tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/depistage-31535/articlesdépistage – The Conversation2024-03-21T15:42:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2235792024-03-21T15:42:15Z2024-03-21T15:42:15ZVIH : et si les drones servaient aussi à sauver des vies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582475/original/file-20240318-20-cmdd44.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Guinée, à Conakry, le projet AIRPOP évalue le coût/efficacité et l’acceptabilité du transport de prélèvements sanguins par drone pour améliorer le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Drones de loisir utilisés <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lukraine-a-achete-2-000-drones-chinois-pour-mettre-la-pression-sur-larmee-russe-1481930">comme arme et moyen d’espionnage en Ukraine</a>, pour <a href="https://www.slate.fr/story/163724/chine-oiseaux-bioniques-drone-robotiques-espionner-citoyens">surveiller les populations en Chine</a>, dans le but, un jour, d’être employés <a href="https://www.slate.fr/story/228829/des-drones-equipes-de-taser-pourraient-un-jour-surveiller-les-ecoles-americaines">comme tasers volants pour sécuriser les écoles aux États-Unis</a>, et même d’ores et déjà <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/09/le-fleau-de-la-livraison-par-drone-dans-les-prisons_6193221_3224.html">pour la livraison de drogues et d’armes dans les centres de détention en France</a>…</p>
<h2>Des livraisons commerciales par drones en plein essor</h2>
<p>Derrière ces usages répressifs ou illicites, largement médiatisés, l’usage des drones de loisir, initialement destinés aux prises de vues aériennes, s’est largement développé dans l’industrie et l’agriculture notamment. De fait, leur utilisation pour les livraisons commerciales est en plein essor.</p>
<p>Motivé par leur rapidité et leur faible impact carbone, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36033593/">dix fois inférieurs à celui des livraisons par voie routière</a>, Amazon, le géant de la livraison, a d’ailleurs largement investi dans les drones en créant sa filiale Amazon Prime Air. Celle-ci <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/06/amazon-croit-toujours-a-la-livraison-par-drone-malgre-les-obstacles_6156919_3234.html">projette plus de 500 millions de livraisons annuelles d’ici 2030</a>. Une nouvelle paire de baskets livrée à domicile 30 minutes après une commande sur Internet est un « rêve » bientôt accessible.</p>
<h2>Des programmes pour acheminer en urgence médicaments ou poches de sang</h2>
<p>En matière de livraison, les drones peuvent aussi avoir une utilité plus essentielle, par exemple dans le secteur de la santé, où ils commencent à être utilisés dans certains pays pour l’acheminement en urgence de médicaments ou de poches de sang destinés à des transfusions.</p>
<p>Ainsi, au Rwanda, Zipline, une start-up américaine, réalise 80 % des livraisons des poches de sang grâce aux drones. La solution proposée par Zipline présente cependant des limites. Son coût élevé, le rayon d’action limité des drones à 80 km et son infrastructure lourde avec des rampes de lancement expliquent le fait que pour le moment, elle soit surtout utilisée en zone rurale, dans des pays de petite superficie caractérisés par une forte densité de populations et des ressources financières suffisantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Rwanda, Zipline, une start-up américaine, réalise 80 % de ses livraisons de poches de sang par drones.</span></figcaption>
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<h2>En Afrique de l’Ouest, le drone pour améliorer le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés</h2>
<p>En Afrique de l’Ouest et du Centre, la densité de population en zone rurale est faible, les superficies des pays élevées et les ressources financières limitées. Pourtant, les besoins de santé sont également importants et les drones pourraient contribuer à améliorer l’accès aux soins.</p>
<p>Ils pourraient notamment être utilisés pour améliorer l’accès au dépistage précoce du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vih-46821">VIH</a> chez les enfants nés de mères vivant avec le VIH, dont le risque de mortalité est particulièrement élevé dans les deux premiers mois de vie, en l’absence de traitement.</p>
<p>Compte tenu des appareils de laboratoire nécessaires pour ce diagnostic, le diagnostic précoce des nouveau-nés n’est réalisé que dans quelques laboratoires urbains. Lorsque les femmes vivant avec le VIH accouchent dans des formations sanitaires qui ne disposent pas de ces équipements, les prélèvements doivent être acheminés vers ces laboratoires de référence.</p>
<p>Or, les systèmes de transport par voie routière sont lents et peu fonctionnels en raison des nombreux embouteillages en zone urbaine et du mauvais état, voire de l’absence d’infrastructures routières en zone rurale. Les résultats sont souvent rendus tardivement. Les nouveau-nés infectés par le VIH sont donc rarement traités à temps, c’est-à-dire dans leurs premiers mois de vie, <a href="https://journals.lww.com/aidsonline/fulltext/2009/01020/emergence_of_a_peak_in_early_infant_mortality_due.14.aspx">ce qui les expose à un risque important de décès</a>.</p>
<h2>En Guinée, un projet mené par des chercheurs guinéens, européens et une ONG</h2>
<p>En Guinée, <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/data-book-2022_en.pdf#page=99">seul un tiers des nouveau-nés dont la mère vit avec le VIH bénéficient d’un diagnostic</a>. Parmi ceux chez qui le VIH a été diagnostiqué, on estime que moins de la moitié seraient traités à temps, d’après des données nationales non publiées.</p>
<p>Conakry, sa capitale, est tristement réputée pour ses embouteillages où un déplacement de quelques kilomètres peut parfois prendre plusieurs heures. À l’instar de nombreuses métropoles d’Afrique de l’Ouest, cette capitale a connu une expansion urbaine rapide liée à un exode rural important au cours des dernières décennies.</p>
<p>C’est coincée dans un de ces fameux embouteillages à Conakry, regardant une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=w_foIhQT2X8">vidéo</a> d’un drone livrant des burgers et des bières à Reykjavik en Islande, qu’une équipe de Solthis, ONG qui travaille depuis 20 ans pour l’amélioration de la santé en Afrique de l’Ouest, a eu l’idée d’utiliser des drones pour un usage plus utile que le commerce de la junk food.</p>
<p>Il s’agissait d’utiliser des drones pour transporter en urgence des prélèvements sanguins et ainsi permettre de diagnostiquer et traiter les 1 400 enfants qui naissent chaque année avec le VIH en Guinée. En 2020, Sothis a développé le projet AIRPOP.</p>
<p>Mis en œuvre en partenariat avec des chercheurs guinéens, des responsables du programme de lutte contre le VIH, des chercheurs en anthropologie de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et, en modélisation, de la Lincoln International Institute for Rural Health et avec le soutien de l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites virales et les maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), le projet AIRPOP, a cherché à évaluer le coût/efficacité et l’acceptabilité d’un transport des prélèvements par drone.</p>
<h2>Une solution coût-efficace en nombre de vies sauvées, d’après les premiers tests</h2>
<p>L’enjeu était de tester une solution, acceptable par la population et finançable dans les pays à ressources limitées. Le projet a comparé l’efficacité et le coût d’un transport par drone avec un transport par moto et le système actuel par voiture.</p>
<p>La modélisation a montré que le <a href="https://gh.bmj.com/content/8/11/e012522.long">drone est une solution coût-efficace en termes de nombre de vies sauvées</a>, malgré des coûts d’investissement et d’entretien supérieurs à celui des motos ou des voitures, pour un pays à ressources limitées comme la Guinée.</p>
<p>En parallèle, des vols de drones automatisés ont été effectués entre deux structures de santé pour tester la faisabilité en contexte urbain et une étude anthropologique a analysé les perceptions des acteurs concernés. D’une manière générale, les drones bénéficient d’une perception plutôt positive dans un contexte récent de troubles politiques où ces appareils ont été utilisés par des journalistes et des partis de l’opposition pour attester de l’ampleur de manifestations.</p>
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<p>Néanmoins, diverses craintes, comme celle d’un détournement par des groupes terroristes, suscitent des inquiétudes et soulignent la nécessité d’une information claire des populations. Nos travaux sur la question seront prochainement publiés.</p>
<p>Pour autant, les résultats encourageants du test suscitent l’intérêt des autorités de santé du pays et créent les conditions favorables pour poursuivre les recherches nécessaires au déploiement par le pays de cette innovation sur l’ensemble du territoire.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/800896984" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le projet AIRPOP mené en Guinée a comparé l’efficacité et le coût d’un transport de prélèvements sanguins par drone avec un transport par moto et le système actuel par voiture.</span></figcaption>
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<h2>Mutualiser aussi les drones pour le transport des poches de sang lors de l’accouchement</h2>
<p>Après cette première phase test, AIRPOP2 évaluera l’utilisation des drones à Conakry et en zone rurale avec l’ambition de proposer cette stratégie à l’échelle du pays pour permettre de dépister et de traiter les 1 400 enfants qui naissent avec le VIH chaque année. Elle explorera également l’intérêt de la mutualisation des drones pour les transports urgents d’autres produits de santé, notamment les poches de sang pour les femmes ayant des hémorragies lors de l’accouchement, première cause de décès maternels en Afrique.</p>
<p>Bien que les fabricants de drones soient pour l’instant principalement basés dans les pays les plus riches, la simplicité des techniques de fabrication et les moyens déjà investis pour améliorer la performance des drones, nous laissent penser que dans un futur proche, des fabricants pourraient émerger en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Cela ne ferait qu’améliorer le coût-efficacité de cette solution et simplifierait la maintenance. Osons imaginer, qu’aux yeux des investisseurs, sauver des vies humaines pourrait constituer un enjeu aussi important que celui de livrer en urgence, des burgers et des baskets, aux quatre coins du monde.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par : Guillaume Breton, Maxime Inghels, Oumou Hawa Diallo, Mohamed Cissé, Youssouf Koita et Gabrièle Laborde-Balen.</em></p>
<p><em>Ont participé à cette étude : (1) Solthis, Paris, France ; (2) Lincoln International Institute for Rural Health, University of Lincoln, Lincoln, Royaume-Uni ; (3) Solthis, Conakry, Guinée ; (4) Service de Dermatologie, Centre de Traitement Ambulatoire, Laboratoire de Biologie Moléculaire, CHU Donka, Conakry, Guinée ; (5) Programme National de Lutte contre le VIH sida et les Hépatites (PNLSH), Conakry, Guinée ; (6) TransVIHMI, Université de Montpellier, Inserm, Institut de Recherche pour le Développement, Montpellier, France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Breton est salarié de Solthis.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Oumou Hawa Diallo est salariée de Solthis.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gabriele Laborde-Balen, Maxime Inghels et Mohammed Cissé ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les drones peuvent avoir une utilité autre que commerciale ou militaire. Ainsi, en Guinée, des chercheurs et une ONG testent leur efficacité pour le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés.Guillaume Breton, Médecin infectiologue. Référent pathologies infectieuses et recherche de l'ONG Solthis. Médecin attaché service de maladies infectieuses, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, Sorbonne UniversitéGabriele Laborde-Balen, Anthropologue, Centre Régional de Recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), Institut de recherche pour le développement (IRD)Maxime Inghels, Research Fellow, University of Lincoln, Université Paris CitéMohammed Cissé, Médecin dermatologue. Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, Guinée, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)Oumou Hawa Diallo, Médecin pneumologue. Hôpital Ignace Deen Conakry, Guinée, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189682023-12-07T17:28:44Z2023-12-07T17:28:44ZRevivre après le traitement d’une maladie génétique rare : l’exemple de la drépanocytose<p>Cette année, le Téléthon se tiendra les 8 et 9 décembre. Cet évènement consacré aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-rares-33282">maladies rares</a> est l’occasion de lever le voile sur la drépanocytose qui est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-genetiques-35669">maladie génétique</a> <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/maladies-rares/article/les-maladies-rares">rare</a> la plus fréquente en France, avec environ <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/epidemiologie-de-la-drepanocytose-en-france-et-dans-le-monde">30 000 personnes</a> atteintes.</p>
<p>Cette pathologie reste pourtant insuffisamment connue de certains professionnels de santé et, plus généralement, de la société. La drépanocytose est également très répandue dans le monde, notamment en <a href="https://theconversation.com/la-drepanocytose-sevit-en-afrique-de-louest-une-nouvelle-approche-est-necessaire-pour-la-combattre-211168">Afrique</a>, dans les Antilles et au Moyen-Orient.</p>
<h2>Anémie, crises douloureuses et impact majeur sur la qualité de vie</h2>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">drépanocytose</a> est due à une anomalie de l’hémoglobine, principal composant des globules rouges, qui sont des cellules du sang permettant le transport de l’oxygène aux organes.</p>
<p>Cette anomalie cause une déformation des globules rouges qui prennent une forme de faucille (d’où son autre nom d’anémie falciforme). Cela entraîne leur destruction (anémie) et des occlusions des petits vaisseaux sanguins responsables de crises très douloureuses appelées « crises vaso-occlusives ».</p>
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<img alt="Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose." src="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/24170591501/in/album-72157656657569008/">National Center for Advancing Translational Sciences (NCATS), National Institutes of Health</a></span>
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<p>De plus, la drépanocytose peut atteindre les vaisseaux de tous les organes conduisant à des lésions graves et multiples (atteintes des artères cérébrales, atteintes pulmonaires, cardiaques, rénales, hépatiques, etc.). Cette maladie est responsable de décès précoces et a un impact majeur sur la qualité de vie des patients qui est à ce jour mal évalué.</p>
<h2>Se construire entre les crises</h2>
<p>Alors que, dans d’autres maladies génétiques, les symptômes peuvent s’exprimer de manière continue, les personnes atteintes de drépanocytose se construisent dans l’alternance entre des périodes de « vie normale » et des épisodes de crises, dont ils qualifient la douleur d’« insoutenable », « invivable », « traumatique ».</p>
<p>En crise ils se sentent malades, le reste du temps ils se savent malades, anxieux de l’advenue de ces crises menaçantes et soumis aux contraintes à respecter pour les éviter (s’hydrater, ne pas s’exposer au froid, aux émotions fortes, ne pas faire trop de sport, etc.).</p>
<p>La drépanocytose peut ainsi être qualifiée de « maladie chronique de l’aigu » du fait des ruptures répétées et imprévisibles que ces crises occasionnent. Celles-ci paralysent physiquement, mais hypothèquent aussi tout projet de vie, même minime ou à court terme. De plus, le fait que ce soit une maladie mortelle engage les patients dans une lutte pour la survie.</p>
<p>Finalement, ces crises impactent le <a href="https://www.researchgate.net/publication/352544405_Tap_P_Tarquinio_C_Sordes-Ader_F_2002_Sante_maladie_et_Identite_in_GN_Fisher_Traite_de_Psychologie_de_la_Sante_pp_135-162Paris_Dunod">sentiment de continuité de l’existence</a> ou la <a href="http://philosophicalenquiries.fr/numero3Hamou.pdf">continuité de la conscience</a> (la perception d’être le même dans l’espace et dans le temps), socle de l’identité personnelle. Pour faire face psychologiquement aux douleurs extrêmes qu’elles génèrent, de nombreux patients mettent en place des mécanismes qui consistent à se déconnecter de leurs corps et de leurs émotions.</p>
<h2>La greffe de moelle, seul traitement curatif</h2>
<p>Les principaux traitements (médicaments par voie orale et échanges transfusionnels consistant à retirer du sang du patient et à le transfuser avec des globules rouges sains) permettent d’atténuer la maladie, sans toutefois la faire disparaître. De plus, chez certains patients, ces traitements sont inefficaces.</p>
<p>À l’heure actuelle, le seul traitement curatif est la <a href="https://www.sfgm-tc.com/harmonisation-des-pratiques/52-indications/3903-2020-allogreffe-de-cellules-souches-hematopoietiques-dans-la-drepanocytose-de-l-enfant-et-de-l-adulte-indications-et-modalites">greffe de moelle osseuse</a>. Présente à l’intérieur des os, celle-ci fabrique toutes les cellules du sang. La greffe permet de remplacer la moelle du patient qui fabrique des globules rouges malades, par celle d’un donneur qui fabrique des globules rouges sains.</p>
<p>Ce traitement permet d’améliorer les symptômes et de guérir la maladie de la majorité des patients. Cependant la greffe peut être responsable de complications qui sont plus fréquentes lorsqu’elle est réalisée chez les adultes. Ainsi, 75 % des greffes de moelle (sur environ 700) pratiquées à ce jour en France chez des patients atteints de drépanocytose, l’ont été chez des enfants de moins de 15 ans, selon la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire.</p>
<h2>Effets psychosociaux inattendus de la « guérison »</h2>
<p>L’évolution des techniques de greffe permet aujourd’hui de greffer des patients adultes avec une <a href="https://www.chu-nantes.fr/allogreffe-la-preparation-ou-le-conditionnement-du-patient-en-attente-de-greffe">moindre toxicité</a> et d’envisager des greffes chez des patients n’ayant pas de donneur parfaitement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455120303179">compatible</a>. Ainsi, des patients adultes, ayant vécu des années avec cette maladie très lourde et considérée comme incurable, se retrouvent « guéris ».</p>
<p>Il a été constaté que cette guérison somatique (c’est-à-dire avec une diminution voire une disparition des symptômes) s’accompagnait chez certains patients d’effets inattendus sur le plan psychosocial et de difficultés à se réapproprier leur vie.</p>
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<p>Cet apparent paradoxe, entre la promesse de guérison offerte par la médecine et certains vécus relatés par les patients, est un des objets de l’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> initiée par des chercheurs en sciences humaines et sociales et des équipes médicales, à partir des récits de vie de malades.</p>
<p>La greffe de moelle osseuse est ainsi l’occasion de penser ce que signifie vivre ou revivre après avoir fait l’expérience d’une maladie génétique dont les symptômes altèrent lourdement l’espérance et la qualité de vie, parfois dès la naissance.</p>
<h2>Revivre après la greffe</h2>
<p>La greffe de moelle osseuse n’est proposée, le plus souvent, qu’en dernier recours, après un épisode qui peut avoir fait frôler la mort. C’est un choix contraint, « quand on n’a plus rien à perdre » comme le disent certains patients. En dépit des informations données par les médecins et d’autres patients greffés, elle représente un « saut dans le vide ». Elle constitue à la fois une épreuve et une renaissance.</p>
<p>La vie après la greffe est décrite par les patients comme la possibilité de déployer et d’éprouver une « liberté de mouvement » ou une puissance d’agir toutes nouvelles. Revivre, c’est faire ce dont ils étaient incapables, s’autoriser à ressentir des émotions et faire des projets jusqu’ici interdits, gagner en confiance en soi, se sentir « comme les autres ».</p>
<p>Cependant, ces possibilités sont déstabilisantes parce que totalement inédites et survenant dans une temporalité accélérée qui ne permet pas de les intégrer psychologiquement ou émotionnellement. Elles bousculent les défenses psychiques mises en place pour faire face à la maladie, provoquant parfois des états de sidération. S’ouvre une temporalité nouvelle : un avenir définitivement libéré de l’imprévisibilité des crises, mais dans lequel il n’est pas évident de se projeter.</p>
<h2>Un état de déséquilibre au moins transitoire</h2>
<p>La greffe conduit ainsi à un état de déséquilibre au moins transitoire. Elle n’efface pas le passé ni les expériences corporelles, relationnelles, sociales liées à la maladie. Du fait des séquelles physiques, de la prise de médicaments et du suivi médical, la maladie demeure sous d’autres formes (stérilité, ostéonécrose – qui correspond à la destruction progressive de certains os, l’une des <a href="https://sosglobi.fr/en/drepanocytose/complications/">complications</a> de la maladie –, addiction aux antidouleurs, etc.). Parfois, des douleurs (appelées « douleurs fantômes ») ressurgissent, faisant craindre aux patients un retour de la maladie et manifestant une anxiété toujours active.</p>
<p>Certains patients s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas faire « comme tout le monde », l’entrée dans la vie active en particulier s’avère complexe en raison de « tout ce qu’on n’a pas pu faire à cause de la maladie » (études, expériences professionnelles…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-gaston-lagaffe-avait-en-realite-un-syndrome-dehlers-danlos-130907">Et si Gaston Lagaffe avait en réalité un syndrome d’Ehlers-Danlos ?</a>
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<p>Enfin, la maladie reste transmissible, complexifiant la vie amoureuse et les projets parentaux. En effet, la drépanocytose est une <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">maladie génétique héréditaire</a>. Même traitée par greffe, une personne qui porte les gènes mutés responsables de la drépanocytose les transmet à son enfant.</p>
<p>L’après-greffe est le moment parfois douloureux de prendre la mesure de tout ce que la vie avec la drépanocytose a empêché et de tout ce qu’il semble difficile de rattraper dans une vie sans elle.</p>
<h2>Être « autrement le même » : ni malade, ni en bonne santé</h2>
<p>La question « Qui suis-je ? » émerge chez beaucoup de patients et montre une tension entre trois dimensions : une présence du passé qui est constitutif du soi, une « perte de soi » marquée par une sensation de vide, et le besoin de construire une « nouvelle identité ».</p>
<p>Les personnes se trouvent pour la plupart dans un entre-deux : ni malades – elles n’ont plus les symptômes de leur pathologie initiale –, ni en bonne santé – « ex-drépanocytaires » et pouvant toujours transmettre la maladie.</p>
<p>Certains préfèrent ne plus parler de la maladie, comme si l’oubli était <a href="https://editions.flammarion.com/revivre/9782081314993">« une réponse de la vie à ce qui en elle est invivable », nécessaire pour continuer ou recommencer à vivre</a>. D’autres culpabilisent d’avoir été greffés.</p>
<h2>L’apport des sciences humaines et sociales pour penser un soin global</h2>
<p>Dans ce processus de transformation, il faut apprendre à se (re)connaître et se reconstruire, à devenir <a href="https://ec56229aec51f1baff1d-185c3068e22352c56024573e929788ff.ssl.cf1.rackcdn.com/attachments/original/6/9/7/002624697.pdf">« autrement le même »</a> ou « malade autrement », selon l’expression d’un patient greffé.</p>
<p>Être « autrement » évoque l’effort à déployer pour apprendre à vivre sans la maladie initiale mais avec d’autres vulnérabilités qui ne lui seront pas nécessairement liées ; être « le même » renvoie à la <a href="https://www.utep-besancon.fr/content/uploads/2021/12/La-representation-de-soi-au-coeur-du-la-relation-soignants-soignes-24.pdf">« nécessité vitale pour un individu d’avoir un sentiment de cohésion et de continuité quant à la perception de ce qu’il est »</a>.</p>
<p>L’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> illustre l’apport indispensable des sciences humaines et sociales pour penser un soin global de la personne malade.</p>
<p>En éclairant les limites de la notion de guérison et la complexité du revivre, elle contribue, de manière utile aussi à d’autres maladies rares, à définir des filières, des réseaux et des pratiques (médicales et non médicales) de soin adaptés et susceptibles de soutenir l’<a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:5226"><em>empowerment</em></a> ou la <a href="https://www.puf.com/content/Le_normal_et_le_pathologique">normativité des malades</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par les trois auteures mentionnées et le Dr Nathalie Dhédin, médecin hématologue (Unité d’hématologie Adolescents et Jeunes Adultes, APHP- hôpital Saint-Louis) spécialisée dans la greffe de moelle osseuse en particulier des patients drépanocytaires, et à l’initiative du protocole de recherche mené en SHS sur cette thématique. Nous remercions tous les patients et soignants qui soutiennent et participent à cette étude.</em></p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-IDEX-0001">IDEX</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité est financé par l’IDEX (ANR-18-IDEX-0001).
Le projet « Revivre » est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.
Nous remercions tous les patients, les soignants et les institutions partenaires pour leur participation à l’étude « Revivre ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité qui est financé par l’IDEX (ANR-18-
IDEX-0001).
Le projet Revivre est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet Revivre est co-financé par l'Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l'Association Vaincre La Mucoviscidose</span></em></p>Des patients ayant vécu des années avec la drépanocytose se retrouvent « guéris » grâce à la greffe de moelle osseuse. Cela entraîne, chez certains, des effets inattendus sur le plan psychosocial.Elise Ricadat, Elise Ricadat est psychologue clinicienne, Maitre de Conférences à l’Université Paris Cité (IHSS/Études Psychanalytiques) et chercheuse au Laboratoire CERMES 3, UMR 8211. Elle co-dirige l’Institut interdisciplinaire « La Personne en Médecine »., Université Paris CitéCéline Lefève, Professeure des universités en philosophie (UMR 7219, Université Paris Cité). Co-directrice de l'Institut interdisciplinaire "La Personne en médecine", Université Paris CitéMilena Maglio, Chercheuse post-doctorante en philosophie, Institut La Personne en médecine, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864242022-07-28T19:54:28Z2022-07-28T19:54:28ZProjet ATLAS : Les autotests VIH, un outil pour pallier le manque d’accès au dépistage en Afrique de l’Ouest<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475119/original/file-20220720-10209-8mqqfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C39%2C844%2C1113&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le développement d'autotest VIH, facile d'accès et clairement expliqué par un manuel d'utilisation, permet d'atteindre des populations qui ne se faisaient pas dépister.</span> <span class="attribution"><span class="source">Projet Atlas / SOLTHIS / Jean-Claude Frisque</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de VIH n’est pas terminée.</p>
<p>En Afrique de l’Ouest, selon les <a href="https://aidsinfo.unaids.org/">pays</a>, 0,5 % à 3 % des adultes en population générale sont infectés. La prise d’un traitement antirétroviral permet d’interrompre la transmission, mais pour cela il faut que les personnes infectées soient dépistées. Or, dans cette sous-région, 23 % des personnes vivant avec le VIH ne connaissent par leur statut.</p>
<p>Certaines populations dites « clés » sont particulièrement touchées : travailleuses du sexe (TS), usagères et usagers de drogues (UD), hommes qui ont des relations avec des hommes (HSH). En Afrique de l’Ouest du Centre, en 2020, 45 % des nouvelles infections auraient eu lieu dans ces populations clés et 27 % parmi leurs partenaires sexuels et clients, <a href="https://www.unaids.org/en/resources/documents/2021/2021_unaids_data">selon l’Onusida</a>.</p>
<p>Les activités communautaires sont efficaces pour toucher les populations clés qui s’identifient en tant que telles, notamment dans les associations.</p>
<p>Par contre, celles et ceux en périphérie (TS occasionnelles, HSH clandestins…) sont difficiles d’accès, ce qui est aggravé par la <a href="https://www.unaids.org/fr/resources/documents/2022/20220301_zero-discrimination-day-brochure">stigmatisation</a> à laquelle ces populations font face, voire la criminalisation de leurs pratiques. Leurs partenaires et clients sont peu pris en compte dans les stratégies actuelles. Ces groupes sociaux, qualifiés de « populations cachées », ne sont pas des groupes homogènes ; les populations périphériques ont peu accès au dépistage du VIH.</p>
<h2>L’autodépistage : une nouvelle stratégie de dépistage</h2>
<p>Avec la mise au point d’autotests pour le VIH, l’autodépistage (ADVIH) permet aux personnes de se tester elles-mêmes : un <a href="https://fr.oraquick.com/media/wysiwyg/3001-3559_0222_OQ_HIV_Self-Test_IFU_UK_CE_FRE_V1_Issue_2.pdf">manuel d’utilisation</a> et une <a href="https://youtu.be/wryHdQp1zHg">vidéo</a> sont fournis avec le test, qui donne en une vingtaine de minutes un résultat d’orientation : s’il est négatif, la personne n’est pas porteuse du VIH et peut éventuellement être orientée vers des services de prévention ; s’il est positif, elle doit recourir à une structure de santé pour réaliser un test de confirmation.</p>
<p>La faisabilité, l’acceptabilité et l’efficacité de cette innovation ont d’abord été validées en Afrique australe et de l’Est où le dépistage est une pratique banalisée (<a href="https://www.psi.org/fr/project/star/">initiative STAR</a>, financée par l’agence de santé mondiale <a href="https://unitaid.org/#en">Unitaid</a>).</p>
<p>Le projet <a href="https://atlas.solthis.org/">ATLAS</a> (Autotest : libre de connaître son statut VIH) porté par l’<a href="https://www.solthis.org/fr/">ONG Solthis</a> et financé également par Unitaid s’est donné pour objectif d’introduire et d’étendre cette innovation dans trois pays ouest-africains : Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal. L’<a href="https://www.ird.fr/">IRD (Institut de recherche pour le développement)</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33478470/">a accompagné ce projet par la recherche</a> afin de comprendre les obstacles, limites et acquis du projet.</p>
<p>Son acceptabilité sociale par les populations clés a été étudiée en abordant non seulement l’acceptabilité de l’autotest mais aussi celle de son mode de distribution.</p>
<p>Cet article répond à l’une des principales questions que soulève le projet : les populations qui ne vont pas dans les structures de dépistage utilisent-elles l’ADVIH et, si oui, dans quelles circonstances et à quelles conditions ?</p>
<p>Pour explorer ces aspects, nous avons utilisé deux méthodes en particulier : des <a href="https://youtu.be/kMpq2t-NfdA">entretiens qualitatifs</a> et une <a href="https://joseph.larmarange.net/IMG/pdf/poster_kouassi_et_al_atlas_enquete_telephonique_afravih_2022.pdf">enquête téléphonique anonyme</a> auprès des utilisatrices et des utilisateurs des trois pays.</p>
<p>L’ADVIH est <a href="https://youtu.be/LlWo7Irx4mk">apprécié par ses utilisatrices et utilisateurs</a> pour plusieurs raisons, qui apparaissent dans les entretiens réalisés à Dakar, Mbour et Ziguinchor (Sénégal), Bamako et Kati (Mali) et Abidjan, Maféré et San Pedro (Côte d’Ivoire) : en premier lieu, il permet de choisir où, quand, et comment pratiquer son autotest. Chacun peut donc le réaliser quand il/elle se sent prêt·e psychologiquement, le faire en toute confidentialité, sans risquer d’être vu·e dans un service connoté VIH, et sans dépendre de tiers, en plus des gains de temps et du caractère « pratique » et « user-friendly » de la technique.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<h2>Distribution primaire et secondaire</h2>
<p>Il est possible d’obtenir des kits d’autodépistage auprès d’associations, de professionnels de santé ou de paires-éducatrices/pairs-éducateurs dans le cadre de sorties au sein des communautés : c’est la distribution primaire. La personne peut alors pratiquer l’ADVIH pour elle-même, ou le remettre à une autre personne : c’est la <a href="https://youtu.be/TJM3DbAAL-0">distribution secondaire</a>. C’est là que l’ADVIH représente une véritable innovation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iNLMoJesGFE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17455057221092268">enquête qualitative</a> a montré que les personnes redistribuent l’ADVIH dans leur réseau social, avec diverses motivations parmi lesquelles : la volonté pour une TS de connaître le statut d’un client afin de décider de l’utilisation du préservatif ; la vérification du statut d’un partenaire ou d’un client qui se déclare séronégatif et refuse le préservatif ; la proposition à un conjoint réticent au dépistage usuel et qui a des comportements à risques, parfois depuis de nombreuses années. L’ADVIH est aussi utilisé dans les réseaux des populations clés, ainsi qu’avec leurs conjoints ou partenaires réguliers, des membres de leurs familles et des pair·e·s « caché·e·s ».</p>
<blockquote>
<p>« J’ai aussi un client chez qui je me rends […] Je lui ai donné trois kits parce qu’il m’a montré clairement qu’il a une autre partenaire […] donc il voulait que celle-là aussi fasse avec l’autotest. » (TS, Mali)</p>
</blockquote>
<p>Cette distribution secondaire est apparue acceptable.</p>
<p>Comme décrit en <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1002166">Afrique de l’Est</a>, l’étude ne rapporte qu’exceptionnellement des effets sociaux « indésirables », tels que des réactions violentes à une proposition d’autotest ou à l’annonce de son résultat, ou des pressions de tiers. Ceci tient sans doute aux précautions que prennent les personnes pour sélectionner celles ou ceux à qui elles proposent l’autotest, en évitant les conflits et les situations où la proposition provoquerait des violences ou l’interruption brutale de la relation.</p>
<h2>Les personnes qui se testent pour la première fois</h2>
<blockquote>
<p>« J’ai tout le temps refusé de me faire piquer avec le dépistage classique, mais à cause de l’autotest, j’ai découvert que j’étais infecté. » (HSH, Mali)</p>
</blockquote>
<p>L’<a href="https://youtu.be/ACrzZhherkg">enquête téléphonique</a> auprès des personnes qui ont fait leur autotest montre qu’au moins un tiers d’entre elles ont reçu ce dernier en distribution secondaire et 41 % déclarent qu’elles ne s’étaient jamais dépistées. La distribution secondaire permet aux TS d’atteindre des hommes souvent en couple par ailleurs et de toucher leurs partenaires/conjointes, et aux HSH de toucher des « HSH cachés » et des femmes partenaires.</p>
<p>Ainsi, l’ADVIH permet de toucher, au-delà des populations clés, des personnes vulnérables qui ne s’étaient jamais dépistées. D’un point de vue de santé publique, cette stratégie complète des approches plus visibles dans l’espace public, par exemple les offres de test dans les sites de travail sexuel, les lieux de socialisation homosexuelle ou de consommation de drogues.</p>
<p>L’ADVIH n’induit pas de rupture de lien avec les services de santé. Dans l’enquête qualitative, la quasi-totalité des personnes interrogées dont l’autotest était positif (7/8 personnes) y ont effectué un test de confirmation du VIH. Dans l’enquête téléphonique, cela concernait une personne sur deux.</p>
<p>Quand la confirmation a lieu, c’est en général dans un laps de temps court (moins d’une semaine pour la majorité). Surtout, l’enquête a montré que la moitié des personnes qui ont fait un test de confirmation se sont rendues dans des structures de santé « tous publics », plus discrètes que les structures dédiées aux populations clés. Toutes les personnes enquêtées confirmées séropositives ont initié un traitement antirétroviral.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gros plan sur un homme assis sur un banc, le kit à côté de lui" src="https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475129/original/file-20220720-18-iatot6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les kits peuvent être distribués directement ou par un intermédiaire. Cette distribution secondaire permet d’élargir le dépistage à un public caché autrement inaccessible.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Projet Atlas/SOLTHIS/Jean-Claude Frisque</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un outil d’empouvoirement</h2>
<p>L’ADVIH est un outil de triage et d’orientation, mais aussi de sensibilisation pour la prévention. Parmi les personnes dépistées, 50 % se percevaient comme n’étant pas à risque d’infection par le VIH. Il est apprécié parce qu’il va dans le sens du respect des droits humains en permettant de connaître son statut VIH « quand on veut, où on veut et si on veut ».</p>
<p>Il donne aux utilisatrices et aux utilisateurs la possibilité de se tester sans la présence d’un prestataire, de garder le résultat pour soi, de choisir, le cas échéant, où faire un test de confirmation et, aux femmes en particulier, le « pouvoir de proposer » de connaître son statut.</p>
<p>C’est aussi un outil efficace d’un point de vue populationnel pour atteindre des groupes ou individus vulnérables cachés, en particulier dans des pays de faible prévalence. Ces avantages sont particulièrement importants à l’heure où les modes de socialisation des rencontres sexuelles évoluent (contacts inter-individuels par des applications en ligne et éparpillement des lieux de rencontre).</p>
<p>L’ADVIH est aussi essentiel alors que les capacités de dépistage VIH sont fragilisées dans plusieurs pays ouest-africains par l’accroissement de l’homophobie structurelle sociétale et par la fragilité sécuritaire et politique qui, dans des zones du Sahel, interrompt l’activité des services de santé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LTmo4vHoxg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<hr>
<p><em>Les auteurs tiennent à remercier Odette Ky-Zerbo (IRD TransVIHMI) qui a mené les entretiens, Arsène Kra Kouassi et Arlette Simo Fotso (IRD Ceped) qui ont conduit l’enquête téléphonique, et Anthony Vaultier (Solthis, directeur technique ATLAS) pour leur contribution à cet article.</em></p>
<p><em>L’<a href="https://www.psi.org/fr/project/star/">initiative STAR</a> ainsi que le projet ATLAS sont financés par l’agence de santé mondiale <a href="https://unitaid.org/#en">Unitaid</a>.</em></p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s'appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C'est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre l'épidémie de Sida en Afrique de l'Ouest, les tests d'autodépistage s'avèrent être une stratégie efficace. Bien acceptée, elle bénéficie d'une bonne distribution.Joseph Larmarange, démographe en santé publique, Institut de recherche pour le développement (IRD)Alice Desclaux, Anthropologue de la santé, TransVIHMI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765172022-02-06T17:57:42Z2022-02-06T17:57:42ZVariant Omicron BA.2 : qu’avons-nous appris de lui jusqu’à présent ?<p>Le nombre de cas d’infection par le variant Omicron a explosé partout sur la planète au cours des deux derniers mois. Dans de nombreux pays, le pic de cette vague a même dépassé ceux des vagues précédentes, causées par d’autres variants.</p>
