tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/developpement-20143/articlesdéveloppement – The Conversation2024-03-28T08:58:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2204292024-03-28T08:58:50Z2024-03-28T08:58:50ZPeut-on être trop heureux pour se préoccuper du climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567573/original/file-20240102-29-1brw8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bien-être social participe à la prise de conscience climatique... mais seulement jusqu'à un certain point.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-couple-amour-femme-9750932/">Koolshooters / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Notre bien-être est-il toujours bon pour la planète ? Le <a href="https://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Trends/Trends-20_fr.pdf">bien-être social</a> est un concept qui englobe à la fois la santé mentale et physique, les relations interpersonnelles ainsi que le sentiment d'appartenance à la communauté. Il est essentiel pour que les individus se sentent capables et motivés à agir. À cet égard, il constitue donc un levier précieux pour agir contre le changement climatique.</p>
<p>Mais en excès, il peut aussi se transformer en frein : car si aucune limite n’est mise, la quête d’un bien-être absolu par quelques-uns peut entraver la quête de durabilité de tous. Où tracer la ligne ? À partir de quand cet excès de bien-être peut-il avoir des effets délétères ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-liens-sociaux-sont-essentiels-pour-le-bien-etre-voici-sept-manieres-deviter-lisolement-205466">Les liens sociaux sont essentiels pour le bien-être. Voici sept manières d’éviter l’isolement</a>
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<p>Pour le comprendre, il faut déjà en finir avec le mythe de l’humain purement rationnel : <em>Homo œconomicus</em> reste un <em>Homo sapiens</em> guidé par la chimie de son cerveau. Effet rebond, inégalités sociales et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bulle-de-filtre-23254">bulles de filtres</a> sur les réseaux sociaux renforcent nos comportements les plus dommageables au plan environnemental.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-au-changement-climatique-faire-de-la-peur-un-moteur-et-non-un-frein-200876">Face au changement climatique, faire de la peur un moteur et non un frein</a>
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<p>Surtout, il convient de réintégrer les inégalités socio-économiques dans notre approche du progrès social. Des politiques publiques visant à l’amélioration du bien-être pourraient faire partie de la solution, à condition de cibler les populations qui en ont le plus besoin. Comprendre : à condition de ne pas alimenter de nouveaux comportements incompatibles avec la crise climatique chez les autres.</p>
<h2>Le bien-être social, bon pour la planète… jusqu’à un certain point</h2>
<p>La capacité des citoyens à agir face aux crises climatique et environnementale va dépendre de leurs compétences, de leurs motivations et de leurs envies personnelles. Autant de facteurs <a href="https://www.mdpi.com/2673-8392/2/3/79">influencés par le bien-être social</a>. Et de fait, la littérature scientifique suggère que les pays qui ont un niveau de bien-être social élevé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148121000070">créent un environnement propice à l’engagement des citoyens</a> dans la lutte contre le changement climatique.</p>
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<p>En effet, les citoyens en bonne santé sont plus susceptibles de participer activement à des initiatives écologiques, tandis que ceux qui bénéficient d’un réseau social solide et d’un bon niveau d’éducation ont tendance à être mieux informés et à <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/livre/9780192893307-development-as-freedom-amartya-sen/">s’engager davantage dans des pratiques soutenables</a>. Le développement de la santé, de l’éducation ou de l’accès à Internet favorise aussi le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360544223011854">développement des énergies renouvelables</a>, par exemple.</p>
<h2>En finir avec <em>Homo œconomicus</em></h2>
<p>En 1992, l’économiste Manfred Max-Neef présentait une <a href="https://www.researchgate.net/figure/Matrix-of-Needs-and-Satisfiers-Max-Max-Neef-1992b-206-7_tbl2_237428304">matrice des neuf besoins humains fondamentaux</a>. On y retrouvait : l’affection, la compréhension, la créativité, l’identité, la liberté, les loisirs, la participation, la protection et la subsistance.</p>
<p>Pour répondre efficacement à ces besoins, Max-Neef identifiait quatre catégories existentielles, où se déclinent les neuf besoins précédents :</p>
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<li><p>l’être (soit des qualités comme le fait d’avoir une bonne santé physique ou mentale),</p></li>
<li><p>l’avoir (soit des choses telles que la nourriture, un logement…),</p></li>
<li><p>le faire (soit des actions, comme le fait de se reposer ou de travailler),</p></li>
<li><p>et enfin l’interaction (par exemple participer à la vie de la communauté)</p></li>
</ul>
<p>L’apport de Max-Neef a été de dépasser la vision qui prédominait jusqu’alors, consistant à considérer notre espèce comme <em>Homo œconomicus</em> – soit un individu rationnel jamais rassasié qui va privilégier l’accumulation de toujours plus de biens matériels, dont les besoins illimités ne seront jamais pleinement satisfaits.</p>
<p>Car au cœur de cette conception se trouve un dilemme crucial : une croissance illimitée du bien-être social de chacun est-elle souhaitable pour lutter contre le changement climatique ?</p>
<p>Les besoins fondamentaux tels que la subsistance, la protection, et la liberté sont globalement atteints dans de nombreux pays du monde, même si cela est encore loin d’être acquis partout : <a href="https://www.un.org/en/exhibits/page/sustainable-development-goals">selon les Nations unies</a>, 731 millions de personnes luttent encore pour satisfaire les besoins humains les plus élémentaires. En parallèle, dans des pays développés, de plus en plus d’individus ayant satisfait leurs besoins fondamentaux se tournent <a href="https://www.scirp.org/journal/paperinformation?paperid=108876">vers des expériences de consommation hédoniste</a>.</p>
<h2>Quand la recherche du plaisir atteint un point critique</h2>
<p>Le concept de Max-Neef se rapporte à des comportements observés dans le règne animal. Comme les humains, les autres mammifères adoptent des comportements qui leur procurent du plaisir, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3004012/">ce qui suggère des similitudes dans le circuit de la récompense du cerveau</a>.</p>
<p>Le lien entre le plaisir anticipé et les récompenses retardées, comme démontré par des expériences sur la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/animaux/systeme-nerveux-et-systeme-hormonal/le-circuit-de-la-recompense">réponse dopaminergique chez le singe</a>, met en évidence un mécanisme d’apprentissage et de motivation, qui existe chez l’homme comme chez le singe.</p>
<p>Le plaisir anticipé y est associé dans le cerveau à la libération de dopamine, <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique-2022-2-page-339.htm">ce qui nous motive biologiquement à obtenir la récompense</a> souhaitée. Les gains matériels peuvent ainsi contribuer à notre bien-être en nourrissant des émotions positives ainsi que notre satisfaction psychologique.</p>
<p>Chez l’homme, cette tendance à rechercher le plaisir a atteint un point critique à travers l’émergence de la <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/La-Societe-de-consommation">société de consommation</a>. Les sociétés qui ont internalisé les valeurs du consumérisme ont atteint un stade du développement où elles tirent tellement de plaisir de leurs modes de vie qu’elles ne se rendent pas toujours compte du mal qu’ils leur causent.</p>
<p>Elles sont prises dans un <a href="https://books.google.fr/books?id=FS6sDwAAQBAJ&printsec=copyright">cycle sans fin d’extraction, de transformation, de production, de transport, de consommation et d’élimination</a>, juste pour satisfaire un besoin de plaisir.</p>
<h2>Bulles de filtre et effet rebond</h2>
<p>À l’heure du numérique, cette recherche du plaisir se joue désormais sur le terrain des réseaux sociaux. Chaque notification, partage ou « like » peut déclencher une petite libération de dopamine, <a href="https://amplifyingcognition.com/the-neuroscience-behind-social-media-dependence-and-how-to-overcome-it/">activant notre circuit de la récompense et renforçant notre engagement</a> sur ces plates-formes. Les algorithmes qui régissent nos fils d’actualité ne font pas autre chose : ils nous fournissent un flux de contenu personnalisé qui correspond à nos comportements et intérêts antérieurs, <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Filter_Bubble.html?id=-FWO0puw3nYC">créant ainsi un effet de chambre d’écho</a>.</p>
<p>Par exemple, si votre activité sur les médias sociaux est centrée sur la « fast fashion », les voitures de luxe et les destinations de voyage exotiques, vous aurez moins de chances d’être exposés à des contenus sur les achats d’occasion, les véhicules électriques ou l’écotourisme local.</p>
<p>Cela illustre la manière dont les « bulles de filtre » peuvent renforcer les comportements préjudiciables à l’environnement. Elles nous permettent d’habiter un espace numérique réconfortant qui nous confronte rarement aux réalités inconfortables ou à l’urgence de la dégradation de l’environnement.</p>
<p>Il peut sembler contradictoire que l’amélioration du bien-être social entraîne une diminution de la sensibilisation du public. Mais il est facilement admis dans d’autres domaines, comme l’économie, qu’une amélioration technologique, en permettant une baisse des prix, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800914002055">stimule une hausse de la consommation dans un autre domaine</a> à travers un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666784321000267">effet rebond indirect</a>. Ainsi, les consommateurs peuvent dépenser les économies réalisées grâce à leur nouvelle chaudière plus économe en énergie pour partir plus loin en vacances à l’étranger – et émettre davantage de CO<sub>2</sub> du fait du voyage en avion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété</a>
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<p>Comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1462901104000371">l’a souligné la chercheuse Brenda Boardmann</a> dans des travaux sur l’efficacité énergétique dans les foyers britanniques, les gains d’efficacité réalisés ont été effacés par la multiplication des appareils et leur gain de taille et de puissance. « À un moment donné, la société devra reconnaître que des niveaux de vie toujours plus élevés menacent notre capacité à limiter le changement climatique et, par conséquent, réduisent notre qualité de vie future », écrivait-elle.</p>
<h2>Prioriser les personnes les plus défavorisées</h2>
<p>Tout ceci possède de fortes implications politiques. Il peut être éclairant de transposer ici le concept de « iatrogénie », terme médical où il s’agit des effets secondaires involontaires provoqués par un traitement ou une intervention médicale. Car si le traitement (dans ce cas, la recherche perpétuelle du bien-être) non seulement ne guérit pas (ou ne sensibilise pas à l’environnement) mais conduit en fait à de nouveaux problèmes (tels que l’aggravation des crises climatique et environnementale), peut-être devrions-nous arrêter ce traitement ?</p>
<p>C’est la question que nous posons, <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/accueil?id_declaration=10000000900241&titre_livre=Happy_End">inspirés par les réflexions de Nicolas Hazard</a>, qui traçait un parallèle entre croissance économique et traitement médical – et leurs effets indésirables pour la santé du patient ou pour celle de la planète.</p>
<p>Autrement dit, les gouvernements n’ont pas besoin d’accroître éternellement le bien-être social pour atténuer le changement climatique. Au contraire, une approche plus ciblée pourrait être adoptée en donnant la priorité aux groupes sociaux dont les niveaux de bien-être sont plus faibles. Cette stratégie garantirait une allocation plus efficace des ressources pour maximiser l’impact environnemental, tout en améliorant le développement social global et le bien-être individuel de ces populations.</p>
<p>Prenons un exemple concret. Le choix de passer d’un <a href="https://theconversation.com/stationnement-des-suv-nos-voitures-sont-elles-devenues-obeses-222547">SUV gourmand en essence à une voiture compacte et économe</a> en carburant est une décision écologique cohérente pour la planète, mais elle n’est peut-être pas à la portée de tout le monde, surtout si vous avez un budget serré et que vous dépendez de votre véhicule pour vos déplacements quotidiens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Changer de véhicule pour acquérir par exemple une voiture électrique n’est pas un geste écologique à la portée de tout le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rathaphon Nanthapreecha</span></span>
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<p>En réalité, il existe un lien direct entre le niveau de vie et la pression sur l’environnement. Plus une personne sera riche, plus elle aura tendance à polluer, <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">comme l’a montré un rapport publié en 2022</a>. Au niveau mondial, les 10 % de personnes les plus riches sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, alors que les 50 % les plus pauvres n’en sont responsables qu’à hauteur de 12 %.</p>
<p>Pour susciter un changement plus large, il est important de créer une vision convaincante de l’avenir qui incite les gens à prendre part au changement. Adopter un régime végétarien ou conduire un véhicule électrique sont des mesures importantes, mais insuffisantes si notre volume de consommation total reste inchangé. Et cela d’autant plus si ces options plus respectueuses de l’environnement ne sont accessibles qu’à quelques privilégiés.</p>
<p>Un changement de paradigme s’impose, qui nécessite des choix politiques forts et l’union des consommateurs autour des préoccupations écologiques. Nous devons construire un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-justice_environnementale_vers_de_nouvelles_injustices_sociales_damien_bazin-9782343176741-63583.html">cadre écologique inclusif qui reconnaisse les besoins de tous</a> sans marginaliser les comportements individuels ni ignorer nos différences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doctorante à l'Université Côte d'Azur, membre du Laboratoire GREDEG-CNRS et membre du laboratoire LEGI de l'Ecole Polytechnique de Tunisie, Université de Carthage. </span></em></p>Le concept de bien-être social permet de comprendre pourquoi, en dépit des progrès réalisés pour répondre aux besoins humains les plus fondamentaux, la crise climatique est toujours là.Abir Khribich, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2249902024-03-20T15:59:03Z2024-03-20T15:59:03ZCaraïbes, Amérique latine, Océan indien… Comment sortir de la double vulnérabilité climatique et financière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579518/original/file-20240304-30-vpv6r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C74%2C1997%2C1299&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La région des Caraïbes comportent plusieurs pays qui risquent de tomber dans une « spirale dette-climat ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/a-goes-satellite-image-of-hurricane-maria-in-the-caribbean-sea-taken-at-915-60da3d">Picryl/US Navy</a></span></figcaption></figure><p>Un certain nombre de pays en développement font actuellement face à d’importants enjeux de soutenabilité financière dans un contexte économique international dégradé. Un certain nombre d’entre eux sont par ailleurs particulièrement vulnérables au changement climatique, aux conséquences des évènements climatiques extrêmes d’une part, et à la dégradation chronique des conditions climatiques d’autre part (hausse du niveau de la mer et hausse des températures notamment).</p>
<p>Ces deux types de vulnérabilités, climatique d’un côté et macrofinancière de l’autre, peuvent, dans certains contextes, se renforcer mutuellement. Notre <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/spirale-dette-climat-une-approche-empirique-pour-detecter-les-situations-de-double-vulnerabilite">récente étude</a>, fondée sur une base de données interne prenant en compte des données historiques et projetées pour plus de 160 pays, se propose ainsi d’identifier ceux dans laquelle une spirale de dégradation des finances publiques risque d’apparaître en raison d’une exposition critique aux conséquences du changement climatique.</p>
<p>Cette notion de « double vulnérabilité » a notamment figuré au cœur de trois initiatives politiques récentes. D’une part, <a href="https://pmo.gov.bb/wp-content/uploads/2022/10/The-2022-Bridgetown-Initiative.pdf">l’initiative de Bridgetown</a>, lancée à la COP 26 en 2021, appelle à un allègement de la dette publique des pays les plus vulnérables et à la mobilisation massive de financements concessionnels pour aider ces économies à faire face au changement climatique. D’autre part, la création du fonds <a href="https://unfccc.int/news/cop27-reaches-breakthrough-agreement-on-new-loss-and-damage-fund-for-vulnerable-countries">Pertes et Dommages</a>, lancé lors de la COP27 et entériné à la COP28 fin 2023, devrait permettre de mobiliser des ressources financières pour les pays les plus affectés par le changement climatique. Enfin, en juin 2023, le <a href="https://theconversation.com/pays-en-developpement-un-sommet-a-paris-pour-relever-le-defi-de-la-dette-et-du-climat-208079">Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier</a> a également appelé à une meilleure définition des vulnérabilités climatiques et financières.</p>
<h2>Une « spirale dette-climat »</h2>
<p>Chaque fois, l’idée sous-jacente est la même : les pays les plus vulnérables au changement climatique – ceux qui en subissent le coût humain et économique le plus élevé – sont aussi souvent les moins bien armés financièrement pour y faire face. Si la notion de vulnérabilité doit encore être définie avec précision au niveau international, un nombre croissant de <a href="https://ferdi.fr/publications/prendre-en-compte-la-vulnerabilite-dans-la-repartition-mondiale-des-financements-concessionnels">travaux</a> insistent sur l’importance de mesurer conjointement la vulnérabilité au changement climatique et la vulnérabilité macrofinancière :</p>
<ul>
<li><p>La <strong>vulnérabilité climatique</strong> se définit comme une situation dans laquelle un pays (i) est fortement exposé à des événements climatiques extrêmes et occasionnels, ou à une dégradation chronique des conditions climatiques, et (ii) est relativement plus sensible que d’autres pays à la matérialisation de ces chocs.</p></li>
<li><p>La <strong>vulnérabilité macrofinancière</strong>, quant à elle, est définie comme la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources financières nationales ou internationales suffisantes pour éviter une dégradation excessive du solde budgétaire, et surtout, de la capacité de remboursement du service de la dette publique. Elle est mesurée à partir des notes de risque souverain produites par les trois principales agences de notation.</p></li>
</ul>
<p>En croisant ces deux catégories de vulnérabilité, on peut identifier les pays en situation de double vulnérabilité. Pour ces pays, le changement climatique est susceptible d’avoir des impacts multidimensionnels sur les populations, les écosystèmes et l’activité économique, entraînant une augmentation des déséquilibres budgétaires et une dégradation des indicateurs de soutenabilité de l’endettement public à court et moyen terme.</p>
<p>Réciproquement, cette dynamique défavorable limite la capacité du gouvernement à faire face efficacement aux conséquences du changement climatique, et en particulier à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les investissements destinés à l’adaptation au changement climatique. Ce cercle vicieux, supposé ou réel, est appelé « spirale dette-climat ».</p>
<h2>Deux groupes identifiés</h2>
<p>À partir de ces éléments, deux groupes de pays en situation de double vulnérabilité sont identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Les pays les plus vulnérables aux <strong>phénomènes climatiques extrêmes et occasionnels</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie O++ dans le tableau ci-dessous). Cette catégorie comprend de nombreuses îles des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien. Certains pays très vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes, mais dont la vulnérabilité macrofinancière est moins forte (catégorie O+ voire O), peuvent également être mis en évidence. C’est par exemple le cas du Bangladesh, de la République dominicaine, de la Colombie ou du Vietnam.</p></li>
<li><p>Les pays les plus vulnérables à une <strong>dégradation chronique des conditions climatiques</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie C++ dans le tableau ci-dessous). Il s’agit notamment de certains pays insulaires des Caraïbes et de l’océan Indien qui sont vulnérables non seulement à l’élévation du niveau de la mer, mais aussi à une forte augmentation des températures. Cette catégorie comprend également certains pays côtiers d’Amérique latine, où l’activité économique et l’habitat sont parfois concentrés dans les zones côtières. Sont aussi concernés un certain nombre de pays de la région méditerranéenne particulièrement vulnérables à la hausse des températures et à la raréfaction des ressources en eau, ainsi que des pays de la zone côtière ouest-africaine exposés à l’élévation du niveau de la mer.</p></li>
</ul>
<p><strong>Récapitulatif des pays en situation de double vulnérabilité</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lecture du tableau : Les pays en situation de vulnérabilité macrofinancière la plus élevée sont dans les catégories « ++ ». Les PMA et les PEID sont marqués en vert. Les pays à revenu intermédiaire (PRI) qui n’appartiennent pas au groupe des petits États insulaires en développement (PEID) sont indiqués en bleu. Les pays à risque élevé de surendettement public, ou en situation de défaut selon le FMI, sont soulignés. Note : les données sont actualisées à août 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’intersection de ces deux catégories, l’étude identifie les pays qui présentent une vulnérabilité aux deux types d’aléas climatiques (évènements ponctuels et dégradation chronique des conditions climatiques), ainsi qu’une vulnérabilité macrofinancière.</p>
<p>Entrent dans cette catégorie un certain nombre de pays insulaires des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Cuba, Grenade, Haïti, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines), de l’océan indien (Comores, Madagascar, Maldives et Sri Lanka), ainsi que certains pays côtiers d’Amérique latine (Belize, Nicaragua).</p>
<h2>Des outils financiers à adapter au cas par cas</h2>
<p>À partir de l’analyse de la double vulnérabilité, l’étude identifie un certain nombre de stratégies et instruments financiers susceptibles d’atténuer les principales conséquences du changement climatique sur la dynamique des finances publiques.</p>
<p>Pour le groupe O++ (les pays les plus vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes et qui présentent par ailleurs une forte vulnérabilité macrofinancière), la priorité serait d’atténuer le coût associé à un choc climatique à court terme, tout en prévenant l’augmentation de la dette publique afin de préserver la solvabilité publique à moyen et long terme.</p>
<p>Pour ce faire, un système d’assurance publique internationale pourrait apparaître comme un instrument adapté pour amortir le coût des chocs climatiques sans dégrader la dynamique d’endettement public.</p>
<p>Les « Climate Resilience Debt Clause » (CRDC) seraient aussi utiles à condition d’être déployés par un large éventail de créanciers. Ces « Climate Resilience Debt Clause » désignent un mécanisme contractuel par lequel le créancier accepte de renoncer temporairement au remboursement des intérêts (et parfois du principal) d’un prêt en cas d’événement climatique extrême.</p>
<p>Un certain nombre d’autres outils, tels que les prêts de contingence, dont le(s) décaissement(s) est/sont déclenché(s) par la survenance d’un choc climatique, peuvent être particulièrement adaptés dans certains cas. Ils doivent toutefois être utilisés avec précaution, car ils sont susceptibles de générer un endettement supplémentaire qui augmenterait la vulnérabilité macrofinancière des pays qui en bénéficient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-financer-les-politiques-climatiques-en-amerique-latine-et-dans-les-cara-bes-220866">Comment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?</a>
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<p>Pour les pays de la catégorie C++ (vulnérables à une dégradation chronique des conditions climatiques et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée), la stratégie se concentrerait en priorité sur la reconstitution d’une marge de manœuvre budgétaire à court terme pour soutenir les efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Pour les États les plus vulnérables financièrement, un processus concerté de restructuration de la dette publique peut parfois être le seul moyen de retrouver une dynamique soutenable de la dette publique. Pour des États qui présentent une vulnérabilité financière plus modérée, les « swaps dette-climat », mais aussi les « sustainability-linked bonds », parmi d’autres instruments, peuvent permettre de soutenir l’effort d’investissement dans l’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Le mécanisme le plus courant de « swap dette-climat » consiste en un rachat de dette (généralement des obligations souveraines) par l’émetteur à un prix réduit. La différence entre les flux de trésorerie attendus avant et après le rachat est allouée (partiellement ou totalement) aux investissements d’adaptation ou d’atténuation. Quant aux « sustainability-linked bond », il s’agit d’un financement obligataire accordé en contrepartie de l’atteinte d’indicateurs de performance de type « durable » ou « climat » par l’émetteur.</p>
<p>Ces différents instruments peuvent devenir une composante d’une stratégie financière globale pour le financement de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Terrieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude suggère une classification des pays en fonction de leur endettement et de leur exposition aux risques environnementaux pour adapter les outils financiers au cas par cas.Maxime Terrieux, Economiste risque pays, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245832024-02-29T09:52:02Z2024-02-29T09:52:02ZL'Afrique a besoin de la Chine pour son développement numérique mais à quel prix ?<p>Les technologies numériques présentent de nombreux avantages potentiels pour les populations des pays africains. Elles peuvent soutenir la prestation de services de santé, promouvoir l'accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, et renforcer l'inclusion financière. </p>
<p>Mais il existe des obstacles à la concrétisation de ces avantages. L'infrastructure de base nécessaire pour connecter les communautés fait défaut par endroits. La technologie et le financement font également défaut. </p>
<p>En 2023, seulement <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">83 %</a> de la population de l'Afrique subsaharienne était couverte par un réseau mobile 3G au moins. Dans toutes les autres régions, la couverture était supérieure à 95 %. La même année, <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">moins de la moitié de la population africaine</a> disposait d'un abonnement mobile actif à haut débit, derrière les États arabes (75 %) et la région Asie-Pacifique (88 %). Par conséquent, les Africains représentaient une part importante des quelque <a href="https://www.itu.int/en/mediacentre/Pages/PR-2023-09-12-universal-and-meaningful-connectivity-by-2030.aspx#:%7E:text=The%20number%20of%20people%20worldwide,global%20population%20unconnected%20in%2023.">2,6 milliards</a> de personnes dans le monde qui étaient toujours déconnectées en 2023.</p>
<p>La Chine est un <a href="https://gga.org/china-expands-its-digital-sovereignty-to-africa/">partenaire clé</a> de l'Afrique pour débloquer ce goulot d'étranglement. Plusieurs pays africains dépendent de la Chine en tant que principal fournisseur de technologie et sponsor de grands projets d'infrastructure numérique.</p>
<p>Cette relation fait l'objet d'une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">étude</a> que j'ai publiée récemment. Cette étude montre qu'au moins 38 pays ont travaillé en étroite collaboration avec des entreprises chinoises pour faire progresser leur réseau national de fibres optiques, leur infrastructure de centres de données ou leur savoir-faire technologique. </p>
<p>L'implication de la Chine a été déterminante si bien que les pays africains ont fait de grands progrès en matière de développement numérique. Malgré la persistance de la fracture numérique entre l'Afrique et d'autres régions, la couverture du réseau 3G <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">est passée de 22 % à 83 %</a> entre 2010 et 2023. Les abonnements mobiles actifs à haut débit ont augmenté <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">de moins de 2 % en 2010 à 48 % en 2023</a>. </p>
<p>Pour les gouvernements, cependant, le risque existe que le développement numérique impulsé par des acteurs étrangers maintienne en place les structures de dépendance existantes.</p>
<h2>Raisons de la dépendance à l'égard des technologies et des financements étrangers</h2>
<p>Le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">marché mondial</a> de l'infrastructure des technologies de l'information et de la communication (TIC) est contrôlé par une poignée de producteurs. Par exemple, les principaux fournisseurs de câbles à fibres optiques, un composant de réseau qui permet l'Internet à haut débit, sont Huawei et ZTE, basés en Chine, et l'entreprise suédoise Ericsson. </p>
<p>De nombreux pays africains, dont les revenus internes sont limités, n'ont pas les moyens de s'offrir ces composants de réseau. Les investissements dans les infrastructures dépendent des financements étrangers, notamment des prêts à des conditions préférentielles, des crédits commerciaux ou des partenariats public-privé. Ces éléments peuvent également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308596124000107">influencer le choix du fournisseur d'infrastructure d'un État</a>.</p>
<p>Le relief du continent africain ajoute aux difficultés technologiques et financières. Les vastes terres et les topographies difficiles rendent le déploiement des infrastructures très coûteux. Les investisseurs privés évitent les zones peu peuplées parce qu'il n'est pas rentable pour eux d'y fournir un service. </p>
<p>Les États enclavés dépendent de l'infrastructure et de la bonne volonté des pays côtiers pour se connecter aux points d'atterrissage internationaux de fibre optique.</p>
<h2>Une solution complète</h2>
<p>On suppose parfois que les dirigeants africains optent pour les fournisseurs chinois parce qu'ils offrent la technologie la moins chère. <a href="https://www.zdnet.com/home-and-office/networking/uganda-orders-probe-into-huaweis-fiber-project/">Des témoignages anecdotiques suggèrent le contraire</a>. Les entrepreneurs chinois sont des partenaires attrayants parce qu'ils peuvent offrir des solutions complètes qui incluent le financement. </p>
<p>Dans le cadre du système dit <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00TN5G.pdf">“EPC+F”</a> (Engineer, Procure, Construct + Fund/Finance), des entreprises chinoises comme Huawei et ZTE supervisent l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction, tandis que les banques chinoises fournissent un financement garanti par l'État. L'Angola, l'Ouganda et la Zambie sont quelques-uns des pays qui semblent avoir bénéficié de ce type d'accord. </p>
<p>Les solutions globales de ce type intéressent les pays africains. </p>
<h2>Quels sont les avantages pour la Chine ?</h2>
<p>Dans le cadre de sa stratégie <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-137-57813-6_6">“go-global”</a>, le gouvernement chinois encourage les entreprises chinoises à investir et à opérer à l'étranger. Le gouvernement offre un soutien financier et attend des entreprises qu'elles améliorent la compétitivité mondiale des produits chinois et de l'économie nationale. </p>
<p>À long terme, Pékin cherche à établir et à promouvoir des normes numériques chinoises. Les partenariats de recherche et les possibilités de formation exposent un nombre croissant d'étudiants à la technologie chinoise. Le gouvernement chinois s'attend à ce que les applications mobiles et les startups en Afrique reflètent de plus en plus les principes technologiques et idéologiques de Pékin, y compris sa vision des droits de l'homme, de la confidentialité des données et de la liberté d'expression. </p>
<p>Cela s'inscrit en droite ligne avec la vision de la “<a href="https://www.orfonline.org/research/the-digital-silk-road-in-the-indo-pacific-mapping-china-s-vision-for-global-tech-expansion">Route de la soie numérique</a>” de la Chine, qui complète son initiative économique <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/chinas-massive-belt-and-road-initiative">Nouvelle route de la soie</a>, en créant de nouvelles routes commerciales. </p>
<p>Dans le domaine numérique, l'objectif est la primauté technologique et une plus grande autonomie par rapport aux fournisseurs occidentaux. Le gouvernement s'efforce d'instaurer un <a href="https://thediplomat.com/2021/04/chinas-digital-silk-road-and-the-global-digital-order/">ordre numérique mondial sino-centré</a>. Les investissements dans les infrastructures et les partenariats de formation dans les pays africains constituent un point de départ. </p>
<h2>Implications à long terme</h2>
<p>D'un point de vue technologique, une dépendance excessive à l'égard d'un seul fournisseur d'infrastructure rend l'État client plus vulnérable. Lorsqu'un client dépend fortement d'un fournisseur particulier, il est difficile et coûteux de changer de fournisseur. Les pays africains pourraient être enfermés dans l'écosystème numérique chinois.</p>
<p>Des chercheurs comme <a href="https://www.researchgate.net/profile/Arthur-Gwagwa">Arthur Gwagwa</a> de l'Institut d'éthique de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) estiment que l'exportation par la Chine de composants d'infrastructures critiques <a href="https://www.dw.com/en/africa-embraces-huawei-technology-despite-security-concerns/a-60665700">permettra l'espionnage militaire et industriel</a>. Ces allégations affirment que les équipements fabriqués en Chine sont conçus de manière à faciliter les cyberattaques. </p>
<p>Human Rights Watch, une ONG internationale qui mène des activités de recherche et de défense des droits de l'homme, <a href="https://www.hrw.org/news/2023/05/09/future-technology-lessons-china-and-us">a exprimé ses préoccupations</a> quant au risque d'un autoritarisme technologique accru lié aux infrastructures chinoises. Huawei a notamment été <a href="https://www.wsj.com/articles/huawei-technicians-helped-african-governments-spy-on-political-opponents-11565793017">accusé</a> d'être de connivence avec des gouvernements pour espionner des opposants politiques en Ouganda et en Zambie. Huawei a <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3023215/huawei-denies-helping-governments-uganda-and-zambia-spy">nié</a> ces allégations. </p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>L'implication de la Chine offre aux pays africains une voie rapide vers le progrès numérique. Elle expose également les États africains au risque d'une dépendance à long terme. La solution consiste à diversifier l'offre d'infrastructures, les possibilités de formation et les partenariats. </p>
<p>Il est également nécessaire de promouvoir l'interopérabilité dans les forums internationaux tels que <a href="https://www.itu.int/en/Pages/default.aspx">l'Union internationale des télécommunications</a>, une agence des Nations unies responsable des questions liées aux technologies de l'information et de la communication. L'interopérabilité permet à un produit ou à un système d'interagir avec d'autres produits et systèmes. Cela signifie que les clients peuvent acheter des composants technologiques auprès de différents fournisseurs et passer à d'autres solutions technologiques. Elle favorise la concurrence sur le marché et des solutions de meilleure qualité en empêchant les utilisateurs d'être enfermés dans les mains d'un seul fournisseur. </p>
<p>Enfin, à long terme, les pays africains devraient produire leurs propres infrastructures et devenir moins dépendants.</p>
