tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/economie-du-partage-28475/articleséconomie du partage – The Conversation2023-02-02T19:01:04Ztag:theconversation.com,2011:article/1973712023-02-02T19:01:04Z2023-02-02T19:01:04ZÉconomie du partage : Pourquoi Airbnb et Abritel ont-ils intérêt à avoir des loueurs et locataires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503449/original/file-20230106-10468-t24k4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7348%2C4912&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jouer les deux rôles aident à comprendre les inquiétudes de son vis-à-vis.</span> </figcaption></figure><p>Airbnb, Blablacar ou encore Ouicar sont autant d’acteurs de l’économie du partage qui ont bouleversé le marché des échanges de services depuis le début des années 2000. Ces plates-formes collaboratives, de notoriété internationale, jouent notamment un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01820276/">rôle de tiers de confiance</a> dans le cadre d’une relation impliquant des particuliers qui souhaitent mettre une ressource à disposition et ceux qui symétriquement vont en bénéficier. C’est le cas du covoiturage ou de la location de logement.</p>
<p>Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296317301509">services collaboratifs</a> permettent ainsi à tout un chacun d’être soit consommateur, lorsqu’on achète le service, soit prestataire, lorsqu’on le fournit. Certains utilisateurs peuvent également alterner entre ces deux rôles. Une famille peut ainsi proposer sa maison dans le Vercors à la location pendant qu’elle profitera de l’appartement d’un autre particulier à Londres. On parle là d’« interchangeabilité ».</p>
<p>Il nous est apparu que les entreprises de l’économie du partage ont tout intérêt à la favoriser. Dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296320301855#preview-section-snippets">recherches</a>, nous montrons notamment comment elle vient catalyser la confiance que les utilisateurs s’accordent entre eux.</p>
<h2>Se mettre à la place de l’autre</h2>
<p>Nous avons ainsi comparé les comportements des utilisateurs qui jouent chacun des deux rôles (les utilisateurs interchangeables) avec ceux des personnes qui se cantonnent à un seul. Il s’agissait notamment de voir si oui ou non les premiers échangeaient et participaient plus.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 222 personnes ayant participé au moins une fois à un service de location de courte durée <em>via</em> une plate-forme de type Airbnb ou Abritel. Chaque participant devait indiquer s’il avait été impliqué dans ce genre de service en tant que consommateur, prestataire, ou s’il avait joué les deux rôles.</p>
<p>Le répondant devait ensuite renseigner son <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103108000723">« degré de proximité sociale perçue »</a> vis-à-vis des autres utilisateurs de ce type de plate-forme, ce que l’on obtient avec des questions du type « les autres utilisateurs sont-ils des personnes semblables à vous ? » Puis nous l’interrogions sur son <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/isre.1040.0015">niveau de confiance</a> vis-à-vis des autres utilisateurs, par exemple, en lui demandant si d’après lui il s’agit de personnes honnêtes. Enfin, chacun devait préciser son intention de participer à ce type d’échanges collaboratifs dans le futur.</p>
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<p>Les résultats de notre enquête montrent que les individus ayant été à la fois consommateurs et prestataires ont tendance à percevoir les autres utilisateurs de la plate-forme comme plus proches d’eux socialement que les individus ayant joué un seul des deux rôles. Ce résultat s’explique par le fait que celles et ceux qui ont endossé les deux rôles tendent à avoir plus d’informations sur les deux types de situations, aller chez un inconnu et recevoir chez soi un inconnu. Ils développent ainsi une plus grande capacité à se mettre à la place de l’autre.</p>
<h2>Complémentaires aux notes et aux avis</h2>
<p>Dit autrement, qui fait preuve d’interchangeabilité peut, lorsqu’il est consommateur se former une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103110002490">représentation plus concrète</a> de ce qu’est un hôte ou un loueur d’un logement, et vice versa, ce qui revient à favoriser la proximité sociale perçue. Nos résultats montrent, de plus, que ces personnes développent une plus grande confiance envers les utilisateurs des plates-formes collaboratives, et cela favorise, <em>in fine</em>, leur intention d’y avoir à nouveau recours.</p>
<p>Ce résultat ne semble pas neutre pour les entreprises de mise en relation. Bien qu’elles jouent le rôle de tiers de confiance, les utilisateurs peuvent parfois être réticents à faire confiance à un inconnu, notamment lorsqu’il s’agit de faire un trajet en voiture avec lui ou de lui prêter son logement. L’enjeu pour les plates-formes collaboratives qui souhaitent développer davantage ce modèle économique est ainsi de favoriser la confiance entre utilisateurs à différents stades de l’expérience de service.</p>
<p>Parmi les leviers qui existent pour favoriser cette confiance, il existe déjà les avis, les notes et les vérifications effectuées par l’entreprise qui met consommateurs et prestataires en relation. Nous suggérons, grâce aux résultats de cette recherche, un autre moyen d’augmenter cette confiance, à savoir inciter les consommateurs à l’interchangeabilité, et donc à « passer de l’autre côté du miroir ». Cela, en augmentant la proximité sociale perçue des participants, permet en retour d’augmenter la confiance vis-à-vis des autres utilisateurs, et ainsi de favoriser l’intention d’utiliser des services collaboratifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197371/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce qui freine à proposer sa maison ou à se rendre dans celle d’un autre c’est la confiance. Et savoir ce que cela fait d’être à la place de l’autre avec lequel on échange permet de la développer.Stéphanie Nguyen, Maître de Conférences en sciences de gestion (Marketing), Aix-Marseille Université (AMU)Mohamed Didi Alaoui, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Côte d’AzurSylvie Llosa, Professeur en management des services, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809162022-04-18T15:49:01Z2022-04-18T15:49:01ZL’adolescence, un âge d’or pour l’économie du partage ?<p>Coworking, coliving, habitat participatif, covoiturage, jardin communautaire… le collaboratif est dans l’air du temps. Deux français sur trois ont déjà expérimenté l’économie collaborative, et 65 % sont prêts à échanger des objets qu’ils utilisent, d’après une <a href="https://www.toute-la-franchise.com/vie-de-la-franchise-A31171-collaboratif-economie-consommation.html">enquête réalisée par Odoxa</a> pour AlloVoisins auprès d’un échantillon de plus de 1000 Français âgés de plus de 18 ans.</p>
<p>Un style de vie qui se prépare à travers certaines pratiques de l’adolescence ? A cette période de la vie, les échanges de vêtements entre amis sont importants et très fréquents, en particulier chez les filles : une veste que se partagent deux amies, un débardeur qu’elles s’envoient par la poste pendant leurs vacances d’été pour maintenir le lien entre copines issues d’un même groupe… Plus de 50 % des filles, à cet âge, <a href="https://www.acrwebsite.org/volumes/1021387/volumes/v44/NA-44">échangent régulièrement</a> des petits hauts avec leurs copines (contre 20 % pour les garçons) et 56 % d’entre elles échangent régulièrement des accessoires de mode (écharpes, gants, bonnets…) (contre 20 % pour les garçons). Le phénomène s’éteint à la fin de l’adolescence.</p>
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<p>Le fait que ces pratiques soient plus systématiques chez les filles que chez les garçons peut s’expliquer par le fait que les amitiés se fonderaient plus sur la compétition ou la prise de pouvoir chez les garçons, et plutôt sur l’échange et la discussion du côté des filles. A cela s’ajoutent l’importance de l’apparence physique et du désir de plaire dans leur construction identitaire.</p>
<h2>Apprentissage du marché</h2>
<p>Nombre d’adolescentes participent à des <a href="https://www.wedemain.fr/ma-maison-demain/video-la-free-troc-party-une-brocante-friperie-ou-tout-est-gratuit/">« Free Troc Party »</a>. Cherchent-elles à sortir du jeu économique (elles y rentreront plus tard) pour apprendre de nouveaux modes d’échanges ? Ou, plus que sur leur rapport au marché, ces échanges nous renseignent-ils sur la socialisation à cet âge ? Quelles sont les règles qui régissent ces échanges vestimentaires et quelles sont les motivations des adolescentes à s’engager dans de telles pratiques d’échanges ?</p>
<p>En vue de répondre à ces questions, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cb.1460">étude qualitative</a> mêlant phase d’observations et entretiens a été menée auprès d’une vingtaine d’adolescentes âgées de 14 à 18 ans.</p>
<p>On peut d’abord penser que les adolescentes échangent des vêtements avec leurs copines pour des motivations d’ordre économiques : se procurer des vêtements différents à coût nul ou faible. Cette motivation est incontestable certes, mais elle est loin d’épuiser le sujet. D’autres motivations plutôt symboliques sous-tendent ces échanges de vêtements pouvant répondre à un besoin d’intégration dans un groupe.</p>
<p>Les formes d’échanges de vêtements diffèrent selon le degré de proximité : les camarades d’école, la meilleure amie ou les « bonnes copines ». Tous les lieux sont ouverts aux échanges, que ce soit au collège ou au lycée (périodes de récré, intercours, pause déjeuner, entrée ou sortie du collège/lycée) ou à la maison (en général, la chambre de l’adolescente et/ou de la copine en question).</p>
<p>Il y a emprunts et prêts ponctuels de vêtements avec des règles précises entre camarades de classe. L’adolescente réinvente un autre marché, non monétaire, dans le cadre de l’école, où elle apprend à appliquer les règles établies par l’institution : on ne prête qu’avec une contrepartie immédiate, l’échange est souvent court, limité à quelques jours, les conditions sont fixées dès le départ entre les deux copines…</p>
<p>« On s’échange des sweats avec des copines de classe mais je ne prête jamais sans rien en retour, c’est donnant donnant, on fixe les règles du jeu », déclare Pauline, 15 ans. Le système est rodé. L’échange avec les camarades de classe s’apparente plutôt à un échange économique, l’équivalence étant le moteur de l’échange économique et la transaction le support. Il s’agit en quelque sorte d’un apprentissage du marché : on est dans le domaine de la comptabilité avec un système de valeur – contre-valeur de nature différente que le système monétaire. La relation au sein des échanges marchands n’a pas besoin d’intimité ni de liens personnels entre les individus pour se maintenir.</p>
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<p>Les adolescentes peuvent aussi échanger des vêtements avec des « bonnes copines » (voisines, copines d’activités extrascolaires). Les règles sont alors plus flexibles, comme le raconte Morgane, 14 ans : « Je n’échange qu’avec Kenza ma voisine. Comme nous habitons juste à côté, c’est plus facile pour récupérer mes affaires. Si elle a quelque chose que je voulais mettre, je peux aller lui chercher et en 5 minutes. On ne fixe pas de durée à l’échange, c’est flexible. »</p>
<h2>Symboliques relationnelles</h2>
<p>On parle de partage, et non plus d’échange, quand il s’agit de « meilleures amies ». Dans le domaine vestimentaire, ces relations intimes se concrétisent dans le partage des espaces – le <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/36/5/715/1786743?redirectedFrom=fulltext&login=false">« partage » au sens de Belk</a>, comme la cabine d’essayage : « On essaie à deux dans la même cabine. On n’a jamais eu de complexes, on rentre, on sort, on essaie ensemble. Quand on dort chez l’une chez l’autre, on se prépare ensemble dans la même salle de bain avant de sortir et on se donne des conseils, raconte Chloé, 16 ans.</p>
<p>Le « vêtement pour deux » est une autre manifestation de cette logique fusionnelle. Cette fusion peut aller jusqu’à la (con)fusion des corps, gommant la notion même de propriété : « on achète une veste pour deux et on se la partage », note Corentine, 17 ans. Avec la meilleure amie, des adolescentes sont prêtes à tout partager sans condition, même des maillots de bain.</p>
<p>La meilleure amie sert en quelque sorte de substitut à la famille. C’est ainsi que Julie (16 ans) partage un tee-shirt pendant les grandes vacances avec sa meilleure amie : « Nous avons acheté un tee-shirt que nous nous envoyons par la poste pendant les grandes vacances, afin de se le partager pour maintenir le lien social entre nous malgré la distance physique ». Quand l’échange économique repose sur le transfert de possession individuelle (« Ce qui est à moi devient à toi »), le partage, quant à lui, est une possession commune (« L’objet partagé est le nôtre, et non le mien ou le tien »).</p>
<p>Contrairement aux idées préconçues, les adolescents ne sont <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-46183-001">pas si matérialistes</a> qu’on peut le penser : ils échangent, prêtent, empruntent, partagent. L’échange n’est pas le moyen de nier le marché mais plutôt le moyen d’inventer une autre forme de lien plus collaboratif et intime avec le groupe d’amis.</p>
<p>Ces échanges ont lieu directement entre les consommateurs adolescents et échappent ainsi au marché traditionnel. Cette « désintermédiation » a un impact non négligeable sur le <a href="https://www.editionsmardaga.com/products/les-business-models-de-demain">« business model »</a> des distributeurs. Conscientes de l’essor considérable des échanges entre consommateurs, de plus en plus d’entreprises, ciblant les jeunes, cherchent à mieux connaître ce phénomène et commencent à intégrer ces pratiques de consommation collaborative à leur activité, à travers les plates-formes d’échange de vêtements en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les adolescents, particulièrement les filles, s’échangent beaucoup de vêtements. Une façon d’être à la mode sans trop dépenser ? Mais aussi de s’inscrire dans un groupe.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1520482021-01-05T18:20:53Z2021-01-05T18:20:53ZLe digilocalisme, une réponse aux géants du numérique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376471/original/file-20201222-17-1a5sxjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=58%2C14%2C4785%2C3180&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le consommateur passif a été remplacé par un consommateur acteur, qui adopte tour à tour le rôle de fournisseur, de bénévole, ou de partenaire.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le développement des technologies numériques a favorisé l’émergence de géants du commerce de détail, tel Amazon, qui brouillent les frontières de la consommation. Or l’attrait pour l’achat local, exacerbé par la pandémie, fait émerger un autre phénomène : le « digilocalisme », grâce à des plates-formes qui combinent la consommation en ligne à l’intérêt local.</p>
<p>La pandémie a amené la fermeture des frontières et avec elle, la tentation de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1699783/coronavirus-crise-economie-delocalisation-agriculture">« relocaliser » la production</a> et de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/covid19-mondialisation-demondialisation">« recontinentaliser » les chaînes d’approvisionnement</a>, tandis que les grandes plates-formes comme Amazon sont <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/les-geants-du-detail-sortent-grands-gagnants-de-la-crise-de-la-covid-19-9a792c3cdd72b1c7e75120efd17e48c3">critiquées pour profiter du malheur engendré par la crise</a>.</p>
<p>Ainsi ont émergé des plates-formes comme le <a href="https://www.lepanierbleu.ca/">Panier Bleu</a>, <a href="https://www.mazonequebec.com/en">Ma Zone Québec</a>, <a href="https://www.boomerangfidelite.com/">Boomerang, inc</a>, <a href="https://www.letoiledulac.com/economie/jachete-au-lac-trium-medias-lance-un-centre-dachat-virtuel-2/">J’achète au Lac</a>, ou la <a href="https://www.grenier.qc.ca/nouvelles/22102/sgm-et-mediavore-developpent-une-solution-de-commerce-electronique">première plate-forme de commerce électronique locale pour les centres commerciaux</a> et <a href="https://www.lequotidien.com/actualites/la-cooperative-de-transport-eva-fera-son-entree-a-saguenay-le-11-octobre-788306ad0e97a784e563fd63f507c6a0">EVA</a> qui permet de devenir chauffeur dans un cadre coopératif et d’avoir une influence en tant que propriétaire de l’entreprise.</p>
<p>Ces configurations ont l’avantage de <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1052/874">redonner du sens aux activités de consommation et de production</a>. Et, en ces temps de transition, du sens, n’est-ce pas ce que les individus cherchent de plus en plus ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pandemie-va-t-elle-vraiment-changer-nos-habitudes-137947">La pandémie va-t-elle (vraiment) changer nos habitudes ?</a>
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<h2>L’ère du consommateur-fournisseur</h2>
<p>Que ce soit par l’intermédiaire de plates-formes de covoiturage comme Eva, d’échanges entre particuliers comme Kijiji, de sociofinancement comme Ulule, ou encore de solution de place de marché (<em>marketplace</em>) comme <a href="https://www.dvore.com/">Dvore</a>, le concept de consommateur-fournisseur est ce qui permet cette transition.</p>
<p>Depuis le début du 20e siècle, les modes de production et de consommation ont été dissociés. Le consommateur a endossé essentiellement le rôle d’acheteur. De nos jours, de nouveaux concepts croisant les deux modes apparaissent. Pensons à la <a href="https://hbr.org/2010/10/beyond-zipcar-collaborative-consumption">consommation collaborative</a>, <a href="http://oikonomics.uoc.edu/divulgacio/oikonomics/en/numero14/dossier/mErtz.html">l’économie du partage</a> ou le <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2019-2-page-92.html">capitalisme basé sur la foule</a>. Le consommateur passif est remplacé par un consommateur acteur, qui adopte tour à tour le rôle de fournisseur, de bénévole, ou de partenaire.</p>
<p>Par exemple, au sein de <a href="https://nousrire.com/">NousRire</a>, un groupe d’achat d’aliments écoresponsables en vrac québécois, le <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1192/1024">client adopte le rôle de fournisseur, de bénévole, et plus largement de partenaire de l’organisation</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376473/original/file-20201222-15-qebju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le groupe d’achat NousRire, le client joue tour à tour le rôle de consommateur, bénévole, fournisseur et partenaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran du site www.nousrire.com</span></span>
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<p>La grande distribution n’est pas en reste. La <a href="https://www.ikea.com/fr/fr/customer-service/services/seconde-vie-des-meubles-pub92e7c9c0">seconde vie des meubles</a> d’<em>IKEA France</em> ou le <a href="https://www.bibamagazine.fr/mode/marks-spencer-lance-le-concept-clothes-exchange-en-france-26625.html"><em>shwopping</em></a> (contraction de <em>shopping</em> et <em>swap</em>) de Marks & Spencer, qui reprend les vêtements usagés en magasin, fonctionnent sur le même principe du consommateur-fournisseur.</p>
<p>Pour traiter de ce nouveau type de consommateurs, <a href="https://www.consoglobe.com/economie-collaborative-histoire-cg">Rachel Botsman et Roo Rogers ont popularisé la notion de consommation collaborative</a>, où le consommateur peut devenir fournisseur grâce à des plates-formes et des applications. C’est le cas avec Facebook Marketplace, Kijiji, InstaCart ou encore VarageSale.</p>
<h2>Pas seulement pour économiser</h2>
<p>Mais qu’est-ce qui motive le recours à ces types d’échanges ? Si les raisons financières et utilitaires priment pour les acquéreurs et les fournisseurs, les <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1195/1026">fournisseurs sont également fortement motivés par autre chose que l’unique aspect financer</a>. La valeur de ce qu’ils fournissent est souvent supérieure à la compensation obtenue en échange. Le fournisseur doit donc être motivé par autre chose que le seul gain financier pour investir des efforts dans un tel échange. Ces actions peuvent être motivées par la contrainte, la socialisation, la volonté de contribuer à la société, voire l’altruisme.</p>
<p>Les individus disposent d’une variété de plates-formes pour échanger, mais aussi pour former, conseiller, notamment avec <a href="https://www.coursera.org/">Coursera</a>, ou impartir des tâches grâce à <a href="https://www.mturk.com/">Amazon MTurk</a>, par exemple.</p>
<p>Dans la santé, s’opère actuellement une <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1196/1027">transition vers la santé numérique</a>, qui <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1196/1027">répartit mieux l’offre de santé au sein de territoires</a> et permet aux individus de <a href="https://www.uqac.ca/blog/2019/12/12/le-labonfc-etudie-les-effets-des-communautes-de-patients-en-ligne-dans-le-domaine-de-la-sante/">donner des conseils et d’intervenir</a> sur des forums, des groupes ou des communautés de patients en ligne.</p>
<h2>Démocratiser les marchés</h2>
<p>Le secteur financier s’est aussi démocratisé. Les plates-formes de sociofinancement comme Ulule permettent aux individus de donner ou d’investir dans des projets portés par d’autres personnes, tandis que les plates-formes comme <a href="https://www.etoro.com/fr/">eToro</a> démocratisent l’investissement dans les marchés financiers. Ces plates-formes permettent ainsi, par les individus, de <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1200/1030">drainer du capital dans des zones négligées par l’investissement public ou privé</a> pour redynamiser des économies locales.</p>
<p>Les cryptomonnaies et la chaîne de blocs constituent un autre cas d’intérêt. Des milliers de cryptomonnaies existent, comme le Bitcoin, et les mineurs se substituent aux banques centrales. Le projet de <a href="https://forex.quebec/cryptomonnaie-libra-facebook-change-nom-diem/">cryptomonnaie Diem de Facebook</a>, laisse entrevoir l’émergence d’un « écosystème numérique total », une société centrée sur l’individu, dématérialisée et démonétisée.</p>
<p>L’Inde a déjà tenté de mettre en place une <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/inde-un-an-apres-la-demonetisation-le-cash-de-nouveau-roi-1254391">société sans argent liquide</a>, en 2016. Cette politique a eu des impacts sur les pratiques spécifiques aux pays émergents, dont le paiement comptant à la livraison, qui est devenu le <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1197/1028">paiement à la livraison</a>. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Les transactions collaboratives souvent informelles devinrent certes beaucoup plus fluides, mais totalement traçables et taxables !</p>
<h2>Une économie controversée</h2>
<p>L’économie collaborative constitue probablement la manifestation la plus visible, la plus documentée, et la plus controversée de cette reconfiguration des échanges marchands. L’industrie hôtelière se plaint d’Airbnb et les taxis en ont contre Uber, car tout le monde peut désormais héberger ou transporter d’autres personnes contre rémunération. Les batailles à ce sujet se sont soldées par <a href="http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/E-14.2">certaines lois plus accommodantes</a>, amenant ces plates-formes à <a href="https://www.lesaffaires.com/techno/produits-electroniques/uber-veut-etendre-son-offre-de-service-partout-au-quebec/619478">renforcer leurs activités au Québec</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lempreinte-environnementale-de-leconomie-numerique-menace-la-planete-130993">L’empreinte environnementale de l’économie numérique menace la planète</a>
