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festival – The Conversation
2023-08-27T19:01:03Z
tag:theconversation.com,2011:article/210682
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Le festival Sounds of Sahara, symbole éphémère d’une Tunisie novatrice et résistante
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544894/original/file-20230827-94298-7jvzq5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C9%2C2087%2C1418&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le set du groupe électro Jugurtha au festival Sounds of Sahara, en mars 2017. </span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran Youtube</span></span></figcaption></figure><p>Sous le régime autoritaire tunisien d’avant la révolution de 2011, l’organisation des manifestations culturelles n’échappait jamais au contrôle du pouvoir politique et ses institutions de tutelle. L’art et la culture étaient instrumentalisés pour promouvoir l’action politique du président déchu et de son parti. Comme nous l’avons montré dans <a href="https://www.theses.fr/2009TOU20031">nos travaux</a>, la scène culturelle et artistique était alors caractérisée par l’absence de manifestations avant-gardistes ou encore subversives en privilégiant celles à forte teneur politique et patrimoniale : festivals dédiés aux patrimoines historiques, culinaires, religieux et aux chants patrimoniaux. Citons à titre d’exemples le <a href="https://www.festivaldouz.org.tn/">festival international du Sahara</a> organisé à Douz depuis 1967 et le <a href="http://www.rtci.tn/festival-international-ksours-sahariens-tataouine-les-1819-20-mars-2023/">festival international des Ksour sahariens</a> né en 1979 à Tataouine dans le Sud tunisien.</p>
<p>Après la révolution, la vie culturelle du pays (du nord au sud) s’est ouverte à de nouveaux concepts à travers le foisonnement des <a href="https://mixmag.fr/feature/scene-electronique-tunisienne-assembl%E9e-17">festivals de musique électronique</a> ou encore de théâtre avec le <a href="https://www.tunisie.fr/1ere-edition-du-festival-international-du-theatre-au-sahara/">festival international de théâtre au Sahara</a>. Innovants, ces festivals cherchent à cultiver une image contemporaine, engagée et plus branchée.</p>
<h2>Les festivals de musique se multiplient</h2>
<p>Les festivals de musique rencontrent en Tunisie, comme dans d’autres pays du Maghreb (Maroc, Algérie), une croissance assimilable à une <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_57_1_1705">festivalomanie</a> qui touche autant les villes que les villages. Ces évènements, outre leur dimension artistique et culturelle, entretiennent un lien avec des territoires souvent fragiles et marginalisés. Ils participent à de nouvelles dynamiques sociétales et touristiques.</p>
<p>En février 2011, en plein couvre-feu décrété sur la capitale Tunis et sa région en raison de la situation sécuritaire incertaine après la chute de Ben Ali, le festival <a href="https://mixmag.fr/feature/scene-electronique-tunisienne-assembl%E9e-17">Under Couvre Feu</a> a été précurseur. Cette manifestation défiait les interdits : 1200 personnes se sont retrouvées pour danser afin de récolter des fonds pour venir en aide à l’hôpital de Sidi Bouzid, ville charnière dans la révolution populaire tunisienne suite à l’immolation par le feu du jeune Mohammed Bouazizi.</p>
<p>L’évènement a inspiré la création d’autres festivals de la scène électronique partout dans le pays grâce à des associations, à des collectifs d’artistes alternatifs, de passionnés et d’activistes engagés souhaitant rompre avec la censure et la répression qu’exerçait l’ex-président. Ces événements incarnent des formes d’engagement pour la valorisation du patrimoine et des paysages tunisiens (<a href="https://tunisie.co/web-tv/407/dunes-electroniques">Les dunes électroniques</a>, <a href="https://tunisie.co/article/5389/sortir/festivals/sounds-223115">Sounds of Sahara</a>) ou encore pour la protection de l’environnement (<a href="https://mixmag.fr/feature/fairground-festival-la-scene-electro-tunisienne-prend-son-envol">Fairground festival</a> à l’Ecovillage à Sousse au Nord-est et <a href="https://lexpertjournal.net/fr/dougga-fest-sound-of-stones-une-premiere-edition-unique-en-son-genre-en-tunisie/">Sound of stones</a> à Dougga au Nord-ouest). La première édition de ces festivals s’est déroulée respectivement à Tunis 2011, à Nefta 2014, à Sousse 2014, à Tozeur 2016, à Sousse 2016 et à Dougga 2017 avec l’appui de plusieurs instances et associations.</p>
<p>Pour faire face à la crise touristique, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat tunisien, en collaboration avec les professionnels du secteur, prennent des mesures pour gérer et atténuer les dégâts provoqués par les deux attaques terroristes qui avaient visé le musée national de Bardo à Tunis le 18 mars 2015 et un hôtel dans la ville de Sousse. Ainsi, <a href="https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2158">l’industrie touristique mise désormais sur l’événementiel</a> et l’exploitation de la culture sous toutes ses formes. Elle expérimente de nouvelles niches telles que les festivals de musique électronique.</p>
<h2>Résistance et engagement citoyen</h2>
<p>Le festival de musique électronique Sounds Of Sahara (S.O.S), qui s’est tenu en 2016 et en 2017, s’inscrit dans une dynamique festivalière faisant circuler divers discours, images et sonorités qui participent de la <a href="http://liseuse.harmattan.fr/978-2-343-19303-8">visibilité du territoire</a> au niveau national et international. Ce festival a investi la région du Jérid, vivant essentiellement de l’activité touristique, et qui souffre de l’instabilité politique du pays et des répercussions des attaques terroristes.</p>
<p>Conçu et mis en place suite à un appel au secours lancé par l’office du tourisme, le festival se présente selon son directeur comme un <a href="https://www.webmanagercenter.com/2017/03/13/404188/le-festival-de-musique-electronique-sounds-of-sahara-au-secours-du-tourisme-saharien-dans-les-decors-naturels-de-smaira/">SOS pour sauver la région</a> et plus largement la Tunisie dans un esprit de solidarité.</p>
<p>Ainsi, des collectifs d’artistes alternatifs, de passionnés et d’activistes engagés souhaitant rompre avec le contrôle qu’exerçait l’ex-président Ben Ali sur la culture et l’art et des stars internationales ont été invités pour soutenir la région et relever le défi : mixer en plein désert et en période d’état d’urgence proclamé dans tout le pays.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.facebook.com/90minutes.TV/videos/1254422097926982/">DJ internationaux</a> ont répondu présents venus de France, Angleterre, Allemagne et Espagne. Attirés par l’occasion de mixer dans des décors mythiques, les DJ s’engagent dans un projet à forte connotation sociale : empêcher la fermeture des hôtels, source d’emploi pour plusieurs familles dans la région, et porter le regard vers cette destination touristique pour faire revenir les vacanciers.</p>
<p>Pendant les trois jours du festival, le Jérid tunisien est devenu l’objet de désir touristique, de consommation visuelle et sonore. Un public de quatre mille personnes en provenance essentiellement du Sud tunisien, du Nord-est et Nord-ouest ainsi que de l’Algérie et de France a contribué au succès de la manifestation et dynamisé les villes de Nefta et de Tozeur. Les hôtels menacés de fermeture ont accueilli les soirées DJ et hébergé les musiciens et festivaliers qui en ont profité pour visiter une « ville en fête ».</p>
<p>Aussi Sounds of Sahara traduit-il une forme de résistance face à la violence extrémiste. Le slogan de la deuxième édition « On n’arrête pas un peuple qui danse ! », comme nous l’a explique la chargée de communication du festival, est révélateur du souhait de lutter contre les idées intégristes hostiles à toute forme artistique : la musique, la danse, tout simplement la fête. Aussi, la médiatisation du festival par des <a href="https://tv-programme.com/le-supplement_magazine/le-supplement_e364728">chaînes de télévision étrangères</a>, telle que Canal+, met en exergue ces propos de résistance.</p>
<p>L’évènement s’est également construit autour de l’idée d’un « festival qui veut lutter contre Daesh » : symbole d’ouverture, de solidarité et de résistance d’un peuple face à la violence extrémiste qui a frappé la Tunisie, mais aussi des pays Européens.</p>
<h2>Un territoire en crise</h2>
<p>Le touriste est interpellé pour vivre une expérience sensorielle et émotionnelle unique dans l’espace désertique, de « voyager hors des sentiers battus » selon le directeur du festival. L’imagerie touristique du Sahara tourne autour de la découverte, de l’aventure, de la contemplation et de l’exploration. Mais le Jérid tunisien entretient également une relation forte avec le cinéma.</p>
<p>Depuis les années 70, le septième art fait partie de son histoire et ce à l’échelle internationale. En effet, la région héberge depuis 1976 le décor du tournage de la saga Star Wars où Georges Lucas avait construit la cité MOS ESPA, capitale de sa planète Tatooine. Ce décor a été construit spécialement pour le tournage en plein désert à 20 km de Nefta. A la fin du tournage, les autorités tunisiennes ont demandé à l’équipe du film de ne pas démonter ces décors. Déjà bien connu des habitants de la région et des touristes, ce site est un produit de marque territoriale mis en avant par Sounds of Sahara. Le comité d’organisation du festival a saisi l’opportunité que la région abrite ce décor ainsi que la sortie du 7e épisode de la Guerre des étoiles en décembre 2015 pour créer une harmonie magique entre la musique électronique et les vestiges de ce film de science-fiction.</p>
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<p>La soirée d’ouverture de la première édition 2016 s’est déroulée en plein décor « Mos Espa », aménagé pour accueillir des scènes de musiques électroniques non issues de la culture du désert. Utiliser la structure et l’imaginaire de ce site traduit la démarche artistique des organisateurs privilégiant des interactions entre lieu, expression et événement mettant ainsi le <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/2155">public dans des situations inhabituelles, voire insolites</a>. Ce qui participe à la connaissance et à la valorisation de ce patrimoine cinématographique.</p>
<p>Les organisateurs souhaitaient concentrer les moments forts du festival dans cet univers imaginaire « Star Wars » qui joue la marque de la « lisibilité du territoire » hôte et suscite l’intérêt d’un visiteur à la recherche d’expérience. Il est in fine instrumentalisé afin de marquer le territoire et en créer une image qui dépasse le temps du festival. Cet univers a d’ailleurs fait l’objet d’une campagne participative de sauvegarde et de restauration lancée en 2010 par l’association de développement du tourisme oasien et saharien, financée par des fans du monde entier.</p>
<p>le festival offre un <a href="https://wildproject.org/livres/le-paysage-sonore">paysage sonore</a> favorisant l’interaction avec une culture musicale contemporaine et internationale (Funky, House et Tech music, Progressive, Trance, Hardtek, électro-jazz) dans une perspective d’innovation, de dialogue avec l’autre et d’aspiration à la liberté et au changement.</p>
<p>Sounds of Sahara a certes montré sa capacité de créer et d’exporter des images de sécurité, de fête et de résistance en faveur de la région dans un contexte de crise et d’insécurité, cependant il n’a pas su s’inscrire dans la durée. La troisième édition SOS 2018 prévue à Chott El-Jérid n’a pas eu lieu. Les organisateurs ont rencontré des difficultés d’ordre logistique et stratégique liées notamment à l’inaccessibilité des vols vers la région.</p>
<p>Aujourd’hui, les initiatives de création de nouveaux festivals en Tunisie sont nombreuses, reste à savoir comment les inscrire dans des stratégies de management et de développement territorial de manière à ce qu’elles ne soient pas réduites à des expérimentations éphémères. L’activité festivalière se diversifie en accueillant le festival <a href="https://lapresse.tn/142894/rouhaniyet-2022-le-grand-retour/">Rouhaniyat de musique soufie</a>, <a href="https://calendrier.tunisie.co/evenement/3076/le-tozeur-international-film-festival-du-6-au-11-decembre-133311/">Tozeur international film festival</a> ou encore les <a href="https://kapitalis.com/tunisie/2019/07/15/la-2e-edition-du-festival-les-ondes-du-desert-les-21-et-22-mars-2020-a-kebili/">ondes du désert</a>.</p>
<p>Certes, la démultiplication de festivals dans le Sud tunisien représente une opportunité pour renouveler et amplifier le fonctionnement touristique de la région. Cependant, ces manifestations gagneraient à s’inscrire amplement dans une réflexion culturelle et politique sur les possibilités de repositionnement du tourisme saharien par la culture en impliquant les acteurs étatiques, privés et associatifs ainsi que la population locale dans une approche festivalière durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nozha Smati ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La démultiplication de festivals dans le Sud tunisien représente une opportunité pour renouveler et amplifier le fonctionnement touristique de la région.