<p>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephanie Arnold does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La plupart des gouvernements en Afrique subsaharienne voient d'un bon œil les investissements chinois dans l'infrastructure numérique.Stephanie Arnold, PhD Candidate, Università di BolognaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207082024-02-07T15:42:52Z2024-02-07T15:42:52ZExtrême pauvreté, l'éternelle urgence dans le Grand Sud malgache<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569064/original/file-20240112-27-ehsd07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C538%2C359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants malgaches bénéficient d’une cantine scolaire mise en place grâce au Programme alimentaire mondial des Nations unies, 2013.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/lunion-europeenne-appuie-lacces-leducation-dans-le-sud-de-madagascar">Site du Programme alimentaire mondial</a></span></figcaption></figure><p>Le sud de Madagascar est l’une des régions les plus vulnérables d’Afrique subsaharienne. On estime que plus de 9 habitants sur 10 vivent <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/nasikiliza/dans-le-sud-de-madagascar-une-meilleure-productivite-permettra-de-lutter-contre-la">sous le seuil d’extrême pauvreté</a> (1,90 dollars par jour). Depuis une trentaine d’années, les alertes des ONG, des médias et des organisations internationales sont récurrentes. La population est confrontée à de nombreux risques climatiques, sociaux, sécuritaires, sanitaires et économiques. Face à l’urgence de la situation, la région a progressivement vu s’installer une multitude d’acteurs nationaux et internationaux de l’urgence et du développement.</p>
<p>Comment comprendre l’urgence chronique dans le sud de Madagascar et les réponses apportées à cette crise ? Nous proposons de nous appuyer sur un <a href="https://hal.science/hal-04218183v2/file/CAPSUD%20Document%20de%20capitalisation%20Livrable%20final%20en.pdf">travail</a> qui référence et archive les principaux travaux (articles scientifiques et littérature grise) produits au cours des 30 dernières années sur les projets de développement dans le sud de Madagascar. Sur cette base, notre équipe a produit une analyse de l’échec des projets mis en place dans la zone. Nous renvoyons le lecteur au rapport « <a href="https://hal.science/hal-04218183v2">Le développement dans le Grand Sud malgache. Quelques enseignements de 30 ans de projets de développement</a> » (coordonné par Claire Gondard-Delcroix) pour davantage d’informations sur le travail réalisé et la bibliothèque en ligne.</p>
<h2>Une crise multifactorielle</h2>
<p>Le grand sud malgache est historiquement caractérisé par une vulnérabilité multifactorielle. Les conditions agro-climatiques défavorables, en interaction avec l’enclavement géographique, politique et économique de la zone, expliquent en partie les différences entre, d’une part, les trois régions du sud et, d’autre part, le reste du pays.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les sévères contraintes agroclimatiques qui pèsent sur la région ont de lourdes conséquences. <a href="https://ecologyandsociety.org/vol27/iss1/art42/">L’intensification du <em>kéré</em></a> (littéralement, « famine » en <a href="https://www.jacaranda.fr/en/antandroy">Antandroy</a>) pose d’importants problèmes d’accès aux ressources vitales comme l’eau et l’alimentation. Principalement tournées vers l’agriculture et l’élevage, les activités génératrices de revenus des populations locales ont été largement impactées par les périodes de sécheresse, mais également par les <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">invasions acridiennes</a> et les vents violents. 93 % des personnes interrogées dans le cadre d’une <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">enquête</a> réalisée en 2019 dans le sud de Madagascar ont déclaré avoir subi un choc impactant leurs cultures agricoles durant les douze derniers mois. La multiplication et l’accumulation de ces difficultés mettent sous tension les équilibres de pouvoir et les structures sociales traditionnelles.</p>
<p>Le bouleversement le plus visible et le plus médiatique s’illustre par la présence de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20180623-madagascar-difficile-lutte-contre-le-vol-zebus">voleurs de zébus</a> (<em>Dahalo</em>). Le champ d’intervention de ces groupes aujourd’hui lourdement armés et très organisés, à l’origine concentrés sur le vol de zébus dans le cadre de pratiques sociales locales, s’est progressivement élargi à d’autres trafics, si bien que le terme de <em>dahalo</em> est aujourd’hui moins approprié que celui de <em>malaso</em> (bandits).</p>
<p>Les causes climatiques sont loin d’être l’unique élément d’explication pour comprendre la crise que traversent les trois régions du grand sud.</p>
<p>Nous avons évoqué l’enclavement politique et géographique de la région, les jeux de pouvoirs locaux et nationaux ; il faut aussi particulièrement souligner les types et modes des interventions développées. Les interventions suivant une « logique projet », déployées sur des horizons temporels courts et des objectifs ciblés, peinent à prendre en compte la multidimensionnalité des difficultés régionales.</p>
<p>À cela il convient d’ajouter les défaillances de l’État (manque d’infrastructures, sous-administration importante) et les difficultés de coordination des acteurs de l’aide et de l’urgence. La combinaison entre ces différents éléments permet de comprendre la crise multifactorielle en cours dans le grand sud malgache.</p>
<h2>Le sud de Madagascar, cimetière à projets ?</h2>
<p>Face à l’urgence de la situation, la région est progressivement devenue un laboratoire de l’aide internationale. Les populations du grand sud ont vu se succéder de nombreux projets d’aide et d’urgence, dont des programmes de distribution alimentaire, des programmes de distribution d’eau et d’assainissement et enfin, dernièrement, des <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-la-pauvrete-les-limites-du-transfert-monetaire-130153">programmes de transferts monétaires</a>.</p>
<p>Les interventions de développement et d’urgence sont principalement structurées autour des thématiques de la nutrition, de l’eau, de la santé, de l’assainissement, de l’extrême pauvreté ou encore de la gestion des catastrophes naturelles, et sont le fait d’acteurs multiples.</p>
<p>On peut par exemple citer les nombreux projets de la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar">Banque mondiale</a>, du <a href="https://fr.wfp.org/histoires/madagascar-les-enfants-ne-courent-et-ne-jouent-pas-dans-leurs-yeux-une-profonde-tristesse">Programme alimentaire mondial</a>, de <a href="https://www.eeas.europa.eu/madagascar/lunion-europeenne-et-madagascar_fr">l’Union européenne</a>, ou encore de <a href="https://www.unicef.org/madagascar/">l’UNICEF</a>. Il est également intéressant de souligner la présence d’organisations nationales ayant des liens étroits avec les organisations internationales comme le <a href="https://bngrc.gov.mg/">Bureau national de gestion des risques et des catastrophes</a>, le <a href="https://www.fid.mg/">Fonds d’intervention pour le Développement</a> ou encore <a href="https://office-nutrition.mg/">l’Office national de nutrition</a>.</p>
<p>Les organisations non gouvernementales comme <a href="https://www.care.org/fr/our-work/where-we-work/madagascar/">CARE international</a>, la <a href="https://croixrougemalagasy.mg/">Croix-Rouge</a>, <a href="https://www.crs.org/our-work-overseas/where-we-work/madagascar">Catholic Relief Service</a> ou <a href="https://www.welthungerhilfe.org/our-work/countries/madagascar">Welthungerhilfe</a> jouent aussi un rôle important. Cette présence de nombreux acteurs du développement et de l’urgence pose d’importants problèmes de coordination dans la mise en place des interventions.</p>
<p>Historiquement, le sud de Madagascar est une région <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/587761530803052116/pdf/127982-WP-REVISED-deep-south-V27-07-2018-web.pdf">enclavée géographiquement et politiquement</a>. L’État y est quasiment absent. Malgré le <a href="https://www.presidence.gov.mg/actualites/1268-colloque-regional-pour-l-emergence-du-grand-sud-des-solutions-malgacho-malgaches-pour-une-transformation-radicale-des-regions-androy-et-anosy.html">plan « émergence du grand sud »</a> lancé en 2021 par la présidence de la République, les choses n’ont guère évolué. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilisation de la notion d’émergence dans des régions habituées aux situations de crises alimentaires, sanitaires, climatiques, sécuritaires et institutionnelles. Le plan émergence apparaît davantage comme un outil de communication qu’une politique engageant des changements structuraux profonds.</p>
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<p>Ainsi les actions de développement menées dans la région se structurent autour de projets caractérisés par des temporalités d’exécution réduite (le temps du projet). Cette logique de court terme <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/15/a-madagascar-derriere-l-alibi-du-climat-les-raisons-d-une-famine_6117641_3212.html">pose d’importants problèmes</a> : elle réduit les possibilités de pérennisation des projets de développement, rend plus difficile l’accumulation d’expérience, concourt à réduire la confiance des populations locales et exacerbe la concurrence entre les acteurs impliqués dans l’accès aux financements et le développement des projets.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Il paraît déterminant de renforcer l’adaptation des dispositifs (politiques et projets) dans le sud de Madagascar aux contextes locaux. En effet, de nombreuses interventions peuvent être qualifiées de modèles voyageurs. C’est-à-dire des « <a href="https://www.cairn.info/la-revanche-des-contextes--9782811123628-page-23.htm">programmes standardisés d’intervention sociale</a> » qui ne tiennent pas compte de la structure des pouvoirs locaux, des dynamiques socio-économiques locales, de l’histoire des rapports de force ou encore des activités et pratiques de protection informelles des populations locales – c’est le cas par exemple, du développement des programmes de transferts monétaires conditionnels ou non conditionnels.</p>
<p>De nouvelles approches permettant d’avoir une compréhension précise des dynamiques locales doivent être adoptées. Le <a href="https://gret.org/">Groupe de recherches et d’échanges technologiques</a> (organisation de solidarité internationale) réalise plusieurs projets de développement en mobilisant une approche socioanthropologique afin de tenir compte de la diversité et la complexité des contextes dans le développement des projets.</p>
<p>Par ailleurs, un enjeu important réside dans le développement de travaux de recherche dédiés à l’étude de la multidimensionnalité des dynamiques de développement dans le Sud malgache. En effet, si les projets de développement intègrent habituellement une dimension de suivi évaluation, celle-ci reste focalisée sur la réalisation des objectifs internes du projet et sur l’impact de celui-ci, sans prise en compte des complexités régionales. Si de telles évaluations sont nécessaires pour capitaliser, comparer les projets et évaluer leur reproductibilité, elles ne permettent pas de traiter globalement des enjeux du développement de la région. De telles recherches interdisciplinaires permettraient de nourrir utilement le dialogue science-société au service de l’élaboration des politiques et projets de développement dans le sud malgache.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Gondard-Delcroix a reçu des financements de la Délégation de l’Union Européenne à Madagascar (DUEM), à travers les Fonds Européen de Développement (FED) affectés au programme « Appui au financement de l’agriculture et aux filières inclusives dans le Sud de Madagascar » (Afafi-Sud). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léo Delpy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sud de Madagascar subit depuis plusieurs décennies une crise multifactorielle. Malgré l’aide internationale, la région est l’une des plus vulnérables de l’Afrique subsaharienne.Léo Delpy, Maitre de conférences, Université de LilleClaire Gondard-Delcroix, Enseignante-chercheuse en économie, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2225662024-02-06T14:38:38Z2024-02-06T14:38:38ZCoupe d’Afrique des nations : les diasporas, une aubaine pour le football africain ?<p>Qui remportera la <a href="https://theconversation.com/topics/coupe-dafrique-des-nations-can-137997">Coupe d’Afrique des nations</a> (CAN) dimanche prochain ? Ce mercredi, en demi-finales, le Nigeria s'est qualifié aux dépens de l’Afrique du Sud, et affrontera en finale le pays organisateur, la Côte d’Ivoire, venue à bout de la République démocratique du Congo.</p>
<p>À l’issue de <a href="https://www.theguardian.com/football/2022/feb/06/senegal-egypt-africa-cup-of-nations-final-match-report">l’édition précédente</a>, en 2022, c’est le capitaine du Sénégal, Kalidou Koulibaly, qui avait soulevé le trophée. En 2019, le capitaine Riyad Mahrez avait mené l’Algérie à la victoire. Aucun de ces deux joueurs n’est né en Afrique. En cas de victoire du Nigeria, le trophée ne serait, une fois de plus, pas soulevé par un natif du continent africain : <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Article/Troost-ekong-capitaine-du-nigeria-a-la-can-la-plus-belle-decision-de-ma-vie/1446178">William Troost-Ekong</a>, l’actuel capitaine des Super Eagles, est né aux Pays-Bas. Sur les <a href="https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/sports/the-allure-of-the-diaspora-at-afcon-2024-4491490#">630 joueurs</a> convoqués, 200 sont nés en dehors du continent. La carte ci-dessous indique leurs lieux de naissance.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lieu de naissance hors Afrique des joueurs engagés à la CAN. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le pays non africain qui a vu naître le plus grand nombre de joueurs présents à la CAN est la France, avec 104 joueurs, suivie de l’Espagne avec 24 joueurs, puis du Royaume-Uni avec 15 joueurs. Des natifs de l’Irlande et de l’Arabie saoudite participent aussi au tournoi cette année.</p>
<p>L’équipe nationale marocaine était celle comptant le plus grand nombre de joueurs issus de la <a href="https://theconversation.com/topics/diaspora-72162">diaspora</a> : 18 d’entre eux sont nés hors du pays qu’ils représentaient, alors que seuls 9 membres de l’équipe sont nés dans le pays. La Guinée équatoriale et la République démocratique du Congo comptent, elles, respectivement 17 et 16 joueurs issus de la diaspora.</p>
<h2>Choix du cœur ou de la raison ?</h2>
<p>Une intense bataille visant à attirer les talents se dispute actuellement dans le monde du football. Elle implique souvent la <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/international-athletes-world-cup-nationality">naturalisation de footballeurs</a>, qui se retrouvent parfois à jouer pour une équipe nationale alors qu’ils ont déjà joué pour une autre (ce qui est possible depuis 2020, avec toutefois des <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/fifa-la-nouvelle-regle-pour-les-changements-d-equipe-nationale-a-ete-votee_AV-202009190237.html">restrictions importantes</a>). Certains États effectuent même un <a href="https://www.thenationalnews.com/fifa-world-cup-2022/2022/12/07/every-moroccan-is-moroccan-regraguis-fight-to-include-foreign-born-players-vindicated/">ciblage spécifique</a> de joueurs susceptibles de renforcer leur sélection nationale dans des pays du monde entier.</p>
<p>Le cas de l’Afrique reste cependant bien à part. Il reflète à la fois son passé colonial et l’importance de ses diasporas présentes en de nombreux points du monde. <a href="https://www.theguardian.com/football/2015/sep/12/leicester-city-riyad-mahrez-father-dream-algeria-world-cup">Riyad Mahrez</a>, par exemple, est né à Paris de parents d’origine algérienne et marocaine. La capitale française compte 331 000 Algériens et 254 000 Marocains. Les parents de <a href="https://onefootball.com/en/news/chelsea-defender-koulibaly-explains-choosing-senegal-over-france-35927795">Kalidou Koulibaly</a>, natif de Saint-Dié-des-Vosges, sont tous deux nés au Sénégal ; et les chiffres indiquent qu’il y a plus de 100 000 Sénégalais en France.</p>
<p>Il ne s’agit pas seulement d’une histoire française : l’attaquant nigérian <a href="https://dailypost.ng/2023/02/09/no-regrets-choosing-nigeria-over-england-lookman/">Ademola Lookman</a> est né à Londres ; le Ghanéen <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/africa/62549049">Inaki Williams</a> a quasiment toujours vécu à Bilbao et a porté une fois le maillot de la sélection espagnole ; les Marocains <a href="https://blogs.lse.ac.uk/mec/2023/01/16/the-political-dimension-of-moroccos-success-in-the-world-cup/">Sofyan Amrabat et Hakim Ziyech</a> sont passés par les équipes de jeunes des Pays-Bas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745694217509458131"}"></div></p>
<p>L’identité personnelle et la dynamique familiale comptent souvent parmi les raisons principales pour lesquelles les joueurs choisissent de représenter les équipes du lieu de naissance de leurs parents plutôt que celles du pays où ils sont nés eux-mêmes. <a href="https://www.irishtimes.com/sport/soccer/2022/12/10/hakim-ziyech-a-magician-at-the-heart-of-moroccan-love-story/">Hakim Ziyech</a>, par exemple, a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Le choix d’une équipe nationale ne se fait pas avec le cerveau mais avec le cœur. Je me suis toujours senti marocain, même si je suis né aux Pays-Bas. Beaucoup de gens ne comprendront jamais. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.goal.com/en-gb/news/inaki-williams-made-right-choice-ghana-over-spain/blt005c8219a89b044e">Inaki Williams</a> a, lui, évoqué l’influence de ses grands-parents :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’étais pas sûr de mon choix, mais un voyage au Ghana m’a aidé à comprendre ce que mes grands-parents en pensaient. Tout m’a semblé plus simple en voyant les gens et ma famille m’encourager à devenir un Black Star. »</p>
</blockquote>
<p>Les cyniques affirment que certains de ces joueurs ne sont tout simplement pas assez bons pour être sélectionnés dans l’équipe nationale du pays où ils sont nés. Présenté dans ses jeunes années comme une future star du football anglais alors qu’il impressionnait sous les couleurs d’Arsenal, <a href="https://www.completesports.com/ex-everton-star-ball-iwobi-not-good-enough-to-play-for-toffees/">Alex Iwobi</a>, 27 ans, joue aujourd’hui pour Fulham, équipe de milieu de tableau, et compte 72 sélections avec le Nigeria.</p>
<h2>S’appuyer davantage sur les natifs du continent ?</h2>
<p>D’autres observateurs s’inquiètent néanmoins de l’impact négatif que le recours aux diasporas peut avoir sur le football africain. Pour eux, faire venir des talents d’Europe et d’ailleurs ne serait qu’une stratégie cherchant à obtenir des résultats immédiats au détriment du <a href="https://www.africanews.com/2018/09/11/is-africas-football-talent-finally-coming-back-home-football-planet/">développement à long terme du football sur le continent</a>.</p>
<p>Une telle stratégie peut effectivement porter ses fruits rapidement : lors de la Coupe du monde au Qatar en 2022, le Maroc est devenu la première nation africaine à atteindre les demi-finales du tournoi. Cette performance lui a permis d’obtenir la meilleure place jamais enregistrée par une équipe africaine dans le classement de la FIFA (13<sup>e</sup> place). Le Sénégal se trouve également dans le Top 20 mondial.</p>
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<p>Les performances récentes du Cap-Vert, éliminé aux tirs au but au stade des quarts de finale de la Coupe d’Afrique cette année, ont aussi montré que tout était possible, même pour des nations traditionnellement plus discrètes sur la planète football. L’équipe nationale de ce chapelet de dix îles de l’océan Atlantique, dont la population est inférieure à celle de la ville de Marseille, a terminé en tête d’un groupe difficile comprenant l’Égypte et le Ghana et a éliminé la Mauritanie en huitième de finale. Là aussi, de nombreux binationaux ont été <a href="https://www.flashscore.fr/actualites/football-can-pico-lopez-et-logan-costa-l-irlandais-et-le-toulousain-du-cap-vert-a-la-can-2024/AkwY50Ck/">remarqués et sollicités</a> par la fédération capverdienne.</p>
<p>L’ancien gardien de but du Cameroun et de l’Olympique de Marseille <a href="https://www.lemonde.fr/en/sports/article/2022/11/25/world-cup-2022-the-problem-with-african-football-is-the-leaders_6005649_9.html">Joseph-Antoine Bell</a> ne s’enthousiasme pas outre mesure. Selon lui, la possibilité d’avoir recours à de nombreux joueurs issus de la diaspora rend le travail des dirigeants, des managers et des entraîneurs du continent africain trop facile, ce qui provoquerait une forme de passivité. Il a ajouté que ce phénomène démotiverait les joueurs nés, éduqués et vivant en Afrique.</p>
<p>Bien que la pratique de la sélection de joueurs issus des diasporas semble <a href="https://www.versus.uk.com/articles/diaspora-fc-why-its-time-for-this-generation-to-go-back-to-their-motherlands">s’intensifier</a> (l’impact de la <a href="https://sports-chair.essec.edu/resources/research-reports/sport-and-national-eligibility-criteria-in-the-era-of-globalization">mondialisation</a> se faisant aussi ressentir), quelques pays continuent de s’appuyer fortement sur des joueurs nés et élevés sur le territoire national. L’Égypte, la Namibie et l’Afrique du Sud en sont des exemples. Joseph-Antoine Bell approuverait sans doute, lui qui a déjà appelé l’Afrique à développer des solutions internes en matière d’identification et de développement des talents. Le problème, c’est que cela demande du temps, de l’argent et de la patience – des denrées précieuses dans le football en général, et pas seulement en Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222566/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux joueurs des sélections africaines sont nés et ont grandi en Europe. Leur choix d’évoluer pour une nation africaine est-il un signe positif pour le football africain ?Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Associate Professor, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
<p><iframe id="nOnDW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nOnDW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200682024-01-11T16:41:37Z2024-01-11T16:41:37ZJapon, Inde, Haïti et ailleurs : ce que les toilettes publiques disent des sociétés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568829/original/file-20240111-17-fnevuh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C7%2C2556%2C1216&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scène issue de _Perfect Days_ de Wim Wenders, dont le personnage principal est un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=kLYFBhcwYj4">Wim Wenders, « Perfect Days », Master Mind</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 décembre dernier, sortait en salle le film de Wim Wenders <a href="https://www.perfectdays-movie.jp/en/"><em>Perfect Days</em></a>, qui met en scène le quotidien d’un employé municipal de Tokyo, Hirayama, chargé de nettoyer les toilettes publiques. Ce film met en évidence, s’il en était encore besoin, les différences sociales et culturelles dans les façons d’appréhender ce petit coin, sa visibilité dans l’espace public, mais également les questions d’<a href="https://theconversation.com/que-risque-t-on-en-sasseyant-sur-des-toilettes-publiques-105465">hygiène</a> et d’assainissement.</p>
<p>Il rend partiellement compte d’une expérience développée par le <a href="https://tokyotoilet.jp/en/">Tokyo Toilet Project</a> lancé par l’ONG <a href="https://www.nippon-foundation.or.jp/en/what/projects/thetokyotoilet">The Nippon Foundation</a>, qui vise à réhabiliter 17 toilettes publiques de l’agglomération de Shibuya en œuvres d’art, toutes gratuites et utilisables par tous et toutes indépendamment du sexe, de l’âge ou du handicap.</p>
<p>L’une d’entre elles, réalisée par <a href="https://tokyotoilet.jp/en/yoyogifukamachi_mini_park/">Shigeru Ban</a>, est d’ailleurs équipée de cabines colorées et transparentes qui deviennent opaques quand on ferme la porte. Un dispositif qui permet, selon l’architecte, de répondre à deux préoccupations que peuvent avoir les utilisateurs concernant les toilettes : vérifier leur état de propreté et s’assurer que personne ne se trouve déjà à l’intérieur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1GcyTKfj_wQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Toilettes transparentes, Shibuya.</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/26/les-toilettes-publiques-au-japon-des-sanctuaires-de-paix-et-d-hygiene_6207661_3210.html">En esthétisant les toilettes</a> et en en faisant un élément ostensible du décor urbain, c’est-à-dire un outil de requalification de certains îlots de l’arrondissement de la capitale, ce projet donne à voir la place singulière que ces dernières occupent dans la culture nippone.</p>
<p>Néanmoins, s’il a vu le jour, c’est parce ce qu’un certain nombre de stéréotypes (les toilettes publiques étaient considérées comme sombres, malodorantes et effrayantes) en limitaient l’utilisation. Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes hésitent à employer les commodités au Japon. Même au sein du pays leader des toilettes de haute technologie – où l’entreprise <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jmhr/1/1/1_118/_pdf/-char/ja">Toto</a> participe au rayonnement de cette expertise synonyme de soft power –, ces stratégies d’évitement expriment à des degrés divers des processus de différenciation et d’exclusion.</p>
<h2>Une préoccupation sociétale</h2>
<p>Cet exemple permet de soulever des questions essentielles qui dépassent la singularité japonaise. Quelles stratégies adopter en matière d’implantation des toilettes publiques ? Quels choix de localisation ? Quelles dialectiques du visible et de l’invisible – de ceux qui les utilisent, ceux qui les entretiennent et des flux qui y sont rassemblés puis dispersés – se jouent dans et à travers ces lieux ?</p>
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<p>Cette perspective incite à dire que toute action envers les toilettes ne peut se contenter de se baser sur une seule unité géographique (comme un îlot ou un village), mais doit prendre en compte tous les effets que les toilettes, de leur localisation à leur entretien, ont sur la société. D’autant plus lorsque des toilettes, sublimées par l’art, en viennent à renforcer la centralité de Tokyo.</p>
<p>Partout dans le monde, les toilettes publiques témoignent de la complexité des espaces publics partagés. En Europe, les toilettes publiques sont souvent synonymes de saleté et de désagréments, et évoquent des <a href="https://journals.openedition.org/brussels/7154">espaces utilisés à des fins pour lesquelles ils n’ont pas été conçus</a> : consommation de drogues, supports de graffitis et de tags, rencontres sexuelles ou <a href="https://actu.fr/bretagne/vannes_56260/a-63-ans-vit-dans-toilettes-publiques-depuis-deux-ans_31502471.html">abris</a> (pour les personnes qui en sont privées), par exemple.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Size matters », centre commercial Palladium, Prague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marcussen/2744676587/">Erik Marcussen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ce sont des espaces polyvalents qui matérialisent notamment des inégalités de genre. <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.18574/nyu/9780814759646.003.0006/html">Les femmes ont davantage besoin de se rendre aux toilettes que les hommes</a> (spécialement en période de grossesse et de menstruations) et elles y passent plus de temps, mais les toilettes fermées sont moins nombreuses que les urinoirs.</p>
<p>Par ailleurs, la présence de certaines catégories de populations (migrants, toxicomanes sans domicile fixe) peut susciter des <a href="https://www.heidi.news/explorations/la-revolution-des-toilettes/dans-les-toilettes-de-la-riponne-flambant-neuves-et-autonettoyantes">réactions des pouvoirs publics</a> donnant à voir des mécanismes de domination. Plus généralement, dans nos sociétés qualifiées de développées, savoir qui nettoie les toilettes au sein de la sphère domestique, sur le lieu de travail et dans l’espace public en dit souvent beaucoup <a href="https://lafabrique.fr/un-feminisme-decolonial/">sur les rapports de domination et la reproduction des rôles genrés</a>.</p>
<h2>Un tabou mondial ?</h2>
<p>La question des excréments est souvent <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-01-20-Le-tabou-des-excrements">taboue</a>. Pourtant, la préoccupation est telle que l’ONU célèbre depuis 2013 une <a href="https://www.un.org/fr/observances/toilet-day">« Journée mondiale des toilettes »</a>, rappelant qu’un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas de lieu approprié pour ses besoins, ce qui engendre de nombreux problèmes : violences, exclusion d’activités sociales (notamment pour les femmes et les enfants), conséquences sanitaires (y compris la diffusion d’épidémies telle que le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/biologie-et-sante/cholera-haiti-2010-2018-histoire-d-un-desastre/">choléra)</a>. Une organisation spécialisée à but non lucratif promeut cette journée et de nombreux projets à travers le monde : la <a href="https://worldtoilet.org/">World Toilet Organization</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Campagne de sensibilisation contre la défécation en plein air (Kanadukathan, Tamil Nadu, Inde). En Inde, l’OMS a estimé qu’environ 520 millions de personnes déféquaient régulièrement à l’air libre en 2015. Le problème est particulièrement préoccupant dans les zones rurales, où 69 % des ménages ont déclaré ne pas posséder de latrines en 2011. Néanmoins, la situation s’est considérablement améliorée : le pourcentage de ménages pratiquant la défécation à l’air libre a diminué, passant de 39 % en 2015-2016 à 19 % en 2019-2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Goreau-Ponceaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ainsi, les questions logistiques et techniques sont multiples : <a href="https://lepetitjournal.com/bombay/comprendre-inde/ramasser-les-excrements-est-hereditaire-base-sur-le-systeme-de-castes-293128">fosses septiques à évacuer</a>, façons dont on peut développer les toilettes sèches ou s’adapter au phénomène de défécation à l’air libre, systèmes de traitement et de recyclage des excreta, voire <a href="https://journals.openedition.org/rac/11042">réutilisation des excréments pour l’agriculture</a>…</p>
<h2>Le reflet de hiérarchies sociales</h2>
<p>Les attitudes envers les toilettes peuvent être le reflet de hiérarchies sociales (entre ceux qui les utilisent, ceux qui les nettoient, ceux qui évacuent les déchets). En Haïti, posséder des toilettes est devenu un signe de prestige, surtout après le séisme de 2010, quand de nombreuses ONG ont aidé à leur construction. Toutefois, leur entretien est dédié aux <a href="https://ayibopost.com/etre-bayakou-peut-rapporter-beaucoup-plus-que-vous-croyez/">bayakous</a>, des vidangeurs qui effectuent leur travail sans aucune mesure de sécurité ni d’hygiène, et qui sont particulièrement méprisés par la société – bien que ce métier indispensable leur permette de vivre, ainsi qu’à toute leur famille, a priori sans risquer le chômage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cité Soleil, agglomération de Port-au-Prince, Haïti. Ces toilettes installées par des ONG suite au séisme de 2010 ont été rapidement démontées pour être revendues ou reconverties en abris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, mai 2011</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans toute l’Inde rurale, l’évacuation manuelle des déchets reste la plus dégradante des pratiques. Alors même que l’interdiction de cette activité a été renforcée à travers une loi en 2013 (<a href="https://www.indiacode.nic.in/handle/123456789/2119?sam_handle=123456789/1362"><em>The prohibition of employment as manual scavengers and their rehabilitation Act</em></a>), cette profession, essentiellement réservée aux basses castes et Dalits (Scheduled Castes) et aux tribus répertoriées (Scheduled Tribes) perdure.</p>
<p>Depuis 1993, l’ <a href="https://www.indiacode.nic.in/bitstream/123456789/1581/1/199346.pdf">« Employment of Manual Scavengers and construction of Dry Latrines (prohibition) »</a> interdit la construction de toilettes sèches mais ces dernières existent toujours et sont même paradoxalement remises au goût du jour pour des raisons d’accessibilité dans les zones non connectées aux réseaux d’égouts, parfois par des ONG des Nords.</p>
<p>Les toilettes sèches permettent la séparation des flux, la valorisation de ressources perdues et des économies substantielles en eau. À ce titre, cet assainissement écologique et décentralisé incarne en Occident une certaine idée de la transition écologique. Pourtant, en Inde, le caractère problématique de leur gestion (évacuation des excreta) est loin d’être synonyme de transition pour les populations les plus marginalisées. Cet exemple soulève tout le paradoxe lié à la circulation des dispositifs d’assainissement.</p>
<p>En pratique, le nettoyage manuel des latrines (<a href="https://www.outlookindia.com/magazine/story/india-news-the-truth-about-manual-scavenging-in-india/305414">« manual scavenging »</a>) continue, avec l’aval des municipalités, dans les égouts bouchés des grandes villes. Les femmes, principalement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-67191131">continuent à utiliser leurs mains</a> pour nettoyer les matières fécales et les transporter loin des habitations. Le chemin de fer indien est l’autre grand employeur de femmes et hommes travaillant comme éboueurs manuels. En Inde, déféquer le long des rails est fréquent, notamment en ville.</p>
<p>Au sein des <a href="https://hal.science/hal-02477087">camps de réfugiés maliens</a>, au Niger, des toilettes collectives ont été installées par les <a href="https://reliefweb.int/report/niger/gestion-du-camp-de-r%C3%A9fugi%C3%A9s-d%E2%80%99abala-d%C3%A9partement-de-filingu%C3%A9-r%C3%A9gion-de-tillab%C3%A9ri-niger">ONG dès 2012</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Latrine installée dans le camp de réfugiés d’Abala, au Niger. En raison des difficultés d’accès à l’eau, les latrines étaient rarement nettoyées mais bouchées une fois pleines puis déplacées, ce qui entraînait des problèmes d’hygiène et de contamination de la nappe phréatique. Lors de cette visite d’agents du UNHCR, les réfugiés demandaient d’adapter les latrines à leur culture, notamment en installant des patères pour que les habits ne traînent pas par terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, août 2014</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles ont été rapidement privatisées par les Touaregs nobles (Imajaghan) grâce à un cadenas sur les portes pour en interdire l’accès aux groupes sociaux moins valorisés. Toutefois, ces toilettes sont entretenues par les Bella (ou Iklan), considérés dans cette <a href="https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/34649?mode=full">société très hiérarchisée</a> comme des esclaves ou des serviteurs ayant peu de droits et de rémunérations et qui, eux, vivent aux marges des camps et n’ont pas le droit de les utiliser. Ils vont faire leurs besoins dans le désert. Censées être accessibles à tous, ces toilettes qui visent à préserver l’hygiène du camp en toute équité sont donc récupérées pour reproduire les mécanismes d’exclusion et de domination.</p>
<h2>Des processus de hiérarchisation spatiale</h2>
<p>Les toilettes peuvent également donner à voir des processus de hiérarchisation spatiale entre quartiers centraux des métropoles et les périphéries, entre espaces urbains et espaces ruraux.</p>
<p>Par exemple, si les grandes métropoles, en étroite filiation avec la révolution hygiéniste, ont largement développé des réseaux techniques d’égouts, le paradigme des toilettes reliées à un réseau centralisé semble désormais inadapté à la morphologie des villes des Suds.</p>
<p>Trop étalées, trop morcelées, trop polycentriques, elles ont également pour particularité d’accueillir une importante population flottante qui occupe des zones d’habitats informels et qui n’a pas le « droit » à être raccordée aux réseaux d’égouts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-villes-africaines-vont-elles-exploser-130581">Les villes africaines vont-elles exploser ?</a>
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<p>Ces villes dépendent donc d’infrastructures décentralisées ou temporaires qui, finalement, se pérennisent via différents arrangements pour leur maintenance. Ou alors, à l’instar de la zone d’habitats spontanés (ou slum) de Kibera (Nairobi), ce sont d’autres pratiques qui se développent comme les <a href="https://www.aljazeera.com/features/2017/4/3/how-to-deal-with-kiberas-flying-toilets">« flying toilets »</a> qui consistent à se soulager dans des sacs en polyéthylène pour ensuite les jeter.</p>
<h2>Des lieux violents</h2>
<p>Les toilettes peuvent également être esquivées par crainte de violences ou d’insécurité, spécialement pour les <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/11/ESSITY_RAPPORT_Hygiene_des_toilettes_a_lecole.pdf">enfants</a> et les adolescents ou encore les femmes.</p>
