tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/esthetique-35458/articlesesthétique – The Conversation2023-11-20T17:14:08Ztag:theconversation.com,2011:article/2175742023-11-20T17:14:08Z2023-11-20T17:14:08ZLe lisse et le dru : ce que notre rapport à la pilosité dit de nous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560370/original/file-20231120-21-jkuiqn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=68%2C15%2C5031%2C3922&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fantaisie érotique montrant une femme nue portant un diadème, s'épilant le pubis sous le regard d'un angelot. 18e siècle. </span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span></figcaption></figure><p>Dans l’histoire de l’Occident comme dans celle du monde méditerranéen et proche-oriental, le paradigme historique de la beauté associe la peau lisse, épilée, au genre féminin, tandis que la pilosité est réservée au genre masculin, à quelques exceptions près. Le cas de l’Iran est, à ce titre, exemplaire. La veille du mariage, la <em>bandandaz</em> (l’épilatrice), maniant avec dextérité fil, pâte dépilatoire à base de chaux, rasoir et cire transforme le corps poilu de fille en corps entièrement lisse de femme. L’épilatrice porte une attention particulière aux sourcils devant désormais former des arcs fins et parfaits. Aux « pattes de chèvre » (<em>pâtche bozi</em>) touffues des adolescentes se substituent deux courbes jugées plus harmonieuses.</p>
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<p>Dans le quotidien, l’état des sourcils des Iraniennes renseigne sur le statut de l’interlocutrice et invite d’emblée à employer tel terme d’adresse ou telle formule de politesse. Mais, dans leur souci d’émancipation, de jeunes filles intrépides brouillent ce code de reconnaissance ; anticipant sur le rite de passage et voulant se conformer aux canons de la beauté juvénile occidentale, elles se font épiler les sourcils, ce qui entraîne, dans les milieux conservateurs, la réprobation de leurs parents.</p>
<h2>Des pratiques fluctuantes</h2>
<p>Les exceptions historiques et ethniques à ce schéma général opposant le lisse au dru ne manquent pas. Le christianisme a prôné, avec plus ou moins de succès, le respect de la nature créée par Dieu, les poils ayant, en outre, pour vertu, de cacher les « parties honteuses », tandis que l’épilation du pubis et des aisselles est la norme, pour les deux sexes, dans les sociétés islamiques, les poils qui retiennent les sécrétions (le sang, l’urine, la sueur, les matières fécales) étant considérés comme impurs. On ne saurait, dans ces conditions, effectuer ses obligations religieuses couvert de poils et il est significatif que la pâte dépilatoire soit appelée en persan <em>vâjebi</em> (« obligatoire »).</p>
<p>En France, du Moyen-âge au XVI<sup>e</sup> siècle, les femmes aisées pratiquaient l’épilation intégrale, un usage qu’avaient découvert les Croisés en Orient. On comptait ainsi 26 bains chauds ou étuves à Paris en 1292. Puis, la pratique de l’épilation s’estompe pendant les siècles qui suivent la Renaissance ; l’eau, et surtout l’eau chaude, a alors mauvaise réputation ; elle est censée amollir les chairs et rendre les pores de la peau perméables aux microbes.</p>
<p>Malgré une réhabilitation partielle des bains chauds à la fin du XVIII<sup>e</sup> et au XIX<sup>e</sup> siècle, il faut attendre le XX<sup>e</sup> siècle pour que l’épilation retrouve une pleine légitimité : la disparition des robes longues, l’apparition des décolletés, le dénudement progressif des corps en période estivale, puis l’apparition des bas transparents en nylon en 1946 contribuent à ce retour, voire à une dictature du lisse (« a depilatory age », dit une historienne américaine), qui connote, en outre, la désanimalisation, le net, l’hygiénique et l’inodore. Franchissons l’océan atlantique : au Mexique, dans les zones de frontière ethnique, comme l’a démontré l’anthropologue Jimena Paz Obregon, les femmes d’origine espagnole mettent un point d’honneur à ne pas s’épiler les jambes pour se démarquer des Indiennes à la peau naturellement glabre. Le souci de manifester son appartenance ethnique l’emporte ici sur celui d’exhiber les signes de féminité communément admis en montrant des jambes lisses.</p>
<h2>Des normes en voie de redéfinition</h2>
<p>Chez les femmes d’aujourd’hui, dans le sillon de la récente vague féministe initiée avec le mouvement #MeToo, la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/le-sens-du-poil-9919696">rébellion contre le lisse</a> correspond au refus de se plier aux normes de genre et de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/a-l-origine-de-l-epilation-comme-injonction-feminine-6638853">consacrer du temps à des injonctions</a> liées au seul désir masculin dans un cadre hétéronormé, mais aussi au refus d’une forme d’infantilisation ou d’hypersexualisation… sans compter le caractère douloureux et coûteux de l’opération.</p>
<p>En France, les <a href="https://www.charles.co/blog/etudes-et-sondages/sondage-ifop-pratiques-depilatoires/">femmes qui ne s’épilaient pas</a> le pubis étaient 15 % en octobre 2013, contre 28 % en janvier 2021. Plus globalement, la proportion de femmes épilées diminue : 85 % en octobre 2013, contre 72 % en janvier 2021.</p>
<p>Mais la barbe, dira-t-on. Voilà un attribut pileux qui manifeste l’appartenance au genre masculin – quoiqu’elle puisse faire l’objet d’un jeu queer avec le genre, comme en témoigne le chanteur drag queen Conchita Wurst, gagnant de l’Eurovision en 2014. La barbe d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la barbe des « poilus » de 1914, avec la moustache drue du temps passé que vantaient les héroïnes de Maupassant (dans un court texte intitulé « La moustache »). La barbe d’aujourd’hui n’est pas non plus celle, hirsute, du révolutionnaire mais une barbe entretenue avec une tondeuse à sabots – la « hype » autour des barbiers pointus en témoigne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559346/original/file-20231114-21-42im9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Conchita Wurst lors de la conférence de presse des vainqueurs, juste après avoir gagné le Concours Eurovision de la chanson 2014 Copenhague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conchita_Wurst#/media/Fichier:ESC2014_winner's_press_conference_06.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>La barbe est de nos jours un signe d’entrée dans la vie adulte (d’après l’enquête Opinion Way de 2018, 92 % des 24-35 ans la portent) alors que, négligée, ce fut longtemps un signe d’entrée dans la vieillesse. Ce qui frappe, c’est donc cette inversion des usages et des significations. Cette différence de génération se reflète aussi dans les appréciations des femmes : d’après la même enquête, les jeunes femmes en couple sont peu séduites par des visages complètement rasés (17 %), alors que 42 % des femmes de plus de 35 ans apprécient ce style. Autre témoignage de cette inversion : 44 % des plus de 50 ans se rasent tous les jours, 6 % seulement des moins de 35 ans.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1084850521196900352"}"></div></p>
<p>Nous sommes passés, chez les hommes, d’une génération au visage lisse à une génération valorisant le poil sur le visage, d’une esthétique faciale glabre à une esthétique pileuse – bien que domptée. Dans les années 1980-1990 caractérisées par un minimalisme esthétique et où dominaient les idéologies modernistes, tout était lisse : le glabre, le clean, la coupe rase des garçons, se sont accordés avec le gris froid de l’ordinateur, la simplicité lisse du mobilier et la nudité des façades ; seuls sur les visages une « mouche » ou quelques poils en bordure des lèvres rappelaient la différence de genre.</p>
<p>Chez les femmes aussi, cette idolâtrie du lisse semble avoir vécu – mais pouvons-nous prévoir l’avenir ? – et les mannequins les plus en vue n’hésitent pas à exhiber des aisselles velues, tandis que certaines influenceuses assument des jambes poilues. Ce mouvement fut initié par Julia Roberts et Milla Jovovich qui exhibaient fièrement en 1999 leurs aisselles dont elles avaient laissé repousser les poils. Serait-ce l’annonce d’un – improbable – retour vers <a href="https://www.nova.fr/news/salvador-dali-larchitecture-du-futur-sera-comestible-et-poilue-143384-26-05-2021/">« une esthétique poilue »</a>, une expression que Salvador Dali employait pour caractériser l’architecture de Gaudi ?</p>
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<p>La mise en relation de la manière d’entretenir ses poils et des dominantes stylistiques est manifeste à d’autres périodes de l’histoire. Ainsi à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. L’exubérance des jardins baroques, la prolifération ornementale des chapelles de la même époque et les extraordinaires coiffures : perruques du règne de Louis XVI, ornées de plumes, de rubans, de bateau… participent d’un même schème esthétique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560462/original/file-20231120-17-gkbvzd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Typologie des perruques présentée dans l’Encyclopédie méthodique, 1785.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Perruque#/media/Fichier:Perruques_-_Encyclop%C3%A9die_m%C3%A9thodique.png">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Scruter une société par ses recoins pileux peut paraître a priori bien futile. Mais ces jeux de l’apparence qui semblent détourner de l’essentiel nous y ramènent brutalement quand on considère les passions, les polémiques, les interdits, les violences qu’ils peuvent susciter. Comme souvent, l’accessoire (ici le lisse et le dru) est une fenêtre privilégiée pour humer l’air du temps.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : Christian Bromberger, <a href="http://www.editions-creaphis.com/fr/catalogue/view/1093/les-sens-du-poil/">« Les sens du poil »</a>, Creaphis éd.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bromberger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critères de beauté évoluent, et la pilosité n’échappe à la règle, nous renseignant au passage sur les rôles de genre dans la société.Christian Bromberger, Anthropologue, professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004612023-02-22T19:56:22Z2023-02-22T19:56:22ZTendances : quand le culte du moche fait vendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511679/original/file-20230222-21-89hvp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C41%2C1140%2C810&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Crocs, ces chaussures en caoutchouc pratiques mais très peu esthétiques, ont été récupérées par des grands créateurs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pink_Water_Crocs_%282671592700%29.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.statista.com/statistics/255824/sales-per-average-store-of-victorias-secret-worldwide/">-25 %</a>. Avec une telle chute des ventes, la [marque de lingerie américaine] Victoria’s Secret touche le fond et sa longue descente aux enfers, amorcée depuis 2017, met la [branche britannique de] l’entreprise en <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/victorias-secret-en-faillite-au-royaume-uni-800-emplois-menaces-1371878">faillite en 2020</a>.</p>
<p>L’une des raisons de la baisse continuelle du nombre de points de vente et des profits de la marque aux anges transparaît dans certaines des critiques qui lui sont adressées, accusant la marque d’archaïsme et lui reprochant de véhiculer une image de la perfection féminine alors jugée condamnable. L’entreprise fait l’objet de nombreuses attaques, à l’instar de celle qui s’exprime en 2014 dans le <em>Daily Mail</em> <a href="https://www.dailymail.co.uk/debate/article-2815015/Offensive-cruel-irresponsible-don-t-want-daughter-advert-writes-SARAH-VINE.html">contre sa nouvelle campagne intitulée « The Perfect Body »</a> (« le corps parfait ») :</p>
<blockquote>
<p>« L’utilisation du terme “perfect” n’est pas seulement offensante pour les 99,9 % de la population féminine qui ne partagent pas les proportions idéales des mannequins de la marque, elle est aussi profondément irresponsable, voire carrément cruelle ».</p>
</blockquote>
<p>L’idéal d’une beauté sublimée a fait long feu… Et si la laideur est une valeur à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mode-23119">mode</a>, c’est tout simplement parce que la beauté ne l’est plus.</p>
<h2>Le beau, archétype d’une contrainte abhorrée</h2>
<p>Même si le culte des images sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> continue de laisser peu de place à l’imperfection – en témoignent les nombreuses applications de retouches qui, tout en créant les canons d’une beauté universelle, nous empêchent de distinguer le vrai du faux –, les industriels de la mode font aujourd’hui assaut d’imagination et de créativité pour se différencier les uns des autres en s’attaquant à l’unicité des codes de la beauté universelle.</p>
<p>Le laid devient l’expression d’une différence voulue et recherchée et les créateurs veulent aujourd’hui se démarquer de l’harmonie des formes et des proportions en abordant des territoires et des imaginaires encore en friche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Magasin Victoria’s Secret" src="https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511688/original/file-20230222-684-c8nmnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La branche britannique de la marque de lingerie Victoria’s Secret, notamment critiquée pour sa campagne <em>The Perfect Body</em> (le corps parfait), a fait faillite en 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/perspective/20529431896">Elvert Barnes/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a quelque chose de provocant, de différent et d’attirant dans la laideur. En 2018, Gucci faisait défiler des mannequins portant sous le bras une <a href="https://www.peaches.fr/mode/ces-marques-de-luxe-font-defiler-la-diversite-et-chamboulent-les-codes-des-catwalks-38845.html">reproduction de leur propre tête</a>. Balenciaga a fait sensation au Met Gala 2021 en habillant les plus grandes stars américaines de façon très originale : grâce aux doudounes/plaids de Kim Kardashian, Rihanna et Asap Rocky, Balenciaga a marqué les esprits, évitant l’indifférence par des formes disproportionnées et un style extravagant réservé à une poignée d’originaux ayant les moyens mais aussi l’assurance de porter des vêtements transgressifs. Une forme de laideur qui permet à Balenciaga de se distinguer des autres.</p>
<p>Comme l’explique André Mazal, directeur du planning stratégique chez [l’agence de communication] BETC, <a href="https://www.elle.fr/Mode/Les-news-mode/Pourquoi-le-moche-est-a-la-mode-3929982">à chaque marque sa forme de surréalisme</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Dior et Gucci ont choisi un surréalisme féérique quand Balenciaga tente le surréalisme politique. »</p>
</blockquote>
<p>Le ringard devient parallèlement tendance : les Birkenstock sont désormais l’un des symboles du luxe depuis que l’entreprise allemande a été rachetée par LVMH. Sans aucune volonté d’être à la mode, ces chaussures ont été lancées en 1974 avec le confort pour seul argument. La forme caractéristique de leurs semelles n’a jamais changé. Lorsque le rétro devient à la mode au début des années 2010, des créateurs de haute couture s’emparent de la Birkenstock, donnant un coup de pouce considérable à la marque. Les consommateurs ont ainsi redécouvert les sandales, trouvant l’occasion de les porter sans gêne aucune puisque <a href="https://madame.lefigaro.fr/style/esthetiquement-incorrect-et-le-moche-detronent-ils-les-codes-du-beau-160421-196179">assurés d’être dans l’air du temps</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1398202901881782275"}"></div></p>
<p>L’appropriation influence les achats des consommateurs de façon significative. Un objet moche, soudainement porté par une certaine élite, devient socialement désirable.</p>
<p>Dans le même esprit, certains objets se sont ancrés dans notre quotidien alors qu’ils étaient destinés à une population confidentielle et particulière : les Crocs, ces chaussures en caoutchouc pratiques mais très peu esthétiques, ont été récupérées par des grands créateurs. Le modèle classique, à moins de 30 dollars, est devenu un emblème du luxe lorsqu’il a été revu par les créatifs de Balenciaga et vendu 495 dollars ou par le [créateur écossais] Christopher Kane en personne (un modèle pour lequel le prix n’est indiqué que sur demande…).</p>
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<p>Ce mouvement de fond, profond et puissant, signe aussi l’émergence d’un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> plus inclusif qu’il n’a pu l’être. Le mouvement du <em>body positive</em> pousse les femmes à se tourner vers des marques qui partagent leurs valeurs, leur proposant des standards de beauté plus proches de leur physionomie. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marques-39209">marques</a> cherchent ainsi à mieux épouser les valeurs morales qui animent aujourd’hui leurs clients, au moins dans leurs discours – transparence, éthique, respect de l’environnement, vrai au détriment du beau.</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Le laid est donc une notion subjective qui ne se définit plus en creux, s’opposant au beau. Le laid s’impose à la fois comme vecteur de différenciation à l’encontre de certains diktats sociaux, jugés trop contraignants et politiquement incorrects. S’ouvre désormais une période qui souhaite promouvoir de nouvelles aspirations – l’authenticité, l’indépendance d’esprit et l’originalité, notamment – au détriment de la beauté, jugée désormais trop normative et figée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">Éditions De Boeck Supérieur</a></span>
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<p>La puissance de cette appropriation culturelle est encore illustrée par le survêt’. Alors que <a href="https://theconversation.com/ce-que-karl-lagerfeld-a-apporte-au-luxe-daujourdhui-et-de-demain-112091">Karl Lagerfeld</a> affirmait que s’habiller en jogging, c’était abdiquer, le survêt’, par son côté lâche et décontracté, devient classe et les marques se battent pour le réinventer.</p>
<p>Lacoste est d’ailleurs le grand vainqueur de la tendance. La marque a pu, dans les années 1990, surfer sur cette mode du vintage chic et remettre le crocodile au goût du jour. Elle a su faire siennes de nouvelles tendances sociologiques lui permettant de s’adresser concomitamment à des cibles pourtant très différentes par nature. Ainsi, comme l’explique Sandrine Conseiller, sa directrice marketing, Lacoste s’est fait le porte-voix de la mixité culturelle. Sponsor des grands tournois de tennis tout autant que du placement de produits dans certains clips de rap, l’entreprise a su combiner diversité sociale et symbolique avec maestria.</p>
<p>Au-delà du simple débat entre le laid et le beau, l’emphase est ici bien évidemment portée sur l’extrême plasticité du marketing, appelée à durer, et sa capacité à se réapproprier des codes et des valeurs en phase avec l’évolution de normes sociales dominantes.</p>
<p>Notre analyse est aussi l’occasion de souligner que le narratif des entreprises sera sans doute moins contrôlé et univoque que par le passé. Les entreprises vont devoir apprendre à s’adapter à des évolutions multiples, plus critiques et parfois radicales.</p>
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<p><em>Ce texte est extrait du livre <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">« Le marketing aujourd’hui. 25 nouvelles tendances »</a> de Frédéric Jallat, publié aux Éditions De Boeck Supérieur en février 2023</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Jallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la laideur est aujourd’hui une valeur à la mode, c’est tout simplement parce que la beauté ne l’est plus.Frédéric Jallat, Professeur de marketing à ESCP Business School, professeur vacataire, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1878142023-02-16T16:44:54Z2023-02-16T16:44:54ZLa révolution artisanale a contribué à développer le marché du café de spécialité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477513/original/file-20220803-21966-8e4f6d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4852%2C3246&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'industrie du café de spécialité privilégie le travail manuel et l'authenticité à la recherche du profit.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Austin Park/Unsplash)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://blog.bham.ac.uk/business-school/2018/03/19/the-rise-and-rise-of-craft-business-the-craft-takeover/">La révolution artisanale est partout</a> : bière artisanale, café de spécialité, savon fait main, glace artisanale… Si certains croient que cette tendance <a href="https://ideas.time.com/2012/09/19/the-perils-of-coffee-snobbery/">est d’un snobisme ridicule</a>, d’autres s’émerveillent de l’esthétique des expériences artisanales.</p>
<p>La révolution artisanale est généralement vue comme une réaction à l’industrialisation à outrance ou comme une façon de <a href="https://doi.org/10.1177/0001839218817520">garder des traditions et des cultures vivantes</a> dans un monde homogène dominé par les affaires. <a href="https://doi.org/10.1016/j.ccs.2011.01.004">Les entreprises artisanales et les professionnels du milieu participent à l’essor de professions créatives</a>, au lieu de privilégier la course au profit. Ils sont animés par <a href="https://doi.org/10.1177/00222429221093624">l’expression créative, l’affirmation esthétique et la qualité</a>.</p>
