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énergie solaire – The Conversation
2023-10-16T17:03:07Z
tag:theconversation.com,2011:article/215720
2023-10-16T17:03:07Z
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Sans le kidnapping du premier entrepreneur du solaire, les énergies renouvelables auraient-elles décollé plus tôt ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553976/original/file-20231012-27-mjmwd7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1010%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">George Cove à côté de son troisième panneau solaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lowtechmagazine.com/2021/10/how-to-build-a-low-tech-solar-panel.html">Popular Electricity Magazine, April 1910 / Low Tech Magazine</a></span></figcaption></figure><p>L’un des arguments avancés pour défendre les énergies fossiles est qu’elles auraient représenté une nécessité historique, faute d’alternative viable pendant la majeure partie du XX<sup>e</sup> siècle. Selon cet argument, nous devrions être reconnaissants envers les combustibles fossiles qui ont accéléré notre développement. Et si je vous disais que cette alternative existait, mais qu’elle a peut-être été sabotée dès le départ <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">par les intérêts des industries fossiles</a> ?</p>
<p>En faisant des recherches sur <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/person/dr-sugandha-srivastav">l’économie de l’innovation en matière d’énergie propre</a>, je suis tombé sur une histoire peu connue : celle de l’inventeur canadien George Cove, l’un des premiers entrepreneurs au monde dans le domaine des énergies renouvelables. George Cove a inventé des panneaux solaires domestiques qui ressemblaient étrangement à ceux qui sont installés sur les toitures aujourd’hui : ils étaient même dotés d’une <a href="https://theconversation.com/energie-comment-vont-evoluer-les-batteries-lithium-ion-tres-consommatrices-de-metaux-en-tension-183161">batterie</a> rudimentaire pour continuer à fonctionner lorsque le soleil ne brillait pas. Sauf que ce n’était pas dans les années 1970. Ni même dans les années 1950. C’était en 1905.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Modern Electrics newspaper article on solar power" src="https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553458/original/file-20231012-22-fhllcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il y a 114 ans déjà, on tirait parti du rayonnement solaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=mdp.39015051407073&view=1up&seq=5&skin=2021">Modern Electrics/Hathi Trust</a></span>
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<p>La société de George Cove, Sun Electric Generator Corporation, basée à New York, était capitalisée à hauteur de 5 millions de dollars américains, soit environ 160 millions de dollars américains <a href="https://www.officialdata.org/us/inflation/1910?amount=5000000">au cours actuel de la monnaie</a>. En 1909, son idée a attiré l’attention des médias. Le magazine <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=mdp.39015051407073&view=1up&seq=5&skin=2021"><em>Modern Electric</em></a>, par exemple, soulignait comment « avec deux jours de soleil… [l’appareil] stocke suffisamment d’énergie électrique pour éclairer une maison ordinaire pendant une semaine ».</p>
<p>L’article notait que l’énergie solaire bon marché avait le potentiel de libérer les gens de la pauvreté, « en leur apportant de la lumière, de la chaleur et de l’électricité bon marché, et en libérant les foules de la lutte constante pour acheter du pain ». Il poursuivait en spéculant sur le fait que même les avions pourraient un jour être alimentés par des batteries chargées par le soleil. L’avenir de l’énergie propre semblait être à portée de main.</p>
<h2>Des intérêts particuliers ?</h2>
<p>Puis, selon un article paru dans le <em>New York Herald</em> du 19 octobre 1909, George Cove a été kidnappé. La condition de sa libération ? Renoncer à son brevet solaire et fermer son entreprise, ce que l’entrepreneur a refusé. Il a été libéré plus tard, près du zoo du Bronx.</p>
<p>Mais après cet incident, son activité dans le domaine de l’énergie solaire s’est soudainement arrêtée. Ce qui est d’autant plus surprenant que dans les années précédant son enlèvement, il avait développé des améliorations successives de son dispositif solaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Old photo of solar panel" src="https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553466/original/file-20231012-29-yypnbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les panneaux solaires de George Cove en 1909.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/05/The_Technical_World_Magazine_technicalworldm02unkngoog.pdf/page362-943px-The_Technical_World_Magazine_technicalworldm02unkngoog.pdf.jpg">Technical World Magazine/wiki</a></span>
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</figure>
<p>Je ne peux pas affirmer avec certitude que des intérêts particuliers étaient impliqués dans cette affaire. À l’époque, certains ont accusé George Cove d’avoir mis en scène l’enlèvement pour se faire de la publicité, bien que cela ne semblait pas dans ses habitudes, d’autant plus que l’attention des médias ne manquait pas. D’autres <a href="https://journals.lib.unb.ca/index.php/MCR/article/view/17744/22231">sources</a> suggèrent qu’un ancien investisseur pourrait en avoir été à l’origine.</p>
<p>Ce que l’on sait en revanche, c’est que les jeunes entreprises de l’industrie fossile ont souvent eu recours à des <a href="https://www.harpercollins.com/products/the-robber-barons-matthew-josephson?variant=39939204349986">pratiques peu scrupuleuses</a> à l’égard de leurs concurrents. L’énergie solaire représentait une menace, car il s’agit d’une technologie démocratique par nature – tout le monde a accès au soleil – qui peut donner du pouvoir aux citoyens et aux <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/sep/03/energy-citizenship-europes-communities-forging-a-low-carbon-future">communautés</a>, contrairement aux énergies fossiles, qui nécessitaient l’édification d’un empire.</p>
<p>La Standard Oil, dirigée par le premier milliardaire du monde, <a href="https://www.britannica.com/biography/John-D-Rockefeller">John D. Rockefeller</a>, a tellement écrasé la concurrence qu’elle a obligé le gouvernement à introduire des <a href="https://www.law.cornell.edu/wex/standard_oil_co._of_new_jersey_v._united_states_(1911)">lois antitrust</a> pour lutter contre les monopoles.</p>
<p>De la même façon, le légendaire inventeur <a href="https://www.britannica.com/biography/Thomas-Edison">Thomas Edison</a> a électrocuté des chevaux, des animaux de ferme et <a href="https://www.washingtonpost.com/news/retropolis/wp/2017/04/26/thomas-edison-the-electric-chair-and-a-botched-execution-a-death-penalty-primer/">même un condamné à mort</a> en utilisant le <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/the-rise-and-fall-of-nikola-tesla-and-his-tower-11074324/">courant alternatif</a> de son rival <a href="https://www.washingtonpost.com/news/retropolis/wp/2017/04/26/thomas-edison-the-electric-chair-and-a-botched-execution-a-death-penalty-primer/">Nikola Tesla</a> pour montrer à quel point il était dangereux, afin que la propre technologie d’Edison, le courant continu, soit favorisée. La firme Sun Electric de George Cove, avec son énergie solaire hors réseau, aurait nui à l’argumentaire d’Edison en faveur de la construction du réseau électrique alimenté par des centrales à charbon.</p>
<p>Bien que des efforts dispersés aient été déployés dans le domaine du développement solaire après l’enlèvement de George Cove, il n’y a pas eu d’activités commerciales majeures pendant les quatre décennies suivantes, jusqu’à ce que le concept soit <a href="https://www.smithsonianmag.com/innovation/document-deep-dive-patent-first-practical-solar-cell-1-180947906/">relancé par Bell Labs</a>, la branche de recherche de la compagnie de téléphone Bell aux États-Unis. Entre-temps, le charbon et le pétrole ont pu se développer à un rythme sans précédent et ont été soutenus par l’argent du contribuable et la politique gouvernementale. On peut dire que la crise climatique était déjà en route.</p>
<h2>40 années de perdues</h2>
<p>Lorsque j’ai découvert l’histoire de George Cove, j’ai voulu savoir ce que le monde avait perdu pendant ces 40 ans et j’ai réalisé une expérience de pensée. J’ai utilisé un concept appelé loi de Wright, qui s’applique à la plupart des <a href="https://ora.ox.ac.uk/objects/uuid:17256b64-f822-40ef-8770-5d0fa1ddc73e/download_file?file_format=application%2Fpdf&safe_filename=Way_et_al_2022_Empirically_grounded_technology.pdf&type_of_work=Journal+article">énergies renouvelables</a>. Il s’agit de l’idée selon laquelle, à mesure que la production augmente, les coûts diminuent grâce à l’amélioration des procédés industriels et à l’apprentissage.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="George Cove photo" src="https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1027&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1027&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1027&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1290&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1290&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553470/original/file-20231012-23-eoo4h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1290&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">George Cove, pionnier de l’énergie solaire, a également breveté un premier dispositif d’énergie marémotrice.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/05/The_Technical_World_Magazine_technicalworldm02unkngoog.pdf/page363-943px-The_Technical_World_Magazine_technicalworldm02unkngoog.pdf.jpg">Technical World Magazine/wiki</a></span>
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</figure>
<p>Grâce à ce principe, j’ai <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/sites/default/files/2023-09/How-the-kidnapping-of-a-solar-energy-pioneer-impacted-the-cost-of-renewable-energy-and-the-climate-crisis.pdf">calculé</a> l’année où l’énergie solaire serait devenue moins chère que le charbon. Pour ce faire, j’ai supposé que l’énergie solaire aurait connu une croissance modeste entre 1910 et 1950, puis j’ai calculé comment cette « expérience » supplémentaire se serait traduite par une baisse des coûts plus rapide.</p>
<p>Dans un monde où Cove aurait réussi et où le solaire aurait concurrencé les combustibles fossiles dès le départ, il aurait battu le charbon dès 1997, alors que Bill Clinton était président et que les Spice Girls étaient à leur apogée. En réalité, cet événement ne s’est produit qu'en 2017.</p>
<h2>Une autre version du XXᵉ siècle</h2>
<p>Bien entendu, on suppose ici que le système énergétique serait resté inchangé. Or, il est possible que si l’énergie solaire avait existé dès 1910, l’ensemble de la trajectoire de l’innovation énergétique ait été très différent. Le réseau électrique et les chemins de fer utilisés pour soutenir l’économie du charbon auraient reçu beaucoup moins d’investissements.</p>
<p>Il se peut aussi que des progrès industriels plus récents aient été essentiels au décollage de l’énergie solaire et que la poursuite des travaux de Cove n’ait finalement pas entraîné de changement majeur. En fin de compte, il est impossible de savoir exactement quelle voie l’humanité aurait empruntée, mais je parie qu’en évitant une interruption de 40 ans dans le développement de l’énergie solaire, on aurait pu épargner au monde d’énormes quantités d’émissions de CO₂.</p>
<p>S’il est douloureux de réfléchir à ce grand « et si » alors que le climat s’effondre sous nos yeux, cela peut nous apporter quelque chose d’utile : savoir que tirer de l’énergie du soleil n’a rien d’une idée radicale, ni même nouvelle. C’est une idée aussi vieille que les entreprises de combustibles fossiles elles-mêmes.</p>
<p>La domination des énergies fossiles, qui s'est poursuivie au XXI<sup>e</sup> siècle, n’était pas inévitable – c’était un choix, mais un choix sur lequel peu d’entre nous avaient leur mot à dire. Les énergies fossiles ont d’abord été soutenues parce que nous ne comprenions pas leurs effets mortels sur l’environnement, puis parce que le lobby était devenu si puissant qu’il <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-018-0368-6">résistait</a> <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/sep/14/exxonmobil-documents-wall-street-journal-climate-science">au changement</a>.</p>
<p>Mais il y a de l’espoir : l’énergie solaire fournit aujourd’hui une électricité parmi les moins chères que l’humanité ait <a href="https://www.carbonbrief.org/solar-is-now-cheapest-electricity-in-history-confirms-iea/">jamais</a> connue, et les coûts continuent de chuter au fur et à mesure de son déploiement. Plus nous allons vite, <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/news/decarbonising-energy-system-2050-could-save-trillions">plus nous économisons</a>. Si nous adoptons l’optimisme qui régnait à l’époque de Cove et si nous faisons les bons choix technologiques, ce monde alimenté par le soleil qu’il a imaginé il y a tant d’années est encore accessible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sugandha Srivastav est financée par la British Academy et le Climate Compatible Growth Programme.</span></em></p>
Un enlèvement survenu en 1909 pourrait avoir coûté à l’industrie des décennies de progrès… et beaucoup d’émissions de CO₂ évitables.
Sugandha Srivastav, British Academy Postdoctoral Fellow, Environmental Economics, University of Oxford
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205067
2023-05-10T13:44:19Z
2023-05-10T13:44:19Z
Podcast : Vous prendrez bien un peu de « low tech » ?
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lechappee-sciences-135626">« L’échappée Sciences »</a>. Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
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<p>Myco-matériaux, deshydrateur, chauffe-eau et four solaires, filtre à eau céramique, pédalier multifonctions, banque de graines, frigo du désert, toilettes sèches, cuir de kombucha, vélo cargo, éolienne 20 W, <a href="https://lowtechlab.org/fr/le-low-tech-lab/les-actions/habitat-low-tech">maisons bioclimatiques</a>… Cette liste à la Prévert vous dira sans doute quelque chose si vous aimez adopter, voire fabriquer, des objets capables de rendre le quotidien plus simple et plus durable.</p>
<p>Parce qu’elles cherchent à atteindre une frugalité efficace, les « low tech » intéressent dans notre pays un public grandissant à l’heure des dérèglements environnementaux et de la raréfaction des ressources. En témoigne le <a href="https://www.we-explore.org/exploremag/nos-explorations/nomade-des-mers/">périple de plusieurs années entrepris par le Nomade des mers</a>, ce voilier parti faire le tour du monde pour documenter les « low tech » utilisées sur la planète !</p>
<p>Une aventure qui s’est achevée à l’été 2022 à Concarneau, en Bretagne, donnant lieu au <a href="https://blogs.mediapart.fr/morganmeyer/blog/280622/le-festival-low-tech-comment-donner-envie-aux-basses-technologies">premier festival des « low tech » en France</a>.</p>
<p>Invité du nouvel épisode de notre podcast « L’échappée Sciences », le sociologue Morgan Meyer (CNRS, Mines Paris) revient sur l’émergence de ce mouvement. Avec lui, on part à la découverte de ces pratiques qui dépassent de très loin le bidouillage. Où ce courant a-t-il émergé ? Pourquoi la Bretagne s’impose-t-elle comme un <a href="https://bretagne.ademe.fr/actualites/manifestations/appel-candidatures-les-solutions-low-tech-au-service-de-la-sobriete-territoriale">territoire « laboratoire » pour ces initiatives</a> ? Les « low tech » pourront-elles un jour se déployer à grande échelle ? Autant de questions auxquelles Morgan Meyer apporte des éléments de réponse et de compréhension.</p>
<p>Pour la chronique de ce nouvel épisode, on se demande justement jusqu’où peuvent aller les « low tech » dans notre société très éprise de high tech. De la <a href="https://theconversation.com/la-lutte-pour-une-agriculture-libre-bricoler-et-partager-pour-semanciper-147051">réparabilité des appareils électroniques</a> à la <a href="https://theconversation.com/la-chasse-au-gaspillage-dans-le-cloud-et-les-data-centers-196669">chasse au gaspillage dans le cloud et les data centers</a>, les chercheuses et les chercheurs tentent de penser un monde plus économe.</p>
<p>Mais certaines approches techniques, qui partent du monde tel qu’il est aujourd’hui, peuvent se heurter à l’<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">« effet rebond »</a> : en optimisant nos utilisations d’énergie ou de ressources, on peut en fait provoquer une augmentation globale de la consommation. Pour dépasser ce paradoxe, des scientifiques font le chemin inverse : ils et elles partent de l’objectif à atteindre – et à définir – pour inventer une <a href="https://phenix.citi-lab.fr/">informatique intrinsèquement frugale</a> et des chaînes de production et d’<a href="https://www.cairn.info/revue-la-pensee-ecologique-2020-1-page-7.htm">interdépendances techniques adaptées à un monde sobre</a>.</p>
<p>Bonne écoute !</p>
<p><strong>Pour aller plus loin</strong> <br>
● <a href="https://sciencepolicy.colorado.edu/students/envs_5110/small_is_beautiful.pdf"><em>Small is beautiful : A study of economics as if people mattered</em></a>, E.F. Schumacher (1973)<br>
● <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119"><em>La Convivialité</em></a>, Ivan Illich (1973)<br>
● <a href="https://www.jstor.org/stable/3101118"><em>Authoritarian and democratic technics. Technology and culture</em></a>, Lewis Mumford (1964)<br>
● <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-5-page-219.htm"><em>Expérimenter et rendre désirables les low tech : Une pragmatique de la documentation</em></a>, Morgan Meyer (2022)</p>
<p><strong>Et aussi…</strong><br>
● <a href="https://leszuts.coop/">La coopérative Les Zuts</a>, spécialisée dans la construction de <em>tiny houses</em> low tech<br>
● <a href="https://lowtechlab.org/">Le Low tech Lab</a></p>
<hr>
<p><em>Crédits : Animation et conception, Jennifer Gallé et Elsa Couderc. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait du générique de la série <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548515&cfilm=114782.html">« MacGyver »</a> Randy Edelman - Adaptation : Jacky Giordano.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Parce qu’elles cherchent à atteindre une frugalité efficace, ces initiatives intéressent un public grandissant à l’heure des dérèglements environnementaux et de la raréfaction des ressources.
Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSL
Elsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation France
Jennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/202815
2023-04-04T17:41:24Z
2023-04-04T17:41:24Z
Comment expliquer les retards de la France en matière d’énergies renouvelables ?
<p>En France, atteindre la <a href="https://theconversation.com/debat-non-lobjectif-de-neutralite-carbone-pour-2050-nest-pas-un-recul-90893">neutralité carbone à l’horizon 2050</a> implique une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">division par six de nos émissions de gaz à effet de serre</a> au regard de 1990.</p>
<p>Cela suppose notamment, comme le stipule la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-energie-climat">loi énergie climat du 8 novembre 2019</a>, de substituer aux énergies fossiles (dont la consommation devra réduire de 40 % en 2030 par rapport à 2012) des énergies décarbonées, à l’image des énergies renouvelables (EnR) ; celles-ci doivent être massivement déployées pour pouvoir représenter 33 % de la consommation finale d’énergie d’ici 2030. Rappelons que la « consommation finale d’énergie » désigne le total de l’énergie consommée par les utilisateurs finaux (les ménages, l’industrie ou l’agriculture par exemple).</p>
<p>Or la France a déjà pris du retard : en 2020, c’était le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir rempli ses objectifs en matière d’EnR, atteignant le seuil de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281197-energies-renouvelables-2020-191-de-la-consommation-finale-denergie">19 % de renouvelables dans sa consommation brute finale d’énergie, au lieu des 23 % attendus</a>.</p>
<p>Initié chaque année par la chaire <a href="https://recherche.grenoble-em.com/energie-societe">« Energy for Society »</a> de Grenoble École de management, le <a href="https://www.grenoble-em.com/barometre-du-marche-de-lenergie">Baromètre du marché de l’énergie</a> a sollicité une centaine d’experts afin de comprendre ce retard dans le déploiement des renouvelables en France.</p>
<h2>Un retard qui s’aggrave</h2>
<p>Pour 70 % des spécialistes interrogés dans le cadre du Baromètre, la France n’est pas en mesure d’atteindre ses objectifs 2030 en matière de renouvelables (voir les réponses des experts ci-dessous).</p>
<p>Ce retard ne manquera pas d’entretenir une dépendance persistante au pétrole et au gaz, et une décarbonation plus lente de notre économie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518028/original/file-20230328-26-j7mo8s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Réponses à la question : Pensez-vous que la France atteindra son objectif de 33 % d’EnR de la consommation brute finale d’énergie d’ici 2030 ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre du marché de l’énergie/Grenoble École de management (édition 2023)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des projets heurtés par une faible adhésion sociale</h2>
<p>Pour les experts interrogés, les raisons de ce retard sont multiples : les procédures et demandes d’autorisations pour les projets d’EnR sont très longues ; les politiques nationales sur les renouvelables manquent d’engagement ; surtout, les nouveaux projets – éoliens en particulier – provoquent localement des levées de boucliers.</p>
<p>Plus de 65 % des experts (voir leurs réponses ci-dessous) pensent en effet que le manque d’adhésion sociale au niveau local constitue un frein majeur au déploiement de l’éolien terrestre.</p>
<p>Un sondage initié par l’Ademe et le ministère de Transition écologique en 2021 montre pourtant une bonne adhésion des Français au niveau national, <a href="https://presse.ademe.fr/2021/10/sondage-harris-interactive-les-francais-et-leolien.html">à hauteur de 73 %</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518027/original/file-20230328-22-7u5zkr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Réponses à la question : Selon vous, quelle(s) sont la ou les deux principales causes qui ont retardé le déploiement des infrastructures suivantes en France ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre du marché de l’énergie/Grenoble École de management (édition 2023)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une situation contrastée selon les types de projet</h2>
<p>Si les oppositions au déploiement de projets renouvelables évoquent l’impact sur le paysage et le patrimoine, les nuisances sonores ou olfactives, les atteintes à la biodiversité, certaines infrastructures sont moins visées que d’autres, à l’instar du solaire (installé sur les ombrières de parkings ou sur les toitures), pour lequel 90 % des experts interrogés trouvent le niveau d’adhésion sociale très bon.</p>
<p>Dans le détail, les parcs solaires au sol bénéficieraient d’un moins bon niveau d’acceptabilité, du fait de leur impact négatif sur le paysage ou le patrimoine. Pour ne pas entrer en concurrence avec d’autres usages sur les surfaces concernées, de plus en plus de parcs solaires (même si en France <a href="https://www.valo-consult.fr/la-mise-en-place-dune-centrale-photovoltaique-sur-une-ancienne-decharge/">peu de statistiques globales existent sur le sujet</a>) s’installent sur des parcelles de fonciers dégradés ou inutilisables, comme d’anciennes décharges par exemple.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tres-ambivalente-acceptabilite-sociale-60478">Très ambivalente « acceptabilité sociale »</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p><a href="https://theconversation.com/agrivolta-sme-les-champs-electriques-desormais-mieux-definis-par-la-loi-201795">Les projets d’agrivoltaïsme</a> – pratique récente en France consistant à associer sur un même site une production agricole (maraîchage, élevage ou vigne) et, de manière secondaire, une <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quest-ce-que-l-agrivoltaisme">production d’électricité par des panneaux solaires photovoltaïques</a> – semblent bénéficier d’un niveau d’acceptabilité équivalent à celui des parcs au sol.</p>
<p>Ici, la question de la concurrence concerne le foncier agricole (production d’énergie versus production alimentaire), l’enjeu étant de pouvoir créer des projets vertueux pour l’agriculture et l’environnement, tout en préservant ou en reconquérant du foncier agricole <a href="https://solagro.org/nos-domaines-d-intervention/climat/agrivoltaisme">perdu ces cinquante dernières années</a>.</p>
<p>Autre infrastructure présentant un « potentiel conflit d’usage avec l’agriculture », la méthanisation connaît un plus faible niveau d’adhésion du fait de nuisances sonores (qui peuvent être causées par le transport de camion des intrants) et olfactives (des composés odorants émis lors de nombreuses phases dans le fonctionnement global d’un site). Des équipements existent toutefois <a href="https://www.valeurenergie.com/methanisation-et-nuisances-olfactives-un-risque-a-ecarter-des-lavant-projet/">pour traiter correctement ces biodéchets</a> sans générer de telles nuisances.</p>
<p>Le Baromètre souligne d’autre part une <a href="https://www.society-magazine.fr/magazines/society-192/">tendance observée depuis quelques années au sujet du nucléaire</a> : malgré des stigma très forts au sujet des risques d’accident et de la gestion des déchets, cette énergie <a href="https://www.liberation.fr/checknews/comment-le-nucleaire-a-reconquis-lopinion-publique-francaise-en-une-decennie-20230326_2RKDFSZMZVBZHJD5QI6QR23ITE/">semble susciter une adhésion grandissante en France</a>.</p>
<p>Cette adhésion est significativement plus forte pour le nucléaire que pour l’éolien, pour lequel les experts estiment un niveau d’adhésion social faible, voire très faible, pour l’éolien terrestre (voir les réponses ci-dessus).</p>
<p>Ce serait l’impact sur le paysage et une détérioration de la valeur du patrimoine à proximité (voir les réponses ci-dessous) qui provoqueraient une telle résistance. Or l’Ademe a récemment conclu, dans un <a href="https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/5610-eoliennes-et-immobilier.html">rapport publié en juillet 2022</a>, que :</p>
<blockquote>
<p>« L’impact de l’éolien sur l’immobilier est nul pour 90 %, et très faible pour 10 % des maisons vendues sur la période 2015-2020, impact comparable à celui d’autres infrastructures industrielles (pylônes électriques, antennes relais). »</p>
</blockquote>
<p>À cela s’ajouterait, pour les éoliennes en mer, le « conflit avec les zones de pêche » ou l’impact sur la biodiversité pour lequel des études <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/energie/eoliennes-en-mer-goutte-deau-ou-tsunami-energetique/des-retombees-contrastees-pour-la-biodiversite-marine/">montrent des retombées contrastées</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Réponses à la question : Comment estimez-vous le niveau d’adhésion sociale aux infrastructures suivantes en France aujourd’hui ?" src="https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518026/original/file-20230328-14-r5ndol.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre du marché de l’énergie/Grenoble École de management (édition 2023)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Réponse à la question : Selon vous, quelle(s) sont la ou les deux principales causes qui détériorent l’adhésion sociale aux infrastructures suivantes ?" src="https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518025/original/file-20230328-28-4dnxqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre du marché de l’énergie/Grenoble École de management (édition 2023)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Des bénéfices communs doivent s’appliquer</h2>
<p>La mise en place d’un mécanisme de rétribution financière pour les populations riveraines de nouvelles infrastructures (parc éolien ou solaire, méthaniseur) est la mesure à laquelle les experts du Baromètre croient le plus (parmi une dizaine de propositions) pour lever ces blocages au niveau local. Pourtant, cette mesure a été retirée du projet de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/DLR5L16N46539">loi d’accélération des énergies renouvelables</a> du 10 mars 2023.</p>
<p>Les députés privilégient des mesures territoriales plus larges, comme des fonds pour aider les ménages modestes en situation de précarité énergétique ou pour financer des projets en faveur de la biodiversité, qui, en l’occurrence, auraient selon les experts du Baromètre moins d’effet sur l’adhésion (voir les réponses ci-dessous).</p>
<p>Les résultats montrent clairement que l’engagement, l’information et la concertation auprès des citoyens sont essentiels au bon déploiement des EnR au niveau local.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Réponse à la question : Parmi les mesures suivantes, lesquelles pourraient le plus améliorer l’adhésion sociale aux infrastructures EnR (éolien, solaire, méthanisation) ?" src="https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518024/original/file-20230328-27-k61pzr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre du marché de l’énergie/Grenoble École de management (édition 2023)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Accompagner le déploiement de ces projets</h2>
<p>La réussite de la transition écologique repose sur un changement profond de notre société, avec le déploiement massif de nouvelles énergies décentralisées, en plus des nécessaires <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-energetique-tellement-plus-quune-collection-decogestes-201412">sobriété</a> et efficacité énergétiques. Tout doit aller plus vite, plus fort, mais il y a un besoin de cohérence, ces nouveaux projets étant sur le terrain loin de faire l’unanimité. Les contestations locales comme nationales semblent constituer un frein majeur à la transition énergétique.</p>
<p>Pour que la France atteigne ses objectifs, l’État doit ainsi s’assurer de la bonne cohérence des moyens mis en œuvre pour déployer les renouvelables sur le territoire.</p>
<p>Cela peut se faire en promouvant l’intérêt des différentes EnR dans la transition énergétique ; en luttant contre la désinformation et en trouvant des messages fédérateurs ; en facilitant l’engagement/la participation en amont des citoyens au niveau local (sur l’implantation, le type de projet, etc.) ; en garantissant un partage, ou un accès, à la création de valeur au niveau du collectif local.</p>
<p>Il y a un vrai enjeu à informer et à expliquer pour rendre ces projets « appropriables ».</p>
<p>Décarbonation et sobriété sont des choix de société qui engagent tous les acteurs : de « grandes idées » qu’il faudra savoir détailler et illustrer pour les rendre concrètes. Si l’on ne veut pas que la transition apparaisse comme « subie », et continue de se heurter à un enjeu d’acceptabilité, il faut qu’elle devienne une histoire commune, aux fondamentaux partagés par tous les acteurs de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202815/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude est réalisée et financée par la Chaire Energy for Society de Grenoble Ecole de Management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Lorène Vernay, Joachim Schleich et Valeria Fanghella ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
En s’appuyant sur l’expertise d’une centaine de spécialistes, le Baromètre de l’énergie décrypte les principales raisons du retard français en matière de renouvelables.
Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)
Anne-Lorène Vernay, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)
Joachim Schleich, Professor of Energy Economics, Grenoble École de Management (GEM)
Valeria Fanghella, Professeur Assistant, expert en économie comportemental et de l'énergie, Grenoble École de Management (GEM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/202022
2023-03-30T10:34:41Z
2023-03-30T10:34:41Z
Agrivoltaïsme : avantages et inconvénients d’installer des panneaux solaires dans les champs
<p>Ces dernières années, on entend de plus en plus parler d’« agrivoltaïsme », dont l’Ademe recense <a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/photovoltaique-et-terrains-agricoles-un-enjeu-au-coeur-des-objectifs-energetiques.html">environ 200 projets en cours</a> pour la France. Un cadre réglementaire et législatif <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0443_projet-loi">a également été récemment adopté</a> pour cette filière émergente.</p>
<p>Un système agrivoltaïque correspond à l’association de panneaux solaires et d’une culture, sans induire ni dégradation importante de la production agricole ni diminution des revenus de cette production ; il s’agit aussi de soutenir l’adaptation des systèmes de culture aux changements climatiques (protection ou atténuation des aléas comme la grêle, la chaleur, la sécheresse ou encore amélioration du bien-être animal). </p>
<p>Une étude publiée dans la revue <em>Nature</em> estime que <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-019-0364-5.">si 1 % de la surface utilisée pour l’agriculture était combinée à la production photovoltaïque</a>, la totalité de la demande mondiale en électricité serait couverte. </p>
<p>Même s’il permet une productivité élevée d’énergie, l’agrivoltaïsme soulève de nombreuses interrogations, notamment celles liées au modèle agronomique des exploitations agricoles, ainsi qu’à leur modèle économique et leurs capacités foncières. C’est à ces aspects que nous allons nous intéresser. </p>
<p>Nous laisserons ainsi de côté les questions sur l’impact paysager et les perceptions des riverains vis-à-vis de ces nouvelles exploitations (notamment les perturbations visuelles engendrées et leurs potentielles conséquences sur la valeur du foncier). Perceptions qui varient en fonction des aménagements (comme la plantation de haies entourant les installations) et de la compréhension par les habitants du mix énergétique soutenable pour répondre aux besoins et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. </p>
<h2>Des effets contrastés sur la production agricole</h2>
<p>On distingue aujourd’hui trois types de systèmes agrivoltaïques. </p>
<p>Des structures composées de rangées de panneaux solaires à proximité du sol, avec des espaces cultivables entre les rangées pour accueillir le matériel agricole. Des structures photovoltaïques proches du sol, associées à de l’élevage ou de l’aquaculture (avec des panneaux flottants). Des structures surélevées permettant l’accès aux engins agricoles sous les centrales photovoltaïques – il s’agit de la configuration la plus onéreuse, mais aussi la plus adéquate pour limiter l’impact sur la production agricole.</p>
<p>L’installation de systèmes agrivoltaïques influe sur les radiations solaires, la température et l’humidité du sol situé sous les panneaux. La diminution du rayonnement reçu semble être le facteur majeur impactant les performances des cultures agricoles, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00714-y">étant en moyenne 30 % inférieur sous les centrales agrivoltaïques</a>. </p>
<p>Le rendement de certaines cultures (céréales) a tendance à diminuer tandis que d’autres (légumineuses, framboises) ont un meilleur potentiel de rendement grâce à ces conditions ombragées. </p>
<p>De manière générale, on peut dire que les cultures annuelles héliophiles (céréales en tête) implantées sous installation agrivoltaïque <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030626192030249X">présentent des rendements altérés</a>, mais une croissance favorisée en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00714-y">période de forte chaleur</a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une figure montrant les impacts de l’agrivoltaïsme sur les zones agricoles" src="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma présentant les impacts de l’agrivoltaïsme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julie Pilloy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Sur quelles parcelles agricoles s’installer ?</h2>
<p>Face à l’augmentation de la fréquence des aléas climatiques induisant des stress thermiques et hydriques, l’agrivoltaïsme pourrait être positif pour une meilleure <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fmVuLf5N9QU&t=73s">résistance ou résilience des cultures</a>. </p>
<p>La densité et le pourcentage de recouvrement au sol (c’est-à-dire le pourcentage de sol couvert) des panneaux solaires sont à définir en fonction des potentielles pertes de rendement pour des années sans aléas climatiques (sans conditions stressantes pour les plantes ; par exemple, sans grêle ni sécheresse) afin de gérer ce risque. </p>
<p>Les sols fertiles, avec des potentiels de rendement élevés (comme les sols profonds riches en limon des plateaux et vallées du nord-ouest de l’Europe), ne seraient pas les plus appropriés pour l’installation de centrales photovoltaïques, puisqu’elles pourraient induire une baisse de production de cultures nécessitant un besoin important de lumière. L’enjeu est donc à la fois d’identifier les meilleures associations cultures-panneaux photovoltaïques et de définir les systèmes de culture et les territoires (au regard de leurs sols et de leur climat) les plus appropriés pour l’agrivoltaïsme.</p>
<p>Pour les zones d’élevage en prairie, l’implantation de panneaux solaires surélevés s’avère intéressante, <a href="https://www.mdpi.com/2077-0472/12/5/619">notamment en période estivale</a>. En effet, les installations ne semblent pas impacter la production d’herbe et participent au bien-être des animaux en réduisant le stress thermique (les animaux bénéficiant de zones d’ombrage).</p>
<h2>Quels impacts sur la biodiversité ?</h2>
<p>La mise en place de centrales agrivoltaïques peut modifier les propriétés du sol à l’échelle de la parcelle agricole, et donc la biodiversité locale à court et long terme (mais pas nécessairement négativement). La réalisation d’études d’impact environnemental semble donc nécessaire pour assurer un équilibre entre conservation de la biodiversité et extension des centrales agrivoltaïques.</p>
<p>L’artificialisation des sols par les installations productrices d’énergie renouvelable est également un enjeu important. </p>
<p>Actuellement, la <a href="https://www.google.com/search?q=article+194+de+la+loi+n%C2%B02021-1104+du+22+ao%C3%BBt+2021&oq=article+194+de+la+loi+n%C2%B02021-1104+du+22+ao%C3%BBt+2021&aqs=chrome..69i57.5576j0j1&sourceid=chrome&ie=UTF-8">législation française</a> considère que les exploitations agricoles concernées par une installation agrivoltaïque ne sont pas comptabilisées « dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les modalités de cette installation n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol ». </p>
<p>Ceci peut s’expliquer par des techniques d’installations et de démantèlement spécifiques qui ne modifieraient pas de manière irréversible la vocation initiale du terrain et les fonctions du sol.</p>
<h2>Freins et leviers à l’échelle de l’exploitation agricole</h2>
<p>L’agrivoltaïsme constitue une forme de diversification d’activités pour les agriculteurs qui peut s’avérer soutenable, notamment pour les systèmes de production pour lesquels l’ombrage additionnel des panneaux est bénéfique ; on pense par exemple aux systèmes maraîchers ou composés de prairies permanentes. </p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/284130981_The_Potential_of_Agrivoltaic_Systems">Une étude économique des systèmes agrivoltaïques</a> a ainsi montré que la valeur de l’électricité produite par l’énergie solaire, couplée à la production de cultures tolérantes à l’ombre, génère une augmentation de plus de 30 % par rapport aux exploitations agricoles conventionnelles. </p>
<p>Comparé aux cultures dédiées à la production de biocarburants (colza, betteraves), il s’avère plus productif (<a href="https://aip.scitation.org/doi/abs/10.1063/1.4931428">x 10</a> en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0958166908000165">termes d’énergie produite par hectare)</a> et impactant dans la réduction des émissions de GES, les cultures bioénergétiques requérant des apports en fertilisants chimiques de synthèse (100 à 200 unités d’azote par hectare) et plusieurs étapes de transformation.</p>
<p>La mise en place de l’agrivoltaïsme peut d’autre part constituer un levier dans la réduction indirecte des émissions de gaz à effet de serre (GES), en équilibrant la consommation d’énergie fossile, par autoconsommation d’électricité et une réduction des émissions GES par quantité d’énergie produite sur une exploitation. L’agrivoltaïsme constituerait en outre une opportunité pour les exploitations, davantage consommatrices d’énergie électrique <a href="https://theconversation.com/cereales-elevage-ou-energie-les-terres-agricoles-attisent-les-appetits-198749">et émettrices de GES</a>.</p>
<h2>Des risques de spéculation</h2>
<p>L’agrivoltaïsme réglementé, conciliant la production agricole et la production d’électricité et sécurisant le bail rural entre le propriétaire et l’agriculteur, permettrait de réduire le risque de développement de centrales photovoltaïques consommatrices de surface agricole. </p>
<p>Cependant, le loyer versé par les énergéticiens en contrepartie d’installations solaires peut être dix fois plus élevé que ce que peut rapporter la location des terres à un exploitant (le fermage). Cette attractivité peut inciter une spéculation et <a href="https://www.reussir.fr/lagrivoltaisme-nest-pas-un-mal-necessaire-cest-une-opportunite-pour-les-agriculteurs-selon-antoine">engendrer une augmentation de la valeur des terres et/ou de l’exploitation agricole</a>. La réduction de ce risque, récemment encadré par la loi AER, passe par la définition d’un mode organisationnel entre l’investisseur, le propriétaire et l’agriculteur.</p>
<h2>Quel avenir pour l’agrivoltaïsme ?</h2>
<p>Si l’agrivoltaïsme suscite un certain engouement, il est nécessaire de rappeler que la priorité du photovoltaïsme reste la valorisation des friches et les zones d’activités économiques dont les sols ont largement été artificialisés.</p>
<p>L’agrivoltaïsme peut trouver sa place dans les territoires ruraux au regard de la filière des biocarburants (éthanol de blé et de betterave, diester de colza), consommateurs de surfaces agricoles (plus d’un million d’hectares en France), d’énergie et davantage émetteurs de GES, répondant à d’autres usages, comme l’alimentation des moteurs thermiques des engins lourds (pour la construction, certains travaux agricoles, le transport, etc.) difficilement remplaçables par des moteurs électriques. </p>
<p>La filière agrivoltaïque doit ainsi se structurer en s’assurant du maintien de la vocation première de l’agriculture (produire des aliments) ; pour cela, elle peut notamment s’appuyer sur le label « Projet agrivoltaïque » créé par l’<a href="https://certification.afnor.org/energie/label-agrivoltaique-positif">Afnor</a>, le guide pour l’agrivoltaïsme appliqué à l’élevage des ruminants par l’<a href="https://idele.fr/detail-article/guide-pratique-lagrivoltaisme-applique-a-lelevage-des-ruminants">Idele</a>, et le développement de travaux de recherche réalisés avec une diversité d’acteurs (énergéticiens, conseillers, agriculteurs et habitants).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel-Pierre Faucon est membre du conseil d'administration du pôle de compétitivité Bioeconomy For Change. Il a reçu des financements de la Région des Hauts de France, de l'Europe (FEDER) et de AGCO SAS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc LEGRAS a reçu des financements de la Région Normandie. Il est membre du conseil scientifique de la SFR Normandie Végétal</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Gloaguen a reçu des financements de la Région des Hauts-de-France, de l'Europe (FEADER) et de l'ADEME. </span></em></p>
L’Ademe a recensé en 2021 pour la France environ 200 projets qui associent panneaux solaires et productions agricoles.
Michel-Pierre Faucon, Enseignant-chercheur en écologie végétale et agroécologie - Directeur à la recherche UniLaSalle Beauvais, UniLaSalle
Marc Legras, Directeur des Formations - UniLaSalle, UniLaSalle
Romain Gloaguen, Enseignant-Chercheur en Agronomie, UniLaSalle
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198634
2023-02-12T17:28:07Z
2023-02-12T17:28:07Z
Des centrales solaires dans l’espace : une fausse bonne idée pour lutter contre le changement climatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509168/original/file-20230209-28-w4fp3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C22%2C2988%2C2373&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'idée d'envoyer un centrale solaire dans l'espace et de transmettre
l'énergie par microonde jusqu'à la Terre, qui d'ailleurs n'est pas
nouvelle, ne résoudra pas le problème du changement climatique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:NASA_solar_power_satellite_concept_1976.jpg">NASA/Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’espace, le soleil brille toujours. Ce qui suscite l’idée – folle ? – de déployer d’immenses panneaux solaires en orbite de la Terre pour alimenter l’humanité en électricité. Pas de nuages qui s’interposent, pas d’alternance jour-nuit : on évite ainsi l’« intermittence », un des gros défauts de l’énergie solaire sur Terre.</p>
<p>Une telle centrale solaire orbitale a d’abord été proposée en 1941 par Isaac Asimov, dans une nouvelle intitulée <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Reason_(short_story)"><em>Reason</em></a>. Depuis, l’idée a gagné des <a href="https://space.nss.org/space-solar-power-info/">partisans</a> et <a href="https://www.alcimed.com/fr/les-articles-d-alcim/le-regain-dinteret-pour-les-centrales-solaires-orbitales/">se diffuse</a> – si séduisante qu’en août 2022 on apprit, par le biais de son directeur général, que l’<a href="https://www.sciencetimes.com/articles/39473/20220820/european-space-agency-eyes-making-expensive-solaris-based-solar-power.htm">Agence spatiale européenne y réfléchit</a>. Londres affirme aussi vouloir <a href="https://spaceenergyinitiative.org.uk/uk-to-launch-first-power-station-in-space-limitless-green-energy-to-slash-foreign-ties/">lancer 30 gigawatts de panneaux solaires en orbite dès 2045</a>, tandis que <a href="https://www.alcimed.com/fr/les-articles-d-alcim/le-regain-dinteret-pour-les-centrales-solaires-orbitales/">Washington et Pékin</a> ont également annoncé travailler dans cette voie.</p>
<p>De fait, l’énergie solaire est l’une des énergies les plus acceptables dont nous disposions. </p>
<p>L’idée d’envoyer des centrales photovoltaïques dans l’espace est-elle crédible technologiquement ? Peut-être… mais, comme on va le voir, elle ne permet pas de répondre à l’urgence du défi climatique.</p>
<h2>Sous le soleil</h2>
<p>L’énergie solaire est disponible en grande quantité et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dur%C3%A9e_d%27ensoleillement#Distribution_g%C3%A9ographique">distribuée sur toute la surface du globe</a>. Certes plus au Maroc, avec ses 3 000 heures d’ensoleillement par an, qu’en Norvège, moitié moins éclairée. En outre, cette énergie génère peu de déchets, aucune émission de gaz à effet de serre pendant sa phase de production d’électricité, et <a href="https://unece.org/sites/default/files/2021-10/LCA-2.pdf">peu sur l’ensemble de son cycle de vie</a>, comparée aux sources fossiles. Bref, parmi les énergies renouvelables, l’énergie solaire a bonne presse. Rien n’étant parfait, les panneaux solaires sont gourmands en <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary">silicium et en cuivre</a>. Surtout, l’ensoleillement cesse la nuit, et… quand il y a des nuages.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="vue satellite d’une des plus grandes centrales solaires au monde" src="https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509151/original/file-20230209-18-572jb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">On sait construire de très grande centrales solaires au sol – ici à Bhadla, en Inde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:2020-05-20,_Sentinel-2A_L1C,_True_color_(1).jpg">Copernicus Sentinel-2, ESA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Mais dans une centrale orbitale, ni nuit ni nuages ! Les panneaux solaires seraient en orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude. Ils passeraient dans l’ombre de la Terre moins de 1 % du temps. C’est bien mieux qu’en orbite basse : en effet, la station spatiale internationale, à 450 kilomètres d’altitude, à cause du passage régulier dans l’ombre de la Terre, voit ses panneaux solaires perdre <a href="https://www.nasa.gov/mission_pages/station/structure/elements/solar_arrays-about.html">environ 30 % de la puissance d’ensoleillement</a>.</p>
<h2>Comment ramener l’énergie sur Terre ?</h2>
<p>Commençons par oublier la transmission par câble, car un câble de cette longueur, même s’il était réalisable, donnerait des <a href="http://www.sproe.com/b/barrage-balloon.html">frayeurs à tous les avions</a> et satellites.</p>
<p>Bien que plus séduisant, oublions aussi le laser. Même en fonctionnant dans la gamme de longueurs d’onde que l’atmosphère laisse passer (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fen%C3%AAtre_atmosph%C3%A9rique">« la fenêtre atmosphérique »</a>), les interactions du faisceau avec les molécules de l’air (absorption et diffusion) compliqueraient singulièrement la transmission d’énergie, et ce d’autant plus que l’humidité et la couverture nuageuse sont importantes. Cela susciterait aussi quelques inquiétudes quant à l’usage militaire d’un dispositif aussi puissant : on parle ici de transférer des gigawatts, soit mille fois plus qu’un <a href="https://www.enderi.fr/Lasers-a-usage-militaire-ou-en-sont-les-developpements_a279.html">laser militaire capable de neutraliser un véhicule blindé</a>.</p>
<p><a href="https://www.science.org/content/article/space-based-solar-power-getting-serious-can-it-solve-earth-s-energy-woes">L’option qui a actuellement le vent en poupe</a> consiste à convertir l’énergie lumineuse recueillie en électricité, à son tour convertie en un faisceau de micro-ondes envoyé vers le bas. Ce faisceau serait capté par la région de la surface terrestre située à la verticale, où il y serait reconverti en électricité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="vue d’artiste de rectenna, réseau d’antenne réceptrices" src="https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509404/original/file-20230210-27-xqv6c9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un rectenna au sol pour recevoir les micro-ondes, vue d’artiste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2022/08/Receiving_rectenna_on_the_ground">ESA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La compagnie Airbus a <a href="https://www.science.org/content/article/space-based-solar-power-getting-serious-can-it-solve-earth-s-energy-woes">récemment annoncé</a> le succès d’un <a href="https://www.newsweek.com/wireless-electricity-space-solar-panels-renewable-energy-emrod-new-zealand-1751884">essai au sol</a> réalisé à Munich avec la compagnie Emrod : une antenne émettrice de 2 mètres de diamètre convertissant une puissance initiale de 10 kilowatts en micro-ondes de 5,8 gigahertz a permis de transférer 2 kilowatts à 36 mètres de distance.</p>
<h2>Quel gain d’énergie par rapport à une centrale au sol ?</h2>
<p>Le fait même que des entreprises testent le procédé suggère qu’il sera peut-être économiquement viable. Mais la physique impose quelques limites, en termes de gain en énergie, d’occupation d’espace et de rythme de mise en place.</p>
<p>Premier avantage sur le papier : un panneau solaire en orbite géostationnaire toujours bien orienté face au Soleil, et non soumis aux aléas des nuages, fournit selon nos calculs environ trois fois plus d’énergie que son homologue dans une région bien exposée, comme le Sahara par exemple. Cela peut paraître beaucoup, mais ce n’est pas à la hauteur des enjeux. En effet, la double conversion (d’électricité en micro-ondes, puis à nouveau en électricité) occasionne nécessairement des pertes : actuellement, on perd la <a href="https://www.science.org/content/article/space-based-solar-power-getting-serious-can-it-solve-earth-s-energy-woes">moitié de la puissance</a>. Le gain réel, par rapport à une centrale au sol, n’est donc pas de trois, mais seulement 1,5.</p>
<p>Peut-il compenser l’inconvénient (voire l’impossibilité) d’intervenir pour la maintenance, et ce que la mise sur orbite représente comme dépense de matériaux, d’énergie, d’argent, et comme pollution ?</p>
<h2>Quelle surface au sol ?</h2>
<p>Second avantage sur le papier : la centrale orbitale est censée éviter l’accaparement et l’artificialisation de la surface terrestre, utilisable pour bien d’autres choses (habiter, cultiver, préserver…)</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="schéma de la transmission" src="https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509160/original/file-20230209-26-9vjl8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration de la transmission d’un faisceau micro-onde vers la Terre, détecté par un réseau d’antennes redresseuses micro-onde de plusieurs kilomètres carrés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Space_to_ground_microwave,_laser_pilot_beam.png">NASA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En réalité, capter l’énergie envoyée par une centrale orbitale, disons quelques gigawatts comme on peut <a href="https://www.science.org/content/article/space-based-solar-power-getting-serious-can-it-solve-earth-s-energy-woes">l’imaginer à terme</a>, nécessite une très grande surface au sol. En effet, un faisceau de micro-ondes n’est pas une fine ligne droite, ni a fortiori un faisceau convergent comme pourraient le faire croire une <a href="https://www.science.org/content/article/space-based-solar-power-getting-serious-can-it-solve-earth-s-energy-woes">habile perspective</a> ou une illustration réellement <a href="https://www.space.com/space-solar-power-research-advances">fausse</a>. C’est un cône divergent : pointe fine au départ, <a href="https://www.sciencetimes.com/articles/39473/20220820/european-space-agency-eyes-making-expensive-solaris-based-solar-power.htm">base large à l’arrivée</a>.</p>
<p>Ce phénomène appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diffraction">« diffraction »</a> n’est pas anecdotique. Une <a href="https://ntrs.nasa.gov/api/citations/19800022396/downloads/19800022396.pdf">étude de la NASA</a> publiée en 1978 discutait le cas d’une centrale solaire orbitale capable de délivrer au sol une puissance de 5 gigawatts (à partir de 75 gigawatts de lumière solaire captée). Elle exigeait une antenne d’émission de 1 kilomètre de diamètre placée en orbite et une antenne de réception au sol de 13 x 10 kilomètres (un peu plus que la superficie de Paris), si la transmission d’énergie se faisait avec un faisceau micro-ondes dont la fréquence est de 2,45 gigahertz.</p>
<p>La dimension de l’antenne peut être réduite en utilisant une gamme de fréquences plus élevée tout en restant capable de traverser l’atmosphère, en tout cas tant que cette dernière <a href="http://www.submm.caltech.edu/cso/weather/atplot.shtml">n’est pas trop humide</a>. La fréquence de <a href="http://www.submm.caltech.edu/cso/weather/atplot.shtml">100 gigahertz pourrait être un bon compromis</a> : l’antenne en orbite aurait alors 30 mètres de diamètre, et serait associée à une surface de captage au sol de 3,6 kilomètres de diamètre (cent douze fois le diamètre de l’antenne), soit une superficie au sol de l’ordre de 10 kilomètres carrés.</p>
<p>Comparons ceci à la taille des plus puissantes centrales solaires terrestres : <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bhadla_Solar_Park">Bhadla</a> en Inde, de 8 kilomètres de diamètre, ou <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Benban_Solar_Park">Benban</a>, en Égypte, 7 kilomètres de diamètre, ont des puissances installées respectives de 2,2 et 1,7 gigawatts. Autrement dit, le gain escompté en allant dans l’espace s’avère décevant : l’emprise au sol est du même ordre que celle d’une centrale terrestre d’une puissance comparable.</p>
<h2>Faire vite</h2>
<p>Enfin, pensons à la course de vitesse contre le changement climatique. Il faut fermer beaucoup de centrales thermiques le plus vite possible. Quelques gigawatts placés en orbite dans dix ou vingt ans ne pèsent guère face aux 66 gigawatts de panneaux installés au sol <a href="https://www.pv-magazine.com/2023/01/03/china-aims-to-add-160-gw-of-wind-solar-in-2023/">rien qu’en Chine en 2022</a>. Et surtout face à la décroissance <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-les-limites-physiques-de-la-planete-138842">indispensable au vu de la crise actuelle de l’énergie, de la matière et de l’environnement</a> : nous devons réduire, maintenant et massivement, notre consommation totale d’énergie. En effet, la seule énergie complètement propre est celle qui n’est pas consommée.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a bénéficié de discussions avec François Briens (économiste et ingénieur en systèmes énergétiques), Jean-Manuel Traimond (auteur et conférencier), Aurélien Ficot (formateur et ingénieur en sciences environnementales).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Collecter l’énergie solaire en orbite, là où il fait toujours jour, ce n’est pas pour demain. Quel gain peut-on espérer de cette stratégie, et à quelle échéance ?
Emmanuelle Rio, Enseignante-chercheuse, Université Paris-Saclay
François Graner, Directeur de recherche CNRS, Université Paris Cité
Roland Lehoucq, Chercheur en astrophysique, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192647
2022-10-26T18:40:03Z
2022-10-26T18:40:03Z
Investissements verts : une (sur)performance amenée à durer ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490010/original/file-20221017-18-ekiijp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=118%2C55%2C1158%2C796&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Commission européenne estime ainsi qu’entre 2021 et 2030, le secteur énergétique au niveau européen aura besoin de 175&nbsp;milliards d’euros par an minimum.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/trois-eoliennes-grises-243138/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’été que nous venons de passer est la confirmation que les effets du réchauffement climatique sont plus forts et plus rapides qu’escomptés. Pour espérer les endiguer, le passage de notre mode actuel de production et de consommation à un modèle plus responsable est essentiel. Or, ce changement de paradigme nécessite de grands investissements, notamment dans la transition énergétique. La Commission européenne estime ainsi qu’entre 2021 et 2030, le secteur énergétique au niveau européen aura besoin de <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/ing/la-france-devra-investir-entre-12-et-15-milliards-deuros-par-an-pour-financer-sa-transition-energetique-1408089">175 milliards d’euros par an minimum</a> pour le développement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-verte-98436">énergies vertes</a> (solaire, éolien, etc.) et des infrastructures nécessaires.</p>
<p>Mais d’un point de vue strictement financier, le rendement est-il au rendez-vous pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> ? Les énergies vertes, qui représentent le futur, bénéficient-elles d’une meilleure performance financière, comparativement aux énergies fossiles qui sont vouées à disparaître ?</p>
<p>Dans nos récents travaux, nous avons <a href="https://edhec.infrastructure.institute/paper/the-pricing-of-green-infrastructure/">étudié pendant 10 ans (2011-2021)</a> les rendements attendus et la performance effective des infrastructures d’énergie verte, comparée à celle des infrastructures d’énergies fossiles. Cette question du retour sur investissement demeure essentielle, car les investissements dans les projets d’énergie éolienne et solaire représentent actuellement entre un quart et un tiers de l’ensemble des investissements alloués aux infrastructures. Ils sont, en outre, amenés à se développer de plus en plus.</p>
<h2>Une préférence des investisseurs</h2>
<p>L’un des arguments en faveur de l’investissement durable est que celui-ci génère de meilleurs rendements, comparé à l’investissement classique (lequel finance, entre autres, les énergies fossiles). Cet axiome se vérifie-t-il sur le terrain ?</p>
<p>En 2011, les projets de production d’énergie verte (ici, les énergies éolienne et solaire) avaient un rendement attendu de 8 %, contre 9 % pour les projets de production d’énergie fossile. Leurs rendements totaux annualisés sur 10 ans s’élevaient respectivement à 16 % et 17 % en 2021. Ces deux chiffres peuvent paraître similaires, mais ils correspondent à deux réalités économiques différentes.</p>
<p>Ainsi, notre étude montre qu’il existe bel et bien des preuves d’une surperformance des investissements dans les infrastructures vertes (définies comme les projets d’énergie éolienne et d’énergie solaire). Cette surperformance, qui se définit par des bénéfices plus élevés que ceux des actifs classiques, est en effet due à l’évolution des préférences des investisseurs pour les projets « verts ». Soit une demande excédentaire pour ce type d’investissement, imputable notamment à la sensibilité grandissante du public pour les enjeux de transition énergétique, et qui explique les meilleures performances des actifs responsables comparées aux actifs classiques.</p>
<h2>Un changement de paradigme ?</h2>
<p>Au cours de la dernière décennie, les investisseurs se sont montrés de plus en plus intéressés par le secteur des énergies renouvelables. Au premier semestre 2022, les investissements verts ont totalisé <a href="https://about.bnef.com/blog/renewable-energy-sector-defies-supply-chain-challenges-to-hit-a-record-first-half-for-new-investment/">226 milliards de dollars</a>, soit une hausse de 11 % sur un an, selon un rapport de BloombergNEF publié en août dernier. Les investissements dans les projets solaires ont notamment atteint 120 milliards (+33 %) et les projets dans l’éolien 84 milliards (+16 %).</p>
<p>Dans une enquête menée en 2022 sur environ 350 portefeuilles d’actifs, EDHECinfra a constaté que les énergies renouvelables représentaient entre un quart et un tiers des investissements, mais aussi que les énergies fossiles (gaz et charbon) ne représentent que 1 à 3 % des portefeuilles, avec une exception notable pour les investisseurs nord-américains.</p>
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<p>Il faut dire que les projets mettant à l’honneur les énergies fossiles sont, en plus de leur relative impopularité, soumis aux taxes environnementales – telles que la taxe carbone en France. On assiste, de plus, à ce qui pourrait bien constituer un point de bascule. En effet, en 2020, l’investissement dans les énergies renouvelables a dépassé les <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/transition-energetique/isr-rse/pour-la-premiere-fois-le-monde-a-plus-investi-dans-les-energies-vertes-que-dans-les-fossiles-en-2020-149533.html">500 milliards de dollars</a>, contre 400 milliards pour la production de gaz et de pétrole. De fait, la valeur des actifs dits « traditionnels » s’en ressent.</p>
<h2>Engouement passager ou durable ?</h2>
<p>On observe que, sur la dernière décennie, les investissements dans les énergies fossiles ont été délaissés par les investisseurs traditionnels, tandis que les actifs verts ont été largement intégrés dans les portefeuilles d’investissement. Cela est particulièrement visible sur la période 2012-2015, pendant laquelle les actifs verts ont aussi mieux performé (ou performé de manière équivalente) que les actifs classiques.</p>
<p>Cette performance des actifs verts s’explique notamment par un changement de perception du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> (l’investissement responsable tend à se normaliser, voire à gagner en désirabilité), tandis que la performance des actifs classiques reste moins le résultat d’un fort engouement que de leur rendement ajusté du risque.</p>
<p>Cependant, ces rendements temporairement plus élevés pour les investissements verts ne préjugent pas des performances futures. Selon nos observations, ce phénomène de forte demande accompagné d’une augmentation de la valeur des actifs verts a atteint son apogée en 2019. À l’heure actuelle, les rendements attendus de ce type d’investissement sont beaucoup plus faibles.</p>
<p>Cela signifie notamment que les rendements des projets d’énergie verte ne doivent pas être perçus comme un indicateur de leur performance future. Car, plus la demande pour les actifs verts est satisfaite par des investissements supplémentaires, moins les rendements attendus sont élevés. En effet, l’offre et la demande finissent par converger, ce qui permet de « corriger » la surperformance des actifs verts.</p>
<p>Il n’existe donc pas de réelle prime de risque pour les projets d’infrastructures vertes, dont les investisseurs pourraient bénéficier sur le long terme. En réalité, il faudrait plutôt parler d’une « prime verte », que les investisseurs ont été prêts à payer à un instant T, au moment où les actifs responsables ont gagné en popularité. La surperformance constatée des actifs verts sur la décennie précédente provient uniquement d’une demande excédentaire, qui a fini par diminuer.</p>
<p>Autrement dit, lorsque l’offre a fini par rejoindre la demande, les actifs verts ont accusé une baisse de performance, conséquence d’un équilibre retrouvé sur les marchés. La prime verte est une réalité, mais elle n’avait vocation qu’à être temporaire. Il faut donc plutôt considérer la décennie précédente comme une période de transition, et non comme l’avènement d’un phénomène pérenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192647/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Une étude portant sur ces dix dernières années montre que l’engouement des investisseurs pour les projets de production d’énergie solaire ou éolienne a atteint son apogée en 2019.
Frédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business School
Noël Amenc, Professeur de finance, EDHEC Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/189608
2022-09-19T18:40:32Z
2022-09-19T18:40:32Z
La cuisine solaire, quand la décarbonation devient un plaisir
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483962/original/file-20220912-18-quidtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C1017%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un four solaire très basique. Il en existe plusieurs types, dont certains qui permettent de monter en température et de cuire du pain ou des gâteaux par exemple.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13470115@N08/4902971737">Erik Burton, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Avec un cuiseur solaire, on peut faire une ratatouille, de la brioche, des cookies. Les fours solaires prennent leur place dans quelques restaurants professionnels, des boulangeries, et au <a href="https://polytech.univ-amu.fr/concours-cuisine-solaire-2022">festival de cuisine solaire</a> à Marseille.</p>
<p>La cuisine solaire aborde aussi des enjeux majeurs. Aujourd’hui, 2,6 milliards d’êtres humains n’ayant pas accès à un système de cuisson « propre » et <a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/98909c1b-aabc-4797-9926-35307b418cdb/WEO2019-free.pdf">utilisent du bois ou du charbon pour l’un de leurs besoins essentiels</a>, avec des conséquences désastreuses : déforestation, émission de gaz à effet de serre ainsi que de polluants menants à la mort prématurée d’environ 2,5 millions de personnes par an, sans compter l’obligation des populations à consacrer une grande partie de leur journée à la recherche de combustible, les mettant en danger et limitant leur temps disponible pour aller à l’école ou l’université.</p>
<p>Le cuiseur solaire pourrait donc sembler une solution technologique, écologique, économique et sociale. Les cuiseurs solaires remplissent bien leur fonction, ils utilisent une énergie gratuite et largement disponible dans de nombreuses régions du monde pour subvenir à un besoin primordial.</p>
<p>Alors, pourquoi les cuiseurs solaires ne sont-ils pas plus répandus en France comme dans le reste du monde ?</p>
<h2>Comment ça marche ?</h2>
<p>Le principe d’un cuiseur solaire est assez simple : on essaie de faire rentrer un maximum d’énergie solaire à l’aide de miroirs et de surfaces absorbant très bien la lumière solaire (noires), et on essaie d’avoir un minimum de pertes de chaleur à l’aide d’isolants comme la laine de roche ou une vitre.</p>
<p>Il existe plusieurs technologies de cuiseurs solaires, comme les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_box_cooker_plans">cuiseurs boîtes</a>, les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Parabolic_solar_cooker_plans">cuiseurs paraboliques</a>, les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_trough_cooker_plans">cuiseurs à tube sous vide</a> et les <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/en/die-scheffler-reflektoren">paraboles de Scheffler</a>. À chaque technologie sa température, sa facilité de construction ou d’utilisation, ses avantages et ses inconvénients.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Marmites et paraboles" src="https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois cuiseurs solaires sous la neige.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1c/Solar_cooker_systems-1.JPG/1280px-Solar_cooker_systems-1.JPG">Fringe2013, Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une première explication de leur adoption très limitée pourrait être leur inefficacité, ou leur incapacité à atteindre les températures nécessaires aux diverses méthodes de cuisson. Il est vrai que les cuiseurs de type <a href="https://static.wikia.nocookie.net/solarcooking/images/0/0b/Minimum_Solar_Box_Cooker_Photo_small_reversed.jpg/revision/latest/scale-to-width-down/1000?cb=20160417181948">« boîte »</a>, généralement en carton ou en bois, qui sont les plus simples et les meilleurs marchés, atteignent difficilement des températures supérieures à 150 °C et sont longs à monter en température.</p>
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<p>Pour accélérer le chauffage et/ou augmenter la température atteinte par un cuiseur solaire, il faut augmenter la concentration des rayons du Soleil à l’aide de miroirs supplémentaires et diminuer les pertes thermiques du plat de cuisine en améliorant l’isolation du cuiseur.</p>
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<img alt="Un four solaire « boîte » pour le diner de Thanksgiving" src="https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C5%2C1123%2C891&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un four solaire. Il en existe plusieurs types, chacun avec ses avantages et inconvénients – ici, le type « boîte ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13470115@N08/6396200661">Erik Burton, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les cuiseurs à tube sous vide sont un compromis extrêmement prometteur. Ils sont constitués de deux tubes en verre emboîtés l’un dans l’autre : le tube extérieur est transparent tandis que le tube intérieur est peint en noir. Ils sont séparés d’une petite couche de vide : le meilleur isolant que l’on connaisse ! Pour cuire de la nourriture, il suffit de l’insérer dans le tube intérieur. Ce type de cuiseur a si peu de pertes thermiques que la température interne d’un tube seul laissé au Soleil peut atteindre plus de 110 °C. Avec un système simple de miroirs pour concentrer quelques rayons supplémentaires sur leur surface, on peut aisément atteindre 300 °C en une heure.</p>
<p>Les deux inconvénients de ces systèmes sont la sensibilité aux chocs thermiques du verre (il faut éviter les plats en sauce non couverts pour les projections) et le fait qu’il est obligatoire de cuisiner en extérieur. Les <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/en/die-scheffler-reflektoren">paraboles de Scheffler</a> sont des cuiseurs dits indirects et permettent de s’affranchir de ce dernier problème, mais pour une complexité plus importante.</p>
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<img alt="Un tube sous vide et ses paraboles pour rediriger les rayons du soleil" src="https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un four solaire à tube sous vide, atteignant 260 °C grâce à son concentrateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Fasquelle, Université d’Aix Marseille</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une seconde raison valable pourrait être le prix : les cuiseurs solaires nécessitent un investissement initial potentiellement important mais non prohibitif – quelques dizaines d’euros pour un cuiseur-boîte, environ 200 € pour un cuiseur à tube sous vide, et plusieurs centaines ou milliers d’euros pour les cuiseurs paraboliques.</p>
<h2>L’énergie solaire, trop complexe à gérer ?</h2>
<p>Une troisième raison, bien connue, est l’intermittence de l’énergie solaire. Lorsque l’on cuisine, il est très désagréable de ne pas être maître du temps, dans les deux acceptions de ce dernier. C’est donc le manque de système de stockage simple et bon marché qui est le principal défaut de la technologie solaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">Comment les « low tech » se font une place en France</a>
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<p>De nombreux efforts de recherche sont effectués dans ce sens, comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038092X18305620">l’utilisation de matériaux à changement de phase</a>, c’est-à-dire des matériaux solides qui fondent à la température d’utilisation du cuiseur (par exemple 200 °C), absorbant une très grande quantité de chaleur, puis se resolidifient et libèrent la chaleur lorsqu’il n’y a plus de soleil. La problématique du stockage est alors de trouver le bon compromis entre efficacité et capacité de stockage d’un côté, et prix et complexité de l’autre côté.</p>
<h2>Les cuiseurs solaires, pas assez « cools » ?</h2>
<p>Enfin, la lente propagation des cuiseurs solaires peut s’expliquer par l’image qu’ils véhiculent et la sociologie.</p>
<p>En effet, les cuiseurs solaires paraissent aujourd’hui contraignants à utiliser par rapport aux alternatives : la plupart d’entre nous désirent cuisiner à toute heure, par tout temps et à l’intérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-griller-une-saucisse-au-barbecue-est-une-affaire-de-chimiste-164407">Faire griller une saucisse au barbecue est une affaire de chimiste</a>
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<p>Mais n’y aurait-il pas au moins une activité de cuisine pratiquée en extérieur, uniquement quand il fait beau, et consommant une énergie pas toujours décarbonée ? Le fameux barbecue ! Le cuiseur solaire a toute sa place pour remplacer ou compléter celui-ci, à condition d’être efficace, facile d’utilisation et à forte valeur sociale ajoutée.</p>
<p>L’association <a href="https://solarcooking.fandom.com/fr/wiki/Les_Festins_Photoniques">Les Festins Photoniques</a>, basée à Marseille, pense que plusieurs technologies de cuiseurs solaires, notamment les tubes, peuvent remplir ce service. Une optimisation de l’isolation et des optiques, notamment à l’aide de la technologie dite <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nonimaging_optics">non imageante</a>, pourrait également mener à des planchas solaires.</p>
<p>La <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/fr/die-scheffler-reflektoren">parabole de Scheffler</a> est une technologie simple à construire et à utiliser pour faire de la cuisine collective professionnelle et de qualité. Bien que coûtant plusieurs milliers d’euros, cette parabole a l’avantage de permettre la cuisine solaire professionnelle en intérieur et à haute température (400 °C pour la plaque de cuisson d'un restaurant professionnel). Ainsi, peut-être qu’avec la démocratisation d’outils performants, conviviaux, et permettant de cuisiner des mets raffinés, les cuiseurs solaires passeront de la solution contraignante à l’outil d’utilité sociale !</p>
<p>En ce qui concerne les pays en voie de développement, la question sociale porte davantage sur une mauvaise communication entre les promoteurs de la cuisine solaire et les populations à qui cela pourrait profiter : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629617301019">non prise en compte des besoins et méthodes de cuisine locales dans les solutions proposées</a> (par exemple la taille des cuiseurs de type familial, ou la température désirée pour le plat traditionnel local), manque de formation et de démonstration des performances des cuiseurs, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421513008793">manque d’exemplarité des pays développés recourant massivement aux énergies fossiles ou à l’électricité pour la cuisine</a>, etc.</p>
<h2>Et alors, que faut-il faire pour accélérer les choses ?</h2>
<p>Pour accélérer ce processus, les institutions de recherche et de développement travaillent sur quatre aspects : le stockage de l’énergie (pas encore mature car trop complexe et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038092X20307581">trop cher</a>, le développement de cuiseurs bon marché et faciles à construire par et pour les particuliers (en cours de développement rapide, avec souvent des plans/notices proposés en open source en <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_cooker_plans">différentes langues</a>, comme en <a href="https://www.solarbrother.com/en/open-source/">France</a>, l’amélioration des technologies les plus prometteuses comme les paraboles de Scheffler (à Marseille, le restaurant Le Présage <a href="https://www.capenergies.fr/portfolio_page/crocs/">est associé</a> au laboratoire IUSTI pour améliorer leur fourneau solaire basé sur cette technologie), et surtout la <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Most_significant_solar_cooking_projects">prise en compte des besoins des populations en amont d’un projet de développement de la cuisine solaire</a>.</p>
<p>En parallèle, les acteurs de ce domaine tentent, tout du moins en France, de transformer la « contrainte » liée à l’utilisation des cuiseurs solaires en plaisir pour les yeux et pour les papilles, mais aussi en <a href="https://polytech.univ-amu.fr/concours-cuisine-solaire-2022">jeu</a>. C’est ainsi que nous espérons décarboner les usages tout en créant du plaisir.</p>
<p>Enfin, il y a besoin de davantage de financement des projets de développement des cuiseurs solaires qui sont portés par les associations humanitaires et certains <a href="https://www.solarcookers.org/">programmes spécifiques</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189608/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Fasquelle a reçu des financements de l'Institut de Mécanique et d'Ingénierie (IMI) de l'université d'Aix-Marseille (AMU), ainsi que de la Région Sud et du restaurant Le Présage pour financer la thèse de doctorat de Gabriel Guillet.
Thomas Fasquelle est membre de l'association "Les Festins Photoniques".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Gabriel GUILLET est cofinancé par la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (90%) et par la Société Le Présage (10%) dans le cadre du dispositif "Emplois Jeunes Doctorants".</span></em></p>
Cuire son repas en concentrant la chaleur du soleil, c’est possible… même sous la neige.
Thomas Fasquelle, Enseignant-Chercheur à PolytechMarseille et à l'IUSTI, Aix-Marseille Université (AMU)
Gabriel Guillet, Doctorant en Sciences de l'Ingénieur, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181313
2022-06-15T18:25:59Z
2022-06-15T18:25:59Z
Une nouvelle famille de matériaux pour la production solaire d’hydrogène renouvelable
<p>L’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique pour produire de l’électricité et de la chaleur sur demande est une solution pour le stockage de l’énergie presque idéale dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement durable, pour les besoins domestiques, dans le transport, ou à grande échelle dans des centrales de production d’énergie.</p>
<p>En effet, combiné avec l’oxygène de l’air, l’hydrogène permet de produire de l’énergie thermique ou électrique en ne dégageant aucune émission polluante (principalement de l’eau). C’est par exemple le cas dans les piles à combustible utilisées dans les véhicules fonctionnant à l’hydrogène, qui combinent hydrogène et oxygène pour produire du courant électrique et alimenter un moteur électrique.</p>
<p>Néanmoins, l’hydrogène utilisé actuellement est essentiellement produit à partir d’énergies fossiles, et il est donc nécessaire de trouver d’autres modes de production décarbonés. L’une des possibilités est d’utiliser directement l’énergie solaire pour produire de l’hydrogène à partir d’eau dans des cellules photo-électro-chimiques. Ces cellules sont composées de photo-électrodes, sortes de cellules solaires plongées directement dans de l’eau, qui permettent de collecter l’énergie solaire, et utiliser cette énergie pour casser les molécules d’eau pour former des molécules d’hydrogène et d’oxygène.</p>
<h2>Une nouvelle approche</h2>
<p>C’est l’approche choisie par notre consortium constitué de scientifiques rennais, avec Nicolas Bertru et Yoan Léger (Institut FOTON-CNRS, INSA Rennes) et Bruno Fabre (Institut des sciences chimiques de Rennes–CNRS, Université de Rennes 1), et en collaboration avec des membres de l’Institut de Physique de Rennes–CNRS à l’Université de Rennes 1.</p>
<p>Dans le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/advs.202101661">travail qui vient d’être publié</a> dans la revue <em>Advanced Science</em>, nous proposons d’utiliser une nouvelle famille de matériaux avec des propriétés photo-électriques tout à fait étonnantes pour produire de l’hydrogène solaire efficacement, à faible coût et impact environnemental. Cette proposition est accompagnée de plusieurs démonstrations de photo-électrodes fonctionnant sous illumination solaire.</p>
<p>Les semi-conducteurs sont des matériaux ayant des propriétés intermédiaires entre les conducteurs électriques (le plus souvent des métaux), et les isolants. Ces propriétés peuvent être par exemple utilisées pour laisser passer ou non le courant électrique sur demande, comme dans le cas du silicium, matériau abondant et peu cher, formant la base de toutes les puces électroniques actuelles.</p>
<p>Mais elles peuvent aussi être utilisées pour l’émission, ou l’absorption de la lumière, comme dans le cas des semi-conducteurs dits « III-V » qui sont utilisés dans une large gamme d’applications, allant des émetteurs lasers ou LEDs et autres capteurs optiques, jusqu’aux cellules solaires photovoltaïques pour l’aérospatial. On les nomme « III-V » car ils se composent d’un ou plusieurs éléments de la colonne III et de la colonne V du tableau périodique de Mendeleïev.</p>
<p>Si ces matériaux « III-V » sont très performants, ils sont aussi également plus coûteux. C’est dans ce contexte que de nombreux chercheurs tentent depuis les années 1980, de déposer de très fines couches de ces matériaux, sur des substrats de silicium pour obtenir de hautes performances optiques, nécessaires pour garantir pas exemple une bonne absorption du rayonnement dans une cellule solaire, ou pour garantir une émission de lumière efficace dans un laser, tout en réduisant ainsi drastiquement le coût de fabrication et l’empreinte environnementale des composants développés.</p>
<p>L’un des principaux problèmes de cette approche était lié à l’apparition de défauts cristallins dans le matériau semi-conducteur, c’est-à-dire à la présence d’un ou plusieurs atomes mal positionnés par rapport à l’arrangement parfaitement régulier que devraient avoir les atomes du cristal idéalement. Ceci a pour conséquence de dégrader les performances des lasers ou des cellules solaires ainsi développées, et c’est pourquoi les efforts en recherche portaient essentiellement sur la réduction ou la suppression de ces défauts.</p>
<p>A contrario, notre équipe a démontré que ces irrégularités du cristal, considérées usuellement comme des défauts, avaient des propriétés physiques très originales (des inclusions avec un caractère métallique), qui pouvaient être utilisées efficacement pour la production d’hydrogène solaire, et pour bien d’autres applications photo-électriques.</p>
<h2>De surprenantes propriétés</h2>
<p>Notre travail montre donc que la présence de parois d’antiphase (l’acronyme anglais « APB » est utilisé sur l’illustration), qui sont des défauts cristallins bien spécifiques inversant localement l’arrangement des atomes, dans les matériaux III-V déposés sur silicium, leur confère des propriétés physiques tout à fait remarquables et sans précédent. En particulier, nous montrons que ces parois se comportent localement (à l’échelle atomique) comme des inclusions métalliques, dans un matériau qui est, lui, semi-conducteur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468765/original/file-20220614-14-8qfzcw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">(Gauche) : Représentation schématique d’une photo-électrode associant une couche mince (typiquement 1µm) de semi-conducteur III-V (rose) et un substrat de Si (violet), pouvant servir en anode ou en cathode. (Droite) : Les échantillons produits (haut) ont une surface d’environ 20 cm² et servent à réaliser des photo-électrodes (bas), utilisées pour la photo-électro-chimie.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ceci permet au matériau d’être à la fois photo-actif (absorption de la lumière et conversion en charges électriques), et métallique localement (transport des charges électriques). Plus surprenant encore, le matériau peut conduire à la fois les charges positives et négatives (caractère ambipolaire). Dans ce travail, une preuve de concept est présentée à travers la réalisation de plusieurs photo-électrodes III-V/Si (cf. photos de la figure ci-jointe) pour la production d’hydrogène solaire, avec des performances comparables aux meilleures photo-électrodes III-V conventionnelles, mais avec un coût de production et un impact environnemental beaucoup plus faibles du fait de l’utilisation du substrat de silicium.</p>
<p>Pour l’instant, ces échantillons ont permis de produire de l’hydrogène à l’échelle de la cellule de laboratoire, mais il semble possible d’imaginer que si la stabilité de ces matériaux est améliorée, elles pourront, dans le futur, servir de substrat pour une conversion de l’énergie solaire en hydrogène à plus grande échelle.</p>
<h2>De nouvelles propriétés pour de nouvelles applications</h2>
<p>Dans cette étude, la démonstration de photo-électrodes pour la production d’hydrogène solaire permet d’une part de mieux appréhender les propriétés du matériau, et d’autre part de valider son application dans un système fonctionnel. Mais, au-delà de cette application démontrée, les propriétés intrinsèques de cette nouvelle famille de matériaux qui peuvent être élaborés assez simplement, permettent aussi d’envisager de nombreuses autres applications. La capacité du matériau à convertir efficacement la lumière en charges électriques en fait par exemple un candidat de choix pour les cellules solaires photovoltaïques, ou les capteurs optiques. Ses propriétés de transport des charges électriques et de conduction anisotrope pourraient être utilisées pour l’électronique et le calcul quantique. Enfin, les phénomènes physiques liés à la lumière et au courant électrique se déroulant à l’échelle nanométrique, ce matériau pourrait aussi être considéré pour envisager de nouvelles architectures photoniques intégrées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles CORNET a reçu des financements du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de l'Agence nationale de la recherche (projet ANR PIANIST no. ANR-21-CE09-0020) , du CNRS, de Rennes Métropole et de la région Bretagne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gabriel Loget a reçu des financements de recherche du CNRS, de l'Agence Nationale de la Recherche, de Rennes Métropole et de la Région Bretagne</span></em></p>
L’énergie solaire peut être utilisée pour produire de l’hydrogène.
Charles Cornet, Professeur des Universités en physique des matériaux, INSA Rennes
Gabriel Loget, Senior research scientist, Université de Rennes 1 - Université de Rennes
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/175536
2022-03-08T19:10:23Z
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Débat : Mettre fin à la défiance à l’égard des énergies renouvelables
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/447543/original/file-20220221-17-revg9q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=77%2C201%2C2460%2C1513&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parc éolien dans l’Aisne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bruno Peuportier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Certains arguments d’ordre environnemental, social et économique, sont énoncés en France par un certain nombre de politiques et de médias à l’encontre des énergies renouvelables.</p>
<p>Pourtant, la plupart de nos voisins s’orientent vers des scénarios 100 % renouvelables : l’Allemagne bien sûr, mais aussi la Belgique, la Suisse, l’Italie et l’Espagne.</p>
<p>En cette période de vigilance sur l’équilibre du réseau électrique et de contexte international très perturbé, il est utile d’interroger cette « French touch » de l’énergie.</p>
<h2>Performances en évolution rapide</h2>
<p>De nombreux Français considèrent encore les énergies renouvelables comme marginales. En réalité, les filières renouvelables représentent <a href="https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2021/renewables">presque 30 % de la production mondiale d’électricité</a>, à titre de comparaison trois fois plus que l’énergie nucléaire.</p>
<p>Mais cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a> risque-t-elle de conduire à l’épuisement de certaines matières premières ? <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">Un rapport publié en mai 2021</a> par l’Agence internationale de l’énergie montre que la contribution des énergies renouvelables à l’augmentation de la demande en minéraux est faible par rapport à la contribution des véhicules électriques, et que les ressources sont suffisantes pour la satisfaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447545/original/file-20220221-22-19n3mw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quartier à énergie positive à Fribourg en Allemagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Peuportier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le silicium, principal composant des modules photovoltaïques, est très abondant et les nouvelles techniques de production en <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02732972/document">utilisent de moins en moins</a>. La plupart des éoliennes ne font pas appel à des terres rares, et les matériels sont recyclés quasiment entièrement en fin de vie. Pourquoi alors certains pêcheurs français refusent-ils les éoliennes quand les pêcheurs danois en redemandent car elles <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/77/3/1250/5057660">favorisent les zones de reproduction des poissons</a> ?</p>
<p>La transition énergétique allemande vers les renouvelables ne s’est pas traduite par une augmentation des émissions de gaz à effet de serre : elles ont <a href="https://www.umweltbundesamt.de/en/data/environmental-indicators/indicator-greenhouse-gas-emissions#at-a-glance">diminué de 35 % depuis 1990</a>. Selon une <a href="https://www.concerte.fr/system/files/concertation/Note%20Bilans%20CO2%20V3.pdf">note de RTE</a>, les productions éolienne et solaire françaises de 45 TWh ont quant à elles permis d’éviter l’émission de 22 Mt de CO<sub>2</sub> en 2019.</p>
<h2>Stockage des énergies intermittentes</h2>
<p>Les productions éolienne et solaire sont variables en fonction de la ressource, mais prévisibles. Les électrolyseurs de puissance permettent de produire de l’hydrogène et peuvent être complétés par des procédés de méthanisation.</p>
<p>La pénétration importante du chauffage électrique, particularité également française, induit une très forte pointe de la demande lors des périodes froides.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1486290470422593537"}"></div></p>
<p>Quel que soit le pourcentage de renouvelable dans le scénario énergétique retenu, il faudra de toute manière stocker de l’énergie pour couvrir ces pointes car on ne construit pas des centrales renouvelables ou nucléaires, nécessitant un investissement conséquent, pour ne fonctionner que quelques jours par an.</p>
<p>Tout moyen de production est par ailleurs sujet à des pannes, par essence imprévisibles, et c’est particulièrement vrai pour des centrales vieillissantes, la mise à l’arrêt d’une production de puissance importante pouvant d’autant plus menacer l’équilibre du réseau.</p>
<h2>Quantifier leur occupation du territoire</h2>
<p>Les scénarios les plus volontaristes, par exemple celui élaboré par <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022">l’association Négawatt</a>, prévoient de l’ordre de 20 000 éoliennes terrestres en France métropolitaine, soit en moyenne moins d’une par commune.</p>
<p>Selon ce même scénario, la surface nécessaire de modules photovoltaïques équivaut à 5 m<sup>2</sup> par habitant, ce qui représente moins d’un millième du territoire national et peut largement être atteint sur des espaces déjà artificialisés comme des toitures et des ombrières de parkings.</p>
<p>D’autre part, le concept d’« agrivoltaïque » est compatible avec certaines formes d’élevage et peut rendre des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032120309783">services très utiles</a> à certaines cultures (protection de vignobles par exemple).</p>
<h2>Incertitudes sur les coûts des différentes filières</h2>
<p>Les énergies renouvelables sont-elles réellement plus coûteuses que l’électricité nucléaire ? De plus en plus d’<a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">économistes</a> en doutent. Les résultats comparatifs dépendent d’hypothèses sur les performances des filières et des taux d’intérêt considérés pour les investissements.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1493109282497351681"}"></div></p>
<p>D’autre part, le coût des productions renouvelables comporte des frais d’assurance. La filière nucléaire est assurée presque entièrement par l’État. Or même si la probabilité d’accident est faible, le coût des dommages potentiels est très élevé – et très incertain : entre 120 et 420 milliards d’euros, voire plus, selon la gravité des accidents d’après l’<a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/cout-economique-accident/Pages/2-cout-economique-pour-2-scenarios.aspx">IRSN</a>.</p>
<p>Le coût lié au stockage de déchets radioactifs pendant des milliers d’années est également incertain et potentiellement élevé car la maintenance de l’installation entraîne des frais.</p>
<h2>Des aspects sociaux à ne pas sous-estimer</h2>
<p>La précarité énergétique touche 12 millions de Français selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, et 5,8 millions de ménages ont reçu un chèque énergie en 2021.</p>
<p>Les importations d’électricité sont actuellement massives, du fait du retard dans le déploiement des énergies renouvelables et de pannes ou de maintenance des centrales nucléaires. Ces importations sont coûteuses car elles ont lieu en période de pointe. L’État pourra-t-il indéfiniment subventionner l’énergie pour rendre ces dépenses acceptables ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1330608462355689480"}"></div></p>
<p>L’électrification promue, voire imposée dans le domaine du logement et du transport risque encore d’accentuer les pointes de demande, les surcoûts et les émissions de gaz à effet de serre correspondantes.</p>
<h2>Urgence climatique et urgence énergétique</h2>
<p>Le chantier de l’EPR de Flamanville dure depuis quinze ans au lieu de cinq initialement annoncés. La conception puis la construction de SMR (<em>small modular reactor</em>) prendraient du temps, tout comme la réalisation de réacteurs à fusion si cette technologie aboutit.</p>
<p>Face à l’urgence climatique, et à l’urgence de fournir une énergie à coût abordable, est-il raisonnable de s’opposer à un projet éolien ou solaire pour « préserver » un paysage ? Les paysages et le patrimoine bâti ne sont-ils pas menacés davantage par les tempêtes, inondations, sécheresses et incendies de forêt liés aux canicules que par des éoliennes ou des capteurs solaires ?</p>
<p>Et si l’esthétique est tellement importante, que dire alors des stockages de déchets radioactifs que nous laisserons à la postérité dans le sous-sol… en comparaison des inestimables peintures rupestres que nous ont léguées les hommes et femmes de la Préhistoire ? Retarder la nécessaire transition, ou se tromper sur les orientations de long terme nous imposera des efforts supplémentaires pour réduire notre consommation.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> constitue un élément essentiel de la politique énergétique, il ne faudrait pas la rendre insupportable par des choix inappropriés. Au lieu de chercher à justifier la procrastination, ne serait-il pas judicieux de regarder ce qui se passe au-delà de nos frontières où une formidable transition énergétique se met en place ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175536/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Peuportier est membre de l’association Négawatt. Son équipe de recherche a reçu des financements de la Commission européenne, de l’Ademe, de l’ANR et du groupe Vinci pour développer des connaissances sur l’écoconception des bâtiments et des quartiers. </span></em></p>
Alors que d’autres pays européens s’engagent vers des scénarios 100 % renouvelables, la France reste à la traîne. Comment expliquer cette « French touch » en matière d’énergie ?
Bruno Peuportier, Directeur de recherche en énergétique, Mines Paris - PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/175894
2022-02-14T18:12:49Z
2022-02-14T18:12:49Z
Énergies renouvelables : jusqu’où l’autonomie énergétique des territoires ?
<p>Les coopératives citoyennes <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-les-cooperatives-citoyennes-gagnent-du-terrain-88725">gagnent du terrain aujourd’hui en Europe</a> en matière de production d’énergie renouvelable et décentralisée.</p>
<p>Elles <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/cop26-solaire-eolien-les-citoyens-prennent-des-initiatives-96de374c-38d6-11ec-8684-5212e81a2886">sont plutôt vantées</a> face aux « mégaprojets » industriels comme les <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/nucleaire-risque-de-nouveaux-retards-sur-lepr-de-flamanville-alerte-lasn-1404527">EPR</a> ou les <a href="https://www.liberation.fr/environnement/parc-eolien-de-saint-brieuc-la-justice-refuse-de-suspendre-larrete-conteste-par-les-pecheurs-20211014_4TQNODJTLFGSFH2GXJ222VXYJU/">grandes fermes éoliennes offshore</a>.</p>
<h2>Revisibiliser l’énergie</h2>
<p>Ce phénomène se caractérise par un <a href="http://pus.unistra.fr/livre/?GCOI=28682100503460">double balancement</a>. Le premier tient aux ancrages locaux des adhérents, habitant près des sites de production (éoliens, solaires, etc.), afin de « revisibiliser » le circuit de l’énergie (en dépassant ainsi le sens commun de la <a href="http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/anthropologie-des-usages-de-l-energie-dans-l-a173.html">prise de courant dans le logement</a> !), en regard de mises en réseau nationales (telle <a href="https://www.enercoop.fr/">Enercoop</a> ou les <a href="https://www.centralesvillageoises.fr/">Centrales villageoises</a> pour la France) voire internationales, à l’instar de la fédération européenne <a href="https://www.rescoop.eu/">Rescoop.eu</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<p>Le second distingue deux catégories de coopératives : celles qui sont uniquement productrices d’énergie – qu’elles revendent ensuite au réseau, c’est-à-dire aux énergéticiens « traditionnels » (EDF en France, EnBW, E.ON, RWE et Vattenfall en Allemagne, etc.), à travers un tarif de rachat, garanti ou non selon les pays et avec une éventuelle durée d’engagement – et celles qui sont elles-mêmes fournisseurs d’électricité.</p>
<p>Il a été montré, notamment en Belgique, que la taille des structures, la concentration territoriale et les motivations des adhérents diffèrent selon le cas : la fourniture d’électricité se comprend à des échelles élargies et correspond davantage à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421519301570">motifs financiers qu’environnementaux</a>.</p>
<h2>Autonomie énergétique et renouvelables</h2>
<p>Que signifie alors l’autonomie énergétique des territoires fréquemment associée à l’idée de développer les sources renouvelables ?</p>
<p>Au temps de la consomm’action et autres néologismes « verdis », les <a href="https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-131.htm">logiques de <em>prosumers</em></a> (contraction de producteur <em>et</em> consommateur) se font entendre. Du point de vue des régulations, elles posent la double question de l’auto-consommation et de la revente de l’énergie produite (totale ou en surplus après auto-consommation), au réseau de distribution existant, d’autant que les cycles de consommation et les contraintes d’intermittence voire de saisonnalité des énergies renouvelables ne peuvent complètement coïncider.</p>
<p>Les dispositifs nationaux sont relativement complexes et évolutifs. Par exemple, en Allemagne, s’il est possible de fournir à d’autres consommateurs de l’énergie produite par ses propres installations, un <a href="https://www.klimareporter.de/strom/kluge-politik-setzt-sich-an-die-spitze-der-erneuerbaren-bewegung">cadre précis est à respecter</a> : le producteur devient fournisseur d’énergie, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, au point que la revente n’est pas forcément intéressante économiquement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940189240071213056"}"></div></p>
<p>En Suisse, les communautés d’autoconsommateurs prennent la forme de contrats entre le propriétaire de l’installation et plusieurs consommateurs, à condition d’habiter en proximité ; les pratiques et périmètres concrets demeurent <a href="https://www.vese.ch/fr/gesetzliche-grundlagen/">matières à controverses</a>.</p>
<p>En France, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité imposent des tarifs réseau aux « prosumers collectifs ».</p>
<h2>Pourquoi continuer à payer pour le réseau ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.res-tmo.com/fr/translate-to-french-about-us/translate-to-french-project-outputs">projet trinational RES-TMO</a> – dont nous avons porté le volet sociologique en Alsace, Bade-Wurtemberg et Suisse du nord – a précisément montré une controverse par rapport à la façon de répercuter les coûts de réseau.</p>
<p>Que ce soit la coopérative allemande fesa Energie Geno près de Freiburg ou Énergies partagées en Alsace, le discours est le même : si, en auto-consommant, l’on n’utilise pas ou moins le réseau de distribution, pourquoi payer pour cela ?</p>
<p>D’autres témoignages sont parlants :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi, c’est comme lorsque vous faites pousser de la laitue dans votre jardin, que vous la récoltez et que vous devez en donner la moitié à quelqu’un d’autre » (entretien, Bernhard Mertel, dirigeant de l’entreprise allemande EnergieSüdwest Projektentwicklung).</p>
</blockquote>
<p>Et :</p>
<blockquote>
<p>« Si on consomme moins, après une rénovation énergétique d’un bâtiment, on ne vous demande pas de payer pour ce qu’on consomme moins » (atelier, Rémi Bastien, cofondateur de la start-up française Enogrid).</p>
</blockquote>
<p>Les principes de décentralisation et de territorialisation de l’énergie qui légitiment les coopératives citoyennes interrogent ainsi sur le rapport individuel/collectif.</p>
<h2>L’intérêt général questionné par la transition</h2>
<p>Le rôle de l’État et des collectivités est requestionné, la puissance publique étant historiquement associée à la garantie de l’« intérêt général » face aux acteurs privés mus par le profit.</p>
<p>Les coopératives viennent revisiter ce paysage en termes de <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807328242-gouvernance-et-developpement-durable">gouvernance de la transition écologique</a> dans la <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/fabrique-contemporaine-territoires/">gestion des territoires</a>. L’appréhension et la portée donnée à la transition énergétique varient en fonction des échelles, selon que l’on évoque le niveau d’un ménage, d’un collectif regroupé au sein d’une coopérative, ou d’une entité territoriale (locale, régionale, nationale) plus largement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-transition-ecologique-154104">Pourquoi parle-t-on de « transition » écologique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Parler d’autonomie croissante peut avoir deux sens : celui d’une alternative vis-à-vis des énergéticiens actuels et/ou des sources d’énergie carbonée ou nucléaire, ou celui d’une sortie de tout réseau.</p>
<p>La seconde hypothèse représenterait certes une alternative à la dualité de l’État et du marché, mais où le troisième terme ne serait pas tant le <a href="http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/essor-biens-communs/Philippe-Hamman.html">collectif du <em>faire commun</em></a> qu’une approche individuelle qui peut déborder le slogan de la mise en durabilité « penser global, agir local ».</p>
<p>Le point est d’autant plus important à mesure qu’il est question du stockage des énergies renouvelables avec des batteries et de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421517307619">technologie <em>vehicle-to-grid</em></a> consistant à mobiliser la batterie d’un véhicule électrique pour pallier les effets d’intermittence, ainsi que le met d’ores et déjà en avant un constructeur comme <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/quel-est-le-principe-du-v2g-ou-vehicle-to-grid/">Renault</a>.</p>
<h2>Quatre points clés</h2>
<p>C’est pourquoi <a href="https://www.routledge.com/Cross-Border-Renewable-Energy-Transitions-Lessons-from-Europes-Upper-Rhine/Hamman/p/book/9781032059389">l’analyse sociologique</a> des coopératives énergétiques citoyennes dans le Rhin supérieur a mis en avant quatre principaux enjeux de l’autonomie énergétique des territoires.</p>
<p>D’abord, s’entendre sur la signification de la transition énergétique : est-ce faire mieux, au sens de plus d’efficience technologique, de remplacer des sources fossiles par des renouvelables, etc. ; ou moins, au sens d’une réduction de la production et de la consommation, avec un mot d’ordre de sobriété ?</p>
<p>Ensuite, d’associer à cette transition l’ensemble des parties prenantes territorialement (collectivités et structures en régie, collectifs et associations, habitants…) et pas seulement les acteurs historiques du secteur (producteurs, fournisseurs, gestionnaires de réseau), mais sans non plus prétendre à une autarcie vis-à-vis de ces derniers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485526534467301378"}"></div></p>
<p>Penser également ensemble la relocalisation de l’énergie et les réseaux, c’est-à-dire aussi une solidarité entre territoires compte tenu de situations matérielles distinctes dans les potentiels de production d’énergie renouvelable (ensoleillement, vent, cours d’eau…) et des incidences concrètes comme le prix de l’énergie.</p>
<p>Enfin, ne pas oublier que la capacité d’action renvoie aux positions sociales : si l’on souhaite installer des panneaux photovoltaïques sur son logement, il faut être propriétaire et non locataire ; et, sous une affirmation plus collective, l’engagement au sein d’une coopérative citoyenne est synonyme d’achat d’actions, ce qui suppose d’en avoir les moyens, et se révèle, du moins pour les principaux animateurs, lié à des capitaux sociaux identifiables (éducatifs, professionnels, culturels, etc.).</p>
<h2>Autonomie énergétique, démocratisation énergétique</h2>
<p>Au final, une question sociétale se pose, tant sur un plan politique qu’éthique : à quoi participe-t-on, avec qui et avec quelle visée dans des projets de reterritorialisation de l’énergie ?</p>
<p>D’une initiative à l’autre, le curseur peut être placé diversement entre mise en responsabilité individuelle – y compris la métaphore du colibri (<a href="https://www.colibris-lemouvement.org/">faire chacun sa part</a>) chère à Pierre Rabhi et régulièrement reprise par des coopérateurs interviewés – et mise en commun des ressources et/ou des infrastructures.</p>
<p>Ce qui fait alternative est l’objet de <a href="https://www.mdpi.com/2673-4931/11/1/12/htm">transactions permanentes</a> (économiques, techniques, écologiques…) bel et bien ancrées dans l’épaisseur du social : pas plus que les valeurs coopératives et environnementales <a href="https://theconversation.com/difficile-de-concilier-valeurs-cooperatives-et-environnementales-92747">ne se superposent forcément</a>, le registre de l’autonomie n’est pas mécaniquement synonyme de <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100294160">démocratisation de l’énergie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Hamman est titulaire de la Chaire Jean Monnet «Governance of Integrated Urban Sustainability in Europe (GoInUSE) : Scales, Actors and Citizenship» (2020-2023), financée par la Commission européenne (Réf. : 619635-EPP-1-2020-1-FR-EPPJMO-CHAIR) et dont un axe porte sur la transition énergétique : <a href="https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/">https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/</a>
Il a également a reçu des financements de l'Union européenne dans le cadre du projet RES-TMO (Réf. : 4726/6.3.), cofinancé par le programme communautaire Interreg V Rhin supérieur et le Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période du 01/02/2019 au 31/07/2022. </span></em></p>
Si les projets coopératifs se multiplient pour produire de l’électricité grâce aux renouvelables, autonomie énergétique ne rime pas toujours avec démocratisation.
