comme bien d’autres (France Gall) n’a pas boudé son plaisir de couper ou mixer les mots (« chand » < « marchand » ; « cré » < sacré ; cézigues < ces zigues) ni de jouer sur les <a href="https://www.researchgate.net/publication/366719034_Le_francais_sauvage_dans_les_chansons_d%E2%80%99Edith_Piaf_-_un_apercu_didactique.">consonances et rythmes</a> (« padam padam »).</p>
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<h2>« Daronne », argot du XVIIIᵉ siècle</h2>
<p>Partout, à côté d’une langue académique, il existe des parlers populaires créatifs, fondés sur des néologismes lexicaux ou sémantiques et divers jeux de langage. Le sens d’un mot comme <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mots-bitume/daron.html">« daronne »</a> qui, dans le parler des jeunes, signifie « la mère » n’a pas été inventé dans les cités. Au XVIII<sup>e</sup> siècle, il existait déjà. Au XIX<sup>e</sup> siècle, il a le sens de « patronne de bar », avant d’être repris par le milieu prolétarien du XX<sup>e</sup> siècle pour désigner la mère.</p>
<p>On retrouve, par ailleurs, dans les textes de la chanteuse, des <a href="https://classiques-garnier.com/pour-une-linguistique-de-l-intime-habiter-des-langues-neo-romanes-entre-francais-creole-et-espagnol.html">mots du créole ou du français antillais</a> (« boug » ; « bail » qui vient de « bagay » > « bahay »> « bail », en créole : « chose ») ; « dachine », « parler sur quelqu’un »), des mots anglais, espagnols, etc. La musique – le rap en particulier – est un <a href="https://www.booska-p.com/musique/actualites/la-culture-hispanique-dans-le-rap-francais/">puissant brasseur</a> de langues et de mots d’ici et d’ailleurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Beyonce, Feat Jay-Z, « déja vu ».</span></figcaption>
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<p>La langue française est fécondée par les mots venus des terres qu’elle a colonisées, mais aussi par ceux de l’anglais et de l’espagnol « globalisés ». Elle colonise aussi les mots des chansons d’ailleurs : en témoigne le titre « Deja vu » de plusieurs chansons différentes (celles de Post Malone, Justin Bieber, Olivia Rodrigo, Beyoncé, Shakira), écoutées par plusieurs millions d’auditeurs dans le monde.</p>
<h2>« Y à R »</h2>
<p>Les réseaux sociaux ont bouleversé les pratiques linguistiques par le boom des formes abrégées. Dans « Djadja », Aya Nakamura recourt à « Y à R » pour « il n’y a rien » mais aussi des formes telles que « déter » pour « déterminé » ; « À c’qui paraît » ou « askip » : à ce qu’il paraît).</p>
<p>Elle invente parfois son propre langage (« pookie », « tu dead ça ») avec une cohérence d’ensemble, tout en reflétant des <a href="https://www.parismatch.com/People/Aya-Nakamura-saluee-par-un-depute-pour-sa-reinvention-de-la-langue-francaise-1713022">usages bien implantés en France</a>, et pas seulement dans les cités.</p>
<p>Ainsi, « Tu dead ça » renvoie à « tuer quelque chose » qui, en argot, signifie « assurer ». Le verbe « dead », perçu comme plus expressif, est mis pour « tuer ».</p>
<p>S’insèrent aussi des archaïsmes de la <a href="https://www.cairn.info/revue-langages-2016-3-page-71.htm">France continentale</a> qui sont des mots encore vivaces dans la francophonie : « catin » (‘prostituée’), « palabre » (très utilisé dans le français de l’Afrique subsaharienne), « louper le coche », etc. Cette façon de tordre les mots, de <a href="https://www.rtbf.be/article/djadja-de-aya-nakamura-une-chanson-sur-l-empowerment-des-filles-aujourd-hui-10156859">mêler</a> des idiomes différents, de jouer avec les sons n’est pas propre à Aya Nakamura.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jacques Dutronc, « Merde in France », 1984 (INA).</span></figcaption>
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<p>On pense ainsi à Jacques Dutronc avec « Merde in France », <a href="https://www.la-croix.com/Culture/Musique-comment-Serge-Gainsbourg-enrichi-langue-francaise-2023-02-11-1201254764">Serge Gainsbourg</a>, ou encore Plastic Bertrand avec « Sentimentale moi » : « donne-moi amour émoi… donne-moi amour et moi… t’es branchée transistor », « t’es branché eskimo ».</p>
<h2>Un déni d’universalité ?</h2>
<p>Pour rappel, la vitalité de la langue française est due en grande partie aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/261829614_La_Langue_des_faubourgs_et_des_banlieues_de_l%E2%80%99argot_au_francais_populair">parlers populaires et à l’argot</a>. Sans cette créativité continue, le français perdrait en vitalité et ne serait plus cette langue de tous les continents qui l’ont fécondé.</p>
<p>La mauvaise foi ou méconnaissance de « Reconquête » et leurs semblables est flagrante. Or, ce sont les mêmes qui quémandent des bulletins de vote au moment des urnes en « outre-mer » et qui ont la nostalgie de la <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2016-2-page-77.htm">colonisation triomphante</a>.</p>
<p>Le français féconde les autres langues et est fécondé en retour. Aya Nakamura ne chante pas moins en français que les autres, sauf qu’elle n’a peut-être pas la « bonne couleur », et se voit d’emblée assignée au monde de la cité. Que se cache-t-il donc derrière ce rejet, entre racisme et classisme ?</p>
<p>Face à ces réactions jugées « racistes » par Aya Nakamura elle-même (« Raciste mais pas sourd » a répondu le lendemain la <a href="https://www.bfmtv.com/people/musique/vous-pouvez-etre-racistes-mais-pas-sourds-aya-nakamura-repond-au-collectif-identitaire-les-natifs_AV-202403100389.html">chanteuse sur X</a>, et aussi par nombre de <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/aya-nakamura-cible-de-lextreme-droite-5-minutes-pour-comprendre-la-polemique-autour-de-son-potentiel-show-aux-jo-12-03-2024-QQG35Z73PVE5BJYWTFRPB32DTE.php">personnalités</a>, il faut voir la subsistance de représentations de <a href="https://www.politis.fr/articles/2024/03/aya-nakamura-et-le-pays-ou-la-race-nexiste-pas">l’imaginaire colonial</a> selon lesquelles un « Noir » n’a pas accès à l’universel.</p>
<p>Comme nombre de « non Blancs », il se trouve enfermé dans la seule représentation de soi et des gens de sa catégorie, avec tous les clichés associés, dignes du pitch du film <em>An American Fiction</em>, récemment primé aux Oscars.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i0MbLCpYJPA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce de <em>An American Fiction</em> de Cord Jefferson.</span></figcaption>
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<p>La <a href="https://www.vivelapub.fr/100-ans-de-racisme/">publicité</a> l’illustre bien : au « Noir » sont associés les « objets » noirs ou marron (café, chocolat), c’est-à-dire ce à quoi on l’assimile (une couleur) ou ce à quoi il est réduit (la banane, la fête, le sexe), mais jamais ce qui est perçu comme neutre ou valorisant : un Noir au volant d’une Porsche par exemple.</p>
<h2>Franchir la ligne de couleur ?</h2>
<p>C’est comme si la « couleur » du « Noir » le prédéterminait à ne pas pouvoir « représenter » l’humanité. Il ne peut, selon certains, représenter tous les êtres humains, et encore moins, les « Blancs ». Ce n’est pas par hasard que, dans la langue, l’expression « gens de couleur », d’origine coloniale, renvoie au <a href="https://journals.openedition.org/lrf/1403">« préjugé de couleur »</a> qui délimite une ligne de « couleur » entre les « Blancs » et les « non Blancs ».</p>
<p>La couleur devient un privilège qui conditionne le pouvoir ou non de représenter <a href="https://journals.openedition.org/cedref/428">l’Humain dans son entier</a>, droit refusé auxdits « gens de couleur ». C’est pourquoi une chanteuse comme Aya Nakamura peut se voir dénier le droit de représenter la France, et non pas Edith Piaf qui, malgré ses origines kabyles, a franchi la ligne de couleur.</p>
<p>Pour être « Blanc », point besoin d’être né « Blanc », il faut juste être perçu comme tel, de même que, naguère, pour franchir la ligne du « préjugé de noblesse », point n’était besoin d’être né noble, il suffisait d’être anobli.</p>
<p>Le « préjugé de couleur » reste tenace et les mêmes causes ne créent pas les mêmes effets : Piaf jouant avec le français est une icône, Aya Nakamura faisant de même « ne parle pas français ». L’égérie mondiale de L’Oréal ne peut pas représenter la France, de même que <a href="https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-l-equipe-de-france-de-football-un-melange-culturel_5548218.html">l’équipe de France de football de 2022</a> ne le pouvait pas non plus, selon certains. Craint-on que le « cocorico » ne soit plus l’apanage du seul coq gaulois ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226031/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Corinne Mencé-Caster ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour certains, Aya Nakamura « maltraiterait » la langue française. La linguistique montre au contraire que ses textes représentent pleinement la diversité et richesse du français contemporain.Corinne Mencé-Caster, Professeure de linguistique hispanique et romane, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251192024-03-17T15:33:11Z2024-03-17T15:33:11ZLes animaux aussi ont leurs traditions, et elles sont menacées par l’activité humaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582003/original/file-20240314-24-46rzl4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Premier exemple de culture chez les animaux, les macaques japonais développent des comportements spécifiques à certains groupes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Dans un monde où la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> est menacée, la découverte que les animaux possèdent leurs propres cultures bouleverse notre compréhension de la nature. Depuis l’observation à la fin des années 1940 de comportements culturels chez les macaques japonais, le catalogue des espèces présentant des comportements transmis socialement n’a cessé d’augmenter. Au même titre qu’une tradition humaine doit être sauvegardée, nous avons le devoir de protéger les cultures animales. Les programmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conservation-27945">conservation</a> doivent désormais intégrer cette composante, mais la manière de mener ces actions de sauvegarde reste discutée.</p>
<h2>Les macaques japonais lavent leur nourriture</h2>
<p>L’arrivée en 1948 du primatologue japonais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kinji_Imanishi">Kinji Imanishi</a> sur l’île de Koshima, au Japon, marque un tournant décisif dans l’étude du comportement animal. Avec ses étudiants, il se lance dans une entreprise audacieuse : observer les macaques japonais dans leur milieu naturel pour en apprendre davantage sur les origines évolutives des sociétés humaines. Cette quête de connaissance survient dans un Japon post-Seconde Guerre mondiale, une période de reconstruction et de réflexion sur la nature humaine.</p>
<p>Le travail de terrain intensif mené par Imanishi et son équipe révèle des aspects fascinants de la vie des macaques. Leurs observations montrent que ces singes possèdent une structure sociale complexe, en clan familial et avec une hiérarchie de dominance. Mais c’est en 1952 que la découverte la plus marquante a lieu : une jeune femelle nommée Imo commence à <a href="https://youtu.be/EmB31R1NP1c?si=RRqgGB0jq8Y7MlQ-">laver des patates douces</a> dans une rivière avant de les consommer. Ce comportement est rapidement repris par ses congénères, inaugurant ainsi une forme de transmission culturelle chez les macaques. Ce concept s’étendra ensuite chez de nombreuses autres espèces animales.</p>
<h2>La culture animale</h2>
<p>La transmission du lavage de patates douces est interprétée par les chercheurs comme une manifestation de « proto-culture ». Cette découverte illustre la capacité des macaques japonais à apprendre et à transmettre des comportements novateurs, démontrant ainsi que la culture n’est pas l’apanage des humains.</p>
<p>Après cette découverte, les scientifiques vont parcourir le Japon pour découvrir d’autres traditions au sein des populations de macaques : <a href="https://youtu.be/JRJOS-ZwHSM?si=lirroPECM7sicuKM">bains dans les sources d’eau chaude</a>, <a href="https://youtu.be/ceh7yclfl68?si=BjgFDm7gbgaEvqsB">manipulation des pierres</a>, création de boules de neige, <a href="https://youtu.be/Df0lw_tBRu8">rodéo sur les cerfs</a>… Ces découvertes invitent à repenser les frontières traditionnelles entre nature et culture, et à reconnaître la présence de pratiques culturelles chez d’autres espèces que la nôtre. Elles soulignent par ailleurs une continuité dans l’évolution des comportements sociaux et culturels à travers le règne animal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un macaque dans une source chaud" src="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains macaques japonais se baignant dans les sources d’eau chaude. Ce comportement culturel n’est présent que dans un groupe de singes, à Jigokudani, Nagano.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelques années plus tard, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Goodall">Jane Goodall</a> révolutionne notre compréhension des chimpanzés, révélant l’existence de comportements culturels complexes parmi ces primates. Ses observations minutieuses en Tanzanie ont mis en lumière l’utilisation d’outils, des traditions de chasse, et des structures sociales élaborées.</p>
<p>Aujourd’hui, notre connaissance de la culture animale s’est considérablement élargie, englobant diverses espèces telles que les orangs-outans, les dauphins, les baleines, les éléphants, et certains oiseaux comme les corbeaux et les perroquets. Les orques et les suricates enseignent comment tuer des proies à leur progéniture. Même les insectes tels que les bourdons et les drosophiles présentent de la transmission d’informations et des formes de traditions.</p>
<h2>La culture, une richesse dont la valeur n’est pas à prouver</h2>
<p>L’Unesco définit la culture comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Cette définition s’applique aux cultures animales.</p>
<p>La reconnaissance des comportements culturels chez les animaux nous invite à repenser la manière dont nous valorisons et protégeons la nature. Traditionnellement, la conservation de la biodiversité a été justifiée par l’utilité écologique des espèces, leur rôle dans l’écosystème, ou leur potentiel bénéfique pour l’humanité. Cependant, cette perspective risque de négliger l’importance intrinsèque de la diversité culturelle, qui, tout comme la diversité écologique, constitue une richesse inestimable de notre planète.</p>
<p>De la même manière que nous ne devons pas chercher une valeur écologique spécifique pour justifier la préservation d’une espèce, la culture chez les animaux devrait être valorisée pour elle-même et non pas pour une valeur économique ou écologique. Ces cultures animales, dans leur complexité et leur spécificité, témoignent de l’intelligence, de l’adaptabilité, et de la profondeur sociale des espèces non humaines, offrant une nouvelle dimension à notre compréhension de la nature.</p>
<p>En somme, valoriser et préserver la diversité culturelle chez les animaux revient à reconnaître que la richesse de la nature ne se limite pas à sa valeur écologique ou économique pour l’humanité, mais réside aussi dans la complexité des sociétés non humaines et dans les cultures qu’elles développent. Cette approche élargit notre responsabilité envers la nature, nous incitant à protéger non seulement les espèces et les habitats, mais aussi les patrimoines culturels uniques qu’ils représentent. Ainsi, en préservant la diversité culturelle, nous enrichissons notre propre culture et étendons notre compréhension de ce que signifie être vivant sur cette planète.</p>
<h2>L’impact des activités humaines sur la culture animale</h2>
<p>L’impact humain sur les animaux peut être observé par la fragmentation des habitats, le changement climatique, et les interférences directes avec des activités humaines. Tout cela modifie les conditions de vie et les interactions sociales des groupes d’espèces sauvages. Ces perturbations peuvent altérer des comportements culturels transmis de génération en génération.</p>
<p>De même, la distribution de nourriture par les humains peut modifier les stratégies alimentaires traditionnelles des animaux. Cela peut les faire s’éloigner de leurs pratiques naturelles et entraîner des conséquences imprévues sur la structure sociale et le bien-être de l’espèce. Par exemple, les macaques japonais sauvages et libres mais nourris par les humains ont développé un comportement de <a href="https://youtu.be/ceh7yclfl68?si=JhqirZVBDqKMiij5">manipulation des pierres</a> pour compenser le temps à ne pas chercher par eux-mêmes la nourriture. Ce comportement se transmet de génération en génération et diffère en fonction des groupes. Au total, plus de 48 façons différentes de manipuler ces pierres ont été observées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un macaque est penché vers le sol, où il prend des pierres entre ses mains" src="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les macaques japonais nourris par des humains ont développé sur leur temps libre des comportements culturels de manipulation des pierres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le changement climatique et l’anthropisation des milieux soulèvent la question de la conservation de la diversité animale, génétique mais aussi culturelle, et de la préservation de cette dernière. Tout comme le relativisme culturel humain, c’est-à-dire l’idée que les croyances et les pratiques d’une personne doivent être comprises en fonction de sa propre culture, préconise une approche non interventionniste pour préserver la diversité des cultures humaines, une approche similaire pourrait être envisagée pour les cultures animales. Elle mettrait l’accent sur la protection des habitats, la réduction des interférences humaines, et le soutien aux processus écologiques et culturels naturels.</p>
<h2>Protéger et sauvegarder les cultures animales</h2>
<p>Le défi réside dans l’équilibre entre le respect de l’autonomie des cultures animales et la nécessité d’intervenir pour prévenir les effets négatifs de l’anthropisation. La solution pourrait résider dans une interaction culturelle consciente et respectueuse. Il faut pour cela que les efforts de conservation soient soigneusement évalués pour leur impact sur les communautés animales et qu’ils intègrent une compréhension des besoins et des traditions spécifiques des espèces.</p>
<p>Récemment, l’importance de la transmission culturelle a été reconnue comme un élément clé à conserver par un <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aaw3557">consortium de scientifiques éthologues</a>, allant au-delà de la préservation de la diversité génétique pour la survie des espèces. Le <a href="https://osf.io/svg7x/download">« capital animal »</a> culturel de chaque espèce doit être inclus dans tout plan de conservation au même titre que le « capital animal » matériel ou écologique. Les instruments juridiques internationaux, tels que la <a href="https://whc.unesco.org/en/glossary/480">Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage</a>, jouent un rôle essentiel dans la conservation ciblée de diverses espèces en prenant explicitement en compte leur socialité et leurs cultures.</p>
<p>La conservation de la culture animale implique notamment la protection des individus clés, qui sont dépositaires de connaissances socialement transmises, telle la matriarche chez les éléphants, pour ne donner qu’un exemple. Ces efforts de conservation cherchent aussi à améliorer les programmes de réintroduction en gérant stratégiquement les connaissances sociales des animaux, c’est-à-dire en tâchant de ne pas perturber les diversités culturelles en mixant des populations différentes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un éléphant boit avec sa trompe dans une mare" src="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chez les éléphants d’Afrique, les individus âgés sont dépositaires du savoir, en particulier les matriarches qui peuvent emmener les clans vers des points d’eau en temps de sécheresse alors qu’elles n’y sont pas allées depuis plusieurs années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cedric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Mobiliser de nombreux acteurs</h2>
<p>Il est de plus crucial d’impliquer une diversité de parties prenantes, y compris des scientifiques, dont des éthologues, des responsables de parcs, des responsables gouvernementaux, des communautés locales et des ONG dans la définition des objectifs de conservation et dans le développement de stratégies d’action.</p>
<p>Le documentaire <a href="https://youtu.be/i0CIX8HOkIk"><em>Saru, une histoire de transmission culturelle</em></a> offre une fenêtre sur cette richesse culturelle. Ce film explore avec une équipe internationale d’éthologues les processus de transmission culturelle chez le macaque japonais, espèce habitant différents milieux de la grande île.</p>
<p>Ce film est un pas important vers une meilleure compréhension et appréciation de la culture animale. En tant que société, nous avons la responsabilité de protéger ces cultures, non seulement pour préserver la biodiversité, mais aussi pour enrichir notre propre compréhension du monde naturel. L’observation de ces cultures animales peut améliorer notre cohabitation avec les autres vivants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Sueur est membre de l’Institut Universitaire de France, membre du conseil scientifique de Reworld Media et de la fondation LFDA. Il a reçu des financements de la Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires (MITI) du CNRS ainsi qu'un financement IDEX de l'université de Strasbourg. Il est conseiller scientifique du film "Saru une histoire de transmission culturelle" mentionné dans l'article ainsi que du livre "Les péripéties d'un primatologue" publié cette année aux Editions Odile Jacob et qui traite en partie de ce sujet.</span></em></p>La découverte de comportements culturels chez d’autres espèces que la nôtre questionne notre rapport au vivant et la façon de protéger les animaux.Cédric Sueur, Maître de conférences en éthologie, primatologie et éthique animale, CNRS, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251362024-03-06T13:16:41Z2024-03-06T13:16:41ZStyle Congo : comment deux dictateurs ont façonné l'art, l'architecture et les monuments de la RDC<p><em>Quel genre d'art les régimes totalitaires laissent-ils derrière eux ? Un nouveau <a href="https://muse.jhu.edu/book/113312">livre</a> <a href="https://press.umich.edu/Books/C/Congo-Style2">gratuit</a> intitulé Congo Style : From Belgian Art Nouveau to African Independence explore la culture visuelle, l'architecture et les sites patrimoniaux du pays aujourd'hui connu sous le nom de République démocratique du Congo (RDC). Pour ce faire, il explore deux régimes aujourd'hui célèbres : le règne du <a href="https://www.britannica.com/biography/Leopold-II-king-of-Belgium">roi Léopold II</a> (1885-1908) sur la colonie belge du Congo et le Zaïre totalitaire de <a href="https://www.britannica.com/biography/Mobutu-Sese-Seko">Mobutu Sese Seko</a>, établi lorsqu'il a pris le pouvoir par un coup d'État militaire en 1965 après cinq années de bouleversements politiques. Nous avons posé cinq questions à Ruth Sacks, artiste et chercheuse en culture visuelle, à propos de son livre.</em></p>
<h2>Quel était votre objectif ?</h2>
<p>Il y a des années, alors que j'étais en Belgique pour une résidence artistique, j'ai commencé à m'intéresser au mouvement moderniste précoce <a href="https://www.britannica.com/art/Art-Nouveau">art nouveau</a> (1890-1914). En architecture et en art, cette période fait partie du <a href="https://www.britannica.com/art/Modernism-art">modernisme du XXe siècle</a>, connu pour son esthétique minimale et épurée, influencée par les nouvelles technologies et l'avènement des machines. L'Art nouveau se distingue par son caractère très décoratif, tout en utilisant les nouveaux matériaux de construction que sont le fer et le verre.</p>
<p>Ce qui m'intéressait, c'était la nature coloniale de l'art nouveau. L'art nouveau s'est accompagné d'un sens très fort de la définition des États-nations nouvellement formés (ou unifiés) en Europe de l'Ouest. C'est le style utilisé lors des <a href="https://www.britannica.com/topic/worlds-fair">expositions universelles</a>. Il s'agissait de grandes expositions présentant les réalisations scientifiques et culturelles des pays occidentaux, y compris l'acquisition de colonies. </p>
<p>Un pavillon colonial de style art nouveau à l'exposition universelle de Bruxelles en Belgique en 1897 a contribué à établir l'un des noms de l'art nouveau belge à savoir le <a href="https://www.theparliamentmagazine.eu/news/article/art-nouveau-year-brussels">“Style Congo”</a>. </p>
<p>Ce style se distingue par ses formes végétales et ondulantes et constitue aujourd'hui une attraction touristique majeure. Les années au cours desquelles il a été implanté à Bruxelles (vers 1890-1905) ont directement coïncidé avec le régime brutal du roi Léopold II de Belgique au Congo. </p>
<p>En voyageant en RDC, j'ai trouvé des bâtiments Art nouveau datant du début de la période coloniale. Mais ce sont les sites d'État du premier régime de Mobutu Sese Seko (1965 à 1975) qui ont retenu mon attention. Comme l'art nouveau, ils sont imprégnés d'un sentiment de <a href="https://oxfordre.com/politics/display/10.1093/acrefore/9780190228637.001.0001/acrefore-9780190228637-e-2039">nationalisme</a> et visent à impressionner. Par exemple, la Tour Limete (utilisée à partir de 1974) sur le Boulevard Lumumba est un monument massif destiné à être un musée célébrant la culture nationale. Une tour composée d'un énorme tube de ciment brut est surmontée d'une couronne organique en forme de fleuron, avec une passerelle incurvée partant de ses sections inférieures arrondies.</p>
<p>Mon expérience de la capitale, Kinshasa, m'a fait repenser à ce que les villes étaient et pouvaient être. Des bâtiments comme la tour de l'Echangeur Limete, conçus pour des infrastructures très différentes (des systèmes européens et américains beaucoup plus ordonnés), ont subi des altérations fascinantes qui sont souvent liées à des événements historiques extrêmement violents.</p>
<p>Je ne voulais pas présenter une étude conventionnelle qui analyse uniquement la conception de l'architecture et sa fonctionnalité. Le livre tente de lire des sites comme celui-ci dans le cadre des particularités de leur ville, de ses rues, de ses plantes et de son histoire.</p>
<h2>Qu'avez-vous conclu sur la période Léopold ?</h2>
<p>À l'époque de Léopold II, le roi lui-même était considéré comme le méchant du “régime du caoutchouc rouge” au Congo. Le régime colonial belge sous Léopold II <a href="https://www.amdigital.co.uk/insights/news/red-rubber-atrocities-in-the-congo-free-state-in-confidential-print-africa">a commis des atrocités</a> liées à l'industrie du caoutchouc. (Le pavillon du Congo de 1897 était un pavillon de l’<a href="https://www.bie-paris.org/site/en/1897-brussels">Exposition universelle de Bruxelles</a> destiné à montrer comment le Congo fournissait une ressource lucrative et exotique à la Belgique). </p>
<p>Des mouvements comme la <a href="http://www.congoreformassociation.org/cra-history">Congo Reform Association</a> (principalement américains et britanniques) ont protesté contre les conditions horribles, y compris la torture et la mutilation, qui ont causé la mort d'au moins un million de Congolais. Une grande partie de l'attention s'est portée sur Léopold II lui-même et sa cupidité, ce qui a détourné l'attention du système plus large d'expansion coloniale capitaliste qui a été entièrement cautionnée par les puissances euro-américaines.</p>
<p>Léopold II n'a jamais mis les pieds au Congo, pas plus que les créateurs d'art nouveau qui ont conçu des bâtiments et des pavillons d'exposition en rapport avec le Congo. Je pense que cette distance par rapport aux réalités de la vie au Congo a permis de créer des formes fantastiques en Belgique.</p>
<h2>Qu'avez-vous conclu sur la période Mobutu ?</h2>
<p>Mobutu Sese Seko a été largement décrié par la presse euro-américaine. Ce qui est souvent ignoré, à ce jour, c'est qu'il a été <a href="https://www.theafricareport.com/58653/drc-how-the-cia-got-under-patrice-lumumbas-skin/">mis en place</a> par la Belgique et les États-Unis. Il a été dépeint comme le méchant de l'histoire africaine, réalisant la caricature ultime du kleptocrate africain, alors qu'il ne serait pas arrivé au pouvoir sans la nature du colonialisme qui l'a précédé.</p>
<p>Le colonialisme belge a suivi une logique d'extractivisme (extraire les ressources naturelles pour les exporter) qui a forcé l'économie congolaise à fournir des matières premières à l'Occident (en particulier à la Belgique), ce qui se poursuit aujourd'hui. </p>
<p>Mobutu est aujourd'hui considéré comme corrompu au Congo et sa dictature militaire était en effet brutale et contrôlait le peuple congolais par la peur. Cependant, sa réquisition d'une floraison culturelle à Kinshasa à la fin des années 1960 et au début des années 1970 a été importante. Au lieu de rejeter ce qu'il a construit comme étant uniquement l'œuvre d'un dictateur, mon livre met en lumière une partie de la complexité de cette époque et de ce que cela signifiait de célébrer l'artisanat, les formes d'art et la culture traditionnelle de l'Afrique. </p>
<p>Le processus d'appropriation des idées artistiques et des styles architecturaux euro-américains afin de célébrer l'africanité, en tant que déclaration anticoloniale, est toujours d'actualité. De nombreux monuments imposants de Mobutu sont considérés comme des objets de fierté dans la ville. </p>
<h2>Comment cela perdure-t-il aujourd'hui ?</h2>
<p>Il est bénéfique d'analyser ce qui subsiste après la chute des régimes tragiquement violents et comment leurs structures sont perçues au sein à la fois de leurs sociétés et de leur environnement immédiat. La manière dont la culture matérielle est fabriquée est aussi importante que ce qui est fabriqué. Le fait de se pencher sur les monuments et les mémoriaux, et d'examiner la manière dont ils sont entretenus dans la ville, peut apporter un éclairage souvent inattendu sur la manière dont l'histoire est racontée. </p>
<p>J'espère que ce livre restera d'actualité, car il montre qu'il est utile de décortiquer les vestiges matériels de régimes qui visaient un contrôle total, mais qui n'y sont jamais parvenus. Les associations qui se créent autour des espaces publics et des expositions ne se limitent pas aux circonstances de leur création, mais aussi à la manière dont ces récits ont été interprétés au fil du temps. Ils peuvent créer de la distance avec les gens, mais aussi susciter de la fierté. </p>
<p>Les attitudes extractivistes que je décris tout au long du livre, qui considèrent le Congo comme une ressource avec des matières premières naturelles abondantes, sont encore très présentes dans notre vie quotidienne. Le cobalt contenu dans nos smartphones, nos ordinateurs et nos voitures électriques est extrait par des ouvriers travaillant dans des <a href="https://www.paradigmshift.com.pk/cobalt-in-congo/">conditions proches de l'esclavage</a> pour répondre à notre besoin de technologie de pointe. Alors que Congo Style s'en tient à des exemples historiques à Kinshasa, le matériel construit à la suite de l'écocide colonial est le sujet principal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ruth Sacks bénéficie d'un financement du Conseil national des arts pour des recherches menées au Congo dans le cadre d'un doctorat à l'université de Witwatersrand.</span></em></p>L'art nationaliste de Mobutu Sese Seko et le style Art Nouveau du roi Léopold II perdurent de manière captivante à Kinshasa.Ruth Sacks, Senior Lecturer in Visual Art, University of JohannesburgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211802024-02-07T15:41:40Z2024-02-07T15:41:40ZLa musique improvisée, laboratoire de la démocratie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574084/original/file-20240207-32-n3itj6.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C4%2C1034%2C681&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment concilier collectivement les choix individuels? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/download/124239/jazz-double-bass-music-concert-musical-instrument-drums-lectern-free-pictures-free-photos">Needpix</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’improvisation en musique, c’est la part d’imprévu laissée libre à l’expression des musiciens. Mais comment concilier collectivement les choix individuels ? Pour improviser ensemble, les musiciens recourent souvent à un référentiel commun qui structure le collectif dans le temps. Plus ce référentiel est générique, plus il offre de possibilités. Le degré de liberté qui en résulte dépend alors de la capacité des musiciens à s’appuyer sur ce référentiel. L’improvisation est particulièrement courante en jazz où ce référentiel est une grille harmonique qui décrit les accords successifs et leur durée. Cette grille est utilisée en boucle par les musiciens pour improviser.</p>
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<p>Dans cet exemple, le compositeur, pianiste et claviériste de jazz Antoine Hervé montre comment construire une phrase mélodique en s’appuyant sur une grille constituée de 8 accords successifs et issue de la chanson <em>Les feuilles mortes</em>.</p>