<p>L’artisanat donne aux professionnels la possibilité de créer des produits uniques qui correspondent à leur vision profonde. Les fabricants peuvent ainsi se démarquer en exprimant leur identité dans leur travail.</p>
<p>L’artisanat témoigne du désir toujours plus marqué des producteurs et des professionnels de privilégier l’affirmation esthétique, d’exprimer leur créativité et de créer des produits de qualité. Le marché du café propose une gamme de ressources culturelles et d’expressions telles que « fait main », « connaisseur », « artisanal » et « snob du café ».</p>
<h2>Créer un marché</h2>
<p>Les valeurs et les convictions qui sous-tendent le travail artisanal de même que <a href="https://doi.org/10.1002/nvsm.1525">l’affirmation esthétique</a>, la créativité et la qualité se sont infiltrées dans de nombreux marchés, notamment ceux de la coiffure pour hommes, de la bière, de la boucherie, du chocolat, des cocktails, des tatouages, de la cuisine, du jean, de la mode, de la moto et du café.</p>
<p>Entre 1991 et 1998, le nombre de cafés proposant des cafés de spécialité est passé de 1 650 à environ 10 000 aux États-Unis. En 2015, il y avait quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/196590/total-number-of-snack-and-coffee-shops-in-the-us-since-2002">31 490 cafés offrant des cafés de spécialité</a>. Le café de spécialité représente aujourd’hui <a href="http://www.scaa.org/?page=resources&d=facts-and-figures">plus de la moitié de la valeur du marché de détail américain, établie à 48 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Cette augmentation de la demande et de la popularité de biens de consommation conçus selon une approche artisanale a fait basculer une grande partie du marché vers les valeurs et les convictions liées à l’artisanat.</p>
<h2>Valeurs et convictions</h2>
<p>Les entreprises fondent leurs activités sur des valeurs et des convictions clés. Les entreprises artisanales mènent leurs activités dans un souci d’affirmation esthétique, d’expression créative et de qualité. À l’inverse, les sociétés commerciales telles que McDonald’s et Tim Hortons privilégient la maximisation des profits.</p>
<p>Chaque type d’entreprise (commerciale ou artisanale) innove donc à sa façon. Dans le domaine du café, les entreprises artisanales ont adopté des méthodes de culture, de traitement, de torréfaction et d’infusion du café faisant ressortir les saveurs distinctives du grain selon ses origines, <a href="https://perfectdailygrind.com/2018/03/what-is-terroir-and-how-does-it-affect-your-coffee/">son terroir</a> (la manière dont le contexte de sa culture influe sur son goût) et sa <a href="https://dailycoffeenews.com/2019/02/07/the-coffee-roasters-complete-guide-to-coffee-varieties-and-cultivars/">variété</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un homme vêtu d’une chemise bleue observe la préparation d’un café à la louche" src="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les produits utilisés pour faire le café sont conçus pour rehausser l’expérience du consommateur et du barista.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Oak & Bond Coffee/Unsplash)</span></span>
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<p>Des produits novateurs, tels que le <a href="https://www.kruveinc.com/pages/kruve-sifter">tamis à café Kruve</a>, la <a href="https://decentespresso.com/de1plus">machine à espresso Decent DE1+</a> ou le <a href="https://weberworkshops.com/products/eg-1">moulin à café Weber EG-1</a>, présentent tous la même caractéristique essentielle : offrir aux baristas et aux consommateurs un meilleur contrôle des variables de la préparation du café afin qu’ils puissent en parfaire l’expérience esthétique.</p>
<p>Les entreprises commerciales introduisent des produits présentant un potentiel de profit. Le fameux <a href="https://www.starbucks.com/menu/product/418/hot?parent=%2Fdrinks%2Fhot-coffees%2Flattes">latte à la citrouille épicée de Starbucks</a>, le <a href="https://www.nespresso.com/ca/fr/order/machines/vertuo/vertuo-vertuoline-black">Vertuo de Nespresso</a> et la <a href="https://www.newswire.ca/news-releases/tim-hortons-launches-new-lineup-of-richer-bolder-handcrafted-espresso-beverages-and-invites-canadians-to-sample-them-with-2-any-size-promotion-857321965.html">gamme de boissons à base d’espresso récemment lancée par Tim Hortons</a> ne tiennent pas compte de l’expérience du café ou de la mise en valeur des saveurs distinctives d’un grain. Ils offrent plutôt aux consommateurs des produits et des services sympathiques, abordables ou pratiques qui contribuent à augmenter leurs marges bénéficiaires.</p>
<h2>Créer un langage</h2>
<p>Quelles que soient les valeurs et les convictions des entreprises commerciales et artisanales, ce sont les interactions entre elles qui poussent les marchés comme celui du café à prendre une direction plus artisanale. Les sociétés commerciales s’inspirent ainsi des aspirations créatives et esthétiques des entreprises artisanales.</p>
<p>Elles empruntent le vocabulaire que ces dernières ont apporté au marché du café, comme les <a href="https://news.dunkindonuts.com/news/sipping-is-believing-dunkin-takes-aim-at-winning-over-espresso-drinkers-with-an-entirely-new-handcrafted-espresso-experience">boissons au café « artisanales » de Dunkin’ Donuts</a> ou les <a href="https://nestle-nespresso.com/news/introducing_barista_creations">capsules de café Nespresso « inspirées » des baristas de Brooklyn et de Melbourne</a>.</p>
<p>Elles automatisent les procédés complexes et rituels de préparation du café des baristas artisanaux, augmentant ainsi la rentabilité tout en faisant découvrir aux consommateurs ordinaires certains aspects de la préparation artisanale du café.</p>
<p>Les entreprises artisanales s’engagent sur le plan esthétique dans l’innovation commerciale. Elles transforment le latte à la citrouille épicée en utilisant un <a href="https://www.baltimoremagazine.com/section/fooddrink/the-best-places-to-get-your-pumpkin-spice-fix-this-fall/">sirop artisanal et une sélection d’épices</a> qui se marient parfaitement aux caractéristiques gustatives d’un grain de café précis. Certaines entreprises artisanales ont également profité de l’aspect pratique des machines à capsule et ont <a href="https://mtpak.coffee/exploring-rise-specialty-coffee-capsules/">développé leurs propres versions</a> pour offrir aux consommateurs la possibilité de déguster un café haut de gamme à la maison.</p>
<p>Avec le temps, ces interactions font évoluer le marché tout entier, en y introduisant des valeurs artisanales qui transforment l’expérience de tous les consommateurs.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CfGS_6BoIak","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Engagement, expression et authenticité</h2>
<p>Les complexités associées aux produits artisanaux ont également permis aux gens de <a href="https://doi.org/10.1093/jcr/ucw054">se former et de se distinguer par leurs goûts</a>. Les ressources et l’expertise culturelles sont essentielles dans notre façon de nous exprimer et de définir qui nous sommes.</p>
<p>La révolution artisanale a <a href="https://www.doi.org/10.23943/princeton/9780691165493.001.0001">soutenu la professionnalisation de nombreux domaines</a>. Des professions comme celles de barbier, de boucher, de barista et de créateur de cocktails ont désormais un cachet culturel élevé. Elle a également favorisé l’émergence de nouvelles identités, des <a href="https://www.taylorlane.com/blogs/read/coffee-connoisseur">connaisseurs de café</a> aux <a href="https://www.beardedvillains.com/">méchants barbus</a> en passant par les <a href="https://www.thealchemistmagazine.ca/2022/03/16/vancouver-cocktail-week-nerd-edition/">accros du cocktail</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/0022242921997081">Certains estiment que l’artisanat offre des produits plus authentiques</a>, sans doute parce qu’il crée une sorte de relation directe entre le producteur et le consommateur, s’éloignant de la production normalisée du marché de masse qui domine en grande partie notre économie. Mais alors que l’expression créative des artisans peut se trouver dans leurs produits et leur présentation, les entreprises commerciales sont devenues habiles pour imiter l’art des professionnels de l’artisanat, <a href="https://www.mensjournal.com/food-drink/is-that-really-craft-beer-21-surprising-corporate-brewers-20150923/">ce qui rend difficile la distinction entre les deux</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/00222429221087987">L’authenticité est un concept ambigu</a> ; ce que certains considèrent comme authentique peut être perçu comme élitiste par d’autres. Le succès de l’artisanat réside peut-être dans sa capacité à exploiter nos idéaux nostalgiques du travail et notre désir toujours plus vif de connaître les origines des produits, leur histoire et les personnes qui les fabriquent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187814/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yann Dolbec a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines. </span></em></p>La demande des consommateurs pour des produits et des expériences authentiques fabriqués à la main a permis d’élever le cachet culturel de professions telles que les baristas et créateurs de cocktails.Pierre-Yann Dolbec, Associate professor in marketing and Research Chair in Complexity and Markets, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1884022022-08-10T17:35:26Z2022-08-10T17:35:26ZComment le surf fabrique des stéréotypes de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478303/original/file-20220809-17-kifdqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C24%2C5422%2C3606&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l'imaginaire du surf, les femmes sont souvent hypersexualisées et correspondent à des normes esthétiques bien précises.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/_EBv1BKtbvs">Unsplash / Jeremy Bishop</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les incendies en Gironde rappellent aux vacanciers de la côte atlantique combien la canicule et la sécheresse marquent un inéluctable dérèglement climatique. Pourtant, la saison bat son plein dans le sud aquitain, berceau du surf européen, avec cette année des eaux aux températures quasi tropicales. L’odeur de menthe des mojitos se confond avec le parfum de la wax et du monoï. Les animations socioculturelles célèbrent la culture surf à travers des expositions, des festivals, des compétitions sportives, des actions de prévention liées aux menaces d’ordre écologique qui affectent l’intégrité environnementale des océans. La musique résonne et les surfeurs professionnels enchaînent, au cœur de décors paradisiaques, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OQGBN6s8EfE">tubes</a> et les <a href="https://ma.surf-report.com/videos/surf/albee-layer-alley-oop-540-aerial-526186895.html">aérials</a> sur les écrans de télévision des surf shops ou des établissements de nuit. Les stations balnéaires du littoral sud aquitain ont toutes revêtu leur costume californien.</p>
<p>Mais en marge des stéréotypes socioculturels liés à la mise en tourisme du surf qui constituent le paysage idyllique véhiculé sur les cartes postales et dans la plupart des médias nationaux – qui, chaque été, consacrent un reportage au surf sur la côte atlantique – quelles sont les limites de ce développement touristique articulé autour de la promotion d’une activité sportive ? En d’autres termes, quel est le revers de la médaille d’une discipline sportive désormais inscrite au panthéon des jeux olympiques ?</p>
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<p>Les recherches en sciences sociales sur le surf se multiplient depuis les travaux précurseurs initiés en 1994 par <a href="https://books.openedition.org/msha/16041?lang=fr">Jean-Pierre Augustin</a>, professeur de géographie à l’Université Bordeaux Montaigne, décédé à Lacanau en juin 2022 et auquel il s’agit ici de rendre un vibrant hommage. Même si elles n’embrassent pas les mêmes cadres paradigmatiques, <a href="https://www.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/actualites/nouvelles-publications/surf-a-contre-courant.html">ces recherches scientifiques</a> mettent en exergue, dans une <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_univers_du_surf_et_strategies_politiques_en_aquitaine_christophe_guibert-9782296017085-22413.html">féconde complémentarité</a>, le fait que la pratique du surf et les <a href="https://www.arkhe-editions.com/livre/histoire-du-surf/">cultures sportives</a> qui leur sont associées sont beaucoup plus complexes que la manière dont elles sont scénarisées dans les médias.</p>
<h2>Un sport esthétisé à l’extrême</h2>
<p>Le surf est une pratique sportive exigeante. Elle requiert une excellente condition physique, patience, abnégation, et une connaissance fine du milieu océanique. Pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire accomplir un <em>ride</em> sur la vague, le surfeur doit entrer en syntonisation avec la vague, s’immerger dans le mouvement provoqué par la houle, être placé au bon endroit ; au bon moment. Le surf est une rencontre, une <a href="https://www.surfersjournal.fr/surf-change-monde-itv-de-gibus-de-soultrait/">« opportunité opportune »</a> avec la vague. C’est ce que mettent en scène les vidéos consacrées au surf où les surfeurs atteignent une forme d’excellence tant sportive, qu’esthétique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-formation-des-vagues-et-comment-les-surfeurs-les-domptent-186414">Comprendre la formation des vagues, et comment les surfeurs les domptent</a>
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<p>Cette esthétisation de la performance sportive suscite la fascination et le désir mimétique chez une grande partie des néo-pratiquants qui s’inscrivent auprès des écoles de surf pour prendre des cours. En revanche, les accomplissements éprouvés lors des leçons sont parfois loin de correspondre aux fantasmes qu’ils nourrissent.</p>
<p>En effet, en période estivale, les nouveaux pratiquants ne pourront s’initier que dans des vagues de bord, dans les mousses, qui atteignent rarement une taille qui va au-delà de leurs épaules. Ils n’ont pas les ressources physiques et la connaissance du milieu océanique nécessaire, et les moniteurs sont les garants de leur intégrité physique et psychologique. Ils seront également confrontés à la cohabitation avec d’autres néophytes, ainsi exposés à la surfréquentation des spots induite par la démocratisation du surf qui se caractérise par une très forte densité d’écoles de surf sur les spots les plus emblématiques comme à la côte des basques à Biarritz ou à la plage du Santocha à Capbreton.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RJrUoLE8bPU?wmode=transparent&start=90" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En d’autres termes, rares seront celles et ceux qui parviendront à expérimenter la glisse dans toute son intensité, goûteront les joies de reproduire les performances sportives accomplies par les professionnels dont ils s’abreuvent sur les réseaux sociaux. À défaut de vivre la glisse dans sa déclinaison sportive, ces néophytes, non sans manifester une frustration légitime auprès des moniteurs, se rattrapent, la nuit tombée, dans une <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">tribalisation</a> des interactions sociales établies dans un contexte festif où la culture surf occupe une place hégémonique.</p>
<h2>Surfeur apollinien et surfeuse amphitrite</h2>
<p>Plus problématique encore, la mise en tourisme et la médiatisation du surf véhiculent des stéréotypes de genre. En effet, la mise en scène de l’excellence sportive est essentiellement réservée à la gent masculine. Elle s’orchestre par le biais des <a href="https://www.codezero.fr/le-sportif-mis-en-scene-par-lui-meme/">réseaux sociaux</a> ou des spots publicitaires.</p>
<p>Dans ce contexte, le surfeur se doit d’être performant, de répondre aux diktats de la réussite sportive. Il endosse ainsi les attributs de l’héroïsme sportif. L’Ulysse de la glisse doit se montrer courageux, fort, être musclé et développer une aptitude à affronter les éléments naturels. Il s’agit pour ce surfeur de fracasser, de déchirer la vague. Comme dans la plupart des univers sportifs, le monde du surf se fait ainsi l’écho de l’apologie d’une domination masculine où les faibles, les mélancoliques, les romantiques <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-161.htm?contenu=resume">n’ont pas leur place</a>. Dans ce contexte, les pratiques de surf se radicalisent. Les figures réalisées sur la vague se doivent d’illustrer l’animalité masculine alors, qu’originellement, le surf est une cosmogonie c’est-à-dire une consécration de la vague accomplie dans une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07053436.2014.881097">perspective ontologique</a>. Ainsi, plusieurs styles de pratiques du surf se superposent c’est-à-dire que certains surfeurs, inscrits dans une perspective méditative, privilégient la contemplation océanique, là où d’autres s’emploient à affronter la vague dans une approche compétitive et sportive.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-surfeurs-sauvent-des-vies-sur-les-plages-francaises-184091">Comment les surfeurs sauvent des vies sur les plages françaises</a>
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<p>A ce rythme, les affrontements et les accidents se multiplient sur les spots. Les plus enclins à répondre à cette injonction lancinante à incarner une forme de suprématie sur la nature et sur les autres ne partagent pas la moindre vague, se montrent agressifs, s’évertuent à « scorer » toutes les vagues.</p>
<p>Et si ce que les médias rangent derrière le <a href="https://blog.surf-prevention.com/conseils-surf-prevention/localisme-et-psychopathie/">terme de localisme</a> était l’expression d’un mal être existentiel de surfeurs masculins pris au piège de leur stéréotype de genre, pas encore assurés qu’il existe d’autres espaces d’expression, plus sensibles, plus pacifiques, pour incarner la figure du mâle ?</p>
<p>Quant aux surfeuses, elles sont circonscrites dans un périmètre au sein duquel seul leur capital érotique compte. Au risque de verser dans un registre plus trivial, la plupart des surfeuses sont successivement passées du rôle de muse à <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2011-3-page-521.htm">celui de fille facile, hypersexualisée</a>. En effet, là encore, la médiatisation du surf féminin met en scène les attributs corporels de celles qui répondent aux canons esthétiques de la beauté non sans convoquer des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rf/2019-v32-n1-rf04777/1062228ar/">imaginaires érotiques</a>. Pour toutes celles qui n’entrent pas dans ces standards de beauté, et malgré le fait qu’elles accomplissent des <a href="https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Surf/Actualites/Surf-xxl-awards-justine-dupont-remporte-le-trophee-de-la-meilleure-performance-de-l-annee/1159813">performances sportives remarquables</a>, il est très difficile d’occuper une place sur la scène médiatique ou bien encore d’obtenir un soutien financier de la part des <a href="https://www.lepoint.fr/sport/surf-johanne-defay-une-pepite-reunionnaise-sans-sponsor-04-10-2015-1970620_26.php">principaux sponsors</a> qui gravitent dans l’économie du surfwear.</p>
<h2>Des corps discriminés</h2>
<p>Là encore, les observations ethnographiques engagées sur les plages de la côte atlantique mettent en évidence que ce processus d’érotisation de la surfeuse trouve une résonance dans les <a href="https://www.payot.ch/Detail/sur_la_plage-jean_didier_urbain-9782228889827">sociabilités plagiques</a>, c’est-à-dire que, par mimétisme, de manière insidieuse, sont plébiscitées une sensualité et une érotisation des corps dont sont exclus toutes celles et tous ceux dont l’apparence physique pose la question de <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2017-3-page-10.htm?contenu=resume">la légitimité</a> de leur présence sur la plage. Dans ce contexte, les stéréotypes de genre véhiculés dans le monde du surf fondés sur la célébration d’un surfeur apollinien et sur la sexualisation d’une amphitrite contemporaine à la merci du désir masculin introduit des processus discriminatoires au cœur des logiques sociales propres à l’univers de la plage initialement établies sur l’émergence, au dix-neuvième siècle, <a href="https://editions.flammarion.com/le-territoire-du-vide/9782081423831">du désir de rivage</a>, sur la contemplation, la rêverie, le romantisme. Or, ces dispositions sociales initiales des usages de la plage sont situées aux antipodes d’un paradigme érotico-sportif des espaces maritimes qui traduit aujourd’hui l’incapacité de ceux qui se considèrent comme habilités à jouir de l’océan à dépasser l’appropriation nombriliste de leurs territoires de pratique.</p>