Philippe Hamman, Professeur de sociologie, Université de Strasbourg
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/175395
2022-01-24T21:13:53Z
2022-01-24T21:13:53Z
Quelles politiques publiques pour soutenir les énergies renouvelables ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442001/original/file-20220121-17-ijwpec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1129%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les budgets visant à favoriser l’adoption de nouveaux systèmes peuvent être utilisés de plusieurs manières.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1028805">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26, s’est conclue mi-novembre avec l’engagement à financer l’action climatique à hauteur de plusieurs milliards de dollars, à promouvoir la durabilité environnementale et à abandonner progressivement l’utilisation du charbon. Le Conseil de la transition énergétique de la COP26 <a href="https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=The+COP26+Energy+Transition+Council+stated+the+aim+of+doubling+the+rate+of+investment+in+clean+power+by+2030.">a acté</a> l’objectif de doubler les investissements dans les énergies vertes d’ici 2030.</p>
<p>L’urgence de ces questions a été soulignée par John Kerry, émissaire américain pour le climat, qui a <a href="https://www.bbc.com/news/uk-scotland-58914524">qualifié</a> la COP26 du « meilleur et dernier espoir » d’éviter les pires conséquences du changement climatique.</p>
<p>Toutefois, les effets des politiques publiques sur la création et la diffusion des innovations sont, de longue date, sujets à débat. Comment faut-il précisément dépenser l’argent public ?</p>
<p>Dans nos <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10098-021-02048-5">recherches</a>, nous nous sommes attachés à étudier cette question, en analysant plus particulièrement les moyens de stimuler au mieux l’innovation et la diffusion des énergies renouvelables, au regard des données de 15 pays européens.</p>
<h2>Trois possibilités</h2>
<p>Supposons qu’un pays, l’Allemagne par exemple, dispose de 200 millions d’euros à investir pour promouvoir l’adoption de systèmes utilisant des énergies renouvelables, comme les panneaux photovoltaïques. Ce budget pourrait être affecté de différentes manières.</p>
<p>Première option : le gouvernement pourrait octroyer des incitations fiscales aux entreprises qui investissent dans l’innovation, c’est-à-dire dans la recherche et le développement de solutions plus efficaces destinées à être commercialisées et, potentiellement, adoptées. Mais une telle option de « coup de pouce technologique » (« technology-push ») pourrait ne porter ses fruits qu’au bout de quelques années, une fois la nouvelle technologie développée et commercialisée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442005/original/file-20220121-15-1vhagmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En novembre dernier, la COP26 a acté l’objectif de doubler les investissements dans les énergies vertes d’ici 2030.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/186938113@N07/51644536654">Cop26/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’Allemagne pourrait également utiliser cette enveloppe pour verser des aides aux foyers prêts à installer des systèmes photovoltaïques déjà disponibles sur le marché et garantir un tarif avantageux sur la réinjection dans le réseau du surplus d’électricité produit – ce que l’on appelle les tarifs garantis de rachat (une stratégie que l’Allemagne a d’ailleurs mise en œuvre). Ce mécanisme de « traction par la demande » (« demand-pull ») favorise logiquement les technologies en place, déjà présentes sur le marché, et n’encourage pas nécessairement l’innovation radicale, qui ne serait disponible qu’au bout de quelques années.</p>
<p>Ou, troisième possibilité, le gouvernement pourrait décider de stimuler l’économie globale, par exemple en baissant les taxes, en partant de l’hypothèse que plus un pays est riche, plus il est disposé à adopter des solutions utilisant des énergies renouvelables, en particulier si elles sont plus chères que les technologies utilisant des combustibles fossiles. (Si l’on veut faire un parallèle au niveau individuel, on peut dire qu’il est peu probable que les consommateurs investissent dans un véhicule électrique cher s’ils ne disposent pas d’un certain niveau de revenus).</p>
<h2>Conjuguer diverses mesures</h2>
<p>Pour comprendre quelle option serait la plus efficace, nous avons analysé des données sur les énergies renouvelables de 15 pays européens sur une période de 13 années. Nous avons étudié dans quelle mesure l’investissement en R&D, les politiques publiques et le produit intérieur brut par habitant se répercutaient sur la diffusion des énergies renouvelables (la part des énergies renouvelables dans l’énergie électrique totale) et l’innovation (mesurée par le nombre de brevets déposés dans ce domaine).</p>
<p>Nos conclusions ont largement confirmé nos hypothèses : la mise en place d’incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans la R&D stimule l’innovation radicale, tandis que des interventions plus en aval, comme les tarifs garantis de rachat, encouragent l’utilisation des technologies disponibles.</p>
<p>En effet, le programme de tarifs de rachat actuellement appliqué par l’Allemagne, l’un des premiers en Europe, a entraîné des changements structurels permanents dans l’industrie de l’énergie. L’impulsion initiale a aidé le secteur des énergies renouvelables à gagner en rentabilité, à un point tel que, lorsque l’Allemagne a récemment baissé ses tarifs de rachat, le marché des énergies renouvelables n’a globalement pas été touché.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442004/original/file-20220121-19-llrw6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La mise en place d’incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans la R&D stimule l’innovation radicale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/paspog/5789292528">Pascal Poggi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il est à noter que nous avons constaté qu’un PIB par habitant élevé ne se répercute pas de manière significative sur l’innovation, mais a bien un effet positif sur l’adoption des systèmes disponibles sur le marché.</p>
<p>Nous recommandons donc aux pays d’appliquer une approche multi-facettes à leur politique et leurs investissements en faveur des énergies renouvelables : créer des marchés de niche avec des politiques basées sur la demande, tout en soutenant la R&D afin de financer la croissance du marché à la fois à court et à long terme. Les décideurs politiques ne doivent par ailleurs pas négliger l’importance du niveau de richesse et de la croissance du PIB.</p>
<p>Il convient cependant d’interpréter nos travaux de recherche avec une certaine prudence dans la mesure où la corrélation entre les politiques mises en œuvre et la diffusion des énergies renouvelables peut être surestimée, comme nous l’avons indiqué dans un précédent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02018566">article</a> consacré aux limites des données de panel.</p>
<p>Nous tenons également à souligner que notre étude a porté sur 15 pays européens uniquement. Néanmoins, compte tenu des différences importantes entre ces pays, nos résultats peuvent probablement être appliqués à d’autres contextes avec un degré de précision raisonnable.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution est co-publiée (en anglais) sur le site <a href="https://www.hec.edu/en/faculty-research/knowledge">Knowledge@HEC</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
De nouveaux travaux de recherche éclairent sur la meilleure façon de mobiliser l’investissement public privilégier pour servir au mieux les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.
Andrea Masini, Professeur associé, HEC Paris Business School
Sam Aflaki, Professeur associé, HEC Paris Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174715
2022-01-19T11:21:28Z
2022-01-19T11:21:28Z
Comment recycle-t-on les panneaux solaires ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440479/original/file-20220112-23-428xpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2400%2C1595&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Champ de panneaux solaires aux Etats-Unis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/XGAZzyLzn18">American Public Power Association/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’installation par les particuliers et les professionnels d’un nombre grandissant de panneaux photovoltaïques sur le territoire répond à une exigence clef de la transition énergétique : développer de façon significative la production décentralisée d’électricité d’origine renouvelable. Mais cela s’accompagne également d’une quantité phénoménale de panneaux en fin de cycle de vie : près de 6 000 tonnes de panneaux vont devoir être recyclés en France en 2022, et 150 000 tonnes d’ici 2030 selon l’éco-organisme Soren.</p>
<p>Le scénario <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022">négaWatt22</a> de l’association à but non lucratif negawatt prévoit un essor important de la filière solaire photovoltaïque, que ce soit à travers de grandes centrales électriques au sol, d’installations plus petites sur des parkings ou des bâtiments, ou encore sur les maisons individuelles : jusqu’à 135 gigawatt de panneaux photovoltaïques seraient ainsi installés en 2050, selon ce scénario, pour une production proche de 150 terawatt-heure, correspondant à la consommation domestique des Français en 2022. Sur la période 2020-2050, plus de 6,8 millions de tonnes de panneaux photovoltaïques supplémentaires seront nécessaires à la réalisation de cette ambition au plan mondial.</p>
<p>Cependant, l’usure (notamment liée aux intempéries) génère une perte progressive de la capacité des panneaux à produire de l’électricité. Il est estimé que les panneaux perdent en moyenne <a href="https://www.revolution-energetique.com/la-duree-de-vie-et-la-garantie-sur-les-panneaux-solaires-sont-sur-le-point-detre-allongees/source">20 % d’efficacité au bout de 25 ans</a>. La fin de vie est généralement laissée à l’appréciation du producteur d’électricité : en fonction de ses contraintes d’espace, de production et de rendement, celui-ci peut éventuellement juger nécessaire de remplacer les panneaux avant leur fin de vie, par des équipements plus performants. Si la durée de vie d’un panneau solaire est aujourd’hui de l’ordre de 25 à 30 ans en moyenne, sa durée moyenne d’utilisation évolue entre 15 et 20 ans seulement.</p>
<p>En ce qui concerne la France seule, les besoins en recyclage sont estimés à 150 000 tonnes d’ici 2030 par <a href="https://www.soren.eco">Soren</a>, l’éco-organisme chargé du recyclage des panneaux solaires en France. Structurer la filière de recyclage des panneaux photovoltaïques constitue donc un enjeu industriel et environnemental crucial. Heureusement, contrairement à une idée reçue, on peut recycler un panneau à près de 99 %. On ne pousse cependant pas toujours le recyclage au maximum, parce que cela reviendrait trop cher. De ce fait, le “point mort” économique se situe aujourd’hui aux environs de 95 % de matériaux recyclés.</p>
<h2>L’enjeu de la structuration de la filière</h2>
<p>L’Europe fixe depuis 2012 un objectif minimal de collecte de 65 % du poids moyen de tous les équipements électriques et électroniques mis sur le marché au cours des trois années précédentes dans l’État membre concerné. En France, les fabricants de panneaux photovoltaïques ont une obligation de collecte et de traitement imposée par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029387124">décret du 19 août 2014</a>.</p>
<p>Le CERES, puis PVCycle-France devenu Soren, sont les éco-organismes à but non lucratif agréés par les pouvoirs publics dans le but d’organiser à la fois la collecte et le traitement des panneaux photovoltaïques défectueux ou en fin de vie. Ces éco-organismes collectent sans frais pour les détenteurs — particuliers et professionnels — tous les panneaux photovoltaïques usagés, quelles que soient leur technologie, leur marque ou encore l’année de leur mise sur le marché.</p>
<p>La filière de recyclage repose sur un réseau de 177 points d’apport volontaire, collectant à ce jour un peu plus de 300 tonnes par an. Ces équipements étaient jusque récemment recyclés en Belgique. Depuis 2018, ils sont pris en charge par l’usine Veolia de Rousset (Bouches-du-Rhône), qui retraite à ce stade un peu plus de 95 % des matériaux qui composent les panneaux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kUxNjs4FqLc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’usine de Rousset est la seule en France à recycler les panneaux photovoltaïques.</span></figcaption>
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<h2>Que peut-on valoriser dans un panneau ?</h2>
<p>La <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XGQkDonOYDc">valorisation des composants</a> d’un panneau en fin de vie ne constitue qu’une faible part de la valeur du panneau d’origine, d’où le principe de l’écoparticipation, acquittée par le consommateur lors de l’achat du panneau.</p>
<p>À leur arrivée à l’usine de retraitement, les panneaux photovoltaïques sont débarrassés manuellement de leur cadre en aluminium, entièrement recyclable. Les modules photovoltaïques sont ensuite découpés en lamelles dans des broyeurs successifs. Ce premier tri est ensuite complété d’un traitement thermique, dans le but d’éliminer les plastiques encapsulant le panneau. Le tout est complété par un traitement chimique à la base de solvants.</p>
<p>Le premier matériau recyclé est le verre, matière recyclable à l’infini. Que la technologie repose sur du silicium cristallin (environ 95 % du marché) ou bien sur des « couches minces », la part du verre représente généralement environ 75 % d’un panneau solaire. Le verre est ensuite mélangé avec d’autres verres recyclés, à hauteur de 20 % environ, notamment à destination de l’industrie de la fibre de verre ou des isolants. Quant au silicium cristallin, il peut être utilisé dans de nouvelles cellules photovoltaïques ou bien servir d’agrégat dans des fours de fonte utilisés dans l’industrie métallurgique.</p>
<p>Ensuite, les métaux ferreux sont triés avec des aimants, et les non-ferreux sont extraits à l’aide d’un courant de Foucault. L’argent et le cuivre des électrodes partent ensuite dans les circuits de recyclage des ressources minérales.</p>
<p>Les polymères (comme l’éthylène-acétate de vinyle et le Tedlar) servent de combustible.</p>
<p>Le plastique, lui, est généralement brûlé. C’est aujourd’hui le principal élément non recyclé, aux côtés de l’antimoine et du tellurium, présents en trop petites quantités.</p>
<p>Si le verre et son cadre en aluminium sont majoritaires en termes de poids (jusqu’à 96 % du poids d’un module photovoltaïque), ils sont en revanche minoritaires en termes de valeur commerciale. L’argent, le cuivre, le silicium et l’indium sont en revanche des matériaux de valeur qui, lorsqu’ils sont bien valorisés, peuvent rapporter des sommes considérables. Dans le cas de <a href="https://www.researchgate.net/publication/298739582_Recycling_WEEE_Extraction_and_concentration_of_silver_from_waste_crystalline_silicon_photovoltaic_modules">l’argent</a>, par exemple, on peut extraire jusqu’à 600 grammes de ce métal par tonne de panneaux solaires usagés, ce qui peut représenter jusqu’à 500 euros.</p>
<h2>Garantir une récupération optimale des modules photovoltaïques</h2>
<p>Aujourd’hui, l’unité de traitement des panneaux photovoltaïques de type silicium cristallin de Véolia à Rousset atteint un taux de recyclage proche de 95 %. Dans le secteur du recyclage des panneaux photovoltaïques, un tel chiffre constitue une excellente performance, notamment lorsqu’on le compare aux “produits blancs” tels les réfrigérateurs, congélateurs, sèche-linge, ou machines à laver, qui atteignent difficilement un taux de recyclage de leurs composants de 70 % dans le meilleur des cas. Cependant, problèmes et défis persistent.</p>
<p>L’un des problèmes auxquels se trouve aujourd’hui confrontée l’industrie est que les panneaux comportent de moins en moins de matériaux de haute valeur. L’argent, notamment, a tendance à disparaître, remplacé par le cuivre qui coûte 60 fois moins cher. De même, la réduction de la quantité de matériaux nécessaire à la fabrication d’un panneau constituant un élément clef de la compétitivité des fabricants, on peut s’attendre à ce que le verre, matériau peu coûteux, devienne de plus en plus prépondérant, aux dépens du silicium et des autres matériaux, de valeur supérieure.</p>
<p>Ceci signifie que le recyclage va coûter de plus en plus cher aux usines, et donc à l’utilisateur, à travers l’écotaxe. Cette <a href="https://www.soren.eco/bareme-eco-participations-contributions/">écotaxe</a> varie actuellement de 2 à 90 centimes d’euros par tranche de poids (de 1 à 50kg), en fonction du poids des panneaux.</p>
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<img alt="Une des baies de panneaux solaires de l’ISS, avec la terre à l’arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440482/original/file-20220112-23-nvtrkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les panneaux solaires qui approvisionnent la Station Spatiale Internationale aussi finiront par devoir être remplacés (et recyclés ?).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasamarshall/31275256410/in/photolist-PDFS7N-MMZDtA-VQsBNa-29AU3FC-2m8foGe-FhAGjq-USsm8j-a3WsJe-nuPh7A-PhJddZ-2kZF5z8-c3za67-XQ1j2h-agws2k-2kD3DPP-jRhNvi-2hhpLyn-251ahVH-2edRzjc-ajWinE-HZtFBM-ckugNE-2eo63Ux-FsvRfC-TCNraG-S1wxNg-2eo3Nbi-4wq3od-9LC8vD-2fM2yGg-fmUSJS-bhuWaX-oFmRB1-ajRveE-fm58r1-egknt5-fUELje-fQ76Q8-ffpKrT-5KBp9w-2eziagj-dpK7kR-5xWASe-ffoUNi-fg5kNr-2fM2y54-25as8ER-2fGr3zW-2eo3NWr-bdMkbM">NASA’s Marshall Space Flight Center/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’autre problème est <a href="https://www.sia-partners.com/fr/actualites-et-publications/de-nos-experts/fin-de-vie-des-panneaux-photovoltaiques-leurope-en">l’impact environnemental</a> des solvants utilisés lors du démantèlement des panneaux, ainsi que du brûlage des plastiques. Sa réduction demeure un enjeu majeur pour les acteurs du secteur. En effet, bien que l’incinération soit encadrée par la réglementation, elle émet toutefois des polluants dans l’air, certes normés, mais pas à « zéro ».</p>
<p>Les acteurs du recyclage sont également confrontés à la question des effluents. Si la transformation du film plastique en EVA que l’on retrouve à l’intérieur du panneau en granulés est d’ores et déjà réalisable techniquement, il demeure en revanche plus économique de le brûler.</p>
<p>À l’avenir, seul le CO<sub>2</sub> supercritique permettra de séparer efficacement les différentes couches des modules. Si son impact environnemental est nul, sa viabilité économique reste cependant à démontrer.</p>
<p>Malgré les incertitudes, et compte tenu des hypothèses de développement de la filière, de nouvelles technologies ainsi que des unités locales de traitement sont à l’étude et devront être mises en œuvre assez rapidement afin de répondre aux ambitions de la filière.</p>
<h2>Des incertitudes économiques et techniques pèsent sur le secteur</h2>
<p>À l’horizon 2030, le recyclage des panneaux solaires au niveau mondial devrait, <a href="https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2014/IRENA_REmap_2030_summary_FR_2014.pdf">selon l’IRENA</a>, permettre de fabriquer, sur la base de matériaux presque entièrement recyclés, près de 60 millions de nouveaux panneaux solaires. À cet effet seraient réutilisées plus de 900 000 tonnes de verre, 75 000 tonnes d’aluminium, 100 000 tonnes de polymères, 29 500 tonnes de silicium, 7 200 tonnes de cuivre, 310 tonnes de semi-conducteurs, 90 tonnes d’argent et environ 390 tonnes d’autres métaux, tels le nickel, le plomb, le zinc, le cadmium, le gallium, l’indium ou encore le sélénium. La valeur de l’ensemble des matériaux recyclés serait, à cet horizon, de l’ordre du demi-milliard d’euros.</p>
<p>Il existe cependant de nombreuses incertitudes sur ces chiffres, notamment du fait du prolongement des durées de vie des panneaux. Il s’avère en effet que, loin de perdre 20 % de leur capacité au bout de 25 ans, la plupart des panneaux ne perdraient que <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/energie-renouvelable-duree-vie-panneau-solaire-1051/">8 à 9 % de leurs capacités</a> à cet horizon, grâce aux avancées technologiques de ces dernières années.</p>
<p>Si toutefois les puissances installées venaient à atteindre 4500 gigawatt à l’horizon 2050, comme annoncé dans le scénario « haut » de l’IRENA, alors la valeur de marché des matériaux recyclés pourrait atteindre plus de 15 milliards de dollars par an au niveau mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Besanger est co-fondateur et ex-président du CERES, devenu PVCycleFrance et Soren.</span></em></p>
L’essor de la filière électrique photovoltaïque a un contrecoup : des tonnes des panneaux solaires. En France, une usine gère leur recyclage, efficace à 95 % en moyenne.
Serge Besanger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, ESCE International Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/173277
2021-12-09T18:17:02Z
2021-12-09T18:17:02Z
Label « Vertvolt » : vers une prise en compte de l’additionnalité dans les offres d’électricité verte
<p>Les offres d’électricité « vertes » connaissent un large écho auprès des consommateurs. <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/1038/avis-de-lademe_offres_vertes_decembre2018.pdf">D’après l’Ademe</a>, le nombre d’entre eux souscrivant une offre d’électricité verte est en forte augmentation chaque année. <a href="https://www.greenpeace.fr/ecolo-watt-comparatif-ecolo-fournisseurs-delectricite/">Greenpeace souligne</a> de son côté que 67 % des Français et Françaises sont prêts à changer de fournisseur pour accéder à une énergie moins polluante.</p>
<p>Pourtant, la crédibilité des offres vertes fait encore l’objet de diverses controverses. Un <a href="https://presse.ademe.fr/2021/10/lademe-lance-son-label-vertvolt-distinguant-les-offres-delectricite-les-plus-vertes.html">nouveau label appelé Vertvolt</a>, proposé en octobre dernier par l’Ademe, fait le tri entre les offres existantes en différenciant plusieurs niveaux d’exigence pour les citoyens qui souhaitent traduire leur engagement écologique dans leur acte de consommation.</p>
<p>Pour comprendre cette labellisation, revenons à l’histoire particulièrement mouvementée des <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-02474588">offres d’électricité vertes</a>.</p>
<h2>Les garanties d’origine</h2>
<p>Tout débute en 2001 par la mise en place, au niveau européen, d’un mécanisme de traçabilité de l’électricité renouvelable, les garanties d’origine. La garantie d’origine est dissociée de la vente de l’électricité produite : elle donne l’assurance au consommateur que pour une certaine quantité qu’il a achetée par une offre verte, une quantité égale d’électricité est produite par des installations d’EnR en Europe. Cette dissociation entre l’électricité produite et la garantie d’origine a été introduite pour encourager la production des EnR sans déterminer leur localisation.</p>
<p>Les fournisseurs historiques d’électricité se sont donc saisis de ce mécanisme européen pour construire des offres dites « vertes » à leurs clients, en utilisant des garanties d’origine de l’Europe entière, ce qui était d’autant plus facile que la production d’électricité renouvelable dépassait largement la demande des consommateurs pour les offres vertes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1446048360998359041"}"></div></p>
<p>Très rapidement, celles-ci ont été la cible de polémiques de la part des fournisseurs alternatifs, comme le coopératif Enercoop, qui ont souligné que les offres vertes des fournisseurs historiques reposaient sur une combinaison d’une offre d’électricité issue du nucléaire en France, et de l’achat de garantie d’origine provenant d’autres pays d’Europe.</p>
<p>Enercoop s’est alors différencié en mettant en avant son approvisionnement auprès de producteurs locaux.</p>
<h2>Production locale et achat conjoint</h2>
<p>Reprenant l’argumentaire de Enercoop, l’Ademe a proposé en 2018 de distinguer les formules de la façon suivante : les offres standards, qui reposent sur des garanties d’origine, et les offres « premium », qui impliquent « l’achat conjoint de l’électricité et des garanties d’origine <a href="https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/1035-offres-d-electricite-verte.html">auprès des mêmes producteurs</a> (en majorité de petites installations d’hydroélectricité françaises ou d’éolien) ».</p>
<p>Cette attente des consommateurs d’électricité verte pour un achat « conjoint » s’est accompagnée d’une préoccupation de ne pas rémunérer des producteurs non renouvelables. Elle est également perceptible dans les efforts de Greenpeace d’orienter la consommation engagée vers des fournisseurs qui ne proposent que des offres vertes et seraient plus vertueux que les fournisseurs proposant aussi une <a href="https://www.greenpeace.fr/ecolo-watt-comparatif-ecolo-fournisseurs-delectricite/">électricité non renouvelable</a>.</p>
<p>Distinguer clairement les fournisseurs, plutôt que les offres d’électricité, permettrait aux consommateurs engagés d’exprimer un rejet des fournisseurs traditionnels qui continuent d’investir dans des outils de production non renouvelables.</p>
<p>C’est pourquoi, dans sa conception du label VertVolt, l’Ademe reprend ce critère de production locale et d’achat conjoint pour caractériser un premier niveau d’engagement des consommateurs. Il permet donc de garantir que le revenu issu de la vente d’électricité ira bien vers un producteur d’électricité renouvelable identifié.</p>
<h2>Offres vertes et développement des EnR</h2>
<p>En parallèle des efforts pour mieux tracer l’origine de l’électricité, est apparu un second débat concernant l’effet des offres vertes sur le développement des EnR. Selon le Bureau européen des unions de consommateurs, le véritable problème des offres vertes est <a href="https://www.beuc.eu/publications/beuc-x-2017-021_joint_statement_on_green_electricity.pdf">l’absence d’effet additionnel</a> de l’achat par les consommateurs. Les offres vertes viennent en effet puiser dans des installations existantes et n’entraînent pas par elles-mêmes de nouveaux investissements. Ces installations ont été financées essentiellement dans un cadre d’investissement public ou ont été largement subventionnées par la puissance publique.</p>
<p>Quand vous achetez une tomate bio plutôt qu’une tomate non bio, vous encouragez indirectement la production de la première au détriment de la seconde. Ce n’est pas le cas des offres vertes qui ne répondent pas au critère d’additionnalité : ce n’est pas votre achat qui a déclenché la production d’électricité verte et finance le surcoût, mais une subvention préalable. Une fois l’investissement réalisé, les coûts de fonctionnement étant assez réduits, les producteurs d’électricité renouvelable peuvent continuer à vendre leur électricité sans passer par une offre verte.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1377129117712146435"}"></div></p>
<p>En France, <a href="https://ufe-electricite.fr/label-pour-les-offres-delectricite-verte-definir-des-objectifs-et-des-criteres-clairs-au-service-des-consommateurs-et-du-developpement-des-energies-renouvelables/">l’Union des fournisseurs d’électricité</a> et la Commission de régulation de l’énergie considèrent que le problème des offres vertes est mal posé par l’Ademe et que les critères de production locale et l’achat conjoint, qui définissent les « offres engagées », n’apportent aucune garantie en matière d’effet additionnel.</p>
<h2>Critère d’additionnalité</h2>
<p>La CRE est aussi préoccupée par le fait que l’État français a décidé d’accorder aux producteurs, qui sont aujourd’hui subventionnés par le biais d’un complément de rémunération (qui s’ajoute à la revente de l’électricité aux fournisseurs), la possibilité de racheter à l’État, grâce à des enchères, les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000034080223/">garanties d’origine associées à leur installation</a> pendant la période où elles sont subventionnées.</p>
<p>Ainsi, une production d’électricité renouvelable déjà rentabilisée par la subvention publique peut être commercialisée ensuite sous forme d’électricité verte. Autrement dit, les investissements actuels engagés par la puissance publique continuent à augmenter le stock d’électricité renouvelable dans lequel les fournisseurs d’offre verte viennent puiser. Cela s’applique également aux fournisseurs qui réalisent un achat conjoint d’électricité, qui peuvent maintenant vendre l’électricité d’un plus large ensemble de producteurs subventionnés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JI2B31v9Ryw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vertvolt, le label de l’électricité verte (Ademe, 22 octobre 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Sous la pression de ces parties prenantes, un critère d’additionnalité fait donc son apparition dans le label Vertvolt, et est pris en compte dans le second niveau du label qui permet de distinguer des offres pour « des consommateurs très engagés ».</p>
<p>Le critère stipule ainsi que 25 % de la production d’électricité renouvelable comptabilisée doit correspondre soit à une « additionnalité financière » c’est-à-dire, une nouvelle installation non subventionnée, soit à une « additionnalité sociétale », qui suppose la réalisation des achats auprès d’« installations sous gouvernance partagée » (coopérative énergétique, projet porté par des municipalités…).</p>
<p>Néanmoins, seule « l’additionnalité financière » correspond à l’exigence d’additionnalité telle qu’elle avait été formulée par la CRE ou par le BEUC. Les projets à gouvernance partagée restent en effet financés par une subvention publique (sous forme de complément de rémunération) et l’achat d’électricité labellisée n’a pas d’effet déclencheur dans le développement de l’électricité renouvelable. Il favorise les projets à gouvernance partagée plutôt que les autres.</p>
<h2>Une ambiguïté qui persiste</h2>
<p>Les critères de labellisation à destination de la consommation engagée sont toujours le <a href="https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/la-consommation-engagee-que-peut-le-consommateur/">résultat de négociations complexes</a> entre les différents fournisseurs présents sur un marché, les représentants des consommateurs ou d’associations militantes, et les représentants de l’État. Mais l’électricité verte est probablement le seul exemple d’offre labellisée dans lequel l’identification du mode de production (l’origine de l’électricité) n’apporte aucune garantie que la décision d’achat ait un effet sur le développement de celui-ci.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<p>Cette difficulté tient à la caractéristique économique des investissements dans la production renouvelable d’électricité : leur rentabilité à long terme et les incertitudes des prix et des tarifs des modes de production non renouvelables. Ni les petits producteurs, ni les fournisseurs alternatifs, ni les consommateurs engagés, n’ont la capacité d’assumer les risques financiers et les surcoûts de ce type d’investissement. Le soutien public reste donc indispensable au développement de l’électricité renouvelable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Reverdy n’a pas reçu de financement de recherche en relation avec cette enquête. Par ailleurs, il a reçu des financements de l’État, de l’Ademe et de producteurs d’énergie pour diverses recherches sur la définition des politiques énergétiques et de la politique d’économie circulaire. </span></em></p>
Les offres vertes d’électricité ne garantissent pas une contribution à la création de nouvelles installations renouvelables. Un nouveau label de l’Ademe relance le débat.