<p>Depuis quelque temps, <a href="https://www.abc.net.au/news/2022-01-30/nsw-records-52-new-covid-19-deaths/100790768">des patients se retrouvent infectés</a> par un sous-variant d’Omicron, baptisé <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1050999/Technical-Briefing-35-28January2022.pdf">BA.2</a>. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1488701512696348674"}"></div></p>
<p>On pourrait avoir tendance à imaginer que BA.2 est le descendant de BA.1 (aussi appelé B.1.1.529), mais il est plus juste de le considérer plutôt comme un « variant frère ».</p>
<h2>Petit rappel sur les variants</h2>
<p>Les virus, et en particulier les virus à ARN tels que le SARS-CoV-2, font de nombreuses erreurs (ou mutations) lorsqu’ils se reproduisent. Ils ne peuvent corriger ces erreurs (<em>même si les coronavirus possèdent un mécanisme de correction des erreurs, son efficacité n’est pas parfaite, ndlr</em>), et de ce fait sont constamment en train d’évoluer.</p>
<p>Lorsque ces mutations se traduisent par des modifications de l’information génétique portée par le virus, on parle de « variant ». Si l’on suppose que ces modifications peuvent avoir un impact sur les propriétés du variant, et risquent de le rendre plus dangereux que les versions précédentes du virus, et si de surcroît l’on constate qu’il se transmet significativement plus dans certains pays, il est alors classé en « variant d’intérêt » et surveillé. </p>
<p>Si les modifications d'un variant d’intérêt se traduisent effectivement par des changements remarquables d’une ou plusieurs de ses caractéristiques (contagiosité, virulence, échappement immunitaire, symptomatologie ou résistance aux antiviraux, impact sur les performances des tests de détection…), il est requalifié en « variant préoccupant ». </p>
<p>Omicron est un variant « hautement divergent », car il a accumulé <a href="https://theconversation.com/omicron-faq-how-is-it-different-from-other-variants-is-it-a-super-variant-can-it-evade-vaccines-how-transmissible-is-it-160359">plus de 30 mutations</a> dans sa protéine Spike. De ce fait, la protection conférée par une précédente infection ou par la vaccination a diminué tandis que, en parallèle, sa transmissibilité a augmenté.</p>
<hr>
<p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/what-we-know-now-about-covid-immunity-after-infection-including-omicron-and-delta-variants-175653">What we know now about COVID immunity after infection – including Omicron and Delta variants</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Omicron a un taux de réinfection plus élevé que les précédents variants, est plus contagieux, et limite la protection que procurent les vaccins : c'est pour toutes ces raisons que l’<a href="https://theconversation.com/omicron-pourquoi-loms-la-classe-variant-preoccupant-aussi-vite-173099">Organisation mondiale de la Santé (OMS) l’a rapidement classé en « variant préoccupant » le 26 novembre 2021</a>. </p>
<h2>Qu’est-ce que le lignage ?</h2>
<p>Un lignage est un groupe de variants génétiquement proches, qui dérivent d’un ancêtre commun. On parle aussi de sous-variants.</p>
<p>On dénombre trois sous-lignages pour le variant Omicron : B.1.1.529 ou BA.1, BA.2 et BA.3. </p>
<p>Si l’OMS n’a pas requalifié BA.2, le Royaume-Uni <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1050999/Technical-Briefing-35-28January2022.pdf">l’a, lui, étiquetté « variant en cours d’investigation »</a>. Ce statut signifie que BA.2 n’est pas encore un variant d’intérêt ou préoccupant distinct, mais qu’il est attentivement surveillé.</p>
<p>Omicron n’est pas le premier variant à avoir des sous-lignages. L’an dernier avait émergé le variant <a href="https://theconversation.com/covid-19-quest-ce-que-le-variant-delta-plus-164910">« Delta plus »</a> (ou AY.4.2), puis Omicron a émergé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1410864503676313603"}"></div></p>
<h2>En quoi BA.2 est-il différent ?</h2>
<p>Bien que les premières séquences de BA.2 aient été <a href="https://pgc.up.edu.ph/detection-of-the-sars-cov-2-omicron-variant-in-the-philippines/">soumises par les Philippines</a> – et que des milliers de cas d’infection par ce variant aient été observés, y compris aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie – son origine précise demeure inconnue. </p>
<p>Ses propriétés font également l’objet de recherches. Bien qu’il n’existe pour l’instant <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/omicron-subvariant-ba2-likely-have-same-severity-original-who-2022-02-01/-">aucune preuve qu’il provoque des formes plus graves de la maladie</a>, plusieurs choses préoccupent les scientifiques. </p>
<p><strong>1. BA.2 est plus difficile à différencier</strong></p>
<p>L’un des marqueurs qui permettait de différencier Omicron version BA.1 des autres variants du SARS-CoV-2 lors des tests PCR était l’absence, dans les résultats desdits tests, du signal correspondant au <a href="https://www.who.int/news/item/26-11-2021-classification-of-omicron-(b.1.1.529)-sars-cov-2-variant-of-concern">gène S</a> (on désigne cette absence de détection par l’acronyme SGTF, pour « S gene target failure »). Mais ce n’est plus le cas pour BA.2.</p>
<p>L’incapacité de détecter ce sous-lignage de cette façon a mené certaines personnes à le qualifier de « sous-variant furtif ». </p>
<p>Cependant, cela ne signifie pas que nous ne pouvons plus utiliser les tests PCR pour détecter BA.2. Cela signifie simplement que les échantillons testés positifs doivent désormais être séquencés pour déterminer à quel variant nous avons affaire. Cela prend davantage de temps, mais c’était déjà le cas avec les variants précédents.</p>
<p><strong>2. BA.2 pourrait être plus infectieux</strong></p>
<p>Ce point est peut-être plus préoccupant : des preuves indiquant que BA.2 pourrait être plus infectieux que l’Omicron originel (BA.1) s’accumulent.</p>
<p>Une <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.01.28.22270044v1">étude préliminaire réalisée au Danemark</a>, où BA.2 a largement remplacé BA.1, suggère que la susceptibilité à l’infection des personnes non vaccinés a augmenté (elle est un peu plus de deux fois supérieure à ce qu’elle était avec BA.1). </p>
<p>En outre, selon ces travaux, les personnes entièrement vaccinées (deux doses) sont 2,5 fois plus susceptibles de contracter BA.2 que BA.1. Cette susceptibilité à BA.2 est presque trois fois plus importante pour les individus qui ont reçu une troisième dose (<em>les auteurs précisent que chez les personnes qui ont reçu cette troisième dose, la susceptibilité et la transmissibilité est réduite <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.01.28.22270044v1.full.pdf#page=10">par rapport aux personnes qui n’ont reçu que deux doses</a>, ndlr</em>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1488103426881953792"}"></div></p>
<p>Les auteurs ont analysé plus de 2 000 cas d’infections primaires par BA.2 au sein de foyers danois durant le mois de décembre, enregistrant le nombre de cas survenus sur une période de suivi de sept jours. </p>
<p>Ils ont également évalué le taux d’attaque secondaire (autrement dit, la probabilité, au sein d’un groupe spécifique – foyer, contacts proches – qu’une infection survienne chez des personnes sensibles). Leurs résultats indiquent qu’il serait de 39 % dans les foyers où circule BA.2, contre 29 % dans le cas de BA.1. </p>
<p>Cette étude danoise est encore au stade de « preprint », ce qui signifie qu’elle n’a pas encore été revue par des scientifiques indépendants. D’autres recherches sont donc nécessaires pour confirmer le fait que BA.2 est réellement plus infectieux que BA.1.</p>
<h2>De nouveaux variants sont susceptibles d’émerger</h2>
<p>Nous devons nous attendre à ce que de nouveaux variants et sous-variants continuent à émerger. En effet, avec de tels taux de transmission, le SARS-CoV-2 a d’innombrables opportunités de se reproduire, et donc de subir des mutations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-delta-a-omicron-pourquoi-un-variant-chasse-lautre-173532">De Delta à Omicron : pourquoi un variant chasse l’autre ?</a>
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<p>Un moyen de limiter les conséquences de cette situation est bien évidemment de ralentir la transmission virale et de diminuer la taille des populations susceptibles, dans lesquelles le virus peut se répliquer sans entrave.</p>
<p>Les approches basées sur la distanciation sociale et le port du masque, ainsi que l’augmentation de la couverture vaccinale globale, restent donc d’actualité pour ralentir les émergences de nouveaux variants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Griffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>BA.2, un sous-variant d’Omicron (BA.1), se propage depuis plusieurs semaines. S'il ne semble pas provoquer de formes plus graves de Covid-19, il paraît plus contagieux que son prédécesseur.Paul Griffin, Associate Professor, Infectious Diseases and Microbiology, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1741302021-12-22T20:24:12Z2021-12-22T20:24:12ZCovid : quand peut-on privilégier l’autotest antigénique face au test PCR de laboratoire ?<p>Avec l’<a href="https://covidtracker.fr/">augmentation du nombre de cas de Covid-19</a>, il est important de continuer à se faire dépister : que ce soit parce que l’on présente des symptômes, on a été exposé au virus… ou simplement parce que l’on prévoit de se rendre dans un environnement à haut risque – comme une salle fermée pleine de monde.</p>
<p>Pour détecter le SARS-CoV-2, virus responsable du Covid, nous avons maintenant accès, <a href="https://www.sante.fr/coronavirus-covid-19-questions-et-reponses-sur-les-tests-de-depistage">entre autres</a>, à des tests PCR (ou tests RT-PCR, pour <em>reverse transcription-polymerase chain reaction</em>, réalisés en laboratoire) mais également à des tests antigéniques rapides (qui peuvent exister sous forme d’autotests).</p>
<p>Quelle différence entre ces deux types de tests ? Et lequel devez-vous utiliser ?</p>
<h2>Comment ça marche ?</h2>
<p>Les <strong>tests PCR</strong> sont utilisés pour diagnostiquer les infections par le SARS-CoV-2. Ce type de test recherche le <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-fonctionnent-les-tests-et-quelles-sont-leurs-utilites-135398">matériel génétique du virus</a> (<em>en l’occurrence de l’ARN et non de l’ADN comme pour notre espèce, ndlr</em>).</p>
<p>La RT-PCR convertit dans un premier temps l’ARN viral en ADN, pour qu’il soit lisible par nos cellules, et « amplifie » ce texte génétique, en en faisant des milliards de copies. Ce qui permet de les détecter de façon fiable.</p>
<p>Comme ce test peut démultiplier de minuscules quantités de matériel génétique viral, il est considéré comme l’étalon-or en matière de détection. Il peut en effet repérer l’infection à des stades plus précoces que d’autres tests dont les tests antigéniques rapides.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Vd38iS_W7ww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Here’s how PCR testing works.</span></figcaption>
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<p>Les <strong>tests antigéniques rapides</strong> détectent, eux, les <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02661-2">protéines virales</a>. Les protéines se lient dans la solution du test à des anticorps qui les reconnaissent spécifiquement et deviennent fluorescents pour indiquer leur présence.</p>
<p>Ces tests antigéniques :</p>
<ul>
<li><p>sont plus rapides que les tests PCR (15-20 minutes, contre un résultat pour le lendemain pour la RT-PCR) ;</p></li>
<li><p>peuvent être effectués à domicile, au lieu de faire la queue et d’attendre un écouvillon, qui doit ensuite être analysé dans un laboratoire.</p></li>
</ul>
<p>Mais ils sont moins sensibles qu’un test PCR car il n’y a pas de processus d’amplification.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9shS2Xjbs_s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Quelle efficacité ?</h2>
<p>Si les deux tests sont plus susceptibles de détecter correctement une infection lorsque la charge virale de la personne est élevée, les tests PCR sont plus sensibles que les tests à antigène rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanwpc/article/PIIS2666-6065(21)00024-9/fulltext">étude australienne</a> comparant la sensibilité (soit un diagnostic correct de l’infection par le SARS-CoV-2 lorsque vous en êtes atteint) d’un type de test antigénique rapide par rapport à un test PCR a montré que 77 % des résultats positifs du test antigénique correspondaient aux résultats du test PCR.</p>
<p>Cette proportion atteignait 100 % lorsque les personnes étaient testées dans la semaine suivant l’apparition des symptômes.</p>
<p>La <a href="https://www.tga.gov.au/covid-19-rapid-antigen-self-tests-are-approved-australia">Therapeutic Goods Administration</a> fournit une liste de tests antigéniques rapides approuvés, dont les résultats concordent avec le test PCR dans 80 à 95 % des cas, à condition que le test soit effectué dans la semaine suivant l’apparition des symptômes. Certains de ces tests sont classés comme ayant une sensibilité très élevée, avec une concordance de 95 % avec les tests PCR. (<em>La liste de tous les tests et autotests dont les performances correspondent aux prérequis définis par la Haute autorité de santé en France est <a href="https://covid-19.sante.gouv.fr/tests">consultable ici</a>, ndlr</em>)</p>
<h2><a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-03/fu_covid19_quel_test_faire_12_mars_v1.pdf">Quel test faire, et quand ?</a></h2>
<p><strong>Faites un test <a href="https://www.coronavirus.vic.gov.au/rapid-antigen-self-tests#how-rapid-antigen-ra-tests-are-different">RT-PCR</a></strong> en laboratoire si :</p>
<ul>
<li><p>Vous avez des symptômes du Covid,</p></li>
<li><p>Vous avez une exposition connue à une personne atteinte du Covid,</p></li>
<li><p>Vous avez fait un test rapide à l’antigène et obtenu un résultat positif : une confirmation par PCR est nécessaire,</p></li>
<li><p>Votre service de santé vous demande de sortir de quarantaine ou d’isolement,</p></li>
<li><p>Vous êtes tenus de vous adresser à un service de santé pour obtenir l’autorisation de se rendre dans un lieu donné.</p></li>
</ul>
<p>La PCR est le test de choix dans ces situations car elle est plus précise pour diagnostiquer une infection.</p>
<p><strong>Envisagez un <a href="https://www.coronavirus.vic.gov.au/rapid-antigen-self-tests#how-rapid-antigen-ra-tests-are-different">autotest antigénique rapide</a></strong> si :</p>
<ul>
<li><p>Vous prévoyez de visiter un site sensible (par exemple, un établissement de soins pour personnes âgées),</p></li>
<li><p>Vous prévoyez d’entrer en contact avec une personne à haut risque pour le Covid (par exemple, une personne âgée ou une personne sous traitement immunosuppresseur), et que vous voulez la protéger,</p></li>
<li><p>Vous présentez des symptômes du Covid mais ne pouvez pas vous rendre dans un centre de dépistage par PCR,</p></li>
<li><p>Vous vous rendez à un événement où de nombreuses personnes vont se mélanger, en particulier s’il se déroule à l’intérieur, où le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33249484/">risque de transmission</a> est considérablement plus élevé,</p></li>
<li><p>Vous voulez vérifier rapidement si vous avez une infection par le SARS-CoV-2,</p></li>
<li><p>Vous faites partie d’un programme de surveillance régulière du Covid (certains lieux de travail l’exigent, en particulier dans les situations où la population n’est pas entièrement vaccinée).</p></li>
</ul>
<p>Le test rapide antigénique est considéré comme un outil de dépistage <a href="https://www.sante.fr/coronavirus-covid-19-questions-et-reponses-sur-les-tests-de-depistage">parmi d’autres</a>. En d’autres termes, il peut indiquer que vous pourriez être infecté mais un test PCR est nécessaire pour confirmer le résultat.</p>
<p>Bien qu’un résultat négatif au test d’antigène rapide ne garantisse pas que vous n’êtes pas infecté, il offre malgré tout une meilleure protection à vos contacts que l’absence de test. (<em><a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_auto-test_tc.pdf">Si vous avez un résultat positif</a>, il vous faut le confirmer immédiatement par un test PCR et vous isoler, ndlr</em>)</p>
<h2>À quelle fréquence dois-je effectuer des tests antigéniques rapides ?</h2>
<p>Cela dépend de la raison pour laquelle vous passez le test. Si vous faites partie d’un programme de surveillance, faites le test quand on vous le demande.</p>
<p>Si vous n’avez pas de symptômes, le fait de faire le test <a href="https://www.coronavirus.vic.gov.au/rapid-antigen-self-tests#how-rapid-antigen-ra-tests-are-different">deux à trois fois</a> sur une semaine peut contribuer à améliorer la sensibilité du test car la charge virale varie. La sensibilité du test sera la plus élevée lorsque la charge virale est à son maximum. (<em>« Le caractère itératif – c’est-à-dire répété – de l’utilisation des autotests permet d’<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-le-covid-19/autotests-covid-19">augmenter leur fiabilité par la répétition régulière des prélèvements</a> » souligne le ministère de la Santé français, ndlr</em>)</p>
<h2>Qu’en est-il pour la détection d’Omicron ?</h2>
<p>Ce nouveau variant hautement muté semble être <a href="https://www.moh.gov.sg/news-highlights/details/update-on-covid-19-omicron-variant/">encore détecté</a> par les tests PCR et les tests antigéniques rapides.</p>
<p>Normalement, un test PCR indique si vous avez ou non une infection par le SARS-CoV-2, mais pas quel variant vous avez contracté. Ce n’est pas son objectif. <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/genomic-surveillance.html">Le séquençage du génome viral</a> est nécessaire pour le savoir.</p>
<p>Toutefois, certains tests PCR recherchent une séquence génétique spécifique qui manque dans le variant Omicron (<a href="https://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-ukhsa-update-on-omicron-risk-assessment-and-s-gene-target-failure/">appelée défaut de cible du gène S</a>). Ces tests PCR particuliers peuvent donc non seulement détecter une infection mais aussi donner un indice qu’il s’agit probablement d’Omicron.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174130/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thea van de Mortel enseigne dans le programme d'études supérieures en prévention et contrôle des infections de l'Université Griffith.</span></em></p>L’un est long mais plus précis, l’autre rapide mais moins fiable… Voici les cas où vous pouvez privilégier les autotests antigéniques et comment optimiser leur utilisation.Thea van de Mortel, Professor, Nursing and Deputy Head (Learning & Teaching), School of Nursing and Midwifery, Griffith UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1683132021-11-15T20:45:24Z2021-11-15T20:45:24ZComment la découverte du gène responsable de la mucoviscidose a transformé la prise en charge de la maladie<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 15 novembre 2021 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>La mucoviscidose a été longtemps considérée comme la plus fréquente des maladies génétiques graves de l’enfant dans les populations d’origine européenne. En France, aujourd’hui, 6 500 personnes <a href="https://www.vaincrelamuco.org/sites/default/files/registre_2019_vf.pdf">sont atteintes de mucoviscidose</a> et la maladie touche environ une naissance sur 5 000 dans notre population (soit environ <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">200 naissances par an</a>. Toute la gravité de la mucoviscidose est liée à l’atteinte pulmonaire se traduisant par une insuffisance respiratoire chronique. L’espérance de vie à la naissance est aujourd’hui de 40 ans environ.</p>
<p>La découverte du gène responsable, le gène CFTR, en septembre 1989, est un moment qui restera à tout jamais fondateur dans l’histoire de la maladie.</p>
<h2>Une découverte fondatrice</h2>
<p>Je me souviens encore du congrès Nord-Américain de la mucoviscidose à Tampa en Floride en octobre 1989, où les découvreurs du gène Lap-Chee Tsui, John Riordan et Francis Collins ont présenté les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2570460/">résultats de leurs travaux</a>. Il s’en est suivi d’une standing ovation d’une heure portée par les trois mille congressistes présents, et c’est peu dire l’émotion énorme de la collectivité médicale et scientifique. On changeait de monde. Après ce <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2475911/">tour de force génétique</a>, on allait enfin comprendre cette maladie, mieux la diagnostiquer et pouvoir envisager des thérapies spécifiques.</p>
<p>Pendant ce congrès de Tampa se mettait en place, sous l’initiative de Lap-Chee Tsui, un <a href="http://www.genet.sickkids.on.ca/app">Consortium International d’étude des mutations du gène</a> regroupant 80 laboratoires essentiellement situés aux États-Unis et en Europe.</p>
<p>Ce consortium a réalisé un travail exemplaire d’identification des mutations du gène en partageant en temps réel (par fax à l’époque) les informations découvertes par ses différents laboratoires. Ce modèle de fonctionnement exemplaire de travail collaboratif à l’échelle mondiale a servi d’exemple pour l’étude de nombreux gènes qui ont été identifiés dans les années 1990.</p>
<h2>Une pathologie génétiquement déterminée</h2>
<p>Quelles leçons retenir de ces travaux 32 ans après la découverte du gène ?</p>
<p>Tout d’abord il existe déjà une mutation très fréquente dans le gène CFTR (une petite délétion appelée « Delta F 508 »), survenue probablement <a href="http://hdl.nature.com/10101/npre">à l’âge de bronze dans les populations de nord-ouest de l’Europe</a>.</p>
<p>Mais elle n’est pas la seule : grâce à un travail collectif international, ont également été rapportées, de façon inattendue, plus de 2 000 autres mutations – témoignant de l’extrême variabilité des anomalies possibles.</p>
<p>Leur étude a permis de faire un lien entre les différentes formes déjà connues de la maladies (appelées « phénotypes ») et les différentes versions du gène. Ces 2000 mutations ont ainsi pu être organisées en six classes, en fonction de leur impact sur la fonction de la protéine, et les mutants associés aux formes sévères et modérées identifiés.</p>
<p>De quoi démontrer que la mucoviscidose est un modèle remarquable de pathologie génétiquement déterminée. Et illustrer, pour la première fois dans l’histoire de la médecine, le lien que l’on peut faire entre un gène et ses variations et l’expression d’une maladie.</p>
<p>C’est aussi la preuve que certaines variations dans un gène peuvent conduire à l’expression d’autres phénotypes, d’autres affections. On savait en effet que les hommes atteints de mucoviscidose étaient stériles, du fait de l’absence au sein de leur appareil reproducteur de canaux déférents (ou spermiducte, qui permettent aux spermatozoïdes de sortir des testicules) : on a pu montrer que la forme la plus fréquente de stérilité masculine, là encore par absence de ces canaux déférents, était associée à certaines mutations du gène CFTR.</p>
<p>Ceci illustre parfaitement que la connaissance de notre génome nous a permis de décrypter et de revisiter les bases génétiques de certaines maladies.</p>
<h2>Diagnostic précoce et meilleure prise en charge</h2>
<p>Cette connaissance fine du gène CFTR, en plus d’une meilleure compréhension de la maladie et de ses différentes formes, a eu par ailleurs deux autres impacts majeurs.</p>
<p>Tout d’abord au niveau du dépistage néonatal, avec l’association du dosage de la trypsine (une molécule enzymatique dont la présence dans le sang est associée à un risque de mucoviscidose), la recherche des principales mutations du gène ainsi que le test de dépistage systématique à la naissance mis en place dans presque tous les pays européens, aux États-Unis et en Australie. Le diagnostic de la maladie est ainsi posé très précocement, permettant une prise en charge rapide et un accès au conseil génétique – avec un recours possible au diagnostic anténatal, si besoin pour les grossesses ultérieures.</p>
<p>Ensuite, la connaissance des mutations et de leur impact sur le fonctionnement normal de la protéine CFTR a ouvert une ère nouvelle grâce à la découverte des médicaments dits « modulateurs » agissant spécifiquement sur certaines d’entre elles. Ces médicaments ont révolutionné la prise en charge de la maladie en apportant une amélioration significative de la fonction respiratoire, une diminution des hospitalisations et une amélioration de la qualité de vie des patients.</p>
<p>Cette thérapie « mutation spécifique » de la maladie est venue compléter le traitement symptomatique (antibiothérapie, kinésithérapie, fluidifiants pulmonaires, etc.) qui est le lot quotidien des patients.</p>
<p>En une génération, un peu plus de 30 ans, le gène responsable de cette maladie génétique fréquente dans nos populations a donc été découvert. Une collaboration internationale exemplaire a permis d’identifier ses mutations à risque, de comprendre leur impact, d’ouvrir de nouvelles perspectives de diagnostic en situation anténatale, de nouveaux dépistages à la naissance… Et, surtout, d’aboutir à la mise au point de traitements spécifiques qui bénéficient aujourd’hui <a href="https://doi.org/10.1051/medsci/2021085">à 90 % des patients atteints de mucoviscidose</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Ferec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mucoviscidose est une des maladies génétiques les plus connues – et des plus simples à appréhender, croyait-on, car elle est liée à un gène unique. Sa découverte a bouleversé le monde scientifique…Claude Ferec, Professeur émérite de génétique médicale, CHRU de BrestLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1651882021-11-01T18:33:20Z2021-11-01T18:33:20Z« Movember » : réussir à parler du cancer masculin à tout âge sans tabou<p>En France, le cancer des testicules est le type de cancer le plus répandu chez les hommes de 15 à 35 ans. Au mois de « Movember », les hommes du monde entier sont invités à se laisser pousser la moustache dans le but de sensibiliser l’opinion publique et de lever des fonds pour la recherche dans les maladies masculines. La prévention de ce type de cancer reste difficile, et pour pallier à cela les actions qui se multiplient ces dernières années prennent l’axe de l’humour comme vecteur.</p>
<p>Très importante et située après « Octobre Rose » pour le cancer du sein (qui <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Cancer-du-sein-chez-l-homme">touche également les hommes</a>), cette initiative basée sur la pilosité écarte cependant une partie des malades : les enfants atteints de cancers pédiatriques.</p>
<h2>Movember et le « Shave Down »</h2>
<p>C’est en 2003 que naît l’initiative Movember. Des amis australiens se alors lancent un défi : réhabiliter le port de la moustache pour sensibiliser le grand public aux cancers de la prostate et des testicules, les deux types de cancers qui touchent le plus les hommes, et à leur dépistage.</p>
<p>Movember, mot-valise issu de la contraction de « mo » qui veut dire « moustache » en Australie et de « November », est arrivé pour la première fois en France en 2012. Depuis, chaque année, de nombreux événements sont proposés aussi bien aux hommes qu’aux femmes (autres que le port de la moustache, rassurez-vous mesdames !).</p>
<p>L’idée de « Movember » est avant tout de « changer le visage de la santé masculine » à travers le port de la moustache. Mais également de promouvoir l’activité physique pour protéger sa santé.</p>
<p>À partir du 1<sup>er</sup> novembre (journée du « Shave Down », du rasage), les hommes qui souhaitent participer au Movember (les « Mo Bros ») doivent se raser complètement. Ils sont ensuite invités à se laisser pousser la moustache pendant les 30 jours que dure le mois de novembre.</p>
<h2>Le cancer des testicules touche essentiellement de jeunes adultes</h2>
<p>Le cancer des testicules touche principalement les hommes entre 15 et 29 ans. Cela fait de lui le premier cancer de l’homme jeune en France. S’il est dépisté tôt, il se soigne très bien. Dans 95 % des cas, la maladie est diagnostiquée à temps. La prévention est quasiment synonyme de guérison et la survie à cinq ans oscille entre 98 et 99 % pour les formes purement locales et est supérieure à 70 % pour les formes métastatiques.</p>
<p>Pour s’assurer que le testicule ne présente rien d’anormal, il est essentiel de l’inspecter régulièrement. Or ce genre de pratiques restent souvent taboues : dans l’imaginaire collectif, elles touchent en effet à la virilité…</p>
<p>Autre frein masculin à ce genre de soin : ces messieurs sont plus vulnérables aux effets à long terme du stress, mais beaucoup d’hommes touchés par une dépression ne se soignent pas car ils perçoivent les problèmes émotionnels comme une faiblesse qu’il est préférable de cacher.</p>
<p>Il est donc nécessaire de présenter l’autopalpation comme un acte naturel, positif – et pas « gênant ». Si l’autopalpation mammaire est désormais plébiscitée chez les femmes pour lutter contre le cancer du sein, elle doit l’être tout autant chez les hommes au niveau des testicules !</p>
<h2>Autopalpation sans tabou et campagnes sur un ton décomplexé</h2>
<p>De nombreuses campagnes ont pris le parti de traiter les questions de santés intimes masculines avec un côté humoristique permettant de rendre la communication moins gênante à partager. L’humour mis en avant permet de décomplexer le public visé.</p>
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<p>Par exemple, dans <strong>« Le monde des Cuys »</strong> (2014), le dépistage testiculaire via l’autopalpation est ainsi évoqué grâce à des… cochons d’Inde ! Ou plus précisément leurs cousins géants, les Cuys, très populaires en Amérique du Sud (à prononcer [kɥi] – oui, comme celles de ces messieurs).</p>
<p>Il y a néanmoins souvent un trou dans le public ciblé par ces spots de prévention, si importants qu’ils soient. Joués plutôt par des acteurs assez âgés ou focalisés sur le <a href="https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-chiffres-du-cancer-en-France/Epidemiologie-des-cancers/Les-cancers-les-plus-frequents/Cancer-de-la-prostate">cancer de la prostate</a>, ils ne permettent pas toujours de comprendre que certains types de cancers masculins touchent aussi les plus jeunes.</p>
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<p>Les <strong>trois dernières campagnes de Movember</strong> jouent ainsi des jeux de mots et des caricatures qui parleront (et évoqueront plutôt) un public adulte sinon mâture. En 2018, c’est ainsi un « vrai film de boules » qui est monté. Le spot malicieux filant la <strong>métaphore pétanquiste</strong> pour inciter les hommes à surveiller leur « matériel ».</p>
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<p>L’année suivante privilégie la <strong>caricature et un détournement des codes</strong>. « Le coup de la panne » sort bateau de luxe, lunettes de soleil, musique, raisin comme agapes… jusqu’à ce qu’un énorme coup de frein ne fasse tanguer les invités. Les verres se brisent et, par métaphore, l’insouciance d’une vie en bonne santé. Un des participants se retrouve soudain tétanisé lorsqu’il se rend compte que le cancer de la prostate touche 57 000 hommes par an.</p>
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<p>En 2020, c’est le retour des boules… Dans ce <strong>second spot bouliste</strong>, Bruno Solo se retrouve avec ses amis – pour un bowling cette fois. L’idée est de rappeler qu’il est préférable de parler de sujets parfois encore tabous… plutôt que « de passer pour des glands ! »</p>
<p>Mais la France n’a bien sûr pas le monopole des campagnes plébiscitant le second degré. Les Anglo-saxons jouent eux aussi de l’arme humoristique pour toucher un public plus large, entre réappropriation de certains codes et engagement de héros décalés peut-être plus à même de toucher un public plus jeune.</p>
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<p>Le Canada mettait en ligne en 2016 « Hommes Garçons : Les hommes qui murmuraient aux oreilles des couilles ». Ce <strong>vrai-faux clip musical</strong> utilisait le mot <em>ball</em> (testicules, en anglais) à de nombreuses reprises afin de décomplexer la discussion autour de l’organe reproducteur masculin : Ballywood, zumball et balligator.</p>
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<p>En 2018, ce n’est rien moins que <strong>Deadpool</strong> (interprété par Ryan Reynolds) qui est sollicité. Le fameux anti-héros à l’humour noir ravageur se lance dans un de ses monologues dont il a le secret (en anglais) pour inciter à l’autopalpation : « Messieurs, à quel point connaissez-vous vos poches de bonheur ? Je suis sûr que vous vous rendez en bas plus souvent que Maman ne le voudrait, mais il est temps que vous prêtiez attention à votre passe-temps préféré. Car ces sacs de haricots que vous tenez dans votre main pourraient être en train d’essayer de vous tuer… QUOI ? Ouais ! Car le cancer des testicules est la forme la plus commune de cancers pour les hommes âgés d’entre 15 et 35 ans. »</p>
<h2>Enfants et jeunes garçons, des problématiques spécifiques</h2>
<p>Ces spots à l’humour ciblé ne doivent pas faire oublier qu’il existe un public plus jeune lui aussi concerné, malheureusement, par le cancer. Les leucémies (cancer de la moelle osseuse) et les lymphomes (touchant les ganglions lymphatiques) sont les formes les plus fréquentes de cancers pédiatriques et représentent environ 40 % des tumeurs de l’enfant.</p>
<p>Selon l’<a href="https://www.e-cancer.fr/">Institut national du cancer</a> (INCA), il y aurait 2500 nouveaux cas de cancers tous les ans chez les enfants de moins de 18 ans. Le cancer du garçon ou du jeune adolescent est la deuxième cause de décès chez les moins de 15 ans. Il est donc crucial de faire également de la prévention sur ce sujet… d’autant que les traitements de ce type de cancer entraînent dans la majorité des cas une infertilité à l’âge adulte.</p>
<p>Les progrès thérapeutiques de cette dernière décennie en oncologie ont permis d’augmenter fortement le taux de survie. Cependant, bien que très efficaces, les traitements (par chimiothérapie et/ou radiothérapie) sont délétères et ont une toxicité connue sur les testicules, menant à une stérilité à l’âge adulte.</p>
<p>La préservation de la fertilité du garçon prépubère, de l’adolescent ou du jeune adulte doit donc être réfléchie en amont. La prise en charge de ces jeunes publics dans le cadre des séquelles liées au traitement d’un cancer constitue des enjeux majeurs de santé publique.</p>
<p>Pour remédier à l’incapacité de conserver les spermatozoïdes, la préservation de tissus testiculaires (par prélèvement et congélation) pré-traitement ainsi que leur maturation (<em>in vivo</em> ou <em>in vitro</em>) lorsque le désir de paternité se fera ressentir est une solution envisageable pour permettre une restauration de leur fertilité. Un protocole qui pourrait, s’il devient fonctionnel chez l’homme, être proposé avant tout traitement nocif pour les organes reproducteurs (gonadotoxiques), permettant ainsi de traverser les épreuves des traitements sans devoir renoncer à une future paternité.</p>
<p>Les techniques de congélation de tissus testiculaires sont à ce jour bien définies chez l’homme. Cependant, en ce qui concerne la restauration de la fertilité, les mécanismes sont encore en cours de développement par la recherche. La <a href="https://dictionnaire.academie-medecine.fr/index.php?q=culture%20organotypique">culture organotypique</a> (culture artificielle d’organe en trois dimensions) est devenue depuis quelques années une méthode standard et fiable dans le domaine de la spermatogenèse <em>in vitro</em> chez la souris et pourrait être transférable à l’homme dans les prochaines décennies, laissant un espoir aux jeunes garçons dont les tissus testiculaires ont été congelés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Dumont a reçu des financements de l'Agence de la biomédecine, de France lymphome espoir, de la Ligue contre le cancer ainsi que de la région normandie et de l'union européenne.</span></em></p>Revoici « Movember », où le port de la moustache entend sensibiliser aux cancers masculins. Retour sur des enjeux de santé publique majeurs compliqué à aborder, qui touche aussi les plus jeunes.Ludovic Dumont, Ingénieur de Recherche en Biologie de la Reproduction, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689632021-10-10T16:43:34Z2021-10-10T16:43:34ZAfrique de l’Ouest : la manne financière des tests Covid-19 imposés aux voyageurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424547/original/file-20211004-23-ov8ljw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C8%2C5928%2C2973&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Sénégal comme dans les autres pays de l’UEMOA, le dépistage de la Covid-19, obligatoire dans les aéroports, constitue un apport non négligeable aux finances de l’État.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/flag-senegal-covid19-testing-text-on-1984640675">Aleksey Novikov/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le paiement du test Covid-19 <a href="http://www.uemoa.int/fr/harmonisation-des-dispositions-sanitaires-relatives-au-depistage-de-la-covid-19-dans-l-espace-uemoa">rendu obligatoire</a> pour chaque voyageur est en passe de devenir un outil de mobilisation de ressources financières pour les États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Cette institution regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.</p>
<p>Sans aborder le débat sur les utiles mesures de protection sanitaire contre la Covid-19, il est néanmoins opportun de prendre conscience de l’émergence de plates-formes de collecte de fonds mises en place par les États ouest-africains après l’ouverture des frontières aériennes le <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/coronavirus-ces-pays-africains-qui-rouvrent-leurs-frontieres-02-08-2020-2386421_3826.php">1ᵉʳ août 2020</a>.</p>
<h2>La chronologie des impacts sur l’économie des mesures anti-Covid</h2>
<p>Au tout début de l’apparition de la pandémie, un certain nombre de <a href="https://www.undp.org/content/dam/rba/docs/Covid-19-CO-Response/Briefing_socioeco_Covid19_BFA_mai_2020.pdf">mesures</a> avaient été prises dans ces pays. Elles ont progressivement évolué : fermeture des marchés, confinement partiel, confinement total, mise en place du travail à distance, etc. Puis, un niveau supérieur de restrictions fut atteint avec la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/coronavirus-le-burkina-ferme-ses-fronti%C3%A8res-et-instaure-un-couvre-feu-/1773855">fermeture des frontières aériennes et terrestres</a>.</p>
<p>Ces mesures avaient peu ou prou <a href="http://www.uemoa.int/sites/default/files/bibliotheque/rapport_final_etude_impact_covid-19_ccr-uemoa.pdf">étouffé les économies</a> de la région si bien que, parfois, les marchés ont été rouverts de façon précoce. Ce fut notamment le cas du <a href="https://information.tv5monde.com/video/covid-19-au-burkina-faso-le-marche-de-ougadougou-rouvre-ses-portes">marché central de Ouagadougou</a>).</p>
<p>La vie active a progressivement repris ses droits dans l’ensemble de ces pays, avec la levée de certaines mesures barrières, jusqu’à l’ouverture des frontières aériennes. Quant aux frontières terrestres, elles restent toujours globalement fermées même si, notons-le, une <a href="http://www.uemoa.int/en/reouverture-des-frontieres-terrestres-de-l-espace-uemoa">réouverture prochaine est envisagée</a>.</p>
<h2>Des tests plus chers pour les passagers prenant l’avion</h2>