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<p>Le surf est donc peut-être devenu une discipline sportive à part entière dans la mesure où il dispose d’un pouvoir d’aliénation des masses confrontées à une réelle difficulté quant au fait d’élaborer des logiques d’émancipation vis-à-vis des normes de la <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2021-4-page-103.htm">bicatégorisation sexuée</a>. Et si le potentiel réenchantement du caractère contre-culturel du surf résidait, et aussi paradoxal que ce choix sémantique puisse le laisser entendre, dans l’émergence d’une glisse plus « terrienne » pour reprendre une expression latourienne, c’est-à-dire davantage située dans la connivence océanique afin que le surf puisse renouer avec sa puissance de transformation de l’être-au-monde ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188402/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Falaix ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les fantasmes liés à l’imaginaire du surf transforment la pratique en compétition, contraignent les corps et reconduisent des stéréotypes de genre souvent caricaturaux.Ludovic Falaix, Maître de conférences, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845722022-06-07T18:18:26Z2022-06-07T18:18:26Z« Top Chef », l’émission qui élève les plaisirs sensoriels au rang d’art<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467498/original/file-20220607-24-mt8tvp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=168%2C0%2C2039%2C1353&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'esthétique très soignée des présentations est une constante dans l'émission. </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube / Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>C’est un spectacle total que livrent chaque semaine les candidats de « Top Chef », téléréalité à succès dont la saison 15 démarre ce mercredi. Avec virtuosité, ils impressionnent par leur maîtrise de techniques surprenantes, parfois mystérieuses, souvent merveilleuses : des émulsions ou sauces que tout cuisinier se doit de connaître jusqu’à la chimie moléculaire, en passant par la cuisson aux flammes ou l’usage de la glace.</p>
<p>Les chefs-candidats se font gardiens du temple des saveurs et veillent à nous transmettre les harmonies de référence, les règles du bon goût gastronomique français. Ainsi disciples, ils s’activent sous les yeux rigoureux et bienveillants de leurs maîtres étoilés. Mais la tradition se fend sous les coups de leur imagination, de leur inventivité. Ils s’expriment et deviennent alors créateurs libérés des canons, puisant partout dans le monde, des ingrédients, important des techniques, inventant de nouvelles associations sous nos yeux. Par la création de ces plats originaux, uniques, ils deviennent de véritables artistes contemporains.</p>
<h2>Les trois figures de l’artiste</h2>
<p>Sur le plateau de M6 apparaissent ainsi les trois figures de l’artiste qui se superposent depuis l’antiquité : <a href="https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1983_num_25_4_1944">l’artisan, l’académicien et l’artiste-créateur</a> telles que Raymonde Moulin les a définies. Ce dernier, figure encore aujourd’hui dominante et romantique de nos imaginaires artistiques, apparue au 19e siècle, engage tout son être dans la création, son histoire et son identité, sa sensibilité. Il est celui qui « donne tout et qui ne lâche rien », celui qui « ira jusqu’au bout » de son art, celui qui, à partir de son individualité tend vers l’expression d’une émotion « universelle ».</p>
<p>Avec ces émissions, la cuisine comme d’autres pratiques aux accents populaires, devenue gastronomie, se dirige peut-être <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2012-2-page-7.htm?contenu=article">vers une artification, une artistisation</a>, pour être consacré comme un art à part entière.</p>
<p>Le cuisinier fait artiste n’est pas une invention récente, mais il atteint là un paroxysme de reconnaissance, révélant notre goût contemporain pour la culture évènementielle et spectaculaire. L’émission fonctionne comme un dispositif de consécration de nouveaux talents, à la fois par les pairs, par les instances légitimantes (par exemple, le Guide Michelin) et par le public.</p>
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<p>Surtout, comme pour l’art moderne et l’art contemporain, il génère la reconnaissance par le marché, celui des restaurants étoilés. Pour les candidats, l’enjeu est grand. Il consiste à passer du statut d’exécutant, à celui de maître reconnu pour son art, un passage qui en quelques mois peut le conduire vers les étoiles ultimes, comme l’ont montré les saisons précédentes. Depuis le 19e, la reconnaissance artistique passe en effet par le marché, en art plastique comme en art culinaire, conduisant certains commentateurs à parler <a href="https://www.menufretin.fr/produit/hors-doeuvre/">d’art-plastification de la cuisine</a> (Caroline Champion, intervention inédite aux journées d’étude des 2 et 3 octobre 2012, INHA).</p>
<h2>Sensorialité exacerbée</h2>
<p>Au cœur de cette mise en scène hebdomadaire, la conception du plat est l’objet de toutes les attentions. Loin des nécessités biologiques, l’image valorise avant tout la beauté visuelle du plat. S’adressant à tous les sens du jury, ce dernier juge d’abord les harmonies de couleurs, l’originalité de la disposition et de la composition. Le visuel prime mais le jury, avant de goûter, nous parle des odeurs qu’il dégage. L’ouïe comme le toucher sont mobilisés pour le craquant d’une texture, la qualité d’une cuisson, lorsque les candidats et leurs mentors sont amenés à déguster dans le noir. Expérience esthétique totale, par rapport aux autres arts qui sollicitent seulement l’un ou l’autre de nos sens, l’art culinaire se distingue par la mobilisation simultanée des cinq et en premier lieu du goût. La difficulté de description des sensations infinies qu’il génère devient alors le centre de la mise en scène du jugement des pairs et des plats et cette description nous plonge dans l’abstraction.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maîtrise technique et créativité sont à l’honneur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Youtube/capture d’écran</span></span>
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<h2>Plaisir et expérience esthétique</h2>
<p>L’attention prêtée au plat et la description des sensations qu’il procure nous conduisent à la troisième dimension, souvent oubliée dans les arts majeurs, caractéristique de l’expérience esthétique artistique : le plaisir. Mais le plaisir culinaire n’est pas le plaisir des arts « légitimes » et des beaux-arts en particulier, et peut-être que ce sont là les limites de l’artification de la gastronomie, tout au moins de son achèvement.</p>
<p>En effet, les hiérarchies esthétiques sont fragiles. Alors que l’on parlait de l’art culinaire comme du 9e art en 1923, il a été supplanté par la bande dessinée, tous deux jugés néanmoins socialement « inférieurs » aux beaux-arts légitimes.</p>
<p>La force de l’art culinaire, la mobilisation du goût qui le distingue des autres arts est également sa faiblesse, tant ces hiérarchies sont socialement construites sur des oppositions. Depuis le 18e siècle, depuis Kant et surtout Hegel, l’art légitime s’est construit sur la négation du corps et la valorisation d’un intellectualisme dont la bourgeoisie s’est saisie pour se constituer, comme le soulignait Bourdieu. Le plaisir de l’expérience artistique bourgeoise n’est pas physique. La noblesse de sentiment fait en effet mauvais ménage avec le ventre, et G. Simmel de souligner une irréductible différence lorsqu’il écrit : « Tandis que l’œuvre d’art tire l’essence de sa beauté de son intégrité, qui nous tient à distance, le raffinement de la table est une invite à l’effraction de sa beauté. »</p>
<p>Dans « Top chef » pourtant, chaque semaine, la compétition culinaire – que des esprits chagrins jugent incompatible avec l’art – qui plus est, rythmée par les messages publicitaires pour l’industrie agroalimentaire, ne cessent de nous faire rêver, pour le meilleur et pour le plaisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le plaisir de l’expérience artistique bourgeoise n’est pas physique, « Top Chef » célèbre au contraire les joies de la bonne chère tout en montrant la maîtrise artistique des candidats.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1688792021-10-03T16:58:49Z2021-10-03T16:58:49ZLe nombre d’or : de la découverte des mathématiciens à l’esthétique d’Instagram<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424174/original/file-20211001-27-t7r8su.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C785%2C632&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour Léonard de Vinci, la peinture s'apparentait à une science. Les proportions de sa Joconde correspondent à une succession de rectangles d'or. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mazanto/46376565444">Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Le nombre d’or, nommé aussi proportion divine, dicte un rapport harmonieux entre les différentes parties d’un objet ou d’une image. Le mathématicien Étienne Ghys, dans un article du <em>Monde</em> rappelle ainsi que :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’on décompose un objet en deux parties inégales, on dit que la proportion est divine, ou dorée, si le rapport entre la grande partie et la petite est le même que le rapport entre le tout et la grande partie. »</p>
</blockquote>
<p>On le représente par le nombre φ phi (fi) et a un lien direct avec le nom du sculpteur grec Phidias <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.u-pec.fr/le-nombre-d-or--9782130576143-page-5.htm">à l’origine de la façade du Parthénon d’Athènes</a>. Sa valeur est de 1,61803398874989482045… résultat d’une équation mathématique connue depuis la Grèce antique, à savoir (1+√5)/2.</p>
<p>C’est bien le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Beaut%C3%A9_math%C3%A9matique">langage mathématique</a> qui est à l’origine de notions esthétiques telles que la proportion, l’harmonie ou le principe de symétrie. Selon le mathématicien Hermann Weyl : « tous les résultats a priori de la physique ont leur origine dans la symétrie ».</p>
<h2>Beauté et bonté</h2>
<p>Dès l’Antiquité donc, les vertus esthétiques prêtées au nombre d’or sont multiples et tendent à dépasser rapidement l’harmonie et l’équilibre de l’organisation spatiale. Elles sont ainsi largement transposées à l’équilibre intérieur de l’être et des âmes. Aussi, pour Aristote, le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-1999-1-page-55.htm">beau est nécessairement harmonieux et proportionné</a> ; pour Socrate et Platon, un corps beau ne peut être que le reflet d’une âme belle. Cette équation helléniste garde une empreinte très forte dans notre civilisation : souvenez-vous des contes de fées dans lesquels tous les princes et princesses sont beaux et belles ; les bons sont beaux et les méchants beaucoup moins.</p>
<p>Le mathématicien italien Leonardo Pisano, dit Fibonacci, né en 1175, est parvenu à élaborer une suite, que l’on appelle communément la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/fibonacci-une-suite-qui-vaut-de-lor">suite de Fibonacci</a>. Elle repose sur le fait de diviser un terme par le précédent, chaque nouveau résultat s’approchant de plus en plus… du nombre d’or. Tom Hanks, dans <em>Da Vinci Code</em>, tente de décoder un message sur une scène de crime : ce n’est autre que cette suite de Fibonacci. L’architecture de la pyramide du Louvre, inspirée des pyramides égyptiennes, repose sur des proportions proches de celles définies par le nombre d’or. </p>
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<h2>Définir le beau</h2>
<p>À travers les mathématiques, les arts, les sciences ou la philosophie, toutes les civilisations ont tenté de définir le beau. Dans l’antiquité, divers théoriciens de la sculpture ont préétabli des canons de beauté à partir de cette idée de justes proportions, d’un tout harmonieux. Le canon dit de Polyclète défendait ainsi qu’un corps beau devait être égal à sept fois la hauteur de la tête. Jusqu’à la Renaissance, le beau n’est que mimesis de la nature organisée et structurée par l’équilibre du nombre d’or. Cette proportion « divine » aidait à reproduire la divine création en copiant son équilibre. Dès lors, les canons de beauté traduisent une nouvelle vision de l’homme, plus anthropomorphe.</p>
<p>Léonard de Vinci a appliqué la divine proportion à l’<em>Homme de Vitruve</em>, une sorte d’homme idéal, donnant forme à la théorie selon laquelle la nature et donc le corps de l’homme est l’exemple même de l’équilibre des proportions. Le nombril étant le point central du corps humain ainsi que du carré dans lequel il est intégré. Cette application du nombre d’or en Grèce et à Rome jusqu’à la Renaissance traduit une idéalisation du beau – dont se font l’écho Léonard de Vinci, Boticcelli ou encore Michel-Ange.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424172/original/file-20211001-21-1uwn1mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’homme de Vitruve, de Léonard de Vinci.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Homme_de_Vitruve#/media/Fichier:Vitruvian_Man_by_Leonardo_da_Vinci.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
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<p>Vitruve, architecte romain qui vécut au I<sup>er</sup> siècle av. J.-C., estimait en effet que :</p>
<blockquote>
<p>« Pour qu’un bâtiment soit beau, il doit posséder une symétrie et des proportions parfaites comme celles qu’on trouve dans la nature. »</p>
</blockquote>
<p>Nombre d’artistes se sont inspirés des multiples modèles géométriques offerts par la nature pour parvenir à des œuvres aux proportions harmonieuses et c’est toujours le cas à l’époque contemporaine. Au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, art, architecture, nature et mathématiques se croisent encore dans le système de mesure du Corbusier : le <a href="http://fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=7837&sysLanguage=fr-fr&itemPos=83&itemCount=216&sysParentName=&sysParentId=65">Modulor</a>.</p>
<p>La nature a été aussi la plus grande source d’inspiration de l’architecte catalan Gaudí. Pensez aux colonnes semblables à des arbres <a href="https://www.cairn.info/revue-sigila-2011-2-page-65.htm">à l’intérieur de la Sagrada Familia</a> ou même au dallage barcelonais marqué de l’hélice des escargots. L’art nouveau de Gaudí passionne les écoles d’art et d’architecture, mais aussi la mode (voir la <a href="https://www.vogue.com/fashion-shows/fall-2015-ready-to-wear/herve-leger-by-max-azria/slideshow/collection#1">collection automne/hiver 2015-2016 de Max Azria</a>) et fera d’ailleurs l’objet <a href="https://www.musee-orsay.fr/fr/expositions/gaudi-498">d’une exposition évènement au Musée d’Orsay en 2022</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424171/original/file-20211001-14-1d89c8d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le pavage Gaudi, à Barcelone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panot_Gaud%C3%AD.JPG">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’influence des réseaux sociaux</h2>
<p>Si depuis l’antiquité, l’équilibre des formes a guidé nombre de créations à l’origine de ce que l’on appelle les « beaux-arts », les <a href="http://manovich.net/index.php/projects/instagram-and-contemporary-image">médias du XXIᵉ siècle</a> ne sont pas en reste et ont su intégrer ces codes. Du nombre d’or à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_des_tiers">règle des tiers</a>.) en photographie comme au cinéma il n’y a qu’un pas. Les instagrammeurs ont bien compris l’intérêt d’une photographie esthétiquement équilibrée et soignée grâce au nombre d’or et le feed Instagram (le portfolio personnel de chaque utilisateur) n’est-il pas une juxtaposition de trois colonnes permettant à tout un chacun des associations d’images et d’idées poétiques sur la toile ?</p>
<p>Héritiers d’une longue histoire des images, nous avons tendance à les reproduire instinctivement ou à aimer les proportions les plus familières. Le compte @instarepeat le prouve : la prégnance de certains clichés en a fait des standards non seulement parce qu’ils invitent au voyage, à la poésie, mais aussi parce qu’ils nous renvoient à une expérience esthétique « confortable » <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsos.160027">pour notre œil habitué à certaines proportions</a>. Les utilisateurs des réseaux se mettent en scène avec un même objectif dans des photographies qui dictent et reflètent des critères de beauté certes, mais à travers la reproduction plus ou moins consciente de lignes de fuite ou de proportions aptes à retenir l’attention, <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2314643-20180728-pourquoi-photos-instagrammeurs-vacances-ressemblent-toutes">ils sont eux aussi sous l’influence du nombre d’or</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424173/original/file-20211001-15-1ub7ybb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur le compte @insta_repeat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Instagram</span></span>
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<p>L’équilibre du corps et des compositions artistiques est le reflet de valeurs sociales en constante évolution, au même titre que la perception du beau d’une époque à l’autre. Par abus de langage, parler du nombre d’or ou revendiquer son usage revient simplement à parler du beau ou du sens de l’harmonie. Nombre de mathématiciens démentent l’intérêt de ce nombre et soulignent que certaines formes ou objets jugés assez universellement comme harmonieux ne relèvent pas du tout de cette proportion. Dans l’histoire récente des sciences dures, le nombre d’or semble susciter peu d’intérêt.</p>
<p>A contrario, il continue de fasciner et d’inspirer les artistes, <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-nombre-d-or-marguerite-neveux/9782757838921">à la manière d’un mythe ou d’une notion mystique</a>. Son nom lui-même a quelque chose de fascinant, comme une clé magique et mystérieuse qui permettrait de créer du beau. Le nombre d’or fascine parce qu’il est une sorte de nœud où s’entremêlent un concept mathématique et des transpositions esthétiques dans des domaines très variés, attestant de son aura mythique qui ne risque pas de perdre du terrain à une époque de plus en plus préoccupée par l’image et l’esthétique.</p>
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<p><em>L’autrice de cet article le dédie aux étudiants de Master 2, Management International Trilingue, marchés hispanophones (2021-2022) de l’Université Paris-Est Créteil qui ont enrichi de leur réflexion le cours « Art, publicité et marketing : étude de cas du marché hispanophone ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168879/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sabrina Grillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le nombre d’or, nommé aussi proportion divine, dicte un rapport harmonieux entre les différentes parties d’un objet ou d’une image.Sabrina Grillo, Maîtresse de conférences en civilisation de l'Espagne contemporaine, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1628712021-06-18T16:54:42Z2021-06-18T16:54:42ZFête de la musique : pourquoi la musique nous émeut-elle autant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406845/original/file-20210616-3808-bb6yxc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C45%2C1759%2C1385&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vassily Kandinsky, Plusieurs cercles, 1926.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vassily_Kandinsky,_1926_-_Several_Circles,_Gugg_0910_25.jpg?uselang=fr">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>La musique est l’art le plus abstrait et qui a le plus d’effets concrets : avec des sons, rien que des sons, il met les hommes en transe ou les fait marcher au pas, il nous fait danser ou pleurer d’émotion. Justement parce qu’il est l’art des sons. L’univers sonore est en effet d’emblée émotionnel, parce que la fonction naturelle des sons, pour l’être vivant, est une fonction d’alerte. Ils l’informent sur ce qui se passe, ils éveillent à chaque instant son système d’alarme biologique. Ces changements permanents de l’état du monde sont la source de toute émotion.</p>
<h2>Un univers qui se suffit à lui-même</h2>
<p>Tension de l’écoute, à laquelle succède la détente du retour au calme, à la régularité – ou au silence. Cette opposition de la tension face aux événements inattendus et de la détente face aux événements attendus ou familiers est au fondement de toute émotion musicale. À une différence près, essentielle. Quand on entend de la musique, on cesse d’entendre chaque son comme causé par sa cause naturelle (comme lorsqu’on est soudain averti d’un événement), on entend un unique processus sonore, comme si les sons étaient causés les uns par les autres. Ainsi, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-tJYN-eG1zk">série des chocs du train contre les rails</a> n’est plus entendue comme une suite d’avertissements (le train part), mais comme un unique rythme : ta-ta-<strong>tam</strong>, ta-ta-<strong>tam</strong>, etc. Les sons ont perdu leur valeur fonctionnelle, ils sont entendus pour eux-mêmes, ils acquièrent une valeur musicale. L’univers sonore se suffit dès lors à lui-même, il se passe des objets visibles ou même de paroles. (Une majorité de musiques composées dans le monde sont accompagnées de paroles, mais pour mettre en évidence la valeur émotionnelle propre à la musique et ne pas la confondre avec celle des paroles, on ne prendra que des exemples de musiques instrumentales).</p>