<p>Une telle grille est très générique, elle ne dicte pas aux musiciens ce qu’ils doivent jouer. Elle fournit juste un support, une trame. Si on comparait cette situation à l’improvisation théâtrale, la grille reviendrait à une succession de <em>didascalies</em> à partir desquelles les acteurs devraient improviser leur texte. Avec un tel support, impossible donc de prévoir ce que joueront les musiciens ou les acteurs. D’autant qu’un tel support n’a pas valeur de prescription, mais seulement de référentiel. Les musiciens peuvent l’interpréter à leur guise. Pour un accord donné, l’improvisateur pourra choisir justement de jouer les notes de cet accord, mais il pourra aussi faire le choix d’autres notes situées au-dessus ou au-dessous, en tenant compte des accords précédents ou suivants . L’improvisateur pourra encore préférer s’écarter de l’harmonie définie par la grille et recourir à des accords de substitution. Si la capacité à s’adapter à ce référentiel est caractéristique de tout bon improvisateur, celle de transcender la structure et la récurrence de ce bouclage pour en faire émerger une nouvelle structuration, spécifique à chaque improvisation, est souvent la marque des grands improvisateurs.</p>
<p>L’un des plus grands maîtres capables de dépasser la structure des grilles d’accord est assurément <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Coltrane">John Coltrane</a>, saxophoniste de jazz et compositeur américain (1926-1967). Une phrase musicale de Coltrane, recourant à des substitutions harmoniques, est étudiée dans l’exemple ci-dessous. Alors que la grille originale ne comporte que trois accords, suggérant dans le cas présent de ne recourir qu’à une seule couleur sonore (uniquement basée sur des notes blanches), Coltrane choisit de jouer huit autres accords dont certains sont très éloignés de la grille de référence (multiples notes noires). Les couleurs sonores qui en ressortent se superposent aux couleurs de la grille originale et donnent une impression tout à fait caractéristique et saisissante.</p>
<h2>Définir un référentiel</h2>
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<p>Malgré cette capacité à dépasser les contraintes d’un tel cadre, de nombreux musiciens se sont trouvés à l’étroit dans ce type de grille et ont cherché à explorer de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Hfs48_uvrtI">nouvelles approches</a> qui leur offriraient une plus grande liberté d’expression. <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_imaginaire_musical_entre_creation_et_interpretation_mara_lacche-9782296001282-21023.html">Le degré de liberté des approches improvisées</a> qui ont été explorées est de ce fait très variables. <a href="https://www.dacapopress.com/titles/derek-bailey/improvisation/9780306805288/">L’improvisation libre</a>, sans contraintes apparentes, s’est avérée très productive, mais d’autant plus périlleuse que les musiciens sont plus nombreux, conduisant certains d’entre eux à développer <a href="https://eud.u-bourgogne.fr/musicologie/652-electrique-miles-davis-9782364413160.html">d’autres approches pour structurer les improvisations en cours de performance</a>. Mais improviser explicitement la structure collective pose un problème fondamental : comment définir un référentiel et se le communiquer en cours de jeu ?</p>
<h2>Des informations visuelles</h2>
<p>Pour cela, les musiciens se sont souvent appuyés sur une information visuelle afin d’éviter d’interférer avec le son musical. C’est le cas notamment de la pièce <em>Cobra</em> introduite par John Zorn en 1984, tirant son nom du jeu de rôle éponyme, et basée sur un <a href="https://scholar.lib.vt.edu/ejournals/JRMP/2013/schyff.pdf">ensemble de pancartes gérées principalement par un musicien-prompteur</a> endossant le rôle de chef d’orchestre au sens littéral.</p>
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<p>Équipé de ses pancartes, le prompteur choisit et fait évoluer – en cours de jeu – les liens d’interactions entre participants sans plus de précisions sur ce qui doit être joué, offrant ainsi un certain degré de liberté individuelle aux instrumentistes. A sa discrétion, le prompteur peut déléguer temporairement la direction à un musicien, sur demande. Du point de vue esthétique, l’approche permet de sauter d’une ambiance musicale à une autre de manière très dynamique et souvent radicale. Les performances sont très interactives, parfois drôles, souvent inattendues. Le niveau de liberté individuelle qui en résulte est néanmoins assez limité car l’approche est extrêmement hiérarchique. C’est que le prompteur, ou son délégué temporaire, détiennent pleinement le pouvoir d’expression ou de silence sur son territoire sonore. De même, une délégation peut être annulée à tout instant par le prompteur en lançant une nouvelle consigne, ou en confiant la direction à un autre musicien du groupe qui l’aura sollicitée. La liberté individuelle est donc toute relative.</p>
<p>Dans cette vidéo, le <em>New England Conservatory</em> propose trois performances de <em>Cobra</em>, l’une des <em>game pieces</em> de John Zorn, par le <em>NEC Cobra Ensemble</em> dirigée par Anthony Coleman le 21 janvier 2015 :</p>
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<h2>Utiliser le langage des signes</h2>
<p>Introduite par Walter Thompson en 1974, le <em>Soundpainting</em> s’est beaucoup développé au cours des dix dernières années. Cette technique est basée sur un langage de signes dont le lexique dépasse aujourd’hui le millier. Les signes servent ici à prescrire l’action des musiciens de façon précise, en cours de performance, et permettent de construire des pièces complètes. L’approche donne les pleins pouvoirs au chef d’orchestre dont l’instrument de musique est l’orchestre au complet : le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/circuit/2020-v30-n2-circuit05461/1071122ar.pdf"><em>soundpainter</em> improvise ainsi de l’orchestre comme on improviserait d’un instrument</a>. Une telle approche nécessite bien sûr un investissement collectif pour acquérir ce langage commun. Elle offre un très haut niveau de contrôle au soundpainter et permet de produire des performances remarquablement impressionnantes. Dans cette approche, la liberté individuelle est toutefois extrêmement réduite puisqu’elle concentre quasiment tous les pouvoirs musicaux sur le soundpainter : le musicien est totalement instrumentalisé, marionnettisé, comme dans cette performance de Soundpainting par le <em>Round Top Soundpaiting Orchestra</em> dirigée par Walter Thompson lors du festival Hill le 18 juin 2021 :</p>
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<h2>Construire le cadre au cours de l’improvisation</h2>
<p>Plus rares sont les approches qui se sont appuyées sur le son pour communiquer. En 1970, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Miles_Davis">Miles Davis</a> avait sommairement effleuré l’idée avec <em>Spanish Key</em>, l’un des morceaux de son album <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bitches_Brew"><em>Bitches Brew</em></a>, mais n’avait pas cherché à l’approfondir. C’est que recourir au son fait ressortir de façon évidente le problème de communication : comment décrire et communiquer par un son-signe sans interférer avec le son-musique ? L’idée est paradoxale. C’est tout l’enjeu de <em>la grille ouverte</em> dont le terme <em>grille</em> fait référence à la succession d’accords évoquée plus haut.</p>
<p>Mais dans la grille ouverte, le cadre n’est plus défini à l’avance. C’est que l’objectif de cette approche est justement de s’appuyer sur un cadre qui ne soit pas figé, et, tout au contraire, de construire ce cadre en cours d’improvisation.</p>
<p>Et si cette grille est « ouverte » c’est en référence au concept d’<a href="https://www.babelio.com/livres/Eco-Loeuvre-ouverte/5017"><em>œuvre ouverte</em></a> introduit par Umberto Eco au début des années 1960 pour désigner des œuvres dont l’achèvement est volontairement laissé à l’interprète, au moment de la performance.</p>
<p>Umberto Eco voyait déjà en l’improvisation de jazz une forme ouverte. Mais l’idée de grille ouverte va plus loin en ouvrant également le cadre à l’improvisation. Plus qu’ouverte, Pierre Sauvanet y voit même une grille <a href="https://hal.ird.fr/ird-04035932"><em>ouvrante</em></a> parce qu’elle « ouvre le champ des possibles », et « dynamite, dans son principe même, les différents types de fermetures qui menacent tout processus d’improvisation en acte ».</p>
<p>Pour construire ce cadre en cours de performance, la grille ouverte est basée sur un ensemble de signes sonores que les musiciens pourront utiliser – en cours de jeu et par le son musical – pour définir le référentiel commun sur lesquels ils pourront s’appuyer pour improviser collectivement. En recourant à des signes musicaux, l’approche revient donc à <a href="https://hal.science/hal-02862598">« orienter l’improvisation à plusieurs […] de l’intérieur du discours musical »</a>. Il n’est pas non plus question ici d’un simple thème-signal qui annoncerait le passage d’une partie à la suivante mais d’un véritable langage expérimental, permettant la description détaillée d’un très large panel de référentiels.</p>
<p>La problématique de l’intégration de signes sonores au sein du son musique est complexe car les signes doivent pouvoir être perçus par les musiciens sans dénaturer la musique, devenir musique tout en restant détectables et intelligibles. Pour cela, les <a href="https://www.researchgate.net/publication/369771394_La_Grille_Ouverte">signes sont dotés de plasticité</a>. Dans les langages humains, cette plasticité résulte en partie de l’assemblage de consonnes et de voyelles qui assurent une redondance partielle de l’information contenue dans le signe et facilitent le transfert de cette information malgré les perturbations. Les mots, même largement déformés, restent en partie reconnaissable.</p>
<p>Pour s’en convaincre, on pourra prendre l’exemple du roman graphique <a href="https://www.dupuis.com/frnck/bd/frnck-tome-1-le-debut-du-commencement/66063"><em>Frnck</em></a> où le héros découvre un peuple qui s’exprime sans voyelle mais que l’on parvient tout de même à comprendre ; à l’inverse, on pourra penser au personnage Camille Chandebise dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Puce_%C3%A0_l%27oreille"><em>La puce à l’oreille</em></a> (1907) de Georges Feydeau, dont le parler est privé (et nous prive) de toute consonne. Voyelles et consonnes fournissent ainsi une redondance qui autorise un certain degré de déformation. En musique, on ne dispose ni de consonnes, ni de voyelles. Cette redondance doit donc être assurée par d’autres paramètres qui sont, pour la grille ouverte, le rythme et les modulations de hauteur.</p>
<p>Le lexique de grille ouverte est ainsi composé de <a href="https://www.europalingua.eu/ideopedia/index.php5">motifs sonores mélodico-rythmiques qui, associés les uns aux autres suivant une syntaxe prédéfinie, constituent un langage</a>. Plus précisément, il s’agit d’un métalangage puisque les signes offrent une grammaire descriptive, et dont l’objet est de définir le référentiel commun aux musiciens.</p>
<p>Contrairement aux approches qui l’ont précédé, le langage de grille ouverte est fondamentalement démocratique dans sa démarche. D’une part parce qu’il ne prescrit pas l’action des musiciens : il sert à proposer un référentiel générique commun. A eux de l’exploiter, mais éventuellement aussi de s’en écarter, ou de l’interpréter à leur convenance. D’autre part, parce que ce langage n’est pas nécessairement destiné à un chef qui serait l’unique dépositaire de l’autorité alors que les autres musiciens seraient privés d’influence explicite sur le collectif.</p>
<p>Le langage de grille ouverte est dans son principe utilisable par tous les musiciens, instruments à percussion inclus. Il offre ainsi, en puissance, la possibilité de construire démocratiquement le comportement collectif tout en préservant la liberté individuelle des participants. Il donne aussi la possibilité aux musiciens d’expérimenter des régimes aux libertés plus ou moins cadrées et leur confère la responsabilité à la fois individuelle et collective du résultat.</p>
<p>Les extraits suivants, issus d’enregistrements à <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb47104063g">grille ouverte</a>
donnent à entendre quatre énoncés suivis de transition : (1) le saxophone soprano dit « Fa », (2) la contrebasse dit « Mineur Do-dièse », (3) le saxophone soprano dit « mineur Mi-bémol », (4) le saxophone ténor dit « Majeur Ré ».</p>
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<p>Les deux improvisations à grille ouverte suivantes (GO-9 et G0-12) n’ont pas été coupées. Elle permettent donc de se faire une idée de l’utilisation du langage en conditions pratiques.</p>
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<p>Malgré les imperfections, dont certaines font pleinement partie du processus de création (incompréhensions, malentendus, sous-entendus, etc.), ces enregistrements montrent le potentiel de l’approche.
Les musiques improvisées peuvent être <a href="https://theconversation.com/limprovisation-programmee-le-jazz-le-planifie-et-lindetermine-61063">porteuses de sens, au-delà du milieu musical</a>. La grille ouverte a bien sûr une visée esthétique. Mais l’expression y joue autant que les questionnements qu’elle sous-tend. Au-delà de son intérêt sensible, et au-delà du domaine musical, son ambition est de donner à penser ou repenser le monde et la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221180/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Mangiarotti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand les différentes formes de musique improvisée permettent de réfléchir au fonctionnement d'un collectif.Sylvain Mangiarotti, Researcher at Centre d'Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216442024-02-04T15:34:11Z2024-02-04T15:34:11ZQuelle place pour les arts et la culture dans les transitions territoriales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572415/original/file-20240131-17-5t6k7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1016%2C673&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cinema Usera (Madrid). Un espace culturel ouvert sur le quartier, lieu de rencontre et de participation pour les habitants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Todo Por La Praxis. TXP</span></span></figcaption></figure><p>« L’être humain dispose d’un pouvoir d’imaginer, qui est aussi un pouvoir de configurer le monde », nous dit le psychanalyste <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Qu%E2%80%99est_ce_que_l%E2%80%99hypnose__-2253-1-1-0-1.html">François Roustang</a>. Et dans un monde marqué par une succession de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-sans-fin-myriam-revault-d-allonnes/9782021054040">« crises sans fin »</a>, le pouvoir des imaginaires joue à plein pour inventer les récits et les scénarios du « monde d’après ».</p>
<p>La sociologue <a href="http://www.fondationecolo.org/activites/publicationfep/Les-recits-de-l-effondrement">Alice Canabate</a> identifie trois grands scénarios. Le scénario de l’effondrement, fataliste voire mortifère, se fonde sur l’hypothèse d’un <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-L_Entraide-566-1-1-0-1.html">« effondrement systémique »</a> imminent. La disparition des énergies fossiles, le manque de ressources et l’augmentation des inégalités compromettraient l’ensemble de nos systèmes civilisationnels. Dans ce scénario, certains n’hésitent pas à appeler à un <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/pour-en-finir-avec-les-grandes-villes-manifeste-pour-une-societe-ecologique-post-urbaine/">démantèlement immédiat des métropoles</a>. Les grandes villes, qui étaient pensées jusque-là comme les berceaux des civilisations, sont désormais considérées comme des <a href="https://www.fnac.com/a13554851/Guillaume-Faburel-Les-metropoles-barbares-Demondialiser-la-ville-desurbanis?oref=00000000-0000-0000-0000-000000000000&Origin=SEA_GOOGLE_PLA_BOOKS&esl-k=google-ads%7Cnx%7Cc%7Cm%7Ck%7Cp%7Ct%7Cdc%7Ca20111491090%7Cg20111491090&gad_source=1&gclid=EAIaIQobChMI49Pptez4gwMVzRoGAB30-grvEAQYASABEgJ2e_D_BwE&gclsrc=aw.ds">infrastructures « barbares »</a> et responsables de l’effondrement du vivant et de nos écosystèmes naturels.</p>
<p>Un deuxième scénario, technologiste, invite à conforter nos régimes dominants, en accélérant les solutions techniques susceptibles de soutenir une croissance économique verte. C’est bien évidemment le <a href="https://theconversation.com/elon-musk-le-singe-et-les-trois-cochons-une-fable-transhumaniste-164418">scénario dominant</a>, avec en toile de fond une magnifique stratégie de déni. Dans ce scénario on reste fasciné par les très grands projets, qui célèbrent les progrès techniques et qui créent l’illusion que nous maîtrisons encore notre avenir. On pense aux projets de smart cities, à l’image du projet <a href="https://transsolar.com/fr/projects/abu-dhabi-masterplan-masdar-city">Masdar city</a> aux Émirats Arabes Unis, qui vise à créer une ville écologique… en plein désert.</p>
<p>Le troisième scénario, plus timide, prend progressivement de l’ampleur. Ce scénario, sociétal, mise sur nos capacités d’action collective, de résilience et de créativité. Face à des institutions publiques dépassées par l’ampleur des crises, des mouvements écologistes, scientifiques ou culturels appellent à une « grande transition » et à une transformation radicale de nos régimes sociotechniques et politiques.</p>
<h2>Des politiques publiques dans l’impasse : la ZAN</h2>
<p>Dans ce troisième scénario, nos élus et nos décideurs sont fortement sollicités afin de concevoir des politiques publiques en mesure de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">limiter drastiquement l’artificialisation des sols</a>, la destruction de la <a href="https://theconversation.com/limiter-lartificialisation-des-sols-pour-eviter-une-dette-ecologique-se-chiffrant-en-dizaines-de-milliards-deuros-166073">biodiversité</a>, l’usage des ressources naturelles et des énergies fossiles. Un des exemples actuels concerne les objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols">objectifs ZAN, fixés par la loi Climat et résilience de 2021</a>. Cette loi vise à lutter contre l’étalement urbain, dans la mesure où <a href="https://www.ofb.gouv.fr/lartificialisation-des-sols">l’artificialisation des sols</a> a des conséquences néfastes sur les écosystèmes naturels, le changement climatique, la qualité de l’air ou de l’eau.</p>
<p>Mais la mise en œuvre des <a href="https://theconversation.com/objectif-zan-comment-tenir-les-comptes-181731">objectifs ZAN</a> s’avère particulièrement complexe. Certains élus, s’opposent frontalement à cette loi, arguant du fait qu’elle serait essentiellement imposée par les élites et les technocrates parisiens, à des élus des territoires ruraux. <a href="https://www.sudouest.fr/economie/btp/zero-artificialisation-nette-une-loi-ruralicide-laurent-wauquiez-annonce-que-sa-region-sort-du-dispositif-16869224.php">Une loi « ruralicide »</a> selon ses détracteurs, qui empêcherait toute possibilité de développement futur des territoires de faible densité.</p>
<p>On touche là au cœur du sujet ! Le cœur du sujet, ce n’est évidemment pas quelques stratégies et positionnements politiques, le cœur du sujet c’est que les objectifs ZAN (et les politiques publiques qui devront être mises en œuvre dans la lignée des transitions), vont remettre en cause nos représentations, nos croyances, nos pratiques, nos modes de vie, nos mythes, nos traditions, nos valeurs, nos manières d’habiter.</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est qu’il faut transformer nos imaginaires aménageurs fondés depuis plus d’un siècle sur la compétitivité, l’attractivité, la verticalité de nos institutions, la métropolisation, l’extension continue et la prédation sans limites des ressources naturelles et du vivant.</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est qu’il est grand temps de prendre la mesure de ce que déclarait le poète Paul Valéry il y a près d’un siècle : « Le temps du monde fini commence ».</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est que les transitions sont beaucoup moins une affaire technique, technologique ou réglementaire, qu’une affaire culturelle !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque de Mioshe & Bureau cosmique dans le cadre de Traversées et escales. Organisé par Cuesta, Vallée de la Vilaine, 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Hamon</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pour une culture des transitions</h2>
<p>C’est là l’hypothèse centrale de mon ouvrage <a href="https://www.lucasrecherche.fr/2024/01/23/pre-commandez-pour-une-culture-des-transitions-un-livre-de-raphael-besson/"><em>Pour une culture des transitions</em></a>. Les transitions des territoires ont une dimension éminemment culturelle. Pour le dire autrement, et en reprenant l’intitulé des dernières rencontres nationales des agences d’urbanisme : <a href="https://www.horizonspublics.fr/revue/ete-2023/la-culture-et-la-reorientation-ecologique-des-territoires">« NO CULTURES, NO FUTURES ! Pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires »</a>.</p>
<p>Nous ne transformerons pas nos territoires pour répondre aux enjeux des transitions :</p>
<ul>
<li><p>sans recomposer nos imaginaires aménageurs, fondés sur le pavillonnaire, la maison individuelle et l’extension sans limite de nos métropoles,</p></li>
<li><p>sans mettre en œuvre une <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2021-1-page-92.htm">culture de la coopération</a>, seule à même d’assurer la survie des communs,</p></li>
<li><p>sans adopter une lecture renouvelée de l’économie, c’est-à-dire une économie ré-encastrée dans les enjeux sociaux, culturels et environnementaux des territoires,</p></li>
<li><p>sans une réécriture collective des récits, des valeurs et de régimes de gouvernance qui fondent nos sociétés,</p></li>
<li><p>sans éprouver d’autres modes de faire, d’autres manières d’habiter et de penser les rapports que nos sociétés entretiennent avec le vivant humain et non humain,</p></li>
<li><p>sans réinventer le récit du progrès et du solutionnisme technologique,</p></li>
<li><p>sans réinventer le récit des sciences en société.</p></li>
</ul>
<p>Les transitions ne pourront être pensées et déployées sans une réflexion sur les transformations culturelles induites sur les modes de vie, les valeurs, les représentations, les <a href="https://ojs.uclouvain.be/index.php/emulations/cfp/appel-emotions-transition-ecologique">émotions et les imaginaires</a>. Il est donc grand temps de penser une culture des transitions !</p>
<p>Dans ce processus, nul doute que les arts et la culture ont une place à prendre. Car les connaissances scientifiques et les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">rapports du GIEC</a> qui décrivent inlassablement l’effondrement du monde n’ont pas eu les effets escomptés sur des prises de décisions politiques radicales. Des décisions à la hauteur de la <a href="https://diffusionregionaledulivre.fr/boutique/autres-themes/sciences-humaines/vulnerabilites-et-territoires/">vulnérabilité de nos territoires</a> : dépendance énergétique et alimentaire, canicules et îlots de chaleur, pics de pollution, surdensification, destruction de la biodiversité, etc. Il n’est donc pas certain que l’accroissement de la quantité des connaissances produites, augmente mécaniquement la capacité des institutions et des individus à agir et à se transformer.</p>
<p>Face à ce constat, des <a href="https://www.liberation.fr/forums/artistes-architectes-urbanistes-ecologues-osez-la-post-disciplinarite-20231108_FIPVENDVDNE2TID4GOQFNOXKRQ/">collectifs d’artistes, des chercheurs, des urbanistes, des architectes, des responsables associatifs, des intellectuels</a>, mais aussi le <a href="https://r.assets.developpement-durable.gouv.fr/mk/mr/sh/7nVTPdZCTJDXP4eFSSYZAZaBWei6p9d/BS3x3dk-GES5">ministère de la Culture, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Plan urbanisme construction architecture</a> (PUCA), des agences de l’État comme <a href="https://www.liberation.fr/forums/lart-dans-la-crise-climatique-quatre-messages-pour-dans-cinquante-ans-20221206_PWGHOEV5RNAP3BGP7KD2OC5USY/">l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie)</a> ou <a href="https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/ANCTour/ressources/ecologie-resilience">l’ANCT</a> (Agence nationale de la cohésion des territoires), prennent conscience des limites des approches académiques, technocentrées ou réglementaires des transitions, et se tournent vers les arts et la culture.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Séance de co-construction du LUCAS (Laboratoire de recherche collaborative et indisciplinée qui explore et met en œuvre une culture de la coopération au service des transitions culturelles et territoriales) dans le Nord-Pas-de-Calais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louise Robert</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pour une politique culturelle des transitions territoriales</h2>
<p>On observe actuellement une sorte de convergence des luttes et des réflexions qui tentent de penser les liens entre art, culture, territoires et transitions. Les approches culturelles des transitions se déploient progressivement. Elles sont portées par une diversité d’acteurs : des collectifs d’artistes, des <a href="https://podcast.ausha.co/lucas/art-ecologie-et-urbanisme">collectifs d’architectes et d’urbanistes</a>, des coopératives culturelles, comme le <a href="https://polau.org/">POLAU (Pôle Arts & urbanisme)</a>, la coopérative d’urbanisme culturel <a href="https://cuesta.fr/fr">CUESTA</a>, <a href="https://www.anpu.fr/">l’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine</a>, le <a href="https://bureaudesguides-gr2013.fr/">Bureau des Guides</a>, le <a href="https://www.cabanonvertical.com/">Cabanon Vertical</a>… Mais aussi par des <a href="https://hacnum.org/">centres d’arts numériques</a> et de <a href="https://quaidessavoirs.toulouse-metropole.fr/arts-sciences/">culture scientifique</a>, des <a href="https://laplateforme.io/innovation-lab/">résidences de création collaborative</a>, des <a href="https://www.lafriche.org/parcours/la-biodiversite-a-la-friche/">friches culturelles</a>, des <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2023-2-page-74.htm">lieux intermédiaires et autres Tiers lieux culturels</a>.</p>
<p>Ces approches disparates participent à la création <a href="https://palaisdetokyo.com/exposition/reclamer-la-terre/">d’expositions</a>, de spectacles, de <a href="https://utopia.lille3000.com/event/les-vivants/">conférences</a> ou de <a href="https://cuesta.fr/fr/projets/s-entrainer-sans-trainer">performances artistiques</a> qui se réclament d’un art écologique. Mais elles permettent aussi de produire des <a href="https://polau.org/incubations/les-auditions-du-parlement-de-loire/">expériences qui défendent la personnalité juridique des fleuves</a>, de créer des <a href="https://www.fabt.fr/">entreprises de territoire</a> ancrées dans les enjeux sociaux et environnementaux, de concevoir des <a href="https://www.loireforez.fr/connaitre-agglo/actions-projets/projet-culturel-de-territoire-developper-la-vie-culturelle-locale/">projets culturels orientés sur les transitons territoriales</a>, de développer des <a href="https://metropolitiques.eu/De-la-critique-theorique-au-faire-la-transformation-du-droit-a-la-ville-a.html">laboratoires citoyens</a> ou de <a href="https://www.lafriche.org/magazine/la-friche-lance-son-laboratoire-le-labofriche/">recherche collaborative</a>. Certaines approches vont jusqu’à tenter de « <a href="https://www.anpu.fr/-Les-etudes-de-cas-.html">coucher les villes et les territoires sur le divan</a>, [afin de] détecter les névroses urbaines et proposer des solutions thérapeutiques adéquates ».</p>
<p>Bien que ces approches soient diverses, elles se retrouvent autour d’une vision élargie de la notion de culture. Ces pratiques artistiques et culturelles ne se limitent pas aux Beaux-arts, aux œuvres académiques ou aux disciplines artistiques. Elles défendent une vision « anthropologique de la culture » et une « culture vivante » en mesure d’opérer des échanges permanents avec des savoirs, des valeurs, des savoir-faire et des phénomènes culturels du quotidien issus d’individus « ordinaires ».</p>
<p>En plaçant les arts et la culture au cœur des transformations sociétales, elles participent à produire toute une série de ressources, qui vont s’avérer décisives dans l’enclenchement d’une dynamique de transition territoriale. Elles favorisent l’encapacitation citoyenne, le développement de communautés, la transformation des imaginaires et des modes de faire, la création de nouveaux récits de territoire et de projets hybrides et ancrés localement, situés à l’articulation d’enjeux sociaux, économiques, environnementaux et culturels. Ces approches perturbent les modes de faire habituels de nos institutions publiques, en les initiant à des modes de conception et de gestion plus coopératifs, davantage sensibles aux contributions citoyennes et aux ressources latentes des territoires.</p>
<p>Cependant, et au-delà d’un rôle de perturbatrices institutionnelles, les approches culturelles des transitions éprouvent des difficultés à essaimer en dehors du cadre spatial, temporel et sectoriel des expérimentations. Elles peinent à agir sur les grands projets de territoire (<a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/le-plan-local-d-urbanisme-plu-plui-r37.html">PLUI (Plan Local d’Urbanisme</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/scot-projet-strategique-partage-lamenagement-dun-territoire">SCoT (schéma de cohérence territoriale)</a>, <a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/le-plan-climat-air-energie-territorial-pcaet-r438.html">PCAET (Plan climat-air-énergie territorial)</a>, <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-quun-projet-alimentaire-territorial">PAT (Projet Alimentaire Territorial</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sch%C3%A9ma_r%C3%A9gional_de_d%C3%A9veloppement_%C3%A9conomique">SRDEII (Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation)</a>, etc.), et à créer un nouveau système de normes et de valeurs au cœur des régimes dominants de l’action publique territoriale. Si ces expériences ne peuvent à elles seules concentrer tous les objectifs de transition des territoires, elles révèlent néanmoins les limites d’un modèle de <a href="https://www.jstor.org/stable/24582453">« gouvernement par l’expérimentation »</a>. Ce modèle a souvent pour effet de créer des expériences isolées, précaires et éphémères, qui mises bout à bout peinent à bâtir de grands projets de territoire intégrés et pérennes.</p>
<p>Il nous semble par conséquent urgent de créer une nouvelle catégorie de politique publique en mesure d’accompagner, de structurer, de légitimer, de pérenniser, et in fine d’institutionnaliser ces approches culturelles des transitions. Un nouveau champ de politique culturelle, dédié au rôle que les institutions publiques et leurs partenaires souhaitent faire jouer aux pratiques culturelles et artistiques pour accompagner la transition des territoires et la transformation de leurs politiques publiques.</p>
<p>En tout état de cause, cette politique culturelle des transitions territoriales devra s’envisager autour d’une action publique culturelle nationale, interministérielle et territorialisée. Elle devra bénéficier d’un portage politique d’ensemble. Il est urgent que les élus se saisissent pleinement des transitions et apprennent à refaire de la <a href="https://www.cairn.info/faire-culture--9782706150111-page-110.htm">« politique avec les cultures »</a>. Mais les citoyens doivent, eux aussi, se préparer à refaire de la politique. Car une politique culturelle des transitions territoriales doit se penser démocratiquement et selon la perspective <a href="https://www.pug.fr/produit/1835/9782706147142/decider-en-culture">« d’une culture de tous, par tous et pour tous »</a>. Enfin, cette nouvelle catégorie de politique publique devra recourir au pouvoir de l’imagination et à sa capacité de (re) configurer le monde. <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Qu%E2%80%99est_ce_que_l%E2%80%99hypnose__-2253-1-1-0-1.html">« Elle seule peut évoquer ce qui n’est pas encore pour le faire advenir, comme elle donne le futur au violoniste qui laisse la note qu’il va jouer s’imposer à sa main »</a>.</p>
<hr>
<p>Raphaël Besson est l’auteur de <a href="https://www.lucasrecherche.fr/2024/01/23/pre-commandez-pour-une-culture-des-transitions-un-livre-de-raphael-besson/"><em>Pour une culture des transitions</em></a> aux Éditions du <a href="https://www.lucasrecherche.fr/">LUCAS</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Besson a reçu des financements du Ministère de la Culture et de l'ANCT. </span></em></p>Dans le cadre de la parution de son ouvrage Pour une culture des transitons, Raphaël Besson s’interroge sur la place des arts et de la culture dans la transition des territoires.Raphaël Besson, Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Co-fondateur du Laboratoire d’usages culture(s)-art-société (LUCAS), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213632024-02-02T16:58:18Z2024-02-02T16:58:18ZLes animaux de compagnie sont de plus en plus mentionnés dans les notices nécrologiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569862/original/file-20240115-15-82sgl2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C30%2C6700%2C5022&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On a constaté que l’on mentionnait de plus en plus souvent un animal dans la rubrique nécrologique de son compagnon humain.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les animaux remplissent différents rôles dans nos vies. Certaines personnes les considèrent comme des membres de la famille, tandis que d’autres apprécient le fait qu’ils les incitent à faire des promenades quotidiennes.</p>