<p>Derrière l’ouverture des frontières aériennes se développe un système de collecte de fonds via l’instauration du <a href="https://www.planete-visas.fr/burkina-faso-test-covid-obligatoire-a-larrivee-et-au-depart/">test obligatoire de Covid-19</a> pour chaque voyageur. Ceux ci doivent passer par des plates-formes robustes et – souvent – intuitives, comme c’est le cas au <a href="https://www.burkina24.com/2021/08/31/burkina-faso-possibilite-de-prise-de-rendez-vous-et-de-paiement-en-ligne-des-tests-covid-19/">Burkina Faso</a> ou ailleurs <a href="https://deplacement-aerien.gouv.ci/#/home">dans la sous-région</a>. Les voyageurs qui décident d’utiliser la voie aérienne pour se rendre dans un pays voisin doivent payer chacun <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210327-covid-19-travail-d-harmonisation-sur-les-tests-dans-l-uemoa-pour-faciliter-les-voyages">25 000 francs CFA ; ce coût sera de 5 000 francs CFA</a> pour ceux qui opteront pour la voie terrestre quand ces frontières seront ouvertes de nouveau.</p>
<p>Une question demeure : pourquoi, pour le même test, faudrait-il payer deux montants différents selon que le voyageur opte pour la voie aérienne ou terrestre ? Les laboratoires mobilisent en effet la même énergie et la même technologie pour réaliser les tests sur les voyageurs empruntant la voie aérienne et sur ceux empruntant la voie terrestre. Ces deux tests ne devraient-ils pas être proposés au même prix ?</p>
<p>L’une des explications réside dans le fait que les coûts des tests ont été stratégiquement fixés en fonction des flux créés par ces deux types de voyageurs. De fait, les voyageurs empruntant les voies terrestres <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/13126?lang=en">semblent être plus nombreux</a> que ceux qui prennent l’avion dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest. Les tests à 5 000 francs CFA réservés aux voyageurs traversant les frontières terrestres concerneraient donc un grand nombre de personnes, permettant aux États de récolter des montants très élevés malgré le faible prix individuel grâce à l’effet de masse. Ce qui est problématique ici est que, dans certains États, on ne prend pas en compte les résultats des tests réalisés dans les autres pays membres, comme c’est le <a href="https://voyage.gouv.tg">cas au Togo</a>. La règle est que chaque voyageur fasse le test payant, à l’arrivée comme au départ.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : le Sénégal impose un test de dépistage aux voyageurs/Medi1TV Afrique, 26 juillet 2020.</span></figcaption>
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<h2>Des laboratoires, des frontières et des flux</h2>
<p>Après s’être dotés de laboratoires de dépistage performants, les pays de l’UEMOA semblent avoir trouvé un vecteur de collecte de fonds auprès des voyageurs. Le flux journalier de voyageurs par voie aérienne dans des pays comme le <a href="https://www.aeroport-ouagadougou.com/fr/aeroport_ouagadougou_passagers.php">Burkina Faso</a>, le <a href="https://www.aeroport-de-lome.com/fr/aeroport_lome_passagers.php">Togo</a>, le <a href="https://www.aeroport-dakar.com/fr/aeroport_dakar_passagers.php">Sénégal</a> ou encore la <a href="https://www.aeroport-abidjan.com/fr/aeroport_abidjan_passagers.php">Côte d’Ivoire</a> montre que ces fonds pourraient être un moyen opportun de combler les déficits budgétaires liés en partie au ralentissement des activités économiques dans le contexte de la Covid-19.</p>
<p>La porosité de fait des frontières terrestres mais aussi l’<a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20210728-afrique-ouest-centre-insecurite-repercussions-enfants-unicef-alerte-marie-pierre-poirier">insécurité</a> croissante pourraient expliquer les réticences à les rouvrir et les atermoiements dont font preuve les gouvernants. Dès lors, face à l’insécurité, les voyageurs appartenant à la classe moyenne optent pour la voie aérienne tandis que les plus pauvres <a href="https://information.tv5monde.com/video/covid-19-au-ghana-la-fin-du-commerce-transfrontalier">traversent discrètement les frontières par voie terrestre</a> sans faire le test Covid-19, sous le regard impuissant des États membres.</p>
<h2>La Covid-19 comme outil de management ?</h2>
<p>La Covid-19, en plus d’offrir des possibilités de collecte de fonds, constitue pour certains États de la zone UEMOA un moyen de convocation de certaines mesures <a href="https://grip.org/covid19-afrique-ouest/">coercitives</a>, notamment à des fins politiques. Nous avons par exemple observé que, pendant des moments de fortes tensions entre les syndicats et certains gouvernements de la région, le durcissement des mesures barrières contre le Covid-19 a permis de maîtriser et/ou de calmer des situations qui auraient pu aboutir à une remise en cause des pouvoirs politiques en place. Ce fut notamment le cas dans la gestion des <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/burkina-faso-les-syndicats-maintiennent-leur-gr%C3%A8ve-16-20-mars/1767931">grèves des syndicats des travailleurs au Burkina Faso</a>. De ce point de vue, la crise sanitaire a été utilisée comme un outil de management. Nous pouvons ici reprendre la notion économique d’« effet d’aubaine » pour souligner à la fois cet effet sur <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/news/covid-19-could-be-springboard-for-african-innovations/">l’innovation en Afrique</a> mais aussi sur la gouvernance des populations africaines.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : Les États de l’UEMOA harmonisent le coût du test PCR/RTI Officiel, 8 mai 2021.</span></figcaption>
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<h2>Une mise en perspective avec le financement participatif</h2>
<p>Finalement nous traversons depuis 2020 une situation pleine d’apprentissages à la fois en termes de santé publique, de technologies mobilisées, de gouvernance des flux, de financement et d’activité socio-économique.</p>
<p>Les populations devraient pouvoir en tirer des leçons en appliquant en leur sein les modèles développés par les États de la région depuis l’apparition de la pandémie. Ceux-ci ont montré qu’il est possible de mobiliser des fonds importants à travers des petites contributions financières individuelles via des <a href="https://startups.sekou.org/outils/4-plateformes-de-crowdfunding-dediees-a-lafrique/">plates-formes robustes et fiables</a>. Tout repose sur le nombre élevé des personnes concernées et mobilisées. Les populations de l’UEMOA devraient s’en inspirer pour, par exemple, renforcer le financement participatif en vue de réaliser des <a href="https://theconversation.com/le-financement-participatif-de-proximite-le-cas-de-la-province-du-soum-au-burkina-faso-89662">projets stratégiques de résilience</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168963/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Seydou Ramdé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, les voyageurs doivent obligatoirement effectuer, à leurs frais, de coûteux tests de dépistage de la Covid-19.Seydou Ramdé, Docteur en Sciences de Gestion, Université Aube NouvelleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1690472021-10-03T17:05:06Z2021-10-03T17:05:06ZDe Zika au SARS-CoV-2, récits et défis de chercheurs en Polynésie française<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Eureka ! L'émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Voilà 15 ans que je travaille sur l’émergence des virus dans le Pacifique. Virus de la dengue, chikungunya, Zika, SARS-CoV-2 aujourd’hui… avec mon équipe du <a href="https://www.ilm.pf/recherche/maladie-infectieuses/">laboratoire de recherche sur les maladies infectieuses à transmission vectorielle</a>, à l’Institut Louis Malardé (à Papeete, Tahiti), nous les avons tous vus arriver. Mais le plus marquant pour nous a été cette succession de deux événements épidémiologiques exceptionnels en moins de dix ans : l’arrivée du virus Zika et du nouveau coronavirus. Un 100 m émotionnel où surprises, exaltation, doutes, angoisse et soulagement se sont enchaînés à un rythme effréné…</p>
<p>Comment réagit-on quand la situation devient hors-norme ? Comment fait-on pour comprendre ce qui est en train de se passer ? Comment construit-on de nouvelles procédures de travail ? Cette tranche de vie, que nous avons vécue avec mon équipe rodée à la surveillance de tel phénomène d’émergence de nouveaux pathogènes, je vais la partager ici.</p>
<p>Le premier choc eut lieu en octobre 2013. Cela fait alors quelques semaines que le réseau de médecins sentinelles de Polynésie française rapporte une recrudescence des consultations pour des symptômes évoquant une infection par le virus de la dengue. Rien de surprenant, la saison des pluies vient de commencer et le contexte est favorable aux deux espèces de moustiques capables de transmettre cet agent pathogène en Polynésie française, <em>Aedes aegypti</em> et <em>Ae. polynesiensis</em>.</p>
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<img alt="Vue au microscope de moustiques A. aegypti gorgés de sang" src="https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424152/original/file-20211001-25-31r9za.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femelles <em>Aedes aegypti</em> gorgées de sang sont les vecteurs de transmission du virus Zika.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ILM Photo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Toutefois, quelque chose ne colle pas. Les symptômes décrits par les patients diffèrent de ceux d’une phase aiguë classique de dengue : l’épisode fébrile est modéré voire inexistant, l’éruption cutanée est particulièrement forte, les démangeaisons sont persistantes, etc. Autre anomalie, nous voyons arriver des patients natifs ou résidents de longue date qui devraient être immunisés.</p>
<p>Bientôt, le doute n’est plus permis : un nouveau pathogène est en train de s’installer. Tout juste pouvons-nous estimer qu’il s’agit d’un arbovirus (virus transmis par des arthropodes se nourrissant de sang, souvent des insectes comme le moustique). Nous décidons alors de reprendre les échantillons des patients testés négatifs par RT-PCR pour la dengue afin d’y rechercher d’autres arbovirus : celui du chikungunya (un bon candidat, car détecté dans plusieurs îles du Pacifique depuis un peu plus d’un an), le virus de la Ross River (à l’origine d’épidémies saisonnières en Australie), le virus du Nil occidental (ou West-Nile virus, régulièrement détecté sur le continent nord-américain)… mais nos tentatives sont vaines.</p>
<h2>Le précédent Zika</h2>
<p>Reste une dernière hypothèse. Le virus Zika, qui a été à l’origine d’une épidémie sur l’île de Yap dans les États fédérés de Micronésie (nord-ouest du Pacifique).</p>
<p>Classée « maladie tropicale négligée », l’infection par Zika est à cette époque peu étudiée, donc peu connue. <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/20/6/14-0138_article">Un cluster familial va nous donner l’occasion d’en avoir le cœur net</a>.</p>
<p>Les analyses RT-PCR révèlent bien la présence de l’ARN du virus chez un patient. Sur les deux décennies écoulées, soit depuis que les techniques de biologie moléculaire sont utilisées dans notre laboratoire, c’est la première fois qu’une infection par un arbovirus autre que celui de la dengue est détectée en Polynésie française…</p>
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<img alt="Une scientifique procède à un séquençage d’ADN pour identifier un virus (Zika)" src="https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424153/original/file-20211001-27-erektk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le cadre du Zika comme du SARS-CoV-2, la confirmation de l’émergence d’un nouveau pathogène en Polynésie française s’est faite à l’appui du séquençage génomique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ILM Photo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’enjeu est énorme, l’erreur inenvisageable. Nous devons donc consolider notre résultat. Je contacte le Dr Amadou Sall, de l’Institut Pasteur de Dakar, qui est scientifique référent sur Zika. Il nous fait parvenir en urgence des échantillons de contrôle, une séquence de l’ARN du virus stabilisée permettant comparaison et identification – elle correspondra bien au fragment de génome du virus suspect que nous séquençons. Nous pouvons donc confirmer, en une dizaine de jours, qu’il s’agit bien du Zika. Quelques jours après notre identification du premier cas, d’autres sont découverts. L’épidémie de Zika sera déclarée deux semaines plus tard.</p>
<p>En Polynésie française, l’épidémie de Zika durera cinq mois. Mais pour notre équipe, ce n’est que le début d’un marathon scientifique de trois ans… Durée pendant laquelle l’équipe s’attellera à améliorer le test de diagnostic (RT-PCR), documenter les <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0005024">caractéristiques de transmission vectorielle (moustiques)</a> et non-vectorielle (transmission par voie sexuelle, materno-fœtale) et décrire la survenue de formes cliniques sévères. En particulier, nous passerons avec nos collaborateurs, dont l’équipe du Pr. Arnaud Fontanet de l’Institut Pasteur, deux années à compléter les données et réaliser les analyses qui conduiront à <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)00562-6/fulltext">démontrer pour la 1<sup>ère</sup> fois le lien entre infection Zika et syndrome de Guillain Barré</a>.</p>
<p>Lorsque nous sommes prêts à publier nos résultats, l’épidémie de Zika <a href="https://theconversation.com/lhistoire-de-zika-virus-emergent-transmis-par-les-moustiques-53774">explose au Brésil entre 2015 et 2016</a>. La portée de nos travaux se mesurera pleinement lorsque, après s’être étendue à toute l’Amérique latine, cette maladie est qualifiée par l’OMS d’« urgence de santé publique de portée internationale ».</p>
<h2>SARS-CoV-2, la nouvelle menace</h2>
<p>Comme les autres pays du globe, sept ans plus tard, la Polynésie française allait être frappée – quoique plus tardivement – par le SARS-CoV-2, agent de la Covid-19.</p>
<p>Fin juin 2020. Cela fait maintenant 3 mois que les frontières internationales sont fermées. Un mois s’est écoulé depuis la détection du dernier des 62 cas de Covid-19 rapportés depuis mars. Alors que l’épidémie flambe partout ailleurs, la Polynésie française fait partie des quelques oasis exemptes du fléau. Pour relancer l’économie, primordiale pour la région, il est décidé qu’à partir du 15 juillet il serait à nouveau possible d’entrer et de circuler librement.</p>
<p>Devant le risque élevé d’importation de nouveaux cas d’infection par le SARS-CoV-2, un protocole de surveillance des voyageurs est mis en place. Une plate-forme numérique de suivi de l’itinéraire des arrivants est créée, en outre, les adultes et enfants de plus de 11 ans devront présenter un résultat négatif à un <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-fonctionnent-les-tests-et-quelles-sont-leurs-utilites-135398">test RT-PCR de détection du SARS-CoV-2</a> réalisé dans les 72 heures qui précèdent l’embarquement.</p>
<p>Mais quid des personnes en phase d’incubation au moment de la réalisation du test ? Des risques d’infection lors des trois jours qui précèdent ou durant le voyage ? Avec la levée du dispositif de quarantaine, comment détecter et isoler ces cas potentiels ?</p>
<p>Pour anticiper, nous proposons un dispositif de dépistage inédit (CoV-Check Porinetia) prenant en compte les contraintes de la reprise touristique (libre circulation dans les archipels de la Polynésie française) et les ressources locales limitées en termes de personnel de soin, de capacité d’accueil des centres médicaux et de capacité technique des laboratoires.</p>
<h2>Un choix audacieux</h2>
<p>Nous optons pour l’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0256877">autoprélèvement et le groupage d’échantillons</a>. De quoi s’agit-il ? Afin de pallier aux ressources limitées, nous remettons à chaque voyageur, à son arrivée à l’aéroport, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1477893921001393?via%3Dihub">kit contenant le matériel nécessaire à la réalisation d’un autoprélèvement 4 jours plus tard</a> (soit le délai moyen d’incubation du SARS-CoV-2, entre le moment où une personne se contamine et où elle peut à son tour contaminer les autres – données disponibles en juillet 2020).</p>
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<img alt="Kit d’autotest pour le suivi de virus de la Covid, contenant le matériel et la notice d’utilisation" src="https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424157/original/file-20211001-19-115cahx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le cadre de la détection précoce du SARS-CoV-2, et le suivi de l’introduction éventuelle de nouveaux variants, un kit d’autotest remis aux voyageurs à leur arrivée en Polynésie française.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ILM Photo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Chaque kit est identifié par un code-barres unique et relié au numéro d’enregistrement du voyageur sur la plate-forme en ligne où a été déclaré son itinéraire. Il contient deux écouvillons (pour les prélèvements en fosse nasale et buccal), un tube de milieu de conservation pour les stocker, un sac de transport d’échantillon biologique et une notice d’utilisation (français-anglais).</p>
<p>Une fois les autoprélèvements réalisés, le kit doit être remis par le voyageur à la réception de son hébergement ou déposé dans un centre de santé. Il est ensuite acheminé vers le laboratoire, où les échantillons sont organisés en groupes (pool) de dix puis testés par RT-PCR. Lorsqu’un pool est détecté positif pour le SARS-CoV-2, les 10 échantillons sont retestés individuellement et le code-barres du (ou des) positif(s) est communiqué au bureau de veille sanitaire du ministère de la Santé. Le bureau se charge de contacter le voyageur pour un test de confirmation.</p>
<h2>Innover pour gagner du temps</h2>
<p>Les critiques pleuvent : « Ce n’est pas fiable ! Ce n’est pas publié ! Ça ne marchera pas ! »… jusqu’à la détection du premier cas.</p>
<p>Si nous savions que nous n’avions pas la maîtrise des autoprélèvements (qualité, réalisation, etc.), nous n’avions pas de doute sur la traçabilité des échantillons ni sur la sensibilité du protocole de RT-PCR en groupage d’échantillons. Nous utilisons déjà le système de code-barres et l’appairage numérique dans le cadre de nos enquêtes de terrain, quant au protocole de groupage cela faisait déjà trois mois que nous travaillions à la question, pour anticiper toute rupture d’approvisionnement en réactifs ou flambée de cas dépassant la capacité technique de nos laboratoires.</p>
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<img alt="Une scientifique fait un prélèvement dans un échantillon pour lancer la PCR" src="https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424158/original/file-20211001-15-1mjeo1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Préparation des pools des échantillons remis par les voyageurs avant extraction et RT-PCR suivant le protocole de surveillance du SARS-CoV-2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ILM Photo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le premier cas de Covid-19 est détecté le samedi 1<sup>er</sup> août 2020, en fin d’après-midi, et nous transmettons nos données (avec numéro de code-barres du prélèvement) au bureau de veille sanitaire. Je découvre le lendemain que l’information fait les gros titres… Il s’agit d’une touriste sur un bateau de croisière, lequel vient de faire demi-tour pour rejoindre le port de Papeete chargé de ces 340 passagers et membres d’équipage.</p>
<p>Dans les mois qui suivront, plusieurs centaines de voyageurs positifs pour le SARS-CoV-2 seront ainsi identifiés. Si le dispositif CoV-Check Porinetia n’a pas suffi à empêcher la réintroduction du virus puis sa diffusion, il aura néanmoins permis la détection des premiers clusters (groupes de personnes exposées) sur l’île principale Tahiti, permettant aux autorités de santé de se préparer à la première vague épidémique et de tenter de limiter sa diffusion aux 71 autres îles habitées de Polynésie française.</p>
<p>Dès février 2021, nous complétons le dispositif pour être capables de détecter les variants. À bon escient, puisque nous en trouvons rapidement, d’abord essentiellement Alpha (variant un temps dit « britannique ») puis de plus en plus de Delta (identifié en Inde pour la première fois). Nous savons que ce n’est qu’une question de temps avant qu’un cas importé n’échappe au dispositif de surveillance. Début juillet, le variant Delta est en effet détecté dans la population. Le tout premier cluster est lié à un voyageur non vacciné, qui n’avait respecté aucune des mesures de quarantaine.</p>
<h2>Comprendre le rôle de la recherche</h2>
<p>Dans les semaines qui suivent, l’augmentation fulgurante des cas submerge les capacités d’accueil des structures hospitalières et des unités de soins intensifs et de réanimation. Un couvre-feu rapidement renforcé d’une période de confinement sont mis en place. L’effort de vaccination s’accélère, la réserve sanitaire vient en renfort.</p>
<p>Au plus fort de l’épidémie, la Polynésie compte 426 hospitalisations, dont 48 en réanimation. Au total, de <a href="https://www.service-public.pf/dsp/wp-content/uploads/sites/12/2021/09/BEH-N63.pdf">mi-juillet (début de la vague) à fin septembre 2021, 461 décès liés à la Covid-19 sont survenus en milieu hospitalier</a>.</p>
<p>Ces évènements nous ramènent à la réalité et aux limites de notre contribution en tant que chercheurs, à notre rôle : celui de donner de la connaissance, des outils et un délai de préparation aux soignants et à tous ceux qui travaillent en support. Bref, à celles et ceux sur qui nous comptons pour sauver des vies, et accompagner celles qui s’éteignent…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169047/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Van-Mai Cao-Lormeau a reçu des financements pour un contrat de projets Etat-Polynésie française (2017, 2018) ; Fonds Pacifique/Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (2016-2020).
Van-Mai Cao-Lormeau est membre du panel d’experts du réseau Arbo-France (<a href="https://arbo-france.fr/">https://arbo-france.fr/</a>)</span></em></p>Découvrez, avec les équipes de recherche en première ligne, comment la Polynésie française traque les virus. Zika hier, SARS-CoV-2 aujourd’hui… Un témoignage entre défi, rigueur et passion.Van-Mai CAO-LORMEAU, Director of the Laboratory of research on Infectious Vector-borne diseases (LIV), Institut Louis Malardé (ILM), Institut Louis MalardéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1549612021-03-15T18:02:37Z2021-03-15T18:02:37ZFacteurs de risque à éviter, aliments à privilégier… Comment se protéger au mieux du cancer colorectal ?<p>Comme tous les ans depuis 2008, le mois de mars est consacré à la lutte contre le cancer colorectal, via la campagne de prévention « Mars Bleu ».</p>
<p>Avec quelque 48 000 nouveaux <a href="https://gco.iarc.fr/">cas diagnostiqués</a> et 21 000 morts en 2020, ce cancer représente le second cancer le plus fréquent chez la femme (après le sein), le troisième chez l’homme, (après la prostate et le poumon), et la <a href="https://www.e-cancer.fr/content/download/267189/3771998/file/Rapport_Vol1_Tumeurs_Solides_juillet_2019.pdf">seconde cause de mortalité par cancer</a> tous sexes confondus en France.</p>
<p>Cette mortalité, heureusement en baisse depuis les années 1990, pourrait être davantage diminuée si toutes les personnes à risque se faisaient dépister à temps : détecté à un stade précoce, le cancer colorectal peut en effet être guéri neuf fois sur dix.</p>
<p>Voilà pourquoi depuis 2008, la campagne « Mars Bleu » cherche à informer le plus grand nombre sur cette maladie et à inciter les personnes concernées à se faire tester.</p>
<p>Pour l’heure, un <a href="https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire-depister/Depistage-du-cancer-colorectal">programme de dépistage</a> organisé est proposé à toutes les personnes âgées de 50 à 74 ans. Mais il s’agit aussi de sensibiliser aux facteurs de risque que sont le tabagisme, la consommation d’alcool, le surpoids et l’alimentation déséquilibrée : des facteurs qui expliquent sans doute partiellement, les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/articles/estimations-regionales-et-departementales-de-l-incidence-et-de-la-mortalite-par-cancer-en-france-2007-2016">disparités d’incidence et de mortalité observées entre les différentes régions françaises</a>.</p>
<h2>Des risques liés à la consommation d’alcool</h2>
<p>C’est à partir de la muqueuse du côlon ou du rectum, en contact direct avec la nourriture ingérée, que se développe le cancer colorectal. Il résulte le plus souvent d’une transformation maligne de tumeurs bénignes, les adénomes colorectaux (polypes). Et outre le tabagisme, responsable de <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch04_tabac.pdf">6,6 % des cas de cancers colorectaux</a> en France, plusieurs rapports d’expertise collective <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Le-reseau-NACRe/Outils-pour-professionnels/Rapport-INCa-nutrition-et-prevention-primaire-des-cancers">nationaux</a> et <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Actualites/WCR-AICR-Third-expert-report-2018">internationaux</a> ont établi l’existence d’une association entre le mode de vie et le risque de cancer colorectal, avec des <a href="https://www.wcrf.org/sites/default/files/colorectal-cancer-slr.pdf">niveaux de preuve plus ou moins élevés</a>.</p>
<p>La consommation d’alcool constitue un facteur de risque dont le niveau de preuve est jugé convaincant selon le World Cancer Research Fund (WCRF) : en France, elle est responsable de <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch05_alcool.pdf">16,1 % des nouveaux cas de cancers colorectaux</a>.</p>
<p>Le risque de survenue de ce cancer augmente <a href="https://www.wcrf.org/sites/default/files/Alcoholic-Drinks.pdf">avec la quantité d’alcool consommée</a>, et quelle que soit la boisson alcoolisée. Quant aux mécanismes en cause, l’alcool pourrait induire une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16923312/">modification de l’ADN qui favoriserait le développement de tumeurs colorectales</a>. Et ceci pourrait être aggravé par des carences en folates (vitamine B9) rendant les cellules <a href="https://www.wcrf.org/sites/default/files/Alcoholic-Drinks.pdf">plus susceptibles à l’effet génotoxique de l’alcool</a>.</p>
<p>Santé publique France <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2019/alcool-et-sante-sante-publique-france-s-engage-dans-une-strategie-de-reduction-des-risques#:%7E:text=Face%20%C3%A0%20ce%20fardeau%20sanitaire,dans%20la%20semaine%20sans%20consommation">recommande donc</a> de ne pas dépasser 2 verres par jour et 10 verres par semaine, en s’abstenant d’en consommer certains jours.</p>
<h2>Surpoids et obésité en ligne de mire</h2>
<p>La surcharge pondérale est un autre facteur de risque de cancer colorectal pour lequel on dispose de <a href="https://www.wcrf.org/dietandcancer/colorectal-cancer">niveaux de preuve convaincants</a>, et elle est <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch07_obesite.pdf">responsable</a> de 14 % des cancers du côlon et 7 % des cancers du rectum en France. Pour l’éviter, et pour rester en bonne santé globalement, il est <a href="https://www.wcrf.org/dietandcancer/recommendations/be-healthy-weight">recommandé</a> de surveiller son poids pour garder ou atteindre un poids de forme (à savoir, idéalement un indice de masse corporelle (IMC) entre 18,5 et 24,9 kg/m<sup>2</sup>).</p>
<p>Plusieurs mécanismes sont invoqués. Chez les personnes en surpoids ou obèses, on note en effet fréquemment un phénomène d’<a href="https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/resistance-insuline-histoire-communication">insulino-résistance</a>. Or on sait qu’en pareil cas, le pancréas produit encore plus d’insuline pour compenser la baisse de sensibilité des tissus à l’hormone. Mais aussi que cette hyperinsulinémie induit la production d’une hormone de croissance qui favorise la prolifération cellulaire – et partant le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26771116/">risque de cancer</a>. Autre mécanisme possible : un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25053407/">état inflammatoire chronique, lié au surpoids et à l’obésité</a>.</p>
<h2>Charcuterie et viandes rouges à limiter</h2>
<p>La consommation de viandes transformées (incluant la charcuterie) et de viandes rouges est elle aussi un facteur de risque, avec des niveaux de preuves respectivement convaincant et probable selon le <a href="https://www.wcrf.org/sites/default/files/Meat-Fish-and-Dairy-products.pdf">WCRF</a> : d’après le Centre International de Recherche sur le Cancer <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch06_alimentation.pdf">(CIRC)</a>, 9,8 % des cas de cancers colorectaux en France seraient imputables à la charcuterie, et 4,3 % à la viande rouge.</p>
<p>Les effets cancérogènes sont attribués en particulier au stress oxydant induit par <a href="https://cancerres.aacrjournals.org/content/63/10/2358">l’excès de fer héminique</a> (qui est très abondant dans les viandes rouges), lequel pourrait entraîner la formation de composés potentiellement cancérogènes. Autre mécanisme impliqué : la cuisson à haute température peut donner lieu à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26514947/">création de substances cancérogènes et génotoxiques</a> (qui altèrent l’ADN). Et s’agissant des viandes transformées, ce sont des composés liés à l’emploi de sels nitrités (utilisés comme conservateurs), et réputés toxiques pour l’ADN, qui <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01635580701684872">pourraient être incriminés</a>.</p>
<p>Dans ces conditions, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) <a href="https://www6.inra.fr/nacre/Actualites/recommandations-nutritionnelles-France">recommande</a> de ne pas dépasser 500 g par semaine de viande rouge, et 150 g de charcuterie (en privilégiant le jambon blanc et le jambon de volaille).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-limiter-le-risque-de-cancer-colorectal-doit-on-vraiment-consommer-moins-de-viande-rouge-et-de-charcuterie-124728">Pour limiter le risque de cancer colorectal, doit-on vraiment consommer moins de viande rouge et de charcuterie ?</a>
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<h2>Des aliments protecteurs à privilégier</h2>
<p>Si certains aliments sont associés à un risque accru de cancer colorectal, d’autres semblent au contraire avoir un effet protecteur.</p>
<p>C’est en particulier le cas des aliments riches en fibres (légumes secs, produits céréaliers complets, fruits et légumes), dont une consommation insuffisante serait responsable de <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch06_alimentation.pdf">6,1 % des cas</a> de cancers colorectaux en France, avec un niveau de preuve <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Prevention-primaire/Facteurs-nutritionnels/Fibres-alimentaires-et-cancer">probable</a>, comme le souligne le réseau <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/">NACRe</a> (National alimentation cancer recherche).</p>
<p>C’est aussi le cas des produits laitiers, dont une consommation insuffisante serait responsable de <a href="https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_ch06_alimentation.pdf">2,2 % des cas</a>, avec un niveau de preuve probable.</p>
<p>Pour avoir des apports suffisants en fibres, les légumes secs <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Actualites/recommandations-nutritionnelles-France">sont à consommer</a> au moins deux fois par semaine, les produits céréaliers complets au moins une fois par jour, et l’on préconise par ailleurs deux produits laitiers et au moins cinq fruits et légumes par jour.</p>
<p>Comment ces aliments peuvent-ils nous protéger du cancer colorectal ? De fortes teneurs en fibres <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16306566/">réduiraient d’une part le risque d’insulino-résistance</a>, donc d’hyperinsulinémie. Et les fibres sont par ailleurs nécessaires au microbiote intestinal, qui en les dégradant génère des produits aux vertus <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10875601/">anti-inflammatoires et antiprolifératives</a>. Quant aux produits laitiers, l’effet protecteur pourrait s’expliquer à la fois par le calcium et par les bactéries lactiques.</p>
<p>Le calcium, en effet, pousserait les cellules cancéreuses vers l’apoptose (mort cellulaire programmée), et pourrait avoir un rôle dans la régulation d’une hormone réputée <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10783492/">promouvoir certains cancers</a>. Et les bactéries lactiques auraient un <a href="https://www.nature.com/articles/1601522">rôle protecteur</a>, entre autres en absorbant les substances mutagènes et en réduisant la perméabilité de l’épithélium intestinal.</p>
<h2>Les bénéfices de l’activité physique</h2>
<p>Outre certaines habitudes alimentaires, l’activité physique a elle aussi un effet bénéfique contre le cancer colorectal, avec cette fois un niveau de preuve <a href="https://www.wcrf.org/dietandcancer/exposures/physical-activity">convaincant</a>.</p>
<p>Cette protection serait due à la fois à un effet indirect, à travers une diminution du risque de surpoids et d’obésité, mais aussi à un effet direct, à travers une baisse de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25053407/">l’inflammation</a> et de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22511581/">l’insulino-résistance</a>. Sans compter que tout comme les fibres alimentaires, l’activité physique <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22323989/">accélère le transit intestinal</a> et diminue donc le temps de contact entre la muqueuse intestinale et des substances potentiellement cancérogènes.</p>
<p>Une pratique quotidienne d’au moins 30 minutes d’activité physique dynamique est <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/35744/683783">recommandée</a> pour rester en bonne santé. Et la sédentarité augmentant le risque de surpoids et d’obésité, on conseille par ailleurs de réduire le temps passé assis, en faisant quelques pas toutes les deux heures.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uO9gBwoSG9k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dépistage du cancer colorectal : qui ? Quand ? Comment ? (Institut national du cancer (INCa)).</span></figcaption>
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<p>Pour conclure, répétons-le : outre qu’il peut être plus ou moins prévenu par l’hygiène de vie et l’activité physique, le cancer colorectal dépisté à temps est guéri neuf fois sur dix. En ce mois de mars, toutes les personnes de 50 à 74 ans qui ne l’ont pas encore fait devraient en parler avec leur médecin, et demander un test de dépistage (un courrier est du reste expédié tous les deux ans aux plus de 50 ans dans ce but).</p>
<p>Pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, ce test rapide permet de détecter des traces de sang dans l’échantillon de selles prélevé chez soi. S’il est positif (il l’est dans 4 % des cas), cela n’annonce pas nécessairement un cancer. Mais une coloscopie peut alors être prescrite, pour le confirmer ou l’infirmer. Alors, n’hésitez pas : lors de la campagne de dépistage organisée en 2018-2019, le <a href="https://www.e-cancer.fr/Acces-thematique/Depistage-du-cancer-colorectal">taux de participation n’était que de 30,5 %</a>. Ce n’est pas suffisant.</p>
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<p><strong><em>Pour aller plus loin :</em></strong></p>
<ul>
<li>Les ressources du <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/">réseau NACRe </a>(réseau national alimentation cancer recherche) : le dossier dédié aux <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Prevention-primaire/Facteurs-nutritionnels">facteurs nutritionnels en lien avec le cancer</a> et la page récapitulant la <a href="https://www6.inrae.fr/nacre/Prevention-primaire/Vous-informer-sur/Cancers-attribuables-aux-facteurs-nutritionnels">part des cancers attribuables aux facteurs nutritionnels dans la population</a> ;</li>
<li>Le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bwIdxn1UmO0">numéro de PuMS - l’émission santé</a> de l’Université de Paris consacré à cette maladie.</li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/154961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Srour a reçu un Prix Jeunes Chercheurs de la Fondation Bettencourt-Schueller en 2020.</span></em></p>Chaque année, le cancer colorectal est responsable d’environ 20 000 morts en France. Pourtant, détecté assez tôt, il se guérit 9 fois sur 10. Et l’on peut agir sur son mode de vie pour s’en protéger.Bernard Srour, Coordonnateur du Réseau National Alimentation Cancer Recherche (réseau NACRe), Chercheur au Centre Allemand de Recherche sur le Cancer (DKFZ) à Heidelberg, et à l’EREN (Inserm, Inrae, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord) à Bobigny, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1562632021-03-14T17:29:35Z2021-03-14T17:29:35ZCovid-19 : Comment les autotests pourraient changer la donne<p>Dans un contexte de circulation épidémique soutenue tel que celui que nous traversons, de nombreuses épidémies localisées - dites « clusters » - sont fréquemment rapportées dans les établissements de soins, les EHPAD, mais aussi en milieu scolaire ou en entreprise. </p>
<p>Limiter la diffusion du virus dans ces lieux où les contacts ne peuvent être évités est crucial, non seulement pour protéger les personnes concernées (soignants et patients, professionnels, enseignants et élèves…), mais aussi parce que ces clusters jouent un rôle dans la diffusion du virus dans la communauté en général. Il s’agit donc d’un enjeu majeur pour le contrôle épidémique global. </p>
<p>Pour y parvenir, les tests constituent la première étape de la stratégie « tester, alerter, protéger » mise en place en France. L’arrivée d’un nouvel outil de dépistage, les autotests, pourrait encore la renforcer. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-la-sous-detection-des-cas-de-covid-19-limite-la-capacite-a-controler-lepidemie-152494">En France, la sous-détection des cas de Covid-19 limite la capacité à contrôler l’épidémie</a>
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<h2>Un accès aux tests en constant développement</h2>
<p>Depuis le début de la pandémie, l’accès aux tests a été largement développé et facilité en France. Deux types de tests évaluant la présence du coronavirus SARS-Cov-2 sont aujourd’hui accessibles au grand public. </p>
<p>Les premiers sont utilisés pour détecter la présence du matériel génétique du SARS-CoV-2 (son ARN) chez les patients, signe d’une infection par ce coronavirus. Un prélèvement nasopharyngé est effectué sur la personne à tester, puis l’échantillon est analysé par RT-PCR. Ces tests sont réalisés en laboratoire, le résultat est obtenu dans un délai pouvant varier de 8h à 48h, voire plus, selon le laboratoire et le flux de demandes. </p>
<p>Les seconds tests disponibles sont les tests dits « antigéniques » : ils détectent la présence de protéines de structure du virus (lesquelles sont des « antigènes », un terme qui désigne tout élément étranger à l’organisme capable de déclencher une réponse immunitaire), avec une bonne sensibilité durant la période se situant autour du pic de charge virale. Ces tests sont réalisés par prélèvement nasopharyngé en pharmacie. Le résultat est obtenu rapidement, 15 à 30 minutes plus tard. La mise à disposition des tests antigéniques a permis de désengorger les laboratoires qui étaient submergés par les demandes de tests PCR. </p>
<p>Une des limitations de ces deux types de tests est que le prélèvement nasopharyngé sur lequel ils reposent doit nécessairement être réalisé par des professionnels. </p>