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<p>Pour les autorités, cette normalisation permet aussi de transférer au secteur privé la charge de satisfaire des besoins devant, autrement, être pourvus par le secteur public. Dans le transport, par exemple, l’offre de services de covoiturage permet de pallier le manque de services publics de transport en commun. Les <a href="https://onlinemba.wsu.edu/blog/how-the-sharing-economy-is-transforming-business/">citoyens sont également attachés à ces pratiques, car elles satisfont nombre de leurs besoins, tout en maximisant l’utilisation des ressources dormantes, en permettant un meilleur accès aux ressources pour les plus démunis, et en baissant le chômage</a>.</p>
<p>Toutefois, il n’est pas certain <a href="https://korii.slate.fr/biz/livre-desuberiser-reprendre-controle-uber-economie-plateformes-reflexions-solutions">dans quelle mesure ces plates-formes dégradent le travail ou si elles le réinventent en faisant du fournisseur un « entrepreneur »</a>.</p>
<h2>Une illusion de pouvoir ?</h2>
<p>Il faut également <a href="https://korii.slate.fr/biz/livre-desuberiser-reprendre-controle-uber-economie-plateformes-reflexions-solutions">comprendre les transformations que les algorithmes des plates-formes génèrent</a> en matière de gouvernance, d’inclusion et de droits des utilisateurs. En effet, la quantité exponentielle de données générée par les plates-formes accroît la capacité des firmes dominantes à <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2019-4-page-47.htm">identifier très tôt les besoins des utilisateurs et à évaluer très précisément leurs capacités de paiement</a>, ce qui peut amener à de la discrimination. De plus, les plates-formes présentent une forte opacité des prix, car elles personnalisent et ajustent souvent les prix en temps réel en <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2019-4-page-47.htm">fonction de chaque utilisateur</a>.</p>
<p>Par ailleurs, l’économie collaborative demeure monopolisée par des géants technologiques, laissant peu de place à l’émergence ou à la survie de plates-formes plus modestes. Donc, en somme, le consommateur a une illusion de pouvoir en devenant un fournisseur – que l’on appelle entrepreneur, flexi travailleur ou travailleur autonome – au service de méga-platesformes.</p>
<p>Le digilocalisme peut-il faire sa place dans cet univers ? Ces plates-formes nées de la pandémie dans un élan de soutien à l’économie locale ont-elles des chances de survie à plus long terme ?</p>
<p>Selon une étude de cas des plates-formes de covoiturage de petite et moyenne taille en Chine, la <a href="http://revues.uqac.ca/index.php/revueot/article/view/1194/1039">seule chance de survie des plates-formes plus modestes</a> réside dans le fait de combler les besoins non pris en compte par les géants, dont les segments de clients desservis, les partenaires essentiels, la proposition de valeur offerte, ainsi que la structure des coûts et de revenus.</p>
<p>Il est néanmoins certain que les développements récents en technologies numériques ont donné davantage d’occasions de contribution aux individus. Cette transition numérique déjà bien amorcée s’est accélérée avec la pandémie de la Covid-19 et ne s’arrêtera probablement pas de sitôt !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152048/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Ertz fait partie du regroupement Des Universitaires (DU) et a obtenu des subventions de recherche du Conseil de Recherches en Sciences Humaines (CRSH), du Fonds de Recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC), de la Fondation de l'UQAC (FUQAC), ainsi que du Fonds de Développement Académique du Réseau (FODAR) de l'Université du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:imen_latrous@uqac.ca">imen_latrous@uqac.ca</a> receives funding from Université du Québec à Chicoutimi. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Damien Hallegatte et Julien Bousquet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La pandémie a fait émerger des plates-formes comme Le Panier Bleu ou Ma Zone Québec, qui combinent le commerce en ligne et l’achat local. Ces initiatives ont-elles un avenir à long terme ?Myriam Ertz, Professeure adjointe en marketing, responsable du LaboNFC, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470512020-10-13T18:11:46Z2020-10-13T18:11:46ZLa lutte pour une agriculture libre : bricoler et partager pour s’émanciper<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361032/original/file-20201001-22-v57jkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1495%2C958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bricoler et partager devient un geste politique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/latelierpaysan/28004031801/in/album-72157667806902633/">L'Atelier Paysan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fabriquer ses propres machines, réparer son tracteur, échanger des semences, utiliser des logiciels open source : voici des actions qui visent à rendre les agriculteurs plus libres et plus autonomes. Ce sont des gestes qui montrent que le bricolage et le partage sont loin d’être des activités banales, mais des actes politiques.</p>
<p>Mais « libre » et « autonome » par rapport à quoi ? On dresse souvent le constat suivant : l’agriculture est devenue un <a href="https://www.northatlanticbooks.com/shop/soil-not-oil/">système verrouillé</a> et dépendant de quelques grandes entreprises. Les machines agricoles, vendues par des entreprises comme Iseki & Co (Japon) ou John Deere (Etats-Unis), sont de vraies boîtes noires, <a href="https://asmedigitalcollection.asme.org/memagazineselect/article/140/09/37/366630/Can-You-Repair-What-You-Own-For-Many-People-who">peu accessibles</a> et peu adaptables. La complexité des tracteurs les rend difficilement réparables par les agriculteurs.</p>
<p>Concernant les semences, il y a une situation de monopole avec trois multinationales (Bayer-Monsanto, ChemChina-Syngenta et Dow-DuPont) qui <a href="https://www.law.georgetown.edu/environmental-law-review/wp-content/uploads/sites/18/2019/05/GT-GELR190018.pdf">dominent le marché</a>. Et la plupart des logiciels utilisés dans les exploitations agricoles sont propriétaires (comme Agri4D, un logiciel de gestion pour arboriculteurs, céréaliers et vignerons, ou les logiciels de l’entreprise Isagri). La liste des conséquences négatives de cette emprise du marché sur les agriculteurs est longue : des prix élevés, des agriculteurs endettés, des produits standardisés, une diversité végétale et animale en décroissance, une vision d’une agriculture très productiviste et peu éthique, une dépendance envers les acteurs privés, une dévaluation et disparation des savoirs locaux et ancestraux notamment.</p>
<h2>Promouvoir l’autoconstruction</h2>
<p>Pour offrir des alternatives à cet ordre des choses, plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années. Pour promouvoir l’autoconstruction d’équipements agricoles, des réseaux comme <a href="https://farmhack.org/tools">Farmhack</a> ont été lancés aux États-Unis (en 2011) puis en Angleterre (2015) et aux Pays-Bas (2016). En Grèce, la coopérative <a href="https://www.gocrete.net/melitakes/">Melitakes</a>, créée en 2016, s’est notamment lancée dans l’autoconstruction d’une batteuse de pois chiches. Et en France, des ateliers d’autoconstruction sont organisés à partir de 2009, donnant lieu à la création de <a href="https://www.latelierpaysan.org/">L’Atelier paysan</a> en 2014. Tous ces collectifs militent pour une autonomie « équipée » dans le double sens du terme : une autonomie qui se réalise à travers des équipements et une autonomie qui se transmet en équipe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fabriquer soi-même une récolteuse de légumes, c’est possible. Ici le modèle inventé et partagé par Nikos Stefanakis et le groupe Melitakes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://i3.cnrs.fr/wp-content/uploads/2019/12/i3WP_19-CSI-02-Pantazis-Meyer.pdf">Alekos Pantazis</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’Atelier paysan est une coopérative qui promeut « une conception ascendante, inédite et subversive de machines et de bâtiments adaptés ». En pratique, l’Atelier paysan a formé environ 1 700 personnes et réalisé environ 80 tutoriels. La coopérative réalise et diffuse des plans de construction de machines agricoles sous licence libre (une licence qui permet d’user, modifier et redistribuer une œuvre). Une grande diversité de techniques est traitée, que ce soit des serres mobiles, des brosses à blé, ou encore des dérouleuses à plastiques par exemple. L’Atelier paysan plaide pour une <a href="https://www.latelierpaysan.org/Plaidoyer-souverainete-technologique-des-paysans">« souveraineté technologique »</a> des paysans et se positionne en faveur du <em>low-tech</em>. En même temps, il critique le modèle productiviste et fordiste de l’agriculture et une trop grande foi dans le numérique.</p>
<h2>La lutte pour la réparabilité</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le <em>hacking</em> de tracteurs.</span>
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<p>L’autoconstruction va de pair avec la capacité de réparation des machines agricoles. La réparabilité des tracteurs est devenue l’exemple le plus médiatisé dans le domaine. L’histoire du <a href="http://openscience-thebetterscience.blogspot.com/2017/06/hacking-tractors-code-me-hacking.html">« hacking » de tracteurs</a> débute en 2017 quand des agriculteurs américains commencent à utiliser des logiciels piratés pour pouvoir réparer eux-mêmes leurs tracteurs de la marque John Deere. Leur action s’explique par le fait qu’il est techniquement et légalement impossible de réparer soi-même ces tracteurs. Seuls les techniciens de l’entreprise et les concessionnaires agréés peuvent réaliser le travail de réparation, car c’est eux seuls qui possèdent les logiciels indispensables pour faire le diagnostic, authentifier les pièces de rechange, redémarrer le moteur, etc. À ce problème s’ajoute le fait que la réparation est un processus lent et cher.</p>
<p>Ce qui, au départ, était une frustration technique et économique s’est vite transformé en <a href="https://www.vice.com/en_us/article/a34pp4/john-deere-tractor-hacking-big-data-surveillance">combat politique et juridique</a>. D’un côté, les agriculteurs se mobilisent pour que des projets de loi, comme le « Fair Repair Act », puissent contrecarrer les pratiques commerciales des constructeurs. Les agriculteurs demandent un « right to repair ». De l’autre côté, des acteurs comme John Deere (et aussi Apple) ont fait <a href="https://www.theguardian.com/environment/2017/mar/06/nebraska-farmers-right-to-repair-john-deere-apple">pression</a> – avec succès jusqu’ici – pour qu’un nouveau cadre légal ne voit pas le jour. En Europe, les débats autour du droit à la réparation ont aussi lieu actuellement, avec notamment les efforts de la <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_19_5895">Commission européenne</a> pour instaurer le droit à la réparation pour tous les produits électroniques, en vigueur d’ici 2021.</p>
<h2>Les semences paysannes</h2>
<p>La semence est un autre objet à travers lequel se joue une bataille similaire : la majorité des semences sont commercialisées par des entreprises, qui en détiennent les droits de propriété intellectuelle à travers de brevets. Par conséquent, le libre-échange des semences et le développement de nouvelles variétés par les agriculteurs sont devenus rares. Ce qui était un bien partagé pendant des milliers d’années, développé et maîtrisé par les agriculteurs, est devenu un bien privé, avec une marchandisation qui se développe surtout à partir de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Les mouvements autour des « semences paysannes » – et, plus largement, l’<a href="https://www.tandfonline.com/toc/fjps20/47/4">activisme des semences</a> – sont nés pour retransformer ce bien privé en bien commun, que ce soit dans des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Australie. En <a href="https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/30713">Europe</a>, le mouvement s’est développé surtout dans les années 2000, par exemple en <a href="https://www.semencespaysannes.org/">France</a>, en <a href="https://redsemillas.org/">Espagne</a> et en <a href="https://www.semirurali.net/">Italie</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.semencespaysannes.org/">Réseau semences paysannes</a> est un collectif qui revendique une « autonomie semencière » et milite pour « défendre les droits fondamentaux des paysans sur leurs semences » en construisant « une alternative collective aux variétés industrielles ». Au niveau législatif, le combat des réseaux de semences paysannes a porté ses fruits : la vente de semences paysannes sera autorisée en Europe à partir de 2021. Mentionnons aussi l’initiative états-unienne <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03066150.2013.875897">Open Source Seed Initiative</a>, fondée en 2012, qui s’inspire des instruments juridiques du mouvement des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02374528">logiciels open source dans le domaine de la sélection végétale</a>. Elle a notamment développé un « pledge » (gage) qui défend les libertés open source des semences, c’est-à-dire la liberté de les conserver, replanter, partager, échanger, étudier et adapter.</p>
<h2>Des mondes sociotechniques à analyser</h2>
<p>Les mobilisations autour de l’autonomie, du bien commun et du partage ne sont évidemment pas récentes. Il est cependant intéressant d’observer que de nombreux collectifs se sont constitués ces dernières années pour défendre une agriculture plus souveraine et autonome, et que de nouveaux outils techniques et juridiques sont mobilisés dans ce combat. Des changements sémantiques voir éthiques ont lieu, avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1051/agro/2009004">l’agro-écologie</a>, l’open source et la transition comme nouvelles références importantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour réparer des machines agricoles, il faut parfois faire appel à des compétences en électronique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tractorhacking.github.io/documentation/FutureReverseEngineering.html">Tractor hacking</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les luttes pour une agriculture libre représentent des lieux empiriquement très riches, car elles rendent visibles et palpables les mondes sociaux des différents acteurs. Elles font apparaître une diversité d’enjeux – autour de l’autonomie, la convivialité, l’identité, le numérique, le design, les savoirs et apprentissages en jeu, les dimensions et tensions politiques, juridiques et économiques, les <a href="http://www.p2plab.gr/en/"><em>communs</em> et le <em>peer-to-peer</em></a>. Elles montrent que des objets comme une graine ou un tracteur soulèvent des questions d’ordre juridique et que le bricolage, le piratage et le partage sont, plus que jamais, des gestes politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147051/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgan Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face au verrouillage des machines agricoles et des semences par des industriels, des agriculteurs utilisent les outils des communs pour promouvoir une agriculture libre.Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1369152020-04-27T17:46:40Z2020-04-27T17:46:40ZTrier, réemployer, réparer, entretenir : confinés, quatre conseils pour une consommation plus sobre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=114%2C73%2C2892%2C1917&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un Français sur deux affirme avoir déjà réparé lui-même un objet électronique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/PZLgTUAhxMM"> K I L I A N / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En cette période de sédentarité contrainte, nos achats sont drastiquement réduits : cafés, restaurants et magasins sont pour la plupart fermés, nos dépenses hors loyers et énergie se résument donc globalement à l’alimentation. Le 9 avril, l’Insee annonçait que la consommation des Français <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4478214?sommaire=4473296">avait chuté de 35 %</a> depuis le 16 mars, veille de la mise en place du confinement.</p>
<p>L’occasion de questionner nos besoins réels, de redécouvrir toutes les ressources que renferment nos maisons et nos appartements, et de faire le tri entre l’utile et l’artificiel. Depuis 1960, les ménages <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-consommer-responsable.pdf">ont multiplié par trois</a> leur consommation, comme le rappelle l’Ademe.</p>
<p>Et chacun de nous génère en <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/dechets_chiffres_cles_essentiel2018_infographie_010691.pdf">moyenne 568 kg</a> de déchets par an, soit deux fois plus qu’il y a 40 ans.</p>
<h2>Redécouvrir des trésors cachés (et faire le tri)</h2>
<p>Nos caves, garages et placards regorgent d’objets tombés pour beaucoup dans l’oubli. Pour s’en rendre compte, quelques chiffres : en France, chacun de nous possède en <a href="https://www.ademe.fr/particuliers-eco-citoyens/achats/electromenager">moyenne 99 équipements électriques et électroniques</a>, et croit en détenir 34. Sur cette centaine d’objets, 6 en moyenne ne sont jamais utilisés.</p>
<p>Profitons du confinement pour faire l’inventaire de ce que nous avons, et réalisons le tri entre ce que nous utilisons, ce qui fonctionne mais que nous n’utilisons pas, et ce qui ne fonctionne plus.</p>
<p>C’est l’occasion de redécouvrir des vêtements à remettre ou équipements à réutiliser et d’identifier les objets à renvoyer dans d’autres circuits, afin qu’ils tombent dans des mains qui en auront besoin : le don ou la vente de seconde main. Rappelons que le don, la revente et la réutilisation ont évité <a href="https://presse.ademe.fr/2017/11/etudes-la-reparation-le-reemploi-et-la-reutilisation-des-objets-sancrent-dans-les-habitudes-des-francais.html">1 million de tonnes de déchets</a> en 2017.</p>
<p>Bien sûr, il faudra attendre le déconfinement pour apporter les biens dont nous souhaitons nous débarrasser dans des structures adéquates, mais nous pouvons dès à présent les mettre de côté. Dans un second temps, les solutions sont nombreuses : sites de dons (comme <a href="https://www.geev.com/">Geev</a> ou <a href="https://www.bondebarras.fr/">Bon débarras</a>), associations caritatives, friperies, vide-greniers ou dépôts-ventes.</p>
<p>Au geste environnemental qui consiste à éviter la production superflue de biens neufs, s’ajoute le geste social qui permet à des personnes d’accéder gratuitement ou à coût minime à un bien dont elles ont besoin.</p>
<h2>Apprendre à réparer</h2>
<p>Par ailleurs, plutôt que de jeter les équipements électriques ou électroniques qui nous paraissent défectueux, pensons à la réparation. En moyenne, chaque Français envoie à la poubelle <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/registre-deee-donnees-2018-rapport.pdf">entre 20 et 24 kg d’équipements électriques ou électroniques ménagers</a>. Une grande partie sans qu’on ait tenté de les réparer.</p>
<p>Si les magasins dédiés sont eux aussi fermés, nous sommes capables d’effectuer un certain nombre de petites réparations, un Français sur deux déclare d’ailleurs avoir déjà remis en marche un appareil électronique. C’est l’occasion de découvrir comment fonctionnent les équipements. Certaines réparations exigent d’ailleurs très peu de matériel. Parfois, un tournevis ou une aiguille et un fil suffisent.</p>
<h2>Donner une seconde vie aux objets</h2>
<p>Au-delà des équipements, de nombreux objets peuvent être détournés et réemployés à une fonction nouvelle. Votre pot de moutarde devient un contenant pour des légumes secs ou du rangement, et un vieux T-shirt devient alors un chiffon.</p>
<p>Mais vous pouvez également faire preuve de créativité en vous lançant dans l’<em>upcycling</em>, qui consiste à composer à partir de différents objets un nouvel appareil ou un nouveau vêtement. Customiser une vieille robe, la transformer en jupe ou en déguisement, par exemple.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/q9WoZo-4GwA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« La robe » (Ademe).</span></figcaption>
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<h2>Entretenir pour allonger la durée de vie</h2>
<p>Habits, équipements électroniques, équipements sportifs… un certain nombre d’équipements requièrent un entretien régulier pour prolonger au maximum leur durée de vie. Comme nous bichonnons notre voiture, il serait logique de prendre soin de l’ensemble de nos objets, et bien sûr aussi de notre habitat. Pour cela, quelques produits suffisent, parfois même un peu de vinaigre blanc ou de bicarbonate de soude.</p>
<p>Une <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/nos-objets-ont-plein-davenirs">étude réalisée par l’Ademe</a> montre qu’allonger la durée de vie de l’ensemble du parc français de téléviseurs d’un an (que ce soit par l’entretien, le don, la revente), passant de 8 à 9 ans, le gain environnemental serait de 1,7 million de tonnes de CO<sub>2</sub>, soit les émissions annuelles d’une ville comme Lyon. De même, si nos smartphones étaient utilisés un an de plus, 181 000 tonnes de CO<sub>2</sub> seraient évitées, soit les émissions sur un an d’une ville de 45 000 habitants.</p>
<p>Veiller à réparer et à entretenir nous permettra de conserver les objets plus longtemps, et ainsi d’éviter un renouvellement très fréquent. Sur la garde-robe des Français, les chiffres sont frappants. Depuis 10 ou 15 ans, son volume a augmenté de 60 %, avec des habits que l’on garde deux fois moins longtemps. Si les producteurs ont un rôle considérable à jouer de leur côté sur la qualité des produits qu’ils nous vendent et la réduction de la fréquence de renouvellement des gammes, nous pouvons nous aussi contribuer à plus de sobriété.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136915/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Galio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Notre consommation a subi un coup de frein brutal avec le confinement. L’occasion d’interroger nos besoins et de redécouvrir les objets inutilisés dont regorgent nos logements.Pierre Galio, Chef du service « Consommation et prévention », Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1271842019-12-06T08:23:28Z2019-12-06T08:23:28ZL’auto-stop réinventé par Rezo Pouce : au-delà de la belle histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304724/original/file-20191202-67011-q0pag8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C275%2C1767%2C1158&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux auto-stoppeurs usagers de Rezo Pouce.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span></figcaption></figure><p><strong>Comme l’ont montré les « gilets jaunes », la voiture est un élément essentiel dans de nombreux territoires. Sans elle, l’exclusion guette. Pourquoi alors ne pas favoriser des formes de partage, y compris l’auto-stop ? Développer une pratique qui a toujours été marginale n’est pas si simple. Chronique d’une aventure entrepreneuriale initiée à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne : Rezo Pouce.</strong></p>
<p>« Ce qu’il y a d’intéressant dans votre révolte, c’est qu’elle met l’imagination au pouvoir », disait Jean‑Paul Sartre à Daniel Cohn-Bendit en 1968. Nombre de soixante-huitards ont toutefois pu découvrir ensuite qu’il n’est pas aisé de laisser la bride à l’imagination lorsqu’on exerce le pouvoir. Mais l’éloge de l’imagination peut conduire sur une fausse piste si on la réduit à l’originalité d’un propos, d’une cause, d’une revendication ou d’un nouveau produit. Son sort se joue en effet souvent sur le <em>comment faire</em> plutôt que sur le <em>quoi faire</em>.</p>
<h2>Une mise en œuvre très imaginative</h2>
<p>Adjoint au maire en charge du Développement durable de Moissac, ville du Tarn-et-Garonne de 13 000 habitants, Alain Jean se penche en 2010 sur la question de la mobilité : 15 % des ménages ruraux ne possèdent pas de voiture et 50 % n’en ont qu’une, ce qui immobilise les autres personnes au foyer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alain Jean.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span>