<p>Qu’il s’agisse de <a href="https://theconversation.com/service-dogs-play-vital-roles-for-veterans-but-canadas-lack-of-standards-makes-travel-and-access-difficult-219470">chiens d’assistance</a>, d’<a href="https://humanipassion.com/sante/comprendre-chien-dassistance-quebec/">animaux de soutien émotionnel</a> ou d’une petite bête qui nous accueille à la porte de la maison, les animaux peuvent nous apporter joie, réconfort et compagnie. Il est donc naturel que ces relations qui se nouent au cours de notre vie se poursuivent – ou du moins soient commémorées – après la mort.</p>
<p>Le <a href="https://www.thestar.com/news/insight/this-humane-society-needs-a-bigger-home-what-happens-to-the-650-pets-buried-in/article_b25eba3a-99f7-11ee-a7f5-473bdce48588.html">Toronto Star</a> a récemment fait état des efforts déployés pour déterrer et déplacer plus de 600 animaux d’un cimetière pour animaux d’Oakville, en Ontario. Comme le montre cet article, et comme d’autres en <a href="https://muse.jhu.edu/book/46086/">témoignent</a>, l’enterrement, l’embaumement et l’incinération des animaux ne sont pas des pratiques nouvelles. Ces rites funéraires permettent de rendre hommage à un animal de compagnie et à tout ce qu’il représentait pour nous.</p>
<p>Mais qu’en est-il si c’est le propriétaire qui meurt en premier ? On a constaté que l’on mentionnait de plus en plus souvent un animal dans la rubrique nécrologique de son compagnon humain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A smiling woman carries a bulldog" src="https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569423/original/file-20240115-67455-vfr8d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Qu’il s’agisse de chiens d’assistance, d’animaux de soutien émotionnel ou d’une petite bête qui nous accueille à la porte de la maison, les animaux peuvent nous apporter joie, réconfort et compagnie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>L’évolution des notices nécrologiques</h2>
<p>La rédaction d’une notice nécrologique est un des nombreux actes que l’on accomplit après le décès d’un proche. Autrefois réservée à l’élite de la société, la <a href="https://doi.org/10.4324/9780203015964">nécrologie s’est démocratisée</a> et davantage de personnes sont aujourd’hui commémorées de cette façon.</p>
<p>Nous rédigeons des notices nécrologiques pour différentes raisons. Certains sont purement pratiques : il s’agit d’annoncer le décès d’une personne ou d’inviter la famille et les amis aux funérailles.</p>
<p>Mais les notices nécrologiques donnent aussi aux personnes endeuillées l’occasion de raconter l’histoire de quelqu’un qui leur était cher. Qui était-il ? Qu’aimait-elle ? Quelles étaient ses valeurs ?</p>
<p>Dans le cadre du projet <a href="https://nonreligionproject.ca/">« Nonreligion in a Complex Future »</a>, notre équipe a <a href="https://nonreligionproject.ca/obituaries/">analysé les notices nécrologiques</a> canadiennes du siècle dernier afin de comprendre l’évolution de la manière dont les gens commémorent leurs morts. Au fil des ans, on voit de plus en plus souvent la mention d’animaux.</p>
<p>Aussi récemment qu’en 1990, pas un seul des 53 avis de décès publiés un samedi donné dans le Toronto Star n’évoquait d’animaux de compagnie. Cette situation a toutefois commencé à changer progressivement. Nous découvrons qu’en 1991, Harriet sera « tristement regrettée par tous ses amis et ses animaux ». De même, Berton, décédé en 1998, est « regretté par son bon toutou Scamp ».</p>
<p>Au milieu des années 2000, de 1 à 4 % des notices nécrologiques mentionnaient des animaux de compagnie. Depuis 2015, ce chiffre a grimpé pour atteindre 15 %.</p>
<p>Il est vrai que cela ne représente pas des quantités énormes. Dans un échantillon de 3 241 avis de décès datant de 1980 à 2022, seuls 79 évoquent des animaux. Cette légère augmentation indique toutefois une transformation dans la manière dont les gens rédigent les notices nécrologiques.</p>
<h2>Raconter des histoires personnelles</h2>
<p>Nos recherches montrent que, du début des années 1900 jusqu’à aujourd’hui, les notices nécrologiques se sont progressivement allongées. Autrefois, les avis étaient courts, on y indiquait le nom du défunt, son âge et le lieu de son décès, le tout en l’espace d’environ quatre lignes. Ces dernières années, la longueur moyenne est passée à environ 40 lignes, certaines atteignant même plus de 100 lignes.</p>
<p>Cet espace supplémentaire permet d’ajouter des informations sur le défunt. Ainsi, plus de 80 % des notices nécrologiques récentes mentionnent les enfants de la personne décédée. La proportion était d’environ 50 % avant 1960.</p>
<p>Dans les notices nécrologiques récentes, il est plus probable que la formation, la profession ou les loisirs soient mentionnés. Au-delà d’une simple énumération, il est courant de voir des descriptions riches et détaillées. Plutôt que de lire le titre de son poste, nous apprenons qu’un homme était « un visionnaire dévoué qui est resté fier et loyal envers ses nombreux employés et collègues ».</p>
<h2>Nos amis à fourrure</h2>
<p>Les notices nécrologiques étant plus longues et détaillées, il semble normal que les animaux y figurent. Il est de plus en plus courant d’y mentionner l’animal de compagnie ou l’amour des animaux de la personne décédée. Ces passages deviennent également plus détaillés. Au-delà du nom de l’animal, nous apprenons s’il s’agissait d’un « caniche très chochotte », d’un « fidèle compagnon » ou du « meilleur chien de tous les temps ».</p>
<p>La profession est un autre <a href="https://doi.org/10.1080/07481187.2015.1056562">élément incontournable des notices nécrologiques</a>. Pour Mary, décédée en 2019, l’un des points forts de sa carrière chez Nestlé Purina, a été « l’intronisation de divers animaux de compagnie et chiens d’assistance héroïques au Temple de la renommée de Purina ». Ce n’était pas seulement une passion professionnelle, car Mary avait aussi six labradors noirs à la maison.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1080/13576275.2020.1784122">Les passe-temps et les intérêts</a> sont également de plus en plus fréquents dans les avis de décès. Bobby, par exemple, aimait « s’asseoir dans son jardin avec sa chienne Chloe » et « laisser son perroquet bien-aimé, Pookie, le divertir ».</p>
<p>Plutôt que d’envoyer des fleurs à la famille, on demande souvent de <a href="https://www.lovetoknow.com/life/grief-loss/lieu-flowers-wording-ideas-etiquette">faire des dons à la mémoire du défunt</a>. Il n’est pas surprenant de voir que des groupes comme <a href="https://ontariospca.ca/">l’Ontario SPCA</a>, la <a href="https://www.farleyfoundation.org/">Fondation Farley</a> et divers groupes de protection de la nature gagnent en popularité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A smiling golden retriever" src="https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569428/original/file-20240115-67455-4xa2ar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il est de plus en plus courant de mentionner l’animal de compagnie d’une personne ou son amour des animaux dans sa notice nécrologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>De nouvelles façons de pleurer les morts</h2>
<p>Cette tendance dans les avis de décès est révélatrice d’un changement sociétal plus large. En effet, les gens accordent de <a href="https://academic.oup.com/socrel/article-abstract/78/1/9/3053446">plus en plus de valeur à la nature</a> et aux <a href="https://doi.org/10.1177/00377686231170993">créatures non humaines</a>. Les raisons de cette évolution sont variées et complexes. Mais les données – tirées des notices nécrologiques et d’autres documents – laissent voir que les gens forgent des liens précieux avec la nature et les animaux.</p>
<p>Les notices nécrologiques révèlent d’autres transformations importantes de la manière dont nous commémorons les morts. Autrefois, il s’agissait de textes brefs et convenus (et il en reste encore dans ce genre). Mais de nos jours, les avis de décès sont souvent des fenêtres sur la vie d’une personne. Ils peuvent être <a href="https://www.thestar.com/opinion/contributors/an-ontario-woman-s-scathing-obituary-for-her-dad-raises-questions-do-we-have-to/article_aaaf6d28-0224-5c9a-9eaa-c124482e04bc.html">tristes ou tragiques</a>, mais aussi <a href="https://www.lex18.com/news/he-up-and-died-on-us-sons-hilarious-obituary-goes-viral">drôles, sarcastiques ou réconfortants</a>.</p>
<p>Par-dessus tout, les notices nécrologiques sont aujourd’hui plus personnelles. Pour commémorer le souvenir d’un être cher, les familles veulent faire connaître au monde entier ce qui rendait cette personne spéciale. Cela peut être raconté en parlant des activités, des gens ou des animaux de compagnie qui lui ont apporté de la joie. Pour certains, on se rappellera leur équipe de hockey préférée, la fois où ils ont réussi un trou d’un coup et, souvent, l’ami à fourrure qui se blottissait contre eux après une dure journée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221363/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris Miller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au fil des ans, les notices nécrologiques se sont allongées, laissant plus de place pour mentionner les animaux de compagnie, les passe-temps et les passions de la personne décédée.Chris Miller, Postdoctoral fellow, Nonreligion in a Complex Future project, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2214512024-01-29T15:49:25Z2024-01-29T15:49:25ZLe rétrécissement de l’imaginaire politique<p>La composition du gouvernement Attal a suscité chez les éditorialistes des interrogations sur un déficit de « poids lourds » dans le vivier des ministrables, propos qui fait écho à ce qui est perçu comme un manque de figures qui « impriment » véritablement chez les Républicains et à la difficile relève des présidentiables au sein de la France insoumise. Les élus seraient-ils moins talentueux qu’hier ?</p>
<p>Évitons la nostalgie d’un imaginaire âge d’or. Une approche plus sociologique des doutes qui visent de façon croissante les professionnels de la politique pourrait nous aider à questionner certaines perceptions. Cette perception notamment que les hommes et les femmes engagés en politique disposent d’une capacité d’innovation anesthésiée et produisent plus d’effets d’annonce que de changements</p>
<h2>Un rétrécissement social</h2>
<p>Le recrutement du personnel politique n’a jamais été le décalque de la diversité sociale. Il y a aujourd’hui aux échelons ministériel et parlementaire un remarquable élitisme. Agriculteurs et artisans-commerçants, ouvriers et employés représentaient moins de 7 % des députés élus en 2012 pour 57 % de cadres et professions intellectuelles supérieures et 16 % de collaborateurs d’élus. Ce dernier chiffre est important. La biographie de candidats à la présidentielle pouvait rendre visible que certains d’entre eux comme <a href="https://www.europe1.fr/politique/en-dehors-de-la-politique-quont-fait-les-candidats-a-la-presidentielle-3009467">François Fillon ou Benoît Hamon</a> n’avaient jamais exercé de métier hors de la politique ou d’activités liées.</p>
<p><iframe id="oHq5I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oHq5I/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais, comme l’a montré un renouveau des travaux de <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/metier-depute/">sociologie des élus</a>, le poids croissant de trajectoires marquées par l’insertion dès la fin des études dans le périmètre des métiers liés à la politique – collaborateurs d’élus, membre de cabinets ministériels – révèle une dynamique de clôture. Les travaux de l’équipe stéphanoise du <a href="https://www.centre-max-weber.fr/Presentation">Centre de recherches et d’études sociologiques appliquées de la Loire (CRESAL)</a> invitent à relier cela aux liens défaits entre mondes associatifs et partisans.</p>
<p>Jusqu’aux années 1980, de multiples connexions reliaient partis et tissus associatifs chrétien, laïc ou communiste. Mais l’<a href="https://www.cairn.info/la-fin-des-militants--9782708232822.htm">affaiblissement de ces réseaux</a> a restreint les lieux de recrutement. On peut penser à la fonction de vivier de militants remplie hier par les mouvements de jeunesse chrétiens (<a href="https://www.erudit.org/fr/revues/recma/2015-n338-recma02157/1033879ar/">JEC</a>, <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/60437">JOC</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-paysan-et-societe-2020-2-page-21.htm">JAC</a>) et au rôle des <a href="https://www.fdal.fr/histoire-des-amicales-laiques/">Amicales Laïques</a>.</p>
<p>Cela s’est accompagné d’une graduelle <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-mouvements-sociaux--9782707169358-page-70.htm">dépréciation de la figure du militant</a>, moins identifié au don de soi et à l’adhésion à des idéaux que perçu comme dogmatique, naïf ou suspect de « trop » croire quand la réussite en politique supposerait de s’adapter promptement à ce que seraient tendances de l’opinion et exigences de la communication.</p>
<p>Le financement public des partis fait d’ailleurs que les cotisations et l’énergie des militants sont moins nécessaires puisqu’on peut faire campagne en rémunérant des spécialistes pour organiser une campagne en ligne ou un prestataire pour de l’affichage.</p>
<p>Il est devenu banal d’être sollicité dans une rue piétonne par des militants d’organisations écologistes ou caritatives : que veulent-ils ? Une signature et un relevé d’identité bancaire qui ajoutera aux effectifs une adhérente. Celle-ci ne risque guère de jamais contrarier la hiérarchie, puisque sa seule action sera de verser quelques euros chaque mois. La perception du parti comme tremplin à carrières, vidé de sociabilités chaleureuses a ainsi provoqué depuis les années Mitterrand <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2022-5-page-867.htm">l’exode des militants ouvriers et populaires</a> au Parti socialiste.</p>
<p>Exit alors ce que le vocabulaire politique américain nomme « grass-rooted party », un parti enraciné dans le monde social ordinaire. Faut-il être ouvrier ou infirmier pour concevoir de bonnes politiques sociales ou sanitaires ? Pas forcément. Mais l’absence d’expérience sensible et le confinement dans un entre-soi élitiste, n’y aident pas et ne facilitent pas l’empathie qui est une ressource en politique. C’est ainsi que se bâtit un « bestiaire » social peuplé de <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/people/la-polemique-sur-les-sans-dents-en-cinq-actes_691461.html">« sans-dents »</a>, de <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/07/03/31001-20170703ARTFIG00167-les-gens-qui-reussissent-et-les-gens-qui-ne-sont-rien-ce-que-revele-la-petite-phrase-de-macron.php">« gens qui ne sont rien »</a> ou – selon le mot de Benjamin Griveaux – <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/pour-griveaux-wauquiez-est-le-candidat-des-gars-qui-fument-des-clopes-et-qui-roulent-au-diesel-3788789">« de gars qui fument des clopes et roulent au diesel »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les députés nous ressemblent-ils ? France Culture, octobre 2021.</span></figcaption>
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<h2>Rétrécissements idéologiques et intellectuels</h2>
<p>La vivacité des débats à l’Assemblée nationale depuis 2017 a fait parler de <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2020-1-page-215.htm">repolarisation</a>. Mais la tendance première ne demeure-t-elle pas à un rétrécissement de l’espace des politiques pensables ? Les élus aux trajectoires et scolarités peu diverses, intérioriseraient que la politique, soumise aux lois d’airain d’une économie mondialisée, n’aurait que de modestes marges ?</p>
<p>Max Weber dans son texte fameux sur <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1960_num_15_1_421754_t1_0180_0000_3">« La vocation d’homme politique »</a> évoquait la « passion » d’un « objet à réaliser » comme sens du politique. Dans les faits, la modeste taille des « objets » réalisés déçoit les électeurs et les éloigne des partis politiques dits « de gouvernement ». Elle nourrit le désenchantement démocratique qu’exprime l’abstention. Elle donne une force d’attraction a ceux qui promettent d’en finir avec la « caste », ou les « élites mondialistes », force redoublée par les stratégies demi-habiles qui entendent exorciser le danger d’extrême droite en s’emparant de son lexique, puis de ses projets.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-rn-est-il-devenu-un-parti-comme-les-autres-201690">Le RN est-il devenu un parti comme les autres ?</a>
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<p>Rétrécissement culturel et intellectuel enfin : non que les responsables politiques soient sans culture, mais parce que leur rapport à la culture a évolué. Leur savoir est aujourd’hui plus lié à la gestion, aux technologies de gouvernance <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/2014/10/28/03004-20141028ARTFIG00244-modiano-fleur-pellerin-fait-honte-a-la-france.php">qu’aux humanités</a> et plus encore aux sciences sociales.</p>
<p>Les politiques lisent… jusqu’à être accablés des piles de dossiers techniques, de « notes » remarquablement synthétiques mais souvent produites par des collaborateurs sans expérience sensible des enjeux traités, dans l’illusion que quelques pages peuvent donner diagnostic et solutions.</p>
<p>L’énorme masse d’enquêtes et d’analyses issues des sciences sociales qui pourrait donner, non pas les solutions, mais une intelligence fine des chaînes causales et d’autres conceptualisations des enjeux leur est fort peu familière. Selon une source au sein de la communauté universitaire, après les tueries de <em>Charlie Hebdo</em> et de l’Hyper Cacher en 2015, la ministre des universités s’était alarmée d’un déficit de recherches sur l’Islam et la radicalisation. La direction du CNRS lui a aussitôt fourni une importante bibliographie de travaux universitaires financés par ses services, mais jamais lus par les décideurs, plus attentifs aux diagnostics simples d’experts médiatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/troubles-psy-et-radicalisation-quelques-enseignements-du-centre-de-deradicalisation-de-pontourny-158841">Troubles psy et radicalisation : quelques enseignements du centre de déradicalisation de Pontourny</a>
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<h2>Nez collés dans le présentisme</h2>
<p>Être un professionnel de la politique aujourd’hui c’est aussi être immergé dans un monde marqué par l’urgence, le conflit et le stress. Le sentiment d’« en être », de décider et régir peut-être gratifiant. Il se paie cher. Même en supposant un peu de complaisance dans leurs récits, des élus rédigeant leurs mémoires ont su <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Jours-de-pouvoir">rendre sensibles ces rythmes épuisants</a>, ces constantes tensions et des films comme « L’exercice de l’état » lui donnait chair.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’exercice de l’État.</span></figcaption>
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<p>Des travaux récents sur les emplois du temps d’élus objectivent ces vies colonisées par des <a href="https://books.openedition.org/pur/72302">déplacements, rituels, dossiers et réunions</a>, par la contrainte de manifester qu’on agit, ou du moins d’en produire les signes. À des niveaux élevés de responsabilité, la vie politique est aussi un univers d’une intense conflictualité, marqué par la contrainte d’anticiper les menaces, de surveiller ennemis comme amis, de gérer les gaffes ou les « affaires », de surveiller et d’entretenir sa popularité sondagière.</p>
<p>La présence en France de quatre chaînes d’information en continu, sans cesse en quête de ce qui fera événement à peu de frais en fait de redoutées machines à ériger en fait du jour une bourde, à feuilletoner une affaire un peu consistante. Voilà qui oblige en retour les élus à dédier un fort budget-temps à une activité de déminage que Jéremie Nollet appelle un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16279">« travail politique orienté vers les médias »</a>, dans lesquels il faut désormais inclure les réseaux sociaux.</p>
<p>Si tout cela invalide le cliché de fonctions politiques qui ne seraient que prébende et privilèges pour des élus peu assidus, en ressort aussi la question de ce que Bourdieu appelait la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/meditations-pascaliennes-pierre-bourdieu/9782020320023">Skholé</a>, ce temps sinon libre, du moins apaisé et disponible qui permet d’observer et d’enquêter, d’écouter et de réfléchir. Il n’est pas excessif de suggérer qu’il est pour le moins rare, d’autant plus inaccessible qu’on est aux affaires. Or une politique démocratique attentive à l’état de la société, des décisions innovantes et acceptables supposeraient ces moments de recul.</p>
<h2>Gulliver entravé</h2>
<p>Saisir les singularités de l’activité politique aujourd’hui c’est encore penser les gouvernants comme Gulliver, le personnage de Jonathan Swift, si ce n’est que les multiples fils et câbles d’interdépendances qui contraignent les décideurs ne sont plus le fait de minuscules lilliputiens.</p>
<p>Gouverner en 2024, c’est agir à l’ombre et sous la contrainte d’institutions supranationales (Union européenne, OMC, BCE). C’est dépendre des « marchés » pour des politiques économiques ou énergétiques, se confronter à la puissance d’acteurs économiques capables de peser sur le contenu des législations (industries de l’agrochimie concernant le glyphosate par exemple) ou de les contourner comme l’illustre tant le rapport à l’impôt ou encore la modération des contenus <a href="https://matheo.uliege.be/bitstream/2268.2/14225/4/CARABIN%20Florine%20M%C3%A9moire%20Droit-Gestion.pdf">par les GAFAM en Europe</a>.</p>
<p>Être ministre quand la rotation sur certains postes se traduit par une <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/le-vrai-du-faux-la-duree-de-vie-d-un-ministre-est-de-18-mois_1837169.html">présence de quelques semestres</a> c’est encore être confronté à une administration plus au fait des dossiers que celui ou celle censée la diriger. Dans <a href="https://www.fayard.fr/livre/verbatim-9782213594248/"><em>Verbatim</em></a>, Jacques Attali reproduit à la date du 26 décembre 1984 une notation accablée du président Mitterrand sur un ministre visiblement « parlé » par sa direction du Trésor : « Je refuse de croire que Pierre Bérégovoy a rédigé lui-même cette lettre qu’il a signé »</p>
<p>Mieux valait – et pas seulement en politique ! – commencer par se demander en quoi institutions et mécanismes sociaux peuvent stériliser talents et engagements, clore le pensable. Mais comprendre ce qui rétrécit l’imaginaire et l’action c’est aussi discerner des leviers de changement : déprofessionnaliser la politique, faire des travaux scientifiques un vrai aliment de la délibération politique, ouvrir les fenêtres vers des citoyens <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">plus réflexifs qu’on ne le croit</a> et explorer – <a href="https://www.youtube.com/watch?v=d7rjqyI2KGs">comme y invite l’économiste Julia Cagé</a> – des mécanismes qui diversifient le recrutement social des élus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221451/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erik Neveu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre absence de grandes figures et rétrécissement du possible, quelles sont les raisons du désenchantement de la politique ?Erik Neveu, Sociologue, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2203072024-01-17T16:48:47Z2024-01-17T16:48:47ZLittérature : pourquoi retraduisons-nous les classiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569900/original/file-20240117-17-sjopxb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C5%2C708%2C343&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand la nouvelle traduction s'affiche en couverture.</span> <span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Si vous parcourez les rayons d’une bibliothèque ou d’une librairie en quête des aventures de Gregor Samsa ou Jay Gatsby, vous pourrez être confrontés à un dilemme insoluble. Quelle version choisir de ces grands classiques de la littérature ? Car dans une bibliothèque ou une librairie bien fournie, vous pourriez trouver jusqu’à sept traductions différentes des <em>Métamorphoses</em> ou de <em>Gatsby le Magnifique</em>.</p>
<p>On ne parle pas ici d’éditions différentes, mais bel et bien de textes différents, de mots différents. D’ailleurs on pense – et on affirme – avoir lu Kafka ou Fitzgerald, alors que très souvent ceux qu’on a lus sont les mots de Vialatte, Lortholary, Lefebvre, Llona, Wolkenstein, Jaworski, pour ne citer que quelques traducteurs de ces deux chefs-d’œuvre de la littérature mondiale.</p>
<p>Quelle traduction choisir, donc ? La plupart de nous se laisseront guider par les mêmes critères qui déterminent notre choix d’un classique francophone : l’affection pour une maison d’édition ou une collection, les paratextes, le prix, la couverture… Assez rarement par la renommée de ces invisibles de la littérature traduite que sont les traducteurs, acteurs silencieux d’une interprétation qu’on imagine impersonnelle et objective, et surtout pas cruciale.</p>
<p>Et d’ailleurs, pourquoi tous ces traducteurs s’affolent-ils sur un seul et même texte ? Question légitime, compte tenu des innombrables textes qui attendent toujours leur traduction. Si la traduction a comme but primaire de rendre un texte intelligible à un public qui ne maîtrise pas la langue dans lequel il a été écrit, les retraductions sont clairement des opérations à très faible utilité. Et pourtant, très rares sont les Français qui s’approchent aujourd’hui de Dante, Cervantes ou Shakespeare dans une traduction française vieille ne serait-ce que de 100 ans, alors que les Italiens, les Espagnols et les Anglais continuent de lire leurs auteurs phares dans une langue vieille de plusieurs siècles (non sans le secours d’une pléthore de notes explicatives).</p>
<p>Pourquoi ne cessons-nous de remettre les classiques étrangers au goût du jour ? Parce qu’un classique est un texte qu’on ne cesse jamais de retraduire, pourrait-on dire, inversant les termes de la question. Le phénomène de la retraduction est à la fois paradoxal et inhérent à toute culture. Un historien de la traduction, Michel Ballard, y a même vu une des constantes de l’histoire de la traduction, de toutes les époques.</p>
<h2>Censure, imprécisions et vieillissement des traductions</h2>
<p>Les raisons sont évidemment multiples. Le plus souvent, le moteur est un sens d’insatisfaction avec les traductions existantes, qui peut avoir des origines différentes. Des formes de censure, par exemple, idéologique ou morale, qui ont privé les lecteurs de certains aspects d’un texte. Pas besoin de dictatures pour voir le texte dépouillé de certaines références ou expurgé d’une partie de la culture qui l’a produit. Dans d’autres cas, l’insatisfaction peut être liée à la présence de fautes et imprécisions, due à la faiblesse humaine ou à des ressources lexicographiques limitées : il suffit de penser à l’écart énorme entre les conditions de travail des traducteurs pré-Internet et nous, qui sommes à un simple clic d’une vérification qui pouvait demander des journées de recherche il y a trente ans seulement.</p>
<p>Prenons une des supposées « erreurs » les plus fameuses de l’histoire de la traduction, à savoir les cornes sur la tête du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rome-Basilique_San_Pietro_in_Vincoli-Mo%C3%AFse_de_Michel_Ange.jpg">Moïse</a> de Michel-Ange (1515). Le sculpteur s’appuie sur la traduction latine de la Bible faite par Saint-Jérôme quelque 1 100 ans auparavant (longévité sans doute inégalable pour une traduction). Or, l’hébreu, langue consonantique, se passe de l’indication de voyelles générant dans le passage en question une ambiguïté entre <em>keren</em> (cornu) et <em>karan</em> (rayonnant). Si Jérôme interprète « cornu », et avec lui une grande partie de l’iconographie chrétienne des siècles à venir, toutes les traductions contemporaines de la Bible donnent à Moïse un visage « rayonnant », lorsqu’il reçoit les tables de la loi. Pour restituer au texte son ambiguïté éventuelle, il faudra attendre la traduction « intersémiotique » de Chagall, qui trouve dans un autre système de signes – la peinture – la possibilité d’attribuer à Moïse de véritables cornes de lumière.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569567/original/file-20240116-26651-cb9bdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Michel-Ange, Moïse, 1513-1515. Marc Chagall, Moïse recevant les tables de la loi, 1950-52.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une des raisons les plus souvent évoquées pour retraduire est que les traductions vieillissent. Quid des originaux ? Ils vieillissent eux aussi, mais différemment, nous dira-t-on. Ils gagnent du charme, alors que le vieillissement des traductions vire souvent au grotesque. La différence est à chercher essentiellement dans les statuts respectifs d’original et traduction : texte dérivé, la traduction ne peut pas exister sans le texte primaire dont elle est émanation et ce statut secondaire lui enlève l’autorité d’un vrai texte littéraire.</p>
<p>Il y a aussi peut-être le fait, démontré par la linguistique de corpus, que les traductions tendent à être plus conservatrices du point de vue stylistique et donc à moins charger la langue de ce sens qui fait la richesse d’un chef-d’œuvre littéraire. L’impression de vieillissement peut aussi venir d’une meilleure connaissance de la culture cible, notamment par rapport à certains éléments culturels (<em>realia</em>) devenus monnaie courante : une note de bas de page pour expliquer ce qu’est le pop-corn, qu’on peut encore retrouver dans certaines traductions de l’après-guerre, serait non seulement inutile, mais décidément comique aujourd’hui.</p>
<p>Parfois les retraductions amènent des changements macroscopiques, au niveau des titres, des noms des personnages ou de certains concepts, suscitant, à tort ou à raison, des <a href="https://www.lefigaro.fr/livres/2010/12/31/03005-20101231ARTFIG00502-touche-pas-au-gatsby.php">réactions exacerbées</a>, car déstabilisantes. Si la transformation de la novlangue en néoparler dans la retraduction de <em>1984</em> a fait parler les lecteurs et les <a href="https://www.slate.fr/story/191001/traductrices-1984-orwell-metier-traduction-josee-kamoun-amelie-audiberti">critiques</a>, certaines tentations divines peuvent être beaucoup plus déstabilisantes, comme le montrent les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/10/16/une-tentation-theologiquement-correcte_3496700_3224.html">réactions</a> suscitées par la réforme de la prière du Notre Père en 2013.</p>
<p>La retraduction peut faire scandale, de par le relativisme qu’elle introduit dans l’interprétation d’un original que nous considérons comme immuable. En réalité, parfois c’est le texte même qu’on croyait « original » qui se découvre dérivé : c’est ainsi que la retraduction de Kafka pour la Pléiade récupère une nouvelle version du texte allemand, qui n’est pas celle héritée de Max Brod à laquelle l’histoire nous a habitués.</p>
<p>Dans quelques cas encore, la retraduction est tout simplement déterminée par des raisons commerciales ou éditoriales, car il est parfois plus facile, moins cher et plus lucratif (voire les trois à la fois) de proposer une nouvelle traduction que d’en récupérer une ancienne.</p>
<h2>Peut-on prévoir la trajectoire d’un texte traduit et retraduit ?</h2>
<p>Une hypothèse a été émise, dans le sillage des réflexions d’Antoine Berman (<a href="https://journals.openedition.org/palimpsestes/596">1990</a>), traductologue pionnier dans cette question, selon laquelle la première traduction serait une traduction-introduction, qui aurait tendance à acclimater le texte étranger à l’horizon du public cible et les retraductions successives seraient de plus en plus enclines à se rapprocher de l’original et en afficher les multiples facettes. Une telle vision d’un rapprochement progressif à la traduction idéale est certes fascinante mais irréaliste, car elle ne tient pas compte des multiples raisons derrière une retraduction.</p>
<p>Si on retrouve au XX<sup>e</sup> siècle certaines retraductions qui suivent ce schéma, les contre-exemples sont légion : la plupart des traductions les plus ethnocentriques de l’histoire de la littérature – les adaptations des classiques grecs et latins au goût du XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècle, dans l’époque dite de « belles infidèles » – étaient pour la plupart des retraductions et donc censées se rapprocher de la langue-culture de départ.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=969&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=969&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=969&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1218&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1218&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569565/original/file-20240116-17-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1218&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’Iliade d’Antoine Houdar de la Motte (1714), prototype des retraductions-adaptations (12 chants au lieu des 24 d’Homère).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Est-il possible d’anticiper à quel moment et avec quelle fréquence s’attendre à la retraduction d’un classique ? Plusieurs hypothèses ont été avancées : tous les siècles, toutes les générations, tous les 20 ans… Cependant, les séries de traductions et retraductions d’un classique sont rarement régulières et affichent des vides, des sauts et des accélérations assez imprévisibles. Plusieurs études de cas existent, mais pas encore d’études exhaustives capables de nous donner des statistiques pour une période, un genre ou un pays donnés. La seule prédiction qu’on peut faire est la présence d’un pic de retraductions lorsqu’un auteur classique tombe dans le domaine public, à savoir 70 ans après sa mort en Europe. Car cela ouvre systématiquement la course à l’accaparement des classiques de la littérature mondiale. Ainsi, les lecteurs turcs retrouvent en 2015 pas moins d’une trentaine de versions du <em>Petit Prince</em>, lorsque l’ouvrage tombe dans le domaine public en Europe (sauf en France, où le statut de « mort pour la France » vaut à Saint-Exupéry une prolongation de 30 ans des <a href="https://www.liberation.fr/culture/2015/06/03/pourquoi-saint-exupery-est-il-tombe-dans-le-domaine-public-partout-sauf-en-france_1322085/">droits d’auteur</a>).</p>