<p>Une alternative à un tel prélèvement nasopharyngé est le prélèvement salivaire, plus facilement accepté car moins désagréable : selon le type de tests, il suffit de cracher un peu de salive dans un tube ou de frotter un coton-tige dans la bouche. </p>
<p>Les échantillons ainsi recueillis peuvent ensuite être analysés par RT-PCR dans les mêmes conditions que lors d’un prélèvement nasopharyngé. </p>
<p>Enfin, il existe un dernier type de tests : les <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1388/5911780">tests rapides antigéniques ou RT-LAMP</a>. Avantages de ces derniers : ils s’effectuer sous forme d’autotests facilement réalisables à partir de prélèvements salivaires ou nasaux (au niveau des narines, donc moins profondément que les prélèvements naso-pharyngés), leurs résultats sont obtenus rapidement, et leur coût est bien moindre que celui des tests RT-PCR. Inconvénient : ils peuvent être moins sensibles, ce qui explique pourquoi ils ne sont pas recommandés pour le diagnostic des personnes symptomatiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394105/original/file-20210408-17-gkdj8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les autotests peuvent être fait sur des prélèvements effectués au niveau des narines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ina Fassbender / AFP</span></span>
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<p>Ces autotests ont été <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-00332-4">déployés largement au Royaume-Uni</a> <a href="https://www.bbc.com/news/uk-56302489">depuis le mois de janvier</a>. En France, la Haute Autorité de Santé s’est prononcée le 15 mars <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3243455/fr/avis-n-2021-0015/ac/seap-du-15-mars-2021-du-college-de-la-has-relatif-a-la-detection-antigenique-rapide-du-virus-sars-cov-2-sur-prelevement-nasal-tdr-trod-et-autotest">en faveur de leur déploiement</a>, mais ils ne sont pas encore disponibles à ce jour. Leur vente ne devrait à terme se faire qu’en pharmacie, les autorités restant réservées quant à leur mise à disposition plus large (supermarchés, etc.). Pourtant, les bénéfices à tirer de ces tests plus simples à mettre en œuvre pourraient largement dépasser leurs inconvénients.</p>
<h2>La stratégie française</h2>
<p>La stratégie mise en place en France consiste à inciter les individus symptomatiques, puis leurs contacts à risque une fois qu’ils ont été identifiés, à aller se faire tester de façon volontaire, puis de s'isoler en cas de test positif. Cette stratégie n’a malheureusement pas ou peu d’effet sur les clusters, pour plusieurs raisons. </p>
<p>D’une part, une portion significative des personnes infectieuses sont asymptomatiques ou paucisymptomatiques, et ce notamment en milieu scolaire. Même s’il est vraisemblable que les asymptomatiques transmettent moins intensément, possiblement du fait d’une charge virale plus faible, <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1003346">ce n’est pas le cas des individus en phase présymptomatique</a>, la période de 2 jours environ qui précède la phase symptomatique, durant laquelle la charge virale est déjà importante.</p>
<p>D’autre part, l’inconfort des prélèvements nasopharyngés engendre des réticences à se faire tester régulièrement. Au Royaume-Uni, il a été estimé que <a href="http://allcatsrgrey.org.uk/wp/download/public_health/mental_health/3d9db5_bf013154aed5484b970c0cf84ff109e9.pdf">57 % des individus symptomatiques ne se font pas tester</a>. </p>
<p>Enfin, le mode de traçage des contacts, basé sur la déclaration des personnes détectées positives, est imparfait ; le risque de saturation du système est important et l’adhésion de la population aux applications de traçage sur smartphone de type TousAntiCovid reste limitée en France.</p>
<p>Dans ce contexte, la Haute Autorité de Santé <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-02/ac_2021_0007_rt-pcr_salivaire_covid-19.pdf">s’est déclarée favorable à l’usage de tests RT-PCR sur prélèvement salivaire</a> dans le cadre de dépistages ciblés à large échelle répétés régulièrement. Les données les plus récentes suggèrent en effet que les tests RT-PCR salivaires <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.02.27.21252571v1">ont une sensibilité proche de celle des tests RT-PCR nasopharyngés</a>, tout en offrant une meilleure acceptabilité. Un programme de dépistage dans les écoles a notamment été lancé à l’occasion de la rentrée des vacances d’hiver.</p>
<p>Mais l’analyse par RT-PCR demeure justement le facteur limitant de l’emploi de ce type de tests. </p>
<h2>Les limitations de l’analyse par RT-PCR</h2>
<p>Le recours aux tests RT-PCR pour des dépistages populationnels régulièrement répétés pose plusieurs problèmes. Techniques et logistiques, tout d’abord, notamment parce que ces tests nécessitent le recours à du personnel de laboratoire formé, ainsi qu’à du matériel spécifique. De coût, ensuite. En effet, l’État reverse aux laboratoires 43 euros par test, avec majoration en cas de résultats rapides. </p>
<p>Il donc probable que la généralisation de ces tests à grande échelle à l’occasion de dépistages massifs générerait une saturation des laboratoires, pour un coût important. Et ce, pour combien de tests positifs en proportion ?</p>
<p>Autre problème : le délai pour obtenir les résultats de ces tests RT-PCR peut, on l’a vu, aller de 24 à 48H en pratique, dans les laboratoires de ville. Ce délai augmente avec le nombre de tests réalisés, donc avec l’intensité de l’activité épidémique. Or, un résultat obtenu après ne serait-ce qu’une journée signifie qu’une personne infectée peut transmettre le coronavirus pendant cette journée, réduisant en partie le bénéfice de cette mesure pourtant clé dans le contrôle de l’épidémie.</p>
<h2>Autotests : les faux négatifs, un faux problème ?</h2>
<p>La solution alternative est le recours aux autotests. En France, les autorités sont encore frileuses quant à l’autorisation et la mise à disposition de ces tests, au motif que ces tests présentent une sensibilité inférieure à celle des tests par RT-PCR : elle est par exemple de l’ordre de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0009898121000553">60 à 70 % pour les tests antigéniques salivaires</a> et de <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1388/5911780">80 à 85 % pour les tests RT-LAMP salivaires</a> comme le test <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.30.20117291v1">EasyCov</a>. Cette moindre sensibilité par rapport à la RT-PCR s’explique notamment par la diminution rapide de la charge virale dans la salive et les narines après qu’elle a atteint son maximum :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Figure 1: Évolution de la charge virale au cours de l’infection et positivité des tests." src="https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394096/original/file-20210408-15-14u23xs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1: Évolution de la charge virale au cours de l’infection et positivité des tests. Après une infection au jour 0, la quantité de virus augmente progressivement dans le corps puis diminue lentement. Alors que les prélèvements analysés par RT-PCR continuent à détecter des éléments génétiques viraux après la période infectieuse, les autotests détectent la présence de protéines virales lorsque la personne est la plus infectieuse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure inspirée de Mina NEJM 2020</span></span>
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</figure>
<p>Ceci implique que lors de dépistages massifs avec des autotests antigéniques de personnes asymptomatiques, il y aurait un certain nombre de faux négatifs. On peut alors craindre que ces personnes, pourtant potentiellement contagieuses, aient des comportements à risque parce qu’elles se pensent non infectées. Néanmoins, l’expérience britannique suggère que ce phénomène reste limité si on prend soin <a href="https://www.liverpool.ac.uk/media/livacuk/coronavirus/Liverpool,Community,Testing,Pilot,Interim,Evaluation.pdf">d’informer les utilisateurs de ces tests sur l’incertitude associée au résultat</a>.</p>
<p>De plus, un calcul simple montre que le nombre d’individus concernés resterait très limité. Ainsi, pour une prévalence communautaire élevée, de l’ordre de 1 %, même sous des hypothèses pessimistes sur la sensibilité et la spécificité des autotests, la probabilité d’être infecté alors que l’on a un test négatif ne serait que de l’ordre de 4 pour mille :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Calcul : P = Prev*(1-Se) / (Prev*(1-Se) + (1-Prev)*Sp) = 4/1000, avec P : le nombre de personnes présentant un test négatif mais pourtant infectées ; Se : la sensibilité du test (60 %) ; Sp : la spécificité du test (90 %) ; Prev : prévalence de la maladie (1 %)" src="https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388874/original/file-20210310-20-sk71h3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Par ailleurs, il est probable que ces autotests détectent ceux des cas qui sont les plus contagieux, et que ces « faux négatifs » jouent de toute façon un rôle moins important dans la dynamique épidémique. Certains suggèrent même qu’une sensibilité trop importante pourrait être néfaste, puisqu’elle engendrerait la mise en isolement de personnes pourtant non infectieuses.</p>
<h2>Un faible coût qui représente un atout pour le dépistage</h2>
<p>Le coût des autotests est largement moindre que celui des tests RT-PCR : il est d’environ <a href="https://www.bmj.com/content/372/bmj.n287">4 euros par test au Royaume-Uni</a>, soit 10 fois moins que ces derniers. Par ailleurs, leur mise en œuvre beaucoup plus simple. Les autotests peuvent être réalisés à la maison, en milieu de soin, ou sur le lieu de travail, pour fournir un résultat en quelques dizaines de minutes. </p>
<p>Le fait que ces tests soient si peu onéreux présente un avantage certain en matière de contrôle épidémique : pour un coût équivalent, le bénéfice de réaliser régulièrement un dépistage ciblé via des autotests d’une sensibilité de 60 %, tous les 2 jours par exemple, serait supérieur à celui de réaliser un test PCR d’une sensibilité de 90 % toutes les 3 semaines. </p>
<p>En effet, des simulations d’un modèle simplifié de transmission du SARS-CoV-2 dans une population de 1000 personnes suggèrent qu’après 2 mois, l’utilisation régulière de tests permet de réduire significativement le nombre de transmissions secondaires par cas (avec 25 % de cas secondaires en moins par cas avec les autotests), et ainsi le risque épidémique global. </p>
<p>L’utilisation des autotests permet par ailleurs de limiter significativement le nombre de RT-PCRs réalisées dans les laboratoires. Ces résultats sont résumés dans la figure ci-dessous : </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Évolution simulée sur 2 mois du nombre de cas de COVID-19 au sein d’une population de 1000 individus dont 10 (1%) infectés initialement, selon 3 stratégies de dépistage" src="https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/387749/original/file-20210304-23-1n38q5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution simulée sur 2 mois du nombre de cas de COVID-19 au sein d’une population de 1000 individus dont 10 (1%) infectés initialement, selon 3 stratégies de dépistage : l’actuelle, où les symptomatiques sont incités à se faire tester (et 50% se font effectivement tester) ; une stratégie dans laquelle, en plus des tests volontaires des symptomatiques, tous les individus sont testés en PCR (sensibilité supposée de 90%) tous les 20 jours ; et une stratégie dans laquelle, en plus des tests volontaires des symptomatiques, tous les individus sont testés avec un autotest rapide (TDR, sensibilité supposée de 60%) tous les 2 jours. Simulations réalisées avec un R0 à 1.5. Les cas détectés par les tests et donc isolés pendant 7 jours sont en bleu, les cas non détectés en orange.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Des études de modélisation ont par ailleurs également démontré l’utilité des tests fréquents dans les hôpitaux, à la fois <a href="https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-020-01866-6">pour la détection précoce de la circulation du virus</a> et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7870913/">pour la détection des soignants asymptomatiques ou présymptomatiques</a>.</p>
<h2>Un complément aux tests RT-PCR</h2>
<p>Un des inconvénients des autotests rapides réalisés au domicile est qu’ils ne pourraient pas alimenter directement les bases de données de surveillance nationale de l’épidémie. Cette surveillance devrait donc être réalisée par d’autres biais, tels que des prélèvements réguliers d’échantillons représentatifs de la population <a href="https://spiral.imperial.ac.uk/bitstream/10044/1/86343/13/EMBARGOED%2000.01%2004%20Feb%20react1_r9_final_preprint_vs1.1.pdf">comme cela se fait au Royaume-Uni avec l’étude REACT</a>. Par ailleurs, dans ce pays les personnes ayant effectué un autotest positif sont invitées à se déclarer en ligne <a href="https://www.gov.uk/report-covid19-result">sur un site gouvernemental</a>.</p>
<p>En outre, le dépistage fin des individus symptomatiques par PCR restera indispensable, notamment pour permettre une surveillance virologique des variants circulants. Malgré tout, le déploiement d’autotests rapides, simples et facilement réalisables faciliterait l’accès aux tests pour les asymptomatiques, populations qui ne sont a priori pas la cible du dépistage tel qu’il est actuellement mis en place.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/variants-du-sars-cov-2-concernant-lutilisation-du-sequencage-en-sante-publique-la-france-a-du-retard-154501">Variants du SARS-CoV-2 : « Concernant l’utilisation du séquençage en santé publique, la France a du retard »</a>
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<p>En parallèle de la vaccination massive entreprise à l’heure actuelle dans notre pays, et après plus d’un an de restrictions, ces autotests pourraient être utilisés dans de nombreux contextes, qu’il s’agisse des services hospitaliers, où il deviendrait possible de tester facilement chaque semaine - voir plusieurs fois par semaine - les personnels ou les patients, ou encore dans les universités, où la reprise pourrait être envisagée grâce à la mise à disposition massive de ces tests aux étudiants, par exemple. Ils pourraient faciliter la réouverture des écoles, collèges, lycées et lieux de travail, s’ils y étaient déployés largement comme c’est le cas au Royaume Uni. </p>
<p>Plus généralement, très largement mis à disposition de la population via notamment les grandes surfaces (et pas seulement les pharmacies comme prévu à ce jour), les autotests rapides réalisables à domicile pourraient complètement changer la donne dans le dispositif français de lutte contre l’épidémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lulla Opatowski a reçu des financements de projets de recherche de l'Agence Nationale de la Recherche, de la fondation de France, du Labex IBEID, de l'ANSES, de l'Université de Versailles Saint Quentin / Université Paris Saclay, de l'Inserm et de L'institut Pasteur et du laboratoire Pfizer via son laboratoire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laura Temime a reçu des financements de projets de recherche de l'Agence Nationale de la Recherche, de l'Anses et de l'ANRS, ainsi que du Conservatoire national des Arts et Métiers. </span></em></p>La Haute Autorité de Santé s’est déclarée favorable à l’utilisation des tests RT-PCR sur des échantillons salivaires, mais la vraie avancée pourrait être d’autoriser leur analyse par tests rapides.Lulla Opatowski, Professeure en modélisation des maladies infectieuses, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Laura Temime, Professor, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553352021-02-17T19:57:18Z2021-02-17T19:57:18ZMédecins scolaires, un rôle trop méconnu ?<p>Alors que la parole se libère autour de l’inceste, Emmanuel Macron <a href="https://www.france24.com/fr/france/20210123-inceste-la-france-va-renforcer-sa-l%C3%A9gislation-pour-mieux-prot%C3%A9ger-les-victimes-assure-macron">s’est exprimé</a> fin janvier sur les réseaux sociaux pour assurer les victimes de son soutien et a déclaré que des rendez-vous de dépistage et de prévention seraient mis en place au primaire et au collège, dans le cadre des visites médicales obligatoires.</p>
<p>Cette annonce renvoie cependant à une difficulté de terrain : la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/23/l-interminable-crise-de-la-medecine-scolaire_6012705_3224.html">pénurie</a> de médecins scolaires, pointée à nouveau par un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-medecins-et-les-personnels-de-sante-scolaire">rapport</a> de la Cour des comptes en avril 2020. Un tiers des postes de médecins seraient vacants dans l’Éducation nationale, de sorte que ces professionnels n’ont assuré que 18 % des visites prévues pour la sixième année des élèves en 2018, contre 26 % en 2013.</p>
<p>Dans cette période particulière où chaque jour sont évoqués à l’envi les mots pandémie, fermeture de classes, enseignement à distance, décrochage, mal-être, il est important de revenir sur le rôle de ces professionnels qui se trouvent en première ligne face aux enjeux actuels de santé publique et de société.</p>
<p>Ce sont des médecins le plus souvent spécialisés en médecine générale, mais aussi en pédiatrie, santé publique ou toute autre spécialité. De fait, la médecine scolaire n’est pas, en France pas plus qu’ailleurs, une spécialité reconnue en tant que telle et donc enseignée dans les facultés de médecine. Ou à peine.</p>
<p>Notamment depuis un an, dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales, des internes en médecine volontaires peuvent faire une « formation spécialisée transversale » santé scolaire, qui pourrait, à terme, ouvrir la voie à une spécialisation. Mais le chemin est long et parsemé d’obstacles.</p>
<p>S’il existe dans de nombreux pays une santé ou une médecine scolaire, il n’y a pas toujours de médecins dont l’exercice est exclusivement dévolu au milieu scolaire. C’est le cas des médecins de l’éducation nationale en France : ils sont recrutés par concours et, après une année pendant laquelle ils sont en alternance en formation à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et en poste sur leur secteur d’activité, ils deviennent fonctionnaires d’État, à l’éducation nationale donc.</p>
<h2>De nombreuses missions</h2>
<p>À ce jour, un peu moins de 1 000 équivalents temps pleins sont occupés sur les 1 500 postes de médecins de l’éducation nationale ouverts. En appliquant une simple règle de trois, sur une base statutaire de 1607 heures par an et par médecin, rapportée à <a href="https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif-6515">12 352 200 d’élèves</a>, en France, chaque élève disposerait d’un peu moins de 8 minutes de temps de médecin scolaire par année de scolarité.</p>
<p>Pour réducteur qu’apparaisse ce calcul, il illustre une <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-05/20200527-rapport-58-2-medecins-personnels-sante-scolaire-annexes.pdf">certaine pénurie</a>, comme le fait la fourchette traditionnellement donnée au nombre d’élèves par médecin (entre 9 000 et 30 000). Et ceci d’autant plus que les missions des médecins de l’éducation nationale sont nombreuses. Elles peuvent être synthétisées en trois grands blocs.</p>
<p>D’une part, <strong>une approche individuelle</strong> de la santé des élèves avec des bilans obligatoires : visite médicale lors de la sixième année, destinée à dépister des troubles qui pourraient entraver l’entrée dans les apprentissages des enfants en grande section de maternelle. Mais aussi visite d’aptitude dérogatoire aux travaux réglementés interdits aux mineurs, pour les élèves de moins de 18 ans orientés en lycée professionnel. En outre à tout moment dans la scolarité, les médecins scolaires peuvent intervenir pour des élèves à besoins particuliers (situation de handicap ou maladie chronique notamment) ou pour des situations préoccupantes (relevant du registre de la protection de l’enfance essentiellement).</p>
<p>D’autre part, les médecins de l’éducation nationale approchent la santé des élèves <strong>de façon collective</strong> : éducation à la santé, surveillance de l’environnement scolaire, formation des personnels aux caractéristiques de la santé de l’enfant et de l’adolescent, recueil des données sur la santé des élèves voire participation à des recherches concernant de ces publics.</p>
<p>Enfin, ils sont aussi partie prenante dans la <strong>gestion des situations d’urgence sanitaire</strong> : survenue d’événements graves ou de maladies transmissibles dans la communauté scolaire. La crise actuelle illustre bien le bénéfice spécifique qui pourrait être attendu de ce corps de professionnel.</p>
<p>On mesure l’amplitude des compétences requises tout autant que l’ampleur de la tache…</p>
<h2>Approche collective</h2>
<p>L’exercice en milieu scolaire attire majoritairement des femmes (<a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-05/20200527-rapport-58-2-medecins-personnels-sante-scolaire-annexes.pdf">96 % en 2018</a>), qui ont fait le choix d’une carrière au service de l’enfance et de l’adolescence, dans une approche non curative. Les motivations les plus souvent avancées sont la volonté d’un exercice en équipe avec d’autres professionnels de l’enfance de l’adolescence et de l’éducation, mais aussi l’envie d’avoir une approche collective de la santé.</p>
<p>Le médecin scolaire n’est en effet pas là pour voir de jeunes patients qu’il traiterait individuellement à l’école, suivant un modèle d’exercice libéral. Il s’agit bien de considérer l’école comme un milieu de vie favorable à la santé et comme l’opportunité de lutter contre les inégalités sociales de santé. D’où l’importance de permettre à chacun de ces professionnels de changer de paradigmes : de l’individuel au collectif, du curatif au préventif, du soin à la promotion de la santé, comme en témoigne la liste de leurs missions et le programme de leur formation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276526841281556487"}"></div></p>
<p>La formation délivrée aux médecins de l’éducation nationale vise donc directement à leur permettre de remplir au mieux ces missions en intégrant notamment des thématiques prioritaires de l’éducation nationale ou de santé publique selon l’actualité, en prenant en compte l’évolution du profil des promotions reçues au concours et de leurs besoins et en leur donnant l’opportunité de s’outiller en promotion de la santé.</p>
<p>Notons que les <a href="https://www.education.gouv.fr/mission-bien-etre-et-sante-des-jeunes-6518">rapports</a> et <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2017/10/Rapport-m%c3%a9decine-scolaire-rapport-r%c3%a9vis%c3%a9-version-12-10-2017-1.pdf">expertises</a> concernant la santé scolaire se sont multipliés ces dernières années témoignant d’une double préoccupation : celle de la santé des jeunes et de <a href="https://www.lecese.fr/travaux-publies/pour-des-eleves-en-meilleure-sante">leur bien-être à l’école</a> pour commencer, mais aussi celle des conditions de leur développement et leur prise en compte au sein de l’éducation nationale, notamment par des acteurs spécialisés.</p>
<h2>Tensions actuelles</h2>
<p>La palette de leurs missions et leurs compétences spécifiques confortent le rôle de première ligne que ces professionnels de santé pourraient jouer dans la lutte contre la pandémie à Covid-19. Et ce, au-delà de leur contribution actuelle, dictée par le biomédical et l’infectiologie (<em>contact tracing</em>, vaccination, tests de dépistage, gestion des urgences…). On pense ici en particulier aux conséquences directes ou indirectes de cette pathologie de mieux en mieux identifiées sur la santé physique et mentale des élèves, notamment les plus vulnérables (porteurs de maladies chroniques ou de handicaps, issus de familles économiquement fragilisées par la crise, décrocheurs…).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313705110971744258"}"></div></p>
<p>Mais le corps des médecins de l’éducation nationale ne peut relever ces défis de manière isolée et cloisonnée, ce qui est pourtant la règle, accentuée par une gestion séparée de chacun des métiers santé et sociaux présents au sein de cette administration (médecins, psychologues, infirmiers et assistants de service social) et une articulation pas toujours fluide avec le corps enseignant. Il est pourtant essentiel de développer une approche collaborative et complémentaire entre les différents acteurs de la santé des élèves, dans une logique de service et d’approche par milieu de vie, ici l’école, qui pourrait passer par des temps de formation partagés à développer.</p>
<p>On mesure bien la tension entre l’ampleur de la tâche et la réalité des effectifs disponibles, entre l’empilement des missions et la possibilité de prioriser ; qui pourrait éviter la perte de sens et permettre de gagner en efficience, au service du bien-être et de la santé de tous les élèves aujourd’hui et demain ; en optimisant les 8 petites minutes de médecin scolaire de chaque élève de notre pays…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Godeau est membre de l'Ecole des hautes études en santé publique où elle est responsable de la filière de formation des médecins de l'Education nationale.
</span></em></p>Alors que les enjeux de santé tiennent plus de place que jamais en milieu scolaire, chaque élève ne disposerait que d’un peu moins de huit minutes de temps de médecin scolaire par année de scolarité.Emmanuelle Godeau, Enseignante chercheuse - Responsable de la filière des médecins de l’éducation nationale - Membre du CERPOP (UMR1295, Inserm -UPS, Toulouse), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524022021-02-09T19:30:17Z2021-02-09T19:30:17ZUne journée en immersion dans un laboratoire Covid-19<p>Fin mars 2020, alors que la première vague de l’épidémie de Covid-19 s’abattait sur notre pays, le ministère des Solidarités et de la Santé a acté l’implantation dans plusieurs métropoles françaises de plates-formes de biologie moléculaire dédiées à la détection du virus SARS-CoV-2 par <em>polymerase chain reaction</em> (PCR), ou <a href="https://ed414-openlab.unistra.fr/les-tp/adn-et-genetique-2009-2012/pour-preparer-le-tp/la-pcr-quest-ce-que-cest/">réaction de polymérisation en chaîne</a>.</p>
<p>Élodie Alessandri Gradt, Anaïs Soares et Marie Gueudin nous ouvrent les portes de celle qui a été mise en place au Centre Hospitalier Universitaire de Rouen. En un mois, un laboratoire a vu le jour, afin de prendre en charge des milliers de tests PCR à la fin du premier confinement.</p>
<p>Voici comment s’y déroule une journée type.</p>
<h2>6h : top départ</h2>
<p>La première équipe arrive, composée de six techniciens et deux agents administratifs. Les prélèvements à analyser sont amenés au laboratoire dans un emballage hermétique qui permet un transport sécurisé, même en cas de fuite inopinée. Ce sont des tubes en plastique qui renferment une solution de transport dans laquelle est immergé un écouvillon. Celui-ci sert à collecter, au niveau du naso-pharynx du patient, un échantillon de cellules respiratoires susceptibles d’héberger le virus du SARS-CoV-2. Le génome de ce dernier étant très fragile, la solution de transport en prévient les dégradations pendant plusieurs heures. À partir de là, les prélèvements suivent un circuit précis avant que le résultat ne soit rendu au patient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-fonctionnent-les-tests-et-quelles-sont-leurs-utilites-135398">Covid-19 : comment fonctionnent les tests et quelles sont leurs utilités ?</a>
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<p>L’étape initiale, dite « préanalytique », consiste à vérifier la conformité de l’échantillon et fiabiliser le résultat. Il est notamment impératif de s’assurer que le prélèvement ait été recueilli dans un contenant dont le milieux de transport est conforme à la réalisation de la PCR SARS-CoV-2, que les délais de son acheminement soient acceptables pour en éviter une dégradation trop importante, ou encore que les informations obligatoires sur l’échantillon et l’identité du patient soient renseignées. Une fois validé, le prélèvement est enregistré dans le système informatique du laboratoire pour assurer sa traçabilité.</p>
<h2>7h : début des analyses</h2>
<p>Le prélèvement passe dans la première pièce technique. Son emballage est ouvert sous un poste de sécurité microbiologique qui assure la protection du manipulateur. La surface externe du tube est alors aspergée de solution décontaminante pendant cinq minutes, toujours pour garantir la sécurité du manipulateur lors des étapes suivantes. Puis l’échantillon est chauffé à 56 °C pendant 30 minutes pour inactiver le virus qu’il contient potentiellement. À la sortie de la pièce, il ne présente plus aucun risque infectieux pour les manipulateurs.</p>
<h2>8h : les robots entrent en action</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383365/original/file-20210209-13-tobgjk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plaques utilisées pour la PCR contiennent 96 puits.</span>
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<p>Changement de pièce. Les tubes sont insérés par séries de 93 dans un robot-pipeteur, qui transfert les échantillons sur une plaque de test percée de 96 micro-puits. Les trois puits vides reçoivent des échantillons de contrôle permettant le suivi de l’ensemble du processus d’analyse.</p>
<p>La plaque est alors placée dans un deuxième robot qui sépare l’ARN viral des autres composants de l’échantillon. Le SARS-CoV2 étant un virus à ARN, une étape de conversion de l'ARN en ADN, dite de rétro-transcription (RT), est réalisée par une enzyme en amont de la PCR. On parle donc plus précisément de « RT-PCR » pour désigner l’ensemble du processus. </p>
<p>(<em>ndlr : les ARN - pour Acide RiboNucléique - sont des molécules dont la structure chimique est proche de celle des molécules d’ADN - Acide DésoxyriboNucléique. Constituée d’un seul brin, la molécule d’ARN est plus fragile que celle d’ADN</em>)</p>
<p>Un mélange réactionnel (mix) nécessaire à la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) est ajouté. La PCR correspond à l’amplification d’un fragment de gène cible par le biais d’enzymes sensibles à la chaleur.</p>
<p>Concrètement, de courtes séquences de nucléotides, les « briques » élémentaires constituant le génome viral, s’amarrent au gène cible par complémentarité. Ces « amorces » sont ensuite complétées par l’ajout (polymérisation) de nucléotides libres grâce à une enzyme, la Taq polymerase.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383489/original/file-20210210-19-190ywlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Représentation schématique de la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) qui permet d’amplifier la quantité de matériel génétique présente dans un échantillon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ygonaar / Wikimedia Commons</span></span>
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</figure>
<p>Le robot extracteur-répartiteur peut prendre en charge deux plaques test à la fois, soit 192 réactions indépendantes en 80 min. Au plus fort de l’activité, il fonctionne sans interruption.</p>
<h2>10h : dernière étape analytique</h2>
<p>La plaque est transférée dans la dernière pièce technique, celle des thermocycleurs. Ces appareils alternent des cycles de différentes températures permettant aux enzymes de réaliser la PCR en 2h15 et de détecter un signal fluorescent en temps réel. Celui-ci est d’autant plus intense que l’ARN viral est amplifié.</p>
<p>Trois cibles sont recherchées spécifiquement dont deux dans le génome viral. La troisième est présente dans un réactif ajouté à chaque échantillon. Amplifiée même si l’échantillon est négatif, elle sert à vérifier que la PCR a fonctionné correctement, pour s’assurer qu’un résultat négatif n’est pas dû à un problème au cours de la réaction.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Courbe d’amplification d’une réaction de PCR" src="https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377388/original/file-20210106-13-1xkllqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Courbe d’amplification d’une réaction de PCR.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’apparition de la fluorescence après un certain nombre de cycles, selon une courbe exponentielle, signe la positivité de l’échantillon. On parle de Ct de l’échantillon (<em>cycle threshold</em> ou cycle seuil) : un échantillon très chargé en ARN viral nécessitera peu de cycles de PCR pour détecter un signal de positivité (il aura un nombre de Ct faible). À l’inverse, un échantillon avec une faible quantité d’ARN viral induira un Ct élevé.</p>
<h2>12h : interprétation et rendu du résultat</h2>
<p>C’est la fin de l’analyse. Les techniciens vérifient que les critères de validation technique sont respectés avant de déposer les résultats sur le serveur informatique du laboratoire.</p>
<p>Un biologiste intervient alors pour interpréter l’ensemble des résultats et valider l’interprétation finale, puis le patient pourra consulter son résultat sur un serveur sécurisé. Soit les deux cibles virales sont amplifiées, auquel cas il y a présence d’ARN de SARS-CoV-2, soit seule la cible non virale est amplifiée, et l’on peut conclure à l’absence de détection d’ARN viral.</p>
<p>Certains résultats amènent parfois le biologiste à effectuer des contrôles, l’amplification d’une seule des deux cibles virales, par exemple, la détection d’un signal très faible ou encore l’échec d’amplification de la cible non virale. L’échantillon concerné subit alors un nouveau cycle d’analyses. Malheureusement, il est parfois nécessaire de réaliser un nouveau prélèvement pour obtenir un résultat définitif.</p>
<p>Le biologiste est aussi en charge de communiquer avec les médecins et les patients pour obtenir des informations cliniques complémentaires permettant de mieux cerner certains dossiers et discuter de la complexité des résultats. Il est soumis à tout moment au secret professionnel quant aux résultats du test.</p>
<h2>12-14h : c’est la pause !</h2>
<p>Mais pas pour l’analyse. Il faut maintenir un flux constant des échantillons sur les différents postes techniques pendant que le personnel déjeune à tour de rôle. Chacun a la responsabilité de veiller au respect strict des <a href="https://www.sf2h.net/avis-sf2h-du-17-janvier-2021-relatif-aux-hygiene-pour-la-prise-en-charge-dun-patient-ou-resident-considere-comme-possible-probable-ou-confirme-dinfection-par-le-sras-cov-2">consignes d’hygiène</a>, le moment du repas étant un événement critique en termes de risque de contamination.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383486/original/file-20210210-17-14k86wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">De nombreux échantillons attendent d’être analysés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurie Boquier / CHU de Rouen</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>14h-15h : rotation des équipes techniques</h2>
<p>C’est la fin de la journée pour la première équipe, qui passe le relais et transmet les informations importantes du jour à la seconde équipe. C’est aussi le moment privilégié pour discuter avec toute l’équipe de nouvelles consignes et des éventuelles difficultés rencontrées.</p>
<h2>16h : dans les coulisses</h2>
<p>L’habilitation des 24 techniciens du laboratoire est assurée par deux ingénieurs, au cours d’une formation spécialisée. Ces ingénieurs ont également pour mission de résoudre tous les problèmes techniques qui ne manquent pas de survenir, tels que les réglages permanents des robots, à ajuster au gré des pénuries de consommables qui obligent à s’adapter aux références disponibles. Ils s’assurent enfin, avec l’aide d’un logisticien, que les stocks du laboratoire sont suffisants pour éviter une telle rupture sur un consommable critique.</p>
<p>Un cadre de santé assure la gestion des ressources humaines pour le personnel non médical : embauches et élaboration du planning en correspondance avec l’activité fluctuante du laboratoire, évaluation des compétences acquises, respect de la réglementation (nombre d’heures de repos obligatoires, nombre de dimanches travaillés…).</p>
<p>Biologiste et virologue, le responsable de la plate-forme assure le lien entre les différents personnels du laboratoire, ainsi qu’avec les établissements partenaires. Il forme l’équipe de biologistes, prend des décisions sur les éventuels problèmes critiques et essaie d’anticiper les flux extrêmement variables de prélèvements.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Déroulement d’une journée dans un laboratoire Covid" src="https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377387/original/file-20210106-15-ofagfh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Déroulement d’une journée dans un laboratoire Covid.</span>
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</figure>
<h2>17-22h : en flux continu</h2>
<p>À cette heure, de nombreux prélèvements affluent à la plate-forme. L’équipe reste donc pleinement mobilisée pour assurer leur prise en charge dans les meilleurs délais. Pour certains, l’éloignement du site de prélèvement (parfois plus de 100 kilomètres) peut impacter le délai de rendu du résultat.</p>
<p>Les séries d’analyse de PCR se succèdent en flux continu pendant la soirée. Certaines étapes automatisées se poursuivront même tout au long de la nuit.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Statistiques des analyses du laboratoire Covid du CHU de Rouen" src="https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383350/original/file-20210209-15-1wogcik.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Statistiques des analyses du laboratoire Covid du CHU de Rouen.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La cadence d’analyse maximale est 186 résultats toutes les deux heures, soit jusqu’à 1 800 résultats par jour, ce qui implique un fonctionnement optimal à chaque étape de prise en charge. Plus de 173 000 prélèvements ont ainsi été analysés par la plate-forme COVID du CHU de Rouen depuis mai 2020.</p>
<hr>
<p><em>La PCR reste la référence du diagnostic COVID</em>
<em>L’implantation et le fonctionnement de laboratoire COVID sur le territoire français représente un défi inédit pour l’ensemble des équipes concernées. De la réalisation du prélèvement au rendu du résultat de l’analyse de la PCR, la fiabilité du diagnostic repose sur la précision des étapes successives de traitement de l’échantillon.</em> <em>La logistique nécessaire à l’analyse de PCR reste complexe malgré son automatisation. Cependant, malgré l’arrivée des tests antigéniques sur le marché ayant étoffé l’offre de détection du virus, cette analyse demeure à ce jour le test diagnostique de référence pour l’infection par le SARS-CoV-2.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152402/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie de Covid-19 a braqué les projecteurs sur les laboratoires de test. Vivez une journée en immersion dans celui du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) de Rouen.Elodie Alessandri-Gradt, MCU-PH en virologie, CHU de Rouen, Université de Rouen NormandieAnaïs Soares, Université de Rouen NormandieMarie Gueudin, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544622021-02-02T20:04:38Z2021-02-02T20:04:38ZLes cas de Covid-19 liés aux voyages sont sous-estimés au Canada. Voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382054/original/file-20210202-23-5zbzy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une passagère passe par l'aéroport Montréal-Trudeau de Montréal, le jeudi 7 janvier 2021. Les cas de Covid-19 rapportés par les voyageurs sont sous-estimés par la Santé publique.