<p>Dans tout événement sonore, on peut distinguer l’événement lui-même (il advient, tam !) et sa qualité (il est grave ou aigu par exemple). Les deux aspects ont sur nous des effets distincts : plutôt physiques dans un cas (des effets « motionnels »), plutôt spirituels dans l’autre (des effets émotionnels).</p>
<p>La musique peut nous faire bouger si la suite des événements est régulière : une pulsation par exemple (pom-pom-pom), une mesure (pom-popom, pom-popom), ou un rythme (suite régulière de cellules irrégulières, tagada-tsoin-tsoin, tagada-tsoin-tsoin). On tapera du pied, on battra des mains, on s’agitera seul, on dansera même à deux si la mesure est marquée et permet à chacun d’anticiper les mouvements de l’autre.</p>
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<h2>Effets émotionnels qualifiés et non qualifiés</h2>
<p>Même si effets physiques et émotionnels sont souvent mêlés, les effets proprement émotionnels sont plutôt dus aux relations entre hauteurs des notes et à leurs effets mélodiques ou harmoniques. Il faut distinguer deux grands types d’émotions musicales : les émotions « qualifiées » (tristesse, gaîté, sérénité, inquiétude, colère, etc.) et les émotions « non qualifiées » (« cette musique m’émeut »).</p>
<p>Les premières ont été étudiées depuis longtemps par les psychologues. Ils ont mis en évidence les relations entre différents facteurs musicaux (tempo lent ou rapide, rythme régulier ou non, mode majeur, mineur ou autre, attaques, etc.) et différents climats émotionnels. On constate une assez bonne universalité transculturelle des émotions de base, déterminées par deux oppositions que sont l’affect (gai/ <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9YN6278BuA8">triste</a>) et la dynamique (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=arw2DfNPR3g">agité</a> / <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fZrm9h3JRGs">calme</a>), ainsi que par leurs différentes combinaisons. Ainsi, le même plan-séquence de cinéma changera de sens selon le climat créé par la musique qui le soutient. On va jusqu’à prêter à la musique elle-même certains traits émotionnels : on dit par exemple qu’elle est gaie – ce qui paraît être un abus de langage (seul un être vivant peut être gai ou triste), mais s’explique aisément : elle se meut comme une personne gaie – par exemple grands bonds rapides, accords harmonieux, etc.</p>
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<p>Plus opaques à première vue sont les émotions musicales non qualifiées.</p>
<p>Éliminons d’abord l’émotion purement subjective, celle qu’une musique provoque chez tel ou tel parce que son écoute a été associée à telle expérience vécue. C’est simplement dû au travail associationniste de la mémoire (« Tu entends, ma chérie ? C’est notre chanson ! »)</p>
<p>L’émotion proprement esthétique, quant à elle, est celle qu’une musique nous provoque, parfois, lorsque nous nous contentons de l’écouter pour elle-même. Elle est suscitée en nous par ce que nous entendons en elle – par exemple par ce qu’on appelle, d’un terme trop vague, sa « beauté ». Souvent les deux types d’émotion, qualifiée et non qualifiée, se mêlent : on entend avec délectation qu’une musique belle est triste. C’est le délicieux plaisir des larmes.</p>
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<p>L’alchimie de l’émotion esthétique varie évidemment selon les musiques et selon les goûts ou les humeurs de chacun. Il y a cependant des constantes.</p>
<p>Il n’y a pas d’émotion musicale sans une attitude esthétique. Il faut être « tout écoute », « rien qu’écoute », si l’on peut dire. L’émotion peut alors naître de l’attention à l’expressivité de la ligne mélodique. On y entend parfois comme une voix qui parle, qui se confie, qui interroge, en somme qui exprimerait ses émotions personnelles (selon une théorie remontant à Rousseau). En musique classique, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VHpttnhpCU8">c’est souvent la part de l’interprète</a>, de ses pauses ou accélérations insensibles, ses crescendo et decrescendo, ses accentuations, en somme sa manière de « phraser » comme un acteur « met le ton ». Mais des musiques peu « expressives » peuvent être <a href="https://www.youtube.com/watch?v=p-MaUNKAWZo">esthétiquement bouleversantes</a> : le plaisir d’une fugue naît de la compréhension auditive de l’entrelacs des mille causalités internes qui s’y s’entremêlent et, plus archaïque encore, de la reconnaissance d’un même motif qui revient, plus ou moins transformé, décalé, modulé, comme l’enfant que nous avons été reconnaissait avec émerveillement le retour d’un air familier.</p>
<p>Une musique est une série d’événements enchaînés que nous entendons comme telle. Il y en a donc de deux types. Celles qu’on peut dire « horlogères », qui tendent à la stabilité, à la reproduction d’elles-mêmes et dont le climat tend à minimiser les tensions internes pour n’avoir pas à les apaiser sans cesse. L’émotion qu’elles créent est celle que l’on éprouve lorsqu’on se sent en harmonie avec un monde dont on voudrait arrêter le cours pour pouvoir le contempler. C’est par exemple le climat de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-wra4p4zARw">certains ragas</a> (où la permanence d’un bourdon exprime la permanence espérée), du chant grégorien, de certaines musiques électroniques « planantes », ou aujourd’hui de celle d’Arvo Pärt.</p>
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<h2>Créer des tensions internes pour mieux les apaiser</h2>
<p>Mais les émotions esthétiques ordinaires sont produites par des musiques qu’on peut nommer « thermodynamiques », parce qu’elles tendent au contraire à créer en permanence des tensions internes afin de les apaiser et d’alimenter ainsi leur propre mouvement. C’est le cas de la plupart des musiques occidentales ou africaines, qu’elles soient tonales ou modales, savantes ou populaires. Chaque partie du discours musical y est faite de tensions (harmoniques, mélodiques, rythmiques) menant à une détente (un accord parfait, une tonique, un temps fort, une répétition, etc.) La tension est la part inattendue de la musique qui s’apaise par le retour attendu à une assise ferme et rassurante. Chaque opposition tension-détente peut être insérée dans une autre opposition tension-détente, en sorte que l’on attend, dans les phrases ou les mouvements complexes, des apaisements sous-tendus localement par d’autres tensions. L’émotion musicale est faite de la perception de toutes ces tensions différées. Car une musique dont le déroulement serait totalement imprévisible nous demeurerait opaque : elle ne serait plus entendue que comme une suite chaotique de sons. Inversement, une musique prévisible ne nous cause aucune émotion : « Frère Jacques », cela nous a plu… il y a bien longtemps. Aujourd’hui, il ne s’y passe plus rien.</p>
<p>L’émotion est donc infiniment variable, mais obéit à une loi constante : une musique nous émeut d’autant plus que, dans son déroulement, chacun de ses événements nous semble le plus imprévu possible quand il advient et le plus rétrospectivement prévisible dès qu’il est advenu. Moins d’imprévu au présent signifie qu’on entend dans la musique quelque chose de mécanique, elle nous semble dénuée d’inventivité : l’émotion baisse. Moins de prévisibilité rétrospective signifie qu’on entend dans la musique moins de nécessité interne et que son déroulement nous semble moins clairement dû à ses causalités internes : l’émotion baisse. Mais selon la sensibilité de chacun, selon ses habitudes ou son éducation, on privilégiera le prévisible au présent, un peu plus mécanique, ou l’imprévisible au passé, un peu plus complexe.</p>
<p>C’est ainsi que nous retrouvons dans l’art des sons l’infinie variété des émotions que peuvent nous causer les événements réels, mais épurés de leur réalité, et transfigurés par la puissance de l’art.</p>
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<p><em>Francis Wolff est l’auteur de « Pourquoi la musique ? », Fayard 2015, Pluriel 2019</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Wolff ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nous retrouvons dans l’art des sons l’infinie variété des émotions que peuvent nous causer les événements réels, mais épurés de leur réalité, et transfigurés par la puissance de l’art.Francis Wolff, Professeur émérite de philosophie, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524352021-01-29T13:23:30Z2021-01-29T13:23:30Z« Ma mère ne savait pas s’occuper de mes cheveux » : transmissions et identité raciale dans les familles mixtes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377979/original/file-20210111-19-1fbozjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C48%2C1911%2C1215&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le corps et plus encore la coiffure des plus jeunes sont sources de questionnements identitaires au sein de nombreuses familles mixtes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1410733 ">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été publié dans la newsletter « Les couleurs du racisme », nouveau rendez-vous mensuel pour analyser les mécanismes de nos préjugés raciaux et leurs reproductions. <a href="https://mailchi.mp/1a0eb7b6f069/the-conversation-france">S'inscrire.</a></em></p>
<p>Dimanche, fin de matinée. La fin du mois de février approche et j’ai rendez-vous chez Solkem B. et Thierry F*., pour mener l’un des 91 entretiens réalisés dans le cadre de mon <a href="https://www.theses.fr/2019IEPP0025">travail de thèse</a>.</p>
<p>Solkem, 40 ans, est contrôleuse de gestion. Née au Tchad de parents tchadiens qui ont émigré en France, elle a grandi dans une ville populaire de la petite couronne. Thierry, 47 ans, ingénieur, vient quant à lui « du fin fond de l’Auvergne », d’une ville moyenne où résident toujours ses parents (qui n’ont pas d’ascendance migratoire connue et appartiennent à la population majoritaire blanche) et où « il n’y a pas beaucoup de noirs ». Le couple a deux enfants, Alexandra et Sean, de 11 et 9 ans respectivement.</p>
<p>La famille habite une zone pavillonnaire d’une ville moyenne de la grande banlieue francilienne. Lorsque j’arrive, l’atmosphère est détendue : la télévision est allumée sur un programme de dessins animés, Thierry est installé dans un fauteuil et lit le journal tandis que sa compagne est occupée à tresser les cheveux de leur fille Alexandra et que Sean joue à l’étage.</p>
<p>Les cheveux d’Alexandra, très frisés, lui tombent jusqu’en bas du dos. Pendant toute la durée de l’entretien, Solkem démêle, peigne et tresse les cheveux de sa fille, d’un geste à la fois machinal et précis qui signale la grande habitude.</p>
<p>Elle me précise qu’elle commence généralement à coiffer sa fille tôt dans la matinée le dimanche, pour avoir le temps de finir les tresses avant l’heure du coucher. En grandissant, Alexandra a aussi pris le coup de main : pour aller plus vite, sa mère s’occupe du départ des tresses en haut du crâne et, arrivées à hauteur de la mâchoire, c’est Alexandra qui prend le relais et finit la tresse.</p>
<p>Pendant de longues heures le dimanche, mère et fille partagent ce moment, comme Solkem le faisait avec sa mère et sa sœur lorsqu’elle était jeune.</p>
<blockquote>
<p>« On était trois filles, donc ma mère, ma sœur et moi, on s’est toujours tressées entre nous, moi je n’ai jamais mis un pied chez un coiffeur », m’explique-t-elle en riant.</p>
</blockquote>
<p>Si elle « met un point d’honneur à transmettre » le soin des cheveux et de la peau (« Crème, crème, crème ! Tu ne peux pas sortir de la douche sans te crémer […] ça c’est ma lutte ! ») à ses enfants, c’est que pour elle :</p>
<blockquote>
<p>« C’est une vraie question, c’est un vrai enjeu, c’est une vraie différence […] et du coup faut que ce soit bien fait. »</p>
</blockquote>
<h2>Les cheveux, puissant marqueur racial</h2>
<p>Le soin du cheveu et les différents styles de coiffures propres aux cheveux afros ont été diversement investis de <a href="https://laviedesidees.fr/La-coupe-afro-une-simple-histoire-de-cheveux.html">significations culturelles et politiques au cours de l’histoire</a>, se révélant centraux dans la formation des identités noires – féminines en particulier.</p>
<p>Les cheveux cristallisent les imaginaires coloniaux, les enjeux de hiérarchisation coloriste des féminités désirables (plus on est claire et plus les cheveux sont lisses, mieux c’est) et, par conséquent, les enjeux de lutte et de résistance aux normes de beauté hégémoniques.</p>
<p>Ils sont ainsi un puissant marqueur racial. Dès lors, selon la chercheuse <a href="https://www.bloomsburycollections.com/book/mixed-race-post-race-gender-new-ethnicities-and-cultural-practices/title-pages">Suki Ali</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les cheveux ne concernent pas seulement l’apparence ; il s’agit de valeurs, de filiation et de culture. »</p>
</blockquote>
<p>En cela, il n’est pas étonnant qu’ils puissent être investis par les parents de fortes significations et que leur soin soit un enjeu de la <a href="https://www.scienceshumaines.com/qu-est-ce-que-la-socialisation_fr_39333.html">socialisation</a> des enfants.</p>
<h2>Des pratiques quotidiennes racialisées</h2>
<p>En ce sens, les interactions ayant trait au soin du cheveu et à la coiffure représentent en effet des instances privilégiées pour l’étude de la <a href="https://laviedesidees.fr/Race-et-socialisation.html">socialisation raciale</a>, y compris dans ses dimensions émotionnelles et psychologiques, dans la mesure où <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1037/h0080398">l’expérience du coiffage</a> contribue au développement de la personnalité, mais aussi du genre, de l’identité raciale et de l’estime de soi de l’enfant coiffé.</p>
<p>La transmission des savoirs en ce qui concerne le soin des cheveux, et du corps en général, fait ainsi partie des pratiques quotidiennes qui peuvent se voir racialisées, dès lors qu’elles touchent aux marqueurs mêmes d’une racialisation qui reste encore largement incorporée – c’est-à-dire littéralement inscrite dans les corps.</p>
<p>Dans cette perspective, si, pour Solkem B., le coiffage fait partie des savoirs multigénérationnels qu’elle a elle-même hérités d’une pratique familiale et qu’elle transmet spontanément à sa fille, il en va souvent différemment dans les cas où les mères – à qui incombent encore très largement le soin des enfants et les diverses tâches du <em>care</em> familial – élèvent des enfants avec qui elles ne partagent pas le même statut racialisé.</p>
<p>Dans un contexte où les pratiques du soin sont fortement racialisées, la mixité intrafamiliale vient potentiellement complexifier – sinon perturber – l’évidence de la transmission.</p>
<h2>Des réseaux autonomes d’échanges et de savoir-faire</h2>
<p>Au sujet du soin de la peau et des cheveux, on trouve ainsi en ligne profusion de forums, blogs ou sites Internet tenus par des mères blanches d’enfants issus d’unions mixtes, qui s’échangent conseils et techniques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376571/original/file-20201223-21-ay9703.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Site MagicMaman.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Chose intéressante, ces pratiques de partage et d’échange entre mère d’enfants « métis » semblent se dérouler de manière relativement autonome vis-à-vis de la profusion de ressources et d’espaces d’échanges virtuels au sujet des cheveux de manière générale : les mères blanches en couple mixte développent ainsi leurs propres espaces, voire leur propre expertise.</p>
<p>Elles rejoignent ici les mères blanches adoptives d’enfants non blancs, qui ont une pratique similaire en termes de développement de contenus numériques spécifiques, y compris sur les questions de coiffure et de soin.</p>
<p>On peut proposer plusieurs hypothèses pour expliquer le fait que des réseaux autonomes se développent, alors qu’existent déjà de très nombreuses sources disponibles sur le sujet, initiées et alimentées par des femmes afrodescendantes elles-mêmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376572/original/file-20201223-19-hwpkii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La transmission des savoirs en ce qui concerne le soin des cheveux, et du corps en général, fait partie des pratiques quotidiennes qui peuvent se voir racialisées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1550921">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>On peut d’abord supposer que les ressources et tutoriels disponibles, parce qu’ils sont le plus souvent pensés à la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YzRNYC9AcEQ">première personne</a>, supposent une base minimale de familiarité avec les cheveux texturés que n’ont pas les personnes de la population majoritaire, ce qui suppose ainsi pour elles un coût d’apprentissage trop élevé.</p>
<p>Une autre hypothèse permettrait d’expliquer une possible non-attractivité des sites et contenus développés par les femmes afrodescendantes pour le public des mères blanches en couple mixte ou des mères blanches adoptives, en raison d’écart dans les dispositions et/ou références culturelles mobilisables.</p>
<p>On peut aussi imaginer, enfin, qu’il s’agit là d’une pratique distinctive, au sens <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">bourdieusien</a> du terme, qui relève à la fois de logiques de classe et de racialisation, les mères blanches développant ainsi leur propre contenu, selon leurs codes et leurs références (qui sont inévitablement dépendants de leurs propres positions de classe et de race dans l’espace social).</p>
<p>La répartition très genrée des pratiques du soin dans l’ensemble de la population impliquant que c’est presque toujours aux mères qu’incombe le soin des cheveux, quelles que soient leurs compétences en la matière, cette tâche est donc très rarement prise en charge par les pères dans les couples mixtes, quand bien même ils sont le parent racialement minoritaire, certainement plus à même d’assurer cette transmission.</p>
<h2>La mère « agent socialisateur »</h2>
<p>C’est ce qu’explique Solkem B. en entretien, selon qui le genre du parent minoritaire dans le couple mixte influence grandement le contenu des transmissions effectuées, notamment au sujet du soin. Pour elle, « quand la maman est blanche […] y’a une transmission qui est différente ». Ses propos mettent ainsi en lumière la manière dont genre et racialisation s’articulent de manière complexe dans les couples mixtes.</p>
<p>Pour elle, qui tient à ce que sa fille garde ses cheveux naturels et ne les défrise pas, l’identité raciale de la mère au sein des couples mixtes et les compétences particulières qu’elle y associe risquent d’influencer le rapport des enfants à leurs cheveux, voire plus généralement à leur propre identité raciale.</p>
<p>D’ailleurs, Solkem évoque aussi en entretien le rôle que sa propre mère joue auprès de sa fille, en tant que figure de référence participant aussi à sa socialisation. En riant, elle me dit par exemple, au sujet des jouets que la grand-mère offre à Alexandra :</p>
<blockquote>
<p>« Mais ma mère c’est inconcevable qu’elle achète une poupée blanche à sa petite-fille. Donc ses poupées sont… […] il fallait qu’elle ait des poupées noires, de toute façon. »</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs travaux ont montré, en sociologie, <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2001_num_64_1_947">l’importance des jouets dans les socialisations de classe et de genre</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourpée marque Corolle" src="https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376573/original/file-20201223-57963-18y74e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les jouets façonnent les représentations enfantines. Poupée « frisée » Pauline, de la marque Corolle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.corolle.com/poupee-ma-corolle-pauline-cheveux-frises-1632.html?gclid=CjwKCAiA8ov_BRAoEiwAOZogwWIN0ZW1zYJRZl0j-6i1ZS2rOl_j1k3IMzLGffrAzyasPjaABl6XlxoC9QIQAvD_BwE#full_dsec_product">Corolle</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au sujet des poupées en particulier a par exemple été soulignée la manière dont elles jouent un rôle central dans <a href="https://www.cairn.info/petites-filles-d-aujourd-hui--9782746712294.htm">l’incorporation du féminin</a> chez les petites filles.</p>
<p>Toutefois, dans ces travaux, la dimension raciale des poupées est laissée de côté. Pourtant, si les poupées façonnent un modèle normé de féminité et l’intériorisation de normes esthétiques particulières, cela se fait aussi toujours de manière racialisée – que la poupée soit blanche ou non.</p>
<p>En cela, les jouets et la manière dont ils façonnent les représentations enfantines et leur intériorisation des rôles sociaux participent d’une socialisation qui s’opère elle-même selon des lignes racialisées.</p>
<p>Dans le court-métrage d’animation américain <em>Hair Love</em>, cette transmission par la mère est mise en question à travers l’investissement tardif d’un père qui comprend qu’il ne sait pas comment s’y prendre avec les cheveux de sa fille.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kNw8V_Fkw28?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>« T’as des cheveux de Noire, arrête avec L’Oréal »</h2>
<p>Si la problématique des cheveux et du soin des peaux métissées s’est révélée fréquente dans les entretiens avec des couples mixtes qui impliquaient un parent racialisé comme noir, elle concernait aussi d’autres mixités.</p>