<p>À travers le monde, l’absence de toilettes dans les écoles ou leur insalubrité excluent de nombreux enfants de l’éducation. C’est particulièrement vrai pour les filles qui, lors de leurs <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/les-menstruations-source-d-absenteisme-scolaire-dans-le-monde">menstruations</a>, ne peuvent se changer et restent chez elles, ce qui les exclut encore plus de la société. Le besoin d’uriner dans l’espace public pose également des enjeux autour du <a href="https://silogora.org/la-pratique-du-pipi-sauvage-dans-lespace-public-parisien-entre-representations-et-assignations-de-genre/?print-posts=pdf">corps des femmes</a>. Les femmes, ne peuvent pas aussi facilement que les hommes, uriner dans l’espace public. Lorsqu’elles le font, elles sont vulnérables, face au risque accru d’agressions sexuelles.</p>
<p>Entre l’espace privé ou public, quand elles sont partagées ou impensées comme dans le cadre des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7907573/">soins hospitaliers</a> – les effets sociaux et émotionnels de la défécation dans un contexte hospitalier sont tout aussi répugnants, tant pour les patients que pour les professionnels et autres prestataires de soins –, l’installation et la gestion des toilettes prennent une importance réelle et peuvent même également être des enjeux de richesse.</p>
<h2>Un enjeu hautement politique</h2>
<p>Au-delà des tabous, des non-dits ou encore des processus d’<a href="https://www.liberation.fr/livres/1998/07/02/alain-roger-tout-paysage-est-un-produit-de-l-art_242859/">artialisation</a>, les toilettes sont au cœur de nos pratiques quotidiennes mais aussi des politiques publiques. Elles constituent donc un objet d’étude qui, loin d’être anecdotique, se trouve au croisement des enjeux du corps et de l’intimité, des mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale, d’économies importantes et de questionnements éthiques.</p>
<p>Qu’elles soient visibles ou non, de haute technologie ou rudimentaires, qu’on en parle au pluriel (« les toilettes »), de manière plus hygiéniste (« le sanitaire ») ou avec familiarité (le « petit coin »), la question des toilettes est à la fois universelle et encore peu envisagée par les sciences humaines, même s’il y a récemment eu une relative vivacité académique pour le sujet Nous pouvons citer par exemple un <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100723760">essai</a> sur les toilettes publiques, le <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/">programme de recherche et action</a> sur les systèmes alimentation/excrétion et la gestion des urines et matières fécales humaines, ou encore <a href="https://calenda.org/1094070">l’appel à textes</a> pour un numéro spécial de la revue <a href="https://journals.openedition.org/suds/"><em>Suds</em></a>. Un début pour voir le petit coin plein de non-dits comme un grand témoin des enjeux de notre époque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les différents pays du monde, l’implantation des toilettes publiques se fait selon des modalités qui reflètent les rapports sociaux et économiques existants.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Université de BordeauxAlice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177892023-11-20T14:41:00Z2023-11-20T14:41:00ZLes projets financés par la branche du secteur privé du Groupe de la Banque mondiale alimentent les conflits armés : il est temps de réformer le système<p>Dans quelle mesure l'investissement privé aide-t-il les pays en développement à réduire les conflits et la violence et à atteindre les <a href="https://sdgs.un.org/#goal_section">Objectifs de développement durable</a> ? </p>
<p>Cette question est très débattue. La plupart des institutions internationales, telles que le groupe de la Banque mondiale, estiment que le problème réside dans <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/738131573041414269/pdf/Closing-the-SDG-Financing-Gap-Trends-and-Data.pdf">l'insuffisance de l'investissement privé</a>. Elles mobilisent donc des ressources publiques pour subventionner et protéger les acteurs du secteur privé dans le but d'accroître considérablement les investissements étrangers directs. </p>
<p>Pendant ce temps, les défenseurs des communautés, du travail et des droits de l'homme - en particulier dans les pays fragiles et touchés par des conflits - ont plutôt tendance à considérer les modèles dominants d'investissement direct étranger comme faisant partie d'une histoire continue <a href="https://www.oxfam.org/en/research/suffering-others">d'exploitation des pays en développement</a>.</p>
<p>Pour contribuer à éclairer ce débat, nous avons entrepris <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4540583">une étude approfondie</a> de milliers de projets de la<a href="https://www.ifc.org/en/home">Société financière internationale</a>(IFC), la branche du Groupe de la Banque mondiale qui s'occupe du secteur privé. Nous nous sommes concentrés sur la période allant de 1994 à 2022. </p>
<p>Nous avons choisi l'IFC parce qu'elle prétend investir pour atteindre le développement. Elle prétend également appliquer les normes les plus élevées en matière de performances sociales et environnementales. En outre, de nombreux autres acteurs privés et publics suivent son exemple en matière de définition des normes. Si l'IFC se trompe, ce serait un bon indicateur de la situation du système mondial au sens large. Nous avons axé notre étude sur la relation entre les projets de l'IFC et les conflits armés, car la violence a un effet négatif évident sur le développement humain. </p>
<p>Les résultats montrent que les projets de l'IFC sont à l'origine d'une augmentation significative des conflits armés dans le monde. Un seul projet provoque en moyenne 7,6 conflits armés supplémentaires dans l'année qui suit son lancement. Ces résultats sont en adéquation avec <a href="https://www.jstor.org/stable/3877872">d'autres grandes études quantitatives</a> qui remettent en question la relation entre l'investissement direct étranger et le développement. Les investissements directs étrangers qui <a href="https://www.tommasosonno.com/docs/GlobalizationConflict_TommasoSonno.pdf">accroissent les conflits violents</a> et rendent le développement presque impossible semblent être la règle, et non l'exception.</p>
<p>Nous concluons que les approches actuelles de l'investissement étranger doivent être réexaminées de toute urgence, en mettant particulièrement l'accent sur le risque de conflit violent.</p>
<h2>Notre méthodologie</h2>
<p>De nombreux facteurs influencent les conflits violents, notamment l'histoire des relations entre les groupes et entre l'État et la société. L'étude a donc utilisé des analyses économétriques sophistiquées pour isoler l'impact de l'IFC. </p>
<p>Nous avons d'abord géolocalisé les projets de l'IFC et noté les années au cours desquelles ils ont été approuvés. Nous avons ensuite vérifié si les conflits armés avaient augmenté dans la région proche du projet de l'IFC au cours de l'année suivante. Nous avons identifié d'autres facteurs - tels que la présence de groupes politiquement exclus, le PIB, le type de régime ou la taille de la population - qui ont une incidence sur les conflits. </p>
<p>Dans l'analyse, nous avons pris soin de faire correspondre et de comparer une zone de projet de l'IFC avec les zones sans projet de l'IFC qui lui sont le plus similaires. Enfin, nous avons pris en compte et vérifié la possibilité que les conflits proliféraient déjà avant l'arrivée du projet de l'IFC. En excluant ces autres raisons qui peuvent expliquer les conflits, nous avons été en mesure d'établir des relations de cause à effet raisonnables. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/three-priorities-africas-newbie-on-the-world-bank-board-should-focus-on-181521">Three priorities Africa's newbie on the World Bank board should focus on</a>
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<p>Fait inquiétant, l'étude a révélé que l'augmentation des conflits armés était concentrée dans des projets que l'IFC avait indiqués aux parties prenantes locales et internationales comme présentant des risques environnementaux ou sociaux potentiels limités. Elle a affirmé que ces risques pouvaient être facilement pris en charge par des mesures d'atténuation. Ces mesures d'atténuation semblent être soit inefficaces, soit sous-utilisées. Par ailleurs, il est possible que l'IFC fait un mauvais classement des projets comportant des risques de conflit plus élevés et qu'il ne veut pas le reconnaître ou le rendre public.</p>
<p>Un exemple particulièrement troublant est la <a href="http://www.humanrightscolumbia.org/sites/default/files/SIPA%20Listening%20to%20community%20voices%20on%20effective%20remedy%20-%20final.pdf">campagne de terreur contre les citoyens locaux</a> menée par le gouvernement ougandais pour céder des terres à un client de l'IFC. L'IFC n'a toujours pas donné suite aux plaintes déposées par des activistes en 2019 pour <a href="https://www.cao-ombudsman.org/cases/liberia-salala-rubber-corporation-src-01margibi-bong-counties">violence sexiste et menaces de représailles et d'intimidation</a> à l'encontre de l'un de ses partenaires de projet, Salala Rubber Corporation au Libéria.</p>
<p>L'étude a également démontré que les projets à forte intensité de capital (c'est-à-dire l'agro-industrie, le pétrole, le gaz, l'exploitation minière et les infrastructures) ont une plus grande propension à causer des perturbations socio-politiques et socio-économiques. Les régions qui reçoivent des projets à forte intensité de capital connaissent, en moyenne, un décès de plus dû à un conflit armé au cours de l'année suivante.</p>
<h2>Pas au-dessus de la loi</h2>
<p>Ces résultats ne devraient peut-être pas surprendre. Les organisations de la société civile concluent depuis longtemps que l'IFC donne la priorité à ses propres profits et intérêts commerciaux au détriment des <a href="https://www.oxfam.org/en/research/suffering-others">“souffrances d'autrui”</a> contribuant ainsi à <a href="https://digitalcommons.csbsju.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1159&context=social_encounters">“diversifier les instruments qui conduisent à l'extraction, la dépossession et au conflit”</a>. En 2020, Human Rights Watch a décrit l'IFC comme <a href="https://www.hrw.org/news/2020/08/24/world-bank-group-failing-remedies-project-abuses%22">“étant défaillante sur les recours aux abus commis dans le cadre de projets</a>. Cette affirmation se fondait sur <a href="https://www.worldbank.org/en/about/leadership/brief/external-review-of-ifc-miga-es-accountability">l'étude commanditée par le Groupe de la Banque mondiale lui-même</a>.</p>
<p>Pourtant, la stratégie de l'IFC a consisté à se placer au-dessus de la loi. Elle continue de revendiquer l'immunité souveraine. Elle affirme qu'en tant qu'organisation internationale, <a href="https://brill.com/view/journals/iolr/16/1/article-p105_105.xml">elle ne devrait pas être responsable</a> devant les tribunaux nationaux, même à l'égard des parties qu'elle reconnaît avoir lésées. </p>
<p>Elle maintient cette position en dépit des <a href="https://theintercept.com/2023/10/17/world-bank-whistleblower-bridge-international/">récents rapports</a> faisant état de la complicité de l'IFC dans la dissimulation des abus sexuels commis sur des enfants afin de favoriser ses projets d'investissement. </p>
<p>Il est grand temps que les 186 gouvernements membres de l'IFC exigent la transparence, la responsabilité et la réparation des préjudices causés par l'institution et les acteurs du secteur privé qu'elle finance. D'autres parties prenantes peuvent également jouer un rôle. Les gouvernements qui ont peut-être naïvement compté sur le prestige de la Banque mondiale devraient remettre en question les avantages qu'on leur a dit pouvoir attendre des investissements de l'IFC. Les agences de notation qui classent les obligations de l'IFC comme positives d'un point de vue environnemental, social et de gouvernance devraient remettre en question les bases sur lesquelles ces notations sont faites.</p>
<p>Dans le même temps, peut-être devrait-on accorder plus de crédit aux récents <a href="https://www.un.org/en/desa/un-secretary-general-calls-radical-transformation-global-finan-cial-system-tackle-pressing">appels du secrétaire général des Nations unies</a> en faveur de la réforme du système financier mondial pour mieux soutenir la sécurité humaine et le développement humain. </p>
<p>Cela pourrait inclure des intermédiaires spécialisés entre l'IFC et des projets sensibles dans des endroits difficiles. Un contrôle local indépendant et renforcé semble nécessaire pour garantir des formes plus inclusives et responsables d'analyse contextuelle et de planification de l'atténuation des risques, de suivi et d'évaluation de l'impact du développement, de gestion proactive des conflits et de réparation accessible pour les préjudices subis. Cela pourrait <a href="https://issafrica.org/iss-today/conflict-environments-need-a-peacebuilding-approach-to-business-development">réduire les conflits violents et permettre davange de tirer parti du potentiel de développement de l'investissement privé</a> dans les pays en développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217789/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail fait partie du projet Peace Positive Private Sector Development in Africa (P3A), financé par le Conseil de la recherche de Norvège. Un financement supplémentaire a été reçu de l'Initiative de financement de la paix.</span></em></p>Un seul projet d'IFC entraine en moyenne 7,6 conflits armés supplémentaires dans l'année qui suit son lancementBrian Ganson, Professor and Head, Centre on Conflict & Collaboration, Stellenbosch UniversityAnne Spencer Jamison, Assistant Professor of International Economics, Government, and Business, Copenhagen Business SchoolWitold Jerzy Henisz, Vice Dean and Faculty Director, ESG Inititative; Deloitte & Touche Professor of Management, University of PennsylvaniaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158272023-10-24T17:09:29Z2023-10-24T17:09:29ZLes nombreux bienfaits des animaux de compagnie pour les enfants - santé, bien-être, apprentissage…<p>Aujourd’hui, en France, les animaux font partie intégrante du quotidien de nombreuses familles : on considère <a href="https://www.la-croix.com/France/Francais-animaux-compagnie-5-chiffres-2022-10-04-1201236108">qu’un peu plus d’un foyer sur deux possèderait au moins un animal de compagnie</a> (majoritairement chien ou chat), et que plus d’un tiers des enfants de moins de 18 ans grandissent auprès d’animaux, après les avoir bien souvent côtoyés dès leurs premières années de vie. Les animaux domestiques <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08927936.2019.1621516">sont même souvent considérés comme des membres à part entière de la famille</a>.</p>
<p>Longtemps, cette présence animale au sein du foyer a été considérée comme « banale » – rappelons que les premiers signes de domestication du chien <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0022821">remontent à plus de 30 000 ans</a> – et ne revêtant pas un intérêt capital. Cependant, les choses ont commencé à changer au cours des dernières décennies : les recherches scientifiques nous ont en effet amené à repenser le rôle et la contribution que les animaux domestiques peuvent avoir sur l’humain, et en particulier sur les enfants.</p>
<h2>Des effets sur la santé</h2>
<p>En premier lieu, nous pouvons évoquer les effets sur la santé. Grandir avec un animal de compagnie, en particulier un chien, peut promouvoir l’activité physique des plus jeunes, et ainsi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6124971/">réduire les risques associés à la sédentarité et aux temps passé devant les écrans</a>. Cela pourrait également permettre de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10231320">réduire les risques de développement de problématiques d’allergie ou d’asthme</a>.</p>
<p>Fait intéressant, dans une étude menée en 2020 pendant la pandémie de Covid-19, des chercheurs ont démontré que, là où la phase de confinement a eu des conséquences néfastes sur la qualité de sommeil des jeunes enfants, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33601475/">ceux ayant un animal de compagnie ne montraient pas ces perturbations</a>. La présence d’un animal de compagnie dans le foyer aurait donc des effets protecteurs.</p>
<p>Enfin, un bienfait central est l’effet anxiolytique que l’animal peut avoir, puisque la présence d’un animal de compagnie, même inconnu de l’enfant, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11817428/">permet de diminuer son stress en cas de situation inquiétante</a>, comme face à la perspective de devoir aller chez le dentiste. Cet effet anxiolytique se traduit par une baisse du rythme cardiaque et du niveau de cortisol – parfois appelée « hormone du stress ».</p>
<p>Par ailleurs, il a été démontré que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19124024/">simple fait de regarder un chien dans les yeux déclenche chez l’humain la sécrétion d’ocytocine</a>, une hormone impliquée dans de nombreux processus physiologiques, et en particulier dans le contrôle des émotions et les mécanismes d’interaction sociale.</p>
<h2>Des bienfaits en matière de relations sociales</h2>
<p>Les sphères sociale et émotionnelle constituent un second champ sur lequel la vie avec des animaux domestiques a des bienfaits notables. Dès les années 1980 et 1990, les chercheurs ont pu constater que les enfants grandissant dans une famille ayant un animal de compagnie acquièrent de meilleures compétences sociales. Les enfants vivant dans des foyers abritant un animal ont par exemple des <a href="https://www.researchgate.net/publication/233654148_Pet_Ownership_Type_of_Pet_and_Socio-Emotional_Development_of_School_Children">capacités empathiques plus développées et font preuve de plus de comportements dits « prosociaux »</a> (comportements d’aide, de soutien ou de réconfort envers autrui) que les autres.</p>
<p>Si l’animal a un tel impact sur le développement de l’enfant, c’est parce qu’il lui donne l’opportunité, au travers des interactions et des diverses situations qu’ils vivent ensemble, de tester certains comportementaux sociaux et certaines formes d’interactions. Cet état de fait permet à l’enfant d’entraîner et affiner progressivement ses façons d’interagir avec autrui. Il en viendrait ainsi à garder les bons gestes et les bonnes formes d’interaction, et à délaisser celles qui font fuir l’animal.</p>
<p>Dans leur relation avec leur animal de compagnie, les enfants peuvent développer un lien émotionnel fort. L’animal domestique peut devenir une figure d’attachement, un partenaire non jugeant, un confident. Il est par ailleurs souvent identifié par la plupart des enfants de 5 ans <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674017528">comme l’une des figures les plus importantes de leur entourage</a>. Or, plus le lien avec ce dernier est fort, plus les bénéfices en découlant sont importants.</p>
<h2>Amélioration du bien-être et de l’estime de soi</h2>
<p>Avoir un animal serait promoteur de bien-être et d’estime de soi chez les enfants, et aurait aussi des effets protecteurs, par exemple, contre la dépression et la solitude.</p>
<p>Dans une étude menée elle aussi durant les confinements liés à la pandémie de Covid-19, des chercheurs ont ainsi observé que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33062838/">65 % des parents ayant un animal de compagnie chez eux affirment que ledit animal a eu des effets bénéfiques sur leur enfant durant cette période</a>, qu’il constitue une source de distraction, permet de réduire son sentiment de solitude ou encore allège son stress ou son anxiété.</p>
<p>Toutefois, comme mentionné précédemment, les bienfaits observés découlent avant tout de la qualité de la relation et de la force de l’attachement développé entre l’enfant et l’animal plutôt que du simple fait d’avoir un animal et de le côtoyer.</p>
<h2>De meilleurs apprentissages</h2>
<p>Les effets sur la santé et la sphère socioémotionnelle ont été les plus étudiés. Toutefois, des travaux suggèrent également que la présence d’un animal au sein du foyer peut aussi être une source d’apprentissage pour l’enfant.</p>
<p>Outre le fait que cette présence peut lui permettre d’appréhender certains concepts comme ceux liés aux cycles de la vie (naissance, enfance, reproduction, décès), grandir avec un animal l’amène à se soucier des besoins d’un autre et à expérimenter une inversion des rôles où il devient la personne qui prend soin d’autrui. <em>In fine</em>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1300/J002v08n03_02">cela l’aiderait à développer son autonomie</a>.</p>
<p>Ces apports pourraient également s’étendre à d’autres éléments en matière d’apprentissage. En effet, certains chercheurs avancent que l’animal pourrait constituer une source de motivation à l’apprentissage du langage – pour communiquer avec lui et transmettre des commandes. De plus, la présence de l’animal lors des apprentissages <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175303712X13403555186172">pourrait non seulement aider l’enfant à se concentrer, mais aussi l’apaiser</a>, améliorant ainsi ses performances.</p>
<p>Une nouvelle forme de médiation a récemment été développée pour tirer parti de cet effet : la <a href="https://theconversation.com/pour-motiver-votre-enfant-a-lire-et-si-vous-adoptiez-un-chien-114234">lecture au chien</a>, qui consiste à ce que l’enfant lise à haute une histoire en s’adressant au chien. La présence apaisante, non jugeante et motivante du chien permettrait ici de faciliter l’apprentissage de la lecture chez de jeunes enfants apprenants ou rencontrant des difficultés. Ceci contribue d’ailleurs <a href="https://theconversation.com/des-chiens-dans-les-ecoles-la-mediation-animale-pour-prendre-soin-des-eleves-206715">au développement de la présence animalière, et notamment des chiens, dans les établissements scolaires</a>.</p>
<p>Enfin, la dernière sphère de bienfaits des animaux domestiques ne concerne pas simplement l’enfant, mais l’ensemble du foyer.</p>
<h2>Des bénéfices pour l’ensemble de la famille</h2>
<p>Comme évoqué précédemment, l’animal de compagnie devient bien souvent un membre à part entière de la famille. Au même titre que ces autres membres, <a href="https://us.sagepub.com/en-us/nam/family-theories/book258231">il pourra donc avoir une incidence sur les interactions et relations au sein de celle-ci</a>. Non seulement sa présence encourage les moments de vie communs, mais elle a aussi un effet dit de « catalyseur social » : l’animal vient motiver et faciliter les interactions positives entre les humains.</p>
<p>Plus généralement, il est fréquemment observé que les familles possédant un animal montrent un meilleur fonctionnement familial : <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8481684/">ils font preuve d’une meilleure adaptabilité (capacité à changer les règles, les rôles selon la situation) et d’une plus forte cohésion (liens émotionnels entre les membres)</a>.</p>
<p>Santé, bien-être, développement social et émotionnel, apprentissages… Grandir auprès d’un animal peut donc être source de nombreux bienfaits. Par ailleurs, ses effets pourront également rayonner sur l’ensemble de la famille.</p>
<p>Il faut cependant souligner que tous les enfants ne développent pas une relation privilégiée avec leur animal de compagnie. En outre, cette relation peut évoluer au fil du temps. Par ailleurs, certains enfants ont peu d’attrait pour les animaux, ou préfèrent certaines espèces plutôt que d’autres.</p>
<p>Avant d’accueillir un animal au sein de son propre foyer dans la perspective de faire bénéficier son enfant de sa présence, il est donc important d’évaluer correctement son envie. Les bienfaits liés à ce nouveau venu dépendront en effet avant tout de la relation et l’attachement que l’enfant tissera avec lui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Grandgeorge a reçu des financements de différents organismes dont la Fondation AP Sommer, la Région Bretagne, l'association Handi'chiens, la Fondation MIRA, l'IFCE et l'université de Rennes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Dollion a reçu des financements de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer, la région Bretagne, l'Association Handi'Chiens et la Fondaiton Mira. </span></em></p>Vivre avec des animaux peut être très enrichissant, en particulier pour les enfants. En effet, la relation qu’ils développent avec leurs compagnons à quatre pattes s’avère source de bénéfices variés.Marine Grandgeorge, Ethologie, Relation Homme - Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1 - Université de RennesNicolas Dollion, Maitre de conférences Psychologie du développement - chercheur au laboratoire C2S (EA 6391), Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055232023-06-20T17:40:18Z2023-06-20T17:40:18ZPacte financier mondial : quel rôle pour les banques publiques de développement face aux crises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528798/original/file-20230529-22-bltec4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C12%2C1196%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Siège de la Banque mondiale à Washington DC, aux États-Unis.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldbank/52807644754">World Bank Photo Collection/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les 22 et 23 juin prochains se tiendra à Paris le <a href="https://nouveaupactefinancier.org/">Sommet pour un nouveau pacte financier mondial</a> voulu par le président français Emmanuel Macron. L’objectif est de proposer des solutions pour faciliter l’accès des pays vulnérables aux financements nécessaires pour faire face aux conséquences des crises récentes et futures. Cet agenda place les banques publiques de développement au centre du débat et témoigne de la renaissance institutionnelle dont jouissent ces institutions depuis plusieurs années. </p>
<p>Selon la <a href="https://www.nse.pku.edu.cn/dfidatabase/index.htm">base de données</a> produite conjointement par l’<a href="https://theconversation.com/institutions/agence-francaise-de-developpement-afd-2711">Agence française de développement</a> (AFD) et l’Institute of New Structural Economics de l’Université de Pékin, il existe plus de 500 banques publiques de développement, réparties sur tous les continents, et totalisant 23 000 milliards de dollars d’actifs. Cet écosystème regroupe des institutions très diverses. </p>
<p>On y trouve aussi bien des banques multilatérales (comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-mondiale-32648">Banque mondiale</a> ou la Banque africaine de développement) que des banques nationales (comme la Caisse des dépôts et consignations en France), voire dans certains pays des banques locales qui interviennent à l’échelle des collectivités. Elles diffèrent aussi en termes de taille de bilan, de mandat de développement (généraliste ou spécifiques à certains secteurs d’activité), et de géographies d’intervention. </p>
<h2>Des institutions vectrices de résilience</h2>
<p>Les banques publiques de développement constituent un maillon essentiel pour le financement des économies vulnérables, notamment en période de crise. Divers <a href="https://ferdi.fr/publications/les-financements-operes-par-les-banques-publiques-de-developpement-sont-ils-contracycliques-un-etat-des-lieux">travaux</a> ont mis en évidence l’importance de ces banques pour soutenir l’activité économique durant une crise, au moment où les flux financiers privés se tarissent. La capacité d’action contracyclique des banques publiques de développement repose sur deux raisons principales. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Siège de la Caisse des dépôts et consignations, à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Siège de la Caisse des dépôts et consignations, à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Caisse_des_d%C3%A9p%C3%B4ts_et_consignations#/media/Fichier:Caisse-des-depots.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>D’une part, ces acteurs ont un mandat explicite ou implicite de soutien à l’activité en période de crise. Ce rôle s’est confirmé au cours de la crise sanitaire pendant laquelle de nombreux pays ont utilisé leurs banques publiques de développement pour soutenir les entreprises les plus vulnérables, en particulier les plus petites. </p>
<p>D’autre part, les banques publiques de développement sont des institutions dont les ressources sont moins sensibles aux variations du cycle économique, comme nous l’avons montré dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1566014123000377">étude portant sur les banques publiques africaines</a>. Contrairement aux banques commerciales, elles accueillent peu de dépôts et bénéficient d’une garantie implicite de l’État. Autrement dit, en période de crise, leurs ressources sont stables et elles peuvent maintenir leur activité tandis que les banques privées voient leurs ressources se contracter. </p>
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<p>Certaines banques publiques de développement accroissent même leur activité en période de crise. Lors de la pandémie de Covid-19, <a href="https://www.sba.gov/document/report-agency-financial-report">l’US Small Business Administration</a> a par exemple vu ses capitaux propres multipliés par 53 pour soutenir les entreprises états-uniennes, en faisant l’une des plus grosses banques publiques de développement au monde. </p>
<h2>Adopter une approche proactive</h2>
<p>Bien qu’essentiel, le rôle des banques publiques de développement à la suite d’un choc risque de devenir insuffisant dans le futur. En effet, la <a href="https://www.undp.org/fr/defis-et-solutions-en-matiere-de-developpement">multiplication et l’intensification des crises</a> (économiques, climatiques, géopolitiques, sanitaires, etc.) met en danger leur capacité d’adaptation. Sous pression constante pour soutenir l’économie et la société, les banques publiques de développement accroîtraient leur exposition aux risques (par exemple en <a href="https://theconversation.com/les-pge-vont-ils-changer-les-entreprises-francaises-en-zombies-145459">finançant des entreprises qui auraient fait faillite</a> indépendamment de la survenue d’une crise), menaçant la pérennité de leurs activités. </p>
<p>Dès lors, il paraît essentiel que les banques publiques de développement adoptent une approche plus proactive, alors qu’elles restent dans une optique très réactive (soutien à l’économie suite à une crise). En orientant leurs activités vers les secteurs sociaux, en contribuant activement à la réduction des inégalités ou en renforçant la résilience face aux changements climatiques, leurs investissements doivent permettre de réduire l’ampleur et les conséquences des chocs en cas d’occurrence, autrement dit la vulnérabilité des économies. </p>
<p>Les banques privées ne sont pas incitées pour investir dans de tels projets, généralement associés à des rendements financiers limités et des risques élevés, en dépit d’impacts forts à long terme sur l’économie, la société ou l’environnement. Ainsi, les banques de développement doivent davantage de combler ce vide et entraîner avec elles des investissements privés. </p>
<p>Or, dans une <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/proof-pudding-revealing-sdgs-artificial-intelligence">étude récente</a>, nous montrons que le narratif stratégique de nombreuses banques publiques de développement reste principalement centré sur la croissance économique et le financement des infrastructures, au détriment des considérations environnementales, notamment en matière de biodiversité, et sociales (réduction de la pauvreté et des inégalités économiques). </p>
<h2>Des défis à relever</h2>
<p>Il convient de se confronter aux défis que pose le passage à une vision proactive du rôle des banques publiques de développement. Trois points clés, parmi de nombreuses autres questions, sont soulevées ci-dessous. </p>
<p>Tout d’abord, les banques publiques de développement sont appelées à jouer un rôle clé dans les transitions. Les pays les plus vulnérables souffrent souvent d’une <a href="https://council.science/fr/current/blog/the-future-of-disaster-resiliency-and-the-need-for-a-global-vulnerability-index/">vulnérabilité multi-dimensionnelle</a> : économique, sociale, politique, climatique. </p>
<p>Disposant de ressources limitées et de mandat parfois très spécifique, les banques publiques de développement se retrouvent confrontées à des arbitrages : un projet d’infrastructures peut permettre de désenclaver un territoire mais peut s’avérer très émissif ; la mise en œuvre de zones protégées peut se faire au détriment des agriculteurs locaux qu’il convient de dédommager. La gestion de ces arbitrages nécessite que les banques publiques de développement soient suffisamment bien outillées pour appréhender les impacts ex ante et ex post de leurs projets. </p>
<p>Afin d’être proactive, les banques publiques de développement doivent également pouvoir innover. Ce constat s’applique notamment aux banques nationales de développement, qui ont une meilleure connaissance des problématiques des géographies dans lesquelles elles interviennent. Les gouvernements doivent garantir l’indépendance de leurs banques nationales et viser à leur donner un cadre stratégique plutôt que d’entrer dans des logiques de micro-management. </p>
<p>Dans ce contexte, les banques nationales de développement devraient pouvoir innover en matière de processus, d’instruments financiers, d’accompagnement de leurs clients. En initiant les premières <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/obligations-vertes">obligations vertes</a>, ou via le co-financement de projets avec des investisseurs privés (financement mixte ou « <a href="https://www.oecd.org/fr/developpement/financementpourledeveloppementdurable/financement-mixte/">blended finance</a> »), les banques multilatérales telles que la Banque mondiale ou la Banque européenne d’investissement ont déjà montré que l’écosystème des banques publiques de développement a la capacité d’impacter les marchés financiers de façon significative. Aussi, les institutions multilatérales sont appelées à travailler davantage avec les banques nationales de développement pour renforcer leur capacité de financement et d’innovation. </p>
<p>Enfin, la puissance de feu des banques publiques de développement doit s’inscrire en synergie avec d’autres acteurs, notamment privés. L’ampleur des montants à engager (<a href="https://www.oecd.org/fr/finances/global-outlook-on-financing-for-sustainable-development-2023-fcbe6ce9-en.htm">3 900 milliards de dollars par an</a>) pour financer les transitions ne peut être assumée seulement par des investissements publics. </p>
<p>Il s’agit donc de mobiliser l’épargne privée mondiale pour la traduire en impacts positifs pour l’environnement et la société. Au-delà des investisseurs institutionnels, les banques publiques de développement sont également appelées à travailler plus étroitement avec les organisations philanthropiques, les organisations de la société civile, et les régulateurs (tels que le réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier). </p>
<p>Ces différents enjeux, parmi tant d’autres, ont conduit à la création du mouvement Finance en Commun, initié en 2020 par l’AFD. En rassemblant l’ensemble des banques publiques de développement, <a href="https://financeincommon.org/">Finance en Commun</a> vise à accroître les échanges d’expérience et l’expertise de ces institutions. Dans le même temps, l’inclusion dans un réseau structuré permet aux banques publiques de développement de gagner en visibilité sur la scène internationale, avec pour but de catalyser davantage de financements en faveur des Objectifs de développement durable des Nations unies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Léon a reçu des financements indirects via son institution de rattachement (FERDI) de l'Agence Française de Développement dans le cadre de ses travaux sur les banques de développement. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Jacouton est chargé de recherche à l'Agence Française de Développement. </span></em></p>Ces institutions, dont l’intervention reste précieuse en cas de choc économique, sont aujourd’hui appelées à adopter une vision plus proactive que réactive.Florian Léon, Chargé de recherche, Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International (FERDI); Chercheur associé au CERDI (UMR UCA-CNRS-IRD), Université Clermont Auvergne (UCA)Jean-Baptiste Jacouton, Chargé de recherche, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065352023-06-08T18:01:06Z2023-06-08T18:01:06ZFinale de la Ligue des Champions : Abu Dhabi et Pékin, déjà sur le toit de l’Europe du football<p>La saison des clubs de <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> européens se terminera en beauté, le samedi 10 juin, avec la finale de la Ligue des Champions à Istanbul en Turquie. Elle opposera le club anglais de Manchester City, que beaucoup considèrent comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/ligue-des-champions/manchester-city-real-madrid-les-mancuniens-rejoignent-l-inter-milan-en-finale-de-ligue-des-champions-en-ecrasant-les-merengues_5829305.html">favori</a> après sa démonstration en demi-finale retour contre le Real Madrid (4-0), aux Italiens de l’Inter Milan. Club anglais contre club italien, certes, pour le rendez-vous de ballon rond le plus attendu de l’année européenne, mais au-delà, City évolue sous pavillon <a href="https://theconversation.com/topics/emirats-arabes-unis-39689">émirati</a>, tandis que Suning, géant <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">chinois</a> de la distribution de produits électroniques, est actionnaire majoritaire de l’Inter.</p>