Thomas Reverdy, Professeur des Universités en sociologie, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/158545
2021-04-13T19:42:47Z
2021-04-13T19:42:47Z
Ces insectes qui changent de couleur sous la pluie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/393838/original/file-20210407-17-51d6vg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C1592%2C1081&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue au microscope optique numérique des écailles du longicorne _Tmesisternus rafaelae_ sous éclairage ultraviolet.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Serge Berthier. Institut des Nanosciences de Paris</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Nous ne sommes pas sur un récif corallien en face d’une anémone de mer, mais devant les écailles très grossies d’un coléoptère, <em>Tmesisternus rafaelae</em>, un longicorne vivant en Indonésie. Cet insecte a été étudié pour ses remarquables changements de couleur sous l’effet de l’humidité. Ses belles couleurs jaune doré, légèrement iridescentes, sont créées au sein des écailles par une structure interférentielle.</p>
<p>Le phénomène d’« hygrochromie », le changement de couleur sous l’effet d’un fluide, est relativement courant chez les insectes et indique toujours la présence d’une structure photonique ouverte dans laquelle l’eau ou un fluide physiologique peut pénétrer et modifier ses propriétés optiques.</p>
<p>Un autre phénomène lumineux vient d’être observé à l’Institut des NanoSciences de Paris (CNRS – Sorbonne Université), qui participe aussi à la couleur de l’insecte : la fluorescence guidée. Les écailles contiennent des fluorophores, non encore identifiés, qui sous irradiation UV, émettent dans le bleu-vert. La structure photonique interne des écailles guide cette lumière émise vers la pointe d’où elle peut s’échapper, ajoutant dans la journée, une nouvelle composante colorée à l’insecte. De telles structures pourraient avoir d’intéressantes applications pour des cellules photovoltaïques ou pour le cosmétique. </p>
<h2>Comment les organismes vivants se protègent-ils du soleil ?</h2>
<p>Comme tout organisme vivant, les insectes doivent se protéger des rayonnements ultraviolets du soleil. Il y a de nombreux moyens d’y parvenir. Beaucoup, comme la majorité des mammifères, dont nous même, mais aussi de très nombreux autres animaux, et même certaines plantes, synthétisent des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9lanine">mélanines</a>, un pigment allant du jaune au noir selon la concentration, et qui a son pic d’absorption dans l’ultraviolet. Les rayonnements sont absorbés et leur énergie convertie en chaleur.</p>
<p>D’autres organismes, comme certaines fourmis et papillons, réfléchissent les ultraviolets – un stratégie plus rare. Ils ont pour cela développé des structures photoniques particulières comme des <a href="http://www.optique-ingenieur.org/fr/cours/OPI_fr_M02_C05/co/Contenu_12.html">« miroirs interférentiels »</a> ou des structures prismatiques.</p>
<p>La troisième façon enfin est de convertir ces rayonnements nocifs en rayonnement inoffensifs, voire bénéfiques : c’est la fluorescence. Cette transformation est opérée par des molécules appelées fluorophores.</p>
<p>Dans le cas du coléoptère <em>Tmesisternus rafaelae</em> qui nous intéresse ici, les fluorophores sont dispersés à l’intérieur des écailles qui recouvrent l’insecte. En l’absence de mélanines, les rayonnements UV pénètrent aisément les écailles et y sont alors convertis en rayonnements visibles. Généralement, une grande partie de cette lumière retraverse la paroi de la structure modifiant ainsi la couleur perçue. Mais ici, une structure photonique, un empilement régulier de couches de chitine, le matériau constitutif des carapaces des insectes, de tous les arthropodes en général, alternant avec des couches composites de chitine et d’air, l’empêche de sortir latéralement et la guide vers l’extrémité de l’écaille, la pointe, par où elle peut enfin s’échapper. C’est ce que nous observons sur cette image prise au microscope optique numérique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393839/original/file-20210407-19-vx8y12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le longicorne <em>Tmesisternus rafaelae</em>, de la famille des Cerambicidae (Coléoptère), en provenance de l’île indonésienne des Célèbes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Berthier. Institut des NanoSciences de Paris</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un tel dispositif pourrait être implanté sur des panneaux solaires photovoltaïques. Des fluorophores joueraient le rôle de « down converters » en convertissant des radiations très énergétiques (les UV) en radiations moins énergétiques (le visible) – comme dans le cas du <em>Tmesisternus rafaelae</em> – mieux absorbées par les cellules solaires photovoltaïques. Puis la structure photonique guiderait cette lumière vers la zone de la cellule où s’opère la transformation de la lumière en électricité. Ce type de stratégie s'appelle «biomimétisme» et est explorée dans une <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-permanentes/les-expositions/bio-inspiree/">exposition permanente à la cité des Sciences et de l’industrie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Berthier a reçu des financements de HFSP, (Human Frontiers Science Program) et ANR (Agence Nationale de la Recherche)</span></em></p>
L'eau peut pénétrer les écailles d'un coléoptère et changer la façon dont elles jouent avec la lumière.
Serge Berthier, Professeur en physique, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/156828
2021-03-30T22:44:12Z
2021-03-30T22:44:12Z
Électricité + hydrogène, le duo gagnant pour décarboner les systèmes énergétiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/391730/original/file-20210325-13-8bbkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nouveau monde énergétique s’appuiera sur une électrification poussée. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/power-gas-concept-fresh-sunny-sky-765921100">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pour atteindre l’objectif de « neutralité carbone », qui impose de réduire de manière drastique la consommation des énergies fossiles à l’horizon 2050, il faut mobiliser quatre « piliers » : la <a href="https://theconversation.com/energie-climat-la-transition-est-elle-vraiment-en-panne-en-france-154963">sobriété et l’efficacité dans les consommations, la décarbonation des énergies et celle des usages</a>.</p>
<p>Cela implique des innovations majeures, à la fois dans les technologies, les comportements et les institutions.</p>
<p>Dans les trente dernières années, les progrès technologiques pour les énergies renouvelables ont déjà bouleversé la scène énergétique mondiale. Ces énergies sont aujourd’hui, dans certaines conditions, <a href="https://www.irena.org/publications/2020/Jun/Renewable-Power-Costs-in-2019">compétitives avec les énergies fossiles</a>. Et il faut encore s’attendre à des progrès pour les panneaux photovoltaïques et les turbines éoliennes.</p>
<p>Mais pour parvenir à la décarbonation profonde des systèmes énergétiques, il faudra aller encore plus loin.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-comment-sortir-de-lage-des-fossiles-87534">Changement climatique : comment sortir de « l’âge des fossiles » ?</a>
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<p>Plus loin, notamment pour assurer à tout moment sur les réseaux l’adéquation de l’offre renouvelable et de la demande d’électricité : ce sont les questions du stockage et de la flexibilisation des consommations.</p>
<p>Plus loin aussi pour s’assurer qu’au niveau du consommateur, les équipements – véhicules, moyens de chauffage ou de production décentralisée d’électricité – permettent une utilisation performante des énergies décarbonées. Dans cette perspective, le déploiement du couple « électricité + hydrogène » apparaît une des options les plus prometteuses.</p>
<h2>Retour sur l’évolution du coût des renouvelables</h2>
<p>Avant d’examiner les innovations à venir, revenons sur les acquis.</p>
<p>Le véritable début des énergies nouvelles et renouvelables remonte au lendemain du premier choc pétrolier. C’est en 1975 que le CNRS construit son Programme interdisciplinaire de recherche pour le développement de l’énergie solaire (<a href="https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/2221">PIRDES</a>), et en 1978 que se tient à New Delhi le congrès de la Société internationale de l’énergie solaire : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9781483284071500167">« Le soleil, future source d’énergie de l’humanité »</a>.</p>
<p>Il est à l’époque davantage question des cuisinières solaires ou des pompes thermodynamiques pour l’alimentation en eau dans le tiers-monde que des technologies plus « avancées », comme la production d’électricité par les panneaux photovoltaïques.</p>
<p>La technique vient de l’aérospatial et, à l’époque, le Watt installé de panneaux coûte 100 $ et le prix du kWh est prohibitif. Le coût des éoliennes est alors bien inférieur, mais il est encore beaucoup trop élevé pour produire une électricité compétitive face aux solutions conventionnelles.</p>
<p>Durant les quatre décennies qui ont suivi, un effort significatif sera déployé pour la recherche et développement mais aussi, et peut-être surtout, pour le financement d’un déploiement précompétitif : dans de nombreux pays, les politiques de subvention aux renouvelables se sont appuyées sur des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tarif_d%27achat">« tarifs d’achats garantis »</a>, qui sécurisent les revenus des investisseurs, industriels et financiers.</p>
<p>Et, sur la durée, les <a href="https://wupperinst.org/en/a/wi/a/s/ad/4094/">résultats sont là</a>, comme le montre la figure ci-dessous : alors qu’entre 1975 et 2015 les capacités photovoltaïques installées passent de 1 à plus de 50 000 MWe, le coût des panneaux chute de 100 $/We à 0,8 $/We aujourd’hui.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391691/original/file-20210325-15-ip1ujp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Coût du Watt installé/capacité cumulée installée mondiale en MW.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wupperinst.org/en/a/wi/a/s/ad/4094/">Sascha Samadi/Wuppertal Institut</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La raison expliquant cette division des coûts par plus de 100 a été identifiée très tôt par <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/kenneth-arrow">J.K. Arrow</a>, un économiste des plus néoclassiques : il s’agit de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_par_la_pratique">« apprentissage par la pratique »</a>, soit le principe du « plus on fait et mieux on sait faire ».</p>
<p>Les travaux en économie du changement technique ont repris ce concept, en définissant une courbe d’apprentissage qui montre qu’à chaque doublement des capacités installées en photovoltaïque, on assiste à une baisse de <a href="https://epub.wupperinst.org/frontdoor/deliver/index/docId/6806/file/6806_Samadi.pdf">22 % en moyenne du coût du Watt installé</a>.</p>
<p>Les leçons des trajectoires passées de progrès technique doivent être retenues : pour toutes les briques technologiques modulaires et produites en grande série – batteries, piles à combustibles, pompes à chaleur, électrolyseurs, stations de recharge – tout effort de déploiement, même initialement à perte, permettra de faire baisser les coûts.</p>
<h2>Des « innovations de système » devenues incontournables</h2>
<p>Dans tous les pays – industrialisés, émergents ou en développement – les coûts ont donc baissé au point que la production d’électricité renouvelable fait aujourd’hui partie des options privilégiées pour décarboner les systèmes énergétiques. <a href="https://irena.org/publications/2020/Mar/Renewable-Capacity-Statistics-2020">Leur développement est massif</a>.</p>
<p>Mais le problème change désormais de nature : la caractéristique des énergies renouvelables, éolienne et solaire, est en effet que leur production est intermittente, car dépendante de la météo, et donc non pilotable.</p>
<p>La question devient alors : la part de ces énergies intermittentes devenant non marginale, comment assurer l’équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique ?</p>
<p>Pour qu’un système électrique soit viable et économique il ne suffit pas en effet de produire à bas coût, encore faut-il que la production réponde à la demande… et ce à tout moment. Sinon c’est le « black-out » tant redouté des gestionnaires de réseaux du fait de leurs conséquences dramatiques pour l’économie et la société, et frôlé de justesse en <a href="https://www.transitionsenergies.com/black-out-evite-europe-8-janvier/">janvier dernier</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1375066055190659076"}"></div></p>
<p>D’où l’importance de toutes les solutions permettant l’équilibrage de l’offre et de la demande : flexibilisation des consommations (reports notamment), stockage de l’électricité (par des batteries produites en masse dans des <a href="https://bee-eng.com/les-deux-projets-de-gigafactory-de-batteries-electrique-en-france/"><em>gigafactories</em></a>), mobilisation des batteries des véhicules électriques, enfin production de vecteurs secondaires (comme l’hydrogène) pour une réutilisation ultérieure.</p>
<p>On entre ici dans le domaine des nouveaux systèmes énergétiques décarbonés.</p>
<p>Pour les pays qui maintiennent une importante base électrique décarbonée (hydraulique et/ou nucléaire), ce problème d’équilibrage se pose, mais de manière moins aiguë… à la condition de garantir un parc en bon état de fonctionnement.</p>
<p>Pour la France, la question est celle de la durée de vie du parc nucléaire existant, mais aussi celle de la mise en œuvre d’un EPR « <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/09/nucleaire-la-cour-des-comptes-ereinte-l-epr_6045707_3234.html">fiable et économique</a> ».</p>
<h2>Les innovations « en rupture » et leurs enjeux industriels</h2>
<p>Dans certains cas, des innovations de système peuvent découler d’une combinaison originale de briques technologiques constituées de solutions matures ou pré-commerciales.</p>
<p>Il y a quinze ans, Nicolas Hayek (inventeur de la Swatch) proposait un schéma couplant <a href="https://largeur.com/?p=2526">système photovoltaïque et véhicule à hydrogène</a> et, aujourd’hui, la Suisse expérimente des infrastructures de recharge pour les <a href="https://amp.tdg.ch/voiture-a-hydrogene-et-si-cette-fois-cetait-different-212325687856">utilitaires à hydrogène</a>. À l’horizon 2025 (demain !), des industriels projettent une production solaire photovoltaïque à grande échelle dans le Sud de l’Europe <a href="https://www.industrie-techno.com/article/co-localiser-l-electrolyse-et-la-production-d-energie-solaire-est-le-seul-modele-d-hydrogene-vert-possible-en-europe-proclame-thierry-lepercq-de-hydeal.63964">pour alimenter des électrolyseurs produisant de l’hydrogène</a>, qui sera transporté dans des réseaux de gaz, initialement sous forme de mélange (hydrogène + gaz naturel).</p>
<p>Mais, le plus souvent, les innovations de système vont devoir s’appuyer sur de nouvelles technologies « en rupture », dans les grands réseaux comme dans les solutions décentralisées. Or, que ce soit dans le domaine du solaire photovoltaïque, des nouvelles batteries, des technologies de production d’hydrogène décarboné, mais aussi du nucléaire de quatrième génération, des ruptures sont en vue.</p>
<p>Pour les panneaux solaires photovoltaïques, on assiste au croisement entre les technologies solaires conventionnelles et celles des écrans plats qui vont permettre à la fois une <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/developpement-durable/une-nouvelle-technologie-pour-les-panneaux-solaires_131047">augmentation des rendements</a> et un changement d’échelle dans la production des panneaux, dans des processus de plus en plus automatisés.</p>
<p>Ainsi le poids de la main-d’œuvre dans les coûts de production va aller en baissant et l’ensemble des acteurs mondiaux devront revoir leurs usines. Les cartes industrielles sont aujourd’hui largement dans les mains de la Chine, mais elles pourraient être rebattues à l’avenir et l’Europe pourrait retrouver ses chances.</p>
<p>De même pour les batteries : le <a href="https://www.industrie-techno.com/article/dossier-les-recherches-sur-les-batteries-lithium-ion-tout-solide-s-intensifient.61498">passage des batteries Li-ion à la technologie d’avenir Li « tout solide »</a> permettra d’améliorer la sécurité, ainsi que les performances en autonomie et durabilité. Cela va entraîner une modification significative des outils de production dans le monde, pouvant permettre à la France et à l’Europe de se replacer dans la course.</p>
<p>Les technologies de l’hydrogène (<a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/europe-china-battle-for-global-supremacy-on-electrolyser-manufacturing/">électrolyseurs pour la production</a> et <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/pile-a-combustible">piles à combustible</a> pour les utilisations) ont le mérite de mobiliser les compétences en métallurgie et en mécanique existantes au niveau de la recherche fondamentale et appliquée et encore présentes dans bon nombre de secteurs en Europe.</p>
<p>Là aussi, les cartes peuvent être rebattues et l’Europe peut ambitionner de devenir un leader dans cette filière. C’est en tout cas l’objectif affiché dans les plans de relance post-Covid en France et dans le <a href="https://www.industrie-techno.com/article/plan-hydrogene-l-europe-vise-une-production-de-masse-et-decarbonee-en-2030.61144">Green New Deal européen</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">7 milliards d’euros pour lancer l’hydrogène vert en France. (France 24/Youtube, 2020).</span></figcaption>
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<p>Enfin, dans le domaine du nucléaire, de nouvelles solutions technologiques pointent à l’horizon. Avec une double perspective de rupture : le recours à de nouveaux concepts, relevant de la « quatrième génération » ; la plus petite taille des réacteurs (<a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/des-petits-reacteurs-nucleaires-en-developpement-partout-dans-le-monde-84361/"><em>Small Modular Reactors</em></a>).</p>
<p>Aux États-Unis, les projets <a href="https://www.terrapower.com/people/bill-gates/">Terrapower</a> de Bill Gates ou <a href="https://www.nuscalepower.com/">NuScale</a>, ceux de <a href="https://bellona.org/news/nuclear-issues/2021-01-rosatom-to-build-plant-running-on-small-modular-reactors-in-eastern-siberia">Rosatom</a> en Russie, ceux du CEA ou du <a href="http://lpsc.in2p3.fr/index.php/fr/groupes-de-physique/msfr/presentation">CNRS</a> en France, s’inscrivent dans cette double perspective. Aux États-Unis encore, les projets fleurissent d’utilisation de l’énergie nucléaire pour la <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/editoriaux-de-lifri/edito-energie/couple-nucleaire-hydrogene-aux-etats-unis-une-romance">production en continu d’hydrogène décarboné</a>.</p>
<p>Le développement de l’ensemble de ces innovations, soutenu par des politiques publiques, doit s’appuyer sur une bonne coordination de l’industrie et de la recherche, à l’échelle de l’Europe.</p>
<p>Dans le domaine de l’hydrogène par exemple, un « Airbus de l’énergie » pourrait permettre à l’Union européenne de retrouver une dynamique commune et de reprendre la course avec les pays asiatiques, qui ont connu dans le passé la plus forte croissance pour les énergies renouvelables, mais qui aujourd’hui misent et investissent massivement sur l’hydrogène.</p>
<h2>Les promesses des systèmes « électricité + hydrogène »</h2>
<p>On voit ainsi émerger un nouveau monde énergétique, qu’il est encore impossible de décrire avec précision tant est grande la multiplicité des innovations possibles et leurs combinaisons. Ce que l’on sait, c’est qu’il s’appuiera d’abord sur une électrification poussée, puis probablement sur l’hydrogène pour <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/30/a-trop-demander-a-l-hydrogene-on-ne-rend-pas-forcement-service-a-la-transition-energetique_6057921_3232.html">les usages non adaptés à l’électricité</a>.</p>
<p>Par ailleurs, on ne peut plus considérer un monde énergétique centré uniquement sur des réseaux électriques centralisés. Le développement de l’hydrogène, couplé aux énergies décarbonées, permettra une production à des coûts très compétitifs et pour différentes échelles d’organisation des systèmes énergétiques : du local aux « plaques continentales ».</p>
<p>Dans ce contexte, les territoires deviennent une maille importante du paysage énergétique. Non seulement ils s’inscrivent dans le mouvement de décentralisation de l’énergie mais ils vont porter un volet de mixité des sources et des vecteurs décarbonés (électricité, hydrogène et chaleur) qu’il va falloir développer dans un souci d’optimisation énergétique à toutes les échelles.</p>
<p>Dans tous les domaines, de l’industrie aux transports, le couple « électricité + hydrogène » apparaît aujourd’hui comme l’option gagnante pour la décarbonation complète des systèmes énergétiques.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte a été co-écrit avec Florence Lambert, présidente de Genvia et ancienne directrice du CEA-LITEN.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156828/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Carine Sebi ont bénéficié de financements dans le cadre de la chaire « Energy for Society » de Grenoble École de management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Criqui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Quelles sont innovations qui vont dessiner les systèmes énergétiques décarbonés de demain ?
Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)
Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/150800
2020-12-27T22:40:28Z
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Femmes pionnières : Le Soleil d’Hisako Koyama
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/372875/original/file-20201203-17-107v0zk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1200%2C1253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hisako Koyama et le télescope de 20&nbsp;cm du musée des sciences de Tokyo (National Museum of Nature and Science) en 1951, où elle travaillait.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.colorado.edu/today/2017/10/25/new-study-highlights-hidden-figure-sun-watchers">Asahigraph</a></span></figcaption></figure><p>L’astronomie est une science millénaire, et ce partout dans le monde. Le Japon n’est évidemment pas en reste, avec des chercheurs reconnus, des observatoires de pointe, et des missions intéressantes lancées par son agence spatiale nationale (la JAXA). Il y a pourtant un point sur lequel le pays est fort différent de ses confrères : le taux de participation des femmes. Selon les <a href="https://www.iau.org/administration/membership/individual/distribution/">dernières statistiques</a> de l’Union Astronomique Internationale, on compte 21 % de femmes astronomes professionnelles dans le monde, 26 % en France, 19 % aux États-Unis… et seulement 8 % au Japon. De nombreuses raisons, en lien avec une société restée fort patriarcale, expliquent cette singularité, mais cela n’empêche pas des Japonaises de briller au firmament astronomique, comme Hisako Koyama (1916-1997).</p>
<h2>D’une étoile filante à l’observation méthodique de notre étoile</h2>
<p>Intriguée par la vision d’une étoile filante, la jeune Hisako décide de lire quelques livres d’astronomie. La matière la passionne tant qu’elle se lance dans l’observation du ciel dès les années 1940, construisant une petite lunette d’observation. Durant les raids aériens et le <em>black-out</em>, elle s’installe dans son jardin et, à l’aide d’une carte du ciel, apprend à repérer ses nouvelles amies. Elle se lance finalement en 1944 dans l’observation du Soleil, avec une lunette offerte par son père. Elle envoie alors un premier dessin de taches solaires au président de la section solaire de l’Association Astronomique Orientale (l’« AAO »), qui l’encourage dans cette voie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371503/original/file-20201126-21-1kdnm3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Groupe de taches solaires, le 10 juillet 2012. La plus grosse tache, en bas à gauche, couvre l’équivalent de plus de 11 planètes Terre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gsfc/7556375618/">Alan Friedman, Solar Archipelago, NASA Godard Space Flight Center, Flickr</a></span>
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<p>Hisako ne quittera plus l’astre du jour. Devenue veuve de guerre, elle entre en 1946 au musée national de nature et de science de Tokyo. Sa tâche ? Parler d’astronomie, bien sûr – c’est un musée, après tout, mais surtout… observer régulièrement le Soleil : typiquement deux fois une heure par jour, et 150 jours par an. Jusqu’en 1996, soit bien après sa retraite en 1981, Hisako assure une surveillance vigilante. Elle localise et classe plus de 8000 groupes de taches solaires, produisant plus de 10 000 dessins précis. Elle observe aussi des événements extrêmes de l’activité solaire, par exemple la plus grande tache solaire du XX<sup>e</sup> siècle le 5 avril 1947, ou encore l’éruption en lumière blanche le 15 novembre 1960.</p>
<p>Ce travail inestimable, d’une grande cohérence, car produit par une seule personne, est reconnu internationalement. Lors de la recalibration récente des quatre siècles d’observations solaires, quelques observateurs ont servi de colonne vertébrale, les autres données étant calibrées par rapport à eux (recalculées pour obtenir un tout cohérent), et Hisako fait partie du lot : elle est un pilier du XX<sup>e</sup> siècle ! En récompense, elle reçoit en 1986 le prix d’encouragement à la recherche de l’AAO et l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/(3383)_Koyama">astéroïde 3383</a> porte son nom.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GrnGi-q6iWc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Éruption solaire du 31 août 2012, accompagnée par une « éjection de masse coronale » et vue par le <em>Solar Dynamics Observatory</em> (SDO, NASA), le <em>Solar Terrestrial Relations Observatory</em> (STEREO, NASA), et par le <em>Solar Heliospheric Observatory</em> (SOHO, ESA/NASA).</span></figcaption>
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<h2>Un Soleil changeant</h2>
<p>Lorsqu’on observe le Soleil (<em>attention à ne jamais regarder directement le Soleil ! Les astronomes utilisent pour ce faire des instruments adaptés !</em>), sa surface n’apparaît pas complètement uniforme : il y a de petites taches noires, en nombre plus ou moins grand. Ces « taches solaires », connues depuis des siècles, sont en fait de petites zones un peu plus froides (3500 °C, à comparer aux 5500 °C du reste de la surface) : elles brillent donc moins et n’apparaissent noires que par contraste avec le reste du Soleil. Elles peuvent être isolées ou en groupe et ne sont pas éternelles : elles subsistent de quelques jours à quelques mois.</p>
<p>Ces zones sont liées à des champs magnétiques forts, mais localisés, et leur suivi montre qu’elles produisent des éjections de matière. Le nombre des taches solaires reflète le taux d’activité du Soleil. Il varie selon un cycle de 11 ans environ, cycle suivi assidûment depuis la Terre, tant par les astronomes professionnels que par les amateurs. En effet, les éruptions solaires ne sont pas sans conséquences : au maximum d’activité, il y a plus d’aurores polaires, plus de problèmes électromagnétiques sur Terre – par exemple des perturbations du réseau électrique et des réseaux télécoms (wifi, 4G…) – et pour nos satellites – qui subissent directement l’impact des particules solaires, qui peuvent aller jusqu’à changer des bits dans les calculs, modifier les décisions du satellite ou entraîner des courts-circuits plus massifs. Les éruptions les plus fortes peuvent causer pas mal de dégâts, ce qui a été le cas <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Temp%C3%AAte_solaire_de_1859">lors de la tempête solaire de 1859</a> par exemple.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371497/original/file-20201126-21-1ds1aul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Images de la haute atmosphère du Soleil, prises par la sonde <em>Solar Orbiter</em> de l’ESA le 30 mai 2020, dans l’ultraviolet extrème.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Les_premieres_images_de_Solar_Orbiter_devoilent_des_feux_de_camp_sur_le_Soleil">Solar Orbiter/EUI Team/ESA & NASA ; CSL, IAS, MPS, PMOD/WRC, ROB, UCL/MSSL</a></span>
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</figure>
<p>Suivre l’apparence du Soleil est donc une des clés de la « météo spatiale » (ou <em>space weather</em> en anglais). En plus du cycle de 11 ans, il y a aussi des variations à long terme. Ainsi, un cycle solaire n’est jamais exactement identique à un autre ! D’ailleurs, les taches solaires avaient quasi disparu en 1800-1835 (minimum de Dalton), mais surtout en 1645-1715 (minimum de Maunder) – notre astre du jour était donc particulièrement peu actif lors du règne du Roi-Soleil… Aujourd’hui, on suit toujours le Soleil – il reste encore beaucoup à comprendre ! – mais on étudie également l’activité d’autres étoiles. On y a découvert par exemple des cycles « stellaires », des super-éruptions, des astres <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tache_stellaire">avec des taches</a> couvrant une bonne partie de la surface.</p>
<p>Au moment où le Soleil s’active de nouveau, c’est l’occasion de <a href="https://spaceweather.com/">suivre son évolution</a> – mais aussi de remercier ceux qui, comme Hisako, nous ont permis de mieux comprendre notre astre du jour… et qui sait, <a href="http://sidc.be/valusun/">peut-être pouvez-vous aussi participer vous-même ?</a></p>
<hr>
<p><em>Envie de découvrir d’autres femmes astronomes ? Consultez cette <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=PLFuK0VAIne9LgWxNfNDpuT1aF8CZ10Zz5">série de vidéos</a> et cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sibVCji0RC4&t=607s">conférence</a> de l’auteure, Yaël Nazé</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yaël Nazé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La passion d’Hisako Koyama pour les étoiles commença pendant la Seconde Guerre mondiale. Ses mesures du Soleil sont un pilier des observations historiques de notre étoile.
Yaël Nazé, Astronome FNRS à l'Institut d'astrophysique et de géophysique, Université de Liège
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/146586
2020-09-24T13:29:21Z
2020-09-24T13:29:21Z
Que faire de la manne du plan de relance ?