<p>Par exemple, Lilya T., 26 ans, issu d’un couple mixte franco-algérien, raconte une expérience de socialisation qui fait directement écho aux propos de Solkem. Lilya a des cheveux frisés très longs et volumineux, d’une couleur naturellement blond-doré. En entretien, elle confie que cette coiffure est toutefois relativement récente :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai pas toujours eu ces cheveux-là. Ben, le truc à la con : ma mère est blanche avec des cheveux de blancs, mon père c’était un garçon donc il ne va pas s’occuper d’une petite fille, ça lui est déjà arrivé de me faire des tresses mais… Tu vois, par exemple, ma mère elle ne savait pas s’occuper de mes cheveux, et des trucs à la con, moi j’ai toujours tourné au L’Oréal, nanana, jusqu’au jour où je suis arrivée chez une coiffeuse… Mais j’avais quasiment 20 ans ! La meuf m’a regardée et m’a dit : “Mais tu mets quoi dans tes cheveux ?” Et c’était une tismé tu vois. “Mais tu mets quoi dans tes cheveux ?” “Ben ça, ça, ça, ça.” “Mais t’as pas compris, ma chérie. T’es de quelle origine ?” Elle, elle m’a posé la question direct. “Ouais, voilà, t’as des cheveux de noire, arrête, arrête avec L’Oréal, toi il te faut du karité, quoi.” Et voilà, c’est le genre de trucs où ma mère, voilà quoi… »</p>
</blockquote>
<p>En l’absence d’une transmission adéquate de la part de sa mère, la capacité de Lilya à connaître et à prendre soin de ses propres cheveux a été tardive et il a fallu qu’une coiffeuse, elle-même issue d’un couple mixte, assure l’apprentissage qui ne lui a pas été légué.</p>
<p>Notons toutefois que, dans les couples mixtes, au contraire des familles adoptives par exemple, la famille élargie peut constituer un espace de ressources. Certaines mères rencontrées racontent par exemple pouvoir compter sur l’entourage ou la belle-famille pour tresser leurs filles, même si elles-mêmes ne savent pas le faire.</p>
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<img alt="Un père coiffant son enfant. Photo d’illustration." src="https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376581/original/file-20201223-21-130n3n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La socialisation raciale est influencée par le genre et la position raciale des parents (ou autres figures de référence). Photo d’illustration.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-etre-assis-coiffure-enfant-4260100/">pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a aussi des exceptions : Marwan K., l’un des parents interrogés (50 ans, enseignant, né en France de parents algériens), raconte en entretien que son fils, victime de racisme à cause de ses cheveux très bouclés, a eu longtemps du mal à les assumer.</p>
<p>Marwan dit avoir alors demandé à l’une de ses amies de lui donner des ressources sur le soin du cheveu et sa dimension politique pour les transmettre à son fils :</p>
<blockquote>
<p>« Elle m’avait passé à la fois cette documentation politique, et en même temps plein de trucs bios, pour ses cheveux, enfin une sorte de valorisation du cheveu bouclé. »</p>
</blockquote>
<p>Mais la transmission père/fils, si elle trouble en partie le rapport genré dominant mis au jour en ce qui concerne les pratiques du soin, passe néanmoins une nouvelle fois par l’intermédiaire d’une figure féminine.</p>
<h2>Intimités de genre, de race, de classe</h2>
<p>Les pratiques de socialisation raciale qui prennent place dans les familles sont ainsi genrées à un double niveau. Elles le sont dans un premier temps dans la mesure où l’éducation et le soin apportés aux enfants, qui participent de cette socialisation, sont très largement dévolus aux mères.</p>
<p>Mais elles le sont également en ce qu’elles se révèlent, en particulier dans les attentions au soin détaillées ici, intimement liées à la construction d’un sens de la féminité et de la masculinité. En cela, les pratiques de socialisation raciale participent également d’une <a href="https://www-cairn-info.acces-distant.sciencespo.fr/sociologie-des-enfants--9782707187864-page-89.htm">socialisation de genre</a>.</p>
<p>Il est évidemment symptomatique que ce soient les cheveux des filles qui cristallisent de nombreux enjeux et que c’est à elles que l’on considère le plus essentiel de transmettre certains éléments du soin de soi.</p>
<p>La socialisation raciale est donc influencée par le genre et la position raciale des parents (ou autres figures de référence), et elle opère également différemment selon le genre des socialisés, c’est-à-dire ici, selon que l’enfant est une fille ou un garçon. En retour, cela rend donc visible que les socialisations de genre sont toujours racialisées : le sens de la masculinité et de la féminité se construit en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09540250303859">contexte</a>, c’est-à-dire à partir de référents particuliers qui sont eux-mêmes racialisés – et classés.</p>
<p>À ce titre, les processus de socialisation travaillent à façonner les corps – et les façonnent tout à la fois comme corps genrés, racialisés et classés.</p>
<p>Dans le cas des couples mixtes, dans lesquels parents et enfants ne partagent pas la même position racialisée, le genre du parent non blanc risque d’influencer à la fois la manière dont les transmissions s’opèrent ou non et le contenu même des socialisations.</p>
<p>Pour les filles comme pour les garçons, il est ainsi probable que grandir et construire un sens de sa propre féminité ou sa propre masculinité selon que c’est le père ou la mère qui est racialement minoritaire ne produisent pas les mêmes effets dans la formation d’un sens de soi à la fois genré et racialisé.</p>
<hr>
<p><em>* tous les prénoms et noms ont été modifiés pour conserver l’anonymat des personnes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse de Solène Brun a été financée sous la forme d'un contrat doctoral de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (Sciences Po Paris). </span></em></p>Les interactions intrafamiliales ayant trait au soin du cheveu et à la coiffure représentent des instances privilégiées pour l’étude de la socialisation raciale des enfants.Solène Brun, Sociologue, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1438002020-08-16T18:57:50Z2020-08-16T18:57:50ZPorter un masque nous empêche-t-il de séduire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/351331/original/file-20200805-24-1ufcwj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1272%2C3456%2C2907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le masque cache l'un des atouts les plus importants dans le processus de séduction: le sourire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Caju Gomes/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le masque s’est imposé dans l’environnement social comme un moyen de se protéger du COVID-19. Mais son port entrave tout un pan de la communication humaine non-verbale.</p>
<p>Les mimiques, les expressions faciales – alliées susceptibles de permettre des ajustements dans l’interaction – s’effacent sous le tissu. Seuls les yeux et le front accompagnent alors le processus de communication. Nous devons ainsi nous défaire d’un élément majeur du non-verbal, notre sourire.</p>
<p>Or, la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2466/pms.2002.94.1.97">recherche</a> a depuis longtemps mis en évidence son importance dans le <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/pourquoi-faut-il-sourire-quand-on-n-est-pas-beau-psychologie-seduction">processus de séduction</a>.</p>
<p>A mesure qu’avance l’été, période propice aux rencontres amoureuses, nous sommes aussi de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/12/coronavirus-en-france-pres-de-1-400-cas-supplementaires-recenses-en-24-heures_6048782_3244.html">plus en plus masqués</a>. Comment séduire dans ces conditions ? Et au-delà, pouvons-nous nous passer de sourire ?</p>
<h2>Un sourire ravageur</h2>
<p>En latin, <em>seducere</em> signifie « tirer de côté, déplacer, écarter du chemin initial ». Dans l’hébreu biblique, quand Ève impute au serpent de l’avoir séduite, elle dit : « Il m’a levée » ou soulevée ; en somme, il l’a amenée à se décoller de sa posture initiale.</p>
<p>Cela suffit à indiquer qu’il y a chez tout un chacun un désir d’être séduit, c’est-à-dire d’être déplacé parfois très peu du chemin de sa routine ; un désir d’être mis en mouvement.</p>
<p>En septembre 2012, dans le magazine <em>InStyle</em>, Julia Roberts attribuait l’éclat de son sourire à son habitude de se laver les dents avec du bicarbonate de soude.</p>
<p>C’est pourtant un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27881323/">autre secret</a> qu’ont découvert l’universitaire Vasiliki Koidou et ses collègues : la ligne reliant le bas de ses canines est presque parallèle à celle joignant le centre de ses pupilles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351332/original/file-20200805-22-11pm0z7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1 – Les chercheurs ont montré qu’il existait une différence d’angle entre ces deux lignes chez un groupe contrôle et chez un groupe de 94 célébrités. Cet angle était près de 30 % inférieur chez les célébrités (0,97 degré contre 1,33 degré).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le sourire est jugé plus beau quand cet angle est faible, ce serait parce que le visage est alors plus symétrique, sans doute parce que dans les théories de l’évolution la symétrie faciale peut être considérée comme est un signe de bonne santé (pas maladie, d’anomalies génétiques de perturbations dans le processus de développement).</p>
<p>D’autres travaux ont par ailleurs montré que le nombre de dents exposé par le sourire était également un paramètre susceptible de rendre plus attractif le sourire d’une personne. C’est ce qu’ont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21210007/">montré</a> par exemple Sulieman Al-Johany et ses collègues en 2011.</p>
<p>Il existe ainsi une différence significative entre les célébrités et les autres, les célébrités étant plus nombreuses à montrer 12 dents lorsqu’elles sourient.</p>
<p>Ces données ont été corroborées par les <a href="https://www.researchgate.net/publication/328250355_Details_of_pleasing_smiles">conclusions</a> de Pedro Oliveira et ses co-auteurs, qui ont indiqué que le fait de montrer 12 dents (contre 10 ou 8 en moyenne chez le tout-venant) était une caractéristique des sourires les plus attrayants.</p>
<h2>Faut-il sourire ?</h2>
<p>Le simple fait de sourire semble conduire à affecter bien d’autres dimensions comme la beauté du visage. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2466/pms.1996.82.3c.1111">Une équipe de chercheurs</a> a pris des photos d’hommes et de femmes de différents âges obtenues dans une condition de demande de sourire ou de non-sourire.</p>
<p>Lorsqu’il y avait sourire, on a demandé aux personnes de prendre trois types de poses : sourire fermé (étirement des lèvres sans ouverture de la bouche), sourire haut (lèvres tirées mais ouverture de la lèvre du haut dévoilant les dents supérieures) et sourire large (lèvres étirées et dents supérieures et inférieures dévoilées).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme sourire" src="https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351336/original/file-20200805-407-1x2wn92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sourire dit fermé, on ne voit pas les dents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/beau-beaute-brune-brunette-1065084/">Hannah Nelson/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351333/original/file-20200805-24-16dhgwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un sourire dévoilant uniquement la partie supérieure de la dentition.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/amusement-arriere-plan-flou-beau-beaute-1239291/">Daniel Xavier/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme large sourire" src="https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351335/original/file-20200805-22-hq5i94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sourire dit large dévoilant les dents supérieures et inférieures.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/a-la-mode-adulte-beau-bijoux-773371/">Tarzine Jackson/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces personnes étaient ensuite évaluées par d’autres hommes et femmes en termes d’intelligence, de gentillesse, de caractère heureux, d’extraversion, de sympathie, de soumission et d’ambition et, enfin, d’attrait physique. Pour cette dernière dimension, les résultats furent les suivants :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351338/original/file-20200805-14-4n2xtq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évaluation de l’attractivité et du bonheur perçu chez les personnes en fonction de l’intensité du sourire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La simple présence du sourire suffit à accroître l’attrait de la personne mais on constate également que, au fur et à mesure que le sourire s’élargit, la même personne est évaluée plus positivement.</p>
<p>Le sourire embellit donc bien le visage et conduit même à considérer que la personne en question est plus heureuse. En outre, il n’affecte pas que cette dimension puisque ces mêmes chercheurs ont observé que la personne était considérée comme plus gentille, possédant un caractère plus agréable, plus extraverti, plus sympathique… avec le sourire.</p>
<h2>Quand sourire rime avec beauté et compétences</h2>
<p>L’ensemble des évaluations s’accroît au fur et à mesure que le sourire devient plus large. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ejsp.2420200307">Un article scientifique de 1990</a> a retrouvé ces résultats en montrant qu’une même personne (homme ou femme) qui sourit était perçue comme plus attrayante physiquement mais également plus sociable, plus indépendante et plus compétente.</p>
<p>En outre, leur recherche a montré que le lien entre le sourire et l’évaluation de l’attrait était très élevé. En revanche dans cette même étude les auteurs montrent que les personnes souriantes étaient perçues comme plus féminines et moins autonomes.</p>
<p>À n’en pas douter le sourire semble renforcer l’attrait. Mais cela se vérifie plus chez les <a href="https://www.researchgate.net/publication/286884845_Women_smiled_more_often_and_openly_than_men_when_photographed_for_a_pleasant_public_occasion_in_20th_century_United_States_society">femmes</a> que chez les hommes, ainsi que l’ont montré deux groupes de chercheurs ayant examiné des <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Smile-and-Gender-in-Students%27-Yearbook%3A-A-Cultural-Gu%C3%A9guen/d5d099bf1b2bf388b7a5c5cac9e736a40474e35d?p2df">photographies de promotions d’étudiants</a>.</p>
<p>Dans les deux études, les auteurs montrent clairement que, quel que soit le type de circonstance de pose photographique, les hommes sourient moins fréquemment que les femmes. De plus, les femmes tendent également à plus recourir au sourire large que les hommes comme le montrent les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10919-010-0093-y">travaux</a> de Piotr Szarota.</p>
<h2>Un sourire genré</h2>
<p>On pourrait penser que le sourire devient un comportement prototypique du sexe féminin au fur et à mesure du développement. Ainsi, le sourire serait « genré » et ferait en quelque sorte partie de manière plus marqué des attributs des femmes.</p>
<p>C’est ce que semble montrer une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Brenda_Russell/publication/288644574_Smiling_in_School_Yearbook_Photos_Gender_Differences_from_Kindergarten_to_Adulthood/links/5730de8708ae08415e6a80bf/Smiling-in-School-Yearbook-Photos-Gender-Differences-from-Kindergarten-to-Adulthood.pdf">étude de 1999</a> dans laquelle les chercheurs ont observé et évalué les sourires des élèves en fonction de leur année scolaire (nous avons retraduit les « années scolaires » du système américain en âge pour plus de lisibilité dans la Fig. 4).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351347/original/file-20200805-14-y9w3my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 4, le sourire serait « genré » et ferait en quelque sorte partie de manière plus marqué des attributs des femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Si au départ on trouve un taux de sourire identique entre les deux sexes dans les photos de classe, c’est à partir de l’âge de 9 à 12 ans que les différences significatives apparaissent entre les garçons et les filles</p>
<p>Or, c’est à cet âge que les conduites et apprentissages de séduction entre les garçons et les filles se développent et se renforcent. Le sourire apparaît donc bien ici comme un marqueur psychosocial de la différence entre les sexes.</p>
<h2>Le sourire nous influence-t-il ?</h2>
<p>Si le sourire est susceptible de nous embellir, on sait aussi que cela affecte le comportement de celui qui en est la cible. On a pu montrer que le sourire conduisait à apporter plus facilement son aide à quelqu’un comme de l’aider à trouver une lentille de contact qu’il avait prétendument perdue, ou de donner une direction.</p>
<p>On a également montré qu’une serveuse souriante recevait plus de pourboires. Le sourire semble toutefois beaucoup plus bénéficier aux femmes.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2466/pr0.94.3.756-760">Dans une recherche</a> de Nicolas Guéguen et Jacques Fischer-Lokou, des compères, garçons et filles de 20 ou 21 ans, d’attrait physique jugé moyen, faisaient de l’auto-stop en regardant le conducteur dans les yeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Auto stop à Cracovie" src="https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351346/original/file-20200805-503-1k1dfco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour avoir une chance d’être pris en stop… souriez ! (et soyez une femme).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b0/Hitchhiking_in_Krak%C3%B3w.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon le cas, ils ou elles souriaient au conducteur. On mesurait alors le taux d’arrêt. Huit cents conducteurs hommes et femmes ont été testés dans les différentes conditions. L’analyse a montré que, lorsque les autostoppeurs étaient des femmes souriantes, les automobilistes s’arrêtaient plus souvent, ce qui n’est pas le cas lorsque les autostoppeurs sont des hommes.</p>
<p><a href="https://psycnet.apa.org/record/1979-28605-001">Une étude déjà ancienne</a> montre qu’une serveuse de bar qui, au moment où elle remet une boisson au client, dispense le sourire minimal (mouvement des lèvres mais pas de mise en évidence des dents) ou un large sourire (sourire avec dents largement découvertes) voit ses pourboires varier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351339/original/file-20200805-14-s4svjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Evolution des pourboires en fonction des sourires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Un large sourire augmente ses revenus mais cet effet est surtout lié aux comportements des hommes qui sont servis. Si cette tendance s’observe aussi chez les femmes, elle est bien moins flagrante que chez les hommes. Ces derniers auraient même tendance à se rapprocher de la femme qui leur sourit… <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03337025">dans les ascenseurs</a>.</p>
<h2>Interprétations erronées</h2>
<p>Pour d’autres chercheurs, lors d’interactions entre hommes et femmes, le fait que les hommes abordent plus facilement les femmes qui leur sourient proviendrait du fait qu’ils interprètent cela comme un plus fort désir de leur part qu’il ne l’est en réalité.</p>
<p>Ainsi, de nombreux hommes interprètent les comportements amicaux des femmes comme des tentatives de séduction alors que les femmes interprètent ces signes comme des signes simplement amicaux.</p>
<p>Cette distorsion de l’interprétation de ces signes pourrait donc expliquer pourquoi les hommes s’intéressent plus à une femme qui leur a souri ou pourquoi ils vont alors plus souvent faire des tentatives pour rentrer en contact avec elles.</p>
<p>De plus on sait que le sourire embellit la personne qui l’affiche, surtout s’il est symétrique. Or, les hommes sont très sensibles, beaucoup plus que les femmes à l’effet de l’apparence physique, notamment des visages comme cela a été indiqué.</p>
<h2>Jouer sur d’autres atouts que le sourire</h2>
<p>Mais le sourire n’est qu’une dimension de la séduction. Il existe bien d’autres signaux qui vont entrer dans l’équation de la séduction afin de faire comprendre au partenaire qui nous approche qu’il est le bienvenu ou non.</p>
<p>On trouve par exemple, le regard soutenu, le geste désinvolte tout en regardant l’autre dans les yeux… En ce qui concerne le regard, c’est aussi un <a href="https://psycnet.apa.org/record/2004-21112-006">comportement</a> utilisé par les hommes qui veulent séduire ou se rapprocher d’un·e partenaire.</p>
<p>Ainsi, notre été est peut être sauvé car même si notre sourire de séducteur/trice sera cette année caché par le masque, rien n’est perdu, car nous pouvons faire nos « yeux de velours » pour attirer l’autre, que nous soyons un homme ou une femme.</p>