<p>En 2008, City avait été racheté par l’Abu Dhabi United Group for Development and Investment, une organisation étroitement liée au gouvernement de l’émirat du Golfe. A été nommé à sa présidence Khaldoon Khalifa Al Moubarak qui est, entre autres, directeur général de la Mubadala Investment Company, le fonds souverain d’Abu Dhabi. </p>
<p>Suning Holdings Group, fondée en 1990 par Zhang Jindong, membre du Parti communiste chinois, avait pour sa part mis la main sur le club intériste en 2016. C’est le fils de Jindong, Kangyang (appelé aussi Steven), qui en est président. Le groupe reste proche du pouvoir, le gouvernement chinois ayant notamment récemment demandé aux prêteurs nationaux de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/07/crible-de-dettes-l-empire-suning-recoit-une-bouee-de-sauvetage-de-pekin_6087354_3234.html">renflouer Suning</a> pour qu’il puisse faire face à ses problèmes financiers liés à la crise sanitaire.</p>
<p>Les deux clubs sont devenus des panneaux publicitaires mondiaux pour les nations de leurs propriétaires respectifs ; City est sponsorisé par des sociétés d’Abu Dhabi telle que la compagnie aérienne publique Etihad qui a donné son nom au stade dans lequel le club évolue. Parmi les sponsors de l’Inter, on retrouve des entreprises chinoises telles que <a href="https://www.lenovo.com/fr/fr/smarter/sports/inter-milan-boosts-game-with-lenovo-tech/">Lenovo</a>, <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/nouveau-partenariat-avec-hisense-d%E2%80%99autres-%C3%A0-venir-et-des-actions-contre-digitalbits%C2%A0-r17356/">Hisense</a> et <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/officiel%C2%A0-l%E2%80%99aventure-continue-avec-volvo-r13536/">Volvo</a> (dont la société mère, Geely, est chinoise depuis 2010).</p>
<p>Posséder ainsi deux clubs de football européens prestigieux et prospères n’est ni une question de vanité ni un simple exercice de marketing. C’est d’abord de la <a href="https://theconversation.com/topics/geopolitique-21437">géopolitique</a>.</p>
<h2>Pékin et Abu Dhabi, des intérêts convergents</h2>
<p>L’investissement d’Abu Dhabi dans City a évolué à tel point qu’il s’agit désormais d’un réseau mondial de franchises, connu sous le nom de City Football Group (CFG). <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/premier-league/football-le-groupe-qui-detient-manchester-city-rachete-le-club-bresilien-de-bahia_AD-202305040992.html">Douze autres clubs</a> hormis Manchester en font partie, dont le New York FC, Palerme et Troyes. Bien que certains observateurs considèrent cette évolution comme une tentative de domination sportive, le réseau est sans doute plus un instrument de politique et de stratégie géopolitique qu’autre chose.</p>
<p>Fin 2015, China Media Capital (CMC) a acquis une <a href="https://www.lepoint.fr/sport/manchester-city-des-investisseurs-chinois-prennent-13-du-club-01-12-2015-1986206_26.php">participation dans le City Football Group</a>. Elle représente actuellement 8,2 % de l’ensemble des actions après la vente d’une partie des parts à l’automne 2022 au <a href="https://www.bignonlebray.com/silver-lake-actionnaire-du-manchester-city-football-club/?">groupe américain Siler Lake</a>. L’annonce en 2015 a coïncidé avec la <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-president-chinois-xi-jinping-en-visite-a-manchester-city/601355">visite du président chinois Xi Jinping à Manchester</a>, au cours de laquelle il a rencontré Al Moubarak et le premier ministre britannique de l’époque, David Cameron. Le président de la CMC, <a href="https://www.weforum.org/people/li-ruigang">Li Ruigang</a>, un autre membre du Parti communiste chinois et ancien fonctionnaire, était également présent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Khaldoon Al Mubarak, président de Manchester City, Xi Jinping, président chinois et David Cameron, premier ministre britannique, réunis à Manchester en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number10gov/22404180472">Georgina Coupe/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les intérêts convergents d’Abu Dhabi et de la Chine à Manchester City ne représentent qu’une partie des relations entre les deux pays. Depuis près d’une décennie, ces relations ont été qualifiées d’étroites et de fraternelles.</p>
<h2>Les routes de la soie du football</h2>
<p>C’est ainsi qu’en 2015 également, un fonds commun de coopération en matière d’investissement a été lancé. Entre-temps, l’État du Golfe a continué à <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202210/1277104.shtml">soutenir la <em>Belt and Road Initiative</em></a> (BRI) de Xi, un grand projet de « <a href="https://theconversation.com/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">nouvelles routes de la soie</a> » visant à promouvoir le développement des infrastructures et du commerce à l’échelle mondiale.</p>
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<p>En 2018, le président Al Moubarak avait obtenu une fonction supplémentaire en tant qu’<a href="https://www.thenationalnews.com/uae/government/uae-names-khaldoon-al-mubarak-first-presidential-envoy-to-china-1.782350">envoyé spécial présidentiel d’Abu Dhabi en Chine</a>. Un an plus tard, le City Football Group annonçait l’ouverture d’une nouvelle franchise chinoise à Chengdu, une ville dont la réputation n’est pas très éloignée de celle de Manchester (en tant que centre de la musique, des arts et de la culture). Plus important encore, la veille de cette annonce, Etihad a confirmé que <a href="https://www.albawaba.net/business/pr/etihad-airways-deploy-latest-generation-787-dreamliners-all-its-flights-china-1251886">l’aéroport de Chengdu</a> deviendrait un centre de transit majeur pour la compagnie aérienne.</p>
<p>Les liens entre le City Football Group, Abu Dhabi, la Chine et la BRI ne se sont pas arrêtés là. Certains <a href="https://www.revueconflits.com/la-sicile-une-ile-strategique-a-ne-pas-laisser-a-la-chine/">analystes</a> ont même demandé que l’ensemble soit examiné de plus près, notamment en 2022 quand la franchise de football a acquis le club italien de Palerme, dans le cadre d’une transaction chiffrée à <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-10973833/Manchester-City-owners-agree-deeds-buy-Palermo-13m-takeover.html">13 millions d’euros</a>.</p>
<p>En parallèle, la Chine s’était en effet engagée dans des investissements portuaires dans le cadre de l’initiative BRI à travers la Méditerranée, le <a href="https://www.captainferry.com/fr/ports/palerme-2">port</a> sicilien de Palerme, carrefour entre l’Europe et l’Afrique présentant donc un intérêt particulier pour le Parti communiste chinois.</p>
<h2>Milan comme plaque tournante ?</h2>
<p>Le football semble avoir souvent été le moyen d’atteindre d’autres objectifs sous-jacents pour Abu Dhabi et la Chine. L’organisation qui détient les droits de retransmission des matchs de la Serie A italienne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en est une autre indication : elle n’est autre qu’<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/italie/italie-la-serie-a-trouve-un-diffuseur-au-moyen-orient-20220630">Abu Dhabi Media</a>, une entreprise publique. En outre, Mubadala, le fonds souverain émirati, a récemment <a href="https://www.cfnews.net/L-actualite/CFNEWS-Asie-Pacifique/Mubadala-injecte-1-Md-dans-les-vehicules-asiatiques-de-KKR-419453">misé gros sur la Chine</a>, investissant des centaines de millions de dollars dans le pays.</p>
<p>Comme Abu Dhabi, l’Italie est membre de la « Belt and Road Initiative », même si, ces derniers mois, le pays a mis en place des plans pour la quitter. Milan n’offre pas les avantages portuaires ou côtiers stratégiques de Palerme, mais les liens entre le club et le PCC ont permis à la Chine de se projeter dans des territoires clés, par exemple l’<a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/les-chinois-debarquent-par-l-adriatique">Adriatique</a> où elle a également investi dans le <a href="https://www.total-croatia-news.com/business/31721-china-planning-to-invest-billion-in-croatia">football croate</a>.</p>
<p>À Milan même, la création d’un nouveau stade fait l’objet de discussions depuis plus d’une décennie. L’Inter partage le stade Giuseppe Meazza, plus communément nommé « San Siro », avec son rival de la ville, l’AC Milan. La China Railway Construction Company (CRCC) souhaitait un temps prendre la tête de la <a href="https://www.latribune.fr/journal/edition-du-1906/special-euro-2012/704119/l-inter-de-milan-quitte-le-mythique-stade-de-san-siro-et-s-embarque-avec-la-chine.html">construction de la nouvelle enceinte</a>. Celle-ci a d’ailleurs fait l’objet d’une ordonnance du gouvernement des États-Unis interdisant à toute société ou tout particulier américain de détenir ses actions en raison de ses liens avec l’Armée populaire de libération de la Chine (APLC).</p>
<p>Inter ou City ? L’issue du match se trouvera dans les pieds des joueurs. Quel qu’en soit le résultat néanmoins, les grands gagnants de ce concours très médiatisé sont peut-être d’ores et déjà Abu Dhabi et Pékin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La finale oppose Manchester City, club sous pavillon émirati, à l’Inter Milan, propriété chinoise - deux nations proches et qui ont fait du football un levier de développement.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2031972023-04-13T17:50:56Z2023-04-13T17:50:56ZPourquoi certains pays ont-ils plus rapidement que d’autres atteint un haut niveau de développement ?<p>Une large part des inégalités de revenus entre les individus resteraient liées à <a href="https://stonecenter.gc.cuny.edu/files/2015/05/milanovic-global-inequality-of-opportunity-how-much-of-our-income-is-determined-by-where-we-live-2015.pdf">l’endroit où l’on nait</a>. Certes, les inégalités à l’intérieur des pays prennent une importance nouvelle, mais il demeure que les pays pauvres <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jel.20181207">ne rattrapent pas de façon inconditionnelle</a> les pays riches. Il semble toujours exister une forme de prime à la citoyenneté.</p>
<p>Un <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2022-3-page-289.htm">article</a> que nous avons récemment publié dans un numéro spécial de la revue <a href="https://www-cairn-info.fr/revue-mondes-en-developpement.htm"><em>Mondes en Développement</em></a>, qui fête son demi-siècle, revient ainsi sur les causes profondes du <a href="https://theconversation.com/topics/developpement-20143">décollage économique</a>. Celles-ci ne doivent pas être confondues avec les causes immédiates que sont les accumulations de capitaux matériels et humains.</p>
<p>Pour analyser « la nature et les causes de la richesse des nations », projet initial d’Adam Smith, pionnier de la science économique, les chercheurs d’aujourd’hui mobilisent quatre paradigmes : les <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">institutions</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/culture-21935">culture</a>, l’<a href="https://theconversation.com/topics/histoire-20518">histoire</a> et la <a href="https://theconversation.com/topics/geographie-21809">géographie</a>.</p>
<h2>Nourrir la confiance entre anonymes</h2>
<p>Depuis les travaux de <a href="https://theconversation.com/in-memoriam-douglass-cecil-north-un-prix-nobel-a-linsatiable-curiosite-52736">Douglass North</a> (« Nobel » d’Économie en 1993), expliquer le niveau de développement par la qualité des <strong>institutions</strong> a pris une importance nouvelle. Elles signalent la qualité du jeu social : leur rôle, et en particulier celui des droits de propriété, est de faciliter les échanges économiques en réduisant l’incertitude qui les entoure. Peut-on par exemple développer une affaire sans crainte de s’en voir confisquer les fruits ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519057/original/file-20230403-26-v3xvhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Douglass North (1920-2015) a reçu le Nobel d’Économie en 1993 pour ses travaux liants niveau de développement et qualité des institutions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UNU-WIDER/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les institutions présentent une grande variabilité, difficilement compatible avec l’hypothèse naïve selon laquelle elles seraient partout efficaces et différeraient selon les circonstances. Des auteurs, comme <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w9377/w9377.pdf">Daron Acemoglu</a>, professeur au MIT, ont ainsi expliqué comment de mauvaises institutions pouvaient perdurer. Supposons une réforme sociétale globalement profitable : les gagnants à la réforme peuvent compenser les perdants et, malgré ce transfert, continuer à en tirer un bénéfice. S’il s’avère néanmoins que les perdants constituent l’entourage d’un dictateur, le groupe gagnant ne peut pas de façon crédible s’engager à compenser les pertes subies par le dictateur une fois que celui-ci aurait quitté le pouvoir. Il s’agit d’un problème connu en économie sous le nom d’incohérence temporelle.</p>
<p>À la question des institutions est liée celle de la <strong>confiance</strong> dont la composante la plus importante est celle qui caractérise les relations entre des inconnus. Son absence s’avère une entrave au développement d’une économie fondée sur l’échange. La confiance est un phénomène <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jel.53.4.898">culturel</a>, transmis entre les générations. Elle est aussi invoquée pour expliquer les différences de trajectoires entre les pays.</p>
<p>Avner Grief et Guido Tabellini, respectivement chercheurs à Stanford et à l’Université Bocconi de Milan, avancent par exemple l’idée que la divergence entre l’Europe et la Chine durant le dernier millénaire pourrait s’expliquer par des faits culturels liés à <a href="https://web.stanford.edu/%7Eavner/Greif_Papers/2010%20Cultural%20and%20Institutional%20Bifurcation:%20China%20and%20Europe%20Compared.%20(With%20G.%20Tabellini.)%20AER.pdf">l’organisation des familles</a>. En Chine prédomineraient les structures familiales élargies et hiérarchiques avec un poids important donné à la morale et à la réputation. La coopération se ferait alors de façon préférentielle à l’intérieur du groupe. Au contraire en Europe, le cadre historique de la coopération serait la Cité. Il existerait ainsi un effet de substitution entre d’une part la confiance entre des anonymes, source de développement des marchés et d’autre part la force des structures familiales.</p>
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<p>D’autres auteurs, dans le cas <a href="https://scholar.harvard.edu/files/moscona/files/moscona_et_al._-_2017_-_keeping_it_in_the_family_lineage_organization_and.pdf">africain</a>, montrent que des individus appartenant à des sociétés organisées sous la forme de ce que les anthropologues nomment « lignages segmentaires » expriment un degré de confiance faible envers les individus n’appartenant pas à leur groupe. Si les relations entre les groupes sont conflictuelles, le développement des marchés en sera freiné. La confiance peut aussi avoir été affectée par des chocs historiques. Les <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w14783/w14783.pdf">descendants des groupes victimes de l’esclavage</a> semblent par exemple parmi ceux accordant un niveau de confiance médiocre envers autrui ou les autorités politiques.</p>
<h2>Passer les montagnes</h2>
<p>L’<strong>histoire</strong> est ainsi un autre élément mis en exergue. Une lecture du développement insiste par exemple sur l’importance du <a href="https://scholar.harvard.edu/files/shleifer/files/consequences_jel_final.pdf">hasard</a> des expéditions coloniales dans l’adoption des traditions légales. Elles auraient des conséquences directes sur les destinées du pays. Dans la tradition du philosophe libéral Friedrich Hayek, des économistes défendent en effet la thèse d’une supériorité intrinsèque de la tradition légale britannique (« Common law ») sur le droit européen continental (« Statute law »). La première permettrait une meilleure protection des droits de propriété et donc favoriserait l’émergence de systèmes financiers favorables à l’accumulation productive.</p>
<p>De la colonisation ont aussi été héritées des frontières politiques. Le partage de l’Afrique a été décidé à la conférence de Berlin en 1884 et a perduré dans les frontières des pays accédant à l’indépendance. Le caractère « artificiel » des frontières interétatiques, ayant entrainé en particulier le partitionnement des territoires ancestraux des groupes ethnolinguistiques, a pu favoriser certains conflits de la période contemporaine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519082/original/file-20230403-166-d8do1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Le retard de développement de l’Afrique pourrait enfin s’expliquer par ses <strong>caractéristiques géoclimatiques</strong>. En économie, ce facteur a en particulier été proposé par le géographe et biologiste américain <a href="https://www.letemps.ch/culture/selon-naturaliste-jared-diamond-cest-terre-lhomme">Jared Diamond</a>. Si l’Eurasie a décollé en avance sur les autres coins du globe, c’est selon lui en partie parce que son orientation se fait selon l’axe est-ouest et sans barrières montagneuses importantes orientées nord-sud. Cela permet aux territoires de partager des climats proches et favorise le développement des échanges.</p>
<p>D’autres ont pu arguer que l’Amérique latine contrairement à l’Amérique du Nord serait une région naturellement <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.14.3.217">favorable à des activités caractérisées par de fortes économies d’échelle</a> comme la culture de la canne à sucre ou du tabac ou les activités minières. Il en résulterait d’importantes inégalités sociales à l’origine d’institutions peu inclusives et peu efficaces.</p>
<p>Une autre illustration de l’influence de la géographie est relative aux origines de la fragmentation ethnolinguistique qui peut augmenter les coûts de transaction et dans les situations extrêmes, générer des guerres civiles. Elle peut trouver son origine dans les variations de l’altitude et de la qualité des sols ou dans la présence d’obstacles naturels comme les fleuves ou les chaînes de montagnes.</p>
<p>Les <a href="https://academic.oup.com/ej/article/131/637/1947/6105215">climats tempérés</a> favoriseraient en outre la coopération sociale avec les variations imposées chaque année par les saisons. Ils seraient ainsi générateurs d’institutions inclusives. La variabilité interannuelle se manifestant par l’occurrence de sécheresses pourrait, au contraire, alimenter les <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w28243/w28243.pdf">conflits d’usage des terres</a>.</p>
<h2>Revers de fortune et accidents</h2>
<p>Cette littérature pourrait laisser penser qu’il existe une forme de déterminisme. Une telle vision semble néanmoins erronée. Le cas chinois le montre bien. De plus, le caractère accidenté de la topographie qui représente aujourd’hui un obstacle aux échanges a, par exemple, pu constituer dans le passé une <a href="https://scholar.harvard.edu/files/nunn/files/ruggedness.pdf">protection des populations</a> contre des agressions extérieures.</p>
<p>Les pays peuvent également subir un revers de fortune qui amoindrit le rôle de la géographie. Les Européens ont introduit des institutions performantes de préférence dans des pays pauvres (Amérique du Nord, Australie par exemple). Il en résulte que les pays colonisés qui étaient relativement riches au début du XVI<sup>e</sup> siècle (Amérique du Sud, Inde, Asie du Sud-Est) sont aujourd’hui relativement pauvres. Le caractère <a href="https://economics.mit.edu/sites/default/files/publications/reversal-of-fortune.pdf">extractif</a> de la colonisation a été avancé comme explication. Avoir été colonie de peuplement ou colonie tournée vers une exploitation économique influe encore sur les destinées actuelles.</p>
<p>Les divergences peuvent, enfin être accidentelles. Les deux Corée partagent la même géographie, la même culture, possèdent une longue histoire commune. Les hasards de l’histoire les ont fait diverger de façon radicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Parmi les facteurs avancés pour expliquer les inégalités par les économistes du développement, on retrouve notamment les institutions, la confiance, l’histoire et la géographie.Jean-Louis Combes, Professeur d'économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Pascale Combes Motel, Professeur des Universités, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030762023-04-04T17:35:31Z2023-04-04T17:35:31ZEn Inde, comment encourager les plus démunis à scolariser leurs enfants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518758/original/file-20230331-135-r991l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=80%2C53%2C1117%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Inde, seuls 8 % des jeunes adultes les plus pauvres terminent le deuxième cycle d'études.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/enfants-inde-orphelinat-filles-1144109/">Abigailjthompson/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’accès à l’éducation est l’un des principaux droits humains fondamentaux et un tremplin pour la croissance économique, le bien-être et le développement durable. Pourtant, un jeune adulte sur dix dans le monde (sur <a href="https://unstats.un.org/sdgs/report/2019/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2019.pdf">environ un milliard de jeunes adultes</a>) ne possède pas les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que l’éducation et la pauvreté soient étroitement liées. La pauvreté pèse souvent lourdement sur les possibilités et les aspirations des enfants en matière d’éducation. La grande majorité (92 %) des jeunes les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale et d’Asie du Sud n’ont pas terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/inde-23095">Inde</a>, en particulier, seuls <a href="https://www.education-inequalities.org/">8 % des jeunes adultes les plus pauvres</a> terminent ce deuxième cycle. En effet, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des enfants les plus défavorisés lorsqu’il s’agit d’éducation. Ainsi, le manque de sensibilisation des parents, la pression exercée pour que les enfants contribuent aux revenus du ménage ou encore aux tâches quotidiennes contribuent à éloigner la possibilité, pour eux, d’aller au bout de leurs études secondaires. Pourtant, l’éducation reste l’une des méthodes les plus efficaces pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.</p>
<h2>Psychologie sociale</h2>
<p>Pour mieux comprendre les raisons de ces obstacles, nous avons mené une étude de terrain dans l’est de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a> qui a permis d’éclairer une partie des mécanismes psychologiques relatifs à l’éducation des enfants des ménages du « bas de la pyramide » qui regroupe, selon la Banque mondiale, celles et ceux gagnant entre 1,90 et 3,20 dollars américains par jour. Nous avons axé notre recherche sur la manière dont les campagnes d’informations relatives à l’éducation destinées à ces populations pourraient être rendues plus efficaces à travers le prisme de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/358109684_A_bottom_of_pyramid_perspective_on_quality_education_in_the_tropics">théorie des niveaux de représentation</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un concept de psychologie sociale selon lequel plus vous percevez un événement à distance, plus cet événement vous semblera abstrait et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité de l’événement. En revanche, plus vous percevez un événement de près, plus vous le percevez comme étant concret et vous vous concentrez sur les facteurs de faisabilité de l’événement.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>La distance peut être physique, temporelle, sociale ou psychologique. Par exemple, si vous envisagez de prendre des vacances dans un an, vous aurez des pensées plus abstraites et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité tels que la destination ou l’idée du moment de détente que vous passerez. En revanche, si vous devez partir en vacances la semaine prochaine, vous aurez des pensées plus concrètes et vous vous concentrerez sur les facteurs de faisabilité tels que le choix de l’hôtel et le calcul de l’heure à laquelle vous devez quitter votre domicile.</p>
<h2>Un vaste « bas de la pyramide »</h2>
<p>Différents segments peuvent être formés à l’échelle mondiale au sein des personnes et foyers situés dans le <a href="https://www.econbiz.de/Record/segmenting-the-base-of-the-pyramid-rangan-kasturi/10009233225">« bas de la pyramide » des revenus et patrimoines</a>. Par exemple, les plus démunis financièrement (environ 1,4 milliard de personnes) n’ont pas accès à la nourriture, au logement ou à l’eau potable et dépendent principalement de l’aide d’organisations à but non lucratif pour survivre.</p>
<p>Le segment intermédiaire, composé d’environ 1,6 milliard de personnes, dispose généralement d’un revenu instable en tant que travailleur journalier ou temporaire et peut généralement s’offrir un repas par jour. Enfin, les consommateurs les moins démunis – parmi les plus démunis – financièrement (environ 1 milliard de personnes) peuvent avoir des revenus semi-réguliers et s’offrir avec parcimonie quelques biens de consommation tels qu’un téléviseur, un téléphone portable ou une bicyclette.</p>
<p>Au sein de ces ensembles, nous avons considéré que les consommateurs les plus démunis seraient probablement plus réceptifs à une approche abstraite de l’éducation de leurs enfants, telle que l’idéal d’un avenir prospère. En revanche, les consommateurs les moins démunis seraient plus enclins à répondre à une approche plus concrète de l’éducation que pourraient suivre leurs enfants, approche dans laquelle un accès simple et facile à cette éducation est central.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour vérifier ce postulat, nous avons mené une étude quasi expérimentale sur le terrain dans un village du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde. Au cours de nos entretiens en face à face, nous avons montré à nos répondants deux campagnes d’information différentes pour leurs enfants. L’une d’entre elles mettait fortement l’accent sur la désirabilité (« un avenir réussi ») et l’autre sur la faisabilité (« un accès simple et facile à l’éducation »).</p>
<p>Les résultats ont confirmé notre théorie. Les participants les plus démunis financièrement ont davantage apprécié la campagne qui présentait un cadre de désirabilité, attiré par la vision abstraite et lointaine de l’éducation apportant « un avenir prospère » à leur enfant. Les participants moins démunis financièrement ont préféré la campagne qui présentait un cadre de faisabilité, avec une approche plus concrète mettant en avant « un accès plus facile à l’éducation » pour leur enfant.</p>
<h2>Réduire les obstacles à l’éducation</h2>
<p>Dans l’ensemble, cette étude examine les mécanismes psychologiques de l’approche de l’éducation des enfants par les foyers les plus défavorisés et la manière dont nous pouvons utiliser différentes modalités d’information pour encourager l’éducation des enfants. Ce faisant, nous fournissons des suggestions perspicaces pertinentes sur la manière d’améliorer l’efficacité des campagnes d’information des enfants ciblant le segment des populations les plus démunies.</p>
<p>Plus précisément, cette recherche suggère deux points : (1) ces campagnes devraient être adaptées aux populations du « bas de la pyramide » et que ce vaste segment, qui compte 4 milliards de personnes, ne devrait pas être traité comme un tout ; (2) il est essentiel de développer des campagnes d’information de ces populations basées sur une meilleure connaissance de ces consommateurs, qui en constituent le public principal, pour une plus grande efficacité. Dans l’ensemble, des stratégies différenciées et des messages ciblés sont essentiels pour communiquer les avantages de l’éducation des enfants au sein de ces populations.</p>
<p>Ainsi, cette étude peut avoir des implications considérables pour les décideurs politiques, les gouvernements et les organisations à but non lucratif qui s’efforcent de réduire les obstacles à l’éducation, potentiellement globalement, bien que notre étude se limite à une région de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les communications doivent faire preuve de désirabilité en présentant l’éducation comme une clé pour l’avenir.Yenee Kim, Assistant Professor, marketing, EDHEC Business SchoolMalobi Mukherjee, Senior Lecturer, Business, James Cook UniversityReetika Gupta, Associate Professor of Marketing, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995452023-02-20T17:16:46Z2023-02-20T17:16:46ZDans les pays développés, des inégalités moindres mais plus localisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508953/original/file-20230208-25-332kit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1107%2C0%2C2874%2C1634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les mouvements contestataires, comme ici les « gilets jaunes » à Belfort, avaient plus à voir avec une logique de polarisation que d'inégalités entre régions ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Thomas Bresson/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La construction et l’exploration d’ensembles de <a href="https://data.europa.eu/elearning/fr/module1/#/id/co-01">données de plus en plus vastes</a> qui couvrent désormais presque tous les pays du monde ont permis d’améliorer de manière significative la compréhension des inégalités. Des institutions telles que le <a href="https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2022/03/Global-inequalities-Stanley">Fonds monétaire international</a> ou encore l’<a href="https://www.oecd.org/social/inequality-and-poverty.htm">OCDE</a> produisent des rapports toujours plus complets sur la répartition des richesses dans le monde.</p>
<p>Ces études abordent très souvent les disparités <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">entre individus</a> ou entre États. Elles restent peut-être moins fréquentes à s’intéresser à l’<a href="https://theconversation.com/les-inegalites-de-developpement-economique-dans-lunion-europeenne-76637">échelon régional</a>. Or, c’est à ce niveau de focale que transparaît souvent la montée des populismes et de mouvements contestataires tels que les <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">« gilets jaunes »</a> en France, le trumpisme aux États-Unis ou <a href="https://theconversation.com/en-espagne-podemos-se-prepare-a-lapres-pablo-iglesias-163598">Podemos</a> en Espagne, en particulier dans les <a href="https://theconversation.com/les-territoires-oublies-de-lelection-presidentielle-174817">« territoires oubliés »</a>. Dans ces derniers, on observe un déclin de l’offre de services publics, des difficultés à se développer économiquement, et un sentiment général d’avoir été abandonné par les politiques publiques.</p>
<p>Plus encore que les inégalités interpersonnelles, les inégalités régionales sont présumées avoir un ascendant sur les <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">résultats des élections</a>. Elles reposent sur des dotations inégales en termes de ressources matérielles (infrastructures, services publics) comme immatérielles (connaissances et innovation).</p>
<p>Elles restent pourtant souvent ignorées par les politiques publiques. La réforme de l’assurance chômage mise en place récemment par le gouvernement a ainsi pu être <a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-lassurance-chomage-pourrait-creuser-les-inegalites-et-accelerer-la-polarisation-de-lemploi-195713">critiquée</a> dans la mesure où elle ne considérait pas les différences entre régions, ne faisant varier les paramètres des allocations que selon une moyenne nationale.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0143622822000091">étude</a> montre pourtant l’importance des dynamiques territoriales en amenant des éléments de compréhension nouveaux. Notre panel met notamment en évidence que, dans les pays développés, les inégalités régionales demeurent relativement faibles mais que la polarisation spatiale reste très marquée, tout l’inverse des pays en développement.</p>
<h2>Divergence/convergence ou centres/périphéries ?</h2>
<p>Dans la sphère académique, deux oppositions semblent schématiquement se distinguer : entre logiques de convergence ou de divergence ; entre polarisation territoriale et développement autonome des régions.</p>
<p>Un premier courant propose une approche en termes de <a href="https://hal.science/hal-02424898/document">convergence</a> dans la lignée du « Nobel » Simon Kuznets : les premiers stades de développement d’une économie vont être caractérisés par de fortes inégalités régionales mais ces dernières finissent par diminuer lorsque la nation atteint un certain seuil de développement. Le capital se déplace rationnellement, selon l’approche néoclassique, vers des régions moins développées, où les salaires sont plus bas et le foncier moins cher. La mobilité et la diffusion des facteurs tendent à égaliser les différences régionales sur le long terme.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’autre courant, héritier, lui, d’une perspective néomarxiste, suppose que le mouvement s’oriente plus spontanément vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2017-1-page-17.htm">divergences</a>, condition préalable à l’accumulation de capital dans les régions riches.</p>
<p>Perpendiculairement, on recense également des approches que l’on peut qualifier de « structuralistes » qui articulent leur raisonnement sur des inégalités nées de systèmes de type <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/centres-et-peripheries-en-europe-de-leurope">centre-périphérie</a>. Le niveau de développement d’une région y dépend des relations qu’elle développe avec le reste des régions. Viennent à l’opposé des approches « régionalistes » considérant que les régions disposent par elles-mêmes des <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/15572?lang=fr">ressources nécessaires</a> pour projeter et suivre la voie de développement qu’elles ont choisie.</p>
<p>Au milieu de ce panorama académique, notre étude articule différentes perspectives.</p>
<h2>Polarisation et trappes de développement</h2>
<p>Nos travaux sur les pays de l’OCDE entre 2000 et 2018 confirment bien que les inégalités régionales restent en moyenne plus faibles dans les pays développés que dans les pays en développement. Nous montrons néanmoins que, lorsque l’on analyse la concentration géographique de la richesse, une polarisation reste plus marquée dans les pays très industrialisés.</p>
<p>Pour appréhender les inégalités, nous avons considéré le coefficient de Gini, un indicateur qui compare la répartition des revenus à une répartition parfaitement équitable. Il s’approche de 1 dans la situation la plus inéquitable (un individu a tout et les autres n’ont rien), et de 0 quand chacun dispose des mêmes ressources.</p>
<p>La mesure de la polarisation géographique repose sur des indicateurs moins connus par le grand public mais très utilisés chez les économistes et géographes. Il s’agit de mesurer la concentration spatiale d’un indicateur donné, de voir si les données sont dispersées dans l’espace ou au contraire concentrées dans un ou quelques lieux. La méthode, développée par le statisticien australien Patrick Moran, conduit à calculer un score que varie entre -1 pour une dispersion parfaite, à 1 pour une polarisation totale.</p>
<p><iframe id="HI7vj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HI7vj/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lorsque l’on se place dans une perspective dynamique, on observe par ailleurs que la polarisation spatiale de la richesse régionale n’obéit pas nécessairement aux mêmes trajectoires que les inégalités régionales. La Belgique et le Mexique ont par exemple suivi des trajectoires perpendiculaires ces dernières années. Le niveau des inégalités est resté au même niveau en Belgique mais la polarisation s’est accrue. Quant au Mexique, le niveau de polarisation n’a pas évolué quand les inégalités se sont quelque peu résorbées. Autres cas, la Russie a vu ces deux paramètres s’accroître, les Pays-Bas diminuer.</p>