Nozha Smati, Enseignante chercheuse, Université de Lille
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tag:theconversation.com,2011:article/210573
2023-08-17T20:55:11Z
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Les bénévoles de festivals, entre employés partiels et festivaliers
<p>Véritable fait social, les festivals – de musique, de cinéma, de littérature, d’arts de la rue… - accueillent chaque année près de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/festival-plus-qu-un-evenement-culturel-un-fait-social-8190635">11 millions de personnes</a> en France. Au-delà des enjeux économiques, les festivals revêtent également une grande importance pour des <a href="https://www.culture.gouv.fr/Actualites/%C3%89tats-generaux-les-festivals-se-reinventent-a-l-heure-de-la-crise-sanitaire">raisons culturelles, sociales, territoriales et humaines</a>. Au niveau politique, les acteurs locaux des régions, départements, métropoles, grandes villes mais aussi de certaines communes rurales cherchent à développer les festivals sur leurs territoires. Aujourd’hui, on ne compte pas moins de 6000 festivals en France, dont <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/festival-plus-qu-un-evenement-culturel-un-fait-social-8190635">4000 dédiés à la musique</a>. L’ensemble du territoire est plutôt bien doté, <a href="https://www.liberation.fr/apps/2023/06/festival-ete-2023/">notamment en période estivale</a>. Cet écosystème festivalier regroupe de nombreuses parties prenantes : organisateurs, artistes, financeurs publics (subventions) et privés (sponsoring et mécénat), techniciens, publics… mais aussi des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/festival-plus-qu-un-evenement-culturel-un-fait-social-8190635">bénévoles sans lesquels de nombreux festivals ne pourraient pas subsister</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-succes-grandissant-des-festivals-de-musiques-actuelles-118620">Comment s’explique le succès grandissant des festivals de musiques actuelles ?</a>
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<h2>Le rôle clé des bénévoles</h2>
<p>Les bénévoles jouent un rôle clé dans l’organisation des festivals et ils constituent de fait une ressource essentielle qu’il convient de fidéliser. Ils participent à la co-création (avec les salariés) du festival en réalisant de nombreuses tâches. Qu’elles/ils soient <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KJ7d2lzUvfg">désoiffeurs</a>, au ramassage des déchets, à l’accroche-bracelets, au merchandising, aux bars VIP et public, à la restauration pour d’autres bénévoles, aux caisses, au montage/démontage des scènes et structures, à l’accueil artiste, au catering, leur présence est essentielle. La diversité des tâches qui leur sont confiées impacte en effet l’entièreté du festival et la réussite de la prestation. Prenons trois exemples pour démontrer l’importance des bénévoles et de leurs missions.</p>
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<li><p>À l’accroche-bracelet, ce sont les premières personnes que rencontrent les festivaliers. Ils sont ici pour faciliter la fluidité des flux de festivaliers et s’assurer que les festivaliers disposent bien de leur pass ;</p></li>
<li><p>Au <em>catering</em>, les bénévoles sont en contact avec les artistes, ils doivent s’assurer qu’ils ne manquent de rien et répondre à leurs exigences ;</p></li>
<li><p>Au bar, les bénévoles servent différentes boissons, ils font face à de nombreuses personnes qui attendent, et doivent par conséquent être efficaces pour satisfaire au maximum les festivaliers qui n’ont que peu de temps entre deux spectacles. D’un point de vue financier, il s’agit d’un poste qui peut générer des revenus conséquents. Au Hellfest, on estime à <a href="https://actu.fr/pays-de-la-loire/clisson_44043/hellfest-2022-la-biere-a-encore-coule-a-flots-plus-de-3-millions-de-demis-ont-ete-consommes_52100670.html">10 millions d’euros brut</a> la vente des 800 000 litres de bière de l’édition 2022.</p></li>
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<figcaption><span class="caption">Le bénévole, acteur incontournable d’un festival.</span></figcaption>
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<p>Ainsi, leurs missions revêtent une importance non négligeable quant à la bonne gestion des flux, à l’organisation générale, au bien-être des festivaliers et des artistes notamment. Ils représentent une manne conséquente pour les organisateurs des festivals qui leur font confiance et leur confient des tâches très spécifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-darons-en-festival-electro-choc-des-generations-a-tomorrowland-201036">Les « darons » en festival électro : choc des générations à Tomorrowland ?</a>
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<h2>Des motivations à saisir</h2>
<p>À titre d’illustration, le Hellfest, un des plus importants festivals de musiques actuelles en France, accueillant chaque année près de 240 000 festivaliers, mobilise près de <a href="https://www.20minutes.fr/culture/musique/4041321-20230615-hellfest-2023-gigantisme-strategie-tient-insiste-directeur-ben-barbaud">5000 bénévoles à chaque édition</a>. Il y aurait même plus de 2000 bénévoles en liste d’attente. Pour les Vieilles Charrues et ses 270 000 festivaliers, ce sont plus de <a href="https://www.vieillescharrues.asso.fr/benevoles/">130 associations et 700 bénévoles</a> qui œuvrent pendant toute la durée de l’évènement. Mais qu’est-ce qui motive ces bénévoles à s’investir dans l’organisation et l’animation des festivals ?</p>
<p>De nombreuses études se sont attachées à comprendre les motivations des bénévoles. Elles décrivent par exemple <a href="https://www.proquest.com/openview/2cd5e063c8c2551d98a864ecfafc8575/1?pq-origsite=gscholar&cbl=1816420">trois motivations générales</a> : normative et altruiste, basées sur le souci des autres ; utilitaire, qui implique des bénéfices indirects du bénévolat ; et affective, qui repose sur des relations interpersonnelles qui peuvent avoir des conséquences positives. </p>
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<p>Des psychologues ont réalisé un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1998-02892-008">inventaire des fonctions du bénévolat</a>, ils suggèrent six motivations principales : les valeurs (préoccupations altruistes et humanitaires), l’aspect social (renforcer les relations sociales ou obtenir l’approbation des communautés), la compréhension (désir d’acquérir de nouvelles expériences d’apprentissage ou compétences), la carrière (obtenir une expérience liée à la carrière et augmenter les perspectives d’emploi), la protection (réduire les sentiments négatifs) et l’amélioration (augmenter l’estime de soi et se sentir utile). <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/08933189211023993">Une étude plus récente</a> montre que les bénévoles sont particulièrement sensibles à l’autonomie dont ils vont jouir pendant la réalisation de leurs tâches, à la qualité de la relation avec l’organisaton ainsi qu’à l’absence de pression quant à leur engagement.</p>
<h2>Le bénévole entre employé et consommateur</h2>
<p>Les recherches menées sur le bénévolat adoptent souvent la perspective du bénévole sous un angle <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969698919302280">« employé partiel »</a>. Cependant, le statut de bénévole est complexe puisqu’il travaille pour une organisation et participe donc à sa création, mais il peut aussi profiter de l’évènement proposé par l’organisation. Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296322009730">récent travail de recherche</a>, nous avons adopté une perspective différente en considérant les bénévoles d’un festival de musiques actuelles à la fois comme des employés et des consommateurs.</p>
<p>En effet, les bénévoles aident les organisateurs des événements en réalisant diverses missions. Mais ils peuvent ensuite profiter de l’évènement, le consommer, notamment grâce à leur statut de bénévole. Même s’ils disposent de moins de liberté, en termes de temps, que les festivaliers car ils ont une mission à réaliser, ils peuvent néanmoins bénéficier d’une expérience enrichie. Plus précisément, sur la base d’entretiens individuels, d’entretiens de groupes et d’observation participante, notre étude montre qu’en raison de leur double rôle d’employé et de consommateur, les bénévoles profitent de trois dimensions auquel un festivalier lambda n’a pas accès.</p>
<h2>Des dimensions sociales, de privilège et de fierté</h2>
<p>Tout d’abord, les bénévoles vivent une expérience sociale enrichie, qui leur permet de rencontrer de nombreuses personnes, à commencer par les autres bénévoles, techniciens et membres de l’organisation avec qui ils peuvent tisser de vrais liens professionnels. Mais parce qu’ils ont accès aux coulisses du festival, les bénévoles peuvent également avoir l’occasion de rencontrer des artistes et même d’échanger avec eux. De plus, travailler pour le festival facilite les échanges avec les festivaliers, parce que ceux-ci voient les bénévoles comme des insiders auprès de qui ils peuvent en savoir plus sur le festival.</p>
<p>Ensuite, vivre le festival avec le statut de bénévole offre plusieurs privilèges que les spectateurs ordinaires n’ont pas. Les bénévoles ont accès à des installations propres dédiées (douches, toilettes), au merchandising du festival gratuitement, à des campings sécurisés, et à une restauration gratuite et de qualité. Et contrairement aux festivaliers qui doivent faire la queue pour se restaurer ou se désaltérer, les bénévoles n’attendent quasiment jamais et sont systématiquement servis en priorité par d’autres bénévoles ou ont même accès à des bars spéciaux.</p>
<p>Enfin, l’expérience des volontaires repose sur un sentiment de fierté. Parce que les bénévoles sont à la fois des consommateurs et des membres de l’organisation, ils ont l’occasion de vivre le festival avec le sentiment d’y avoir contribué, ce qu’un festivalier typique ne peut pas ressentir. Ce sentiment englobe trois facettes : la sensation d’avoir participé au succès du festival, la satisfaction d’avoir contribué à proposer une expérience de qualité aux festivaliers et la reconnaissance par la direction.</p>
<h2>Comprendre les bénévoles pour mieux les recruter et les fidéliser</h2>
<p>Au final, les résultats de cette étude invitent donc les responsables de festivals à ne pas considérer les bénévoles uniquement comme des employés partiels de l’organisation, mais également comme des festivaliers.</p>
<p>En intégrant le fait que les bénévoles peuvent décider de s’impliquer en raison de la possibilité de vivre le festival de l’intérieur, les responsables peuvent bénéficier de nouveaux arguments pour recruter et fidéliser leurs bénévoles. En termes de recrutement, il s’agit de mettre en avant la possibilité de voir l’envers du décor, de suggérer certains des avantages dont bénéficient les bénévoles ou encore d’insister sur la multiplicité des interactions que la fonction de bénévole permet. En matière de fidélité, il s’agit de s’assurer que le bénévole, lorsqu’il a assuré sa tâche, a la possibilité de vivre l’expérience comme un festivalier… mais en mieux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Mais qu’est-ce qui motive les bénévoles à s’investir dans l’organisation et l’animation des festivals ?
Damien Chaney, Professor, EM Normandie
Alice Sohier, Maître de conférence, enseignante chercheuse en Science de gestion, Université de Rouen Normandie
Romain Sohier, Enseignant-chercheur en Marketing - Laboratoire Métis, EM Normandie
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2023-07-26T18:17:51Z
2023-07-26T18:17:51Z
Du chemsex aux fêtes… La 3-MMC, cette drogue de synthèse qui gagne du terrain chez les jeunes
<p>La <a href="https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/trend/syntheseTREND2018_Paris_SSD.pdf">3-MMC</a> est une drogue de synthèse (ou <em>research chemical</em>) appartenant à la famille des cathinones, molécules ayant des propriétés stimulantes et empathogènes. Elle se présente sous la forme de poudre ou de cristaux, et est principalement consommée en sniff ou en injection.</p>
<p>La consommation de 3-MMC, associée à celle de GHB/GBL, est initialement <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2017-2-page-151.htm?contenu=resume">rattachée au milieu du <em>chemsex</em></a>, pratique de consommation de drogues en contexte sexuel, qui est essentiellement le fait d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), dans des contextes de sexe à plusieurs. Les <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/thema/chemsex-slam">chemsexeurs</a> attribuent souvent à la 3-MMC des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1158136019300556">propriétés aphrodisiaques</a> facilitant les rapports sexuels (augmentation du désir, facilité à avoir une érection, retardement de l’éjaculation…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">« Chemsex » : les dessous de l’alliance dangereuse du sexe et des amphétamines</a>
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<p>Ces dernières années, une diffusion des usages de 3-MMC au-delà des contextes de chemsex est constatée par différents acteurs travaillant dans le champ de la réduction des risques. Cette substance est désormais consommée par des hommes et des femmes qui ne s’identifient pas toujours comme LGBTQI+, et en dehors de tout contexte sexuel.</p>
<p>Cette tendance est notamment rapportée en Nouvelle-Aquitaine par des usagers et usagères et par des professionnels de réduction des risques, interrogés dans le cadre de cette enquête. Cet article met en lumière, de manière sociologique, les motivations à la consommation de 3-MMC d’usagers qui ne sont pas chemsexeurs, les réseaux de vente de cette substance et les conséquences sanitaires rapportées.</p>
<h2>Des motivations liées au coût et aux effets de la 3-MMC</h2>
<p>Les usagers et usagères de 3-MMC semblent être le plus souvent des personnes jeunes, plutôt insérées socialement et polyconsommatrices, qui ont expérimenté d’autres drogues illicites (cannabis, cocaïne, MDMA/ecstasy…) avant d’essayer la 3-MMC. Certaines ont été initiées par des amis pratiquant le chemsex ou proches de ce milieu, d’autres par des personnes hétérosexuelles éloignées du chemsex. Les consommations ont presque systématiquement lieu en contexte festif, dans des clubs techno et des <em>raves</em> urbaines, parfois lors de soirées privées. D’après des intervenants en espace festif alternatif en Nouvelle-Aquitaine, les usages de 3-MMC semblent plus rares dans les <em>free parties</em> en espace rural, les usages étant davantage visibles en ville.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouvelles-drogues-les-cathinones-de-synthese-circulent-de-plus-en-plus-en-france-187684">Nouvelles drogues : les cathinones de synthèse circulent de plus en plus en France</a>
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<p>Les usagers rapportent apprécier les effets de ce produit, qui se situent entre ceux de la MDMA/ecstasy (amplification des ressentis sensoriels, effets entactogène et empathogène) et de la cocaïne (diminution de la sensation de fatigue, facilité à aller vers autrui et à échanger). Ils consomment principalement en sniff. Arthur a 22 ans, travaille dans le secteur de la restauration et consomme des substances diversifiées, notamment de la 3-MMC en contexte festif (essentiellement en club techno et dans des <em>afters</em> privées). Il apprécie les effets stimulants de la 3-MMC, qui lui donne « envie de faire des trucs » : « Tu prends une trace et tu cours un marathon ! » Contrairement à de nombreux chemsexeurs, Arthur ne lie pas ce produit à un effet aphrodisiaque, affirmant que cette consommation ne lui donne « pas envie de baiser ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Bu7khVwlOb8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Trois minutes sur : 3-MMC, la nouvelle cocaïne ? (OFDT, 2023).</span></figcaption>
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<p>Autre élément central rapporté par les consommateurs, le coût : le prix au gramme de la 3-MMC en Nouvelle-Aquitaine est d’environ 40 euros (avec un prix bas de 30 euros et un prix haut de 50 euros), contre un prix courant de 60 euros le gramme pour la cocaïne.</p>
<p>Dans son mémoire de sociologie intitulé <em>Les nouveaux produits de synthèse : entre politiques prohibitives et a priori. Étude des particularités des carrières de consommateurs de 3-MMC</em>, réalisé à l’Université de Bordeaux, <a href="https://www.linkedin.com/in/m%C3%A9lina-lapeyronie-soula-367473280/">Mélina Lapeyronie-Soula</a> a interrogé neufs consommateurs de 3-MMC, dont huit ne pratiquent pas le chemsex. La plupart des usagers interrogés présente le faible coût de ce produit, comparé à celui de la cocaïne, comme une motivation importante à l’usage. Selon Mélina Lapeyronie-Soula, le fait que la 3-MMC ait des effets proches de deux drogues bien connues et appréciées des usagers (la MDMA/ecstasy et la cocaïne) et que son prix soit assez faible contribue à sa diffusion en espaces festifs.</p>
<h2>Vente en ligne de drogues, livraison et achat en espaces festifs</h2>
<p>La 3-MMC a toujours été commandée <em>via</em> Internet par les chemsexeurs, qui se procurent la substance sur le <em>dark web</em> et sur des sites illégaux sur le <em>surface web</em>. Du fait des changements législatifs autour des drogues de synthèse, notamment concernant les <a href="https://nltimes.nl/2021/05/27/netherlands-restricts-designer-drug-3-mmc">plateformes de vente aux Pays-Bas</a>, les molécules vendues comme de la 3-MMC peuvent régulièrement s’avérer être des dérivés (notamment de la 3-CMC, aux propriétés similaires). Pour les chemsexeurs qui ne souhaitent pas acheter en ligne, il est possible de se fournir <em>in real life</em> (IRL) essentiellement via des réseaux d’usagers-revendeurs eux-mêmes chemsexeurs. On a donc depuis plusieurs années à faire à des réseaux de vente IRL très communautaires, assez fermés aux personnes ne pratiquant pas le chemsex.</p>
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<p>Ce modèle a évolué, et il est désormais possible pour des personnes éloignées du milieu du chemsex d’acheter de la 3-MMC IRL. La substance est vendue en espaces festifs par des <em>dealers</em> et usagers-revendeurs, au même titre que la cocaïne ou la MDMA/ecstasy. Il est également possible de se faire livrer de la 3-MMC à son domicile par des réseaux de livraison opérant dans la ville de l’usager, la substance n’échappant pas à <a href="https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/trend/lyon19.pdf"><em>l’ubérisation du deal</em></a> en cours depuis maintenant plusieurs années. Plusieurs usagers rapportent ainsi que la disponibilité de la 3-MMC s’est accrue en 2022 et 2023, et que la substance est désormais assez facile à trouver. Si Arthur estime que la 3-MMC reste moins disponible en espaces festifs que la cocaïne ou l’ecstasy, il rapporte que « <em>la 3</em> » est bien plus facile à acheter aujourd’hui :_ « C’est répandu maintenant, tu peux trouver facilement _ ».</p>
<h2>Les conséquences sanitaires de la consommation de 3-MMC</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0955395915000729">Les conséquences sanitaires ont bien été identifiées au sein du public chemsexeur</a>, qui peut cumuler trouble de l’usage de drogues et addiction au sexe, et qui est régulièrement confronté à des problématiques liées au consentement, aux pratiques sexuelles à risque et à des problématiques générées par l’injection. Concernant les conséquences spécifiquement rattachées à la 3-MMC, elles sont similaires à celles liées à la cocaïne (<em>craving</em>, insomnies, perte d’appétit…) et à la MDMA/ecstasy (redescentes difficiles avec idées noires, regret d’avoir accepté certaines pratiques sexuelles ou de s’être rapproché de personnes vers lesquelles l’usager n’aurait pas été s’il avait été sobre…).</p>
<p>Les usagers de 3-MMC en espaces festifs échappent aux problématiques associées au chemsex, mais pas aux conséquences directes de l’usage de cette substance qui, lorsqu’elle est consommée en sniff, semble particulièrement nocive pour les cloisons nasales. Les usagers se plaignent en effet de douleurs intenses lors de la prise en trace : Antoine, un usager polyconsommateur de 25 ans, a ainsi testé la 3-MMC et n’a pas apprécié, « parce que ça arrache le nez ».</p>
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<figcaption><span class="caption">La 3-MMC : une drogue d’initié devenue populaire (Libération, 2022).</span></figcaption>
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<p>Les professionnels de réduction des risques commencent à voir arriver dans leurs structures des usagers de 3-MMC qui ne sont pas chemsexeurs, et qui se plaignent d’une perte de contrôle de l’usage et des conséquences sanitaires rapportées. Une association de réduction des risques intervenant en <em>free</em> et <em>rave parties</em> explique ainsi que des usagers de 3-MMC se plaignent par exemple d’insomnie, de nausées, de <em>bad trip</em> et de <em>craving</em>. Ces usagers étant souvent polyconsommateurs, le motif de prise en charge initial en addictologie n’est pas toujours la 3-MMC ; d’après les professionnels rencontrés, la plupart des usagers semblent consulter pour des problèmes de consommation de cocaïne ou d’alcool.</p>
<p>Une éducatrice spécialisée en CSAPA bordelais a ainsi rencontré un usager consommant « de la 3-MMC en dehors de tout contexte sexuel, pour expérimenter, pour faire la fête », qui venait demander de l’aide pour ses « usages de cocaïne ». Notons cependant que, comme pour les autres drogues, la plupart des usages de 3-MMC sont récréatifs et n’entraînent pas de conséquences sanitaires majeures.</p>
<p>Si la 3-MMC est, pour le moment, moins visible en espaces festifs que d’autres psychostimulants, il y a fort à parier que sa diffusion ne fait que commencer, et que les expérimentations se multiplieront dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Perrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Initialement rattachée au milieu du chemsex, la 3-MMC se diffuse de plus en plus en milieu festif. Regard sur les motivations des consommateurs grâce à une enquête menée en Nouvelle-Aquitaine.