<p>A défaut de sourires éclatants qui laisseraient paraître au moins dix de vos plus belles dents, multiplier les contacts visuels, dodeliner la tête ou incliner votre tête du côté semblerait tout aussi bien fonctionner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les mimiques, les expressions faciales s’effacent sous le tissu. Nous devons ainsi nous défaire d’un élément majeur du non-verbal, notre sourire.Cyril Tarquinio, Professeur en psychologie, Université de LorraineCamille Louise Tarquinio, Doctorante en Psychologie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1227282019-10-02T17:53:39Z2019-10-02T17:53:39ZPas besoin d’être canon pour devenir une influenceuse beauté !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294074/original/file-20190925-51425-19iyeac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C8%2C994%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les influenceuses beauté sont suivies par des millions de fans sur les réseaux sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jacob Lund / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’engouement autour des médias sociaux (réseaux sociaux numériques, blogs, wikis, jeux en ligne, etc.) est sans doute l’un des phénomènes sociétaux les plus marquants du début du XXI<sup>e</sup> siècle. De larges communautés à la fois virtuelles et réelles se constituent autour de ces espaces de communication médiée. On dénombrait par exemple plus de <a href="https://www.statista.com/statistics/264810/number-of-monthly-active-facebook-users-worldwide/">2,41 milliards d’utilisateurs actifs</a> par mois au second semestre 2019 rien que pour le réseau social Facebook.</p>
<p>De la masse d’utilisateurs des réseaux sociaux, certains profils émergent et se distinguent par le rôle d’influence qu’ils jouent sur les autres. On retrouve ces influenceurs dans le monde politique, journalistique et dans tous les secteurs marchands : des produits de consommation courante aux produits de luxe, en passant par les sports, le tourisme, l’art de vivre et les jeux. Il y a des influenceuses et des influenceurs partout et pour tout.</p>
<p>Mais y a-t-il un profil d’influenceurs à succès ? Et quelles sont les caractéristiques qui les ont aidés à émerger de la masse ? Nous avons cherché à le savoir en menant une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jretconser.2019.01.011">recherche</a> sur les influenceuses beauté, ce secteur étant parmi les premiers à avoir intégré le marketing d’influence dans les stratégies de communication digitale.</p>
<h2>L’attractivité physique non significative</h2>
<p>Nous avons mesuré et comparé l’impact du contenu produit par trois influenceuses parmi les plus populaires en France dans ce domaine : <a href="https://www.youtube.com/user/EnjoyPhoenix">EnjoyPhoenix</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCVoDMXLU_UNpljm83m-Ds4w">Sananas2016</a> et <a href="https://www.youtube.com/channel/UCN3ddwDWUTdvHEXsn5qAj4A">Georgia Horackova</a>, qui sont suivies par plusieurs centaines de milliers de fans sur le réseau social Instagram ou encore sur la plate-forme de vidéos YouTube.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BIll86myLuk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« MES 8 PLAISIRS COUPABLES… », vidéo d’Enjoy Phoenix vue plusieurs centaines de milliers de fois en quelques jours (septembre 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour cela, nous avons modélisé les effets des facteurs liés à l’attractivité physique, l’attractivité sociale et l’homophilie sociale, c’est-à-dire la propension à se rapprocher d’individus perçus comme étant des semblables ou des pairs. Nous avons ensuite mesuré l’impact de ces trois effets sur le degré de proximité entre un communicant et son public (l’interaction para-sociale), et sur la confiance qu’inspire l’influenceur à son audience et son expertise du domaine, c’est-à-dire sa crédibilité.</p>
<p>Il ressort d’abord de notre étude que ce n’est pas l’attractivité physique qui permet de devenir influenceuse. La beauté ne semble avoir aucun impact sur la crédibilité ou l’interaction para-sociale qui sont eux, comme nous le verrons par la suite, des éléments décisifs. Ce résultat, pour le moins contre-intuitif, signifierait donc que l’apparence physique est loin de constituer le principal atout dans la mécanique de l’influence liée aux produits cosmétiques et de beauté.</p>
<p>L’attractivité physique n’est ainsi pas retenue comme facteur significatif pour EnjoyPhoenix et Sananas2016. Elle affecte même négativement l’interaction para-sociale pour Georgia Horackova, perçue comme la plus « sophistiquée » des trois influenceuses.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/BwpXlDCHds_","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>En revanche, Georgia Horackova est reconnue comme crédible dans son rôle de coach sportif et d’art de vivre, ce qui explique son succès. C’est en effet la crédibilité qui affecte le plus significativement l’impact des contenus mis en ligne par ces influenceuses. Lorsqu’elles mettent en avant un produit en particulier, cette crédibilité peut alors favoriser l’intention d’achat chez les fans.</p>
<h2>De nouvelles égéries pour les marques</h2>
<p>L’analyse textuelle que nous avons menée par la suite sur les contenus générés par les utilisateurs (UGC) appartenant aux communautés étudiées soulignent également l’importance de l’interaction para-sociale, la proximité perçue entre l’influenceuse et son public. Selon nos conclusions, seuls les profils perçus comme proches des consommateurs, à la fois dans l’apparence et dans le mode vie, semblent les plus attirants et les plus à même de construire des liens de confiance durables avec leurs communautés.</p>
<p>Le cas d’EnjoyPhoenix confirme le poids de ces différents facteurs. Il s’agit en effet de l’influenceuse française qui génère, selon nos résultats, le plus d’interaction para-sociale, de crédibilité et d’intention d’achat. Or, c’est également celle qui compte le plus de fans, avec plus de 3,6 millions d’abonnés à sa chaîne YouTube.</p>
<p>Le temps où seuls les top models à l’esthétique parfaite peuvent jouer le rôle d’ambassadeurs des grandes marques de beauté semble donc désormais révolu. Les marques ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, à l’image de Sanasas2016 qui, au-delà de son activité en ligne, est devenue l’égérie d’une marque de crème de beauté.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/B2hRV2Jo6Bm","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Bien plus que l’apparence physique, la crédibilité et la proximité perçue avec la communauté expliquent le succès de ces stars des réseaux sociaux.Hajer Kefi, Full Professor, PSB Paris School of BusinessKarina Sokolova, Associate professor, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1137792019-03-18T20:35:25Z2019-03-18T20:35:25ZBlanchiment dentaire : ne jouez pas avec la santé de vos dents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264445/original/file-20190318-28499-13f13r5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C4127%2C2807&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Attention à ce que vous mettez sur l'émail de vos dents…</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Certaines personnes sont obnubilées par l’envie d’exhiber des dents plus blanches que celles qui scintillent dans les bouches des stars d’Hollywood un soir de cérémonie des Oscars. Des études révèlent ainsi que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0300571206000492">plus de la moitié</a> d’entre nous sont insatisfaits de la couleur de leurs dents. Ce désir, apparemment insatiable, d’avoir des dents plus blanches est une bonne nouvelle pour les fabricants de produits de blanchiment dentaire, à en juger par la vaste gamme de kits disponibles dans le commerce. Leur prix est certainement moins élevé que celui d’une visite chez le dentiste, à court terme tout du moins. Sur une longue période, ces solutions pourraient s’avérer coûteuses pour leurs utilisateurs, surtout s’ils endommagent la surface de leurs dents, nécessitant le recours à des procédures dentaires bien plus chères pour réparer les dégâts.</p>
<p>La génétique et l’alimentation jouent toutes deux un rôle dans les différences de couleur de dents entre individus. Fumer et consommer, sa vie durant, de la nourriture et des boissons fortement colorées, comme des curries, du thé ou du café, contribue à changer la coloration dentaire. Se passer de ces aliments, et arrêter de fumer, a non seulement des effets cosmétiques bénéfiques, mais participe aussi à améliorer la santé des dents et des gencives. Si, malgré tout, le blanchiment des dents vous tente toujours, commencez par consulter votre dentiste.</p>
<p>Pour blanchir les dents, les dentistes utilisent le peroxyde d’hydrogène (ou « eau oxygénée »), ce qui est considéré par l’Union européenne comme la pratique <a href="http://www.adde.info/frontend/files/userfiles/files/richtlijn-2011_84_uk.pdf">la plus efficace et la plus sûre</a> (bien qu’il existe des alternatives). Mais entre de mauvaises mains, et à de mauvaises concentrations, ce produit chimique agressif peut irriter les tissus buccaux sensibles et les gencives.</p>
<p>Avant 2012, date d’entrée en vigueur de la directive européenne, le marché était mal réglementé, car la quantité de peroxyde d’hydrogène contenue dans les produits vendus sans ordonnance variait considérablement selon les pays d’Europe, de même que la quantité pouvant être utilisée par les dentistes dans leurs cabinets. Après un examen approfondi de la sécurité et de l’efficacité du peroxyde d’hydrogène par un groupe d’experts scientifiques, l’UE a limité la quantité vendue sans ordonnance à 0,1 %. Les professionnels du secteur dentaire peuvent eux utiliser des concentrations atteignant les 6 %.</p>
<h2>« Do it yourself » ou « destroy it yourself » ?</h2>
<p>Les produits de blanchiment des dents utilisables par les particuliers sont vendus comme étant rapides, faciles à appliquer, et moins chers que la même prestation effectuée par un dentiste. Mais ils posent deux problèmes majeurs. Premièrement, il n’y a aucune garantie que les produits qui respectent la législation fonctionnent. Et, deuxièmement, si les consommateurs se procurent des produits illégaux, ceux-ci risquent de leur abîmer les dents. </p>
<p>Les textes de loi régissant la quantité de peroxyde d’hydrogène qui peut être utilisé dans les produits en vente libre sont stricts. Les fabricants se tournent donc vers d’autres produits chimiques pour blanchir les dents. Or, le choix de certains de ces produits est discutable, car on sait peu de choses sur les conséquences de leur utilisation, peu de recherches ayant été menées jusqu’ici. Selon une <a href="https://www.nature.com/articles/s41415-019-0011-6">étude récente</a> publiée dans le British Dental Journal, ils peuvent endommager les dents.</p>
<p>Les scientifiques à l’origine de ces travaux ont analysé l’innocuité de cinq produits en vente libre utilisés pour blanchir des dents. Trois d’entre eux contenaient du chlorite de sodium comme ingrédient actif, lequel se décompose en dioxyde de chlore dans l’environnement acide de la bouche. L’effet blanchissant du chlorite de sodium n’est pas entièrement compris à l’heure actuelle. </p>
<p>Quatre des produits contenaient par ailleurs de l’acide citrique, utilisé comme « accélérateur ». Celui-ci ramollit et dissout l’émail. Son utilisation peut certes avoir un effet blanchissant conséquent, mais au fil du temps, elle entraîne la disparition de l'émail. Une fois perdu, ce dernier ne peut être remplacé. Or sous l'émail disparu se trouve la dentine, naturellement jaune. Un effet secondaire grave de la perte de l’émail est donc le jaunissement des dents…</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264482/original/file-20190318-28512-1p9nkqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Au fur et à mesure que l’émail s’use, la dentine commence à transparaître.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Double Brain/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette étude ayant été menée en laboratoire, les effets que peuvent avoir ces substances sur les gencives ne sont pas connus. On sait néanmoins que les produits de blanchiment peuvent provoquer sensibilité et l’irritation au niveau des gencives et des dents. Dans un cabinet dentaire, ces symptômes sont étroitement surveillés par le dentiste qui évaluera s’il est sûr ou non de poursuivre le blanchiment, et en informera le patient. Si ce n’est pas le cas, le processus sera stoppé, jusqu’à ce que la bouche de la personne concernée retrouve un niveau de santé jugé suffisant.</p>
<h2>Le produit sûr, bon marché et efficace n'existe pas encore</h2>
<p>Les utilisateurs des produits de blanchiment disponibles dans le commerce se les autoadministrent, et risquent donc de les employer improprement. Le produit en question peut ne pas être appliqué correctement par les consommateurs, ou ceux-ci peuvent délibérément augmenter les quantités utilisées au-delà des limites indiquées, dans l’espoir d’accroître l’effet blanchissant (un comportement qui semble presque inévitable). </p>
<p>Tous les pays n’ont pas une réglementation aussi stricte que celle de l’Union européenne en ce qui concerne l’utilisation du peroxyde d’hydrogène. Aux États-Unis, les produits qui en contiennent sont classés comme produits cosmétiques et non comme produits médicaux. Il est possible d’acheter dans le commerce des préparations contenant de fortes concentrations de peroxyde d’hydrogène (jusqu’à 25 %) ou d’autres ingrédients non réglementés. </p>
<p>Leur utilisation a donné lieu à des cas documentés de dommages occasionnés aux dents, aux gencives ou à la bouche. Toutefois, comme ils sont soumis à la réglementation des cosmétiques, les fabricants n’ont pas à soumettre de rapports de blessures ou d’autres problèmes à la Food and Drug Administration (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux). Par ailleurs, grâce à Internet, il est possible d’acheter des produits à plus forte concentration partout dans le monde.</p>
<p>Nous ne possédons qu’une seule dentition d’adulte, qui doit durer toute notre vie. Pour la protéger et améliorer notre santé buccodentaire, il existe des mesures simples, qui participent également à blanchir les dents. Évitez les caries dentaires en réduisant votre consommation de sucre, et assurez-vous de vous brosser les dents deux fois par jour avec du dentifrice au fluorure, y compris une dernière fois le soir. </p>
<p>Et si l’apparence de vos dents vous tracasse, vous pouvez toujours demander conseil à votre dentiste…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Walmsley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les kits de blanchiment bon marché pour les dents pourraient finir par vous coûter plus cher que prévu…Damien Walmsley, Professor of Restorative Dentistry, University of BirminghamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1029532018-09-16T20:55:19Z2018-09-16T20:55:19ZL’expérience queer version amérindienne : un nouveau mode d’être au monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236172/original/file-20180913-177938-edvhu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C3950%2C2019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Concours Miss Gay, Pucallpa, juin 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le meurtre de Vanesa Campos, une travailleuse du sexe trans’ péruvienne, <a href="http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-hommage-a-la-prostituee-transsexuelle-assassinee-au-bois-de-boulogne-22-08-2018-7860954.php">survenu il y a un mois, dans la nuit du 16 au 17 août au bois de Boulogne</a>, a relancé le <a href="https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/08/27/meurtre-d-une-prostituee-trans-a-paris-les-limites-de-la-penalisation-des-clients_5346480_1653578.html">débat sur les conditions des personnes prostituées en France</a>.</p>
<p>Mais, au-delà de ce débat, on oublie peut-être parfois les désirs, les envies, les trajectoires de vies des personnes se prostituant, impliquant de comprendre leur propre rapport au corps, à la beauté et à la sexualité. Comme le soulève une femme trans’ amérindienne de 35 ans :</p>
<blockquote>
<p>« Voilà ce qui me plait dans les pays civilisés comme la France, on peut se prostituer dans la rue, comme des gens civilisés, et pas comme nous qui devons le faire toujours dans l’obscurité. »</p>
</blockquote>
<p>Ce témoignage m’a été confié lors de mes recherches de terrain en Amazonie péruvienne. Cette femme vit aujourd’hui entre sa communauté indigène et la ville d’Aguaytía (environ neuf mille habitants).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236115/original/file-20180912-133892-d8g5rb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte indiquant les terrains de mes recherches.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JSA- Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour elle la prostitution fait partie de la vie des personnes transgenres en Amazonie, et désigne un mode d’interagir avec les autres qui ne peut pas pour autant être réduit à une simple marchandisation du rapport sexuel.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/jsa/14968?lang=en">Mes recherches</a> sur les expériences transgenres parmi les populations amérindiennes d’Amazonie centrale m’ont conduit à m’interroger sur ces perceptions du beau, du corps. Que signifie être transgenre parmi les populations amérindiennes ? Y a-t-il des termes vernaculaires pour désigner ces manières d’être alternatives ? Quelle place réserve-t-on aux personnes dont le mode de vie échappe à la bi-catégorisation ? Comment les expériences transgenres s’articulent avec l’homosexualité et l’identité sexuelle ?</p>
<h2>Pour être gay, il vaut mieux paraître femme</h2>
<p>En Amazonie péruvienne, les expériences transgenres sont essentiellement conçues comme relevant de l’homosexualité, mais ne renvoient pourtant pas uniquement aux pratiques homoérotiques. L’homosexualité est en effet systématiquement liée aux différentes formes d’efféminisation et du travestissement, catégoriquement désapprouvées dans les villages indigènes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236116/original/file-20180912-133892-71m0mr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un village kakataibo, avril 2010.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.theses.fr/2014PA100150">Les Kakataibo, un groupe amérindien</a> qui compte environ 3 500 individus, emploient différents termes pour désigner les personnes <em>gender-fluid</em> : « tsipë uni » (l’homme pénétré), « marica » (terme espagnol équivalent à « pédé ») ou enfin « kuman ». Kuman est le nom d’un arbre dont le tronc est vide à l’intérieur. « Les homosexuels sont comme le “kuman”, ils ont l’air d’un tronc mais ils ont un trou » – explique en riant un jeune homme kakataibo. Allusion à l’homo-érotisme et au travestissement, cette désignation fait transparaître une autre qualité attribuée aux hommes kuman, à savoir celle du <a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1969_num_175_1_9394"><em>trickster</em></a>, faiseur de tours et fauteur de troubles.</p>
<p>Si la sexualité ne peut à elle-même définir les expériences transgenres des adolescents kakataibo, le motif de la sexualité incontrôlée est récurrent dans les discours que les Kakataibo tiennent sur le travestissement des jeunes hommes. Il est ainsi bien souvent considéré comme le résultat de la conduite transgressive des mères, que ce soit via des rapports sexuels avec d’autres femmes (extrêmement rares), l’adultère, ou encore la tolérance de la présence des fils lors de la préparation de la bière du manioc, <a href="https://journals.openedition.org/jsa/7403">tâche par excellence féminine en Amazonie indigène</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236117/original/file-20180912-133901-1uy45a9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le travestissement des jeunes hommes est imputé à la transgression de normes sociales comme la présence pourtant interdite des garçons lors de préparation de la bière de manioc, communauté kakataibo, 2010.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Une certaine volatilité caractérise donc ces modes d’être assez récents qui ne peuvent être perçue uniquement dans une perspective identitaire. Les expériences transgenres telles que vécues par les jeunes kakataibo ne doivent en effet pas être appréhendées comme une simple inversion entre le sexe auquel une personne est assignée à sa naissance et son identité de genre.</p>
<p>La versatilité du travestissement pratiqué par les jeunes hommes kakataibo, l’irrégularité avec laquelle ils utilisent le genre grammatical dans leurs discours et leur participation indifférenciée aux tâches des hommes et des femmes laissent entrevoir une conception du genre fluide et fort éloignée de celle reposant sur un binarisme rigide. Plus qu’une inversion, il s’agit d’une mise en question de la dichotomie du genre, d’une version amérindienne de l’expérience <em>queer</em> et d’une tentative d’inventer un nouveau mode d’être au monde.</p>
<h2>L’homosexualité, un marqueur de modernité</h2>
<p>Le travestissement commence généralement à l’âge de 13-14 ans par l’adoption des techniques du corps « hyperféminines » : la gestuelle, le maquillage, des vêtements particulièrement moulants. Dès le départ, ces expressions corporelles sont désapprouvées par la famille dont la pression incite souvent les adolescents à quitter la communauté pour s’installer en ville.</p>