</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Le premier ministre Justin Trudeau a récemment annoncé de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766872/covid19-canada-voyages-internationaux-annonce-gouvernement">nouvelles restrictions de vol ainsi que des règles de dépistage de la Covid-19 et de quarantaine obligatoire pour les voyageurs</a> afin de limiter la propagation du coronavirus.</p>
<p>Les arguments contre l’adoption de mesures plus strictes en matière de voyages au Canada pendant la pandémie de Covid-19 s’appuient souvent sur des données suggérant que peu de cas sont liés aux voyageurs. La principale source de ces données est l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), qui publie régulièrement des <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/sante-voyageurs.html">rapports</a> sur les lieux d’exposition potentielle au virus au Canada, y compris les vols intérieurs et internationaux.</p>
<p>Sur la base de ces expositions signalées, l’ASPC estime que les voyages internationaux ont représenté entre 0,4 % (en mai) et 2,7 % (en juillet) du total des cas confirmés au cours des huit derniers mois, <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/01/11/des-centaines-de-milliers-detrangers-sont-entres-au-canada-malgre-la-pandemie">pour une moyenne d'environ 2%</a>. Ces estimations sont ensuite régulièrement citées dans les médias par les représentants de l’industrie, les responsables de la santé publique et le gouvernement.</p>
<p>Sur la base de ces données, qui suggèrent que les voyages présentent un faible risque, les gouvernements ont hésité à mettre en place des mesures plus strictes concernant les voyageurs et les protocoles qu’ils doivent suivre.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tDoFI8niMes?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau annonce de nouvelles restrictions de voyage et de nouveaux protocoles d’arrivée.</span></figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, le 21 janvier, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a défendu sa décision de ne pas restreindre les voyages interprovinciaux en disant que le gouvernement ne peut agir que « <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766341/horgan-cb-covid-restrictions-voyages-frontieres-quarantaine">s’ils nuisent à la santé et à la sécurité des Britanno-Colombiens</a>. Si nous constatons une augmentation de la transmission… nous imposerons des restrictions plus strictes aux voyageurs non essentiels », a-t-il dit.</p>
<p>Notre équipe analyse le processus décisionnel menant à l’utilisation de mesures liées aux voyages pendant la pandémie de Covid-19 dans différents pays, dont le Canada. En comparant les mesures prises par le Canada avec celles d’autres pays, ainsi que les méthodes de dépistage et de calcul des infections importées, nous soutenons que les chiffres souvent cités sous-estimeraient en fait les cas de Covid-19 liés aux voyages. Le système actuel ne collecte pas systématiquement ou rigoureusement suffisamment de données pour servir de base à des décisions politiques de grande envergure.</p>
<p>Cette situation survient à un moment <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766844/coronavirus-mutation-nouveau-variant-financement-etude">où l’arrivée de nouvelles variantes de Covid-19 rend l’adoption de bonnes politiques en matière de voyages</a> encore plus importante. Il est urgent de mettre en place un système plus rigoureux, plus rapide et plus précis.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-nouveaux-variants-de-la-covid-19-se-repandent-dans-le-monde-entier-153938">Voici pourquoi les nouveaux variants de la Covid-19 se répandent dans le monde entier</a>
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<h2>Calcul des cas</h2>
<p>Les estimations actuelles se basent sur les voyageurs internationaux arrivant par avion. <a href="https://voyage.gc.ca/voyage-covid/voyage-restrictions/isolement?_ga=2.42214637.970715852.1612222164-1247210395.1612222164">Les passagers doivent se mettre en quarantaine, observer leur symptômes pendant 14 jours</a> et se faire tester en cas de doute. S’ils sont positifs et qu’ils déclarent avoir été sur un vol international ou intérieur, une alerte est ajoutée à une liste en ligne d’expositions potentielles.</p>
<p>Les passagers des rangées de sièges voisines sont considérés comme présentant un risque plus élevé et peuvent ainsi être avertis. Tous les autres voyageurs sont tenus de vérifier les alertes et doivent être mis en quarantaine dans tous les cas. Seuls les cas directs impliquant des passagers aériens sont pris en compte. Toute transmission communautaire ultérieure par des voyageurs, retrouvés ou non, n’est pas officiellement comptabilisée.</p>
<p>Il n’y a pas de tests de routine ni de recherche de contacts pour les voyageurs entrant au Canada. Seuls les voyageurs par avion qui s’identifient eux-mêmes comme présentant des symptômes et dont le test est positif sont inclus dans les données actuelles. Les voyageurs par voie terrestre et maritime, ainsi que les voyageurs aériens qui sont infectés, mais non testés ou asymptomatiques, ne le sont pas. Et aucune donnée n’est recueillie sur les voyages interprovinciaux au-delà des expositions détectées sur les vols intérieurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382070/original/file-20210202-23-9fkuzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une voyageuse, Josée Bertrand, montre le résultat de son test de Covid-19 à l'aéroport Trudeau de Montréal, alors qu'elle arrive de Fort Lauderdale le 7 janvier 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les méthodes actuelles se basent également sur des données peu fiables concernant la fiabilité des tests, la recherche des contacts et la quarantaine. De multiples tests sont souvent nécessaires pour confirmer l’infection ; il existe de nombreux faux négatifs et les nouvelles variantes s’avèrent particulièrement insaisissables. De même, la capacité de traçage est insuffisante compte tenu des volumes actuels de voyageurs.</p>
<p>On suppose que toutes les arrivées internationales respectent la quarantaine obligatoire de 14 jours. Toutefois, compte tenu de l’application limitée de cette règle, il se peut que certains passagers ne soient pas mis en quarantaine correctement ou ne respectent pas toute la durée de la quarantaine, voire ne la fassent pas du tout.</p>
<h2>Cas non comptés</h2>
<p>Lorsque l’on mesure les infections liées aux voyages, on se concentre sur la transmission du virus dans les avions. En novembre 2020, citant des recherches récentes, l’administratrice en chef de la santé publique Theresa Tam a déclaré qu’<a href="https://www.cbc.ca/news/politics/covid-transmission-flights-extremely-rare-1.5797065">« il y a eu très peu de rapports, extrêmement rares, en fait, de transmission à bord des avions »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme portant un masque et poussant un chariot à bagages complet se promène entre les kiosques d’Air Canada" src="https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381504/original/file-20210131-20580-1c1ljo6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’été dernier, les transporteurs aériens ont demandé au gouvernement d’assouplir les restrictions de voyage adoptées pour freiner la propagation de la Covid-19, cette fois en s'appuyant sur une « approche scientifique » qui permettrait de voyager dans des pays à faible risque d’infection.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Nathan Denette</span></span>
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<p>Toutefois, de nombreuses études qui font état d’un faible risque d’attraper le coronavirus en vol sont parrainées par l’industrie aérienne, <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/stephaniemlee/flying-planes-coronavirus-safe">ce qui soulève des inquiétudes quant aux conflits d’intérêts potentiels</a>. Il est important de noter que ces études négligent les risques d’infection au cours d’un voyage.</p>
<p>Depuis le 7 janvier, toute personne arrivant au Canada par avion depuis un autre pays doit fournir un résultat de test négatif (effectué dans les 72 heures suivant le voyage) afin de réduire le nombre de voyageurs infectés par le coronavirus. Bien que cette mesure soit utile, elle ne tient pas compte des expositions qui se produisent pendant les trois jours qui séparent le test du voyage proprement dit.</p>
<p>Ensuite, il y a le voyage vers et depuis les aéroports. Certains voyageurs ont transmis le virus à des chauffeurs de taxi, par exemple. De nombreux passagers internationaux prennent des vols intérieurs en correspondance sans s’isoler lors de leur entrée initiale <a href="https://voyage.gc.ca/voyage-covid/voyage-restrictions/voyager-avion?_ga=2.20662384.970715852.1612222164-1247210395.1612222164">« sauf restrictions provinciales ou territoriales »</a>. Ces passagers transiteront également par les aéroports avant d’embarquer sur des vols domestiques. Les infections hors vol liées à ces scénarios ne sont pas comptabilisées actuellement.</p>
<h2>Rendre les voyages plus sûrs</h2>
<p>Les voyages et la pandémie de Covid-19 sont intimement liés. Le virus a été initialement importé au Canada par les voyages, et de nouvelles infections continuent d’être introduites au pays chaque jour. Cela inclut les variantes du virus.</p>
<p>Même avec les données partielles actuelles, l’ASPC a signalé plus de 160 vols internationaux et 90 vols intérieurs entre le 7 et le 17 janvier, transportant des cas confirmés de Covid-19. Ces cas sont survenus malgré les nouvelles exigences en matière de tests.</p>
<p>Si nous voulons prendre des décisions politiques efficaces pour gérer les voyages et la pandémie, nous avons besoin de données plus robustes. Le système de suivi actuel est surchargé, et il sera donc difficile d’élargir la collecte de données. Réduire le nombre de voyageurs aux seuls voyageurs essentiels est un point de départ important.</p>
<p>Les ressources peuvent ensuite être consacrées à l’amélioration des tests, à la recherche des contacts et à la mise en quarantaine. L’échantillonnage aléatoire pourrait être utilisé pour estimer les infections en fonction du nombre de voyageurs aux différents points d’entrée, dans les modes de transport et destinations d’un voyage. La multiplication et le partage des séquences génomiques des résultats positifs sont alors essentiels pour identifier plus rapidement tout cas importé de nouvelle variante.</p>
<p>Ce n’est qu’alors que nous pourrons avoir une idée précise des risques liés aux voyages et de la meilleure façon de les diminuer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154462/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelley Lee reçoit un financement du New Frontiers Research Fund pour mener des recherches sur le respect du Règlement sanitaire international de l'OMS et de la norme Covid-19.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Marie Nicol reçoit un financement en partie du Partenariat canadien contre le cancer.</span></em></p>Les restrictions de voyage annoncées visent à freiner la propagation des variantes du coronavirus. Mais le système actuel ne collecte pas systématiquement ou rigoureusement suffisamment de données.Kelley Lee, Professor of Global Health Policy, Canada Research Chair in Global Health Governance, Simon Fraser UniversityAnne-Marie Nicol, Associate Professor, Health Sciences, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533272021-01-14T19:49:59Z2021-01-14T19:49:59ZCovid-19 : pourquoi il faut absolument éviter que le variant anglais ne devienne majoritaire<p><em>Le variant B.1.1.7 du coronavirus SARS-CoV-2, dit variant britannique et précédemment désigné par VUI202012/01 (pour Variant Under Investigation – variant en cours d’investigation), est sous haute surveillance. Quand a-t-il émergé, que sait-on de ses spécificités, quel pourrait-être son impact sur l’épidémie, en particulier dans notre pays ? Les réponses de Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Depuis quand ce variant circule-t-il, et que sait-on des conditions de son émergence ?</strong></p>
<p><strong>Mircea Sofonea :</strong> Ce variant a été détecté en novembre principalement à Londres, dans le sud et l’est de l’Angleterre. Il faut savoir que le Royaume-Uni a une politique très volontariste de détection des variants : avec un effort de séquençage près de 50 fois supérieur à celui de la France, c’est le pays européen qui fournit le plus grand nombre de données de séquence de variants coronavirus SARS-CoV-2 pour alimenter la <a href="https://www.gisaid.org/">base de données GISAID</a>. </p>
<p>Ce qui frappe quand on analyse la séquence de ce variant, c’est qu’on y décèle un nombre important de mutations par rapport aux autres variants en circulation : on en compte une vingtaine au total, alors que les autres n’en comportent en moyenne qu’une dizaine. Bon nombre de ces mutations touchent notamment la protéine Spike, au moyen de laquelle le virus entre dans les cellules humaines pour les infecter.</p>
<p>En menant des études phylogénétiques, qui permettent de suivre l’évolution du coronavirus dans le temps, on peut retracer l’émergence de ce variant à septembre, dans le sud-est de l’Angleterre. Cinq mois plus tard, on constate qu’il est non seulement présent dans des proportions élevées dans tout le Royaume-Uni et en Irlande, mais il a été officiellement détecté dans plus d’une cinquantaine de pays dans le monde.</p>
<p><strong>TC : Connaît-on les raisons de ce succès ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Il y a trois façons de voir émerger un variant qui s’installe dans le paysage génétique d’une maladie virale :</p>
<ul>
<li><p>La première c’est le hasard. Il arrive, lorsqu’une épidémie est stationnaire ou en légère croissance, que de nouveaux variants neutres (c’est-à-dire épidémiologiquement équivalents aux autres) trouvent localement des situations qui peuvent favoriser leur propagation (rassemblement important de personnes dans un lieu clos par exemple). Si une telle situation s’offre à un variant et qu’il se retrouve à l’origine d’une flambée, il va finir par être davantage représenté que les autres variants en circulation. Tout se passe comme s’il était porté par cet effet d’amplification locale, surfant sur la vague créée localement pour se diffuser dans la population.</p></li>
<li><p>La seconde possibilité est qu’émerge un variant porteur d’une (ou plusieurs) mutation(s) qui change radicalement sa capacité à se transmettre. Si les personnes qu’il infecte sont plus contagieuses que celles infectées par les variants déjà existants, on comprend aisément que ce variant finit par se propager plus rapidement.</p></li>
<li><p>Enfin, troisième possibilité : un variant porteur de mutations qui lui permettrait de trouver une nouvelle « porte d’entrée » pour infecter des personnes qui étaient auparavant moins sensibles.</p></li>
</ul>
<p>Dans le cas du variant anglais, le premier mécanisme est écarté par les analyses réalisées par nos collègues britanniques. Elles ont montré qu’une fois qu’une fois présent dans un territoire, sa fréquence a augmenté de façon relativement prédictible et homogène. Cette situation indique qu’il ne s’agirait donc pas d’un variant qui serait apparu « au bon endroit, au bon moment », et qui aurait profité de conditions favorables en marge de l’épidémie.</p>
<p>Il semble bien se transmettre plus rapidement que les autres variants circulants, sans que ce soit lié à un effet local particulier.</p>
<p><strong>TC : En Angleterre il semblerait que l’émergence du variant britannique se soit accompagnée d’un décalage des infections vers les classes d’âge les plus jeunes. Cela plaide-t-il en faveur du troisième scénario ? Ce virus infecte-t-il plus facilement les plus jeunes ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Effectivement, nos collègues de l’Imperial College ont mis en évidence une surreprésentation de près de 25 % de ces classes d’âge parmi les contaminés par le nouveau variant, comparativement aux autres variants.</p>
<p>Il faut toutefois se souvenir que la situation en Angleterre était particulière quand ce variant a commencé à se répandre : le pays était confiné, mais les écoles étaient encore ouvertes. De ce fait, il s’agissait des seuls endroits ou une transmission importante pouvait se produire. Ce qui interpelle, c’est effectivement qu’on considérait que les classes d’âges concernées sont normalement les classes d’âge qui sont moins contagieuses que les autres (même s’il n’y a pas encore vraiment de consensus scientifique sur le sujet).</p>
<p>Cette situation fait qu’il est difficile de discriminer entre les deux derniers scénarios : plus de contagiosité ou une contagiosité ciblant des classes plus jeunes. Pour pouvoir trancher, il faudrait il faudrait vérifier ce qui se passe dans les autres pays, où les mesures sanitaires sont appliquées de façon différente (confinement avec écoles fermées par exemple).</p>
<p>Une autre possibilité serait de vérifier si l’augmentation d’infection chez les plus jeunes constatée en Angleterre a correspondu avec l’augmentation des séquences du variant. Mais pour cela il faudrait être certains que la détection du variant a été homogène sur la période étudiée. En outre les données disponibles ne permettent pas d’établir précisément le contexte des contaminations.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, nous en saurons plus dans quelques semaines.</p>
<p><strong>TC : A-t-on une idée des mécanismes virologiques qui expliqueraient le succès de ce virus ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Ils sont en cours d’investigation. Une explication avancée est qu’une ou plusieurs mutations affectant protéine Spike augmentent l’affinité de cette dernière pour les récepteurs ACE2 situés à la surface des cellules des voies aériennes que le virus infecte, facilitant l’entrée de ce variant. Il en résulte une plus grande infectivité des particules virales et donc une contagiosité accrue des porteurs. </p>
<p>Rappelons que la contagiosité peut être augmentée de deux façons : soit les personnes sont plus contagieuses parce qu’elles produisent plus de particules virales, soit à quantité de particules virales égales, celles-ci sont plus infectieuses parce qu’elles rentrent plus facilement dans les cellules du nouvel hôte. Si la facilité d’entrée est ici augmentée, est-ce que c’est aussi le cas de la quantité de production de particules virales ? On ne le sait pas encore.</p>
<p><strong>TC : Ne pourrait-on pas aussi imaginer que le virus favorise des formes plus symptomatiques, dont on sait qu’elles favorisent la transmission (toux, nez qui coule…) ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Pour l’instant, rien n’indique que ce soit le cas : il n’y a pas à ma connaissance et à ce jour pas eu d’étude ayant montré une différence significative de manifestations cliniques des infections par ce nouveau variant. Globalement on n’observe pas de différence en termes de sévérité ou de létalité, ce qui est assez rassurant.</p>
<p>À ce sujet, on a pu entendre et lire à plusieurs reprises ces derniers jours qu’un variant plus contagieux est plus inquiétant qu’un virus plus létal. Il convient de nuancer ce propos.</p>
<p>Une augmentation de transmissibilité est problématique dans le cas où le système hospitalier s’avère incapable d’absorber l’afflux de malades. En effet, plus le virus se transmet facilement, plus le pic de tension hospitalière est élevé. Cependant, si l’on est en capacité de faire face à la vague d’hospitalisations ou si l’on s’intéresse aux conséquences de l’épidémie à plus long terme, les choses sont différentes.</p>
<p>Dans le contexte d’une épidémie telle que celle-ci, dont le nombre de reproduction peut monter jusqu’à 3 (en absence de mesures sanitaires), une augmentation hypothétique de la létalité quantitativement équivalente (environ +50 %) serait en fait plus préoccupante si ce nombre de reproduction dépasse 1,5. En effet, elle engendrerait alors un bilan de mortalité final plus important qu’une mutation portant sur la transmission.</p>
<p>(<em>aussi appelé « R effectif », le nombre de reproduction est une estimation, sur les 7 derniers jours, du nombre moyen d’individus contaminés par une personne infectée. Un R effectif inférieur à 1 signifie que l’épidémie régresse, ndlr</em>)</p>
<p><strong>TC : Dans le cas présent, quel est l’impact attendu de cette augmentation de la transmissibilité sur le nombre de reproduction ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Les chercheurs de l’Imperial College ont estimé que dans le cas de ce nouveau variant, l’augmentation de la transmission était de l’ordre de 0,4 à 0,7 unité de nombre de reproduction (par rapport aux autres variants circulants).</p>
<p>La question qui se pose est la suivante : est-ce qu’il faut prendre en compte cette augmentation en ajoutant 0,4 au nombre de reproduction de l’épidémie (dans le cas où ce variant est effectivement capable de contaminer de nouvelles classes d’âge, ce qui lui permet d’augmenter de façon « forfaitaire » sa transmission) ou est-ce qu’il faut multiplier ce nombre de reproduction par 1,4 (dans le cas où ce virus est plus contagieux, mais sans avoir nécessairement changé de cible) ?</p>
<p>Si ce point n’est pas simple à trancher à partir des données actuelles, il ne contraint toutefois pas les projections pour la France qui actuellement présente un nombre de reproduction proche d’1 : les deux scénarios sont alors approximativement équivalents.</p>
<p><strong>TC : Où en est l’épidémie dans notre pays ? Que disent les modèles de l’effet possible de ce nouveau variant ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> L’épidémie n’est plus sous contrôle en France depuis une semaine et nous assistons actuellement à une hausse du niveau de circulation virale, avec un nombre de reproduction en croissance et estimé à 1,10 (entre 1,05 et 1,15) au 14 janvier. La propagation est exponentielle, mais plus lente qu’au début du mois d’octobre, avant que les mesures sanitaires ne se renforcent.</p>
<p>Cette hausse s’explique naturellement par l’effet du réveillon de Noël, toutefois plus modéré que ce qui était craint initialement. Mais il reste à estimer celui de la Saint-Sylvestre, qui a pu avoir un effet amplificateur de l’épidémie : les personnes infectées les 24 et 25 décembre étaient contagieuses une semaine après. Un tel effet sur l’actuelle épidémie en progression lente, auquel peut s’ajouter celui de la reprise scolaire et professionnelle de janvier, peut déclencher un net rebond. Si tel est le cas, il sera mesurable dans la semaine à venir.</p>
<p>Pour l’instant, en tenant compte de la sous-détection mentionnée précédemment, le variant anglais ne semble pas encore suffisamment présent pour affecter ledit nombre de reproduction au niveau national. Mais il pourrait changer la donne en deux mois.</p>
<p>Il faut se souvenir que le premier confinement, efficace, mais extrêmement drastique, avec de lourdes conséquences socio-économiques, avait ramené le nombre de reproduction de l’épidémie à 0,7. Si ce nouveau variant augmente le nombre de reproduction de l’épidémie de 0,4 à 0,7, on voit non seulement que le contrôle de l’épidémie est perdu, mais que même des mesures extrêmement coûteuses et stringentes telles que celles mises en place pendant la première vague ne seront plus efficaces. C’est la raison pour laquelle il faut freiner au maximum la progression de ce variant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mircea T. Sofonea a reçu des financements de la Région Occitanie & ANR PHYEPI.</span></em></p>Où en est l’épidémie dans notre pays ? Comment l’arrivée du nouveau variant anglais pourrait-elle l’impacter ? Et surtout, que sait-on sur cette souche qui se propage rapidement ?Mircea T. Sofonea, Maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, laboratoire MIVEGEC, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524942020-12-23T20:21:13Z2020-12-23T20:21:13ZEn France, la sous-détection des cas de Covid-19 limite la capacité à contrôler l’épidémie<p><em>L’analyse des données collectées durant le premier déconfinement, au printemps, indique que le système de dépistage mis en place en France à l’époque n’avait été capable de détecter qu’une fraction des cas symptomatiques en circulation. Vittoria Colizza, Giulia Pullano et Laura Di Domenico nous expliquent les tenants et aboutissants de ces travaux <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-03095-6">publiés fin décembre dans la revue Nature</a>, et font le point sur les améliorations à envisager pour éviter de devoir passer l’hiver en confinement.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Vos travaux portant sur le dépistage des cas de Covid-19 lors du premier déconfinement viennent d’être publiés dans la très estimée revue Nature. Pourriez-vous nous les présenter ?</strong></p>
<p><strong>Laura Di Domenico :</strong> L’objectif de ces travaux était d’évaluer les performances du système de dépistage mis en place en France au cours des premières semaines qui ont suivi le déconfinement du printemps. Nous avons pour cela évalué le taux de détection, c’est-à-dire la fraction des cas détectés par le système de dépistage en regard du nombre total de cas d’infections existant dans le pays, que nous avons estimé grâce à un modèle mathématique.</p>
<p>Nous nous sommes basés sur les résultats d’analyses biologiques recensés par la base de données appelée <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-la-covid-19/article/contact-covid-et-si-dep-les-outils-numeriques-du-depistage-covid-19">SI-DEP (Système d’Informations de DEPistage)</a>. Nous avons aussi utilisé les données d’admission à l’hôpital et celles concernant la sévérité des symptômes.</p>
<p>Notre modèle mathématique tenait compte à la fois des risques de transmission durant la phase présymptomatique, du rôle des individus asymptomatiques, et de celui joué par les individus présentant divers degrés de sévérité des symptômes – y compris ceux qui n’ont pas forcément consulté leur médecin. Il a été calibré sur le nombre d’admissions à l’hôpital au sein de chaque région. Ce modèle a aussi été paramétré grâce à des données empiriques pour tenir compte de la circulation de la population lors du déconfinement, en particulier les données de scolarisation et la présence sur le lieu de travail. Le respect des mesures barrières a aussi été pris en compte : nos travaux ont montré que celui-ci varie en fonction de l’âge des individus.</p>
<p>Ce modèle nous a permis d’obtenir une estimation du nombre de cas réels, incluant à la fois les cas symptomatiques détectés et ceux qui ne l’ont pas été. Sur cette base, nous avons pu évaluer le taux de détection.</p>
<p><strong>Vittoria Colizza :</strong> Une des difficultés rencontrées par les modélisateurs au cours de cette épidémie a été de décrire la propagation du virus, sa circulation dans la population. Celle-ci change en fonction des restrictions mises en place, de la façon dont on les lève. Pendant le déconfinement, lesdites restrictions ont été levées progressivement, et la proportion de la population qui a repris le travail a changé fortement au fil des semaines. La réouverture des écoles s’est aussi faite de façon différenciée selon les régions et les degrés scolaires, sans aucune obligation : le pourcentage de présence a donc beaucoup varié.</p>
<p>Autre point important pour comprendre la trajectoire de l’épidémie : le délai de collecte des données. Si une personne infectée se fait tester trois jours après les premiers symptômes, cela signifie qu’elle a pu transmettre la maladie durant plusieurs jours. Pour tenir compte de ce délai et de son impact sur le nombre d’infections potentielles, nous avons utilisé des approches statistiques, sur la base des données SI-DEP et des informations que les personnes qui se sont fait dépister ont donné au moment du test : ont-ils eu des symptômes, et surtout, combien de temps avant leur démarche de dépistage.</p>
<p><strong>The Conversation : La sensibilité et la spécificité des tests influent aussi sur la détection…</strong></p>
<p>Oui. Cela rajoute une difficulté, mais dans le cas de ces travaux, les données provenaient uniquement de tests PCR, qui ont une spécificité et une sensibilité très élevée. Selon le moment du dépistage, cependant, il peut aussi y avoir des faux négatifs, ce qui signifie que le taux de sous-détection pourrait encore être un peu sous-estimé.</p>
<p>Les tests antigéniques compliquent un peu les choses aujourd’hui, essentiellement parce que leur niveau de sensibilité n’est pas encore très clair, en particulier pour les personnes peu symptomatiques, voire asymptomatiques (des études sont en cours, nous devrions avoir une vision plus claire dans les semaines à venir, maintenant que leur utilisation s’est généralisée).</p>
<p><strong>The Conversation : Quels résultats avez-vous obtenus ?</strong></p>
<p><strong>Giulia Pullano :</strong> Nos travaux montrent qu’en mai et juin, 90 % des cas symptomatiques n’ont pas été détectés par le système de surveillance. Autrement dit, on ne détectait à cette époque en moyenne qu’un cas symptomatique sur 10 dans le pays.</p>
<p>Cependant, ce taux de détection a augmenté au fil du temps, grâce à l’amélioration du système de détection. Le délai moyen entre l’apparition des symptômes et le test a notamment diminué de 78 % entre mai et juin. À la fin du mois de juin, le taux de détection avait grimpé à 38 %.</p>
<p>Nos travaux soulignent aussi un point important : plus l’incidence de la maladie est élevée, plus le taux de détection chute. De nombreux cas ne sont plus détectés lorsque le virus circule fortement. En mai et juin, de grandes disparités existaient entre les régions les plus touchées et les autres.</p>
<p><strong>VC :</strong> Ce résultat est à souligner, car quand on parle de tests de dépistage on parle toujours du nombre de tests qu’on fait, ainsi que du taux de positivité des tests (<em>ndlr : Le <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/indicateurs-de-suivi-de-lepidemie-de-covid-19/">taux de positivité des tests virologiques</a> correspond au nombre de personnes testées positives par RT-PCR et test antigénique pour la première fois depuis plus de 60 jours, rapporté au nombre total de personnes testées positives ou négatives sur une période donnée – et qui n’ont jamais été testées positives dans les 60 jours précédents</em>). Mais ces deux indicateurs ne permettent pas de se faire une idée de la performance du système de détection. Ils ne nous disent pas combien nous sommes capables de détecter de cas par rapport à l’ensemble des cas réels.</p>
<p>En mai et juin, le taux de positivité était inférieur à celui recommandé par l’OMS, et pourtant nous avons raté 9 cas sur 10. C’est parce qu’on oublie que les recommandations de l’OMS se basent sur une situation dans laquelle la surveillance des cas symptomatiques est systématique. Concrètement, cela veut dire qu’une grande majorité des personnes présentant des symptômes se font tester. On peut donc retracer leurs contacts et trouver les cas asymptomatiques correspondants. Or pendant le premier déconfinement, nous n’avons pas été capables de mettre en place une surveillance des cas symptomatiques aussi performante.</p>
<p>La clé du succès est vraiment d’avoir une stratégie de dépistage ciblée sur les cas symptomatiques. Aujourd’hui l’incidence hebdomadaire est d’environ 100 cas sur 100 000 personnes, soit 1 cas sur 1 000. Cela signifie que si l’on teste 10 000 personnes, on va trouver en moyenne 10 cas, ce qui est peu. Cette situation est liée au fait que nous veillons à protéger le système hospitalier en gardant une faible circulation du virus en population. Dans ce contexte, on constate que tester aléatoirement n’est pas adapté (car on détecte ainsi seulement très peu de cas). Il faut plutôt de cibler les tests.</p>
<p><strong>TC : Concrètement, comment cela se traduirait-il ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Il faut réussir à tester le plus grand nombre de cas symptomatiques possibles. Mais c’est là toute la difficulté, car dans cette maladie le spectre des symptômes est large. Le virus ne donne pas à chaque fois lieu à une maladie sévère, il n’oblige pas systématiquement les gens à consulter. Si c’était le cas, comme cela l’avait été durant l’épidémie de SARS de 2002-2003, l’épidémie actuelle aurait été plus facile à maîtriser (en outre, dans le cas du SARS il n’y avait pas de phase présymptomatique durant laquelle les personnes infectées auraient pu transmettre la maladie, contrairement au SARS-CoV-2).</p>
<p>Le problème est celui des formes légères : la personne atteinte ne comprend pas forcément qu’elle a le Covid. Qui plus est, elle n’a pas forcément besoin de soin. Mais elle risque de propager la maladie malgré tout, qui peut alors toucher des personnes vulnérables. Un parcours de santé public, plutôt qu’un parcours de soin, est nécessaire pour ces personnes : les individus peu symptomatiques doivent être pris en charge pour que l’on puisse identifier leurs contacts, leur procurer des recommandations pour s’isoler au mieux, ainsi qu’une aide et un suivi pour la mise en place de l’isolement, etc.</p>
<p><strong>TC : A-t-on progressé sur cette question ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> L’accès aux tests a été simplifié, c’est un premier pas très important. Il n’y a plus besoin d’ordonnance pour se faire dépister, ce qui peut lever certaines réticences en cas de symptômes légers. Les gens n’ont pas forcément envie d’aller chez le médecin pour se faire prescrire un test s’ils ont juste un léger mal de tête. Par ailleurs, le délai engendré par cette étape supplémentaire, qui fait que l’on prenait du retard sur l’épidémie, n’existe plus. En outre, les délais se sont aussi améliorés grâce à la disponibilité des tests antigéniques. </p>
<p>Il faut cependant insister sur les recommandations : les gens doivent comprendre qu’il faut aller se faire dépister au moindre symptôme qui pourrait être compatible avec le Covid. Idéalement, tout symptôme d’infection respiratoire devrait encourager à se faire tester. Les symptômes spécifiques de la Covid (fatigue, perte de goût, d’odorat…) ne sont en effet pas présents systématiquement en cas d’infection.</p>
<p><strong>TC : Dans ces conditions, évidemment, il faut que le système de traitement suive derrière, car beaucoup plus de gens vont se faire tester. Est-ce la raison pour laquelle une des conditions du second déconfinement était de ne pas dépasser 5000 cas par jour ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Effectivement. Ce système de dépistage-isolement fonctionne très bien dans les cas où l’incidence de la maladie est très faible. Comme nous le précisions, nos résultats montrent que le taux de détection qu’on est capable d’atteindre dépend de l’incidence : il est meilleur lorsque l’incidence est faible.</p>
<p>Cette loi qui met en relation le taux de détection qu’on est capable d’atteindre en fonction de l’incidence de la maladie est un bon indicateur pour dire à quel moment on peut sortir du confinement : on sait qu’à telle incidence correspond en fait tel taux de détection.</p>
<p>Dans <a href="https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-020-01698-4">une autre étude</a> que nous avions mené lors du premier confinement, nous avions montré qu’il faut trouver au moins une infection sur deux (ce qui permet de mettre la personne à l’isolement, de trouver ses contacts) pour éviter d’avoir une résurgence de cas et pour éviter d’être obligé de mettre en place des mesures de distanciation sociale très strictes, comme le confinement.</p>
<p>C’est pourquoi il faut vraiment que les tests deviennent une habitude. On peut imaginer que, dans les semaines ou les mois à venir, d’autres technologies permettront d’améliorer encore la situation, comme le prélèvement salivaire, actuellement à l’étude. Au début cette approche a été mise de côté, car trop peu sensible, mais les protocoles ont été améliorés. On peut imaginer que dans quelques temps, les gens pourront se tester eux-mêmes.</p>
<p>Si nous voulons éviter de passer les quatre prochains mois confinés, il faut changer de paradigme.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi certains pays, comme la Corée du Sud, ont mieux réussi que la France ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Ils ont utilisé des méthodologies plus invasives, qui n’auraient pas été acceptées en France ou en Europe. La Corée du Sud croise par exemple énormément de bases de données contenant des informations sur les individus : achats par carte bancaire, caméras de vidéosurveillance, applications de traçage… La question de la vie privée y est abordée différemment qu’en France et, plus largement, en Europe. Mais ce n’est pas la seule raison du succès de ce pays. La Corée était notamment bien préparée à ce type d’épidémie car elle avait déjà vécu non seulement l’épidémie de SARS, mais aussi celle de MERS.</p>
<p>L’exemple de Singapour est également intéressant : tous les travailleurs de secteurs considérés comme essentiels sont testés chaque semaine. En outre, pour chaque cas symptomatique testé, 10 cas contacts sont suivis et placés en isolement préventif avant d’être testés. En France et en Europe, ce chiffre est plutôt de 3 à 4. </p>
<p>Mettre en place ce type de mesure requiert non seulement une logistique et des stocks, mais aussi un changement de paradigme. Nous n’avons pas cette culture qui consiste à utiliser l’isolement individuel comme arme pour combattre l’épidémie, alors que c’est un moyen de lutte traditionnel en épidémiologie. Nous avons plutôt tendance à confiner tout le monde ou presque, plutôt que les personnes à cibler.</p>
<p>À cela s’ajoute aussi certainement une composante culturelle : la campagne de dépistage menée au Havre n’a par exemple pas été autant suivie qu’on l’espérait.</p>
<p><strong>TC : Que va-t-il se passer en janvier, après les fêtes de fin d’année ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> La réponse à cette question est difficile à donner, car ce qui va se passer en janvier dépend des mesures qu’on va mettre en place : a-t-on l’intention de continuer à casser la courbe ? Va-t-on tolérer une certaine augmentation, jusqu’au moment où la tension va devenir trop importante sur les hôpitaux ?</p>
<p>Une chose est sûre, si on ne fait rien, nous allons sans doute assister à une augmentation des cas. Nous sommes en hiver, et les conditions sont favorables à la propagation de l’épidémie.</p>
<p>Il faut être bien conscient que si les gestes barrières et le port du masque sont importants, ils ne suffisent pas à endiguer à eux seuls la pandémie, sinon elle serait aujourd’hui de l’histoire ancienne : en Asie du Sud-Est, ces mesures sont en place depuis le début de l’année.</p>