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<p>Il lui vient une idée : réhabiliter l’auto-stop. Cela résoudrait beaucoup de problèmes de mobilité quotidienne, diminuerait les encombrements et la pollution, et créerait du lien social. Il s’agit d’une des formes les plus anciennes de l’autopartage, mais son image est désuète. Si Michel Fugain l’a placé haut dans l’imaginaire français avec sa « belle histoire », c’était justement dans la lignée de 1968. Depuis la pratique est restée marginale, réservée aux étudiants sans-le-sou qui attendent pendant des heures une bonne âme aventureuse. Car l’auto-stop fait peur. Autant au conducteur qu’à l’auto-stoppeur.</p>
<h2>Des rites bien pensés</h2>
<p>Le manque de confiance est le premier frein des activités humaines, commerciales ou non. Tous les initiateurs de projet doivent interroger leur « bonne idée » à l’aune de cet écueil. Le produit, le service, la pratique promus sont-ils rassurants pour le consommateur comme pour le producteur ?</p>
<p>BlaBlaCar a longtemps buté sur cette difficulté. C’est en traçant et en notant les conducteurs sur son application que les premiers freins se sont desserrés chez les transportés. Les accords noués avec les compagnies d’assurances ont ensuite apporté leur lot à la construction de la confiance. Pour les conducteurs, c’est le paiement de la participation aux frais réalisé à l’avance et via l’application qui les a convaincus qu’ils ne perdraient plus leur temps à attendre un covoituré qui ne viendrait pas sur le parking d’un supermarché un soir de pluie.</p>
<p>C’est sur ce même point que l’équipe du projet appelé Rezo Pouce a fait preuve d’imagination en créant des rites de nature à créer la confiance et instaurer des habitudes.</p>
<ul>
<li><p>La <em>carte d’auto-stoppeur</em> que reçoivent les personnes s’inscrivant au dispositif sur Internet ou en mairie après avoir validé une charte et remis une photo ou scan de pièce d’identité. Chaque personne inscrite reçoit son kit d’information pour lui permettre de mieux appréhender l’auto-stop, en connaître les avantages et les limites.</p></li>
<li><p>Les inscrits se reconnaissent entre eux, soit par la fiche de destination qu’ils peuvent réaliser à partir du site, soit, pour les conducteurs, par le macaron qu’ils reçoivent et apposent sur leur pare-brise.</p></li>
<li><p>Les arrêts d’auto-stop. Pour inscrire l’auto-stop dans le territoire, l’idée, géniale, est venue de créer des arrêts d’auto-stop, installés à des endroits où prendre des passagers sans danger. L’auto-stoppeur s’y rend muni d’une fiche indiquant sa destination. On en trouve près des gares, à la sortie des agglomérations et dans divers hameaux du territoire.</p></li>
</ul>
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<h2>Une croissance fulgurante</h2>
<p>Le démarrage est très lent, comme le rappelle Alain Jean :</p>
<blockquote>
<p>À Moissac, je jouissais, comme membre de l’équipe municipale, de la confiance du maire. Puis les communes voisines ont suivi, mais les comportements changent lentement. La première année, 1,5 % à 2 % des Moissagais se sont inscrits. Après neuf ans d’existence, ils sont 7 %, ce qui est considérable. Nous avons beaucoup travaillé, avec des psychologues et des anthropologues, sur l’image de l’auto-stoppeur, car bien des gens avaient l’impression de se dégrader en sollicitant ce service. Nous avons communiqué pour faire évoluer les mentalités. Nous avons accompagné les personnes dont c’était la première expérience.</p>
<p>Nous formons désormais des animateurs de transition, qui visitent les territoires et aident au développement de cette nouvelle formule, en s’assurant la collaboration des mairies, des CCAS, des missions locales de service public, et parfois même du département, voire de la région. Nous n’imaginions pas en 2010 que notre petite association prendrait une telle ampleur !</p>
</blockquote>
<p>Nombreuses sont en effet les collectivités qui adoptent le dispositif. Elles étaient 150 en 2015 et plus de 2000 aujourd’hui. Elles prennent un abonnement au réseau, en assurant la gratuité du dispositif aux usagers. Les tests et les retours indiquent que la moitié des auto-stoppeurs attendent aujourd’hui moins de 5 minutes, et 90 % moins de 10 minutes, pour une moyenne de 15 km. Autant de femmes que d’hommes utilisent Rezo Pouce.</p>
<p>Rezo Pouce a créé une application sur smartphone. Il expérimente aussi un Rezo Senior, permettant de prendre rendez-vous un ou deux jours à l’avance. Une version Rezo Pro facilite le covoiturage domicile-travail dans les entreprises. Celles-ci paient l’abonnement, en offrant la gratuité du service à leurs salariés, voire même en leur proposant des gratifications (places de cinéma, de concert, de piscine, etc.) pour les inciter à pratiquer le covoiturage. Le développement, et la communication, du réseau sont appuyés par des défis par exemple des courses d’auto-stop.</p>
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<p>Alain Jean préside le réseau et anime une équipe de 11 salariés et de plusieurs dizaines de bénévoles sur l’ensemble du territoire. Rezo Pouce devrait donc largement couvrir les territoires ruraux français, jusqu’aux villes petites et même moyennes.</p>
<h2>Des enseignements à méditer</h2>
<p>Le fameux effet réseau qui couronne de succès de nombreuses initiatives à la mode n’est pas réservé aux applications numériques mondiales d’origine anglo-saxonne. Des initiatives locales peuvent en bénéficier, qu’elles soient marchandes ou non. Ce n’est sans doute pas un hasard si une telle initiative a prospéré à Moissac. L’idée aurait pu germer ailleurs, y compris dans un bureau parisien. Mais tenir la distance pour lever un à un les obstacles d’une pratique socialement si mal installée dans les esprits n’est pas évident. Pas plus que de trouver les concours notamment financiers pour soutenir un démarrage forcément lent.</p>
<p>Une telle énergie, une telle constance et une telle créativité ne pouvaient provenir que d’individus au contact du besoin, frustrés par l’absence de solution d’un problème ressenti comme crucial dans un territoire isolé. De plus, Alain Jean étant un des fondateurs du parti Europe Écologie les Verts, il voyait dans ce projet une façon de concrétiser les idées qu’il défendait.</p>
<p>La participation des territoires est une nécessité indépassable lorsqu’on parle de développement, économique ou non. Il ne s’agit pas simplement de susciter un surplus d’imagination pour identifier une idée qu’on ne trouverait pas ailleurs, mais d’y mobiliser créativité et énergie pour lever un à un tous les obstacles. Car le diable est dans les détails et même les bonnes idées se perdent vite en chemin, surtout en rase campagne.</p>
<hr>
<p><strong>Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</strong></p>
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<p><em>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1340-bonnes-nouvelles-de-l-innovation-citoyenne">Bonnes nouvelles de l’innovation citoyenne</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et responsable du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sans la voiture, l’exclusion guette, ont rappelé les « gilets jaunes ». Pourquoi alors ne pas favoriser le partage y compris l’auto-stop ? Mais développer une pratique marginale n’est pas si simple…Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLChristophe Deshayes, Animateur du cycle « Transformations numériques », L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197042019-07-08T18:31:09Z2019-07-08T18:31:09ZÉconomie de la gratuité : rien n’est jamais vraiment « offert » sans contrepartie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283268/original/file-20190709-44505-e9ahs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C85%2C904%2C580&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utiliser des applications est généralement gratuit, mais, en contrepartie, les éditeurs récupèrent de la donnée.</span> <span class="attribution"><span class="source">AlesiaKan / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La notion de gratuité s’articule autour de deux dimensions. La première correspond à l’idée de non-contrepartie financière. « Gratis » signifie obtenir quelque chose pour rien, sans payer. En ce sens, l’économie de la gratuité semble en essor. Le marketing utilise depuis bien longtemps la technique de la gratuité. Pour exemple, Gillette, en offrant ses rasoirs et en faisant payer ses lames, a été l’une des marques pionnières dans ce domaine.</p>
<p>Le modèle freemium, qui consiste à proposer une version gratuite grand public couplée avec une version payante, est aujourd’hui largement exploité par les marques dans de nombreux secteurs. Avec Internet, l’économie de la gratuité semble à son apogée. Musiques offertes en ligne, logiciels open source, cours en ligne gratuits sous forme de MOOC, autant d’exemples qui illustrent l’essor du phénomène de gratuité. Et Chris Anderson d’intituler son <a href="https://www.pearson.fr/book/?gcoi=27440100672130">célèbre ouvrage</a> : « Free ! Entrez dans l’économie du gratuit ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282071/original/file-20190701-105215-1pei71f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gillette, marque pionnière en matière de modèle freemium.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mohd kamarul hafiz/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Si les modèles économiques fondés sur l’absence de contrepartie pécuniaire semblent effectivement se développer, les services proposés n’en demeurent pas pour autant totalement gratuits, en ce sens que la réciprocité est toujours attendue. Gillette offrait ses rasoirs pour pouvoir mieux vendre ses lames. Les modèles freemium consistent in fine à miser sur le fait que certains des consommateurs vont passer à la version payante. Le développement de nombreux modèles gratuits, tels que celui de Waze par exemple, s’appuie sur une contrepartie financière pour l’entreprise, contrepartie assurée par la publicité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"923993330555478021"}"></div></p>
<p>Ceci nous amène à considérer la deuxième dimension de la gratuité, celle qui correspond à l’idée de faire quelque chose « pour rien », sans utilité évidente, sans attente de contrepartie, sans équivalence. D’aucuns diront que cette gratuité-là n’existe pas, comme le suggère l’adage américain bien connu, « There is no such thing as a free lunch » (« les déjeuners gratuits n’existent pas »). Dans quelle mesure peut-on alors parler d’économie de la gratuité ? Et comment l’appréhender ?</p>
<h2>Une gratuité « impossible a priori »</h2>
<p>En changeant de paradigme. Certains chercheurs parlent de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0276146709334298?journalCode=jmka">« paradigme sociaux dominants »</a> pour caractériser cet ensemble de valeurs et de comportements, formels et informels, qui caractérisent une société. Ils ont notamment montré que l’un des paradigmes sociaux dominants régissant les sociétés occidentales relevait du paradigme économique, et s’articulait autour de trois croyances :</p>
<ul>
<li><p>l’intérêt : le comportement individuel devrait être déterminé par l’intérêt économique de chacun ;</p></li>
<li><p>le progrès : l’économie est la meilleure mesure du progrès ;</p></li>
<li><p>la croissance : si la croissance économique persiste, tout le monde en profite.</p></li>
</ul>
<p>Changer de paradigme, c’est donc changer de perspective. « Le cadre de pensée marchand rend la gratuité impossible a priori », soulignait en 1992 Jacques T. Godbout, professeur à l’Université du Québec dans son livre <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_esprit_du_don-9782707152220.html">« L’esprit du don »</a>. Les sciences de gestion sont habituées à puiser dans différents champs disciplinaires pour nourrir leur réflexion. La théologie en fait partie, et de plus en plus de chercheurs mobilisent le cadre d’analyse de la religion pour éclairer les modèles économiques ou la psychologie du consommateur.</p>
<p>La doctrine sociale de l’Église peut ici s’avérer un cadre d’analyse fécond. Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon Business School, suggérait aux gestionnaires en 2009, dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2009-3-page-1.htm">éditorial</a> de la revue <em>Sciences de gestion</em>, de lire l’encyclique <a href="http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate.html"><em>Caritas in veritate</em></a>, qui aborde le thème de la gratuité dans l’économie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282073/original/file-20190701-105191-l8qzgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le pape Benoît XVI estimait que la gratuité était nécessaire au bon fonctionnement de l’économie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Miqu77/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans cette encyclique, le pape Benoît XVI développe l’idée selon laquelle la gratuité est nécessaire au bon fonctionnement de l’économie :</p>
<blockquote>
<p>« Le grand défi qui se présente à nous est celui de montrer, au niveau de la pensée comme des comportements, que non seulement les principes traditionnels de l’éthique sociale, tels que la transparence, l’honnêteté et la responsabilité ne peuvent être négligées ou sous-évaluées, mais aussi que, dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale. »</p>
</blockquote>
<h2>Au-delà du « donner pour avoir »</h2>
<p>L’agir gratuit prend alors la forme d’un interstice entre « le donner pour avoir », spécifique à la logique de l’échange marchand et caractéristique des modèles de gratuité évoqués au début de cet article, et le « donner par devoir », propre à l’action publique et réglée par les lois de l’État. Le don gratuit, c’est « le transfert, librement déterminé, d’une ressource tangible ou intangible à une autre personne, sans demande ou attente d’un quelconque retour ou compensation », pour reprendre la <a href="https://ideas.repec.org/a/kap/jbuset/v145y2017i4d10.1007_s10551-016-3130-x.html">définition</a> des chercheurs Bénédicte de Peyrelongue, Olivier Masclef et Valérie Guillard. L’économie de la gratuité revient alors à considérer que les acteurs de l’entreprise, les consommateurs, ne donnent pas uniquement que pour recevoir.</p>
<p>La réciprocité n’est pas exclue, mais elle est ex-post, elle arrive de surcroît. Et ce retour éventuel n’est pas forcément quantifiable, ni estimable. Former un nouvel arrivant dans l’entreprise pour le simple plaisir de transmettre, mettre à disposition son canapé gratuitement pour le simple plaisir de la rencontre, partager sa passion du jardinage sur YouTube pour le simple plaisir du partage, proposer un logiciel en version libre pour faire avancer la recherche, autant de comportements qui témoignent d’une forme d’économie de la gratuité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282077/original/file-20190701-105215-1sjz4fy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsqu’un jardinier met en ligne un tutoriel, le fait-il par simple amour du partage ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Perfectlab/Shutterstock</span></span>
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<p>Parfois, ces comportements sont motivés par la volonté de dénoncer le mythe de la croissance et de la surconsommation. Simplicité volontaire, frugalité, sobriété heureuse… Autant de vocables qui sous-tendent l’idée de réinjecter de la gratuité dans l’économie, en considérant que de nombreuses ressources nous sont offertes gratuitement, par la nature mais aussi par nos relations. Changer de paradigme, c’est donc regarder l’économie de la gratuité depuis la « citée inspirée » décrite par les sociologues <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/De-la-justification">Luc Boltanski et Laurent Thévenot</a>, plutôt que depuis la « cité marchande ».</p>
<p>« There is no such thing as a free lunch. » Dans la sphère du marché, incontestablement. Il n’en demeure pas moins que l’économie a besoin de personnes ouvertes à la gratuité. La valeur créée est alors non pas une valeur d’usage ou d’échange, mais une valeur de liens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119704/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Vaal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les offres de produits et de services gratuits se multiplient. « There is no such thing as a free lunch », dit l’adage américain. Peut-on réellement parler de gratuité dans la sphère économique ?Anne Vaal, Doctorante, Chaire « marques et valeurs », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1075712019-01-13T20:27:40Z2019-01-13T20:27:40ZAutour du livre, de nouvelles pratiques alimentent l’intelligence collective<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251486/original/file-20181219-45416-1v8s78i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mille et une vies du livre papier.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/livres-librairie-la-biblioth%C3%A8que-389392/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Les livres qui s’entassent dans votre bibliothèque sont-ils encore vivants ? Pourquoi les garder s’ils ne le sont plus ? Pourquoi l’attachement au livre imprimé ne se dément-il pas à l’heure du livre numérique ?</p>
<p>Nous avons observé pendant plusieurs années tous les échanges auxquels les livres donnaient lieu, en ligne et hors ligne et la <a href="https://cfeditions.com/livre-echange/">vitalité de ces livres imprimés</a> (technique vieille de plus de 500 ans !) à travers 150 entretiens de lecteurs, libraires, éditeurs, blogueurs, bibliothécaires, 25 observations participantes, 750 réponses à un questionnaire en ligne et 5 000 sites francophones cartographiés – nous a impressionnés. Oui, votre livre continue de vivre tout en restant dans votre bibliothèque car vous en parlez, vous vous en souvenez, vous y faites référence. Mieux même, vous l’avez prêté à une amie pour qu’elle le lise, vous êtes allés voir ceux qui en parlaient avant de l’acheter ou après l’avoir lu, les critiques professionnels, certes, mais aussi les blogueurs. La conversation continue quand bien même le livre ne circule plus.</p>
<h2>Les livres papier circulent mieux que leurs versions numériques</h2>
<p>Mais ce qui nous a d’abord frappé, c’est la circulation très active des livres imprimés (et par contraste la faible circulation des livres numériques). Le livre une fois vendu en librairie ou sur une plate-forme en ligne, possède plusieurs vies. Il peut être prêté en effet, offert en cadeau, mais aussi revendu d’occasion, en ligne ou dans les magasins spécialisés. Et il peut faire plusieurs fois la boucle et être revendu encore ; autant de moments de circulation rarement pris en compte dans le bilan général de l’édition.</p>
<p>L’application <a href="https://www.bookcrossing.com/">Bookcrossing</a> permet de suivre les livres que l’on « lâche », que l’on « libère » au hasard dans les lieux publics pour que des inconnus se les approprient et, on l’espère, pour qu’ils entrent en contact ou gardent la trace du livre. Ailleurs, le livre sera laissé dans ces <a href="https://www.boite-a-lire.com/">« boîtes à lire »</a> qui ont proliféré, en accès libre, un peu partout en France. Certains sites sont devenus experts dans cette vente d’occasion comme <a href="https://www.recyclivre.com/">Recyclivre</a>, qui s’appuie sur Amazon pour gagner en visibilité.</p>
<p>Enfin, les vide-greniers, les brocantes, les marchés au livre permettent de redonner une vie à une quantité impressionnante de ces livres que l’on croyait oubliés parce qu’ils avaient été lus une fois. Le livre dans sa matérialité, jusque dans son âge apparent, procure un plaisir sensoriel inégalé, soulève avec lui des souvenirs intimes, des époques révolues, un idéal du beau travail avec ses reliures ou une nostalgie des collections populaires enfantines par exemple.</p>
<p>Toute une profession s’est constituée avant le web mais encore plus depuis son apparition, qui fait commerce de ces secondes vies du livre, de ce recyclage, qui permet aux idées de ne pas mourir. Certains sont devenus des « ebayistes » experts uniquement grâce au stock de livres qu’ils vendent sur la plate-forme. Parfois même, ces vies du livre se prolongent pour de la revente de solidarité, comme le fait Oxfam notamment. À un certain moment cependant, ce n’est plus que le papier qui fait la valeur du livre, lorsqu’il est broyé et recyclé.</p>
<p>On aurait pu penser que face à ce poids, à ce volume, à cet espace occupé par le livre imprimé, le livre numérique aurait tout balayé sur son passage, comme on l’a vu pour la musique en ligne qui a quasiment tué le CD ou aux films à la demande qui ont réduit le marché des DVD. Et pourtant, non, ce n’est pas ce qui s’est passé : aux États-Unis comme en France, le marché des livres en ligne ne dépasse jamais les 20 % du chiffre d’affaires des ventes des livres imprimés. Et cela sans compter le chiffre d’affaires de ces circulations secondaires que nous venons d’évoquer. Le livre numérique, lui, ne circule guère une fois acheté, pour des raisons de contrôle sur les fichiers par des DRM, d’incompatibilité de formats dépendants des supports de lecture (Kindle et autres).</p>
<h2>Les plaisirs du livre papier</h2>
<p>Nos entretiens racontent aussi ces plaisirs de faire des cadeaux, de prêter, d’échanger le support physique du livre imprimé avec sa couverture, sa taille et son odeur même, alors que si un ami plein de bonnes intentions propose de vous passer des fichiers de livres numériques, il le fera éventuellement grâce à une clé USB comportant… mille fichiers qu’il aura téléchargés ! Mais cela ne sera jamais considéré comme un cadeau mais bien comme un simple transfert de fichiers, semblable à ceux que l’on fait plusieurs fois par jour dans le cadre du travail. Ce sera l’occasion pour les défenseurs des ayants droit de rappeler alors que « la gratuité, c’est le vol » : en l’occurrence le don de fichiers deviendrait donc lui aussi un vol.</p>
<p>Tensions très éloignées de l’esprit amical que l’on retrouve dans les cadeaux de livres imprimés entre blogueurs (<a href="https://www.theguardian.com/local-government-network/2011/jun/30/libraries-book-swapping-clubs"><em>bookswapping</em></a>), sous condition de personnalisation : un petit mot, un objet complémentaire associé au livre (des gâteaux par exemple !) et la surprise de recevoir un geste d’attention totalement imprévu qui va devenir prétexte à des échanges plus personnels.</p>
<h2>Un réseau dense et vivant qui s’appuie sur le web</h2>
<p>Mais ce qui circule encore mieux autour du livre, ce sont des conversations, des avis, des critiques, des recommandations. Certaines conversations sont très organisées à travers des cercles de lecture ou dans le réseau de la bibliothèque Orange par exemple. Des listes de lecture sont proposées, des avis sont demandés et échangés, des réunions de rencontres avec les auteurs sont organisées. Tout ce réseau mobilise les ressources numériques mais existait bien avant lui et reste très vivant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253489/original/file-20190112-43520-vur0cr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur Instagram, le livre papier suscite de nombreuses conversations.</span>
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<p>Cependant, l’essor des blogs au début des années 2000 a amplifié cet exercice critique ordinaire pour lui donner une visibilité, voire une réputation pour certains blogueurs. Certes, les critiques institutionnels et médiatiques continuent de jouer leur rôle d’orientation de la masse des lecteurs et sont des prescripteurs importants choyés par les éditeurs. Mais des sites comme <a href="https://www.babelio.com/">Babelio</a> notamment, regroupent une expertise qu’on pourrait dire ordinaire, partagée, distribuée parmi un grand nombre de blogueurs parfois très spécialisés. Le site existe depuis 2007 et affiche 690 000 lecteurs membres.</p>