<p>Ils travaillent alors dans des restaurants ou des bars – ce qui dans cette région est de fait synonyme de prostitution – et rejoignent des groupes d’amis trans’. Les rapports sexuels ne sont pas rémunérés en argent, mais prennent plutôt la forme de cadeaux, et la relation amoureuse constitue un horizon possible et attendu de ces rapports. Cet aspect relationnel est peut-être le plus saillant du mode d’être transgenre qui se caractérise d’un côté par un relâchement (voire une rupture) des rapports fondés sur la parenté et de l’autre, par une sociabilité intense avec les autres fondée sur l’amitié.</p>
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<span class="caption">Ville d’Aguaytia, Amazonie péruvienne, environ 9 000 habitants. Les jeunes y lient de nouvelles amitiés, juin 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La valorisation des liens amicaux qui représentent un mode relationnel relativement récent pour les Kakataibo, le détachement de la communauté et l’efféminisation des hommes qui suivent les canons de beauté (promus lors des concours de Miss) sont autant des raisons pour lesquelles les Kakataibo considèrent aujourd’hui l’homosexualité comme un mode de vie nouveau, ignoré des ancêtres et que les jeunes Kakataibo ont appris au cours de la dernière décennie en allant progressivement à la ville. Comme le décrit un interlocuteur : « Un jour mon neveu est retourné à la communauté transformé, puis petit à petit d’autres ont suivi ses pas ».</p>
<p>L’homosexualité des hommes fait ainsi office de marqueur de la contemporanéité associé aux sociabilités alternatives, c’est-à-dire des relations d’amitiés avec des étrangers, en dehors du réseau de la parenté et dans une ville où, comme à Aguaytia, les Kakataibo ne représentent qu’une infime minorité dans la population.</p>
<h2>Les reines de beauté</h2>
<p>L’artifice, les paillettes, les talons et le glamour sont inhérents aux expériences transgenres parmi les Kakataibo et les Métis d’Aguaytía. Ce n’est donc pas un hasard que les formes balbutiantes de ce qui pourrait devenir un jour le collectif LGBT local se constituent autour des concours de beauté. L’impératif de théâtralisation de ces expériences laisse entrevoir l’importance de leur dimension esthétique permettant d’envisager le genre principalement en termes de la <a href="https://www.belin-editeur.com/le-grand-theatre-du-genre">performance </a>et du <a href="https://books.google.fr/books?id=WsVuMgEACAAJ">style</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236176/original/file-20180913-177935-r7b00n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les jeunes garçons pris par la performance, communauté kakataibo, juillet 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinsk</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les concours de beauté, devenus en Amérique latine l’<a href="https://journals.openedition.org/jsa/14915?lang=en">élément central des festivités autant métisses qu’indigènes</a>, constituent l’espace dans lequel le mode kakataibo d’être transgenre est à la fois exprimé et inventé.</p>
<p>Doria, une femme trans’ de 34 ans, responsable depuis quelques années de l’organisation du concours de beauté pour les jeunes filles dans une communauté indigène, insiste sur l’importance de cette compétition dans sa vie à la fois personnelle et professionnelle :</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont mes amies gays {<em>terme très utilisé, ndla</em>} qui m’ont enseigné toutes ces choses de femme, comment marcher, danser, comment se comporter sur la scène, avoir le corps plus souple. C’est très difficile au départ, il faut beaucoup travailler pour savoir la beauté. »</p>
</blockquote>
<p>Si les termes « travail » et « savoir » reviennent régulièrement dans nos conversations sur les concours, c’est parce que la beauté est devenue dans cette partie du monde une compétence recherchée qui s’apprend et se transmet aux autres comme toute autre technique. C’est ainsi par le biais des concours de beauté que les jeunes gays en sont venus à occuper une place importante et reconnue dans la vie cérémonielle et festive de la région.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236177/original/file-20180913-177950-1u5ketm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Concours Miss Gay, Pucallpa, juin 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une exploration corporelle du beau</h2>
<p>Cependant, bien que le concours de Miss accroisse la visibilité de la communauté gay dans l’espace public tout en permettant de mettre en scène un mode d’être alternatif et potentiellement subversif à l’égard de la <a href="http://www.madmoizelle.com/genre-non-binaire-explications-243141">binarité du genre</a>, il s’agit avant tout d’une expérience subjective profondément esthétique et d’une exploration corporelle du beau.</p>
<p>Ce sont les personnes trans’ qui enseignent aux filles candidates au titre de Miss comment se présenter sur la scène et bouger le corps pour paraître attirantes et sensuelles aux yeux des hommes. La féminité qui les fascine autant n’est pas toutefois celle incarnée par les femmes. Il s’agit plutôt d’une féminité chimérique, exubérante, accessible à tous et merveilleuse.</p>
<p>Les revendications identitaires et plus généralement les discours militants, qui occupent une place centrale dans les concours de beauté trans’ organisés dans de nombreuses villes d’Amérique latine, accompagnent rarement ces événements dans la région d’Aguaytía.</p>
<p><a href="https://www.academia.edu/25993968/Les_concours_de_beaut%C3%A9_am%C3%A9rindiens._Nouvelles_formes_de_spectacularisation_de_l_indianit%C3%A9._Mai_2016._Colloque_final_du_projet_ANR_FabriqAm_Culture_-_modes_demploi._La_patrimonialisation_%C3%A0_l%C3%A9preuve_du_terrain_Paris">S’il y a une identité</a> qui se construit à travers ces performances, le sens de la beauté en est la composante fondamentale. S’il y a de l’activisme, <a href="https://www.academia.edu/35585566/%C3%8Atre_sans_para%C3%AEtre_ou_para%C3%AEtre_au_risque_de_dispara%C3%AEtre_Quelques_%C3%A9l%C3%A9ments_sur_les_exp%C3%A9riences_transgenres_en_Amazonie_p%C3%A9ruvienne">c’est un activisme incorporé</a> et non verbalisé qui se fait dans le mouvement du corps, dans et par la danse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236178/original/file-20180913-177968-1hh0v4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Concours Miss Gay, Pucallpa, juin 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magda Helena Dziubinska</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/102953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magda Helena Dziubinska ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Amazonie, être transgenre parmi les populations amérindiennes questionne nos concepts de beauté, de sexualité et de rapport au corps.Magda Helena Dziubinska, Chercheuse post-doc, EHESS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/892882017-12-17T21:10:18Z2017-12-17T21:10:18ZRequiem pour un ministère fou<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/199562/original/file-20171217-17869-vtvw96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait d'André Malraux à la Demeure du chaos</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/home_of_chaos/15754565551">Flickr /Thierry Ehrmann</a></span></figcaption></figure><p>Oh Malraux si tu savais !</p>
<p>Bien sûr, Emmanuel Macron n’était pas là le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LL83TPexn7Q">jour où André Malraux a inauguré la Maison de la Culture d’Amiens</a>… Le 19 mars 1966 est néanmoins resté gravé comme une date clé de l’histoire de la politique culturelle française. Ce jour-là, par l’un de ses discours au ton et à l’inspiration inimitables, Malraux réaffirme les bases de l’action de son jeune ministère et légitime l’impérieux devoir qu’il fait à l’État de soutenir et protéger la création artistique.</p>
<p>Dans le monde de l’après-guerre fracturé en deux blocs, entre lesquels la France tente de restaurer son prestige de grande Nation éclaireuse, Malraux voit un péril mortel pour l’Humanité dans ce qu’il appelle « les usines de rêve ». Entendons par là les industries culturelles qui ont pris essor avec le cinéma, et dont l’objet est de remplir de vide spirituel le temps laissé vacant par les loisirs récemment conquis. Pour Malraux,</p>
<blockquote>
<p><em>« Ces usines si puissantes apportent les moyens du rêve les pires qui existent, parce que les usines de rêve ne sont pas là pour grandir les hommes, elles sont là très simplement pour gagner de l’argent. Or, le rêve le plus efficace […], c’est naturellement celui qui fait appel aux éléments les plus profonds, les plus organiques et, pour tout dire, les plus terribles de l’être humain et avant tout, bien entendu, le sexe, l’argent et la mort ».</em></p>
</blockquote>
<p>À la redoutable efficacité des machines qui produisent et diffusent les images de mort, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/andre-malraux-la-culture-est-lheritage-de-la-noblesse-du-monde">Malraux oppose la force intemporelle et universelle des œuvres de l’esprit</a> qui éclairent le destin de l’Homme à travers les siècles et les continents : « Les seules images aussi puissantes que les images de sang, ce sont les images d’immortalité. »</p>
<h2>Grandeurs et misères de la démocratisation</h2>
<p>C’est sur cette base que le premier ministre des Affaires culturelles donnera à son projet la double mission d’organiser l’accès de tous aux grandes œuvres de l’esprit et de soutenir la création artistique. Il s’agissait, comme l’a écrit <a href="http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/769?lang=en">Jean Caune</a>, de « produire une culture contemporaine », en donnant en partage un patrimoine que les artistes vivants viendraient réinterpréter pour garantir son immortelle puissance émancipatrice. Ainsi conçue, la politique culturelle est avant tout un combat : il s’agit de dresser une sorte de cordon sanitaire autour de la culture dite cultivée, que Malraux entend protéger des « démons » enfantés par le lucre industrialisé.</p>
<p>On sait aujourd’hui que ce projet – qualifié a posteriori et de façon très réductrice de « démocratisation culturelle » – a échoué. Il est vrai qu’il portait en lui ses propres limites. Très vite en effet, il est apparu que pour être efficace, la politique culturelle ne pouvait s’abstenir de prendre en compte, en même temps que la culture cultivée, les cultures populaires. Ainsi vint le temps de la revendication d’une démocratie culturelle, phénomène ascendant censé équilibrer le mouvement descendant de la démocratisation culturelle. Dès lors le mot d’ordre sera celui de la créativité, dont <a href="http://next.liberation.fr/culture/2011/07/15/un-nouveau-souffle-pour-la-politique-culturelle_749432">Jack Lang</a> fera son cheval de bataille : chaque individu recelant un talent créatif, il suffirait de lui donner l’occasion et les moyens de l’exprimer pour que la messe culturelle soit dite.</p>
<p>Le malheur fut que sous couvert d’objectifs soi-disant démocratiques parés d’intentions fort généreuses, ce mouvement s’est opéré dans la plus grande confusion. Au point qu’il a fini par déboucher sur ce que Malraux redoutait par-dessus tout : une forme de relativisme culturel mortifère non seulement pour l’ensemble de la société, mais pour le ministère de la Culture lui-même.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199561/original/file-20171217-17878-1ez7jiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Fête de la musique, un événement annuel voulu par Jack Lang en 1982.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fete_de_la_musique_(3672777181).jpg">Wikipedia</a></span>
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<h2>Toute la culture vient de là</h2>
<p>Car pour établir une relation équitable entre culture cultivée et culture populaire, encore aurait-il fallu prendre la peine de définir la seconde pour lui donner ses lettres de noblesse. Lesquelles résident dans la capacité des cultures populaires à produire des formes esthétiques exprimant les aspirations d’un groupe donné à un moment donné, et susceptibles de nourrir des représentations symboliques universelles.</p>
<p>Ainsi, la culture dite cultivée est fondamentalement le produit d’une mise en forme syncrétique des innombrables cultures populaires qui ont jalonné, exprimé, illustré et transmis l’histoire de l’Humanité. Que ces expressions dites populaires irriguent en permanence la culture cultivée est donc dans l’ordre naturel des choses de la culture. Les exemples en sont légion, des chants traditionnels au hip-hop, en passant <a href="http://musique.rfi.fr/emission/info/epopee-musiques-noires/20150314-les-origines-du-jazz-en-france">par le jazz</a> ou le rock. S’il n’avait pas d’abord fait rire dans les cours de ferme, <a href="https://www.comedie-francaise.fr/fr/moliere">Molière</a> n’aurait jamais eu l’occasion de se rire de la cour… et on ne le jouerait plus aujourd’hui.</p>
<p>Mais cela ne veut pas dire que la créativité peut se substituer à la création. Le prétendre relève de la pure supercherie, et ne peut déboucher que sur un désastreux malentendu. Car le travail de création artistique, qui inlassablement renouvelle la culture, exige une maîtrise des formes qui ne s’improvise pas : s’il n’avait pas été en concurrence avec Corneille et Racine pour obtenir les faveurs du roi, Molière n’aurait pas atteint l’excellence qu’on lui reconnaît… et on ne le jouerait plus aujourd’hui.</p>
<p>Or de même que la maîtrise des formes est une condition de la création, la maîtrise des codes est indispensable au travail culturel, qu’on le veuille ou non, qu’on le déplore ou qu’on s’en satisfasse. L’ignorer, c’est vouer à l’échec tout processus démocratique de mise en culture de l’art, c’est condamner à une vie séparée culture cultivée et culture populaire, c’est consacrer des pratiques culturelles socialement distinctes et distinctives. Et c’est aussi, et peut-être surtout, jeter la culture populaire dans les bras avides des industries culturelles. Lesquelles peuvent produire le meilleur quand la puissance publique les protège de leurs propres appétits lucratifs. Mais lesquelles sont avant tout, et intrinsèquement, de formidables machines à <a href="http://www.educ-revues.fr/ID/AffichageDocument.aspx?iddoc=38739">fabriquer une culture de masse</a> sans âme qui fait feu de tout bois, sans autre projet que le profit financier généré par l’obsession du divertissement.</p>
<p>Or si la créativité ne se confond pas avec la création, le divertissement n’est pas équivalent à la délectation. Si tel était le cas, toutes les chaînes de télévision programmeraient Molière en prime time, et les centres dramatiques n’auraient aucun mal à élargir et renouveler leur public.</p>
<h2>Bête de scène</h2>
<p>Dans le triangle sensoriel-sensible-symbolique qui contient le processus de création artistique et de mise en culture de l’art, le travail culturel se concentre sur le lien entre sensible et symbolique : celui qui permet de déconstruire des propositions esthétiques individuelles, pour construire des représentations éthiques collectives. La consommation culturelle suscitée et organisée par les industries du divertissement est pour sa part totalement indifférente à ce processus : seule l’intéresse la dimension sensorielle, celle qui procure un plaisir immédiat, déconnecté de toute opération symbolique.</p>
<p>De ce point de vue, on ne peut qu’être frappé par la façon dont les commentateurs de tout poil ont insisté sur les qualités de « bête de scène » prêtées à Johnny Hallyday, lors des longues journées d’enflure médiatique qui ont suivi son décès. Le caractère physique, voire animal de ses prestations scéniques, a été longuement salué – un psychanalyste allant jusqu’à souligner sa « stature phallique »… Et dans l’hommage qui lui a été rendu a éclaté, dans toute sa puissance, la relation compassionnelle qu’il avait su entretenir, tout au long de sa remarquable carrière, avec le public nombreux qui l’accompagnait de façon inconditionnelle.</p>
<p>« L’idole-copain », pour reprendre les termes d’Edgar Morin, était sans conteste passé maître dans l’art de se faire désirer. Il avait un talent exceptionnel pour susciter l’empathie, pour distiller à bon escient bonnes et mauvaises nouvelles, pour faire rêver de ses succès et pleurer de ses malheurs. Revendiquant la banalité de ses aspirations pour mieux rendre spectaculaire leur mise en scène, Johnny Hallyday était un authentique virtuose du show-business. Doué d’un sens des affaires hors du commun, il se donnait d’autant plus volontiers à son public qu’il savait très exactement ce que ses fans attendaient de lui : une relation charnelle, directe, dont les albums studio attisaient le désir, autant que les albums live entretenaient le souvenir.</p>
<p>Pour autant, son immense succès commercial fait-il de lui un « artiste exceptionnel », comparable à Victor Hugo et digne du Panthéon de la chanson française, comme l’ont affirmé des personnalités politiques de haut rang ?</p>
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<p>Faire de lui une icône du rock français au motif qu’il a introduit le rock’n roll en France dans les années soixante, n’est-ce pas faire insulte aux musiciens qui, depuis des dizaines d’années et bien souvent dans l’ombre, explorent et redéployent l’esthétique rock dans de nombreux courants et sous-courants véritablement populaires ? Certes, Johnny Hallyday bénéficiait d’une immense popularité. Mais le mot est piégé. Inventé par les industries culturelles pour glorifier la culture de masse, il tend à faire croire que le caractère populaire d’une proposition artistique se mesure au nombre de disques ou de billets vendus.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199564/original/file-20171217-17857-tenf2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Johnny Halliday à ses débuts.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://dannyfriar.wordpress.com/2015/01/15/0637-tutti-frutti-johnny-hallyday-1961/">D. Friar</a></span>
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<h2>L’État piégé</h2>
<p>Le piège fonctionne à merveille. Cela fait vingt ans déjà que l’État est tombé dedans : dès 1997, on a pour la première fois ajouté aux missions historiques du ministère de la Culture celle de « veiller au développement des industries culturelles ». Et dans une totale confusion des genres, c’est la ministre chargée de cette mission, Catherine Trautmann, qui avec bonheur inventera les <a href="http://mediatheque.cite-musique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/70_Institutions_DracsSmac.pdf">Scènes de musiques actuelles</a> (SMAC) pour que s’y développent les musiques populaires… tandis qu’au même moment la France se couvre des Zéniths si chers à Johnny !</p>
<p>Dans les heures et les jours qui ont suivi le décès de Johnny Hallyday, le piège s’est cruellement refermé : entre une ministre de la Culture souhaitant un « hommage national » pour l’idole des (ex-)jeunes, et un président de la République lui rendant officiellement un hommage « populaire » à l’occasion de ses obsèques, tout porte à croire que l’on a durablement renoncé, rue de Valois, à tenter d’organiser des relations équitables entre culture cultivée, culture populaire et culture de masse.</p>
<p>Dès lors une question demeure, lancinante : à quoi peut bien encore servir un ministère de la Culture ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plutôt qu'un parangon de la culture populaire, Johnny Hallyday est le symbole du divertissement, élevé au rang d'art par les politiques publiques depuis les années 1980.Isabelle Mathieu, Ingénieure de recherche, Université de Bourgogne, Auteurs historiques The Conversation FranceClaude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/766802017-05-14T20:03:29Z2017-05-14T20:03:29ZDes crèmes qui nourrissent… Un concept à boire et à manger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166797/original/file-20170426-2834-1n0dz98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C22%2C738%2C533&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Madame Blanche, publicité pour une crème de beauté datant de 1940.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moestika. R. Ogawa & Co.: Semarang, Malang./ Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>Les crèmes nourrissantes sont toujours présentées comme les cosmétiques de choix pour les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peau">peaux</a> sèches, autrement dit en cas de déficit en lipides cutanés. Or l’adjectif « nourrissant » a de quoi intriguer. Chacun y voit ce qu’il veut bien y voir. Mais l’emploi d’un terme plus adapté au domaine nutritionnel qu’au domaine cosmétique n’est sans doute pas anodin. Baptiser les cosmétiques d’aliments destinés à la peau est une volonté que certains ne manquent pas d’afficher. Et si aujourd’hui, les fruits et légumes ont été incorporés dans les recettes cosmétiques, ils ont été propulsés sur le devant de la scène à la fin du XX<sup>e</sup> siècle. Petit retour sur l’histoire d’une appellation qui en trouble plus d’un…</p>
<h2>Des cosmétiques beaux et bons</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=928&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=928&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=928&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1166&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1166&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166802/original/file-20170426-2825-w6x9l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1166&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">G. Clarks, .</span>