<p>C’est ici que le dépistage intervient, de façon complémentaire. Plutôt que de se focaliser sur les vacances et les semaines à venir, il faut se placer dans une perspective de long terme. Cet hiver, nous devrons continuer à combattre cette épidémie avec les outils dont nous disposons aujourd’hui. En effet, la vaccination ne freinera probablement pas l’épidémie avant l’hiver prochain. Il ne s’agit pas d’être pessimiste, mais de réaliser qu’on ne va pas sortir de cette épidémie dans les 15 prochains jours…</p>
<p><strong>TC : Le taux de détection a-t-il un impact sur la détection de nouveaux variants, tels que celui qui a entraîné l’isolement du Royaume-Uni récemment ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Sans doute, mais nous n’avons pas étudié cet aspect. Il faut savoir que seule une sous-partie des cas positifs est séquencée, et que ce nombre de séquençages <a href="https://covidcg.org/?tab=global_sequencing">varie énormément d’un pays à l’autre</a>.</p>
<p>Pour ce qui est de répondre à la question que tout le monde se pose, à savoir si ce nouveau variant britannique a pu diffuser ailleurs en Europe, on peut répondre que c’est très probable, étant donné qu’il circule en Angleterre depuis septembre. Il a d’ailleurs été identifié à Rome ces derniers jours, à partir d’échantillons provenant de ressortissants qui revenaient du Royaume-Uni.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vittoria Colizza a reçu des financements de l'ANR, de la Commission européenne, et du consortium REACTing.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Giulia Pullano et Laura Di Domenico ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À la veille des fêtes, et alors que nous venons d’entrer dans l’hiver, la question du devenir de l’épidémie se pose plus que jamais. Le système de dépistage constituera un des piliers de son contrôle.Vittoria Colizza, Directrice de recherche - Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université), InsermGiulia Pullano, Doctorante en santé publique, InsermLaura Di Domenico, Doctorante en santé publique, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418152020-07-26T17:18:34Z2020-07-26T17:18:34ZCovid-19 en Afrique : les chiffres reflètent-ils la réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347080/original/file-20200713-22-143nko0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C4%2C2932%2C2043&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les rues de Kinshasa, en République démocratique du Congo, seule une faible proportion des passants porte un masque.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Néville Mboyolo / Projet DashBoard</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Comme le soulignait le 12 juin dernier <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/coronavirus-la-pandemie-s-accelere-en-afrique-l-oms-lance-l-alerte-12-06-2020-2379586_3826.php">Matshidiso Moeti</a>, directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique, s’il a fallu 98 jours pour atteindre la barre des 100 000 cas sur le continent africain, seuls 18 ont été nécessaires pour franchir celle des 200 000. À l’heure où nous écrivons ces lignes, <a href="https://africacdc.org/covid-19/">828 214 cas et 17 509 décès</a> y ont été détectés.</p>
<p>Cela ne représente qu’une part infime des cas et décès mondiaux. En d’autres termes, alors que la pandémie a déjà fait des ravages en Europe et en Amérique, le continent africain, lui, reste moins touché qu’annoncé – alors que l’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/08/coronavirus-50-millions-d-africains-pourraient-basculer-dans-l-extreme-pauvrete-selon-la-bad_6045582_3212.html">impact économique</a>, les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/15/au-sahel-le-virus-de-la-faim-menace-des-millions-de-personnes_6046265_3210.html">difficultés nutritionnelles</a> et la <a href="https://www.who.int/news-room/detail/15-07-2020-who-and-unicef-warn-of-a-decline-in-vaccinations-during-covid-19">baisse de la couverture vaccinale</a> provoqués par l’épidémie sont d’ores et déjà très notables.</p>
<h2>Plusieurs réponses</h2>
<p>Pourquoi le continent africain semble-t-il relativement épargné ? </p>
<p>C’est la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/05/coronavirus-pourquoi-l-afrique-resiste-mieux-que-le-reste-du-monde_6038758_3212.html">question</a> que <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/08/coronavirus-le-catastrophisme-annonce-reflet-de-notre-vision-de-l-afrique_6039110_3212.html">beaucoup se posent</a>, et plusieurs explications ont été avancées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-en-afrique-la-flambee-epidemique-que-lon-craignait-ne-sest-pas-encore-produite-139744">Covid-19 en Afrique : « la flambée épidémique que l’on craignait ne s’est pas encore produite »</a>
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<p>Tout d’abord, l’expérience acquise dans la gestion d’épidémies antérieures, et en particulier de <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1126/Afolabi_Ebola-Covid_2020.pdf?1595328479">la maladie à virus Ebola</a> avec <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1132/Nachega-2020-The-colliding-epidemics-of-covid_LGH_2020.pdf?1595487238">la mobilisation des soignants formés</a>, la <a href="https://www.franceculture.fr/societe/face-au-covid-19-les-lecons-debola">réactivation d’infrastructures existantes, de centres de traitement ou de détection</a>.</p>
<p>Ensuite, la <a href="https://theconversation.com/comment-la-jeunesse-de-sa-population-peut-expliquer-le-faible-nombre-de-morts-du-covid-19-en-afrique-139832">jeunesse de la population</a> irait de pair avec des formes asymptomatiques de la maladie.</p>
<p>Enfin, la <a href="https://theconversation.com/covid-19-en-afrique-la-flambee-epidemique-que-lon-craignait-ne-sest-pas-encore-produite-139744">prévalence des comorbidités serait plus faible</a> qu’en Europe et plusieurs facteurs protégeraient la population : par exemple, des <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/coronavirus-piste-predisposition-genetique-2020-04-22-1201090634">prédispositions génétiques</a>, la rencontre fréquente avec d’autres virus (hypothèse de l’immunité croisée).</p>
<p>Certains éléments laissent cependant craindre une évolution moins favorable. En effet, l’accès au diagnostic, renforcé dès le début de la crise, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-01265-0">reste sous contraintes logistiques ou d’approvisionnement en tests à l’échelle du continent</a>. Les chiffres disponibles ne montrent donc que la partie émergée de l’iceberg.</p>
<p>Par ailleurs, on sait que les comorbidités comme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28582528/">l’obésité, le diabète</a> et <a href="https://www.hsd-fmsb.org/index.php/hsd/article/view/1302">l’hypertension artérielle</a> sont en <a href="https://www.jeuneafrique.com/316001/societe/sante-lepidemie-de-diabete-touche-lafrique-de-plein-fouet/">pleine expansion</a> chez les adultes en Afrique.</p>
<p>De plus, il semble que le <a href="https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6">nombre de cas notifiés</a> soit à la hausse dans de nombreux pays tout en restant sur un plateau élevé dans d’autres, avec un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-la-covid-19/article/comprendre-le-nombre-de-reproduction-r">nombre de reproduction</a> entre 1 et 1,5.</p>
<p>Enfin, en République démocratique du Congo comme au Mali, au <a href="https://www.gabonreview.com/covid-19-les-hopitaux-arrivent-a-saturation/">Gabon</a>, au <a href="http://afrique.le360.ma/autres-pays/societe/2020/06/03/30750-coronavirus-au-cameroun-les-hopitaux-sont-bientot-satures-30750">Cameroun</a> et au <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1104/COMMUNIQUE_132_DU_11_JUILLET.pdf">Sénégal</a>, des <a href="https://www.jeuneafrique.com/994310/societe/coronavirus-comment-le-senegal-evite-la-saturation-de-ses-hopitaux/">témoignages</a> de soignants et d’acteurs de la riposte au Covid-19 font état de transferts de patients vers des structures extra-hospitalières, et d’une augmentation de la transmission communautaire et du nombre d’<a href="http://www.sante.gouv.sn/sites/default/files/SITREP_36_COVID_SN.pdf">appels au SAMU</a> (Service d’aide médicale urgente).</p>
<p>D’autres témoignages sont certes plus rassurants, notamment sur la situation dans les hôpitaux, mais la peur de la contagion <a href="https://twitter.com/UNFPASenegal/status/1263883580020834304">retarde</a> la prise en charge de situations cliniques engageant le pronostic vital, en <a href="https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(20)30319-3/fulltext">particulier les urgences obstétricales</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.seneweb.com/news/Sante/covid-19-senegal-plus-de-3000-patients-s_n_324465.html">mobilisation des équipes médicales face à l’épidémie de Covid-19 </a>a ainsi un impact négatif sur la prise en charge d’autres pathologies et sur les soins en général, comme on a pu le voir avec <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6344071/">l’épidémie d’Ebola</a>. Enfin, <a href="https://www.afro.who.int/fr/news/la-pandemie-de-covid-19-pourrait-aggraver-linsecurite-alimentaire-et-la-malnutrition-en">l’OMS a déjà alerté</a> sur des difficultés d’accès aux denrées alimentaires susceptibles de conduire à une augmentation de la malnutrition. Autant dire qu’in fine, le véritable impact de la pandémie en Afrique est mal connu.</p>
<h2>Au-delà des chiffres…</h2>
<p>L’analyse des données des <a href="https://africacdc.org/covid-19/#">Centres africains de contrôle et de prévention des maladies</a> est intéressante à maints égards. Notre analyse (voir la figure ci-dessous) confirme que plus on teste, plus on compte de cas bien évidemment, et que l’incidence cumulée des cas notifiés de Covid-19 est directement proportionnelle au pourcentage de la population testée.</p>
<p>Dans le détail, on voit ainsi qu’en Afrique du Sud (numéro 41 sur la figure), où l’incidence est très forte, le taux de testing est élevé, alors qu’en Tanzanie et au Burundi (numéros 44 et 6), c’est l’inverse. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Ghana (numéros 38, 11, 7 et 20), quant à eux, se trouvent dans une situation intermédiaire. À proportion testée identique, les écarts d’incidence cumulée traduisent des situations épidémiologiques contrastées et/ou des recommandations de dépistage variables. La situation du testing et, par conséquent, l’incidence cumulée du Covid-19, apparaît donc très hétérogène.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346948/original/file-20200711-26-2bsync.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Incidence cumulée du Covid-19 en Afrique selon le pourcentage de la population testée au 8 juillet 2020. Chaque point numéroté correspond à l’un des 49 pays listés dans le fichier de données téléchargeable ci-après.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1118/export_article_TC.xlsx?1594903559">Africa CDC</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On observe ensuite que la proportion des décès parmi les malades (CFR, ou Case Fatality Rate) est d’autant plus faible que de nombreux tests sont effectués. Et ce qui est frappant, c’est l’hétérogénéité de cette létalité d’un pays à l’autre (voir la figure ci-dessous) lorsque peu de tests sont réalisés, reflétant des indications de diagnostic et des capacités de prise en charge variables.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346950/original/file-20200711-189224-n84amb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Létalité de la Covid-19 rapportée en Afrique, selon le pourcentage de la population testée au 8 juillet 2020. Chaque point numéroté correspond à un des 49 pays listés dans le fichier de données téléchargeable ci-après.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1118/export_article_TC.xlsx?1594903559">Africa CDC</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On note également, dans bien des pays, que le nombre de cas quotidiennement notifiés n’augmente pas comme il l’a fait sur les autres continents en début d’épidémie : une stabilité que l’on peut légitimement attribuer au plafonnement du nombre de cas pouvant être confirmés chaque jour, du fait de capacités diagnostiques limitées ou de tests dont l’indication est ciblée (formes symptomatiques).</p>
<p>Cependant, l’introduction au Cameroun de la stratégie « Track Test and Treat » (introduction de tests de diagnostic rapides) va dans le sens opposé. Cette stratégie a permis d’effectuer des tests nettement plus nombreux dans dix régions affectées et une augmentation importante des cas a été observée dès leur mise en place début mai. Ces constats illustrent la grande hétérogénéité de la pandémie en Afrique.</p>
<p>En somme, qu’il s’agisse des cas quotidiennement notifiés, de l’incidence cumulée, ou de la proportion des décès, les chiffres officiels ne peuvent pas refléter à eux seuls la diffusion réelle de la pandémie, tout comme aux États-Unis où les cas <a href="https://time.com/5859790/cdc-coronavirus-estimates/">pourraient être dix fois plus nombreux</a> que ce que les statistiques indiquent.</p>
<h2>D’autres actions sont nécessaires</h2>
<p>Pour l’heure, les tests ne sont préconisés que pour les cas suspects, les personnes avec qui ceux-ci ont été en contact, et le personnel soignant. Or pour mieux apprécier l’ampleur de l’épidémie, il conviendrait d’élargir massivement l’accès aux tests virologiques ou de mettre en place des algorithmes intégrant des tests antigéniques et sérologiques, comme au Cameroun.</p>
<p>On pourrait aussi mener des enquêtes épidémiologiques en population générale ou au sein de groupes particuliers (soignants, institutions fermées, enfants, hébergement dense…) utilisant des tests sérologiques validés : c’est ce qui a été réalisé en <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0140673620313040">avril/mai à Genève</a>, où les chercheurs ont constaté que pour chaque cas notifié il y avait eu 11 personnes infectées.</p>
<p>C’est aussi ce qui est en cours au Mali à travers des protocoles d’enquêtes sérologiques transversales et en série, en milieux urbain et rural, dans la population générale, chez les enfants, les femmes enceintes et les travailleurs de la santé. Aussi, les actions doivent être encouragées et poursuivies dans le domaine de la surveillance active, du dépistage précoce, de la gestion des cas, de l’isolation, de la recherche des contacts, de la distanciation physique et des essais thérapeutiques et vaccinaux dans le contexte africain. Il faut encourager les pays et équipes africaines de recherche impliquées dans la gestion de la pandémie à travailler en réseau, en collaboration avec les partenaires, notamment l’OMS et le CDC-Afrique de l’Union africaine.</p>
<p>Autre action à préconiser : évaluer le respect des mesures barrières par la population. À Bukavu et Kinshasa (comme nous l’expliquons dans un article à paraître dans Tropical Medicine and Health), en République démocratique du Congo, dans cinq quartiers (trois rues servant de référence pour chacun d’eux) et chaque mercredi, du 17 juin au 8 juillet 2020, il a été constaté que le masque est très peu utilisé, en dépit des <a href="https://www.aa.com.tr/en/africa/covid-19-rwanda-dr-congo-make-mask-wearing-mandatory/1810165">recommandations officielles</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme se promenant masquée dans les rues de Bukavu, avec des passants en arrière-plan." src="https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347950/original/file-20200716-35-140qx69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les rues de Bukavu comme ailleurs, les masques sont encore trop rarement portés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gloire Kalunduzi Baraka/Projet Dashboard</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’évidence, de telles observations, ajoutées aux tests virologiques et sérologiques, pourraient aider les pouvoirs publics à ajuster leur réponse à l’épidémie.</p>
<p>Au bilan, constatant les nombreuses inconnues qui demeurent quant à la réalité de l’épidémie africaine, ses déterminants et ses conséquences, et soucieux d’en prendre la mesure pour ajuster la riposte, nous recommandons :</p>
<ul>
<li><p>un accroissement des capacités diagnostiques et l’intégration de tests antigéniques et sérologiques validés dans les algorithmes nationaux ;</p></li>
<li><p>l’ajout d’indicateurs de l’observance des mesures de prévention et d’indicateurs hospitaliers aux tableaux de bord de suivi ;</p></li>
<li><p>une réorientation des modalités de réponse à l’épidémie afin d’assurer une continuité des services de santé courants préventifs et curatifs ;</p></li>
<li><p>l’inclusion des communautés dans la co-construction des messages/informations sur les mesures barrières ;</p></li>
<li><p>une recherche coordonnée intégrant diversité disciplinaire et thématique (prévention, diagnostic, clinique, thérapeutique, conséquences humaines, sociétales et économiques) afin de comprendre et d’éclairer les décisions de santé publique, de faire taire <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/1131/Tasnim-2020-Impact-of-rumors-and-misinformation.pdf?1595452681">rumeurs et désinformation.</a></p></li>
</ul>
<hr>
<p>Les auteurs de cet article remercient pour leur contribution René Ecochard (Université Lyon 1, France) ; Benjamin Longo-Mbenza (Faculté de Médecine, Université de Kinshasa, République démocratique du Congo) ; Youssouf Traoré (Président de la Société malienne de gynécologie-obstétrique et membre du Comité national de crise pour la lutte contre la Covid-19, Bamako, Mali).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141815/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Etard a reçu des financements de l’ANRS dans le cadre du projet COVEPIGUI (enquêtes seroépidémiologiques en population en Guinée) » ).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leon Tshilolo receives funding from Caritas China.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdoulaye Touré, Cheikh Tidiane Ndour, Philippe Katchunga Bianga, Samba Sow et Yap Boum ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Plafonnement des capacités diagnostiques, faible proportion de tests, saturation des services extra-hospitaliers… Autant de raisons limitant la représentativité des chiffres officiels pour l’Afrique.Jean-François Etard, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Abdoulaye Touré, Professeur agrégé en santé publique, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)Cheikh Tidiane Ndour, Professeur d’infectiologie, chef de la Division sida et infections sexuellement transmissibles au ministère de la Santé et de l’action sociale (Dlsi), Université Cheikh Anta Diop de DakarLeon Tshilolo, Professeur, Université Officielle de Mbujimayi, Université de LubumbashiPhilippe Katchunga Bianga, Professeur - membre de la Commission scientifique du comité multisectoriel de coordination de la riposte contre la pandémie à coronavirus au Sud-Kivu, Université Officielle de BukavuSamba Sow, Professeur, Directeur général du Centre pour le développement des vaccins du Mali (CVD-Mali), University of MarylandYap Boum, Professor in the faculty of Medicine, Mbarara University of Science and TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1390052020-06-11T17:13:33Z2020-06-11T17:13:33ZQuelques pistes pour mieux dépister le cancer du col de l’utérus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336782/original/file-20200521-102667-1ucu05x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/doctor-hand-holding-liquid-base-cytology-1503870956">Komsan Loonprom</a></span></figcaption></figure><p>Comparativement aux autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le système de santé français dispose d’un financement public plus étendu (<a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=SHA">83 % contre 73 % en moyenne</a>), avec une participation directe des ménages parmi les plus faibles (<a href="https://www.oecd.org/fr/sante/systemes-sante/Panorama-de-la-sant%C3%A9-2019-Chapitres-0-1-2.pdf">2 % contre 3,3 %</a>). Ses performances en termes d’accessibilité aux soins semblent donc incontestables. Pourtant, la France accuse un retard patent en matière de prévention, tout particulièrement dans le domaine du cancer.</p>
<p>Dans notre pays, la <a href="https://data.oecd.org/healthstat/potential-years-of-life-lost.htm">surmortalité prématurée</a> est plutôt élevée : 4 167 années de vie perdues pour 100 000 habitants âgés de moins de 69 ans. Cette situation est notamment <a href="https://data.oecd.org/healthstat/deaths-from-cancer.htm">due aux cancers</a> (198 décès par an pour 100 000 habitants). Ceci peut non seulement s’expliquer par des comportements à risque (tabac, alcool) très répandus, mais aussi par un taux de dépistage trop faible. </p>
<p>Au nombre des cancers à mieux dépister figure notamment le cancer du col de l’utérus. Prenant appui sur les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), un programme de dépistage de cette maladie a été lancé en 2019.</p>
<h2>Un dépistage annuel pour les femmes de 25 à 65 ans</h2>
<p>En Europe, quatorze pays européens proposent un programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus, parfois depuis très longtemps : dans sept pays d’Europe du Nord, ce dépistage existe depuis les années 1960. </p>
<p>Depuis 2019, la France les a rejoints, en généralisant l’expérience du dépistage à l’ensemble du territoire dans le cadre du <a href="https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Plan-Cancer-2014-2019">Plan cancer 2014-2019</a>. Jusqu’alors, l’expérience ne concernait pas tous les départements, bien que l’expérimentation française du dépistage ait débuté dès les années 1990&nbsp. Trois départements avaient alors commencé à mettre en place le dépistage, bientôt rejoints par un quatrième en 2001, puis 10 autres en 2010 (l’un des départements se prêtant auparavant à l’expérience s’étant retiré en 2004). </p>
<p>Selon la HAS, le dépistage de la maladie, réalisé par <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/examen/gynecologie/deroulement-frottis-col-uterin">frottis cervico-utérin</a>, devrait être mené tous les 3 ans chez les femmes âgées de 25 à 65 ans. Le <a href="https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-col-de-l-uterus/Le-programme-de-depistage-organise">programme de dépistage</a> français, mis en œuvre par les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers, s’est fixé un double objectif : réduire l’incidence et le nombre de décès par cancer du col de l’utérus de 30 % d’ici 10 ans, en visant 80 % de dépistage dans la population cible.</p>
<p>Toutefois, pour augmenter le taux de dépistage, il faut le rendre plus accessible aux populations vulnérables et/ou éloignées du système de santé. Et pour y parvenir, il s’agit de repérer les leviers d’action, comme nous l’avons fait dans <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2019-2-page-43.htm">l’étude économétrique</a> dont nous présentons quelques résultats.</p>
<h2>De fortes disparités territoriales</h2>
<p>Outre la mise en exergue d’inégalités territoriales, nos travaux visaient surtout à identifier les moyens permettant d’accroître le taux de dépistage. Pour ce faire, nous avons mobilisé des données issues de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), sur une période allant de janvier 2012 à décembre 2014. L’échantillon, constitué en majeure partie d’enseignantes, concerne des femmes âgées de 25 à 65 ans.</p>
<p>Nos résultats montrent tout d’abord que la proportion de femmes dépistées pour le cancer du col de l’utérus parmi les adhérentes de la MGEN est légèrement supérieure à celle observée en population générale (64 % versus 61 %). Mais de fortes disparités territoriales sont observées entre le Nord et le Sud de la France (voir carte ci-dessous), avec des taux de dépistage allant du simple (36,4 % dans la Creuse) au double, voire davantage (80,9 % dans le Territoire de Belfort). Ces écarts peuvent traduire des différences au niveau socio-économique, en termes d’état de santé ou encore en matière d’offre de soins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338079/original/file-20200527-20229-cz6hdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des femmes dépistées (pourcentage).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Globalement, et toutes choses égales par ailleurs, plusieurs freins au dépistage du cancer du col de l’utérus ont été relevés : l’avancée en âge (à partir de 40 ans), le fait de vivre seule, l’absence de couverture complémentaire et l’absence d’un dépistage du cancer du sein. Une moindre densité de gynécologues, un faible niveau socio-économique (avec peu de cadres) et des tarifs trop élevés (au-delà de 200 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale, BRSS) diminuent également le recours au dépistage.</p>
<h2>La nécessaire consultation auprès d’un gynécologue</h2>
<p>Dans le détail, les femmes ayant réalisé une <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/examen/imagerie-medicale/deroulement-mammographie">mammographie</a> au cours des deux dernières années de l’étude ont une probabilité cinq fois plus élevée d’avoir procédé au frottis cervico-utérin. Le suivi pour contraception ou pour grossesse, quant à lui, multiplie par deux cette probabilité. Et in fine, les femmes consultant régulièrement leur gynécologue sont plus nombreuses à se soumettre à un dépistage du cancer du col de l’utérus.</p>
<p>La complémentarité entre les dépistages des cancers du col utérin et du sein est donc particulièrement forte, qu’il s’agisse d’une plus grande disposition individuelle à la prévention, ou d’une sensibilisation dans le cadre d’un programme de dépistage organisé. Mais les tarifs et la proximité de gynécologues jouent aussi un rôle central. Or leur inégale répartition géographique (voir la carte ci-dessous) pourrait s’aggraver avec l’évolution de la démographie médicale : au moins jusqu’en 2030, on s’attend en effet à voir diminuer la <a href="http://dataviz.drees.solidarites-sante.gouv.fr/Projection-effectifs-medecins/">densité des généralistes et des gynécologues libéraux</a> sur le territoire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=642&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338080/original/file-20200527-20245-1inl2b1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des gynécologues (densité).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant les tarifs, notons que 61 % des gynécologues libéraux exercent en secteur 2, c’est-à-dire avec des dépassements d’honoraires, voire 89 % à Paris et dans les Yvelines (voir carte ci-dessous). Ce dépassement est loin d’être négligeable, puisqu’on <a href="https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Observatoire_des_pratiques_tarifaires.pdf">l’estime en moyenne à 198,2 %</a> de la BRSS. Problème : au-delà d’un dépassement de 200 % de la BRSS, nos résultats montrent que le recours au dépistage par frottis diminue de 24 %. Or il semble bien que cette difficulté n’ait pas été prise en compte…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338081/original/file-20200527-20229-17j2ztc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des gynécologues en secteur 2 (pourcentage).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment améliorer le taux de dépistage ?</h2>
<p>Depuis la généralisation du programme de dépistage à l’ensemble du territoire, les femmes invitées à y participer peuvent bénéficier d’un examen pris en charge par l’Assurance maladie, sans avance de frais. Mais s’il est possible de se rendre dans un centre de radiologie sans prescription pour une mammographie entièrement prise en charge, la consultation d’un généraliste, gynécologue ou sage-femme s’impose pour un frottis. Or seuls le prélèvement et son analyse sont en réalité intégralement pris en charge par la Sécurité sociale. La consultation, en revanche, peut se révéler pour partie non remboursée en cas de dépassement d’honoraires.</p>
<p>En participant à mieux informer les femmes, notamment celles qui ne consultent plus de gynécologue, la généralisation du programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus devrait augmenter le nombre de celles qui s’y soumettent. Mais l’inégale répartition des gynécologues et la persistance de dépassements d’honoraires constituent néanmoins un frein au succès de l’opération. De ce point de vue, la création de maisons et pôles de santé associant divers professionnels dans les zones rurales et défavorisées pourrait améliorer la donne. Et ce, d’autant plus que l’on incitera des généralistes et des sages-femmes – sans potentiels dépassements d’honoraires – à pratiquer le frottis cervico-utérin.</p>
<p>Autre possibilité : créer une consultation spécifique au dépistage chez le gynécologue, avec un tarif opposable, c’est-à-dire fixé dans le cadre d’une convention signée entre le professionnel de santé et l’Assurance maladie. La potentielle perte de revenus pourrait alors être partiellement compensée par un mécanisme similaire à celui de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) : les gynécologues proposeraient une consultation sans dépassement d’honoraires dans le cadre du dépistage du cancer du col, et bénéficieraient d’un bonus financier en fonction du nombre de tests pratiqués par rapport aux objectifs fixés. Seul bémol : pour l’heure, ce mécanisme n’a eu que des effets mitigés sur les <a href="https://www.ameli.fr/medecin/actualites/la-rosp-en-2018-des-resultats-bien-orientes-apres-une-periode-dappropriation-necessaire">indicateurs de prévention</a> avec les médecins traitants. Un constat à creuser pour lever tous les freins au dépistage…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si la France est bonne élève en termes d’accès aux soins, elle accuse un retard patent en matière de prévention. Notamment pour éviter la survenue de certains cancers, dont celui du col de l’utérus.Anne-Marie Konopka, Doctorante CIFRE en économie de la santé - Fondation MGEN pour la santé publique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Christine Sevilla-Dedieu, Responsable des études économiques, Fondation MGEN pour la santé publiqueThomas Barnay, Full Professor of Economics, Director of ERUDITE Unit research (Équipe de Recherche sur l’Utilisation des Données Individuelles en lien avec la Théorie Economique), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1370182020-05-19T14:26:03Z2020-05-19T14:26:03ZCovid-19 : les soins de première ligne ont été négligés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334835/original/file-20200513-156633-1fsqxnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme est testé dans une clinique temporaire COVID-19 à Montréal, le mardi 12 mai 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>La crise de la Covid-19 aura rappelé au grand public la pertinence de la santé publique et surtout, que l’hôpital demeure une institution centrale du système de santé et de services sociaux, aux yeux de décideurs.</p>
<p>Cette focalisation sur l’hôpital en début de pandémie a retardé la préparation dans d’autres secteurs. Cela explique en partie la crise sévissant dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) et, dans une moindre mesure, dans les services à domicile, où les problèmes commencent à émerger. Les proches aidants sont épuisés, les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1703839/quebec-proche-aidant-domicile-alzheimer-confinement-epuisement-covid-19">services offerts aux bénéficiaires ayant été coupés durant la pandémie</a>.</p>
<p>Ainsi en est-il aussi des services de première ligne.</p>
<p>En tant que directeur scientifique du <a href="http://reseau1quebec.ca">Réseau de connaissances en services et soins de santé intégrés de première ligne</a> et professeur-chercheur à l’Université de Sherbrooke, je m’intéresse aux conditions d’efficience de l’organisation des services de santé et sociaux depuis 20 ans, tout comme ma co-auteure, Catherine Hudon, qui exerce comme médecin de famille dans le réseau de la santé depuis 22 ans. </p>
<p>Les jeux de lumières et d’ombres médiatiques ont révélé une confusion dans l’opinion publique quant à la première ligne. Microbiologistes et autres pneumologues ont été qualifiés de première ligne, alors que la première ligne véritable (cliniques médicales, groupes communautaires, urgences, Info-santé, ambulanciers) n’a pas fait l’objet d’autant d’attention, sauf les lignes publiques d’information (<a href="https://www.quebec.ca/sante/trouver-une-ressource/info-social-811/">comme l’Info-Social 811</a>), les cliniques de dépistage ad hoc et les urgences.</p>
<p>Il va sans dire que l’hôpital, les spécialistes et les urgentistes jouent un rôle des plus importants dans un tel contexte. Il n’est donc nullement question ici d’en réduire l’importance. Il est tout aussi évident que la première ligne n’est pas structurée pour accueillir une masse de personnes contagieuses ou potentiellement contagieuses. Néanmoins, la santé publique, le 811, les cliniques de dépistage et les urgences requièrent, pour leur propre efficacité, une première ligne qui joue un rôle crucial.</p>
<h2>Sept conditions essentielles</h2>
<p>La première ligne doit pouvoir continuer de jouer un rôle indispensable pour les clientèles les plus vulnérables, tant sur les plans de la santé physique et mentale que sur le plan social.</p>
<p>Le cas de Montréal-Nord, un des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698270/coronavirus-cas-montreal-nord-quebec-covid-tests">quartiers parmi les plus touchés</a> au Canada, montre l’importance de services de proximité en contexte urbain où le nombre de personnes vulnérables est élevé. Ces services existent, mais n’ont pas été de facto mis en priorité pendant la crise. Il montre aussi le lien entre la première ligne et les soins de longue durée.</p>
<p>Or, un certain nombre de conditions sont requises pour que les services de première ligne puissent jouer pleinement leur rôle, notamment :</p>
<ul>
<li><p>Mettre à disposition des équipements de protection et des équipements de prélèvements nécessaires avant les premiers signes de la pandémie.</p></li>
<li><p>Prendre en considération les conditions chroniques préexistantes à la Covid-19 et de ses effets psychosociaux sur les patients (la mauvaise gestion de la douleur peut avoir des effets sur la capacité de la personne à prendre soin d’elle-même).</p></li>
<li><p>Élaborer et soutenir une stratégie de téléconsultation de qualité et durable permettant aux patients de consulter leur médecin ou un autre professionnel de la santé à distance.</p></li>
<li><p>Planifier dès en amont de la pandémie une contribution de l’ensemble des ressources communautaires, notamment en aménageant les espaces pour recevoir des personnes contaminées.</p></li>
<li><p>Rappeler l’importance de la continuité des soins pour l’ensemble de la population, y compris pour les soins en contexte pandémique (ex. : les personnes hospitalisées en raison de la Covid-19 vont dans la majorité des cas revenir à domicile, et certains auront à vivre des conséquences qui devront être x en charge).</p></li>
<li><p>Anticiper dès maintenant l’important effet d’écho qui suivra sur une longue période les patients dont le suivi aura été reporté ou altéré (effets secondaires, aggravation de la condition de santé, perte d’autonomie fonctionnelle).</p></li>
<li><p>S’assurer que les cellules de décision en temps de crise incluent des conseillers scientifiques experts de la première ligne et des maladies chroniques et ce, à tous les échelons décisionnels.</p></li>
</ul>
<h2>L’arrivée de la phase endémique</h2>
<p>La faible performance du Québec quant à <a href="http://unitesoutiensrapqc.ca/realisations/avis-conjoint/">l’accès et à l’utilisation des données cliniques de première ligne</a> est particulièrement néfaste en contexte pandémique, pour la recherche, pour la décision clinique éclairée et pour la gestion. Il faudra dans les prochains mois rehausser le Québec au niveau canadien en la matière surtout dans la perspective de phases de répliques pandémiques et, surtout, de la phase probable endémique. La Covid-19 pourrait devenir une pathologie saisonnière comme le virus de la grippe.</p>
<p>De même, un important effort de recherche devra être consenti pour bien comprendre les effets de la pandémie, surtout ceux qui ne sont pas captés par les mesures officielles de la santé publique. Celles-ci sont effectuées surtout à partir de données hospitalières, et sur les effets à long terme sur la santé.</p>
<p>La première ligne absorbera les répercussions de la pandémie et du bris de services pendant des mois, peut-être des années. Des premières études, notamment en Écosse, <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/09/covid-19-hundreds-of-uk-care-home-deaths-not-added-to-official-toll">laissent présager d’une surmortalité découlant de problèmes de santé courants occultés par la Covid-19</a> et ce pour toutes les clientèles du système de santé et de services sociaux.</p>
<p>En appui au rôle incontournable de l’hôpital pour les soins aigus en contexte de pandémie, il est impératif de continuer à développer une première ligne qui peut assurer la continuité de ses services aux personnes les plus vulnérables en temps de crise, que ce soit dans la communauté, à domicile et dans les cliniques médicales.</p>
<p>La première ligne doit demeurer une priorité publique, même en temps difficile de pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137018/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La première ligne joue un rôle central pour les clientèles les plus vulnérables, tant pour la santé physique et mentale que pour les liens sociaux. Mais l’attention est surtout allée aux hôpitaux.Yves Couturier, Ph. D., professeur au département de travail social de l'Université de Sherbrooke et directeur scientifique du Réseau-1 Québec, Université de Sherbrooke Catherine Hudon MD, Ph.D., CMFC, Professeure et directrice de la recherche au Département de médecine de famille et médecine d'urgence de l'Université de Sherbrooke, et Directrice adjointe du Réseau-1 Québec, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381592020-05-14T18:40:21Z2020-05-14T18:40:21ZLe Covid-19 suscite une nouvelle stigmatisation des personnes LGBT+<p>« Je me suis dit que c’était une blague, je me suis demandé si c’était sérieux. » Un Nîmois de 38 ans <a href="https://tetu.com/2020/04/14/a-nimes-encore-un-courrier-homophobe-lie-au-coronavirus-arnaud-temoigne/">témoigne</a> dans le magazine <em>Têtu</em> le 14 avril 2020 suite au courrier homophobe (anonyme) qu’il a reçu, pointant que son homosexualité le rendait vulnérable au VIH et donc au coronavirus.</p>