<p>Avec le <a href="https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/lancement-plan-relance-3-septembre-2020">plan de relance</a> de 100 milliards d’euros présenté le 3 septembre dernier par le premier ministre Jean Castex, les politiques publiques en faveur des entreprises, notamment industrielles, retrouvent des moyens. Or ces politiques poursuivent plusieurs objectifs qui soulèvent de délicats problèmes d’arbitrage. Qui faut-il aider ?</p>
<p>Tout ce qui est bon pour notre souveraineté et notre résilience ne favorise pas la transition écologique. Ce qui renforce notre productivité n’a pas toujours un impact favorable immédiat sur l’emploi. Sauver une entreprise en péril peut créer une distorsion au détriment de concurrents français plus efficaces et entraver leur développement. Comment arbitrer entre les bonnes intentions dont l’enfer est souvent pavé ?</p>
<h2>Hydrogène : apprendre des échecs du solaire</h2>
<p>Car il est difficile pour un seul instrument de politique publique de poursuivre plusieurs objectifs. On a ainsi beaucoup critiqué naguère les actions en faveur de l’énergie solaire. Celles-ci ont réussi – au-delà de leur objectif initial – à favoriser l’installation en France d’une capacité de production d’électricité solaire, contribuant à renforcer la part d’énergie décarbonée non nucléaire dans notre bouquet énergétique.</p>
<p>En revanche, la plupart des panneaux solaires installés furent chinois, et beaucoup d’entreprises européennes disparurent, malgré les taxes anti-dumping mises en place en 2012 aux États-Unis puis <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/panneaux-solaires-face-au-dumping-chinois-l-industrie-europeenne-se-defend_1247757.html">plus tardivement en Europe</a>. En 2011, la Chine aurait <a href="https://www.notre-planete.info/actualites/3768-panneaux-solaires-photovoltaique-Chine-Europe">exporté 90 % de sa production</a>, dont 80 % vers l’Union européenne.</p>
<p>Le consommateur français a donc subventionné le développement de la filière chinoise et la destruction d’entreprises nationales en surpayant son électricité. Mais c’est peut-être moins grave que ne l’ont dit alors les contempteurs de la politique française. La France a acquis les savoir-faire nécessaires pour installer et opérer des installations d’énergie solaire et pour adapter son réseau de distribution à une production diffuse, savoir-faire que des entreprises comme EDF, Total ou Schneider Electric exportent aujourd’hui.</p>
<p>À présent, les panneaux solaires ne représentent, selon nos sources, qu’environ un tiers du coût d’une unité de production, ce qui amène donc aussi des emplois et le développement de savoir-faire locaux dans des métiers d’avenir.</p>
<p>Cette histoire douloureuse nous invite à réfléchir aux moyens d’encourager l’adoption d’une technologie tout en favorisant l’émergence d’une capacité de production européenne, comme il est urgent de le faire pour les technologies de batterie ou de production, distribution et utilisation d’hydrogène.</p>
<p>Plus généralement, un domaine peut être stratégique et son soutien prioritaire même si ce soutien n’est justifié qu’au regard d’un seul des objectifs des politiques publiques. En revanche, il peut ne pas être critique, même s’il apparaît important pour l’ensemble des objectifs. Une méthode de classement fondée sur des scores moyens est donc inadaptée.</p>
<h2>Objectifs divers</h2>
<p>Avant tout, il importe de clarifier les divers objectifs d’une relance industrielle :</p>
<ul>
<li><p>Éviter l’effondrement d’entreprises viables à terme et victimes d’un trou d’air conjoncturel, ou d’une mauvaise gestion récente : les pouvoirs publics agissent alors en mode « pompier », en prenant en considération les scénarios de maintien pérenne de tout ou partie de l’activité, l’impact sur l’emploi (analyse des reconversions possibles et des besoins de formation), l’importance des savoir-faire individuels et collectifs à préserver, les besoins de l’écosystème local… À court terme, les pouvoirs publics devront gérer de nombreuses situations de ce type. La doctrine d’intervention doit être claire pour éviter un soutien excessif à des « canards boiteux » sans perspectives, parfois motivé par des considérations électoralistes.</p></li>
<li><p>Organiser la souveraineté dans des domaines critiques. Aux domaines identifiés depuis longtemps (défense, énergie) s’ajoutent la capacité à disposer en France des équipements sanitaires et médicaux et des médicaments nécessaires, la sécurité alimentaire, l’accès à un débit Internet suffisant permettant de généraliser le télétravail dans certaines situations, la cybersécurité, la capacité à traiter nos données, personnelles et d’entreprises, et à en préserver la confidentialité. Notre sécurité repose parfois sur nos capacités locales de production, mais aussi sur notre pouvoir de négociation avec des fournisseurs étrangers, si possible situés dans des zones géopolitiques sûres ou diverses, ainsi que sur des stocks de sécurité accessibles. Elle est également renforcée par la flexibilité de notre appareil de production, qui permet de pouvoir fabriquer temporairement des produits habituellement importés ou dont la demande régulière est faible, comme les masques. Par ailleurs, des « <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2014/03/09/mines-urbaines-la-quete-en-surface_985715">mines urbaines</a> » permettent d’accéder à certaines matières premières grâce au retraitement de nos déchets, réduisant notre dépendance aux fournisseurs de matières rares.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1254403103627137033"}"></div></p>
<ul>
<li><p>Favoriser le développement des entreprises dans les domaines jugés porteurs de croissance, en soutenant l’innovation, notamment « de rupture », par de grands programmes pré-concurrentiels, par une politique européenne de soutien aux filières d’avenir (stockage de l’électricité, décarbonation, biotechnologies, technologies numériques au service de la santé, agriculture de précision…)</p></li>
<li><p>Favoriser la pérennité du tissu industriel traditionnel (soutien à la transition numérique et énergétique, à la montée en gamme, à la disponibilité de personnes qualifiées et à leur formation, à l’accès aux compétences et aux infrastructures des établissements de recherche, à l’exportation, à l’investissement). Car les « filières d’avenir » ne représentent à un moment donné qu’une faible part de l’activité économique. Il faut aussi veiller à ce que les filières du présent aient un avenir, compatible avec nos exigences légitimes de qualité des emplois et d’impact écologique.</p></li>
<li><p>Accélérer la transition énergétique, en conditionnant lorsque c’est pertinent certaines formes de soutien public à des engagements des entreprises, notamment en veillant à l’impact de leurs investissements, ou en favorisant le développement de l’économie circulaire et des achats de proximité, avec un impact sur la résilience des entreprises, sur leur ancrage territorial et sur leur empreinte environnementale</p></li>
<li><p>Permettre à tous l’accès à un emploi digne. Les secteurs les plus porteurs ne sont pas toujours riches en emplois. <a href="https://fr.statista.com/statistiques/526250/apple-nombre-employes/">Apple, vedette des bourses mondiales, emploie moins de 150 000 personnes</a> dans le monde, tandis que <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/les-grandes-dates-de-l-histoire-de-general-motors_364190">General Motors en employait jadis 850 000</a> et que <a href="https://www.lsa-conso.fr/walmart-troisieme-employeur-au-monde-derriere-les-armees-us-et-chinoise,214569">Walmart en emploie 2,2 millions</a>.</p></li>
</ul>
<p>Des emplois aux marges du secteur marchand peuvent rendre de grands services à la collectivité ou à l’environnement à moindre coût pour le secteur purement productif comme le montrent les Entreprises à but d’emploi mises en place dans le cadre du dispositif expérimental Territoire zéro chômeur de longue durée. Divers dispositifs comme les groupements d’entreprises pour l’insertion et la qualification permettent d’amener vers l’emploi des personnes qui en étaient éloignées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177104536693084160"}"></div></p>
<p>La pertinence des six objectifs de politique publique qui viennent d’être évoqués semble faire consensus, mais leur priorité respective donne lieu à des débats passionnés. Il est normal que chacun puisse être plus sensible à des causes aussi diverses que le maintien des communautés de travail et des savoir-faire individuels et collectifs locaux, la souveraineté et l’indépendance de notre nation, sa présence dans les secteurs d’avenir les plus créateurs de richesses, la pérennité de ses entreprises et la qualité du travail qu’elles offrent, l’urgente transition écologique, le droit au travail et à la dignité. L’État doit cependant concilier tous ces objectifs.</p>
<p>Tant mieux si un <a href="https://www.strategie.gouv.fr/actualites/plan-france-strategie">Commissariat au Plan</a> permet de mieux prendre en compte les analyses et recommandations produites par <a href="https://www.strategie.gouv.fr/">France Stratégie</a> ou de mieux articuler l’action des diverses administrations. La création d’un nouvel organe ne suffit cependant pas à garantir que la fonction est mieux assurée. Après avoir réfléchi sur les principaux objectifs, il importe aussi de présenter les divers moyens (développement des infrastructures, des institutions, des compétences, de la confiance, de la cohérence, de représentations partagées) ainsi que les « technologies » de débats plus inclusifs et d’arbitrages plus efficaces et mieux acceptés. Mais ces points feront l’objet de prochaines contributions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146586/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil reçoit des financements de la Fondation Mines Paristech qui soutient la recherche et l'enseignement de l'Ecole des mines de Paris, composante de l'Université Paris Sciences et Lettres. Il anime la chaire "Futurs de l'industrie et du travail ; formation, innovation, territoires" (FIT2) parrainée par Fabernovel, Kea & Partners, La Fabrique de l'industrie, le groupe Mäder, Orange, Renault. Thierry Weil conseille La Fabrique de l'industrie, laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>
Il est généralement difficile de poursuivre plusieurs objectifs avec un seul instrument de politique publique.
Thierry Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail (CERNA, I3, CNRS), Membre de l’Académie des technologies, Mines Paris - PSL
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tag:theconversation.com,2011:article/139889
2020-06-17T17:33:48Z
2020-06-17T17:33:48Z
Et si les artisans s’emparaient du photovoltaïque ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342230/original/file-20200616-23221-1qdtua5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=294%2C0%2C5168%2C3489&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les artisans sont absents de l’installation solaire, secteur capté par des grands groupes et des entreprises de taille intermédiaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/engineer-team-working-on-replacement-solar-784408039">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le secteur du photovoltaïque, qui bénéficiait déjà de mesures favorables <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/elisabeth-borne-annonce-lancement-nouvelles-periodes-dappel-doffres-developper-2-gw-denergie-solaire">depuis 2019</a>, devrait recevoir comme de nombreux autres secteurs de l’économie, des aides financières de la part de l’État dans le cadre du plan de relance.</p>
<p>Rappelons qu’en 2019, la part de l’énergie d’origine solaire dans le mix énergétique français <a href="https://particuliers.engie.fr/electricite/conseils-electricite/types-electricite/mix-energetique-france.html">s’élevait à 1,9 % – contre 5,1 % pour l’éolien</a>.</p>
<p>Après une période faste en <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2012/07/16/solaire-photovoltaique-en-france-les-raisons-du-crash-en-plein-vol_n_1675372.html">2009 et 2010</a>, le secteur a connu un <a href="https://fr.statista.com/statistiques/565827/employes-energie-solaire-photovoltaique-france/">effondrement massif et brutal</a>, dont les causes sont multiples : concurrence des produits chinois, opportunisme financier de certains opérateurs, baisse des subventions et arnaques à répétition des particuliers par des entreprises commerciales <a href="https://www.60millions-mag.com/2018/05/07/ne-pas-tomber-dans-le-panneau-solaire-11759">sans réelles qualifications techniques</a>.</p>
<p>De nombreux producteurs de panneaux solaires français ont alors fait faillite, comme Auversun dans le Puy-de-Dôme ou Solarezo dans les Landes… Aujourd’hui, neuf des dix plus grands fabricants de panneaux solaires dans le monde <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/relocaliser-la-production-de-panneaux-solaires-ne-semble-plus-impossible-20200513">sont Chinois</a>. La production française est quant à elle amorphe, avec quelques acteurs encore en place comme Voltec, Sillia ou encore Photowatt, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/02/27/la-reprise-de-photowatt-par-edf-confirmee-par-le-justice_1648929_3234.html">racheté par EDF à la demande de l’État en 2012</a>.</p>
<p>La crise pourrait être l’occasion de donner au secteur une nouvelle impulsion en encourageant les artisans à investir la filière d’installation, ce qui favoriserait également la relocalisation de la production de panneaux solaires.</p>
<h2>Les vertus de l’artisan</h2>
<p>Jusqu’ici quasiment <a href="http://www.energies-renouvelables.org/observ-er/etudes/Observ-ER-Etude-qualitative-2017-filiere-photovoltaique.pdf">absents du secteur solaire</a> au profit des grands groupes (Engie, EDF) et d’entreprises de taille intermédiaire comptant sur une force commerciale importante, les artisans pourraient devenir le fer de lance de la nouvelle dynamique solaire française.</p>
<p>Ils <a href="https://www.geoplc.com/geoplc-presse/une-etude-realisee-pour-geo-plc-revele-que-77-des-francais-font-confiance-aux-artisans-pour-les-travaux-de-renovation-energetique/">jouissent en effet d’une bonne confiance</a> auprès de leurs clients et se fournissent majoritairement localement, là où les entrepreneurs commerciaux et les grands groupes explorent la concurrence étrangère et préfèrent acheter moins cher à l’autre bout du monde. L’émergence d’une demande « made in France » chez les Français <a href="https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-proximite/">joue également en faveur des artisans</a>.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont ici l’occasion de surfer sur la crise pour recréer la filière solaire, en évitant les erreurs du passé. Écarter les acteurs opportunistes qui ne visent que le profit au détriment de la qualité d’installation et génèrent des litiges commerciaux, favoriser l’artisanat local pour créer une filière d’installation stable, solide et fiable et nouer une relation de confiance avec les consommateurs. Cela permettrait de créer des débouchés commerciaux pour une industrie de fabrication.</p>
<h2>Un secteur encore peu accessible aux artisans</h2>
<p>Un tel changement de direction implique de lever trois obstacles. Le premier concerne les barrières à l’entrée que sont le prix des assurances (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assurance_d%C3%A9cennale_en_France">décennales</a> et sinistres, par exemple) et les <a href="https://www.artisandubatiment.fr/certification-label/prix-label-formation-rge/">« labels » obligatoires</a> pour devenir installateur agréé (qui permettent aux particuliers d’accéder au crédit d’impôt). Bien qu’utiles pour sécuriser les travaux, ces derniers demandent beaucoup de temps et d’argent, deux ressources fort précieuses voire rares pour les très petites entreprises de l’artisanat.</p>
<p>Le deuxième frein est la maîtrise de l’offre : pour que les artisans soient en mesure de proposer et commercialiser, il sera nécessaire de diriger vers ce public des actions de formations importantes sur l’aspect commercial et administratif. Car avant d’installer et de vendre, il faut convaincre. Et pour convaincre dans le solaire, il faut savoir présenter aux clients les subventions, les réglementations, les démarches administratives préalables à l’installation, les conditions de revente ou d’autoconsommation… Bref, un ensemble complexe mais indispensable d’informations.</p>
<p>Enfin, les clients des artisans devront pouvoir accéder à des financeurs. L’installation solaire coûte très cher et les grosses entreprises qui s’en chargent pour l’instant proposent souvent une offre dans laquelle sont inclus la pose et le crédit pour financer les travaux. Il s’agirait pour l’État d’octroyer aux clients des artisans des prêts à taux zéro facilement accessibles, afin de soutenir la filière.</p>
<h2>Une stratégie gagnant-gagnant</h2>
<p>Une fois ces trois freins levés, les artisans pourront investir un secteur qui leur est actuellement presque inaccessible.</p>
<p>L’État a tout à gagner en orientant fortement la filière solaire vers l’artisanat : création de petites entreprises et d’emplois de proximité (dont on sait qu’ils sont durables et peu délocalisables), <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/profil-prix-renovation-organisation-filiere-2018.pdf">achats de panneaux solaires fabriqués en France</a>, diminution des gaz à effets de serre, valorisation du parc immobilier des particuliers…</p>
<p>Rappelons enfin que l’artisanat du bâtiment, qui représente tout de même près de 2 % du PIB national, est le secteur économique français qui dégage le moins de marge, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3639594">avec à peine 11 %</a>. Rediriger une activité à forte valeur ajoutée comme le solaire serait salvateur pour des milliers de petites entreprises dans les mois et les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’État devrait encourager les artisans, qui se fournissent localement et jouissent d’une bonne image en France, à investir le secteur du solaire, aujourd’hui capté par les grands groupes.
Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business School
Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/133535
2020-03-19T20:21:12Z
2020-03-19T20:21:12Z
Un éclairage mathématique sur l’ingénierie du photovoltaïque
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321645/original/file-20200319-22632-1s2mrgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C16%2C5373%2C2889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Panneaux photovoltaïques, commune des Mées (Alpes-de-Haute-Provence), photo de Christian Pinatel de Salvator; surimpression des équations mathématiques de la thèse de l'auteur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3f/Panneaux_PhotV_Les_M%C3%A9es.JPG">Wikimedia Commons, modifiée</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La consommation mondiale en énergie connaît une augmentation considérable depuis des décennies, augmentation qui n’est pas près de s’arrêter selon les <a href="https://www.eia.gov/outlooks/ieo/pdf/ieo2019.pdf">rapports</a> de l’US Energy Information Administration. La majorité de la production énergétique mondiale est issue de sources limitées et polluantes avec des conséquences dramatiques sur la santé de notre planète comme l’indique l’<a href="https://www.iea.org/reports/renewables-2019">International Energy Agency</a>. Il devient donc plus que nécessaire de développer d’autres sources propres et durables. L’énergie solaire photovoltaïque fait partie des candidats favoris à cette transition énergétique. Aussi, de <a href="https://www.ipvf.fr/recherche-2/">nombreuses</a> <a href="https://www.ines-solaire.org/fr/recherche-innovation/">équipes</a> de recherche œuvrent à développer de nouvelles technologies de cellules solaires dans l’objectif d’améliorer leurs rendements, de diminuer leur coût et de limiter l’empreinte carbone de leur fabrication.</p>
<p>À travers cet article, nous verrons comment les mathématiques peuvent participer à cette aventure technologique dont l’enjeu dépasse le simple loisir scientifique. Nous expliquerons comment les outils de simulation numérique peuvent apporter un éclairage nouveau sur la question du rendement photovoltaïque, appuyant ainsi les méthodes usuelles en ingénierie des matériaux. L’objectif de l’article n’est pas de donner les détails techniques ou les résultats de notre <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01789637">étude</a>, mais vise surtout à exposer les étapes clés d’une démarche de recherche en mathématiques appliquées.</p>
<h2>Fonctionnement d’une cellule photovoltaïque</h2>
<p>Rappelons d’abord succinctement le mode de fonctionnement d’une cellule solaire photovoltaïque.</p>
<p>Une cellule photovoltaïque est fabriquée avec un <a href="https://couleur-science.eu/?d=10d2d2--cest-quoi-un-semi-conducteur">matériau semi-conducteur</a> qui a la particularité de conduire le courant électrique sous l’excitation de la lumière. Les électrons à la surface de la cellule n’ont en effet besoin que d’un petit coup de pouce énergétique pour se déplacer et créer ainsi le courant électrique tant convoité. Cet apport énergétique est fourni par la lumière du soleil. En réalité, seule une toute petite fraction de la lumière solaire est captée par les cellules photovoltaïques. En conséquence, le rendement des cellules (c’est-à-dire le rapport entre l’énergie reçue en entrée et l’énergie électrique produite en sortie) reste très limité. Ce <a href="https://www.nrel.gov/pv/cell-efficiency.html">rendement</a> varie selon les matériaux et augmente à mesure que les technologies se perfectionnent, mais ne dépassent pas encore les 28 % pour les cellules classiques à base de Silicium et les 20 % dans le cas des cellules à couches minces.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7BUjVyw5LaM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment fonctionnent les panneaux solaires ? (C’est pas sorcier).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le but du jeu consiste donc à améliorer ce rendement. Pour cela, on commence d’abord par décrire ce qu’est un matériau « optimal » en théorie et ensuite, grâce à la fascinante efficacité des mathématiques, on essaie de retrouver les matériaux existant en pratique qui nous permettront de construire des cellules « optimales » ? On appelle une telle démarche d’ingénierie <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tro-ing%C3%A9nierie">« inverse design »</a> et en mathématiques, c’est un <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2012/04/refdp201231p12.pdf">« problème inverse »</a>.</p>
<h2>Modéliser, analyser, simuler : une recette efficace</h2>
<p>La première étape de l’étude consiste à faire un modèle mathématique du système. Il s’agit d’éliminer toutes les questions secondaires à travers des hypothèses simplificatrices pour ne se concentrer que sur la question principale. Dans notre cas, cette question est : « Quelles sont les niveaux d’énergie des électrons de la cellule ? » En effet, la réponse à cette question permet de prédire la quantité d’énergie nécessaire pour mettre en mouvement les électrons, et donc créer un courant électrique.</p>
<p>Pour élaborer notre modèle, on suppose que le matériau photovoltaïque est composé d’une infinité d’atomes parfaitement ordonnés (cette hypothèse est évidemment fausse mais représente une approximation suffisante pour les calculs). Les électrons de ces atomes peuvent bouger à travers une quantité qu’on appelle le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Potentiel_interatomique">« potentiel atomique »</a>, dont la forme dépend du matériau utilisé.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320784/original/file-20200316-27664-1t4twdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Erwin Schrödinger en 1933.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_Schr%C3%B6dinger#/media/Fichier:Erwin_Schr%C3%B6dinger_(1933).jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, en suivant le formalisme de la physique quantique, on considère que les niveaux d’énergie que l’on cherche à calculer sont donnés par les solutions de la fameuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quation_de_Schr%C3%B6dinger">équation de Schrödinger</a>.</p>
<p>En pratique, ces niveaux d’énergie forment des fonctions qu’on appelle des bandes d’énergie séparées par des gaps. Un de ces gaps est particulièrement important : il faut l’imaginer comme l’apport énergétique nécessaire pour faire bouger un électron. Le rendement d’un matériau photovoltaïque est donc <a href="https://aip.scitation.org/doi/pdf/10.1063/1.1736034?casa_token=oVlh7LjTKJEAAAAA%3AbI4ral_yArBXPyZC9tKCoT5Jbas7W1PfTOei8T3rfXMd0bbqFkbcSX43g1sOSA1gB3MQf7Ova2on&">lié</a> à la taille de ce petit coup de pouce énergétique.</p>
<h2>Identifier la cible avec les collègues chimistes et physiciens</h2>
<p>Maintenant que toutes les briques nécessaires sont réunies, on peut enfin formuler notre problème inverse comme ceci : pour des bandes d’énergie données, peut-on identifier le potentiel atomique, et donc, à terme, le matériau optimal, qui permet d’atteindre ces bandes cibles ? Le schéma général de la démarche est présenté ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321622/original/file-20200319-22594-bafr14.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma de la procédure de recherche.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois que les équations du modèle sont établies, ajustées et discutées avec les physiciens et les chimistes, l’étape la plus excitante pour un mathématicien consiste à les interroger pour leur faire avouer tous leurs secrets. Il s’agit d’abord de vérifier que le problème est bien posé et qu’il admet donc bien une solution qui dépend des paramètres de manière raisonnable. En pratique, ce n’est jamais aussi simple. Par exemple, notre problème inverse nécessite l’appel à d’étonnants <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Radon_measure">espaces mathématiques abstraits</a> pour pouvoir être résolu. Il s’agit ensuite de décrire les solutions et leurs propriétés : <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01789637">sont-elles continues, dérivables, singulières</a> ?</p>
<p>Ensuite, on fait appel à la puissance des ordinateurs pour visualiser, analyser et interpréter les solutions optimales trouvées (c’est-à-dire les potentiels atomiques correspondant aux bandes d’énergie cibles) à la lumière des connaissances des physiciens. On commence par formuler notre problème inverse comme un problème d’optimisation qui consiste à partir d’une solution quelconque (potentiellement fausse) et de l’améliorer petit à petit pour se rapprocher de la solution optimale. Ceci se fait en pratique par une méthode appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme_du_gradient">« descente de gradient »</a> qu’on peut apparenter à un skieur qui part du haut de la piste (solution rejetée) et qui slalome le long de la pente pour s’immobiliser finalement en bas de la piste (solution acceptée).</p>
<p>Le travail de l’ingénieur en science des matériaux peut alors commencer, puisque désormais il dispose d’un code de simulation qui lui donne la forme optimale du potentiel atomique correspondant à chaque profil énergétique cible. L’étape suivante sera alors d’exploiter ce potentiel atomique optimal (qui à ce stade n’est rien d’autre qu’une courbe mathématique) pour identifier, parmi tous les matériaux connus sur terre, la combinaison optimale de matériaux qui permet de réaliser le résultat prédit par le modèle. Mais, c’est encore une tout autre histoire, numérique elle aussi, pour venir en appui aux essais expérimentaux.</p>
<h2>La prochaine étape</h2>
<p>Loin de prétendre révolutionner la technologie de l’énergie photovoltaïque des cellules à couches minces, notre étude a surtout un impact méthodologique en montrant que l’optimisation du rendement des cellules photovoltaïques peut s’appréhender par une approche simulation-optimisation (numérique) qui permet d’explorer différentes configurations en peu de temps et à moindre coût, comparée à une approche essai-erreur (matérielle) classique. Désormais, nous œuvrons à améliorer le modèle pour mieux représenter la structure tridimensionnelle des potentiels atomiques. Nous espérons ainsi offrir la possibilité d’explorer certaines combinaisons de matériaux qui n’ont jamais été imaginées par les ingénieurs mais que l’algorithme identifiera comme étant optimales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Athmane Bakhta ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Développer de nouvelles technologies de l’énergie implique la collaboration entre différentes disciplines scientifiques. Quel est le rôle des maths ?
Athmane Bakhta, Ingénieur - chercheur en mathématiques appliquées, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
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2019-12-15T17:56:14Z
2019-12-15T17:56:14Z
Pour une énergie 100 % renouvelable compétitive, il faut stocker et… surproduire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303473/original/file-20191125-74588-1k3wfjb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Installer plus de puissance renouvelable que nécessaire pourrait limiter les besoins en stockage, un processus très coûteux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/103707855@N05/16674867575/in/faves-41182236@N00/">Jamey Stillings</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans le monde entier, les engagements fleurissent à l’échelle des villes, des régions et des pays pour se diriger vers des économies fonctionnant essentiellement à partir d’énergies renouvelables. Pour le seul État de New York, quatre projets de loi concurrents visent <a href="https://www.windpowerengineering.com/new-york-lawmakers-propose-bill-in-support-of-existing-renewable-projects/">entre 50 et 100 % de renouvelables</a> d’ici à 2040, voire plus tôt.</p>
<p>Seules deux sources d’énergie renouvelable <a href="http://asrc.albany.edu/people/faculty/perez/2015/IEA.pdf">sont suffisamment abondantes</a> pour rejoindre ces objectifs très ambitieux : le solaire et l’éolien. Les deux constituent toutefois des ressources intermittentes, régies par la météo, l’alternance du jour et de la nuit, ainsi que par les cycles saisonniers. Si l’on souhaite qu’ils remplacent les ressources fossiles qui sont déployées selon les besoins, ils doivent donc être « pilotables » – c’est-à-dire capables de fournir de l’énergie selon la demande.</p>
<p>Ayant conduit des recherches sur le sujet – en particulier aux États-Unis pour le ministère de l’Énergie – nous affirmons qu’une énergie renouvelable pilotable est possible, et à un coût abordable. Une idée très ancrée est de considérer que toute la puissance générée par le renouvelable doit être vendue puisqu’elle a été produite. Mais jamais n’est évoquée l’idée de « gaspiller » de l’énergie solaire ou éolienne. Par conséquent, on n’envisage pas la possibilité de surdimensionner et réduire proactivement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0038092X18312714?via%3Dihub">l’énergie électrique produite</a>. Concrètement, l’idée est d’installer le renouvelable en quantité dépassant la demande : un jour de beau temps pour le solaire, on surproduira. Le surplus produit en conditions favorables étant soit stocké, soit jeté, selon le coût optimal.</p>
<p>C’est, selon nous, la clé pour parvenir à moindre coût à un réseau électrique alimenté principalement par les énergies renouvelables. Dans le Nord des États-Unis (représentatif des conditions françaises), nous observons qu’un surdimentionnement du solaire photovoltaïque et de l’éolien de l’ordre de 50 % constitue la solution la moins onéreuse pour produire de l’énergie 24 heures sur 24, 365 jours par an.</p>
<h2>La question du stockage</h2>
<p>Notre idée s’appuie sur le raisonnement suivant : le <a href="https://theconversation.com/how-energy-storage-is-starting-to-rewire-the-electricity-industry-93259">stockage d’énergie</a> est aujourd’hui la seule solution considérée pour atteindre la généralisation des énergies renouvelables. C’est en effet un élément essentiel pour compenser l’intermittence du solaire et de l’éolien – c’est-à-dire la chute de leur production lorsque le soleil ne nous éclaire plus (la nuit) ou peu (par temps nuageux par exemple) ou que le vent est trop faible.</p>
<p>Plus important, cela concerne aussi des périodes plus longues avec un manque de plusieurs jours et certaines saisons durant lesquelles l’ensoleillement reste faible ou les conditions atmosphériques peu venteuses. En hiver, on peut souvent voir la production solaire chuter à quelques centièmes de la production moyenne attendue. Ce sont les gestionnaires de réseaux qui assurent que l’approvisionnement en électricité s’adapte aux hausses et baisses de la demande. Pour le moment, ils comptent sur deux principaux types de stockage. Les réservoirs d’eau, appelés <a href="https://www.energy.gov/eere/water/pumped-storage-hydropower">installations de pompage-turbinage</a>, et les batteries, pour les courtes périodes.</p>
<p>S’il demeure très élevé, le coût du stockage diminue. Mais même dans les projections les plus optimistes, compter sur le seul stockage pour rendre pilotables le solaire et l’éolien <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0038092X18312714?via%3Dihub">restera excessivement cher</a>, selon notre étude, étant donné le volume des déficits à combler pour les longues périodes de faible production.</p>
<p>Le prix de l’éolien et <a href="https://www.greentechmedia.com/articles/read/nevada-beat-arizona-record-low-solar-ppa-price#gs.afha0l">plus encore du solaire</a> diminuent également, au point que leur surdimensionnement – ou installation au-delà du strict nécessaire – devient abordable. Cela demeure vrai lorsque la production excédentaire des générateurs solaires ou éoliens est jetée, plutôt qu’injectée dans le réseau électrique. Le surdimensionnement réduit les manques de production en permettant de produire plus d’énergie durant les périodes de faible disponibilité du solaire et de l’éolien. Mais surtout, installer plus que nécessaire réduit considérablement le besoin de stockage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303470/original/file-20191125-74557-4sowxb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’approvisionnement à toute heure en énergie par le renouvelable éolien et solaire, sans surdimensionnement et avec le seul stockage (A), reste bien plus cher que la « parité réseau », c’est-à-dire, dans le cas des États-Unis, le coût d’approvisionnement en électricité issue du gaz naturel (B). Mais le stockage, combiné avec l’excès d’énergie renouvelable produite jeté environ 30 % du temps, peut être moins cher que la parité réseau, fournissant toute la puissance nécessaire à la demande (C).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Richard Perez, Karl R. Rabago</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ne pas utiliser toute la production</h2>
<p>Des moyens déployés régulent la rémunération issue de la génération d’électricité éolienne ou solaire : par exemple, les contrats de rachat de l’électricité produite aussi bien par des particuliers que des entreprises. Ces régulations encouragent une production maximale (mais intermittente) à tout instant, car la production est rémunérée sur l’énergie produite. Les particuliers ou entreprises gérant ces installations cherchent à vendre toute l’électricité produite ; en rejeter une partie est donc perçu comme une perte de revenus.</p>
<p>Cette vieille idée freine la transition vers une énergie renouvelable pilotable et bon marché, apte à satisfaire la demande, puisque toute la production doit être utilisée lorsqu’elle est disponible. Une approche qui maintient l’énergie renouvelable à un niveau marginal car intermittent.</p>
<p>Pour mieux comprendre l’idée, imaginons un distributeur d’électricité régional qui doit fournir un nombre N de mégawatt-heure par jour pour répondre à la demande. Aujourd’hui, les installations solaires dans cette région atteignent ou dépassent une telle demande seulement les jours de production maximale (en été par beau temps par exemple). Le reste du temps, la production trop faible est comblée par de l’énergie stockée ou par d’autres ressources.</p>
<p>Si l’on surdimensionne les installations solaires dans la région, le photovoltaïque atteindra beaucoup plus souvent les mêmes N mégawatt-heure nécessaires par jour. Les manques de production se feront plus rares et le recours au stockage d’énergie moins fréquent.</p>
<p>Les ressources intermittentes d’énergie renouvelable pourront alors être distribuées efficacement, et fonctionner de la même façon que les centrales électriques actuelles. De cette façon, le renouvelable remplacera les anciennes centrales sans réorganisation majeure des réseaux de transmission.</p>
<h2>Le cas du Minnesota</h2>
<p>Notre équipe <a href="http://mnsolarpathways.org/wp-content/uploads/2018/11/solar-potential-analysis-final-report-nov15-2.pdf">a développé un modèle</a> de ce type pour l’État du Minnesota, pas particulièrement ensoleillé. Le but était de déterminer la combinaison la moins chère alliant solaire, éolien et stockage nécessaires pour fournir à tout instant et en toute saison l’alimentation en énergie.</p>
<p>L’étude démontre que surmonter la contrainte liée à la variabilité naturelle de l’éclairement solaire et de la vitesse des vents est possible. Cela implique de surdimensionner la production et que les distributeurs autorisent des pertes d’environ 20 à 40 % de l’excès d’énergie produite. Ce surdimensionnement réduit considérablement les besoins en stockage, toujours nécessaire, bien sûr, mais de façon à ce que son impact sur les coûts de production reste à un niveau acceptable.</p>
<p>Une question légitime s’impose alors : quelle serait la surface requise pour un déploiement complet de photovoltaïque (PV) surdimensionné ? Pour le Minnesota, dans le plus extrême scénario, soit une production électrique fournie à 100 % par le PV et le doublement de la production du solaire par rapport au besoin de la demande réelle, cette surface serait de 1130 km<sup>2.</sup> Et cela en considérant le rendement des panneaux solaires actuels, de l’ordre de 20 % aujourd’hui (1 kW d’énergie solaire peut être converti en 0,2 kW d’electricité). Cette surface représente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0038092X18308582">moins de 1 % des terres cultivées</a> de l’État, ou la moitié des espaces urbanisés de densité de population moyenne et haute du Minnesota.</p>
<p>Pour la France, avec le même scénario extrême, la surface nécessaire serait de l’ordre de 2 800 km<sup>2,</sup> là aussi moins de 1 % de la surface agricole du pays.</p>
<h2>Exploiter la complémentarité solaire et éolien</h2>
<p>Outre le surdimensionnement, d’autres pratiques, actuellement en développement, pourraient contribuer à atteindre un réseau fondé sur les énergies renouvelables.</p>
<p>Le solaire et l’éolien ont des productions journalières et saisonnières complémentaires : le vent est plus fort la nuit et en hiver, alors que la production de PV est à son maximum le jour et en été. Il est donc intéressant d’exploiter cette complémentarité en déployant de manière optimale les deux ressources. Au Minnesota (une région à forte ressource éolienne, et ressource solaire modeste), la proportion optimale donnant l’électricité ferme (garantie tout le temps) la moins chère est de l’ordre de 45 % d’éolien et 55 % de photovoltaïque.</p>
<p>Par ailleurs, il vaut mieux gérer la demande, en favorisant le report de la consommation vers les périodes de forte production renouvelable. Cette pratique dite du <em>« load-shaping »</em> permet de réduire les écarts entre offre et demande d’énergie.</p>
<p>La volonté de maximiser les énergies renouvelables en évitant les pertes faisait sens à l’époque où le solaire était intermittent et extrêmement cher. Mais l’ensemble décroissant des coûts permet de penser d’autres solutions, en commençant par le déploiement surdimensionné de ces énergies.</p>
<hr>
<p><em>Marc Perez (chercheur à Clean Power Research qui a écrit sa thèse de doctorat à l’Université Columbia sur ce sujet), Morgan Putnam (vice-président de Solar Analytics à Resurety) et Karl Rabago (Professeur et directeur du Pace Energy and Climate Center à Pace University) ont contribué à la rédaction de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127559/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard Perez works at the University at Albany. He has received research funding from the USDOE, Environment Canada, NASA, NYSERDA and Clean Power Research. He is a member of the American and International Solar Energy Societies. Clean Power Research led the USDOE-funded Minnesota Solar Pathways project that demonstrated the firm power generation optimization results presented herein. The project’s Lead Scientist was Marc Perez, and project PI was Morgan Putnam. The authors also acknowledge the USDOE-funded Northeast Solar Energy Market Coalition (NSEMC) project to harmonize solar policies in the northeastern US.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoît Tournadre a reçu des financements de la région Sud et de l’entreprise Transvalor pour son doctorat. </span></em></p>
Le solaire et le vent ne produisent pas l’énergie sur demande. Surdimensionner les capacités éoliennes et solaires pourrait être une solution pour satisfaire la demande.
