tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/evolution-20708/articlesévolution – The Conversation2024-02-13T15:42:48Ztag:theconversation.com,2011:article/2211502024-02-13T15:42:48Z2024-02-13T15:42:48ZPourquoi toutes les fleurs ne sentent pas la rose… loin de là !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575308/original/file-20240213-22-7r8ddf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C7360%2C4869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les odeurs des fleurs servent à attirer les pollinisateurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/abeille-se-nourrissant-de-fleur-doranger-hphxtt_aUUw">Diana Măceşanu/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions dans un format court et accessible, <a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">l’occasion de poser les vôtres ici !</a></em></p>
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<p>Le règne végétal est constitué d’environ 350 000 espèces de plantes à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fleurs-39612">fleurs</a>, chacune possédant des caractéristiques distinctes afin d’assurer sa survie. Elles adaptent certaines caractéristiques en fonction de leur environnement et de leurs besoins spécifiques pour ce faire. Parmi ces caractéristiques, l’odeur est celle qui nous est la plus accessible.</p>
<h2>Pourquoi les fleurs produisent-elles des odeurs ?</h2>
<p>L’odeur des fleurs est due à la présence de composés chimiques spécifiques. Elles se servent des odeurs qu’elles produisent comme un moyen d’interaction et de communication entre elles et avec les autres êtres vivants.</p>
<p>La production d’une odeur florale a pour but principal d’attirer les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisateurs</a>. La grande majorité des plantes à fleurs sont pollinisées par les insectes et sont dites « entomophiles ». La production d’odeurs florales spécifiques est généralement un des signes indicateurs de la présence de récompenses pour les pollinisateurs : le nectar (sucres) ou le pollen (protéines). Ceci les encourage à s’approcher de la plante pour la butiner et, ce faisant, la polliniser. Les odeurs peuvent également être produites dans le but d’assurer la défense de la plante. Dans ce cas, elles produisent des composés chimiques pour dissuader les herbivores et les florivores. C’est le cas de la lavande (<em>Lavandula angustifolia</em>) qui produit le linalool et le linalyl acetate qui attire des pollinisateurs mais dissuade les herbivores et les florivores.</p>
<p>Les odeurs florales sont un mélange d’un ou plusieurs composés organiques volatils capables de s’évaporer facilement dans l’air. Ces composés sont souvent spécifiques à des groupes de pollinisateurs différents (abeilles, bourdons, fourmis, mouches, papillons, oiseaux, etc.). Ils sont produits en quantité variable par les plantes, aboutissant ainsi à une signature spécifique destinée à attirer un ou plusieurs pollinisateurs.</p>
<h2>Pourquoi les odeurs sont-elles dites agréables ou non ?</h2>
<p>Il est important de noter que la qualification d’une odeur « agréable » ou « désagréable » dépend de la perception humaine. Les plantes, elles, produisent des odeurs dans un but bien précis : celui d’assurer leur reproduction et leur survie sur terre.</p>
<p>Les senteurs peuvent varier en fonction des pollinisateurs que souhaite attirer la plante. Par exemple certaines espèces adoptent la stratégie de production d’odeurs « sucrée » comme chez la lavande, le jasmin, le lys et les jacinthes pour attirer des pollinisateurs comme les papillons, des abeilles et des bourdons.</p>
<p>D’autres fleurs comme les Rafflesia, les Araceae ou encore certaines Orchidaceae miment des odeurs associées à la décomposition organique (odeur de charogne, d’urine, de matières fécales, de viande pourrie chez l’orchis brûlé ou l’orchis bouc) pour attirer des mouches ou d’autres insectes nécrophages.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fleurs d’Orchis bouc, une plante qui produit une odeur de bouc pour attirer des pollinisateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orchis_bouc#/media/Fichier:Himantoglossum_hircinum_MHNT.jpg">Didier Descouens/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Selon les espèces de plantes, les odeurs peuvent être produites pour attirer un pollinisateur particulier, on dit alors qu’elles sont « spécialisées » comme chez des figuiers ou, au contraire, dites « généraliste » lorsqu’elles attirent plusieurs groupes de pollinisateurs comme la lavande.</p>
<p>La production des odeurs des fleurs coïncide généralement avec la période d’activité de leur pollinisateur. Plus précisément, par exemple, on observe chez les orchidées africaines des espèces dites « sphingophiles » qui présentent de grosses fleurs blanches produisant beaucoup de nectar. Celles-ci sont odorantes uniquement pendant la nuit car elles attirent un pollinisateur nocturne : le papillon sphinx. D’autres espèces proches dites « mélittophiles » possèdent de petites fleurs blanches qui sentent uniquement durant la journée et qui sont alors pollinisées par des abeilles qui sont généralement diurne.</p>
<p>Parfois, l’odeur d’une plante peut être imperceptible par le nez humain mais bel et bien détectée par des pollinisateurs. C’est le cas des orchidées du genre Ophrys, qui sont généralement pollinisées par des abeilles solitaires. <a href="https://theconversation.com/pollinisation-les-insectes-pris-au-piege-du-leurre-amoureux-des-orchidees-203012">L’Ophrys</a> utilise une stratégie d’attraction appelée la « déception florale », qui attire les insectes pollinisateurs en imitant des caractères visuels ou olfactifs sans fournir la récompense attendue. Cette stratégie est traduite par la forte ressemblance des fleurs d’Ophrys avec la forme, la couleur et même l’odeur d’une abeille femelle que le mâle ainsi leurré viendra polliniser.</p>
<h2>Pourquoi certaines plantes ne sentent-elles pas du tout ?</h2>
<p>Dans la plupart des cas, les plantes qui ne produisent aucune odeur sont pollinisées par le vent, elles sont dites « anémophiles » par exemple le noisetier commun et le maïs. Elles possèdent souvent des fleurs discrètes et peu colorées car elles n’ont pas besoin d’un visiteur (autre que le vent…) pour transporter leur pollen vers d’autres fleurs de la même espèce. Pour compenser, elles produisent d’énormes quantités de pollen très léger qui seront facilement dispersées par le vent.</p>
<p>Ceci montre que les plantes ont des stratégies de reproduction très variables (comme les exemples ci-dessus d’anémophilie ou d’entomophilie) adaptées à leur environnement et aux conditions spécifiques de pollinisation.</p>
<p>En conclusion, les odeurs des plantes contiennent des composés chimiques volatils pas simplement agréables ou non pour les humains, mais qui sont avant tout produits pour assurer un rôle dans la survie des espèces impliquées, plantes comme insectes (mais pas que !). Elles permettent la communication avec les autres organismes vivants. En plus des odeurs, les plantes à fleurs utilisent d’autres caractéristiques visuelles toutes aussi fascinantes telles que la couleur et la forme, ainsi qu’une récompense plus ou moins riche, le nectar, pour attirer les pollinisateurs.</p>
<p>La prochaine fois que vous verrez une fleur, vous irez sûrement sentir son parfum, et pourrez imaginer son importance et deviner le groupe de pollinisateurs qui assure sa survie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lydie Messado Kamga ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les plantes ne produisent pas des odeurs pour plaire aux humains mais pour attirer des pollinisateurs qui assureront leur reproduction.Lydie Messado Kamga, Doctorante en biologie végétale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2217662024-01-23T19:39:34Z2024-01-23T19:39:34ZPour la première fois, on a observé une proie chasser son prédateur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570939/original/file-20240123-19-nna19m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C1834%2C1657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La bactérie prédatrice Myxococcus xanthus (gauche) décimant sa proie (droite). Les points noirs sont des agrégats de prédateurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nicola Mayrhofer, ETH</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Si on vous parle de prédation, vous pensez certainement à un lion qui pourchasse une gazelle ou à un lynx bondissant sur un lièvre dans la neige. Mais savez-vous que certaines bactéries aussi tuent et se nourrissent de leurs proies ? <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3002454">Dans un article publié aujourd’hui</a> dans la revue scientifique <em>Plos Biology</em>, nous expliquons comment nous avons observé que, chez les bactéries, les proies peuvent devenir les prédateurs… de leurs prédateurs, comme si la gazelle se mettait à chasser le lion.</p>
<p>Le monde tel que nous le connaissons abrite une multitude d’autres mondes, moins facilement accessibles, notamment parce qu’invisibles à l’œil nu. Je m’intéresse à ces mondes microscopiques et aux organismes qui les habitent. J’étudie comment ces microorganismes interagissent, comment ils coopèrent pour accéder à des ressources par exemple, comment ils se battent, comment ils communiquent et même comment ils se tuent et se mangent entre eux. Entre 2019 et 2021 à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH), des collègues et moi avons mené un projet en laboratoire pour faire évoluer des communautés de bactéries et tenter de comprendre comment leurs interactions se modifient au cours des générations.</p>
<h2>Des résultats étranges…</h2>
<p>En 2021, après avoir réalisé deux fois une des expériences du projet, j’ai quitté l’ETH pour rejoindre le CNRS et j’ai laissé à une de mes collègues le soin de répéter deux nouvelles fois l’expérience en question. Quand on fait de la recherche, une des manières de valider des observations est de répéter une expérience pour s’assurer que les résultats ne changent pas entre les répétitions. Sauf que cette fois-ci, les résultats n’étaient pas seulement un peu différents, ils étaient complètement inversés !</p>
<p>L’expérience consistait à mettre en présence une bactérie décrite comme prédatrice et une bactérie décrite comme proie pour estimer l’efficacité de la prédation. Au cours des deux premières répétitions, mais aussi dans les expériences précédentes que nous avions menées avec ces deux espèces bactériennes, <em>Myxococcus xanthus</em> tuait et se nourrissait de <em>Pseudomonas fluorescens</em>. Il était donc clair que <em>M. xanthus</em> était le prédateur et <em>P. fluorescens</em> la proie. Lors de la troisième répétition, ma collègue a non seulement observé que <em>P. fluorescens</em> était en pleine expansion mais aussi que <em>M. xanthus</em> avait complètement disparu des boîtes en plastique (appelées boîtes de Petri et qui contiennent les milieux de culture) dans lesquelles nous faisions les expériences.</p>
<p>Après de nombreuses interrogations et de longues discussions, nous avons compris que la différence entre sa manière de conduire l’expérience et la mienne était qu’elle laissait les boîtes dans lesquelles poussait <em>P. fluorescens</em> sur la paillasse du laboratoire, et donc à température ambiante, au lieu de les incuber à 32 °C comme <em>M. xanthus</em>, par manque de place dans l’incubateur. Il faut savoir que les deux espèces ne poussent pas à la même vitesse et qu’avant d’étudier leurs interactions il faut donc les faire grandir indépendamment.</p>
<p>Nous étions vraiment surpris et avions très envie d’en savoir davantage. Nous avons donc formulé une nouvelle question de recherche, à savoir : la température à laquelle poussent ces bactéries peut-elle déterminer qui est la proie et qui est le prédateur ? Nous avons commencé par vérifier que le facteur déterminant était effectivement la température en faisant pousser <em>P. fluorescens</em> à 22 °C et 32 °C, avant de la mettre en contact avec l’autre espèce à 32 °C, et nous avons estimé le nombre de <em>M. xanthus</em> présentes après interaction.</p>
<h2>L’ancienne proie tue et se nourrit de son prédateur !</h2>
<p>Lorsque <em>P. fluorescens</em> avait poussé à 32 °C, nous retrouvions plusieurs millions de <em>M. xanthus</em> dans les boîtes ; mais lorsqu’elle avait poussé à 22 °C, nous ne pouvions détecter aucune cellule vivante de cette espèce ! Ces résultats en conditions de températures contrôlées corroboraient nos observations précédentes : la « proie » pouvait exterminer son « prédateur ». Il faut noter, cependant, que pour être un prédateur, il ne suffit pas de tuer, il faut aussi pouvoir se nourrir de sa proie. Comme il est difficile d’observer une bactérie prenant son déjeuner, nous avons évalué la capacité du microbe à en manger un autre en mesurant les effets de l’interaction sur la taille des populations : si <em>P. fluorescens</em> tue et se nourrit de <em>M. xanthus</em>, on s’attend à voir moins de <em>M. xanthus</em> vivantes et plus de <em>P. fluorescens</em>, ces dernières ayant pu se reproduire grâce aux nutriments issus de la prédation.</p>
<p>Nous avons donc réalisé une nouvelle expérience dans laquelle nous faisions pousser <em>P. fluorescens</em> à 22 °C et 32 °C puis nous ajoutions soit <em>M. xanthus</em> dans une solution saline, soit la solution saline seule. À 32 °C, la présence de <em>M. xanthus</em> réduisait beaucoup le nombre de <em>P. fluorescens</em> en mangeant ces bactéries. À 22 °C en revanche, <em>M. xanthus</em> était exterminée par <em>P. fluorescens</em> et on trouvait en moyenne deux fois plus de <em>P. fluorescens</em> qu’en présence de la seule solution saline : la relation prédateur-proie était inversée et l’ancienne proie tuait et se nourrissait de son prédateur !</p>
<p>Nous avons ensuite tenté de comprendre comment <em>P. fluorescens</em> devenait le prédateur. En faisant pousser cette espèce dans un milieu liquide, nous avons compris qu’à 22 °C, mais pas 32 °C, elle produisait une (ou plusieurs) molécule(s) et les sécrétait dans l’environnement. C’est cette molécule sécrétée qui extermine <em>M. xanthus</em>.</p>
<p>Dans notre étude, <em>P. fluorescens</em> produit la molécule qui sert la prédation avant même d’interagir avec l’autre bactérie. C’est donc certainement qu’à 22 °C, <em>P. fluorescens</em> utilise cette molécule à des fins que nous ignorons et que cette molécule a comme effet secondaire de tuer <em>M. xanthus</em>.</p>
<p>Enfin, nous avons voulu savoir si cette molécule pouvait tuer d’autres bactéries ou si elle était spécifique. Nous avons donc exposé sept autres espèces bactériennes aux sécrétions de <em>P. fluorescens</em> qui avait poussé à 22 °C. Aucune autre espèce de bactérie n’était totalement exterminée comme <em>M. xanthus</em>, mais, en présence des sécrétions de <em>P. fluorescens</em>, le nombre de <em>Bacillus bataviensis</em> était réduit de 10 % en moyenne et celui de <em>Micrococcus luteus</em> de 50 %. <em>M. xanthus</em> n’est donc pas la seule bactérie pouvant être tuée par <em>P. fluorescens</em> quand celle-ci a poussé à 22 °C.</p>
<p>Nous ne connaissons pas encore exactement la nature de cette molécule de <em>P. fluorescens</em> qui lui permet d’agir en prédateur de <em>M. xanthus</em>. D’autres expériences seront nécessaires pour le découvrir, elles sont en cours. Ce qu’indique notre étude cependant, c’est que, contrairement au lion et à la gazelle (qui a déjà vu une gazelle dévorer un lion ?), modifier un seul paramètre dans les conditions de croissance des bactéries peut avoir des conséquences radicales sur leurs rôles dans les interactions. Si des bactéries qui n’ont jamais été décrites comme prédatrices peuvent éradiquer leur prédateur seulement en poussant dans un milieu un peu plus froid, il est fort probable que de nombreuses interactions proies-prédateurs entre bactéries nous échappent. Une autre conséquence de cette étude est que l’on peut difficilement ranger les bactéries dans des cases comme proies ou prédateurs. Au contraire, c’est en s’intéressant à leurs interactions qu’on pourra en apprendre davantage sur le fonctionnement de ces mondes microscopiques si fascinants !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Vasse a reçu des financements de l'Union Européenne (programme Marie Skłodowska-Curie), de l'Ecole Polytechnique de Zurich en Suisse et du ministère de la Recherche en France. </span></em></p>Une toute nouvelle étude montre, pour la première fois, une espèce de bactérie qui peut être à la fois une proie et un prédateur vis-à-vis d’une autre espèce. Un changement de paradigme en biologie ?Marie Vasse, Chercheuse en biologie évolutive, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202322024-01-23T16:27:39Z2024-01-23T16:27:39ZAnthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567422/original/file-20231228-17-5rhoj4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les points stratigraphiques mondiaux (ou « clous d'or ») sont utilisés par les géologues pour identifier les limites entre deux étages géologiques distincts, représentant deux unités temporelles distinctes à l'échelle des temps géologiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">James St John / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>C’est l’un des nouveaux mots qui s’est frayé un chemin, de la communauté scientifique jusqu’aux médias : « anthropocène ». Ce dernier entend décrire les modifications profondes que les activités humaines ont provoquées dans le fonctionnement de notre planète, et baptiser ainsi l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Sauf que cette dénomination pose problème.</p>
<p>D’abord au niveau étymologique puisque ce mot a été créé de toute pièce par des chercheurs extérieurs aux sciences de la Terre, puisant à dessein dans le lexique géologique. L’enthousiasme immodéré que ce mot-valise suscite ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur les façons dont il pourrait être mal interprété, en particulier en surestimant les pouvoirs de l’humanité.</p>
<p>Certes, les perturbations anthropiques sont bien réelles et mesurables à l’échelle de nos vies humaines. Mais leur juste place dans l’échelle des processus et des temps géologiques doit être questionnée avec davantage de modestie pour éviter de tomber, une fois de plus – et une fois de trop – dans le piège de l’anthropocentrisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couche de détritus coincés entre une couche de calcaire et une couche de marne après l’effondrement d’une falaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fmichaud76/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le consensus est d’ailleurs loin d’être atteint parmi les scientifiques puisque factuellement, l’anthropocène ne figure pas – tout du moins pas encore – dans l’échelle des temps géologiques. La Commission internationale de stratigraphie , après que le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">a choisi un site pilote au Canada à l’été 2023</a>, a récemment <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-024-00675-8?WT.ec_id=NATURE-202403&sap-outbound-id=6ACB62CD96157D29763AF16B937CD8E5804215D6">rejeté l'Anthropocène</a> – mais des irrégularités de procédure ont été soulevées, et certains demandent déjà l'annulation du vote.</p>
<p>Ce questionnement ne doit pas être réduit à un débat obscur entre spécialistes. Il sous-tend des conceptions radicalement différentes des enjeux auxquels l’humanité est confrontée et des réponses qu’elle devra y apporter.</p>
<h2>Une rupture étymologique</h2>
<p>Le terme d’anthropocène a été inventé <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">par le chimiste de l’atmosphère et prix Nobel Paul Crutzen en 1995</a>, avant d’être largement <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/qu-est-ce-que-l-anthropocene-cette-possible-epoque-geologique-de-l-humain-3965362">popularisé par les médias comme « ère de l’Homme »</a>. Pourtant, l’étymologie de ce nom qui associe les racines grecques anthropos (homme) et kainos (nouveau) signifie seulement… « homme nouveau ».</p>
<p>Le désaccord flagrant entre l’étymologie du mot et sa lecture courante résulte de l’inscription maladroite de ce néologisme dans la continuité des noms donnés en géologie aux différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement « Tertiaire »).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mammouth est l’un des mammifères emblématiques du Cénozoïque.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etienne Mahler/Flickr</span></span>
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</figure>
<p>En effet, du Paléocène à l’Holocène, ces noms utilisent tous la racine « cène », choisie par les géologues pour traduire l’augmentation progressive de la ressemblance entre les faunes fossiles et les faunes modernes, d’où le recours au mot grec « kainos » (nouveau), comme le montre le tableau ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement tertiaire) et leurs origines étymologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Huault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le mot anthropocène rompt donc avec cette logique. Cette tentative ratée de greffe sémantique est le résultat d’un choix délibéré – en témoignent les <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.12987/9780300188479-041/html">propres mots de Crutzen</a> – d’ancrer ce concept dans la géologie et non pas seulement dans l’histoire de l’humanité où il aurait pourtant trouvé une place plus naturelle. Son but étant d’abord l’inscription, au propre comme au figuré, dans le marbre de l’histoire géologique.</p>
<p>Et tant pis si cette étymologie incohérente passe par un sacrifice délibéré du sens au profit du symbole.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>On n’accorderait sans doute pas d’importance à ce défaut si le concept ainsi désigné enrichissait la connaissance de l’histoire de la Terre, son vocabulaire étant puisé sciemment dans le lexique de la géologie. Malheureusement, l’anthropocène apporte surtout un supplément de confusion sur les échelles des temps. Et brouille davantage la compréhension de la place que prennent les perturbations anthropiques dans l’histoire géologique de notre planète.</p>
<p>Une confusion dont nous n’avons pas besoin pour sensibiliser nos contemporains aux enjeux des changements planétaires en cours et pour leur faire ressentir l’urgence qu’il y a à agir.</p>
<h2>Si l’échelle des temps était une feuille A4, l’anthropocène ne ferait que quelques microns</h2>
<p>Je ne reviendrai pas en détail sur les <a href="https://theconversation.com/anthropocene-une-nouvelle-ere-geologique-73336">problèmes de définition de l’anthropocène</a> en tant qu’unité géologique. Quoi qu’en disent ses partisans, l’anthropocène n’est <a href="https://stratigraphy.org/chart#latest-version">toujours pas reconnu</a> par la Commission internationale de stratigraphie.</p>
<p>Voici les deux principaux points qui s’opposent à sa reconnaissance :</p>
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<li><p>Sa délimitation : le choix de l’événement qui doit marquer le début de l’anthropocène fait toujours débat entre ses défenseurs. Faut-il choisir le début de la révolution industrielle, celui de la première explosion atomique, l’apparition de l’agriculture, ou encore la <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">multiplication des os de poulet</a> ? L’absence de délimitation consensuelle réduit l’anthropocène à un concept flou dont la mesure est insatisfaisante à tout point de vue : ni assez précise, ni suffisamment importante pour permettre une intégration harmonieuse au sein de l’échelle des temps géologiques.</p></li>
<li><p>Sa durée : quel que soit le choix qui sera fait pour le délimiter, l’intervalle de temps correspondant (quelques millénaires tout au plus) restera infinitésimal à l’échelle des 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Songez simplement que si l’anthropocène était ajouté à une échelle des temps géologiques imprimée sur une feuille A4, il vous faudrait un microscope électronique à balayage pour distinguer ses quelques microns de hauteur !</p></li>
</ul>
<p>On est donc en droit de s’interroger sur l’intérêt à placer le concept dans le champ de la géologie auquel il s’intègre si mal dans l’état actuel de sa définition. Cela ne revient nullement à remettre en cause la réalité de l’impact des activités humaines sur l’environnement et ses potentielles répercussions dans l’enregistrement géologique.</p>
<p>Mais l’illusion d’une humanité régnant sans partage sur la nature (<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">« maître des phénomènes géologiques »</a> ou nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/01/14/bienvenue-dans-une-nouvelle-ere-geologique-l-anthropocene_5981957_3244.html">« force géophysique »</a>) doit être rejetée comme une vision anthropocentrique peu crédible, en particulier après la claque infligée par la crise sanitaire de 2020.</p>
<p>Car si elle est capable de perturber les cycles naturels, l’humanité ne les maîtrise pas pour autant. Parce que nous risquons de ne pas savoir en gérer les conséquences, les perturbations observées, aussi intenses soient-elles, risquent de s’inscrire dans des échelles de temps humainement significatives, mais insignifiantes à l’échelle des temps géologiques.</p>
<h2>Le mythe de la toute-puissance humaine</h2>
<p>Si on s’en tient à l’étymologie, l’anthropocène devrait être une époque, comme l’Holocène auquel il est censé succéder. Pourtant, ses promoteurs le présentent tantôt comme une ère, tantôt comme une période ou une époque, montrant la difficulté qu’ils éprouvent à estimer la place de leur concept dans la hiérarchie des temps géologiques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">Les ères, époques et périodes des temps géologiques</a> sont pourtant aussi distinctes les unes des autres que le sont les mois, les semaines et les jours de notre calendrier ou encore les chapitres, les paragraphes ou les lignes de cet article…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>Cette question n’est pas anecdotique. Ériger l’anthropocène en intervalle de temps géologique, quel que soit son rang, c’est assumer à la fois un pari et une contradiction : le pari que les perturbations engendrées à l’échelle globale par les activités humaines sont suffisamment extrêmes pour laisser des traces définitives dans le registre géologique et que, malgré cela, elles vont perdurer suffisamment longtemps pour constituer une tranche du temps long géologique, mesurée en millions d’années.</p>
<p>Pour résoudre ce dilemme, il suffirait pourtant d’abandonner le mythe de la puissance humaine promise à un avenir infini, et d’accepter l’idée que l’anthropocène n’est rien d’autre qu’un moment de bascule vers une nouvelle époque géologique, un événement ponctuel plutôt qu’un intervalle de temps géologique, idée qui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jqs.3416">commence d’ailleurs à émerger chez certains partisans de l’anthropocène</a>.</p>
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<p>Il existe dans la terminologie stratigraphique des termes plus appropriés pour désigner de tels événements brefs – à l’échelle géologique cela peut correspondre à quelques milliers d’années – qui sont autant de repères temporels précieux. L’impact de l’astéroïde impliqué dans la <a href="https://theconversation.com/avant-la-chute-de-lastero-de-qui-a-cause-leur-extinction-les-especes-de-dinosaures-etaient-deja-sur-le-declin-163547">grande extinction des dinosaures qui marque la fin du Crétacé</a> est ainsi nommé « astroblème » – « blêma » signifiant « coup » en grec.</p>
<p>L’impact de l’humanité sur la planète peut être vu comme un événement affectant de façon significative le fonctionnement du système Terre, mais instantané à l’échelle géologique : un « anthropoblème » (« impact de l’Homme »).</p>
<p>La proximité entre anthropoblème et anthro-problème, qui fonctionne également en anglais, est bien plus responsabilisante que la vision anthropocentrique de l’anthropocène, qui érige l’être humain en aboutissement et en métronome des temps géologiques.</p>
<h2>Deux visions entre continuité et rupture</h2>
<p>À travers ce choix entre l’anthropocène « ère de l’Homme » et l’anthropoblème qui décrit son impact sur la planète, ce sont deux visions de l’avenir qui s’opposent.</p>
<p>On peut considérer qu’entrer dans l’anthropocène, « l’ère de l’Homme », c’est comme rentrer chez soi. La maison est un peu en désordre, mais la technologie va nous aider à faire le ménage. Dans ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, Crutzen prônait la géo-ingénierie pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20110103STO11194/paul-crutzen-prix-nobel-et-partisan-d-une-troisieme-voie-pour-sauver-le-climat">« corriger » sa composition</a> et pour <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">« optimiser »</a> le climat.</p>
<p>Elon Musk de son côté <a href="https://theconversation.com/la-rhetorique-des-conquerants-de-mars-creer-le-reve-111315">promet un avenir martien à l’humanité</a>. Ces exemples de technosolutionniste font le pari d’une continuité humaine, portée à bout de bras par la technologie. Ce faisant, ils évitent soigneusement les questions cruciales sur les changements de nos systèmes de production, de pensée ou encore de nos modes de vie qui barrent pourtant l’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-vouloir-imposer-lanthropocene-73456">Pourquoi vouloir imposer l’anthropocène ?</a>
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<p>A l’opposé, si l'on admet que la technologie ne suffira pas à garantir indéfiniment notre sécurité face à des phénomènes naturels toujours plus violents, on peut faire le choix radical de maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre pour ne pas provoquer une tempête qui risque d’emporter le toit, la maison… et ses habitants.</p>
<p>Il s’agit là d’un modèle de rupture qui reconnaît le risque d’un basculement dans l’inconnu : il faut habiter autrement la Terre, parce que l’anthropoblème ouvre sur un agnostocène – « nouvel inconnu » – dans lequel l’avenir de l’humanité n’est pas garanti si elle n’agit pas fortement et rapidement pour se reconnecter au monde qui l’entoure.</p>
<p>Les connotations véhiculées par l’anthropocène font donc obstacle à la responsabilisation et flattent notre propension à résister à des changements auxquels l’humanité devra pourtant faire face dans des délais qui n’ont rien de géologique. Or, nous n’avons plus le temps ni les moyens d’entretenir des illusions sur la puissance de l’humanité.</p>