<p>Isabelle Collombat, professeure à l’Université Sorbonne-Nouvelle, pronostiquait, en 1994, que le XXI<sup>e</sup> siècle serait l’<a href="https://hal.science/hal-01452331">âge de la retraduction</a>. Le temps et des études à venir nous diront si c’est le cas. Une chose est certaine, la retraduction a de beaux jours devant elle. Elle est l’antidote parfait à l’idée de la traduction unique et nous rappelle que derrière toute traduction il y a une écriture, une interprétation, originales et singulières. Et que la pluralité de lectures est non seulement possible, mais une vraie source de vitalité pour la littérature et surtout – pour reprendre les mots de Charles Fontaine, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k791643/f11.item">à qui on doit la première réflexion sur la retraduction en 1552</a> – de plaisir pour le lecteur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Enrico Monti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans une bibliothèque ou une librairie bien fournie, vous pourriez trouver jusqu’à sept traductions différentes des « Métamorphoses » ou de « Gatsby le Magnifique ». Selon quels critères choisir ?Enrico Monti, Maître de conférences en Anglais et Traductologie, Université de Haute-Alsace (UHA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207122024-01-16T16:20:13Z2024-01-16T16:20:13ZLa curieuse joie d’avoir tort : de l’importance de l’humilité intellectuelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568230/original/file-20231214-23-ck96kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=121%2C0%2C6081%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parfois, de nouvelles informations permettent de prendre une nouvelle direction. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/man-stands-at-a-crossroads-in-the-forest-in-autumn-royalty-free-image/1708245189">Schon/Moment via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>On attribue cette déclaration à Mark Twain : « Je suis en faveur du progrès ; c’est le changement que je n’aime pas ». Une phrase qui souligne la tendance humaine à désirer la croissance tout en opposant une forte résistance au dur labeur qui l’accompagne. Je peux certainement m’identifier à ce sentiment.</p>
<p>J’ai été élevé dans un foyer évangélique conservateur. Comme beaucoup de ceux qui ont grandi dans un environnement similaire, j’ai appris un ensemble de croyances religieuses qui ont encadré la façon dont je me comprenais le monde qui m’entourait. On m’a appris que Dieu est aimant et puissant, et que ses fidèles sont protégés. On m’a appris que le monde était juste et que Dieu était bon. Le monde me semblait simple et prévisible – et surtout, sûr.</p>
<p>Ces croyances ont volé en éclats lorsque mon frère est décédé de manière inattendue alors que j’avais 27 ans. Sa mort à 34 ans, avec trois jeunes enfants, a choqué notre famille et notre communauté. Outre le chagrin, certaines de mes hypothèses les plus profondes ont été remises en question. Dieu n’était-il pas bon ou n’était-il pas puissant ? Pourquoi Dieu n’a-t-il pas sauvé mon frère, qui était un père et un mari gentil et aimant ? Et à quel point l’univers est-il injuste, insensible et aléatoire ?</p>
<p>Cette perte profonde a marqué le début d’une période au cours de laquelle j’ai remis en question toutes mes croyances à la lumière de mes propres expériences. Au bout d’un temps considérable, et grâce à un thérapeute exemplaire, j’ai pu réviser ma vision du monde d’une manière qui m’a semblé authentique. J’ai changé d’avis sur beaucoup de choses. Le processus n’a pas été agréable. Il m’a fallu plus de nuits blanches que je n’ose l’imaginer, mais j’ai pu réviser certaines de mes croyances fondamentales.</p>
<p>Je ne l’avais pas réalisé à l’époque, mais cette expérience relève de ce que les chercheurs en sciences sociales appellent <a href="https://doi.org/10.1177/0146167217697695">l’humilité intellectuelle</a>. Et honnêtement, c’est probablement en grande partie la raison pour laquelle, en tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=2rkql34AAAAJ&hl=en&oi=ao">professeur de psychologie</a>, je m’intéresse tant à l’étudier. L’humilité intellectuelle a <a href="https://theconversation.com/us/topics/intellectual-humility-125132">fait l’objet d’une attention accrue</a>, et elle semble d’une importance cruciale à notre époque, où il est plus courant de défendre sa position que de changer d’avis.</p>
<h2>Ce que signifie l’humilité intellectuelle</h2>
<p>L’humilité intellectuelle est une forme particulière d’humilité liée aux croyances, aux idées ou aux visions du monde. Il ne s’agit pas seulement de croyances religieuses, mais aussi d’opinions politiques, d’attitudes sociales diverses, de domaines de connaissance ou d’expertise ou de toute autre conviction forte. L’humilité intellectuelle a des dimensions à la fois internes et externes.</p>
<p>L’humilité intellectuelle implique la prise de conscience et l’appropriation de nos propres <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2017.12.014">limites et préjugés</a>, de ce que l’on sait et de la manière dont on l’a appris. Elle exige une volonté de <a href="https://doi.org/10.1080/00223891.2015.1068174">réviser ses opinions</a> à la lumière de preuves solides.</p>
<p>Sur le plan interpersonnel, il s’agit de <a href="https://doi.org/10.1177/009164711404200103">maîtriser son ego</a> afin de pouvoir présenter ses idées de manière modeste et respectueuse. Il s’agit de présenter ses convictions d’une manière qui ne soit pas défensive et d’admettre que l’on a tort quand c’est le cas. Cela implique de montrer que vous vous souciez davantage d’apprendre et de préserver les relations que d’avoir « raison » ou de faire preuve de supériorité intellectuelle.</p>
<p>Une autre façon de concevoir l’humilité, intellectuelle ou autre, est d’être au bon niveau dans une situation donnée : pas trop haut (ce qui est de l’arrogance), mais pas non plus trop bas (ce qui est de l’autodépréciation).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="male standing with mic, seated audience, in a casual business seminar" src="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avoir confiance en son domaine d’expertise n’est pas croire que l’on sait tout sur tout.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/business-people-with-raised-arms-during-seminar-royalty-free-image/966267126">Morsa Images/DigitalVision via Getty Images</a></span>
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<p>Je connais assez bien la psychologie, mais pas beaucoup l’opéra. Lorsque je me trouve dans un cadre professionnel, je peux profiter de l’expertise que j’ai acquise au fil des ans. Mais lorsque je me rends à l’opéra avec des amis plus cultivés, je devrais écouter et poser davantage de questions, plutôt que d’affirmer avec assurance mon opinion très peu informée.</p>
<p>Les quatre principaux aspects de l’humilité intellectuelle sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Ouvert d’esprit, évitant le dogmatisme et étant prêt à réviser ses croyances.</p></li>
<li><p>Curieux, vous recherchez de nouvelles idées, des moyens de vous développer et de grandir, et vous êtes capable de changer d’avis pour vous aligner sur des preuves solides.</p></li>
<li><p>Réaliste, en admettant vos défauts et vos limites, en voyant le monde tel qu’il est plutôt que tel que l’on voudrait qu’il soit.</p></li>
<li><p>être capable d’apprendre, en réagissant sans se mettre sur la défensive et en changeant son comportement pour s’aligner sur de nouvelles connaissances.</p></li>
</ul>
<p>L’humilité intellectuelle est souvent un travail difficile, surtout lorsque les enjeux sont importants.</p>
<p>En commençant par admettre que, comme tout le monde, vous avez des biais cognitifs et des défauts qui limitent votre savoir, l’humilité intellectuelle peut consister à s’intéresser sincèrement aux croyances de votre parent au cours d’une conversation lors d’une réunion de famille, plutôt que d’attendre qu’il ait terminé pour lui prouver qu’il a tort en lui faisant part de votre opinion – qui est supérieure.</p>
<p>Il peut s’agir d’examiner les mérites d’un autre point de vue sur une question politique brûlante et les raisons pour lesquelles des personnes respectables et intelligentes peuvent ne pas être d’accord avec vous. Lorsque vous abordez ces discussions difficiles avec curiosité et humilité, elles deviennent des occasions d’apprendre et de progresser.</p>
<h2>Pourquoi l’humilité intellectuelle est un atout</h2>
<p>Bien que <a href="https://theexperimentpublishing.com/catalogs/summer-2023/humble/">j’étudie l’humilité</a> depuis des années, je ne la maîtrise pas encore à titre personnel. Il est difficile de nager à contre-courant des normes culturelles qui <a href="https://doi.org/10.1177/1948550609355719">récompensent le fait d’avoir raison et punissent les erreurs</a>. Il faut travailler constamment pour la développer, mais la science psychologique a mis en évidence que cette attitude comporte de nombreux avantages.</p>
<p>Tout d’abord, il faut tenir compte des avancées sociales, culturelles et technologiques. <a href="https://theconversation.com/intellectual-humility-is-a-key-ingredient-for-scientific-progress-211410">Toute avancée significative</a> dans les domaines de la médecine, de la technologie ou de la culture est due au fait que quelqu’un a admis qu’il ne savait pas quelque chose et qu’il s’est ensuite passionné pour la recherche du savoir avec curiosité et humilité. Pour progresser, il faut <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2016.03.016">admettre ce que l’on ne sait pas</a> et chercher à apprendre quelque chose de nouveau.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="animated people talking over a meal" src="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’humilité intellectuelle peut rendre les conversations moins conflictuelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/extended-family-having-meal-together-royalty-free-image/1256317730">Compassionate Eye Foundation/Gary Burchell/DigitalVision via Getty Images</a></span>
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</figure>
<p>Lorsque les gens font preuve d’humilité intellectuelle, leurs relations avec les autres s’améliorent. Des recherches ont montré que l’humilité intellectuelle est associée à une <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2015.1037861">plus grande tolérance à l’égard des personnes avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord</a>.</p>
<p>Par exemple, les personnes intellectuellement humbles acceptent mieux les personnes qui ont des opinions <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2016.1167937">religieuses</a> et <a href="https://doi.org/10.1080/15298868.2020.1714711">politiques</a> différentes des leurs. L’ouverture <a href="https://doi.org/10.1080/15298868.2017.1361861">aux nouvelles idées</a> en est un élément central, de sorte que les gens sont moins sur la défensive face à des perspectives potentiellement stimulantes. Ils sont <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2015.1004554">plus enclins à pardonner</a>, ce qui peut aider à réparer et à maintenir les relations.</p>
<p>Enfin, l’humilité facilite le développement personnel. L’humilité intellectuelle vous permet d’avoir une <a href="https://theconversation.com/teens-dont-know-everything-and-those-who-acknowledge-that-fact-are-more-eager-to-learn-214120">vision plus juste de vous-même</a>.</p>
<p>Lorsque vous <a href="https://doi.org/10.1111/phpr.12228">pouvez admettre et assumer vos limites</a>, vous pouvez aussi demander de l’aide dans les domaines où vous avez une marge de progression et vous êtes <a href="https://theconversation.com/turning-annual-performance-reviews-into-humble-encounters-yields-dividends-for-employees-and-managers-216949">plus réceptif aux informations reçues</a>. Lorsque vous vous limitez à faire les choses comme vous les avez toujours faites, vous manquez d’innombrables occasions de croissance, d’expansion et de nouveauté – autant de choses qui peuvent provoquer l’admiration, l’émerveillement, et font que la vie vaut la peine d’être vécue.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.obhdp.2019.04.008">L’humilité peut ainsi favoriser le sentiment d’authenticité</a> et le développement personnel.</p>
<h2>L’humilité ne signifie pas qu’il faut se laisser faire</h2>
<p>Malgré ces bénéfices, l’humilité a parfois mauvaise presse. Les gens peuvent avoir des idées fausses sur l’humilité intellectuelle, il est donc important de dissiper certains mythes.</p>
<p>L’humilité intellectuelle n’est pas un manque de conviction ; on peut croire fermement à quelque chose jusqu’à ce que l’on change d’avis et que l’on croie autre chose. Ce n’est pas non plus être timoré. Vous devez placer la barre très haut en ce qui concerne les preuves dont vous avez besoin pour changer d’avis. Il ne s’agit pas non plus de se dévaloriser ou d’être toujours d’accord avec les autres. N’oubliez pas qu’il s’agit d’être au bon niveau, et non de se déprécier.</p>
<p><a href="https://www.intellectualhumilityscience.com/">Les chercheurs travaillent d’arrache-pied</a> pour valider des méthodes fiables permettant de cultiver l’humilité intellectuelle. Je fais partie <a href="https://www.templeton.org/grant/applied-research-on-intellectual-humility-a-request-for-proposals">d’une équipe</a> qui supervise un ensemble de projets visant à tester différentes interventions destinées à développer l’humilité intellectuelle.</p>
<p>Certains chercheurs examinent différentes façons d’engager des discussions, et d’autres explorent le rôle de l’amélioration de l’écoute. D’autres testent des programmes éducatifs, et d’autres encore cherchent à savoir si différents types de commentaires et l’exposition à divers réseaux sociaux peuvent renforcer l’humilité intellectuelle.</p>
<p>Des travaux antérieurs dans ce domaine suggèrent que <a href="https://doi.org/10.1177/009164711404200111">l’humilité peut être cultivée</a>, et nous sommes donc impatients de voir quelles seront les voies les plus prometteuses qui émergeront de ce nouveau projet.</p>
<p>Il y a une autre chose que la religion m’a enseignée qui était légèrement erronée. On m’a dit que trop apprendre pouvait être problématique ; après tout, qui souhaite apprendre au point de perdre sa foi ?</p>
<p>Mais dans mon expérience, ce que j’ai appris en perdant la foi a pu sauver la part de ma foi que je peux vraiment approuver et qui me semble authentique par rapport à mes expériences. Plus vite nous ouvrirons notre esprit et cesserons de résister au changement, plus vite nous trouverons la liberté qu’offre l’humilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Certains des travaux décrits ont été soutenus par des subventions de la John Templeton Foundation accordées à Daryl Van Tongeren et à ses collègues. Cet article a été produit avec le soutien du Greater Good Science Center de l'université de Berkeley et de la John Templeton Foundation dans le cadre de l'initiative du GGSC sur la sensibilisation à la science de l'humilité intellectuelle.</span></em></p>L’humilité intellectuelle consiste à admettre ses propres préjugés et la possibilité de se tromper dans ses croyances ou sa vision du monde.Daryl Van Tongeren, Associate Professor of Psychology, Hope CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201602024-01-15T16:45:16Z2024-01-15T16:45:16ZLa résidence d’auteurs : une composante essentielle de la vie littéraire ?<p>Quelles sont les spécificités du dispositif résidentiel consacré aux écrivains ?</p>
<p>C’est tout l’objet de mon dernier essai, <a href="https://classiques-garnier.com/la-residence-d-auteurs-litterature-territorialite-et-mediations-culturelles.html"><em>La résidence d’auteurs. Littérature, territorialité et médiations culturelles</em></a>.</p>
<p>Je cherche à y définir une résidence d’auteurs : quels sont ses principes fondateurs ? Quelles fonctions peut-on lui assigner ? Faut-il la considérer comme un lieu d’invention et de circulation de la littérature contemporaine, un moyen d’accompagner des auteurs et de structurer leur parcours littéraire ? S’agit-il d’un dispositif de médiation, d’un outil de communication et de coopération ?</p>
<p>Ainsi, il s’avère nécessaire de chercher à comprendre ce que sont les résidences d’auteurs, mais aussi de saisir les pratiques littéraires élaborées, les lieux qu’elles occupent dans l’espace social et les médiations culturelles instaurées.</p>
<p>Ce dispositif constitue un objet scientifique fort stimulant à partir duquel j’ai pu dégager des lignes de force portant sur la conceptualisation de la notion, mais aussi sur les enjeux littéraires et culturels de la résidence selon les strates envisagées et les acteurs concernés, c’est-à-dire pour les auteurs, les institutions culturelles sur les territoires et enfin les publics.</p>
<h2>La résidence, un lieu de création littéraire, une poétisation du territoire ?</h2>
<p>Soucieuse de l’évolution au fil du temps, mais aussi du contexte d’émergence des résidences d’auteurs, cette étude a privilégié une double approche, à la fois diachronique et synchronique, qui puisse notamment éclairer la notion sous l’angle de la création et plus particulièrement de ses enjeux symboliques et littéraires.</p>
<p>À l’issue de cet état des lieux réalisé à partir d’une historicisation préalable des pratiques résidentielles, l’enjeu a été de montrer comment ce dispositif est, en fonction des époques et des terrains, un processus en perpétuelle évolution qui emprunte à d’autres systèmes existants – littéraires ou artistiques – tout en absorbant différentes traditions au sein d’un réseau de relations.</p>
<p>Ce rapide parcours historique offre la possibilité de saisir de quelle manière la résidence d’auteurs s’est construite, au fil des siècles et des lieux, dans un jeu constant d’interactions avec d’autres formes. Du mécénat à l’atelier d’artiste, en passant par le Grand Tour, l’itinérance et les modèles académiques (Villa Médicis, Casa de Velázquez, Villa Kujoyama, Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon), le dispositif résidentiel s’impose, grâce à une hybridation des formes de sociabilité pratiquées, comme une composante essentielle de la vie littéraire favorisant fortement la circulation des œuvres et des écrivains.</p>
<p>Il m’a semblé essentiel de montrer également comment la résidence d’auteurs est bien un lieu appartenant à la vie littéraire qui, entre spatialité symbolique et instance de médiation, participe à des stratégies de reconnaissance à l’épreuve de l’espace littéraire. Au croisement de diverses disciplines et approches critiques de la littérature comme fait social et acte de communication, l’objectif a donc été de cerner la résidence en tant que composante de la vie littéraire.</p>
<p>En fait, le dispositif résidentiel s’avère être un lieu de sociabilité, de construction pour les autrices et auteurs, mais surtout un espace d’invention littéraire.</p>
<p>Afin d’analyser de manière précise la facture textuelle de certaines créations résidentielles sélectionnées, j’ai cherché à nommer les formes rencontrées, puis à mettre en place grâce à une approche comparée, un panorama représentatif de ces <a href="https://www.fabula.org/actualites/4587/br-blanckeman-les-fictions-singulieres.html">« fictions singulières »</a> (F. Forte, M. Batalla, O. Domerg, E. Pagano, J. Portante, F. Jacob…) se jouant des frontières spatiales et littéraires, sous de multiples déclinaisons génériques (récits de spatialité, poèmes paysagers, romans topographiques, narrations de soi immersives…). En cela, la résidence d’auteurs demeure un lieu de création résolument nécessaire à la fois pour les créateurs et la société, dans sa capacité de réinvention, de recréation proposant sans cesse un regard nouveau sur notre relation avec le monde et le territoire.</p>
<h2>La résidence, un dispositif politique et territorial dans l’espace public</h2>
<p>Après avoir montré comment la résidence d’auteurs est une potentielle poétisation du territoire, cette étude m’a conduit à interroger les enjeux institutionnels et communicationnels de ce dispositif culturel selon plusieurs pistes. Partant du cadre plus général des politiques culturelles et de son historicité, la résidence apparaît comme un objet culturel et un instrument politique, à la jonction de divers espaces, modélisé par une tension entre la strate nationale et locale, entre d’une part, un État-providence, instance légitime de consécration et de financement, prônant une culture démocratique centrée sur l’accès aux œuvres et d’autre part, les collectivités territoriales issues des diverses réformes de décentralisation opérant les transferts de compétences en fonction des périmètres territoriaux établis (métropolisation, régionalisation, intercommunalité).</p>
<p>Sur le plan créatif, social et économique, le dispositif résidentiel est un moyen efficace de remettre le curseur sur la création littéraire en intégrant la prise de risque propre au processus et surtout en offrant aux écrivains dans leur parcours un accompagnement financier, logistique et artistique. Ainsi, le positionnement même de la résidence dans le champ des activités connexes, c’est-à-dire non essentielles, nécessiterait un réajustement de la part des politiques culturelles valorisant l’expérimentation et les médiations vers les publics, à condition de réinterroger la question de la commande et des prescriptions résidentielles sous l’angle des logiques afférentes, des modalités communicationnelles et des stratégies déployées par les différents acteurs culturels (écrivains, porteurs de résidences, institutions).</p>
<p>En outre, ce dispositif culturel implique en filigrane la question du statut de l’auteur, de son positionnement social et professionnel, de sa définition même qui reste une véritable pierre d’achoppement cristallisant des conceptions contradictoires, des clivages en fonction des acteurs sociaux et des spécialistes.</p>
<p>En centrant ainsi l’analyse sur le statut de l’auteur en contexte résidentiel, l’enjeu a été d’examiner cette tension identifiable sur plusieurs strates mettant en jeu de fortes dualités, en fonction des divergences observées. L’identité complexe de l’auteur restant encore hybride ou incomplète selon les approches théoriques, il m’a semblé utile ensuite d’interroger le statut auctorial sous l’angle juridique, politique et axiologique. La résidence d’auteurs ne s’apparente donc pas juste à une bouée de sauvetage palliative, une aide « accessoire » à la marge compensant un manque de financement destiné aux écrivains, mais assume un rôle non négligeable d’intermédiaire, de médiateur culturel entre créateurs et publics au sein de l’écosystème littéraire.</p>
<p>En prenant appui sur les diverses enquêtes menées sur les territoires français, européen et canadien, cette étude a veillé à établir une typologie des formes et contraintes résidentielles permettant une compréhension nouvelle ou en tout cas plus approfondie de l’objet étudié. Cet essai d’identification des tendances observées sur le terrain a été essentiel afin de définir plus finement la résidence en tant qu’espace de communication et de combler des discours institutionnels souvent flous et incomplets ou alors une démultiplication des extensions possibles.</p>
<p>Cette interrogation de la notion a donc été pensée en fonction de trois éléments connexes : le discours des auteurs, son usage selon le concept de dispositif et ses principes constitutifs. En somme, la résidence est d’un point de vue institutionnel et communicationnel, un bastion inventif original émanant de ce « personnel de renfort » qui s’efforce de participer, en sa qualité d’adjuvant culturel sur le territoire, au processus de production et de diffusion littéraire.</p>
<h2>La résidence comme dispositif de médiation</h2>
<p>Enfin, sous l’angle inédit de la confrontation du concept de médiation culturelle avec la résidence d’auteurs, cette analyse a permis d’interroger les enjeux d’appropriation ou de réappropriation qui en découlent, malgré la plasticité de cette notion souvent controversée. Plus spécifiquement, l’objectif a été de mesurer la multiplicité des définitions qui affleurent à travers diverses approches conceptuelles, ainsi que les tentatives plus empiriques qui émanent des pratiques sur le terrain circulant entre des espaces sociaux différents. Il ne s’agit pas de remettre en cause la validité de la médiation en tant que conception de la culture, catégorie professionnelle et outil conceptuel, mais plutôt de mettre en exergue l’intérêt de ce processus communicationnel éclairant le dispositif résidentiel par le biais d’un examen des interactions sociales.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569275/original/file-20240115-209176-3u52z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La résidence est un possible laboratoire social, outil de communication et de coopération.</span>
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<p>L’objectif a été de replacer les résidences d’auteurs dans les espaces et les situations d’intervention rencontrés, à travers un essai de spatialisation résidentielle, afin de cerner les types de médiations imaginés et les stratégies communicationnelles des différents milieux de pratique.</p>
<p>L’examen de l’imbrication des lieux et des rapports sociaux en fonction des formes résidentielles recensées, a pris notamment appui sur l’outillage théorique de la géographique sociale cherchant à déterminer dans une perspective interactionniste toutes les dimensions (symboliques, politiques, économiques) d’une communication culturelle dans l’espace public.</p>
<p>Cette spatialisation résidentielle m’a amené à appréhender ce dispositif comme un possible laboratoire social, outil de communication et de coopération selon les lieux (bibliothèque, musée, école, prison, hôpital, parc naturel, espace rural…).</p>
<p>Ainsi, en évaluant notamment les possibilités d’échange et de production de sens au sein des diverses pratiques mises en œuvre, de la participation à la co-création, il est possible d’affirmer que la résidence d’auteurs vise à valoriser la communication interpersonnelle, c’est-à-dire la relation des individus à l’écrivain in situ et des participants aux activités de médiation entre eux selon l’expérience participative choisie (table ronde, atelier d’écriture…) et à travers une certaine horizontalité des pratiques. En cela, elle tente de mettre en place des modalités de rencontre entre les habitants, les auteurs et les acteurs du territoire, en ayant comme objectif l’élaboration d’un sens construit dans la confrontation, l’échange collectif autour de la création et des relations intersubjectives établies qui inclut bien évidemment aussi le surgissement de l’imprévisible lié à la situation contextuelle et aux interactions sociales.</p>
<p>Cependant, croisant relations partagées et logiques d’acteurs, l’étude a aussi confronté les actions collaboratives menées dans le champ des pratiques et des compétences professionnelles nécessaires à la conduite d’une résidence d’auteurs, en revenant sur les configurations spatialisées identifiées et en initiant une réflexion sur une possible structuration professionnelle. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569274/original/file-20240115-23-o1lhsc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>La Résidence d’auteurs</em>, de Carole Bisénius-Penin, est sorti aux éditions Classiques Garnier.</span>
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<p>À travers un dernier jeu d’échelles autour de la frontière, un ultime déplacement diplomatique, cet ouvrage appréhende pour finir le dispositif résidentiel comme outil de coopération interculturelle pouvant rendre visible une esthétique de la rencontre transfrontalière.</p>
<p>Finalement, l’objectif de cet ouvrage portant sur l’articulation entre littérature contemporaine, territorialité et médiations culturelles, est de contribuer à une meilleure compréhension des spécificités du dispositif résidentiel consacré aux écrivains ; et ce, selon trois perspectives : un lieu de création avec des enjeux symboliques et littéraires, un dispositif politique et territorial avec des enjeux institutionnels et communicationnels et, enfin, un équipement de médiation avec des enjeux d’appropriation. À bien des égards, une interrogation originale sur les frontières du littéraire, à travers cette enquête sur les formes sensibles et mobiles de la littérature <em>in situ</em> articulant une approche empirique et pragmatiste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Bisenius-Penin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qu’une résidence d’auteurs ? Quels sont ses enjeux pour les auteurs, les institutions culturelles et les publics ?Carole Bisenius-Penin, Professeur d'Université en Sciences de l'information et de la communication, CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205772024-01-15T11:09:18Z2024-01-15T11:09:18ZInciter ses salariés à innover, une affaire de culture nationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567906/original/file-20240104-21-bhnzze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment s'y prendre pour stimuler le potentiel d'innovation de ses salariés ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Jarmoluk / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières décennies, des entreprises du monde entier ont tenté de stimuler leur capacité à <a href="https://theconversation.com/topics/innovation-21577">innover</a> en mettant en œuvre certaines <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-humaines-rh-120213">pratiques de gestion des ressources humaines</a> (GRH). Leur objectif : développer les compétences des collaborateurs, accroître leur motivation et leur donner des opportunités pour prendre part à l’effort collectif. <a href="https://theconversation.com/topics/formation-21393">Formations</a>, <a href="https://theconversation.com/topics/dialogue-social-44601">consultations</a>, <a href="https://theconversation.com/topics/primes-88958">incitations financières</a>, les dispositifs prennent différentes formes.</p>
<p>Une entreprise <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/3069392">innove</a> lorsqu’elle développe et commercialise un produit ou un service qui est nouveau pour elle ou pour le marché. Dans un monde concurrentiel, c’est souvent synonyme de survie pour une entreprise : son existence même peut être en remise en cause lorsqu’elle ne parvient à faire évoluer son offre alors que les contraintes et les aspirations des clients changent parfois rapidement.</p>
<p>La capacité d’une entreprise à innover dépend d’un grand nombre de facteurs parmi lesquels ses pratiques de GRH. En effet, une part significative des décisions qui permettent à l’entreprise d’imaginer de nouvelles choses est prise par les salariés eux-mêmes. Comment sont-ils formés ? Comment sont-ils rémunérés ? Leur parole est-elle prise en compte ou non ? Autant d’éléments qui peuvent contribuer indirectement à l’innovation dans l’entreprise.</p>
<p>Les études précédentes font état de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09585192.2016.1143862">résultats contrastés</a>. Il semble que certaines pratiques soient efficaces dans certaines entreprises et moins dans d’autres. Pas de loi universelle donc, à première vue, liant une pratique de GRH donnée et une innovation. Se pourrait-il que la culture nationale de l’entreprise soit l’un des facteurs explicatifs de la variabilité des effets des pratiques de GRH sur l’innovation à travers le monde ? Une personne en charge de la gestion des ressources humaines d’une multinationale pourra légitimement se poser la question avant d’instaurer tel ou tel dispositif.</p>
<h2>Bonus financiers, formation, discussion… Qu’utiliser où ?</h2>
<p>Nos <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hrm.22149">travaux</a> ont, eux été conduits sur un échantillon de 304 entreprises provenant de 13 pays ou grandes régions du monde. Notre attention s’est portée sur trois pratiques qui ont pour objectif d’<a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMR.1982.4285240">améliorer les compétences, la motivation ou les opportunités des collaborateurs</a>. La première est la formation interfonctionnelle, un dispositif permettant aux collaborateurs d’acquérir des compétences habituellement associées dans l’entreprise à une autre fonction que la leur. La deuxième est la mise en place d’incitations financières pour motiver les collaborateurs à innover. Enfin, nous avons observé ce qu’il en était de la mise en place de dispositifs pour recueillir l’avis des collaborateurs afin de leur donner des opportunités de contribuer au processus d’innovation.</p>