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<p>En 1912, <a href="http://www.biblioparfum.net/details-livre-Petit-manuel-de-l-art-d-acquerir-et-de-conserver-la-beaute-791.html"><em>Le nouveau bréviaire de la beauté</em></a> de Geoffroy Henri Gaillard, signé sous le pseudonyme G. Clarks, est sans surprise un ouvrage à la gloire des cosmétiques de la société du même nom. Clarks dispose d’un laboratoire et d’un magasin à Paris, et conçoit, fabrique et vend des produits de beauté, crèmes, sels, lotions, parfums… Les noms évocateurs de « crème aux œufs » et « crème spéciale suprême de Clarks » excitent les papilles de la consommatrice avant de venir au secours de sa peau « assoiffée ». Ces crèmes sont décrites comme « une préparation idéale tout spécialement destinée à nourrir les peaux imparfaitement propres à sucer et pomper dans le sang leur substance alimentaire » et comme un « aliment merveilleux des cellules. » Un beau programme !</p>
<h2>René Cerbelaud et les mérites de la « skin food »</h2>
<p>Le cosmétique-aliment est donc déjà tendance. En 1933, le pharmacien René Cerbelaud enfonce le clou. Dans le tome II de son <em>Formulaire de Parfumerie</em>, il donne la formule de la crème de lanovaseline américaine dite « skin food américain ». Elle se compose, comme son nom l’indique, de lanoline (20 g) et de vaseline blanche (57 g), mais aussi de paraffine (3 g), d’eau distillée de fleur d’oranger (20 g) et de parfum (0,6 g). En fait, ce n’est qu’une pommade, dont la formulation s’appuie majoritairement sur des substances lipophiles. Reste que baptisée « skin food », elle acquiert immédiatement ses lettres de noblesse. Le terme « aliment » est lâché. On cherche à nourrir la peau de l’extérieur et non plus de l’intérieur…</p>
<h2>Quand Arthur Burrows met les pieds dans le plat</h2>
<p>En 1937, dans la très sérieuse revue médicale <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673600884925"><em>The Lancet</em></a>, Arthur Burrows, un tantinet irrité, s’interroge sur la notion de crèmes nourrissantes alors très en vogue. Ce dermatologue qui s’intéresse de près aux cosmétiques et à leur contenu – il classe, en particulier, les ingrédients en différentes catégories selon leur toxicité systémique, leur effet irritant ou allergisant – n’arrive pas à trouver de réponse satisfaisante. Pour lui, les crèmes nourrissantes sont des crèmes qui « font se sentir belles » ! Rien de bien scientifique en somme. Le terme très employé dans le domaine esthétique laisse donc le domaine médical plus que perplexe, voire parfois franchement agacé.</p>
<h2>Du cosmétologue au nutritionniste</h2>
<p>À l’époque, les crèmes nutritives ou nourrissantes sont définies par certains comme des « mixtures grasses auxquelles on incorpore des hormones, du cholestérol, des lécithines. » Et les hormones, bien que <a href="https://books.google.fr/books?id=ze6-GwAACAAJ&dq=Florentin.+Cosm%C3%A9tiques+et+produits+de+beaut%C3%A9,+1938&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj419m73cHTAhUJ7RQKHZZaCOAQ6AEIJTAA">considérées</a> à la fin des années 1930 comme des ingrédients « mal connus sécrétés par certaines glandes », sont la base de ce type de cosmétiques. On est, alors, encore assez peu regardant en ce qui concerne le profil toxicologique des produits mis sur le marché. Il n’est qu’à lire les propos de Marceline Sébalt.</p>
<p>On peut la considérer comme l’une des <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/billets-d-humeur/">premières esthéticiennes</a>. Mais elle se pique également d’être hygiéniste. Marceline Sébalt définit ainsi avec précision ce qu’est une hormone : « substance produite dans un organe et transportée par la circulation sanguine dans un autre organe dont elle excite le fonctionnement. » Tout en ajoutant : « Les hormones s’utilisent dans certaines préparations cosmétiques, tolérées par le corps médical. » Bien sûr, l’esthéticienne entend faire des émules. Et elle se targue donc d’avoir « un travail passionnant, une profession rémunératrice » ! Entre l’hygiéniste et la nutritionniste, la limite est alors floue. Et Marceline Sébalt touche au lyrisme lorsqu’elle dispense ses conseils-beauté : « Si cette noble beauté est à tendance sèche, nourrissons-là […] ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166805/original/file-20170426-2838-18w26th.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rene Maurice Gattefossé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Autres discours, mais même ton avec Marcelle Auclair et son ouvrage, <em>La beauté de A à Z</em>, paru en 1949. Elle fait sienne la théorie de René-Maurice Gattefossé, l’inventeur de l’aromathérapie pour qui « Hormones, vitamines, huiles essentielles s’absorbent plus facilement par la peau que par voie digestive : elles ne subissent pas, dans ce cas, l’attaque des sucs stomacaux ou intestinaux et agissent directement sur les centres à reconstituer. »</p>
<p>René-Maurice Gattefossé croit en une « alimentation par la peau » plus qu’à une « alimentation de la peau ». Les cosmétiques de la marque Skinfood reprendront ce concept en 1957 et seront présentés comme de « délicieux produits cosmétiques faits à base de bons aliments ». Le concept est simple : « les aliments qui sont bons pour votre santé, sont également bons pour votre peau ».</p>
<h2>La beauté dans le potager</h2>
<p>Le concept est toujours bien vivant et le programme nutrition santé initié en 2001 n’a sans doute fait que le renforcer. Avec pour ambition d’améliorer l’état de santé des Français en changeant leurs habitudes alimentaires et en réhabilitant les produits naturels, ce programme a inventé un slogan – « cinq fruits et légumes par jour » – qui met à l’honneur des produits simples, mais parfois délaissés. Fruits et légumes sont dès lors promus au rang de thérapeutes. Avec, de nouvelles stars : des fruits exotiques, qui à l’instar des baies de goji sont réputés pour leurs « remarquables » propriétés antioxydantes et font l’objet de nombreuses publications. On ne s’étonnera donc pas de les voir valorisés tant dans le domaine agroalimentaire que cosmétique…</p>
<p>Corps gras, extraits de fruits, minéraux… les ingrédients qui ont été ou sont désormais inclus dans la composition des crèmes nourrissantes (ou nutritives ou riches ou relipidantes) sont nombreux. Crèmes de jour, crèmes de nuit… ces crèmes désaltéreront, sans nul doute, les peaux les plus assoiffées !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76680/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Utiliser des termes réservés au domaine de la nutrition pour désigner des cosmétiques n’est pas vraiment nouveau. La crème qui nourrit est un concept déjà présent au début du XXᵉ siècle.Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de NantesLaurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712512017-01-31T23:14:55Z2017-01-31T23:14:55ZRelire Adolf Portmann pour voir les animaux autrement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154943/original/image-20170131-13243-1ufs11g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paon faisant la roue. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/20299709@N00/624150998/in/photolist-X9Wm7-6vXjhb-rvqQG1-d82tX-pyQVAE-4UHLWK-6wzpaK-o1vysP-MTkwM-4vWkXz-6coi1F-ehKtMP-7KE448-8ZRg2u-9QwSHL-aw6peF-6coi8x-9Tdo92-9bnLVe-pY829t-bBrzyS-6qDg1x-8AXxVg-8Escry-e1shyG-JJj6C-849n9Z-dywzJv-aw6qyM-7HrihY-eiqWcE-a4epVh-5cSAuo-bXekob-dBKPxz-hCGDfk-9MhtiW-7D1ytf-3Z5UGM-4MHT6-qfyoyc-4UMZXf-6Ee7wX-2ZgsLG-6CCmuo-nWXhSJ-CvFrB4-aw9GTo-bGPo32-aw6xPP">Jos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’entrée de l’exposition <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JA5g_cyB8Bs">« Le Grand Orchestre des animaux »</a>, qui a fermé ses portes le 8 janvier dernier, une installation appelée « Les oiseaux artistes » présentait de très belles vidéos du <a href="http://www.birds.cornell.edu/Page.aspx?pid=1478">Cornell Lab of Ornithology</a>.</p>
<p>Au programme, les impressionnantes parades nuptiales des paradisiers (oiseaux de Paradis parés de couleurs et de plumage flamboyants), les chorégraphies complexes des ménures superbes (oiseaux-lyre arborant une magnifique queue composée de longues plumes), ou encore les constructions décorées (tonnelles ou berceaux) des oiseaux jardiniers. Le succès de ces films devant un public nombreux, amusé et fasciné, ne pouvait se démentir.</p>
<p>Comment comprendre ces formes et ces marquages colorés qui nous captivent tant ? Comment penser cette complexité que l’on observe dans les comportements expressifs ? Car si l’apparence et les attitudes servent une fonction, pour se reproduire par exemple, cette fonctionnalité n’explique pas l’incroyable variété ni la profusion de leurs formes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Incroyables paradisiers (Lab of Ornithology, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Auto-présentation et interanimalité</h2>
<p>Pour aborder ces questions, deux grands types d’analyse se distinguent. Il y a d’abord l’approche fonctionnelle, selon laquelle l’apparence est mise au service d’une fonction ; et l’approche phénoménologique, qui présuppose et dépasse la première.</p>
<p>Les travaux du biologiste et zoologiste suisse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Portmann">Adolf Portmann</a> (1897-1982), relayés par le philosophe belge Jacques Dewitte, éclairent l’analyse phénoménologique de façon originale en pensant le mode de manifestation de l’animal comme un apparaître et une « autoprésentation ».</p>
<p>Cette idée, que Portmann développe dans les années 1940, est tout à fait originale : la vie des animaux n’obéit pas seulement aux nécessités de la conservation, elle répond également à un besoin de manifester dans le champ du visible la spécificité de l’animal.</p>
<p>En fonction de ses spécificités physiologiques, de son corps organique, chaque espèce dispose d’un appareil perceptif privilégié (l’ouïe, l’odorat, le toucher ou la vision) qui l’unit non seulement au monde, mais aussi à l’autre. Car le corps de l’animal est aussi un « organe pour autrui », pour reprendre l’<a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-Philosophie/Notes-des-cours-au-College-de-France">expression de Merleau-Ponty</a>.</p>
<h2>Le corps animal</h2>
<p>La perspective phénoménologique ne peut se comprendre que si l’on pense différemment la relation entre l’apparence d’un sujet doté de caractères visibles et l’individu doté d’organes récepteurs qui le perçoit. Portmann avance l’idée d’une visibilité première.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« La Forme animale » est paru en 1948.</span>
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<p>Dans son ouvrage <a href="http://www.philomag.com/les-livres/notre-selection/la-forme-animale-9030"><em>La Forme animale</em></a>, il souligne d’ailleurs que l’apparence « attire le regard » et qu’elle est destinée à apparaître. Selon cette logique, les dessins et les motifs colorés sont des organes à être vus, élaborés de la même manière qu’un organe de la locomotion ou de la digestion par exemple.</p>
<p>Car le corps animal est fait de deux antithèses, le visible obéissant à d’autres lois que l’invisible. L’intérieur du corps (c’est-à-dire l’organisation interne des organes vitaux) est plutôt asymétrique, tandis que la coloration de l’apparence extérieure est plutôt symétrique. Pour Portmann, l’opposition entre les lois de l’intérieur et celles de l’extérieur montre que le corps de l’animal n’est pas une enveloppe externe qui protège et dissimule les organes, mais qu’il manifeste l’importance réelle du visible.</p>
<p>Ceci se manifeste également à travers la différenciation sexuelle entre les animaux mâles et femelles d’une même espèce. La question soulevée ici est celle de la spécificité des formes qu’il faut penser selon leur valeur expressive. D’ailleurs, cette tendance à la profusion des formes se manifeste aussi dans le champ du comportement. Ainsi, certaines espèces pourtant très proches utilisent des parades sexuelles tout à fait différentes. Au Panama, on a par exemple observé une parade sexuelle spécifique pour chacune des vingt-sept espèces de crabes violonistes (Uca).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Crabe violoniste de Thaïlande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rushen/16668955211/in/photolist-roYKDv-r8jQBm-gebXru-pWS8LQ-pGjSHG-bitZmB-i84FeT-ohG9xw-nyxB8Z-pZwcbB-dnHroU-5jHatH-pYGYhz-dnHr5H-p3aWnY-pZEcDG-pXqDEU-i84Jkb-p3JxgG-pYrM7f-pZkjHP-p37LUf-dnJcap-pZk5NK-qbUrMA-pY86tH-pGh1i8-pZuGDP-pFXLT9-a2544Q-a254aq-i85cDt-acXcGe-a22bHp-p2wuFm-fTKVzB-5ay9zD-JWtxKE-rPytWe-fTJQgZ-d1Njfs-ecFC86-ehuhAn-eBpESn-dQHkDY-nyybgb-pXwyZE-dQHkdu-nAjhTV-rmc9Yt">Rushen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais comment comprendre et penser l’originalité de ces formes animales ?</p>
<p>La première piste est darwinienne : l’importance et la transmission héréditaire des caractères visibles s’expliquent selon une sélection sexuelle qui s’appuie sur deux postulats : l’ardeur des mâles et la faculté de choix des femelles. Ainsi, la lutte entre les mâles pour s’assurer la possession des femelles favorise les individus les plus forts, c’est-à-dire ceux qui possèdent certains avantages provenant de leurs armes, ou de leurs attraits, qu’ils transmettent à leur descendance mâle.</p>
<p>Cette perspective peut être qualifiée d’« utilitaire » dans la mesure où tout ce qui ne contribue pas à la survie de l’organisme est condamné tôt ou tard à disparaître. La sélection est ici un principe d’économie où l’apparence et les comportements sont toujours nécessaires et suffisants. Or, il est évident qu’il existe un écart manifeste entre la profusion des formes et les rôles fonctionnels censés les analyser.</p>
<h2>Un décalage</h2>
<p>Du point de vue darwinien, la livrée de la guêpe a ainsi été sélectionnée parce qu’elle joue un rôle d’avertissement ; la roue de paon parce qu’elle sert de stimulus pour la femelle, etc. Mais comme le <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_manifestation_de_soi-9782707164469.html">souligne justement Jacques Dewitte</a>, cette logique présuppose quelque chose d’antérieur et d’externe au système : une forme déjà existante beaucoup plus riche et englobante que les quelques traits pertinents du point de vue fonctionnel.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Guêpe butinant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jgonzac/14033992892/in/photolist-no8T9G-hqvNzu-6g44i4-pMwocP-7gnSkc-4Kk5NU-g8zpvq-fv9hDW-8Y2RQC-pYzh1h-BNHhkM-cBSP5G-Gv9bQs-4WHjkP-dLHEX1-7C51WN-6CPEtb-qaHmSq-83ZE2t-dHo5M6-83ZEtx-ogdA5L-oSd6bt-6fojCS-J4PY5J-9AxfGy-HUPZqi-nL7wMb-H6mMSN-fp5kBw-71iiSa-NYMFn6-oTVT2h-2UNmXE-EGLq1Z-vBDtWj-8szvVs-dLHES7-bwypzL-a7WsKE-5Nq2b3-7ccP75-6uxzpo-bDHvY5-bSCfwv-a7TneX-4RcsvN-a7TzqX-g8zpvL-e8hSTm">Jaime González/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a là un double décalage, à la fois morphologique et temporel, poursuit Dewitte : décalage morphologique entre la forme effective telle qu’elle se présente dans sa globalité et les quelques traits fonctionnels qui n’en sont qu’une partie limitée ; décalage temporel entre la genèse de la forme et le moment nécessairement postérieur où les relations fonctionnelles ont pu intervenir et entrer en ligne de compte.</p>
<p>L’apparence extérieure prend toute son importance par sa valeur existentielle de manifestation et de présentation. Dans ce cadre-là, les marquages sexuels périodiques que l’on aurait tendance à subordonner totalement à la fonction de reproduction, manifestent dans une sorte d’urgence l’exigence de ce que l’animal a à être. De la même façon, les ornements démesurés – les évolutionnistes parlent de « caractères aberrants » parce qu’ils attirent l’œil des prédateurs ! –, contribuent à élever l’espèce à un niveau supérieur de différenciation qui n’est pas nécessairement une amélioration fonctionnelle.</p>
<h2>L’apparence inadressée</h2>
<p>Nous avons dit que l’animal devait apparaître et que l’apparence était une autoprésentation de soi. Mais l’apparence implique-t-elle toujours un sujet capable de la percevoir ? Que penser des espèces qui n’ont pas d’appareil perceptif et qui ont pourtant des couleurs et des formes extravagantes, comme les étoiles de mer ou les éponges ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Étoile de mer Couronne d’épines se nourrissant de corail dans les eaux des Maldives.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/coralivorous-crown-thorn-feeding-on-fresh-325828052?src=qwQipKBnf7w9Ob5PerfQOA-1-70">Shutterstock</a></span>
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<p>Pour Portmann, elles nous montrent que l’apparence excède la relation sujet-objet et devient auto-façonnement gratuit et pur apparaître. Dans le champ du comportement, cette apparence dite « inadressée » est à la fois antérieure et contemporaine de l’apparence « adressée ».</p>
<p>Elle est contemporaine parce que les parades amoureuses utilisent et déplacent ces traits caractéristiques qui manifestent l’animal. Elle est antérieure, car c’est seulement dans un deuxième temps qu’elle devient apparence adressée à des yeux, dans le champ d’une communication visuelle entre animaux. Dans le cadre de cette interprétation, le fonctionnel émerge à partir du non-fonctionnel ; le principe de sélection n’est donc pas contesté, il est déplacé.</p>
<p>Le point de vue fonctionnaliste devient ici un cas particulier à l’intérieur d’un champ de réalité plus vaste ; on voit se mettre en place une relation bien spécifique, que Jacques Dewitte appelle « relation d’enveloppement » entre deux sphères de réalité : le champ phénoménal et le champ fonctionnel.</p>
<p>Selon cette même logique il n’y a pas de contradiction entre les notions d’« interanimalité » et d’« apparence inadressée » : un envoi est émis sans que la réception ne soit la condition préalable de son émission, et sans qu’il se règle par avance sur la réception.</p>
<p>Voici un exemple (donné par Portmann dans un <a href="http://bit.ly/2kcBEmk">ouvrage de 1965</a>) qui illustre cette idée de façon très concrète. Il existe chez une espèce de fauvette deux types de chants principaux : le chant juvénile (dit « chant spécifique ») très complexe et auquel s’adonne l’oiseau avec beaucoup d’entrain même lorsqu’il est seul ; et le chant dit « à motifs », plus simple, qui sert à rechercher un partenaire ou à revendiquer un territoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le chant de la fauvette à tête noire (Digiscopie, 2009).</span></figcaption>
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<p>Il s’avère qu’après analyse minutieuse des séquences chantées, les ornithologues se sont aperçus que le chant à motifs est une version simplifiée du chant juvénile. Ici, le chant s’est comme appauvri pour assumer des fonctions liées à l’autoconservation. Dans ce cas, le chant non fonctionnel constitue une sorte de chant originaire enveloppant le chant fonctionnel.</p>
<h2>Dépasser les clivages</h2>
<p>La force de la pensée de Portmann tient à ce qu’elle propose de dépasser le clivage entre la pensée scientifique et le monde sensible proposé par la science moderne qui a tendance, il faut bien le dire, à se couper <a href="http://larevuepretentaine.com/issues/">du monde de la vie</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Planche extraite du « Dictionnaire universel d’histoire naturelle », publié en seize volumes entre 1841 et 1849 sous la direction du botaniste et géologue français, Charles d’Orbigny).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/search/?user_id=61021753%40N02&view_all=1&text=butterfly">Biodiversity Heritage Library/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Fondamentalement, le spectateur et le scientifique, captivés par les « oiseaux artistes » de l’exposition <em>Le Grand Orchestre des animaux</em>, sont saisis par le même enchantement. Nous sommes subjugués par la beauté, la complexité et la variété des formes animales dont les raisons nous restent mystérieuses ; il y a bien quelque chose de fantastique et de poétique dans la prolifération de ces couleurs, de ces formes et dans l’originalité de ces parades.</p>
<p>La coexistence du sentiment poétique d’émerveillement et du regard scientifique est-elle possible ? Il pourrait sembler au premier abord qu’ils soient incompatibles, soit parce que l’on voudrait renoncer au savoir scientifique pour retrouver l’émerveillement, soit parce que la connaissance scientifique aurait démystifié ou transformé l’animal en objet – ce dernier point est crucial parce qu’il soulève le problème de l’exploitation systématique du monde animal.</p>
<p>Pourtant, une autre position semble possible si l’on comprend l’attitude d’émerveillement comme quelque chose d’indépassable à laquelle la science fait appel – parfois à son insu – pour puiser une part de ses questionnements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71251/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Autran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans son ouvrage « La Forme animale » paru en 1948, le biologiste suisse propose une approche phénoménologique de la nature qui laisse toute sa place à l’émerveillement.Isabelle Autran, Docteur en sociologie, adjointe à la direction de la recherche et des études doctorales, responsable d’édition des Presses universitaires de Paris Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.