<p>La prolifération des contenus et des publications génère de la désorientation et le rôle de ces blogueurs passionnés, et parfois très pointus sur des littératures très spécialisées, devient important car ce sont des influenceurs « naturels » pourrait-on dire, car proches du public. Cependant, certains éditeurs ont bien compris l’intérêt d’une forme d’association avec ces blogueurs, notamment pour des littératures spécialisées comme les mangas, la BD, le polar ou la littérature jeunesse. Parfois un blogueur, YouTubeur et écrivant du web est édité, <a href="https://www.youtube.com/user/LesLecturesdeNiNe">comme Nine Gorman</a>.</p>
<p><a href="https://www.scylla.fr/">Certaines librairies</a> contribuent d’ailleurs directement à la coordination de tous ces passionnés, elles « produisent » leur public, ou tout au moins le soutiennent autant en ligne que dans leurs magasins pour des rencontres face à face. La conversation possède un pouvoir fédérateur pour les passionnés qui sont les meilleurs diffuseurs dans un large milieu.</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/xckq75" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Des plates-formes encouragent les lecteurs à prolonger leur univers, sous forme de fanfictions, qui sont publiées en ligne par l’auteur lui-même ou ses lecteurs. Le lien avec les auteurs se noue en effet de plus en plus directement, comme cela se passe aussi dans la musique. Sur certaines plates-formes comme <a href="https://www.wattpad.com/">Wattpad</a>, les textes mis à disposition sont directement associés à une activité de commentaires collectifs.</p>
<p>Mais surtout, l’activité de conversation autour de la lecture se transforme souvent en écriture. Elle peut être publiée sur un blog et s’apparenter au travail de l’auteur mais à l’autre extrémité, elle peut être très modeste comme les annotations que l’on laisse sur son propre livre. Ces annotations, plus fréquentes sur des livres de non-fiction, peuvent cependant se retrouver échangées, si l’on prête ou revend son livre, mais aussi stockées et partagées avec des systèmes en ligne comme <a href="https://web.hypothes.is/">Hypothes.is</a>, qui permet d’annoter tout article trouvé sur le web et de stocker ces remarques, indépendamment du format de présentation de l’article, sur le service en ligne qui le met à disposition des lecteurs organisés en groupes par exemple.</p>
<p>Le livre imprimé est de fait devenu numérique à travers l’usage des réseaux numériques qui facilitent sa circulation en tant qu’objet ou sous forme de conversations autour du livre. L’attention collective ainsi amplifiée constitue une œuvre collective permanente, bien loin de la publication frénétique des posts sur les réseaux sociaux. Car les lecteurs acceptent de vivre dans un temps plus long qu’ils ne confondent pas avec la haute fréquence des échanges sur les réseaux sociaux. La combinaison des deux rythmes peut cependant encourager la lecture à travers des alertes sur les publications sur les réseaux sociaux suivie d’une lecture plus longue.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=945&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=945&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=945&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253890/original/file-20190115-152989-1os9ycb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Les réseaux qui se sont formés autour du livre constituent ainsi une ressource majeure d’attraction de l’attention, qui ne remplace pas encore les effets de la « saison des prix » pour orienter la lecture de masse mais qui mériterait que l’on s’y intéresse de plus près, notamment de la part des éditeurs qui disposent là de communautés très actives.</p>
<p>Il serait alors possible de penser le livre numérique comme pris dans cet écosystème relationnel, au lieu de le traiter seulement comme un clone (on parle alors de livre homothétique, reproduisant dans le fichier exactement le format et les propriétés du livre imprimé). Imaginons des livres multimédias mais surtout connectés et en prise constante avec la conversation qui tourne autour du livre : ce serait un autre produit, une valeur ajoutée qui pourrait justifier le prix que l’on demande actuellement pour de simples fichiers. Ce serait alors un « livre-accès » qui favoriserait d’emblée le « livre-échange » et qui aurait une chance d’attirer à lui de nouveaux publics et surtout d’amplifier toute cette créativité collective déjà présente autour des livres imprimés.</p>
<hr>
<p><em>Dominique Boullier, Mariannig le Béchec et Maxime Crépel sont les auteurs de l'ouvrage « Le livre-échange, vies du livre et pratiques des lecteurs ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Boullier receives research funding from Ministère de l'Industrie (FUI) and from le MOTif</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mariannig Le Béchec et Maxime Crépel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Pourquoi l’attachement au livre imprimé ne se dément-il pas à l’heure du livre numérique ?Dominique Boullier, Professeur des universités en sociologie. Chercheur au Centre d'Etudes Européennes et de Politique Comparée, Sciences Po Mariannig Le Béchec, Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Claude Bernard Lyon 1Maxime Crépel, Sociologue, ingénieur de recherche au médialab de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/847972018-07-23T23:16:33Z2018-07-23T23:16:33ZBiomimétisme : passer d’un modèle économique « bio-aspiré » à un modèle « bio-inspiré »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227966/original/file-20180717-44097-kjflj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C4%2C2799%2C1707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mercedes BIOME … design biomimétique et rêve de faire pousser des voitures à partir de graines.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jurvetson/6900607016/">Steve Jurvetson / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En septembre 2015, Le CESE (Conseil économique, social et environnemental) rendait son <a href="http://www.lecese.fr/travaux-publies/le-biomim-tisme-sinspirer-de-la-nature-pour-innover-durablement">Avis</a> à propos du biomimétisme au travers d’un travail coordonné par <a href="https://bit.ly/2L2o4Tr">Patricia Ricard</a>. Cet avis préconisait quatre ensembles de solutions pour lui permettre de se développer dans notre pays : lui donner de la visibilité, lever les obstacles à ses applications, l’ancrer dans le paysage éducatif et progresser grâce à lui vers la durabilité.</p>
<p>Trois ans après, on doit constater que cet avis n’a pas, malgré la qualité du travail réalisé, déclenché l’intérêt voire les passions des politiques, de l’État, des entreprises, des médias ou du monde éducatif comme espéré par la commission. Et pourtant, ce concept nous offre l’opportunité de changer véritablement notre modèle économique fondé sur « l’aspiration de la nature » en un modèle symbiotique qui s’en inspire. C’est ce que cet article tend à démontrer.</p>
<h2>Le biomimétisme ou la bio-inspiration</h2>
<p>Notre développement et nos principes économiques se fondent sur un processus d’aspiration parasitaire, qui épuise sans relâche notre hôte, la nature, alors qu’il nous faudrait un système harmonieux, dans lequel l’hôte et le symbiote s’enrichissent mutuellement, se développent conjointement. Il est évident, quoi qu’en pensent certaines de nos élites, que notre croissance ne peut que s’effondrer à terme si nous continuons sur cette voie mortifère.</p>
<p>C’est pourquoi, avec l’adoption d’une approche qui s’inspire du vivant, considérant que l’évolution de ce dernier repose sur une expérience de plusieurs milliards d’années, nous serions en mesure de faire naître un cercle économico-social vertueux, durable voire infini :</p>
<blockquote>
<p>« La nature, c’est 3,8 milliards d’années de recherche et développement et d’optimisation continue… une source d’inspiration inépuisable et renouvelable. Une source de solutions à nos enjeux contemporains, de développement pérenne, et de survie économique et écologique. » (Ricard, 2015, p. 36)</p>
</blockquote>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227965/original/file-20180717-44073-bmhq62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><a href="https://biomimicry.org/janine-benyus/">Janine M. Benyus</a> (1997), auteure de référence dans le domaine, nous invite à changer de modèle. D’un modèle industriel fondé sur ce que nous pouvons extraire de la nature, elle nous recommande d’apprendre d’elle.</p>
<p>Selon les experts, le biomimétisme ou la bio-inspiration est une « démarche qui invite l’homme à puiser aux multiples sources d’inspiration que lui présente la nature, qu’il s’agisse des formes, des matériaux ou des écosystèmes » (Ricard, 2015, p.6) afin de concevoir un développement en adéquation avec son environnement.</p>
<p>Cette définition fait la part belle à l’innovation, qu’elle soit de produit/service, de procédé, d’organisation, de commercialisation ou encore de matière première. Des matériaux bio-inspirés peuvent devenir de nouvelles matières premières donnant naissance à de nouveaux produits. Des formes imitant des représentations de la nature peuvent aussi produire de nouveaux objets et les écosystèmes peuvent servir de modèles à de nouvelles formes d’organisation ou de commercialisation.</p>
<p>Ainsi, si nous sommes en accord avec Schumpeter concernant l’impact des innovations sur la destruction et ensuite la création des cycles économiques, nous ne pouvons qu’invoquer le biomimétisme avec l’espoir d’une nouvelle croissance économique : une croissance bio-inspirée.</p>
<h2>Un modèle économique bio-inspiré et durable</h2>
<p>Une nouvelle croissance économique, oui, mais pas n’importe laquelle : une croissance viable économiquement, vivable écologiquement, équitable socialement. Depuis la contre-révolution libérale, avènement du néo-libéralisme, il est promu l’aspiration des richesses par le haut de la pyramide économique. Le principe défendu est le suivant : il suffit d’abreuver abondamment les plus riches. Lorsque leur coupe est pleine, la richesse, par effet de ruissellement, descend dans les coupes du dessous et ainsi de suite. Mais, que se passe-t-il si les plus riches remplacent leur coupe par un bol d’une contenance plus grande ? Il s’agit de néo-libéralisme et non de « bio-libéralisme » !</p>
<p>Un modèle économique bio-inspiré ne peut s’envisager en laissant au bord du chemin l’immense majorité des individus. Il ne peut s’agir que d’un modèle inclusif. Dans la nature, lors d’une crise écologique, la plante flétrie, l’animal qui s’en nourrit dépérit et, en fin de chaîne, le lion s’éteint ; mais lorsque les conditions naturelles sont favorables, la plante fleurit, l’animal grossit et le lion étincelle de sa magnificence. À sa mort, ses restes viennent alimenter la plante et ainsi de suite.</p>
<p>Ainsi, un modèle bio-inspiré doit s’assurer de l’enrichissement de la base de la pyramide pour que le haut prospère. En fait pour être parfaitement juste, dans un modèle économique bio-inspiré ou bio-libéral, il n’y a plus de haut ni de bas, il n’y a plus de pyramide mais une sphère sociale.</p>
<p>De la même manière, le modèle actuel s’envisage au travers du prisme de l’exploitation infinie des ressources. Le problème c’est que nous sommes sur une planète effectivement riche de ressources (naturelle, minière…), mais en aucune sorte infinies. Enfin, si ! Ces richesses sont sans limites car renouvelables, mais pas à la vitesse à laquelle nous les consommons. De façon similaire, la capacité à polluer du modèle actuel dépasse très largement les capacités de la nature à se « détoxiquer ». Ainsi, notre modèle s’est construit sur une conception linéaire des richesses, du berceau au tombeau.</p>
<p>À l’inverse, un modèle bio-inspiré conçoit la richesse de manière cyclique, du berceau au berceau. Telle une forêt, chaque organisme produit des biens et services, mais aussi des déchets, utiles pour les autres organismes de cet écosystème. Lorsque cette conception trouve une application économique, on appelle cela généralement la symbiose industrielle.</p>
<p><a href="http://www.ecoparc.com/ecologie-industrielle/kalundborg.php">L’expérience de Kalundborg</a> en est le parfait cas d’école. Pour rappel, dans cette ville danoise a été mis en place une démarche territoriale de circulation des produits et des déchets entre chaque entreprise. Ainsi, les vapeurs chaudes de la centrale électrique sont utilisées par un maraîcher tandis que ses déchets sont utilisés pour les fours d’une cimenterie, et ainsi de suite.</p>
<p>Une autre façon d’aborder ce principe consiste à concevoir et produire de façon circulaire. Cela passe par l’analyse du cycle de vie et l’écoconception. Fuller (1999) voit dans ce système une stratégie « P2R » pour Prévention, Recyclage et Réutilisation. Il s’agit, dans ce cas, et avant toute étape du cycle de vie d’un produit, de prévenir les déchets possibles et donc limiter, autant que faire se peut, l’intrant de matière et d’énergie à chacune des étapes. Les déchets ultimes qui apparaissent doivent pouvoir être soit recyclés, soit réutilisés.</p>
<p>Il peut s’agir aussi de s’inspirer de la nature afin d’innover sur les formes (design) ou pour inventer de nouveaux matériaux. Dans le premier cas, l’observation de la nature permet de concevoir des designs de produits en parfaite cohérence avec l’environnement et souvent plus performants et plus économes en matière et en énergie que les formes imaginées par notre seul esprit. Dans le second cas, il est possible de retrouver dans la nature des matériaux, créés il y a des milliers, millions, voire milliards d’années par des êtres vivants et améliorés jusqu’à aujourd’hui par ces derniers.</p>
<p>La dernière solution biomimétique relève de l’usage. Pourquoi devenir propriétaire d’un bien alors que ce qui nous intéresse c’est son usage ? Cette idée a donné naissance à l’<a href="https://bit.ly/2L2wIRS">économie des fonctionnalités</a> et en pratique à quelques exemples d’entreprises dites « de l’économie collaborative » telles que BlaBlaCar. En effet, pourquoi acheter un bien pour ne l’utiliser que quelques minutes par jour, alors qu’il suffirait de l’emprunter ces quelques minutes pour être satisfait ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227967/original/file-20180717-44097-1mggtfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exploration de design biomimétique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/9325824403/e367544983/">Gabriella Levine/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Et si nous allions plus loin…</h2>
<p><a href="http://www.dailymotion.com/video/x2joni8">Idriss Aberkane (2015)</a>, lors d’une allocution devant des membres du CESE, voit en l’économie de la connaissance un moyen de lire la nature pour en extraire le savoir nécessaire à une croissance infinie. Re-concevoir nos systèmes industriels, réinventer nos processus de production, créer de nouveaux matériaux, repenser nos produits en copiant la nature, organiser l’usage aux dépens de la propriété, demande une lecture pointue, intelligente de notre environnement naturel (y compris de nos systèmes sociaux).</p>
<p>L’extraordinaire capacité de connaissances que sont capables de produire nos sociétés, aidées par les systèmes modernes d’information, doivent être mise à contribution pour inventer cette économie nouvelle bio-inspirée. Mais plus encore, aucun érudit quel qu’il soit, ne serait être en mesure de penser voire d’imaginer une économie aussi parfaite que celle inventée par la nature.</p>
<p>Cette invention fût longue, agrémentée de soubresauts, de crises majeures (5 grands effondrements), mais elle a, à chaque fois, créée davantage de valeurs et de richesses à travers toujours plus de diversité. Une économie bio-inspirée doit non plus penser uniformité, mais diversité.</p>
<p>L’économie actuelle c’est la même maison, la même voiture, la même tomate, la même vache, la même éducation… pour tous. Quelle pauvreté ! C’est au contraire en produisant moins d’une chose, mais plus de choses différentes, telle que la nature l’a faite au cours de son évolution, que nous parviendrons à la plus grande des richesses.</p>
<p>C’est à travers l’enseignement et l’éducation qu’il sera possible de faire évoluer notre modèle vers cet objectif. Nos écoles, telles que les écoles de management ou les UFR d’économie et de Gestion doivent introduire des cours, des recherches sur l’écologie, la biologie, les sciences du vivant. Les économistes et chercheurs en science du management doivent travailler en symbiose avec des biologistes et écologues. C’est à travers ce travail transversal qu’il sera possible d’inventer le monde de demain, un monde sans aucun doute plus complexe, mais en harmonie avec notre habitat : la Terre. N’oublions pas que le mot économie désigne la gestion (nomie) de l’habitat (éco).</p>
<p>Ainsi, le passage d’une économie bio-aspirée standardisée, linéaire, destructrice, appauvrissante, à une économie bio-inspirée, circulaire, diversifiée, enrichissante et créatrice d’innovations, devrait nous permettre d’accroître le bien-être recherché par l’Homme depuis son apparition. Il s’agira d’une économie durable, équitable, viable et vivable. Une économie non pas décroissante, mais qui autorisera, véritablement, une croissance infinie sans crainte d’un tarissement inéluctable des ressources car fondée sur la connaissance, elle-même infinie.</p>
<p>Changer d’un modèle capitaliste d’aspiration à un modèle capitaliste bio-inspiré ne relève pas d’un vœu pieux, mais d’une impérieuse nécessité car sans cela les prophéties de Schumpeter ou encore de Marx – qui voyaient l’effondrement du capitalisme – deviendront une réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Piré-Lechalard Pierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un modèle économique biomimétique ou bio-inspiré permettrait de relancer durablement la croissance. Une croissance en harmonie avec la nature et répondant aux besoins et aspirations des hommes.Piré-Lechalard Pierre, Enseignant-chercheur en Marketing, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/932382018-03-21T00:20:40Z2018-03-21T00:20:40ZRupture numérique et 3ᵉ révolution industrielle : le cas des plateformes de transport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211007/original/file-20180319-31624-16vj2kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C229%2C1065%2C638&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vie numérique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/24897984549/949cc1c403/">Graham Rendoth on Visual hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211010/original/file-20180319-31596-1gmso03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Amel Attour, Université Cote d’Azur, CNRS, GREDEG, intervient au Printemps de l’économie le mercredi 21 mars lors de la table ronde « Rupture numérique et 3<sup>e</sup> révolution industrielle ». Pour découvrir le reste du programme, <a href="http://www.printempsdeleco.fr/programme">rendez-vous sur le site de l’évènement</a></em></p>
<hr>
<p>La transformation numérique n’a de cesse de bouleverser la vie sociale et économique. En témoignent les nombreuses innovations de services à base de technologies numériques destinées à transformer les comportements de consommation pour les rendre plus écoresponsables.</p>
<p>Ces bouleversements impactent aussi les modes de production et les interactions entre acteurs d’un écosystème de services numériques, lesquels sont de plus en plus amenés à concilier collaboration avec compétition (on parle alors de coopétition). Un tel contexte d’innovation est caractéristique des dynamiques organisationnelles qui se veulent de plus en plus coopétitives au sens où les acteurs d’un écosystème d’innovation sont à la fois collaborateurs et concurrents.</p>
<h2>Voyager sur des plateformes</h2>
<p>Pour illustrer ces changements, prenons ici l’exemple des services dits de <a href="http://bit.ly/2pqBUC7">mobilité intelligente</a>. La diversité des plateformes numériques d’aide à la mobilité urbaine illustre les enjeux autour de la transformation des comportements de consommation. Il s’agit ici d’inciter les consommateurs à privilégier l’utilisation de modes de transport dits doux ou à pratiquer le covoiturage.</p>
<p>Certaines plateformes, comme les plateformes de VTC (de type Uber, BlaBlaCar, etc.) par exemple, vous proposent une solution pour vos déplacements de courte ou longue distance. Elles vous mettent en relation avec un chauffeur disposé à vous conduire sur son passage jusqu’à un point géographique que vous avez préalablement précisé.</p>
<p>D’autres proposent des solutions dites d’intermodalité et prennent la forme d’un <a href="http://bit.ly/2FNfJ3m">système de transport intelligent multimodal</a> (STIM). Elles rallient une destination après une gare de train, un arrêt de bus ou de tramway à des modes de transports tels que l’auto partage, le vélo partage, le transport à la demande, etc. pour vous permettre de réaliser le dernier ou premier kilomètre d’un parcours.</p>
<h2>Quelles structures pour ces plateformes ?</h2>
<p>Ces plateformes ont finalement vocation à <a href="http://bit.ly/2FKKPbH">faciliter la mobilité des individus</a> et à orienter leurs choix en termes de mode de transport à privilégier. La question de savoir si cet objectif de transformation de comportements de mobilité est importante, mais elle suppose d’abord de comprendre comment ces plateformes, en tant que forme d’innovation numérique inter-organisationnelle, sont structurées du point de vue de leur écosystème d’acteurs.</p>
<p>Cette question liée à l’organisation industrielle de ces plateformes nécessite en effet d’en ouvrir la boîte noire et d’en étudier la chaîne de valeur. En effet, la chaîne de valeur d’un STIM est structurée autour d’un écosystème d’acteurs hétérogènes amenés à échanger et partager en temps réel des données de différentes natures (horaires d’un bus, temps d’arrivée, taux d’occupation, etc.).</p>
<p>Cependant, si ces données ont un caractère public et gratuit, il n’en demeure pas moins qu’elles sont la propriété d’un tiers, membre de l’écosystème du STIM certes, mais probablement non propriétaire des systèmes d’information qui vont les utiliser pour délivrer le service attendu à l’utilisateur final. Comment les propriétaires de ces données en accordent l’accès à ces partenaires, comment ces partenaires les utilisent, quels droits d’utilisation leurs sont accordés, etc. sont autant de questions qui se posent.</p>
<p>En d’autres termes, ces questions posent une problématique directement liée à la question du management des <a href="http://bit.ly/2FUWXCS">droits de propriété intellectuelle</a> (DPI) associés aux données échangées et partagées au sein de l’écosystème du STIM. L’intérêt de cette question, au-delà de comprendre comment l’innovation numérique est organisée, est d’appréhender le rôle des DPI dans la coordination des activités productives d’un écosystème d’acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amel Attour ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De plus en plus, les acteurs d’un écosystème d’innovation sont à la fois collaborateurs et concurrents. L’exemple des plateformes de transports.Amel Attour, Maître de Conférences en Sciences Economiques - Université Cote d’Azur- Groupe de Recherche en Droit, Economie, Gestion (GREDEG), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/886632017-12-11T21:15:39Z2017-12-11T21:15:39ZUber va-t-il mourir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197979/original/file-20171206-907-f1hz3f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Travis Kalanick, le controversé fondateur d'Uber (en juin 2016 en Norvège) au temps de sa splendeur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/strelka/26910440103/in/album-72157666833330583/">Strelka Institute/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le titre de cet article n’est pas un effet de manche mais une question, légitime, que de plus en plus d’observateurs se posent. Il est indéniable qu’Uber (la plateforme bien connue de voitures avec chauffeurs) va mal. Au-delà de ses déboires avec les régulateurs de nombreuses villes (comme <a href="http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/10/13/uber-fait-appel-du-retrait-de-sa-licence-a-londres_5200498_1656994.html">Londres</a> ou Québec), des plaintes de ses chauffeurs pour <a href="http://www.leparisien.fr/economie/video-un-premier-groupe-de-chauffeurs-de-vtc-porte-plainte-contre-uber-14-04-2017-6853278.php">salariat déguisé</a>, d’un vol de données concernant ses clients et chauffeurs, d’<a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/14/la-blague-sexiste-de-ce-dirigeant-duber-lui-a-coute-son-poste_a_22191943/">accusations de sexisme</a> au sein de l’entreprise, ou encore des frasques de Travis Kalanick, son ancien PDG, ce que les investisseurs reprochent avant tout à la compagnie c’est son incapacité à boucher l’énorme trou financier qu’elle n’a cessé de creuser depuis sa création.</p>