Sarah Perrin, Docteure en sociologie, Université de Bordeaux
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tag:theconversation.com,2011:article/207517
2023-06-13T18:00:28Z
2023-06-13T18:00:28Z
Le Hellfest : un sacré festival ?
<p>C’est officiel : en France, la saison des festivals de l’été est ouverte.</p>
<p>Le <a href="https://www.hellfest.fr/">Hellfest Open Air</a> est devenu en 16 ans l’un des plus grands festivals de musique « metal » d’Europe, accueillant près de 200 000 festivaliers en 2023. C’est aussi et surtout le rendez-vous annuel de la communauté metal (les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Metalhead">metalheads</a> qui se retrouve mi-juin chaque année à Clisson à quelques kilomètres de Nantes pour écouter leurs artistes favoris dont des groupes mythiques tels que Kiss, Metallica, Deep Purple, Motorhead, etc.</p>
<p>Un pèlerinage auquel tous les fans n’ont pas la possibilité de participer. Les places pour le festival sont en effet vendues en quelques heures dès l’ouverture de la billetterie, mi-octobre, alors que la programmation n’est pas encore annoncée. Cette rareté augmente la valeur perçue de l’expérience du festival, et de fait sa dimension exceptionnelle voire sacrée.</p>
<h2>Un festival de plus en plus populaire</h2>
<p>Ainsi, ce rite annuel <a href="https://www.cairn.info/nos-modes-nos-mythes-nos-rites--9782847694727.htm">est devenu un mythe</a>, si bien que sa notoriété mais aussi son image ont fortement évolué ces dernières années. Non seulement le Hellfest n’a plus cette image de rassemblement de satanistes que <a href="https://www.tourisme-espaces.com/doc/8668.festival-hellfest-clisson-retombees-economiques-musique-metal-plus-fortes-stigmatisation.html">certaines associations ont voulu lui attribuer</a>, mais pour certains, il est même devenu « the place to be ».</p>
<p>Il attire ainsi un public de plus en plus large comme le montrent les récentes études de <a href="https://actu.fr/pays-de-la-loire/clisson_44043/styles-de-musique-age-consommation-le-public-du-hellfest-en-pleine-mutation_59638749.html">Corentin Charbonnier</a> et de <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/hellfest-davantage-de-femmes-et-de-cadres-3491639">Christophe Guibert</a> et notamment des nouveaux festivaliers n’appartenant pas à la communauté « core » (au sens de noyau) metal.</p>
<p>Or, les codes communautaires très forts présents au Hellfest en font un festival à part. Les codes sociaux, les normes, la manière de communiquer, de se comporter, de vivre l’événement (ce qu’on appelle en marketing les logiques de consommation) observés lors d’une étude ethnographique pendant l’édition 2022 montrent qu’ils sont sensiblement différents de ceux observés dans d’autres festivals de musique lors d’autres études que j’ai pu mener (Musilac, Paléo Festival, <a href="https://theconversation.com/les-darons-en-festival-electro-choc-des-generations-a-tomorrowland-201036">Tomorrowland</a>, Jazz à Vienne, etc.).</p>
<p>Se pose alors la question de l’acculturation de ces nouveaux entrants dans la communauté du Hellfest – à défaut de l’être dans la communauté metal – afin de ne pas dénaturer la particularité de ce festival aux codes bien ancrés et respectés. Même si les observations montrent une forte appropriation des règles et normes sociales par les novices, certains comportements importés par les festivaliers « mainstream » peuvent transformer l’expérience spécifique Hellfest.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-festivals-nous-manquent-vraiment-160409">Pourquoi les festivals nous manquent vraiment</a>
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<h2>Un rituel sacré aux codes spécifiques</h2>
<p>Même si des différences sont observables en fonction des scènes (donc des styles de musique), au Hellfest l’expression des émotions, très codifiée, se fait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zkGa_BItnag">par la voix</a> (cris gutturaux) mais surtout par la posture.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531458/original/file-20230612-119811-ns2rka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Horns up, le symbole des metalheads/Hellfest 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
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<p>Soit en levant le <a href="https://www.rocknfolk.com/stories/mais-au-fait-dou-vient-le-signe-des-cornes/286099">poing, index et auriculaire levés</a>, (le « horns up », symbole de l’appartenance à la communauté) soit en hochant la tête plus ou moins fort (« headbanging »), soit en bousculant les autres, (le « pogo »). Martin, habitué du Hellfest, en témoigne : « quand je kiffe, que je suis content, je pousse les autres ». D’une manière générale, il n’y a pas d’intermédiaire entre le headbanging et le pogo : soit le festivalier est statique et bouge uniquement la tête, soit il se déplace en bousculant les autres. Le fait de danser ou sauter sur place – à l’exception des scènes underground, hardcore ou rock celtique – fait moins partie des normes culturelles de la communauté metal que pour d’autres cultures musicales.</p>
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<figcaption><span class="caption">Headbanging et densité sociale sur la mainstage du Hellfest 2022.</span></figcaption>
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<p>Alors que les drapeaux nationaux ou régionaux fleurissent et s’agitent de plus en plus dans le public des festivals de musique « grand public », on n’en trouve pas au Hellfest. La revendication d’appartenance territoriale n’est pas de mise ici, c’est à la communauté metal que l’on appartient.</p>
<p>Les tenues sont d’ailleurs soigneusement choisies en fonction des codes de son style de musique préféré (hardcore, death metal, stoner, etc.). Porter le tee-shirt de son groupe préféré, un kilt, ou arborer un look gothique suscite des interactions sociales entre festivaliers fans du même groupe, par exemple. Porter un tee-shirt ou une casquette d’une édition précédente du Hellfest permet aussi de montrer son adhésion à la communauté en marquant son attachement à la marque « Hellfest ».</p>
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<p>Les stands de merchandising sont d’ailleurs pris d’assaut dès le premier jour et il faut parfois attendre plus de 30 minutes pour garder un souvenir de ce pèlerinage. Le soin apporté au choix de la tenue vestimentaire est aussi révélateur de la sacralisation du moment, équivalent de la tenue du dimanche pour la messe. Pour les festivaliers plus âgés (plus de 40 ans), elle est prise très au sérieux. Pour les plus jeunes, des formes plus ludiques apparaissent avec parfois un détournement des codes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531603/original/file-20230613-19-kxz366.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tenues de festivaliers détournant les codes de la communauté métal au Hellfest 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
</figcaption>
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<h2>Le concert, moment de communion</h2>
<p>Le concert de metal, c’est du sérieux : on est là pour communier avec l(es) artiste(s) sur scène, profiter à fond de ce moment.</p>
<p>À l’exception du « pit » (la zone du pogo, qui ne concerne que quelques centaines de personnes sur les 30 ou 40 000 présentes pour un concert sur la scène principale), on observe peu d’interactions entre les spectateurs pendant les concerts. Les échanges émotionnels entre spectateurs, riches et nombreux, ont lieu en dehors des scènes.</p>
<p>Le concert s’apparente à un sermon que l’on écoute religieusement en répondant de manière docile et attentionnée aux injonctions des artistes (taper dans les mains, crier, faire un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Circle_pit">« circle pit »</a>, sans prendre d’initiative (ou très peu), contrairement à ce qui peut se produire dans d’autres concerts ou d’autres festivals.</p>
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<p><a href="https://www.francebleu.fr/emissions/podcast-clisson-rock-city-bienvenue-au-hellfest/les-publics-hellfest-un-reflet-metal-de-la-societe">Le metalleux</a> (hormis celui qui décide de « pogoter » devant la scène) n’est pas très proactif. L’étude de la foule montre que la majorité de ses actions sont des réactions aux demandes des artistes. Les mouvements du public du type « taper dans les mains en rythme » s’essoufflent assez vite dès lors que les artistes ne les sollicitent plus. Cette attitude réactive voire peu active diffère des données collectées sur d’autres terrains (électro, pop, jazz…).</p>
<p>L’organisation spatiale du public répond aussi au besoin du spectateur de vivre le moment de manière quasi religieuse. Ainsi la densité sociale du public est faible, même si pour la scène principale, elle augmente sur les 20 mètres devant la scène. Le spectateur n’est donc pas gêné par les autres. Selon Bertrand, habitué du Hellfest : « C’est hyper facile de circuler, c’est comme si on avait mis des points au sol pour chacun des festivaliers, pour qu’il ait sa zone de sécurité ».</p>
<p>Contrairement à ce qui se produit généralement au cours des concerts pop-rock, rap ou encore électro, les portables sont peu dégainés pour filmer le concert. Il se vit dans le présent. Cela s’explique aussi par la moyenne d’âge plus élevée que sur des concerts de rap par exemple. Mais ce n’est pas dans la culture metal, et dès lors que certains festivaliers ne respectent pas les codes, cela perturbe les autres comme le dit Rose lors d’un concert black metal de la scène Temple :</p>
<blockquote>
<p>« J’étais devant la scène au 2<sup>e</sup> rang, et devant moi des gens soit discutaient, soit filmaient, je savais qu’ils n’étaient pas dedans, et cela m’a pourri, ambiance émotionnellement complètement gâchée. »</p>
</blockquote>
<h2>La « violence bienveillante » du pogo</h2>
<p>Le pogo, cette pratique issue du mouvement punk qui consiste à se bousculer par les épaules, se retrouve sur chaque scène (hormis death metal et stoner). Ce sont les festivaliers qui sont dans le « pit » – zone devant la scène – qui s’adonnent à cet échange, ce partage d’émotions qui lui aussi est codifié. Rose, 50 ans, qui aime pogoter, en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Les mecs qui ne partagent pas dans le pogo, c’est des gros connards, ça ne se passe pas bien, tu peux te faire mal, il y a de la violence dans le pogo, mais il y a de la bienveillance, mais les mecs qui sont là pour chercher la baston, ça va pas, et ceux-là ils se font vite sortir ».</p>
</blockquote>
<p>Quand quelqu’un tombe ou perd sa chaussure, un cordon de sécurité est directement mis en place par les autres « pogoteurs » pour sécuriser la personne. <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2022-2-page-358.htm">De plus en plus de femmes s’adonnent à cette danse de contact physique</a>.</p>
<p>Il n’y a d’ailleurs aucune zone tampon entre l’espace des pogoteurs et les autres spectateurs. La rupture est nette entre leur agitation et l’immobilisme du reste des spectateurs, que personne ne vient déranger. Cette « violence bienveillante » est caractéristique des pogos de la scène metal. Cela les différencie des pogos sans codes ni bienveillance que l’on voit apparaître récemment dans des concerts de rock ou de rap, avec des publics plus jeunes et quasi exclusivement masculins.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oDxjaPhBhRE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Avec sa dimension très codifiée, le Hellfest, tel un village gaulois, résiste pour l’heure aux tendances sociétales observées dans les festivals mainstream ou moins communautaires.</p>
<p>Vivre le moment présent, en segmentant les activités (un temps pour échanger, un temps pour communier, etc.) en est un des fondements. La condition du maintien de cette expérience sacrée réside dans le respect de ces codes communautaires <a href="https://www.youtube.com/watch?v=olFO-F-85-A">« authentiques »</a>.</p>
<p>Même si le Hellfest n'échappe pas <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/clisson/hellfest-2023-les-coulisses-d-un-festival-d-enfer-2791782.html">aux problématiques liées au harcèlement moral ou aux violences sexistes et sexuelles</a>, les valeurs de partage, de respect des règles et des autres, la solidarité et la bienveillance sont des fondamentaux du festival de metal : une dimension « sacrée » qui en fait toute la singularité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Didry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le Hellfest est l’un des plus grands festival de musique « metal » d’Europe. Un pèlerinage très codifié qui attire de plus en plus de festivaliers, qui ne connaissent pas toujours les règles du jeu.