<p>Étudier l’efficacité de ces trois pratiques de GRH sur l’innovation en fonction du contexte culturel implique évidemment de caractériser les cultures. Pour faire cela, nous avons fait appel au <a href="https://www.hofstede-insights.com/country-comparison-tool">modèle</a> développé par l’anthropologue néerlandais Geert Hofstede qui permet de décrire les cultures nationales sur un ensemble de dimensions fondamentales. Pour des raisons théoriques, nous avons retenu trois dimensions en particulier : l’individualisme (contre le collectivisme), la masculinité (contre la féminité) et la distance hiérarchique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Nous avons considéré que les effets des pratiques de GRH sur l’innovation dans une culture donnée peuvent être de deux natures différentes. Si la pratique est similaire dans son principe à la culture nationale et qu’elle a un effet positif sur l’innovation, on parle de renforcement. La pratique de GRH vient en quelque sorte exploiter le potentiel de l’effet de la culture sur l’innovation. Si la pratique de GRH est différente dans son principe de la culture nationale et qu’elle a un effet positif sur l’innovation, on parle alors de compensation. La pratique de GRH vient en quelque sorte pallier quelque chose qui manque dans la culture de l’entreprise pour favoriser l’innovation.</p>
<h2>Exploiter un potentiel et lever des obstacles</h2>
<p>Notre étude a révélé tout d’abord que la formation interfonctionnelle favorise davantage l’innovation dans les cultures collectivistes, celles par exemple que l’on retrouve en Corée du Sud ou au Vietnam. Mettre l’accent sur l’harmonie de groupe et sur les objectifs partagés semble en effet assez cohérent avec les objectifs de la formation interfonctionnelle qui vise à amener le salarié à dépasser les frontières de son propre rôle et à s’en approprier en partie d’autres. C’est très différent dans les cultures individualistes suédoise ou allemande : la formation interfonctionnelle pourrait y augmenter les coûts et conduire à des conflits. En somme, la formation interfonctionnelle vient renforcer l’une des caractéristiques positives pour l’innovation déjà présente dans les cultures collectivistes.</p>
<p>Concernant la mise en place de bonus financiers qui récompenseraient l’innovation, il apparaît que cette pratique est plus efficace dans les cultures masculines (par exemple au Japon ou en Italie) que dans les cultures féminines (par exemple en Suède ou en Finlande). Dans une culture valorisant intrinsèquement la réussite et le succès matériel, premier cas, les incitations financières vont motiver les collaborateurs à innover. Ce sera moins le cas dans les cultures qui, second cas, valorisent davantage la qualité de vie et l’équilibre entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle. Un bonus n’y est pas particulièrement motivant. Il apparaît donc que les incitations financières jouent un rôle renforçateur dans la relation entre masculinité et innovation.</p>
<p>C’est un rôle compensateur qu’exercent en revanche les dispositifs permettant à leurs collaborateurs d’exprimer librement leurs idées et de partager leurs perspectives avec les autres dans les cultures caractérisées par une forte distance hiérarchique (par exemple en Chine). Dans les cultures avec une forte distance hiérarchique, la communication ascendante est quasi inexistante. Donner la parole aux collaborateurs dans ce type de cultures permet de faire émerger de nouvelles idées et des perspectives qui ne seraient pas audibles autrement. Un obstacle à l’innovation est ainsi levé. En revanche, dans les cultures ayant une faible distance hiérarchique (en Israël par exemple), les collaborateurs peuvent déjà s’exprimer librement et les dispositifs pour faciliter la prise de parole n’ont donc pas tellement de valeur ajoutée.</p>
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<p>Il semble en définitive que les pratiques se concentrant sur les compétences et la motivation viennent plutôt renforcer des caractéristiques culturelles positives pour l’innovation là où les pratiques se concentrant sur l’offre d’opportunités viennent plutôt compenser des manques. Notre étude souligne en tout cas l’importance de prendre en compte le contexte culturel dans lequel une pratique de GRH est mise en œuvre afin de pouvoir anticiper son efficacité. Pour les entreprises internationales ayant des collaborateurs de différentes cultures dans différentes régions du monde, il paraît important de prendre conscience que les pratiques de GRH qui sont efficaces à un endroit ne le seront pas nécessairement à un autre.</p>
<p>Que faire lorsque l’on ne peut pas adapter une pratique inadaptée ? La culture organisationnelle pourrait-elle prendre le contre-pied de la culture nationale pour favoriser l’innovation ? De futures recherches nous diront si c’est un levier que les personnes en charge de la gestion des ressources humaines peuvent actionner ou non.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220577/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Formation, incitations financières, discussions… Une étude montre que l’efficacité des pratiques de ressources humaines visant à stimuler l’innovation varie fortement selon les régions du monde.Martin Storme, Professeur associé en négociation, IÉSEG School of ManagementElise Marescaux, Dean of Faculty - Full professor in Human Ressources Management, IÉSEG School of ManagementJingjing Yao, Full Professor in International Negotiation, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204052024-01-14T16:30:10Z2024-01-14T16:30:10ZDu « Jour du Seigneur » aux croisades morales de CNews<p>Le <em>Jour du Seigneur</em> vient de fêter ses 75 ans. Émission emblématique du <a href="https://theconversation.com/debat-laudiovisuel-public-est-il-vraiment-public-156794">service public</a> par sa longévité, elle s’inscrit dans un processus ancien d’influence de l’Église au sein des médias. Si les émissions religieuses font désormais partie du « patrimoine » de la <a href="https://theconversation.com/la-necessite-de-la-television-publique-158175">télévision publique</a>, elles ne manquent pas d’interroger le <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/271400-la-loi-du-9-decembre-1905-de-separation-des-eglises-et-de-letat">principe de laïcité</a>.</p>
<h2>Des causeries religieuses aux radio-sermons</h2>
<p>Les émissions religieuses illustrent la rapidité avec laquelle l’Église catholique a su s’adapter à l’évolution des médias pour étendre son influence. Ce sont essentiellement les dominicains, appartenant à <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-histoire-des-religions-2018-3-page-554.htm">l’Ordre prêcheur</a> (OP), congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui vont être les fers de lance du mouvement d’influence.</p>
<p>À partir de 1927, la station Radio-Paris retransmet les conférences de Notre-Dame et diffuse chaque dimanche 20 minutes de prédication catholique, appelée la « causerie religieuse ». Au 1<sup>er</sup> janvier 1934, suite à la décision du gouvernement français de racheter Radio-Paris afin d’en faire une radio nationale publique, les émissions religieuses sont supprimées au nom de la neutralité de l’État malgré les critiques rejetant un « laïcisme outrancier".</p>
<p>C’était sans compter l’influence des dominicains : elles sont rétablies à Pâques la même année… À partir de cette date, les prédications <a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/1411">« radio-sermons »</a>, sorte de discours simples, directs, familiers, à la portée de tous, fleurissent sur les radios d’État ou privées.</p>
<p>L’introduction de la messe est plus tardive. En 1935, une campagne est menée par des auditeurs et des personnalités de confession catholique auprès du ministre des PTT pour la diffusion d’une messe hebdomadaire. Mais la radio d’État résiste au motif que l’expression religieuse à la radio doit être soumise aux principes de laïcité et de neutralité. Les dominicains orchestrent alors une campagne de communication et obtiennent ainsi à la Pentecôte 1938 que Radio-37, nouvelle radio privée en quête d’audience, diffuse en direct la messe.</p>
<p>Après la libération, la radiodiffusion française (RTF) devient monopole d’État. Néanmoins, dès octobre 1944, la messe est diffusée sur les antennes et des programmes spéciaux ont lieu pour les événements catholiques.</p>
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<h2>L’introduction des émissions religieuses à la télévision</h2>
<p>Dans les années 1950, dans une télévision française naissante, les premiers programmes de télévision accordent sans tarder une place et une attention particulières aux émissions à caractère religieux.</p>
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<p>Cette présence du religieux est essentiellement due à l’action conjointe du père Pichard, dominicain, et celle de <a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/arcy-jean">Jean d’Arcy</a>, alors chargé de mission au cabinet de François Mitterrand, secrétaire d’État chargé de l’information auprès du président du Conseil. Si Jean d’Arcy défend le choix des 819 lignes, technique de qualité qui rendrait la France compétitive, le père Pichard entend prioritairement mettre la technique au service de l’unité chrétienne. Ancien résistant, Jean d’Arcy considère aussi ce nouveau média comme instrument de lien et de communication entre les peuples, susceptible de répondre aux besoins spirituels du public :</p>
<blockquote>
<p>« Grâce à la Télévision, qui apporte un spectacle complet, maintenant, à domicile, nous pouvons apporter la satisfaction de ces besoins intellectuels et spirituels, qui ne sont plus réservés ainsi aux classes riches, aux classes aisées, comme c’était le cas jusqu’à maintenant. C’est en cela que nous sommes un service, et un service public. » (stage international des réalisateurs, 21/10/1957. Fonds J. d’Arcy)</p>
</blockquote>
<h2>La première messe télévisée</h2>
<p>En 1948 est diffusé le premier direct extérieur de la télévision française : il s’agit la messe de Noël en direct de la cathédrale Notre-Dame, la première messe télévisée au monde. Quant au <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i19053921/premiere-allocution-televisee-du-pape-pie-xii">premier discours à la télévision</a> française, c’est celui du Pape Pie XII, diffusé le 17 avril 1949.</p>
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<p>À partir du 9 octobre 1949, la télévision française émet 17 heures de programme par semaine. Parmi celles-ci : une heure et demie de programmes religieux catholiques, soit 9 % du temps d’antenne. Le père Pichard, engagé par contrat « en qualité de collaborateur artistique » est rémunéré pour exercer des fonctions de conseiller ecclésiastique à la télévision, ce qui constitue un certain nombre <a href="https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite">d’entorses au principe de laïcité</a>.</p>
<p>Jean d’Arcy, devenu directeur des programmes de la RTF (radiodiffusion-télévision française) en 1952, continue de s’intéresser au développement de la télévision catholique en même temps qu’à celui de l’Eurovision, toutes deux destinées à créer « une communauté spirituelle entre les peuples » selon lui. Ses <a href="https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2007-2-page-247.htm">discours</a> attestent ainsi de la place des courants d’inspiration chrétienne dans la construction de la première télévision.</p>
<p>Le débat autour de la compatibilité des émissions religieuses avec le principe de laïcité reprendra de la vigueur après que la RTF, le 5 décembre 1954, décide de diffuser tous les dimanches à la télévision <em>Le Jour du Seigneur</em>, un magazine et une messe catholiques en direct. En l’absence de cadre légal, au nom du principe de neutralité du service public mais aussi pour faire taire les critiques, les responsables proposent au président de la Fédération protestante de France une émission « Présence protestante » dès 1955 dans la grille des programmes. D’autres religions et courants spirituels suivront : <em>La Source de vie</em> (judaïsme, 1962), <em>Orthodoxie</em> (1963), <em>Foi et traditions des chrétiens orientaux</em> (1965), rejoints par l’Islam (1983) et le Bouddhisme (1996).</p>
<h2>Émissions religieuses : une entorse au principe de laïcité ?</h2>
<p>Il faut attendre la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000006089724">loi du 7 août 1974</a> pour que soit consacré un « égal accès à l’expression des principales tendances de pensée et des grands courants de l’opinion ». Plus tard, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000043969260">loi du 30 septembre 1986</a> relative à la liberté de communication prévoit et encadre juridiquement la programmation des émissions religieuses (article 56). <a href="https://www.senat.fr/rap/l08-150/l08-15089.html">Cette loi impose à France Télévisions</a> de programmer et de participer financièrement à la réalisation d’émissions religieuses consacrées aux principaux cultes.</p>
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<p>La diffusion de programmes religieux est donc rendue possible en droit français par une interprétation du principe de neutralité du service public audiovisuel : l’idée est que le pluralisme dans le contenu de l’audiovisuel public est une garantie de cette neutralité. Il en résulte que c’est bien la loi qui prévoit les émissions religieuses, sur la base de la Constitution, et cela sans que puisse être opposée la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905. Selon le législateur, les programmes à caractère religieux à la télévision publique participent à la formation des divers courants d’opinions des citoyens, et revêtent ainsi le caractère d’une mission de service public.</p>
<p>Si la neutralité du service public audiovisuel suppose la représentation de tous les courants de pensée, c’est le juge qui doit délimiter les contours de cette notion en cas de conflits. En 1980, Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007687938">Conseil d’État</a> a rejeté une demande tendant à bénéficier d’un même espace d’expression au bénéfice des athées, en jugeant que le principe d’égalité de traitement des grands courants d’opinion « ne fait pas obstacle à ce que des émissions particulières soient consacrées à l’expression de certaines formes de pensée et de croyance ».</p>
<p>Dans la pratique, les émissions religieuses sont diffusées le dimanche matin entre 8 h 30 et 12 h, et réunissent en moyenne 8,5 % de part d’audience. Le <em>Jour du Seigneur</em>, émission co-produite avec le comité français de radio-télévision (CFRT), association dominicaine en charge du programme, bénéfice d’une heure trente tous les dimanches avec une audience de <a href="https://www.arcom.fr/sites/default/files/2023-11/Rapport-sur-execution-du-cahier-des-charges-de-France-Televisions-Annee-2022-Arcom_0.pdf">600 000 personnes</a> soit 11,4 % de parts d’audience, en baisse depuis plusieurs années. Cela est peu au regard des 1,8 M d’abonnés du <a href="https://twitter.com/Pontifex_fr">compte du Pape François sur X (ex Twitter)</a></p>
<h2>Un monopole du sens ?</h2>
<p>Comme le rappelle <a href="https://irel.ephe.psl.eu/sites/default/files/iesr_import//debray.pdf">Regis Debray</a>, on ne saurait reconnaître aux religions un quelconque monopole du sens. Pour ce qui relie l’individu au temps, au cosmos et à ses congénères, les religions instituées n’ont ni exclusivité ni supériorité a priori. Les réponses profanes aux questions que posent la fin de vie, l’interruption volontaire de grossesse, le mariage pour tous, l’origine et la finalité de l’univers, contribuent pleinement à la formation du sens. Il faut ainsi faire le partage entre le religieux comme objet de culture (entrant dans le cahier des charges de la télévision publique qui a pour mission de permettre de comprendre l’apport des différentes religions à l’institution symbolique de l’humanité) et le religieux comme objet de culte (pratique personnelle dans le cadre d’associations privées). On peut légitimement s’interroger sur la place de retransmissions de prières collectives à la télévision de service public.</p>
<h2>CNews et croisade morale</h2>
<p>Enfin, si les émissions religieuses du service public sont bien encadrées par la loi, quoiqu’en porte-à-faux avec la représentation d’une République incarnant l’émancipation du service public à l’égard du religieux, la présence de journalistes d’opinion au sein de chaînes privées interroge peut-être plus encore la laïcité.</p>
<p>Avec l’émission « En quête d’esprit » animée par Aymeric Pourbaix, journaliste du magazine France Catholique, diffusée chaque dimanche, CNews entend « aborder l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique » et plus précisément défend une ligne éditoriale chrétienne affirmée. À titre d’exemple, le <a href="https://www.cnews.fr/emission/2023-03-12/en-quete-desprit-du-12032023-1331847">12 mars 2023</a>, à l’occasion du projet d’inscription dans la Constitution de la loi « Veil » relative à l’interruption volontaire de la grossesse (IVG), l’animateur qualifie l’IVG de « dogme » et défend « la place du pardon et de la miséricorde divine ». Une attaque au droit fondamental de la femme à disposer de son corps.</p>
<p>Faut-il rappeler que la laïcité est la garantie de la liberté de conscience, indépassable outil au service de l’émancipation des hommes et des femmes, ciment de la citoyenneté et de l’égalité de tous vis-à-vis de tous ? L’esprit critique est alors indispensable pour décrypter au sein des médias et sur les réseaux sociaux les discours dogmatiques et manœuvres d’influence, offrant un terrain fertile aux attaques à la laïcité et à la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/07/ivg-net-le-site-tres-oriente-d-un-couple-de-militants-catholiques_5044551_4355770.html">désinformation active dans le domaine</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Pierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Chaque dimanche depuis 75 ans, la télévision publique diffuse une émission catholique. Comment cela s’articule-t-il avec le principe de laïcité ?Sylvie Pierre, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication/Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197742024-01-11T16:42:26Z2024-01-11T16:42:26ZGTA VI, le jeu vidéo le plus attendu de tous les temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568112/original/file-20240106-21-35m25l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C2560%2C1586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lucia et Jason, les « héros » de GTA VI</span> <span class="attribution"><span class="source">Wall.alphacoders.com</span></span></figcaption></figure><p>Sortie le 5 décembre 2023 et cumulant 150 millions de visualisations en trois semaines, la première <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QdBZY2fkU-0">bande-annonce du jeu vidéo <em>Grand Theft Auto VI</em></a> est devenue iconique pour les gamers du monde entier, impatients d’expérimenter ce jeu considéré comme le plus attendu de tous les temps. Cette bande-annonce est la <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/gta-vi-la-bande-annonce-bat-deja-des-records-et-devient-la-troisieme-video-la-plus-vue-de-youtube-en-24-heures-06-12-2023-YGGVCZ32HJBAJDHSVECJDHDQHE.php">vidéo la plus regardée de YouTube en 24 heures</a>, avec environ 93 millions de vues, hors vidéos musicales, seuls deux clips du groupe sud-coréen BTS ayant fait mieux.</p>
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<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du jeu vidéo <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Ce trailer de <em>GTA VI</em> est aussi le <a href="https://www.gamingdeputy.com/fr/gta-6-etablit-le-record-de-la-bande-annonce-youtube-la-plus-appreciee/">plus liké de YouTube, jeux vidéo, séries et films confondus</a>, ce qui démontre la satisfaction et l’enthousiasme des fans. Ceux-ci sont à l’affût de la moindre information concernant le jeu et de nombreuses rumeurs circulent qu’il est parfois très difficile de vérifier. Déjà en septembre 2022, quand un hacker de 18 ans <a href="https://www.tf1info.fr/culture/jeu-video-gta-vi-fuite-massive-le-hacker-qui-a-pirate-gta-6-de-rockstar-games-condamne-a-vie-a-la-prison-hopital-2280232.html">a fait fuiter 90 vidéos de <em>GTA VI</em></a> sur des forums, cela a produit des débats sans fin et des <a href="https://www.lacremedugaming.fr/actus/news/gta-6-ca-va-trop-loin-encore-une-fois-182626.html">spéculations parfois très farfelues</a>.</p>
<h2>Un gameplay élaboré et addictif dans un univers sulfureux</h2>
<p>L’origine de <em>GTA</em> remonte à 1987 avec la <a href="https://www.rockstarmag.fr/rockstar-games-lhistoire-dune-vision-audacieuse-du-jeu-video/">création du studio DMA Design</a> par David Jones, ingénieur informatique et programmeur de 22 ans. Lui et son équipe créeront rapidement plusieurs jeux populaires dont <a href="https://www.jeuxvideo.com/jeux/jeu-55575/"><em>Lemmings</em></a>. Avec le <a href="https://www.sportskeeda.com/gta/news-an-original-gta-creator-mike-dailly-wins-lifetime-achievement-award-scottish-game-awards">développeur Mike Dailly</a>, ils se lancent le défi de programmer une ville virtuelle, un monde ouvert parallèle dans lequel s’affrontent policiers et gangsters. Cependant, après plusieurs semaines de tests, les développeurs réalisent que jouer les policiers qui respectent les règles n’est pas très amusant et décident de centrer le jeu sur les gangsters.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage de la BBC dans les locaux de DMA Design en 1996.</span></figcaption>
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<p>En 1995, David Scott Jones présente <em>Race’n Chace</em> aux frères <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/arnaques-crimes-et-putaclic/dan-et-sam-houser-gta-c-est-vraiment-plus-fort-que-toi-5400879">Sam et Dan Houser de BMG Interactive</a> qui voient le potentiel d’un jeu sur des criminels réservé aux adultes et acceptent de lancer le jeu mais sous le nom <em>Grand Theft Auto</em>. Ils recrutent le publiciste <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1463315/gta-payer-pour-avoir-mauvaise-presse-une-bonne-strategie.htm">Max Clifford pour avertir les médias et les politiques</a> de la prochaine sortie d’un jeu violent et immoral ce qui crée un énorme bad buzz et donne une image sulfureuse à <em>GTA</em> dont la promotion est faite massivement et gratuitement par la presse.</p>
<p>Interdit aux moins de 18 ans, <em>Grand Theft Auto</em> sort le 28 novembre 1997 sur PC, PlayStation, Sega Saturn, Nintendo 64 et Gameboy Color. Grâce au scandale, à son univers et à ses qualités techniques, il dépasse les <a href="https://www.senscritique.com/liste/les_ventes_de_la_saga_gta/321420">deux millions d’exemplaires vendus</a>. Les joueurs peuvent incarner un des huit personnages de criminels et accomplir des missions de plus en plus difficiles et lucratives pour la mafia de Liberty City, version fictive de New York. Ils sont ensuite envoyés à San Andreas (San Francisco) et à Vice City (Miami).</p>
<p><a href="https://www.versionmuseum.com/history-of/grand-theft-auto">Les prochaines versions de <em>GTA</em></a> seront de plus en plus sophistiquées et violentes, les joueurs étant incités à causer un maximum de destruction et de carnage avec de nouvelles armes et de nouveaux véhicules. Véritable <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/hype-tech/gta-iii-fete-ces-20-ans-retour-sur-le-jeu-qui-a-change-l-histoire-de-la-franchise-5425307">révolution dans le monde du jeu vidéo, <em>GTA III</em></a>, conçu spécialement pour bénéficier des capacités de la PlayStation 2, marquera le passage de la franchise à la 3D avec une sophistication narrative et un design visuel bien supérieurs. Les libertés sont encore plus importantes dans un monde <a href="https://www.micromania.fr/fanzone/la-liberte-guidant-le-joueur-inevitable-avenement-de-open-world.html">aux possibilités et aux vies infinies et un jeu qui n’a pas de fin</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de <em>GTA III</em>, évalué 97/100 sur Metacritic.</span></figcaption>
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<p>La franchise <em>GTA</em> a grandement <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp60972-depuis-quand-on-joue-en-monde-ouvert/">contribué au développement des mondes ouverts</a>, où les personnages peuvent aller n’importe où au lieu de suivre un chemin imposé, et faire n’importe quoi au lieu d’être limités à certaines actions. Cela incite les joueurs à se défouler en commettant des crimes et des infractions qui ne font pas partie des missions de base, alimentant le <a href="https://www.slate.fr/tribune/78450/jeu-video-violence-liberte-expression">débat sur la relation entre violence virtuelle et réelle</a>.</p>
<p>Après plusieurs acquisitions successives, les éditeurs du jeu intègrent le <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp50038-rockstar-games-lhistoire-des-createurs-de-gta-et-red-dead-redemption/">groupe Take-Two Interactive sous le nom de Rockstar Games</a>, division pilotée par les frères Houser. Ils produiront ensemble toutes éditions de <em>GTA</em> à partir de la troisième jusqu’au départ de Dan en 2020. <a href="https://www.bfmtv.com/tech/gaming/gta-vi-rockstar-games-donne-rendez-vous-debut-decembre-pour-devoiler-le-prochain-grand-theft-auto_AV-202311080579.html">Sam est toujours aujourd’hui le président de Rockstar Games</a> et producteur exécutif de <em>GTA VI</em>. <a href="https://www.linkedin.com/in/david-jones-79557023/?original_referer=https%3A%2F%2Fwww%2Egoogle%2Efr%2F">David Jones partira en 2000</a> fonder plusieurs entreprises successives de gaming : Realtime Worlds, nWay, Reagent Games, et Denki.</p>
<h2>Les performances extraordinaires de <em>GTA V</em></h2>
<p>Contrairement à ce que son nom indique, <em>GTA V</em> est le septième volet principal de la série de jeux vidéo <em>Grand Theft Auto</em>, et la quinzième version au total. Au moment de sa sortie en 2013, <em>GTA V</em> est le <a href="https://www.statista.com/chart/1466/most-expensive-video-games-of-all-time/">jeu le plus cher jamais produit</a>, avec un budget de 265 millions de dollars. Le jeu <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02184494/document">conçu comme un film</a> se déroule à Los Santos, copie virtuelle impressionnante de Los Angeles, dans une ambiance qui mélange toujours hip-hop, réseaux criminels, et parodie de la société américaine.</p>
<p>Malgré ce coût de développement considérable, <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000012084.html"><em>GTA V</em> est le produit culturel le plus rentable de tous les temps</a> loin devant le deuxième, le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-le-phenomene-avatar-en-quatre-chiffres-fous-1888650">film <em>Avatar</em></a> de James Cameron. <a href="https://www.take2games.com/ir/news/rockstar-games-announces-grand-theft-auto-vi-coming-2025">Vendu à plus de 190 millions d’exemplaires</a>, il a généré plus de huit milliards de dollars de revenus, dont un milliard dans les trois premiers jours. Au total, 410 millions d’unités de jeux de la série <em>GTA</em> se sont écoulées toutes versions confondues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le triomphe de <em>GTA V</em>, un jeu produit comme un long métrage.</span></figcaption>
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<p>Cependant, <em>GTA V</em> n’est pas le jeu vidéo le plus vendu, arrivant deuxième derrière <em>Minecraft</em> et ses 300 millions d’exemplaires. Il faut également préciser que le <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">phénomène mondial <em>Fortnite</em></a>, sorti en 2017 et qui rassemble 236 millions de joueurs actifs mensuels, <a href="https://www.demandsage.com/fortnite-statistics/">a généré 26 milliards de dollars de revenus</a> à fin 2022. Cependant, c’est grâce aux microtransactions d’achats d’objets virtuels issus d’une multitude de franchises, et non grâce à la vente du jeu lui-même qui est gratuit.</p>
<p>Il peut paraître surprenant qu’un jeu vidéo réservé à un public averti et dont l’univers est assez excluant devienne à la fois une <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/09/16/gta-v-un-bad-boy-chez-les-blockbusters_3478050_651865.html">véritable référence et un blockbuster</a>. La popularité de <em>GTA V</em> a été amplifiée par l’explosion du streaming, des milliers de viewers se rassemblant sur les <a href="https://actustream.fr/articles/Top-10-streamers-GTA-V-Twitch">chaînes Twitch</a> et YouTube dédiées au jeu. En septembre 2023, les lives ont été visionnés par <a href="https://www.statista.com/statistics/1247955/gta-v-unit-sales-worldwide-total/">152 000 spectateurs simultanés</a> en moyenne. <a href="https://gta5.tv/quel-est-le-menu-de-mode-le-plus-creatif-pour-jouer-a-gta-5-sur-pc">Les modes créatifs de <em>GTA V</em></a> permettent de personnaliser son avatar, de créer ses propres aventures, de réaliser un film, ou de simuler une vie virtuelle.</p>
<p><em>GTA V</em> est un <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/le-jeu-gta-v-est-le-produit-culturel-le-plus-rentable-de-tous-les-temps-39866820.htm">jeu à la longévité exceptionnelle</a> qui a été adapté sur trois générations de consoles différentes : les PlayStation 3 et Xbox 360, puis les PlayStation 4 et Xbox One, et la dernière génération des <a href="https://theconversation.com/ps5-en-rupture-mondiale-desastre-ou-genie-marketing-150692">PlayStation 5</a> et Xbox Series X/S. Pour ce dernier lancement en 2020, soit sept ans après la sortie du jeu, 20 millions de copies ont été vendues. Cette dernière mise à jour <a href="https://www.pcgamer.com/gta-5s-latest-hyper-realistic-visual-overhaul-mod-is-breathtaking/">bénéficie de graphismes hyperréalistes</a> avec des effets d’ombres, de reflets, de transparence et de textures révolutionnaires. <em>GTA V</em> est encore aujourd’hui un des jeux qui rassemble le plus d’utilisateurs mensuels juste derrière <em>Fortnite</em> et <em>Call of Duty</em>.</p>
<h2><em>GTA VI</em>, un phénomène de société avant sa sortie</h2>
<p><em>GTA VI</em> sera un retour aux sources : le <a href="https://www.gamingbible.com/news/platform/gta-6-new-vice-city-footage-leaks-blows-fans-minds-449912-20230815">jeu se déroule à Vice City</a>, dans la région de Leonida, ville inspirée de Miami en Floride déjà présente dans la première version. Rockstar Games surfe aussi sur la fascination suscitée par <em>Grand Theft Auto : Vice City</em> sorti en 2003, et <em>Grand Theft Auto : Vice City Stories</em> sorti en 2014. En plus de conquérir une nouvelle génération de gamers, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/retrogaming-remasters-et-remakes-quand-les-jeux-video-s-emparent-de-la-nostalgie-6879769"><em>GTA VI</em> cherche à capitaliser sur la nostalgie</a> des adultes qui ont joué à d’anciennes versions de <em>GTA</em> pendant leur adolescence.</p>
<p>La bande-annonce de <em>GTA VI</em> fait référence à de nombreux faits divers, aux déviances de la société américaine, et à des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=mtGWI1k0qhs">mèmes de la culture geek</a> comme la femme aux deux marteaux, l’alligator dans la piscine, le twerk sur le toit d’une voiture, l’homme nu poursuivi par un policier, le joker de Floride et l’Oldsmobile jaune devant l’Avalon Hôtel de Miami. Le nombre considérable de visualisations est sans doute en partie dû aux personnes qui ont cherché à identifier tous les <em>Easter eggs</em> cachés dans la vidéo.</p>
<p><em>GTA VI</em> semble centré sur un personnage féminin, <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1822826/gta-6-qui-sont-jason-et-lucia-les-deux-personnages-jouables.htm">Lucia, qui sera associée à Jason dans une version moderne de « Bonnie and Clyde »</a>. Ce sera donc une première pour <em>GTA</em> d’avoir un personnage féminin jouable, et même une éventuelle romance entre les deux protagonistes en fonction des choix du joueur. La relation prosociale établie avec ces personnages se poursuivra sur les réseaux sociaux, ces personnages paraissant développés pour être également des <a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">influenceurs virtuels</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comparaison graphique entre <em>GTA V</em> et <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Il faudra attendre au moins un an et l’année 2025 pour jouer à <em>GTA VI</em>, c’est-à-dire 12 ans après le lancement de <em>GTA V</em>. L’éditeur Rockstar Games aurait développé spécialement une <a href="https://www.tomshardware.fr/gta-6-un-nouveau-moteur-graphique-pour-un-rendu-encore-plus-realiste/">nouvelle version de son moteur de jeu</a>, le Rockstar Advanced Game Engine 9 (RAGE 9), qui permettrait d’obtenir un <a href="https://www.rockstarmag.fr/gta-6-les-ameliorations-apportees-par-la-nouvelle-version-du-rockstar-rage-exclue-rockstar-mag/">niveau de réalisme jamais vu jusqu’à présent</a> :</p>
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<li><p>une qualité de netteté et de précision des paysages de près comme de loin qui rend le jeu extrêmement immersif ;</p></li>
<li><p>une chronologie spécifique avec une alternance de jours et de nuits, de levés et de couchés de soleil ;</p></li>
<li><p>des effets de lumière saisissants, en particulier la nuit avec les éclairages artificiels ;</p></li>
<li><p>une véritable météorologie avec pluies, vents, nuages, et éclairs, ainsi que leurs conséquences respectives sur l’environnement ;</p></li>
<li><p>une physique de l’eau, de la vapeur, de la boue et du sable simulée en temps réel ;</p></li>
<li><p>une très forte densité d’animaux : chiens, chats, cerfs, flamants roses, dauphins, alligators, tortues de mer… ;</p></li>
<li><p>une déformation ultra précise et spécifique des véhicules lors des accidents ;</p></li>
<li><p>une multiplication des personnages-non-joueurs photo-réalistes animés par intelligence artificielle qui interagissent entre eux ;</p></li>
<li><p>le corps et les vêtements des personnages sont beaucoup plus soignés, en particulier la peau, les cheveux, les yeux, les accessoires et les bijoux.</p></li>
</ul>