<p>Uber a encore perdu près de <a href="https://www.reuters.com/article/us-uber-profitability-results/uber-second-quarter-bookings-increase-loss-narrows-idUSKCN1B32FW">3 milliards de dollars en 2016</a> et son incroyable capacité à lever des fonds (environ 15 milliards de dollars depuis 2009) semble se tarir devant son manque patent de rentabilité.</p>
<p>Derrière le baobab Uber se cache la forêt des plateformes de l’économie du partage, qui tiennent des places de marché dites « de pair à pair » (<em>peer-to-peer</em> ou P2P en anglais, d’où l’appellation également de « plateformes P2P »). C’est une forêt où beaucoup d’arbres sont plantés (les idées ne manquent pas et les capitaux pour les arroser, non plus), où certains arbres poussent très vite mais, pour la plupart, disparaissent (pensez, par exemple, à <a href="http://www.ipdigit.eu/2017/02/take-eat-easy-1-une-histoire-a-partager/">Take Eat Easy</a> dans le secteur de la livraison de repas), et qui se transforment, au final, en larges clairières où ne subsiste qu’un très petit nombre de grands arbres aux racines peu profondes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Véhicule Uber.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/84607132@N07/34455903696/in/photolist-UuKvK7-21hUZ2d-6YDxbf-nWthrr-nWbhF4-2fDFYJ-qKUfw7-4MAz6g-SLh6GF-oCQSVi-P93zBJ-ek6WtR-qNcnj8-sJCFqq-nmYi8e-WMmbGJ-SfQR7u-qvCVwG-J8DNE5-RnBh3W-r4Qg8T-HesHtW-nWb6H2-bPMAe2-yQ7rqX-f1DJAB-FE92zn-6fgN1q-CRyQh3-6Fr9ib-Y8Nn4W-6fcxFT-YSZB8C-td3cqr-trHD92-Y7dJhS-FJ4CHA-FEuu4R-PLubGL-vDeVKq-ZZR4JP-yYWbqG-xjxmjo-Fnw2mj-CTHQph-xYWSKL-GMhj1X-vmGDSg-yhggMF-xYXGJ9">BrennanF30/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>À y regarder de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas qu’Uber qui est malade. En fait, c’est tout le modèle d’affaires des plateformes P2P qui subit les assauts de trois maux profonds : (1) la réaction des firmes conventionnelles ; (2) la concurrence d’autres plateformes P2P ; (3) le piège de la fuite en avant.</p>
<h2>Réaction des firmes conventionnelles</h2>
<p>Voyant leurs parts de marché se réduire, les firmes conventionnelles ont déployé de nouvelles stratégies pour contrer l’entrée de plateformes P2P ou, à tout le moins, pour en minimiser l’impact négatif. <a href="http://bit.ly/2Ax3gwI">Matzler et coll. (2015)</a> répertorient et illustrent les principales stratégies mises en œuvre :</p>
<ul>
<li><p>vendre l’usage du produit plutôt que le produit lui-même ;</p></li>
<li><p>aider les clients à revendre leurs biens ; exploiter les ressources et capacités inutilisées ;</p></li>
<li><p>offrir un service de réparation et de maintenance ;</p></li>
<li><p>utiliser l’économie P2P pour cibler de nouveaux clients ; développer un nouveau modèle d’affaires via l’économie P2P.</p></li>
</ul>
<p>Les firmes conventionnelles bénéficient aussi (à juste titre, diront-elles) des réactions des régulateurs qui, peu à peu, adaptent les cadres légaux avec l’objectif de mettre firmes conventionnelles et nouveaux entrants sur un pied d’égalité.</p>
<h2>Concurrence entre plateformes P2P</h2>
<p>Souvent, ce n’est pas une mais plusieurs plateformes P2P qui tentent de s’installer sur un même marché. La concurrence à laquelle les plateformes P2P se livrent est singulière en ce sens qu’elle porte simultanément sur plusieurs « versants » : les plateformes concurrentes doivent en effet se battre pour attirer à la fois des producteurs et des consommateurs, tout en sachant que les uns ne viennent pas sans les autres et inversement.</p>
<p>Les effets externes positifs qui existent entre les versants exacerbent donc la concurrence : en attirant un producteur supplémentaire, non seulement la plateforme attire davantage de consommateurs mais souvent, elle réduit aussi la capacité de sa rivale à faire de même (dans la mesure où le producteur attiré par l’une ne peut plus être attiré par l’autre).</p>
<p>Chaque participant a donc énormément de valeur aux yeux des plateformes concurrentes et l’on comprend que dans un tel contexte, la concurrence risque de faire place rapidement à une position dominante : dès qu’une plateforme gagne du terrain par rapport à ses concurrentes, son avance croît naturellement en raison des effets de réseau positifs (une plateforme qui a plus de consommateurs, attire plus de producteurs, ce qui attire encore plus de consommateurs et ainsi de suite).</p>
<p>Il est donc fort probable que le gagnant emporte tout, ne laissant que des miettes aux perdants (des services de niche ou des zones géographiques limitées).</p>
<h2>Le piège de la fuite en avant</h2>
<p>Qu’une plateforme P2P se batte contre une firme conventionnelle ou contre une autre plateforme P2P, sa principale stratégie à court terme consiste à… grandir. Il faut atteindre ce qu’il est convenu d’appeler une « masse critique » d’utilisateurs, c’est-à-dire cette taille à partir de laquelle la croissance se nourrit d’elle-même grâce aux effets de réseau.</p>
<p>Mais, comme le notent <a href="https://hbr.org/2016/04/network-effects-arent-enough">Hagiu et Rothman (2016)</a>, il est dangereux de vouloir grandir trop vite et à tout prix. En se braquant sur le nombre de participants qu’elle attire, la plateforme risque de négliger la qualité du service d’intermédiation qu’elle offre ; elle se met alors à la merci d’une plateforme entrante qui aura appris des erreurs de son aînée et sera ainsi mieux à même de proposer des transactions mutuellement bénéficiaires aux participants.</p>
<p>La stratégie de croissance rapide est également très coûteuse à court terme. C’est en fait un pari sur l’avenir : la plateforme s’endette aujourd’hui pour attirer des participants, en espérant pouvoir rentabiliser cet investissement demain, une fois qu’elle aura atteint une position dominante. Pour que ce pari soit gagnant, il faut convaincre les bailleurs de fonds qu’il s’agit là d’une prophétie autoréalisatrice.</p>
<p>Le discours tenu par les start-up peut se résumer à ceci : « C’est précisément parce que vous me financez moi plutôt que mes rivaux que je vais dominer le marché et, ainsi, rentabiliser votre investissement ».</p>
<p>Le défi pour les bailleurs de fonds est alors de miser sur le bon cheval. En outre, ils doivent espérer que leur cheval ne remportera pas, au final, une victoire à la Pyrrhus, c’est-à-dire qu’il s’est certes débarrassé de ses rivaux mais sans pouvoir lui-même être rentable.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">William Shu, fondateur de Deliveroo à une conférence RISE Hong Kong le 1 juin 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RISE/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<h2>Vers une « uberisation 2.0 » ?</h2>
<p>Demeure donc cette question lancinante : comment atteindre le seuil de rentabilité ? Évincer les concurrents du marché ne suffit pas (même si c’est indéniablement un avantage) ; il faut aussi empêcher l’entrée de nouveaux concurrents et le retour en force des entreprises conventionnelles qui parviennent à appliquer les nouvelles recettes dans leurs vieilles casseroles.</p>
<p>Or, pour augmenter leurs marges, les plateformes P2P n’ont pas 36 solutions : elles peuvent réduire leurs coûts et/ou augmenter leurs prix. Mais ces deux stratégies n’ont guère de chances de fonctionner.</p>
<p><strong>Du côté des coûts</strong>, les possibilités semblent limitées : il ne reste plus grand-chose à améliorer en termes de logistique et les prestataires de services ne peuvent décemment plus être pressurés davantage (comme l’attestent les manifestations des chauffeurs d’Uber ou des livreurs de Deliveroo).</p>
<p><strong>Du côté des prix</strong>, l’horizon ne semble pas beaucoup plus dégagé. Les consommateurs des places de marché P2P se révèlent très sensibles aux prix. Par exemple, <a href="https://www.visioncritical.com/resources/new-rules-collaborative-economy/">Owyang et Samuel (2015)</a> ont sondé plus de 50 000 utilisateurs américains et canadiens de plateformes P2P : 68 % des sondés donnent les prix bas comme une des raisons principales qui les poussent à utiliser ces plateformes.</p>
<p>Il y a donc fort à parier qu’une augmentation des prix générerait la désertion de bon nombre de consommateurs, qui entraîneraient dans leur sillage de nombreux prestataires de service vu les effets externes qui sont à l’œuvre sur ces plateformes. Un cercle vicieux s’engagerait donc, qui mettrait encore plus en danger la rentabilité des plateformes.</p>
<p>Bien malin qui peut prédire l’avenir mais il apparaît difficile de soutenir à terme un modèle de plateforme « pur et dur » (c’est-à-dire centré exclusivement sur l’intermédiation, sans véritable activité de production ni actif physique).</p>
<p><strong>S’oriente-t-on dès lors vers des modèles hybrides</strong> où des entreprises combineraient l’intégration verticale pour certaines opérations et des fonctions d’intermédiation pour d’autres ? Des tentatives de ce genre s’observent déjà, à l’initiative soit de plateformes entrantes soit de firmes conventionnelles.</p>
<p>Ainsi, Deliveroo revient vers une organisation plus intégrée en investissant dans des cuisines industrielles, Airbnb <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/airbnb-co-developpe-son-premier-projet-immobilier-en-floride.N600243">co-développe des projets immobiliers</a>, et Uber investit dans des projets de véhicules autonomes ou <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/030849551317-uber-et-la-nasa-vont-creer-des-taxis-volants-2128777.php">volants</a>. Dans l’autre sens, AccorHotels opère une transformation digitale et se pose de plus en plus comme une plateforme offrant des services aux hôteliers.</p>
<p>On peut donc penser que <strong>le salut est dans la convergence entre entreprises conventionnelles et plateformes P2P</strong>. Reste à savoir si Uber parviendra à se réinventer de la sorte ou s’il finira par disparaître corps et âme, entraînant dans sa chute des investisseurs qui réfléchiront sans doute à deux fois avant de miser à nouveau sur les plateformes de l’économie du partage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Belleflamme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des limites de l’économie de plateformes P2P et des risques de bulle autour de quelques-unes des stars de cette nouvelle nouvelle économie.Paul Belleflamme, Professor of economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/754862017-04-27T20:30:51Z2017-04-27T20:30:51ZComment contenir le phénomène des travailleurs pauvres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166789/original/file-20170426-2857-15hsfqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Livreur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/8006172613/150bbfd03a/">domesticallydelish/Visualhunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Comme dans la célèbre chanson du groupe <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TjPhzgxe3L0">The Smiths</a> des années 80 : « Je cherchais un travail, j’ai fini par en trouver un, mais mon dieu ! Dans quelle misère suis-je maintenant ! ». L’augmentation de la pauvreté active remet en question l’adage selon lequel travailler est la meilleure façon de sortir de la pauvreté. Avec les changements radicaux survenus dans le marché du travail, les types d’emploi disponibles et les nouvelles menaces telles que la robotisation, on ne peut plus se fier aux anciennes assertions. Que peut faire la société lorsqu’elle est confrontée à l’accroissement de la part de pauvreté active ?</p>
<h2>Qu’est-ce que la pauvreté active ?</h2>
<p>Bien que les définitions varient, la <a href="http://bit.ly/2p38lXi">Commission européenne</a> considère que les travailleurs pauvres sont les personnes employées plus de la moitié de l’année mais dont le revenu du foyer représente moins de 60 % de la moyenne nationale. Cette définition a concerné presque 1/10<sup>e</sup> de la <a href="http://bit.ly/2a5Psey">population active européenne en 2015</a>. Les travailleurs pauvres sont particulièrement nombreux parmi les ménages à revenu unique avec enfants (19,8 %), tandis que les foyers sans enfants où deux personnes travaillent, sont les moins à risque (6,2 %).</p>
<p>La pauvreté active a émergé suite aux changements survenus dans le marché du travail et dans sa composition, le tout aggravé par des <a href="http://bit.ly/2qdkK8S">systèmes de protection sociale</a> mal adaptés aux nouvelles réalités de l’économie. Des postes stables qui apportaient autrefois la sécurité au travailleur et à sa famille ont été remplacés par une variété de nouveaux contrats et par des formes de travail précaire et pseudo indépendant. La diversité des personnes présentes sur le marché du travail a également augmenté. Il comprend maintenant plus de femmes, de familles monoparentales et de jeunes qui peinent à trouver un emploi.</p>
<h2>Où sont ces travailleurs pauvres ?</h2>
<p>Étant donné que leurs emplois sont souvent plus précaires et moins bien rémunérés, les jeunes sont <a href="http://bit.ly/1iKLNAB">surreprésentés</a> parmi les travailleurs pauvres. Cependant, les taux officiels de pauvreté active peuvent être complexifiés par la nature des statistiques à l’échelle des ménages. À titre d’exemple, la pauvreté active parmi les jeunes est moins prononcée dans le <a href="http://bit.ly/2qdCAbS">sud de l’Europe</a> où ils ont tendance à rester plus longtemps chez leurs parents.</p>
<p>Ces statistiques illustrent les effets des ménages, inhérents à la mesure de la pauvreté active : la pauvreté est définie au niveau du foyer alors que les personnes sont employées en tant qu’individus. Ainsi, il est difficile ne pas lier la pauvreté à la composition du ménage. Cette particularité fait à son tour de la pauvreté active un problème épineux d’un point de vue politique : à quel niveau doit-on agir ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166790/original/file-20170426-2834-934eai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Berlin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/16469351839/3c643295e6/">Яafik/Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>L’économie du « partage » entraîne-t-elle plus de travailleurs vers la pauvreté ?</h2>
<p>La multiplication des nouvelles formes de travail indépendant apporte encore une autre dimension à la problématique de la pauvreté active. Elle est plus importante parmi les autoentrepreneurs dans <a href="http://bit.ly/2oKpT8o">presque tous les pays</a>. Une étude récente sur le travail indépendant a montré qu’il y a une polarisation plus grande dans les revenus des personnes concernées que dans ceux des salariés.</p>
<p>L’émergence de ce que l’on appelle l’économie du « partage » a mis en lumière dans quelle mesure les travailleurs indépendants avec peu de revenus sont vulnérables : ils doivent endosser plus de risques en recevant pourtant une part de <a href="http://read.bi/2oIJaWH">bénéfices relativement petite</a> de ces nouveaux marchés. Une recherche allemande suggère que l’auto-entreprenariat à bas revenu tend à se concentrer au sein de groupes déjà économiquement marginaux : « jeunes, femmes, travailleurs à temps partiel, familles monoparentales et indépendants ayant des problèmes de santé ».</p>
<h2>Un nouvel enjeu définitionnel ?</h2>
<p>Un des aspects du problème de la nouvelle économie est lié à l’interrogation suivante : les travailleurs sont-ils vraiment indépendants ou de simples employés sans les avantages ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166791/original/file-20170426-2848-k5alpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Livreur Deliveroo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tcees/VisualHunt</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Quand les vrais travailleurs indépendants fixent leurs prix en prenant en compte le coût et la maintenance de leur équipement, les périodes creuses, les jours où ils sont malades, etc., les acteurs importants de l’économie collaborative comme Deliveroo et Uber refusent ce contrôle à leurs employés. Uber rencontre des <a href="http://for.tn/2oKXkr2">difficultés à ce sujet</a> dans de nombreux pays, avec un possible impact sur les droits des travailleurs en termes de salaires, congés payés et d’indemnités maladie.</p>
<p>Le problème de la définition s’étend aussi à la variabilité des revenus de l’économie collaborative. Le risque supporté par les travailleurs signifie qu’ils peuvent avoir des bonnes et des mauvaises semaines. De plus, en tant que pseudo travailleurs indépendants, ils se retrouvent en difficulté quand ils sont en période creuse ou en arrêt maladie.</p>
<h2>Quelles politiques pour aider les travailleurs pauvres ?</h2>
<p>L’une des problématiques rencontrées par les législateurs est celle de l’adaptation de l’aide sociale en fonction de la <a href="http://bit.ly/2qdv019">précarité du marché du travail</a> et de la fluctuation des revenus d’une semaine à l’autre. Le problème est complexe et pourrait en réalité nécessiter d’agir sur plusieurs fronts. Du point de vue du marché du travail, les législateurs ont besoin de <a href="http://bit.ly/2pyhEjA">nouveaux outils</a> pour affronter la réalité de la situation de l’emploi contemporain, qui requière une aide sociale de protection contre les revenus faibles ou irréguliers et des mesures permettant de lutter contre les conséquences négatives de certaines des « innovations » de cette nouvelle économie.</p>
<p>Concernant la protection sociale, rendre les allocations universelles ou inconditionnelles est une des possibilités permettant de prévoir un seuil en dessous duquel les revenus sont assurés de ne pouvoir descendre, diminuant ainsi le risque de pauvreté active. Un certain nombre de pays ont essayé des formes <a href="http://bit.ly/2oKEVee">d’impôts sur le revenu négatifs</a> grâce auxquels les travailleurs peuvent percevoir un montant supplémentaire en compensation de faibles revenus. Cependant, ces mesures peuvent être onéreuses à mettre en place et ne sont pas forcément adaptables aux fluctuations des rentrées d’argent de court terme.</p>
<p>Les <a href="http://bit.ly/2ov2FHi">revenus minimums</a> sont un autre moyen d’avoir un seuil horaire, mais les temps de travail courts ou irréguliers font que ce taux planché ne garantira peut-être pas un salaire hebdomadaire suffisant. Une <a href="http://bit.ly/2ouZuzi">étude</a> réalisée en Belgique sur les options politiques pour lutter contre la pauvreté active conclut par un appel à des mesures universelles qui pourraient soutenir, plutôt que saper, la volonté de travailler (quand on compare avec des mesures plus ciblées).</p>
<p>En ce qui concerne les marchés du travail, les orientations politiques de ces dernières années se sont tournées vers la <a href="http://bit.ly/2phoXJI">réduction</a>, plutôt que vers l’augmentation, de la protection législative dans le but d’augmenter l’emploi et de promouvoir la flexibilité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166792/original/file-20170426-2831-4jvyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fast food.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jon Bunting via VisualHunt.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Dans la nouvelle économie, les formes d’action traditionnelles des syndicats sont difficiles. Les travailleurs étant souvent jeunes, mobiles et en transit, cela ne facilite pas le travail des recruteurs de ces organisations. On peut cependant voir les signes de nouvelles formes de mobilisation, par exemple parmi les livreurs <a href="http://bit.ly/2mW5qjQ">Deliveroo</a> et les employés de <a href="http://bit.ly/2q5J1Bk">fast-food</a> sous contrats « zéro heure ».</p>
<p>Dans tous les cas, il est primordial de ne pas sous-estimer le risque de progression de la pauvreté active. Quand la population sent qu’elle est perdante malgré le fait qu’elle respecte les règles du jeu, la société court un risque plus grand que celui de la précarité, celui de voir la <a href="http://bit.ly/2ouZTBO">cohésion sociale</a> diminuer et le populisme augmenter.</p>
<hr>
<p><em>Traduction par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>il est primordial de ne pas sous-estimer le risque de progression de la pauvreté active. Quand la population sent qu’elle est perdante même si elle respecte les règles du jeu, le populisme augmente.Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Research assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/681802016-11-07T21:02:37Z2016-11-07T21:02:37ZUber, et si on oubliait un instant les taxis et les chauffeurs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144687/original/image-20161105-27914-hyqlgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sous une apparence simple, le monde d’Uber est très complexe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/132115055@N04/26028160601/in/photolist-FE28kF-FKTeoM-qwgrAp-p2RQ2K-wiEsF7-zpkRw1-Hisxb7-zsvZk4-Dwv7dG-7kMYgY-qAQReL-oVb4M9-JF1BG2-otM1np-owJ6L3-qvv26B-nyKKX-6Rmzs7-p8ex3x-yuCeAq-qTWfZg-5QWTZn-HCE8jk-za45bE-qkAqPG-xs9WG9-zsvZSM-DTfgpT-E4nF2y-ypTLft-qe4VQs-HrYEP7-ypbrZB-GHspJj-oJsMLt-Bq7ubi-DxKETi-q1E7aM-pE9gjr-wr8ayB-oYmvqV-qJ9AB2-piSFqe-EaRPno-CDxMit-qLRr8a-DGZaku-HnKiGo-ptm4Ts-pigcST">Núcleo Editorial/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Bête noire des taxis, <a href="https://theconversation.com/uber-ou-comment-conquerir-une-position-dominante-mondiale-en-un-temps-record-48692">Uber</a> compte dans le monde plus d’un million de chauffeurs utilisant sa plateforme. Oublions les premiers sans s’interroger sur leurs pertes et le caractère loyal ou déloyal de la concurrence que cette profession réglementée subit ; ignorons si les seconds sont des chômeurs en moins ou des travailleurs exploités en plus. Intéressons-nous aux bénéfices pour les consommateurs et à la concurrence dans la <a href="https://theconversation.com/de-general-motors-a-uber-metamorphose-du-capitalisme-51873">voiture de transport</a> avec ou sans chauffeur.</p>
<h2>Des débats divers selon le contexte national</h2>
<p>L’entrée fracassante d’Uber dans le monde du transport urbain a soulevé, et continue de soulever, de nombreuses polémiques. Les plus vives portent sur l’inadaptation du cadre réglementaire des taxis, la façon de le faire évoluer, la baisse de recettes et du prix des plaques pour les chauffeurs, ainsi que sur les emplois créés par les VTC, leur nombre, mais aussi leur valeur sociale (petits boulots ou vrais emplois, rémunération de misère ou décente) et leur caractéristiques contractuelles (salariat déguisé ou micro-entrepreneur indépendant). Bref, les débats portent avant tout sur la rivalité entre Uber et les taxis, ses raisons et ses effets.</p>
<p>Ils sont légitimes et méritent réflexion. Mais les éclairages que l’on peut apporter dépendent des situations locales et nationales. Les réglementations des taxis, le droit du travail et le taux de chômage varient d’une métropole et d’un pays à l’autre. Or les analyses documentées restent encore limitées à un petit nombre de marchés géographiques.</p>
<p>Prenons l’exemple de l’origine et du profil des chauffeurs Uber en France et aux États-Unis. En France, un quart d’entre eux étaient au chômage ; la moitié consacre plus de 30 heures par semaine à circuler ; et les trois quarts en tirent la majeure partie de leurs revenus. Aux États-Unis, moins de 10 % des chauffeurs Uber étaient auparavant sans emploi, et pour la très grande majorité d’entre eux il s’agit d’une activité à temps partiel et d’un <a href="https://s3.amazonaws.com/uber-static/comms/PDF/Uber_Driver-Partners_Hall_Kreuger_2015.pdf">revenu de complément</a>.</p>