Nico Didry, Maître de conférences en ethnomarketing, Stratégies Economiques du Sport et du Tourisme, CREG, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/201036
2023-03-16T22:05:55Z
2023-03-16T22:05:55Z
Les « darons » en festival électro : choc des générations à Tomorrowland ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515557/original/file-20230315-28-piu6pj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C88%2C1916%2C1272&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un festival dans lequel se côtoient plusieurs générations, sur fond d'électro.</span> <span class="attribution"><span class="source">Tomorrowland</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Même si l’origine de la musique électronique remonte aux années 1950 et 1960, c’est véritablement dans les années 80 et 90 avec les mouvements house et techno et le développement de la rave culture, qu’elle a conquis un large public, en France et à travers le monde. La génération des fans d’électro qui avaient 20 ans dans les années 80-90 en ont maintenant 50 ou plus encore. Ils continuent à écouter <a href="https://www.laurentgarnier.com/">Laurent Garnier</a> et autres légendes. Néanmoins, l’électro garde une image associée à un public jeune, notamment du fait que les festivals, dont <a href="https://www.tomorrowland.com/home/">Tomorrowland</a>, créé en Belgique en 2003 et qui a depuis essaimé dans le monde entier, véhicule cette idée au travers de sa communication ne mettant en scène que des festivaliers de 20-30 ans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514540/original/file-20230309-16-opzpr0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publication Facebook de Tomorrowland mettant en scène des jeunes festvialiers.</span>
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</figure>
<p>Or, la communauté électro et donc celle des festivaliers s’est élargie. Nombre de quadragénaires et quinquagénaires souhaitent fréquenter les festivals électro, de la même manière qu’ils fréquentent les <a href="https://www.francefestivals.com/fr/observatoire/toutes-les-etudes/so-fest">festivals de musiques actuelles</a> (35 ans de moyenne d’âge). Une récente <a href="https://www.tickpick.com/too-old-to-party/">étude menée aux États-Unis</a> montre que 67 % des gens pensent qu’on n’est jamais trop vieux pour faire la fête, et même 72 % pour aller dans voir des concerts durant plusieurs jours.</p>
<p>Comment se passe cette cohabitation entre différentes générations ? Se sent-on légitime dans un festival électro quand on est quadragénaire ou quinquagénaire ? Nous avons essayé de le découvrir au festival « Tomorrowland Winter ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=783&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=783&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=783&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=984&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=984&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514532/original/file-20230309-22-261kiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=984&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Étude Tickpick, 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tickpick</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Tomorrowland Winter : un festival intergénérationnel</h2>
<p><a href="https://www.tomorrowland.com/fr/winter/bienvenue">L’édition hiver du grand festival belge Tomorrowland</a> se tient à l’Alpe d’Huez, la station de ski de l’Isère, fin mars, depuis 2019. La moyenne d’âge des festivaliers est de 32 ans, ce qui est élevé pour un festival EDM (<em>electro dance music</em>) : 27 ans pour Tomorrowland Summer, 24 ans pour Electrobeach festival, par exemple. Il s’explique notamment par le fait que l’accès au festival est interdit aux moins de 18 ans, mais surtout par le coût important du pack billet d’entrée + skipass pour les remontées mécaniques (465 euros pour quatre jours, 615 euros pour sept jours) auquel il faut ajouter l’hébergement dans la station. Les quadra et quinquagénaires y sont en nombre et côtoient les plus jeunes générations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515612/original/file-20230315-2170-jr2kav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Extrait d’une discussion d’un groupe Facebook de festivalier en amont du festival Tomorrowland Winter, 2022.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En observant l’expérience des participants de l’édition 2022 du festival Tomorrowland Winter, nous avons pu identifier deux formes de cohabitation intergénérationnelle.</p>
<p>La première, que l’on qualifiera de cohabitation « voulue », concerne les groupes d’amis ou les groupes familiaux, qui se déplacent ensemble pour le festival. Dans les groupes d’amis rencontrés, l’âge des différents membres varie de 25 à 47 ans. Pour les familles, ce sont les parents quinquagénaires qui viennent avec leurs enfants de 18-25 ans à l’instar de Théo (19 ans) : « Je trouve vraiment cool d’être ici avec mes parents, on est ensemble toute la semaine, on ski puis on va écouter les mêmes DJ’s. »</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514636/original/file-20230310-20-1t251x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jeunes festivaliers et cheveux gris ou crânes dégarnis ensembles sur le dancefloor des scènes d’altitude de Tomorrowland Winter 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second type de cohabitation intergénérationnelle peut être qualifié d’inter-groupe, c’est-à-dire qu’il concerne les groupes de jeunes qui côtoient des festivaliers plus âgés. On parlera ici de cohabitation subie. Même si, selon l’heure ou la programmation, les groupes de jeunes ou de plus âgés peuvent ne pas se placer au même endroit, ces groupes se côtoient régulièrement sur les différents espaces du festival.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-festivals-nous-manquent-vraiment-160409">Pourquoi les festivals nous manquent vraiment</a>
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<p>On peut clairement identifier une forme de bienveillance des plus jeunes vers les plus âgés. Ce que nous avions observé en amont du festival sur les réseaux sociaux et notamment les groupes Facebook relatifs à Tomorrowland s’est confirmé lors des observations et des entretiens conduits pendant le festival. Même si nombre de jeunes festivaliers étaient parfois surpris de la (forte) présence de festivaliers plus âgés comme ce groupe d’étudiants de 25 ans de l’EDHEC (« on ne s’attendait pas à être les plus jeunes »). La présence des 40-50 ans est finalement perçue positivement par ceux-ci.</p>
<h2>Les effets de la cohabitation</h2>
<p>Les effets de cette cohabitation entre ces deux publics sont intéressants à analyser, et c’est sur les plus jeunes (les 20-30 ans) qu’elle a le plus d’impact, au-delà du plaisir partagé. En effet, la présence des plus âgés est perçue comme rassurante pour eux et ceci à deux niveaux. Elle a un impact sur la qualité de l’expérience vécue notamment grâce à la sensation de sécurité que les aînés procurent aux plus jeunes : « On trouve ça top, le nombre de darons, c’est mieux qu’avec des gamins de 18 ans, ils sont plus respectueux, moins cherche merde » (Anthony, 27 ans). </p>
<p>D’autre part, la présence de festivaliers de 50 ans qui font la fête et se déguisent est aussi rassurante car elle permet aux plus jeunes de se projeter dans le futur. Emi, 30 ans, déclare ainsi : « J’espère pouvoir faire pareil que vous à 50 ans ». Pour les 40-60 ans, c’est la perception de soi qui se voit impactée par la cohabitation avec les jeunes. Le fait de danser, boire, se déguiser comme les 20-30 ans, d’écouter les mêmes DJ’s, évoluer dans le même contexte, le même environnement permet de continuer à se sentir jeune. « J’ai 47 ans, mais je suis plus jeune dans ma tête » (Vincent, fan d’électro). Est-ce aussi le signe d’une <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=age+is+just+a+number+shankar&btnG=#d=gs_cit&t=1678908982436&u=%2Fscholar%3Fq%3Dinfo%3Ad_dhmjiTZPkJ%3Ascholar.google.com%2F%26output%3Dcite%26scirp%3D0%26hl%3Dfr">société adulescente ou âgiste</a> dans laquelle on ne veut pas vieillir ?</p>
<p>La présence des plus jeunes n’affecte à priori pas la légitimité des quinquagénaires voire même des sexagénaires présents sur le festival. Pour eux, « il n’y a pas d’âge pour le TML », « C’est l’âge de l’esprit qui compte là-bas » (Manu, 49 ans). Ils ne se posent pas forcément la question, et sont très à l’aise dans le festival dont ils adoptent les codes notamment concernant la tenue vestimentaire, ce qui est aussi à mettre en relation avec le privilège de <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie-2016%E2%80%939782707175403.htm">classes éduquées/dominantes</a> qui tendent à se sentir à leur place partout. Le fait que le groupe des quadras-quinquas soit conséquent renforce cette légitimité : comme le dit un participant du forum des spectateurs « T’inquiète, les cinquantenaires seront là ! 57 ans et deuxième festival Tomorrowland Winter ! » </p>
<h2>Se ressembler pour se rassembler</h2>
<p>Cette bonne cohabitation entre les 20-30 ans et les 40-60 ans dépend cependant d’un lissage des différences liées à l’âge dans l’expérience de festival. C’est l’adoption des mêmes logiques de consommation par chacune des générations qui permet principalement de gommer cette différence d’âge.</p>
<p>Une première condition concerne le respect des codes culturels, des normes sociales de la communauté (les « people of Tomorrow ») que la marque Tomorrowland a su distiller et faire intégrer à ses fans et festivaliers. Le fameux PLUR (<em>peace, love, unity and respect</em>), valeurs de la communauté rave et electro est ici repris par le festival avec le slogan « live, love, unite ». Ces valeurs sont mises en avant par la communication, les vidéos, les speakers, et même les DJ’s.</p>
<p>De plus, l’adoption du déguisement permet non seulement de montrer son appartenance à la communauté, mais aussi son implication et un état d’esprit ludique. De très nombreux « darons festivaliers » sont déguisés et donc adoptent les codes de la « jeune » communauté des <em>people of tomorrow</em>, dans une forme de jeu avec l’âge, proche de l’inversion dans la tradition carnavalesque. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514544/original/file-20230309-24-bkh5yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Quadras et quinquas déguisés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, la seconde condition à cette bonne cohabitation est le fait de ne pas afficher de supériorité de la part des plus âgés sur les plus jeunes. Cette supériorité pourrait se situer au niveau financier et créer des tensions dès lors qu’elle est montrée de manière ostentatoire. Mais elle pourrait aussi se faire ressentir au niveau de l’attitude, si les plus âgés estimaient avoir un besoin de respect supérieur, et développaient une attitude condescendante ou dominante vers les plus jeunes, la symbiose serait alors rompue.</p>
<p>Le festival Tomorrowland, à travers la culture qu’il diffuse et les différents publics qu’il rassemble, réussit le pari de réunir dans un festival de musiques électroniques des générations qui cohabitent sans difficulté. Les relations entre différentes générations montrent que cette relation fonctionne dans les deux sens et que chaque génération se voit dans le regard de l’autre avec respect et bienveillance. Cette dynamique s’inscrit dans un respect tacite de codes et de normes qui posent les bases de cette cohabitation réussie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Kreziak a reçu des financements du Labex ITTEM Innovation et Transition en Territoires de Montagne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Frochot et Nico Didry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Se sent-on légitime quand on est quadra ou quinqua dans un festival électro comme Tomorrowland dont l’image est associée à un public jeune ?
Nico Didry, Maître de conférences en ethnomarketing, Stratégies Economiques du Sport et du Tourisme, CREG, Université Grenoble Alpes (UGA)
Dominique Kreziak, Maîtresse de conférences en sciences de gestion IREGE Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont Blanc
Isabelle Frochot, Maître de Conférences HDR - Comportement du Consommateur, Université de Bourgogne – UBFC
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200481
2023-02-23T20:31:57Z
2023-02-23T20:31:57Z
Festivals, fast fashion… Les petits arrangements du consommateur engagé avec sa conscience
<p>1 612 tonnes, c’est le bilan cumulé des déchets solides de Coachella, Stagecoach et Desert Trip, trois festivals phares de musique, d’amour… et de bons sentiments. 1 612 tonnes, c’est beaucoup pour des organisateurs et des artistes qui déclarent vouloir minimiser les dégâts causés à la planète.</p>
<p>Pour se donner bonne conscience à moindres frais, les organisateurs de Coachella conseillent aux festivaliers de privilégier le covoiturage, le recyclage, de réutiliser leurs tenues d’une année sur l’autre. Mais le festival est, chaque année, organisé dans la ville d’Indio, à plus de deux heures en voiture de Los Angeles, pour des visiteurs désireux de se montrer bien davantage que de démontrer des engagements supposés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1517123224219394051"}"></div></p>
<p>Un bilan écologique déplorable qui questionne également la sincérité des artistes qui s’y produisent. Billie Eilish, l’une des artistes vedettes du festival, très à cheval sur la portée écologique de ses tournées, végétarienne affichée, fortement engagée dans les combats climatiques, s’est pourtant plusieurs fois produite à Coachella malgré le lourd bilan environnemental du festival.</p>
<h2>Principe de réalité, principe de précaution</h2>
<p>À l’instar des artistes, des festivaliers ou de certains organisateurs d’événements, on sait que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> ne font pas toujours ce qu’ils disent et ne disent pas toujours ce qu’ils font. Ainsi peut-on interroger l’engouement conjoint pour les magasins d’usines et pour les produits bios, la chasse aux prix bas couplée à la glorification du made in Europe, les vols long-courriers et le tourisme équitable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/consommation-les-intentions-daujourdhui-ne-seront-pas-forcement-les-comportements-de-demain-137505">Consommation : les intentions d’aujourd’hui ne seront pas forcément les comportements de demain</a>
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<p>Les exemples abondent de cette apparente dissociation entre intentions déclarées et comportements objectifs, comme le démontre l’impressionnant succès de Shein à l’heure de la sacralisation du développement durable, de la récupération et du vintage.</p>
<p>La marque chinoise, qui pousse le concept de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fast-fashion-106968">fast fashion</a> à l’extrême, jouit d’une popularité qui ne se dément pas. Sa stratégie repose sur quatre piliers, en totale contradiction avec les valeurs actuellement prônées, quand elles ne sont pas revendiquées : la compétitivité sur les prix (Shein est moins chère que les principaux acteurs du domaine, Zara et H&M en tête), la réactivité (6 000 nouvelles références par jour à l’heure d’une supposée déconsommation dans le domaine), le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> (micro-influenceurs, remises et réductions permanentes, notifications quotidiennes) et une désintermédiation totale autour d’une approche de pure player (drastique réduction des coûts de production).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une ascension fulgurante qui reste très surprenante quand on pense à toutes les contreparties du modèle : conditions de travail déplorables, collecte massive de données personnelles, plagiat sur les créations, impact environnemental nocif, désindustrialisation européenne…</p>
<p>Acteur emblématique de l’ultra fast fashion, Shein a même dépassé Amazon, devenant l’application la plus téléchargée aux États-Unis. En pleine pandémie, l’entreprise aurait multiplié ses ventes de 250 % pour atteindre 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et plus de 80 millions de téléchargements.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1509482091372761097"}"></div></p>
<p>Un certain nombre de contradictions de ce type mettent en exergue l’importance de savoir décrypter les pratiques de consommation, les comportements d’achat davantage que de se pencher sur le discours du consommateur et ses prédispositions supposées. S’intéresser à la manière dont le consommateur agit plutôt qu’à ce qu’il déclare.</p>
<p>Cela étant et comme nous y invite fort justement Benoît Heilbrunn, professeur et philosophe, il serait vain de lire dans ces contradictions une schizophrénie consommatoire et mieux venu d’accepter le caractère chaotique de la consommation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Rug-JHrrzBE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Benoît Heilbrunn : Le consommateur n’existe pas et le marketing ne prédit pas les achats (Xerfi canal, 2021).</span></figcaption>
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<p>Nous vivons aujourd’hui dans une sorte de folie de la quantification qui nous donne l’illusion que nous pourrions modéliser des phénomènes complexes, contingents, multifactoriels, voire inconscients, par une série de méthodologies systématiques – classement, mesures, évaluation. Les algorithmes renforcent le fantasme d’une quantification de l’intime et d’une modélisation de l’individu, comme si nos comportements et nos décisions étaient prévisibles et systématiques. Le principe de réalité nous rappelle sans cesse que l’individu reste, fort heureusement, difficile à mettre en équation…</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Les artistes ou les organisateurs de festivals ne sont nullement les seuls à exprimer de fausses promesses ou des vœux pieux. Responsables politiques, personnalités publiques, dirigeants d’entreprise, consommateurs ne font pas toujours ce qu’ils disent et ne disent pas ce qu’ils font de manière systématique, loin s’en faut.</p>
<p>Ces modalités s’expliquent d’ailleurs autant par action que par omission : la plupart des décideurs (y compris les consommateurs) ont tendance à gérer leurs dissonances à bas bruit jusqu’à ce qu’elles produisent des résultats dommageables ou des conséquences irréversibles.</p>
<p>Ce déni systématique des écarts entre intentions, principes, discours et pratiques s’explique aussi par une inertie comportementale, des habitudes, une certaine paresse intellectuelle, un manque d’initiative ou de discernement, la volonté d’apparaître meilleur que l’on ne l’est réellement plutôt que de remettre en question des actions contraires aux principes affichés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">Éditions De Boeck Supérieur</a></span>
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<p>Cette dissonance s’explique aussi par des réponses émotionnelles, plus inconscientes ou moins voulues, qui se nourrissent de certains biais cognitifs. Mis en évidence par nombre d’économistes béhavioristes, les jugements erratiques et les erreurs de décision sont la <a href="https://www.strategemarketing.com/predictably-irrational-de-dan-ariely-lessentiel-livre/">règle davantage que l’exception</a>. Procrastination, représentations idéales, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/12/entreprises-la-detection-des-risques-politiques-doit-etre-un-processus-collectif-et-organise_6137835_3232.html">déni et préjugés s’imposent davantage qu’un jugement rationnel</a>, fondé, voire étayé au moment de reconnaître des erreurs ou de gérer des risques.</p>
<p>Sur un plan marketing s’instaure donc un dialogue de sourds entre l’entreprise et ses marchés, un jeu de poker menteur entre les protagonistes, parfois délétère et parfois plus plaisant – dans tous les cas, une sorte de manipulation habilement conçue du quotidien des consommateurs.</p>
<p>Si certains interprètent le marketing comme une tromperie éhontée, d’autres y voient un dispositif plus subtil : une compromission tacite du consommateur plus qu’une manipulation. Dans cette perspective, le consommateur peut aussi <a href="https://books.google.fr/books/about/N%C3%A9o_marketing.html?id=RUwWCwAAQBAJ&redir_esc=y">choisir un niveau de duperie acceptable</a> et jouer de cette manipulation pour agrémenter son quotidien.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est extrait du livre « <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">Le marketing aujourd’hui</a> : 25 nouvelles tendances » de Frédéric Jallat, publié aux Éditions De Boeck Supérieur en février 2023</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Jallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les écarts entre les intentions et les pratiques s’expliquent notamment par la force des habitudes ou encore un manque de cohérence chez l’individu.