<p>Si nous échouons à mener cette nouvelle révolution copernicienne et à maîtriser nos influences délétères sur les grands cycles du système Terre, rétablir le bel alignement des mots et de leur sens deviendra superflu, puisque le débat autour de l’anthropocène n’aura simplement plus d’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Huault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'anthropocène, cette possible nouvelle ère géologique où l’influence humaine aurait surpassé les forces naturelles, est loin de faire consensus chez les géologues. Certains en déplorent l'anthropocentrisme.Vincent Huault, Maître de conférence en paléontologie et stratigraphie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200832024-01-22T15:39:07Z2024-01-22T15:39:07ZChats, mouches, humains : comment la vision a évolué en de multiples facettes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570563/original/file-20240122-17-qye3iz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C5973%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La variété des modes de vision dans le règne animal est incroyable. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photo-en-gros-plan-dune-personne-t809JJ6r9KA">Marina Vitale/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Grâce à nos yeux, l’organe sensible de la vision, nous pouvons aisément et instantanément explorer le monde visible qui nous entoure. C’est littéralement incroyable : la vision opère sans effort malgré la complexité des processus qui sont mis en œuvre. Mais en fait, comment fonctionnent nos yeux ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de leur diversité dans le règne animal ? Est-il possible de remonter aux origines de leur évolution pour comprendre comment les yeux ont émergé au cours de l’évolution du vivant ?</p>
<h2>L’œil humain : un chef-d’œuvre de la nature</h2>
<p>L’œil humain suscite un émerveillement immédiat quand on considère son fonctionnement ingénieux. Vu de l’extérieur et de face, l’œil dévoile le globe oculaire, protégé par les paupières, et en son centre se trouve la pupille, autour de laquelle l’iris coloré peut se dilater ou se contracter selon des facteurs comme la luminosité ambiante ou notre attention. Une coupe anatomique transversale permet de suivre le parcours de la lumière : celle-ci atteint d’abord une surface bombée, la cornée, puis le cristallin, une lentille qui concentre les rayons lumineux sur le fond de l’œil, sur lequel réside le composant sensible de l’œil, la rétine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568221/original/file-20240108-17-78s0cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Anatomie de l’œil humain. La vue de face montre la partie antérieure du globe oculaire, avec d’avant en arrière les paupières qui protègent et lubrifient la surface oculaire, la sclère (partie blanche) et la cornée (partie transparente), puis l’iris (partie colorée) dont la contraction permet de modifier la taille de la pupille (partie noire). La vue en coupe permet d’illustrer le passage de la lumière à travers la cornée et sa focalisation sur la rétine grâce au cristallin. Cette surface contient des neurones sensibles à la lumière ainsi que plusieurs couches de traitement qui permettent de transmettre cette information au cerveau par l’intermédiaire du nerf optique sous forme d’une activité neurale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La rétine est un concentré de technologie. D’abord, il s’y trouve environ 100 millions de cellules sensibles, les photorécepteurs, qui transforment l’énergie lumineuse portée par les photons en réactions électrochimiques. Ces réactions génèrent une activité neuronale qui traverse différentes couches de traitement pour converger vers quelque 1,5 million de neurones de sortie, dites cellules ganglionnaires. Ces sorties s’unissent enfin pour former le nerf optique, reliant ainsi chaque rétine au reste du cerveau. De fait, la rétine est la seule portion du cerveau que nous pouvons directement observer !</p>
<p>Mais nos yeux ne se résument pas simplement à ça. Une complexité incroyable réside autour des yeux pour permettre de verser une larme ou d’accomplir un clignement. Notamment, grâce à la forme sphérique du globe oculaire, celui-ci peut réaliser des mouvements variés, soit rapides et saccadiques, soit lents et continus. Couplé au fait que les photorécepteurs sont particulièrement concentrés autour de l’axe de l’œil, notre regard permet alors de diriger cet axe vers des points d’intérêt, ou de stabiliser l’image d’un objet en mouvement. Cette capacité de bouger les yeux décuple ainsi les capacités de notre vision !</p>
<p>En élargissant le champ de notre curiosité au-delà de l’espèce humaine, nous réalisons la variété observée dans le règne animal, démontrant que les animaux exploitent des mécanismes tout aussi ingénieux.</p>
<h2>La pupille, prunelle de nos yeux</h2>
<p>Commençons notre exploration par la partie la plus apparente : la pupille. Son rôle est de moduler le passage de la lumière en faisant varier la taille de son ouverture. Intéressons-nous d’abord à la pupille du chat domestique : si dans l’obscurité sa forme est parfaitement ronde, elle se contracte graduellement quand la luminosité augmente pour former cette fente caractéristique en forme de biseau vertical. Les humains présentent un mécanisme de contraction similaire, mais il est uniforme dans toutes les directions, maintenant ainsi une forme ronde.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=148&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569374/original/file-20240115-29-e34bgr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pupilles chez différentes espèces : Humain, chat, chèvre, seiche. La pupille peut se contracter par l’action des muscles de l’iris et moduler la quantité de lumière. Contractée, sa forme peut être ronde (humain), en forme de fente verticale (chat) ou horizontale (chèvre). Contractée, la pupille de la seiche montre une forme caractéristique en « w ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De manière plus étonnante, les pupilles des moutons ou chèvres se contractent selon un axe parallèle à l’horizon qui est stabilisé quand ces animaux bougent leur tête pour brouter. Ces espèces sont des proies, et comme cette forme leur permet d’étendre leur champ de vision, cette adaptation améliore leurs chances de survie. En revanche, chez les chats la forme de fente verticale favorise la perception de la profondeur des objets proches. En effet, la subtile différence entre les images captées par chaque œil leur permet de percevoir la profondeur et une acuité supérieure améliore la précision de cette estimation. Cet avantage évolutif s’avère particulièrement utile pour ces prédateurs lors d’une attaque à l’affût.</p>
<p>D’autres animaux présentent des pupilles aux formes encore plus remarquables. Un exemple est la seiche, dont la pupille, une fois contractée, arbore une forme ondulée ressemblant à la lettre manuscrite « w ». Cette pupille unique dans le règne animal a longtemps suscité une énigme. Il s’avère d’autre part que ces animaux modifient la couleur de leur peau pour communiquer ou se camoufler. Ce comportement constitue un paradoxe, car un tel comportement nécessite nécessairement la perception de la couleur ou de la texture de l’objet à imiter, alors qu’il a été montré que cette espèce ne possède <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1524578113">pas de photorécepteurs sensibles à différentes couleurs</a>. <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1524578113">Une hypothèse fascinante</a> a émergé qui relie ces deux mystères. Elle suggère que la forme de la pupille puisse jouer un rôle dans la perception des couleurs. À l’instar d’un arc-en-ciel décomposant les couleurs en bandes distinctes, ce type de système optique réfléchit les différentes couleurs suivant des angles légèrement distincts. La pupille singulière de la seiche pourrait ainsi produire de subtiles différences pour chaque couleur, permettant au cerveau d’extraire les informations utiles pour les discerner, et ceci sans nécessiter de photorécepteurs spécifiques. Cette hypothèse illustre l’ingéniosité des stratégies qui peuvent émerger par le biais de la sélection naturelle, où des millions de générations et des milliards d’individus ont favorisé ces traits pour la survie de l’espèce.</p>
<h2>D’autres facettes des yeux : La vision panoramique des mouches</h2>
<p>Les yeux des humains, des chats et des moutons présentent une grande variabilité dans leurs formes, mais partagent également de nombreux traits communs. Il semble donc qu’ils aient évolué selon des trajectoires distinctes et indépendantes, tout en ayant probablement un ancêtre commun.</p>
<p>Mais si l’on remonte encore plus loin dans les branches de « l’arbre du vivant », on découvre une autre « branche » radicalement différente dans laquelle les yeux sont composés de multiples éléments oculaires allongés et juxtaposés.</p>
<p>L’exemple le plus frappant de cette configuration est celui de la mouche. Les yeux d’une mouche commune comportent environ dix mille facettes organisées suivant une grille hexagonale, chacune des facettes comprenant une lentille et une poignée de photorécepteurs. Cette structure permet à la mouche d’avoir un champ de vision panoramique et lui permet d’exécuter des manœuvres impressionnantes, avec des accélérations dignes des meilleurs avions de chasse. Plus surprenant encore, ce système pèse moins d’un gramme et consomme très peu d’énergie. Comprendre ce mécanisme pourrait être extrêmement précieux pour guider la conception de futurs robots volants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1458217977036394497"}"></div></p>
<p>En remontant encore plus dans l’arbre de l’évolution, on peut identifier une forme encore plus élémentaire chez certains micro-organismes dotés <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2009.0072">d’un mécanisme phototactique</a>, c’est-à-dire un mouvement guidé par la lumière. Ce mécanisme repose sur une association simple entre un capteur photosensible dirigé selon l’axe principal de l’organisme et des cils agissant comme des moteurs pour déplacer celui-ci. Selon que l’organisme cherche à se diriger vers une source de lumière (potentiellement une source de nourriture) ou à l’éviter, un lien direct entre les cellules sensibles et motrices permet de mettre en place ce comportement fondamental d’orientation. Ce comportement est notamment observé dans des algues utilisant la photosynthèse pour accumuler de l’énergie, l’attraction vers la lumière leur permettant d’optimiser l’efficacité de cette production.</p>
<p><a href="https://global.oup.com/ukhe/product/eyes-to-see-9780198747710">Des études récentes</a> convergent sur le fait que les yeux ont été « inventés » à plusieurs reprises, souvent avec des formes étonnantes. Considérons par exemple le système visuel unique de la <a href="https://theconversation.com/cette-coquille-saint-jacques-vous-regarde-167727">coquille Saint-Jacques</a> et ses nombreux yeux indépendants d’un bleu iridescent (plus de 200), permettant à ce mollusque d’explorer son environnement lumineux immédiat. Ainsi, certaines morphologies sont si distinctes qu’elles semblent ne pas partager d’ancêtre commun. Cette hypothèse semble difficile à accepter, car nous avons tendance à placer l’espèce humaine à une place unique au sommet de la hiérarchie du vivant. Cependant, les yeux évoluent dans des niches écologiques spécifiques, et à la lumière des pressions exercées par la sélection naturelle, il n’y a pas de nécessité à ce qu’il existe un ancêtre commun pour tous les types de yeux dans le règne vivant. Ces « inventions » ne sont que les reflets des nombreuses facettes des processus émergeant dans l’évolution des espèces.</p>
<p>Les différentes anatomies oculaires révèlent aussi que chaque système visuel est adapté à un ensemble bien spécifique de comportements et d’environnements. Bien que certaines de ces « inventions » puissent sembler aussi complexes que les machines créées par les mains d’un horloger, en mettant en lumière la diversité des solutions émergeant de façon spontanée dans les processus évolutifs du vivant, nous pouvons en conclure que les yeux ont plutôt évolué indépendamment à plusieurs reprises sans avoir besoin de recourir à l’existence d’un dessein intelligent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220083/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Perrinet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) à travers le projet “AgileNeuRobot” N° ANR-20-CE23-0021. Ce travail a bénéficié d’une aide du gouvernement français au titre de France 2030, dans le cadre de l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université – A*MIDEX, projet numero AMX-21-RID-025, "Polychronies".</span></em></p>Nos yeux n’ont pas besoin de mode d’emploi pour fonctionner. Mais quels processus sont à l’œuvre ? Et que pouvons-nous apprendre des yeux d’autres espèces vivantes ?Laurent Perrinet, Chercheur CNRS en Neurosciences computationnelles, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186302023-12-27T16:27:10Z2023-12-27T16:27:10ZPeut-on encore parler de « propre de l’homme » et comment se place Homo Sapiens parmi les autres espèces humaines ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567365/original/file-20231227-27-l12yif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5160%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sommes-nous si différents des autres espèces humaines ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-tenant-une-lance-peinture-murale-3IxuF9MCjkA">Crawford Jolly/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Parler du « propre de l’homme », voilà un sujet épineux lorsqu’il s’agit d’évoquer la grande histoire de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/humanite-46876">l’humanité</a> ! Une bonne approche pour se simplifier la tâche est de s’entendre sur le vocabulaire, en tout cas d’expliciter de quoi nous parlons. C’est primordial de donner un sens aux mots, car la terminologie utilisée par divers scientifiques pour classifier nos ancêtres et proches cousins n’est pas toujours la même.</p>
<p>Pour trouver le propre de l’humain (pour ne pas s’engager dans la problématique de la polysémie du mot homme ici) il faut à la fois rassembler des êtres actuels ou du passé dans un ensemble cohérent et reconnaître des particularités à ce groupe. Il s’agit donc de parler des différentes possibilités pour appeler un humain, humain, et de justifier pourquoi ! Remontons le temps et explorons la diversité des primates actuels à la recherche d’une définition qui fonctionnerait pour avancer sur la résolution de notre fameuse question.</p>
<h2>Primates, hominidés et homininés</h2>
<p>Première évidence, nous faisons partie du groupe des primates, nous humains d’aujourd’hui, au côté des chimpanzés ou gorilles, mais aussi des tarsiers, singes hurleurs ou ouistitis. Notre plus nette caractéristique commune est d’avoir un pouce opposable aux autres doigts, le premier peut venir pincer la dernière phalange des 4 autres. C’est unique, nous ne verrez jamais une vache ou votre chat faire de même.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-separe-vraiment-lhumain-de-lanimal-une-histoire-de-la-classification-zoologique-218204">Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ? Une histoire de la classification zoologique</a>
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<p>Pour la majorité des paléoanthropologues, le terme homininé réfère aux humains préhistoriques et actuels et aux chimpanzés, hominidé inclue en plus les autres grands singes actuels (gorilles et orangs-outans) et ancêtres communs à ce petit monde depuis une vingtaine de millions d’années. Les hominines comprennent le genre <em>Homo</em>, les Australopithèques, <a href="https://www.hominides.com/hominides/paranthropus-robustus/">Paranthropes</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ardipith%C3%A8que#:%7E:text=Ardipithecus%20(les%20ardipith%C3%A8ques)%20est%20un,signifie%20donc%20%C2%AB%20singe%20terrestre%20%C2%BB.">Ardipithèques</a> et autres <em>Orrorin</em> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahelanthropus_tchadensis"><em>Sahelanthropus</em></a> (des plus récents aux plus anciens, qui sont ainsi les tout premiers il y a 6 à 7 millions d’années).</p>
<p>Ces derniers partagent la bipédie et surtout tous les caractères anatomiques qui en découlent, crâne au-dessus de la colonne vertébrale, adaptation de cette dernière, etc. Pour une partie des chercheurs, le mot « humain » renvoie élégamment à ce dernier assemblage. L’adaptation à la bipédie serait un indicateur utile et plutôt clair de ce qui nous réunirait.</p>
<h2><em>Homo</em>, le sparadrap du paléoanthrolopologue</h2>
<p>Cette approche fonctionne, c’est un intérêt non négligeable. Car d’autres niveaux de classification posent plus de problèmes. Le genre <em>Homo</em> est un peu le sparadrap dérangeant du paléoanthropologue. Au départ, il avait été défini pour justifier l’apparition du premier artisan, à qui on offrait aussi capacités de langage et raisonnement, <em>Homo habilis</em>.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/202007a0">Cette proposition</a> au cœur des années 60, résiste mal à la multitude de découvertes effectuées depuis. D’un point de vue anatomique, les différences entre <em>habilis</em> et les espèces qui ont vécu avant lui ne sont pas flagrantes, alors que les espèces humaines qui lui succèdent sont par contre proportionnées comme les humains d’aujourd’hui. <em>Homo habilis</em> ressemble plus à un Australopithèque qu’à <em>Homo erectus</em> en somme.</p>
<p>Pour les capacités cognitives, rien de plus évident puisque nous savons maintenant que les <a href="https://www.nature.com/articles/nature14464">plus anciens outils en pierre</a> sont contemporains des Australopithèques. Ainsi, utiliser le mot humain pour parler de Homo nous met face à un problème. Ce genre est aujourd’hui mal défini anatomiquement, et pas vraiment justifié par des comportements particuliers.</p>
<p>Il serait impossible d’omettre dans cet inventaire Homo sapiens. Voici deux mots qui désignent des êtres vivants dont nous imaginons tout savoir, ou presque. Pas tout à fait en effet, car lorsqu’il s’agit de définir notre espèce, de décrire ce qui nous caractériserait, l’expérience est nettement plus ardue que prévu.</p>
<p>Homo sapiens est un animal, un mammifère, un primate, parmi d’autres ; un représentant du genre Homo aussi, tout en étant le dernier toujours existant, et, enfin, évidemment, le seul de l’espèce sapiens. Car, l’appellation <em>Homo sapiens sapiens</em> qui fut un temps utilisée ne doit plus l’être depuis que les Néandertaliens ont été classés comme une espèce différente, <em>Homo neanderthalensis</em> et non pas <em>Homo sapiens neanderthalensis</em>. ; le terme « Homme moderne » est aussi souvent employé bien qu’il n’ait pas de valeur scientifique. Très bien, mais qu’est ce qui nous définirait alors ?</p>
<p>Certains croient que nous sommes plus « intelligents », mais cela mérite largement discussion. Les outils ne sont pas notre apanage, aussi bien au cours de l’évolution, mais aussi puisque les grands singes actuels savent aussi utiliser ou fabriquer certains objets selon leurs besoins et ils connaissent les <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/des-chimpanzes-pharmaciens">vertus médicinales des plantes</a> qui les entourent.</p>
<h2>Sommes-nous la seule espèce à avoir su parler ?</h2>
<p>Homo sapiens, garant de la pensée et du savoir, n’a en fait probablement pas été le premier à mériter cette appellation. Depuis des centaines de milliers d’années, d’autres groupes fossiles parmi <em>Homo erectus</em> et <em>neanderthalensis</em> en particulier ont sélectionné des pierres pour leurs outils, parfois uniquement à des fins esthétiques. Ils conservaient aussi à l’occasion des curiosités de la nature, comme des fossiles ou de belles pierres, pour des raisons non utilitaires.</p>
<p>Si le langage articulé est un trait distinctif évident de l’humanité actuelle, son origine est difficile à dater, car ni le son ni les organes pour l’émettre ou le percevoir, comme la langue ou le cerveau, ne se fossilisent. Les indices à disposition, indirects, sont complexes à interpréter. Les ossements mis au jour, crâne, mandibule et os hyoïde (os situé au niveau de la gorge), sont utilisés pour reconstituer la forme et la position des de la gorge ou des organes internes de l’oreille.</p>
<p>Les humains préhistoriques depuis 2 millions d’années devaient avoir des capacités similaires aux nôtres d’après les reconstitutions 3D de ces parties anatomiques, au contraire des grands singes. Dans tous les cas, les données archéologiques suggèrent que nos prédécesseurs disposaient depuis longtemps d’un mode de communication complexe. Des activités telles que le façonnage d’outils élaborés, l’usage du feu et surtout les comportements symboliques impliquent des savoirs et des valeurs échangés et transmis.</p>
<p>Notre espèce n’a pas été non plus la seule à avoir établi des usages vis-à-vis des morts, puisque les Néandertaliens enterraient leurs défunts, signe de valeurs partagées, d’une marque de respect envers l’autre, peut-être de croyances dans l’au-delà. Ces exemples suffisent à montrer qu’Homo sapiens n’a pas été le seul à développer une conscience réfléchie. Ainsi, notre espèce ne se distingue que par quelques caractéristiques anatomiques (la plus marquante, et pourtant totalement inutile semble-t-il, est la présence d’un menton osseux sur la mandibule) et partage de nombreuses similarités physiques et comportementales avec d’autres êtres vivants et les autres espèces humaines préhistoriques. Bien qu’étant les derniers sur Terre, nous n’avons pas été uniques. Certains chercheurs emploient le mot humain pour référer uniquement à notre espèce, voire à ses représentants actuels. Cela ne nous facilite pas la tâche pour répondre à la question de départ et n’est pas justifié d’un point de vue scientifique.</p>
<p>En tant que paléoanthropologue, je suis convaincu que nous, humains d’aujourd’hui, ne sommes pas plus intelligents qu’un représentant de notre espèce qui vivait il y a 40 000 ans ou d’un de ses contemporains néandertaliens. Le niveau de capacité serait à mon avis du même ordre au regard des productions archéologiques et par comparaison avec ce que nous savons réellement faire individuellement. Notre impression de tant avoir de capacités est surtout lié à notre héritage. Écriture, imprimerie, Internet… sont autant d’étapes qui nous ont permis de constituer une base de connaissances toujours plus grande. Chacun d’entre nous n’est pas devenu plus malin, nous profitons du savoir de nos prédécesseurs et de nos contemporains. Cela nous amène d’ailleurs à identifier une particularité, celle d’être les premiers à étudier, à documenter, à chercher à comprendre tout ce qui nous entoure. Mais aussi à le détruire massivement, malheureusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nous sommes la dernière espèce vivante du genre Homo, mais pouvons-nous vraiment nous différencier de nos cousins, aujourd’hui disparus ?Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201012023-12-20T19:57:19Z2023-12-20T19:57:19ZComment la faune asiatique a remplacé les animaux européens il y a 34 millions d’années<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566845/original/file-20231220-29-kfaycr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C2753%2C2270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le renouvellement faunique de la Grande Coupure. A gauche, les espèces européennes, à droite celles asiatiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe & Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>D’où viennent les animaux qui nous entourent aujourd’hui ? Un événement majeur a eu lieu il y a environ 34 millions d’années, connu sous le nom de <a href="https://theconversation.com/balkanatolie-le-continent-disparu-pour-la-migration-de-la-faune-asiatique-vers-leurope-178371">« Grande Coupure »</a>. À cette époque, une grande partie de la faune européenne s’est éteinte, remplacée par des animaux d’origine asiatique. <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2309945120">Nous venons de publier nos travaux dans la revue PNAS</a>, qui permettent de mieux comprendre cette étape charnière.</p>
<p>Nous nous sommes intéressés à des fossiles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mammiferes-76470">mammifères</a> artiodactyles (représentés aujourd’hui par les cochons, les ruminants, les chameaux, les hippopotames et les cétacés). Ces derniers sont particulièrement abondants dans des gisements du sud-ouest de la France comme dans la région du Quercy en Occitanie.</p>
<p>Nos travaux indiquent que 77 % des espèces endémiques européennes se sont éteintes et ont été remplacées par des espèces immigrantes asiatiques composées de cochons et de ruminants.</p>
<p>Jusqu’à présent la communauté scientifique pensait que cette extinction massive était principalement due à une concurrence active avec les espèces asiatiques qui aurait limité l’accès aux ressources alimentaires pour les espèces endémiques et ainsi mené à leur l’extinction. Notre étude réfute cette hypothèse.</p>
<p>Il semble en effet que les bouleversements climatiques de cette époque nommée transition Eocène-Oligocène soient le facteur principal de l’extinction des espèces d’artiodactyles endémiques en Europe occidentale.</p>
<h2>Une extinction massive et historique</h2>
<p>On estime aujourd’hui que 99 % des espèces ayant existé sur Terre sont maintenant éteintes. C’est pourquoi comprendre les raisons de l’extinction des espèces est devenu un sujet central en biologie évolutive et en paléontologie. Après l’extinction massive des dinosaures non aviaires, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-3003-4">transition Éocène-Oligocène</a>, il y a 34 millions d’années, coïncide avec l’un des principaux événements d’extinction de ces 66 derniers millions d’années.</p>
<p>Cette transition est associée à un <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aba6853">refroidissement global de la planète</a>, estimé autour de 5 °C, à une baisse importante du niveau des mers et à la mise en place de la calotte antarctique. Cette baisse ainsi que les mouvements tectoniques initiés par la remontée de l’Afrique ont permis l’émergence de terres qui ont pu servir de voies migratoires aux mammifères asiatiques vers l’Europe occidentale. Il faut bien imaginer qu’entre 50 et 34 millions d’années les deux continents étaient séparés par une mer.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1144/0016-764903-09">Deux hypothèses</a> sont régulièrement proposées pour expliquer l’extinction des espèces insulaires européennes : le refroidissement rapide et global lors de la transition Éocène-Oligocène et les interactions compétitives avec la faune immigrante venue d’Asie. C’est dans le but de déterminer les facteurs sous-jacents à cet évènement d’extinction que nous avons compilé et analysé un ensemble de fossiles de mammifères artiodactyles (plus de 2 100 fossiles analysés) provenant de la région des phosphorites du Quercy. Les phosphorites du Quercy couvrent sur plus de 1800km2 de nombreuses fissures et cavités remplies de sédiments argileux et phosphatés. Durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, beaucoup d’entre elles ont été entièrement ou partiellement vidées en raison d’une <a href="https://doi.org/10.30486/gcr.2021.1913051.1050">phase intense d’exploitation minière des phosphates</a> et ont livré de nombreux restes fossiles de vertébrés, d’insectes et végétaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fossiles de mammifères artiodactyles des phosphorites du Quercy.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette zone fossilifère est réputée aujourd’hui mondialement pour la préservation et l’abondance exceptionnelle de fossiles qu’elle renferme. On dénombre en effet dans cette région plus de 180 gisements fossilifères ayant enregistrés des assemblages fauniques locaux, parfois séparés dans le temps par <a href="https://www.researchgate.net/publication/310752023_Sur_l%27age_numerique_des_faunes_de_mammiferes_du_Paleogene_d%27Europe_occidentale_en_particulier_celles_de_l%27Eocene_inferieur_et_moyen">moins de 1 million d’années</a>.</p>
<p>L’ensemble de ces gisements fournit une fenêtre temporelle unique pour étudier les processus et les mécanismes de diversification des mammifères, puisqu’ils couvrent en continu une période allant de l’Éocène moyen jusqu’au début de l’Oligocène supérieur (-42 à 24 Ma), encadrant ainsi parfaitement la transition Eocène-Oligocène.</p>
<p>Nous avons donc dans notre étude estimé la dynamique de diversité des espèces de mammifères artiodactyles en Europe occidentale, en s’appuyant sur des <a href="https://doi.org/10.1111/2041-210X.12263">méthodes statistiques</a> prenant en compte la qualité de préservation du registre fossile.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cavité karstique des phosphorites du Quercy contenant des sédiments riches en fossiles de mammifères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À l’Éocène, les artiodactyles constituent en Europe occidentale un des groupes de mammifères endémiques les plus diversifiés. Les conditions tropicales et favorables de cette période leur ont permis de développer des adaptations écologiques variées (arboricolie, bipédie occasionnelle, amphibiose, insectivorie). Vers la fin de l’Éocène, la diversité du groupe culmine même à des valeurs de diversité équivalente à celles des plaines africaines aujourd’hui.</p>
<p>Cependant, ce groupe florissant a connu une extinction dramatique à la transition Eocène-Oligocène. Nos résultats mettent en effet en évidence que 77 % des espèces d’artiodactyles endémiques se sont éteintes lors de cet évènement, et que les niches écologiques libérées ont permis à la faune d’artiodactyles immigrants et modernes de s’installer, principalement composées de cochons et de ruminants. Nos résultats réfutent également l’hypothèse d’une compétition entre les espèces endémiques et immigrantes, mais suggèrent plutôt que le changement climatique est responsable du déclin des espèces endémiques européennes. En effet, le changement et la diminution brutale du type et de l’abondance des ressources alimentaires disponibles n’ont pas laissé le temps aux espèces endémiques de s’adapter, donnant aux espèces immigrantes l’opportunité de les remplacer.</p>
<p>De futures études examinant et compilant les occurrences fossiles d’autres groupes de mammifères comme celui des rongeurs, des carnivores et des périssodactyles (regroupant aujourd’hui les chevaux, les rhinocéros et les tapirs), permettront sans aucun doute d’améliorer notre compréhension du renouvellement faunique majeur européen d’il y a 34 millions.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE02-0003">DEADENDER</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Weppe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Saviez-vous que les animaux qui nous entourent aujourd’hui en Europe viennent majoritairement d’Asie ? Une nouvelle étude vient expliciter les mécanismes derrière cette évolution.Romain Weppe, Paléontologue à l'Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2148982023-12-20T19:55:02Z2023-12-20T19:55:02ZCertaines plantes peuvent se passer d’engrais azotés. D’où vient cette étonnante capacité ?<p>Les engrais azotés forment un des piliers de la révolution agricole du XX<sup>e</sup> siècle, et sont devenus indispensables pour maintenir les <a href="https://bioone.org/journals/ambio-a-journal-of-the-human-environment/volume-31/issue-2/0044-7447-31.2.126/Nitrogen-and-Food-Production-Proteins-for-Human-Diets/10.1579/0044-7447-31.2.126.full">forts rendements agricoles actuels</a>.</p>