<p><a href="https://www.bbc.com/worklife/article/20231214-gta-6-grand-theft-auto-vi-could-smash-revenue-records"><em>GTA VI</em> pourrait coûter deux milliards de dollars</a> de développement, soit huit fois plus que <em>GTA V</em> et vingt fois plus que <em>GTA IV</em>. Rockstar Games consacre donc des moyens colossaux à la création de <em>GTA VI</em> qui deviendrait le jeu le plus coûteux devant <em>Red Dead Redemption II</em> qui a nécessité 500 millions de dollars d’investissement et qui a été développé par… Rockstar Games. <em>GTA VI</em> pourrait bien rapporter un milliard de dollars en 24 heures et même être rentable dès la première semaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa sortie n’est prévue qu’en 2025, et pourtant Grand Theft Auto VI est déjà un phénomène se société qui promet de surpasser les éditions précédentes.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2178752024-01-08T17:06:13Z2024-01-08T17:06:13ZMusique : du streaming à l’Auto-Tune, comment le numérique a tout changé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565221/original/file-20231212-25-66z0uj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=90%2C18%2C5871%2C3944&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p><em>Quelle pourrait être la signature musicale des années 2000 ? Loin de voir émerger un mouvement caractéristique, elles sont plutôt marquées par le bouleversement des modes de production et de consommation, permis par l’avènement des outils numériques et d’Internet. Désormais, on « fabrique » plus facilement sa musique, et musiciens comme mélomanes puisent avec gourmandise dans l’immense catalogue des musiques passées mis à disposition. Le spectacle vivant trouve toute sa place dans cette évolution, en témoignent les impressionnantes tournées d’artistes comme Beyoncé ou Taylor Swift.</em></p>
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<p>De <a href="https://theconversation.com/a-la-recherche-du-systeme-daft-punk-155907">Daft Punk</a> au rappeur marseillais <a href="https://www.liberation.fr/apps/2017/12/jul-en-cinq-actes/?redirected=1">Jul</a>, qui a émergé bien plus tard, nombre de groupes et de musiciens emblématiques ont puisé dans les outils numériques pour réinventer la production musicale. Il faut dire que ces outils se sont démocratisés à la vitesse grand V dans les années 2000, décennie au cours de laquelle l’avènement d’Internet a facilité l’échange d’informations de nature diverse (texte, images, son) avec le monde entier. Le rapport à la musique des mélomanes âgés aujourd’hui de 30 à 45 ans, appartenant à la génération dite Y, en fut bouleversé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/random-access-memories-le-coup-de-maitre-des-daft-punk-fete-ses-10-ans-201222">« Random Access Memories » : le coup de maître des Daft Punk fête ses 10 ans</a>
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<p>Durant la décennie précédente, d’autre évolutions majeures avaient eu lieu. Citons le disque compact (1982), permettant une fidélité de restitution du son enregistré supérieure aux disques vinyles ou cassettes audio, ou encore le synthétiseur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Q1Ha0MMT0aA">Yamaha DX7</a> (1983), s’appuyant sur la puissance de calcul des nouvelles puces numériques pour autoriser une nouvelle forme de synthèse par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Synth%C3%A8se_FM">modulation de fréquence</a>. On peut également mentionner la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Musical_Instrument_Digital_Interface">norme MIDI</a> (1983) faisant communiquer les instruments électroniques entre eux et (surtout) avec des ordinateurs personnels, et l’échantillonneur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QInuIGqp1Z8">Akai MPC 60</a> (1988), facilitant considérablement l’usage de fragments musicaux pour susciter de nouvelles œuvres.</p>
<h2>Avec le numérique, créer de la musique depuis chez soi</h2>
<p>Ces technologies ont permis de renouveler, en premier lieu, le hip-hop et la musique électronique, et plus largement, l’ensemble des musiques populaires.</p>
<p>L’art des DJ s’était alors déplacé de l’usage des platines (analogiques) à celui de l’échantillonneur (ou sampleur), que le philosophe Ulf Poschardt, l’un des premiers à étudier sérieusement la « culture DJ », qualifie de <a href="https://www.google.fr/books/edition/DJ_culture/P3XqUZ9CvLkC?hl=fr&gbpv=1&pg=PA245&printsec=frontcover">« caisse de disques numérique »</a>.</p>
<p>Le sampling s’était alors imposé, progressivement et non sans heurts, dans le paysage musical. Déclinaison technologique d’une longue tradition de l’emprunt musical, il consiste à créer de nouvelles œuvres à partir de fragments de musique enregistrée.</p>
<p>Lorsque la génération née dans les années 1980 se met à créer sa propre musique, elle dispose de ce nouvel environnement technologique. L’ordinateur personnel des années 2000 est devenu individuel, portable et plus puissant.</p>
<p>Il peut désormais intégrer tous les outils nécessaires à la création musicale. Les stations audionumériques, logiciels spécialisés en création musicale, permettent d’enregistrer, d’arranger, de jouer des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Instrument_virtuel">instruments virtuels</a>, d’appliquer des effets, de mixer et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mastering">masteriser</a>.</p>
<p>Il devient possible de réaliser chez soi toutes les étapes de la production d’une œuvre musicale enregistrée, quel qu’en soit le style, pour un coût et avec des compétences limitées – une entreprise jusque-là impossible ou très compliquée sans l’appui d’une maison de disques.</p>
<h2>Usage détourné d’Auto-Tune</h2>
<p>Le logiciel Auto-Tune, un effet virtuel destiné à être utilisé sur ces stations audionumérique, est l’un marqueurs sonores les plus caractéristiques de la musique des années 2000 et 2010. Commercialisé à partir de 1997 par Antares, Auto-Tune fut conçu à l’origine pour corriger discrètement les imperfections d’intonation vocale : en somme, il permet de chanter (plus) juste.</p>
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<p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Nos vies modes d'emploi » explore nos rapports intimes au monde induits par les bouleversements technologiques, féministes et écologiques survenus au tournant du XXIe siècle.</em></p>
<p><em>À lire aussi :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/tous-en-salle-comprendre-lobsession-contemporaine-pour-les-corps-muscles-217329"><em>Tous en salle ? Comprendre l’obsession contemporaine pour les corps musclés</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162"><em>Les amis, notre nouvelle famille ?</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290"><em>Données personnelles : comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/contraception-est-on-sorti-du-tout-pilule-219364"><em>Contraception : est-on sorti du « tout pilule » ?</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/yoga-chamanisme-sorcellerie-etes-vous-ouvert-aux-nouvelles-spiritualites-217164"><em>Yoga, chamanisme, sorcellerie… Êtes-vous ouvert aux nouvelles spiritualités ?</em></a></p></li>
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<p>Cette fonctionnalité s’est rapidement généralisée dans les studios professionnels, <a href="https://www.liberation.fr/musique/2011/09/03/comment-auto-tune-a-tue-les-fausses-notes_757750/">contribuant à accroître l’intolérance à la moindre fausseté</a> au risque d’aseptiser – encore davantage – la pop mainstream.</p>
<p>Mais Auto-Tune marque surtout son époque par un usage détourné, expérimenté d’abord par Cher dans quelques passages de sa chanson « <a href="https://youtu.be/nZXRV4MezEw?si=gsDLmDl5nBMs2Us0">Believe</a> », puis par les Daft Punk sur l’intégralité de leur tube « <a href="https://youtu.be/FGBhQbmPwH8?si=x7caNKv3twDWrxqL">One More Time</a> », sorti fin 2000 et enfin par le rappeur américain <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dBrRBZy8OTs">T-Pain</a> qui en a fait sa signature vocale et a contribué à populariser ce procédé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Auto-Tune : de Cher à PNL, le Photoshop de la voix | Arte.</span></figcaption>
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<p>En exagérant l’effet, ces artistes ont obtenu (et assumé) une déformation sonore typiquement numérique qui donne à la voix un son robotique comparable à celui d’un vocodeur (un instrument de synthèse vocale utilisé notamment par Kraftwerk ou les Daft Punk). Cette sonorité typique s’est généralisée, non sans controverse, jusqu’à devenir une norme dans le rap et la pop urbaine des années 2010.</p>
<h2>Génération nostalgique ?</h2>
<p>Mis à part l’Auto-Tune, les premiers sampleurs et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Synth%C3%A8se_FM">synthétiseurs à modulation de fréquence</a>, peu d’outils musicaux numériques ont un son spécifique, révélateur de leur nature.</p>
<p>Une large part des applications du numérique consiste plutôt à « modéliser » ou « émuler », c’est-à-dire à imiter le son, l’interface et le comportement de machines classiques, souvent analogiques.</p>
<p>Un instrument comme le Clavia Nordstage, très répandu sur les scènes professionnelles des années 2000-2010, illustre bien ce paradoxe : sa conception numérique alliant modélisation et échantillonnage lui permet de jouer tous les sons « classiques » de la musique populaire des années 1950 à 1990, des <a href="https://youtu.be/8lMptvFzbSY?si=GtocRY1AxZ2XGsQv&t=169">orgues Hammond aux pianos Fender Rhodes en passant par les synthétiseurs Moog</a>, ainsi que quantité d’autres instruments électroniques ou acoustiques <a href="https://www.nordkeyboards.com/sound-libraries/nord-sample-library-30">mis à disposition des utilisateurs dans une bibliothèque en ligne</a>.</p>
<p>Dans <a href="https://www.slate.fr/story/48853/retromania-simon-reynolds-bonnes-feuilles">Retromania</a>, l’influent critique britannique Simon Reynolds regrette que les années deux mille, si longtemps demeurées le symbole de l’horizon futuriste, ne soient au final qu’une synthèse de « toutes les décennies précédentes à la fois ».</p>
<p>Le retour en grâce du disque vinyle et, dans une moindre mesure, de la cassette audio, illustrent bien cette nostalgie. En dénonçant l’« anarchivage », un archivage anarchique et systématique permis par des outils de stockage et de consultation en ligne comme YouTube, Reynolds met le doigt sur une autre caractéristique de la génération née dans les années 1980 : elle a grandi avec toutes les références musicales possibles à sa disposition, sur des CD-rom gravés, des disques durs puis directement en streaming.</p>
<p>La facilité d’accès et de manipulation de ces multiples fichiers musicaux a mené à un paroxysme de la culture de l’emprunt : le sampling et les remixes se sont généralisés, juxtaposant des sources toujours plus hétéroclites et improbables. Citons par exemple le goût inattendu de certains rappeurs pour Charles Aznavour, qui a été abondamment samplé !</p>
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<figcaption><span class="caption">De Dr Dre à Passi, quand le rap sample Aznavour.</span></figcaption>
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<p>De nouveaux instruments à interface percussive sont inventés : composés de nombreux pads jouables au doigt, ils sont couplés à un ordinateur pour « jouer » des fragments sonores comme on jouerait des notes sur un piano.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans ce clip qui a cartonné en 2011, le DJ français Madeon compile les samples de trente-neuf morceaux sur un « launchpad », une tablette conçue pour les concerts de DJ.</span></figcaption>
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<h2>Une nouvelle économie de la musique</h2>
<p>La génération Y a contribué à un ébranlement majeur de l’économie de la musique : la chute vertigineuse des ventes de disques entre 1999 et 2012. Les fondements de cette crise sont directement liés à la révolution numérique.</p>
<p>Le format de compression MP3, inventé en 1993, qui permet de réduire considérablement la taille des fichiers musicaux, le succès de <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/12/02/fermeture-definitive-de-napster-le-pionnier-du-telechargement-en-p2p_1612728_651865.html">Napster</a>, l’un des premiers services de partage de fichiers de pair à pair (peer-to-peer) à partir de 1999, et la démocratisation de l’informatique personnelle et des connexions Internet à haut débit à la fin des années 1990, ont permis conjointement de généraliser le partage gratuit, incontrôlé et illégal de fichiers musicaux à grande échelle.</p>
<p>Cette génération a connu la joie de pouvoir découvrir n’importe quelle musique gratuitement après quelques minutes de téléchargement, de transporter partout l’équivalent d’une discothèque entière sur un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X7FXa-0IKr0">iPod</a> ou autre lecteur MP3 de quelques centimètres – rendus obsolètes par les smartphones et le streaming –, d’archiver frénétiquement des centaines d’albums – parfois jamais écoutés – sur des CD gravés ou des disques durs.</p>
<p>Elle a vu également se multiplier les messages moralisateurs des pouvoirs publics et de l’industrie musicale dénonçant sans grands effets les affres du piratage. Malgré le semblant de compensation apporté par les faibles revenus du téléchargement légal puis des services de streaming par abonnement,le <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/universal-music-renforce-par-la-crise-du-disque">marché de la musique enregistrée a perdu plus de 40 % de sa valeur au cours des années 2000</a>.</p>
<p>Il s’est opéré de ce fait une inversion des pôles de l’industrie musicale. Jusqu’aux années 2000, les tournées de concerts étaient envisagées comme une forme de promotion du disque, véritable produit vendu par les artistes. Désormais, c’est la musique enregistrée, peu rentable, qui sert de produit d’appel au spectacle vivant, plus rémunérateur.</p>
<p>Au cours des dernières années, les entreprises exploitant le spectacle vivant musical ont acquis un pouvoir économique considérable, à l’instar du leader du marché <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2010/04/24/la-france-conquise-par-live-nation-no1-du-spectacle_1342192_3246.html">Live Nation</a>. Et pour cause : ce sont à la fois le nombre de places vendues (+10 %), leur prix (+5 %), et le chiffre d’affaires global des tournées de concert (+16 %) qui ont progressé rapidement au cours des années 2010, au point de représenter <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/grace-aux-concerts-la-vieille-garde-musicale-reste-la-plus-bankable-136800">80 % des revenus des 50 artistes les mieux rémunérés</a> (les chiffres donnés concernent uniquement l’année 2017).</p>
<p>Ainsi, cette année encore, la <a href="https://www.ouest-france.fr/culture/musiques/taylor-swift-de-la-musique-au-cinema-la-popstar-mondiale-qui-bat-tous-les-records-71726286-65e2-11ee-a884-b3b8776af523#:%7E:text=Au%20total%2C%20ce%20sont%20pr%C3%A8s,de%20revenus%2C%20un%20record%20historique.">tournée de Taylor Swift a battu des records économiques historiques</a> et les ventes de places pour les concerts français de Beyoncé ont été soldées en quelques minutes.</p>
<p>Toujours sur le plan économique, la <a href="https://www.cairn.info/revue-l-observatoire-2014-1-page-50.htm">révolution numérique a favorisé l’émergence de l’artiste-entrepreneur</a>. Les progrès de l’informatique musicale ont permis à de nombreux musiciens des années 2000 et 2010 de produire leur musique en toute indépendance financière et artistique, mais aussi de se faire connaître et d’interagir avec le public directement sur Internet via de nombreuses plates-formes en ligne généralistes (MySpace, puis Facebook, Instagram, TikTok) ou plus spécialisées (SoundCloud, Bandcamp), de réaliser leurs projets les plus coûteux grâce au financement participatif, et de diffuser et vendre internationalement leur musique enregistrée en streaming ou en vente par correspondance. C’est par exemple ce qu’a fait Radiohead, <a href="https://www.slate.fr/story/236474/musique-prix-libre-radiohead-streaming-industrie-musicale-crowdfunding-artiste">proposant une participation libre pour son album In Rainbows</a>, en 2007. De nombreux artistes moins célèbres leur ont emboîté le pas.</p>
<p>Pour résumer, le rapport à la musique de la génération Y aura été marqué, comme bien d’autres aspects de leurs vies d’adultes, par le bouleversement de la révolution numérique.</p>
<p>Les technologies numériques ont engendré une révolution d’usage, plus que réellement esthétique : l’accessibilité facilitée à la quasi-intégralité de la matière sonore préexistante.</p>
<p>Alors que la critique guettait une révolution musicale comparable à celles du rock’n’roll et de la culture DJ dans les générations précédentes, les années 2000 ont créé la surprise en se tournant vers le passé, ou plutôt vers des passés mêlés, imbriqués et juxtaposés à l’outrance. Au paroxysme de la culture de l’emprunt, qui se décline visuellement dans les mèmes et les gifs des réseaux sociaux, c’est l’idée même de la modernité, une certaine conception de l’auteur unique et identifié, qui est mise à mal.</p>
<p>Dans le même temps, la création de musique enregistrée s’est libérée des contraintes économiques et démocratisée au point de devenir pour beaucoup un loisir. Elle a perdu au passage de sa valeur, une évolution qui a contribué à redessiner les contours de la filière musicale, recentrée sur le spectacle vivant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Lebray ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des années 2000, la production et la consommation de musique ont été bouleversées par l’avènement du numérique.Sébastien Lebray, musique (populaire), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118142024-01-03T16:06:20Z2024-01-03T16:06:20ZVoici comment l'IA aide à concevoir des œuvres d’art public engageantes et interactives<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543339/original/file-20230711-29-7uc6gy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C4500%2C2957&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prismatica, une installation artistique présentée en 2015 dans le Quartier des Spectacles de Montréal.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Grâce à son <a href="https://artpublic.ville.montreal.qc.ca">Bureau d'art public</a>, la Ville de Montréal détient une collection de plus de 360 œuvres intégrées tant dans ses espaces publics que dans ses édifices municipaux.</p>
<p>Parmi elles, des œuvres d’art interactives qui vont des <a href="https://wireframe.ca/portfolio-item/sound-sculpture/">sculptures audiovisuelles</a> aux <a href="https://www.mtl.org/fr/experience/luminotherapie">installations lumineuses</a> en passant par les <a href="https://massivart.com/fr/project/public-urban-art-installation-montreal/">aménagements ludiques qui invitent à l’action</a>. Bien que ces installations soient divertissantes, force est de constater qu’elles sont relativement uniformes.</p>
<p><a href="https://www.apa.org/members/content/social-media-research">La montée en puissance des médias sociaux</a> incite la population <a href="https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/instagrammable">à rechercher les expériences instagrammables</a> et le contenu digne de TikTok. En réaction à ce phénomène, de nombreuses installations montréalaises ont été mises au point en songeant à leur rendu visuel sur le Web.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lart-ecologique-le-design-et-larchitecture-peuvent-etre-des-agents-du-changement-170184">L’art écologique, le design et l’architecture peuvent être des agents du changement</a>
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<h2>Créativité artificielle</h2>
<p>L’intelligence artificielle (IA) <a href="https://www.forbes.com/advisor/business/ai-statistics/">est en train de devenir une partie intégrante</a> de nos vies, <a href="https://hai.stanford.edu/news/ai-will-transform-teaching-and-learning-lets-get-it-right">tant dans la sphère de l’éducation</a>, <a href="https://www.businessnewsdaily.com/9402-artificial-intelligence-business-trends.html">que dans celles des affaires</a>, de <a href="https://builtin.com/artificial-intelligence/artificial-intelligence-healthcare">la santé</a>, <a href="https://theconversation.com/sci-fi-shows-like-westworld-and-altered-carbon-offer-a-glimpse-into-the-future-of-urban-transportation-179916">du transport</a> <a href="https://devtechnosys.com/insights/ai-in-gaming/">et des divertissements</a>.</p>
<p>Le monde des arts n’est pas en reste ; il profite lui aussi de ce que <a href="https://aelaschool.com/en/art/artificial-intelligence-art-changes/">l’IA a à offrir</a>. Montréal a exposé des œuvres exploitant cette technologie et continue de soutenir les arts et l’innovation. Prenez par exemple <a href="https://iregular.io/fr/work/faces/"><em>Faces</em></a>, du studio d’art <a href="https://iregular.io/fr/a-propos/">Iregular</a> : l’installation tire parti d’un algorithme de reconnaissance faciale qui collecte des images de l’assistance pour créer un portrait en constante évolution.</p>
<p><a href="https://iregular.io/fr/work/notre-habitat-commun/"><em>Notre Habitat Commun</em></a>, autre fruit d’Iregular, se sert quant à elle de la vision par ordinateur et des technologies d’IA pour spéculer au sujet de l’impact de l’humanité sur la planète. Par son intermédiaire, le studio cherche à <a href="https://expo2020.canada.ca/media/faconner-lavenir-de-lart-interactif.html">sensibiliser le public</a> au moyen de quatre installations dont on peut faire l’expérience sur d’immenses écrans.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CrN-eezK_8l","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Périls et opportunités</h2>
<p>Les espaces publics peuvent aider les citadins et citadines à interagir avec leur communauté, à tisser des liens avec les autres et à faire des expériences captivantes. Lorsqu’intégrées au domaine public, les technologies numériques ont le potentiel de remodeler <a href="https://repository.corp.at/661/">l’expérience urbaine</a>.</p>
<p>En créant des interactions dans l’espace public, il est possible de faire des villes des lieux ludiques et de socialisation, attractifs pour les résidents de tous âges. <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-34292-9_16">La conception d’installations interactives présente toutefois quelques défis en milieu urbain</a>. Les œuvres comprenant des éléments audio risquent par exemple d’être perçues comme dérangeantes par certains ; les installations lumineuses peuvent pour leur part être moins visibles de jour ; et il faut tenir compte de la sécurité du public.</p>
<p>Un autre défi central concerne l’accessibilité. Les villes devraient <a href="https://urbandesignlab.in/redefining-universal-design-in-public-spaces/">respecter des principes de design universels</a> afin de favoriser le développement <a href="https://futurecitiescanada.ca/portal/wp-content/uploads/sites/2/2022/11/eg-fcc-publicspaces-accessible-fr-uae-nov-2022.pdf">d’espaces publics accessibles et inclusifs</a>.</p>
<p>L’intégration de l’art dans l’espace public soulève en outre la question des parties prenantes et des personnes mandatées pour prendre les décisions. <a href="https://effetquebec.ca/tendances/installations-interactives-espace-public-4-tendances-a-surveiller/">En général, une agence gouvernementale commande une œuvre sur mesure auprès d’artistes de la région</a>, mais plusieurs défendent une <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/artblog/2008/may/11/artinpublicspacesshouldbe">démarche plus démocratique</a>. <a href="https://doi.org/10.4000/belgeo.13381">D’autres conflits sont susceptibles de survenir</a> au sujet des questions à savoir si l’art est le bon outil pour reconstruire les espaces publics et si le public devrait contribuer aux œuvres, par exemple.</p>
<p>Cela dit, les installations interactives <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-13-9765-3_9">peuvent accroître l’implication sociale et créer un dialogue au sein des communautés</a>. Diverses technologies d’IA, comme l’apprentissage machine et l’IA générative, sont capables de fournir des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405896321001725?via%3Dihub">expériences dynamiques dans les espaces publics</a>.</p>
<p>L’IA pourrait en outre soutenir le développement des communautés urbaines tant par le biais des arts que par celui de la mobilité, de l’éducation et des soins de santé. En utilisant des données tirées de l’environnement immédiat, elle est capable de créer des expériences en temps réel comme des <a href="https://www.geotab.com/blog/future-of-transportation/">systèmes de transport intelligents</a>, des <a href="https://doi.org/10.1109/SCIOT50840.2020.9250204">interactions publiques propulsées par la réalité augmentée</a>, et des <a href="https://www.osti.gov/servlets/purl/773961">structures inclusives, sécuritaires et adaptatives</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CtUzUEwg1AS","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ses capacités peuvent même servir à promouvoir l’apprentissage dans la sphère publique. L’engouement croissant pour les technologies d’intelligence artificielle <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.825625">suscite la curiosité et attire différents publics</a>. Incorporer des installations interactives qui proposent des expériences amusantes, enrichissantes et captivantes pourrait permettre de rendre les villes plus justes et durables.</p>
<p>En même temps, l’adoption des technologies d’IA dans le domaine public soulève des enjeux liés <a href="https://doi.org/10.1016/j.giq.2016.06.004">au consentement, à la vie privée</a> et au <a href="https://www.dukeupress.edu/cloud-ethics">rôle des algorithmes dans la société</a>.</p>
<h2>Expériences interactives</h2>
<p>Bien que les œuvres d’art faisant appel à l’IA commencent à peine à apparaître dans la sphère publique, les artistes et concepteurs ont déjà recours aux multiples fonctions de l’intelligence artificielle, comme la génération de données et le traitement d’image, pour créer des œuvres uniques. Dans le cas spécifique des œuvres interactives, l’IA améliore l’expérience en créant un engagement stimulant avec le public.</p>
<p><a href="https://www.tomokihara.com/">Tomo Kihara</a>, designer d’interaction d’origine japonaise, du studio de design <a href="https://studioplayfool.com/">Playfool</a>, localisé au Royaume-Uni, ont travaillé ensemble sur le jeu <a href="https://deviationgame.com/"><em>Deviation Game</em></a>, une installation multimédia avec un jeu électronique, qui imprime les résultats.</p>
<p><em>Deviation Game</em> est un bon exemple de l’idée d’engagement participatif, où les joueurs interagissent à la fois entre eux et avec l’IA par voie électronique. Les joueurs doivent décrire des mots choisis au hasard en dessinant sur un écran. Le but est de s’exécuter de telle façon que les autres joueurs devinent ce dont il s’agit tout en rendant les images incompréhensibles pour l’IA.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="trois personnes sont assises autour d’un écran, l’une d’entre elles dessine sur une tablette" src="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans <em>Deviation Game</em>, les joueurs doivent dessiner des images sur une tablette et tenter de déjouer l’IA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(S. Maruyama)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://infratonal.com/portfolio_page/intention/"><em>Intention</em></a> est un autre exemple d’œuvre interactive recourant à l’IA. Créée par <a href="https://infratonal.com/about-2/">l’artiste d’origine française Louk Amidou</a>, elle se sert de la technologie pour réagir aux gestes.</p>
<p>L’œuvre présente un mode d’engagement individuel, ce qui permet aux membres de l’assistance de jouer avec les formes numériques. <em>Intention</em> recourt au design d’interaction, à l’IA, à l’art numérique et à la musique électronique pour produire une expérience multisensorielle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo montrant une main humaine qui tente de saisir une image générée par ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran d’<em>Intention</em>, une installation interactive créée par l’artiste d’origine française Louk Amidou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(L. Amidou)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces deux installations créent des expériences interactives uniques qui encouragent la participation en impliquant l’assistance dans le processus de création.</p>
<h2>Villes ludiques</h2>
<p>Les artistes et programmeurs pour l’espace public peuvent prendre certaines mesures pour s’assurer que les pratiques d’apprentissage machine soient <a href="https://doi.org/10.1109/MTS.2020.2967486">éthiques et moralement responsables</a>. Les spécialistes en informatique développent d’ailleurs des approches humanocentriques en matière de <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-15-5679-1_49">protection de la vie privée</a> pour les <a href="https://doi.org/10.1016/j.neucom.2020.06.149">applications intelligentes</a>, les <a href="https://doi.org/10.1145/3408308.3427605">outils d’évaluation de risque</a>, les <a href="https://doi.org/10.1108/DPRG-03-2022-0023">approches axées sur les données pour les villes intelligentes</a> et plus encore.</p>
<p>L’IA peut rendre les installations interactives présentes en ville plus ludiques, plus divertissantes et même plus formatrices. Le résultat serait des espaces publics remodelés, proposant des activités engageantes pour la population locale et les touristes. Chose certaine, l’IA promet des fonctions intéressantes pour améliorer ces installations, à condition d’être conçue de façon responsable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211814/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carmela Cucuzzella reçoit un financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Burcu Olgen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les œuvres d’art interactives sont fréquentes dans les espaces publics de Montréal. Bien que divertissantes, elles peuvent devenir monotones. Les technologies numériques aident à remodeler l’expérience.Burcu Olgen, PhD Candicate, Research Assistant, Lecturer, Concordia UniversityCarmela Cucuzzella, Professor Design and Computation Arts, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179742024-01-01T15:42:51Z2024-01-01T15:42:51ZPourquoi l'avenir n'est peut-être pas toujours devant nous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559957/original/file-20231108-23-ptpld7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C4992%2C2649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/retro-alarm-clock-vintage-old-hand-783743551">Bystrov/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Imaginez l’avenir. Où se situe-t-il pour vous ? Vous voyez-vous avancer à grands pas vers lui ? Peut-être est-il derrière vous. Peut-être même au-dessus de vous.</p>
<p>Et le passé ? Vous imaginez-vous en train de regarder par-dessus votre épaule pour le voir ?</p>
<p>La façon dont vous répondez à ces questions dépend de qui vous êtes et d’où vous venez. La façon dont nous nous représentons l’avenir est influencée par la culture dans laquelle vous avez grandi et par la ou les langues que vous parlez.</p>
<p>Pour de nombreuses personnes ayant grandi au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans une grande partie de l’Europe, l’avenir se trouve devant elles et le passé est derrière. Les personnes appartenant à ces cultures <a href="https://www.jstor.org/stable/2155982">perçoivent généralement le temps comme linéaire</a>. Elles se voient comme allant continuellement vers l’avenir parce qu’elles ne peuvent pas retourner dans le passé.</p>
<p>Dans d’autres cultures, cependant, la localisation du passé et du futur est inversée. <a href="https://minorityrights.org/minorities/aymara-and-highland-quechua/">Les Aymaras</a>, un groupe indigène d’Amérique du Sud vivant dans les Andes, considèrent que l’avenir est derrière eux et le passé devant eux.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1207/s15516709cog0000_62">Les scientifiques l’ont découvert</a> en étudiant les gestes du peuple aymara lors de discussions sur des sujets tels que les ancêtres et les traditions. Les chercheurs ont remarqué que lorsque les Aymaras parlaient de leurs ancêtres, ils avaient tendance à faire un geste devant eux, indiquant que le passé était devant. En revanche, lorsqu’ils étaient interrogés sur un événement futur, leurs gestes semblaient indiquer que l’avenir était perçu comme étant derrière eux.</p>
<h2>Regarder vers l’avenir</h2>
<p>L’analyse de la façon dont les gens écrivent, parlent et font des gestes à propos du temps suggère que les Aymaras ne sont pas les seuls. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25052830/">locuteurs du darij</a>, un dialecte arabe parlé au Maroc, semblent également imaginer que le passé est devant et le futur derrière. C’est également le cas de certains <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/cog-2015-0066/html">locuteurs vietnamiens</a>.</p>
<p>Mais le futur ne se trouve pas toujours derrière ou devant nous. Il semble que certains <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21030013/">locuteurs du mandarin</a> représentent le futur comme étant en bas et le passé comme étant en haut. Ces différences suggèrent qu’il n’existe pas de lieu universel pour le passé, le présent et le futur. Au contraire, les gens <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0010027721000226#s0090">construisent ces représentations</a> en fonction de leur éducation et de leur environnement.</p>