Frédéric Jallat, Professeur de marketing à ESCP Business School, professeur vacataire, Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/171585
2021-11-17T16:39:54Z
2021-11-17T16:39:54Z
Tragédie du festival Astroworld : incursion dans le monde messianique des rappeurs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/432425/original/file-20211117-13-1uh4pnj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C7%2C2352%2C1389&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un mouvement de foule a causé la mort d'une dizaine de personnes au festival Astroworld, organisé par le rappeur Travis Scott</span> <span class="attribution"><span class="source">YouTube</span></span></figcaption></figure><p>Le 5 novembre dernier, <a href="https://www.lapresse.ca/arts/spectacles/2021-11-14/astroworld/le-bilan-du-concert-de-travis-scott-passe-a-10-morts.php">un mouvement de foule a causé dix morts, dont celui d’un enfant de 9 ans, et quelque 300 blessés au festival Astroworld</a> à Houston, organisé par le <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/11/14/astroworld-encore-secoue-travis-scott-sisole-dans-sa-demeure">rappeur Travis Scott</a>.</p>
<p>Des poursuites sont actuellement intentées contre ce dernier et visent également le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1839701/astroworld-concert-drake-scott-morts">chanteur torontois Drake</a>, qui est monté sur scène peu après la tragédie. Les deux rappeurs ont accompli leur performance sans interruption, faisant complètement abstraction du drame qui était en train de se produire.</p>
<p>Les études académiques de la culture Hip Hop (HH) et Rap (R) américaine fournissent quelques clés de lecture pour cerner les enjeux symboliques de cet événement tragique. Parmi les travaux à considérer, ceux du <a href="https://www.northpark.edu/faculty-staff-directory/daniel-white-hodge/">Dr Daniel White Hodge, de la North Park University de Chicago</a>, sont particulièrement appropriés.</p>
<p>Ce spécialiste des communications interculturelles établit des liens profonds entre l’art musical et la résistance à la fois économique, politique et théologique des communautés noires contre le racisme aux États-Unis, lesquels s’observent, il est vrai, depuis l’esclavagisme. L’approche « messianique » que propose White Hodge de la culture HHR demeure néanmoins porteuse parce qu’elle reflète une volonté contemporaine de plus en plus ferme des rappeurs américains (et même européens) de répondre à un impérieux <a href="https://urbantrackz.fr/stayin/chronik/les-rappeurs-et-dieu/">appel de Dieu</a>.</p>
<p>D’autres études sont également d’intérêt pour la compréhension des événements du 5 novembre, comme celles qui éclairent le comportement apparemment inadapté des jeunes qui pratiquent un culte excessif de leur célébrité musicale.</p>
<p><a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">En tant que musicienne professionnelle, créatrice et anthropologue</a>, je propose ici de m’appuyer sur ces études pour interpréter les événements de Houston à la lumière de cette métaphore de la <em>mission du Christ</em> qui donne le pouvoir de changer le monde, mission qu’une jeunesse appauvrie, désœuvrée et exclue assigne à son tour aux célébrités du HHR.</p>
<p>Une telle métaphore met en relief le paradoxe fondamental de l’industrie lucrative du divertissement musical, lequel veut que le triomphe d’un artiste agitateur soit la première cause de sa déchéance. Mais elle pose également la question de savoir si la montée d’une ferveur messianique dans le monde du HHR n’était pas annonciatrice de la tragédie cruelle qui s’est nouée à l’Astroworld autour de Travis Scott.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-musique-rap-est-toujours-aussi-misogyne-est-ce-possible-de-la-changer-157014">La musique rap est toujours aussi misogyne. Est-ce possible de la changer ?</a>
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<h2>Missions divines</h2>
<p>On sait que le courant du HHR contribue fortement (et depuis plusieurs années) au succès de l’industrie de la musique aux États-Unis, notamment grâce à <a href="https://www.rollingstone.fr/industre-musicale-charts-hip-hop/">l’expansion du streaming</a>. Dans l’imaginaire musical de Drake, un tel succès pourrait bien faire partie d’un « God’s plan » et constituer une situation hautement favorable pour sa communauté, comme en témoigne la production coûteuse et généreuse qui lui a valu plus d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xpVfcZ0ZcFM">milliard de clics sur YouTube</a>.</p>
<p>Que ce soit par vidéo ou sur scène, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_WjhsVs6RK4">Drake s’est manifestement assigné une mission qui dépasse l’ambition commerciale</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_WjhsVs6RK4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La spiritualité prend une place importante dans la vie de Drake.</span></figcaption>
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<p>Une chose que je m’assure de faire, c’est de toujours parler au grand patron là-haut. Je lui fais toujours savoir quel est mon but sur cette scène. Ce n’est pas pour améliorer ma réputation… Je veux rendre ces gens heureux.</p>
</blockquote>
<p>Dans son désir de servir sa communauté, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=487VVLOnvdw">Travis Scott va encore plus loin</a>. Sa carrière est pour lui un genre de sacerdoce, une prêtrise :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/487VVLOnvdw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Travis Scott, messie autoproclamé.</span></figcaption>
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<p>J’ai l’impression que Dieu m’a mis là pour aider les gens. Du haut de la scène, je vois une congrégation, un groupe d’individus qui se lâchent complètement sur ma musique. Il n’y a rien de mieux. C’est mieux que n’importe quelle drogue, que n’importe quelle chatte – <em>piece of pussy</em> – ou même qu’une grande amitié. Il n’y a rien de mieux ! C’est comme sauver la vie de quelqu’un pendant 40 minutes. C’est comme si ça faisait 10 ans que je sauvais la vie des gens.</p>
</blockquote>
<p>Par ses prestations, Travis Scott semble vouloir répondre à la nécessité de divertir une jeunesse constamment menacée par l’intolérance d’un racisme qui se montre particulièrement virulent à Houston, sa ville natale. <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2021-11-08/au-texas-les-conservateurs-font-la-police-des-lectures-a-l-ecole.php">La mise en place récente d’une police des lectures scolaires</a> en illustre les pires excès, alors que des livres sensibilisant les écoliers au racisme et à l’identité de genre ont été retirés des mains des élèves parce qu’ils étaient susceptibles de culpabiliser indûment les enfants blancs.</p>
<p>Il demeure tout de même difficile de concilier ce rôle de sauveur autoproclamé que Travis Scott s’attribue <a href="https://www.cnn.com/2021/11/08/us/astroworld-festival-crowd-surge-timeline/index.html">avec les événements du 5 novembre dernier</a>.</p>
<h2>La dévotion des fidèles</h2>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31752607/">Des chercheurs</a> ont mis au point des tests psychométriques permettant de mesurer différents aspects du comportement des admirateurs envers une célébrité du monde de la musique, du sport ou du cinéma. L’échelle des attitudes à l’égard des célébrités (<a href="https://www.millisecond.com/download/library/CelebrityAttitudeScale/">« Celebrity Attitude Scale »</a>) permet d’observer trois niveaux de dévotion des admirateurs envers leur idole.</p>
<p>Le premier niveau est celui du « divertissement-social » ; il classe le comportement des admirateurs qui apprécient la « valeur de divertissement des célébrités admirées » tout en y trouvant des « occasions de discuter de leurs performances avec des personnes partageant les mêmes idées ».</p>
<p>Le deuxième niveau, plus « intense et personnel », classe le comportement des admirateurs qui sont complètement « absorbés par la vie personnelle de la célébrité préférée, avec des pensées fréquentes à son sujet et une obsession pour les détails de sa vie ».</p>
<p>Enfin, certains admirateurs atteignent le niveau « limite-pathologique » en devenant « complètement accro à une célébrité », se montrant alors capables de la traquer, voire de la harceler (<em>stalking</em>) ou encore « de faire quelque chose d’illégal si la célébrité préférée le leur demandait ».</p>
<p>Certains admirateurs de Hip Hop présentent un comportement risqué qui va jusqu’à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=73Ve77XaI7g">sauter dans le vide</a> ou à s’immoler dans un brasier : « Je ne vois aucun changement… Dois-je me faire exploser ? » demandait le rappeur Tupac Shakur dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eXvBjCO19QY"><em>Changes</em></a> en 1992.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/73Ve77XaI7g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Certains admirateurs ont une dévotion démesurée pour leur idole.</span></figcaption>
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<p>Ces comportements sont cependant moins illégaux « qu’héroïques » si on envisage qu’ils expriment un désir d’engagement dans le mouvement de la résistance musicale, une aspiration qui exige d’eux qu’ils s’exposent au jugement de leur idole dans le cours même de leur prestation cérémonielle.</p>
<p>Vu sous l’angle de ce paradoxe de la célébrité, le combat des rappeurs engagés dans un mouvement de résistance artistique contre le racisme semble perdu d’avance. C’est ce qu’on peut comprendre des propos du rappeur américain T-Pain <a href="https://pitchfork.com/news/t-pain-shares-video-for-new-song-get-up-watch/">dont la chanson <em>Get up</em> a été créée en support au mouvement Black Lives Matter</a> :</p>
<blockquote>
<p>J’ai tout donné, mais ce n’est jamais assez : on se fait tous envoyer au tapis… La seule chose qui compte, pourtant, c’est ce que tu feras quand tu te relèveras. Lève-toi !</p>
</blockquote>
<h2>Un modèle christique de la résistance</h2>
<p>Dans les pages de sa plus récente publication titrée <a href="https://www.goodreads.com/book/show/36899329-homeland-insecurity"><em>Homeland Insecurity</em></a>, publiée en 2018, White Hodge (cité également plus haut) présente une théologie du HHR qui se pose comme « cadre de l’engagement radical des populations adultes émergentes » dans la lutte pour les droits civiques. L’auteur y donne la description suivante de ce qu’il appelle le « Jésus du hip-hop ».</p>
<blockquote>
<p>Il a des attitudes fondamentales concernant l’église, Dieu et les Écritures. Il soutient la domination masculine et les idéologies de « l’homme de la maison ». Il « bat » ceux qui se trouvent sur son chemin. Il instille la peur comme une forme de contrôle et de pouvoir.</p>
</blockquote>
<p>Pour ce Christ qui « ne tolère pas la faiblesse », le diable a aussi une figure caractéristique : « ce n’est pas seulement une entité, mais aussi un système et une institution ».</p>
<p>Dans le cas de la tragédie d’Astroworld, c’est le promoteur de spectacle <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2019-12-21/quebec-preoccupe-par-la-transaction-groupe-ch-live-nation">Live Nation</a> qui incarne cette figure diabolique : des poursuites judiciaires mettront en cause les failles de cette organisation qui, malgré son expertise, n’a pas pu assurer la sécurité des participants.</p>
<h2>Le pouvoir paradoxal des agitateurs</h2>
<p>Dans le monde messianique des rappeurs, la tragédie de Houston vient de fixer l’enjeu symbolique du jugement que doit rendre le tribunal de l’opinion publique dans la cause de Travis Scott. Dorénavant, chaque fois que cet artiste missionnaire montera sur scène pour y être adoré par ses admirateurs, il devra faire face au destin ironique du Christ agitateur qui fut condamné pour avoir troublé l’ordre de la cité à des fins controversées.</p>
<p>L’influente célébrité du HHR qu’est Travis Scott aurait dû savoir, pourtant, que la mort n’est pas un spectacle et qu’il est odieux de la regarder du haut d’une scène en restant là, les bras en croix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171585/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le mouvement de foule qui a causé la mort de neuf personnes et fait plusieurs centaines de blessés au festival Astroworld met en lumière le caractère messianique des rappeurs.