<p>Les maladies infectieuses et la stigmatisation partagent une relation longue et problématique, en particulier lorsque les décès sont importants et le <a href="https://news.un.org/en/story/2020/04/1062042">Covid-19 n’est pas une exception</a>. </p>
<p>Cette attaque reflète le type de comportement discriminatoire et parfois criminel qui surgit en temps de crise à l’encontre des minorités, dans des périodes <a href="https://emergency.cdc.gov/cerc/cerccorner/article_123016.asp">particulièrement anxiogènes</a>. Or, la stigmatisation et les actes discriminatoires contre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3657897/">minorités sexuelles</a> (LGBTQ+), <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/daily-life-coping/reducing-stigma.html">représentent aussi un obstacle à leurs suivis médicaux</a>.</p>
<h2>Violence et disparités dans l’accès aux soins</h2>
<p>Souvent marginalisées et ostracisées, les minorités sexuelles subissent depuis de nombreuses années des discriminations liées, non seulement à leur sexualité mais aussi <a href="https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/lgbti-les-discriminations-sintensifient-pendant-le-covid19">aux éventuelles pathologies qu’elles peuvent contracter, tel le VIH</a>. Ces phénomènes engendrent des disparités dans l’accès, la <a href="https://www.paho.org/hq/index.php?option=com_content&view=article&id=12829:lgbt-advocates-say-stigma-and-discrimination-are-major-barriers-to-health&Itemid=1926&lang=en">qualité et la disponibilité des soins de santé</a>.</p>
<p>La discrimination peut entraîner le refus pur et simple de fournir des soins, ou de subir des soins de mauvaise qualité et des traitements irrespectueux ou abusifs, entre autres. Plusieurs personnes LGBTQ+ ont déjà signalé, dans le cadre de la prise en charge médicale du VIH, avoir subi un refus de traitement et des violences verbales de la part du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK64801/#ch2.s25">personnel soignant</a>.</p>
<p>Les professionnels de santé peuvent aussi également avoir une mauvaise compréhension des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22117138">besoins de santé spécifiques de ce groupe cible</a> comme quoi par exemple ? comme les aptitudes et compétences <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6370394/">médicales et culturelles spécifiques</a> permettant l’amélioration de la sensibilité, de la réceptivité et de la prise en charge adaptée aux minorités sexuelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335119/original/file-20200514-77243-o06gnq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une personne identifiée comme transmasculine en thérapie. Le personnel soignant n’est pas toujours formé pour comprendre les nécessités et besoins des patients LGBTQ+.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://genderphotos.vice.com/#Moods">Genderphotos Vice</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les minorités sexuelles ont précédemment été accusées de plusieurs catastrophes, qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle. Au début de l’épidémie de VIH, dans de nombreux pays, les homosexuels étaient fréquemment victimes d’abus, car ils étaient considérés comme responsables de la <a href="https://www.avert.org/professionals/hiv-social-issues/homophobia">transmission du VIH</a>.</p>
<p>Aussi, dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19 plusieurs rapports, évoqués par le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida, suggèrent que les personnes LGBTQ+ sont tenues pour responsables de ce fléau et qu’elles subissent une <a href="https://www.unaids.org/en/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2020/april/20200427_lgbti-covid">augmentation des actes discriminatoires</a>.</p>
<p>De plus, en raison des restrictions de mouvements et des mesures de distanciation sociale en vigueur, les minorités sexuelles sont aussi confinées dans des environnements familiaux et communautaires parfois hostiles pouvant augmenter leur exposition à la violence et à la maltraitance. Elles peuvent également être victimes de violence y compris de la part de leurs partenaires sans pouvoir procéder à des suites légales par crainte de répercussions, exacerbant ainsi <a href="https://www.ohchr.org/Documents/Issues/LGBT/LGBTI_f.pdf">leurs problèmes de santé physique et mentale préexistants</a>.</p>
<h2>Les discriminations et la haine exacerbées</h2>
<p>Il n’y a actuellement aucune preuve que les personnes vivant avec le VIH courent un risque accru d’acquérir le Covid-19 en raison de leur statut sérologique.</p>
<p>Mais, les fausses accusations et l’augmentation des actes de discrimination et de violence fondées sur l’orientation sexuelle peuvent augmenter les risques liés, non seulement au VIH, mais également au Covid-19 chez les minorités sexuelles. Le Covid-19 est pernicieux et est à la base de risques complexes, et bien que le virus ne fasse pas de discrimination, il est évident qu’il frappe les <a href="https://www.iasociety.org/covid-19-hiv">communautés marginalisées de nos sociétés de manière disproportionnée</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AOmqPFktg84?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Sida Info Service, les comparaisons entre VIH et Covid-19 sont communes. Deux virus pourtant très différents, le 23 avril 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>La crise actuelle risque d’être utilisée comme une nouvelle occasion par certains chefs religieux, politiciens et gouvernements hostiles, pour blâmer les minorités sexuelles, augmentant encore la haine populaire.</p>
<p>De telles déclarations, accusant une minorité d’une responsabilité dans cette pandémie, <a href="https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/lgbti-les-discriminations-sintensifient-pendant-le-covid19">peuvent provoquer un sursaut de haine</a>.</p>
<p>À titre d’exemple, un journal chrétien de la Corée du Sud, Kookmin Ilbo, a rapporté que les lieux visités par un homme nouvellement infecté par le coronavirus à Itaewon comprenaient un club gay. Le reportage a notamment reproché à l’homme et à ceux du club de mettre en danger la <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2020/05/12/asia-pacific/social-issues-asia-pacific/homophobia-south-korea-coronavirus/#.XrwZ0S-w1QI">lutte du pays contre la pandémie</a> et a déclenché un flot d’insultes homophobes sur les réseaux sociaux.</p>
<h2>Impact sur les services VIH</h2>
<p>Cette discrimination envers les minorités sexuelles se ressent également dans les services de santé VIH.</p>
<p>Ainsi, les programmes de prévention, axés sur les activités associatives tant en Haïti qu’en Belgique, destinés spécifiquement aux minorités sexuelles et tenant compte des relations potentiellement complexes entre la stigmatisation et les comportements sexuels à risque, ont <a href="https://www.who.int/news-room/detail/11-05-2020-the-cost-of-inaction-covid-19-related-service-disruptions-could-cause-hundreds-of-thousands-of-extra-deaths-from-hiv">été suspendus</a>. Ces <a href="https://preventionsida.org/fr/covid-19-les-activites-de-la-plateforme-prevention-sida-sont-impactees/">activités associatives et institutionnelles</a> comprennent la sensibilisation, le conseil et le dépistage éventuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260140157224845313"}"></div></p>
<p>Dans certains pays où les discriminations à caractère homophobe sont courantes, les professionnels de soins de santé ne traitent pas les patients atteints du VIH de façon équitable stigmatisant les homosexuels. Les entretiens que j’ai menés il y a trois semaines avec des personnes LGBTQ+ en Haïti pour mes <a href="https://www.researchgate.net/profile/Willy_Dunbar2">recherches doctorales</a> ont montré notamment une exacerbation de ces comportements pendant la pandémie du Covid-19.</p>
<p>La confidentialité et la peur du dépistage et de recevoir un résultat positif restent et demeurent des préoccupations majeures. Ce qui contribue à un accès aux traitements plus incohérent et interrompu.</p>
<p>Ces minorités font également face à des défis économiques qui représentent une des conséquences de l’ostracisme, d’un soutien social limité, d’une éducation souvent interrompue et d’une réduction de leur capacité à gagner dignement leur vie. Le manque de soutien structurel est considéré comme un obstacle majeur à l’amélioration de l’accès aux soins.</p>
<p>Par ailleurs, les responsables de programmes VIH pour les homosexuels en Haïti que j’ai interviewé craignent que l’attention des chercheurs, des bailleurs de fonds et des programmes de financement se détournent de la lutte contre le VIH afin de prioriser la réponse mondiale pour soutenir la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Cela aurait pour conséquence un retard dans les chaînes d’approvisionnement des produits destinés à la lutte contre le VIH, y compris la logistique et l’expédition.</p>
<h2>Développer de meilleurs outils pour les minorités en temps de Covid-19</h2>
<p>Les dirigeants politiques et religieux ont un rôle particulièrement influent pour assurer une réponse appropriée à la crise actuelle. Les restrictions des droits à la liberté personnelle et à la sécurité ne peuvent être imposées que dans des situations limitées, et doivent répondre à des directives claires et strictes dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains. Mettre l’accent sur la non-discrimination dans le maintien de l’ordre des mesures d’urgence est primordial.</p>
<p>Par ailleurs, il paraît urgent de développer des réponses innovantes au sein du système de santé pour que les minorités sexuelles, <a href="https://gh.bmj.com/content/4/3/e001693">marginalisées et donc particulièrement vulnérables</a> y aient accès au même titre que l’ensemble de la population. Par exemple, en favorisant les technologies pour recourir au soutien psychosocial, mieux suivre et retrouver les « perdus de vue » (ceux qui ratent leurs rendez-vous médicaux) et renforcer l’observance des traitements.</p>
<p>Comme l’a déclaré <a href="https://www.unaids.org/en/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2020/april/20200427_lgbti-covid">Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le VIH nous a appris que la violence, l’intimidation et la discrimination ne servent qu’à marginaliser davantage les plus vulnérables. Toute personne, indépendamment de son orientation sexuelle, de son identité de genre ou de son expression, a droit à la santé, à la sûreté et à la sécurité, sans exception. Le respect et la dignité sont plus que jamais nécessaires. »</p>
</blockquote>
<p>Les pays doivent désormais trouver un équilibre entre la réponse directe à la pandémie de Covid-19 et le maintien des services de santé essentiels aux niveaux national, régional et local.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Willy Dunbar a reçu des financements du Fonds Jacques Lewin – Inès Henriques de Castro pour ses recherches à l'ULB. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Coppieters ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La peur et l’anxiété entraînent une stigmatisation de communautés spécifiques, comme les minorités sexuelles, représentant ainsi un obstacle aux suivis médicaux.Willy Dunbar, Doctorant en Politiques et Systèmes de Santé à l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Yves Coppieters, Professeur à l'Ecole de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1363432020-05-11T19:29:47Z2020-05-11T19:29:47ZDistanciation sociale, masques, flot de données : les informations sont-elles pertinentes ?<p>Les premiers jours de la mise en place des dispositions de déconfinement progressif ne manquent pas de souligner l’importance de poursuivre les mesures de distanciation, obligent à réviser le discours sur l’utilisation des masques, et conditionnent ce retour à une circulation plus libre à des indicateurs ciblés suivis régulièrement, comme le nombre de décès ou de nouveaux cas détectés quotidiennement.</p>
<p>Sur ces trois sujets, les commentaires, supputations, analyses sont nombreux. Les données doivent cependant être prises avec beaucoup de recul.</p>
<h2>Des données à prendre avec des pincettes</h2>
<p>Depuis le début de l’épidémie, on recense en France, comme dans tous les pays le nombre de cas. Et on s’appesantit sur leur progression, sur la différence entre tel et tel pays.</p>
<p>Ainsi, la célèbre <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnee-covid-19-jhu-johns-hopkins-university/">Johns Hopkins University</a> nous offre chaque jour une image cumulée du nombre de cas confirmés, reprise par de nombreux médias. Comme nous assistions, pétrifiés, à la progression inexorable de la maladie, nous reprenons espoir en regardant depuis quelques jours la diminution de cette progression des cas. Et nous allons scruter ces évolutions au moment de la reprise d’activités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1258591060231704577"}"></div></p>
<p>Mais que veut dire cette carte ? Et est-elle suffisante ?</p>
<p>Tout d’abord il ne s’agit pas du nombre de cas, mais du nombre de cas confirmés, c’est-à-dire du nombre de cas dépistés. Ces informations dépendent de la manière dont les cas sont dépistés (donc de la stratégie de mise à disposition des tests de dépistage) et de l’inclusion ou non de formes peu symptomatiques (cas bénins) voire asymptomatiques. Donc sur cette base comparer, par exemple, la France et la Grande-Bretagne n’a pas de sens. Par ailleurs, les chiffres représentent le nombre de cas, mais rapportés à des populations très différentes. Comparer le nombre de cas aux États-Unis (pays de 350 millions de personnes) et la Belgique (10 millions de personnes) n’a donc aucun sens.</p>
<h2>Les taux de létalité annoncés</h2>
<p>De nombreuses hypothèses, qui ne sont en réalité que supputations, se basent sur les taux de létalité (<em>case fatality rates</em>). Et ces taux varient allègrement. Alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estimait à la mi-mars ce taux à 3,4 %, une étude publiée le 19 mars sur la situation à Wuhan aboutissait <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-020-0822-7">à un taux de 1,4 %</a>.</p>
<p>Comment expliquer ces différences ? Pourquoi l’Italie a un taux si élevé et l’Allemagne si faible ? Ces questions seraient justifiées (et le sont probablement), mais une réponse pertinente suppose que nous puissions être certains des chiffres. Or ce taux est calculé en rapportant le nombre de décès au nombre de personnes contaminées. Il est donc à différencier du taux de mortalité, qui est le nombre de décès rapporté à la population générale, et non au nombre de personnes malades ou contaminées.</p>
<p>De plus, pour calculer précisément ce taux de létalité, il faudrait d’une part, avoir des garanties sur le nombre exact de décès dont la cause est bien liée à l’infection par le SARS-CoV-2 (examiner par exemple si on comptabilise dans tous les pays les personnes âgées décédées de cette cause dans les maisons de retraite). Et, d’autre part, il faudrait des précisions sur le mode de calcul du nombre de personnes contaminées, souvent très lié à l’intensité du dépistage. Donc, la plupart du temps, les hypothèses fleurissent sur des données insuffisamment vérifiées et difficilement vérifiables.</p>
<h2>L’utilité du dépistage sérologique</h2>
<p>Au moment où se déploient les tests sérologiques (sur une goutte de sang) qui vont vérifier la présence d’anticorps anti-coronavirus, et donc la construction de l’immunité par l’organisme, il est fondamental de pouvoir disposer de <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-fonctionnent-les-tests-et-quelles-sont-leurs-utilites-135398">tests performants</a>.</p>
<p>Les premiers résultats peuvent paraître encourageants, puisqu’un test est déjà disponible. Mais l’utilité de ces tests dépend de notre connaissance de la façon dont est acquise l’immunité contre le virus. Si un test sérologique peut être potentiellement utile pour des surveillances en population générale, ou en complément du dépistage par un écouvillon naso-pharyngé (à l’intérieur du nez), son utilité pour identifier des personnes protégées contre le virus n’est absolument <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-05/rapport_indications_tests_serologiques_covid-19.pdf">pas avérée à ce jour</a>. En effet, pour l’instant on ne sait pas si les anticorps produits suite à une infection par le coronavirus <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-yves-levy-si-le-sars-cov-2-persiste-seul-un-vaccin-pourra-diminuer-le-risque-de-pandemie-136067">confèrent une protection, ni, si tel est le cas, quel en est la durée</a>.</p>
<h2>Est-ce pertinent d’utiliser des données comparatives ?</h2>
<p>Un des critères majeurs pour suivre le déconfinement est la pression sur les services de réanimation. Et nous entendons avec force et parfois virulence la comparaison avec l’Allemagne qui, elle, a su préserver ses lits de réanimation.</p>
<p>Mais parle-t-on des mêmes choses ? Recense-t-on les lits de réanimation et de surveillance continue de la même façon des deux côtés du Rhin ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253734433804431361"}"></div></p>
<p>Les différences ne sont peut-être pas aussi patentes que le <a href="https://www.decision-sante.com/actualites/breve/2020/05/07/dr-laurent-heyer-snphare-creation-de-rea-ephemere-plutot-que-de-nouveaux-lits-_29720">professent certains</a>. Comparaison n’est pas toujours raison, disait Raymond Queneau.</p>
<p>Ainsi, dans cette période où prolifèrent toutes ces données statistiques ou épidémiologiques, la base d’un « principe de précaution » dans leurs interprétations est loin d’être acquise.</p>
<h2>Distanciation physique ou sociale ?</h2>
<p>Le terme de <em>distanciation sociale</em>, que pratiquement personne ne connaissait il y a quelques semaines, hormis quelques spécialistes en maladies infectieuses et certains professionnels à l’OMS, a fait irruption avec fracas dans la population. Il avait pourtant été employé lors par cette organisation internationale lors de <a href="http://www.euro.who.int/fr/media-centre/sections/press-releases/2009/05/influenza-ah1n1-in-the-who-european-region,-no-time-for-complacency-working-together-to-prepare-for-a-pandemic">l’épidémie de H1N1 en 2009</a>, mais sans véritable écho.</p>
<p>Pourtant, ce qu’il recouvre <a href="https://doi.org/10.3406/adh.1998.2145">n’est pas nouveau</a>. On le retrouve dans chaque grand épisode épidémique, à travers les efforts qui sont faits pour ne pas entrer en contact avec des personnes contaminées ou malades. Les images que nous avons pu vivre en direct de ces paquebots cherchant désespérément un port qui accepte de laisser débarquer ses occupants évoquent l’imaginaire des lazarets, des léproseries.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334124/original/file-20200511-49573-1slho15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Deux lépreux demandant l’aumône, d’après un manuscrit de Vincent de Beauvais (XIIIᵉ siècle).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9proserie#/media/Fichier:Leprosorium.jpg">Vinzenz von Beauvais/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pratique de la distanciation, qui aurait pu se révéler plus difficile à comprendre que les gestes barrières, tel le fait de se laver régulièrement les mains, se répand rapidement depuis le début de cette crise. Cependant, au-delà de considérations très terre-à-terre (quelle distance faut-il respecter : 1 mètre, comme le disent les autorités, 1,50, 2 mètres, 6 pieds (1,83 mètre) comme en Angleterre ?), le terme « distanciation sociale » est inadapté, voire dangereux.</p>
<p>En effet, le principe de la distanciation est de mettre une distance physique, pas une distance sociale. Encore moins au moment où les initiatives et outils pour retrouver du lien social se multiplient. De plus, ce terme ne rend pas compte de l’importance de lutter contre le sentiment fort de solitude ou d’isolement qui accompagne ce type de mesures, notamment pour les <a href="https://www.croix-rouge.fr/Actualite/coronavirus-COVID-19/COVID-19-maintenir-le-lien-social-avec-les-familles-et-lutter-contre-l-isolement-2390">personnes âgées</a>.</p>
<h2>Bas ou haut les masques ?</h2>
<p>Parmi les moyens de prévention, le sujet le plus délicat et le plus polémique semble bien être la diffusion de masques. Au-delà de la capacité à anticiper et à fournir des masques FFP2 ou chirurgicaux pour les professionnels de santé, qui est déjà en soi un <a href="https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-detat-134371">problème</a>, la question de l’usage du masque pour toute la population est au centre des débats.</p>
<p>La position de la France a, au début de l’épidémie, été calquée sur celle de l’OMS : on ne porte un masque (chirurgical) que si on est soi-même malade ou si on prend soin d’une personne infectée, en étant dans la même pièce.</p>
<p>Pourquoi ? Parce que, <a href="https://apps.who.int/iris/rest/bitstreams/1274280/retrieve">nous rappelait l’OMS</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Toutefois, il n’y a pas actuellement de preuve que le port d’un masque (qu’il soit de type médical ou autre) par des individus en bonne santé […] les protège des infections par les virus respiratoires, y compris celui provoquant le Covid-19. ».</p>
</blockquote>
<p>Ce raisonnement basé sur les analyses épidémiologiques antérieures demande à être conforté par des analyses populationnelles (notamment en comparant les courbes épidémiques dans des pays ou régions où le port du masque est généralisé, principalement en Asie et d’autres endroits où il n’a pas été mis en pratique au début de l'épidémie). Mais d'autres avantages peuvent être trouvés pour le port du masque, en protégeant, même partiellement, contre un effet «aérosol» à plus d'un mètre ou dans le cadre de contacts avec des porteurs asymptomatiques.</p>
<p>Mais d’autre part, l'intérêt ou non de cette mesure repose sur des analyses qui vont bien au-delà de la simple efficacité vis-à-vis de particules de 125 nanomètres de diamètre, et renvoient à des dimensions culturelles, psychologiques ou sociologiques. Le masque peut créer une barrière physique à nos peurs du virus. A l'inverse, il peut procurer une fausse sécurité. Il peut être plus ou moins bien accepté par des communautés.</p>
<p>Il serait donc probablement utile que les pouvoirs publics fassent preuve de pragmatisme en la matière.</p>
<p>D’une part, les messages diffusés doivent insister sur le fait que le masque à lui tout seul ne suffit pas pour juguler de tels phénomènes épidémiques, mais qu'il est un outil important au moment de cette phase de déconfinement. Ensuite, il sera nécessaire de faire preuve de pédagogie pour que l’utilisation des différents types de masques se fasse en fonction du <a href="https://www.aspher.org/download/412/strategic_use_of_masks_as_an_element_of_a_non-pharmaceutical_measures_set_for_a_pandemic.pdf">risque objectif de contamination</a>.</p>
<p>Comment concevoir que des personnes se promènent dans la rue avec des masques FFP2 alors que ceux-ci manquent pour des personnels confrontés à des risques bien supérieurs ?</p>
<p>Enfin, les pouvoirs publics doivent engager une révision profonde sur les stocks nécessaires de tous les équipements de protection individuelle (masques, mais aussi, surblouses, visières..), de leurs lieux de fabrication, de leur mode de distribution en cas de nouvelle crise sanitaire, qui pourrait survenir dès l’automne prochain. En s’assurant, qui plus est, que cette fabrication et gestion se fera également dans une logique de développement durable.</p>
<p>Faire reconnaître l’apport et les limites de la connaissance scientifique pour éclairer les décisions et pour mieux informer la population participe à une gestion plus responsable et démocratique d’un évènement comme cette crise du Covid-19.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136343/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud est directeur de l'EHESP</span></em></p>De nombreuses mesures de protection des individus se basent sur des analyses de données qui ne sont en réalité que des supputations.Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1369702020-04-23T11:55:55Z2020-04-23T11:55:55ZOn a retrouvé le coronavirus dans les eaux usées, et cela pourrait nous aider à mieux suivre l’épidémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329701/original/file-20200422-47804-10njt70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Analyse d’échantillons d’eaux usées en laboratoire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Derrick Ceyrac/AFP</span></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de Covid-19, due au coronavirus SARS-CoV-2, impressionne à la fois par la rapidité de circulation du virus depuis décembre 2019 et par le nombre de cas rapportés : lorsque l’Organisation mondiale de la Santé a officiellement déclaré <a href="http://www.euro.who.int/fr/health-topics/health-emergencies/coronavirus-covid-19/news/news/2020/3/who-announces-covid-19-outbreak-a-pandemic">l’état de pandémie</a>, le 12 mars 2020, <a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200312-sitrep-52-covid-19.pdf">125 260 cas avaient été confirmés</a>. Un mois et demi plus tard, le 22 avril, <a href="https://coronavirus.jhu.edu/map.html">plus de 2,5 millions de cas confirmés étaient dénombrés</a>.</p>
<p>L’émergence de ce virus n’est pas sans rappeler celle du SARS-CoV, virus de la <a href="https://theconversation.com/covid-19-origine-naturelle-ou-anthropique-136281">même famille</a> à l’origine de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) entre novembre 2002 et juillet 2003. Celle-ci a été éradiquée en quelques mois seulement, non sans avoir touché près de 8000 personnes et fait <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/70863">800 victimes dans 26 pays</a>.</p>
<p>Comparer les épidémies de SRAS et de Covid-19 est particulièrement informatif si l’on considère que les deux virus qui en sont à l’origine présentent de nombreux caractères communs et qu’ils sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S193131282030072X">assez proches génétiquement</a>. Mais les mesures qui avaient permis d’endiguer l’épidémie de SRAS – détection précoce et isolement des cas, mise en quarantaine des contacts, distanciation sociale et dans certains cas quarantaine collective – se sont avérées insuffisantes à ce jour pour <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30129-8/fulltext">contrôler la circulation du nouveau coronavirus</a>.</p>
<h2>SRAS et Covid-19 : deux différences majeures</h2>
<p>Au moins deux facteurs importants distinguent les épidémies de SRAS et de Covid-19.</p>
<p>Dans le cas du SRAS, l’excrétion du virus par les personnes infectées, essentielle à sa transmission, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15158632">suivait l’apparition des signes cliniques</a>. Cette caractéristique a permis d’identifier et d’isoler rapidement les malades (fièvre, syndromes respiratoires) et de mettre en quarantaine les personnes avec lesquelles ils étaient entrés en contact, avant qu’ils ne transmettent le virus. À l’opposé, pour le Covid-19, l’excrétion virale pourrait précéder l’apparition des symptômes, rendant la transmission possible <a href="https://academic.oup.com/jid/article/doi/10.1093/infdis/jiaa119/5807958">avant même que les malades ne soient identifiés</a> et donc isolés.</p>
<p>Par ailleurs, si des formes cliniques peu sévères et l’existence de porteurs sains ont été rapportées lors de l’épidémie de SRAS, il semblerait que ces personnes n’aient <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30129-8/fulltext">pas transmis le virus de façon significative</a>. Dans le cas du Covid-19, les sujets non symptomatiques, en phase d’incubation ou peu symptomatiques – dans des proportions qui restent encore à préciser – <a href="https://academic.oup.com/jid/article/doi/10.1093/infdis/jiaa077/5739751">pourraient transmettre le virus</a>.</p>
<h2>Détecter les porteurs peu ou non symptomatiques</h2>
<p>Les porteurs silencieux-contagieux sont difficiles à identifier hors de campagnes massives de dépistage. Cependant, ils pourraient introduire le virus dans les populations indemnes et <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-00760-8">contribuer à la dissémination silencieuse du virus</a> en phase épidémique.</p>
<p>Les tests virologiques (appelés tests directs) utilisés pour identifier les porteurs du virus reposent actuellement sur des prélèvements réalisés dans le nez à l’aide d’un écouvillon. Les échantillons sont traités afin d’extraire et de détecter le génome viral, constitué d’un <a href="http://www.societechimiquedefrance.fr/ARN.html">ARN simple brin</a>. Cet ARN est ensuite utilisé pour obtenir l’ADN correspondant, grâce à une enzyme qui produit de l’ADN à partir d’ARN. Cet ADN est ensuite amplifié grâce à une autre enzyme (par <a href="https://ed414-openlab.unistra.fr/les-tp/adn-et-genetique-2009-2012/pour-preparer-le-tp/la-pcr-quest-ce-que-cest/">PCR – <em>Polymerase Chain Reaction</em></a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-fonctionnent-les-tests-et-quelles-sont-leurs-utilites-135398">Covid-19 : comment fonctionnent les tests et quelles sont leurs utilités ?</a>
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<p>Cette technique, appelée RT-PCR (<em>Reverse Transcription PCR</em>), est remarquablement sensible. Néanmoins, le résultat de cette analyse peut être négatif pour plusieurs raisons. Le sujet peut ne pas être infecté : il s’agit dans ce cas d’un vrai résultat négatif. Mais il peut aussi arriver que des faux négatifs soient obtenus, alors que la personne testée est bien infectée. En effet, il se peut que le prélèvement et/ou la RT-PCR ne soient pas réalisés de façon optimale. Autre possibilité : le sujet est effectivement infecté, cependant le virus n’est que peu ou pas présent dans le nez au moment du prélèvement, mais se trouve à ce moment dans d’autres sites anatomiques, tels que les selles ou le sang. Cette situation est envisageable si le virus migre dans l’organisme à mesure que l’infection évolue, par exemple.</p>
<p>Il semblerait que, pour le coronavirus SARS-CoV-2, ce cas de figure s’applique. En effet, si le cycle biologique du virus débute et se déroule pour partie dans les voies respiratoires supérieures et inférieures – les poumons notamment –, plusieurs études ont aussi détecté des traces du virus dans le sang et, surtout, dans les selles. La présence de virus dans le tube digestif est compatible avec la <a href="https://gut.bmj.com/content/early/2020/04/09/gutjnl-2020-321195">description de troubles gastro-intestinaux</a> durant la maladie chez certains patients.</p>
<p>Cette découverte pose bien entendu la question d’une possible transmission par voie fécale, non formellement établie à ce jour. Mais elle a d’autres implications.</p>
<p>En l’absence d’un dépistage systématique, massif et répété, pour identifier les porteurs du virus, il est urgent de proposer d’autres indicateurs fiables qui permettraient d’évaluer aussi précocement que possible l’entrée et le niveau de circulation du virus dans les populations. Pour être déployés à l’échelle mondiale, y compris dans les pays à faibles revenus, ces indicateurs doivent être faciles à mettre en place, éthiquement acceptables et financièrement soutenables.</p>
<p>Des tests menés sur les eaux usées pourraient correspondre à ces critères.</p>
<h2>Le virus détectable dans les eaux usées</h2>
<p>La détection du coronavirus dans les selles a incité plusieurs groupes à travers le monde à promouvoir <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-00973-x">l’analyse des eaux usées</a> pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32246939">évaluer sa circulation</a> dans les populations.</p>
<p>Les eaux usées correspondent en effet à l’ensemble des eaux issues des habitations et des équipements publics urbains (hôpitaux, écoles…) ainsi que de certaines industries (si elles ne nécessitent pas de traitement spécifique). Ces eaux sont acheminées, via le « tout à l’égout », vers les stations d’épuration ; elles y sont traitées puis rejetées dans l’environnement.</p>
<p>Certains réseaux sont dits « unitaires » – les eaux pluviales et les eaux usées sont mélangées – tandis que d’autres sont « séparatifs » – eaux pluviales et eaux usées ont chacune leur propre réseau. Il arrive que lors d’évènements climatiques exceptionnels (pluies abondantes ou orages violents), certains réseaux débordent et entraînent une dégradation du milieu, qui peut-être non seulement chimique, mais aussi microbiologique. Il est néanmoins essentiel de rappeler ici que les réseaux d’eaux usées et d’eaux non potables <a href="https://www.eaufrance.fr/leau-potable-et-lassainissement">sont totalement distincts</a> des réseaux de distribution d’eau potable, dont la qualité microbiologique et chimique est étroitement surveillée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330026/original/file-20200423-47799-c5jyq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Du prélèvement de l’eau qui sera distribuée à l’évacuation des eaux usées, en vue de leur traitement puis de leur rejet, les différentes étapes du « petit cycle de l’eau ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.eaufrance.fr/leau-potable-et-lassainissement">EauFrance</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une spécificité parisienne, bien connue, concerne la présence d’un réseau d’eau dit « non potable » dont le rôle est de permettre le nettoyage de la chaussée, des égouts ou le remplissage de différents lacs ornementaux. Ce réseau est directement alimenté par de l’eau de surface puisée dans le canal de l’Ourcq ou la Seine, une eau non potable dans laquelle des <a href="https://twitter.com/afpfr/status/1251887239992311809?s=20">traces d’ARN viral ont récemment été détectées, en très faible quantité toutefois</a>.</p>
<p>Selon leur taille, les stations d’épuration peuvent collecter les selles de quelques centaines à plusieurs millions de personnes ; par conséquent, les eaux usées qui en sont issues reflètent partiellement la diversité des micro-organismes hébergés dans nos intestins, à l’échelle d’une agglomération.</p>
<h2>De premiers résultats de recherche</h2>
<p>Une première étude, réalisée par Gertjan Medema et ses collaborateurs aux Pays-Bas, a démontré que le génome du coronavirus <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.29.20045880v1">peut être détecté dans plusieurs sites de prélèvement d’eaux usées</a> quelques jours seulement après l’identification du premier cas humain de Covid-19 dans ce pays. Une étude similaire a été <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.05.20051540v1">conduite dans le Massachusetts</a> (USA).</p>
<p>L’étude <a href="https://www.sciencemag.org/news/2020/04/coronavirus-found-paris-sewage-points-early-warning-system">initiée depuis le 5 mars 2020</a> en région Ile-de-France, sur 3 sites de prélèvement d’eaux usées, confirme cette hypothèse. Elle démontre également, pour la première fois, que les quantités de génomes viraux détectés dans les eaux usées augmentent en phase avec le nombre d’hospitalisations liées au Covid-19 au niveau régional. Des résultats préliminaires obtenus plus récemment encore sur les mêmes sites montrent une réduction très significative de la charge virale dans les eaux usées, une conséquence attendue des mesures de confinement sur la circulation du virus.</p>
<p>Ces résultats nous incitent aujourd’hui à proposer une surveillance régulière des eaux usées.</p>
<h2>Ce que le « macrobiote collectif » pourrait nous dire</h2>
<p>Si l’enrichissement des eaux usées en coronavirus est dû à des porteurs peu ou pas symptomatiques – les plus nombreux – la recherche régulière et systématique du virus sur ces échantillons pourrait permettre d’exercer une veille essentielle et complémentaire des approches épidémiologiques chez l’être humain (comptage des cas symptomatiques – confirmés ou supposés – et recherche du virus chez les sujets malades et leurs contacts notamment par RT-PCR).</p>
<p>Cette stratégie pourrait être implémentée dans un plan de lutte intégré contre l’épidémie. Elle pourrait notamment être déployée en priorité dans les régions – en France comme à l’étranger – dans lesquelles la prévalence du virus est encore très faible (peu de cas rapportés) voire nulle, en complément des études épidémiologiques conduites chez les populations. Elle pourrait également nous informer d’une modification dans la dynamique de circulation du virus : réduction de la circulation liée au confinement par exemple, reprise de l’épidémie – souvent désignée comme une « deuxième vague » – signal de réintroduction dans une région ou l’épidémie semblait sous contrôle, pour ne citer que quelques exemples.</p>
<p>À terme, la situation actuelle et les recherches en cours soulignent l’urgence d’un réseau national de surveillance des eaux usées dont le bénéfice pourrait être évalué à l’occasion du suivi de l’épidémie en cours (participation à la stratégie de déconfinement et appréhension d’une éventuelle seconde vague notamment), et plus généralement dans le suivi de tous les germes à circulation fécale – virus des gastro-entérites hivernales, bactéries multirésistantes aux antibiotiques, etc.</p>
<p>Les acteurs en charge de l’assainissement en France sont d’ores et déjà organisés pour suivre la qualité des effluents alimentant leurs installations. Cette organisation permettrait d’utiliser les installations existantes pour mettre en place un suivi très rapidement.</p>
<p>Enfin, nous pourrions ainsi imaginer, dans un futur proche, utiliser les eaux usées pour évaluer la santé d’un « macrobiote collectif » qui ferait écho aux microbiotes intestinaux individuels, dont l’importance en santé humaine n’est aujourd’hui plus à démontrer.</p>