<p><iframe id="rwskl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwskl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le constat nous conduit à émettre l’hypothèse que c’est la polarisation géographique, et pas seulement la différence entre les régions les plus pauvres et les plus riches, qui cause du tort aux trajectoires de développement régional. Le regroupement géographique peut conduire à quelque chose de similaire au manque de mobilité sociale des familles pauvres qui sont regroupées spatialement dans les mêmes quartiers pauvres. C’est s’enfermer dans des trappes de développement, auxquelles seules des politiques véritablement territorialisées peuvent répondre pour accroître la cohésion territoriale et construire un monde plus équitable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les inégalités entre les régions tendent à diminuer, les inégalités au sein même d'une même zone semblent se creuser.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984522023-02-12T17:27:29Z2023-02-12T17:27:29ZQuels rôles pour les ONG occidentales dans un monde qui se « désoccidentalise » ?<p>À deux semaines de « l’anniversaire » du déclenchement par la Russie de la guerre en Ukraine, et alors que les <a href="https://reliefweb.int/report/world/2023-global-humanitarian-overview-presentation-global-humanitarian-overview-under-secretary-general-humanitarian-affairs-and-emergency-relief-coordinator-martin-griffiths-geneva-1-december-2022">besoins humanitaires ne cessent de croître sur la planète</a>, la Turquie et la Syrie viennent d’être touchées par une série de séismes ayant fait à ce jour <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/02/09/seisme-en-turquie-et-en-syrie-le-bilan-depasse-desormais-les-20-000-morts-10988002.php">plus de 20 000 morts</a>.</p>
<p>Partout, l’aide humanitaire est souvent apportée par des organisations non gouvernementales (ONG) <em>occidentales</em>. Or leur rôle dans la réponse aux crises humanitaires de toutes sortes est de plus en plus remis en question. </p>
<p><a href="https://books.openedition.org/irdeditions/8728?lang=fr">Elles se voient reprocher</a> tout à la fois, et de façon plus ou moins fondée, leur ingérence excessive et l’insuffisance de leur action, la mauvaise utilisation des fonds qui leur sont alloués, et aussi leur incapacité à pleinement comprendre les pays où elles interviennent et à coopérer efficacement avec les structures locales.</p>
<h2>Les ONG occidentales au cœur du système d’aide internationale</h2>
<p>Les ONG sont des organisations relativement anciennes. L’ambiguïté même de leur dénomination révèle <a href="https://www.cairn.info/les-ong--9782707182081.htm">« une réalité difficile à cerner »</a>. Elles sont <a href="https://www.coordinationsud.org/espace-membres/le-secteur-des-ong-francaises/">généralement définies</a> comme des structures non lucratives (associations ou fondations), issues d’une mobilisation militante et citoyenne. Elles agissent pour l’intérêt général, dans une dimension transnationale. Elles sont classées en trois catégories : solidarité internationale (comme <a href="https://www.msf.fr/">Médecins sans frontières</a> ou <a href="https://www.oxfam.org/fr">Oxfam</a>), droits humains (comme <a href="https://www.amnesty.org/fr/">Amnesty International</a>) et environnement (comme <a href="https://www.greenpeace.fr/">Greenpeace</a>). Nombre d’entre elles sont en réalité aujourd’hui actives dans ces trois domaines.</p>
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<p>Les ONG <em>occidentales</em> (européennes ou nord-américaines) sont les plus connues et celles qui disposent de budgets les plus importants. Elles se structurent pour certaines dans des fédérations ou réseaux internationaux d’ONG – on parle alors d’ONG <em>internationales</em> – qui réunissent les différentes organisations nationales, aussi bien <em>occidentales</em> que <em>non occidentales</em>. Le réseau MSF international, par exemple, <a href="https://www.msf.org/how-we-are-run#offices">est composé</a> d’une trentaine de délégations nationales et de six centres opérationnels répartis sur tous les continents.</p>
<p>Le poids des organisations <em>occidentales</em> dans ces réseaux internationaux reste prépondérant. Celles-ci sont souvent celles qui mobilisent le plus de financements. Il existe par ailleurs de nombreuses ONG <em>non occidentales</em> dans les pays d’intervention des ONG <em>occidentales</em>, non affiliées à ces réseaux internationaux. Mais rares sont celles – à quelques exceptions près comme le <a href="https://www.brac.net/">Bangladesh Rural Advancement Committe (BRAC)</a> – qui possèdent la même notoriété.</p>
<p>Enfin, les ONG <em>occidentales</em> et <em>non occidentales</em> côtoient dans leurs activités d’autres acteurs de l’aide internationale. C’est notamment le cas de plusieurs agences des Nations unies comme l’<a href="https://www.unicef.org/">UNICEF</a> ou le <a href="https://www.unocha.org/">Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)</a>, ou encore des institutions publiques de coopération bilatérale, comme l’<a href="https://www.afd.fr/fr">Agence française de développement (AFD)</a>.</p>
<h2>L’Ukraine, un exemple type</h2>
<p>À l’occasion du <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/12/13/solidaires-du-peuple-ukrainien">sommet sur l’Ukraine</a>, organisé en France le 13 décembre sous l’impulsion de l’Élysée, <a href="https://www.liberation.fr/international/aide-humanitaire-en-ukraine-un-probleme-de-fonds-20221208_WTPWAIG4LVHWXLVYKFMGT3XK5A/">plusieurs voix s’interrogeaient</a> sur la capacité des ONG <em>occidentales</em>, en particulier celles affiliées aux grands réseaux internationaux, à distribuer l’aide au plus proche des besoins des Ukrainiens et des Ukrainiennes.</p>
<p><a href="https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-2022-flash-appeal-funding-snapshot-30-january-2023">Les chiffres publiés par OCHA</a>, à la date du 17 janvier 2023, sont <em>a priori</em> assez édifiants. Sur les 3,42 milliards de dollars alloués à la réponse humanitaire en Ukraine, les ONG internationales et les agences onusiennes ont reçu à elles seules 88 % de l’aide disponible (respectivement 27 % et 61 %). Les 12 % de fonds restants ont été reçus par les acteurs ukrainiens locaux et nationaux (ONG non affiliées aux réseaux internationaux, mouvements citoyens, services publics, etc.).</p>
<p>Si les critiques visant l’action des ONG ne sont pas nouvelles, en <a href="https://globalfundcommunityfoundations.org/news/an-open-letter-to-international-donors-and-ngos-who-want-to-genuinely-help-ukraine/">Ukraine</a>, ou ailleurs, <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/1426185_file_Ramachandran_Walz_haiti_FINAL.pdf">par exemple en Haïti</a>, les situations de crise humanitaire illustrent, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/12/pour-soutenir-l-ukraine-il-faut-aider-les-acteurs-locaux_6154069_3232.html">aux yeux de certains observateurs</a>, l’omniprésence des ONG <em>occidentales</em>, et leurs difficultés à collaborer avec des acteurs nationaux préexistants.</p>
<p>C’est notamment le cas en Ukraine, où existaient avant le déclenchement de la guerre une société civile active et structurée, ainsi que de nombreux services publics et un État loin d’être failli. Et comme le montre le Groupe URD (<em>think tank</em> indépendant spécialisé dans l’analyse des actions humanitaires) dans un <a href="https://www.urd.org/wp-content/uploads/2022/09/Ukraine_RTEReport_GroupeURD_ENG.pdf">récent rapport</a>, les associations locales et nationales, ainsi que les collectivités territoriales, sont essentielles dans la réponse aux besoins des populations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/portraits-dukraine-alessia-benevole-aupres-des-refugies-a-dnipro-32-ans-189011">Portraits d’Ukraine : Alessia, bénévole auprès des réfugiés à Dnipro, 32 ans</a>
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<h2>Un secteur des ONG en croissance mais confronté à de nouvelles difficultés</h2>
<p>À première vue, le secteur des ONG internationales, en particulier les ONG françaises, se porte plutôt bien. Confirmant une tendance de fond, leurs ressources cumulées (publiques et privées) <a href="https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/Etude-MSE-Coordination-SUD-1.pdf">sont ainsi passées</a> de 1,6 milliard d’euros en 2016 à près de 2,3 milliards en 2020, soit une croissance de 43 %. Ces volumes importants cachent cependant de fortes disparités : en 2020, les neuf plus grandes ONG françaises <a href="https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/Synthese-Etude-MSE-Coordination-SUD-1.pdf">captaient</a> plus de 74 ; % des ressources mobilisées par le pays.</p>
<p>Cette mobilisation importante de ressources, qui s’inscrit globalement dans des stratégies de croissance des plus grandes organisations (comme <a href="https://www.solidarites.org/wp-content/uploads/2021/09/plan-strategique-2022-2025.pdf">Solidarités International</a> ou <a href="https://www.actioncontrelafaim.org/wp-content/uploads/2022/06/ACF-MIF-strategie2021-2025-vfinale_compressed.pdf">Action Contre la Faim</a>), s’accompagne de nombreux défis.</p>
<p>D’une part, les ONG sont confrontées à un rétrécissement important de l’espace dévolu à leurs activités de solidarité. On l’a récement vu par exemple en <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/afghanistan-six-ong-suspendent-leurs-activites-apres-linterdiction-de-travailler-avec-des-femmes-20221226_3MZX2OYLL5DYFHCDTFZF6XRT2I/">Afghanistan</a>, où plusieurs ONG ont cessé leur action après l’interdiction prononcée par le gouvernement des talibans de faire travailler des femmes, et au <a href="https://www.maliweb.net/communique/mali-le-gouvernement-de-la-transition-decide-dinterdire-les-activites-des-ong-operant-au-mali-sur-financement-de-la-france-2999953.html">Mali</a>, où le gouvernement de transition, dans un contexte de tension extrême avec Paris, a interdit toutes les activités menées par des ONG dans le pays avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fbbcaJNdR3s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>D’autre part, la mobilisation de financements de plus en plus importants en volume s’accompagne de contraintes de gestion, qui, si <a href="https://www.cairn.info/le-management-des-ong--9782348059018.htm">elles ne sont pas nouvelles</a>, complexifient la mise en œuvre des projets. Certaines procédures instituant pour les ONG des procédures de conformité à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que des <a href="https://www.alternatives-humanitaires.org/fr/2022/08/16/le-soutien-sous-controle-des-acteurs-de-la-societe-civile-le-cas-des-organisations-de-solidarite-internationale-francaises-et-europeennes/">obligations de criblage</a>, en sont les parfaits exemples. Si une <a href="https://journals.openedition.org/revdh/16070">résolution récente de l’ONU</a> confirme l’exemption de criblage pour les actions humanitaires – qui ne sont qu’une partie des actions des ONG – ces contraintes de gestion sont coûteuses et complexes à mettre en œuvre, limitant <em>de facto</em> leurs capacités d’intervention.</p>
<p>En ce sens, cette normalisation accrue traduit certainement la matérialisation de rôles nouveaux dévolus aux différents types d’ONG. Les plus grandes ont ainsi tendance à être davantage considérées comme des partenaires stratégiques des États dans la mise en place de politiques d’aide au développement et d’aide humanitaire, ce que <a href="https://www.alternatives-humanitaires.org/fr/2022/08/16/le-soutien-sous-controle-des-acteurs-de-la-societe-civile-le-cas-des-organisations-de-solidarite-internationale-francaises-et-europeennes/">nous écrivions</a> par ailleurs en 2022.</p>
<p>En outre, les ONG <em>occidentales</em> sont aujourd’hui, comme d’autres types d’organisations, confrontées à l’émergence de nouveaux acteurs, dans un champ qui se reconfigure. Inscrite en 2016 à l’agenda humanitaire par le Sommet mondial sur l’action humanitaire tenu à Istanbul et le <a href="https://interagencystandingcommittee.org/node/40190">Grand Bargain</a> (accord unique entre les plus grands donateurs et agences humanitaires qui se sont engagés à améliorer l’efficience et l’efficacité de l’action humanitaire), la dynamique de <a href="https://www.coordinationsud.org/document-ressource/etude-onglab-localisation-de-laide/">localisation de l’aide</a> a facilité l’émergence d’organisations locales et nationales <em>non occidentales</em>. L’objectif consistant à faire en sorte que 25 % de l’aide humanitaire transite par ces organisations est <a href="https://interagencystandingcommittee.org/system/files/2022-06/GrandBargainAnnualIndependentReport2022%20--%20ExecutiveSummary.pdf">encore loin d’être atteint</a>.</p>
<p>Cela n’empêche pas ces organisations d’être très actives, en particulier en Afrique de l’Ouest, où des mouvements citoyens plus informels, comme <a href="https://tournonslapage.org/fr">Tournons la page</a> – qui revendique près de 250 organisations dans dix pays – mobilisent « pour promouvoir l’alternance démocratique en Afrique ».</p>
<p>Enfin, les ONG sont également concurrencées en <em>Occident</em> par une diversité d’autres acteurs, prônant tous des modèles socio-économiques plus efficaces et rentables. C’est notamment le cas des organisations non associatives de l’économie sociale et solidaire (ESS), ou encore des <em>International development contractors</em> (IDC), <a href="https://www.newsweek.com/beltway-bandits-96591">acteurs privés prestataires</a>, principaux récipiendaires de l’<a href="https://www.developmentaid.org/news-stream/post/141002/top-usaid-contractors-for-2021">APD américaine</a>.</p>
<h2>Vers une décolonisation des pratiques du secteur ?</h2>
<p>Cette reconfiguration du rôle des ONG <em>occidentales</em> s’inscrit bien sûr dans une reconfiguration plus globale du monde, qui les impacte à au moins deux niveaux.</p>
<p>Accusées pour certaines d’être « structurellement racistes », notamment par des <a href="https://www.peacedirect.org/wp-content/uploads/2021/05/PD-Decolonising-Aid_Second-Edition.pdf">ONG <em>non occidentales</em></a>, elles ont progressivement <a href="https://www.nuffield.ox.ac.uk/media/5189/ingos_leadership_report_final_single-pages.pdf">pris conscience</a> qu’elles pouvaient être, dans leurs pratiques de gestion, à tout le moins discriminantes, voire empreintes d’une certaine <a href="https://journals.openedition.org/cal/1550">« colonialité »</a>, qui consiste en « l’articulation planétaire d’un système de pouvoir “occidental” […] qui se fonde sur une infériorisation prétendument naturelle des lieux, des groupes humains, des savoirs et des subjectivités non occidentales ».</p>
<p>En outre, comme toutes les organisations <em>occidentales</em> – issues de pays considérés par l’OCDE comme industrialisés, sources de la plupart des émissions de gaz à effet de serre passées et actuelles –, elles sont appelées par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) à réduire leur empreinte environnementale.</p>
<p>À ce titre, en France, depuis décembre 2020, dix ONG d’action humanitaire parmi les plus importantes <a href="https://www.urd.org/fr/publication/declaration-dengagement-des-organisations-humanitaires-sur-le-climat-2020/">se sont engagées</a> à réduire de 30 % leurs émissions de GES d’ici à 2025, et 50 % à l’horizon 2030. Accélérée par la crise sanitaire, cette dynamique va <em>de facto</em> entraîner pour les ONG <em>occidentales</em> des évolutions des pratiques de gestion et des repositionnements, à la fois en <a href="https://theconversation.com/quand-la-crise-sanitaire-rebat-les-cartes-entre-les-acteurs-de-la-solidarite-nationale-et-internationale-171560">France</a>, et dans leurs pays d’intervention.</p>
<p>Les ONG <em>occidentales</em> sont donc appelées à une transformation effective de leur modèle organisationnel, historiquement empreint d’une certaine <em>colonialité</em> et insoutenable d’un point de vue environnemental. </p>
<p>Au regard de leur capacité ancienne à évoluer, nul doute que ces chantiers, s’ils sont pris au sérieux, ne feront que légitimer leur mandat et renforcer l’utilité sociale de leurs actions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Pradier travaille actuellement en tant que chargé d'études et d'analyses pour Coordination SUD, la plate-forme des ONG françaises de solidarité internationale, et en tant que doctorant en CIFRE (financement ANR) en sciences de gestion à l'IAE de Paris 1. Il mène un travaille de recherche sur les ONG françaises de solidarité internationale, dont certaines de celles citées dans l'article.</span></em></p>L’aide apportée aux victimes de catastrophes humanitaires est dans une large mesure l’affaire des ONG occidentales. Ces dernières doivent évoluer pour mieux répondre aux besoins des acteurs locaux.Vincent Pradier, Doctorant en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963482022-12-15T18:17:24Z2022-12-15T18:17:24ZLe régime péroniste, racine du déclin économique de l’Argentine<p>Il y a un peu plus de 50 ans, le 17 novembre 1972, Juan Domingo Perón débarque à la surprise générale d’un vol Alitalia sur le tarmac de Buenos Aires. Mis au défi de fouler à nouveau le sol argentin par le général Alejandro Agustín Lanusse alors à la tête du pays, et ce afin de se présenter aux élections à venir, l’ancien chef d’État (1946-1955), contraint à l’exil mais profitant des relatives marques d’ouverture du clan rival, faisait son grand retour, objet d’un <a href="https://www.clarin.com/politica/libro-revelaciones-regreso-juan-domingo-peron-1972_0_iOGdN5RW45.html">livre récent</a> du journaliste Pablo Mendelevitch. Il retrouvera la présidence du pays le 12 octobre 1973, qu’il laisse à sa mort quelque mois plus tard le 1<sup>er</sup> juillet 1974.</p>
<p>Récemment, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/argentine-45194">Argentine</a> a célébré, comme chaque 17 novembre le « Día de la militancia », jour de la militance, en mémoire de l’« opération retour » par laquelle les militants ont permis la réapparition au pays de ce personnage toujours autant influent que clivant. Preuve en est la <a href="https://www.clarin.com/politica/alberto-fernandez-respondio-maximo-kirchner-cita-peron-companero-empieza-criticar-deja-peronista-_0_SwC2qif16f.html">sortie</a> de l’actuel président, Alberto Fernandez, qui, pris dans une polémique avec le fils de sa vice-présidente du même camp, Cristina Kirchner, répond :</p>
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<p>« Perón nous apprend que lorsqu’un camarade parle mal d’un autre, il cesse d’être péroniste ».</p>
</blockquote>
<p>Les passages au pouvoir de cette dernière et de son mari Nestor ont pu d’ailleurs volontiers être qualifiés de <a href="https://www.abebooks.fr/%C3%BAltimo-peronista-cara-oculta-Kirchner.---Ensayo/16032909695/bd">« néo-péronisme »</a>. Sa <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/07/argentine-condamnation-historique-de-cristina-kirchner-a-six-ans-de-prison_6153358_3210.html">condamnation</a> le 6 décembre à six années de prison assorties d’une interdiction à vie d’exercer un emploi public n’en finit pas d’animer le débat public. Le Président lui-même dénonce ce qu’il considère comme la condamnation d’une innocente.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1600275973068722176"}"></div></p>
<p>Personnage majeur de l’histoire politique auquel on continue de se référer en bien ou en mal, instigateur du « justicialisme », celui que ses opposants avaient fini par surnommer <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/07/02/il-y-a-quinze-ans-la-mort-du-general-juan-domingo-peron_4142159_1819218.html">« Pocho »</a> semble également avoir laissé une trace indélébile dans l’histoire économique du pays. Pas forcément pour le mieux. Pour le dire avec des mots d’économistes, il s’agirait d’un « moment critique » toujours influent par un phénomène de « dépendance de sentier ». C’est la conclusion que nous tirons d’un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-022-00193-4">papier de recherche</a> publié récemment.</p>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, l’avenir de l’Argentine semblait radieux. On parlait même de « miracle argentin » et l’on prête cette phrase, sans doute <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-022-00193-4#ref-CR27">apocryphe</a>, au prix « Nobel » d’économie Simon Kuznets : « dans le monde, il y a quatre types de pays : les pays développés, les pays sous-développés, le Japon et l’Argentine ». Pays bien intégré à l’économie mondiale, aux avantages comparatifs certains, où la démocratie semble relativement solide, à la politique d’éducation jugée exemplaire par une <a href="https://www.oecd.org/fr/dev/ameriques/etudesducentrededeveloppementlargentineauXXesieclechroniquedunecroissanceannoncee-resume.htm">note de l’OCDE</a> et aux investissements pertinents, il suit, au moins jusqu’à la crise des années 1930, une dynamique de croissance remarquable.</p>
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<p>Aujourd’hui, les difficultés sont légion et le pays peine à renouer avec les promesses passées. Il y a notamment eu, au début des années 2000, une terrible crise économique. Plus proche de nous, la crise du Covid a davantage impacté l’Argentine que ses voisins, avec un taux de pauvreté passant de 35,5 à 42 % au cours de l’année 2020 selon l’institut national des statistiques et une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/28/on-travaille-davantage-et-on-gagne-moins-en-argentine-les-travailleurs-de-l-economie-informelle-frappes-par-l-inflation_6124056_3234.html">inflation</a> en 2021 de l’ordre de 50 %.</p>
<p>La question de savoir ce qui en un siècle a mal tourné fait l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs : les causes de ce déclin et les explications à ce paradoxe argentin restent un sujet de débat intense.</p>
<h2>Changements institutionnels</h2>
<p>Une source majeure, si ce n’est la principale, pour expliquer la dynamique économique d’un pays réside dans la qualité de ses institutions. C’est une des leçons que l’on peut tirer des travaux du « Nobel » Douglas North, repris ensuite par <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/B:JOEG.0000031425.72248.85">Dani Rodrik</a> encore Daron Acemoglu et James Robinson. Ces deux derniers, professeurs respectivement au MIT et à l’université de Chicago, mettent notamment en évidence les destinées différentes des anciennes colonies selon le modèle imposé par les métropoles, qu’il repose ou non sur <a href="https://ens-paris-saclay.fr/lecole/prix-et-distinctions/docteur-honoris-causa/daron-acemoglu">l’extraction de ressources naturelles</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Juan Bautista Alberdi, père de la Constitution de 1853.</span>
<span class="attribution"><span class="source">William George Helsby</span></span>
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<p>C’est par les institutions que nous tentons donc de comprendre l’histoire économique de l’Argentine. Pour se débarrasser de l’héritage de la colonisation espagnole et après une longue période de violence et d’instabilité, l’Argentine finit par adopter en 1853 une Constitution largement inspirée de celle des États-Unis. Celui qui en est à l’origine avec son <a href="https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/bases-y-puntos-de-partida-para-la-organizacion-politica-de-la-republica-argentina--0/html/ff3a8800-82b1-11df-acc7-002185ce6064_8.html">ouvrage</a> <em>Bases y puntos de partida para la organización politica de la republica argentina</em> publié un an auparavant, Juan Bautista Alberdi, a voulu penser un modèle libéral, imprégné de libertés économique et de la <em>rule of law</em>, élément considéré <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/261555">nécessaire</a> au développement.</p>
<p>Elle reste l’épicentre de la vie du pays, jusqu’au moins aux années 1930. Durant la crise qui frappe le monde entier, le pays subit un premier coup d’État militaire, celui du général José Félix Uriburu, initiant une « décennie infâme ». Le cadre propice à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance</a> s’en trouve <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/016001799761012334">fragilisé</a>, en particulier du fait de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165176507004272?via%3Dihub">l’instabilité politique</a> qui en résulte pour près d’un demi-siècle.</p>
<p>Une date ressort néanmoins particulièrement dans nos travaux : 1943. Cette année-là, un nouveau coup d’État ouvre le chapitre suivant de l’histoire argentine. Le colonel Juan Domingo Perón, 48 ans, devient alors secrétaire au Travail et à la Prévoyance, fonction qu’il cumule ensuite avec celle de ministre de la Guerre. Proche des syndicats, il met en place toute une série de réformes lui conférant une grande popularité qui le propulse bientôt Président en 1946. L’économie devient petit à petit subordonnée à son projet politique avec notamment la nationalisation de la banque centrale et de grandes industries privées et une politique commerciale particulièrement protectionniste.</p>
<h2>Au niveau de l’Espagne</h2>
<p>Une nouvelle Constitution a été approuvée en 1949 et prend véritablement à contrepied le modèle alberdien. Elle n’est que la concrétisation de réformes déjà entreprises par celui qui sera renversé en 1955. La Constitution est alors abrogée mais une rupture durable semble bien avoir eu lieu. L’<a href="https://leyes-ar.com/constitucion_nacional/14%20bis.htm">article 14 bis</a> sur les droits des travailleurs du texte lui succédant reste, par exemple, un héritage direct de l’époque Perón.</p>
<p>Dans nos travaux nous faisons apparaître cette rupture grâce à la méthode de la double différence. Elle vise à répondre à la question : que serait devenue l’Argentine sans les réformes menées par Juan Perón ? Comme on ne peut l’observer directement, nous avons construit ce que l’on appelle un <a href="https://business.baylor.edu/scott_cunningham/teaching/abadie-and-gardeazabal-2003.pdf">contrefactuel</a>. En combinant plusieurs variables et 58 pays, nous avons construit une sorte d’« Argentine bis », qui suit une trajectoire parallèle à la « vraie Argentine » jusqu’en 1943.</p>
<p><iframe id="7iDr9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7iDr9/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En simulant la suite, nous observons un véritable décrochage à partir de cette date, à tel point que le PIB par habitant de l’Argentine à la fin de notre période d’échantillonnage est inférieur d’environ 30 %. L’Argentine aurait été en 2015, même s’il faut rester prudent avec les simulations, au niveau de pays de l’Union européenne tels que l’Espagne ou de la Slovénie. L’impact ne semble en effet pas cantonné simplement à la période péroniste ni ne s’achève avec le putsch des généraux de 1976, renversant Isabel Perón qui avait pris la suite de son défunt époux.</p>
<p>Les résultats restent solides lorsque l’on utilise différente « Argentine bis » et survivent à une batterie de contrôles placebo dans l’espace et dans le temps. Bien que les épisodes de gouvernance populiste puissent être de courte durée, les dommages économiques à long terme infligés par les politiques économiques et les réformes institutionnelles populistes peuvent ainsi bel et bien s’avérer élevés et durables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maximiliano Marzetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les passages au pouvoir de Juan Domingo Perón ont été accompagnés d’une série de réformes populistes dont les effets sur l’économie se font encore sentir aujourd’hui.Maximiliano Marzetti, Assistant Professor of Law, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1927942022-11-18T11:47:38Z2022-11-18T11:47:38ZLa Coupe du monde, une simple étape de l’ambitieux plan de développement du Qatar<p>Pour la Coupe du monde de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> qui s’est ouverte ce 20 novembre, le Qatar aura dépensé 200 milliards de dollars. Pour le pays, l’enjeu est de taille : au-delà de l’aspect sportif, l’événement, controversé notamment en raison des <a href="https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/qatar/report-qatar">milliers de travailleurs migrants décédés</a> sur les chantiers des stades, vise à projeter un « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soft-power-36628">soft power</a> » (« puissance douce ») et à changer les perceptions internationales.</p>
<p>Le Mondial s’inscrit en effet dans une stratégie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/developpement-20143">développement</a> économique plus large du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qatar-39492">Qatar</a> qui vise à renforcer sa place dans les échanges internationaux. En 2013, trois ans après l’attribution de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-120635">Coupe du monde</a> à l’émirat, l’accession au pouvoir de l’émir Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani a accéléré ce processus de transformation économique et sociétale de l’État qui reste néanmoins soucieux de concilier le développement du pays et le respect des traditions.</p>
<p>La <a href="https://www.gco.gov.qa/en/about-qatar/national-vision2030/">« Vision nationale 2030 »</a>, qui redéfinit les contours d’une économie post-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/hydrocarbures-88741">hydrocarbure</a> à moyen terme, prévoit ainsi des investissements dans les nouvelles technologies, un virage philosophique vers l’économie de la connaissance et la création de « smart cities » (« villes intelligentes ») dans lesquelles des systèmes de transports intelligents joueront un rôle majeur.</p>
<h2>Ultra-dépendance aux hydrocarbures</h2>
<p>Or, le gouvernement du Qatar considère la participation d’investisseurs privés étrangers comme une partie intégrante de sa politique économique, notamment en matière de projets d’infrastructures, qui constituent la pierre angulaire de la « Vision nationale 2030 ». En 2020, le gouvernement du Qatar a d’ailleurs promulgué une loi encadrant les partenariats public-privé (PPP) pour tous les secteurs de l’économie, ce qui a envoyé un signal fort à toutes les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) à l’échelle mondiale, notamment aux entreprises américaines <a href="https://www.trade.gov/market-intelligence/qatar-introduces-public-private-partnership-law">particulièrement convoitées</a>.</p>
<p>Les installations de la Coupe du monde de football 2022, construites pour la plupart grâce à des contrats de PPP, ne constituent donc qu’une étape dans le vaste projet de développement de l’émirat qui voit dans ces investissements public-privé une opportunité de moderniser le pays et de bénéficier d’infrastructures à la pointe du progrès (nouvelles routes, tunnels, écoles, télécoms, centrales à énergie solaire, hôpitaux, hôtels, etc.). Plus de 850 entreprises américaines, 700 entreprises du Royaume-Uni et 330 entreprises allemandes opèrent ainsi actuellement au Qatar.</p>
<p>L’émirat tire aujourd’hui l’essentiel de ses richesses du pétrole et du gaz naturel, qui représentent plus de 70 % des recettes totales de l’État, plus de 60 % du produit intérieur brut et environ 85 % des recettes d’exportation. Deuxième producteur d’hydrocarbures de la péninsule arabique en tonnes équivalent pétrole, le Qatar dispose des troisièmes plus importantes réserves mondiales de gaz naturel, principalement localisées sur le champ offshore North Field. Avec un PIB de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.PP.KD?locations=QA">85 000 dollars par habitant</a> en 2020 (105 000 en 2011), le pays présente le quatrième plus important ratio au monde en parité de pouvoir d’achat.</p>
<p>Les citoyens qatariens jouissent donc d’un haut niveau de vie, d’autant plus qu’ils ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. En outre, le <a href="https://www.objectif-import-export.fr/fr/marches-internationaux/fiche-pays/qatar/presentation-fiscalite">taux d’impôt sur les sociétés est de 10 %</a>, à l’exception des sociétés détenues à 100 % par des ressortissants qatariens et des ressortissants des pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis et le Qatar) qui en sont exemptées. Les employeurs n’ont pas d’obligation de verser des cotisations à la Sécurité sociale pour la main-d’œuvre étrangère qu’ils emploient, mais contribuent à hauteur de 10 % à un fonds de pension pour les travailleurs qatariens.</p>
<p>Pour préparer l’après-pétrole et préserver cette richesse, le Qatar, pays grand comme la région Île-de-France et peuplé de 2,9 millions d’habitants (<a href="https://www.populationdata.net/pays/qatar/">dont 330 000 Qataris seulement</a>), a donc décidé de s’ouvrir aux échanges mondiaux. Membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le 13 janvier 1996, l’émirat a vu son excédent commercial doubler en 2021 pour s’établir à <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/09/29/le-commerce-exterieur-du-qatar-en-2021">59,2 milliards de dollars US</a>, représentant un tiers du PIB, soit un niveau record depuis 2014. Les exportations sont principalement dirigées vers l’Asie (74 % des exportations en 2021) : les cinq premiers clients du Qatar sont la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée du Sud. L’Union européenne a représenté quant à elle 9,0 % des exportations qatariennes.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Quant aux principaux fournisseurs du Qatar, qui importe l’intégralité de ses matières premières hors hydrocarbures et <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/4c661a98-901c-4461-b900-e61fd483d148/files/31161321-a851-4fde-b9d4-8971aee9fd28">90 % de sa consommation alimentaire</a>, on retrouve les États-Unis (16 %), la Chine (15 %) et le Royaume-Uni (7,3 %). La France constitue le 10<sup>e</sup> fournisseur du Qatar et son 17<sup>e</sup> client.</p>
<p>L’insertion dans l’économie mondiale passe également par les investissements de l’émirat à l’étranger. Dans ce domaine, la passion du Qatar pour le sport imprègne fortement sa stratégie. Celle-ci passe notamment par Oryx Qatar Sports Investments (Oryx QSi), une société à participation fondée en 2005 et contrôlée par l’émir Al Thani, richissime passionné de football et propriétaire du Paris Saint-Germain Football Club. Il s’agit d’une filiale de la <a href="https://www.qia.qa">Qatar Investment Authority</a> (QIA) qui <a href="https://politicstoday.org/qatar-lng-real-estate-foreign-direct-investments-expand-globally/">alimente le fond Sovereign Wealth Fund</a>. Depuis dix ans, QSi a multiplié ses prises de participations dans le monde du sport : Prix de l’Arc de Triomphe, la chaîne de télévision BeIn Sports, les clubs du PSG, du FC Barcelone, d’Al Gharafa SC et de Paris Handball, entre autres.</p>
<h2>Au-delà du sport…</h2>
<p>Selon le Cercle économique franco-qatari Qadran, la France est la <a href="http://www.qadran.fr/en/eventpictures/qadran-hec-study-vitality-and-diversification-of-the-partnership-between-qatar-france/">deuxième destination</a> en termes d’investissements qatariens en Europe. Quelque 42 entreprises qatariennes établies en France opèrent notamment en « délégation » du fond souverain administré par la QIA, et leur champ d’activité dépasse largement le sport.</p>
<p>La stratégie visant à diversifier les avoirs qatariens en France passe par exemple par des participations minoritaires au capital de grandes entreprises françaises telles qu’Airbus, Vinci, Veolia, Total, AccorHotels ou encore du Groupe Lagardère. Par ailleurs, l’émirat a investi dans des établissements comme le Lido, 35 000 mètres carrés sur les Champs-Élysées, dont la galerie commerciale Élysée 26, ou encore des hôtels de grand standing tels que l’hôtel d’Évreux sur la place Vendôme (230 millions d’euros), le somptueux hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis à Paris et le Carlton de Cannes. Il faut garder à l’esprit que, depuis 2008, les Qatariens bénéficient en France d’un régime fiscal particulier et sont exonérés de taxe sur les plus-values immobilières. Au bilan, les investissements du Qatar dans les hôtels de luxe auraient d’ailleurs généré près de 13 000 emplois sur les 71 900 générés dans l’Hexagone.</p>
<p>La France n’est bien entendu pas le seul pays à accueillir les investissements qataris. Selon Bloomberg, la QIA a par exemple effectué des investissements considérables dans l’immobilier des grandes villes occidentales considérées comme stratégiques. À Londres, la QIA a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/01/29/eco-a-londres-le-qatar-rachete-le-quartier-d-affaires-canary-wharf_4565951_3234.html">racheté le quartier des affaires de Canary Wharf</a> (au terme d’une âpre bataille boursière) qui représente le symbole du trading européen. Durant la crise financière de 2008, la QIA avait en outre acquis des parts dans les banques Barclays et le Credit Suisse en plus d’entrer au capital des constructeurs allemands Porsche et Volkswagen.</p>
<p>Le caractère prestigieux de certaines acquisitions ne doit cependant pas faire oublier l’essentiel : les investissements du Qatar s’inscrivent dans un vaste plan d’investissement global à long terme visant à établir sa légitimité et à assoir sa crédibilité financière internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Frank ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’émirat, qui tire l’essentiel de ses richesses du pétrole et du gaz naturel, a enclenché un plan de transformation qui repose notamment sur une insertion renforcée dans les échanges mondiaux.Laurence Frank, Maître de conférences en management, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938592022-11-07T19:52:27Z2022-11-07T19:52:27ZAccès à l’électricité des pays en développement : la solution des mini-réseaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493330/original/file-20221103-26-qtjp7h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C79%2C1269%2C701&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Exemple de panneaux solaires (en bas) alimentant un mini-réseau électrique dans le village de Ziga, dans le nord du Burkina Faso.