Sylvie Genest, Professeure, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160409
2021-05-19T16:35:01Z
2021-05-19T16:35:01Z
Pourquoi les festivals nous manquent vraiment
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401574/original/file-20210519-23-ala99k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C3898%2C2579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Communion émotionnelle à Tomorrowland Belgium, en 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Même si l’heure est à la réouverture des lieux culturels, nous n’aurons pas tous l’occasion de retrouver notre fameux rendez-vous de l’été pour la deuxième année consécutive une <a href="https://www.franceinter.fr/culture/annulations-reports-ou-en-sont-les-festivals-de-l-ete">grande majorité des festivals de musiques actuelles étant reportés à 2022</a>. Avec plus de <a href="https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2019-191219">7,5 millions de festivaliers en 2019 uniquement sur les gros festivals de musiques actuelles français</a>, ces rassemblements festifs sont bien ancrés dans l’imaginaire estival, au même titre que le Tour de France. Mais plus qu’une activité culturelle ou de loisir, le festival revêt une fonction sociale bien spécifique. Il s’agit ici de resituer le rôle de ces rassemblements devenus des rituels communautaires, avec une approche à la fois anthropologique, ethnologique et sociologique de la fête. En quoi le festival répond-il à nos besoins d’un point de vue social ?</p>
<h2>Communion émotionnelle et tribalité</h2>
<p>Selon l’approche postmoderne, le <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01439617v1">phénomène de société lié aux festivals, associé à une croissance de sa démographie</a> – quantité de public, nombre d’événements – peut être envisagé dans le contexte global d’un retour des alchimies festives et du culte du plaisir, faisant la part belle aux affects et des émotions. Cet engouement représente le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/homo-eroticus-michel-maffesoli/">« triomphe du vouloir-vivre collectif sur l’individu, de la joie dionysiaque sur les morales arides »</a>. En somme, il correspond à une tendance sociétale fortement ancrée dans laquelle les rassemblements humains festifs ou sportifs ont pris une ampleur considérable.</p>
<p>Le festival est donc à aborder par la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2015-8-page-353.htm">notion du lien</a> et de la communauté, dans la mesure où <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/49-neo-marketing-reloaded.html">il répond, au travers de cette valeur de lien, au besoin des individus « postmodernes » de satisfaire leur désir de communauté</a>. La pratique festivalière s’envisage alors <a href="https://www.researchgate.net/publication/281355049_L%27Experience_de_Consommation_de_Spectacles_Vivants_de_Nouvelles_Perspectives_de_Recherche">au travers du lien social comme un phénomène tribal</a> dans lequel les festivals constituent une <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">« transhumance culturelle, un nomadisme festif »</a>. </p>
<p>Dans ces tribus, même éphémères, ce qui prévaut, c’est d’être relié à l’autre, « de développer un sentir en commun et de faire de l’être ensemble le cœur de ces rassemblements » selon <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-2009-2-page-27.htm">Ferrand</a>. Il n’y a pas de finalité sinon le plaisir d’être là et de vivre ensemble ces effervescences musicales. Au-delà de la programmation, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/311969851_Les_dynamiques_emotionnelles_collectives_dans_la_consommation_experientielle_approche_ethnomarketing_de_l%27experience_de_festival">motivation première de nombre de festivaliers est de partager leurs émotions, de vivre une expérience émotionnelle collective</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/festivals-et-concerts-en-temps-de-covid-19-une-experience-emotionnelle-appauvrie-158806">Festivals et concerts en temps de Covid-19 : une expérience émotionnelle appauvrie ?</a>
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<h2>Permettre l’évasion… et l’orgie</h2>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02483492/">Provoquant une rupture spatio-temporelle avec le quotidien</a>, le festival permet de vivre un véritable réenchantement du monde et du quotidien. Il est alors le <a href="https://www.editionslatableronde.fr/le-temps-des-tribus/9782710390305">symbole du retour de l’imaginaire, du rêve, du plaisir, du désir et de la fête</a>. Cet aspect dionysiaque des festivals est à mettre en corrélation avec la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/riac/1984-n11-riac02319/1034640ar/">constance dionysiaque de la société</a> que décrit Maffesoli dans « sa » sociologie de l’orgie.</p>
<p>Dans le prolongement de cette réflexion, <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/derives/">Dolfès</a> considère l’orgie « comme une condition assez proche des formes d’exaltations néo-tribales, dont on peut observer les manifestations constantes dans les divers festivals rock, métal, grunge, etc. ». En effet, les festivals peuvent permettre de réunir les deux marginalisations, temporelle (carnavals, fêtes) et spatiale (pleine nature, forêt), et la caractéristique nocturne, qui sont les conditions de l’orgie. L’orgie, en cimentant le collectif, assure la pérennité de ce qu’il appelle la socialité de base.</p>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01421660">Mon étude sur les festivals</a> montre que ces effervescences collectives qui permettent de produire des émotions collectives (vivre la même émotion au même moment et en être conscient) sont une composante primordiale du festival. Des études sur <a href="https://vimeo.com/231854605">Tomorrowland</a> ou encore le <a href="https://www.researchgate.net/publication/24099125_Can_Consumers_Escape_the_Market_Emancipatory_Illuminations_From_Burning_Man">festival Burning Man</a> ont monté que ces rassemblements peuvent même servir de catharsis, libérant les tensions et émotions intérieures, notamment en permettant de transgresser les normes et règles sociales.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/231854605" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Enfin, et quel que soit le type de festival, il donne la possibilité aux individus d’exister à l’instant présent via cette composante tribale (sociale) et festive, mais aussi en aval du festival par le partage de leur expérience sur les réseaux sociaux. Aspect d’autant plus important <a href="https://www.actes-sud.fr/node/10596">« qu’à l’ère de l’information, l’invisibilité équivaut à la mort »</a>. Ici encore, le partage social des émotions, qu’il soit en réel ou en virtuel, dépend de l’intensité des émotions ressenties. <a href="https://www.puf.com/content/Le_partage_social_des_%C3%A9motions">Plus l’émotion vécue est forte, plus on va avoir envie de la partager, car c’est une manière de revivre cette émotion</a>. Le festival donne ainsi la possibilité de vibrer et vivre plus intensément à l’instant T mais aussi à posteriori. Bien qu’éphémère, il s’inscrit donc dans la durée.</p>
<h2>Vivre un rituel communautaire</h2>
<p>C’est le Woodstock Music and Art Fair, rassemblement emblématique de la culture hippie en 1969, qui signa la <a href="http://www.camionblanc.com/detail-livre-festivals-rave-parties-free-parties-histoire-des-rencontres-musicales-actuelles-en-france-et-a-l-etranger-287.php">véritable naissance des festivals en tant qu’événement rituel</a>, acte fondateur d’une pratique culturelle qui n’a cessé d’évoluer et de se développer jusqu’à l’heure actuelle, tandis qu’émergeaient de nouveaux styles musicaux et que se développaient des pratiques culturelles associées. Les fondamentaux du festival sont cependant restés inchangés : une programmation musicale associée à des activités et animations révélatrices et/ou constitutives de la culture dudit festival.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401641/original/file-20210519-15-djpgq7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mythique festival de Woodstock, en 1969.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/summer1978/21078773240/"> Rv1864/Flickr</a></span>
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<p><a href="https://www.antoinedesaintexupery.com/ouvrage/le-petit-prince-1943/">Saint Exupéry</a> décrivait le rite comme un moment « qui fait qu’un jour est différent des autres, une heure des autres heures ». Il s’agit en d’autres termes d’une « parenthèse sociale <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">dramatisant et esthétisant les rapports »</a>.</p>
<p>Les rites sont présents à tous les niveaux de la vie de l’individu. <a href="https://www.armand-colin.com/la-consommation-et-ses-sociologies-4e-ed-9782200628291">La consommation n’échappe pas à cette ritualisation</a>. <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Les célébrations rituelles émaillent notre quotidien</a> : rentrée des classes, Toussaint, Noël, premières neiges, ménage de printemps, fête des mères, etc. <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/formes_vie_religieuse/formes_vie_religieuse.html">Durkheim</a> les définissait comme des règles de conduite qui prescrivent à l’homme comment se comporter avec les choses sacrées. <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Le rite contient aussi une part de magie, dès lors qu’il a le potentiel de transformer la réalité</a>.</p>
<p>L’ensemble des penseurs accorde au rite une fonction sociale importante : les événements ritualisés tissent ou retissent du lien. Ils produisent aussi de la mémoire, du partage et de <a href="https://www.researchgate.net/publication/32116735_Working_Weeks_Rave_Weekends_Identity_Fragmentation_and_the_Emergence_of_New_Communities">l’appartenance</a>. Les rituels sociaux sont particulièrement efficaces dans <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/4077?lang=fr">l’amélioration du sentiment d’appartenance à un groupe et pour l’intégration sociale</a>. D’ailleurs pour <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html">Lardellier</a>, les rites célèbrent toujours une communauté en même temps que des valeurs. Cet aspect communautaire se situe soit au niveau du festival (par exemple la communauté métal avec le Hellfest, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/315450415_Les_emotions_partagees_lors_d%27une_experience_de_consommation_collective_de_consommation_une_approche_socioculturelle_du_Hadra_Trance_Festival_Shared_emotions_in_a_collective_consumption_experience_a_s">communauté psytrance avec le Hadra</a>) soit à un niveau interpersonnel au sein des groupes d’amis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401664/original/file-20210519-19-87plxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le rituel vestimentaire des groupes d’amis – Musilac 2017, Tomorrowland Belgium 2019 et Tomorrowland Winter 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
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<p>Ainsi, le rite possède une dimension communautaire au-delà de sa dimension sociale : <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/alternatives-marketing-9782100053766/">« toute relation sociale a besoin de rites pour se développer et se maintenir, et tout groupe social a besoin de rites pour affirmer et réaffirmer son existence et l’appartenance de ses membres »</a>.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.researchgate.net/publication/261976131_EUROCKEENNES_FRANCOFOLIES_VIEILLES_CHARRUES_OU_MAIN_SQUARE_FESTIVAL_Le_rituel_communautaire_comme_source_de_fidelisation">l’expérience de festival doit être envisagée comme un rituel communautaire</a> et appréhendée comme un pèlerinage païen permettant la <a href="https://www.researchgate.net/publication/32116735_Working_Weeks_Rave_Weekends_Identity_Fragmentation_and_the_Emergence_of_New_Communities">célébration symbolique des liens unissant les membres d’une communauté</a>. En ce sens, la finalité sociale de ces rassemblements festifs et communautaires, dont les valeurs (ici liées à la musique principalement) vont fédérer les individus, sont à analyser de la même manière que les rassemblements religieux (messes, pèlerinages), politiques (meetings, manifestations) ou encore sportifs.</p>
<p>Ils répondent à nos besoins de communion collective, mis à mal par la pandémie depuis mars 2020. Les nombreux festivals qui n’auront pas lieu vont d’autant plus nous manquer cet été.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Didry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le festival, en tant que rituel communautaire, répond à nos besoins de communion collective.
Nico Didry, Maître de conférences, Stratégies Economiques du Sport et du Tourisme, CREG, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161033
2021-05-18T17:31:23Z
2021-05-18T17:31:23Z
Le crowdfunding peut-il sauver le spectacle vivant ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401028/original/file-20210517-19-2mz5ly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C2035%2C1352&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Hellfest, 180&nbsp;000&nbsp;spectateurs lors de ses dernières éditions, n’aura pas lieu pour la deuxième année de suite.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors qu’il n’avait pas encore pris la décision d’annuler le festival pour une deuxième année consécutive, Ben Barbaud, le président du Hellfest, rendez-vous annuel incontournable pour tous les amateurs de métal qui compte dans le <a href="https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2019-191219">top 10 des festivals en termes de fréquentation</a> en 2019, n’excluait pas d’avoir recours au lancement d’une campagne de crowdfunding dans une <a href="https://www.lefigaro.fr/musique/ben-bardaud-patron-du-hellfest-le-risque-d-annuler-les-festivals-en-2021-est-important-20201001">interview</a> accordée au <em>Figaro</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Vu la fidélité et la loyauté du public, je pense que si je dois passer par une opération de ce type, il répondrait présent. »</p>
</blockquote>
<p>Les professionnels du monde du spectacle ont en effet souvent recours à cette méthode pour porter leurs projets. Citons ici aussi l’exemple de la RB Dance Company, troupe de danseurs claquettistes qui a financé par ce moyen le lancement de leur spectacle Stories, puis, tout récemment, de leur série de vidéos Barbarians.</p>
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<figcaption><span class="caption">Barbarians : on a besoin de vous ! (RB Dance Company, 10 avril 2021).</span></figcaption>
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<p>Le crowdfunding, ou financement participatif (l’expression se traduit littéralement par « financement par la foule »), peut être défini comme un effort collectif de personnes qui se rassemblent et donnent des fonds, en échange de contreparties ou non, dans le but de soutenir un projet créé par d’autres personnes ou organisations. Cette piste pourrait ainsi être envisagée pour faire face aux pertes générées par les confinements et la limitation à <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/covid-19-la-culture-se-deconfine-a-partir-du-19-mai-d-apres-le-calendrier-fixe-par-emmanuel-macron_4604359.html">35 % des capacités d’accueil</a> à partir du 19 mai.</p>
<p>Cette pratique de financement, alternative aux banques, est aujourd’hui bien établie et ses règles de fonctionnement sont maintenant bien comprises par les différents acteurs économiques. La barre <a href="https://financeparticipative.org/le-crowdfunding-depasse-le-milliard-en-2020/">du milliard d’euros</a> de financement a ainsi été dépassée en 2020, ce qui représente une hausse considérable de 62 % par rapport à 2019. Une partie de cette hausse s’explique par la mise en ligne d’un grand nombre de projets de solidarité suite à la crise sanitaire.</p>
<p>Un grand nombre de secteurs d’activités a recours au financement participatif, allant des industries culturelles aux nouvelles technologies en passant par la gastronomie. Cependant, le spectacle vivant possède un certain nombre de caractéristiques qui peuvent constituer des obstacles à la réussite d’une campagne de levée de fonds de ce type.</p>
<h2>L’éphémère, l’émotion et les contreparties</h2>
<p>Si la foule peut être tentée d’investir dans un projet durable comme la création d’une entreprise, un projet immobilier ou encore un nouveau produit technologique, la dimension éphémère du spectacle vivant peut en effet freiner de potentiels investisseurs.</p>
<p>De plus, le spectacle vivant reste un bien d’expérience dont l’évaluation repose plus sur l’émotion que sur des faits tangibles. Réussir à convaincre des individus de financer un projet de spectacle vivant en se fondant sur une description factuelle sans possibilité de le vivre se révèle être un challenge supplémentaire pour les porteurs de tels projets.</p>
<p>Enfin, le spectacle vivant reste majoritairement une activité à but non lucratif, ce qui peut limiter la mise en place de contreparties possiblement attractives pour les investisseurs en échange de leur don.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BFEbtWdZBzA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de l’orchestre des Petites Mains Symphoniques (janvier 2015).</span></figcaption>
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<p>Certains projets ont réussi avec succès leur campagne comme l’orchestre des Petites Mains Symphoniques qui a récolté plus de 33 000 euros en 2016. L’ensemble des éléments précités pose néanmoins la question des facteurs de réussite d’une campagne de financement participatif dans le domaine particulier du spectacle vivant.</p>
<h2>Rassembler les individus</h2>
<p>Dans nos recherches, nous nous sommes penchés sur le sujet en prenant le cas plus précis des festivals. Notre analyse de 364 projets dans tous les domaines (musique, danse, théâtre, arts de la rue, etc.) met en évidence, en premier lieu, <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2020/03/rfg00435/rfg00435.html">l’absence d’effet de réputation</a>. Un nouveau projet de festival a autant de chance d’obtenir son financement qu’un festival qui serait déjà bien établi et reconnu.</p>
<p>Ce résultat peut s’expliquer d’une part par le fait que les investisseurs potentiels ne portent leur attention que sur le projet de festival en question, sans prendre en considération les éventuelles précédentes éditions. D’autre part, un festival déjà établi peut donner l’impression qu’il n’a pas besoin d’aide pour se financer.</p>
<p>Les festivals qui ont le plus de chances de réussir leur campagne de collecte de fonds semblent posséder une forte dimension communautaire. Ils visent davantage à rassembler les individus plutôt que la célébration d’un art en particulier.</p>
<p>Par ailleurs, plus importante imagine-t-on la taille du festival, plus l’objectif de financement possède-t-il de chance d’être atteint. Le festival interceltique de Lorient, plus important festival organisé chaque année en France, réfléchissait d’ailleurs, avant la crise, <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/lorient-56100/festival-interceltique-550-000-eu-recoltes-par-le-fonds-de-dotation-6470434">au fait d’y avoir recours</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401027/original/file-20210517-19-yo556p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Festival interceltique de Lorient réfléchit actuellement aux moyens d’attirer de nouveaux soutiens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étienne Valois/FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous montrons également que la proposition de contreparties n’a pas d’impact sur la décision des investisseurs potentiels. Celle-ci est davantage motivée par l’envie d’aider un projet que par la perspective de recevoir quelque chose en échange.</p>
<h2>Une opportunité à saisir</h2>
<p>L’ensemble de ces résultats amène à identifier certaines spécificités du crowdfunding dans le domaine du spectacle vivant. Contrairement à beaucoup de formes de financement participatif, où les internautes décident d’investir dans les projets qui leur paraissent les plus solides et offrant un maximum de garanties, le crowdfunding dans le spectacle vivant apparaît comme étant davantage <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S088390261300058X">guidé par l’affect et les émotions</a>. Plutôt que de chercher le projet avec le meilleur potentiel, les investisseurs espèrent avant tout aider un projet qui les touche.</p>
<p>Cette dimension solidaire semble plus importante encore dans le contexte de la crise de la Covid-19. Malgré les aides de l’État, certaines structures de l’industrie de la culture et du spectacle vivant se retrouvent dans une situation financière difficile qui peut aller jusqu’à remettre en cause leur existence.</p>
<p>Le financement participatif semble, dans ce contexte, constituer une opportunité à saisir pour les professionnels. La méthode avait par exemple contribué à sauver le <a href="https://www.helloasso.com/associations/motocultor-fest-prod/collectes/soutenez-le-motocultor-festival-1">Motocultor, festival breton de métal, en 2017</a>. Le baromètre du financement alternatif en France réalisé par Mazars et l’association Financement Participatif France atteste d’ailleurs de la très forte hausse des dons effectués au profit du spectacle vivant, passé d’environ 7 millions d’euros en 2019 <a href="https://financeparticipative.org/barometres-crowdfunding/">à plus de 20 millions en 2020</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161033/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Alors que le secteur subit fortement les effets de la crise, ce mode de financement pourrait apporter une aide précieuse.