<p>Ces engrais sont fabriqués en puisant de l’azote présent sous forme de gaz dans l’air. L’azote gazeux étant une molécule chimique très stable, sa transformation en engrais nécessite énormément d’énergie, qui est apportée par l’utilisation d’hydrocarbures et participe donc à la production de gaz à effet de serre. De plus, les engrais apportés dans le sol sont souvent lessivés par les fortes pluies et entraînés dans les cours d’eau où ils facilitent la croissance d’algues étouffant les autres organismes vivants (phénomène d’eutrophisation).</p>
<p>Ainsi, le coût environnemental des engrais azotés – qu’ils soient industriels ou sous forme de lisier – est donc important, faisant de la réduction de leur utilisation une <a href="https://www.nature.com/articles/472159a">priorité à l’horizon 2030 pour l’agriculture mondiale</a>.</p>
<p>Pourtant, certaines plantes peuvent se passer d’engrais azotés. Ces plantes appartiennent à quatre grands groupes botaniques, dont celui des légumineuses auquel appartiennent des plantes telles que les pois, haricots, lentilles, soja, arachide, mais aussi certains arbres (Acacia, Mimosa ou autres Robiniers). Comme lors du procédé chimique industriel, ces plantes puisent une grande partie de l’azote dont elles ont besoin directement dans l’air… grâce à la symbiose avec des bactéries qui vivent au niveau des racines.</p>
<p>Depuis de nombreuses années, les scientifiques se demandent comment cette association entre plantes et bactéries a pu évoluer. Si atteindre une telle compréhension pourrait peut-être, dans le futur, permettre de transférer à d’autres espèces la capacité à assimiler spontanément de l’azote – et ainsi limiter massivement l’utilisation d’engrais tout en maintenant des rendements élevés – la faisabilité d’une telle approche n’est pas aujourd’hui démontrée. </p>
<p>Dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-023-01441-w">notre récente étude publiée dans <em>Nature Plants</em></a>, nous avons analysé la manière avec laquelle plusieurs plantes légumineuses interagissent avec leurs bactéries symbiotiques, afin de retracer l’histoire évolutive de ces interactions.</p>
<h2>Une symbiose au sein d’un organe dédié</h2>
<p>Chez les plantes légumineuses, ce sont des bactéries vivant en symbiose avec ces plantes qui transforment l’azote gazeux en ammonium utilisable par la plante. Ce type de symbiose, dite « mutualiste », se retrouve de manière générale dans tout le vivant, et résulte de l’interaction entre deux organismes qui améliore réciproquement leur croissance et leur développement.</p>
<p>Cette symbiose a lieu au sein d’un organe spécifique au niveau de la racine de la plante, appelé « nodule », où les bactéries sont hébergées et fournissent de l’ammonium. Les partenaires y échangent aussi des signaux chimiques complexes.</p>
<h2>Retracer l’origine des plantes symbiotiques nodulantes</h2>
<p>Devant la diversité des plantes symbiotiques actuelles, il est difficile de savoir quelles caractéristiques physiologiques et génétiques sont nécessaires et suffisantes à la symbiose fixatrice d’azote. Distinguer les traits ancestraux de ceux qui sont apparus plus récemment chez les plantes symbiotiques devrait permettre d’établir la « recette génétique » de cette association.</p>
<p>En comparant les génomes de multiples plantes capables ou pas de réaliser la symbiose fixatrice d’azote, des <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aat1743">travaux antérieurs</a> ont montré que toutes les plantes symbiotiques possèdent un groupe de gènes communs, indispensables à cette association… Mais ces gènes sont aussi présents chez certaines plantes non-symbiotiques.</p>
<p>Lors de l’évolution, l’apparition de la symbiose ne serait donc pas liée à l’acquisition de nouveaux gènes mais plutôt à une modification de l’expression (ou activité) de ce groupe de gènes symbiotiques communs.</p>
<p>En effet, même si toutes les cellules d’un organisme possèdent les mêmes gènes, l’activité de ces derniers varie fortement d’une cellule à l’autre en réponse aux conditions environnementales (incluant, par exemple, la proximité de micro-organismes) et selon les stades de développement. Ainsi, les plantes légumineuses auraient acquis la capacité à réaliser la symbiose fixatrice d’azote en ré-utilisant des gènes impliqués dans différentes processus physiologiques (formation des racines latérales, interaction avec des champignons bénéfiques…) et en activant leur expression lors de l’interaction avec les bactéries symbiotiques.</p>
<p>C’est <a href="http://gompel.org/science-outreach/le-monde-le-bricolage-du-vivant">ce processus de « bricolage moléculaire », selon l’expression introduite par le biologiste François Jacob</a>, que nous avons essayé de retracer.</p>
<h2>Quand les plantes évoluent depuis un ancêtre commun grâce au « bricolage moléculaire »</h2>
<p>Nous avons donc décidé de comparer les gènes qui sont spécifiquement activés dans les nodules de neuf espèces de plantes capables de former cette symbiose.</p>
<p>Plus précisément, notre objectif était d’identifier les gènes communément exprimés chez toutes ces espèces lors de la symbiose.</p>
<p>Nous avons observé que près d’un millier de gènes étaient exprimés de manière partagée dans les nodules des neuf plantes symbiotiques étudiées. L’explication la plus probable d’une telle similarité est que ces différentes espèces ont hérité de leur ancêtre commun, un « ancêtre symbiotique » qui vivait sur terre il y a environ 90 millions d’années, ce programme génétique permettant la formation et le fonctionnement des nodules.</p>
<p>Grâce aux connaissances acquises par ailleurs sur ces symbioses, nous avons pu identifier, dans cette liste, de nombreux gènes végétaux permettant aux plantes de percevoir les signaux chimiques produits par leurs bactéries symbiotiques, d’accueillir ces dernières dans leurs tissus, et de réaliser les processus moléculaires permettant de puiser l’azote de l’air.</p>
<p>Ainsi, « l’ancêtre symbiotique » était certainement capable de réaliser ces trois étapes indispensables au fonctionnement de la symbiose, via des mécanismes moléculaires reposant sur l’activité de ce groupe de gènes communs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="arbre phylogénétique" src="https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561889/original/file-20231127-23-u6z9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Arbre phylogénétique simplifié représentant les évènements majeurs associés à l’évolution de la nodulation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Marc Delaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Des améliorations apparues indépendamment au fil de l’évolution</h2>
<p>Mais l’évolution ne s’arrête jamais : certaines plantes descendant de cet ancêtre commun symbiotique ont perdu la capacité à réaliser cette symbiose. D’autres, au contraire, ont évolué des compétences symbiotiques particulières, des « ajustements » symbiotiques, leur permettant par exemple de réaliser la symbiose avec différents types de bactéries ou dans certaines conditions environnementales.</p>
<p>Nous nous sommes donc demandé si l’on pouvait déceler quand, dans l’évolution, avaient eut lieu ces ajustements.</p>
<p>Pour cela, nous nous sommes focalisés sur deux plantes (<em>Mimosa pudica</em> et <em>Medicago truncatula</em>) et avons étudié les gènes qui participent à la symbiose chez ces plantes sans toutefois être exprimés chez l’ancêtre commun. En effet, les plantes appartenant aux deux plus grandes familles de légumineuses (représentées par <em>M. pudica</em> et <em>M. truncatula</em>) ont très peu perdu leurs capacités symbiotiques et sont toujours capables de former des nodules aujourd’hui.</p>
<p>Il a <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.18321">récemment été proposé</a> que la stabilité de cette capacité symbiotique au fil de l’évolution de ces plantes soit liée à la capacité de ces plantes à accueillir les bactéries à l’intérieur même des cellules végétales, au sein de structures appelées « symbiosomes ».</p>
<p>Nous disposons pour ces deux plantes d’une description précise de l’expression des gènes associée à chaque étape du processus de production des nodules, de formation des symbiosomes, et de fixation d’azote.</p>
<p>Nous nous sommes aperçu qu’un grand nombre de gènes associés à la formation des symbiosomes étaient spécifiques à chacune de ces deux espèces de plantes. En d’autres termes, ces gènes n’étaient pas présents dans le nodule de leur ancêtre commun, et la capacité à héberger les bactéries dans les cellules des nodules a donc émergé (évolué) indépendamment chez <em>M. pudica</em> et <em>M. truncatula</em>.</p>
<p>Ces « ajustements » symbiotiques auraient donc possiblement convergé vers un même mécanisme, le contrôle du symbiote, mais en utilisant différents processus moléculaires. Des travaux futurs devraient permettre de tester cette hypothèse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Capela a reçu des financements de l'Institut National de recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Remigi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Marc Delaux a reçu des financements du projet Engineering Nitrogen Symbiosis for Africa (ENSA) financé par une bourse
à l'université de Cambridge de la Fondation Bill & Melinda Gates (OPP1172165) et le "UK Foreign, Commonwealth and Development Office" (OPP1172165), ainsi que de l"European Research Council (ERC) dans le cadre du programme recherche et innovation de l'European Union’s Horizon 2020 (grant agreement No 101001675 - ORIGINS), de la Fondation Schlumberger pour l'Education et la Recherche, du CNRS, de l'agence nationale de la Recherche (ANR) et de l'European Molecular Biology Organization (EMBO). </span></em></p>Soja, cacahuète, mimosa : des scientifiques retracent l’évolution de la symbiose fixatrice d’azote chez les légumineuses et certaines espèces d’arbres.Delphine Capela, Directrice de Recherche CNRS au Laboratoire des interactions plantes - microbes - environnement, InraePhilippe Remigi, Chargé de recherche CNRS au Laboratoire des interactions plantes - microbes - environnement, InraePierre-Marc Delaux, Directeur de recherches CNRS au Laboratoire de Recherche en Sciences Végétales, Toulouse III, Toulouse INP, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199172023-12-14T19:10:18Z2023-12-14T19:10:18ZPourquoi notre cerveau est-il devenu aussi énergivore ?<p>C’est l’un des grands paradoxes de l’évolution. L’humain a démontré que le fait d’avoir un <a href="https://theconversation.com/why-do-humans-have-such-large-brains-our-study-suggests-ecology-was-the-driving-force-96873">gros cerveau</a> est la clé de son succès dans l’évolution, et pourtant ce type de cerveau est extrêmement rare chez les autres animaux. La plupart d’entre eux se débrouillent avec de petits cerveaux et ne semblent pas avoir besoin de plus de neurones.</p>
<p>Pourquoi ? La réponse sur laquelle la plupart des biologistes se sont accordés est de dire que les gros cerveaux sont coûteux en termes d’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Et, compte tenu du mode de fonctionnement de la sélection naturelle, les avantages <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9234964/">ne dépasseraient tout simplement pas les coûts</a>.</p>
<p>Mais s’agit-il seulement d’une question de taille ? La façon dont nos cerveaux sont organisés affecte-t-elle leur coût énergétique ? Une nouvelle étude, <a href="http://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adi7632">publiée dans Science Advances</a>, apporte des réponses intéressantes.</p>
<p>Tous nos organes ont des coûts énergétiques de fonctionnement, mais <a href="https://www.jstor.org/stable/2744104">certains sont peu élevés et d’autres très chers</a>. Les os, par exemple,demandent assez peu d’énergie. Bien qu’ils représentent environ 15 % de notre poids, ils n’utilisent que 5 % de notre métabolisme. Les cerveaux sont à l’autre extrémité du spectre, et avec environ 2 % du poids du corps humain typique, leur fonctionnement utilise environ 20 % de notre consommation d’énergie totale. Et ce, sans aucune réflexion particulièrement intense – cela se produit même lorsque nous dormons.</p>
<p>Pour la plupart des animaux, les avantages qu’apporterait un cerveau si énergivore n’en vaudraient tout simplement pas la peine. Mais pour une raison encore inconnue – peut-être la plus grande énigme de l’évolution humaine – les humains ont trouvé des moyens de surmonter les coûts d’un cerveau plus gros et d’en récolter les bénéfices.</p>
<p>Il est certain que les humains doivent supporter les coûts les plus élevés de leur cerveau, mais ces derniers sont-ils différents en raison de la nature particulière de notre cognition ? Le fait de penser, de parler, d’être conscient de soi ou de faire des additions coûte-t-il plus cher que les activités quotidiennes typiques des animaux ?</p>
<p>Il n’est pas facile de répondre à cette question, mais l’équipe à l’origine de cette nouvelle étude, dirigée par Valentin Riedl de l’université technique de Munich, en Allemagne, a relevé le défi.</p>
<p>Les auteurs disposaient d’un certain nombre d’éléments connus pour commencer. La structure de base des neurones est à peu près la même dans tout le cerveau et chez toutes les espèces. La densité neuronale est également la même chez l’homme et les autres primates, de sorte qu’il est peu probable que les neurones soient le moteur de l’intelligence. Si c’était le cas, certains animaux dotés d’un gros cerveau, comme les orques et les éléphants, seraient probablement plus « intelligents » que les humains.</p>
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<img alt="Elephant and woman in village Surin Thailand." src="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les éléphants ont de plus gros cerveaux que les humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">venusvi/Shutterstock</span></span>
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<p>Ils savaient également qu’au cours de l’évolution humaine, le néocortex – la plus grande partie de la couche externe du cerveau, connue sous le nom de cortex cérébral – s’est développé plus rapidement que les autres parties. Cette région, qui comprend le cortex préfrontal, est responsable des tâches impliquant l’attention, la pensée, la planification, la perception et la mémoire épisodique, toutes nécessaires aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Ces deux observations ont amené les chercheurs à se demander si les coûts énergétiques de fonctionnement varient d’une région à l’autre du cerveau.</p>
<p>L’équipe a scanné le cerveau de 30 personnes à l’aide d’une technique permettant de mesurer simultanément le métabolisme du glucose (une mesure de la consommation d’énergie) et la quantité d’échanges entre neurones dans le cortex. Ils ont ensuite pu examiner la corrélation entre ces deux éléments et voir si les différentes parties du cerveau utilisaient des niveaux d’énergie différents.</p>
<h2>Des résultats surprenants</h2>
<p>Les neurobiologistes ne manqueront pas d’analyser et d’explorer les moindres détails de ces résultats, mais d’un point de vue évolutif, ils donnent déjà matière à réflexion. Les chercheurs ont constaté que la différence de consommation d’énergie entre les différentes zones du cerveau est importante. Toutes les parties du cerveau ne sont pas égales, énergétiquement parlant.</p>
<p>Les parties du cerveau humain qui se sont le plus développées ont des coûts plus élevés que prévu. Le néocortex demande environ 67 % d’énergie en plus que les réseaux qui contrôlent nos mouvements.</p>
<p>Cela signifie qu’au cours de l’évolution humaine, non seulement les coûts métaboliques de nos cerveaux ont augmenté au fur et à mesure qu’ils grossissaient, mais qu’ils l’ont fait à un rythme accéléré, le néocortex se développant plus rapidement que le reste du cerveau.</p>
<p>Pourquoi en est-il ainsi ? Un neurone est un neurone, après tout. Le néocortex est directement lié aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Les signaux envoyés à travers cette zone sont médiés par des substances chimiques cérébrales telles que la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline (neuromodulateurs), qui créent des circuits dans le cerveau pour aider à maintenir un niveau général d’excitation (au sens neurologique du terme, c’est-à-dire d’éveil). Ces circuits, qui régulent certaines zones du cerveau plus que d’autres, contrôlent et modifient la capacité des neurones à communiquer entre eux.</p>
<p>En d’autres termes, ils maintiennent le cerveau actif pour le stockage de la mémoire et la réflexion – un niveau d’activité cognitive généralement plus élevé. Il n’est peut-être pas surprenant que le niveau d’activité plus élevé impliqué dans notre cognition avancée s’accompagne d’un coût énergétique plus élevé.</p>
<p>En fin de compte, il semble que le cerveau humain ait évolué vers des niveaux de cognition aussi avancés non seulement parce que nous avons de gros cerveaux, ni seulement parce que certaines zones de notre cerveau se sont développées de manière disproportionnée, mais aussi parce que la connectivité s’est améliorée.</p>
<p>De nombreux animaux dotés d’un gros cerveau, comme les éléphants et les orques, sont très intelligents. Mais il semble qu’il soit possible d’avoir un gros cerveau sans développer les « bons » circuits pour une cognition de niveau humain.</p>
<p>Ces résultats nous aident à comprendre pourquoi les gros cerveaux sont si rares. Un cerveau de grande taille peut permettre l’évolution d’une cognition plus complexe. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’augmenter la taille des cerveaux et l’énergie au même rythme, mais d’assumer des coûts supplémentaires.</p>
<p>Cela ne répond pas vraiment à la question ultime : comment l’homme est-il parvenu à franchir le plafond de l’énergie cérébrale ? Comme souvent dans l’évolution, la réponse se trouve dans l’écologie, la source ultime d’énergie. La croissance et le maintien d’un cerveau de grande taille – quelles que soient les activités sociales, culturelles, technologiques ou autres auxquelles il est destiné – nécessitent un <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.1991.0111">régime alimentaire fiable et de qualité</a>.</p>
<p>Pour en savoir plus, nous devons explorer le dernier million d’années, la période où le cerveau de nos ancêtres s’est réellement développé, afin d’étudier cette interface entre la dépense énergétique et la cognition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cerveau humain utilise 20 % de l'énergie que nous consommons, un chiffre élevé qui n’existe chez aucune autre espèce.Robert Foley, Emeritus Professor of Human Evolution, University of CambridgeMarta Mirazon Lahr, Professor of Human Evolutionary Biology & Director of the Duckworth Collection, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2103452023-11-24T14:14:25Z2023-11-24T14:14:25ZLa biologie, et non le manque de volonté, serait à l’origine de l’épidémie d’obésité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539072/original/file-20230724-18386-l9s376.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C8%2C1902%2C1224&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour de nombreuses personnes, il est très difficile de perdre du poids sans aide professionnelle. L'obésité est un problème moderne, qui nécessite une approche novatrice.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis que l’humain a utilisé pour la première fois un outil pour faciliter sa vie, il était condamné à prendre du poids.</p>
<p>Les progrès époustouflants de l’humanité ont suivi une trajectoire parallèle à la disponibilité croissante de calories. Cela a eu des conséquences sanitaires et sociales — initialement positives.</p>
<p>Tout au long de son histoire <a href="https://doi.org/10.1146%2Fannurev-nutr-080508-141048">notre espèce a dû composer avec le manque de nourriture</a>. Il fallait se démener pour trouver suffisamment de calories pour rester en vie, et notre capacité à rivaliser et à survivre impliquait parfois de longues pauses entre de maigres repas.</p>
<p>Lorsque la nourriture était abondante, notre corps emmagasinait l’énergie excédentaire sous forme de graisse pour pouvoir l’utiliser en temps de disette.</p>
<h2>Un métabolisme ancien dans un monde moderne</h2>
<p>Notre ingéniosité nous a conduits à exploiter le feu, à créer des armes de chasse et à inventer l’agriculture. Notre intelligence a permis à notre espèce de mener une vie plus facile et plus confortable tout en assurant un approvisionnement régulier en nourriture pour soutenir la croissance de la population.</p>
<p>Au fil des progrès de l’humanité, nos ancêtres ont appris à domestiquer et à utiliser les animaux. Plus tard, nous avons inventé des machines pour nous déplacer, nous et nos biens, d’un endroit à l’autre, et la vie est devenue encore plus facile.</p>
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<img alt="Silhouettes de l’évolution commençant par un primate, se transformant en humains portant du feu ou des lances, et finalement en une personne poussant un chariot d’épicerie" src="https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538774/original/file-20230721-23892-afrwop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Notre métabolisme reste calibré pour une vie dure et inconfortable durant laquelle chaque bouchée devait être gagnée au prix d’un effort physique intense. Notre cerveau nous dit toujours de manger plus que ce dont nous avons besoin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Aujourd’hui, des montagnes d’aliments riches en calories (et souvent pauvres sur le plan nutritionnel) de même que des boissons sucrées sont facilement accessibles partout dans le monde. Il n’est plus nécessaire de sortir de chez soi — ni même de se lever — pour accéder à cette corne d’abondance.</p>
<p><a href="https://obesitycanada.ca/fr/deslignesdirectrices/lascience/">Cependant, notre métabolisme n’a pas suivi nos avancées technologiques</a>. Il reste calibré pour une vie dure et inconfortable dans laquelle chaque bouchée doit être gagnée au prix d’un effort physique intense. Notre cerveau nous envoie encore le message de manger plus que ce dont nous avons besoin.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.2174%2F138920211795677895">L’obésité polygénique (la prédisposition héréditaire à consommer et à emmagasiner de l’énergie)</a> est le résultat inévitable de l’affrontement entre nos instincts primaires et l’abondance phénoménale créée par l’humain. C’est aussi ce qui rend la perte d’un excès de graisse et le maintien d’un poids sain si difficile.</p>
<h2>Le rôle du cerveau dans l’obésité</h2>
<p>Grâce à notre travail clinique et à nos recherches sur l’obésité, nous savons que certaines personnes peuvent prendre du poids et être en bonne santé. Mais d’autres développent de graves problèmes, <a href="https://doi.org/10.3390/ijms20092358">comme le diabète, l’hypertension artérielle, le cancer et l’arthrite</a>.</p>
<p>La société a trop longtemps considéré l’obésité comme un échec personnel, alors qu’il s’agit en réalité d’une <a href="https://obesitycanada.ca/fr/deslignesdirectrices/lascience/">maladie biologique, physiologique, environnementale et chronique</a>.</p>
<p>Pour plusieurs, essayer de perdre un excès de poids sans aide est très difficile. Le cerveau nous pousse à manger autant que possible parce qu’il croit que cela nous aide à survivre. Il a ainsi le pouvoir d’anéantir nos meilleures intentions. </p>
<p>En dépit de l’opinion courante selon laquelle les personnes à forte corpulence devraient <a href="https://theconversation.com/its-time-to-bust-the-calories-in-calories-out-weight-loss-myth-199092">simplement manger moins et bouger plus</a>, il est pratiquement impossible de lutter contre notre patrimoine génétique ou d’autres facteurs sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. </p>
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<img alt="Dessin à la craie d’un cerveau dont la moitié est remplie de différents types d’aliments" src="https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538591/original/file-20230720-25-6r6648.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cerveau nous incite à manger le plus possible parce qu’il croit que cela nous aide à survivre, et il a le pouvoir de faire fi de nos meilleures intentions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Notre corps défend farouchement son poids. Il modifie les niveaux de leptine et d’insuline qui régulent l’appétit. <a href="https://obesitycanada.ca/fr/deslignesdirectrices/lascience/">Lorsque nous nous restreignons sur le plan calorique pour perdre du poids</a>, les hormones obligent notre cerveau à signaler une augmentation de la faim et une diminution de la satiété, et elles ralentissent notre métabolisme dans le but de conserver la graisse corporelle. </p>
<p>Entre-temps, une autre partie de notre cerveau, qui régule la récompense et le plaisir, travaille également à nous faire manger davantage. </p>
<p>Le plaisir de manger est <a href="https://doi.org/10.1016%2Fj.neuron.2011.02.016">stimulé par des substances neurochimiques naturelles comme la dopamine, les opioïdes et les cannabinoïdes</a>, afin d’aider à la survie et à l’emmagasinage de l’énergie. Les personnes souffrant d’obésité peuvent avoir une prédisposition génétique à un système de récompense accru associé à la nourriture. Les emballages brillants, le marketing agressif (<a href="https://www.apa.org/topics/obesity/food-advertising-children">ciblant souvent les enfants</a>), les aliments au bon goût, mais pauvres en nutriments, les commandes au volant et les services de livraison en ligne sont autant d’éléments qui favorisent ce phénomène. </p>
<h2>Un traitement efficace</h2>
<p>De la même manière que le progrès humain est à l’origine de l’obésité, il peut contribuer à le résoudre. </p>
<p>Cela commence par l’acceptation du fait que <a href="https://obesitycanada.ca/guidelines/weightbias/">l’obésité polygénique est une maladie et non une question de volonté</a>. Plutôt que de juger la taille de tout un chacun, nous devrions être plus compréhensifs et en apprendre davantage sur ses causes.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.2105%2FAJPH.2009.159491">La société envoie des messages nuisibles relativement au poids, en particulier par le biais de la culture populaire</a>. Nous voulons donc être très clairs : notre poids ne définit pas qui nous sommes, et il ne définit pas notre état de santé non plus.</p>
<p>Il importe de reconnaître que lorsque l’obésité nuit à la santé d’une personne, elle nécessite un traitement, et il y en a de très efficaces qui sont disponibles. <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.191707">Les lignes directrices de pratique clinique 2020 du Canada</a> reposent sur trois piliers : la chirurgie bariatrique, la médication et la psychothérapie cognitive. </p>
<p>Celle-ci est essentielle à l’efficacité tant de la chirurgie que de la prise de médicaments. La thérapie comportementale permet de répondre à des questions telles que : pourquoi est-ce que je mange comme je le fais ? Quelle est ma relation avec la nourriture ? Quelle en est l’origine ?</p>
<p>Il a été démontré à maintes reprises que ces piliers constituent les principales interventions susceptibles d’aider les personnes souffrant d’obésité à améliorer leur santé tout en réduisant leur poids et en le maintenant sur le long terme.</p>
<p>Nous avons besoin de moins de jugement et de plus de science. Le progrès est possible si nous y travaillons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210345/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Megha Poddar est directrice médicale du Medical Weight Management Centre of Canada. Elle a participé à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une formation médicale continue avec des sociétés pharmaceutiques qui proposent des médicaments contre l'obésité, notamment Novo Nordisk et Eli Lilly.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sean Wharton est le directeur médical de la Wharton Medical Clinic et l'auteur principal des Lignes directrices canadiennes sur l'obésité. Il a reçu des fonds des IRSC, de Mitacs, de Novo Nordisk, de Bausch Health Canada Inc, d'Eli Lilly et de Boehringer Ingelheim.</span></em></p>L’humain a commencé à prendre du poids à mesure que les progrès technologiques ont rendu la nourriture abondante et disponible. Car son cerveau et son métabolisme fonctionnent comme en temps de disette.Megha Poddar, Assistant (Adjunct) professor, Deptartment of Internal Medicine, McMaster UniversitySean Wharton, Adjunct professor, Department of Medicine, McMaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179762023-11-17T19:41:56Z2023-11-17T19:41:56ZLa répartition géographique des poissons d’eau douce, nouveau marqueur de l’anthropocène ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560005/original/file-20231116-17-iwx39x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C2035%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson rouge est l'une des nombreuses espèces de poissons d'eau douce introduites par les humains dans les milieux naturels, bouleversant durablement leur aire de répartition naturelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Watts / Flickr / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Est-on entré dans l’ère géologique de l’anthropocène, une « époque de l’homme » où l’humain serait devenu la principale force de changement planétaire, surpassant les forces géologiques naturelles ? La question est débattue par la communauté scientifique, en particulier au sein de la Commission internationale de stratigraphie, qui travaille sur le sujet depuis 2009. En juillet dernier, l’enregistrement sédimentaire pressenti pour faire figure de référence et définir la transition de l’holocène à l’anthropocène avait été <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">sélectionné en Ontario, au Canada</a>.</p>
<p>Quels sont les indices qui peuvent témoigner de l’entrée dans l’anthropocène ? Les géologues et paléontologues <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">accumulent toutes sortes de preuves</a> : traces visibles dans les couches sédimentaires telles que la pollution plastique ou la radioactivité, ou encore les changements dans les fossiles à cause de la crise de la biodiversité. Ainsi certains chercheurs proposent même de considérer, comme marqueur les <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">os des poulets que nous consommons</a>, qui deviendront fossiles d’ici quelques millions d’années.</p>
<p>Mais ce n’est pas la seule façon dont notre espèce a bouleversé la biodiversité planétaire. Avec une équipe internationale, qui réunissait notamment le laboratoire BOREA du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le CNRS et l’IRD, nous avons montré comment les sociétés humaines ont redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<p>Nous postulons qu’il s’agit là de changements majeurs, qui constituent une nouvelle preuve de l’entrée dans l’anthropocène. Nos travaux ont été publiés ce 17 novembre dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.adi5502"><em>Science Advances</em></a>.</p>
<h2>Comment la tectonique des plaques a isolé les poissons d’eau douce</h2>