</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’accès à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electricite-23762">électricité</a> reste problématique en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-20142">Afrique</a> où, selon l’Agence internationale de l’énergie, près de 600 millions de personnes, soit <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/AfricaEnergyOutlook2022.pdf">43 % de la population</a>, n’en bénéficiaient toujours pas en 2021. La qualité de l’approvisionnement par le réseau est en outre limitée, avec de fréquentes coupures de courant, notamment dans les zones rurales.</p>
<p>Les bénéfices apportés par l’accès à l’électricité paraissent pourtant évidents, que ce soit pour l’éclairage public et privé, les conditions sanitaires ou les activités économiques. Substituer l’électricité à l’usage de combustibles traditionnels participe aussi à la protection de l’environnement.</p>
<p>Ainsi, l’amélioration de l’accès à l’électricité fait maintenant partie des priorités du développement, à travers l’objectif du développement durable (ODD) n°7 des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-des-nations-unies-onu-20684">Nations unies</a> : garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les 17 ODD de l’ONU.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:17-objectifs-odd-unicef.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pendant longtemps, les politiques d’électrification menées dans les pays en développement ont été calquées sur celles des pays développés, à savoir la construction de grands réseaux électriques nationaux, voire continentaux. Cette politique apparaît inadaptée pour les zones rurales des pays en développement, en raison des coûts démesurés de l’extension des réseaux liée à la dispersion de la population mais aussi du fait de la faible qualité de services qu’ils sont à même d’offrir.</p>
<p>La solution préconisée face à ces défis a été pendant un temps la diffusion de solutions individuelles isolées, dont les plus connues sont les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/engineering/solar-home-systems"><em>solar home systems</em></a> (SHS). Mais ces solutions, même parées des mérites de l’utilisation de ressources locales renouvelables, ont trouvé leurs limites, car apportant une puissance électrique trop faible pour soutenir des usages productifs significatifs. L’éclairage électrique apporte du confort, mais ne crée que peu d’impacts favorables avérés.</p>
<h2>Manque de données</h2>
<p>Les espoirs pour l’avenir reposent à présent sur le développement de mini-réseaux, c’est-à-dire des installations comprenant un générateur électrique de puissance modérée (le plus souvent moins de 1 MW), et fournissant du courant à travers un réseau câblé local. Quand la source d’énergie est intermittente (solaire, éolien), on lui adosse des batteries, voir un générateur auxiliaire le plus souvent diesel. Cela facilite aussi l’équilibrage du mini-réseau, à savoir la réalisation de l’équilibre indispensable à tout moment entre la charge appelée et la charge produite.</p>
<p>Ainsi, en 2019, la Banque mondiale a estimé que le développement massif de projets de mini-réseaux <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2019/06/25/mini-grids-have-potential-to-bring-electricity-to-half-a-billion-people">pourrait apporter l’électricité à un demi-milliard de personnes</a> d’ici 2030. D’autres agences de développement comme l’Agence française de développement et la Banque africaine de développement lui ont emboité le pas dans le soutien aux <a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/electricite-renouvelable-et-mini-reseaux-projet-dhybridation-des-mini-reseaux-de-kenya-power">programmes</a> mobilisant cette technologie.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cette volonté est louable et doit être soutenue. Cependant, comme souvent, la réorientation des politiques menées a été décidée sans évaluation approfondie des impacts que l’on peut en attendre. Grâce à Abhijit Banerjee, Esther Duflo et Michael Kremer, récipiendaires du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/14/le-nobel-d-economie-attribue-a-esther-duflo-michael-kremer-et-abhijit-banerjee-pour-leurs-travaux-sur-la-lutte-contre-la-pauvrete_6015436_3234.html">prix « Nobel » d’économie en 2019</a> pour leurs travaux sur l’évaluation des politiques de développement, la préconisation d’évaluation d’impacts préalable à la généralisation de nouvelles politiques reste admise par la plupart des chercheurs, mais n’est clairement pas toujours mise en œuvre par les décideurs opérationnels dont le discours face aux interrogations des chercheurs est de dire : nous, nous agissons, nous évaluerons après.</p>
<p>Pourtant, suffisamment de mini-réseaux ont déjà été installés pour que cette politique puisse être évaluée. Ce qui manque, ce sont des données évaluatives solides, répétées et pertinentes.</p>
<h2>Luminosité nocturne</h2>
<p>Notre proposition pour relever ce défi est simple : elle consiste à utiliser des données distantes, provenant d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/imagerie-satellite-102611">images satellitaires</a>, qui sont largement disponibles et qui ont déjà été utilisées dans d’autres domaines de la recherche en économie.Par exemple, les données de luminosité nocturne (dites NTL pour <em>Night-time light</em>) qui fournissent une indication pertinente de l’accès à l’énergie.</p>
<p>Ces données ont aussi le grand mérite d’être observables presque en temps réel, et donc de permettre de suivre l’évolution dans le temps des localités électrifiées. La précision de ces données est telle qu’on peut mesurer l’évolution de la NTL après l’arrivée de l’électricité à un niveau de granularité très fin, celui de petits villages ruraux de quelques centaines à quelques milliers d’habitants.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Localisation de la province du Yatenga (en rouge) au Burkina Faso.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yatenga_(province)#/media/Fichier:Burkina_Faso_-_Yatenga.svg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Considérons à titre d’exemple le village de Ziga, dans la province de Yatenga dans le nord du Burkina Faso. Ce village de quatre milliers d’habitants en 2006 a bénéficié de la construction d’un micro-réseau alimenté par une centrale de production électrique de source solaire d’une puissance maximale de 69kW. Il s’agit donc d’un projet de taille modeste, mais décisif localement.</p>
<p>L’installateur SINCO a publié des <a href="https://www.facebook.com/sincoburkina/posts/pfbid021LG6Mk5NtcYyedFEdcguGafsp9PugRyhUkUjkwD3fjdBGKFitcB7TKMqQzXBDR5el?__cft__%5B0%5D=AZXHS5l8Fv30mqs0iTjkRiKgZ9uSBhGigNtciVvXgGRknbIw06mxesGPxBYSXpHSUkJd_8VHw-5selZLXocK1pcVgE0ma860JEJjh0_XN3K-UyqE1c6TCJ-WshMWsIlhAN_BvmKjvyIFwhlDR0yoc7MQdMAtAmI0KyNV12yy5CwXJHW9SPvYZlW_zRk1VExTuur2y10fGhPjykgER15EuHwckTj5RJjB7V6NJN1dX735kg&__tn__=%2CO%2CP-R">témoignages</a> d’habitants de Ziga et de responsables du mini-réseau confirmant tout le bien que cette installation a apporté au village. En 2019, une <a href="https://start.org/news/lequipe-progreen-burkina-faso-lance-une-collecte-de-donnees-terrain/">enquête de terrain indépendante de l’équipe PROGREEN du Burkina Faso</a> dans plusieurs projets dont celui de Ziga a révélé que les gains ressentis par la population ne sont pas seulement associés à l’éclairage électrique mais aussi au développement de petits usages productifs et à l’alimentation électrique de pompes à eau pour l’agriculture. Néanmoins, le prix de l’électricité reste cher, ce qui entrave son accès par les plus pauvres.</p>
<p>Les gains de croissance économique cités sont parfaitement corroborés par l’évolution de la NTL, qui part de pratiquement 0 en 2014-2016 puis augmente régulièrement, à la fois de manière extensive et intensive.</p>
<p><strong>Évolution de la luminosité nocturne (NTL) entre 2014 et 2021 à Ziga</strong></p>
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<span class="caption">2014-2016.</span>
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<span class="caption">2017.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2018.</span>
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<span class="caption">2019.</span>
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<span class="caption">2020.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2021.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><em>Cartes préparées par Olivier Santoni (CERDI et FERDI) à partir des <a href="https://eogdata.mines.edu/products/vnl/">données VIIRS</a>.</em></p>
<p>Les données de NTL permettent ainsi de mesurer les progrès dans l’accès à l’énergie, et les progrès économiques qui leur sont associés, pratiquement à tout moment et en tout lieu, y compris, et même surtout, dans des localités isolées.</p>
<h2>Un taux d’échec élevé</h2>
<p>Nous avons réalisé, dans le cadre d’un programme de recherche de la FERDI soutenu par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (<a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-la-transition-ecologique-2357">Ademe</a>), une première tentative concluante de <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4207842">mobilisation de ces données</a> pour étudier l’impact potentiel d’une politique d’électrification rurale par mini-réseau. Nous avons à cet effet exploité une base de données originale de la FERDI, la <a href="https://ferdi.fr/en/indicators/data-collaborative-smart-mapping-of-mini-grid-action-cosmma">CoSMMA – Collaborative Smart Mapping of Mini-grid Action</a>, qui recense de nombreuses données évaluatives sur des projets d’électrification décentralisée. Nous avons pu identifier la localisation précise de ces projets pour une cinquantaine d’entre eux, et ainsi mettre en face les données d’évolution de la NTL dans leurs localités respectives.</p>
<p>Malgré un nombre d’observations encore limité, elle révèle des premiers résultats prometteurs. Dans l’ensemble, la construction de mini-réseaux a un impact positif sur l’a réalisation de l’ODD n°7 ; mais une proportion élevée des projets étudiés, proche de la moitié, a échoué au regard du critère de croissance de la NTL. La politique envisagée aujourd’hui est donc tout sauf une panacée, même si les taux d’échec sont à la baisse.</p>
<p>Il faudra rassembler plus de données pour identifier de manière rigoureuse les causes des échecs. Quelques conclusions, en accord avec des observations de terrain factuelles, s’imposent néanmoins.</p>
<p>D’abord, il n’est pas toujours possible de construire pour ces projets un modèle économique viable. On ne peut pas montrer d’impact positif dans des localités caractérisées par une grande pauvreté énergétique ou fortement isolées, alors que des impacts positifs sont observés dans des situations inverses ; il faut donc concevoir des modèles intermédiaires de pré-électrification dans ces circonstances, qui sont plus souvent la norme que l’exception dans les zones rurales en Afrique.</p>
<p>En outre, même si le modèle économique du projet est viable, sa gouvernance est un facteur décisif de son impact. Il n’est pas possible de trouver un impact positif des projets de mini-réseaux quand les projets sont conçus et gérés sans une approche inclusive, prenant en compte toutes les parties prenantes. À l’inverse, les projets à gouvernance inclusive présentent un impact positif. Ce point de vue n’est pas toujours, loin s’en faut, partagé par les grandes agences de développement habituées, surtout dans le secteur de l’énergie, à une approche de type « top-down ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Claude Berthelemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'exploitation de données satellitaires montre qu'un projet sur deux d'électrification au travers un générateur de puissance modérée n'engendre pas les gains économiques attendus.Jean-Claude Berthelemy, Professeur émérite d'économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775722022-08-29T18:17:27Z2022-08-29T18:17:27ZL’exposition à certains produits chimiques pendant la grossesse perturbe le développement du cerveau<p>Chaque année, rien qu’aux États-Unis, des milliers de <a href="https://ntp.niehs.nih.gov/annualreport/2020/annualreport_508.pdf#page=34">nouveaux composés chimiques</a> <a href="https://ntp.niehs.nih.gov/ntp/about_ntp/ntpvision/ntproadmap_508.pdf#page=6">sont produits</a>. Ils s’ajoutent aux dizaines de milliers déjà <a href="https://www.unep.org/beatpollution/forms-pollution/chemical">commercialement accessibles</a>.</p>
<p>Ces substances entrent dans la composition d’une vaste gamme de produits, notamment, mais pas uniquement, des dérivés du plastique, dont on sait aujourd’hui qu’ils pénètrent dans les organismes vivants via plusieurs voies : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969721060812">l’eau qu’ils absorbent</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122003140">aliments qu’ils consomment</a> ou même <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021001884">l’air qu’ils respirent</a>.</p>
<p>Certes, dans la vie quotidienne, les niveaux d’exposition aux substances chimiques individuelles sont souvent inférieurs aux valeurs limites légales, déterminées expérimentalement. Mais le problème est que ces expositions individuelles ne reflètent pas toujours les risques que représentent ces produits pour la santé humaine.</p>
<p>En effet, des substances chimiques qui, prises séparément, n’ont qu’un effet limité peuvent avoir des effets beaucoup plus délétères <a href="https://europepmc.org/article/MED/11993873">lorsqu’elles sont présentes dans des mélanges complexes</a>.</p>
<p>Cet <a href="https://www.inserm.fr/c-est-quoi/unhappy-hour-c-est-quoi-effet-cocktail/">« effet cocktail »</a> a été à nouveau mis en évidence par une étude publiée cette année dans la revue Science.</p>
<p>En associant des données d’études épidémiologiques à des expériences menées sur des modèles cellulaires et animaux aquatiques, un groupe de recherche international, dont nous faisons partie, a montré que la perturbation hormonale induite par l’exposition à un mélange de huit substances chimiques du quotidien <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abe8244">a un impact sur le développement cérébral et l’acquisition du langage des enfants</a>. Retour sur ces résultats, et sur les perspectives qu’ils ouvrent.</p>
<h2>Une cohorte pour étudier l’impact des produits chimiques sur les enfants à naître</h2>
<p>Contrairement à la majorité des études précédentes, qui s’était concentrée sur les effets de composés uniques, les travaux auxquels nous avons participé visaient à analyser les conséquences de l’exposition à un mélange de composés chimiques dotés de propriétés de perturbations endocriniennes, à des niveaux d’exposition réels.</p>
<p>Pour mémoire, les perturbateurs endocriniens sont des substances capables d’interférer avec le fonctionnement des hormones (messagers chimiques), et ce, à des concentrations extrêmement faibles. Les conséquences de ces interactions sont potentiellement très délétères, car les hormones interviennent dans un grand nombre de processus fondamentaux : prolifération et migration des cellules pendant le développement fœtal, métabolisme, reproduction, stress, nutrition, sommeil…</p>
<p>Nos résultats ont été obtenus grâce à des données issues de l’étude de la cohorte SELMA, menée à l’université de Karlstad, en Suède. Cette étude suit environ 2 000 paires mères-enfants depuis le début de la grossesse, en passant par l’accouchement et jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge scolaire.</p>
<p>L’objectif général de SELMA est d’étudier l’impact de l’exposition à des substances chimiques suspectées ou avérées de perturber le système endocrinien en début de grossesse sur la santé et le développement de l’enfant plus tard dans la vie. Pour mémoire,</p>
<p>l’étude SELMA a déjà permis d’établir un lien entre l’exposition à différents produits chimiques et le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abe8244">développement du sexe de l’enfant, les problèmes respiratoires, le développement cognitif et la croissance pendant l’enfance</a>.</p>
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<p>L’originalité de l’approche, qui a donné lieu à une publication dans la revue scientifique Science, est d’avoir intégré non seulement des données épidémiologiques telles que celle de l’étude SELMA, mais aussi des données de toxicologie expérimentale et enfin de proposer une nouvelle approche d’évaluation du risque lié à l’exposition à des mélanges. Pour ce faire, ces travaux se sont déroulés en trois étapes.</p>
<h2>Identification du mélange de produit chimique</h2>
<p>Dans un premier temps, la surreprésentation d’un mélange de huit produits chimiques dans le sang et l’urine des femmes enceintes de la cohorte SELMA a été corrélée avec un retard de langage chez les enfants à l’âge de 30 mois (moins de cinquante mots énoncés). Plusieurs des constituants de ce mélange étaient connus pour avoir des effets perturbateurs endocriniens.</p>
<p>C’était par exemple le cas du <a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">bisphénol A</a> (un composé utilisé pour la fabrication de plastiques et de certaines résines époxy) ou de certains composés chimiques <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/documents/rapport-synthese/impregnation-de-la-population-francaise-par-les-composes-perfluores-programme-national-de-biosurveillance-esteban-2014-2016">perfluorés</a> (utilisés dans un grand nombre de produits de consommation courante et industriels, des cosmétiques aux mousses à incendie en passant par les vêtements imperméabilisés). D’autres composés de ce mélange, comme certains phtalates (phtalate de diéthyle, phtalate de dibutyle et phtalate de benzyle et de butyle), avaient été <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2707907">associés à un retard de langage chez les enfants à 30 mois</a> par de précédentes recherches.</p>
<p>Ces effets avaient été précédemment identifiés grâce à des recherches d’association menées sur chaque produit individuellement. Cette fois, l’objectif était de déterminer leurs effets en tant que mélange. Une fois le mélange identifié, il a été donc recréé par des chimistes afin de l’étudier plus en détail.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">Perturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème</a>
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<h2>Étude expérimentale</h2>
<p>Après cette première étape d’identification, les scientifiques ont dans un second temps mené des expériences afin d’étudier le mode d’action du mélange de produits chimiques. Ils ont utilisé pour cela des modèles expérimentaux variés, afin d’identifier les cibles moléculaires via lesquelles ce mélange pouvait agir dans l’organisme.</p>
<p>Il s’agissait d’évaluer sa capacité à perturber la régulation médiée par les hormones, mais aussi des <a href="https://faseb.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1096/fasebj.2022.36.S1.0R700">gènes impliqués dans le développement cérébral</a> <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2790722">ou associés avec un déficit cognitif et intellectuel</a> et ce, à des niveaux d’exposition pertinents chez l’être humain.</p>
<p>Cette étape a été menée notamment sur des organoïdes de cerveau humain (<em>des cultures de cellules capables de s’organiser pour reproduire certaines fonctions des tissus de l’organe qu’ils représentent. Il s’agit en quelques sortes de « mini-organes », ndlr</em>). Grâce à ces outils, il a été possible de reproduire les principaux aspects du développement de notre cerveau. Les chercheurs ont ainsi pu, pour la première fois, étudier directement les effets moléculaires de ce mélange de produits chimiques sur le tissu cérébral fœtal humain.</p>
<p>Des modélisations informatiques ont par ailleurs permis d’analyser les effets du mélange sur des réseaux de gènes impliqués dans la différenciation des neurones et régulés par de nombreuses hormones notamment les hormones <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31760043">thyroïdiennes</a>. Dans cette même étude, des aspects de perturbation thyroïdienne et de perturbation du comportement de nage ont pu être démontrés chez un amphibien et chez le poisson-zèbre.</p>
<p>Les données obtenues sur l’ensemble de ces modèles expérimentaux ont ensuite été analysées, afin d’identifier les voies hormonales majoritairement perturbées. Les résultats ont révélé une conservation des propriétés perturbatrices du mélange de produits chimiques chez les vertébrés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-compagnons-biologiques-un-atout-pour-la-medecine-du-futur-109304">Les « compagnons biologiques », un atout pour la médecine du futur</a>
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<h2>Des conclusions inquiétantes</h2>
<p>Dans un troisième temps, les résultats de ces études expérimentales ont été utilisés pour élaborer de nouveaux outils d’évaluation des risques liés à l’exposition à des mélanges de produits chimiques.</p>
<p>L’ensemble de ces travaux a permis de mettre en évidence qu’à des concentrations réalistes, le mélange de produits étudié perturbe des réseaux de régulation sous influence hormonale dans les organoïdes de cerveau humain comme dans les modèles animaux <em>Xenopus leavis</em> et <em>Danio rerio</em>.</p>
<p>En analysant les données épidémiologiques, nous avons pu montrer que jusqu’à 54 % des enfants avaient subi des expositions prénatales supérieures aux niveaux considérés comme préoccupants dans notre étude (qui ont été déterminés expérimentalement).</p>
<p>Les enfants situés dans le décile supérieur d’exposition présentaient un risque 3,3 fois plus élevé de retard de langage que ceux situés dans le décile inférieur (le retard de langage a été choisi comme critère, car il s’agit d’un marqueur précoce de déficit intellectuel).</p>
<p>L’une des principales voies hormonales affectées est celle des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31920955/">hormones thyroïdiennes</a>. Sachant que des niveaux optimaux d’hormones thyroïdiennes maternelles sont nécessaires en début de grossesse pour la croissance et le développement du cerveau, il n’est pas surprenant qu’il y ait une association entre l’exposition prénatale à ces produits et un retard de langage.</p>
<p>Ces résultats démontrent qu’il est impératif de changer d’approche pour prendre en compte les mélanges de produits chimiques lors de leur évaluation. L’utilisation de nouveaux outils d’analyse du risque lié à l’exposition à des mélanges (plutôt qu’à des composés individuels) aurait pu éviter à 54 % des enfants d’être exposés in utero à des niveaux jugés rétrospectivement, à la lumière des résultats de cette étude, préoccupants.</p>
<h2>Adapter la législation pour mieux évaluer les risques</h2>
<p>Ces travaux démontrent que le risque qui a été identifié par ces recherches n’est détectable qu’en considérant non plus les produits un à un, mais comme un « cocktail », car les effets des substances chimiques dans des mélanges complexes peuvent différer de leurs propriétés individuelles.</p>
<p>C’est un point important, car, à l’heure actuelle, l’évaluation des risques aborde exclusivement les effets des produits chimiques individuellement.</p>
<p>En outre, les effets biologiques des perturbateurs endocriniens peuvent se manifester à des doses situées bien en deçà des valeurs limites fixées par les tests de toxicologie classique. Or, la législation actuelle ne prend pas suffisamment en compte le caractère « perturbateurs endocriniens » de certaines substances. À titre d’illustration, ce n’est que depuis 2018 que les textes permettent l’identification des perturbateurs endocriniens. Et encore, seuls les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018R0605&from=EN">produits produits phytosanitaires biocides sont concernés</a>.</p>
<p>Les chercheurs tentent de préciser les modes d’action des perturbateurs endocriniens et de mesurer leurs effets sur la santé (humaine comme animale) depuis plus de 30 ans. Nos travaux démontrent que croiser données épidémiologiques et résultats d’expérimentation est une piste prometteuse pour améliorer notre compréhension de ces polluants si particuliers. Restera ensuite à adapter la législation en conséquence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste FINI a reçu des financements français de l'Agence Nationale de Recherche (ANR) et de l'ANSES (PNR) ainsi que de l'UE pour les projets H2020 EDC MIx Risk, HBM4EU, ATHENA et ENdPoiNTs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Barbara Demeneix a reçu des financements de 'lEurope (Horizon 21. Elle a travaillé pour Watchfrog </span></em></p>Une corrélation, validée expérimentalement, a été établie entre le retard de langage chez des enfants et leur exposition à des polluants chimiques in utero, pendant la grossesse de leur mère.Jean-Baptiste Fini, Professeur du MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Barbara Demeneix, Professor Physiology, Endocrinology, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855302022-08-09T20:45:59Z2022-08-09T20:45:59ZEn Tunisie, l’enjeu de la fuite des cerveaux<p>Le phénomène de la <a href="https://www.histoire-immigration.fr/economie-et-immigration/que-signifie-l-expression-fuite-des-cerveaux">« fuite des cerveaux »</a> (<em>brain drain</em>) est un problème constaté dans le monde entier : des travailleurs hautement qualifiés (chercheurs, ingénieurs, professionnels internationaux, etc.) migrent vers les pays développés, leur pays d’origine y perdant de l’une de ses ressources les plus rares, le « capital humain ».</p>
<p>L’exode des cerveaux conduit à une perte substantielle de talents pour les pays de départ et à un gain pour les pays d’arrivée. Exemples parmi d’autres : quelque 1 200 médecins <a href="https://www.courrierinternational.com/dessin/fuite-des-cerveaux-lalgerie-confrontee-au-depart-de-ses-medecins-vers-la-france">devraient quitter l’Algérie</a> en 2022 pour la France ; au Canada, le gouvernement a annoncé que les <a href="https://www.immigration.ca/fr/canadas-brain-drain-figures-show-technology-graduate-exodus">deux tiers des récents diplômés en génie logiciel</a> de ses meilleures universités s’étaient installés aux États-Unis ; de leur côté, les Français, notamment les plus qualifiés, sont de <a href="https://wallstreetenglish.fr/dossiers/dossier-comprendre-reussir-son-expatriation/fuite-cerveaux-en-france">plus en plus attirés par l’expatriation</a> puisque le nombre de départs vers un pays étranger a augmenté de 52 % en 20 ans, <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/278154-francais-de-letranger-une-tendance-la-hausse-confirmee">passant de 160 000 en 2006 à 270 000 en 2018 d’après l’Insee</a>.</p>
<p>Si l’exode des cerveaux concerne aussi bien les pays développés que les pays en développement, c’est dans ces derniers que les conséquences sont particulièrement nocives, car elles affectent des secteurs vitaux.</p>
<p>Selon l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), <a href="https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/hal-03177033/document">plus d’un million de personnes</a> issues du continent africain et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-faut-il-relier-migration-et-education-116247">titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur</a> quittent chaque année leur pays d’origine pour partir vers les pays du Nord, plus attractifs en matière de salaire et de niveau de vie.</p>
<p>À cet égard, le nombre important de médecins algériens, zimbabwéens et nigérians officiant respectivement en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-d-anthony-bellanger/histoires-du-monde-du-mardi-08-fevrier-2022-5614158">France</a>, en <a href="https://scholars.wlu.ca/samp/42/">Afrique du Sud</a> et aux <a href="https://africacheck.org/fact-checks/spotchecks/are-20000-nigerian-doctors-practising-us-compared-50000-country">États-Unis</a> illustre la fuite des cerveaux dans le domaine médical et met en évidence les difficultés qu’éprouvent les pays d’origine à <a href="https://www.jeuneafrique.com/1106531/economie/tribune-comment-la-diaspora-peut-aider-a-enrayer-la-fuite-des-cerveaux/">retenir leurs talents</a>. L’examen du cas spécifique de la Tunisie permet de mieux comprendre les ressorts de ces processus.</p>
<h2>Le cas de la Tunisie</h2>
<p>La Tunisie n’a pas été épargnée par cette tendance dont les effets se répercutent sur le produit intérieur brut, mais aussi, à plus long terme, sur le capital immatériel du pays et son développement humain.</p>
<p>Selon l’OCDE la Tunisie était classée en 2020 <a href="https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=DELSA/ELSA/WD/SEM(2020)4&docLanguage=En">au deuxième rang des pays arabes</a> en matière de fuite des cerveaux, après la Syrie. Environ 8 200 cadres supérieurs, 2 300 ingénieurs, 2 300 enseignants-chercheurs, 1 000 médecins et pharmaciens, et 450 informaticiens ont quitté le pays en 2018, d’après l’Office des Tunisiens à l’étranger.</p>
<p>Selon une étude menée par l’Association tunisienne des grandes écoles (Atuge), les départs des « talents » sont motivés <a href="https://lapresse.tn/46165/fuite-des-cerveaux-un-malaise-socioeconomique-profond/">par les mauvaises conditions de vie en Tunisie</a>, les personnes concernées citant parmi les raisons les ayant poussées au départ la corruption, l’avenir incertain, le climat liberticide, la bureaucratie, l’instabilité politique et les meilleures opportunités professionnelles et financières à l’étranger (un salaire souvent multiplié par six ou sept).</p>
<p>Dans le secteur informatique, tout particulièrement, la fuite des cerveaux ne cesse de s’intensifier, ce qui impacte lourdement les entreprises tunisiennes, qui rencontrent de nombreuses difficultés tant pour recruter des candidats que pour les retenir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1379460249741111302"}"></div></p>
<p>Face à ce phénomène, le gouvernement travaille sur l’allègement du cadre législatif du travail afin d’autoriser le recrutement des étudiants originaires d’autres pays d’Afrique présents sur son sol (on comptabilisait 4 560 étudiants subsahariens inscrits en 2018) et ainsi, selon la formule de <a href="https://lapresse.tn/46180/kais-sellami-president-de-la-federation-nationale-du-numerique-utica-la-tunisie-victime-de-son-succes/">Kais Sellami</a>, président de la Fédération nationale du numérique, « endiguer les pertes occasionnées par les départs ».</p>
<p>Par ailleurs, il est important de mettre en œuvre des mesures qui encouragent les migrants qualifiés à revenir dans leur pays après avoir acquis d’utiles compétences à l’étranger.</p>
<p>Ainsi, la Tunisie tient à l’envoi d’étudiants tunisiens dans des universités prestigieuses à l’étranger en vue de les associer ultérieurement au développement des recherches scientifiques en Tunisie même. Le nombre d’étudiants tunisiens en France s’élève à 13 073 en 2019-2020. Cependant, plus de la moitié (55 %) des étudiants poursuivant des études à l’étranger (il y aurait <a href="https://lapresse.tn/108586/etudes-universitaires-a-letranger-les-tunisiens-cinquieme-communaute-estudiantine-etrangere-en-france/">plus de 13 000 étudiants tunisiens en France</a> décident de s’y installer définitivement, refusant tout retour en Tunisie.</p>
<h2>Inciter à rentrer</h2>
<p>Plusieurs pays, notamment <a href="https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2022-04-19/contrats-d-expatriation-en-afrique-la-fin-d-un-eldorado-914495.html">l’Afrique du Sud</a>, ont mis en place des réseaux de reconnexion avec leurs expatriés en leur offrant des motivations pour rentrer, par exemple des avantages fiscaux pour créer une entreprise, des visas de travail pour les épouses étrangères, etc. De son côté, la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/turquie/la-turquie-vise-%C3%A0-encourager-la-fuite-des-cerveaux-vers-le-territoire-turc-/2178866">Turquie</a> a mis en place des <a href="https://www.savunmasanayi.org/turkiye-ve-aselsan-icin-back-to-turkey/">mesures spécifiques</a> afin d’inverser la fuite des cerveaux, d’encourager les personnes réalisant des travaux scientifiques de haut niveau à rester dans le pays et d’accroître la main-d’œuvre talentueuse dont le pays a besoin. À ce titre, Ankara accorde, en plus des incitations financières, un soutien pouvant aller jusqu’à 95 000 dollars aux chercheurs qui viendront en Turquie à l’appel du TUBITAK, le Conseil de la recherche scientifique et technologique de Turquie.</p>
<p>De son côté, la Tunisie prend à sa charge le financement de formations complémentaires adaptées aux besoins des entreprises, ce qui vise à permettre aux jeunes diplômés et aux primo-demandeurs d’emploi d’acquérir des « soft skills », des certifications et d’améliorer, ainsi, leur employabilité.</p>
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<p>L’augmentation du nombre des diplômés est une autre mesure envisagée – un processus qui doit être mené en parallèle avec un effort visant, en s’appuyant sur le document de référence qu’est le <a href="http://www.emploi.nat.tn/upload/ANETI-RTMC_TOME_I_2018_VFC.pdf">Référentiel des métiers et compétences</a>, à instaurer un langage commun entre les institutions de formation, les entreprises et le ministère de l’Enseignement supérieur, de sorte que la formation s’adapte mieux à la demande du marché.</p>