Damien Chaney, Professor, EM Normandie
Bruno Pecchioli, Professeur associé, ICN Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/158806
2021-05-11T18:00:51Z
2021-05-11T18:00:51Z
Festivals et concerts en temps de Covid-19 : une expérience émotionnelle appauvrie ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/400077/original/file-20210511-21-1w32k00.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1909%2C910&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles transformations pour l'expérience émotionnelle collective des spectateurs?</span> <span class="attribution"><span class="source">Nico Didry/Twitter</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Jauge réduite à 5000 places assises, port du masque, distanciation physique : avec les restrictions gouvernementales liées à la pandémie de Covid-19, cet été, l’expérience des festivaliers et des amateurs de concerts risque d’être complètement chamboulée.</p>
<p>Alors que la plupart des gros festivals (Hellfest, Paléo Festival, Musilac, Eurockéennes, Solidays) ont décidé d’annuler leur édition 2021, les <a href="https://www.konbini.com/fr/musique/le-festival-des-vieilles-charrues-2021-est-maintenu-avec-une-organisation-inedite/">Vieilles Charrues</a>, les <a href="https://www.francofolies.fr/infos-edition-2021">Francofolies de La Rochelle</a>, Jazz à Vienne (déjà en configuration assise avec une majorité de concerts dans l’amphithéâtre romain) et d’autres maintiennent et adaptent leur festival aux restrictions imposées par le gouvernement.</p>
<p>Comment ces mesures vont-elles affecter les interactions sociales et émotionnelles qui sont au cœur de cette expérience du festival ?</p>
<p>Pour comprendre l’impact des mesures sanitaires (port du masque, limitation de la circulation des personnes, distanciation sociale) il faut déjà connaître l’importance de la dimension émotionnelle collective dans l’expérience de festival. J’ai mené une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01421660">étude socioculturelle pendant quatre ans</a> sur plus de 20 festivals de musique dont les résultats montrent qu’elle est centrale.</p>
<h2>La dimension émotionnelle collective au cœur de l’expérience</h2>
<p>L’omniprésence des échanges émotionnels observés dans l’expérience de consommation événementielle témoigne que la circulation des émotions est permanente. Deux types transferts d’émotions ont été identifiés : le <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/7430">partage social des émotions</a>, qui est une action volontaire de la part de l’émetteur par l’évocation de ses émotions sous une forme socialement partagée et la contagion émotionnelle, qui est la tendance automatique à <a href="https://www.cambridge.org/core/books/emotional-contagion/31BB43FF39498E2077E40D4EE62C8820">imiter les émotions des autres</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399946/original/file-20210511-23-q5z94t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Partage des émotions, Hadra Festival 2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si le festivalier ne partage pas son émotion de manière volontaire, il est vecteur d’émotion via la contagion émotionnelle. Ces transferts d’émotions produisent les émotions collectives. Ce sont des émotions similaires, vécues collectivement entre les membres d’un groupe social ou d’une communauté, ressenties de manière quasi simultanée et résultant d’expériences partagées. Chez les sociologues, les émotions collectives, en tant que concept, sont l’évolution de ce que Durkheim (1912) appelait <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2001-5-page-707.htm">« effervescences collectives »</a>, et qui faisait suite à une intensification émotionnelle dans le groupe ou dans la foule.</p>
<p>La dimension émotionnelle collective est une caractéristique centrale de cette expérience. L’expression <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-02903474">« dynamiques émotionnelles »</a> apparaît significatif dans ce contexte, pour qualifier l’ensemble des phénomènes émotionnels interactifs dont cette étude a validé la présence et l’importance lors du vécu des festivals.</p>
<p>Si l’importance des échanges émotionnels entre les artistes et le public a été étudiée et validée, l’analyse globale de l’expérience émotionnelle des festivaliers montre que ces dynamiques touchent aussi l’ensemble des acteurs de l’événement. Le schéma suivant présente une modélisation des transferts d’émotions (flèches vertes) entre l’ensemble des acteurs du spectacle, notamment les festivaliers entre eux, dont certains ont un rôle d’émetteur d’émotions très marqué.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399945/original/file-20210511-21-1xksf07.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Modélisation des transferts d’émotions entre les différents acteurs d’un concert.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
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<h2>Le besoin d’échanges émotionnels</h2>
<p>Le facteur humain est identifié comme un indicateur de satisfaction premier de la part des festivaliers. « Rencontrer des gens » et « partager des émotions » sont cités par respectivement 48 % et 39 % des festivaliers en réponse à la question : « Quelles sont les raisons de votre venue sur le festival ? »</p>
<p>Plus encore, la qualité et la nature des interactions sociales et émotionnelles sont un véritable baromètre de l’expérience du festivalier. Pour certains, la nature des interactions sociales est même le point le plus important concernant le vécu de leur expérience, comme l’illustre parfaitement ce commentaire d’une festivalière sur la page Facebook du Hadra Trance Festival :</p>
<blockquote>
<p>« Merci à tous ces festivaliers que j’ai croisés et qui m’ont souri, car c’est dans le sourire de ces accros du son et des vibrations que j’ai trouvé la plus belle ressource d’énergie et de bonheur ! »</p>
</blockquote>
<p>A l’inverse, l’environnement humain peut être source de désagrément dès lors qu’il ne répond pas aux attentes des festivaliers. Le manque d’empathie, de communication, de respect en sont les raisons principales d’après les festivaliers.</p>
<p>Un phénomène de rejet des festivaliers émotionnellement passifs est aussi fréquemment observé.</p>
<p>Enfin, il ressort que les festivaliers sont en quête d’émotions collectives.</p>
<p>Ils mettent en place de <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03195813">véritables stratégies</a> pour faciliter les interactions émotionnelles : déguisements, accessoires, comportements…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399831/original/file-20210510-23-6l0fix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Free Hugs (Tomorrowland 2019) et Déguisements (Musilac 2017) pour créer des interactions sociales et émotionnelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nico Didry</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les spectateurs deviennent de véritables acteurs de l’expérience grâce aux dynamiques émotionnelles qu’ils créent, alimentent ou bloquent.</p>
<h2>L’impact des mesures sanitaires sur la dimension émotionnelle collective</h2>
<p>Les mesures sanitaires appliquées aux festivals et concerts dans le cadre de la pandémie du Covid-19 vont être un frein réel à la mise en place de ces dynamiques émotionnelles collectives qui font la spécificité et la richesse de l’expérience de festival ou de concert.</p>
<p>Le port du masque va limiter <a href="https://www.pug.fr/produit/604/9782706114748/les-emotions-et-leurs-expressions">l’expression faciale des émotions</a>. Le phénomène de contagion émotionnelle qui passe beaucoup par la synchronisation automatique (entre les personnes) des mimiques faciales émotionnelles sera très fortement impactée.</p>
<p>Le masque réduit aussi le partage social des émotions par l’atténuation des expressions vocales des émotions, et parce qu’il n’invite pas à partager son émotion par les expressions faciales. Reste alors l’expression posturale des émotions (danser, bouger, lever les bras…), mais la position assise ne le permettra que partiellement.</p>
<p>Le fait d’être assis va limiter la mobilité des festivaliers et spectateurs, réduisant de facto les interactions sociales et le nombre d’échanges émotionnels. Aussi, la contagion émotionnelle interpersonnelle sera réduite à 2 ou 3 personnes uniquement, celles assises à côté de soi, au lieu du petit groupe d’amis ou de personnes qui gravitent autour de nous.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1293319968235425795"}"></div></p>
<p>L’apparition d’une contagion émotionnelle de masse, souvent observée dans la foule massée devant la scène, est dépendante d’une certaine densité sociale. On peut parler de densité émotionnelle dans le cadre de l’expression des émotions et de l’apparition d’émotions collectives. Or, la densité émotionnelle ne sera pas vraiment au rendez-vous dans le cadre d’un placement assis avec une distanciation sociale entre chaque spectateur ou groupe de spectateurs.</p>
<p>Enfin, mon étude a permis d’identifier quatre profils de festivaliers au regard de la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01421660">dimension émotionnelle collective de l’expérience de festival</a>, avec chacun des logiques de consommation et des comportements bien spécifiques. La configuration assise ne permet pas de répondre pleinement aux besoins de trois de ces profils. Ce qu’atteste le <a href="https://www.konbini.com/fr/musique/5000-personnes-festivals">sondage du festival We love green en février dernier</a> :85 % des festivaliers ont déclaré ne pas souhaiter venir si c’était un festival assis.</p>
<p>L’essence même du festival ou du concert – ces rassemblements festifs et communautaires ou l’on cherche à partager ses émotions – est donc remis en cause par ces restrictions sanitaires. Même si les organisateurs qui ont décidé de maintenir leur événement font de leur mieux pour adapter leur offre en fonction de ces contraintes, de manière à dénaturer le moins possible l’expérience, celle-ci sera forcément bien différente. Affaire à suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158806/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Didry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comment les mesures sanitaires vont-elles affecter les interactions sociales et émotionnelles qui sont au cœur de l’expérience du spectacle vivant ?
Nico Didry, Maître de conférences, Stratégies Economiques du Sport et du Tourisme, CREG, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/153035
2021-01-13T18:14:37Z
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Et si les pros de l’événementiel religieux inspiraient la campagne de vaccination ?