<p>Pour bien comprendre ces résultats, il faut remonter un peu dans l’histoire de la planète. Les 11 000 espèces de poissons d’eau douce qui peuplent la planète sont cantonnées à leurs milieux d’eau douce : rivières et lacs. Ils ne tolèrent pas l’eau salée, et pour eux, les collines, les montagnes, ou les océans représentent des barrières infranchissables.</p>
<p>Ce sont les forces géologiques naturelles qui ont toujours dicté leur évolution au cours de l’histoire de la Terre. La tectonique des plaques, en isolant les continents, <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13674">a séparé les poissons d’eau douce en six grandes régions géographiques</a>. Chaque région a évolué isolément pendant des dizaines de millions d’années, jusqu’à disposer d’un cortège d’espèces unique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions biogéographiques naturelles de poissons d’eau douce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces grandes régions sont appelées « régions biogéographiques », et elles possèdent toutes un taux d’endémisme – c’est-à-dire une proportion d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs – exceptionnellement élevé, de l’ordre de 96,7 à 99,7 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que chez les autres groupes de vertébrés.</p>
<p>Chaque région possède donc des poissons d’eau douce qui lui sont propres, et, depuis des millions d’années, à leur mort, ces poissons forment des restes fossiles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.</p>
<h2>Nos sociétés ont changé les règles du jeu</h2>
<p>Cette tranquille évolution orchestrée par la tectonique des plaques a très récemment été bouleversée à par les activités humaines. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, il est devenu possible pour les poissons d’eau douce de traverser les océans et les montagnes.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">« sociétés d’acclimatation » s’étaient fixé l’objectif</a> d’établir des peuplements de poissons familiers dans les colonies, et de poissons exotiques dans les eaux européennes. Ces sociétés ont ainsi introduit de nombreuses espèces européennes en Australie, Nouvelle-Zélande, ou encore ont introduit des espèces nord-américaines en Europe ou en Russie.</p>
<p>Rapidement, d’autres motifs sont apparus pour justifier l’introduction d’espèces hors de leurs aires natives. La lutte biologique par exemple, avec l’introduction des petites gambusies d’Amérique du Nord partout dans le monde pour manger les larves de moustiques. La construction de canaux connectant différents fleuves a également permis aux espèces d’atteindre des zones auparavant inaccessibles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des régions naturelles de répartition des poissons d’eau douce en fonction du temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais c’est surtout au milieu du XX<sup>e</sup> siècle que nous avons commencé à massivement déplacer les espèces entre les continents. À partir de 1947, on a observé une <a href="https://doi.org/10.1111/geb.13714">accélération exponentielle des introductions</a>, avec une globalisation des origines et des destinations des espèces introduites. Ce phénomène s’explique par l’explosion et la globalisation des échanges commerciaux à partir de cette date.</p>
<p>Les espèces ont alors été transportées entre continents pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">l’aquaculture ou pour le commerce ornemental (aquariophilie)</a>, et trop souvent elles se sont échappées, accidentellement ou intentionnellement. Par exemple, les tilapias d’Afrique ont été introduits partout dans le monde pour l’aquaculture, et se sont rapidement échappés des élevages pour s’établir dans de nouvelles zones. Les poissons des aquariums comme les guppys, les poissons rouges ou encore les carpes se sont, eux aussi, échappés pour coloniser les milieux naturels.</p>
<p><iframe id="3IBEv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3IBEv/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de ces introductions accidentelles, les hommes ont introduit de nombreuses espèces volontairement dans les milieux sauvages, pour la pêche récréative ou la pêche de subsistance. L’usage de poissons exotiques comme appât pour la pêche ou pour empoissonner les milieux naturels s’est développé et a causé de nombreuses introductions dans le monde entier, comme le goujon asiatique ou la perche-soleil en Europe.</p>
<p>Au total, ce sont 453 espèces qui ont été introduites hors de leur aire naturelle, entre les continents, ce qui a profondément redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<h2>L’humain a recréé la Pangée</h2>
<p>Pour étudier les conséquences de ces introductions, nous avons comparé la géographie naturelle de la biodiversité par rapport à la géographie modifiée par les introductions avec la même méthode d’analyse, appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0114">« biorégionalisation »</a>.</p>
<p>Nos résultats ont été sans appel. Nous avons observé l’émergence inédite d’une super-région qui couvre tous les continents : Amérique du Nord, Europe, Asie de l’Est, Océanie, et une petite partie de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cette nouvelle répartition illustre de toute évidence le lien entre introductions d’espèces exotiques et commerce international, car <a href="https://viz.ged-project.de/">elle connecte les pays du monde ayant les plus grands échanges commerciaux</a>.</p>
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<p>Nous avons appelé cette super-région « PAGNEA » pour Pan-Anthropocenian Global North and East Asia. L’acronyme de PAGNEA est volontairement évocateur de la Pangée (Pangea en anglais), qui est le dernier supercontinent de la planète à avoir existé il y a plus de 200 millions d’années.</p>
<p>À l’époque, les organismes avaient la possibilité de disperser sur toute la Pangée, car les océans ne constituaient pas encore une barrière. Ce que la région PAGNEA nous montre aujourd’hui, c’est que les sociétés humaines recréent artificiellement les conditions de la Pangée, en permettant aux organismes de se disperser sur tous les continents.</p>
<h2>Une uniformisation des couches fossiles</h2>
<p>Avant les activités humaines, chaque continent avait ses fossiles uniques, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Désormais, à cause des introductions, nous aurons des fossiles partagés entre les différents continents de la région PAGNEA. La carte ci-dessous illustre les changements attendus dans les couches fossiles du monde entier, et en particulier pour plusieurs bassins versants notables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions de l’Anthropocène, avec des exemples de changements attendus dans les bassins versants qui se répercuteront sur les fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces changements dans la distribution des fossiles à l’échelle planétaire sont un critère déterminant pour la reconnaissance de l’anthropocène. Il s’agit ici de la première cartographie qui montre une telle ampleur dans les changements attendus, tout en utilisant une grande masse de données quantitatives sur les répartitions de poissons d’eau douce.</p>
<p>Cette découverte contribuera donc probablement aux travaux <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">du Groupe de Travail sur l’Anthropocène</a>, qui étudie les éléments de preuves accumulés par les scientifiques et décidera dans le futur d’entériner le passage à l’Anthropocène.</p>
<h2>Message aux paléontologues du futur</h2>
<p>Au-delà de l’anthropocène, cette démonstration de l’ampleur de l’effet des introductions d’espèces à l’échelle globale doit nous pousser à réfléchir sur deux conséquences majeures.</p>
<p>Tout d’abord, l’introduction d’espèces non natives pose le risque de créer de nouvelles invasions biologiques dont les <a href="https://zenodo.org/records/10127924">conséquences peuvent être dramatiques pour les écosystèmes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03405-6">économies</a>, d’autant plus que les principales espèces introduites sont très abondantes et déjà connues pour être envahissantes.</p>
<p>Il est donc absolument nécessaire de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">prévenir les nouvelles introductions</a>, en s’inquiétant tout particulièrement des <a href="https://doi.org/10.1007/s10750-020-04407-7">menaces émergentes comme le commerce en ligne d’espèces vivantes</a>.</p>
<p>La seconde raison est presque d’ordre philosophique : elle nous aide à réaliser que nos actions, sur une échelle de temps très courte – à peine 70 ans – auront des répercussions visibles dans les couches fossiles qui seront étudiées par les paléontologues du futur. Mais ces impacts seront non seulement d’ampleur, mais aussi irréversibles, car nous sommes en train d’altérer durablement la trajectoire évolutive de la biodiversité sur la planète en créant de nouveaux points de départ évolutifs pour les lignées du futur.</p>
<p>Dans plusieurs millions d’années, la biodiversité portera encore l’empreinte évolutive d’une époque où la dispersion des organismes est à nouveau devenue possible entre les continents. Le propre de cette époque, de notre époque, réside bien là : les forces géologiques naturelles ont été surpassées par une nouvelle force de changement planétaire, l’espèce humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les introductions de poissons d'eau douce, à travers le commerce, mais aussi l'ouverture de nouvelles voies de navigation, ont bouleversé la géographie de ces espèces. Un nouveau marqueur de l'Anthropocène ?Boris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136702023-11-09T16:40:29Z2023-11-09T16:40:29ZConnaître l’émergence de Neandertal pour comprendre sa disparition<p>Quand et pourquoi l’homme de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neandertal-56824">Neandertal</a> a disparu reste encore très énigmatique et fait l’objet de multiples hypothèses depuis des décennies. Comprendre son origine et surtout à quel moment émerge ce qui va caractériser à la fois son comportement et son apparence peuvent être un autre moyen, certes indirect, d’identifier les raisons de son extinction. Comprendre la cohérence et l’originalité des stratégies que cet homme et ses ancêtres vont élaborer pendant plusieurs centaines de milliers d’années est possiblement une des clés. </p>
<p>Travaillant sur les premiers peuplements de l’Europe, j’ai focalisé mes travaux avec mes collègues depuis plusieurs années sur les racines du comportement néandertalien. Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE27-0011">ANR NEANDROOTS</a>, qui a démarré fin 2019, a permis d’aborder de manière multidisciplinaire une période majeure de l’histoire humaine datée de plus de 400 000 ans.</p>
<h2>Retour 450 000 ans en arrière</h2>
<p>Les données génétiques et anatomiques sur les restes humains fossiles montrent que les traits néandertaliens émergent peu à peu entre 600 et 450 000 ans par l’isolement de groupes humains occupant l’Europe et regroupés sous le terme d’<em>Homo heidelbergensis</em>. Neandertal est donc un Européen. Cet homme présente des caractères anatomiques qui le distingue très nettement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/homo-sapiens-21703"><em>Homo sapiens</em></a>. Par exemple, il est plus robuste et son crâne ne présente pas de front ni de menton.</p>
<p>Vers 450 000 ans débute une longue période tempérée ou interglaciaire. Elle succède à une longue et sévère période glaciaire qui réduit les zones habitables et dépeuple la partie nord-ouest de l’Europe. </p>
<p>Avant ce long interglaciaire, les traces d’occupations humaines existent, même si elles sont sporadiques, mais ne permettent pas réellement de distinguer des entités régionales. À partir de ce long interglaciaire, les sites préhistoriques, livrant des outillages et des ossements d’animaux, deviennent plus nombreux. Ils enregistrent des changements comportementaux avec des innovations techniques dans les modes de fabrication des outillages. Ils offrent aussi la possibilité de décrire les modes de subsistance par les restes osseux d’animaux consommés qui montrent que la chasse se développe aux dépens du charognage d’animaux morts naturellement ou tués par les carnivores. Des traces de foyers se multiplient attestant que le feu est maîtrisé et reproductible. Les raisons sous-jacentes à ces changements majeurs, et c’est l’objectif de ce projet, restent à identifier. </p>
<p>La longue stabilité climatique tempérée (25 000 ans alors qu’habituellement 10 000 ans) a-t-elle permis le développement de ces innovations, donc une adaptation environnementale aux changements des cycles climatiques ? Les zones habitables couvrent alors une large partie de l’Europe, à la fois le sud et le Nord-Ouest. Une période interglaciaire d’une telle durée après une glaciation sévère pourrait avoir favorisé la végétation et l’occupation de l’Europe. La végétation est l’un des éléments clés, qui détermine la disponibilité de la biomasse pour les grands herbivores et affecte la mobilité des groupes humains et peut-être leur expansion démographique, et donc la diffusion d’innovations. </p>
<p>Cette évolution comportementale était-elle enracinée dans des traditions antérieures ayant perduré malgré la longue période glaciaire et se développant à la faveur de cette longue phase climatique, ceci en parallèle avec le développement des traits anatomiques néandertaliens ?</p>
<p>Dans le cadre de ce projet interdisciplinaire, nous tentons de répondre à ces questions. Une vaste base de données a déjà été réalisée pour réviser l’ensemble des occupations de la période. L’objectif est de caractériser par une méthodologie commune les innovations, combler les lacunes dans les données chronologiques et environnementales et développer des approches méthodologiques pour identifier d’éventuelles stratégies régionales et les modèles de diffusion des innovations. Et, entre autres, tester l’impact de l’évolution du climat sur l’adaptation des hommes par le modèle climatique iLOVECLIM et la modélisation des niches éco-culturelles (ECNModelling). </p>
<h2>Les nombreux outils de Neandertal</h2>
<p>La comparaison des outillages par la cladistique (étude des apparentements des êtres vivants et de la reconstruction des relations de parenté entre eux), habituellement utilisée en biologie, nous a permis de quantifier les innovations et les identifier spatialement et chronologiquement en divers points d’Europe. Par exemple, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248421000610">nous avons pu démontrer</a> que l’emblématique débitage « Levallois » qui permet de prévoir à l’avance la forme des outils, <a href="https://hal.science/hal-02990686">véritable révolution technique</a>, semble apparaître en plusieurs points éloignés dès la fin du long glaciaire vers 450 000 ans et se diffuser peu à peu, favorisée par l’extension des territoires habitables. Les hommes préparent un bloc en le taillant de manière organisée et cette préparation que l’on nomme « Levallois » (décrite la première fois en France, en région parisienne) permet de prévoir la forme des enlèvements futurs sur le bloc et donc des outils.</p>
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<img alt="Outil sur éclat en silex du site de la Noira daté de 450 000 ans" src="https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Outil sur éclat en silex du site de la Noira daté de 450 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M-H. Moncel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans d’autres études, nous montrons que certaines innovations techniques sont enracinées dans les périodes antérieures et ont donc perduré, mais en se modifiant, comme la façon de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0047248423000349">fabriquer des bifaces</a> (grand outil pointu avec un aménagement des deux faces) qui devient plus élaborée ou donne des outils résiduels sommaires. </p>
<p>La comparaison des sites à l’échelle régionale nous permet d’identifier spatialement des réseaux de sites qui ont certainement favorisé la circulation des groupes humains et des innovations. Nous sommes face aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/343191540_Emergence_of_regional_cultural_traditions_during_the_Lower_Palaeolithic_the_case_of_Frosinone-Ceprano_basin_Central_Italy_at_the_MIS_11-10_transition">plus anciennes preuves de régionalisation en Europe</a>, à savoir la mise en place de traditions régionales où les hommes produisent des types d’outils similaires ou utilisent les mêmes modes de production de ces outils.</p>
<p>Certaines de ces entités régionales montrent une originalité par l’utilisation avérée par exemple de l’os pour fabriquer des outils, comme dans le bassin de Ceprano, à proximité de Rome en Italie. Avec les collègues italiens, nous avons identifié des fragments d’os de grands herbivores, comme ceux d’éléphants, qui ont été récupérés pour être retouchés et obtenir des outils variés, en association avec les outils en pierre. L’os est rarement utilisé en général dans ces périodes et son usage plus systématique dans ce cas présent pourrait être un marqueur de ces groupes humains occupant ces bassins volcaniques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Biface en silex du site de la Noira (France, daté de 450 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M-H. Moncel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Concernant les données climatiques, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379123000586">l’analyse d’une carotte océanique</a> au large de l’Espagne et des pollens ayant été piégés dans les sédiments marins a permis de préciser les modalités de la transition climatique entre la phase glaciaire et le début du long interglaciaire. La transition est rapide, abrupte, et les conditions climatiques deviennent vite tempérées en Europe de l’Ouest, facteur sans doute favorable aux populations. Ainsi, par la modélisation « Eco-Niche modelling », comparer la distribution des traditions techniques et des sites avec les cartes d’extension des territoires lors de ce long interglaciaire et les données climatiques détaillées nous permet de tester des modèles de diffusion des innovations/inventions en relation avec les données environnementales et la taille et la structure démographique. </p>
<p>Appréhender en détail cette période est non seulement un moyen de comprendre ce qui caractérise Neandertal comparé aux autres homininés ayant vécu avant lui et aux hommes modernes, mais aussi un moyen de construire des modèles de réponses des hommes à des environnements variés (et nouveaux) selon les latitudes. </p>
<p>L’Europe est un vaste laboratoire avec des variations climatiques entre Nord et Sud et l’extension cyclique des glaciers a modelé les paysages et l’extension des zones habitables au cours du Quaternaire. Ces modèles sont basés sur la disparition et l’acquisition d’outils et l’expertise conservées pour une adaptation réussie, sur la compréhension des mécanismes de transmission culturelle au cours du temps et des processus par lesquels les innovations ou les inventions se répandent, sont maintenues ou évoluent. </p>
<p>En fait, nous travaillons sur la résilience des populations aux modifications environnementales, sujet d’actualité. Neandertal et ses ancêtres ont perduré et se sont adaptés à des milieux variés. Nos résultats indiquent qu’ils ont su trouver des solutions techniques et comportementales variées, amplifiées à la faveur d’une longue période tempérée. Les raisons de leur disparition seront peut-être un jour trouvées dans leur passé. Ces raisons sont certainement multifactorielles, combinant la forte instabilité climatique enregistrée pendant une courte période entre 40 000 et 30 000 ans ne leur permettant pas de trouver des solutions adaptatives et/ou la petite taille probable des groupes humains comme l’indiquent les récentes analyses de l’ADN fossile.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE27-0011">NEANDROOTS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Moncel a reçu des financements de ANR et ERC Horizon 2020. </span></em></p>Les conditions de la disparition de notre cousin Neandertal restent mystérieuses. Et si on prenait le problème à l’envers pour savoir quelles conditions ont permis son émergence ?Marie-Hélène Moncel, Archéologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172382023-11-08T20:47:34Z2023-11-08T20:47:34ZLes cerveaux ne fossilisent pas, comment étudier ceux de nos ancêtres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558426/original/file-20231108-19-73suns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C681%2C3735%2C2783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fossile original Cro-Magnon 1 et une image virtuelle montrant grâce à l'imagerie la moitié droite de l'endocrâne et la moitié gauche du crâne (le code couleur sur le crâne correspond à la variation d'épaisseur des os).</span> <span class="attribution"><span class="source"> Antoine Balzeau CNRS/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis que les fossiles humains sont étudiés, les chercheurs s’intéressent à ce qui se cache dans leur boite crânienne. Le cerveau en effet a son importance, puisqu’il est lié aux capacités cognitives. Pourtant, son étude est rendue difficile pour les humains du passé car le cerveau ne résiste pas aux épreuves du temps : nous n’avons jamais retrouvé d’encéphale fossile. Les tissus les plus mous ne sont en effet jamais conservés, au contraire des restes osseux qui se transforment lors de la fossilisation. Heureusement, le cerveau laisse sur la surface interne du crâne des empreintes que les scientifiques étudient pour discuter de l’évolution du cerveau humain. Pour ce faire, nous tombons parfois sur un moulage interne naturel formé par du sédiment (c’est le cas par exemple pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/ajpa.21184">l’australopithèque de Taung</a>).</p>
<p>Depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, des techniques de moulage sont aussi utilisées pour obtenir un objet en 3D de la surface endocrânienne. Enfin, depuis quelques dizaines d’années, nous utilisons des méthodes d’imagerie de plus en plus performantes pour reconstituer en 3D virtuelle ce volume, qui peut ensuite être imprimé physiquement par prototypage. Au Muséum national d’histoire naturelle, nous disposons de micro-tomographes qui nous permettent <a href="https://antoinebalzeau.jimdofree.com/recherche/imagerie-s/">d’obtenir des images scanners de très haute résolution</a> à partir desquelles nous reconstruisons toutes les structures cachées dans les fossiles, dont l’endocrâne.</p>
<p>C’est ainsi que nous pouvons observer les fins détails de la surface interne du crâne et tenter d’interpréter les caractéristiques du cerveau qu’ils reflètent. En effet les empreintes visibles pourraient correspondre aux circonvolutions sillonnant la surface du cerveau et marquant les limites entre les différentes régions cérébrales. L’objectif est de situer où se trouvent les grandes parties du cerveau, comme les lobes frontaux, pariétaux, temporaux ou occipitaux. Il s’agit aussi de localiser des zones spécifiques impliquées dans le comportement, et si possible de les observer les mesurer.</p>
<h2>Les crânes fossiles nous renseignent-ils sur le cerveau ?</h2>
<p>Mais les chercheurs s’interrogent sur la fiabilité de leurs déterminations et sur le lien réel entre endocrâne et cerveau. Jamais encore il n’avait été possible de vérifier si ce qui est observé sur l’endocrâne correspond précisément aux sillons visibles sur le cerveau.</p>
<p>Nous nous sommes ainsi <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/joa.13966">pour ce travail</a> publié aujourd’hui posé quelques questions fondamentales et avons tenté d’y répondre. Les empreintes qui tapissent l’intérieur d’une boite crânienne peuvent-elles révéler avec fiabilité l’anatomie du cerveau qu’elle contient ? L’étude des crânes fossiles peut-elle ainsi nous éclairer sur certaines capacités de nos ancêtres ? Autrement dit, une « paléoneurologie » fiable est-elle possible ?</p>
<p>Pour les besoins de cette étude, réalisée dans le cadre du projet ANR PaleoBRAIN, nous avons combiné les compétences de chercheurs de différents domaines. Nous avons utilisé des données IRM particulières obtenues sur un volontaire. Ces acquisitions ont été effectuées à l’Institut du Cerveau (ICM). L’originalité est que nous disposions ainsi de plusieurs séquences d’imagerie différentes, dont une classique pour reconstruction le cerveau, mais aussi une autre moins fréquemment usitée qui permet d’imager l’os. C’est grâce à cette dernière que nous avons reconstitué l’endocrâne de notre volontaire, pour lequel nous avions donc aussi des données précises pour son cerveau.</p>
<p>Grâce à des outils informatiques développés dans le domaine des neurosciences par l’équipe Baobab du centre de recherche Neurospin, nous avons pu effectuer des analyses comparatives des modèles d’endocrâne et de cerveau.</p>
<h2>14 experts testés</h2>
<p>Enfin et surtout, le cœur de l’étude a été de mettre à l’épreuve 14 experts internationaux de domaines variés étudiant l’évolution du cerveau (paléontologues, neurologues et primatologues) et travaillant régulièrement sur les endocrânes. Nous leur avons demandé à partir de l’image de l’endocrâne de positionner les principaux sillons qu’ils ont l’habitude d’observer lors de leur recherche. Puisque nous disposions non seulement de la forme de l’endocrâne mais aussi de celle du cerveau, nous pouvions ensuite vérifier la précision des déterminations effectuées à l’aveugle. </p>
<p>Ainsi, la correspondance réelle entre les positions des sillons du cerveau et les marques visibles sur l’endocrâne était disponible, alors que les experts travaillaient « à l’aveugle », comme ils sont contraints de le faire sur les endocrânes fossiles. La participation d’autant de spécialistes est très positive et illustre combien nous cherchons à améliorer la qualité de nos recherches, puisqu’en participant nous prenions le risque de constater que ce qui nous décrivions n’était pas juste !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les observations réalisées par les 14 experts, qui montrent de nombreuses différences d’interprétation, ont pu être comparées à la réalité. Ce test révèle les limites actuelles de la méthode et ouvre des pistes pour augmenter sa fiabilité..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau CNRS et MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Les résultats révèlent quelques surprises, et heureusement ouvrent de belles pistes pour le futur des recherches sur l’évolution du cerveau humain. De nettes différences ont été observées entre les identifications proposées par les experts et les sillons du cerveau réel. Certaines marques, correctement repérées, ont notamment été associées à un mauvais sillon. Ce résultat illustre qu’essayer de reconstruire un sillon cérébral suivant la forme/position générale connue dans la documentation scientifique ou à partir d’un individu moyen induit un biais lorsque l’on regarde un endocrâne et tente de suivre les marques qui y sont observées. En effet, la morphologie du cerveau est extrêmement variable, celle de l’endocrâne l’est donc aussi !</p>
<p>Nous observons aussi que l’identification des sillons est meilleure dans la partie inférieure de l’endocrâne que dans la partie supérieure. Ceci est lié au mode de formation du crâne et du cerveau durant notre croissance. L’un et l’autre grandissent en parallèle, influant sur leur morphologie respective. De par notre position verticale, debout, le contact entre le cerveau et le crâne est plus rapproché vers le bas de notre tête que vers le haut, ou cerveau et crâne sont séparés par un espace un peu plus grand.</p>
<p>Certains résultats concernant des traits anatomiques spécifiques ont des implications sur des sujets débattus en paléoanthropologie et devront être analysés sur plus d’individus par la suite. En effet, le sillon central qui sépare les lobes frontaux et pariétaux n’a pas été bien localisé par la plupart des scientifiques.</p>
<h2>Mieux lire le cerveau de nos ancêtres préhistoriques</h2>
<p>D’où l’importance de ce projet que nous poursuivons sur de très nombreux volontaires. L’objectif sera de caractériser la position réelle des principaux sillons sur des endocrânes, puisque nous disposons aussi des cerveaux correspondants. Il sera aussi possible de clarifier ce que nous pouvons observer avec précision sur un endocrâne.</p>
<p>Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives. La description endocrânienne des spécimens fossiles devra à l’avenir prendre en compte la variation de position et de forme des sillons en plus d’utiliser des modèles de forme moyenne du cerveau. De plus, il ressort clairement de la présente étude que les chercheurs peuvent percevoir les empreintes des sillons avec une précision raisonnablement élevée, mais leur identification et leur attribution correctes restent un défi, en particulier lorsqu’il s’agit d’espèces disparues pour lesquelles nous manquons de connaissance directe du cerveau. Il nous reste donc beaucoup de travail à faire pour savoir bien lire le cerveau de nos ancêtres préhistoriques.</p>
<p><a href="https://paleobrain.jimdofree.com/">La prochaine étape</a>, que nous sommes en train de réaliser, va être d’étudier le détail de la relation entre l’endocrâne et le cerveau sur de nombreux individus. Cela va nous permettre de savoir ou se situent les principaux sillons sur un endocrâne, quelles parties de ces empreintes nous pouvons espérer observer avec précision, ce qui nous permettra enfin de mieux décrypter les traits présents sur les endocrânes de spécimens fossiles à partir d’informations objectives, solides et justes.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE27-0009">PaleoBRAIN</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau a reçu des financements de l'ANR (ANR-20-CE27-0009). </span></em></p>Les tissus mous du cerveau ne fossilisent pas, il est donc nécessaire d’extrapoler pour obtenir des informations sur l’organe de nos ancêtres. Le fait-on correctement ?Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161952023-10-23T16:24:19Z2023-10-23T16:24:19ZHomo sapiens : comment deux crânes réécrivent l’histoire de son apparition en Europe –
Nouvelle recherche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555352/original/file-20231023-21-v0px95.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C10%2C1823%2C941&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Localisation des sites Buran Kaya III (1), Zlatý Kůň (2), Fournol (3), Serinyà (4), Krems-Wachtberg (5) et Věstonice (6) dont les génomes ont été analysés dans l’étude. Sont montré aussi un fragment de crâne analysé et une des perles percées découvertes avec les fragments d’os du site de Buran Kaya III ainsi que les statuettes des vénus de Věstonice, Willendorf et la Dame de Brassempouy (de droite à gauche)</span> <span class="attribution"><span class="source">E-M. Geigl</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Comment notre espèce, <em>Homo sapiens</em>, est-elle arrivée jusqu’en Europe de l’Ouest ? Notre nouvelle étude, basée sur l’analyse génétique de deux morceaux de crânes, datant de 37 000 et 36 000 ans, démontre que nos ancêtres sont issus d’Europe de l’Est et ont migré vers l’ouest. Ces deux individus sont issus d’un métissage avec les Néanderthaliens et avec les tous premiers <em>Homo sapiens</em> européens arrivés il y a environ 45 000 ans que l’on pensait éteints suite à une catastrophe climatique majeure.</p>