<p>La culture n’influence pas seulement notre vision de l’avenir. Elle influence également la manière dont nous nous imaginons y parvenir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Scène surréaliste, homme d’affaires et flèches d’un panneau indiquant trois options différentes, passé, présent et futur" src="https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558847/original/file-20231110-15-ngepjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il est facile de supposer que tout le monde pense à l’avenir de la même manière que vous.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/surreal-scene-businessman-signpost-arrows-showing-1590212740">StunningArt/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France et aux États-Unis, les gens se voient généralement marcher le visage tourné vers l’avenir. Pour les <a href="https://www.newzealand.com/int/maori-culture/">Māori</a> de Nouvelle-Zélande, cependant, le centre d’attention lorsqu’ils se déplacent dans le temps n’est pas le futur, mais le passé. Le proverbe Māori <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1463949116677923"><em>Kia whakatōmuri te haere whakamua</em></a> se traduit par « Je marche à reculons vers l’avenir avec les yeux fixés sur mon passé ».</p>
<p>Pour les Māori, ce qui se trouve devant nous est déterminé par ce qui peut être ou a été vu. Les Māori considèrent le passé et le présent comme des concepts connus et vus parce qu’ils se sont déjà produits. Le passé est conceptualisé comme étant devant une personne, là où ses yeux peuvent le voir.</p>
<p>L’avenir, en revanche, est considéré comme inconnu parce qu’il ne s’est pas encore produit. Il est considéré comme derrière vous parce qu’il n’est pas encore visible. Les Māori se perçoivent comme marchant à reculons plutôt qu’en avant vers l’avenir parce que leurs actions futures sont guidées par les leçons du passé. En faisant face au passé, ils peuvent porter ces leçons dans le temps.</p>
<h2>Différentes approches</h2>
<p>Les scientifiques ne savent pas exactement pourquoi chaque personne se représente le passé, le présent et l’avenir différemment. L’une de leurs hypothèses repose sur l’idée que nos perspectives sont influencées par le sens dans lequel nous lisons et écrivons. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1551-6709.2010.01105.x">Les recherches montrent</a> que les personnes qui lisent et écrivent de gauche à droite dessinent des lignes temporelles dans lesquelles le passé se trouve à gauche et le futur à droite, ce qui reflète leurs habitudes de lecture et d’écriture.</p>
<p>En revanche, les personnes qui lisent de droite à gauche, comme les arabophones, dessinent souvent des lignes temporelles dans lesquelles les événements du passé se trouvent à droite et ceux du futur à gauche. Cependant, le sens de lecture ne peut expliquer pourquoi certaines personnes qui lisent de gauche à droite pensent que l’avenir se trouve « derrière ».</p>
<p>Selon une autre théorie, les valeurs culturelles peuvent influencer notre orientation vers l’avenir. Les cultures varient en fonction de l’importance qu’elles accordent aux traditions. <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/s13423-020-01760-5">Les chercheurs pensent</a> que votre conception spatiale de l’avenir peut être déterminée par le fait que votre culture met l’accent sur les traditions du passé ou se concentre sur l’avenir.</p>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/2657288?origin=crossref">Dans les cultures</a> qui soulignent l’importance du progrès, du changement et de la modernisation, l’avenir est normalement à l’avant-plan – par exemple, en France et aux États-Unis. En revanche, dans les cultures qui accordent une grande importance à la tradition et à l’histoire ancestrale, comme au Maroc et dans les groupes indigènes tels que les Māori, le passé est au centre des préoccupations et se trouve donc généralement au premier plan.</p>
<p>Ces différences peuvent également avoir des répercussions sur les initiatives visant à relever les défis mondiaux. Si l’avenir n’est pas toujours au premier plan, les mantras des campagnes occidentales sur le thème « aller de l’avant » et « laisser le passé derrière soi » risquent de ne pas trouver d’écho auprès de nombreuses personnes.</p>
<p>Toutefois, si nous pouvons nous inspirer des représentations du temps dans d’autres cultures, nous pourrons peut-être recadrer notre compréhension de certains des problèmes les plus urgents du monde. Aborder l’avenir en jetant régulièrement un coup d’œil sur le passé pourrait conduire à un avenir plus juste pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217974/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ruth Ogden a reçu des financements de la British Academy, du Wellcome Trust, de l'Economic and Social Research Council, du de CHANCE et d'Horizon 2020.</span></em></p>Percevoir l’avenir devant soi et le passé derrière n’a rien d’universel.Ruth Ogden, Professor of the Psychology of Time, Liverpool John Moores UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188452023-12-21T17:43:43Z2023-12-21T17:43:43ZLa nouvelle jeunesse des consoles et jeux vidéo rétro<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566842/original/file-20231220-29-gb7fkk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1125%2C868&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La console Atari 2600+, une véritable icône vintage.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=_6m6WlyiQSs">Youtube, capture d'écran. </a></span></figcaption></figure><p>Tandis que des jeux vidéo dernière génération seront certainement plébiscités lors des traditionnels cadeaux de fin d’année, une console de jeu ancienne s’est retrouvée dans l’actualité jeux vidéo de l’automne 2023 : la société Atari commercialise la 2600+, une <a href="https://www.theguardian.com/games/2023/nov/16/atari-2600-review-a-perfect-1970s-pop-cultural-relic">réédition officielle</a> de la console éponyme (également appelée VCS pour Video Computer System) initialement sortie en 1977 aux États-Unis.</p>
<p>Le <a href="https://youtu.be/_6m6WlyiQSs?si=Of8RQYiHcEK85jTY">trailer officiel</a> annonçait le « retour d’une icône ». La nouvelle mouture, <a href="https://mag.mo5.com/245359/atari-remet-au-gout-du-jour-son-atari-2600/">techniquement très différente de l’originale</a>, et compatible avec les téléviseurs d’aujourd’hui, imite le design de la console ainsi que le joystick d’origine. Compatible avec les cartouches d’époque, sa sortie est accompagnée de la promotion d’un <a href="https://mag.mo5.com/242673/atari-sort-un-nouveau-jeu-pour-atari-2600/">jeu inédit</a> récemment édité en cartouche.</p>
<p>Comment saisir l’intérêt actuel pour de vieilles consoles, alors que de nombreux jeux sont accessibles de façon dématérialisée et que dans le domaine du jeu vidéo, comparativement à d’autres industries culturelles, l’évolution technologique est <a href="https://hal.science/hal-03889395/document">originellement omniprésente</a> et fortement valorisée ?</p>
<h2>Une vague de rééditions de consoles « cultes »</h2>
<p>L’Atari 2600 a un statut particulier dans l’histoire du jeu vidéo, <a href="https://direct.mit.edu/books/book/3178/Racing-the-BeamThe-Atari-Video-Computer-System">analysé par des spécialistes des plates-formes de jeux</a>. Première console à cartouche à avoir touché un si large public (27 M. d’unités distribuées dans le monde), elle a influencé la <a href="https://nickm.com/if/platform_vcs_ijwcc08.pdf">créativité des game designers</a>, initié des genres et <a href="https://www.dailymotion.com/video/x105img?playlist=x3zy9c">impulsé la popularisation du médium</a>. Son histoire tumultueuse est aussi liée à des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17547075.2009.11643295">titres notoirement médiocres</a> et aux difficultés économiques du secteur au début des années quatre-vingt.</p>
<p>Dans l’actuelle dynamique de <a href="https://journals-openedition-org.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/gc/1393">patrimonialisation</a> du jeu vidéo, elle est régulièrement présentée dans les expositions sur l’histoire du médium, et conservée dans la <a href="https://gallica.bnf.fr/html/und/objets/consoles%20de%20jeux%20vid%C3%A9o%20anciennes/les%20consoles%20%C3%A0%20cartouches?mode=desktop">collection Charles Cros</a> de la Bibliothèque Nationale de France.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Atari 2600 originale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Atari-2600-Wood-4Sw-Set.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Cette réédition s’inscrit également dans le sillage d’une longue série de recréations officielles de consoles de salon populaires, initiée par la NES Classic Mini de Nintendo en 2016, distribuée à <a href="https://time.com/4759594/nes-classic-millions-sales/">plus de 2 M. d’exemplaires dans le monde</a>. À l’instar d’autres secteurs industriels, ce type de produit relève d’une forme de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2014-2-page-31.htm">retromarketing</a>, qui innove en puisant dans le patrimoine d’une marque, en misant sur une promesse d’authenticité et en tentant d’exploiter la nostalgie des premières générations de consommateurs.</p>
<h2>Entre patrimonialisation et « retrogaming »</h2>
<p>L’attachement pour les consoles anciennes n’est pas toutefois pas réductible à cette stratégie récente, il constitue également depuis plusieurs décennies l’une des facettes d’une culture vidéoludique aux multiples appropriations.</p>
<p>L’accès aux jeux anciens est en effet rendu possible dès les années 1990 par des communautés de passionnés rompues à la programmation et au hacking, qui ont permis, par des moyens alternatifs comme <a href="https://books.google.fr/books?id=dka8EAAAQBAJ&lpg=PA1980&ots=o86lTB0kiz&dq=simon%20dor%20emulation&lr&hl=fr&pg=PA1980#v=onepage&q=simon%20dor%20emulation&f=false">l’émulation logicielle</a> (programme imitant le fonctionnement de machines anciennes), de collecter, archiver et diffuser largement des jeux classiques, <a href="https://hal.science/hal-01489305">participant ainsi à une dynamique de patrimonialisation informelle du jeu vidéo</a>.</p>
<p>Les pratiques culturelles relatives à ces jeux, généralement regroupées sous le terme <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jaakko-Suominen/publication/279339023_Return_in_Play_The_Emergence_of_Retrogaming_in_Finnish_Computer_Hobbyist_and_Game_Magazines_from_the_1980s_to_the_2000s/links/55924b7b08ae15962d8e5725/Return-in-Play-The-Emergence-of-Retrogaming-in-Finnish-Computer-Hobbyist-and-Game-Magazines-from-the-1980s-to-the-2000s.pdf">« retrogaming »</a> – pratique de jeu, collection, archivage, partage d’informations et activités créatives – ont atteint une plus large audience sur les <a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/plateforme-contributive-culturelle/">plateformes contributives</a> YouTube et DailyMotion dès leur lancement dans les années 2000.</p>
<p>Dans le cadre de <a href="https://hal.science/hal-03004139">recherches en sciences de l’information et de la communication</a> sur les médiations et les médiatisations du jeu vidéo ancien, nous avons observé à travers des corpus de vidéos la façon dont les contributeurs amateurs ont entretenu l’aura de ces consoles « cultes », comme l’Atari 2600.</p>
<h2>Des vidéos pour connaître l’aspect des jeux des anciennes consoles</h2>
<p>C’est à travers ses jeux qu’une console et ses spécificités peuvent être appréhendés. Des vidéos de type longplay présentent des jeux dans leur intégralité, sans commentaires, permettant de découvrir en mouvement les contenus et l’<a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780203700457-3/abstraction-video-game-mark-wolf">esthétique particulière</a> des débuts.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/l_lJ-ONcMEs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un exemple de longplay de Pitfall sur Atari 2600 (Activision, 1982), un des premiers jeux de plate-forme multiécrans, sur la chaîne World of Longplays.</span></figcaption>
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<p>D’autres types de vidéos, commentées par les vidéastes, permettent de découvrir une console et ses jeux à travers une <a href="https://lcn.revuesonline.com/article.jsp?articleId=36665">hétérogénéité d’informations émanant d’une expérience subjective enregistrée</a>. Ces productions, articulant souvenirs, émotion, créativité et réflexivité, s’inscrivent dans la variété des <a href="https://www.septentrion.com/FR/livre/?GCOI=27574100484050">expressions nostalgiques contemporaines</a>.</p>
<p>Des vidéastes confirmés ont ainsi consacré dans les débuts de leurs chaînes des vidéos à l’Atari 2600, symbolisant pour eux l’origine du jeu vidéo, comme Joueur du Grenier (qui en produisant des contenus humoristiques sur des jeux rétro est devenu l’un des vidéastes les plus populaires en France) ou encore le vidéaste Hooper. Ce dernier, également pionnier de l’exploration des ludothèques anciennes, a connu cette console à l’époque, et lui a consacré une <a href="https://www.hooper.fr/review/atari-2600-atari-2600-1-5">série de vidéos</a> hommage. Le youtubeur Metal Jesus Rocks (États-Unis, 9 M. d’abonnés), a présenté dans sa série des hidden gems (perles cachées) une <a href="https://youtu.be/qRqCbifUaD0?si=RfPZoWM1gGLJIcaX">sélection de jeux</a> qu’il estime intéressants à découvrir aujourd’hui, réhabilitant a posteriori le catalogue de la machine.</p>
<p>D’autres vidéastes d’audience plus modestes, appartenant à des générations ultérieures, essayent pour la première fois ces classiques en 2023 en enregistrant leurs réactions, comme le test du jeu <a href="https://youtu.be/TpMFdedsmGg?si=RoAISLT61pzqntO_">Adventure</a> (Atari inc., 1979, l’un des premiers jeux d’aventures graphiques), par la chaîne New Game Plus. La vidéaste Erin plays a aussi récemment présenté une série de jeux, incluant des parties à deux joueurs avec le vidéaste Mike Mattei, lors d’une session en <a href="https://youtu.be/eNcLadPQYMA?si=pTrst2UX-ui51Y2h">direct sur Twitch</a>.</p>
<h2>De la collection à l’écran : préserver, exposer… et rejouer</h2>
<p>D’autres vidéos, privilégiant les prises de vue réelles, concernent <a href="https://doi.org/10.14428/rec.v46i46.47553">l’environnement matériel du jeu vidéo ancien</a> à travers l’activité de collection. Il ne s’agit pas seulement de pièces « sous vitrine » mais également de conserver des machines en état de fonctionnement, et des exemplaires de jeux originaux pour privilégier une expérience vintage en quête d’une « expérience d’époque » soucieuse de la matérialité.</p>
<p>La chaîne « Le jeu c’est sérieux » <a href="https://youtu.be/UoUGV5G-skw?si=OV8ctlJYxrY0XUif">détaille par exemple le packaging et la notice puis le contenu du jeu</a> <a href="https://youtu.be/UoUGV5G-skw?si=OV8ctlJYxrY0XUif">Joust</a> (Williams electronics, 1983). L’utilisation du matériel d’origine permet à ces connaisseurs de retrouver la <a href="https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/805">sensation recherchée dans l’interface d’origine</a> : le vidéaste de « Old School is Beautiful » considère par exemple que le <a href="https://youtu.be/YQrbsIt8hyM?si=VJdXr2bcWXAQFTZn">joystick est indissociable de l’expérience des jeux Atari 2600</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UoUGV5G-skw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Certains fans ne se limitent pas aux cadres de l’expérience d’époque, en modifiant une console ou en créant de nouveaux logiciels. Ces appropriations permettent d’envisager la pratique du jeu vidéo également <a href="https://www.openscience.fr/Quand-la-culture-d-innovation-fait-ecran-a-la-culture-technique">sous l’angle d’une culture technique</a>, aussi bien en termes de fonction, d’usage que d’appropriation et de rapport de pouvoir.</p>
<p>Le vidéaste Doc Mc Coy propose par exemple un <a href="https://youtu.be/c6IW8jtL8L4?si=sTsUMUwsTUZi9oDy">tutoriel en vidéo pour apprendre à modifier une VCS</a> en installant une carte dédiée afin d’optimiser la qualité d’affichage. Par ailleurs, de nombreux <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/revue-reseaux-2020-6-page-143.htm">programmeurs amateurs</a> créent de nouveaux jeux (comme les « homebrews », créations inédites non officielles, ou les « rom hacks », modifiant des jeux existants) sur ces machines qui ne sont plus exploitées commercialement, en relevant le défi des contraintes techniques. La chaîne canadienne « The New Retro Show » consacre depuis plusieurs années des <a href="https://youtu.be/ceBBD_cNcq8?si=-6ZZjS4D5l0ftb9U">vidéos aux nombreux jeux développés pour la VCS</a>.</p>
<p>Ces contributions apparaissent ainsi incontournables dès lors que l’on s’intéresse à une console ancienne : leurs auteurs ont contribué à entretenir une continuité avec le passé, et à alimenter la mémoire collective du jeu vidéo. Si de telles machines ont continué à fonctionner, à faire entendre leurs sonorités analogiques, le cliquetis de leurs manettes et à afficher leurs graphismes minimalistes, c’est aussi le fait de joueurs et joueuses qui ont su dépasser le statut de consommateurs pour partager en ligne une culture vidéoludique désolidarisée de l’actualité commerciale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Urbas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment saisir l’intérêt actuel pour le « retrogaming », alors que dans le domaine du jeu vidéo, l’évolution technologique est omniprésente et fortement valorisée ?Boris Urbas, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166822023-10-31T17:53:48Z2023-10-31T17:53:48ZLes révélations sur les origines de Buffy Sainte-Marie ont un impact dévastateur sur les communautés autochtones du Canada<p>Ce texte ne cherche pas à savoir si Buffy Sainte-Marie — légende de la musique, militante, membre de sa communauté et tante adorée — possède des origines autochtones. Il cherche plutôt à saisir les profondes incidences sur les Autochtones d’un reportage de la CBC mettant en doute l’ascendance de la chanteuse, et comment cela illustre ce que la réconciliation n’est pas.</p>
<p>Tout d’abord, permettez-moi de me situer. Cela vous aidera à comprendre pourquoi ce texte n’est sans doute pas ce que vous vous attendiez à lire — comme la plupart des Autochtones, j’ai encore besoin de temps pour digérer la nouvelle concernant Buffy —, mais les non-Autochtones doivent connaître les répercussions de cette histoire.</p>
<p>Je suis une <a href="https://www.creedictionary.com/search/index.php?q=iskwew&scope=1&cwr=13433">Iskwew</a> bispirituelle. Je suis la petite-fille d’une survivante des pensionnats autochtones et j’ai moi-même <a href="https://www.eaglefeathernews.com/news/campbell-journeyed-from-60s-scoop-to-top-indigenous-university-advocate">vécu la rafle des années 60</a>. J’ai toujours su que j’étais autochtone, mais je n’ai pas toujours su d’où je venais ni qui me reconnaissait.</p>
<p>Il y a une trentaine d’années, j’ai commencé à chercher qui j’étais. En 25 ans, j’ai réussi à retrouver ma mère biologique, des membres de ma famille proche et élargie, ainsi que mes six frères et sœurs encore en vie, dispersés dans plusieurs provinces.</p>
<h2>Recherche de mes identités</h2>
<p>Je suis une Crie-Métisse. Selon les systèmes coloniaux de citoyenneté, j’ai l’ascendance nécessaire pour être membre de la nation métisse de la Saskatchewan.</p>
<p>Grâce à un <a href="https://www.afn.ca/wp-content/uploads/2020/01/16-19-02-06-AFN-Fact-Sheet-Bill-C-31-Bill-C-3-final-revised_FR.pdf">amendement de 1985 à la Loi sur les Indiens, le projet de loi C-31</a>, ma grand-mère — qui avait perdu son statut d’Indienne parce qu’elle avait épousé un Autochtone non inscrit — a pu recouvrer son statut en vertu de l’article 6 (1) de la Loi. Ainsi, ma mère biologique et ses sept enfants, moi y compris, peuvent s’inscrire en vertu de l’article 6 (2) de la loi.</p>
<p>La loi ne permet pas de détenir à la fois le statut de Métis et celui d’Indien. Nous devons donc faire un choix. Je suis inscrite au registre des Indiens et membre de la Première Nation crie de Montreal Lake, la nation de ma grand-mère.</p>
<p>Mon histoire n’est qu’une parmi des centaines de milliers d’histoires d’Autochtones de partout au Canada. Comme leur récit, le mien est complexe et déroutant. Il peut être déclencheur et traumatisant. Il est porteur de joie et de douleur.</p>
<p>Permettez-moi maintenant de vous dire ce que la réconciliation n’est pas. Elle ne consiste pas à faire du sensationnalisme ni à se montrer insensible à l’égard du vécu des Autochtones du Canada. Si en découvrant certaines vérités, vous souhaitez les faire connaître et que cela cause du tort aux peuples autochtones, vous devez vous demander si vous cherchez à être un <a href="https://gallery.mailchimp.com/86d28ccd43d4be0cfc11c71a1/files/84889180-9bf0-46f2-8de0-dc932e485013/FR_Ally_email.pdf">véritable allié</a> ou si vous prétendez l’être pour faire avancer vos objectifs personnels.</p>
<h2>Jeter le doute sur une idole</h2>
<p>Le 27 octobre, CBC News a publié un <a href="https://www.cbc.ca/newsinteractives/features/buffy-sainte-marie">long article d’enquête</a> sous le titre sensationnaliste « Who is the real Buffy Sainte-Marie ? » (Qui est la vraie Buffy Sainte-Marie ?) L’article s’appuyait sur un documentaire intitulé <a href="https://www.cbc.ca/player/play/2277416003540">« Making an Icon »</a>, réalisé pour l’émission <em>Fifth Estate</em>, qui mettait en doute l’ascendance autochtone revendiquée par Buffy Sainte-Marie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eMsqCWNCUc4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un documentaire de l’émission <em>Fifth Estate</em> de la CBC remet en question l’identité autochtone revendiquée par Buffy Sainte-Marie.</span></figcaption>
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<p>Très peu d’Autochtones ont connu une célébrité de l’ampleur de celle de Buffy Sainte-Marie. De ce fait, elle a été une source d’inspiration pour des générations d’Autochtones.</p>
<p>Sa renommée et son succès ont permis à beaucoup d’entre nous de croire que nos objectifs et nos aspirations étaient réalisables à une époque où des Autochtones comme nous étaient très peu en vue. Au cours de la carrière de la chanteuse, de nombreux peuples, communautés et familles autochtones ont noué des relations avec elle — en particulier les <a href="https://piapotnation.com/">membres de la Première Nation de Piapot, en Saskatchewan</a>.</p>
<h2>Pas d’avertissement et manque de sensibilité</h2>
<p>Soudain, la nouvelle est sortie, et tout ce que nous croyions à son sujet a été remis en question. Il n’y a eu aucun avertissement et on n’a pas tenu compte de l’impact que cela aurait sur les peuples autochtones. Ce n’est pas ainsi que l’on procède à la réconciliation.</p>
<p>Il est question du rôle des médias dans les appels à l’action pour la vérité et la réconciliation. <a href="https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1524505692599/1557513408573">L’appel à l’action 84 (iii)</a> demande directement à Radio-Canada/CBC — le radiodiffuseur public national du Canada — de soutenir la réconciliation en veillant à ce que sa couverture prenne en considération « l’histoire et les séquelles des pensionnats ainsi que le processus de réconciliation ».</p>
<p>Depuis que cette histoire a éclaté, j’ai vu passer sur mes réseaux sociaux des manifestations de douleur, de traumatisme, de souffrance ainsi que des sentiments de trahison et d’incrédulité.</p>
<p>Je demande à CBC : Comment soutenez-vous les peuples autochtones lorsque leurs familles et leurs communautés sont confrontées aux répercussions de votre histoire ? En quoi cela s’inscrit-il dans la réconciliation ?</p>
<p>L’appel à l’action 86 de la Commission de vérité et réconciliation demande à ce qu’on inclue le droit autochtone dans les programmes de journalisme canadiens. Le fait que le reportage de la CBC ne reconnaisse pas l’importance et la signification des pratiques traditionnelles d’adoption des Premières Nations est honteux, et l’impact de cette omission est déshonorant.</p>
<p>Une partie importante du reportage de la CBC met en doute l’explication donnée par la chanteuse sur ses racines autochtones, à savoir qu’elle est née d’une mère de la Première Nation crie de Piapot, en Saskatchewan, mais qu’elle a ensuite été adoptée par un couple d’Américains.</p>
<h2>Adoption et reconnaissance</h2>
<p>Des années plus tard, elle a rencontré Emile Piapot et Clara Starblanket de la Première Nation de Piapot, qui l’ont adoptée selon les pratiques autochtones traditionnelles. On ignore si le couple, aujourd’hui décédé, connaissait les véritables origines de Buffy, mais cela n’enlève rien au fait que Buffy a été reconnue par eux, leur famille et de nombreuses personnes au sein de la communauté.</p>
<p>Ira Lavallee, chef par intérim de la Première Nation de Piapot, a déclaré à la CBC : « En ce qui concerne Buffy, nous ne pouvons choisir les aspects de notre culture auxquels nous adhérons… Une famille de notre communauté l’a adoptée. Peu importe les origines de Buffy, cette adoption est légitime dans notre culture. »</p>
<p>La CBC n’a pas tenu compte des répercussions que son histoire aurait sur la famille adoptive de Buffy. Buffy demeure la fille et la sœur de quelqu’un. Elle est une cousine et, pour beaucoup de personnes, une tante adorée – un rôle matriarcal important pour les peuples autochtones.</p>
<p>Où est la responsabilité de la CBC d’assurer la santé, le bien-être et le soutien des membres de la communauté pendant qu’ils doivent affronter le traumatisme lié à ce reportage ?</p>
<p>La réconciliation ne consiste pas à exploiter un traumatisme déclenché chez des Autochtones. Mais la réconciliation peut reposer sur la manière dont on réagit lorsqu’un préjudice a été causé. Les non-Autochtones devraient laisser aux dirigeants autochtones et aux membres de la communauté le temps de digérer la nouvelle, de se soutenir mutuellement et de se rassembler, plutôt que de les forcer à réagir au beau milieu de la tourmente.</p>
<p>Le reportage de la CBC a eu un effet dévastateur et aura un impact à long terme, et ce, de multiples façons, ici en Saskatchewan et sur toutes les terres autochtones.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216682/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lori Campbell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le reportage de la CBC sur l’ascendance de la chanteuse emblématique Buffy Sainte-Marie a des répercussions profondes et multiples sur les terres indigènes du Canada.Lori Campbell, Associate Vice President (Indigenous Engagement), University of ReginaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134952023-09-17T14:45:10Z2023-09-17T14:45:10ZFaut-il transformer le cinéma en produit de luxe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548643/original/file-20230916-37582-fbxzbn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2023%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour la sortie du film _Oppenheimer_ de Christopher Nolan, le Grand Rex, cinéma parisien des Grands Boulevards conçu au début du 20e siècle, sort le grand jeu avec des projections en 70mm. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/LeGrandRex/status/1678799247070601217/photo/1">Compte X (ex Txitter) du cinéma le Grand Rex.</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Aller au cinéma est une activité culturelle éminemment populaire en France. Pour qu’elle le reste, encore faut-il que ce marché réinvente le plaisir de la « sortie au cinéma ». Ce ne serait pas le moindre des paradoxes que l’avenir de ce loisir populaire passe aussi par sa transformation, pour partie, en produit de luxe.</p>
<h2>Le cinéma en salle : une résilience toujours menacée</h2>
<p>Le cinéma en salles est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/19/le-cinema-en-salles-cet-eternel-resilient_6154996_3232.html">« cet éternel résilient »</a>, rescapé de la crise du Covid, dont la diversité de l’offre a peu à peu convaincu tous les publics de retrouver le chemin des multiplexes comme des cinémas de proximité.</p>
<p>Porté par le désormais fameux phénomène « Barbenheimer » (soit la sortie simultanée des blockbusters <em>Barbie</em> et <a href="https://theconversation.com/oppenheimer-une-obsession-americaine-212476"><em>Oppenheimer</em></a>), l’été 2023, avec 34,29 millions d’entrées cumulées en juillet et août, affiche des records de fréquentation (+41 % par rapport à l’été 2022, +6 % par rapport aux moyennes estivales des années fastes 2017-2019).</p>
<p>Les toutes dernières statistiques publiées <a href="https://www.cnc.fr/professionnels/communiques-de-presse/frequentation-du-mois-daout-2023%E2%80%931591-millions-dentrees_2023800">par le Centre national du cinéma et de l’Image animée</a> confirment le redressement de la fréquentation amorcée l’an passé. En année glissante (septembre 2022 à août 2023), les salles cumulent 179,6 millions d’entrées : l’écart n’est désormais plus que de 13,6 % par rapport aux 207,75 millions enregistrés en moyenne durant les années 2017-2019.</p>
<p>Mais comme toujours, ces moyennes masquent les mêmes et profondes disparités structurelles d’avant la crise : domination des « majors » et de quelques blockbusters, atomisation continue des publics, concurrence des plates-formes de streaming. La fidélisation du public dit occasionnel, toutes tranches d’âge et de composition sociologique confondues, mais surtout le renouvellement et la conquête de nouveaux publics restent des enjeux majeurs pour la pérennisation du cinéma en salles. Dans cette perspective, trois actualités récentes, trois « cas » particulièrement médiatisés, esquissent une stratégie autour de « l’évènementialisation » de la sortie au cinéma.</p>
<h2>Le multiplexe « full premium » – le cas Pathé</h2>
<p>Le concept de salle « premium », offrant confort et prestations haut de gamme, le plus souvent combinées à des technologies de pointe (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/IMAX">Imax</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Dolby_Vision">Dolby Vision</a>, <a href="https://www.pathe.fr/experiences/4dx">4DX</a>), n’est en soi pas nouveau et équipe déjà une centaine de multiplexes, soit un peu moins de 5 % du parc de salles en France. En revanche, et à rebours des résultats de l’étude publiée par le CNC en mai 2022 (qui soulignait la sensibilité des spectateurs, toutes catégories confondues, <a href="https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/etude---pourquoi-les-francais-vontils-moins-souvent-au-cinema_1693485">au prix du billet de cinéma perçu comme trop élevé</a>), le groupe de Jérôme Seydoux innove en ouvrant, en décembre 2022, sous l’enseigne Pathé Parnasse, son premier multiplexe de 12 salles et 800 fauteuils « full premium ». La capacité de l’ancien cinéma Gaumont est ainsi réduite de 62 %, et le tarif normal de la place passe à 18,5 €.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-matiere-de-gouts-cinematographiques-paris-et-la-province-ne-jouent-pas-dans-la-meme-salle-208797">En matière de goûts cinématographiques, Paris et la province ne jouent pas dans la même salle</a>
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<p>Avec l’ouverture en 2024 de son futur Pathé Capucines sur le même concept, Pathé amorce une stratégie à priori audacieuse visant à faire du cinéma un produit de luxe. Cette stratégie n’est ni purement parisienne (un multiplexe « full premium » est annoncé à Lille), ni spécifique à Pathé : le propriétaire du Grand Rex a déclaré au printemps dernier vouloir lui aussi aller vers un cinéma de luxe et transformer l’emblématique cinéma des Grands Boulevards en « Movie Palace ».</p>
<h2>La projection « de prestige » – le cas <em>Oppenheimer</em></h2>
<p>La sortie de <em>Oppenheimer</em> le 19 juillet en France et dans le monde a fait l’objet d’une médiatisation, inédite à cette échelle, des technologies utilisées pour le tournage, mais aussi la projection du film en salles. Ce ne sont en effet pas moins de cinq techniques de projection possibles du film qui ont été détaillées, comparées et débattues jusque dans la presse grand public, celle-ci classant les salles dans lesquelles <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1483736-oppenheimer-nolan-imax-70mm-ou-voir-film-meilleures-conditions">voir le film par ordre de préférence</a>, en privilégiant les deux formats promus par le réalisateur Christopher Nolan : l’Imax au format presque carré 1,43 :1, et la <a href="https://www.cnc.fr/cinema/actualites/decryptage--questce-que-le-70mm_1022583">projection argentique en 70mm</a>.</p>
<p>La stratégie marketing globale du film s’est saisie de la rareté de ces deux technologies de projection pour en promouvoir le caractère prestigieux et « évènementialiser » les quelques salles équipées. En France, le Grand Rex en a fait un spectacle en soi, où des visites de la cabine de projection 70mm ont été proposées aux spectateurs les plus curieux.</p>
<p>Sans être un phénomène nouveau, le marketing autour du film de Nolan se démarque par la combinaison savamment élaborée entre performance de la technologie, grandeur de l’écran et du spectacle, notoriété du film aussi bien que de son réalisateur, et rareté des conditions de projection optimales voulues par ce même réalisateur.</p>
<p>Son exceptionnel record au box-office mondial et la part de marché des salles Imax (22 % des recettes mondiales pour seulement 740 salles) pourraient inciter les studios à poursuivre voire développer cette stratégie, malgré son coût élevé. Par ailleurs, le succès des projections en 70mm (55 000 spectateurs au Grand Rex en trois semaines) pourrait de même inciter certains circuits ou exploitants indépendants à persévérer dans l’évènementialisation de la projection argentique.</p>
<p>Dans tous les cas, l’objectif est identique : restituer à la projection cinématographique le caractère singulier et une certaine forme d’aura que le déversement continu d’images numériques sur toutes formes d’écran lui a fait perdre aux yeux d’une grande partie du public. En creux se dessine l’enjeu de redonner à la séance de cinéma son prestige d’antan (quand le cinéma se projetait dans de véritables palaces), et d’y attirer de nouveaux publics.</p>