<p>En France, la proportion de chauffeurs Uber dans la population active locale est d’autant plus élevée que leur zone d’habitation se caractérise par un taux de chômage élevé et un <a href="https://drive.google.com/file/d/0B1s08BdVqCgrTEZieTloQnRlazQ/view">revenu médian faible</a>. Aux États-Unis, les chauffeurs Uber se distinguent peu de l’ensemble de la population active des grandes métropoles.</p>
<p>En schématisant, Uber offre aux États-Unis une opportunité pour ceux qui ne gagnent pas assez et en France pour ceux qui ne gagnent rien. Cette différence est liée à toute une série de conditions économiques particulières, mais aussi à l’interdiction en France d’Uber Pop qui aurait facilité, comme aux États-Unis, l’activité à temps partiel.</p>
<h2>L’avantage pour le consommateur</h2>
<p>Concentrons-nous alors sur les consommateurs. Lorsque vous avez utilisé pour la première fois les services d’un VTC comme Uber vous avez eu l’impression d’entrer dans un autre monde : un chauffeur qui vous ouvre la portière ; qui est aimablissime ; qui vous demande si vous voulez écouter la radio, et si oui laquelle ; qui vous offre des bonbons et de l’eau minérale ; et qui ne doit pas être payé en liquide. Vous avez peut-être ainsi évité – cela arrive parfois – l’odeur du chien sur le siège passager, la saleté dans l’habitacle, les jérémiades du chauffeur sur la circulation, le refus des cartes de crédit, etc.</p>
<p>Mais vous avez peut-être aussi observé que la qualité de service des taxis parisiens, concurrence des VTC oblige, s’était grandement améliorée. Idem pour les taxis à Chicago. Dans cette ville, le nombre de plaintes des passagers a décru avec l’essor d’Uber, notamment les plaintes pour impolitesse, chauffage en panne, lecteur de carte défectueux, et <a href="https://www.ftc.gov/system/files/documents/public_comments/2015/06/01912-96334.pdf">conduite en téléphonant</a>.</p>
<p>Un autre bénéfice pour les consommateurs apporté par Uber et quelques autres comme Heetch est d’offrir un service qui s’écarte des centres-ville et qui offre une plus forte présence la nuit. À New York, les courses en Uber réalisent moitié plus de trajets en dehors de Manhattan <a href="http://fivethirtyeight.com/features/uber-is-serving-new-yorks-outer-boroughs-more-than-taxis-are/">que les Yellow Cabs</a>. En France, les trajets en VTC sont moitié plus importants que ceux des taxis entre minuit et le <a href="http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude-differentes-formes-voitures-transport-avec-chauffeur-vtc_rapport.pdf">petit matin</a>. Des millions de consommateurs qui ne prenaient jamais un taxi en commandent désormais sur leur téléphone portable.</p>
<h2>Prix et valeur</h2>
<p>Pour ce qui est des prix, la comparaison est compliquée. Les consommateurs sont en général gagnants dans la mesure où ils peuvent désormais opter pour des services <em>low cost</em>. Partager un véhicule avec Uber Pool ou faire appel à un chauffeur occasionnel de type Uber Pop permet de se déplacer en payant beaucoup moins cher qu’un taxi traditionnel. Aux États-Unis où ces services sont très développés, Uber est moins cher dans la très grande majorité <a href="http://www.businessinsider.com/uber-vs-taxi-pricing-by-city-2014-10?IR=T">des métropoles</a>. À Paris, où Uber Pop a été interdit, les courses avec réservation G7 et Uber X sont de <a href="http://blog.eurecab.com/2015/04/taxis-g7-vs-uber-confrontation-de-deux-poids-lourds-du-taxi-et-du-vtc/">montants comparables</a>.</p>
<p>Pour quantifier le bénéfice des consommateurs, les économistes calculent la différence entre ce qu’ils payent et ce qu’ils auraient été prêts à payer. Par exemple s’il pleut, vous paierez mettons 10 euros votre course alors que vous étiez prêts à la payer 18 euros pour éviter de vous faire tremper. Ce gain de 8 euros est votre surplus.</p>
<p>Une poignée <a href="http://www.nber.org/papers/w22627">d’économistes américains</a> a estimé ce surplus pour les passagers d’Uber transportés en 2015 aux États-Unis à près de 7 milliards de dollars. Un chiffre qui vous parlera sans doute mieux : le passager d’Uber moyen engrange un surplus de 1,57 dollar pour chaque dollar qu’il dépense.</p>
<h2>L’innovation tarifaire</h2>
<p>Cette estimation n’a pas été réalisée en interrogeant les passagers, mais grâce à une politique de prix d’Uber particulière. À l’heure de sortie des cinémas, s’il pleut, ou encore le dimanche midi quand les chauffeurs préfèrent rester en famille, la course sera plus chère. Un coefficient multiplicateur du prix de base apparaît sur l’écran et le consommateur clique pour accepter la course ou bien décide de ne pas passer commande.</p>
<p>Ce sont ces informations qui sont utilisées pour construire la courbe de demande ainsi que pour calculer le surplus des consommateurs. Elles nous disent par exemple que le prix de la course sans coefficient multiplicateur est accepté dans 64 % des cas, mais seulement dans 39 % des cas quand le coefficient multiplicateur est de 2.</p>
<p>La possibilité de réaliser de tels calculs n’est cependant pas l’intérêt principal d’une tarification qui colle quasi-instantanément aux conditions de l’offre et de la demande. Il est de gérer efficacement la pénurie.</p>
<p>En premier lieu, attirés par une course qui sera mieux payée, les chauffeurs vont se diriger vers les zones où ils sont le plus demandés et vont adapter leurs horaires pour être présents au pic des besoins. Et <a href="http://www.anderson.ucla.edu/faculty/keith.chen/papers/SurgeAndFlexibleWork_WorkingPaper.pdf">ça marche</a>. On <a href="http://ftp.iza.org/dp9986.pdf">observe ainsi</a> que le nombre de courses Uber à New York est 25 % plus élevé quand il pleut ! Avec un prix constant, le nombre de véhicules disponibles serait resté le même et les clients en auraient attendu fort longtemps ou n’en auraient pas trouvé.</p>
<p>En second lieu, les passagers qui vont être transportés sont ceux qui valorisent le mieux ce service. Avec un prix constant, le principe du « premier arrivé, premier servi » se serait appliqué pour gérer la rareté. Les véhicules disponibles auraient été occupés indépendamment du consentement à payer plus ou moins élevé des passagers. Par exemple, à la station de taxis le troisième dans la queue aurait attendu son tour même s’il était prêt à payer beaucoup plus cher que ceux devant lui.</p>
<h2>Derrière le prix d’une course</h2>
<p>Vous êtes peut-être en train de vous dire que c’est bien qu’il y ait plus d’Uber quand il pleut, mais que ce n’est pas juste de servir d’abord les plus riches. Vous êtes peut-être alors un partisan intransigeant de l’égalité absolue. Mais comprenez quand même qu’avec un tarif de base constant, les chauffeurs gagnent moins et que leurs efforts supplémentaires pour rouler quand il pleut malgré le trafic chargé, ou à l’heure du déjeuner dominical, ne sont pas rémunérés pleinement.</p>
<p>En effet, l’augmentation du prix de la course profite d’abord et avant tout aux chauffeurs ; Uber n’en bénéficie qu’à hauteur de sa commission de 20 %. Comprenez aussi que l’ensemble des consommateurs sont aussi gagnants car le gain des passagers additionnels transportés grâce au plus grand nombre de véhicules disponibles dépasse en général la perte de ceux qui, le prix étant trop élevé, ont dû se rabattre sur un moyen de transport alternatif moins onéreux.</p>
<p>Il est possible que ces arguments ne vous convainquent pas complètement. D’autant que vous avez peut-être eu vent du quadruplement du tarif d’Uber lors d’une prise d’otage dans le centre de <a href="http://www.huffingtonpost.com/2014/12/15/uber-sydney-surge-pricing_n_6325026.html">Sydney en 2014</a>.</p>
<p>Quelques heures se sont écoulées avant qu’Uber ne reprenne la main sur son algorithme et propose la gratuité en prenant à sa charge le paiement bonifié des chauffeurs. Mais notez qu’au Bataclan, les taxis, les Uber et autres VTC ont fait preuve de courage et de générosité en se portant au secours de blessés et en transportant gratuitement des centaines de personnes. Dans un registre moins dramatique, au Nouvel An <a href="http://bgr.com/2016/01/04/new-years-eve-uber-surge-pricing-reactions/">à New York</a> ou à <a href="http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/des-trajets-en-vtc-a-230-eur-la-nuit-du-reveillon-03-01-2015-4415551.php">Paris</a>, les prix d’Uber peuvent quintupler.</p>
<p>Ce qui choque en général dans le coefficient multiplicateur d’Uber et de ses concurrents, à l’instar de Lyft, est lié à un sentiment de déloyauté. D’abord, il est indubitable que certains bénéficient de la situation sans avoir rien fait. Il y a des véhicules qui se trouvent dans la zone où apparaît tout d’un coup une offre inférieure à la demande et donc le déclenchement d’une majoration.</p>
<h2>Le partage asymétrique</h2>
<p>Ces chauffeurs ne se sont pas rendus exprès dans le quartier alors qu’ils perçoivent quand même le tarif majoré. C’est un gain qui leur tombe du ciel. Ensuite et surtout, nos comportements s’écartent de la rationalité économique parfaite. Le refus de l’échange en cas de partage asymétrique d’un gain ou d’une perte est un résultat bien connu en économie expérimentale. Il repose sur l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_l%27ultimatum">expérience suivante</a> : un sujet reçoit une somme d’argent et doit proposer à un autre sujet de la partager selon son bon vouloir ; ce dernier peut accepter ou refuser l’offre ; et, s’il la rejette, la somme d’argent est alors perdue pour tout le monde. Dans la plupart des cas, quand le partage laisse moins de 30 % à celui qui reçoit l’offre, il la refuse. Il préfère ne rien gagner plutôt qu’empocher de l’argent ; il préfère signifier ainsi à l’offreur que sa règle de partage est injuste en le punissant puisqu’il n’aura rien non plus.</p>
<p>Une façon classique des vendeurs de réduire le nombre de réfractaires aux majorations de prix instantanées, et limiter ainsi leurs effets négatifs sur la réputation, consiste à en exonérer en totalité ou partiellement les clients fidèles. Je n’ai pas connaissance qu’Uber ait mis en œuvre cette pratique, mais peut-être que d’autres VTC le font ou s’apprêtent à le faire. N’oublions pas en effet qu’Uber fait bien face à des concurrents en dehors des taxis réglementés eux-mêmes.</p>
<h2>Un marché mondial et très local</h2>
<p>Uber détient une longueur d’avance sur ses rivaux par sa couverture géographique. L’entreprise californienne est aujourd’hui implantée dans 72 pays et 425 villes. Cependant elle n’est pas partout dominante. Certes, elle est loin devant Lyft et Curb dans presque toutes les villes des États-Unis ; et en France également devant Chauffeur Privé et LeCab. En revanche, elle est devancée de beaucoup en Russie par Yandex, en Indonésie par Gojek, en Inde par Ola, ou encore en <a href="https://theconversation.com/uber-china-rachete-par-didi-chuxing-ou-le-qui-perd-gagne-de-la-plateforme-californienne-63917">Chine par Didi Chuxing</a>. Ce sont toutes de firmes locales. Ce n’est pas une surprise car les <a href="https://theconversation.com/uber-ou-comment-conquerir-une-position-dominante-mondiale-en-un-temps-record-48692">marchés sont locaux</a> et la connaissance des situations locales, en particulier politique et réglementaire, peut être un atout décisif.</p>
<p>Évidemment, la stratégie planétaire d’Uber lui coûte cher. Dans cette industrie, il est en effet nécessaire de détenir rapidement une part de marché élevée. À défaut, les chauffeurs ne gagnent pas assez car ils roulent trop souvent à vide, et les clients attendent trop longtemps.</p>
<p>Inversement, plus le nombre de clients est élevé, plus les tarifs au kilomètre peuvent être bas car les chauffeurs roulent presque toujours à plein. Mais gagner des parts de marché sur les concurrents passe par des remises et des prix attractifs. En deux ans Uber a perdu 2 milliards de dollars dans l’Empire du Milieu à s’échiner à contester la suprématie de Didi. La firme de Travis Kalanick a finalement jeté l’éponge en préférant vendre sa filiale chinoise et entrer au capital de Didi à hauteur de 18 % pour un montant non communiqué.</p>
<p>Une telle stratégie d’alliance est commune chez Uber et ses concurrents. Lyft est par exemple partenaire d’Ola en Inde et de Grab en Asie du Sud-Est. Notons que les alliances commerciales ou capitalistiques ne se limitent pas au transport urbain VTC que nous connaissons aujourd’hui.</p>
<p>Uber est partenaire de Volvo et Nissan, Lyft est associé à General Motors, Daimler possède MyTaxi et les géants de l’Internet sont très présents : Apple a investi un milliard de dollars dans Didi qui a également pour actionnaire Tencent et Alibaba ; Google est un des premiers investisseurs d’Uber et David Drummond, un des dirigeants d’Aphabet, siégeait encore récemment à <a href="http://www.wsj.com/articles/alphabet-executive-david-drummond-leaves-uber-board-1472510812">son conseil d’administration</a>.</p>
<h2>La concurrence de demain… sans chauffeur</h2>
<p>Tout ce petit monde se prépare à la concurrence de demain, celle qui devrait voir les voitures sans chauffeurs remplacer les véhicules des particuliers. Pourquoi posséder une voiture dès lors que les rues et les boulevards seront sillonnés de machines intelligentes à quatre roues qu’il suffira de héler électroniquement ? Le tout pour une dépense annuelle moindre qu’une voiture personnelle.</p>
<p>Le marché visé n’est plus seulement quelques pour cent des trajets automobiles en ville, mais leur quasi-totalité. C’est ce <em>next big thing</em> qui explique la valorisation d’Uber à près de 70 milliards de dollars, un montant supérieur à celui du premier constructeur automobile américain.</p>
<p>Il n’est cependant pas sûr qu’Uber domine ce nouveau mode de transport individuel sans chauffeur. Aujourd’hui, Uber réalise des marges élevées sans détenir d’actifs matériels, l’essentiel des voitures appartenant aux chauffeurs. Demain, il lui faudra opérer ses propres véhicules dans une industrie à faible marge à l’instar des <a href="http://www.economist.com/printedition/2016-09-03">compagnies <em>low cost</em> aériennes</a>. Grâce à sa marque et sa capacité d’innovation, Uber a cependant toutes ses chances pour réussir cette grande transformation. Mais on ne peut pas exclure qu’elle soit à son tour ubérisée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68180/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherches de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs François Lévêque est Associé-Fondateur de Microeconomix, cabinet d’expertise et de conseil en analyse économique.
</span></em></p>Analyse du modèle Uber sous l’angle de la concurrence, des bénéfices consommateurs et des prix… en attendant l’avènement des voitures sans chauffeurs.François Lévêque, Professeur d'économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/666082016-10-24T20:58:39Z2016-10-24T20:58:39ZIndépendants mais ensemble, les « makers » inventent de nouvelles collaborations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/142710/original/image-20161021-1782-6mh1he.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">STGO Maker Space
hackerspace à
Santiago, Chili.
Septembre-2013.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maltman23/9708539111/in/photolist-fMUNrn-fMW3WR-9Xk2ua-psEeVW-fMWZSp-fMWYYK-jjxiSJ-fMUVtx-fTZ1WF-fNeHg7-fNcruE-fNdyQ5-bCX4Rm-fNdxVu-fMUQ7M-fNeCVh-9n2iHr-fTYAW9-fNeBt7-fMUMTR-wsEguN-fNeMkS-pf9zsD-bCUqhN-fMX58V-fNcpJy-q58qRS-fNeJS1-uRBYZJ-9XnVu9-bCUKxf-phRJjd-KgakN-HQCRzW-bRPtgR-bRPT1g-6kteex-bCUM4Q-9Xk3ye-4Tbttn-g1EDcJ-fNdAX5-fMW4SK-fMXhSn-fQMZwX-GZ33SD-fMUSDR-fMX4kR-vmDhch-q5gVFP">Mitch Altman / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la frontière du travail de l’ingénieur, du designer et de l’artisan, les activités des makers exigent des compétences et des collaborations variées. Qu’il s’agisse de développer un produit innovant ou de réparer un objet cassé, les makers trouvent dans les makerspaces ou les fablabs des ressources pour atteindre leurs objectifs. Bricoleurs amateurs ou travailleurs indépendants, les makers rentrent difficilement dans une catégorie et c’est davantage le goût pour le partage et l’apprentissage qui les rassemble. Une ethnographie de plusieurs mois dans le makerspace <a href="http://www.icimontreuil.com/">IciMontreuil</a> a permis d’identifier des formes de collaborations alternatives à celles que l’on observe dans les entreprises.</p>
<h2>Pas de lien de subordination mais de l’interdépendance</h2>
<p>À l’instar des personnes fréquentant les espaces de coworking, les membres des makerspaces ou fablabs sont souvent des indépendants ayant décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. S’ils fuient le modèle classique de l’entreprise, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils rejettent le travail collaboratif. Outre le fait que la fréquentation d’un makerspace permet l’accès à des ressources matérielles (imprimante 3D, découpeuse laser, espace de coworking, etc.), elle est également l’occasion de créer des collaborations avec d’autres makers. La fréquentation du makerspace permet à chacun d’étendre son réseau et de participer à des projets collectifs exigeant des spécialités diverses. Le mode projet est donc un mode d’organisation privilégié par les makers.</p>
<p>À s’y méprendre on pourrait penser que le modèle d’organisation d’un makerspace est assez proche des structures matricielles, dont le fonctionnement repose sur l’articulation entre des fonctions supports (RH, marketing, etc.) et des projets. Sauf que les makers ne sont pas salariés. Il n’y a aucun lien de subordination ni entre les makers, ni avec les employés du makerspace. Les makers sont généralement des travailleurs indépendants, bien que des relations de pouvoirs informelles peuvent exister. Cependant, la nature des produits qu’ils développent les conduit souvent à s’associer avec d’autres makers. Au croisement de plusieurs savoir-faire, les makers ont besoin les uns des autres. La relation entre les makers relève donc souvent de l’interdépendance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=241&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=241&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=241&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142711/original/image-20161021-1792-vpdkfm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ici Montreuil : espace de co-working.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des collaborations reposant sur la logique du don contre don</h2>
<p>Si l’absence de liens de subordination est synonyme de relations hiérarchiques horizontales, elle ne rend pas les makers plus autonomes. Afin de satisfaire les besoins réciproques de chacun, l’interdépendance prend souvent la forme de don contre don, au sens de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/norbert-alter/bien-etre-au-travail_b_5598241.html">Norbert Alter</a> ; c’est-à-dire une collaboration qui permettra non seulement de développer les affaires de chacun, mais également de créer du lien et de la convivialité. </p>
<p>Le don contre don peut même s’inscrire dans une logique de réciprocité élargie. Par exemple, un maker spécialisé dans le développement de sites Internet peut aider un autre maker spécialisé dans le travail sur tissus à développer sa présence sur Internet et les réseaux sociaux. En retour, le maker spécialisé dans le travail sur tissus peut aider un troisième maker à intégrer des pièces en tissus dans ses objets connectés. Ainsi, chacun profite des compétences de l’autre pour accélérer le développement de sa propre activité. Cela participe également à une forme d’apprentissage collectif, appelé de pair-à-pair.</p>
<p>La logique du don contre don est également présente en entreprise et les makers ne font que reproduire une dynamique décrite depuis longtemps en sciences humaines. Cependant, comme le montre Norbert Alter, cette logique tend à s’amplifier lorsque l’organisation se caractérise essentiellement par le mouvement, c’est-à-dire une évolution continue des modes de collaborations. Cela est particulièrement pertinent dans le cas des makers, qui sont sans cesse en train de développer de nouvelles activités, collaborations et projets. Cette logique de don contre donc prend donc des formes diverses et est sans cesse renouvelée au grès des projets.</p>
<h2>Des collaborations qui prennent corps dans l’expérimentation</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142708/original/image-20161021-1748-63w7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Espaces d’inspiration.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/shellyfryer/16530326299/in/photolist-rbJf6R-rRFx26-rqTpdU-JgV8G6-HRmdtL-HRmcCY-JgV8ci-HRme1C-JgVbdZ-JgVaDx-JgVacv-JgV9uZ-HRmbUJ-HRmbj5-HRmaXo-JgVbAc-HRmd8f-rtbb9R-pyTvc1-qwbDg5-ks3yW4-gwmAC2-rt4D5p-rtbaCR-9XnVq3-HzK3dA-9ZvPEG-gwmN7H-keFnjt-9Xk3Np-r9RPT6-5gvn82-oXT4aB-rt5GXy-qwbDj1-rqTpFh-aphW8d-eR7hdr-o3j7oU-c1XD2w-c1XCEQ-pPQrqA-fNcgnQ-6bdHSL-c1XDbY-cgKSa-fNdC5q-31D6EQ-fMUW6Z-fNdzQ5">Shelly Fryer/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’absence de structures formelles et l’obligation d’innovation à laquelle sont soumis les makers conduisent à faire de l’expérimentation une pratique quasi quotidienne. Pour innover, ils testent en permanence de nouveaux matériaux, des réglages sur une machine et surtout, ils croisent des compétences provenant de métiers différents. Les savoir-faire issus de l’artisanat, l’ingénierie, l’architecture, le design, le développement logiciel (etc.) se rencontrent à travers des expérimentations peu coûteuses à l’heure des outils de conception numérique tels que l’impression 3D.</p>
<p>Les collaborations débutent le plus souvent par des expérimentations dont le but est de trouver rapidement une solution à un problème concret. Collaboration, expérimentation et apprentissage sont ainsi une seule et unique dynamique. C’est en cela que les makers sont d’ailleurs très proches du modèle classique du bricoleur, qui apprend par essai-erreur en confrontant des savoirs provenant de métiers divers. Les essais successifs sont l’occasion pour chacun de progresser et de développer des idées qui pourront être utilisées par tous.</p>
<h2>Des collaborations qui remettent en cause la distinction client-prestataire</h2>
<p>Les collaborations entre les makers sont très souvent informelles. Cependant, elles peuvent être également contractuelles. Dans ce cas, elles deviennent davantage complexes. Qu’il y ait des relations contractuelles entre les travailleurs indépendants n’est pas un phénomène nouveau. C’est, par exemple, le principe d’organisation de la plupart des artisans. Dans ce cas, le maker joue tour à tour le rôle de client ou de prestataire selon qu’il est à l’initiative de la commande ou non. En revanche, la relation devient plus difficile à qualifier lorsque les makers deviennent sous-traitant du makerspace le temps d’un projet. Le maker fréquentant un makerspace est généralement appelé un résident. Il est la fois client et membre de la communauté du makerspace.</p>
<p>La relation se complexifie davantage lorsqu’un employé du makerspace – le fablab manager ou le community manager par exemple – joue le rôle de chef de projets pour le compte d’une entreprise. C’est par exemple le cas lorsqu’une grande entreprise s’adresse directement au makerspace pour une commande précise. Le makerspace, dont le personnel est souvent limité à quelques personnes, n’a pas vocation à répondre à des commandes particulières. En revanche, un employé du makerspace peut jouer le rôle de chef de projets et faire appel aux membres du makerspace pour réaliser les aspects techniques de la commande. Dans ce cas, le résident client devient également prestataire. En somme, le résident est à la fois client et fournisseur entraînant parfois des difficultés à qualifier la relation.</p>