<p>Nous avons réussi à déchiffrer ces génomes à partir de vestiges osseux trouvés en Crimée, un défi technique puisque l’ADN était très mal préservé. Leur analyse nous a permis de générer un modèle large et actualisé des mouvements, interactions et remplacements de populations durant le peuplement de l’Europe pendant le Paléolithique supérieur (période entre environ -40 000 et -12 000 ans caractérisée par l’expansion des humains anatomiquement modernes à travers le monde). <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-023-02211-9">Nos résultats viennent d’être publiés</a> dans la revue <em>Nature Ecology & Evolution</em> et montrent que ces individus sont les plus anciens représentants des Européens de l’Ouest s’étant implantés durablement en Europe et ayant laissé des traces dans les génomes des Européens actuels.</p>
<p>De petits fragments de deux crânes provenant d’un site archéologique en Crimée, Buran Kaya III, et datés d’environ -37 000 et -36 000 ans, côtoyant des outils lithiques et des perles percées en ivoire de mammouth, témoignent de la présence d’humains anatomiquement modernes en Europe de l’Est. Ce site a été fouillé sous la direction d’Alexandr Yanevich de l’Académie des sciences de l’Ukraine à Kiev et les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0020834">fragments d’os analysés ont été trouvés en 2009</a>. Grâce à une collaboration entre notre équipe et des archéologues français et ukrainiens, nous avons pu mettre en place un protocole de prélèvement respectant des précautions particulières qui évitent les contaminations par de l’ADN humain actuel. Ces précautions ont permis l’analyse de l’ADN ancien dans ces bouts d’os.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">(A) Perle percée en ivoire de mammouth découverte dans la couche du (B) fragment d’os analysé dans l’étude actuelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Crépin/E.-M. Geigl</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces individus se sont installés à cet endroit après une période glaciaire entre -40 000 et -38 000 ans qui a été accompagnée par <a href="https://www.nature.com/articles/srep45940">l’éruption d’un super-volcan</a> dans la région des Champs Phlégréens près de Naples et qui a couvert de cendres l’Europe du sud-est et de l’est.</p>
<p>Ces événements ont déclenché une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0065839">véritable crise écologique</a> qui aurait fait disparaître aussi bien les dernières populations néanderthaliennes que les premières populations d’humains <em>sapiens</em> associés au Paléolithique supérieur initial. Ces dernières étaient les descendants des populations d’<em>Homo sapiens</em> venus d’Afrique il y a environ 60 000 et qui ont laissé des <a href="https://academic.oup.com/gbe/article/14/4/evac045/6563828">vestiges archéologiques en Europe</a> à partir d’environ 45 000 ans, possiblement même avant.</p>
<p>Au niveau archéologique, c’est la période de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur car l’industrie lithique des derniers Néanderthaliens est remplacée par celle des premiers <em>H. sapiens</em>. Leurs restes de squelettes sont rares, mais on en connaît quelques sites archéologiques, par exemple en République tchèque, en Roumanie et en Bulgarie dont les génomes ont pu être déchiffrés en partie. Les Européens actuels ne portent <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03335-3">pas de traces des génomes</a> de ces premiers Européens <em>sapiens</em>, contrairement aux populations humaines ayant vécu en Europe après la crise écologique de -40 000 ans dont quelques génomes ont été séquencés.</p>
<h2>Des <em>Homo sapiens</em> issus de métissages</h2>
<p>Bien que les informations génomiques obtenues à partir des deux fragments de crâne du site de Buran Kaya III soient fragmentaires, nous avons pu analyser 740 000 variations génétiques partagées avec les génomes d’autres individus anciens, un nombre suffisant pour détecter leurs affinités et leurs ascendances partagées.</p>
<p>Notre analyse paléogénomique de ces deux fragments, séparés d’environ 700 ans, a mis en évidence que ces individus faisaient partie de la deuxième vague du peuplement d’Europe par <em>H. sapiens</em>, la vague qui s’est produite après cette crise écologique, et qu’ils sont parmi les plus anciens ancêtres des Européens. Tous les deux sont des descendants d’un métissage lointain avec les Néanderthaliens. Notre étude a aussi montré que l’individu plus récent portait des traces d’un métissage avec des individus de la première vague de peuplement qu’on croyait exterminés par la période glaciaire de -40 000 ans, représenté par l’individu de Zlatý Kůň (-45 000 ans). Nous avons donc pu conclure que le remplacement des premiers <em>H. sapiens</em> n’était pas total et qu’il a dû y avoir des survivants de la crise écologique.</p>
<p>Les génomes des individus de Buran Kaya III ont aussi révélé un lien génétique avec les populations du Caucase, contemporaines et beaucoup plus tardives, en accord avec des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004724842030169X">similitudes identifiées par les archéologues</a> entre les outils lithiques trouvés au sud du Caucase et ceux trouvés à Buran Kaya III à la même période. Ce lien indique la directionnalité de la migration des ancêtres de Buran Kaya III en Europe : du Moyen-Orient via le Caucase vers le territoire de l’Ukraine actuelle.</p>
<h2>Des liens avec des fossiles retrouvés en France</h2>
<p>Le lien génétique le plus fort a été identifié entre les génomes des individus de Buran Kaya III et ceux de France du Sud-ouest (Fournol -29 000 ans) et d’Espagne du nord-est (Serinyà -27 000 ans) et, dans une moindre mesure, ceux d’Autriche (Krems-Wachtberg -30 500 ans) et de République tchèque (Věstonice -31 000 ans) ayant vécu 5 000 à 7 000 ans plus tard. Ces individus proches des individus de Buran Kaya III faisaient partie de la population associée au Gravettien classique qui a produit les statuettes féminines en ivoire connues sous le nom de « vénus gravettiennes » qu’on trouve aussi bien en France qu’en Allemagne, en Autriche et en République tchèque (les vénus « impudique » et de Lespugue en France, la vénus de Věstonice en République tchèque ou encore la vénus de Willendorf en Autriche). La célèbre « Dame de Brassempouy » originaire du département français des Landes a été sculptée à cette époque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche." src="https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Gilles Berizzi/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce lien génétique entre les individus de Buran Kaya III et les individus associés à la culture gravettienne suggère que les individus de Buran Kaya III étaient des ancêtres des individus associés au Gravettien et pratiquaient déjà une culture qu’on peut qualifier comme proto-gravettienne. Cette affinité génétique indique que les populations correspondantes ont diffusé de l’est vers l’ouest. Les outils lithiques produits par les individus de Crimée ont été attribué par les archéologues ukrainiens, en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552114000879">particulier Alexandr Yanevich</a> : au complexe gravettien, mais cette attribution a été rejetée par d’autres archéologues, surtout à cause de leur date précoce et leur localisation à l’est, loin de la culture classique « Gravettienne » qui a été produite en Europe centrale et de l’ouest entre -34 000 et -26 000 ans, donc 5 000 à 7 000 ans plus tard et 3 000 km plus à l’est. Nos résultats génétiques donnent raison aux archéologues ukrainiens : les individus de Buran Kaya III étaient les ancêtres des Européens de l’Ouest, producteurs de la culture gravettienne et artistes des célèbres vénus gravettiennes.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0013">« Génétique et epigénétique nouvelle ecole »</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216195/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eva-Maria Geigl a reçu des financements de CNRS, EUR G.E.N.E. (ANR-17-EURE-0013 ; IdEx #ANR-18-IDEX-0001 l'Université de Paris ; Programme d’Investissements d’Avenir) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thierry Grange a reçu des financements de Fondation pour la Recherche Médicale (DGE20111123014), Région Ile-de-France (11015901), CNRS, EUR G.E.N.E. (ANR-17-EURE-0013 ; IdEx #ANR-18-IDEX-0001 l'Université de Paris ; Programme d’Investissements d’Avenir)</span></em></p>L’analyse génétique de deux fragments de crânes datant de près de 40 000 ans démontre que notre espèce a colonisé l’Europe depuis l’est et s’est métissée avec nos cousins néandertaliens.Eva-Maria Geigl, Directrice de recherche CNRS, Université Paris CitéThierry Grange, Directeur Scientifique Adjoint CNRS INSB Génétique Génomique Bioinformatique, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158252023-10-17T19:33:30Z2023-10-17T19:33:30ZL’œuf ou la poule, qui est apparu en premier ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554225/original/file-20230921-15-j14ijn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=92%2C16%2C5497%2C4232&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock/Edited by The Conversation</span></span></figcaption></figure><p>Qui est apparu en premier ? L’œuf ou la poule. Ce dilemme très ancien a laissé de nombreuses personnes perplexes. Si l’on se place du point de vue de l’évolution, les deux réponses peuvent être exactes, tout dépend si l’on se place du côté de l’œuf ou de la poule.</p>
<h2>Le point de vue de l’œuf</h2>
<p>Lorsque les premiers vertébrés – c’est-à-dire les premiers animaux dotés d’une colonne vertébrale – sont sortis de la mer pour vivre sur la terre ferme, ils ont dû relever un défi.</p>
<p>Leurs œufs, semblables à ceux des poissons actuels, n’étaient recouverts que d’une fine couche appelée membrane. Donc s’ils étaient exposés à l’air, ils se dessécheraient rapidement et mourraient. Certains animaux comme les amphibiens (le groupe qui comprend les grenouilles et les axolotls) ont résolu ce problème en pondant simplement leurs œufs dans l’eau, mais cela limite la distance qu’ils peuvent parcourir à l’intérieur des terres.</p>
<p>Ce sont les premiers reptiles qui ont trouvé une solution à ce problème : un œuf doté d’une coquille protectrice. Les premières coquilles d’œuf auraient été plutôt molles comme celles des œufs de tortue de mer. Les œufs à coquille dure, comme ceux des oiseaux, sont probablement apparus beaucoup plus tard.</p>
<p>Les plus anciens œufs à coquille dure connus apparaissent dans les archives fossiles au début du Jurassique, il y a environ 195 millions d’années. Ce sont des œufs de dinosaures.</p>
<p>Comme nous le savons aujourd’hui, c’est une lignée de dinosaures qui a finalement donné naissance aux nombreuses espèces d’oiseaux que nous connaissons aujourd’hui, y compris la poule.</p>
<p>Les poules appartiennent à l’ordre des galliformes (communément appelés « gallinacés »), qui comprend d’autres oiseaux terrestres tels que les dindes, les faisans, les pintades et les cailles.</p>
<p>Les poules domestiques sont apparues il y a environ 10 000 ans. Cela signifie que les œufs à coquille dure comme ceux que pondent les poules sont plus anciens que les poules elles-mêmes : l’œuf est donc apparu 200 millions d’années avant la poule.</p>
<p>Mais avons-nous vraiment répondu à notre question ?</p>
<h2>Le point de vue de la poule</h2>
<p>Si l’on interprète la question comme se référant spécifiquement aux œufs de poule – et non à tous les œufs – la réponse est très différente.</p>
<p>Contrairement à la plupart des espèces animales, la poule moderne n’est pas le fruit d’une évolution naturelle. Cette espèce est le résultat de la domestication : un processus par lequel l’homme élève sélectivement des animaux pour créer des individus mieux apprivoisés et présentant des caractéristiques plus souhaitables.</p>
<p>L’exemple le plus célèbre est la domestication des loups en chiens. Les loups et les chiens ont presque le même ADN, mais leur apparence et leur comportement sont très différents. Les chiens sont issus des loups et les scientifiques considèrent donc les chiens comme une sous-espèce de loups.</p>
<p>De même, les poules sont issues du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coq_dor%C3%A9">coq doré</a> que l’on trouve dans le sud et le sud-est de l’Asie. Les chercheurs pensent que ces oiseaux ont été attirés par les humains il y a des milliers d’années, lorsque l’on a commencé à cultiver le riz et d’autres céréales.</p>
<p>Cette proximité a ensuite permis la domestication. Au fil des générations, les descendants de ces oiseaux apprivoisés sont devenus des sous-espèces à part entière.</p>
<p>La toute première poule aurait donc éclos de l’œuf d’une espèce plus ancienne. Ce n’est que lorsque cette poule a atteint la maturité et a commencé à se reproduire que les premiers œufs de poule ont été pondus. L’œuf est donc arrivé après la poule.</p>
<h2>Quelle est la meilleure réponse ?</h2>
<p>C’est à vous de décider. Comme c’est le cas pour de nombreux dilemmes, le but de la question est de vous faire réfléchir – pas nécessairement de trouver une réponse parfaite.</p>
<p>Dans ce cas, la biologie évolutive nous permet d’argumenter en faveur des deux options et c’est l’un des aspects merveilleux de la science.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre. En attendant, tu peux lire tous les articles <a href="https://theconversation.com/fr/topics/the-conversation-junior-64356">« The Conversation Junior »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ellen K. Mather ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La biologie évolutive et les archives fossiles révèlent beaucoup de choses sur les origines des poules et des œufs.Ellen K. Mather, Adjunct Associate Lecturer in Palaeontology, Flinders UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128982023-10-16T17:03:05Z2023-10-16T17:03:05ZÉpidémies des cultures : quand les herbiers permettent de retracer l’évolution des microbes pathogènes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554043/original/file-20231016-21-waayhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2760%2C1651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Spécimen historique de _Citrus aurantifolia_ (citron vert) récolté en 1911 en Indonésie montrant des symptômes typiques de chancre citrique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Adrien Rieux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les microbes pathogènes des cultures sont nos ennemis pour plusieurs raisons : ils menacent la sécurité alimentaire, entraînent de lourdes pertes économiques et nuisent à la santé publique et environnementale principalement en raison de la quantité de pesticides nécessaire à leur contrôle.</p>
<p>Le <a href="https://daaf.martinique.agriculture.gouv.fr/le-chancre-citrique-en-martinique-agrumes-a258.html">chancre citrique</a> causé par la bactérie <em>Xanthomonas citri</em> (Xci) est une maladie des agrumes tels que les oranges, les citrons, les mandarines et les pamplemousses, ainsi que d’autres plantes de la famille des <a href="https://www.conservation-nature.fr/plantes/rutaceae/">Rutacées</a>. Elle cause d’importantes pertes de rendement pour les agriculteurs dans l’ensemble des zones de production.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554044/original/file-20231016-19-cue6tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plant d’agrumes atteint de chancre critique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adrien Rieux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Afin de mieux gérer les maladies actuelles des cultures et prévenir les épidémies futures, il est nécessaire d’acquérir une compréhension approfondie des facteurs sous-jacents à l’émergence, l’adaptation et la propagation des microbes pathogènes.</p>
<h2>La paléogénomique comme outil de lutte</h2>
<p>Dans cette optique, la paléogénomique, discipline scientifique qui consiste à étudier les génomes d’individus anciens, morts depuis des dizaines ou milliers d’années, a permis des avancées majeures et originales dans l’étude des maladies infectieuses. Un exemple, probablement le plus connu, concerne l’étude des différentes épidémies de Peste à partir d’ossements archéologiques dans le but de comprendre les différentes phases de son expansion.</p>
<p>Grâce à des échantillons anciens provenant d’une dizaine d’herbiers de muséums d’histoire naturelle ainsi que d’isolats récoltés plus récemment sur le terrain, notre équipe de scientifiques du CIRAD et du MNHN a réussi à <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-39950-z">reconstruire l’histoire évolutive de la bactérie Xci</a>, illustrant le lien majeur existant entre le développement de l’agriculture et l’émergence des agents pathogènes des cultures.</p>
<p>Les collections d’herbiers, cités dès 1998 comme référentiels de données historiques pour des maladies de plantes, ont dû attendre quelques années encore, avant que leur contenu (en termes de séquences d’ADN) puisse être déchiffré par les nouvelles technologies de séquençage.</p>
<p>Notre projet, visant à explorer les collections d’herbiers pour étudier les maladies bactériennes de plantes telles que le chancre citrique, écrit en 2015, a tout d’abord suscité quelques haussements de sourcils de la part de nos collègues : allions-nous trouver suffisamment de plantes infectées, symptomatiques ? L’ADN des bactéries mortes allait-il être suffisamment bien conservé ?</p>
<h2>Des échantillons vieux de plus de cent ans</h2>
<p>L’histoire débute véritablement en 2016 à l’herbier du MNHN à Paris, lorsque nous découvrons un premier spécimen historique de <em>Citrus aurantifolia</em> (citron vert) récolté en 1911 en Indonésie montrant des symptômes typiques de chancre citrique (voir photo de tête).</p>
<p>De tels vestiges historiques d’une maladie sont précieux car indicateurs de la présence d’un pathogène sur une plante hôte, à une date et à une localité donnée. Cependant, constituant un premier indice, la présence de symptômes caractéristiques d’une maladie sur un échantillon historique nécessite une validation par une méthode moléculaire, par exemple à l’aide d’un test diagnostique PCR (polymerase chain reaction).</p>
<p>Dans le but de compléter ce premier précieux spécimen historique, nous nous sommes mis en quête, pendant quatre ans, de nouveaux échantillons potentiellement infectés par la bactérie en visitant des dizaines de collections botaniques et d’herbiers de muséums d’histoire naturelle où des milliers de planches d’herbier, parfois vieilles de plus de deux siècles ont été inspectées visuellement à la recherche de symptômes typiques. Lorsque ceux-ci étaient visibles et après avoir obtenu l’autorisation des curateurs des différentes collections, un petit fragment de feuille contenant des traces de maladie a été prélevé. De retour à notre laboratoire de biologie moléculaire, les acides nucléiques ont été soigneusement extraits avant d’être préparés pour séquençage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554042/original/file-20231016-29-tycra7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lionel Gagnevin, l’un des auteurs de l’étude, en train d’observer un herbier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lionel Gagnevin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Au total, nous sommes parvenus à séquencer les génomes de 13 échantillons historiques d’agrumes infectés par Xci, provenant de 5 herbiers et collectés entre 1845 et 1974 dans différentes localités. L’analyse bioinformatique de ces différentes séquences a tout d’abord permis de confirmer leur origine ancienne. En effet, lorsqu’isolés à partir de matériel mort depuis plusieurs dizaines ou centaines d’années, les acides nucléiques présentent des caractéristiques spécifiques de dégradation qu’il est possible de mesurer.</p>
<p>Ensuite, pour chacun des 13 échantillons historiques, les génomes des souches bactériennes de Xci ont été reconstitués, et comparés avec ceux d’une large collection de 171 souches d’agrumes, isolés ces dernières années autour du globe.</p>
<p>Dans un premier temps, nous avons montré que l’ensemble des gènes connus pour être impliqués dans la pathogénie de la bactérie Xci existaient dans les souches historiques issues d’herbiers, suggérant que l’intensité du pouvoir pathogène des souches n’a vraisemblablement pas drastiquement évolué ces 180 dernières années.</p>
<p>Ensuite, nous avons utilisé les séquences génétiques pour construire un arbre phylogénétique dans le but de représenter leurs affiliations généalogiques, et de retracer ainsi l’histoire évolutive de cette espèce bactérienne.</p>
<h2>Une origine himalayenne</h2>
<p>L’analyse phylogéographique, visant à estimer la distribution géographique des ancêtres grâce à celle des échantillons analysés, nous a permis d’identifier la zone du contrefort de l’Himalaya (Inde, Bangladesh et Népal) comme étant celle d’origine de la bactérie, où un ancêtre lointain de Xci, précédemment adapté à une autre plante, serait pour la première fois devenu pathogène pour les agrumes. Cette zone serait d’ailleurs également le berceau des agrumes dont l’ancêtre commun a été daté à 6-8 Millions d’années.</p>
<p>Finalement, grâce à l’ancienneté des génomes historiques nous avons pu dater l’arbre phylogénétique, c’est-à-dire convertir la divergence génétique (mesurée en nombre de substitutions, par an et par site le long de la séquence de l’ADN bactérien) en temps, grâce à la méthodologie de l’horloge moléculaire. Ainsi, nous avons estimé que l’origine de Xci remontait à environ 11 500 années, quelques millions d’années après l’origine de ses plantes hôtes.</p>
<p>Cette période coïncide avec la fin de la dernière glaciation, qui voit l’expansion des végétaux dans des zones devenues climatiquement plus favorables (cette diversification est un moteur qui en général précède la domestication) et les premiers développements des sociétés agricoles en Inde du Nord et en Chine. Pendant cette période la culture des agrumes et les mouvements de plantes auraient pu créer des conditions favorables à un saut d’hôte de la bactérie Xci vers les agrumes. La nature de l’hôte original est à ce jour inconnue et fera preuve de futures investigations.</p>
<p>Depuis son émergence jusqu’à aujourd’hui, la bactérie n’a ensuite jamais cessé d’évoluer au contact de son hôte durant cette période dite de diversification qui semble s’être intensifiée au XIII<sup>e</sup> siècle, toujours dans la même zone géographique avec l’apparition des trois grandes lignées bactériennes connues aujourd’hui (A, A* et Aw). Cette période coïncide avec l’intensification du commerce via la route de la soie reliant l’Occident à l’Extrême-Orient. Ainsi, le commerce des agrumes hors de leur zone d’origine et l’apparition de nouvelles pratiques agricoles (hybridation des variétés et greffage) ont vraisemblablement participé à la diffusion et à la diversification de cette bactérie hors de sa zone d’origine, avec une forte accélération de cette diffusion lors du développement de l’agriculture coloniale dès le XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Une expansion mondiale récente</h2>
<p>Parmi ces nouveaux territoires, notre analyse de datation indique que la bactérie serait arrivée dans les îles du sud-ouest de l’océan indien (Maurice, Réunion, Comores, Madagascar) en 1843, près de 70 ans avant la première description de la maladie à l’île Maurice. Cette date est intéressante car elle coïncide également avec un autre évènement historique : l’arrivée de dizaines de milliers de travailleurs en provenance d’Inde engagés dans les plantations agricoles après l’abolition de l’esclavage en 1835 et 1848, respectivement à Maurice et à la Réunion. Un tel flux de personnes, accompagné de leurs biens incluant des graines, des plantes et des fruits, pourrait expliquer l’introduction de Xci dans cette nouvelle région.</p>
<p>Les différentes datations obtenues par nos analyses, grâce aux échantillons historiques, sont plus précises que celles obtenues par de précédentes études, qui n’utilisaient que des génomes modernes. Nous avons ainsi pu établir plus facilement des parallèles avec des événements historiques, soulignant ainsi le rôle des transports et des pratiques agricoles, médiés par l’homme. Nos analyses phylogénétiques ont également permis de dater des émergences plus locales de Xci (Nouvelle-Zélande, Amérique du Sud, Martinique), antérieures (de quelques années) à la première description de leurs symptômes. Ces données soulignent l’importance de mettre en place un diagnostic de surveillance, qui permettrait de mieux anticiper les épidémies, avant même la détection de leurs premiers symptômes.</p>
<p>Également, les taux de substitutions bactériens estimés dans le cadre de ce travail permettront de paramétrer des modèles épidémiologiques visant à identifier des stratégies de lutte plus durables et respectueuses de l’environnement.</p>
<p>De nouvelles études, sur d’autres maladies et d’autres cultures, sont actuellement en cours et permettront d’améliorer les connaissances sur l’histoire et l’évolution des micro-organismes phytopathogènes, prérequis indispensable à une meilleure surveillance et gestion de ces derniers. En amont, le maintien et le développement des collections botaniques, comprenant la collecte, la conservation, la numérisation et la mise à disposition des échantillons, sont fondamentaux. Bien au-delà, ce travail illustre l’immense potentiel des collections naturalistes et leur usage, pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://umr-pvbmt.cirad.fr/recherche/principaux-projets/museobact">MUSEOBACT</a> a été soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Rieux a reçu des financements de CIRAD, Agropolis, Union Européenne, ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lionel Gagnevin a reçu des financements de CIRAD, Agropolis, Union Européenne, ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Becker a reçu des financements du MNHN, de l'ANR, et du CIRAD</span></em></p>Une nouvelle étude décrit l’évolution d’une bactérie provoquant le chancre citrique, une maladie des agrumes. Les scientifiques ont mené une véritable enquête dans les herbiers du monde entier.Adrien Rieux, Chercheur en génomique évolutive des microbes pathogènes, CiradLionel Gagnevin, Chercheur en pathologie végétale, CiradNathalie Becker, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152982023-10-15T13:35:43Z2023-10-15T13:35:43ZPourquoi le comportement homosexuel est-il si courant chez les mammifères ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552796/original/file-20231003-21-bhysm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C121%2C4256%2C2535&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/two-monkey-friends-on-tree-110270648">Hung Chung Chih/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>De manière surprenante, le comportement sexuel entre individus du même sexe a été observé chez plus de 1 500 espèces animales, couvrant un large éventail de groupes taxonomiques. Ces espèces vont des invertébrés – tels que les insectes, les araignées, les échinodermes et les nématodes – aux vertébrés – tels que les poissons, les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammifères. Ce phénomène remet en question les explications conventionnelles de la reproduction et soulève des questions importantes sur son rôle et son évolution dans la nature.</p>
<p>C’est peut-être pour cette raison qu’il a attiré l’attention de plusieurs disciplines universitaires, notamment la zoologie et la biologie évolutive. Le comportement sexuel entre individus du même sexe est défini comme tout comportement momentané, qui est normalement exécuté avec un membre du sexe opposé, mais qui est plutôt dirigé vers des individus du même sexe. Ce type de comportement sexuel représente un mystère du point de vue de l’évolution, car il ne contribue pas directement à la reproduction.</p>
<p>Notre groupe de recherche a exploré l’évolution du comportement sexuel entre individus du même sexe chez les mammifères dans une étude qui vient d’être publiée <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-41290-x">dans la revue <em>Nature Communications</em></a>.</p>
<p>Ce comportement semble être une tendance commune chez les mammifères. Jusqu’à présent, il a été observé chez environ 5 % des espèces, représentant au moins une espèce dans la moitié des familles de mammifères, et il est pratiqué avec une prévalence similaire par les mâles et les femelles.</p>
<p>Selon les données disponibles, ce comportement n’est pas distribué au hasard parmi les familles de mammifères, mais tend à être plus répandu dans certains groupes, en particulier chez les primates, où il a été observé chez au moins 51 espèces, allant des lémuriens aux grands singes.</p>
<p>Chez certaines espèces, ce comportement est occasionnel et ne se manifeste que dans des circonstances très spécifiques. En revanche, chez 40 % des espèces, le comportement homosexuel est une activité modérée, voire fréquente, pendant la saison des amours.</p>
<p>Ces résultats soulèvent des questions fascinantes sur la biologie et l’évolution de la sexualité dans le règne animal.</p>
<h2>Un moyen de renforcer les relations sociales</h2>
<p>Notre étude a fait une découverte intrigante en révélant des liens significatifs entre le comportement sexuel entre individus du même sexe chez les mammifères et leurs modèles de comportement social.</p>
<p>Notre analyse a révélé que les espèces qui présentent un comportement social plus développé chez les mâles et les femelles sont plus susceptibles de présenter ces interactions sexuelles entre individus du même sexe. Ces résultats étayent l’hypothèse selon laquelle ce comportement sexuel a été favorisé par l’évolution comme moyen d’établir, de maintenir et de renforcer les relations sociales susceptibles d’accroître les liens et les alliances entre les membres d’un même groupe.</p>
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<p>Cette analyse comparative phylogénétique a également mis en évidence un lien entre ce comportement sexuel et la violence intrasexuelle – entre individus du même sexe – mais uniquement dans le cas des mâles. Les espèces dont les mâles sont plus violents sont plus susceptibles de présenter ce comportement sexuel à un moment donné de leur vie.</p>
<p>L’étude suggère donc que le comportement sexuel entre individus du même sexe chez les mammifères non humains est une adaptation qui joue un rôle important dans le maintien des relations sociales entre les deux sexes et dans l’atténuation des conflits, principalement entre les mâles.</p>
<h2>Attention à l’extrapolation à l’humain</h2>
<p>Dans tous les cas, nous insistons sur la nécessité de faire preuve de prudence, car ces associations pourraient être dues à d’autres facteurs. En outre, les résultats n’excluent pas d’autres hypothèses sur l’évolution du comportement sexuel entre personnes de même sexe, qui doivent faire l’objet de recherches plus approfondies.</p>