<p>Enfin, l’État tunisien met en place des incitations diverses comme les <a href="http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/doc.asp?action=showdoc&docid=765">incitations à la coopération entre entreprises et structures de recherche</a>, les <a href="http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/doc.asp?action=showdoc&docid=766">fonds de valorisation des résultats de recherche et de transferts d’innovation</a>, la <a href="http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/doc.asp?action=showdoc&docid=835">mise à disposition des structures d’appui à la création d’entreprises</a>, les <a href="http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/doc.asp?action=showdoc&docid=764">incitations à la recherche</a>, les <a href="http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/doc.asp?action=showdoc&docid=766">incitations à la création d’entreprises innovantes</a>, et encourage les investissements étrangers générateurs d’emplois dans plusieurs secteurs d’activités (agriculture, industrie, tourisme, etc.).</p>
<h2>Comment les entreprises gèrent la fuite des cerveaux</h2>
<p>Un travail important doit être accompli par les entreprises. Celles-ci sont appelées à élaborer des réponses stratégiques adaptées et cohérentes visant à retenir leurs travailleurs les plus talentueux afin de s’épargner les conséquences néfastes de leur émigration. Le groupe tunisien <a href="https://groupe-telnet.com/">TELNET</a>, spécialisé dans le conseil, l’innovation et les hautes technologies, et qui a réussi à lancer le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/challenge-one-satellite-100-tunisien-sur-orbite_4342697.html">premier satellite tunisien Challenge One</a>, est lui aussi victime de la fuite des cerveaux.</p>
<p>Aujourd’hui, l’entreprise combine plusieurs mesures afin de maîtriser les flux de départ de ses ingénieurs :</p>
<ul>
<li><p>Construire de nouvelles ressources et compétences externes consiste en installant des filiales à l’étranger afin de préserver le capital humain de la société et maintenir son savoir-faire le plus longtemps possible.</p></li>
<li><p>Anticiper et/ou retarder le départ du personnel ingénieur, grâce au recours aux jeunes diplômés et aux étudiants à la fin du cycle ingénieur pour combler le besoin de main-d’œuvre et maintenir la productivité de l’entreprise.</p></li>
</ul>
<p>Un des chefs d’équipe de TELNET témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« On prend contact avec les universités durant la cinquième année, avant la qualification des étudiants. Il y a un travail en amont pour préparer un catalogue sur nos projets, les compétences recherchées et les objectifs de l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>Le chef d’équipe affirme également que les entreprises possédant des filiales étrangères ne doivent pas hésiter à transférer les employés désireux d’émigrer vers ces filiales, car cette action leur permettrait de préserver le capital humain de la société et de maintenir son savoir-faire le plus longtemps possible.</p>
<blockquote>
<p>« Quand nos ingénieurs décident de partir à l’étranger, au moins ça sera avec nous, pour les maintenir et ne pas perdre notre savoir-faire. Les personnes qui désirent partir le pourront, mais resteront avec nous le plus longtemps possible »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="Caricature sur la fuite des cerveaux qui s’accentue" src="https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=543&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=543&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=543&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=682&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=682&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471127/original/file-20220627-22-623ik8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=682&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« La fuite des cerveaux s’accentue – Le vol d’Alger vient d’arriver ! », caricature de Dilem.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En analysant les raisons pour lesquelles les travailleurs partent à l’étranger, il ressort que les motifs financiers demeurent les plus importants. Les entreprises doivent donc revoir leur politique de rémunération et accorder une variété d’avantages, comme les primes, les promotions, mais aussi la reconnaissance, en responsabilisant davantage leurs cadres.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471130/original/file-20220627-15980-gdjwmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Gouvernement de l’oubli et de l’insouciance ! » scandent les ingénieurs tunisiens. Le 5 avril 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ils doivent aussi accorder aux seniors, tout comme aux juniors, la possibilité de se former de manière continue, et faciliter leur participation aux conférences et aux salons nationaux et internationaux de leur domaine d’activité.</p>
<p>Une bonne ambiance de travail est fondamentale pour la stabilité du personnel. Ainsi, les dirigeants de ces entreprises sont appelés à multiplier les <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/ldlc-leboncoin-norautoces-entreprises-qui-chouchoutent-leurs-salaries-1386470">événements de convivialité</a> afin de consolider les liens entre collaborateurs, faire évoluer la qualité du travail et favoriser le bien-être de tous.</p>
<h2>L’enjeu du capital humain</h2>
<p>En cette ère de crises successives, le phénomène de la fuite des cerveaux doit être pris en charge par les autorités tunisiennes afin d’éviter le départ ou au minimum le non-retour de ces personnes particulièrement compétentes. Le capital humain, élément clé pour la prospérité économique du pays, doit être valorisé dès la formation, grâce à l’offre d’un climat favorable à l’enseignement et à l’amélioration de la qualité de la formation.</p>
<p>Pour <a href="https://theconversation.com/diaspora-et-mobilite-enrichir-la-recherche-africaine-110308">dissuader les personnes qualifiées de quitter leur pays</a>, la Tunisie doit parvenir à créer des conditions pouvant contribuer à leur épanouissement et instaurer des mesures opérationnelles et concrètes de création de richesse et d’emploi, c’est-à-dire offrir des formes de reconnaissance aux plus méritants, assurer de meilleurs emplois et des salaires intéressants, davantage de perspectives et un niveau de vie plus élevé. En outre, la Tunisie doit coopérer avec les pays de destination pour trouver des solutions, telles que la préconisation d’une politique d’immigration sélective minimisant les pertes et/ou maximisant les gains de la mobilité du travail ; et mettre en place des incitations, fiscales ou autres, afin de favoriser les migrations de retour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fadia Bahri Korbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux Tunisiens diplômés de l’enseignement supérieur émigrent, jugeant que les conditions de travail et de vie sont plus attractives à l’étranger. Comment faire face à ce phénomène ?Fadia Bahri Korbi, Maître de conférences en sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855482022-06-27T16:05:31Z2022-06-27T16:05:31ZGenre et climat : décryptage de la rhétorique des acteurs du développement<p>Le fait que le changement climatique accentue les inégalités de genre fait désormais consensus, mais les manières d’en parler diffèrent selon les acteurs du monde de l’aide au développement.</p>
<p>Lors du Sommet de la Terre de Rio (1992) et de la 4<sup>e</sup> Conférence mondiale sur les femmes (1995), des engagements ont été pris liant les questions de genre et de changement climatique. Au cours des décennies suivantes, ces <a href="https://institut-du-genre.fr/fr/ressources/revues-en-etudes-de-genre/article/cahiers-genre-et-developpement">questions</a> ont fait l’objet de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281114-rapport-du-giec-sur-le-climat-un-constat-alarmant">productions académiques importantes</a>. En 2015, l’<a href="https://sdgs.un.org/fr/2030agenda">Agenda 2030</a> de l’ONU présente la réduction des inégalités de genre et la lutte contre le changement climatique comme deux des <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">17 objectifs de développement durable</a> (ODD 5 et ODD 13). Enfin, en novembre 2021, lors de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), les États ont <a href="https://unfccc.int/fr/news/l-elan-se-renforce-a-la-cop-26-pour-une-action-en-faveur-de-l-egalite-des-sexes">réaffirmé l’importance de ces aspects</a> avec toutefois <a href="https://vert.eco/articles/a-la-cop26-les-liens-entre-genre-et-climat-sont-les-laisses-pour-compte-des-negociations">peu d’annonces concrètes.</a></p>
<p>En soulignant le caractère incontournable des enjeux liés au climat et à l’égalité femmes-hommes, la plupart des acteurs du développement ont traduit dans leurs discours une volonté partagée affirmant l’urgence et la légitimité d’une nouvelle perspective pour le développement, associant égalité de genre et durabilité environnementale.</p>
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<a href="https://theconversation.com/genre-et-changement-climatique-des-photos-qui-parlent-81131">Genre et changement climatique : des photos qui parlent</a>
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<p>Comment ces deux problématiques s’articulent-elles dans les récits et les narratifs de ces acteurs ?</p>
<h2>Huit types de discours</h2>
<p>Une <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/how-do-international-organizations-address-articulation-between-gender-and-climate">étude de l’OFCE réalisée avec le soutien de l’AFD</a> a permis de conduire une analyse de 800 productions discursives (déclarations, stratégies, feuilles de route…) articulant les questions de genre et de climat et de mieux comprendre les différentes visions et les objectifs de transformation plus ou moins profonds à l’œuvre dans ces deux champs.</p>
<p>Huit narratifs principaux (des plus partagés aux émergents) ont été identifiés à partir des documents d’organisations suivantes : des banques multilatérales, régionales ou bilatérales de développement (19), des agences des Nations unies et autres institutions supranationales (14), des organisations de la société civile (10) et du monde académique (11).</p>
<p>Alors que les narratifs 1 à 6 peuvent être présentés comme dominants et figurent à des degrés divers selon leur poids et leurs priorités dans la plupart des organisations sélectionnées, les narratifs 7 et 8, dits émergents, se concentrent sur un nombre plus restreint d’organisations.</p>
<h2>1. Le prisme des vulnérabilités comme grille d’analyse et d’intervention des actions climatiques d’urgence</h2>
<p>En matière de lutte contre les conséquences directes et indirectes (humanitaires) du changement climatique, l’intégration du genre dans les actions d’urgence est conçue comme une réponse aux vulnérabilités telles que la pauvreté, le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pgX06v60QDo">manque de capacités/capabilités d’agir</a>, l’analphabétisme ou un plus grand risque de violence sexiste et d’exploitation sexuelle qui viennent amplifier l’exposition aux catastrophes climatiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/y1Xj-9PMUbg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Changement climatique : les femmes, premières victimes (Euronews, 9 novembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Cette approche se classe en première position pour quatre des cinq catégories d’acteurs : agences nationales de développement, ONG transnationales, organisations internationales de type nations unies et communautés académiques.</p>
<h2>2. L’approche de l’économie intelligente (« smart economics ») comme opportunité de genrer l’agenda climatique</h2>
<p>Les femmes (et les filles) sont de <a href="https://blogs.lse.ac.uk/gender/2020/07/23/gender-equality-as-smart-economics-questioning-the-assumptions-behind-the-claim/">plus en plus considérées</a> comme des agents économiques potentiels de la transition verte, pour progresser vers des économies et des sociétés neutres en carbone, résilientes au changement climatique et socialement et écologiquement durables.</p>
<p>Le narratif met ici l’accent sur l’accès au crédit, à l’éducation et à la formation, aux compétences numériques « vertes » et plus largement à l’autonomisation économique des femmes dans les domaines de la finance, du renforcement des capacités et de l’innovation comme des facteurs clés de l’agenda climatique.</p>
<h2>3. Les outils d’intégration du genre (« gender mainstreaming ») dans l’agenda du changement climatique</h2>
<p>L’intégration du genre n’est pas seulement une méthode et un outil d’analyse, mais aussi le moteur même de la dimension sexospécifique du changement climatique. Les outils d’intégration qui prennent en compte les rôles différents des femmes et des hommes, leurs besoins et leurs intérêts stratégiques respectifs et les structures inégalitaires de pouvoir jouent un rôle important dans la conception et la réalisation de politiques de changement climatique sensibles à l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<h2>4. L’autonomisation des femmes et des filles dans une perspective d’adaptation au climat</h2>
<p>Pour dépasser la division sexuelle traditionnelle du travail reproductif et productif et ses conséquences sur des rôles sociaux inégalitaires, l’autonomisation des femmes est présentée comme essentielle pour renforcer l’adaptation et la résilience climatiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XlTowpn-J24?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ces femmes qui luttent contre le changement climatique, Oxfam International, 27 mars 2015.</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.carefrance.org/ressources/themas/1/770,Adaptation_genre_et_autonomisation_d.pdf">Le narratif correspondant</a> se focalise sur la propriété foncière, l’éducation et la prise de décision.</p>
<h2>5. L’intégration du genre pour une action climatique transformatrice</h2>
<p>Afin de tendre vers une plus grande justice climatique et accompagner une <a href="https://theconversation.com/afrique-du-sud-une-transition-juste-est-elle-possible-dans-une-societe-profondement-inegalitaire-177397">transition juste</a>, l’approche de genre est considérée comme un levier de la transformation des relations de pouvoir inégalitaires entre les femmes et les hommes. Justice de genre et justice climatique <a href="https://www.jstor.org/stable/27809203?seq=5">sont très imbriquées</a> dans une sorte de réciprocité entre les enjeux d’égalité femmes-hommes et les réponses aux défis du changement climatique.</p>
<p>C’est le récit d’un changement radical et profond qui est ici mobilisé essentiellement par les approches féministes et de genre pour viser une transformation structurelle plutôt que cosmétique.</p>
<h2>6. La dimension des inégalités et des discriminations</h2>
<p>Ce narratif met explicitement l’accent sur les facteurs cumulatifs de risque ou d’exposition aux inégalités au cœur de l’articulation genre et climat.</p>
<p>Le genre n’y est pas appréhendé sous l’angle de la vulnérabilité mais <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_MxRRTbnxJs">sous l’angle des inégalités et des discriminations croisées ou cumulatives</a> telles que l’âge, le statut social, la situation de handicap ou encore l’ethnicité et vise donc à soutenir explicitement le développement de politiques plus inclusives dans la lutte contre le changement climatique, en tenant compte des groupes les plus marginalisés, y compris les populations autochtones, les travailleurs domestiques ou les personnes LGBT.</p>
<h2>7. La dimension écoféministe : les femmes, gardiennes de la Terre-mère</h2>
<p>Enraciné dans <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/et-francoise-d-eaubonne-l-amazone-verte-crea-l-ecofeminisme-398983">différents courants écoféministes</a> liant les femmes à la préservation de la nature, ce récit s’appuie sur des métaphores pour associer la terre aux « traits féminins ».</p>
<p>Dans ce type de récit en émergence, la contribution des femmes à la lutte contre le changement climatique consiste principalement dans la préservation des écosystèmes et des communautés locales, le maintien de moyens de subsistance durables et respectueux de l’environnement ainsi que dans leur perception présentée comme différente des risques induits par le changement climatique. On retrouve ce récit par exemple à l’<a href="https://www.usaid.gov/">USAID</a>, à <a href="https://www.christianaid.org.uk/">Christian Aid</a> ou au <a href="http://www.globalenvironmentfund.com/">Fonds Global pour l’Environnement</a> (GEF). </p>
<h2>8. Décoloniser le genre et l’action climatique</h2>
<p>Ce récit <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uKKz2yJ29VI">ancré dans les études dites post-coloniales/décoloniales</a> entend montrer que les voix des groupes autochtones, indigènes et autres groupes marginalisés et plus largement des populations et des femmes des Sud doivent être entendues et doivent participer à la construction d’une modernité écologique, en favorisant la diffusion des réflexions et la circulation des connaissances issues de ces géographies dans leur lutte contre le changement climatique.</p>
<p>Ce narratif encore marginal se retrouve par exemple à la <a href="https://www.iadb.org/fr">Banque Interaméricaine de Développement</a> ou à la <a href="https://www.packard.org/">Fondation David et Lucile Packard</a>.</p>
<h2>Des paroles aux actes</h2>
<p>Les narratifs articulant les enjeux genre et climat révèlent que, au-delà des principaux récits les plus fréquemment exprimés à des degrés divers par les organisations, il existe des cadres interprétatifs complémentaires ou concurrents, définis sur la base de leur résonnance avec des projets de transformation plus profonde tant de l’action climatique que des rapports sociaux de sexe dans le cadre des politiques d’aide au développement.</p>
<p>Toutefois, si les parties prenantes au développement dans leur diversité ont depuis presque deux décennies eu la volonté de produire un ensemble de récits, qu’en est-il de leurs pratiques et de leurs interventions effectives ? Quelles en sont les limites ? Tout l’intérêt de l’étude est bien d’avoir posé les bases d’un référentiel permettant de mesurer le niveau de réalisation des engagements affichés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tous les acteurs du développement cherchent à lier réflexion sur la lutte contre le changement climatique et prise en compte de la question du genre. Leurs discours, toutefois, sont très variés.Serge Rabier, Chargé de recherches Populations genre, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1832502022-05-18T18:08:50Z2022-05-18T18:08:50ZMoyen-Orient et Afrique du Nord : la fragilité des États limite les investissements étrangers<p>À l’horizon 2030, la Banque mondiale prévoit que <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/461291612960159930/pdf/World-Bank-Group-Strategy-for-Fragility-Conflict-and-Violence-2020-2025.pdf">deux tiers des personnes en situation d’extrême pauvreté</a> dans le monde vivront dans des États fragiles et/ou touchés par des conflits. La pandémie mondiale de Covid-19 n’a fait qu’exacerber cette fragilité et ses conséquences ont été nombreuses : l’augmentation de la pauvreté en particulier chez les enfants, la dégradation du système éducatif et de la protection sociale, les changements climatique et démographique, la montée dramatique des conflits violents, ainsi que la plus grande crise de déplacements forcés jamais enregistrée.</p>
<p>Les situations de fragilité touchent plusieurs pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) où <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/b462aac8-fr/index.html?itemId=/content/component/b462aac8-fr">quatre personnes sur dix vivent dans des États fragiles</a> secoués par des crises économiques, géopolitiques et sociétales. Deux États de cette région, à savoir le Yémen et la Syrie, figurent même parmi les trois États jugés comme les plus fragiles au monde, alors que d’autres tels que Djibouti, l’Égypte, le Liban, la Libye, l’Iran ou encore l’Irak, sont en état d’alerte élevée concernant leur niveau de fragilité selon le dernier classement basé sur <a href="https://fragilestatesindex.org/">l’Indice des États fragiles de 2021</a> (<em>Fragile States Index)</em> publié par le think tank américain <em>Fund for Peace</em>.</p>
<p><iframe id="pvN2s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pvN2s/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/cjas.1658">L’étude empirique</a> que nous avons menée auprès de dix-sept pays de la région MENA durant la période 2002-2018, récemment publiée dans la Revue canadienne des sciences de l’administration, confirme le fait que la fragilité décourage les investisseurs. Des éléments contextuels caractéristiques de la région contribuent également à renforcer cet effet négatif que peut avoir la fragilité sur l’attractivité des investissements étrangers.</p>
<h2>Une fragilité multidimensionnelle</h2>
<p>Il n’existe pas de définition précise associée au concept d’<a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/qu-est-ce-qu-un-etat-fragile">« États fragiles »</a> appelés aussi défaillants. Ce dernier a vu le jour dans un contexte à la fois sécuritaire, marqué par les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et économique, avec les politiques de développement préconisées par des organisations intergouvernementales à l’égard des pays politiquement instables et en situation d’extrême pauvreté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-terrorisme-un-frein-aux-investissements-etrangers-en-afrique-du-nord-et-au-moyen-orient-180798">Le terrorisme, un frein aux investissements étrangers en Afrique du Nord et au Moyen-Orient</a>
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<p>Sur le plan sécuritaire, les États les plus fragiles sont des pays en situation de conflit violent ou de guerre civile dans lesquels l’État n’est plus en mesure d’assurer le contrôle de son territoire et de fournir les services de base à sa population. Sur le plan économique, la fragilité des États renvoie à des économies prises dans une « trappe à pauvreté ». Prises ensemble, la dimension sécuritaire et la dimension économique de la fragilité donnent naissance à l’une des catégories d’États fragiles les plus connues, à savoir les <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/ar/329261468782159006/pdf/269030PAPER0WB0Licus0Task0force0report.pdf">« pays à faible revenu en difficulté »</a> (<em>low-income countries under stress</em>, LICUS) introduite par la Banque mondiale en 2002, et qui renvoie aujourd’hui à des <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/topic/fragilityconflictviolence/overview">pays en situation de fragilité, conflit et violence</a> (<em>fragility, conflit and violence (FCV) settings</em>).</p>
<p>Par-delà cette approche très institutionnelle, la fragilité de l’État est désormais définie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un <a href="https://www.oecd.org/fr/publications/etats-de-fragilite-261b19f4-fr.htm">cadre multidimensionnel</a> comme « la conjonction d’une exposition à des risques et d’une capacité insuffisante de l’État, d’un système ou d’une communauté à gérer, absorber ou atténuer ces risques. La fragilité peut avoir des conséquences dommageables comme la violence, la déliquescence des institutions, des déplacements de personnes, des crises humanitaires ou d’autres situations d’urgence ».</p>
<p>On peut ainsi identifier cinq dimensions principales de la fragilité : </p>
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<li><p>la dimension économique : vulnérabilité de l’État face aux risques induits par les chocs macroéconomiques</p></li>
<li><p>politique : risques provenant de décisions politiques liées à la corruption ou à l’instabilité du régime politique</p></li>
<li><p>sécuritaire : vulnérabilité de l’État face au risque de terrorisme et de criminalité organisée</p></li>
<li><p>sociétale : risques induits par les inégalités sociales</p></li>
<li><p>environnementale : vulnérabilité de l’État face aux risques environnementaux, climatiques et sanitaires.</p></li>
</ul>
<p>La fragilité de l’État est souvent mesurée par des indices composites, tels que <a href="https://fragilestatesindex.org/">l’indice des États fragiles</a> (<em>Fragile States Index</em>, FSI), les <a href="http://info.worldbank.org/governance/wgi/">indicateurs de gouvernance mondiale</a> (<em>World Governance Indicators</em>, WGI) de la Banque mondiale ou <a href="https://www.systemicpeace.org/inscrdata.html">l’indice de fragilité de l’État</a> (<em>State Fragility Index</em>, SFI) du <em>Center for Systemic Peace</em>, même si ces indicateurs ne couvrent pas toujours les différentes dimensions de la fragilité que nous venons d’évoquer.</p>
<h2>« Malédiction des ressources »</h2>
<p>Les pays de la région MENA, <a href="https://theconversation.com/le-terrorisme-un-frein-aux-investissements-etrangers-en-afrique-du-nord-et-au-moyen-orient-180798">déjà impactés par les conséquences des attentats terroristes du 11 septembre 2001</a>, ont vu leur instabilité institutionnelle se dégrader encore davantage à la suite des événements du <a href="https://theconversation.com/printemps-arabes-le-capitalisme-de-connivence-a-coute-cher-aux-grandes-entreprises-familiales-158649">« printemps arabe »</a>, dix ans plus tard. Le changement de régime politique dans certains pays de la région, l’escalade de conflits violents dans d’autres couplés à la baisse des <a href="https://theconversation.com/moyen-orient-cours-du-petrole-et-dette-souveraine-56249">prix du pétrole</a>, ont contribué à diminuer la confiance des investisseurs et, par conséquent, ont réduit fortement l’attractivité de ces localisations.</p>
<p>Dans un tel contexte, les entreprises ont tendance à choisir une localisation qui leur fournit un environnement stable leur permettant d’exploiter les avantages offerts par le pays d’accueil, d’accroître leur efficience et de réduire leurs coûts de production.</p>
<p>Toutefois, certains éléments contextuels laissent penser que la fragilité et l’instabilité politique ne découragent pas nécessairement tous les investissements, en particulier ceux qui concernent les matières premières. En effet, la présence de ressources naturelles dans ces pays aurait tendance à réduire l’impact négatif de la fragilité sur les investissements directs à l’étranger (IDE).</p>
<p>Cependant, les résultats de notre étude, citée ci-dessus, révèlent le contraire. La présence de matières premières, notamment les réserves de pétrole et de gaz naturel dans les pays du Golfe persique, semble plutôt vécue comme une contrainte liée à « la malédiction des ressources » que certains pays MENA ont pu connaître lorsque les rentes exceptionnelles tirées de la production et de l’exportation de pétrole ont provoqué des conflits et contribué à nuire à la diversification des activités économiques et au développement des autres secteurs d’activité.</p>
<p>De même, nous avons pu observer que le faible niveau de gouvernance démocratique dans ces pays contribue à renforcer cet impact négatif dans une région toujours aussi largement dominée par des régimes autocratiques. Cela tient au fait que l’absence d’institutions démocratiques garantissant la protection des libertés civiles et politiques rend plus probable l’expropriation des investissements étrangers par les élites politiques locales.</p>
<p>Pour conclure, les dirigeants d’entreprises devraient davantage prendre en considération la fragilité de l’État parmi les facteurs qui concourent à leur choix de localisation, en particulier dans la région MENA. Parallèlement, les gouvernements devraient s’attacher tout particulièrement à mettre en place des politiques et réformes nécessaires pour asseoir une stabilité politique, sociale et économique afin de rassurer et d’attirer des investisseurs étrangers.</p>
<p>Ils devraient d’autant plus le faire dans une période où le risque sécuritaire sera important dans les années à venir comme en témoigne Robert Greenway, directeur de l’Abraham Accords Peace Institute, qui fait remarquer que <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/robert-greenway-le-moyen-orient-va-traverser-la-periode-la-plus-eprouvante-de-son-histoire_2173395.html">« Le Moyen-Orient va traverser la période la plus éprouvante de son histoire »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183250/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le faible cadre démocratique garantissant la protection des libertés rend notamment plus probable l’expropriation des investissements étrangers par les élites politiques locales.Dora Triki, Professeur associé en management international, ESCE International Business SchoolAlfredo Valentino, Associate Professor, ESCE International Business SchoolAnna Dimitrova, Professeur associé en Affaires internationales, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797362022-03-24T18:42:01Z2022-03-24T18:42:01ZLa taille des aires protégées, un critère déterminant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/454228/original/file-20220324-27-xogs9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un gardien et son troupeau, dans le parc national de Waza, au Cameroun. </span> <span class="attribution"><span class="source">Paul Scholte</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Avec le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité représente l’une des plus grandes menaces pour la vie sur Terre… Dans notre série d'été « Protéger la nature, mais comment ? », nous mettons le cap sur les aires protégées, ces zones où l’on tente de préserver les ressources naturelles. Après <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">le panorama mondial de ces espaces</a>, on s’intéresse dans ce second épisode à la question centrale de leur taille.</em> </p>
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<p>Le déploiement d’un réseau d’aires protégées reste aujourd’hui le principal outil à disposition des États pour développer des politiques visant à inverser la courbe du déclin de la biodiversité.</p>
<p>Identifier des territoires ayant de forts enjeux écologiques et leur donner un statut de protection plus ou moins contraignant <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">n’est pas nouveau</a>.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/profile/Mark-Spalding-3/publication/288178320_Role_and_Trends_of_Protected_Areas_in_Conservation/links/5a38d131458515919e7275f8/Role-and-Trends-of-Protected-Areas-in-Conservation.pdf">En 1960</a>, on comptait environ 10 000 aires protégées qui s’étendaient sur environ 2 000 000 km<sup>2</sup>. En 2010, la base de données sur les aires protégées de l’IUCN (WDPA) recensait <a href="https://www.iucn.org/theme/protected-areas/our-work/world-database-protected-areas">177 547 zones</a> ayant un statut de conservation sur 17 millions de km<sup>2</sup> des terres émergées (12,7 % des continents et îles, hors antarctique) et 6 millions de km<sup>2</sup> dans les océans et côtes (1,6 % de leur surface).</p>
<p>En 2021, 16,6 % des terres et des écosystèmes aquatiques intérieurs bénéficient d’un statut de conservation, contre 7,7 % pour les milieux maritimes et côtiers.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte présentant la répartition des aires protégées au niveau mondial. Actuellement, plus de 22,5 millions de km² sur terre et 28 millions de km² en milieux marins et côtiers sont aujourd’hui protégés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.protectedplanet.net/en">protectedplanet.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>À chaque État de construire sa stratégie</h2>
<p>Chaque pays adopte sa propre stratégie nationale pour la délimitation de ses aires protégées. Ce faisant, les dénominations et les niveaux de protection de la biodiversité peuvent fortement fluctuer d’un pays à l’autre.</p>
<p>Afin de pouvoir évaluer l’efficacité des aires protégées sur la conservation de la biodiversité, l’IUCN propose un classement en fonction du niveau de protection qu’elles assurent. Sur les 6 classes proposées, les 3 premières (réserve naturelle intégrale/zone de nature sauvage, parc national et monument naturel) impliquent que la législation nationale doit prévoir une exclusion de toute action humaine en dehors de certaines activités touristiques.</p>
<p>La première classe implique même une limitation très stricte des entrées dans la zone, souvent exclusivement pour des motifs d’études scientifiques. Les trois autres classes (aire de gestion des habitats/espèces, paysage terrestre/marin protégé et zone de gestion de ressources protégées), incluent des espaces où la conservation de la biodiversité est assurée par des pratiques d’utilisation des ressources naturelles réglementée afin d’en assurer la durabilité (agriculture, urbanisme, collectes, chasse).</p>
<p>Ainsi, chaque État peut construire sa propre stratégie en fonction de ses contraintes législatives, sociales, économiques et écologiques, tout en s’assurant qu’il respecte bien les orientations de la Convention sur la bioversité biologique (CDB), ratifiée par 196 pays.</p>
<h2>La question centrale de la taille des aires protégées</h2>
<p>Construire un réseau national d’aires protégées dépend de nombreux facteurs comme la représentativité de la diversité des écosystèmes, l’endémisme et/ou le statut de conservation des espèces, les interactions avec les autres modes d’utilisation des terres, la dimension symbolique et patrimoniale de certains espaces ou, parfois, espèces, les moyens institutionnels et financiers du pays…</p>