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<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/sebastien-wurtzer-40588887/?originalSubdomain=fr">Sébastien Wurtzer</a> (Eau de Paris), <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-marie-mouchel-96b20b40/?originalSubdomain=fr">Jean‑Marie Mouchel</a> (Sorbonne Université), <a href="https://www.linkedin.com/in/r%C3%A9my-teyssou-23783a55/?originalSubdomain=fr">Rémy Teyssou</a> (Institut de recherche biomédicale des armées), <a href="https://www.ljll.math.upmc.fr/membres/fiches/maday.html">Yvon Maday</a> (Sorbonne Université, co-fondateur de l’initiative Covid-IA), Vincent Rocher (SIAAP) et Laurent Moulin (Eau de Paris) sont co-auteurs de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136970/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Maréchal a reçu des financements de Sorbonne Université, de l’Inserm, de l’INCA et de la DGOS. Il est l’un des membres fondateurs de l’initiative COVID-IA. </span></em></p>Le 19 avril 2020, des traces du coronavirus étaient retrouvées dans le réseau d’eau non potable de Paris. Le suivi de cette présence pourrait apporter de précieuses informations sur l’épidémie.Vincent Marechal, Professeur de virologie, Centre de Recherche Saint Antoine (Inserm), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1353982020-04-22T19:56:18Z2020-04-22T19:56:18ZCovid-19 : comment fonctionnent les tests et quelles sont leurs utilités ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329784/original/file-20200422-47804-1sq74e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5160%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie de centrifugeuse utilisée pour préparer les échantillons de matériel génétique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/0tdBHmsWYuI">National Cancer Institute on Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On estime que <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.10.2000180">près de 20 % des individus infectés</a> par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/coronavirus_2_du_syndrome_respiratoire_aigu_s%C3%A9v%C3%A8re">SARS-CoV-2</a> sont asymptomatiques mais <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2020/03/24/science.abb3221/tab-e-letters">peuvent propager la maladie</a>. En conséquence, la stratégie de lutte contre la pandémie de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_%C3%A0_coronavirus_2019">Covid-19</a> qui ébranle nos sociétés passe nécessairement par une intensification des tests de détection de l’infection. Des dizaines de millions d’individus devront encore être testés pour contenir l’épidémie. Mais également lors des déconfinements, afin de s’assurer qu’aucune nouvelle flambée épidémique ne survienne.</p>
<p>Pour atteindre ces objectifs, il sera vraisemblablement <a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-une-strategie-de-doubles-tests-permettrait-de-sortir-du-confinement-et-de-relancer-leconomie-135397">nécessaire de combiner deux types de tests</a>. Les tests permettant d’identifier les individus porteurs du virus et les tests identifiant les individus ayant développé une réponse immunitaire contre le virus. Combinés, ces tests permettent d’identifier trois catégories d’individus. Les individus non infectés, ne présentant ni virus ni réponse immunitaire et qui sont donc susceptibles d’être infectés dans le futur. Les individus infectés, positifs pour le virus, qui peuvent disséminer l’infection et doivent donc être isolés. Et enfin les individus qui ne sont plus infectés et disposent d’anticorps contre le virus. Ces derniers devraient être, en théorie, résistants à l’infection et pourraient donc circuler et retravailler sans risque pour eux-mêmes ou leurs proches. Précisons qu’à ce stade, la <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/13/opinion/coronavirus-immunity.html">qualité et la durée de cette protection n’est pas connue</a>.</p>
<p>Dans un régime démocratique, l’adhésion de la population à une stratégie massive de tests est incontournable. Cette adhésion nécessite, à minima, une compréhension de la nature des tests réalisés, de leurs avantages ainsi que de leurs limites.</p>
<h2>La structure du virus SARS-CoV-2</h2>
<p>Le matériel génétique du coronavirus SARS-CoV-2 est un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_ribonucl%C3%A9ique">ARN</a> positif monocaténaire (ssRNA). Cet ARN code pour quatre protéines structurelles : épine (<em>spike</em>, S), enveloppe (<em>envelope</em>, E), membrane (<em>membrane</em>, M) et nucléocapside (<em>nucleocapsid</em>, N).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329245/original/file-20200420-152597-1qodyeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Structure du coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span></span>
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<p>La protéine N est directement associée à l’ARN. Les protéines S, E et M sont insérées dans une bicouche lipidique et forment l’enveloppe virale entourant le complexe N/ssRNA. La protéine S est responsable de l’attachement du virus aux cellules de l’hôte via le récepteur ACE2 (angiotensin converting enzyme 2). Celui-ci est principalement exprimé dans les voies respiratoires et digestives.</p>
<h2>La détection du matériel génétique du virus</h2>
<p>La réaction de <a href="http://www.ens-lyon.fr/RELIE/PCR/ressources/apects_techniques/rtpcr/rtpcr02.htm">RT-PCR</a> (reverse transcriptase-polymerase chain reaction), communément appelée dans les médias test PCR, test nucléotidique ou test moléculaire, permet de détecter avec une spécificité et sensibilité inégalée la présence dans un prélèvement biologique de l’ARN du virus. Ce test fut le premier disponible pour diagnostiquer le SARS-CoV-2 car il peut être rapidement développé sur base de la séquence du virus.</p>
<p>L’ARN présent dans le prélèvement doit tout d’abord être purifié par ajout de différents solvants. Cette étape d’extraction, qui se termine par la resuspension de l’ARN dans de l’eau, dure entre une et deux heures. La RT-PCR elle-même comprend deux étapes majeures. L’ARN doit tout d’abord être transformé en ADN par une enzyme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transcriptase_inverse">transcriptase réverse</a> (RT). Cette enzyme prend l’ARN comme modèle pour synthétiser une séquence d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ADN_compl%C3%A9mentaire">ADN dit complémentaire</a> (ADNc). L’ADNc du virus, si celui-ci est présent dans le prélèvement, est ensuite fortement amplifié par une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_en_cha%C3%AEne_par_polym%C3%A9rase">réaction de polymérase en chaîne</a> (PCR) quantitative. Cette réaction a lieu en trois phases. Une dénaturation de l’ADNc par chauffage à 95 °C pour séparer les deux brins qui le composent, une hybridation des amorces aux extrémités de la séquence recherchée, puis une élongation grâce à l’action d’une enzyme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ADN_polym%C3%A9rase">ADN polymérase</a> à 58 °C. Les amorces sont des séquences d’ADN simple brin spécifiques du virus. Ce sont elles qui garantissent la spécificité de la réaction d’amplification. Seuls les brins d’ADNc fixant ces amorces sont amplifiés. La durée d’un cycle de PCR est de l’ordre d’une minute. Il est répété 45 fois pour obtenir une multiplication exponentielle de la séquence d’ADN cible. C’est cette phase d’amplification qui confère au test RT-PCR une très haute sensibilité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/j3ajN0DKaEw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Principe de fonctionnement de la RT-PCR. Vous pouvez activer les sous-titres en français via l’onglet réglage de la vidéo.</span></figcaption>
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<p>Ce type de test présente cependant plusieurs inconvénients. Certains réactifs sont coûteux et l’augmentation exponentielle du nombre de tests a entraîné leur pénurie. Le test doit être réalisé en laboratoire et nécessite un matériel sophistiqué, disponible en quantité limitée. En fonction de son automatisation, il prend entre trois et six heures (déballage et étiquetage des échantillons, inactivation du virus, extraction de l’ARN, RT-PCR, validation). Un résultat n’est donc souvent disponible qu’en 24 heures.</p>
<p>Sa fiabilité dépend de nombreux facteurs. La qualité du prélèvement est critique. Celui-ci doit être réalisé assez profondément dans les cavités nasales du patient à l’aide d’un grand coton-tige, ce qui nécessite une bonne maîtrise. Il a aussi été observé que le virus pouvait être indétectable dans les voies respiratoires supérieures, mais présent dans les poumons. En conséquence, on estime que la fiabilité du test RT-PCR, malgré sa très haute spécificité (≃100 %) et sensibilité, n’est que de <a href="https://jcm.asm.org/content/early/2020/04/03/JCM.00512-20.long">60-80 %</a> pour identifier un individu infecté. Cette fiabilité décroît avec le temps car le virus est éliminé par la réponse immunitaire. Elle n’est plus que de <a href="https://academic.oup.com/cid/article/doi/10.1093/cid/ciaa344/5812996">40-50 %</a> entre 15 et 39 jours post infection. Ce pourcentage peut sembler faible, mais il est similaire à celui des tests de <a href="https://www.cdc.gov/flu/professionals/diagnosis/clinician_guidance_ridt.htm">détection par RT-PCR du virus influenza</a>.</p>
<h2>La détection des protéines du virus</h2>
<p>Des tests rapides pouvant être réalisés sans passer par un laboratoire, directement sur le terrain (tests dit <em>Point-of-Care</em>, <em>POC</em>), ont également été développés pour détecter la présence du virus.</p>
<p>Les tests dits « antigène rapide » permettent la détection des protéines du virus chez un individu en quelques minutes. Un prélèvement est réalisé dans les cavités nasales, comme pour le test RT-PCR. La présence des protéines virales est mise en évidence à l’aide d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anticorps">anticorps</a> spécifiques de ces protéines couplés à une enzyme permettant une réaction colorimétrique sur une languette, comme pour un test de grossesse disponible en pharmacie.</p>
<p>Un test POC de ce type a, par exemple, été récemment développé par la société gembloutoise <a href="https://www.corisbio.com/Products/Human-Field/Covid-19.php">CorisBioconcept</a> (Belgique), en collaboration avec plusieurs hôpitaux et universités. Il a reçu la certification de conformité à la pharmacopée européenne (<em>CEP</em>).</p>
<p>À la différence de tests par RT-PCR, les tests antigène rapide ne comportent pas de phase d’amplification du signal et ne détectent le virus que lorsqu’il est présent à un titre élevé. Ils sont donc moins sensible et fiable que le test RT-PCR pour identifier un individu infecté. Ces tests sont considérés comme des tests rapide d’orientation de diagnostic (<em>TROD</em>). En cas de résultat négatif, il est prudent de confirmer le test antigène rapide par un test RT-PCR.</p>
<h2>La détection de la réponse immunitaire contre le virus</h2>
<p>En réponse à l’infection, le système immunitaire de l’hôte produit des anticorps spécifiques contre les protéines du virus. Une partie de ces anticorps empêchent le virus de se fixer sur les cellules de l’hôte et sont dits neutralisant.</p>
<p>Les anticorps contre le virus sont présents dans le sang des individus infectés. Ils peuvent être détectés en réalisant un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_immuno-enzymatique_ELISA">test immuno-enzymatique</a>. Des protéines recombinantes du virus, synthétisées <em>in vitro</em> par génie génétique, sont fixées sur un support et capturent les anticorps spécifiques présents dans le sérum du patient. La présence d’anticorps est ensuite révélée par une réaction enzymatique qui libère un composant coloré.</p>
<p>On peut distinguer les tests de type ELISA (<em>enzyme-linked immunosorbent assay</em>) réalisés en laboratoire sur un prélèvement sanguin (veineux) classique. Et les tests POC par piqûre aux doigts (dits <em>finger-prick</em>). Dans le cas de l’ELISA, la réaction colorimétrique est mesurée de manière quantitative avec un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Spectrophotom%C3%A8tre">spectrophotomètre</a>, ce qui permet un dosage précis des anticorps. C’est le cas du test de la société allemande <a href="https://www.coronavirus-diagnostics.com/antibody-detection-tests-for-covid-19.html">EUROIMMUN</a>. Dans le cas des tests finger-prick, comme le test de la société Belge <a href="https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/zentech-lance-la-production-de-tests-serologiques-sans-attendre-l-homologation-belge/10221161.html">ZenTech</a>, la lecture du résultat s’effectue à l’œil sur une languette.</p>
<p>La production d’anticorps spécifique contre le SARS-CoV-2 est détectable à partir de 10 à 20 jours, en moyenne, après le début de l’infection. Elle offre donc une information historique sur l’infection et permet d’identifier les individus potentiellement protégés contre celle-ci. La réponse immunitaire est cependant très variable entre individus et, bien que la Chine a utilisé avec succès des tests de type finger-prick pour lutter contre l’épidémie, nous manquons encore de recul pour apprécier la <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-01095-0?fbclid=IwAR1tZzDXdmt-Ck2QI7TzGLzODer0OIMCdDLrKfeEaI7h2KAIPgY09CqDMRM">fiabilité des tests sérologiques</a> de ce type sur une large population. De plus, il est indispensable de pouvoir exclure toute réaction croisée de ce test avec la réponse immunitaire contre les 6 autres coronavirus (HCoV-229E, HCoV-HKU1, HCoV-OC43, HCoV-NL63, SARS-CoV et MERS-CoV) pouvant infecter l’humain. Enfin, il serait utile que ces tests permettent, à terme, de discriminer entre les individus naturellement infectés et les individus qui seront vaccinés. Une attention toute particulière est donc requise pour le développement des tests sérologiques.</p>
<h2>La problématique de l’organisation à grande échelle des tests</h2>
<p>Début avril 2020, <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/testing_kits_communication.pdf">on dénombrait</a> 78 tests RT-PCR, 13 tests antigènes rapides, et 101 tests sérologiques disposant du label CEP. De nombreux tests sont donc actuellement disponibles pour détecter la présence du SARS-CoV-2 ainsi que la réponse immunitaire spécifique contre ce virus. Ils représentent une manière peu coûteuse de collecter un grand nombre d’informations nécessaires à la gestion de cette pandémie.</p>
<p>Aucun de ces tests n’est fiable à 100 %, mais, utilisés par un personnel médical qualifié et en combinaison, ils permettent l’identification de la majorité des individus infectés et immunisés. Les tests antigènes et sérologiques POC, rapide et peu coûteux, semblent particulièrement adaptés à un dépistage de masse. Ils pourraient se substituer partiellement aux tests de détection du virus par RT-PCR et aux tests sérologiques par ELISA réalisés en laboratoire.</p>
<p>Le principal défi pour lutter efficacement contre cette pandémie est donc organisationnel. Plusieurs états européens <a href="http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/arrete/2020/03/17/2020040686/moniteur">ont légiféré</a> pour interdire l’accès de ces tests à des particuliers. Il a été estimé que la réalisation de ces tests par un utilisateur profane pourrait mener à une mauvaise interprétation de l’état du patient. D’une part, chaque test présente un certain taux de faux positifs et négatifs. D’autre part chaque test fournit des informations spécifiques qui nécessitent une mise en contexte ou les résultats d’autres tests pour être correctement interprétés. Les tests devraient donc être réalisés par un personnel formé, dans les hôpitaux ou sur le terrain, ce qui pose de nombreux problèmes logistiques qu’il est du devoir des états de résoudre.</p>
<p>Singapore, Taiwan et Hongkong ont massivement investi dans des tests de dépistage et ont réussi à contenir l’infection et éviter une saturation de leurs hôpitaux, ce qui a considérablement réduit la mortalité associée à l’infection. En revanche, l’Europe et les USA n’ont, à l’évidence, pas anticipé le risque. Le système hospitalier de certains pays et régions a été saturé avec des conséquences dramatiques. Il est donc urgent, pour sortir de cette crise par le haut, que des tests de masse soient réalisés afin de sécuriser les services essentiels et d’évaluer régulièrement le niveau d’infection ainsi que le développement de l’immunité collective au sein des populations.</p>
<hr>
<p><em>Je remercie Oberdan Leo (ULB), Fabienne Andris (ULB), Philippe Lefèvre (ULB), Olivier Denis (Sciensano) et Marta Romano (Sciensano) pour leurs commentaires et suggestions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS-FRS), Belgique. </span></em></p>Deux types de tests sont utilisés pour lutter contre le Covid-19, avec des objectifs distincts : identifier les personnes porteuses et celles ayant développé une réponse immunitaire.Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Maître de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1360922020-04-14T17:13:50Z2020-04-14T17:13:50ZLes deux Corées au cœur de la guerre sanitaire sino-américaine<p>Le monde est devenu en quelques semaines la caisse de résonance d’un <a href="https://www.politico.eu/article/coronavirus-china-winning-propaganda-war/">discours chinois post Covid-19 triomphaliste</a>. Les enjeux politiques de l’amplification du succès de la campagne sanitaire chinoise et de l’aide internationale en dons d’équipement qui l’accompagne n’échappent à personne. Derrière la mise en avant d’un modèle sanitaire chinois efficace car coercitif, tel que présenté par la propagande du pays, se cache la <a href="https://warontherocks.com/2020/03/how-china-is-exploiting-the-pandemic-to-export-authoritarianism/">promotion d’un système politique autoritaire estimé supérieur</a>. Si cette nouvelle manipulation de l’information par Pékin est à remettre dans le contexte d’une rivalité sino-américaine exacerbée, elle tend à occulter les stratégies sanitaires efficaces mises en œuvre par les démocraties régionales, dont Taiwan, la Corée du Sud et le Japon, qui ont fait le choix de ne pas mettre leur pays à l’arrêt.</p>
<p>En combinant la libre circulation de sa population avec une prise en charge sans faille de sa santé et un dépistage systématique, la Corée du Sud s’est imposée mondialement comme une référence innovante, si bien qu’elle représente aujourd’hui un « anti-modèle » par rapport à la Chine et peut tendre une main secourable à l’allié américain. De son côté, la Corée du Nord, tout en proclamant être épargnée par le Covid-19, a lancé un appel à l’aide internationale.</p>
<h2>La Corée du Sud au secours du « grand allié » américain</h2>
<p>En Asie du Nord-Est, l’épidémie de coronavirus a mis au jour les dissensions de l’alliance de sécurité du Japon et de la Corée du Sud avec les États-Unis face à une situation pourtant présentée comme une « guerre » par Donald Trump. En dépit de la pandémie, les trois alliés restent engagés dans des discussions laborieuses concernant le coût de stationnement des forces américaines sur le territoire des deux pays asiatiques – un coût que le président américain <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/world/2019/11/15/trump-administration-demands-south-korea-pay-more-for-us-troops/4200210002/">souhaite substantiellement augmenter</a>. Par ailleurs les relations entre Tokyo et Séoul, déjà tendues depuis l’été 2020 par la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/20/entre-seoul-et-tokyo-une-guerre-de-la-memoire_5500958_3210.html">résurgence des questions mémorielles</a>, connaissent un nouveau raidissement, Séoul <a href="https://www.cnbc.com/2020/03/06/south-korea-protests-japans-travel-curbs-as-coronavirus-ignites-diplomatic-row.html">s’insurgeant</a> face aux restrictions mises à l’entrée de ses citoyens sur le territoire japonais.</p>
<p>Porté par le souci de contrebalancer la réécriture chinoise des événements, Donald Trump s’est lancé dans une <a href="https://www.npr.org/2020/03/23/820009370/u-s-china-accuse-each-other-of-mishandling-covid-19-outbreak?t=15">guerre de mots avec Pékin</a>, dénonçant sans nuance le <a href="https://time.com/5800917/trump-china-virus-tweet/">« virus chinois »</a> ou « virus de Wuhan ». Mais il a lui-même multiplié les déclarations les plus contradictoires sur la stratégie de lutte américaine, jetant un doute sur les capacités de son pays à y faire face. Il a fallu attendre fin mars pour qu’il réalise la gravité de la situation et <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200330002900884?section=international/index">demande l’aide de la Corée du Sud</a>. </p>
<p>Celle-ci, forte de la reconnaissance procurée par les capacités de diagnostic de son système de gestion de la pandémie sur son territoire, s’est lancée dans une coopération sanitaire active. Son gouvernement a en effet tiré parti de l’expérience acquise lors de l’épidémie du MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) en 2015. Dès février, il a été en mesure de lancer la production à grande échelle de kits de dépistage et la fabrication industrielle de masques.</p>
<h2>Une coopération sanitaire qui renforce la diplomatie de puissance moyenne sud-coréenne</h2>
<p>Plus discrète que la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-chine-actionne-la-diplomatie-du-masque-20200319">« diplomatie du masque »</a> pratiquée par la Chine, la politique sanitaire de la Corée du Sud à l’international a suscité l’intérêt d’un nombre croissant de pays, notamment à la suite de la <a href="http://french.korea.net/Government/Current-Affairs/National-Affairs/view?affairId=2039&subId=5&articleId=183715&viewId=53523">présentation</a> que le président Moon Jae-in en a faite lors de la visioconférence des pays du G20 du 26 mars dernier. Il a détaillé à cette occasion les trois préceptes de la méthode sud-coréenne – « Ouverture, transparence et démocratie » – qui, dans leur définition même, prennent le contre-pied de l’approche chinoise. L’expérience sud-coréenne s’appuie sur la volonté de circonvenir la propagation du virus par des dépistages systématiques et un suivi partagé au moyen des <a href="https://www.healthandtech.eu/fr/tour/news/10594/covid-19-comment-coree-sud-exploite-technologies-numerique-endiguer.html">technologies numériques</a> des personnes diagnostiquées positives au Covid-19.</p>
<p>C’est à la vue de l’exemple coréen que l’OMS a recommandé aux pays touchés de recourir à des campagnes de dépistage, d’isoler les personnes contaminées et de suivre les contacts que celles-ci ont pu avoir. Cette démarche a paru remporter l’adhésion de la population sud-coréenne, en raison notamment de la politique de communication ouverte pratiquée par les responsables sanitaires du pays. La situation n’a pas donné l’impression d’être sous-estimée, comme aux États-Unis ou en Chine.</p>
<p>Face aux sollicitations internationales et dans le souci de ne pas affaiblir ses capacités intérieures, la Corée du Sud a dans un premier temps choisi de privilégier les pays demandeurs avec qui elle coopère le plus étroitement, comme <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200327004000884">son partenaire américain, les Émirats arabes unis et l’Indonésie</a>, porte d’entrée dans l’Asean.</p>
<p>Ainsi, alors qu’un grand nombre de masques chinois ont dû être retournés en raison de défauts de fabrication, la Corée du Sud exporte en masse ses kits de dépistage vers l’étranger. Plus d’une centaine de pays sont en attente. Plusieurs villes américaines ont ainsi signé des contrats d’approvisionnement. Los Angeles a acquis 20 000 kits pour 1,25 million de dollars. Les Émirats arabes unis en ont acheté 51 000. Des cargaisons ont été acheminées vers l’Europe, notamment l’Allemagne et la Pologne. Enfin, le président Moon s’est engagé à apporter une aide médicale d’urgence à l’Asean dans un cadre humanitaire bilatéral, mais aussi via le mécanisme Asean+3 aux côtés de la Chine et du Japon.</p>
<h2>La Corée du Nord renvoyée aux fragilités de son système</h2>
<p>À rebours de la politique de transparence et d’ouverture internationale pratiquée avec assurance par sa voisine du sud, la Corée du Nord a fermé ses frontières et s’est repliée sur elle-même depuis fin janvier 2020. Au plan militaire, le régime a tenté de donner le change en poursuivant une <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-coree-du-nord-tire-des-projectiles-seoul-suspecte-des-missiles-20200414">campagne de tirs de missiles balistiques</a> de courte portée. Mais il masque difficilement ses inquiétudes devant la menace que fait peser le Covid-19 sur la stabilité du pays.</p>
<p>L’état du système de santé nord-coréen est <a href="https://www.kihasa.re.kr/common/filedown.do?seq=42195">mauvais</a>. Beaucoup d’hôpitaux, hormis les hôpitaux militaires, ne peuvent fonctionner faute d’équipements et de médicaments. Le régime est conscient de ces carences et des dangers sanitaires et politiques qui en découlent ; aussi a-t-il fait <a href="https://www.ft.com/content/6168de68-6e4e-11ea-9bca-bf503995cd6f">appel à l’aide internationale</a> en se tournant vers l’UNICEF, l’OMS, la Croix-Rouge et Médecins sans Frontières. Par ailleurs, il s’est lancé dans une inhabituelle campagne d’information sanitaire, expliquant à la population les dispositions à prendre pour prévenir la menace de pandémie.</p>
<p>Au-delà d’un système de santé défaillant, la Corée du Nord souffre d’une économie dont la fragilité systémique a été <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/en-chute-libre-leconomie-nord-coreenne-est-desormais-50-fois-moins-puissante-que-celle-de-la-coree-du-sud-1346062">accentuée</a> par le régime de sanctions mis en place par la communauté internationale depuis 2006. Jusqu’à présent, elle a pu partiellement y faire face grâce aux activités d’un secteur économique informel organisé autour d’entrepreneurs privés. </p>
<p>Dans un contexte perturbé par l’expansion de l’épidémie du Covid-19, cette population est exposée à être privée d’une partie de ses revenus et de son accès à des produits de première nécessité. Pour lutter contre la hausse du prix des denrées de base et d’inévitables trafics, le <a href="https://www.dailynk.com/english/north-korea-begins-enforcing-price-controls-local-markets/">gouvernement a instauré un contrôle des prix renforcé</a>. Dans sa quête de fonds dans un monde aux frontières fermées, il est à craindre qu’il développe ses <a href="https://www.areion24.news/2020/01/23/la-souverainete-criminelle-de-la-coree-du-nord/">activités criminelles</a>, notamment en recourant à la cybercriminalité à des fins de captation financière.</p>
<h2>La crainte régionale de l’écroulement du régime</h2>
<p>Dans le passé et jusqu’à aujourd’hui, le régime nord-coréen a pu faire la preuve de <a href="http://politiqueinternationale.com/search/index.php">ses capacités de résilience</a>, notamment lors de l’épisode de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=43bQpcfR-FIC&oi=fnd&pg=PA229&dq=north+korea+hunger&ots=pgcWNhHYtL&sig=Mnh26Dqh4vxX9gQaisUrg4whTlc&redir_esc=y#v=onepage&q=north%20korea%20hunger&f=false">grande famine du milieu des années 1990</a> qui aurait fait deux millions de morts sur une population d’environ 23 millions. On peut de plus supposer qu’engagés eux-mêmes dans la gestion d’une crise inédite frappant durement leur population et leurs économies, aucun des pays voisins de Pyongyang ne souhaitent faire face à l’écroulement de la Corée du Nord.</p>
<p>Contre toute attente, le pays bénéficie ainsi objectivement d’un soutien régional total, de peur d’une situation chaotique qui verrait la fuite d’une population contaminée hors des frontières nord-coréennes. Vu de l’extérieur, on peut même avoir le sentiment d’assister à une course à l’aide humanitaire, chacun tablant sur la vulnérabilité du régime pour l’inciter à s’ouvrir davantage. Séoul et <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200330003900884?section=nk/index">Washington partagent ainsi l’espoir de reprendre un dialogue</a> dans l’impasse depuis la <a href="https://theconversation.com/donald-trump-et-kim-jong-un-a-hano-lart-delicat-du-compromis-112431">rencontre entre Kim Jong‑un et Donald Trump à Hanoi en février 2019</a>. Pour leur part, la Chine et la Russie ont jugé le moment propice afin d’obtenir un allègement des sanctions pesant sur Pyongyang. Les deux pays ont été parmi les premiers à acheminer des kits de dépistage, des masques et des médicaments tandis d’autres acteurs, dont la Croix-Rouge Internationale, doivent passer par un circuit d’exemptions de sanctions qui provoque des délais.</p>
<h2>La Chine reprend la main sur Pyongyang</h2>
<p>Mais si la pandémie a permis à la Corée du Sud de rééquilibrer sa relation avec les États-Unis, elle aura sans doute pour effet de renforcer la dépendance politico-économique de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine, dont Kim Jong‑un a tenté de s’affranchir en jouant la carte de négociations directes avec Donald Trump. Dans leur gestion de l’urgence sanitaire, les deux régimes disposent des mêmes armes coercitives : le recours à un appareil sécuritaire omniprésent et une propagande efficace visant à s’assurer d’un contrôle social suffisant de leur population.</p>
<p>Mais pour Pyongyang plus que pour Pékin, le danger réside sûrement avant tout dans les cercles proches du pouvoir. Face à la crise sanitaire, Kim Jong‑un a plus que jamais besoin du soutien des hauts responsables de l’appareil d’État – cadres supérieurs du Parti des travailleurs de Corée, haut commandement militaire et hauts fonctionnaires des services de sécurité – mais aussi de la <a href="https://theconversation.com/the-rise-and-rise-of-north-korea-money-masters-47708">classe d’entrepreneurs dont il a favorisé l’émergence</a>.</p>
<p>Or le contrat social implicite passé avec cette élite civilo-militaire aux intérêts disparates réside dans le maintien de son style de vie et de ses possibilités de captation de certaines ressources du régime. Mais les perspectives de ces gains sont désormais sérieusement menacées. Kim Jong‑un a montré par le passé qu’il n’hésitait pas à frapper au plus haut niveau de l’appareil d’État comme <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/03/14/jang-song-thaek-du-pouvoir-a-l-execution-a-la-mitrailleuse-lourde_4882657_3210.html">l’a illustré l’exécution de son oncle et mentor Jang Song-thaek</a>. Un train de purges n’est donc pas exclu à Pyongyang, ne serait-ce qu’à titre dissuasif…</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie a permis à la Corée du Sud de rééquilibrer sa relation avec les États-Unis et renforcé la dépendance politico-économique de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1352632020-04-05T16:50:07Z2020-04-05T16:50:07ZLe Covid-19 met en péril le dépistage néonatal<p>Le confinement affecte la plupart des services administratifs en France – qui comptent sur la dématérialisation pour assurer la liaison avec les usagers. La Poste n’est pas épargnée. L’entreprise anciennement administrée par l’état français est devenue une <a href="https://www.groupelaposte.com/fr/missions-de-service-public">« société anonyme à capitaux publics en 2010 »</a>.</p>
<p>Le groupe La Poste reste par ailleurs chargé de quatre missions de service public parmi lesquelles la mission du « service postal universel », qui comprend notamment une levée et distribution des courriers et colis assurées six jours sur sept sur l’ensemble du territoire national à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Ce rôle de prestataire du « service postal universel » a été confirmé <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do?idDocument=JORFDOLE000020913200&type=general">par la loi du 9 février 2010</a> pour une durée de quinze ans soit jusqu’en 2025.</p>
<p>Cette mission de service public est aujourd’hui sérieusement affectée par la crise sanitaire. Partout en France, relève et distribution des courriers ne sont plus assurées, les centres de tri ralentis, les bureaux de poste fermés. Ces retards sont particulièrement inquiétants pour un autre service, passé sous silence : le programme national de dépistage néonatal.</p>
<h2>Le dépistage néonatal, un enjeu sanitaire</h2>
<p>Le dépistage néonatal concerne en France toutes les naissances soit, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4281618">chaque année, environ 750 000 nouveau-nés</a>. Les tests de dépistage permettent de détecter certaines maladies qui ne sont pas visibles à la naissance, mais qui peuvent avoir des conséquences sérieuses chez les enfants atteints, s’ils ne sont pas traités très rapidement. Cinq maladies sont <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036650121&categorieLien=id">actuellement dépistées</a> : phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose et drépanocytose.</p>
<p>Sans dépistage, l’enfant risque de ne pas être reconnu comme pouvant être malade et ne pas être traité en temps utile. Les <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2018/05/medsci180139s/medsci180139s.html">résultats de ce dépistage</a> sont ainsi très importants. En effet, les enfants atteints de l’une de ces cinq maladies bénéficient d’un accompagnement et d’un traitement dès leurs premières semaines de vie. Cette prise en charge très précoce permet à la plupart de ces enfants de grandir et de se développer normalement.</p>
<p>En 2019, comme chaque année, <a href="http://depistage-neonatal.org/">près de 1 000 enfants</a> ont été confirmés malades après un dépistage « positif » et ont pu ainsi bénéficier d’une prise en soins efficace et adaptée, évitant décès précoce, handicap ou retard au développement.</p>
<h2>La Poste acteur clef du circuit sanitaire</h2>
<p>Le dépistage néonatal, fortement recommandé, repose sur un prélèvement de quelques gouttes de sang, pratiqué au 3<sup>e</sup> jour après la naissance, par piqûre au talon de l’enfant et recueilli sur un papier buvard, après consentement des parents, par un professionnel de santé de la maternité (près de 500 maternités), ou parfois par la sage-femme lors d’un retour précoce à domicile.</p>
<p>Les buvards sont ensuite placés dans des enveloppes, puis acheminés, de principe, par courrier postal vers le Centre régional du dépistage néonatal (CRDN) ou, lorsqu’il existe, par un système de navettes entre hôpitaux. Les analyses sont ensuite effectuées par un ou des laboratoires de biologie médicale. C’est ici que l’arrêt ou le retard de l’acheminement des buvards par La Poste met en danger le dépistage néonatal et la santé des enfants concernés. De la rapidité avec laquelle les tests sont réalisés, quelques jours pour certaines des maladies dépistées, dépendent les conséquences sur la santé des enfants atteints.</p>
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<figcaption><span class="caption">La France aurait pris un certain retard avant d’appliquer des mesures de dépistage néonatal, France Culture, 2019.</span></figcaption>
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<h2>Des premières alertes aux solutions mises en œuvre</h2>
<p>Dès le 17 mars, des CRDN ont alerté par mail et contacts directs les Agences régionales de santé et le Centre national de coordination du dépistage néonatal (CNCDN) : les buvards n’arrivent plus en nombre habituel aux CRDN.</p>
<p>Les raisons en sont multiples : boîtes aux lettres non relevées, exercice d’un droit de retrait des équipes d’un centre de tri, non-distribution des courriers à partir du centre de tri.</p>
<p>Le CNCDN et les services du Ministère des Solidarités et de la Santé sont intervenus, séparément puis lors de réunions communes, au niveau national auprès du Groupe La Poste, pour tenter de résoudre le problème. Après une semaine d’échanges, Le Groupe La Poste a cependant confirmé l’absence de solution possible et pérenne par le circuit postal habituel.</p>
<p>Le recours à des prestataires « privés » de transport de courriers pourrait être envisageable mais cela ne sera pas effectif sans délai de mise en place ni sans coût additionnel (de quelques centimes à plusieurs dizaines d’euros par enveloppe).</p>
<p>Le déplacement volontaire de professionnels de santé ? Ils devront alors apporter les buvards depuis les maternités ou depuis les cabinets de sages-femmes vers le CRDN ajoutant des tâches en cette période d’épidémie. La réquisition des personnels de la Poste ? Est-ce juridiquement possible, opérationnellement faisable et politiquement acceptable ?</p>
<h2>L’implication sans faille des professionnels de santé</h2>
<p>Les difficultés rencontrées soulignent l’importance de la coordination et de la complémentarité de tous les acteurs, soignants ou non soignants. Dans l’urgence, en cette fin du mois de mars 2020, les CRDN et les professionnels de santé cherchent et mettent en place, au mieux, territoire par territoire, maternité par maternité, les solutions d’acheminements des buvards au nombre de 60 000 chaque mois. Il s’agit à la fois « de rattraper » des buvards bloqués au cours de ces derniers jours et « d’organiser » un nouveau circuit d’acheminement robuste et exhaustif des buvards pour les semaines à venir.</p>
<p>Pour l’heure, grâce à l’implication des professionnels de santé et à la grande solidarité du monde de la santé, la plupart des nouveau-nés ont pu bénéficier de ces dépistages mais nous devons être vigilants pour maintenir coûte que coûte ce système.</p>
<p>Une fois l’épidémie de COVID-19 maîtrisée, il conviendra d’en tirer tous les enseignements. Ceci est d’autant plus nécessaire que l’élargissement du dépistage néonatal à de nouvelles maladies <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_de_sante_publique__psnp.pdf">est d’ores et déjà engagé</a> pour une sixième maladie et <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2866458/fr/evaluation-a-priori-de-l-extension-du-depistage-neonatal-a-une-ou-plusieurs-erreurs-innees-du-metabolisme-par-spectrometrie-de-masse-en-tandem-volet-2">recommandé</a> pour sept autres maladies, soit 13 au total.</p>
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<p><em>Cet article a été rédigé avec le Professeur Frédéric Huet, CHU Dijon Bourgogne, Président de la Société française du dépistage néonatal (SFDN), le Dr. David Cheillan, Hospices Civil de Lyon, Président de la Commission nationale de biologie du dépistage néonatal, Dr Diane Dufour CHU Tours, Centre national de coordination du dépistage néonatal (CNCDN), Dr Paul Brégeaut, CHU Tours, Centre national de coordination du dépistage néonatal (CNCDN)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Rusch est responsable du Centre National de coordination du dépistage néonatal (CNCDN). Le CHU de Tours est porteur de ce Centre au terme d'un appel d'offre national. Le CHU de Tours reçoit un financement pour le fonctionnement du CNCDN
Emmanuel Rusch est Président de la Société Française de Santé Publique (SFSP) et Président de la Conférence Nationale de Santé (CNS).</span></em></p>Le bouleversement de La Poste en temps de crise sanitaire est particulièrement inquiétant pour certaines missions de service public comme le programme national de dépistage néonatal.Emmanuel Rusch, Directeur équipe recherche Education Ethique Santé (EA7505), Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.