<p>Il est également important de noter que les résultats ne doivent pas être utilisés pour expliquer l’évolution de l’orientation sexuelle chez l’homme. En effet, l’étude s’est concentrée sur le comportement sexuel entre individus de même sexe, défini comme des interactions de courtoisie ou d’accouplement à court terme, plutôt que comme une préférence sexuelle plus permanente.</p>
<p>Enfin, il convient de noter que le comportement sexuel n’a été étudié en détail que chez une minorité d’espèces de mammifères. Cela signifie que notre compréhension de l’évolution du comportement sexuel entre personnes de même sexe chez les mammifères pourrait changer à mesure que d’autres espèces seront étudiées à l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le comportement homosexuel est très répandu dans la nature, notamment chez les mammifères et en particulier chez les primates. Une analyse phylogénétique tente d’élucider l’origine et la fonction de ce phénomène.José María Gómez Reyes, Chair professor, Estación Experimental de Zonas Áridas (EEZA - CSIC)Adela González Megías, Universidad de GranadaMiguel Verdú, Universitat de ValènciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123152023-09-28T17:15:16Z2023-09-28T17:15:16ZUne nouvelle étude pave la voie à un meilleur dépistage des maladies génétiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545060/original/file-20230828-122759-gfmxl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C988%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Prenons une cellule vivante, qui comporte des milliers de gènes. Maintenant, imaginons que ces gènes sont des boutons qui peuvent être réglés pour changer la façon dont la cellule se développe dans un environnement donné. L’ajustement d’un gène pourrait augmenter ou diminuer sa croissance, et le processus est d’autant plus complexe que les boutons sont connectés les uns aux autres, comme les engrenages d’une machine.</p>
<p>Si les scientifiques peuvent aujourd’hui modifier les gènes en laboratoire et essayer de produire des résultats dans le but d’obtenir des traitements, l’évolution, quant à elle, fonctionne ainsi depuis des milliards d’années. L’évolution est un phénomène naturel qui règle les gènes et permet aux populations de s’adapter. Toutefois, contrairement aux scientifiques, elle effectue les ajustements de manière aléatoire, à mesure que les mutations affectent la fonction des gènes.</p>
<p>L’une des hypothèses sous-jacentes de la théorie de l’évolution – celle de la contingence évolutive – avance que ce réglage peut avoir des comportements chaotiques. Ainsi, des réglages qui ont eu lieu au début du processus peuvent modifier radicalement le potentiel évolutif ultérieur.</p>
<p>Stephen Jay Gould est un célèbre partisan de cette théorie. Dans son livre <a href="https://www.babelio.com/livres/Gould-La-Vie-est-belle--Les-Surprises-de-levolution/15771">La vie est belle</a>, publié en 1989, il affirme que, puisque les mutations bénéfiques se produisent de façon aléatoire, le hasard doit jouer un rôle important dans la diversification de l’évolution.</p>
<p>Si son hypothèse est vraie, cela influence la manière dont les scientifiques doivent éditer les gènes en laboratoire, car ils devront composer avec les interconnexions chaotiques de nos cellules. Notre travail a consisté à tester cette hypothèse.</p>
<h2>Paradoxe évolutif</h2>
<p>Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées. Nous l’avons fait en cultivant des populations de micro-organismes <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.63910">pendant des centaines, voire des milliers de jours</a>.</p>
<p>Comme ces organismes se divisent et se reproduisent très rapidement, cela représente des milliers de générations. Nos expériences nous ont permis de <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1749.3">déterminer avec précision quand</a> et comment les mutations bénéfiques coïncident et entrent en compétition entre elles pour conquérir une population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image d’un génome humain" src="https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lecture d’image d’un génome humain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(NHGRI via AP)</span></span>
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</figure>
<p>L’une des constatations les plus frappantes de chacune de ces expériences est que l’augmentation de la valeur adaptative ralentit au fil du temps à un rythme qui est étonnamment reproductible. Bien qu’elles aient accumulé des mutations différentes, les diverses populations présentent une diminution éminemment prévisible des performances en ce qui concerne leur rapidité adaptative.</p>
<p>Contrairement au comportement apparemment chaotique des mutations, les changements de valeur adaptative ou de croissance sont hautement prévisibles. De nombreuses personnes ont émis l’hypothèse que l’ordre des mutations est une <a href="https://doi.org/10.3389/fgene.2015.00099">conséquence inhérente</a> à la manière dont les systèmes biologiques ont évolué.</p>
<p>Cette hypothèse surprenante entre en contradiction avec l’idée que les <a href="https://doi.org/10.1038/s41559-020-01286-y">caractéristiques biologiques d’un organisme importent pour leur évolution</a>. En d’autres termes, il a été difficile de prouver que l’ordre dans lequel l’évolution ajuste les boutons a une incidence sur l’avenir de l’organisme.</p>
<h2>Réponse au paradoxe</h2>
<p>Mon équipe a pu montrer qu’on trouve la réponse à ce paradoxe dans le réseau de gènes interconnectés de la cellule.</p>
<p>Pour que l’évolution fonctionne, le réglage des boutons doit être précis : même si le résultat net est bénéfique, l’ajustement d’un ensemble de boutons interconnectés peut se répercuter et affecter d’autres boutons auparavant réglés correctement. Au fil de l’évolution, la probabilité de dérégler des boutons s’accroît. Ce principe, simple en apparence, explique pourquoi le rythme des améliorations évolutives diminue généralement avec le temps.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A tray containing human DNA samples ready for genetic sequencing" src="https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plateau contenant des échantillons d’ADN humain prêts pour le séquençage génétique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Patricia McDonnell)</span></span>
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<p>Résoudre ce paradoxe de manière expérimentale n’a pas été facile. Comment montrer l’enchevêtrement des boutons à l’intérieur de la cellule ? <a href="https://doi.org/10.1126/science.abm4774">Dans notre récente étude</a>, nous avons relevé ce défi en essayant systématiquement toutes les combinaisons possibles de 10 mutations bénéfiques clés et en examinant la manière dont elles affectent la croissance des cellules.</p>
<p>En testant des combinaisons de mutations, nous avons pu comprendre quelles mutations étaient reliées entre elles (lien connu sous le nom d’épistasie). Pour seulement 10 mutations, nous avons dû générer plus de 1 000 combinaisons.</p>
<h2>Comment cela affecte la médecine génétique de précision</h2>
<p>Les technologies futuristes actuelles se targuent de pouvoir générer des mutations uniques précises au sein de nos génomes, dans l’espoir que cela puisse servir à réparer des variantes génétiques non fonctionnelles. À titre d’exemple, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1711-4"><em>Prime Editing</em></a> est une technologie efficace d’édition génomique par « recherche et remplacement ».</p>
<p>L’une des principales préoccupations liées à ce type d’approches est qu’elles peuvent introduire des mutations indésirables. Cependant, même si les scientifiques ont su résoudre certains problèmes, le domaine de la génétique humaine a souvent <a href="https://doi.org/10.1038/s41576-019-0127-1">négligé l’importance de l’interconnexion des gènes</a>.</p>
<p>Notre étude démontre que les bioingénieurs doivent réfléchir non seulement à l’effet d’une mutation sur le gène dans lequel elle se trouve, mais aussi à son effet sur toutes les autres variations génétiques. La modification de la fonction de n’importe quel gène peut affecter les réseaux cellulaires interconnectés.</p>
<p>À cela s’ajoute le fait que nous sommes tous porteurs de centaines de variantes génétiques extrêmement rares, ce qui signifie que chaque personne est porteuse d’un réseau unique de gènes interconnectés. Ces réseaux personnalisés font de nous qui nous sommes.</p>
<p>L’interprétation génomique est au cœur des tests génétiques de dépistage des maladies. Si les scientifiques ont progressé dans l’identification des principales variantes génétiques pathogènes (qui peuvent provoquer une maladie), nos résultats montrent qu’avant de classer une variante comme pathogène ou non, nous devons comprendre comment sont réglés les autres boutons génétiques de nos cellules.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212315/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alex Nguyen Ba bénéficie d'un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>Une nouvelle étude met en lumière la nature interconnectée du génome humain et ce que cela signifie pour les futures thérapies géniques.Alex Nguyen Ba, Assistant Professor, Biology, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2073632023-06-20T17:35:27Z2023-06-20T17:35:27ZQuand Dax était sous les tropiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531286/original/file-20230612-222292-c3m4ro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C22%2C4905%2C3245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Turbo parkisoni </span> <span class="attribution"><span class="source">@ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Cette jolie coquille de gastéropode fossile du genre <em>Turbo</em> provient du site paléontologique de Gaas, dans les environs de Dax en Nouvelle-Aquitaine. Elle a été photographiée sous lumière UV et arbore un motif coloré montrant une alternance de bandes claires et de bandes rouges.</p>
<p>En lumière naturelle, ce motif n’est pas visible car les coquilles fossiles sont généralement blanches ou crèmes. En effet, après la mort des organismes, leurs coquilles s’altèrent sous l’effet d’agents chimiques et physiques, et les <a href="https://hal.science/hal-03778453/">couleurs tendent à disparaître</a>. Ici, la coquille n’a pas perdu tous ses pigments – elle parait blanche en lumière naturelle, mais c’est parce que notre œil ne peut pas percevoir les pigments restants. En revanche, la lumière UV permet de les révéler, car ils vont devenir fluorescents et être ainsi visibles.</p>
<p>Dans le cas de ce <em>Turbo</em>, la luminescence rouge indique la présence des molécules de porphyrine. C’est comme cela que l’on sait que l’animal était coloré de son vivant – tout comme les <em>Turbo</em> actuels, sans pour autant connaître sa couleur exacte.</p>
<p>En ce sens, les techniques révélant la luminescence des coquilles fossiles ont quelque chose de « magique » pour nous, paléontologues. Elles nous permettent d’en savoir plus sur la biologie et l’évolution de ces mollusques âgés de dizaines de millions d’années, les plus anciennes coquilles montrant un motif coloré sous lumière UV datent de 240 millions d’années.</p>
<p>En effet, cours de leur histoire évolutive, les mollusques ont été aussi bien prédateurs que proies. Voir, ne pas être vu ou se reconnaître pour se reproduire est ainsi nécessaire et la coquille est un organe essentiel de survie. En contribuant au camouflage ou à la répulsion, la couleur et les motifs colorés ont joué un rôle non négligeable dans l’évolution des mollusques. Dans l’actuel, la diversité des motifs colorés suggère des processus évolutifs ayant favorisé leur émergence. Dans certaines cas, <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/en/periodiques/geodiversitas/32/3/premiere-etude-systematique-fondee-sur-la-variabilite-des-motifs-colores-residuels-le-cas-des-seraphsidae-paleogenes-mollusca-gastropoda-stromboidea">ils permettent d’identifier des espèces différentes</a> et ont donc un rôle avéré dans la formation des espèces.</p>
<h2>La Dax tropicale était-elle un point chaud de biodiversité ?</h2>
<p>Le <em>Turbo</em> de Gaas est âgé d’environ 30 millions d’années. Ses homologues actuels vivent généralement dans des environnements marins peu profonds dans lesquels ils se nourrissent d’algues. Ce mode de vie s’accorde bien avec celui des autres espèces trouvées dans le site paléontologique de Gaas, car beaucoup d’entre elles sont des phytophages marins, aussi accompagnées de bivalves, de crustacés, de requins, de coraux et d’autres organismes.</p>
<p>En d’autres termes, il y a 30 millions d’années, la région de Dax était sous la mer. Cette mer ancienne occupait largement le bassin d’Aquitaine et <a href="https://paleobiodb.org/classic/displayReference?reference_no=31073">revêtait un cachet tropical bien marqué</a>. La présence de <em>Turbo</em> l’atteste bien, ainsi que celle de la faune de coquillages associée. Celle-ci est riche de plusieurs centaines d’espèces et comprend de nombreuses formes thermophiles (formes ayant besoin de températures élevées), comme les cyprées, les cônes ou les olives, qui sont actuellement communes dans les eaux indo-pacifiques ou des Caraïbes. On trouve à Gaas de nombreux coraux du même âge dits « coloniaux », qui vivent en colonies en symbiose avec les algues zooxanthelles. Ce type de coraux construit des récifs coralliens et est typique des zones tropicales.</p>
<p>Le <em>Turbo</em> de Gaas a donc bien de quoi nous faire fantasmer. Non seulement son fragile motif a traversé le temps et nous transmet des informations sur la biologie de cet organisme, mais son environnement de récolte nous projette dans un climat bien plus chaud qu’actuellement, et dans une mer digne des points chauds actuels de biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207363/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Merle a reçu des financements du DIM MAP région Île-de-France</span></em></p>Un beau coquillage, qui vivait sous les tropiques auprès de récifs coralliens, il y a 30 millions d’années… dans les Landes.Didier Merle, Maître de conférences au Muséum national d'Histoire naturelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030932023-05-31T16:21:34Z2023-05-31T16:21:34ZChangement climatique : la diversité génétique à l’origine de l’adaptation des arbres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519937/original/file-20230407-217-21m4xw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les arbres font parfois preuve d'une résilience étonnante face aux changements climatiques, grâce à leur très grande diversité génétique. Une illustration de leur diversité est la grande variation de leur stade de développement au printemps lors de la reprise de la végétation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Marc Louvet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’accélération des effets du changement climatique et son lot d’aléas extrêmes (canicules, tempêtes, incendies, orages de grêles…), combinés à l’arrivée de nouvelles maladies et insectes ravageurs, représentent de vraies sources d’incertitudes et donc d’inquiétudes <a href="https://theconversation.com/comment-le-changement-climatique-va-redessiner-les-forets-51454">sur l’avenir de nos forêts</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises">récent bilan de santé des forêts françaises</a>, l’IGN faisait état d’une augmentation de 30 % du stock d’arbres de moins de 5 ans morts sur pied, c’est-à-dire d’arbres debout qui ne présentent plus aucun signe de vie. Ces dépérissements sont observés à l’échelle <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-21399-7">européenne</a> et même <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-29289-2">mondiale</a>.</p>
<p>Une question majeure émerge alors : les espèces d’arbres seront-elles en mesure de s’adapter à ces nouvelles menaces ?</p>
<p>Avant d’étudier ce point plus en détail, il est opportun de rappeler que les dépérissements antérieurs, <a href="https://hal.science/hal-03423759/document">documentés notamment chez les chênes</a>, ont rarement abouti à des extinctions locales de peuplement, ce qui témoigne implicitement des capacités d’adaptation des chênes.</p>
<h2>Le Graal de la valeur adaptative</h2>
<p>La plupart des forêts actuelles <a href="https://theconversation.com/comment-les-forets-tropicales-parviennent-a-se-regenerer-rapidement-175535">se reconstituent par régénération naturelle</a>, c’est-à-dire que le renouvellement est effectué par les graines produites par les arbres avant leur mort naturelle ou leur abattage.</p>
<p>Avant de devenir un majestueux spécimen, un arbre a été une simple graine, parmi des centaines de milliers d’autres. Pourquoi cette graine est-elle devenue un arbre adulte alors que d’autres n’ont pas survécu ?</p>
<p>Une réponse tangible à cette question est que cet individu a pris le dessus sur les autres, par une meilleure croissance vers la lumière, ou par une meilleure résistance aux maladies fongiques et insectes ravageurs, et sans doute aussi parce qu’il a eu beaucoup de chance. Toujours est-il que la sélection naturelle a fait son œuvre : elle a éliminé les individus les moins adaptés, parmi un très grand nombre de candidats.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Parcelle forestière en cours de renouvellement, vue depuis un champ" src="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le renouvellement des peuplements se fait dans de très nombreux cas par le croisement au hasard d’arbres maintenus comme semenciers. Ce brassage entre de nombreux parents garantit une diversité génétique élevée dans la population de graines issues de la régénération.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une réponse moins perceptible est que les arbres possèdent une grande <a href="https://theconversation.com/proteger-la-diversite-genetique-pour-mieux-faire-face-a-ladversite-180917">diversité génétique</a>. Or, la capacité d’adaptation d’une population est fortement dépendante de ce niveau de diversité génétique (qui varie selon deux composantes principales, le taux de mutation et le nombre d’individus de la population). Chaque variation de l’ADN provient d’une mutation qui est apparue à un moment donné chez un arbre, puis a été transmise à un ou plusieurs descendants génération après génération, et ensuite disséminée par flux de pollen. La diversité génétique est donc façonnée sur le temps long, sur des centaines de milliers, voire des millions d’années d’évolution.</p>
<p>C’est sur la base de cette diversité que les individus les plus adaptés sont sélectionnés. La propagation de cette diversité à la génération suivante reste donc un point crucial. D’un point de vue de la gestion forestière, cela consiste à laisser un nombre d’arbres (appelés « semenciers ») suffisamment important pour produire le pollen et les ovules de la génération suivante et ainsi garantir cette transmission de la diversité.</p>
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<p>Pour illustrer combien cette diversité est grande chez les arbres, remarquons que deux glands de chêne d’une même parcelle diffèrent par environ 7 millions de différences génétiques simples dans leurs séquences d’ADN ! À l’échelle d’un peuplement en régénération, et de ses centaines de milliers de glands, cela constitue autant de combinaisons génétiques uniques, conférant aux nouvelles plantules une plus ou moins bonne capacité d’adaptation à leur environnement.</p>
<p>Une mesure (difficile à appréhender en forêt) permettant de savoir si certaines combinaisons génétiques sont plus favorables que d’autres, consiste à étudier, pour un individu de la génération n, le nombre de ses descendants en vie à la génération suivante n+1 : c’est ce qu’on appelle la valeur adaptative.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.13082">étude récente que nous avons menée sur les chênes</a>, nous avons montré que la variation génétique de la valeur adaptative des chênes était parmi les plus élevées du règne végétal. Certaines combinaisons génétiques ont ainsi varié en fréquence plus que d’autres entre deux générations successives. Concrètement, cela indique que certains arbres possèdent dans leur génome des combinaisons génétiques qui ont été plus favorables à la survie des graines qui les portaient, d’où une augmentation de la fréquence de ces allèles favorables entre deux générations, selon le principe de la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/evolution/le-tri-sur-la-diversite-derive-et-selection">sélection naturelle</a>.</p>
<h2>Une grande diversité génétique favorise une adaptation rapide</h2>
<p>Le contexte du changement climatique actuel représente une nouvelle épreuve dans la vie de ces jeunes arbres. Les jeunes plantes vont en particulier faire face à des périodes plus fréquentes et plus prononcées de sécheresse.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/evl3.269">autre étude</a>, nous avons analysé l’évolution des chênes de trois forêts françaises au cours des trois derniers siècles, de la période froide du petit âge glaciaire à celle du réchauffement dû aux activités humaines. Nous avons montré qu’ils avaient évolué de manière concordante dans les trois forêts, pour s’adapter à cette transition climatique qui s’est déroulée sur quelques décennies.</p>
<p>De manière surprenante, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/levolution-suit-climat-chenes-se-sont-rapidement-adaptes-aux-variations-climatiques-lanthropocene">l’adaptation à cette transition climatique</a> (froid -> chaud), a été quasi « immédiate ». Ce résultat contre-intuitif s’explique par le très grand nombre de combinaisons génétiques uniques formées à chaque génération lors de la régénération naturelle, ce qui permet à la sélection naturelle d’être très efficace dans son tri des plus aptes à survivre et se reproduire.</p>
<p>L’analyse de l’ADN de ces chênes a d’ailleurs permis de constater que ces changements génétiques ont concerné un très grand nombre de régions du génome, et non juste quelques gènes.</p>
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<img alt="Gros plan sur des dizaines de très jeunes chênes (semis naturel)" src="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les méthodes de régénération naturelle contribuent à la production d’un grand nombre de descendants (plus de 100 000/hectare). Hors perturbation anthropique, il n’en reste guère que 4000/ha après 10 ans, soit une réduction de plus de 95 % des effectifs ! La sélection naturelle a donc au cours de cette période éliminé les combinaisons génétiques les moins bien adaptées au milieu local.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En résumé, cette étude a clairement montré que l’adaptation actuelle des populations est liée à de très nombreuses variations génétiques, chacune de faible effet, et ayant une origine évolutive ancienne.</p>
<h2>Les mutations somatiques comme moteur de l’adaptation : une vraie fausse piste</h2>
<p>Plusieurs articles de vulgarisation récents comme <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">celui-ci</a> publié par la société botanique de France et <a href="https://www.uniqueheritage.fr/fr/epsiloon-le-nouveau-magazine-dactualite-scientifique-en-kiosque-le-23-juin-2021/">celui-ci</a> publié par le magazine <em>Epsiloon</em> se sont fait l’écho du rôle adaptatif que pourraient jouer les mutations nouvelles accumulées au cours de la croissance d’un arbre (on parle de mutations somatiques, à l’inverse de la diversité génétique préexistante décrite ci-dessus).</p>
<p>Pourquoi s’agit-il là d’une fausse piste pour l’adaptation ?</p>
<p>Parce que si ces mutations existent bien, elles sont très peu fréquentes : 17 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-017-0066-9">chêne suisse de 230 ans environ</a>, 46 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-018-0172-3">chêne français de 100 ans</a>. Même si le nombre de mutations a été <a href="https://www.inrae.fr/actualites/detecter-mutations-arbres-laide-dune-methode-utilisee-medecine-humaine">sous-estimé</a> à cause de la complexité de leur détection, cette diversité reste ridiculement faible au regard de la diversité présente dès la formation du gland : les 7 millions de différences indiquées précédemment. On parle de quelques dizaines de nouveaux variants d’un côté, des millions préexistants de l’autre !</p>
<p>De plus, ce n’est pas une mutation seule qui procure l’adaptation du chêne à l’environnement, mais toute une combinaison génétique.</p>
<p>Par ailleurs, même si ces mutations avaient un effet sur la survie de l’individu qui les portent, encore faudrait-il qu’elles puissent être transmises aux autres arbres pour qu’elles aient un effet au niveau de l’ensemble de la population. Sans compter que la diffusion des mutations (éventuellement favorables) par flux de pollen nécessite plusieurs générations avant qu’elles puissent alimenter l’adaptation de la population…</p>
<p>En tant qu’auteurs de l’étude sur le chêne centenaire français, nous avions nous-mêmes explicitement émis des réserves sur les interprétations adaptatives de ces mutations. Ce discours a malheureusement été très largement détourné pour alimenter des scénarios d’adaptation rapide au changement via ces mutations somatiques, bien que cette hypothèse semble extrêmement peu probable.</p>
<h2>Quelles applications concrètes pour les forestiers ?</h2>
<p>Ces rappels sur la nature et l’origine de la diversité génétique contribuant à l’adaptation des arbres conduisent inévitablement à évoquer les interventions humaines permettant d’en valoriser les bénéfices.</p>
<p>Tout d’abord, il semble vain de proposer un vieillissement des peuplements, sous le seul prétexte que ceux-ci produiraient plus de mutations somatiques. La préconisation serait plutôt de faire l’exact opposé. La sélection naturelle ayant surtout lieu au stade jeune, des cycles plus rapides de régénération seraient vraisemblablement plus favorables à une adaptation rapide.</p>
<p>D’ailleurs, le fait de favoriser une régénération naturelle abondante, en cumulant plusieurs années de floraison et de fructification des semenciers, permet de maintenir un bon niveau de diversité génétique au sein des plantules et en conséquence de renforcer l’action de la sélection naturelle.</p>
<p>S’assurer de la production d’un très grand nombre de plantules lors de la régénération naturelle permettra par ailleurs de bénéficier d’une intensité de sélection plus élevée au stade juvénile. Le maintien des peuplements sera d’autant plus facilité que le « semis » sera dense. En effet, la sélection naturelle sera plus efficace pour sélectionner – au sein d’un très grand nombre d’individus – ceux qui sont les mieux adaptés au changement de l’environnement.</p>
<p>Diversité génétique et intensité de la sélection naturelle constituent donc les deux facteurs principaux de l’adaptation et de la résilience de nos forêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Changement climatique, maladies, ravageurs… De nombreuses menaces pèsent sur les arbres. Heureusement, ceux-ci peuvent compter sur leur forte diversité génétique pour s’adapter et survivre.Antoine Kremer, Directeur de Recherches Emérite, InraeChristophe Plomion, Chercheur en génétique, InraeThibault Leroy, Biologiste, chercheur en génétique des populations, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030122023-04-24T18:18:44Z2023-04-24T18:18:44ZPollinisation : les insectes pris au piège du leurre amoureux des orchidées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522571/original/file-20230424-14-rg3f78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C1775%2C1410&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mâle Dasyscolia ciliata en pleine pseudocopulation avec une fleur d'Ophrys.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dasyscolia_ciliata#/media/Fichier:Dasyscolia_ciliata.jpg">Pietro Niolu/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La première image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on pense à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisation</a>, c’est souvent celle d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/abeilles-29439">abeille</a> qui, en échange d’une goutte de nectar sucré nécessaire à la confection du miel, emporte avec elle du pollen. Cette semence mâle sera déposée plus loin par l’abeille, au niveau des organes reproducteurs femelles d’une autre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fleurs-39612">fleur</a> de la même espèce permettant la rencontre avec un ovule, la formation de graines et <em>in fine</em>, la reproduction de la plante.</p>
<p>Dans la nature, il arrive pourtant que le pollen soit transporté par le vent ou par l’eau, par d’autres animaux (y compris des mammifères, des reptiles ou encore des oiseaux) et quand bien même le serait-il par un insecte, de nombreuses familles peuvent encore endosser ce rôle de pollinisateur.</p>
<p>Ajoutons à cela que les plantes présentent aussi une grande diversité dans la façon d’attirer les pollinisateurs. Certaines produisent du nectar, mais d’autres trichent en faisant semblant, dupent voire séquestrent ces insectes qui leur sont indispensables.</p>
<p>Chez certaines orchidées par exemple, les fleurs vont jusqu’à se faire leurre sexuel, et c’est notamment le cas chez les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/brv.12633">orchidées euro-méditerranéennes du genre <em>Ophrys</em></a>.</p>
<h2>Une fleur qui ressemble à un insecte</h2>
<p>La première chose qui nous frappe, c’est que la fleur d’<em>Ophrys</em> ressemble étrangement à un insecte. Un des pétales, le labelle, en évoque la taille, la forme, la couleur et la pilosité du corps alors que les deux autres pétales sont chez certaines espèces enroulés sur eux-mêmes, imitant ainsi des antennes. Le mimétisme est convaincant au point que les labelles de certaines espèces arborent des pseudo-yeux ou des zones reflétant la lumière comme des ailes membraneuses d’un insecte en plein soleil.</p>
<p>Si la ressemblance est indubitable du point de vue visuel, une étude approfondie des composés chimiques émis par ces fleurs démontre que le mimétisme est aussi, et devrait-on dire avant tout <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369526616300875?via%3Dihub">olfactif</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522083/original/file-20230420-24-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les fleurs d’Ophrys speculum évoquent un pollinisateur d’aspect brunâtre, avec une pilosité fournie et une zone qui reflète la lumière du soleil comme le ferait les ailes membraneuses d’un insecte. Or, c’est à ça que ressemble son pollinisateur, la guêpe Dasyscolia ciliata.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joris BERTRAND</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, l’odeur exhalée par le labelle est très similaire aux phéromones sexuelles émises par les femelles de certaines espèces d’insectes pollinisateurs. Du point de vue de l’insecte mâle, la fleur d’<em>Ophrys</em> a donc tous les atours d’une femelle au point que ce dernier pourra se faire duper par ce leurre sexuel, et ce, à au moins deux reprises.</p>