Richard Perez, Senior Research Associate in Atmospheric Sciences Research Center, University at Albany, State University of New York
Benoît Tournadre, Doctorant en sciences du climat, Mines Paris - PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/125596
2019-12-02T19:47:49Z
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Sauver le climat… sans menacer la biodiversité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303761/original/file-20191126-112522-vxgm6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C121%2C4096%2C2701&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Planter des arbres pour capter du CO₂ n’est pas sans conséquences sur la biodiversité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-pine-tree-seedling-153050531?src=29752ac8-8cb4-4a8e-a612-18dc2a16a726-1-2">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/10/08/ce-qu-il-faut-retenir-du-rapport-du-giec-sur-la-hausse-globale-des-temperatures_5366333_1652612.html">Rapports du GIEC</a>, marches pour le climat, mobilisation des jeunes, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/03/14/climat-les-associations-de-l-affaire-du-siecle-deposent-un-recours-administratif-contre-l-etat_5435739_3244.html">recours contre l’État</a>, le changement climatique est devenu le symbole de l’urgence environnementale au point <a href="https://norstatgroup.com/articles/detail/news/the-french-faced-with-environmental-challenges/">d’être identifié à celle-ci</a>.</p>
<p>La menace majeure qu’il représente ne doit pourtant pas faire oublier les autres aspects de la crise environnementale globale. Comme l’affirmait récemment Robert Watson, le président de l’IPBES (équivalent du GIEC pour la biodiversité), « notre destruction de la biodiversité et des services écosystémiques a atteint des niveaux qui menacent notre bien-être au moins autant que les changements climatiques ». Les risques pesant sur la biodiversité <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">sont tout aussi majeurs</a>, avec des rythmes d’extinction d’espèces extrêmement élevés et massifs (<a href="https://www.ipbes.net/global-assessment-report-biodiversity-ecosystem-services">25 % des espèces</a> en sont menacés).</p>
<p>Au-delà des conséquences éthiques et patrimoniales, des services écosystémiques fondamentaux sont directement en danger : la pollinisation animale, notamment, dont <a href="https://www.ipbes.net/assessment-reports/pollinators">dépendent 75 % des cultures</a>. Plus fondamentalement, c’est la stabilité des réseaux complexes interconnectés dont font partie les sociétés humaines <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">qui est en jeu</a>.</p>
<p>C’est donc une transition écologique véritable et non une seule transition énergétique visant uniquement la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) que nous devons opérer. Pourtant, les scénarios actuels tiennent insuffisamment compte des questions de biodiversité. À l’inverse, les solutions qu’ils envisagent impliquent souvent des pressions supplémentaires sur les écosystèmes. Une réponse plus systémique est donc indispensable, et elle implique probablement des modes de vie bien moins gourmands en énergie et en ressources.</p>
<h2>Énergies renouvelables et impact sur les habitats</h2>
<p>D’après le GIEC, maintenir le réchauffement climatique bien en deçà de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels requiert une réduction très rapide des émissions de GES. L’objectif, atteindre zéro émission nette avant 2060 à l’échelle mondiale.</p>
<p>Entreprendre le virage énergétique radical associé implique de développer en quelques décennies des systèmes énergétiques bas-carbone principalement basés sur des sources d’énergie renouvelables. Concrètement, la production d’électricité d’origine éolienne et solaire devrait être <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-2/">multipliée par 25 ou 30 d’ici à 2050 au niveau global</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940125465859239936"}"></div></p>
<p>Déployées à une telle échelle, ces technologies pourraient avoir des <a href="https://www-sciencedirect-com.inshs.bib.cnrs.fr/science/article/pii/S1364032116304622#bib14">impacts importants sur les écosystèmes</a> par leur occupation des sols, et engendrer de nouvelles pertes d’habitat. Les fermes éoliennes, par exemple, <a href="https://wildlife.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2193/2007-248">réduisent potentiellement les territoires de chasse des chauves-souris</a>, et les barrages hydroélectriques empêchent la migration de <a href="https://theconversation.com/le-barrage-de-volgograd-va-t-il-priver-les-russes-de-caviar-99254">poissons, comme les esturgeons</a>.</p>
<p>S’ajoutent à cela les nombreuses perturbations en phase de chantier (terrassement, bruit, fragmentation du milieu), ainsi que des <a href="https://fr.calameo.com/read/004544767d327b267a8a2?page=5">impacts une fois les infrastructures installées</a> (collision de faune volante pour les éoliennes par exemple).</p>
<h2>Des énergies gourmandes en matières premières</h2>
<p>La transition énergétique bas-carbone pourrait également avoir des impacts indirects supplémentaires sur les milieux du fait de besoins en matières premières et métaux accrus. Les technologies d’électricité renouvelable et de stockage énergétique – comme les batteries lithium-ion (connues pour les voitures électriques) – nécessitent à la fois <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/transition-energetique/isr-rse/le-chiffre-transition-energetique-la-demande-de-metaux-pourrait-bondir-de-1-000-dans-un-scenario-2-c-144793.html">plus de matériaux (dont l’acier et le cuivre, par exemple)</a> pour leurs infrastructures et équipements mais également des minerais spécifiques plus divers (cobalt, lithium, terres rares…). Le système énergétique bas-carbone <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/28312">pourrait consommer in fine significativement plus de ressources</a> que les systèmes traditionnels basés sur les énergies fossiles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1055000305820143616"}"></div></p>
<p>L’augmentation des activités minières et extractives pourrait exercer des pressions importantes sur les milieux, comme c’est déjà le cas <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/207371500386458722/pdf/117581-WP-P159838-PUBLIC-ClimateSmartMiningJuly.pdf">dans certaines régions</a>. Dans les mines de terres rares dans la province du Jiangxi (en Chine, pays qui produit 95 % des terres rares), ou pour l’extraction du cobalt en République démocratique du Congo.</p>
<h2>Les risques majeurs de la biomasse énergie à grande échelle</h2>
<p>Mais « l’éléphant dans la pièce » des scénarios bas-carbone est la question de la biomasse énergie. Les scénarios médians compatibles avec un objectif « bien en deçà de 2 °C » s’appuient sur le recours massif à cette forme d’énergie au niveau global. Elle y est principalement associée à terme à la <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-2/">capture et séquestration du carbone</a> (BECCS), une technologie pourtant <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-017-0055-2">encore largement spéculative</a>.</p>
<p>Ainsi, ces scénarios comptent sur la technologie BECCS pour générer, d’ici à la fin du siècle, entre 100 et 1000 GtCO<sub>2</sub> d’« émissions négatives » (jusqu’à 13 GtCO<sub>2</sub>/an en moyenne d’ici à 2100) pour stabiliser le climat. Les impacts seraient massifs en termes de changements d’usage des terres, avec une forte expansion des surfaces dédiées aux cultures énergétiques (une surface de la taille de l’Inde en 2050, et plus du double en 2100 !).</p>
<p>Les implications pour la biodiversité seraient profondes et dépendraient de façon cruciale des stratégies locales employées. Ainsi, des stratégies forestières qui optimisent les rotations avec des espèces sélectionnées pourraient être nuisibles à la biodiversité locale, contrairement au reboisement de terres dégradées <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/05/SR15_Chapter3_Low_Res.pdf">avec des espèces natives</a>.</p>
<p>Dans l’ensemble, le déploiement de la technologie BECCS à grande échelle pourrait induire des changements irréversibles sur le système terre. Par une modification massive de l’usage des terres, une consommation d’eau importante, la perturbation des flux biogéochimiques, il risque de finalement compromettre <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-017-0064-y">l’intégrité de la biosphère</a>.</p>
<h2>Optimiser les rendements grâce à la biodiversité</h2>
<p>Il y a donc un premier enjeu à maximiser les synergies entre atténuation du changement climatique et biodiversité en mobilisant le capital naturel, et ce que l’on appelle les solutions fondées sur la nature.</p>
<p>Car s’il est bien connu qu’un changement climatique important aurait des conséquences dramatiques sur la biodiversité, la rétroaction de la biodiversité sur le climat – via notamment la capacité des écosystèmes à piéger du carbone – <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">est plus rarement évoquée</a>). Investir dans la biodiversité peut donc être un moyen d’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0043542">optimiser les puits de carbone</a>.</p>
<p>Les écosystèmes naturels sont ceux qui optimisent le mieux les niches énergétiques, la diversité des espèces végétales permettant de transformer un maximum d’énergie solaire en énergie chimique, utile à l’ensemble de la chaîne alimentaire. Il s’agit en particulier de réduire la déforestation et l’artificialisation des sols (<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.12865">10 % des émissions annuelles de CO₂</a>), et de favoriser la restauration des habitats naturels (forêts, tourbières, mangroves, herbiers marins). Si elles ne représentent que 3 % de la surface terrestre, les tourbières contiennent <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/ipcc_wg3_ar5_chapter11.pdf">environ 20 à 25 % du carbone terrestre</a>.</p>
<h2>Privilégier des scénarios « faible demande »</h2>
<p>L’optimisation des puits de carbone par la biodiversité, bien que cruciale, ne réglera toutefois pas la question de la réduction drastique des émissions de GES nécessaire à la stabilisation du climat. Pour cela, les scénarios de transition énergétique élaborés jusqu’ici s’appuient essentiellement sur le déploiement de solutions et technologies qui, en l’état, sont porteuses de risque accru pour la biodiversité.</p>
<p>Par ailleurs, la plupart d’entre eux privilégient les solutions technologiques du <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-018-0121-1">côté de l’offre d’énergie</a> et s’appuient sur des hypothèses de croissance future de la demande énergétique globale et des activités associées dans toutes les régions du monde : surfaces bâties, mobilité des biens et personnes, consommation de biens matériels, etc. Des activités souvent synonymes d’étalement urbain, d’artificialisation des sols, d’augmentation des besoins en ressources, de la génération de pollution. Autant de sources de dégradation des milieux naturels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"976580154007982081"}"></div></p>
<p>Quelques rares scénarios de transition énergétique explorent la possibilité d’une réduction absolue de la demande énergétique <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-018-0172-6">au niveau global</a>. Ce sont a priori les <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/spm/">seuls scénarios existants</a> qui parviennent à se passer des « émissions négatives » de la technologie BECCS et d’un recours massif à la biomasse énergie pour stabiliser le climat « bien en deçà de 2 °C », grâce à une réduction immédiate et plus rapide des émissions de GES énergétiques. Ils permettent en même temps de minimiser les impacts directs et indirects sur la biodiversité en réduisant au minimum la taille du système de production énergétique nécessaire et donc son empreinte environnementale.</p>
<h2>Transition écologique véritable et modes de vie</h2>
<p>De tels scénarios « faible demande » reposent sur des mesures d’efficacité technique mais également sur des changements majeurs des modes de consommation et de production et une réduction significative de la consommation matérielle au niveau global.</p>
<p>Des travaux sont encore à mener pour mieux comprendre de quel type de prospérité économique et sociale de tels changements peuvent être porteurs dans les différentes régions du monde, en particulier dans la perspective d’un partage plus équitable du bien-être. Ils questionnent en tout cas un agenda de développement réduit à un objectif de croissance du PIB – dont on n’a pas par ailleurs aujourd’hui de preuve empirique robuste qu’il est compatible avec une réduction de l’empreinte environnementale globale <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13563467.2019.1598964">à moyen et long terme</a>.</p>
<p>Il y a donc un enjeu urgent à mieux prendre en compte les contraintes de biodiversité pour une transition écologique systémique véritable. Outre les solutions fondées sur la nature, l’efficacité et la sobriété énergétique et matérielle joueront un rôle essentiel pour répondre aux défis conjoints du climat et de la biodiversité, tout en préservant les conditions d’une prospérité future.</p>
<hr>
<p><em>Catherine Boemare, Jérôme Faure, Perrine Hamel, Lauriane Mouysset, Léa Tardieu, et Vincent Viguié, chercheurs et chercheuses au CIRED, ont également contribué à l’écriture de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Lefèvre a reçu des financements de l'Union Européenne, l'ADEME, le MTES</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adrien Comte a reçu des financements de l'Union européenne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harold Levrel a reçu des financements de l'Union Européenne, l'ADEME, le MTES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémi Prudhomme a reçu des financements de l'école doctorale ABIES. </span></em></p>
Pour éviter cet écueil, il est essentiel de penser de manière systémique une transition écologique, et non seulement énergétique.
Julien Lefèvre, Ingénieur-économiste au CIRED, chercheur et chargé d'enseignement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Adrien Comte, Post-doctorant, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Harold Levrel, Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Rémi Prudhomme, Chercheur, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
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tag:theconversation.com,2011:article/119565
2019-10-09T18:51:57Z
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La maison 100 % autonome existe (en Suède)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296248/original/file-20191009-3935-1yl9q8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C0%2C3905%2C2452&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’autoconsommation, qui consiste à consommer l’énergie que l’on produit, est de plus en plus répandue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU3MDY2MDE3NywiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNDQ0MDg4OTQ1IiwiayI6InBob3RvLzQ0NDA4ODk0NS9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiRDlOV2xvM1ZTYU9jbUxXcFY1RjIwY1B3UStVIl0%2Fshutterstock_444088945.jpg&pi=33421636&m=444088945">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>2019 aura-t-elle été l’année de la libération pour l’autoconsommation ? C’est en tout cas l’hypothèse formulée dans son dernier hors-série par le <em>Journal du photovoltaïque</em>. Si l’installation de panneaux solaires s’est développée grâce à un tarif de revente attractif, nous atteignons aujourd’hui la parité réseau, c’est-à-dire la situation dans laquelle le prix de l’électricité renouvelable rejoint celui du réseau électrique national.</p>
<p>L’autoconsommation représente <a href="https://www.journal-photovoltaique.org/journal/journal-du-photovoltaique-hors-serie-autoconsommation/">déjà 90 % des nouvelles demandes</a> de raccordement des producteurs électriques de faibles puissances tandis que la loi qui encadre cette pratique <a href="https://www.greenunivers.com/2017/02/autoconsommation-delectricite-la-loi-du-24-fevrier-2017-complete-le-cadre-juridique-avis-dexpert-158308/">ne date que de 2017</a>.</p>
<p>Il semble donc que les producteurs individuels d’électricité préfèrent aujourd’hui consommer l’énergie plutôt que de la revendre. Pourtant le taux d’autoconsommation annuel ne dépasse que rarement 20 à 30 % à cause du décalage entre la production solaire et notre consommation d’électricité. C’est pourquoi l’<a href="https://www.ademe.fr/autoconsommation-photovoltaique-comment-produire-lelectricite-consommer-chez">Ademe</a> incite à conserver un contrat de revente afin d’écouler son surplus. L’agence considère également que le stockage, qui permet par exemple de consommer le soir la production de la journée, n’est pas économiquement rentable du fait du coût des batteries. Quant à l’autonomie, elle semble aujourd’hui impossible car elle nécessiterait des capacités de stockage gigantesque.</p>
<p>En Allemagne, pourtant, pays où la parité réseau a été atteinte en 2012, la moitié des nouvelles installations de petite et moyenne taille ont été installées avec une batterie. Les taux d’autoconsommation peuvent alors atteindre un maximum de 70 %. Le rêve d’une maison totalement autonome semble toutefois encore lointain. Comment imaginer un logement complètement déconnecté du réseau électrique, où tous les besoins énergétiques seraient couverts par des ressources renouvelables ?</p>
<h2>Le pari réussi de Hans Nilsson</h2>
<p>En Suède, un pionnier s’est lancé dans ce projet fou. Ingénieur à la retraite, Hans Nilsson vit confortablement dans la banlieue de Göteborg dans une maison totalement autonome.</p>
<p>Couverte de panneaux solaires, sa maison fonctionne en totale autonomie, tant pour l’électricité que pour le chauffage, et ce depuis quatre années déjà – l’aventure ayant démarré en mars 2015. Réussir un tel exploit en Suède, le pays où les besoins énergétiques explosent en hiver, avec des températures qui descendent régulièrement sous les 0 °C et un ensoleillement rare, apparaît particulièrement remarquable.</p>
<p>Ce sont sans doute ces difficultés qui l’ont d’ailleurs motivé. Aujourd’hui, son concept vertueux de RE8760, pour <a href="https://nilssonenergy.com/products/">« Renewable Energy » pendant 8760 h</a>, c’est-à-dire toute l’année, est source d’inspiration pour de nombreux projets de construction.</p>
<p>Mais comment cette maison fonctionne-t-elle ?</p>
<h2>160 m<sup>2</sup> de panneaux solaires</h2>
<p>On pense en général que l’autoconsommation est impossible sur toute l’année. L’hiver, période où les besoins énergétiques sont les plus importants, coïncide justement avec une irradiation solaire minimale.</p>
<p>Monsieur Nilsson aime visiblement les défis, puisque la surface de sa maison avoisine les 500 m<sup>2</sup> ! Si cette taille pèse sur la consommation du bâtiment, elle constitue en contrepartie un atout qui permet l’installation d’une grande quantité de panneaux solaires : 140 m<sup>2</sup> sur la toiture et sur la façade en photovoltaïque pour la production d’électricité et 20 m<sup>2</sup> de panneaux solaires thermiques supplémentaires pour la production d’eau chaude.</p>
<p>Une telle surface paraît gigantesque pour une simple maison. Généralement, on parle d’installations de panneaux solaires sur 20 à 30 m<sup>2</sup>. Ici, pourtant, l’objectif n’est pas de revendre l’électricité produite au réseau local, mais bien de la consommer soi-même. Et la faible ressource solaire suédoise doit être compensée par une surface plus conséquente.</p>
<p>La production de son installation se chiffre environ à <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">22 000 kWh d’électricité par an</a> : une quantité largement suffisante pour la maison de Mr Nilsson. Bien sûr, une grande partie de cette production se fait l’été, en pleine journée, au moment où les besoins sont les plus faibles. Et c’est là toute l’ingéniosité de Monsieur Nilsson : il parvient à stocker plus des deux tiers de sa production, ce qui lui suffit pour tenir l’hiver en Suède.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<h2>Un ingénieux système de stockage</h2>
<p>Il a mis pour cela en place un système complexe. Il s’appuie principalement sur l’électrolyse de l’eau – qui produit de l’hydrogène à partir du surplus d’électricité – et une pile à combustible – qui utilise l’hydrogène stocké pour produire de l’électricité. En soutien, le système comporte des batteries chimiques au plomb-silicium – un matériau plus lourd mais moins cher que le lithium – dont la capacité atteint les 144 kWh.</p>
<p>Au total, cette capacité électrochimique correspond à peu près à trois batteries de voitures électriques type Renault Zoé et permet une autonomie électrique de cinq jours environ. Dès que les batteries sont chargées, le surplus de production photovoltaïque estival permet le démarrage de l’électrolyse.</p>
<p>Bien sûr, comme pour toute transformation énergétique, celle-ci engendre des pertes. Seuls 60 % de l’énergie électrique sont finalement stockés sous forme d’hydrogène. Pendant les six mois les plus favorables de l’année, la maison de Mr Nilsson fonctionne donc uniquement avec les panneaux photovoltaïques et les batteries chimiques, et les stocks d’hydrogène ne font au cours de cette période que s’accumuler.</p>
<p>Un des défauts de l’hydrogène est d’être très volumineux. Une partie de l’électricité sert donc à compresser le gaz à 300 bar, ce qui a obligé Mr Nilsson à investir dans une grande capacité de stockage. Il produit annuellement plus de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">3 000 Nm³ d’hydrogène à partir des 15 000 kWh</a> de surplus électrique.</p>
<p>Pendant les six autres mois de l’année, une grande partie des besoins énergétiques de la maison sont couverts par l’énergie produite par une pile à hydrogène. Mr Nilsson a d’abord utilisé un prototype spécialement développé avec une <a href="https://www.powercell.se/en/technology/the-fuel-cell-explained/">entreprise suédoise</a>.</p>
<p>Dorénavant, ce genre d’installation se déploie sur le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-premiere-chaudiere-a-hydrogene-domestique-est-en-service-depuis-le-25-juin.2049290">marché de l’habitat domestique</a>. Une pile à hydrogène produit presque autant de chaleur que d’électricité. On pourrait y voir une perte de rendement, mais en l’occurrence, Mr Nilsson en profite pour faire de la cogénération à domicile, c’est-à-dire alimenter à la fois son système électrique et son système de chauffage.</p>
<h2>Pas exempt de critiques</h2>
<p>Comme dans beaucoup de maisons suédoises modernes, l’isolation est parfaite et le chauffage au sol est alimenté par une pompe à chaleur géothermique, qui puise les calories à plus de 180 mètres de profondeur. Elle ne fonctionne toutefois qu’au cours des périodes les plus sombres et les plus froides de l’année, lorsque la chaleur apportée par les panneaux solaires thermiques et la pile à hydrogène est insuffisante pour maintenir une température confortable dans la maison.</p>
<p>Finalement, Mr Nilsson ne transforme que 2 000 Nm<sup>3</sup> d’hydrogène en électricité, soit les 2/3 de sa production. Il envisage d’utiliser le reste pour alimenter une voiture à hydrogène. Mais lui et sa femme ont déjà deux petites voitures électriques, rechargées grâce au surplus de la maison. La voiture à hydrogène, dotée d’une meilleure autonomie, servira pour les longs trajets.</p>
<p>En simplifiant, on peut dire que la maison de Mr. Nilsson fonctionne l’été grâce au soleil le jour et aux batteries la nuit puis l’hiver grâce à l’hydrogène et à la pompe à chaleur.</p>
<p>Les visiteurs se pressent à sa porte, et il a même reçu le ministre de l’énergie suédois. Si la fascination domine, certaines critiques sont récurrentes : le rendement est insuffisant et les coûts trop élevés ! Ce à quoi l’ingénieur rétorque que celui d’un moteur à explosion n’est pas meilleur. Quant au prix, il répond que son système de stockage demeure bien moins cher qu’avec des batteries chimiques dont les capacités sont trop faibles. Mais il admet que son système complet pour l’électricité et le chauffage a coûté très cher – <a href="https://www.elinstallatoren.se/innehall/nyheter/2017/maj/skippar-elnatet--med-bransleceller-i-kallaren/">environ 100 000 euros</a>.</p>
<p>À ses yeux, son installation est certes inabordable pour la plupart des propriétaires, mais la commercialisation n’en est qu’à ses prémices. Il estime que les prix baisseront à mesure que les volumes augmenteront. Quant à sa facture énergétique, elle est désormais nulle…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1174119200106975233"}"></div></p>
<h2>Une source d’inspiration ailleurs en Suède</h2>
<p>Hans Nilsson a démontré la faisabilité de son système, en n’utilisant que des techniques et des produits existants. Son objectif désormais ? Inspirer le plus de monde possible. Il a pour cela mesuré et enregistré toutes ses productions et consommations depuis le début de son aventure, avec l’aide d’une équipe de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/true-pioneer-goes-off-grid-michael-jensen/">l’université de Luleå</a>.</p>
<p>Non loin de chez lui, la commune de <a href="https://www.betterenergy.com/news/off-grid-swedish-housing-block-powered-100-by-sun-and-hydrogen/">Vårgårda</a> a décidé de rendre autonome tout un quartier d’habitations comprenant 172 logements. Initialement, il s’agissait de rénover des habitations des années 1970 en les isolant pour améliorer leur efficacité énergétique. S’est ajoutée une importante subvention de la région pour installer des panneaux photovoltaïques. Constatant que les habitations allaient consommer une très faible quantité d’énergie, l’idée est venue de les rendre autonomes sur le principe de la maison de Mr. Nilsson.</p>
<p>Cette dernière a aussi inspiré le projet <a href="https://www.zerosun.se/">ZeroSun</a> dont le slogan est : si on peut le faire ici, on peut le faire n’importe où. Il s’agit de construire une maison standard autonome dans la région de Skellefteå au bord de la Laponie, là où les hivers sont particulièrement sombres et rigoureux.</p>
<p>L’exploit de l’ingénieur suédois a enfin soufflé l’idée à la commune de <a href="https://www.svt.se/nyheter/vetenskap/folj-med-till-varldens-forsta-sjalvforsorjande-vatgasmack">Mariestad</a> de la première station-service dont l’hydrogène est produit sur place à partir de panneaux photovoltaïques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Jolly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En Suède, un ingénieur à la retraite a réussi a concevoir une maison totalement autonome, qui inspire de nombreux projets dans sa région.
Antoine Jolly, Enseignant-chercheur en Physique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
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tag:theconversation.com,2011:article/123245
2019-09-17T19:01:59Z
2019-09-17T19:01:59Z
L’avenir du solaire est-il dans le flottant ?