<h2>Le « lieu cinéma » – le cas du Grand Rex</h2>
<p>En décembre 2022, l’inauguration de la façade rénovée du Grand Rex (toujours lui !) fait l’objet d’une médiatisation tout à fait inédite. Restitué dans ses couleurs et son style Art déco d’origine, flanqué de son enseigne lumineuse rotative surplombant les Grands Boulevards, le cinéma s’affiche comme un lieu emblématique de la cité. Il remet en lumière l’importance de la salle de cinéma qui invite au plaisir du spectacle : selon le mot de l’architecte américain <a href="https://www.laconservancy.org/learn/architect-biographies/s-charles-lee/">Simeon Charles Lee</a>, créateur des grands palaces de l’âge d’or hollywoodien, « the show starts on the sidewalk » !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548642/original/file-20230916-19-bo0mh9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le West Side Theatre, en Californie, conçu par l’architecte Simeon Chrales Lee en 1940.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cinematreasures.org/theaters/2437">cinema treasures</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après des décennies de découpage des grands cinémas en complexes multisalles puis d’uniformisation des salles de cinéma en multiplexes souvent confortables, mais anonymes, l’architecte français Pierre Chican ne dit aujourd’hui rien d’autre : <a href="https://www.cnc.fr/cinema/actualites/architecture--comment-imaginer-la-salle-de-cinema-de-demain_1836364">c’est la salle de cinéma elle-même qu’il faut événementialiser</a>.</p>
<p>Mais cette promesse d’un moment unique vécu dans une salle de cinéma ultra confortable et doté de technologies haut de gamme peut-elle séduire sur le long terme ? Certains spectateurs, à la sortie d’une séance en salle « premium », déclarent : <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/12/28/au-cinema-pathe-parnasse-a-paris-des-sieges-plus-larges-et-des-prix-plus-eleves_6155873_3246.html">« on a un peu l’impression d’être à la maison »</a>… et ne semblent pas impressionnés par le côté luxueux de la proposition.</p>
<p>Dans le même temps, la plupart des nouvelles technologies d’image et de son de la salle de cinéma (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/4K">4K</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dolby_Atmos">Dolby Atmos</a>) se retrouvent désormais dans les « home cinéma » domestiques, dont les tailles d’écran ne cessent de grandir et pourront bientôt couvrir le mur entier d’un salon. Si donc l’attractivité de l’offre de films et du « grand spectacle » non reconstituable dans l’environnement domestique, restent une condition nécessaire, la banalisation du confort et l’obsolescence technologique aidant, elle ne sera pas durablement suffisante pour conquérir et fidéliser de nouveaux publics. Les trois cas précédemment évoqués ont tous en commun de « resacraliser » la séance de cinéma, en l’associant au lieu qui lui confère luxe et prestige.</p>
<h2>La réinvention du « théâtre cinématographique » – Le cas Ōma</h2>
<p>C’est dans cette perspective qu’un projet architectural en cours tente d’imaginer la salle de cinéma de demain. <a href="https://omacinema.com/">Baptisé Ōma</a>, ce projet innove par la conception verticale du lieu. Tous les spectateurs sont répartis dans des loges suspendues sur toute la hauteur de la salle, leur donnant la même vision rapprochée par rapport à l’écran, alors que dans une salle classique la vision dépend du placement de chacun selon l’implantation horizontale des rangées de fauteuils, de leur éloignement et de leur décalage latéral par rapport à l’écran.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548654/original/file-20230916-25-6zq1jn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La salle de luxe du futur ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.profession-audiovisuel.com/emission-oma-cinema/">Profession audiovisuel</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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</figure>
<p>Le projet, qui permet aussi le maintien d’un parterre de fauteuils « traditionnel » si l’exploitant le souhaite, se veut suffisamment flexible pour s’adapter à tous volumes et capacités des salles, déjà existantes ou conçues spécifiquement selon cette architecture. En réinventant la loge de théâtre au cinéma (de nombreux commentateurs y ont aussi reconnu le sénat galactique, décor iconique de la saga <em>Star Wars</em>), la salle Ōma annonce le retour au « théâtre cinématographique » des origines, un lieu à forte identité culturelle et sociale.</p>
<p>Destiné à priori au grand spectacle, le projet convient aussi à des salles plus intimistes, et on peut imaginer que de futurs cinémas d’art et essai Ōma offrent aux cinéphiles une expérience d’immersion inédite dans un film d’auteur ou de patrimoine… L’ouverture, fin 2023, de la première salle Ōma, de 160 places, à Mougins, dans les Alpes maritimes, permettra d’évaluer le modèle économique des futurs cinémas de luxe, sachant toutefois que leur capacité réduite n’est pas en soi discriminante, le taux d’occupation des fauteuils de cinéma ne dépassant pas 15 % en moyenne en France, selon une étude réalisée par le CNC.</p>
<p>Il peut paraître paradoxal de conclure, à partir des cas cités précédemment, que la réinvention d’un loisir populaire passe par sa transformation en produit de consommation de luxe. Ce n’est de toute évidence qu’une réponse partielle à la problématique de renouvellement et de conquête de nouveaux publics. Elle concerne prioritairement les spectateurs potentiels ou occasionnels actuellement <a href="https://theconversation.com/cinema-pourquoi-les-multiplexes-doivent-se-reinventer-188035">détournés de la sortie au cinéma</a> soit par manque d’intérêt et de « pratique », soit du fait de la concurrence d’autres consommations culturelles plus valorisantes.</p>
<p>En redonnant à la sortie au cinéma un statut différenciant, à la fois culturellement et socialement, les promoteurs du cinéma de luxe ne visent rien d’autre que de lui faire atteindre de nouvelles « cibles ». On peut plaider que cette stratégie marketing renvoie à la mission dont bon nombre d’exploitants, métier de passion s’il en est, se sentent investis, à savoir, comme le souligne Laurent Creton, « offrir une expérience qualitative de sortie », fondée sur <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/12/20/des-crises-le-cinema-en-a-vu-d-autres-decrypte-laurent-creton-professeur-a-l-universite-paris-iii-sorbonne-nouvelle_6155138_3246.html">« les films, l’accueil, l’animation, mais aussi la beauté du lieu »</a>).</p>
<p>Tout le cinéma ne deviendra pas un produit de luxe, tous les publics (nouveaux, occasionnels, réguliers ou assidus) continueront d’aller dans « leurs » cinémas, en diversifiant leurs expériences en fonction de leurs attentes et des offres du moment. Le public s’élargit, se renouvelle et perdure dans toute sa diversité, le cas Ōma synthétise ce que sera l’expérience cinéma de demain : concilier l’immersion collective dans le spectacle et l’intimité du partage des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Aléonard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si l’avenir de ce loisir populaire passait par case « luxe » ? De nouveaux projets de salles et de nouvelles offres semblent confirmer cette piste.Laurent Aléonard, Directeur académique de l'EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087972023-09-10T14:55:21Z2023-09-10T14:55:21ZEn matière de goûts cinématographiques, Paris et la province ne jouent pas dans la même salle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547273/original/file-20230908-27-fr2p37.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1987%2C1133&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Que Paris existe, et qu'on puisse choisir de vivre ailleurs sera toujours un mystère pour moi. »
(Woody Allen, _Midnight in Paris_, 2011).</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p>On ne regarde pas les mêmes films à Paris que dans le reste de la France.</p>
<p>Il y a quelques mois, des journalistes de France Inter s’étonnaient des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-jeudi-06-avril-2023-4610037">« films qui cartonnent hors de Paris mais dont les médias ne parlent pas »</a>, rebondissant sur le constat de leurs confrères et consœurs du <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/bac-nord-dun-cote-les-bodins-de-lautre-a-paris-ou-en-province-on-naime-pas-les-memes-films-19-03-2022-ZL3T7JDQRNCGRJHMCBW7UT4DWY.php"><em>Parisien</em></a> ou du <a href="https://www.lepoint.fr/cinema/cinema-les-bodin-s-un-carton-qui-ne-passe-pas-par-la-capitale-01-12-2021-2454613_35.php#11"><em>Point</em></a>, questionnant ces films à succès « qui ne passent pas à la capitale ».</p>
<p>Parmi les stéréotypes habituels gravitant autour de la vie à Paris, on évoque souvent l’argument économique : les salaires plus élevés à Paris qu’en Province (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4479260">à Paris, le revenu des ménages les plus aisés est le plus élevé de France métropolitaine</a>) ; l’argument démographique : Paris ville la plus peuplée de France (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4171583">l’agglomération parisienne représentant 1/6 de la population française</a>) ou encore l’argument (souvent désuet-fantasmé) des intellectuels à Paris (<a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/12/21/heureux-comme-un-intellectuel-americain-a-paris_6064048_4500055.html">« le prestige intellectuel parisien »</a>). Les données chiffrées sont parfois interprétées dans le sens que l’on veut bien leur donner, à tort ou à raison, et il s’est installé dans l’imaginaire collectif cette fracture entre Paris et le reste de la France, ou encore comme certains aiment l’appeler, « la Province ».</p>
<h2>Paris et la Province face à leurs différences culturelles</h2>
<p>Dans les faits, il existe bel et bien une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-qui-vient-laurent-davezies/9782021086454">fracture territoriale entre régions, départements et villes, qui tend à se creuser</a>. La concentration de l’emploi dans les aires métropolitaines depuis des décennies, la succession de crises financières, de crises du logement et des politiques publiques valorisant les grands centres urbains au détriment des milieux ruraux <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">sont bien souvent tenus comme responsables de cette fracture</a>. Le sentiment « d’être les oubliés », voir un sentiment de <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/04/20/richard-ferrand-il-ny-a-pas-de-territoires-oublies-10246859.php">« mépris pour la « France d’en bas »</a>, <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-france-des-territoires-defis-et-promesses/">s’est développé dans les territoires</a>, et cette scission est encore plus marquée quand il est question de mener des comparaisons entre Paris et Province.</p>
<p>Cette fracture s’appuie sur des faits : par exemple, depuis la fin des années 90, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283880">part des emplois « qualifiés » (c’est-à-dire cadres et professions intellectuelles supérieures) a doublé à Paris</a>, et en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3196776">2014, 34,7 % des postes étaient des emplois qualifiés, contre 14,2 % en province</a>. L’exode des cerveaux vers la capitale se poursuit rapidement et sûrement ; et on constate d’ailleurs que dans bien des études menées sur le territoire métropolitain (Elabe, Insee), on segmente les réponses : Paris/région parisienne vs reste de la France.</p>
<p>Les modes de consommation alimentaire n’y échappent pas (<a href="https://investir.lesechos.fr/budget/vie-pratique/ou-consomme-t-on-le-plus-de-produits-bio-en-france-1927360#:%7E:text=Paris%20en%20t%C3%AAte%20du%20classement,Maritimes%20(5%2C6%25)">c’est à Paris que les produits bio ont la plus grande part de marché</a>, mais plus surprenantes encore sont les préférences en matière cinématographique. A quoi sont-elles dues ?</p>
<h2>Qu’est ce qu’on a fait aux Parisiens ?</h2>
<p>À y regarder de plus près, à Paris, les comédies françaises sont communément boudées au profit d’autres genres cinématographiques : les films d’auteur, les polars, les thrillers, ou au profit de productions étrangères : les productions type blockbuster, ou les œuvres étrangères diffusées en version originale (VO).</p>
<p>À titre d’exemples extrêmement parlants, la comédie en trois volets <em>Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu</em> (2014) de Philippe de Chauveron a réalisé plus de 80 % de ces entrées en « régions » (le nom subtil donné à la Province) et la tétralogie de <em>Les Tuche</em> d’Olivier Baroux plus de 90 % pour le second opus.</p>
<p>Et les chiffres sont encore plus vertigineux quand on parle de la saga « Les Bodins » de Frédéric Forestier (<em>Les Bodin’s en Thaïlande</em>, 2021), diffusés dans <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/les-bodins-ne-passe-meme-pas-sur-les-champs-elysees-paris-snobe-t-il-le-film-qui-cartonne-en-province-27-11-2021-FDMNZSCERBEIFK7SNUDPCYOFDY.php">seulement deux salles parisienne</a>, ou encore <a href="https://jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19635&view=2"><em>Les Municipaux</em></a>, des comédies grand public qui enregistrent moins de 2 % des entrées à Paris.</p>
<p>En guise de contre-exemple, le thriller <em>Boîte Noire</em> (2021) de Yann Gozlan avec Pierre Niney a réalisé près d’un <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20696">tiers de ses entrées à Paris</a>. Les deux œuvres oscarisées danoise et coréenne, <em>Drunk</em> (2020) de Thomas Vinterberg et <em>Parasite</em> (2019) de Bong Joon Ho, initialement diffusées dans les salles en VO à leur sortie, ont respectivement enregistré <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20748">35 %</a> et <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19435">42 %</a> de leurs entrées en France dans des salles parisiennes.</p>
<h2>Comprendre la fracture cinématographique, une mission impossible ?</h2>
<p>Difficile de trouver une explication qui éluciderait ces différences de goûts cinématographiques entre la capitale et le reste de la France. Néanmoins, plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender ces disparités.</p>
<p>Un premier facteur serait lié aux modes de consommation de l’activité cinéma. <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1389917/Le+public+du+cin%C3%A9ma+en+2020.pdf/a6ca1f24-d2f0-8340-4b62-322be9f14347?t=1633512274915">Le cinéma est une pratique collective</a>, souvent familiale. Par ailleurs, les comédies grand public/comédies familiales françaises sont le type d’œuvre « cible » des entrées en salle en régions. Si nous corrélons cela avec des données démographiques, nous notons que Paris représente le taux le plus faible de ménages comprenant un couple avec enfant(s), <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-75056#chiffre-cle-2">16,6 % en 2020</a> contre <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039855?sommaire=5040030#tableau-figure3_radio2">34 % pour les chiffres nationaux</a>, donc très peu de familles.</p>
<p>Une autre clé de lecture de cet écart en termes de goûts cinématographiques peut être celle de la <a href="https://www.cairn.info/la-methodologie-de-pierre-bourdieu-en-action--9782100703845-page-79.htm">perspective sociologique de la distinction</a> de <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">Bourdieu (1979)</a>, une référence en sociologie appliquée à la culture. Ce <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-cinema--9782707144454.htm">point de vue montre</a> « une homologie entre caractéristiques des films (esthétiques, économiques, symboliques) et les caractéristiques sociales des publics (en termes notamment de capital culturel et de genre) », soit une stratification sociale des goûts en matière cinématographique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Source : Insee, 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2023, le <a href="https://www.bfmtv.com/people/cinema/on-a-fait-un-peu-le-deuil-de-paris-pourquoi-les-comedies-francaises-font-plus-rire-en-regions_AV-202304290120.html">réalisateur Philippe Guillard</a> (<em>Pour l’honneur</em> (2023), <em>Papi Sitter</em> (2020)) expliquait qu’il était compréhensible que les films type « comédies grand public » ne fonctionnent pas à Paris « puisqu’ils utilisent des codes que seuls les gens de province comprennent ». Paris converge de plus en plus vers un modèle commercial et culturel qui trahit les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/jerome-fourquet-et-jean-laurent-cassely-laureats-du-prix-du-livre-deconomie-2021-1372880">goûts et les préférences de ces classes</a> : les <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">goûts dépendent de la classe sociale</a> et des <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-369.htm">pratiques associées</a>. Une large portion des emplois qualifiés et des professions intellectuelles supérieures vivent à Paris, et les CSP+ vont deux fois plus au cinéma que les autres CSP : le syllogisme est rapide.</p>
<h2>Lost in Frenchlation</h2>
<p>Concernant la part de visionnage des œuvres étrangères diffusées en version originale – plus importante dans la capitale qu’en Province – plusieurs explications se côtoient. Dans un article de [<em>Télérama</em>](https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889#:~:text=Parmi%20ses%20plusieurs%20dizaines%20de,le%20Path%C3%A9%20Wepler%20(18%C3%A8me), le délégué général de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai) et responsable programmation des plus gros cinémas indépendants de la ville de Paris expliquait l’importance de tenir des « standards parisiens » comme le fait de proposer les films en VO – en 2016, <a href="https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889">61 % des multiplexes VO se situaient à Paris et périphérie parisienne</a> – qui permet selon lui de maintenir une « forme d’élitisme et de noblesse vis-à-vis des spectateurs locaux ».</p>
<p>Par ailleurs les goûts cinématographiques se forgent par l’éducation à l’image, notamment des jeunes publics. Malgré le <a href="https://www.cnc.fr/cinema/education-a-l-image">dispositif national du CNC</a>, des disparités se maintiennent au niveau social et géographique, et l’offre cinématographique est fortement territorialisée : la région parisienne se caractérise par une forte concentration des écrans induisant une diffusion plus large que dans le reste du pays (<a href="https://www.cairn.info/revue-culture-etudes-2022-3-page-1.htm">1 200 écrans pour la région Île-de-France sur les 6 300 écrans en métropole</a>), et le nombre moyen d’entrées en salles des spectateurs de l’agglomération parisienne est <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1617915/Le+public+du+cin %C3 %A9ma+en+2021.pdf/2ea9dbee-4d5b-0a53-08a4-d761db46d860?t=1663767518046">deux fois plus élevé que dans les zones rurales</a>.</p>
<p>Cela facilite par ailleurs grandement l’accessibilité physique – au sens géographique – des Parisiens aux salles de cinéma quand il est question pour d’autres de prendre la voiture, les <a href="https://books.openedition.org/pufr/644?lang=fr">cinémas ayant été progressivement poussés hors des centres-villes depuis près d’un siècle</a>.</p>
<p>Cette éducation au cinéma se présente comme une approche compréhensive des diverses œuvres audiovisuelles ; on « apprend » à apprécier les différents genres cinématographiques, et pas seulement le cinéma populaire, plus accessible, comme on apprend à apprécier la musique classique ou les sorties du dimanche dans les musées parallèlement à d’autres loisirs.</p>
<p>Cette scission en matière de goûts cinématographiques entre Paris et la Province, plus qu’une fracture territoriale, représente bien une fracture sociale ; et bien souvent, les représentations présentes dans les œuvres coïncident aux codes de lecture dont seuls les publics correspondants disposent. Néanmoins, les explications de cette scission sont multiples et additionnelles et il est nécessaire de s’éloigner des questions de distinction de classes et de l’opinion publique (« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ») car cette fracture est le fruit de données croisées entre capitaux économiques et capitaux culturels qui la façonnent.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici de postuler que la seule <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus%20--%209782707149282-page-94.htm">culture légitime serait celle que les catégories de population les plus aisées cautionnent et consomment</a>, par opposition à une culture dite populaire qui aurait moins de valeur ou moins de sens – on sait depuis l’émergence des <em>cultural studies</em> (1964) que la réalité est bien <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/le-cinema-est-le-dernier-endroit-ou-la-pop-culture-rencontre-la-culture-legitime-2823244">plus poreuse et plus nuancée</a>. D’ailleurs, cette différence d’appréciation ne peut être généralisée à tous les films diffusés en salles. Par exemple, les films Star Wars (<em>Star Wars : Les derniers Jedi</em>, 2017 ; <em>Star Wars : Le Réveil de la Force</em>, 2015) semblent faire l’unanimité, ils arrivent en tête du nombre d’entrées à Paris et partout ailleurs en France.</p>
<p>Les goûts en matière cinématographique divisent autant qu’ils rassemblent. Dans une France où les tensions sociales sont omniprésentes, la quête de rationalité en la matière n’est pas forcément souhaitable, et le tableau des pratiques culturelles, s’il offre un baromètre politique intéressant, doit s’apprécier au-delà de la fréquentation des salles obscures ; il s’agirait plutôt d’accepter qu’autrui puisse être touché par une œuvre que nous ne trouvons pas à notre goût, sans jugement qui aggraverait cette fracture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Chatel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender des succès à géométrie variable en fonction du territoire où les films sont projetés.Manon Chatel, Doctorante contractuelle en Sciences de Gestion (Marketing territorial), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129312023-09-06T17:40:01Z2023-09-06T17:40:01ZAvec 2 000 objets disparus, le British Museum affronte une crise historique, mais ce n’est pas la première<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546646/original/file-20230906-23-z0dzkf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C0%2C3899%2C2521&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lawrence Alma-Tadema - Phidias montrant la frise du Parthénon à ses amis, 1868. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:1868_Lawrence_Alma-Tadema_-_Phidias_Showing_the_Frieze_of_the_Parthenon_to_his_Friends.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la mi-août, le British Museum est au cœur d’un scandale après le <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">vol d’environ 2 000 objets</a> de ses collections. Un vol dont on soupçonne qu’il a été commis au sein même de l’institution sur une période de <a href="https://www.theguardian.com/culture/2023/aug/25/artefacts-stolen-from-british-museum-may-be-untraceable-due-to-poor-records">vingt ans</a>. <a href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-66582935">Alerté</a> de la vente d’objets présumés volés dès 2021, le musée n’a pris des mesures que début 2023.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que le musée fait l’objet de critiques et que son système de conservation est <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">remis en question</a>. Cet article se penche sur quelques incidents notoires liés à la conservation de sa collection.</p>
<h2>Le scandale de Duveen</h2>
<p>Le plus célèbre de tous est celui-ci : le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">scandale de Duveen</a>, ainsi nommé d’après Lord Joseph Duveen, un marchand d’art ultra-riche à l’éthique douteuse, bienfaiteur du British Museum. Pendant longtemps, les responsables du musée ont soutenu que les marbres du Parthénon seraient mieux protégés s’ils restaient à Londres, car les Grecs n’étaient pas en mesure d’en prendre soin. Cet argument a été abandonné après qu’il a été révélé qu’à la fin des années 1930, le musée avait fait gratter les marbres avec des outils abrasifs, détruisant leur surface d’origine, leurs pigments et les traces d’outils encore visibles avant cette calamiteuse « restauration ».</p>
<p>Les temples grecs de l’Antiquité étaient richement peints, mais les restes polychromes n’étaient pas du goût de Duveen. Un administrateur du British Museum <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Crawford_Papers.html?id=55RnAAAAMAAJ&redir_esc=y">témoigne</a> de l’attitude de Duveen à l’époque :</p>
<blockquote>
<p>« Duveen nous a fait la leçon et nous a harangués, et nous a raconté les absurdités les plus désespérantes sur le nettoyage des œuvres d’art anciennes. Je suppose qu’il a détruit plus d’œuvres des maîtres anciens par excès de nettoyage que n’importe qui d’autre au monde, et maintenant il nous dit que tous les vieux marbres devaient être nettoyés à fond – à tel point qu’il les tremperait dans l’acide. Nous avons écouté patiemment ces folies vantardes… »</p>
</blockquote>
<p>Les hommes de Duveen avaient libre accès au musée et étaient même autorisés à donner des ordres au personnel du musée. Bientôt, dans une tentative malencontreuse de blanchir ce qui restait de la décoration polychrome d’origine, ils commencèrent à frotter les marbres. Ce « nettoyage » a duré quinze mois avant d’être interrompu. Une commission d’enquête interne conclut que les dégâts occasionnés <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">« sont évidents et ne peuvent être exagérés »</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Grande Cour du British Museum, vue d’ensemble.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/British_Museum#/media/Fichier:British_Museum_Dome.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Afin d’éviter que sa réputation ne soit entachée, le musée a gardé le silence et a nié que quelque chose de fâcheux s’était produit. Éventuellement, les marbres ont été placés dans la galerie Duveen, nommée en l’honneur de l’homme responsable de leur endommagement.</p>
<p>Le « nettoyage » de Duveen a été gardé secret pendant 60 ans jusqu’à ce qu’il soit <a href="https://global.oup.com/academic/product/lord-elgin-and-the-marbles-9780192880536?cc=fr&lang=en&">découvert</a> par l’historien britannique William St Clair. St Clair, qui était auparavant favorable au maintien des marbres au British Museum, est devenu l’un des plus ardents défenseurs de leur rapatriement.</p>
<p>Le nettoyage des marbres par Duveen n’a pas été le seul à susciter la consternation. Une série de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">lettres</a> publiées dans le <em>Times</em> dès 1858 s’inquiétait du « nettoyage » des marbres et accusait le musée de « vandalisme ». Il est probable que si ces premiers avertissements avaient été pris en compte, le nettoyage de Duveen aurait pu être évité.</p>
<h2>Accidents et autres polémiques</h2>
<p>Les accidents arrivent, et le British Museum n’a pas été épargné. Des documents publiés en vertu de la législation sur la liberté d’information montrent que dans les années 1960 et 1980, des visiteurs et un accident de travail ont <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1490023/Revealed-how-rowdy-schoolboys-knocked-a-leg-off-one-of-the-Elgin-Marbles.html">endommagé de façon permanente</a> des figures des frontons du Parthénon.</p>
<p>Lors d’une conférence organisée en 1999 dans le musée, des sandwiches ont été servis dans la galerie Duveen et les invités ont été <a href="https://www.theguardian.com/uk/1999/dec/01/maevkennedy">encouragés à toucher</a> les sculptures antiques. De nombreuses personnes présentes ont trouvé ce geste tellement inconsidéré qu’elles ont quitté la galerie. Un journaliste du <a href="https://www.nytimes.com/1999/12/02/world/london-journal-on-seeing-the-elgin-marbles-with-sandwiches.html"><em>New York Times</em></a> a titré un de ses articles : « On Seeing the Elgin Marbles, With Sandwiches » (Voir les marbres d’Elgin, avec des sandwiches).</p>
<p>Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/sculpture/incident-diplomatique-entre-londres-et-athenes-autour-d-un-marbre-antique_3388127.html">prêt secret de 2014</a> de la statue couchée du dieu grec de la rivière Ilissos (statue issue du fronton ouest du Parthénon) au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, alors que l’Europe avait imposé des sanctions à la Russie pour l’annexion de la Crimée, a également provoqué un incident dimplomatique. Le prêt n’a été annoncé qu’après le transfert de la statue à Saint-Pétersbourg.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/diviser-cest-detruire-les-marbres-du-parthenon-et-lintegrite-des-monuments-201232">« Diviser c’est détruire » : les marbres du Parthénon et l’intégrité des monuments</a>
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<p>Une controverse d’un autre ordre concerne les objets de la collection du musée qui font l’objet de demandes de rapatriement. Contrairement à d’autres institutions, telles que le V&A, le British Museum a été confronté à un concert de demandes de restitution concernant des objets très spécifiques de sa collection. Le musée a fermement refusé de s’engager dans le débat, bien que depuis le début de l’année, il tente de convaincre la Grèce d’accepter un <a href="https://theconversation.com/debate-sorry-british-museum-a-loan-of-the-parthenon-marbles-is-not-a-repatriation-199468">« prêt »</a> des marbres du Parthénon, considérant apparemment qu’il s’agit là d’un moyen d’entrer dans le débat sur le rapatriement.</p>
<p>Bien entendu, le musée est lié par la loi de 1963 sur le British Museum en matière d’aliénation, mais c’est une question à aborder dans un autre article.</p>
<h2>Les problèmes actuels du musée</h2>
<p>Aujourd’hui, le British Museum tente de réparer <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">l’atteinte à sa réputation</a>, au moment où le musée espère <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/new-british-museum-interim-boss-revealed-and-what-he-really-thinks-about-the-elgin-marbles-9s6zvgxnq">récolter 1 milliard de livres sterling</a> pour des travaux de rénovation indispensables.</p>
<p>La moitié de la collection du musée est <a href="https://www.britishmuseum.org/collection">non cataloguée</a>, et cette absence d’inventaire a certainement facilité les vols. Le fait qu’il ait fallu si longtemps pour découvrir les vols soulève également la question de savoir ce qui a pu disparaître davantage sans laisser de traces.</p>
<p>Pourtant, on ne peut s’empêcher de s’interroger : Les malheurs actuels du British Museum font-ils trembler d’autres directeurs de musées ? Combien de musées ont des pièces non cataloguées dans leurs réserves ? Lorsqu’un musée comme le Louvre explique que sa base de données contient des entrées pour <a href="https://collections.louvre.fr/en/page/apropos">plus de 480 000 œuvres</a>, s’agit-il de l’ensemble de sa collection ou seulement d’un pourcentage de celle-ci ? Dans un grand nombre de cas, nous ne le savons tout simplement pas.</p>
<p>Le British Museum n’a pas encore annoncé le nombre exact d’objets volés. Mais comment connaître le nombre exact d’objets disparus sans inventaire ? Plus difficile encore, comment identifier les objets, sans parler de <a href="https://www.theguardian.com/culture/2023/aug/25/artefacts-stolen-from-british-museum-may-be-untraceable-due-to-poor-records">prouver la propriété</a>, sans inventaire ?</p>
<p>En la matière, le secret est tout à fait inhabituel. Le partage d’informations sur les objets volés permet d’identifier et de retrouver ces objets. C’est précisément pour cette raison qu’Interpol tient à jour une base de données accessible sur les œuvres d’art volées. Mais pour qu’un objet soit enregistré dans la base de données, il doit être <a href="https://www.interpol.int/en/How-we-work/Databases/Stolen-Works-of-Art-Database">« entièrement identifiable »</a>. Le problème, c’est que le musée est probablement encore en train d’essayer d’identifier ce qui a disparu. Comment identifier complètement un objet non catalogué et non photographié ?</p>
<p>Le fait que cette liste demeure secrète tient peut-être à autre chose. Et si certains des objets volés identifiés étaient des objets contestés ayant fait l’objet de demandes de restitution ? Pour l’instant, nous ne pouvons que spéculer.</p>
<h2>La crise comme opportunité</h2>
<p>Après la démission du directeur Hartwig Fischer, un directeur intérimaire, Sir Mark Jones, a été nommé. Le poste permanent est à pourvoir. Tristram Hunt, directeur du V&A, qui semble être à l’origine de l’initiative visant à réviser les lois sur l’aliénation des œuvres d’art, figure parmi les candidats <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/new-british-museum-interim-boss-revealed-and-what-he-really-thinks-about-the-elgin-marbles-9s6zvgxnq">évoqués</a> au poste de directeur du musée. La sélection du prochain directeur du musée est une étape cruciale dans l’évolution vers un British Museum moderne qui ne se contente pas de rénover ses galeries, mais reconstruit son image conformément aux nouvelles valeurs du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catharine Titi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce n’est pas la première fois que le musée fait l’objet de critiques et que son système de conservation est remis en question.Catharine Titi, Research Associate Professor (tenured), French National Centre for Scientific Research (CNRS), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.