<p>La première fois, le mâle tout excité par la fleur d’<em>Ophrys</em> atterrit sur le labelle, se laisse guider par la forme et la pilosité qui lui permettent de se positionner avant de littéralement tenter de s’accoupler avec la fleur. Durant cette brève, mais intense séquence baptisée pseudo-copulation, l’insecte s’anime de mouvements de va-et-vient au cours desquels des masses polliniques (pollinies) se colleront sur sa tête (ou son abdomen).</p>
<p>A l’issue de cette tentative infructueuse, le mâle dupé abandonnera la fleur. Il lui arrivera cependant souvent de se faire à nouveau avoir plus tard, sur une autre fleur d’<em>Ophrys</em> où il déposera cette fois-ci malgré lui le pollen dans la cavité stigmatique d’une autre fleur, où sont situés ses organes reproducteurs femelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522079/original/file-20230420-22-nz53nk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les fleurs d’Ophrys insectifera évoquent des insectes posés sur une plante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joris BERTRAND</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est difficile de se représenter le degré de spécificité que nécessite l’interaction entre <em>Ophrys</em> et insecte pour que cette stratégie de pollinisation si singulière soit couronnée de succès. Il faut que la sélection naturelle ait façonné l’apparence et l’odeur de la fleur de l’<em>Ophrys</em> pour présenter une combinaison complexe imitant de façon assez convaincante, la femelle d’un insecte pollinisateur pour que le mâle se fasse piéger. Si cette relation plante-insecte n’est pas totalement exclusive, on recense en moyenne entre une et deux espèces d’insectes pollinisateur par espèce d’<em>Ophrys</em>, ce qui est bien en dessous de ce qui est observé <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2745.13013">pour les autres espèces d’orchidées</a> dites euro-méditerranéennes.</p>
<h2>Un piège générateur de biodiversité</h2>
<p>Une caractéristique hors du commun qui découle de ce stratagème est le taux de diversification « explosif » des orchidées du genre <em>Ophrys</em>. Dans leur considérable diversité de formes, de couleur ou encore de pollinisateurs qu’ils attirent, tous les <em>Ophrys</em> possèderaient un ancêtre commun qui aurait vécu <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.13219">il y a moins de 5 millions d’années</a>, soit très récemment à l’échelle de l’histoire de l’évolution des orchidées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522088/original/file-20230420-18-f82dxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Aperçu de la diversité des fleurs mimétiques d’orchidées du genre Ophrys, avec de haut en bas et de gauche à droite : Ophrys apifera, Ophrys aveyronensis, Ophrys scolopax, Ophrys insectifera, Ophrys speculum, Ophrys bombyliflora, Ophrys tenthredinifera et Ophrys forestieri.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joris BERTRAND</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que le nombre d’espèces décrit varie fortement suivant les critères utilisés (de 9 à près de 400), certains auteurs s’accordent à dire que le genre <em>Ophrys</em> présenterait un des taux de spéciation (nombre d’espèces apparues par unité de temps) parmi les plus élevés ayant été documentés à ce jour.</p>
<p>Or, l’émergence d’une telle <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> serait justement due à cette spécialisation plante-insecte : une légère variation d’odeur chez une plante pourrait rompre l’interaction avec son pollinisateur habituel et permettre d’en attirer un nouveau. Ainsi, en s’adaptant sans cesse à de nouveaux pollinisateurs, des populations d’<em>Ophrys</em> divergent les une des autres.</p>
<p>Bien des combinaisons ayant émergé n’ont sans doute pas réussi à se maintenir, mais il est incontestable que le taux net de diversification, autrement dit le taux de spéciation moins le taux d’extinction présente un solde largement positif chez ces plantes. Les orchidées du genre <em>Ophrys</em> sont donc un modèle de choix pour étudier les radiations adaptatives : des phénomènes de diversification rapides et intenses d’un groupe d’organismes en réponse à la sélection naturelle. Se faisant, les <em>Ophrys</em> permettent de poser et tenter de répondre à des questions intéressantes pour les généticiens et autres spécialistes de la biologie végétale, à commencer par la suivante : comment les fleurs d’une espèce de plante peuvent évoluer au point de ressembler à un insecte et même de sentir comme un insecte ?</p>
<p>Si les <em>Ophrys</em> présentent bien des attraits pour les scientifiques, ces orchidées ont aussi des particularités qui font qu’elles sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. D’abord, parce qu’elles sont très difficiles à cultiver ce qui oblige à les étudier directement dans leur milieu naturel à défaut de pouvoir les faire grandir dans des conditions expérimentales.</p>
<p>Leurs graines minuscules, dépourvues de réserves nécessitent ainsi des conditions bien particulières pour rencontrer puis s’associer avec un champignon, lui aussi microscopique qui leur permettra de se développer. En outre, il peut s’écouler plusieurs années entre le moment où la graine va germer et celui où elle va fleurir pour la première fois, ce qui complique l’étude de son développement. Enfin, parce que ces orchidées possèdent un génome de grande taille (environ deux fois la taille du génome humain), ce qui a retardé l’étude approfondie des mécanismes génétiques permettant d’expliquer la diversité et l’évolution de leur morphologie. La publication prochaine d’un premier génome de référence pour le genre devrait cependant permettre de relever certains défis.</p>
<h2>Des orchidées sentinelles du changement climatique</h2>
<p>Leur stratégie de pollinisation reposant sur une relation exclusive, ou quasi-exclusive avec leur(s) espèce(s) de pollinisateur(s) rend les <em>Ophrys</em> particulièrement vulnérables au changement climatique. En effet, si l’augmentation des températures rend aussi bien la période de floraison que celle d’émergence des insectes pollinisateurs de plus en plus précoce, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982214013426#fig2">études ont montré</a> que leurs pollinisateurs tendraient à émerger relativement plus tôt que ne fleuriraient les <em>Ophrys</em>.</p>
<p>Ce décalage croissant pourrait aboutir à une rupture de l’interaction entre l’orchidée et son pollinisateur, à moins que la plante ne parvienne à attirer un autre pollinisateur un petit peu plus tardif. C’est bien là une des limites de cette hyper-spécialisation qui pourrait s’être faite au détriment de l’adaptabilité, menant ainsi les espèces d’<em>Ophrys</em> dans une sorte de cul-de-sac évolutif. Parce qu’elles sont de fait en première ligne, surveiller l’état de santé de ces espèces à stratégies de pollinisation hautement spécialisées pourrait donc permettre d’appréhender l’impact des effets du changement climatique sur les services écosystémiques rendus par les pollinisateurs.</p>
<hr>
<p><em>Article rédigé avec Fabio CROCE (étudiant en Master) et Anaïs GIBERT (chercheuse contractuelle) avec la contribution de Pascaline SALVADO (doctorante) et Lucas VANDENABEELE (étudiant en Master) de l’Université de Perpignan Via Domitia</em></p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/fr/projets-finances-et-impact/projets-finances/projet/funded/project/anr-21-ce02-0022/?tx_anrprojects_funded%5Bcontroller%5D=Funded&cHash=7ccc4cad51d6d2d6248463b5fce35aa6">DiversiFly</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203012/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joris BERTRAND a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anais Gibert et Pascaline Salvado ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Découvrez une stratégie de pollinisation extraordinaire. Certaines orchidées attirent leurs pollinisateurs en imitant leur femelle. L’insecte dupé transporte le pollen d’une fleur à l’autre.Joris Bertrand, Maître de Conférences en Biologie des Populations et Écologie, Université de PerpignanAnais Gibert, Chercheur en Biologie des populations et Ecologie, Université de PerpignanPascaline Salvado, phD student, Université de PerpignanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027882023-04-03T17:55:27Z2023-04-03T17:55:27ZForce, vitesse, endurance : qui est le meilleur, l’humain ou l’animal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518724/original/file-20230331-28-w4mh75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C613%2C459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marathon Hommes contre Chevaux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://rove.me/fr/to/wales/man-v-horse-marathon">Roger Kidd</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Si vous avez la chance d’être tiré au sort pour acheter des places aux Jeux olympiques 2024, il vous faudra choisir parmi les 400 épreuves qui auront lieu. « Citius, Altius, Fortius » dit la devise olympique, mais on pourrait même rajouter « <em>Diutus</em> » probablement oublié par erreur par le Baron de Coubertin. Alors : plus vite, plus haut, plus fort et plus longtemps ?</p>
<p>Oui, mais pas en même temps… Les épreuves olympiques sont aussi nombreuses que variées quant aux qualités physiques qu’elles requièrent. Alors que les sprinteurs s’affronteront dans un concours de vitesse, le volleyeur voudra sauter toujours plus haut pendant que l’haltérophile devra user de sa force et le marathonien de son endurance. Ces qualités physiques ne sont pas reliées entre elles car elles sont liées à des aspects biomécaniques et physiologiques bien différents. Chaque athlète a son profil force-vitesse-endurance. Même au sein d’une équipe ou d’une discipline, plusieurs profils de joueurs cohabitent, chacun avec ses forces et ses faiblesses.</p>
<p>Cette diversité de qualités physiques chez les humains reste anecdotique quand on regarde le règne animal. De la fourmi à l’éléphant en passant par le crabe et le serpent, tous se déplacent grâce à leurs muscles. En revanche, chacune des espèces du monde animal a développé des adaptations physiques spécifiques particulièrement adaptées à leur environnement.</p>
<h2>La force pour s’échapper</h2>
<p>Ici la question n’est pas de gagner une médaille, mais de survivre ! Prenons l’exemple des relations proies-prédateurs. A priori, le plus rapide a un avantage. S’il s’agit de la proie, le prédateur ne pourra rien se mettre sous la dent, mais dans la situation opposée on ne donnera guère de chance à la proie de s’en sortir.</p>
<p>Comme nous l’avons vu précédemment, les qualités physiques sont variées et plusieurs stratégies peuvent se mettre en place. Le plus lent pourra peut-être s’en sortir grâce à son endurance alors que le plus rapide pourrait être mis en difficulté par les capacités de force de son adversaire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KxFoIRQq_xg?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La conférence de Pierre Samozino « Les limites de la machine humaine » compare en détail les biomécaniques humaines et animales dans leurs performances physiques.</span></figcaption>
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<p>Commençons par la force. On voit tout de suite l’avantage d’être fort dans un affrontement au corps à corps, tels deux boxeurs sur un ring. Mais chez les animaux, la survie ne se joue pas toujours au bras de fer, c’est plus souvent une question de course-poursuite. Et à ce jeu-là, la force est tout aussi importante, ou plus précisément, la force rapportée au poids de corps. C’est elle qui déterminera l’accélération indispensable à une sauterelle qui, d’un seul bond, se sortira d’une embuscade tendue par une grenouille qui la dévorait des yeux. Grâce à ses tendons qu’<a href="https://resjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-3032.2010.00735.x">elle utilise comme catapulte</a>, la sauterelle présente des pics d’accélération hors du commun, lui permettant de sauter bien plus haut que ses prédateurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518217/original/file-20230329-14-4wgxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La sauterelle peut sauter 20 fois sa taille contre à peine plus d’une fois pour les champions olympiques – Crédit Roger Bruner.</span>
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<p>C’est l’arme secrète de bon nombre de petits animaux. L’allométrie, la science qui étudie l’évolution des traits biologiques au travers des différentes échelles, nous montre que le <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ecy.3369">rapport force/poids est au profit des « tout petits »</a>. C’est également grâce à ces pics d’accélérations que le lézard peut se défaire d’un chat affamé en changeant brutalement de direction et ainsi éviter de perdre à un concours de vitesse en ligne droite ou de lutte acharnée. On retrouve ces grandes capacités d’accélérations vers le haut (sauts), l’avant ou le côté (changement de direction) chez les meilleurs joueurs dans les sports de petits terrains (basketball, handball, tennis) où beaucoup d’actions se jouent sur le tout premier pas.</p>
<h2>La vitesse pour la course-poursuite</h2>
<p>Dans les plus grands espaces, certains animaux jouent plutôt sur la vitesse pour survivre. <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=2anZacrFaxoC">C’est comme cela que l’antilope peut échapper au lion</a> qui, lui, tente le tout sur le tout sur les premiers mètres grâce à une meilleure accélération. Mais à ce jeu-là, le guépard est le champion toutes catégories avec des pointes de vitesse à plus de 100 km/h ! Cette suprématie n’est pas liée à des fibres musculaires extraordinaires, mais plutôt à ses muscles fessiers surdéveloppés et positionnés sur le squelette avec des <a href="https://www.nature.com/articles/nature12295">bras de levier permettant de démultiplier la vitesse de contraction de ses muscles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518212/original/file-20230329-24-izsj0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La quadrupédie et les puissances des muscles fessiers du guépard lui permettent de courir presque 3 fois plus vite qu’Usain Bolt – Crédit Ahmed Galal.</span>
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<p>Et pour ça, la quadrupédie est essentielle. Elle permet d’appliquer la force au sol bien plus efficacement que nous, humains, quand on est droit sur nos deux jambes. C’est d’ailleurs un élément central qui explique que certains athlètes courent le 100m plus vite que d’autres : une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00421-012-2379-8">orientation horizontale de la force au sol a été montrée comme plus importante que la force totale produite par nos jambes</a>. Les muscles situés à l’arrière de nos jambes (fessiers, ischiojambiers) associés à une gestuelle millimétrée jouent alors un rôle capital pour produire de la force vers l’arrière et nous accélérer vers l’avant, exactement comme lorsque nous faisons de la trottinette. Un atout majeur que présentait Christophe Lemaitre quand il est passé sous la fameuse barre des 10s au 100m en 2010. </p>
<p>Saviez-vous qu’Usain Bolt, lors de son record du monde du 100m en 2009, était à moins de 50 % de sa puissance maximale de propulsion sur les trois-quarts de sa course ? Il ne s’est pas donné à fond ce jour-là ? C’est peu probable… en revanche c’est sa boite de vitesse qui lui a fait défaut.</p>
<p>Imaginez-vous avoir pris l’autoroute pour rouler vite, mais devoir rester en fond de première… Chez l’humain, c’est exactement ce qu’il se passe sur un 100m, la production de puissance est bridée à cause <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/sms.14097">d’un « braquet » non adapté</a>. C’est donc à celui qui aura la 1<sup>re</sup> la plus proche de la 2<sup>e</sup>e qui va gagner, et pas nécessairement celui qui aura le plus de chevaux sous le capot. Le guépard a plus de puissance certes, mais surtout des rapports bien plus adaptés au sprint qui lui permettent de maintenir une bonne efficacité de propulsion quand la vitesse augmente.</p>
<h2>L’endurance pour épuiser ses proies</h2>
<p>La stratégie des félins est donc basée sur la vitesse maximale, mais d’autres animaux utilisent une stratégie à l’exact opposé. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.4098/j.at.0001-7051.082.2008">loups</a>, mais aussi les <a href="https://www.int-res.com/articles/meps2007/347/m347p111.pdf">orques</a>, peuvent traquer leurs proies pendant des heures sur plusieurs dizaines de kilomètres. Leur cible est peut-être plus rapide sur des sprints, mais ces prédateurs vont jouer sur leur endurance élevée pour fatiguer petit à petit leur proie, jusqu’à l’épuisement total pour la capturer ensuite aisément.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L4P4aIuYBKQ?wmode=transparent&start=3" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La conférence de Baptiste Morel « Fables de la fatigue » revient sur l’influence de la fatigue et des capacités d’endurance dans le monde animal et les performances sportives.</span></figcaption>
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<p>Physiologiquement, ces prédateurs possèdent une vitesse critique (vitesse à partir de laquelle le phénomène de fatigue se déclenche) plus élevée. <a href="https://peerj.com/articles/3701/">La vitesse de traque est donc supportable pour eux, mais pas pour leur proie</a>.</p>
<p>Nous, humains, faisons partie de cette deuxième catégorie de prédateur. Depuis l’époque d’<em>Homo erectus</em> une <a href="https://anr.fr/Project-ANR-22-CE14-0073">sélection au profit de la résistance à la fatigue s’est produite dans le genre homo</a> au point de devenir des champions de l’endurance. Nous sommes même capables de rivaliser avec des chevaux ! Une course de 35 km au Pays de Galles oppose chaque année au début de l’été des humains et nos fidèles destriers. Pour la troisième fois, un <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-06-13/ce-britannique-a-remporte-un-trail-atypique-ou-les-coureurs-doivent-battre-des-chevaux-cbd1f6b2-3d09-403c-a752-b734dd97b972">humain (Ricky Lightfoot, ça ne s’invente pas) est arrivé en tête en 2022</a>. De manière moins exotique, cette qualité physique s’exprimera dans toutes les disciplines d’endurance aux prochains JO, et en premier lieu, <a href="https://theconversation.com/marathon-des-jo-2024-un-fort-denivele-pour-un-suspens-garanti-192418">lors du marathon</a>.</p>
<p>La diversité des capacités physiques du monde animal est extraordinaire. Elles ont été peu à peu sélectionnées par les mécanismes de l’évolution. Dans nos projets de recherche, nous étudions notamment comment ces capacités nous permettent de <a href="https://anr.fr/Project-ANR-22-CE14-0073">comprendre le comportement humain et plus largement animal</a>, mais aussi comment les <a href="https://anr.fr/ProjetIA-20-STHP-0006">optimiser pour gagner plus de médailles</a>. Pour nous, homo sapiens, ces qualités physiques sélectionnées par l’histoire de notre espèce ne sont plus mises en jeu pour des questions de survie. Néanmoins, elles sont pour notre plus grand bonheur mis en lumière dans les évènements sportifs tout autour de la planète et en premier lors de la grande fête quadriennale que sont les Jeux olympiques.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/fr/projets-finances-et-impact/projets-finances/projet/funded/project/anr-22-ce14-0073/?tx_anrprojects_funded%5Bcontroller%5D=Funded&cHash=b7a001b07e7057c2d8c589df4383314a">Relation force-vitesse-endurance de la locomotion animale – FOVEAL</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Morel a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. Il ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation privée qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Samozino a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. Il ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation privée qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche</span></em></p>Les humains sont très mauvais au sprint, aucune chance face à un guépard, mais plutôt bons en endurance. Certains sont même capables de battre les chevaux à la course sur longue distance.Baptiste Morel, Maître de conférences, Université Savoie Mont BlancPierre Samozino, Maître de conférences, Biomécanique et Sciences du sport, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006262023-03-17T14:12:35Z2023-03-17T14:12:35ZLes serpents peuvent entendre nos cris, selon une nouvelle étude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512090/original/file-20230223-644-axvk6k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C3335%2C2218&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol – ce qu’on appelle détection « tactile » –, mais nous nous sommes demandé s’ils peuvent également entendre les vibrations sonores aériennes, et surtout, comment ils réagissent aux sons.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-serpents-ont-un-clitoris-196641">Les serpents ont un clitoris</a>
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<p>Dans un <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0281285">nouvel article</a> publié dans PLOS One, nous arrivons à la conclusion que les serpents utilisent l’ouïe pour interpréter le monde, et nous réfutons le mythe selon lequel les serpents sont sourds aux sons aériens.</p>
<p>Notre étude, qui a porté sur 19 serpents de sept espèces, révèle que les serpents ont une ouïe aérienne, mais que les espèces ne réagissent pas toutes de la même manière aux sons.</p>
<h2>Comment les serpents réagissent-ils aux sons aériens et terrestres ?</h2>
<p>Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</p>
<p>D’un point de vue évolutif, c’est tout à fait logique. Les serpents sont menacés par des prédateurs, notamment les varans, les chats, les chiens et d’autres serpents. L’ouïe sert à éviter les attaques ou les blessures (par exemple, en se faisant piétiner).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un taipan côtier se trouve au centre d’une grande grille noire et blanche sur le sol" src="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le taïpan côtier était l’une des espèces étudiées dans le cadre de notre recherche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour nos expériences, nous avons collaboré avec la <a href="https://www.qut.edu.au/about/our-university/organisational-structure/faculty-of-creative-industries,-education-and-social-justice-old/school-of-creative-practice"><em>School of Creative Practice</em></a> de l’Université de technologie du Queensland pour aménager une salle insonorisée et tester les serpents un par un.</p>
<p>En utilisant le silence comme condition témoin, nous avons fait jouer un son parmi trois, chacun couvrant une gamme de fréquences : 1-150Hz, 150-300Hz et 300-450Hz. À titre de comparaison, la voix humaine varie généralement entre 100 et 250 Hz, et les oiseaux gazouillent à environ 8 000 Hz.</p>
<p>Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/205/19/3087/9027/Response-of-western-diamondback-rattlesnakes">étude précédente</a>, des chercheurs ont suspendu des crotales diamantins de l’Ouest (<em>Crotalus atrox</em>) dans un panier en maille d’acier et ont observé leurs comportements en réaction à des fréquences sonores situées entre 200 et 400 Hz. Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/222/14/jeb198184/20779/Underwater-hearing-in-sea-snakes-Hydrophiinae">autre étude</a>, on a implanté par chirurgie des électrodes dans le cerveau de serpents sous anesthésie partielle afin de détecter des potentiels électriques en réponse à des sons allant jusqu’à 600 Hz.</p>
<p>Notre recherche est la première à étudier comment plusieurs espèces de serpents réagissent aux sons dans un espace où ils peuvent se déplacer librement. Nous avons également utilisé un accéléromètre pour déterminer si les sons produisaient des vibrations au sol. Cela nous a permis de confirmer que les serpents ne ressentaient pas seulement les vibrations du sol et enregistraient bel et bien les sons aériens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un taïpan côtier près d’une ferme de canne à sucre dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris Hay), Fourni par l’auteure</span></span>
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</figure>
<h2>Les serpents se rapprochent-ils ou s’éloignent-ils des sons ?</h2>
<p>La plupart des serpents ont manifesté des comportements très différents dans les essais avec son par rapport aux moments de silence.</p>
<p>Le python de Ramsay (<em>Aspidites ramsayi</em>) – un serpent non venimeux que l’on trouve dans toute la zone aride du centre de l’Australie – s’est mis à bouger davantage en réponse au son et s’en est même approché. Il a présenté un comportement intéressant appelé « périscopique », qui consiste à lever le tiers avant de son corps d’une manière qui évoque la curiosité.</p>
<p>En revanche, trois autres espèces – Acanthophis (vipère de la mort), Oxyuranus (taïpan) et Pseudonaja (serpent brun) – ont plutôt eu tendance à s’éloigner du son, signe d’un possible comportement d’évitement.</p>
<p>Les vipères de la mort sont des prédateurs en embuscade. Elles attendent que leur proie vienne à elles en utilisant le <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2435.2008.01466.x">leurre sur leur queue</a> (qu’elles agitent pour faire penser à un ver), et elles ne peuvent se déplacer rapidement. Il est donc logique qu’elles s’éloignent du son. Pour survivre, elles doivent éviter de se faire piétiner par de grands vertébrés comme les kangourous, les wombats ou les humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une vipère de la mort (<em>Acanthophis antarcticus</em>) en position d’embuscade au Mount Glorious, dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina N. Zdenek), Fourni par l’auteure</span></span>
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<p>Les serpents bruns et les taïpans chassent activement et poursuivent leurs proies le jour. Cela signifie qu’ils risquent d’être victimes de prédateurs diurnes tels que les rapaces. Lors de nos expériences, ces deux serpents semblaient avoir les sens aiguisés. Les taïpans, en particulier, avaient tendance à manifester une attitude défensive et méfiante en réponse à un son.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CY26uRzqsS4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les taïpans côtiers ont eu des réactions méfiantes en réponse aux sons.</span></figcaption>
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<h2>Les serpents nous entendent-ils ?</h2>
<p>Notre étude réfute le mythe selon lequel les serpents sont sourds. Ils peuvent entendre, mais pas aussi bien que vous et moi. Les serpents ne distinguent que les basses fréquences, soit moins de 600 Hz environ, alors que la plupart des humains entendent un <a href="https://hypertextbook.com/facts/2003/ChrisDAmbrose.shtml">spectre beaucoup plus large</a>. Les serpents perçoivent probablement des versions étouffées de ce que nous entendons.</p>
<p>Alors, les serpents peuvent-ils nous entendre ? La fréquence de la voix humaine se situe entre 100 et 250Hz. Les sons utilisés au cours de notre étude comprenaient ces fréquences et étaient diffusés à une distance de 1,2 m des serpents à 85 décibels. C’est à peu près le volume d’une voix forte.</p>
<p>Les serpents ont réagi à ces sons, et plusieurs ont eu une forte réponse. On peut donc dire que les serpents peuvent percevoir la voix des gens qui parlent fort ou qui crient. Cela ne signifie pas qu’ils n’entendent pas quelqu’un qui parle (une conversation normale est d’environ 60 décibels) – nous n’avons tout simplement pas fait de tests à ce niveau sonore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200626/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christina N. Zdenek reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche et travaille pour l'Australian Reptile Academy.</span></em></p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol. Or, une nouvelle étude démontre qu’ils peuvent également percevoir les sons aériens.Christina N. Zdenek, Post-doctoral Research Fellow, Venom Evolution Lab, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012332023-03-14T20:00:21Z2023-03-14T20:00:21ZDes fourmis bien armées pour récolter du nectar<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515105/original/file-20230314-16-msyt5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C31%2C2950%2C1958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fourmi Ectatomma sur une feuille d’Inga, Guyane.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les fourmis sont des insectes étonnants. Elles se sont adaptées de façon variée, notamment par leur extraordinaire et complexe vie sociale, et des <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.12690">« mutualismes » remarquables avec les plantes</a>. Elles font partie du succès phénoménal des insectes sur notre planète, par leur biomasse considérable (des millions de tonnes, plus de 10 % de tous les organismes réunis) et leur diversité.</p>
<p>La fourmi tropicale des Amériques <em>Ectatomma</em> (Hyménoptères Formicidae) possède des mandibules impressionnantes. Ces outils massifs ne servent pas des fins guerrières, mais à récupérer délicatement le nectar sucré produit par des glandes végétales, comme les « glandes à nectar ».</p>
<p>En effet, les insectes raffolent du nectar, cette substance nutritive sucrée, et les plantes ne le produisent pas seulement au niveau des fleurs (où il attire des pollinisateurs). De nombreuses structures spéciales, sur les feuilles par exemple, sécrètent également du nectar, dit « nectar extrafloral ».</p>
<p>La forme incurvée des épaisses mandibules de la fourmi <em>Ectatomma</em> permet à une goutte de liquide sucré de s’y maintenir facilement pour être transportée jusqu’à la fourmilière pour y nourrir les larves.</p>
<p>Ici, la fourmi surveille une glande à nectar (petite cupule entre les feuilles) sur une feuille d’Inga, un arbre de la famille des légumineuses de la forêt guyanaise. En échange, la plante est protégée par les fourmis contre les agresseurs qui voudraient s’en prendre à leurs feuilles, fruits ou graines, ou consommer à leur place le nectar. C’est donc une véritable co-évolution entre les fourmis et les plantes pour arriver à ce mutualisme.</p>
<h2>Se nourrir et protéger la plante</h2>
<p>Les fournis sont en général omnivores et ne se nourrissent pas que de nectar. En effet, dans un même nid, une partie des ouvrières chasse des insectes dans les arbres, et l’autre partie récolte le nectar. Leurs nids sont dans le sol, à la base des arbres, où elles élèvent leurs larves avec ces deux types de nourritures.</p>
<p>La co-évolution entre les insectes et les plantes est l’un des moteurs de l’évolution de nos écosystèmes. Une des interactions les plus fondamentales entre plantes et insectes est la pollinisation, avec l’apparition des plantes à fleurs qui ont tant intrigué Charles Darwin dans ses profondes réflexions sur l’évolution. Les plantes à fleurs sont apparues au Jurassique et les insectes ont joué un rôle dans leur succès, qui a été fulgurant mais difficilement explicable, et <a href="https://www.france.tv/france-5/l-abominable-mystere-des-fleurs/3378388-emission-du-jeudi-19-mai-2022.html">qui a tant intrigué Charles Darwin dans ses profondes réflexions sur l’évolution</a>.</p>