<p>Ces nouvelles formes de collaboration nous conduisent à sortir des préjugés sur le travail indépendant et à repenser les catégories à partir desquelles nous comprenons les relations. Le statut d’indépendant ne signifie pas nécessairement l’exécution d’un travail solitaire. Bien au contraire, il est une opportunité pour collaborer avec des personnes provenant d’horizons divers. Face à l’augmentation continue des travailleurs indépendants en Europe (voir, par exemple, les études réalisées par le <a href="http://www.efip.org/">European Forum of Independent Worker</a>), il y a fort à parier que les makers ouvrent la voie à des pratiques de collaboration qui se généraliseront dans un futur proche.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142707/original/image-20161021-1796-1246gad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Makerspaces : un mouvement mondial.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/phploveme/15072217537/in/photolist-oXT4aB-rt5GXy-qwbDj1-rqTpFh-aphW8d-c1XD2w-c1XCEQ-pPQrqA-fNcgnQ-cgKSa-31D6EQ-9XnVL5-ni2m5e-qCmcRD-8vULPR-bEdQEh-5abyhX-9Xk2ua-fTZ1WF-bCX4Rm-9n2iHr-bCUqhN-6bdHSL-c1XDbY-fNdC5q-fMUW6Z-fNdzQ5-pPQqYy-fNeNsN-c1XCSo-w23U7W-pPNnbP-fMW5Dx-pdouZE-pfdSE6-pdouMA-fMUNrn-fMW3WR-psEeVW-fMWZSp-fMWYYK-jjxiSJ-fMUVtx-fNeHg7-fNcruE-fNdyQ5-fNdxVu-fMUQ7M-fNeCVh-fTYAW9">Jinho Jung/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/66608/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hussenot a reçu un soutien financier de la part du Cercle de l'Innovation en Management de la fondation Paris-Dauphine pour conduire cette recherche.</span></em></p>Plongée dans l'univers organisationnel multi-innovant des « makers ».Anthony Hussenot, Maitre de conférences en théories des organisations et management, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/650452016-09-07T18:36:35Z2016-09-07T18:36:35ZÉconomie collaborative ou coopérative ? Ne mélangeons pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/136860/original/image-20160907-25244-1p48k5m.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C892%2C578&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/uber/">Uber/Instagram</a></span></figcaption></figure><p>Aurélien Acquier et Alban Ouahab s’interrogent <a href="https://theconversation.com/supermarche-la-louve-le-dernier-ne-de-la-conso-alternative-64827">dans un article publié le 6 septembre</a> sur The Conversation à propos du modèle du supermarché La Louve, en l’inscrivant dans celui de l’économie collaborative. En substance, ils mettent cette expérience en regard de critiques montantes envers cette forme d’économie présentée comme nouvelle, et posent plusieurs questions sur son avenir.</p>
<p>Leur questionnement pose problème à plusieurs égards. Elle manque, tout d’abord, de profondeur historique : ce qui paraît nouveau sur une échelle de temps d’une décennie peut être ancien quand on regarde plus d’un siècle en arrière.</p>
<p>Il apparaît en effet que La Louve repose sur un modèle qui n’a rien de commun avec la plus grande partie des acteurs de l’économie collaborative, du fait de spécificités auxquelles nos collègues accordent trop peu d’importance.</p>
<h2>L’économie collaborative</h2>
<p>Qu’est-ce que l’économie collaborative, appelée encore « économie du partage » ou <em>sharing economy</em> ?</p>
<p>Le terme n’a pas de définition vraiment stabilisée, il renvoie le plus souvent à des activités économiques médiées par Internet et n’impliquant pas d’achat de <a href="http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1859/economie-collaborative-nouveau-modele-socio-economique.html">biens tangibles</a>. De nombreuses activités hétérogènes entrent dans cette catégorie : autopartage (BlaBlaCar), partage de fichiers vidéo ou autres (en streaming ou non), levée de fonds (KissKissBank), Airbnb, Uber, Le Bon Coin et autres.</p>
<p>Les partisans de cette économie mettent en avant l’aspect de « partage » ou de « collaboration ». Le problème est de savoir définir avec précision ce qu’on met derrière ces termes, à l’heure où les grandes entreprises du CAC40 préfèrent généralement parler de « collaborateurs » plutôt que de « salariés ».</p>
<p>Ajoutons que la dépendance de la définition à un outil – le numérique – induit profondément en erreur, conduisant à ranger dans la même catégorie des activités très différentes sur le plan des relations humaines. L’outil permet une structuration des rapports humains, mais il ne contraint pas à collaborer, c’est d’ailleurs pour cette raison que <a href="https://www.marxists.org/archive/marx/works/1876/">Marx (1876)</a> expliquait que l’enjeu n’est pas la machine (comme le croyaient les luddites au début du XIX<sup>e</sup> siècle), mais les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapports_de_production">rapports de production</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RZSLXPuMvTo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Économie du partage, qui tire son épingle du jeu ? (AJ+, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Les plateformes numériques</h2>
<p>L’idée est simple : certaines activités sont facilitées par la présence de plateformes numériques. Les voitures qui dorment au garage peuvent être utilisées par des particuliers qui en sont dénués : voici Koolicar. Les appartements ou chambres vides peuvent être occupés par des touristes : voici Airbnb. À chaque fois, la plateforme permet la mise en relation.</p>
<p>Certains y voient un progrès sur le plan écologique : moins de voitures mieux utilisées, c’est mieux que plus de voitures moins bien utilisées. Certes. Cela mériterait cependant discussion, car on peut aussi soutenir que cela facilite l’usage de la voiture, auprès de personnes qui avaient fait le choix de ne pas les utiliser.</p>
<p>D’autres y voient des avantages sociaux : les pauvres peuvent se payer un Lyon-Paris en BlaBlaCar, à défaut de pouvoir le faire par le TGV. Là encore, on peut se demander si ce n’est pas une solution similaire <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/13/autocars-macron-1-9-million-de-passagers-en-huit-mois_4949638_3234.html?xtmc=macron_bus&xtcr=4">aux bus Macron</a> : des solutions peu onéreuses évitent de poser le problème des inégalités salariales.</p>
<p>Le problème de fond est cependant que l’intérêt est peut-être avant tout économique. Uber, c’est une compagnie de taxi ordinaire, utilisant la géolocalisation, qui a essayé de faire croire que les chauffeurs étaient des autoentrepreneurs, avant que l’<a href="http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/05/17/l-urssaf-poursuit-uber-pour-requalifier-ses-chauffeurs-en-salaries_4920825_1656968.html">URSSAF ne l’attaque</a> pour travail dissimulé. BlaBlaCar intéresse les <a href="http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2015/09/17/levee-de-fonds-exceptionnelle-pour-blablacar_4760084_1656994.html#">fonds d’investissement</a>. Le fondateur d’Uber, <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/09/29/la-fortune-des-400-americains-les-plus-riches-atteint-2-340-milliards-de-dollars_4777271_3222.html">Travis Kalanick</a>, détiendrait une fortune de 5,3 milliards de dollars. Est-ce cela, « le partage », « la collaboration » ?</p>
<h2>Le commun</h2>
<p>Le numérique change assurément bien des choses dans notre vie. Mais on aurait tort de croire que tout est nouveau depuis que le numérique s’est imposé. On aurait aussi tort de prendre les <em><a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Buzzword">buzzwords</a></em> comme « l’économie collaborative » au pied de la lettre.</p>
<p>Dans <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/collaboration">« collaboration »</a> (participation à l’élaboration d’une œuvre commune), comme dans « partage » (action de diviser en parts), on trouve l’ancienne idée de « commun », telle que l’ont documentée <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-commun-9782707169389.html">Pierre Dardot et Christian Laval</a> : l’idée qu’il y a une co-activité et une co-obligation générant des biens qui profitent à tous.</p>
<p>Toutefois, le commun, tout comme la collaboration et le partage, exigent l’égalité dans la participation. Ils exigent la démocratie. À l’évidence ni Uber ni PriceMinister ne répondent à ce critère, ce sont des entreprises capitalistes tout à fait classiques, cherchant le minimum à partager et à collaborer.</p>
<p>Bien sûr, ces entreprises ont besoin de leurs travailleurs. Mais comme le déclarait l’homme d’affaires <a href="http://www.telerama.fr/medias/patrick-drahi-son-univers-impitoyable,135259.">Patrick Drahi</a> : « Je n’aime pas payer des salaires » – sauf le sien. Si l’égalité était là, la gouvernance serait en rapport : les taxis ne seraient pas des travailleurs « autonomes », mais des salariés dotés d’un pouvoir sur la direction de la société.</p>
<p>Sans cela, la « collaboration » n’est pas différente d’une entreprise classique : il s’agit en réalité d’un lien de subordination qui est indiqué dans le contrat de travail des employés. Parler de « collaboration » relève donc d’une rhétorique trompeuse.</p>
<h2>L’économie coopérative</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136863/original/image-20160907-25244-1pw042v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pierre-Joseph Proudhon, l’auteur de <em>Qu’est-ce que la propriété ?</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pierre-Joseph_Proudhon.jpg">Wikimédia</a></span>
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<p>La subordination des employés tient à leur contrat de travail et à la propriété privée des moyens de production : c’est déjà ce que disait <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/proudhon--pierre-joseph--1809-1865-_fr_art_223_31304.html">Proudhon au XIXᵉ siècle</a>, l’un des inventeurs de l’économie coopérative.</p>
<p>Celle-ci est bien plus ancienne que l’économie prétendument « collaborative », et elle a le mérite de poser clairement les choses : il n’y a de collaboration qu’entre égaux. Il n’y a rien de tel entre des personnes qui sont dans un rapport hiérarchique.</p>
<p>Le rapport de subordination implique que la collaboration est celle d’un dirigeant et d’un exécutant. Si ce dernier n’écoute pas le premier, alors il risque le licenciement. L’inverse n’est pas vrai : un supérieur qui ne donne pas satisfaction ne peut être mis en cause que par son propre supérieur, pas par ses subordonnés. On ne saurait être plus clair : la collaboration est ici à sens unique.</p>
<p>Le consommateur qui « collabore » avec telle ou telle grande entreprise dans la conception des produits n’a pas le moindre pouvoir formel non plus, et l’intérêt de l’entreprise est évident : mieux vaut tester les produits pour mieux les vendre.</p>
<p>À l’inverse, le supermarché La Louve repose sur les principes coopératifs classiques : un homme égale une voix. L’absence de subordination devra être vérifiée à l’usage, bien entendu. Mais le but est clair. Des coopératives de consommation existaient déjà à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle – sans plateforme Internet. Que la collaboration ne soit pas le but d’Uber ou de Airbnb est tout aussi clair, évitons d’accréditer le contraire.</p>
<p>Faut-il alors voir dans « l’économie collaborative » qu’un nouvel avatar du capitalisme ? Une nouvelle version de la « novlangue » mise en scène par <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/ca-peut-pas-faire-de-mal/ca-peut-pas-faire-de-mal-01-juin-2013">George Orwell</a> (« La paix, c’est la guerre ; la vérité, c’est le mensonge ») ? Sans doute pas, car on trouve dans l’économie collaborative des pratiques qui sont réellement collaboratives.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F8GwnfJPBPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du film <em>1984</em> de Michael Radford tiré du roman éponyme de George Orwell (YouTube).</span></figcaption>
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<p>Le premier défaut du mot est son manque de consistance, nous l’avons dit. Son existence exprime cependant un réel problème économique et institutionnel, par exemple comment considérer ces activités, d’un point de vue fiscal. Ici encore, les choses ne sont pas si nouvelles que cela, et en cherchant bien les enjeux peuvent être mis au jour, au cas par cas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65045/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo est membre de l’association Sciences citoyennes. </span></em></p>Sur quel modèle repose l’économie dite « du partage » ? Une mise au point s’impose pour éviter les confusions avec d’autres types de répartition du travail et des richesses.Fabrice Flipo, Maitre de conférences en philosophie, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/648272016-09-05T17:02:20Z2016-09-05T17:02:20ZSupermarché La Louve, le dernier né de la conso alternative<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/136472/original/image-20160902-20213-o288ho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Compte FB la Louve</span></span></figcaption></figure><p>C’est une première en France : <a href="http://dons.cooplalouve.fr/">La Louve</a>, un supermarché coopératif et participatif détenu par ses clients, ouvrira ses portes dans le XVIII<sup>e</sup> arrondissement de Paris à l’automne 2016.</p>
<p>Ce projet coopératif peut-il apporter des réponses aux enjeux de l’économie collaborative, souvent accusée de distribuer inéquitablement la valeur entre les plateformes d’intermédiation et leurs utilisateurs ?</p>
<h2>L’économie collaborative : après les promesses, le temps des critiques</h2>
<p>Dans le champ hétérogène de l’économie collaborative, certaines plateformes, qui incarnaient il y a peu des modes de consommation alternative, sont désormais l’<a href="https://www.theguardian.com/books/2016/apr/02/whats-yours-is-mine-against-the-sharing-economy-tom-slee-review">objet de critiques de plus en plus vives.</a></p>
<p>Airbnb, Uber ou BlaBlaCar sont sans doute les exemples les plus emblématiques de <a href="http://www.liberation.fr/futurs/2014/06/08/une-economie-du-partage-entre-utopie-et-big-business_1036447">ces structures</a> qui ne possèdent pas leurs actifs, mais se contentent de mettre en contact offreurs et demandeurs pour organiser une prestation de service (ici logement ou transport) entre particuliers.</p>
<p>Les critiques sont multiples : en externalisant presque tous leurs actifs, elles se défaussent sur leurs utilisateurs de toute forme de responsabilité en cas de problème, elles précarisent la relation de travail, et accaparent une part disproportionnée de la valeur économique au détriment de leurs utilisateurs, tout ceci sous fond d’optimisation fiscale.</p>
<p>Pour <a href="http://www.humanite.fr/uber-airbnb-google-le-capitalisme-de-plate-forme-contre-le-bien-commun-582281">ses détracteurs</a>, cette économie de plateforme incarne une logique de prédation et une forme de supercapitalisme libéral, aux antipodes de l’idéal de collaboration promu par les chantres de l’économie collaborative.</p>
<p>Face à ces enjeux, l’économie collaborative est à la recherche de schémas de gouvernance alternatifs.</p>
<p>Lors de la dernière édition du <a href="http://ouisharefest.com/">Ouishare Fest</a>, le coopérativisme de plateforme était ainsi évoqué comme une voie possible pour donner son plein potentiel réformiste à l’économie collaborative. Le coopérativisme peut-il vraiment servir de base réformiste ? Éléments d’analyse à travers le projet de La Louve.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le coopérativisme de plateforme en discussion au Ouishare Fest 2016.</span></figcaption>
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<h2>Un projet aux origines new-yorkaises</h2>
<p>La Louve, se présente comme « le premier supermarché coopératif ET participatif de France ». Il existe dans hexagone des <a href="http://www.biocoop.fr/actualites-bio/Biocoop-s-engage-dans-le-developpement-des-SCOP">supermarchés coopératifs</a> depuis de nombreuses années et les premières coopératives <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/mouvement-cooperatif_fr_art_223_31277.html">apparaissent dès le XIXᵉ</a>.</p>
<p>Toutefois, les coopératives en général, et les supermarchés coopératifs en particulier, effectuent une distinction claire entre travailleurs coopérateurs et les clients/consommateurs, qui sont externes à l’initiative.</p>
<p>C’est sur ce point que La Louve innove. Son principe est relativement simple : seuls les membres-coopérateurs peuvent y faire leurs courses et bénéficier ainsi de prix estimés inférieurs de 20 à 40 % à ceux pratiqués par la grande distribution. En contrepartie, ils s’engagent dans la gestion du magasin, à hauteur de 3 heures par mois.</p>
<p>Ce projet, en maturation à Paris depuis 2011, s’inspire du modèle de la <a href="https://www.foodcoop.com/about">Park Slope Food Co-op</a> lancé en 1973 à Brooklyn.</p>
<p>Recherchant des produits sains et une alternative au système de distribution traditionnel, des habitants du quartier, mus par les idéaux communautaires de la contre-culture hippie, décident de créer une coopérative alimentaire.</p>
<p>L’idée était que les habitants du quartier travaillent librement et collectivement pour faire fonctionner la coopérative. Quarante ans plus tard, la coopérative compte plus de 16 500 membres. Victime de son succès, elle est aujourd’hui contrainte de recruter ses nouveaux adhérents sur liste d’attente. Le temps d’attente en caisse dépasse parfois la demi-heure le week-end.</p>
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<h2>Une idée qui traverse l’Atlantique</h2>
<p>En France, l’histoire démarre en 2010, quand deux New-Yorkais vivant à Paris – Tom Boothe et Brian Horihan – souhaitent dupliquer le modèle pour disposer de produits de qualité à des prix raisonnables.</p>
<p>Mais compte tenu de la complexité du projet et du montant des investissements nécessaires (notamment en termes de locaux dans cette zone parisienne où la pression immobilière est très forte), la naissance de La Louve est le fruit de plusieurs années de maturation.</p>
<p>Une association des « amis de La Louve » est d’abord créée en 2011 pour réfléchir au lancement du projet, puis un groupement d’achat pour tester des produits. Progressivement, des coopérateurs rejoignent le projet en investissant les 100 € de parts nécessaires pour devenir membre-coopérateur.</p>
<p>Malgré plus de 2000 inscriptions et une campagne de levée de fonds sur Kiss Kiss Bank Bank, les sommes collectées restent largement insuffisantes pour financer le lancement d’un tel projet.</p>
<p>Des négociations sont donc entreprises avec des banques ainsi que les pouvoirs publics (mairies de Paris et du XVIII<sup>e</sup> arrondissement), et des programmes de financements tels que <a href="http://www.pie.paris/">Paris Initiative Entreprise</a>, <a href="http://www.franceactive.org/">France Active</a> et le programme <a href="http://www.gouvernement.fr/investissements-d-avenir-cgi">« Investissements d’avenir »</a>.</p>
<p>En 2015, la coopérative réunit 1,5 million d’euros de capital et un local de 1450 m2 est trouvé, le bail signé et les travaux démarrent, parfois réalisés par les coopérateurs eux-mêmes. L’ouverture est aujourd’hui prévue à l’automne 2016.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation de La Louve (2013).</span></figcaption>
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<h2>Réduire les coûts…</h2>
<p>D’un point de vue économique, la structure de coût particulière doit permettre à La Louve de pratiquer des prix moins élevés que dans les circuits de distributions conventionnels.</p>
<p>Ainsi, les membres sont « captifs », ce qui limite les frais de marketing ou de publicité au recrutement de nouveaux sociétaires. De même, chaque sociétaire contribue à l’activité du magasin à hauteur de 3 heures par mois (cela peut consister à remplir les rayons, tenir une caisse, décharger un camion de livraison ou bien encore prédécouper une meule de fromage).</p>
<p>De ce fait, les frais de personnels sont fortement réduits (moins d’une dizaine de salariés sont toutefois nécessaires pour assurer certaines tâches comme la comptabilité).</p>
<h2>… au service d’un modèle alternatif</h2>
<p>Cet objectif économique ne s’inscrit pas dans une logique capitalistique classique. Tout d’abord, la marge brute réalisée sur les ventes ne sert qu’au remboursement des dettes, au paiement des quelques salaires et au réinvestissement, se distinguant ainsi de la logique de maximisation du profit qui caractérise les enseignes classiques de grande distribution.</p>
<p>Les mairies de Paris et du XVIII<sup>e</sup> arrondissement sont sensibles à la dimension sociale voire sociétale du projet. Si le pari de La Louve est tenu, alors des familles modestes de l’arrondissement pourront elles aussi avoir accès à des produits de qualité à prix moindres.</p>
<p>À cela s’ajoute l’envie de recréer du lien entre les individus par l’appartenance commune et le travail collectif. Parmi les groupes de travail en cours, il y en a d’ailleurs un dédié à la « convivialité entre les membres ».</p>
<p>Il s’agit enfin, dans une perspective plus militante, de rendre du pouvoir aux consommateurs, de favoriser des produits sains et locaux et de promouvoir une logique d’engagement, en responsabilisant les membres au bon fonctionnement du supermarché par la mise en commun de cet outil de production.</p>
<p>Sur ce point, l’exemple de la Park Slope Food Co-op est instructif car dès son origine, ce projet se voulait politique. Ainsi, au fil des ans, des décisions fortes ont été prises comme, par exemple, le <a href="http://www.citylab.com/politics/2012/02/complete-history-park-slope-food-co-ops-boycotts/1302/">refus de commercialiser</a> des produits du groupe Coca-Cola.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136551/original/image-20160905-10521-x5jh25.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Brooklyn, dans les coulisses de la Park Slope Food Co-op.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Park Slope Food Co-op</span></span>
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<h2>Un supermarché d’un nouveau genre</h2>
<p>Comme toute démarche d’innovation, les inconnues sont nombreuses. Parmi les nombreux enjeux managériaux de la démarche, on peut ici exposer quatre séries d’enjeux qui apparaissent saillants à l’heure du lancement du projet :</p>
<p><strong>• Qui rejoindra le « club » ?</strong></p>
<p>Les spécificités de La Louve tiennent à son modèle, à la fois fortement communautaire et très local.</p>
<p>Dans le contexte communautaire des années 1970 aux États-Unis, la question de la composition du réseau n’était peut-être pas centrale. Elle l’est sans doute plus dans le contexte français d’aujourd’hui, d’autant que La Louve est perçue par les acteurs publics comme un levier potentiel d’intégration et de mixité. Dans ce contexte, comment favoriser une réelle mixité sociale et culturelle chez les sociétaires de La Louve ?</p>
<p><strong>• Quelle équation économique ?</strong></p>
<p>D’un point de vue strictement économique, l’un des points sensibles tient au poids des immobilisations/frais-fixes, notamment liées aux locaux. Si les 2 300 coopérateurs se sont engagés à venir travailler tous les mois, il est encore difficile de prédire quel chiffre d’affaires ces derniers vont générer.</p>
<p>Certains coopérateurs, proches de l’esprit du projet, mais pas forcément de l’emplacement géographique du magasin, risquent de ne pas y faire leurs courses quotidiennes. Or, au vu des investissements initiaux et des prêts réalisés (environ 1,5 millions d’euros d’apport en capital), la capacité de La Louve à générer un chiffre d’affaires suffisant sera déterminant pour la survie du modèle.</p>
<p><strong>• Comment faire vivre une gouvernance alternative ?</strong></p>
<p>Avec un flux continu de nouveaux membres, il faudra regarder comment la coopérative réussit à organiser ou maintenir un fonctionnement démocratique. Au-delà du principe “une personne égale une voix”, quelles décisions seront mises au vote ? Comment les sociétaires y participeront ? Quelles relations s’établiront entre les sociétaires bénévoles et les salariés ? Et l’organisation du travail incarnera-t-elle cet idéal démocratique, ou se calquera-t-elle sur l’organisation classique et hiérarchique d’un supermarché ? Sur ce point, même si La Louve a prévu de s’inspirer de sa grande sœur new-yorkaise, beaucoup reste encore à écrire.</p>