<p>En juin dernier, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) inaugurait une centrale photovoltaïque flottante dans les Monts du Lyonnais. Deux mois plus tard, c’est celle de Piolenc, dans le Vaucluse, qui vient d’être mise en service par l’entreprise Akuo Energy. D’une puissance de 17 MW, elle est dotée de 47 000 panneaux solaires et constitue la plus grande installation solaire sur l’eau de France.</p>
<p>De moins en moins chère à produire, l’énergie photovoltaïque jouit aussi grâce aux dernières innovations d’un <a href="https://www.iea.org/newsroom/news/2014/september/how-solar-energy-could-be-the-largest-source-of-electricity-by-mid-century.html">bilan environnemental bien meilleur</a>. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit qu’en 2022 la capacité photovoltaïque mondiale atteindra <a href="https://www.iea.org/publications/renewables2017/">entre 740 et 880 GW</a> – le parc photovoltaïque mondial a passé la <a href="https://www.lechodusolaire.fr/le-volume-pv-total-installe-dans-le-monde-a-passe-la-barre-des-500-gw/">barre des 500 GW</a> en termes de volume total installé à la fin 2018 – pour une production qui pourrait dépasser 1 000 TWh/an, contre <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/chiffres-cles-production-d-energie">100,4 TWh en 2012</a>.</p>
<p>En France, le lancement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=e9lIrCWD3KY">du plan gouvernemental « Place au soleil »</a> en juin 2018 prévoit de libéraliser le solaire et d'accélérer son déploiement en métropole et en outre-mer. Le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) publié début 2019 prévoit de multiplier par 4 ou 5 la capacité de production d’énergie photovoltaïque en moins de 10 ans. En 2018, cette source d’énergie a fourni <a href="https://www.rte-france.com/sites/default/files/be_pdf_2018v3.pdf">1,9 % de la production nationale d’électricité</a>.</p>
<p>Dans ce contexte de <a href="https://about.bnef.com/blog/global-electricity-demand-increase-57-2050/">forte demande en énergie « propre »</a> et d’expansion du solaire, la question de l’espace nécessaire devient donc cruciale. Le solaire flottant, qui se développe dans plusieurs régions du monde, entend répondre à ce défi.</p>
<h2>Une réponse à un manque d’espace</h2>
<p>Au regard des surfaces qu’il nécessite, le développement des centrales solaires peut engendrer des conflits d’usage avec les terres agricoles et affecter la biodiversité. Les processus d’innovation énergétique se sont d’ailleurs toujours heurtés à des résistances dans l’histoire. Ainsi, le <a href="https://books.google.fr/books/about/Medieval_Technology_and_Social_Change.html?id=xa7zPNkxswQC&redir_esc=y">moulin à eau</a> ne s’est largement diffusé que sept siècles après son apparition, pour des raisons économiques mais aussi d’acceptabilité sociale.</p>
<p>Les <a href="https://mitpress.mit.edu/books/power-density">transitions énergétiques du passé</a> ont développé des sources d’énergie toujours plus concentrées (bois, charbon, pétrole et gaz, puis uranium), limitant considérablement les surfaces mobilisées par les systèmes énergétiques. La transition énergétique actuelle s’inscrit dans un schéma inverse : remplacer les énergies fossiles à forte densité énergétique par des énergies renouvelables bien moins denses – qui mobilisent plus de surface. <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/centrale-solaire-photovoltaique-cestas-bordeaux-24900.php4">La centrale solaire la plus puissante de France</a> (300 MW) est ainsi implantée à Cestas, près de Bordeaux, sur 260 hectares (soit l’équivalent de 370 terrains de football). Trouver de nouveaux terrains pour développer des projets est donc devenu la principale préoccupation des développeurs d’énergies renouvelables.</p>
<p>Il est donc tout naturel qu’en Chine, au Japon, en Indonésie et maintenant en Europe, de plus en plus d’industriels installent leurs centrales solaires sur des plans d’eau tranquillisés – pour ne pas consommer de trop grandes surfaces de terres utiles. L’objectif étant d’intégrer le solaire flottant à des espaces déjà artificialisés pour répondre aux deux grands défis écologiques que connaissent les sociétés : la préservation des terres agricoles et la production d’énergie décarbonée.</p>
<p>Une <a href="https://www.worldbank.org/en/topic/energy/publication/where-sun-meets-water">étude de la Banque mondiale de 2018</a> évalue à 400 GW le potentiel du solaire flottant, soit l’équivalent de la puissance photovoltaïque installée au sol dans le monde à la fin de l’année 2017. Un potentiel limité mais néanmoins non négligeable. La capacité mondiale totale d’énergie solaire flottante a d’ailleurs été multipliée par plus de 100 entre 2014 (10 MW) et 2018 (1,1 GW), témoignant d’un intérêt croissant pour cette technologie. D’une capacité de 40 MW et mise en service il y a deux ans, la plus grande centrale sur l’eau se trouve aujourd’hui à Anhui, dans l’est de la Chine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, des panneaux solaires flottants ont été installés dans les vignobles de la Napa Valley, sur des canaux d’irrigation. Source : AFP.</span></figcaption>
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<h2>Combiner solaire flottant et hydraulique</h2>
<p>Ces problématiques encouragent donc les développeurs à faire preuve d’imagination et à valoriser le patrimoine existant. Notamment en intégrant le solaire flottant à des « zones délaissées », lacs, bassins, canaux d’irrigation ou réservoirs de traitement d’eau, afin de donner une « deuxième vie » à ces espaces. Il s’agit ensuite de combiner ces centrales photovoltaïques à d’autres activités, afin d’optimiser l’espace. La centrale flottante inaugurée en août dans le Vaucluse par Akuo Energy est établie dans une ancienne carrière de granulats. Mais elle est associée à un projet plus vaste, une ferme basée sur l’agro-écologie et le maraîchage bio, elle aussi créée et exploitée par l’entreprise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les panneaux solaires flottants d’Akuo Energy. (France 2/Youtube).</span></figcaption>
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<p>Les installations solaires, notamment sur l’eau, permettent aussi de moderniser les « anciennes » installations énergétiques du XX<sup>e</sup> siècle, telles que les barrages hydrauliques ou les usines marémotrices, en s’y associant. Chaque transition énergétique passe par une période de coexistence entre énergies dominantes et solutions émergentes, <a href="http://vaclavsmil.com/2016/12/14/energy-transitions-global-and-national-perspectives-second-expanded-and-updated-edition/">ces dernières progressant peu à peu jusqu’à prendre le relais</a>. L’histoire de l’énergie n’est pas celle de transitions, mais d’additions successives de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00956441">nouvelles sources d’énergie primaire</a>. Il s’agit donc désormais d’entretenir ces patrimoines énergétiques, de les faire évoluer, de les réinventer, au prisme des nouvelles énergies vertes.</p>
<p>L’association du solaire flottant et de l’hydroélectricité permet aux installations photovoltaïques de profiter des infrastructures offertes par les centrales hydroélectriques, comme les stations et les lignes de transmission. D’un autre côté, le solaire flottant réduit l’évaporation des lacs de barrage, accroissant de facto la production des barrages hydroélectriques. À ce titre, le solaire flottant permet aux industriels de l’hydraulique de mieux adapter les barrages au changement climatique, la montée des températures <a href="https://www.lepoint.fr/economie/malgre-la-secheresse-les-barrages-tiennent-le-choc-06-09-2019-2334044_28.php">entraînant une plus forte évaporation de l’eau</a>. Enfin, les panneaux peuvent être démantelés rapidement sur l’eau, limitant l’empreinte écologique des installations.</p>
<p>EDF, qui exploite 20 GW de barrages hydrauliques, dispose de centaines de retenues d’eau, dont certaines ne sont pas directement en conflits d’usage (notamment ceux où la pêche et la baignade sont interdites pour des raisons de sécurité). Dans le département des Hautes-Alpes, un projet de centrale flottante d’une puissance de 19,8 MW est porté par le groupe EDF. Engie quant à elle a identifié un <a href="http://c2ime.eu/2017/04/28/energies-renouvelables-engie-innove-azimuts/#.XXuHWGfmOTY">potentiel d’environ 200 MW</a> sur des rétentions d’eau lui appartenant. S’inscrivant dans cette logique d’optimisation inter-technologique, la Corée du Sud envisage de construire d’ici à 2020 la plus grande ferme solaire flottante du monde (102,5 MW) à proximité de la plus puissante centrale marémotrice du monde (254 MW). Ces différents exemples témoignent du caractère modernisateur, cumulatif et combinatoire, des transitions énergétiques.</p>
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<span class="caption">Panneaux photovoltaïques flottants installés sur le réservoir d’eau du barrage du Alto Rabagão.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ciel et Terre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les principaux objectifs de ces projets pionniers sont de montrer leur compatibilité avec d’autres usages, de mieux étudier les éventuels impacts environnementaux des installations (notamment sur les frayères à poisson), tout en permettant de déployer la technologie à une échelle plus industrielle.</p>
<h2>La marinisation des systèmes énergétiques</h2>
<p>Si la baisse des coûts se poursuit, le photovoltaïque devrait évoluer vers des applications offshore. La mer a l’avantage d’offrir un meilleur rendement aux technologies de l’énergie : l’ensoleillement est plus important au large que sur terre et l’eau permet d’améliorer l’efficacité des panneaux par son effet rafraîchissant.</p>
<p>Par ailleurs, associé à l’aquaculture et à l’énergie éolienne offshore, le solaire flottant peut conduire à une utilisation optimisée de l’espace : les panneaux sont placés entre les éoliennes offshore, là où la navigation est rendue impossible. <a href="https://www.marin.nl/multi-use-concept-development-for-seaweed-and-floating-solar-energy-production-around-wind-turbines">L’idée de faire fonctionner ces deux sources en synergie</a> permettra de brancher les panneaux photovoltaïques sur le réseau électrique déjà existant.</p>
<p>Ce processus de « marinisation » des technologies de l’énergie n’est pas nouveau. Depuis plus de cinquante ans, la mer est devenue progressivement un terrain libre et immense qui prend le relais d’un espace terrestre en cours de saturation : dès les années 1950 avec les plates-formes pétrolières offshore et à partir des années 1990 avec l’éolien marin (d’abord « posé » puis désormais « flottant »). Même l’électronucléaire ne semble pas aujourd’hui échapper <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/une-inquietante-centrale-nucleaire-flottante-dans-l-arctique-russe_3443493.html">à cette vague marinisante</a> – avec tous les risques technologiques et environnementaux que cela comporte.</p>
<p>L’enjeu environnemental, celui de la montée du niveau de la mer et du risque de submersion, couplé aux nouvelles exigences énergétiques, pousserait l’homme vers une « colonisation » de la mer, nouvelle frontière pour répondre aux problèmes énergétiques, affronter les défis de surpopulation et de pollution. Désormais, « le monde est un polder », comme l’écrivait en 2005 le biologiste Jared Diamond dans son ouvrage <a href="https://livre.fnac.com/a2511049/Jared-Diamond-Effondrement"><em>Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie</em></a>. Il faut en effet rappeler que 71 % de la surface terrestre est maritime.</p>
<h2>Pour les Pays-Bas, un enjeu vital</h2>
<p>Ce mouvement de « marinisation » a un pays pionnier, les Pays-Bas, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lcBHIztx2Gw">dont la relation à l’eau est unique au monde</a>. Les bouleversements climatiques assaillent de toutes parts ce petit pays de 41 528 km<sup>2</sup> de superficie, dont 26 % des terres se trouvent sous l’altitude zéro. Une menace qui vient d’abord du large, puisque le niveau de la mer du Nord pourrait, selon une étude publiée fin 2017 par des chercheurs de l’Université d’Utrecht, s’accroître d’un <a href="https://www.nat-hazards-earth-syst-sci.net/17/2125/2017/">mètre à un mètre quatre-vingts d’ici à 2100</a>.</p>
<p>Dans ce pays dont un quart de la surface se trouve sous le niveau de la mer, le changement climatique et l’impératif énergétique obligent les ingénieurs à réfléchir à de nouvelles solutions face à une possible montée des eaux. L’intérêt des Pays-Bas répond donc à un objectif systémique de long terme : celui de l’aménagement intelligent, optimisé et hydrophile <a href="https://photo.geo.fr/pays-bas-face-a-la-montee-des-eaux-les-hollandais-se-preparent-32984">du territoire néerlandais</a>. Les autorités néerlandaises ont ainsi annoncé un potentiel de 8 GW simplement en installant des systèmes PV flottants le long de leurs digues protectrices (les digues étant des infrastructures très intenses en termes d’innovations technologiques et architecturales). <a href="https://gca.org/solutions/the-netherlands-is-building-solar-islands-to-fight-rising-sea-levels">Un archipel de 15 îles</a> constituées de 73 500 panneaux solaires flottants orientables doit voir le jour d’ici 2020 au large d’Andijk. Un algorithme météorologique permettra aux panneaux de se repositionner automatiquement pour minimiser les potentiels dégâts provoqués par la houle et le vent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/slaV7S4I8lw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Comprendre l’intérêt soudain pour le solaire flottant nécessite donc de replacer cette technologie dans un phénomène plus vaste de marinisation des innovations et de nos sociétés. Le solaire flottant s’interconnecte aux grands systèmes techniques existants (énergie, logement, transport…) – tout en invitant à les repenser, à les réinterpréter au regard du défi énergétique et maritime. Il rejoint ainsi un vieux rêve de l’humanité, celui de se réfugier vers la mer. Avant de prendre, un jour peut-être, le <a href="https://www.lepoint.fr/sciences-nature/energie-bientot-des-centrales-solaires-dans-l-espace-28-02-2019-2297168_1924.php">chemin des étoiles</a> ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123245/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Roche a réalisé une thèse CIFRE au sein de la Région Nouvelle-Aquitaine</span></em></p>
Aujourd’hui pour le solaire comme hier pour l’éolien et le pétrole, la mer apparaît comme le nouvel eldorado lorsque l’espace manque pour produire de l’énergie.
Sylvain Roche, Docteur en sciences économiques, spécialiste des énergies marines et de la croissance bleue, Université de Bordeaux
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tag:theconversation.com,2011:article/117886
2019-06-03T20:03:32Z
2019-06-03T20:03:32Z
Énergies renouvelables : comment soutenir efficacement les projets citoyens et participatifs en France ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277654/original/file-20190603-69059-ueyus3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’éolien citoyen reste une niche dans le marché hexagonal des renouvelables. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mother-holding-her-son-nature-wind-165397580?src=XNImAcqDZWttyvgU0n0TsA-1-11">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le développement des énergies renouvelables (ENR) représente l’un des piliers de la stratégie française de <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a>. Afin d’atteindre les objectifs ambitieux fixés à l’horizon 2030 – soit 32 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie, 40 % pour l’électricité –, la nouvelle <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe">Programmation pluriannuelle de l’énergie</a> indique qu’il faudra doubler les capacités d’énergies renouvelables électriques installées entre 2017 et 2028 dans l’Hexagone.</p>
<p>Au-delà du défi technique et économique, ce développement soulève un enjeu important en matière d’acceptation locale des projets. Dans ce cadre, les projets participatifs d’énergies renouvelables représentent un modèle particulièrement innovant et dynamique, porté par deux approches complémentaires. Ces initiatives ont fait l’objet d’une <a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/etude/les-projets-participatifs-et-citoyens-denergies-renouvelables-en">toute récente étude de l’Iddri</a> dont nous reprenons ici les principaux enseignements. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-comment-sortir-de-lage-des-fossiles-87534">Changement climatique : comment sortir de « l’âge des fossiles » ?</a>
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<h2>Une niche dans le marché français</h2>
<p>Il y a tout d’abord l’<a href="https://energie-partagee.org/energie-citoyenne/tous-les-projets/">émergence de projets citoyens</a>, fondés sur une implication durable des habitants et collectivités locales dans la gouvernance et le financement des projets. Ces initiatives sont pour la plupart soutenues par l’association <a href="https://energie-partagee.org/?gclid=EAIaIQobChMI-L_ohbLN4gIVCLDtCh3o2AjvEAAYASAAEgKNX_D_BwE">Énergie partagée</a> qui comprend à la fois un fonds d’investissement citoyen et une activité d’aide au montage des projets. En dépit de l’accélération observée ces dernières années – 300 projets recensés en 2018 en France, contre 160 en 2015 –, ils représentent pour l’instant une niche de faible ampleur dans le marché national.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/quelle-integration-territoriale-enr-participatives-2016-rapport.pdf">étude de l’Ademe</a>, l’éolien citoyen représentait environ 3 % des capacités totales installées en France jusqu’en 2016, et 1 % pour le photovoltaïque. Des chiffres encore très éloignés de l’Allemagne, où 43 % des capacités totales d’ENR électriques sont détenus par les citoyens (32 %) et les agriculteurs (11 %).</p>
<p>Il faut également noter la multiplication des <a href="https://www.greenunivers.com/2019/04/exclusif-barometre-2018-du-crowdfunding-enr-un-record-de-38-me-collectes-201557/">opérations de financement participatif pour des projets ENR</a> de grande envergure, portés par des développeurs industriels via les plates-formes de financement participatif (<em>crowdfunding</em>).</p>
<p>Plus simple à mettre en œuvre, ce modèle connaît aujourd’hui une croissance importante (39 millions d’euros collectés en 2018 contre 21 millions en 2017). Un essor qui s’explique par l’introduction du « bonus participatif » dans les appels d’offres nationaux depuis 2016. Ce bonus octroie un soutien public additionnel (compris entre 1 et 3 euros par MWh) au porteur de projet si celui-ci s’engage à respecter des seuils conséquents en matière de financement participatif (10 % du financement total ou 40 % des fonds propres apportés par des citoyens et collectivités locales) pour une durée minimale de 3 ans. Son attractivité n’est plus à démontrer : toutes filières confondues, 36 % des projets lauréats se sont engagés au bonus, taux qui monte à plus de 70 % pour la filière des centrales photovoltaïques au sol.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277653/original/file-20190603-69095-1lnc423.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Iddri/Énergie partagée/FPF</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Jouer la complémentarité des approches</h2>
<p>Si les deux approches du financement participatif et des projets citoyens s’inscrivent dans la même finalité d’implication des acteurs locaux dans les projets de leur territoire, leurs fonctionnements, vertus et contraintes restent toutefois différents.</p>
<p>En raison de sa simplicité, le financement participatif constitue un outil facilement généralisable pour flécher massivement l’épargne locale vers les projets ENR, tout en permettant de favoriser l’acceptation des projets. Il faut néanmoins reconnaître que la participation exclusivement financière (sans aucune influence sur la prise de décision) et généralement limitée dans la durée (quatre à cinq ans pour la majorité des projets) n’apporte pas la même valeur ajoutée en matière d’appropriation locale des projets.</p>
<p>À l’inverse, les projets citoyens, bien que plus longs et complexes à monter, s’inscrivent dans une réelle démarche de maîtrise locale des projets en cohérence avec le territoire, générant une dynamique sociale et une valeur ajoutée locale que le financement participatif ne peut que difficilement reproduire.</p>
<p>Mais plutôt que de les opposer, c’est bien leur complémentarité qu’il faut valoriser. Les motivations et attentes des citoyens en matière d’implication dans les projets sont multiples, allant du placement éthique de son épargne jusqu’à l’engagement dans un collectif local en vue de développer un projet coopératif. La diversité de modèles constitue donc une richesse pour répondre à ces attentes.</p>
<h2>Le bonus participatif à la croisée des chemins</h2>
<p>C’est en partie dans cet esprit de rapprochement des modèles que s’est inscrit la réforme du bonus participatif intervenue en 2018 ; elle vise à systématiser le lien entre l’investissement participatif et la participation des acteurs à la gouvernance des projets.</p>
<p>Partant d’une l’intention louable, cette réforme risque néanmoins de générer beaucoup de déceptions.</p>
<p>Tout d’abord pour les développeurs industriels (en général peu enclins à ouvrir leurs projets à une gouvernance partagée), faute de s’être familiarisés avec cette approche plus complexe ; pour les plates-formes de <em>crowdfunding</em> ensuite, les levées de fonds en actions étant bien plus complexes que celles réalisées jusque-là (principalement sous la forme d’obligations simples ou convertibles), induisant des coûts et un risque d’échec bien plus importants.</p>
<p>Pour une large partie des investisseurs citoyens enfin, qui privilégient des outils d’investissement simples (comportant un taux de rentabilité fixé d’avance et une durée de placement limitée à quelques années) à la possibilité de participer activement à la gouvernance des projets, au prix d’un investissement en actions plus complexe et risqué.</p>
<p>De façon paradoxale, les acteurs de l’énergie citoyenne pourraient également se retrouver perdants : l’évolution des critères du bonus participatif constitue en effet l’arbre qui cache la forêt. Le développement futur de ces initiatives citoyennes dépend avant tout du maintien des mécanismes de soutien en <a href="http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/lexique_des_principaux_termes_utilises.pdf">guichet ouvert</a>, qui tendent à disparaître progressivement au profit de la généralisation des appels d’offres.</p>
<p>Or il est désormais admis que la mise en concurrence profite en premier lieu aux grands acteurs industriels, risquant par conséquent de freiner brutalement le développement des projets citoyens, ne pouvant résister à cette concurrence sur des critères purement économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<h2>La nécessité d’une stratégie nationale</h2>
<p>Comment sortir de cette situation ?</p>
<p>En saisissant les opportunités fournies par la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L2001&from=EN">nouvelle directive européenne aux énergies renouvelables</a>, qui encourage les États à se doter d’un véritable cadre stratégique pour développer les projets participatifs. Elle autorise également les États membres à réserver des mécanismes de soutien sur mesure aux projets citoyens – que ce soit via la préservation de tarifs d’achat en guichet ouvert, d’appels d’offres réservés ou encore de conditions préférentielles pour faciliter leur participation aux appels d’offres.</p>
<p>Plutôt que d’essayer de soutenir l’ensemble des modèles participatifs au travers d’un seul outil (en l’occurrence, le bonus participatif), il pourrait ainsi être judicieux de développer deux approches complémentaires.</p>
<p>D’un côté, il faudrait définir un objectif ambitieux pour le développement des projets citoyens ENR, à l’image de l’objectif de 15 % pour 2030, proposé par le <a href="https://energie-partagee.org/les-projets/nos-propositions/collectif-citoyenne-participative/">Collectif pour l’énergie citoyenne</a>… à condition de leur préserver un cadre favorable (notamment via le maintien des tarifs d’achat en guichet ouvert). Et, à plus long terme, en définissant des mesures préférentielles pour permettre l’intégration progressive des projets citoyens dans les appels d’offres (en veillant à ne pas <a href="https://energie-partagee.org/des-citoyens-partoutdes-citoyens-nulle-part/">reproduire les erreurs commises par l’Allemagne</a>).</p>
<p>De l’autre côté, il s’agirait de généraliser au mieux le financement participatif pour les projets soumis aux appels d’offres, via la simplification des modalités du bonus participatif. À terme, l’incitation économique pourrait même être remplacée par une obligation réglementaire d’ouverture du capital des projets aux acteurs locaux (à l’image de ce que pratique le Danemark pour l’éolien).</p>
<p>Une telle vision stratégique permettrait non seulement de concrétiser enfin l’adage d’une <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Synth%C3%A8se%20du%20d%C3%A9bat%20national%20sur%20la%20transition%20%C3%A9nerg%C3%A9tique.pdf">« transition par tous et pour tous »</a>, qui avait émergé du débat national sur la transition énergétique en 2013. Mais elle semble surtout indispensable dans le contexte actuel pour mener à bien ce projet de transition dans le cadre d’un nouveau contrat social et écologique, assurant l’implication de tous et une répartition équitable des retombées dans les territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117886/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’Iddri est une fondation de recherche reconnue d’utilité publique. L’étude Iddri a l’origine de cet article a été en partie financée par l’Ademe. </span></em></p>
Le déploiement des énergies renouvelables nécessite une forte implication des communautés locales.
Andreas Rüdinger, Chercheur associé, pôle énergie-climat, Iddri, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/114723
2019-04-08T19:58:17Z
2019-04-08T19:58:17Z
Débat : Pour une juste estimation du coût du « tout renouvelable »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/266933/original/file-20190401-177181-b5g0bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C254%2C5100%2C3043&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Construction d’une éolienne. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/people-constructing-windturbine-391152259">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En France, comme dans le monde, beaucoup envisage désormais un futur reposant sur les énergies renouvelables et excluant le nucléaire. La cause serait entendue car la production d’électricité grâce à l’atome serait définitivement devenue non compétitive en coût. Ce point de vue a été notamment défendu dans The Conversation avec un article de l’Ademe s’appuyant sur une <a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2018/12/ADEME_%C3%A9tude_mix-electrique.pdf">étude récente</a>. À tort.</p>
<p>Comme le résume David Marchal dans cet <a href="https://theconversation.com/mix-electrique-pourquoi-lessor-des-renouvelables-est-le-scenario-le-plus-economique-108839">article publié en décembre 2018</a> :</p>
<blockquote>
<p>« la place très prépondérante des énergies renouvelables (ENR) dans le système électrique français (85 % en 2050, 95 % en 2060) est sans appel […] et le nucléaire de nouvelle génération (type EPR) n’apparaît pas compétitif. »</p>
</blockquote>
<p>Cette affirmation repose sur les résultats d’un exercice technico-économique basé sur le modèle <a href="https://www.artelys.com/fr/applications/artelys-super-grid">« Crystal Super Grid »</a> de la société de conseil Artelys. Très complet et détaillé, il optimise au moindre coût les choix d’investissement et d’exploitation heure par heure du système électrique français entre 2020 et 2060.</p>
<p>Pourtant, quatre modèles comparables convergent pour trouver des résultats très différents. Appliqués sur un cas similaire au système français, dans son contexte européen et avec des hypothèses de coût voisines, ils ont été développés par différentes équipes de chercheurs : au <a href="https://ideas.repec.org/a/aen/journl/ej36-1-06.html">DIW de Berlin</a>, <a href="http://www.ceem-dauphine.org/assets/dropbox/Marco_COMETTO_and_Jan_Horst_KEPPLER_-_CEEM_-_20181218_The_Role_of_Nuclear_Power.pdf">à l’OCDE</a>, au <a href="https://energy.mit.edu/wp-content/uploads/2018/09/The-Future-of-Nuclear-Energy-in-a-Carbon-Constrained-World.pdf">MIT</a> et <a href="https://www.researchgate.net/publication/328638262_THE_SOCIAL_EFFICIENCY_OF_ELECTRICITY_TRANSITION_POLICIES_BASED_ON_RENEWABLES_WHICH_WAYS_OF_IMPROVEMENT">à l’Université Dauphine</a>.</p>
<p>Dans leurs travaux, le nouveau nucléaire (EPR), même cher, bat économiquement les ENR qui n’occuperaient alors à terme qu’une part très limitée du mix électrique.</p>
<p>Comment s’explique cette divergence ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1073756743925186560"}"></div></p>
<h2>Ce que disent d’autres modèles robustes</h2>
<p>Les quatre modèles cités testent chacun un scénario dans lequel les énergies renouvelables se développent uniquement par le marché, c’est-à-dire sans dispositifs d’appui et d’aide assurés par l’État et garantissant les revenus des investisseurs, et dont le coût est financé par une taxe sur les consommations d’électricité. Elles restent dans un tel cas confinées à une part de production modeste, de l’ordre de 10 %.</p>
<p>En effet, à partir de ce niveau, la rémunération des ENR à apports variables retirée des marchés électriques ne permet plus de couvrir les coûts d’investissement. Cette part ne grimpe que de moitié, soit à environ 15 %, en prenant en compte le développement des stockages et du pilotage de la demande, moyens qui permettent de rehausser la valeur économique par des arbitrages entre périodes de prix bas dus à des productions abondantes d’ENR et périodes de prix élevés dus à des faibles productions.</p>
<p>Il s’ensuit que le nouveau nucléaire (EPR), même à un coût de 4 000 €/kW et un prix de revient de 75-80 €/MWh, domine le mix électrique à l’horizon 2050 : de 70 à 75 % dans le modèle de Dauphine ; 60 à 65 % dans le modèle de l’OCDE et celui du MIT quand la part des ENR est de 10 %.</p>
<p>La raison en est simple : la rémunération que toute nouvelle centrale dite « pilotable » – comprendre qui peut fonctionner au moment où on le commande et quelle que soit l’heure de l’année – retire des marchés est suffisamment haute pour permettre de recouvrir des coûts fixes très élevés et d’assurer ainsi la rentabilité des investissements.</p>
<p>Dit autrement, les ENR que sont le vent et le soleil ne parviennent pas à évincer le nouveau nucléaire, même cher, car la valeur économique de l’énergie et des services qu’elles produisent ne supporte pas la compétition avec celle de centrales pilotables qui peuvent produire à pleine puissance toute l’année.</p>
<p>Le phénomène est facile à comprendre : puisque leur production varie en fonction des variations météorologiques, les productions des ENR ne suivent pas celles de la demande horaire. Or, comme l’électricité ne se stocke pas, la valeur économique de l’électricité est justement déterminée par la tension entre l’offre et la demande à chaque heure.</p>
<hr>
<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-energies-renouvelables-un-secteur-aux-contours-trop-flous-109961">Les énergies renouvelables, un secteur aux contours trop flous</a>
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</p>
<hr>
<p>Si, par la force des choses, les producteurs d’ENR ont beaucoup d’électricité à vendre en période faste par rapport à la demande horaire, leurs offres combinées font inévitablement baisser le prix des marchés horaires qui les rémunèrent et donc la valeur économique de leurs équipements. C’est un <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-couts-lisses-de-l-electricite-774441.html">phénomène désormais bien connu</a> des économistes de l’énergie.</p>
<p>Cette baisse de la valeur de l’électricité produite devient spectaculaire quand on « pousse » le développement des ENR par des dispositifs de soutien et quand les capacités installées en éoliennes et en panneaux photovoltaïques dépassent la puissance demandée en pointe. Prenons l’exemple des capacités allemandes actuelles en éoliennes et panneaux photovoltaïques (40,7 GW d’éolien et 49,6 GW de solaire). Elles se rapprochent de la demande de pointe qui est de 100 GW environ. Et bien, on observe en Allemagne des <a href="https://www.cleanenergywire.org/factsheets/why-power-prices-turn-negative">épisodes de prix nul, voire négatif</a>, de plus en plus fréquents.</p>
<p>Ce phénomène de baisse de valeur des capacités ENR est bien présent dans les simulations réalisées par les modèles précités. Ainsi, dans celui de l’OCDE, le prix moyen annuel diminue au fur et à mesure du renforcement de l’objectif de cible de parts d’énergies renouvelables à atteindre. Les prix sont nuls sur un nombre d’heures croissant : 1 000h/an quand la part de production d’EnRv atteint 50 %, et de 3 000 à 3 800h/an avec 80 % de production d’EnRv (rappelons qu’il y a 8 760 heures dans une année).</p>
<p>C’est cette chute de la valeur économique de chaque nouvelle centrale ENR qui explique l’arrêt des investissements dans les technologies à apports variables quand leur part dans la production totale atteint les 10 et 15 % mentionnés plus haut. En corollaire, les capacités non intermittentes se développent à des niveaux élevés, par exemple, selon le modèle de l’OCDE, 65 % de nucléaire avec 49 GW de capacité pour une demande stable.</p>
<p>En d’autres termes, il ne faut pas confondre prix de revient et prix de marché. Le prix de revient des ENR peut être bas, et même de plus en plus bas à l’avenir, sans qu’elles soient pour autant rentables, leur déploiement massif se soldant par des prix de marché de plus en plus faibles.</p>
<h2>Les consommateurs paieront</h2>
<p>Pour qu’elles se développent au-delà de la dizaine de pour cent, il convient donc de subventionner les ENR par des dispositifs d’aide garantissant le revenu par MWh produit (ce qui se fait par les tarifs d’achat ou par des contrats versant une prime ajoutée à la rémunération par le marché horaire) ; et ce alors même que leur prix de revient moyen par MWh est bas. Dès lors que l’on maintient ces dispositifs pour permettre aux ENR de monter de 85 à 95 % de la production totale du système, le nucléaire voit logiquement sa part décroître. Dans l’exercice de l’OCDE et dans celui du MIT, sa production s’annule lorsque les ENR atteignent 55 %.</p>
<p>Ce type de politique se traduira pour les consommateurs par un surcoût croissant en comparaison d’un scénario sans forçage. Dans les modèles de l’OCDE et du MIT, le surcoût est de l’ordre de 25 à 35 % pour un système avec 50 % de part de production d’ENR par rapport au mix économiquement optimal ; puis il monte à 75 % environ pour une part de 75 à 80 % d’ENR.</p>
<p>Il faudra bien que les consommateurs paient ces dispositifs d’appui, par exemple par le paiement d’une surtaxe par MWh vendu. Celle-ci devient vite très élevée au point qu’elle pourrait ne pas laisser insensibles de nouveaux « gilets jaunes » dans quelques années… En Allemagne, où la part de production pour les ENR se situe à 28 %, elle est déjà de 70 €/MWh, soit un montant plus élevé que le prix de marché auquel elle s’ajoute. En France la partie de la taxe qui est consacrée au financement des ENR n’est encore que de 10€/MWh pour une part d’ENR de 9 %.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"839138655306461184"}"></div></p>
<h2>La recette critiquable de l’Ademe</h2>
<p>Dans les scénarios de l’Ademe, les ENR atteignent pourtant sans forçage 85 % de part de production en 2050 et 95 % en 2060 et le nouveau nucléaire ne se développe aucunement. Ce alors même que le modèle prévoit que le parc électrique français en 2050 compte 95 GW d’éolien et 80 GW de photovoltaïque en face d’une demande de pointe de 100 à 110 GW en 2050-2060, des niveaux qui devraient donc faire effondrer les prix, comme expliqué plus haut.</p>
<p>Comment est-ce possible ?</p>
<p>Ces résultats surprenants de l’Ademe s’expliquent par des hypothèses extrêmes concernant plusieurs éléments du système électrique et son environnement. Elles permettent que soit maintenue la valeur économique des productions variables des ENR au fur et à mesure de leur développement. Dans les autres modèles, cette valeur plonge très vite car ils ne contiennent pas ces hypothèses hétérodoxes.</p>
<p>Parmi elles, citons :</p>
<ul>
<li><p>une flexibilité gigantesque dans le système : des demandes effaçables à très grande échelle, c’est-à-dire d’interruption immédiate de la consommation dans tous les usages. Elles conduisent à un total de 60 GW, au bas mot, sur une demande totale de 100-110 GW en pointe,</p></li>
<li><p>des importations/exportations miraculeusement alignées sur les besoins d’équilibrage du système français, avec comme levier un triplement des lignes d’interconnexion avec les pays voisins ; un essor qui ne tient aucun compte des énormes <a href="http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/55424/RSCAS_PB_2018_06_FSR.pdf?sequence=1">contraintes d’acceptabilité des lignes à haute tension</a>,</p></li>
<li><p>le développement téléguidé d’usages baroques de l’électricité pour absorber les surplus : production de chaleur industrielle, d’hydrogène industriel et d’hydrogène pour des véhicules spécialisés, ou encore d’hydrogène pour produire du méthane concurrent du gaz naturel et du biométhane promu par ailleurs.</p></li>
</ul>
<p>Ce sont ces hypothèses extrêmes et quelques autres qui permettent de « sauver » le soldat ENR de la noyade économique et de dégager du même coup le nucléaire. Il faut beaucoup de « si » pour que tout l’environnement du système de production électrique se façonne comme le souhaite l’Ademe. En réalité, il faudrait un planificateur d’une d’autorité considérable pour l’imposer. Il faudrait également que se développe un système numérique de surveillance orwellienne de tous les consommateurs qui, tel Big Brother, commanderait à distance et chaque heure les consommations de presque tous les agents en fonction des variations météorologiques et des variations de prix associés.</p>
<p>Au bout du compte, on ne peut que regretter le mauvais usage du raisonnement économique par l’équipe de l’Ademe. Une démarche rigoureuse et non partisane aurait au moins impliqué que soit testé l’effet de ces hypothèses originales seules ou combinées sur les résultats. On peut le regretter car si on décide de faire toute la place aux renouvelables intermittentes comme le propose l’Ademe, cela devrait coûter cher à la France par rapport à un futur raisonnable où toutes les options bas carbone, nouveau nucléaire y compris, auraient concouru sur un pied d’égalité économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherche de nombreuses entreprises, notamment au cours des cinq années passées d’EDF. Par ailleurs, François Lévêque est membre du Conseil scientifique d'EDF.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Finon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans une récente étude parue fin 2018, l’Ademe affirme que le tout énergies renouvelables compose l’horizon énergétique le plus compétitif. Une position qu’il convient d’interroger.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSL
Dominique Finon, Driecteur de recherche CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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