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<p>Les fourmis <em>Ectatomma</em> ne sont pas les seules à avoir des adaptations mandibulaires. De nombreuses autres adaptations existent : dans le registre fossile, certaines sont tellement extraordinaires que l’on ne sait pas à quoi elles servaient. Par exemple les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-redoutable-fourmi-licorne-vivait-il-y-99-millions-annees-63016/">« fourmis licornes »</a> présentent des appendices céphaliques et des mandibules tellement transformées que l’on ne sait pas à quoi elle servait.</p>
<p>Lorsque ces « mutualismes », qui ne sont pas des relations obligatoires (les fourmis peuvent se passer de la plante et inversement) le deviennent, alors on parle de « symbioses », comme avec certains champignons. Voilà bien l’un des « superpouvoirs » que les insectes ont développés au cours des 300 millions d’évolution connue de ce groupe majeur d’animaux… qui seraient en fait encore plus vieux, et auraient autour de 470 millions d’années (les mammifères, en comparaison, ont environ 200 millions d’années).</p>
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<p><em>Pour en savoir plus, découvrez le film <a href="https://dai.ly/x8huasr">« Mystérieux insectes »</a> sur France 5, dont l’auteur a été à l’origine et conseiller scientifique.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste a reçu des financements de MNHN, CNRS, Sorbonne Univ., Labex BCDiv, ANR, MRAE, National Geographic</span></em></p>Les plantes et les insectes ont évolué ensemble, s’adaptant les unes aux autres. Quoi de mieux des des mandibules géantes pour délicatement récolter du nectar ?Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998242023-03-09T18:43:23Z2023-03-09T18:43:23ZEt si la clé des origines du langage se trouvait dans le cerveau des singes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514465/original/file-20230309-1259-h9ha7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C1345%2C892&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mystères de l'origine de notre langage se cachent-ils derrière les yeux de ce babouin ? </span> <span class="attribution"><span class="source">Yannick Becker et Adrien Meguerditchian</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Hôpital Bicêtre, Paris, milieu du XIX<sup>e</sup> siècle : le docteur <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/sante-etait-scientifique-paul-broca-4903/">Paul Broca</a> rencontre un nouveau patient extraordinaire. Il semble tout à fait normal, mais lorsque le docteur l’interroge sur son mal, il répond simplement : « tan » !</p>
<p>Il s’avère que « Monsieur Tan », comme on l’appellera plus tard, comprend parfaitement ce qu’on lui dit, mais il lui est impossible de répondre par un autre mot que « tan », qu’il répète inlassablement. Après son décès, Broca a découvert la raison de cette perte de production de la parole : une lésion du cerveau frontal gauche.</p>
<p>Depuis cette découverte, « l’aire de Broca » est entrée dans l’histoire comme l’aire de la production de la parole. Et plus récemment, la fonction de cette région a été affinée et inclut désormais d’autres propriétés comme la sémantique, la planification motrice dans le geste ou encore la syntaxe. La syntaxe concerne les règles grammaticales qui structurent une phrase, mais aussi la syntaxe dite « motrice » à savoir toute séquence d’actions emboîtées, comme les gestes, l’utilisation et la fabrication d’outils ou conduire une voiture par exemple. Pour toutes ces actions, votre aire de Broca est activée !</p>
<p>De telles fonctions motrices au cœur de cette zone clé du langage interrogent. Ne constituent-elles pas des traces de notre <a href="https://theconversation.com/la-parole-ne-serait-pas-apparue-avec-homo-sapiens-et-ce-sont-les-singes-qui-nous-le-disent-128708">ancien système de communication</a> hérités de nos ancêtres ?</p>
<h2>Une origine gestuelle du langage ?</h2>
<p>Répondre à cette question évolutive n’est pas aisé. Même si les tissus mous comme le cerveau ne se fossilisent pas, il est possible de spéculer sur les fonctions cognitives de nos ancêtres en s’appuyant, comme le font les paléoanthropologues, sur les traces archéologiques qu’ils ont laissées incluant les fossiles de leurs ossements, notamment ceux de leur crâne (à l’intérieur duquel leur cerveau a laissé de précieuses empreintes), leurs outils et autres créations. Une autre approche complémentaire, prisée par nous primatologues, consiste à s’appuyer sur l’étude de nos <a href="https://theconversation.com/decouvrez-les-singes-titis-et-leur-systeme-de-communication-unique-118357">cousins primates</a>. Nous partageons, en effet, avec eux des ancêtres communs relativement récents dans l’histoire de l’évolution. Imaginez que l’on découvre des points communs, on pourrait reconstruire ainsi les traits cognitifs hérités de ces fameux ancêtres communs.</p>
<p>Dans cette approche dite « comparative » entre espèces, des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03949370.2022.2044388">chercheurs ont découvert</a> que la communication gestuelle des singes partageait certains traits intéressants avec le langage. Par exemple, les singes produisent des gestes qui répondent tout à fait aux critères de ce qu’on appelle « la communication intentionnelle », propriété centrale dans le développement du langage chez l’enfant préverbal. En effet, si le singe qui frappe la main au sol pour menacer un congénère, ne reçoit pas la réponse attendue, il a tendance à répéter son signal voire le faire varier (écarquiller les yeux, hausser les sourcils, secouer la tête, sauter à pieds joints…) comme un professeur qui va reformuler un énoncé pour mieux se faire comprendre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514473/original/file-20230309-16-1cx92g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un juvénile babouin olive communique de manière intentionnelle avec un geste de menace, le « handslap qui consiste à taper la main au sol de manière répétée ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yannick Becker et Adrien Meguerditchian</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans <a href="https://lpc.univ-amu.fr/fr/profile/meguerditchian-adrien">notre équipe</a>, nous étudions de près ce comportement depuis des années auprès d’une centaine de babouins de tous âges vivant en groupes sociaux à la station de Primatologie CNRS près d’Aix-en-Provence. Nous avons découvert que la majorité des babouins (<em>Papio anubis</em>) utilisent préférentiellement leur main droite quand ils communiquent avec les mains et ce, dans des proportions plus importantes que lorsqu’ils manipulent des objets.</p>
<p>En d’autres termes, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0166432806001707">nous avons décrit</a> non seulement que les babouins pouvaient être droitiers ou gauchers pour des tâches de manipulations complexes d’objet, mais aussi que communiquer avec les mains faisait changer ces préférences manuelles, surtout en faveur de la main droite.</p>
<p>Cette découverte nous a mis sur une piste intéressante : puisque la main droite est contrôlée par l’hémisphère gauche, et que le langage mobilise également l’hémisphère gauche, la communication gestuelle des singes mobilise-t-elle la même spécialisation hémisphérique que le langage humain ? Est-ce dans des structures cérébrales similaires, notamment la fameuse aire de Broca ?</p>
<p>Pour explorer cette thèse audacieuse, il nous manquait une pièce essentielle au puzzle : le cerveau. Seulement voilà : le cerveau est l’organe le plus protégé d’un organisme.</p>
<h2>L’IRM c’est aussi pour les singes</h2>
<p>Heureusement, grâce à la démocratisation des techniques non invasives d’imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM), qui a même touché notre labo de psychologie, nous nous sommes pris à rêver. Non pas de mettre un babouin volontaire dans le tube étroit et bruyant d’une IRM, et encore moins de lui demander de ne pas bouger d’un pouce pour produire des gestes de pointage sur commande – nous aurions eu du mal à trouver des volontaires. Mais plutôt de prendre des images cérébrales anatomiques auprès de singes endormis pour l’occasion, telle une photographie en 3D de leur cerveau.</p>
<p>L’idée est d’étudier, non pas l’activation cérébrale en situation de communication, mais la morphologie des structures cérébrales homologues du langage, notamment celle de l’aire de Broca, afin de la comparer à celle des humains. Et c’est ainsi que chaque semaine, nous quittions le chant des cigales de la campagne pour nous rendre dans le centre d’IRM à Marseille en compagnie de nos chers babouins. Après avoir tiré le portrait de leur cerveau et nous être assurés qu’ils allaient bien au réveil une fois sortis de la machine, nous nous empressions de les ramener à la station de primatologie pour qu’ils retrouvent leurs congénères dans leur groupe social. Et c’est avec impatience que nous avons dévoilé sur ordinateur une à une de ces images cérébrales collectées auprès de 50 babouins pour les analyser et tenter de délimiter la taille de la zone homologue de l’aire Broca.</p>
<p>L’équivalent de cette zone cérébrale chez le singe est visible en suivant la démarcation naturelle d’un des plissements, qu’on appelle le sillon arqué, situé dans la partie frontale du cerveau. Grâce à un logiciel, nous avons pu extraire et représenter ce sillon en 3D dans chacun des deux hémisphères – tel du ciment versé dans un moule – pour mesurer ses dimensions sous toutes les coutures, notamment la profondeur de la portion du sillon représentant la bordure de l’aire de Broca. Pour chaque babouin, nous avons ainsi pu quantifier les différences de cette bordure entre les deux hémisphères afin de déterminer les asymétries cérébrales de l’aire de Broca. Nous avons ensuite comparé ces mesures entre deux groupes de babouins : les babouins préférant communiquer avec leur main droite et ceux préférant communiquer avec leur main gauche.</p>
<h2>Des similarités entre les cerveaux du singe et de l’humain</h2>
<p>Chez les 28 babouins qui préfèrent communiquer avec leur main droite (en bleu sur le graph), il s’est avéré que la bordure de leur aire de Broca (colorié en rouge sur la figure) était plus profonde dans l’hémisphère gauche que celle des 22 babouins préférant leur main gauche (en orange sur le graph), et vice versa.</p>
<p>En revanche, lorsqu’un babouin manipule des objets sans but communicatif (par exemple lorsqu’il cherche à retirer une friandise d’un tube), sa préférence manuelle n’est pas liée à cette asymétrie cérébrale. Ainsi seuls les gestes communicatifs sont associés à la zone homologue de l’aire de Broca !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514477/original/file-20230309-177-m81h0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résumé des résultats de l’étude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yannick Becker et Adrien Meguerditchian</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette découverte chez le babouin suggère que des régions pourtant clés du langage humain pourraient être spécialisées dans la communication gestuelle chez les singes !</p>
<p>Nous formulons l’hypothèse que le langage et son organisation cérébrale asymétrique pourraient avoir été hérités du système de communication gestuelle de nos lointains ancêtres partagés avec les babouins et précéder ainsi l’origine de la parole. Ce système remonterait ainsi, non pas à l’émergence des hominidés, mais plutôt à l’ancêtre commun beaucoup plus ancien des singes de l’Ancien Monde et des humains, il y a 25-35 millions d’années.</p>
<p>Mais de multiples questions se posent alors : qu’en est-il des autres régions du cerveau impliquées dans le langage humain ? À partir de quel âge les babouins développent-ils une telle connexion cerveau-geste ? Est-ce une organisation précoce du cerveau qui entraîne le développement des gestes ou l’émergence de la communication gestuelle qui affecte la spécialisation hémisphérique du cerveau ?</p>
<p>Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons démarré un nouveau projet consistant à suivre le développement des comportements gestuels des babouins depuis leur naissance au sein de leur groupe social, tout en recueillant régulièrement des images de leur cerveau en développement. Nous vous en dirons bientôt davantage.</p>
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<p><em>Les projets <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0029">Marseille NeuroSchool, une formation d'excellence</a>, <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-12-PDOC-0014">Geste, cognition et spécialisation hémisphérique chez les primates: Aux origines du langage – LangPrimate</a> et <a href="https://anr.fr/ProjetIA-16-CONV-0002">ILCB: Institute of Language Communication and the Brain</a> sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Becker a reçu des financements de l'Initiative d'Excellence d'Aix-Marseille Université via A*Midex funding (AMX-19-IET-004 "NeuroMarseille") et ANR (ANR-17-EURE-0029 "NeuroSchool"), ainsi que de la fondation Fyssen.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adrien MEGUERDITCHIAN a reçu des financements de l’European Research Council, Horizon 2020, programme
de recherche et d’innovation de l’Union européenne, agreement n° ERC-2016-StG-716931 (Projet GESTIMAGE) et de l'Agence Nationale de le Recherche ANR-12-PDOC-0014_01 (Projet LangPrimate), ANR-16-CONV-0002 (ILCB).
. </span></em></p>Pour remonter dans le temps aux origines de notre langage, les fossiles humains ne parlent pas, mieux vaut s’adresser aux singes.Yannick Becker, Chercheur postdoctoral en primatologie, Max Planck Institute for Human Cognitive and Brain SciencesAdrien Meguerditchian, Primatologue, Chercheur CNRS au Laboratoire de Psychologie Cognitive, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014132023-03-09T18:43:08Z2023-03-09T18:43:08ZPourquoi les mondes imaginaires sont-ils de plus en plus populaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514256/original/file-20230308-18-7b1gg1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C13%2C1262%2C705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre appétence pour les mondes imaginaires est corrélée à notre quête de nouveauté. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=132663.html">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques décennies, nous sommes témoins d’un engouement mondial pour les mondes imaginaires. Des mondes fictifs tels que ceux que l’on retrouve dans les romans, les films, les mangas, les séries télévisées et les jeux vidéo ne cessent de gagner en popularité et en complexité. Des univers aussi riches et élaborés que ceux de <em>Star Wars</em>, <em>One Piece</em>, <em>Zelda</em>, <em>Game of Thrones</em>, <em>Elden Ring</em>, <a href="https://theconversation.com/le-quidditch-ce-sport-reel-venu-dharry-potter-64534"><em>Harry Potter</em></a> ou encore le <em>Seigneur des Anneaux</em> attirent chacun des millions de fans à travers le monde. Pourquoi tant de succès, et pourquoi aujourd’hui, et non pas plus tôt ?</p>
<p><a href="https://www.routledge.com/Building-Imaginary-Worlds-The-Theory-and-History-of-Subcreation/Wolf/p/book/9780415631204">Les mondes imaginaires existent certes depuis très longtemps</a> : l’<em>Odyssée</em>, écrite il y a presque 3000 ans, se situe souvent dans des îles qui n’existent pas, mais inspirées d’îles existantes, comme l’île des Cyclopes (ainsi nommée en hommage au texte d’Homère), au large de la Sicile. Homère n’a fait qu’y imaginer des cyclopes. En comparaison, J.-K. Rowling a inventé des territoires magiques dissimulés au sein du monde réel, avec de nombreuses descriptions précises de lieux imaginaires. Et Georges Lucas, avec <a href="https://theconversation.com/lascension-des-hero-nes-dans-star-wars-une-victoire-feministe-130222"><em>Star Wars</em></a>, a inventé des centaines de planètes.</p>
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<span class="caption">L’exploration selon le jeu vidéo Zelda.</span>
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<p>Des écrivains tels que Jules Verne et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-edgar-allan-poe-est-lecrivain-prefere-des-incompris-198552">Edgar Allan Poe</a> ont aussi créé des univers fictifs, dès le XIX<sup>e</sup> siècle. Cependant, leurs écrits développent une intrigue qui a la primeur sur le monde créé. L’univers imaginaire est plutôt un prétexte à des aventures, pas une invention en soi. Tolkien, au début du XX<sup>e</sup> siècle, a inventé un monde avec une géographie, une végétation, des espèces, un langage et des civilisations. <a href="https://www.fabula.org/actualites/68668/a-besson-constellations-des-mondes-fictionnels-dans-l-imaginaire-contemporain.html">Ce monde imaginaire, complet, autonome, et cohérent</a>, a du sens indépendamment de l’histoire de la quête de Frodon par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-langues-elfiques-de-tolkien-plus-populaires-que-lesperanto-71388">Les langues elfiques de Tolkien, plus populaires que l’espéranto</a>
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<p>C’est depuis Tolkien, et surtout ces dernières décennies, que ces mondes imaginaires sont devenus aussi complexes et riches et se sont répandus. Pourquoi sont-ils devenus si populaires ? Nous posons l’hypothèse selon laquelle la curiosité joue un rôle central dans ce phénomène culturel d’ampleur.</p>
<h2>La curiosité pour des environnements nouveaux</h2>
<p>Dans une de ses lettres, J.R.R. Tolkien écrivait lui-même qu’une partie de l’attrait du <em>Seigneur des Anneaux</em> « repose sur le sentiment intrinsèque de récompense que nous éprouvons en regardant au loin une île non visitée ou les tours d’une ville lointaine ». Une intuition partagée par Shigeru Miyamoto, le créateur de <em>Zelda</em>, l’un des jeux vidéo les plus vendus au monde, dans lequel on peut incarner Link et explorer librement Hyrule, un monde d’inspiration médiévale. Miyamoto disait qu’il voulait créer « un univers de jeu qui transmette le même sentiment que celui que l’on ressent lorsqu’on explore une nouvelle ville pour la première fois ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alice-a-lasile-60457">Alice à l’asile</a>
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<p>L’intuition de ces deux créateurs de mondes imaginaires a été indirectement confirmée par des études récentes en sciences cognitives. Le cerveau de <a href="https://www.researchgate.net/publication/245765584_Conserved_role_of_dopamine_in_the_modulation_of_behavior">toute espèce mobile</a> est en effet doté <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9658025/">d’un système dopaminergique, qui est associé à la motivation et à la récompense</a>. Des recherches en neurosciences montrent que ce système est aussi activé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16880131/">lorsque nous découvrons de nouveaux objets</a> ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29218570/">lorsque nous décidons</a> d’explorer un nouvel environnement. Il nous incite à chercher des informations nouvelles qui seront mobilisées dans le futur. Tous les animaux sont curieux de nouveaux environnements, même si le degré de curiosité diffère d’une espèce à l’autre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jeu inspiré de la saga Harry Potter nous plonge dans des mondes imaginaires.</span>
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<p>C’est un des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21702807/">systèmes cognitifs les plus anciens</a> dans l’histoire évolutionnaire de la cognition animale, car il était nécessaire à la navigation dans l’espace. Cela explique pourquoi, quand des éthologues leur présentent un objet nouveau et un objet familier, des espèces aussi différentes que les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-017-1103-9">dauphins</a> ou les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-019-00731-2">macaques</a> observent plus longtemps les objets nouveaux – une mesure commune de la curiosité.</p>
<h2>Un avantage dans l’évolution</h2>
<p><a href="https://psycnet.apa.org/record/1992-98504-016">Cette curiosité pour des environnements nouveaux est un comportement adaptatif</a>. Au cours de l’histoire de notre espèce, la curiosité humaine a évolué en réponse aux exigences de survie et de reproduction. Les humains qui ont développé une curiosité accrue ont été mieux équipés pour explorer leur environnement et découvrir de nouvelles ressources. Cette capacité a permis à ces individus de survivre plus longtemps et donc de se reproduire davantage, menant à la lente propagation des gènes associés à cette curiosité accrue dans la population.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le héros face à l’inconnu, une mise en scène visuelle qui attise notre curiosité dans Avatar.</span>
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<p>La curiosité se nourrit de promesses d’informations nouvelles. C’est pour cela que les environnements nouveaux sont si fascinants pour nos cerveaux : la vision d’un monde imaginaire est un indice qui nous informe qu’une grande quantité d’informations reste à découvrir. Il faut noter que cette curiosité pour les environnements nouveaux est activée même si l’environnement nouveau est fictionnel, car le mécanisme qui nous pousse à découvrir de nouveaux environnements n’a pas évolué dans un contexte où la fiction existait. Nous savons bien sûr faire la différence entre la réalité et la fiction, mais <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2022.786770/full">nos préférences héritées de l’évolution ne prennent pas en compte cette frontière : elles s’intéressent à toutes sortes d’informations</a>.</p>
<p>La promesse de découvertes nous attire dans les affiches promotionnelles des fictions dans lesquelles un personnage fait face à un large panorama d’un monde imaginaire, prêt à l’explorer. Nous aimons cette idée qu’il reste du chemin à parcourir. Des psychologues ont par exemple montré que des <a href="https://www.researchgate.net/publication/249624135_Environmental_PreferenceA_Comparison_of_Four_Domains_of_Predictors">photographies de paysage sont en moyenne plus appréciées quand elles indiquent visuellement la présence d’opportunités de découverte</a> – avec, par exemple, l’image d’une forêt au loin et un chemin sinueux qui disparaît dans les arbres.</p>
<h2>La variation de la curiosité</h2>
<p>Si la curiosité a été sélectionnée au cours de l’évolution, le degré de curiosité n’est ni fixe, ni toujours le même. On voit très bien qu’autour de nous, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0092656617301149">certaines personnes sont plus exploratrices que d’autres</a>. Un des facteurs qui expliquent ces différences est la génétique : la curiosité <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2190/h8h6-qykr-keu8-gaq0?journalCode=icaa">fait partie intégrante de notre personnalité</a>, qui est en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002171">partie déterminée par notre patrimoine génétique hérité de nos parents</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818. Un avant-goût romantique du boom des fictions pleines de mondes imaginaires des 20ᵉ et XXIᵉ siècle ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Cependant, un autre facteur important détermine le niveau de curiosité des individus. Il est important de noter que la curiosité a des conséquences qui peuvent être néfastes pour un organisme – par exemple, si l’exploration ne paye pas, le temps passé à explorer est perdu. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002055">ces conséquences ne sont pas aussi négatives pour l’organisme selon s’il se trouve dans un environnement pauvre en ressources ou dans un environnement riche en ressources</a>.</p>
<p>L’évolution a donc façonné le système de la curiosité pour être flexible en fonction de l’environnement dans lequel se trouve un organisme, pour gérer ses « coûts » et ses « bénéfices ». Les scientifiques en écologie comportementale appellent cette flexibilité la <a href="https://www.edge.org/response-detail/27196">plasticité phénotypique</a>.</p>
<p>Dans des environnements prospères et donc prévisibles, les individus ont accès à davantage de ressources et sont donc moins susceptibles de faire l’expérience d’une pénurie ou d’un danger immédiat. Par conséquent, ils peuvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000271">se permettre d’être plus explorateurs et curieux, en prenant des risques</a> pour rechercher de nouvelles opportunités et expériences qui peuvent être bénéfiques à long terme.</p>
<p>En revanche, dans des environnements plus pauvres et plus imprévisibles, les risques associés à l’exploration sont plus élevés, car un échec peut entraîner des dommages importants. Dans de tels environnements, les individus devraient être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000143">plus motivés à se concentrer sur l’exploitation de leur environnement pour satisfaire leurs besoins immédiats</a>, plutôt que de prendre des risques pour explorer de nouvelles opportunités.</p>
<p>Des études ont confirmé que chez des espèces aussi différentes que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/27270675_The_Significance_of_Ecological_Factors_for_Exploration_and_Neophobia_in_Parrots">perroquets</a> et les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Sofia-Forss-2/publication/279631853_Contrasting_Responses_to_Novelty_by_Wild_and_Captive_Orangutans/links/5a532cd30f7e9bbc10568f28/Contrasting-Responses-to-Novelty-by-Wild-and-Captive-Orangutans.pdf">orangs-outangs</a>, les individus qui ont été nourris ou ont un accès direct à de la nourriture sont plus curieux que les autres, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<p>Chez les humains, des études montrent que les habitants de sociétés dotées d’un produit intérieur brut par habitant plus élevé (qui bénéficient donc de meilleures conditions de vie, en matière d’alimentation, d’accès au soin, et d’accès à l’éducation) sont en <a href="https://www.sociostudies.org/journal/articles/2189446/">moyenne plus ouverts à de nouvelles expériences</a>. D’autres études montrent que les individus vivant dans des familles qui bénéficient de meilleures conditions de vie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28238826/">sont plus curieux</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/08902070221078479?journalCode=erpa">ont moins de chance de voir leur niveau de curiosité décroître</a> en grandissant, et que cela peut expliquer les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rstb.2021.0345">différences de capacités d’apprentissage qu’on observe entre des pays qui n’ont pas le même niveau de développement économique</a>.</p>
<h2>L’attrait pour les mondes imaginaires</h2>
<p>Nous avons ainsi formulé <a href="https://www.edgardubourg.fr/_files/ugd/9c54f0_80037d57932f446ba20010547087a5fc.pdf">l’hypothèse selon laquelle le succès culturel récent des mondes imaginaires s’explique par l’amélioration des conditions de vie</a> au cours des dernières décennies. Cette amélioration des conditions de vie <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/6CBACB4C2DFB11F5A13D3B4A5E9E2EB4/S0140525X1800211Xa.pdf/psychological-origins-of-the-industrial-revolution.pdf">aurait mené à des changements de mentalité majeurs</a>. Notamment, comme l’environnement des individus devient plus prévisible et plus sûr, les coûts liés à la curiosité pour des environnements nouveaux diminuent. Cette évolution des mentalités pourrait donc expliquer l’accroissement de la popularité et de la richesse des mondes imaginaires. Bien sûr, explorer des mondes imaginaires ne comporte aucun risque en soi, mais, encore une fois, la frontière entre la réalité et la fiction importe peu en la matière. Seule compte la sensibilité de nos préférences : il faut être curieux des environnements nouveaux dans la vie réelle pour trouver attrayants les mondes imaginaires dans les fictions.</p>
<p>Nous avons d’abord montré, dans une <a href="https://psyarxiv.com/d9uqs">étude à paraître</a>, que le niveau de curiosité des individus est en effet corrélé à leur préférence pour les mondes imaginaires : les personnes plus exploratrices aiment davantage les mondes imaginaires, les personnes moins exploratrices les aiment moins. Nous avons ensuite regardé l’évolution des mondes imaginaires dans les romans et les films : environ 10 % des films produits et 10 % des romans parus développent un monde imaginaire au début du XX<sup>e</sup> siècle, contre environ 20 % d’entre eux aujourd’hui. Cela correspond à une augmentation de 100 % en un siècle, dans les deux médias. Cette augmentation suit l’augmentation permanente du niveau de richesses des pays industrialisés tout au long du XX<sup>e</sup> siècle. Bien que cette association ne prouve pas l’existence d’un lien causal, elle tend à confirmer notre hypothèse selon laquelle la popularité croissante de ces mondes imaginaires s’explique en partie par la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie, qui augmenterait naturellement la motivation de lecteurs et lectrices, et des téléspectateurs et téléspectatrices, à explorer ces nouveaux mondes.</p>
<p>Nos recherches s’inscrivent dans un projet plus global qui vise à une meilleure compréhension de notre attrait pour les fictions, grâce à notre compréhension de la psychologie humaine. Par exemple, en comprenant d’où vient la peur et comment cette émotion fonctionne, on peut <a href="https://academic.oup.com/book/4159">mieux comprendre notre attrait pour les films d’horreur et les attractions effrayantes</a>.</p>
<p>Inversement, ces recherches peuvent aussi mener à une meilleure compréhension de la psychologie, grâce aux fictions. Par exemple, <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-022-01292-z">tracer l’histoire de la représentation de l’amour dans les textes littéraires permet de mieux comprendre l’histoire du sentiment amoureux et les facteurs de ses fluctuations</a>, dont les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691614561683">bases psychologiques et biologiques sont désormais bien connues</a>.</p>
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<p><em>Cet article est issu d’un <a href="https://cognition.ens.fr/fr/news/semaine-du-cerveau-2023-lens-16860">cycle de conférences proposées par l’ENS-PSL dans le cadre de la 25ᵉ édition de la Semaine du cerveau</a>, du 13 au 17 mars 2023. À cette occasion, des chercheuses et chercheurs proposent des interventions sur le thème « pensée et émotions : du réel à l’imaginaire ». Retrouvez Edgar Dubourg le 14/03 à 18h30 pour la conférence : « Comment expliquer notre fascination pour les mondes imaginaires ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edgar Dubourg a reçu des financements de l'École Normale Supérieure-PSL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Baumard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS et de l'université PSL. </span></em></p>La curiosité joue un rôle central dans notre engouement pour des univers fictifs riches et innovants.Edgar Dubourg, Doctorant en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLNicolas Baumard, Chercheur en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.