<p>L’autogestion peut être une réelle opportunité, mais aussi une source de tensions entre des personnes qui n’attendent pas forcément toutes la même chose de ce supermarché. Les débats sont nécessaires et omniprésents parmi les membres de La Louve mais en cas de désaccord profond, le risque apparaît de voir des membres quitter le projet.</p>
<p><strong>• Quel potentiel de diffusion ?</strong></p>
<p>Le projet de La Louve semble attester d’une demande sociale forte pour ce type de projets. À Paris, alors même que le supermarché n’est pas ouvert, plus de 2000 personnes sont déjà inscrites en tant que coopérateurs.</p>
<p>À New-York, la Park Slope est arrivée depuis longtemps à saturation. Comment dès lors expliquer que le modèle ne se soit pas diffusé plus rapidement aux États-Unis ou à l’international, et qu’il ait fallu plus de 5 ans pour faire naître ce projet à Paris ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage à la Park Slope Food Co-op (<em>Laura Flanders Show</em>, 2013).</span></figcaption>
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<p>La diffusion ne semble pas constituer un objectif prioritaire pour les promoteurs de ces supermarchés alternatifs. La Louve est donc un projet totalement indépendant même si la Park Slope n’hésite pas à fournir de nombreux conseils aux porteurs du projet à Paris.</p>
<h2>Des modèles alternatifs en quête de théorisation</h2>
<p>C’est sans doute l’une des grandes limites de ces modèles alternatifs : ils sont réformistes, mais complexes, s’inscrivent dans des territoires, interagissent avec des acteurs locaux. De ce fait, ils peuvent avoir un impact fort mais local, avec un potentiel de diffusion plus limité.</p>
<p>La Park Slope n’a jamais vraiment pris le temps de théoriser son modèle. Les principes de fonctionnement continuent d’évoluer suivant un principe d’essais et d’adaptation permanent selon les votes des membres. Dès lors, chaque nouveau projet de supermarché participatif ne bénéficie que partiellement de l’expérience des précédents.</p>
<p>Si le modèle de La Louve fait ses preuves, il restera à penser des mécanismes de diffusion en dehors des murs du XVIII<sup>e</sup> arrondissement parisien. D’autres mairies d’arrondissement auraient fait part de leur intérêt pour soutenir un projet similaire sur leur territoire. En faire la théorisation pourrait permettre d’accélérer le processus. C’est sans doute l’un des rôles sociétaux du mouvement coopératif, mais aussi de la recherche en management.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alban Ouahab, dans le cadre de sa recherche, est coopérateur-membre de la Louve.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélien Acquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Louve, un supermarché coopératif et participatif détenu par ses clients, ouvrira ses portes dans le XVIIIᵉ arrondissement de Paris à l’automne 2016. Histoire et enjeux de la démarche.Aurélien Acquier, Professeur - Stratégie, Organisations et Société, ESCP Business SchoolAlban Ouahab, Doctorant en Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/611052016-07-06T04:35:28Z2016-07-06T04:35:28ZGouvernance d’entreprise : blockchain, ingrédient de nouvelles innovations de rupture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128201/original/image-20160626-28362-682uzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Blockchain : un système fiable et résilient.</span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte résume l’intervention réalisée dans le cadre de la Conférence Internationale de Gouvernance <a href="http://www.iae.univ-montp2.fr/fr/recherche/accueil-recherche">CIG 2016</a> à l’Université de Montpellier : Gouvernance et gouvernementalité à l’heure du big data : quels enjeux pour les entreprises ?</em></p>
<p>Apparu en 2008 et crée par le « toujours » énigmatique <a href="https://www.wired.com/2016/04/prove-youre-bitcoin-creator-satoshi-nakamoto/">Satoshi Nakamoto</a>, le concept de <em>blockchain</em> (BC) a consisté initialement en une combinaison originale des mécanismes de <a href="https://eprint.iacr.org/2015/675.pdf">cryptographie</a> et de l’architecture peer to peer (<a href="https://depinfo.u-cergy.fr/%7Evodislav/Master/M2Integration/1112/fichiers/p2p.pdf">P2P</a>) dédiée à la mise en œuvre d’une monnaie virtuelle : le bitcoin.</p>
<h2>Bitcoin et blockchain</h2>
<p>D’ailleurs, longtemps les termes de bitcoin et de blockchain ont été synonymes. Ainsi, la BC constitue le grand livre comptable qui enregistre l’ensemble des transactions en bitcoin. Aussi, elle grandit à la fois au rythme des échanges mais aussi à celui de la création de monnaie réalisée grâce aux opérations de création de monnaie (le <em>mining</em>).</p>
<p>On peut donc définir le concept de BC comme <strong>un système fiable et résilient permettant d’enregistrer des transactions</strong>. La fiabilité est fondée sur la cryptographie et la résilience, quant à elle, provient de l’architecture P2P. La BC n’est donc pas une solution en elle-même, mais plutôt le sous-jacent de nouvelles solutions.</p>
<p>À partir de 2014, des initiatives ont commencé à germer en étendant le spectre d’emploi du BC à l’ensemble des secteurs nécessitant d’enregistrer des transactions ou des contrats. On parle alors de BC 2.0, voire 3.0.</p>
<h2>D’autres chaînes possibles</h2>
<p>La première BC concernait donc le Bitcoin, mais depuis, le mécanisme au cœur de la BC a été mis en œuvre dans d’autres chaînes. Ainsi une nouvelle chaîne appelée <a href="https://www.ethereum.org/">Ethereum</a> est née. Ethereum constitue un système fondé sur la BC mais ouvert à de nombreuses applications. Par exemple, <a href="https://slock.it/">Slock.it</a> est une startup dont l’idée est d’intégrer le mécanisme de la BC via la chaine Ethereum dans des appareils physiques : un mariage virtuel/réel.</p>
<p>Parmi les idées d’application, il est possible d’envisager une poignée de porte qui, quand elle est tournée, enregistre la transaction via Etherum est permet de créer un <em>smart contract</em> entre le possesseur de l’appartement et celui qui y entre. Bref, il devient imaginable de réaliser un Airbnb encore plus efficient et sûr. C’est un nouveau mode d’organisation liant clients et propriétaires qui émerge. Le terme de DAO (<em>decentralized autonomous organisations</em>) est avancé. La notion même d’organisation comme <a href="http://www.mintzberg.org/">Henry Mintzberg</a> nous l’a définie prend enfin en compte le monde numérique.</p>
<p>Notons que le 17 juin 2016, une attaque contre la plateforme hébergeant le projet de DAO a été lancée et a permis de <a href="http://www.zdnet.fr/actualites/blockchain-dao-premiere-epreuve-du-feu-pour-ethereum-39838668.htm">voler un tiers des fonds déposés</a>… Cette attaque met en lumière à la fois la faiblesse d’un système naissant, mais aussi l’intérêt qu’il suscite. Toutefois, c’est bien la plateforme qui a été attaquée et non la Blockchain.</p>
<h2>Et si l’entreprise se fondait sur la blockchain ?</h2>
<p>En poussant plus loin le raisonnement, on peut imaginer que l’entreprise vue sous l’angle « nœud de contrats » soit ainsi fondée sur un mécanisme de BC. La manière avec laquelle sont enregistrées toutes les transactions sur les titres de propriété serait alors totalement renouvelée. Les titres de propriété quant à eux peuvent être représentés par les unités d’une monnaie virtuelle.</p>
<p>En effet, le Bitcoin par exemple est conçu pour qu’il y ait au maximum <a href="https://en.bitcoin.it/wiki/File:ControlledSupply.png">21 millions</a> de bitcoins en circulation. On peut alors imaginer la création d’une monnaie avec un certain nombre d’unités et chaque unité représente une part de l’entreprise. Cela constituerait un mécanisme de gestion de la propriété et de valorisation des actifs totalement nouveau. C’est ce que propose une plateforme comme <a href="http://www.swarmbot.io/">swarm</a>. À nouvelle solution, nouvel acronyme, swarm propose celui de <a href="https://fair.coop/?get_group_doc=50/1430309418-SWARMSTANFORDModelDCOTemplate.pdf">DCO</a> (Decentralized Collaborative Organization).</p>
<h2>L’institutionnalisation du système blockchain</h2>
<p>Certes, certains pourraient penser que cette histoire de BC n’est qu’un feu de paille pour <em>geeks</em> et que ce n’est pas sérieux. Pourtant, le 16 février 2016, le <a href="http://ir.nasdaq.com/releasedetail.cfm?releaseid=954654">NASQAD</a> a initié un projet visant à enregistrer le vote des actionnaires sur la bourse de Tallin en utilisant le BC. Le 13 avril 2016, le président et directeur des opérations du même Nasdaq indiquait même : <a href="http://www.cnbc.com/2016/04/13/nasdaqs-adena-freedman-sees-opportunity-for-blockchain-technology-in-financial-markets.html">« Blockchain technology can lead to quicker, more efficient trade settlements »</a>.</p>
<p>Le 16 mars 2016, la première intervention en plénière de l’Université Numérique du <a href="https://www.universitedunumeriquemedef.fr/videoreplay/43">Medef</a> était proposée par l’équipe de <a href="https://blockchainfrance.net/">Blockchain France</a>. Enfin, le 1<sup>er</sup> mai 2016, l’État du <a href="http://www.ibtimes.co.uk/consensus-2016-state-delaware-open-blockchain-business-1557851">Delaware</a> a officiellement annoncé que la BC était une technologie qui allait leur permettre de remplacer leurs écritures.</p>
<p>Ainsi, la blockchain n’est plus un signal faible… mais un mouvement potentiellement aussi fort que le Web lui-même ou les médias sociaux.</p>
<h2>Quels acteurs et quelles autres avancées ?</h2>
<p>Répondons alors à deux questions : quels sont les grands acteurs qui risquent d’être impactés par la BC ? Et quelles autres avancées technologiques peuvent entrer en synergie avec la BC pour contribuer à transformer notre environnement ?</p>
<p>De mon point de vue, trois grands <strong>acteurs</strong> peuvent être impactés par le BC.</p>
<p>Le premier acteur est constitué par l’ensemble des organismes jouant le rôle de <strong>tiers de confiance</strong>. En effet, l’aspect confiance peut entièrement reposer sur le mécanisme de BC. Certes ces acteurs pourront continuer à proposer des conseils mais ils entreront alors en concurrence avec l’ensemble des sociétés de conseil existantes.</p>
<p>Le second acteur dont une partie du métier peut être remis en question représente les <strong>institutions étatiques</strong>. À titre d’exemple, la tenue des registres nationaux (État civil ou Cadastre) peut être gérée à un niveau mondial et totalement décentralisé par une BC dédiée.</p>
<p>Enfin le dernier acteur est constitué par l’ensemble des <strong>organisations</strong> qui pourront trouver de nouvelles formes de financement et de gouvernance en utilisant ce mécanisme pour gérer leurs parts de capital. Du point de vue des sciences de gestion, les théories du contrôle notamment vont connaître une nouvelle jeunesse.</p>
<p>Pour répondre à la seconde question, j’estime que trois autres grands concepts peuvent entrer <strong>en résonnance</strong> avec le BC pour déclencher des innovations de rupture d’une intensité de celle de l’avènement d’Internet.</p>
<p>Le premier concept est celui de <a href="http://www.wired.com/2006/06/crowds/">crowdsourcing</a>. Ce mode d’externalisation permet de faire réaliser une activité à un grand nombre de personnes pour la plupart anonyme. On peut alors voir le crowdsourcing comme un moyen de faire <a href="http://aisel.aisnet.org/sim/vol15/iss3/2/">créer de la valeur par la foule</a> et donc de profiter pleinement des potentialités offertes par l’interactivité des applications fondées sur Internet.</p>
<p>Le second concept est celui de l’<a href="https://hbr.org/2015/05/the-3-d-printing-revolution">impression 3D</a>. Le fait de pouvoir démocratiser la fabrication de produits tout en libéralisant le modèle de conception de ce produit est en soi une rupture dans la production et la logistique.</p>
<p>Enfin, le troisième élément est la poursuite de la dissémination des appareils connectés. En quarante ans, nous sommes passés de quelques gros ordinateurs centraux, à un PC chez chacun, puis à un smartphone dans chaque poche et maintenant à des dizaines d’appareils de toute taille dans les foyers et sur nous. Cet <a href="https://hbr.org/2014/11/how-smart-connected-products-are-transforming-competition"><em>Internet of things</em></a> (IoT) dont certains peuvent être fabriqués localement (Impression 3D) contribue alors à augmenter la capacité à faire émerger de la valeur par la foule que nous sommes (crowdsourcing). Ajoutons à cela les potentialités de la blockchain que nous avons évoquées, et un nouvel univers des possibles s’ouvre à tous : ceux qui sauront en profiter et ceux qui risquent de le subir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Fabrice Lebraty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Utilisé à l’origine avec le bitcoin, le blockchain voit ses applications s’étendre rapidement. Ce système fiable et résilient d’enregistrement de transactions gagne l’ensemble de la nouvelle économie.Jean-Fabrice Lebraty, Professeur en Sciences de Gestion. Spécialisé en Systèmes d'Information, Université Jean-Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/609032016-06-17T04:35:32Z2016-06-17T04:35:32ZÉconomie du partage : le mensonge égalitaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/126910/original/image-20160616-15101-111nczw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nouveau siège social international de Airbnb, dans des anciens entrepôts du quartier des docks à Dublin, en Irlande.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/infomatique/24276604503/in/photolist-8m9hg1-8m67Bt-8m9h3s-HdXQUJ-nhrH4H-E8agG3-uNDekf-oAayan-oAapHH-oSCFx1-oAayja-8m67y4-oSoK4X-oAb1Uf-oAayqx-oQCHUb-eCbbW8-oAayAx-oAbAtM-esJ75J-o8Mtfm-oohPtU-o8Q3xj-oq3oer-rC5hG9-HBCwjH-Hvrw5i-HBCvNn-HBCwvV-Ht3mty-pEf3SG-rD1zNL-bsHreg-qGzi5r-nJGdUY-qWvkPn-CZ8vBL-HBCDri-HBCCVt-HBCBmr-HBCDee-HBCB2D-CZeWJB-qS9Ziy-9jV3zq-uUZL9d">William Murphy / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>La polémique née des cas de <a href="http://www.france24.com/fr/20160607-airbnb-logeur-racisme-discrimination-transexuel-location-refus-internet">discrimination sur Airbnb</a> ne pourrait bien être qu’un symptôme de la face sombre de l’économie dite « du partage » ou collaborative. Présentée comme accélérateur d’inclusion sociale et d’équité économique, cette nouvelle économie pourrait générer des effets strictement inverses.</em></p>
<p>Parmi les nombreuses promesses de l’économie du partage, l’une des plus fréquemment mise en avant est celle d’une société plus « égalitaire ». L’argument sous-jacent est simple : les nouvelles plateformes d’échange de l’économie du partage garantissent « enfin » un accès à tous et à (presque) tout. Elles permettent par exemple de profiter à moindre prix et pendant les quelques heures dont on en a besoin d’une voiture, d’outillages ou d’un logement à New-York… Autant de biens qui seraient tout simplement hors de portée pour beaucoup s’ils devaient les acheter au travers des canaux de l’économie classique. A priori donc, l’économie du partage profiterait à tous, à commencer par les moins nantis.</p>
<p>Mais cet accès élargi à la consommation suffit-il pour autant à l’avènement d’une société plus égalitaire ? Ces espoirs – si souvent lus et répétés qu’on finirait par les prendre pour vérité absolue – méritent en effet qu’on s’y arrête à deux fois. Car tout bien considéré, comment imaginer que ces nouveaux circuits économiques dits « du partage » profitent avant tout aux populations les plus désavantagées, alors que ces dernières ont, par définition, moins à partager que les autres ?</p>
<p>À la lumière des tout premiers travaux de recherche, ceux qui espèrent équité et justice de l’économie du partage pourraient vite déchanter. Car que ce soit en termes de patrimoine (capital économique), de réputation (capital social) ou de compétences et savoir-faire valorisables (capital culturel), les mécanismes de l’économie du partage semblent avant tout maintenir voire creuser les inégalités existantes. Plus préoccupant encore : ce creusement des inégalités semble même s’observer dans les initiatives de l’économie collaborative « bien intentionnées » qui affichent explicitement leur volonté de contribuer à une société plus juste.</p>
<h2>Inégalités en terme de capital économique : comment partager sans patrimoine attractif ?</h2>
<p>L’ère de l’économie du partage sous-tend l’idée que nous basculons d’un « ancien » monde qui valorise la possession des biens à un monde « nouveau » ou l’usage – d’un logement, d’une voiture, d’une perceuse… – devient plus important que la propriété. Dans cette optique, le capital économique se mesurerait davantage en termes d’accès à des biens qu’en termes de patrimoine. Cette nouvelle relation aux biens est donc censée créer un formidable effet de levier pour les populations les plus pauvres : ce qui ne pouvait être acheté hier faute de moyens pourra demain être emprunté ou loué à des tarifs raisonnables.</p>
<p>Mais cette nouvelle approche du capital économique change-t-elle fondamentalement la donne en termes d’inégalités économiques ? Si les plus mal lotis économiquement peuvent en partie profiter de ces évolutions, n’est-ce pas plutôt les propriétaires d’un patrimoine fortement valorisable qui en tireront le plus profit ? Pour <a href="http://alternatives-economiques.fr/blogs/sibille/">Hugues Sibille</a>, président du Labo de l'économie sociale et solidaire, la réponse ne fait pas l’ombre d’un doute. Dans une interview <a href="http://rue89.nouvelobs.com/2016/01/03/leconomie-collaborative-accroit-les-inegalites-patrimoniales-262256">récemment donnée à Rue89</a>, il affirme sans ambages que</p>
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<p>l’économie collaborative accroît les inégalités patrimoniales. Si vous avez du patrimoine, vous allez pouvoir le rentabiliser. Le locataire de HLM ne pourra pas faire du Airbnb, alors qu’il en aurait sans doute davantage besoin. </p>
</blockquote>
<p>Non seulement l’économie du partage profite aux plus riches, mais elle est dans certains cas facteur de paupérisation. De nombreuses recherches ont en effet déjà souligné le risque « d’uberisation » du monde du travail, pointant ainsi du doigt le remplacement progressif du contrat de travail traditionnel par des contrats de prestations payées à la pièce. Les régulations économiques et sociales traditionnelles (à commencer par le code du travail) se trouvent ainsi directement menacées par ces nouvelles formes de travail dont l’expansion au cours des dernières années a déjà, selon <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2015/sdn1514.pdf">le FMI</a>, contribué à aggraver les inégalités. En accélérant l’atomisation de collectifs de travailleurs devenus auto-entrepreneurs, l’économie dite du partage pourrait donc grever les capacités des acteurs à se constituer un capital économique à partir de leur travail. </p>
<p>En termes d’inégalités économiques donc, si l’économie du partage offre de nouvelles possibilités à toutes les strates de la société, rien ne semble garantir que tous en profitent pareillement.</p>
<h2>Inégalités de « capital social » : les systèmes de réputation en ligne renforcent-ils les discriminations ?</h2>
<p>L’un des mécanismes de base des plateformes de l’économie collaborative est de garantir un système de confiance entre utilisateurs, lui-même basé sur la « réputation » de ses contributeurs. Typiquement, sur un site Internet comme Airbnb, les évaluations laissées après chaque séjour permettent de construire la réputation des hôtes comme celles des visiteurs. Ce système d’évaluation « pair à pair » est donc censé fournir un ensemble d’appréciations relativement fiables et objectives…</p>
<p>Sauf qu’en ne se basant que sur ces quelques « indices » de confiance, ces systèmes de réputation peuvent tout aussi bien se nourrir de nos clichés et a priori. C’est en tout cas ce que tend à démonter une étude réalisée par <a href="http://www.hbs.edu/faculty/Pages/item.aspx?num=46073">deux chercheurs de Harvard</a>. Leurs travaux révèlent en effet qu’à logement et quartier équivalents, les hôtes afro-américains affichent des prix 12 % inférieurs à la moyenne en raison de la moindre attractivité de leur profil. Là encore, l’ouverture mise en avant par l’économie collaborative semble se réduire à un entre-soi. La <a href="https://www.theguardian.com/technology/2016/may/06/airbnb-racism-civil-rights-laws-sharing-economy">récente polémique</a> autour des déviances racistes de certains utilisateurs d’Airbnb tend à illustrer les nombreux biais qu’induisent les plateformes de l’économie du partage. Elle confirme également que la somme des subjectivités qui constitue l’e-réputation ne saurait être égale à un tout « objectif ».</p>
<p>En fin de compte, avec l’e-réputation comme mécanisme principal de la « confiance » dans l’économie du partage, les inégalités en termes de capital social pourraient donc elles aussi se creuser. Le risque est que les personnes bénéficiant déjà d’un réseau de relations conséquent attireront encore plus la lumière à eux, alors que les moins connectés socialement pourraient se voir encore davantage discriminés.</p>
<h2>Inégalités en terme de capital « culturel » : comment naviguer dans la nouvelle économie du partage sans en maîtriser les codes ni les compétences ?</h2>
<p>Enfin, tirer profit de l’économie du partage nécessite de maîtriser les technologies qui y donnent accès, ainsi que les nouveaux modes de socialisation qu’elle sous-tend. Largement basée sur les nouvelles technologies, l’économie du partage pourrait aussi creuser les inégalités en suivant la ligne de la fracture numérique qui traverse notre société.</p>
<p>Mais au-delà de cette question technique, l’économie du partage génère également des mécanismes d’exclusion bien moins évidents, mais non moins redoutables. Ainsi, <a href="http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2757771">Schor et ses collègues</a> à Boston ont mis à jour bon nombre de mécanismes implicites d’exclusion sociale au travers de leur excellent travail d’enquête ciblé sur diverses expériences d’économie du partage… Et pourtant, toutes les initiatives étudiées étaient à but non lucratif et partageaient explicitement l’objectif de contribuer à un monde plus « juste ». </p>
<p>Non sans ironie, ces chercheurs américains notent : </p>
<blockquote>
<p>les membres importent dans l’économie du partage leurs pratiques […] snobinardes et exclusives. </p>
</blockquote>
<p>Ils constatent ainsi que de nombreux participants sont peu enclins à recevoir les services de membres ayant un faible niveau d’éducation. Pour parler plus crûment, l’économie du partage vue par Schor et ses collègues donne clairement l’image d’un entre-soi, certes souvent bien intentionné, mais particulièrement « bobo » dont sont exclues <em>de facto</em> les personnes qui n’en maîtrisent pas les codes ni les usages.</p>
<h2>Vers une économie du partage juste et équitable ?</h2>
<p>Comment, dès lors, faire en sorte que les initiatives de l’économie collaborative permettent véritablement de contribuer à un monde plus équitable et inclusif ? Sans apporter ici de réponse définitive à cette épineuse question, nous pensons qu’une source d’inspiration pourrait venir de l’écosystème du partage qui se développe dans la ville <a href="http://www.shareable.net/blog/an-insiders-guide-to-sharing-city-detroit">sinistrée de Detroit</a>. </p>
<p>Contrairement aux initiatives décrites par Schor, la lutte pour la justice sociale n’y est pas considérée comme une conséquence souhaitée, mais comme le but prioritairement recherché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L'économie du partage et son accès à un plus large ensemble de biens et services suffit-elle à l'avènement d'une société plus égalitaire ? Contre-exemples et solutions.Vincent Pasquier, Doctorant, Sciences de Gestion, Grenoble École de Management (GEM)Thibault Daudigeos, Professeur Associé au département Homme, Organisations et Société, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.