<p>Toutefois, un grand nombre d’aires protégées historiques a été délimité en se basant sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2006-5-page-569.htm?contenu=article">paradigmes de l’écologie insulaire</a>, théorisant la taille minimum d’une population et la diversité d’une communauté pour assurer le bon fonctionnement de l’écosystème.</p>
<p>Vu sous cet angle, la géométrie, notamment la taille et la forme des aires protégées ont souvent été des <a href="https://bio.libretexts.org/Bookshelves/Ecology/Conservation_Biology_in_Sub-Saharan_Africa_(Wilson_and_Primack)/13%3A_The_Importance_of_Protected_Areas/13.05%3A_Designing_Protected_Areas">éléments de choix décisifs</a>.</p>
<p>D’autant plus que les objectifs d’Aichi, issue de la Convention sur la diversité biologique, mettent l’accent sur la surface minimum en aires protégées que les pays signataires s’engagent à classer. Fixée à 17 % pour 2020, elle sera revue à 30 % à horizon 2030 lors de prochaines négociations (COP15), régulièrement reportées à cause de la pandémie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/biodiversite-proteger-30-de-la-planete-quid-des-70-restants-175779">Biodiversité : protéger 30 % de la planète… quid des 70 % restants ?</a>
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<hr>
<p>Même si la communauté internationale s’accorde à dire que la surface en aires protégées n’est pas le seul indicateur permettant de s’assurer de l’efficacité des politiques de conservation de la biodiversité, il est massivement utilisé et pilote l’évaluation des pays en matière de volonté à contribuer à la lutte globale contre l’érosion de la biodiversité.</p>
<p>Il paraît ainsi pertinent de se demander si cet indicateur n’a pas eu, dans certains cas, un effet négatif sur la capacité des États à mettre en place une politique cohérente et appropriée de conservation et gestion de leur patrimoine écologique.</p>
<h2>Des initiatives à double tranchant dans les pays pauvres</h2>
<p>Pourquoi cette question, apparemment irrévérencieuse ? Gérer une aire protégée <a href="https://papaco.org/fr/wp-content/uploads/2019/03/etudesAP_configAP_FR.pdf">coûte de plus en plus cher</a>. Mettre en place des activités économiques qui permettraient à ce territoire de jouer son rôle dans l’économie nationale peut devenir un vrai fardeau, voire une tâche insurmontable pour certains pays ayant déjà du mal à organiser l’accès aux services essentiels pour sa population.</p>
<p>Bien que toutes les aires protégées n’impliquent pas une exclusion totale des activités humaines, notamment l’agriculture ou la collecte de ressources naturelles, elles restent un <a href="https://www.iied.org/social-environmental-trade-offs-african-agriculture">frein réel au développement</a> de certaines activités considérées comme les plus destructrices (mine, infrastructures lourdes, villes, agriculture intensive…), mais qui sont aussi celles qui pourraient potentiellement être les plus intéressantes au développement des pays les plus pauvres.</p>
<p>Au-delà donc des coûts de gestion et de valorisation de ces espaces, les conflits d’usages issus d’arbitrages socio-économiques en faveur de la conservation de la biodiversité peuvent venir contredire les impératifs de développement local sur de larges espaces nationaux, voire nier la dimension culturelle et traditionnelle de ces écosystèmes.</p>
<p>Ces ambiguïtés sont particulièrement saillantes dans les <a href="https://pubs.iied.org/14675iied">pays les moins développés de la zone tropicale</a>. La pression internationale pour qu’ils atteignent les objectifs de surface d’aires protégées est maximale, car ils abritent une grande partie des points chauds de biodiversité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454226/original/file-20220324-17-1s58kv9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cobes de Buffon dans le parc national de Waza (Cameroun).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paul Scholte</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>En Afrique, des dizaines de milliers de km² à gérer</h2>
<p>Pour certains pays, gérer efficacement ces espaces, immenses et souvent isolés, se révèle être totalement illusoire tant leurs moyens budgétaires et humains sont structurellement insuffisants.</p>
<p>C’est notamment le cas sur le continent africain. Malgré cette équation complexe, la zone subsaharienne a atteint les objectifs d’Aichi, avec <a href="https://data.worldbank.org/indicator/ER.LND.PTLD.ZS?locations=ZG">16,4 % des territoires classés</a> en aires protégées. Mieux, la moitié de ces pays ont un taux de couverture en aires protégées supérieur au taux global. Sept d’entre eux, dont la République centrafricaine, pays parmi les plus pauvres de la planète, ont <a href="https://www.protectedplanet.net/region/AF">même déjà atteint l’objectif</a> qui sera fixé pour 2030.</p>
<p>Dans le même temps, les indices de développement humain (IDH) du continent figurent parmi les moins élevés. En dehors de trois pays (Afrique du Sud, Botswana et Gabon), tous les états ont un IDH révélant un développement humain moyen à faible. Si certains pays d’Afrique australe et de l’Est ont réussi à valoriser leurs aires protégées, ce n’est pas le cas en Afrique centrale où, en dehors du secteur de la chasse sportive, les opportunités économiques sont quasi inexistantes ou très localisées.</p>
<p>Entre difficulté d’accès, insécurité régionale et manque de capitaux pour investir, le secteur touristique n’a jamais réussi à réellement percer. Fait aggravant, probablement reflet historique dans l’imaginaire collectif des grands espaces sauvages, l’Afrique (et particulièrement l’Afrique centrale) organise son réseau d’aires protégées autour de zones immenses dont la surface donne le vertige.</p>
<p>Plus de <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/33388/18LPAFR.pdf">20 % des aires protégées</a> de plus de 10 000 km<sup>2</sup> se trouvent en Afrique. Les parcs Manovo-Gounda St Floris et Bamingui Bangoran, formant une partie du complexe d’aires protégées du Nord de la République centrafricaine font, à eux seuls, plus de 28 000 km<sup>2</sup>, soit la taille de la Belgique.</p>
<p>Au total, selon nos calculs, ce sont plus de 42 000 km<sup>2</sup> qui ont un statut de conservation, soit presque la moitié de la superficie des deux préfectures du Nord de la RCA.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/I2Q34a0LXfU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En République centrafricaine, le défi des écogardes face à la guerre et au braconnage (France24/Youtube, 2021).</span></figcaption>
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<h2>La bataille des herbivores</h2>
<p>Dans ce contexte, est-il raisonnable d’imposer un modèle de conservation basé sur une surface minimale à protéger ?</p>
<p>Le projet Afrobiodrivers a permis l’analyse des <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/programmes-et-projets/le-cesab/afrobiodrivers/">données d’inventaires fauniques</a> dans les principales aires protégées de savane d’Afrique centrale montrant que ces vastes territoires se sont progressivement vidés de leurs grands herbivores. En dehors du parc national de Zakouma au Tchad, la biomasse d’herbivores a été <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/programmes-et-projets/le-cesab/afrobiodrivers/">divisée par un facteur 2, 3 voire 4 au cours des 50 dernières années</a>.</p>
<p>Pour <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/programmes-et-projets/le-cesab/afrobiodrivers/">certains parcs nationaux</a>, la faune sauvage se retrouve isolée dans des petites poches de biodiversité, avec quelque centaines ou milliers d’individus comme reliquat de communautés jadis prospères pouvant avoir plusieurs centaines de milliers d’individus il y a 60 ou 70 ans.</p>
<p>Parallèlement, l’activité touristique associée à ces espaces a aussi été <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/programmes-et-projets/le-cesab/afrobiodrivers/">drastiquement réduite</a>, hypothéquant la principale voie de valorisation de la faune sauvage afin que les États puissent financer le développement rural et assumer sa responsabilité dans la gestion de ces zones.</p>
<p>Le constat est donc sans appel : ces espaces jadis considérés comme l’archétype d’une Afrique sauvage, riche en diversité biologique et culturelle, sont maintenant quasi vidés de leurs animaux sauvages emblématiques, laissant place à des groupes armés ou des éleveurs. L’inversion de la biomasse d’herbivores sauvages au profit des herbivores domestiques est devenue la norme dans quasiment toutes les aires protégées des savanes d’Afrique centrale.</p>
<h2>Mettre en place une « retraite stratégique »</h2>
<p><a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cobi.13860">Nous proposons une option de « retraite stratégique »</a> pour concentrer le peu de moyens de ces États sur les poches résiduelles de biodiversité afin de pouvoir les conserver efficacement.</p>
<p>Retraite stratégique n’implique pas de délaisser ou déclasser ces aires protégées mythiques. Les zones vidées de faune sauvage doivent être gérées avec de nouveaux outils de la conservation, notamment les AMCE, afin de définir une zonation d’usage des terres plus en adéquation avec la situation actuelle et les moyens à disposition ; afin d’assurer aussi que ces territoires perdus pourront, à l’avenir, retrouver un potentiel de valorisation issu des noyaux effectivement conservés lors de la retraite stratégique.</p>
<p>Ce modèle de concentration des moyens sur une plus petite zone, mais néanmoins suffisante et surtout, plus réaliste, puis d’expansion de la faune sur un territoire plus vaste semble fonctionner au parc national de Zakouma (Tchad).</p>
<p>Au-delà du dépoussiérage des modèles de conservation de la biodiversité, la communauté internationale, si elle souhaite imposer des objectifs globaux basés sur la surface, doit être consciente de l’effort d’investissement que cela impose aux pays les plus pauvres.</p>
<p>Elle doit notamment prendre à bras le corps la problématique de la sécurité régionale dans les savanes d’Afrique centrale afin que ces États puissent retrouver une situation propice à ces investissements, sans en spolier leur identité et leur souveraineté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179736/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Cyril Renaud a reçu des financements de FRB-CESAB (projet Afrobiodrivers).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Fritz a reçu de FRB-CESAB (projet Afrobiodrivers).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Scholte a reçu des financements de FRB-CESAB (projet Afrobiodrivers).</span></em></p>Pour certains pays, notamment en Afrique, gérer ces espaces, immenses et souvent isolés, se révèle être illusoire tant leurs moyens budgétaires et humains sont structurellement insuffisants.Pierre-Cyril Renaud, Maitre de conférences - Gestion des Aires Protégées et des interfaces agriculture/biodiversité, Université d'AngersHervé Fritz, Directeur de recherche CNRS / IRL REHABS, écologie des savanes tropicales, Nelson Mandela UniversityPaul Scholte, Ecologist leading programs and organizations in conservation, The Ohio State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775192022-02-28T19:32:57Z2022-02-28T19:32:57ZLes nouvelles « routes de la Soie », une viabilité en question<p><a href="https://www.transporeon.com/en/reports/one-belt-one-road">Un million</a>. C’est la barre symbolique franchie en 2021 par le nombre de conteneurs transportés par voie ferroviaire entre la Chine et l’Union européenne. N’en déplaise aux tenants de la relocalisation, la crise sanitaire du Covid-19 a dopé les échanges eurasiatiques et confirmé l’essor des « nouvelles routes de la soie » à l’heure où la guerre éclate en Europe.</p>
<p>Ces conteneurs ont été transportés par 14 000 trains, soit en moyenne 38 convois par jour. Et ce, 10 ans seulement après que le lancement des premiers wagons sur les rails. On compte même depuis 2018 <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/routier/le-trajet-en-camion-vers-la-chine-toujours-plus-populaire-553654.php">quelques dizaines de camions</a> par semaine qui réalisent le trajet via la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan et la Chine.</p>
<p>Dans le monde, la Chine, c’est chaque année depuis 2007 en moyenne <a href="http://french.news.cn/2022-01/03/c_1310406817.htm#:%7E:text=BEIJING%2C%203%20janvier%20(Xinhua),mise%20en%20service%20en%20Chine">2 600 km d’infrastructures</a> ferroviaires nouvelles (contre 200 km en Europe) sur lesquelles les convois peuvent rouler à plus de 200km/h. Ce développement s’inscrit depuis 2013 et l’accession au pouvoir de Xi Jinping dans le plan « One Belt, One Road » (« Une ceinture, Une Route »), qui concerne autant l’Asie centrale que l’Afrique. Son coût restant en 2021 est estimé à 13 000 milliards d’euros par le G20.</p>
<p>Face à ces ambitions, l’Europe a récemment présenté son projet alternatif « <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/01/l-europe-presente-son-projet-a-300-milliards-d-euros-pour-contrer-les-routes-de-la-soie-chinoises_6104361_3234.html">Global Gateway</a> ». Mais pourra-t-on parler de succès pour ce que Pékin se plaît à nommer « projet du Siècle » ? Sans même se risquer à essayer d’anticiper les conséquences du conflit ukrainien, la <a href="https://cordis.europa.eu/project/id/234076">viabilité économique et écologique</a> de l’axe eurasiatique interroge déjà fortement.</p>
<h2>Nouveau développement, nouvelles routes</h2>
<p>Pour comprendre l’intérêt porté à cet axe, il faut d’abord regarder du côté du commerce mondial et son considérable essor depuis les années 90. Entre 1990 et 2020, les échanges maritimes ont été <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02196047">multipliés par 4</a>, tandis que la capacité des plus gros porte-conteneurs a été multipliée par 5. L’Asie du Sud-Est et notamment la façade maritime de la Chine se trouve au cœur de ce nouveau système.</p>
<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/rotterdam-10e-port-mondial-en-2019">L’évolution du top 10</a> des principaux ports dans le monde est, à cet égard, révélatrice. En 1990, la moitié des ports était asiatique mais aucun n’était chinois, l’autre moitié comprenait les ports européens et américains. En 2020, le grand port européen de Rotterdam s’est vu rétrograder à la 11<sup>e</sup> place laissant définitivement le monopole du top 10 à la nouvelle puissance asiatique. On estime désormais que la Chine et ses ports traitent environ un <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/coronavirus-la-chine-traite-un-quart-du-transport-maritime-mondial-de-conteneurs-1169020">quart des conteneurs dans le monde</a>, témoignant de sa puissance industrielle et commerciale.</p>
<p><iframe id="jyC80" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jyC80/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor économique chinois des années 2000 constitue la clef de voûte de cette dynamique. Alors que les PIB des États-Unis ou de la France ont doublé entre 2000 et 2020, le PIB chinois a lui été <a href="https://datacommons.org/place/country/CHN?hl=fr">multiplié par 12</a>. En parallèle, la part de la Chine dans les échanges extérieurs de l’Union européenne a triplé pour atteindre <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/trade/trade_2020/">15 % en 2018</a>. Elle vient d’ailleurs de devenir en 2021 le <a href="https://www.challenges.fr/monde/la-chine-a-detrone-les-etats-unis-en-2020-comme-premier-partenaire-commercial-de-l-ue_751147">premier partenaire commercial de l’UE</a> reléguant en deuxième position les États-Unis.</p>
<p>Au-delà, c’est toute l’Asie du Sud-Est qui a connu un développement économique exceptionnel sur la période. Il y a là un vaste ensemble qui pèse pour 30 % du PIB mondial, réuni à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2022 dans la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/31/en-asie-naissance-de-la-plus-vaste-zone-de-libre-echange-du-monde_6107811_3234.html">nouvelle zone de libre-échange asiatique (la <em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em> ou RCEP)</a>.</p>
<p>Nouveau développement implique aussi recherche de nouvelles routes. Et ce sont les Européens, plus particulièrement les Allemands, qui ont affrété le <a href="https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/69863">premier train par-delà le continent</a> en 2008, sous la houlette de la Deutsche Bahn, pour l’acheminement de matériel informatique. Suite à la crise de 2009, le projet de pérenniser ce service régulier a été abandonné. Il a finalement été repris en 2011 et a ouvert la voie à de nouvelles routes terrestres soutenues par les acteurs du Benelux et du Nord de l’Europe comme l’ont mis en avant <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01474042/document">nos travaux</a>.</p>
<h2>Cruciales alternatives</h2>
<p>Ce sont ainsi, avant les gouvernements, le marché et les acteurs économiques qui ont poussé en faveur d’une alternative aux modes maritime et aérien. La politique mise en place par le président chinois Xi Jinping à partir de 2013 n’est venue qu’appuyer et amplifier une dynamique déjà en cours.</p>
<p>L’alternative terrestre permet d’économiser sur le temps d’acheminement nécessaire pour rejoindre les ports d’export. Elle s’inscrit dans le plan de rééquilibrage de l’économie chinoise engagée par le gouvernement dans les années 2000 au profit de villes intérieures comme Chongqing, Chengdu (spécialisée dans l’électronique) ou Lanzhou respectivement situées à 1 400, 1 600 et 1 700 km de Shanghai. Ces trois villes qui forment le <a href="https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/l-emergence-du-triangle-de-la-croissance_771640">« triangle de croissance »</a> ont tout intérêt à voir se développer l’axe terrestre qu’il soit ferroviaire ou routier dans un pays où les besoins en transport ont été <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/transport/itf-transport-outlook-2021_16826a30-en">multipliés par 6</a> entre 1995 et 2018.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483816542173208581"}"></div></p>
<p>On comprend alors que la recherche d’alternatives au transport maritime devienne cruciale pour le gouvernement chinois et les acteurs économiques. Ce dernier exerce jusqu’à présent un quasi-monopole sur les échanges eurasiatiques avec <a href="https://fr.sino-shipping.com/commerce-europe-chine/#:%7E:text=Nous%20avons%20consid%C3%A9r%C3%A9%20les%20m%C3%AAmes,elle%20importe%20de%20l%E2%80%99UE28">près de 98 % des marchandises transportée</a>. La solution portuaire se trouve par ailleurs de plus en plus inadaptée face au e-commerce, la logistique en flux tendus et la montée en gamme de la Chine (incarnée par la stratégie <a href="https://www.isemar.fr/wp-content/uploads/2018/05/note-de-synth%C3%A8se-isemar-200-chine-europe.pdf">« made in China 2025 »</a>).</p>
<p>Si l’aérien offre de la vitesse (quelques jours de trajet contre plus de 30 pour la voie maritime), il se trouve fortement pénalisé par son prix élevé en raison de la capacité limitée des avions. Un conteneur se négociait avant la pandémie autour de 3 000 euros par la mer contre plus de 60 000 euros pour l’aérien.</p>
<p>Dans ce contexte, l’offre ferroviaire se distingue à la fois par le prix et le temps : moins d’un mois de transport et un coût d’environ 7 000 euros par conteneur.</p>
<h2>Cinq fois plus d’émissions de CO₂</h2>
<p>Pour autant, le débat persiste sur la viabilité économique du train. Ce prix s’avère en effet moitié moins important que le coût réel en raison des subventions importantes à l’export distribuées par les autorités locales chinoises aux chargeurs. On estime qu’elles étaient de l’ordre de <a href="https://portsetcorridors.com/2021/sitl-routes-de-la-soie/#:%7E:text=De%20gare%20%C3%A0%20gare%2C%20un,actuellement%20%C2%BB%2C%20pr%C3%A9cise%20Xavier%20Wanderpepen">800 millions d’euros en 2021</a>. Leur réduction à venir pourrait tempérer la croissance de l’axe sans l’inverser, avec un <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/ferroviaire/le-trafic-ferroviaire-sur-la-nouvelle-route-de-la-soie-triplerait-dici-2030-668958.php">triplement des flux attendu d’ici à 2030</a>.</p>
<p>Plus étonnant, le transport routier semble également trouver sa place. Il est le plus rapide après l’aérien, la vitesse moyenne pour un camion étant de 60 km/h contre 30 km/h pour le train. Cela représente un gain d’une semaine sur l’ensemble du voyage. Il est aussi le plus agile pour passer les frontières là où le ferroviaire marque des ruptures de parfois plusieurs jours pour transborder les conteneurs, changer de locomotive, etc. Cependant, il ne bénéficie pas des avantages du train en matière de massification et se négocie donc à un prix plus élevé (<a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">environ 15 000 euros par conteneur</a>).</p>
<p>Enfin, l’argument environnemental ne plaide pas nécessairement en faveur du ferroviaire. Le mode maritime se distingue par sa capacité à massifier le transport de conteneurs : <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/21168-des-porte-conteneurs-geants-de-20-000-evp-pour-le-japonais-mol">22 000 sur les plus gros navires</a> contre environ <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">90 pour un train</a>. Chaque conteneur pouvant contenir 4 000 boites de chaussures, ce sont 88 millions de paires de chaussures qui peuvent être transportées par un navire contre moins de 400 000 pour un train. Cette différence conduit un train à émettre <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">5 fois plus de CO₂ par tonne transportée</a> qu’un porte-conteneur.</p>
<p>Pour comprendre, il faut savoir que les trains fonctionnent à l’essence sur de larges portions non électrifiées de l’axe eurasiatique. Et lorsqu’ils roulent à l’électricité, c’est le <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/data-products">mix énergétique</a> pour produire l’électricité qui leur est défavorable. 90 % de la production électrique vient des énergies fossiles au Kazakhstan, 60 % en Russie et 68 % en Chine. Et il s’agit là des trois pays principaux traversés.</p>
<p>Dans un souci écologique, il pourrait donc être préférable de limiter le développement de ces nouvelles voies et conserver l’option maritime qui reste finalement la plus frugale en énergie et émissions de CO<sub>2</sub> par tonne transportée. Économie, écologie, géopolitique… le jour où la suprématie du transport maritime se trouvera contestée par le ferroviaire ou la route reste ainsi encore lointain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La saturation des routes maritimes encourage la recherche des voies nouvelles entre l’Europe et l’Asie. Dépendance aux subventions, environnement… Tout ne plaide cependant pas en faveur du train.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1606682022-02-08T14:36:53Z2022-02-08T14:36:53ZEnseigner à la maternelle et au primaire : même parcours, même pratique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/423936/original/file-20210929-65532-15qa1x1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5499%2C3761&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les futurs enseignants reçoivent une formation similaire, qu'ils enseignent au primaire ou au pré-scolaire. Or, l'approche n'est pas la même.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les nouveaux diplômés universitaires en éducation préscolaire et en enseignement primaire sont appelés à enseigner à des enfants âgés entre 4 et 12 ans, soit des tout-petits aux presqu’ados. Ces différences d’âge ont nécessairement un effet sur les pratiques éducatives des enseignants.</p>
<p>Les enseignants peuvent-ils aisément passer d’un niveau à l’autre ? Ce questionnement existe depuis plusieurs années.</p>
<p>Au Québec, les enseignants doivent détenir un brevet d’enseignement à la suite de l’obtention d’un baccalauréat universitaire d’une durée de quatre années. Leur formation initiale (un baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire) <a href="https://www.researchgate.net/publication/269038348_La_formation_a_l%E2%80%99enseignement_prescolaire_des_competences_pour_l%E2%80%99adaptation_a_une_societe_en_profonde_mutation">englobe donc le préscolaire et le primaire</a>. À la fin de son baccalauréat, un <a href="https://www.alliancedesprofs.qc.ca/fileadmin/user_upload/APPM/Information/Publications/Fiches_syndicales/Liste_priorite-fonctionnement_FGJ_2018-04.pdf">étudiant peut enseigner l’un ou l’autre niveau</a>. Toutefois, l’expérience qu’il aura au cours de ses premiers contrats sera déterminante. La spécialisation amène donc des pratiques différentes, malgré un baccalauréat commun.</p>
<p>Nous avons d’abord été enseignant et enseignantes au niveau primaire. Puis nous sommes devenus professeurs d’université en enseignement et en didactique, avec une sensibilité pour l’éducation préscolaire. Ces deux chapeaux nous permettent donc d’analyser les différences dans les pratiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cpe-ou-maternelle-4-ans-voici-une-analyse-comparative-163609">CPE ou maternelle 4 ans ? Voici une analyse comparative</a>
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<h2>L’approche développementale</h2>
<p>L’éducation préscolaire se distingue de l’enseignement primaire dans la mesure où elle a non seulement une visée éducative, voire d’instruction, mais d’abord et avant tout une visée de socialisation.</p>
<p>Cela se concrétise notamment avec l’approche développementale qui est prônée par le <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/Programme-cycle-prescolaire.pdf">programme-cycle de l’éducation préscolaire</a>. En effet, la classe de maternelle est généralement conçue comme une transition et un premier pas dans le parcours d’instruction. Elle permet à l’enfant de socialiser, de prendre goût à l’école et de s’épanouir avant son arrivée à l’enseignement primaire où les exigences disciplinaires ont une place plus importante dans le programme de formation.</p>
<p>Cette approche développementale « vise le développement global de l’enfant, dans le respect de son rythme, de ses besoins et de ses intérêts. Elle préconise l’intégration d’activités initiées par l’enfant, tels le jeu et l’exploration », <a href="https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3490">écrivent Krasimira Marinova et Roxane Drainville</a>. Ces deux chercheuses québécoises se sont intéressées à la pression que peuvent ressentir certains enseignants à avoir recours aux pratiques scolarisantes lors des apprentissages du langage écrit au préscolaire.</p>
<p>Cette approche développementale est centrale dans la philosophie de la maternelle. Elle guide toutes les interventions de l’enseignant et met de l’avant la place de l’enfant comme acteur principal de ses apprentissages.</p>
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<img alt="Fillette en train de lire" src="https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423937/original/file-20210929-64988-y4e8a2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’approche développementale, que l’on retrouve dans l’enseignement pré-scolaire, vise le développement global de l’enfant, dans le respect de son rythme, de ses besoins et de ses intérêts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Elle <a href="https://aepqkiosk.milibris.com/reader/ad54dcd2-7724-414f-a951-55cfe08f7184?vorigin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn581-2020.">met l’accent sur l’initiative de l’élève</a> et ses apprentissages, tout en restant accompagné par l’enseignant. Par exemple, lors du retour en classe, l’enseignant écoute les élèves s’interroger sur le rang. Pourquoi un tel élève est devant un autre ? L’enseignant peut prendre ce questionnement au bond afin d’amener la notion de la mesure et comparer la grandeur des élèves en les positionnant dos à dos ou selon un autre processus. L’apprentissage est ici basé sur les intérêts des enfants et selon leurs propres initiatives, tout cela avec l’accompagnement de l’enseignant.</p>
<p>En réalité, il n’y a pas d’enseignement lié à un savoir spécifique qui devrait se faire à l’éducation préscolaire. Ni de par cœur. Par exemple, un enseignant peut demander : « est-ce possible ou impossible que tu aies une banane pour ta collation ce matin ? » avec les enfants lors de la causerie, afin d’éveiller leur pensée probabiliste. Toutefois, ce n’est pas comme enseigner les probabilités avec des attentes précises quant aux compétences à développer par les élèves (comme c’est le cas au primaire).</p>
<p>Dans le cadre de la maternelle, les savoirs et les concepts mathématiques sont présents, il n’y a pas de doutes, mais l’apprentissage se fait davantage en contexte de jeu. Les attentes varient d’un enfant à un autre.</p>
<p>L’enjeu qui nous préoccupe ici est la coexistence des pratiques dites « développementales » face à celles dites « scolarisantes » qui sont <a href="https://www.aepq.ca/wp-content/uploads/2021/05/RP_v59n2.pdf">incohérentes</a>.</p>
<h2>Les pratiques scolarisantes</h2>
<p>Les pratiques « scolarisantes » se situent en effet à l’opposé. Elles visent la transmission de certains savoirs ou compétences clés pour les apprentissages, dans ce cas-ci au primaire. Le rôle de l’enseignant est tout autre : diriger au lieu d’accompagner. Une posture qui fait abstraction d’une majorité des initiatives des enfants.</p>
<p>Prenons l’exemple d’une enseignante qui organise une activité d’enseignement lors de la plantation des graines de tournesol. Elle va donner étapes par étapes ce que les élèves doivent faire. L’approche scolarisante préconise des activités variées et dirigées par l’enseignante. Finalement, <a href="https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3490">cette approche a le rôle de guider les enfants vers des apprentissages prédéfinis</a> ».</p>
<p>Alors quelles sont les approches à préconiser ? Y’a-t-il des directions pédagogiques que les enseignants pourraient mettre en pratique du préscolaire jusqu’à la fin du primaire ?</p>
<h2>L’apprentissage par exploration</h2>
<p>L’apprentissage par exploration donne une place centrale à l’apprenant (que ce soit l’enfant du préscolaire ou même l’étudiant universitaire), sachant qu’il doit être actif et engagé dans ses apprentissages. Il est pertinent parce qu’il est cohérent avec l’approche développementale et ne s’inscrit pas dans une approche scolarisante.</p>
<p>L’apprentissage par exploration s’oriente vers la construction active des savoirs par les élèves. La réflexion, la recherche et le développement de la pensée par les élèves favorisent la création de nouvelles connaissances. À ce titre, le rôle de l’enfant est absolument central dans le développement de sa pensée.</p>
<p>Lors d’une situation d’apprentissage qui prône l’apprentissage par exploration, les initiatives des élèves sont le moteur de leurs apprentissages, tout comme les différentes expériences qui sont essentielles au développement de leur pensée et à leur compréhension des savoirs. Le fait de manipuler et de se faire questionner favorise sa compréhension. De plus, le <a href="https://journalhosting.ucalgary.ca/index.php/cjnse/article/view/70439">rythme de l’enfant est respecté</a>. En effet, c’est l’enfant qui explore la situation problème, réfléchit et tente d’y répondre : l’enseignant ne dicte pas le rythme des apprentissages.</p>
<h2>Les rôles de l’enseignant dans l’apprentissage par exploration</h2>
<p>En utilisant l’apprentissage par exploration dans sa pratique, l’enseignant voit son rôle comme celui d’accompagnateur. Ainsi, les activités sont planifiées et pilotées par l’enseignant en tenant compte des intérêts, des besoins et du rythme des élèves.</p>
<p>Certaines balises de l’activité peuvent être planifiées, mais l’enseignant les adapte à la situation et aux besoins de son groupe. Sa place est toute autre que dans une approche scolarisante.</p>
<p>Il soutient les efforts des enfants, les observe, les accompagne et les interroge pendant qu’ils sont en action. Il favorise les échanges. L’élève dispose de beaucoup de latitude puisqu’on lui permet de se questionner, de réfléchir, de prendre des initiatives : il est responsable de ses apprentissages. Cela demande une grande part de compétence de la part de l’enseignant puisqu’il doit être prêt à répondre rapidement aux besoins des élèves.</p>
<p>Est-ce que l’apprentissage par exploration dans les classes du préscolaire pourraient se retrouver au primaire ? N’est-ce pas le rôle fondamental de l’enseignant, d’observer, d’accompagner et de questionner des élèves qui prennent des initiatives, font des expériences et tout cela selon leur propre rythme ?</p>
<p>La construction active des savoirs par les élèves est un incontournable pour les enseignants. Il s’agit de ne pas recevoir des connaissances passivement afin de pousser la réflexion tout en favorisant la création de nouvelles connaissances. Il reste ainsi à se demander comment trouver le juste milieu entre accompagner et guider l’élève tout en lui permettant de construire ses apprentissages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160668/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les enseignants du primaire et du préscolaire reçoivent sensiblement la même formation. Or, l’approche entre ces deux niveaux est très différente.Charlaine St-Jean, Professeure à l'éducation préscolaire, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Marilyn Dupuis Brouillette, Professeure, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Naomie Fournier Dubé, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Thomas Rajotte, Professeur en didactique et orthopédagogie des mathématiques, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.