<p>Quels rapports entre un grand rassemblement religieux et la campagne de vaccination de masse contre la Covid-19 ? A priori aucun.</p>
<p>Pourtant, ayant étudié <a href="https://www.bayard-editions.com/religions-et-sciences-humaines/religions/religion-et-societe/leglise-les-jeunes-et-la-mondialisation-une-histoire-des-jmj">l’histoire des Journées mondiales de la jeunesse</a> (JMJ), gigantesques rencontres religieuses, qui tous les deux ou trois ans depuis 1985, font converger des pèlerins de 16 à 35 ans autour du pape, je repère deux caractéristiques communes à ces dispositifs :</p>
<ul>
<li><p>le besoin de gérer des flux importants de personnes et de matériels sur une période courte ;</p></li>
<li><p>la nécessité de susciter l’adhésion pour qu’un maximum d’individus participent.</p></li>
</ul>
<p>L’analyse des JMJ, en particulier, celle qui a eu lieu à Paris en <a href="https://eglise.catholique.fr/actualites/dossiers/jmj-de-paris-1997-notre-dossier-special/">1997</a>, pourrait-elle, dès lors, alimenter la réflexion sur la manière dont la vaccination en cours peut être organisée en France ?</p>
<h2>Privilégier une approche interministérielle</h2>
<p>L’Église catholique, organisatrice de la JMJ d’août 1997, sollicita le gouvernement, non seulement parce que l’accueil de Jean‑Paul II, leader religieux mais également chef d’État du Vatican, relevait de la République française, mais aussi parce que, comme toute manifestation d’ampleur, elle posait des questions de sécurité, de maintien de l’ordre et de gestion des foules qui concernaient la puissance publique.</p>
<p>Il y avait également, en raison de la dimension internationale, des enjeux liés à l’image de la France à l’étranger.</p>
<p>Le premier ministre Alain Juppé accepta de mettre en place un comité interministériel, directement rattaché à lui, pour coordonner l’action des administrations et organismes publics concernés par ces questions. Il en confia l’animation au <a href="https://www.liberation.fr/portrait/1996/10/16/philippe-morillon-61-ans-ancien-chef-de-la-forpronu-aide-les-sdf-dans-une-communaute-charismatique-l_186720">général Philippe Morillon</a>.</p>
<p>Cet ancien commandant des forces armées de l’ONU lors de la guerre en Bosnie, lui-même catholique pratiquant, interpréta son rôle de manière large : au-delà des enjeux de sécurité et de diplomatie, il fit son possible pour, dans le respect du cadre laïc, faciliter la tâche des organisateurs, en leur ouvrant les portes des différents ministères et collectivités territoriales.</p>
<p>Leur concours logistique (et non financier, pour cause de laïcité) permit le bon déroulement de la manifestation. Tout en regrettant que certains fonctionnaires « suite aux procès et mises en examen des dernières années » aient fait une « lecture plutôt tatillonne des textes sans chercher à s’adapter aux circonstances particulières », Morillon parvint à harmoniser les initiatives d’acteurs aux cultures très différentes.</p>
<p>Pour la campagne de vaccination, on peut se demander si ce modèle de gouvernance ne serait pas plus pertinent qu’un pilotage par le seul ministère de la santé. C’était d’ailleurs l’option qui avait été choisie, avec succès, par Édouard Philippe quand il avait nommé Jean Castex, jusqu’alors délégué interministériel aux grands événements sportifs, <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/coronavirus-jean-castex-le-vice-premier-ministre-qui-prepare-le-deconfinement-3962916">coordinateur interministériel pour la stratégie de déconfinement</a>.</p>
<p>Cela faciliterait sans doute la mise en synergie de la perspective sanitaire avec les autres approches (<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/06/vaccins-le-gouvernement-a-essaye-de-cacher-une-faillite-logistique-par-une-communication-maladroite_6065314_3232.html">logistiques</a>, <a href="https://www.europe1.fr/societe/axel-kahn-pointe-une-tres-importante-erreur-strategique-sur-la-vaccination-en-france-4015333">communicationnelles</a>…) nécessaires à la réussite de l’opération. Cela permettrait aussi vraisemblablement de mobiliser davantage les ressources existantes au sein du service public (plutôt que de faire appel à des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/pour-sa-strategie-vaccinale-le-gouvernement-a-sollicite-4-cabinets-prives_fr_5ff6d39ac5b64e568bf4863f">cabinets privés</a>), tout en facilitant la coopération avec les acteurs non étatiques.</p>
<h2>Conjuguer professionnalisme et engagement bénévole</h2>
<p>La JMJ de Paris entraînait de nombreux défis logistiques : 1,5 million de repas de qualité devaient notamment être distribués sur cinq jours, avec des ressources limitées.</p>
<p>En coopération non plus avec les pouvoirs publics mais avec le groupe Sodexho (aujourd’hui <a href="https://start.lesechos.fr/innovations-start-up/top-start-up/5-choses-que-vous-ignorez-sans-doute-sur-sodexo-1178286">Sodexo</a>), les organisateurs inventèrent un dispositif original permettant de limiter le temps de service des repas, de rejoindre les pèlerins tantôt sur le site des grands rassemblements, tantôt dans leurs multiples lieux d’hébergement, tout en limitant le recours à un personnel salarié qui était majoritairement en vacances, et qu’ils n’avaient de toute façon pas les moyens de rémunérer.</p>
<p>La nourriture fut préparée et distribuée dans des « unités mobiles de restauration », c’est-à-dire des petits camions frigorifiques transportant des denrées, du matériel pour réchauffer les plats et un stand de distribution.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378353/original/file-20210112-23-92fked.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma d’une unité mobile de restauration (documentation Sodexho)</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’unité était dirigée par un responsable Sodexho, assisté par dix jeunes pèlerins bénévoles, dont l’un avait été préalablement formé par les organisateurs.</p>
<p>Malgré les résistances initiales d’une partie des salariés du géant de la restauration collective, la formule se révéla efficace, et adaptée à une configuration qui nécessitait de la souplesse et de la réactivité. La supervision par un professionnel garantit la qualité et le respect des normes sanitaires, l’engagement des volontaires apporta une forme de dynamisme et de gratuité.</p>
<p>Cette hybridation des logiques du monde de l’entreprise, et du monde du bénévolat, déjà testée lors des précédentes éditions, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=L-AmL5eQXkU">notamment à Denver en 1993</a>, fut jugée enrichissante par les salariés et les syndicats de Sodexo.</p>
<p>Elle permit à l’organisation des JMJ de démultiplier à moindre coût sa capacité de distribution des denrées et de rejoindre les jeunes disséminés dans toute l’Île-de-France. Parmi les jeunes bénévoles, l’implication dans la distribution des repas pouvait répondre à une soif d’expérience spirituelle, le service du prochain étant dans la religion chrétienne un moyen d’accès à Dieu.</p>
<p>Elle relevait également d’un processus d’<a href="https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2013-3-page-25.htm"><em>empowerment</em></a>, c’est-à-dire d’acquisition de nouvelles capacités d’agir, non seulement sur le cours du rassemblement, mais aussi sur leur future trajectoire professionnelle.</p>
<p>Plus que la transposition de certaines de ces solutions techniques et logistiques, c’est l’implication des volontaires qui peut être inspirante par rapport à l’enjeu sanitaire actuel.</p>
<p>Dans la lutte contre l’épidémie, les citoyens « lambda », et notamment les jeunes, ont été appelés à jouer un rôle essentiellement passif.</p>
<p>Dans la communication gouvernementale, leur contribution devait principalement consister à <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/article/coronavirus-plus-que-jamais-pour-sauver-des-vies-restez-chez-vous">rester chez eux</a>, à cesser leurs activités et à diminuer leurs contacts, avec les <a href="https://www.u-bordeaux.fr/Actualites/De-l-universite/Best-of-2020/Comprendre-l-impact-de-l-epidemie-de-coronavirus-sur-le-bien-etre-et-la-sante-mentale">conséquences psychologiques</a> que l’on connaît.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iMe_gnXTYcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Solidarité dans les quartiers nords de Marseille, avril 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>Impliquer ceux qui le souhaiteraient dans les tâches non médicales des futurs vaccinodromes (l’accueil et l’orientation du public par exemple), pourrait constituer une opportunité non seulement de répondre à un besoin ponctuel de personnel, mais aussi de valoriser une générosité qui s’était spontanément exprimée, surtout lors du premier confinement, par de multiples actions solidaires.</p>
<p>Plus largement, cela permettrait sans doute de ranimer une forme d’optimisme, en permettant aux citoyens d’avoir prise sur le cours des événements. Une mobilisation générale pour la campagne de vaccination contribuerait sans doute par ailleurs à réparer une cohésion nationale mise à mal par les épreuves de 2020.</p>
<h2>Susciter une dynamique à partir du noyau des convaincus</h2>
<p>Ce dernier point supposerait cependant que la vaccination devienne un objectif partagé par les Français qui n’étaient, fin décembre 2020, que <a href="https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-seuls-40-des-francais-prets-a-se-faire-vacciner-pire-taux-du-monde-selon-un-sondage-29-12-2020-8416529.php">40 % à accepter de se faire vacciner</a>.</p>
<p>Sur ce plan également, l’observation de la JMJ de Paris peut être instructive. Dans sa phase préliminaire, une proportion dérisoire de la population cible avait l’intention de participer : à l’ouverture de l’événement, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/08/15/l-eglise-s-inquiete-du-faible-nombre-de-francais-inscrits-aux-jmj_3784562_1819218.html">on comptait 70 000 inscrits</a> français, soit 0,5 % des 18-35 ans vivant dans l’hexagone.</p>
<p>Lors de la veillée finale, ils étaient 700 000, soit 5 % de cette tranche d’âge, un chiffre supérieur aux 2 % de jeunes catholiques pratiquants, ce qui surprit les <a href="https://www.leparisien.fr/societe/dans-le-retro-en-1997-le-succes-inattendu-des-jmj-a-paris-28-06-2016-5922551.php">observateurs et l’Église catholique elle-même</a>.</p>
<p>La dynamique d’agrégation, qui permit la multiplication par dix des participants, reposa sur la mobilisation initiale d’un noyau de jeunes catholiques fervents. Certains, avant le départ, réussirent à convaincre des amis ou des membres de leur famille de se joindre à eux, provoquant une contagion par capillarité.</p>
<p>Une fois rassemblés à Paris, leur dynamisme juvénile suscita la bienveillance et parfois le ralliement de certains riverains, culturellement catholiques mais éloignés de l’Église.</p>
<p>La couverture médiatique de la rencontre, et la retransmission télévisée de cérémonies donnant à voir une foule de jeunes heureux, fraternels et pacifiques, eut un effet d’entraînement qui alimenta l’effet boule de neige. Au-delà des motivations religieuses, le rassemblement rejoignait le besoin de communion d’individus en manque de liens.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rK60shOUI38?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’effervescence JMJ en 1997.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les logiques de l’émotion religieuse ne sont pas celles qui doivent sous-tendre une campagne de vaccination, mais cet épisode suggère qu’il pourrait être pertinent de cibler, parallèlement aux personnes prioritaires, les Français les plus impatients.</p>
<p>Une fois vaccinés, les seconds pourraient contribuer à convaincre les premiers, souvent hésitants, en communiquant leur enthousiasme dans leurs réseaux, via notamment les <a href="https://www.lepoint.fr/sante/etats-unis-les-vaXXIes-selfies-des-vaccins-envahissent-les-reseaux-sociaux-01-01-2021-2407851_40.php">« vaXXIᵉs »</a>.</p>
<p>Leur interview par les médias, qui suscitent la méfiance mais dont l’influence sociale demeure fondamentale, démultiplierait l’effet d’adhésion à un dispositif qui a besoin, pour réussir, d’être coordonné par le gouvernement tout en s’appuyant sur les multiples ressources de la société civile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153035/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les festivals organisés par les jeunes catholiques pourraient bien être utiles à ceux qui orchestrent les campagnes de vaccination.
Charles Mercier, Maître de conférences HDR en histoire contemporaine, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/146329
2020-09-17T17:18:33Z
2020-09-17T17:18:33Z
Festivals : après le séisme
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358697/original/file-20200917-24-lvw2er.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C724%2C4013%2C2287&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le festival Ecaussystème, à Gignac, en 2019.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Festival <a href="https://www.festivalarabesques.fr/">Arabesques</a>, Montpellier, septembre 2019 : Sofiane Saïdi puis Marcel & Rami Khalife Feat enflamment l’événement ; des publics venus des quartiers, des centres et périphéries sociales et géographiques sont en liesse.</p>
<p>Festival Arabesques, Montpellier septembre 2020. À la surprise de beaucoup, le festival se tient, profondément revu vu les circonstances. De l’aveu des organisateurs, il s’agit moins de persister en tant qu’agent économique que d’atteindre deux objectifs que se donnent la plupart des festivals.</p>
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<p>Le premier : soutenir les artistes relevant d’un genre ou d’une esthétique ; ici les musiques du monde, particulièrement touchées par le fléau et son impact sur les mobilités. Le second : préserver le rendez-vous annuel que le festival et son équipe auront donné à des partenaires, des bénévoles, des publics, même en nombre forcément plus limité.</p>
<p>Ces deux clefs de l’activité festivalière ont été au principe du maintien de quelques événements. Elles n’ont pas suffi à la plupart des autres. Une troisième dimension de l’activité festivalière a conduit beaucoup d’acteurs publics à changer de regard, et pour certains de façon assez brutale : l’économie. On a ainsi découvert que la suppression de plus de 2000 événements (on peut estimer à environ 4000 le nombre d’événements touchés par la Covid-19 car se déroulant entre avril et août 2020) avait <a href="https://www.francefestivals.com/media/francefestival/189240-sofest_festivals_annules_estimer_la_perte_economique_et_sociale-2.pdf">un véritable et sinistre impact économique, social et artistique</a>.</p>
<h2>Impact économique et social</h2>
<p>Le cumul des dépenses non effectuées par les festivals et les festivaliers et leurs effets induits dépasse, au cours de ces 6 mois, deux milliards d’euros. Ceux qui pensaient que le caractère nécessairement éphémère d’un événement en faisait un opérateur économique frivole ou subsidiaire en sont pour leurs frais : derrière la fête, c’est un monde économique particulier mais important qui s’est développé à la faveur de ce que l’on peut appeler la « festivalisation » de la culture.</p>
<p>En termes d’emploi, bien sûr, le contraste est plus important entre les quelques permanents et la grande diversité des professionnels d’une semaine, d’un mois, d’une prestation ponctuelle. Mais là aussi, cela finit par concerner des milliers d’emplois que les décisions gouvernementales touchant au chômage et au report des dates anniversaires d’intermittence (pour éviter de demander à des artistes hors d’état de se produire de prouver des heures d’activité !) ont permis d’amortir.</p>
<p>Au plan social, il faut parler de l’activité des bénévoles qui, en moyenne en France, représentent les deux tiers des actifs mobilisés par les événements. C’est donc tout un monde, pas nécessairement professionnel ou salarié, mais bel et bien engagé dans l’épopée festivalière, qui s’est retrouvé coi. Enfin, les engagements artistiques anéantis par ces annulations représentent, pour certains, une part déterminante de leur année professionnelle, voire des engagements futurs.</p>
<h2>Lieu de rendez-vous et concentré d’entreprises</h2>
<p>Le festival n’est pas un moment refermé sur lui-même ni un opérateur uniquement centré sur son entreprise. Un festival, c’est une étape dans un parcours, un lieu de rendez-vous, un quasi « marché » parfois. Avignon l’incarne pour le théâtre, Auch pour le cirque, Cannes pour le cinéma. Un festival, c’est un concentré d’entreprises : des agents d’artistes, des cuisiniers, l’inventeur génial de la machine la plus rapide du monde pour nettoyer les verres consignés, des prestataires techniques, de sécurité, etc.</p>
<p>Alors le destin d’un festival, c’est aussi celui de tout ce petit monde d’une économie à la rentabilité parfois modeste, souvent non lucrative, mais qui ne peut se permettre le déficit, et ne supporte pas le silence.</p>
<p>Un festival, c’est enfin une petite République éphémère, qui réunit des participants aux profils souvent diversifiés, plus ou moins connaisseurs et amateurs de parties de la programmation, mais qui adoptent des formes de tolérance à l’égard des goûts et comportements des autres qu’ils se promettent souvent de les expérimenter. Dans un festival, la prise de risque que constitue la découverte d’un nouveau style ou d’un artiste inconnu est amortie par la liesse, la pratique collective, l’effusion.</p>
<p>La crise sanitaire n’a d’ailleurs contraint les opérateurs au silence que la mort dans l’âme, et après avoir tout tenté avec les préfets, les autorités sanitaires et les collectivités locales. Souvent, malgré l’annulation, on a voulu allumer la petite flamme de l’existence, ou bien donner rendez-vous, déjà, à l’an prochain ! <a href="http://www.les-moments-musicaux-du-tarn.com/">Les Moments Musicaux du Tarn</a> ont dû renoncer, mais ils ont accueilli François-René Duchâble pour un concert qui a donné, pour un soir, à la musique un parfum de vaccin contre la sinistrose. Le <a href="https://www.suds-arles.com/fr/2020">Festival des Suds</a> (Arles) a fait de même. En Corrèze et en Creuse, les festivals <a href="https://www.kindofbelou.com/">Kind of Belou</a> ou <a href="https://www.festival-creuse.com/">Musique à la Source</a> ont maintenu des dates, à défaut de reproduire ce mélange si spécifique entre production artistique, convivialité et fête.</p>
<h2>Un phénomène anthropologique</h2>
<p>L’importance acquise par les festivals dans la vie sociale se vérifie par deux derniers phénomènes. D’une part, de toutes les pratiques culturelles, c’est celle des festivals qui enregistre, depuis vingt ans, le plus fort taux de croissance, quand la fréquentation des concerts, des musées ou du cinéma tendent plutôt à stagner.</p>
<p>La récente <a href="https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/L-enquete-pratiques-culturelles">étude du Département des Études, de la Prospective et de la Statistique du ministère de la Culture</a> est très claire à ce sujet.</p>
<p>L’autre preuve, c’est la prolifération des fêtes, autour de propos artistiques très divers, qui ont eu lieu malgré la crise. C’est l’indice que la festivalisation est loin de n’être que la réponse par le « live » à la crise de l’économie du disque, comme on le prétend parfois. C’est au contraire un phénomène anthropologique, et c’est en cela qu’il affronte douloureusement la crise sanitaire, tout comme il avait, auparavant, fait face à l’essor des thématiques sécuritaires.</p>
<p>Mais les festivals sont un monde faussement homogène. En termes économiques, on peut, face à la crise, déjà constater deux grands types qui la vivent différemment parce que leur incertitude stratégique n’est pas de même nature.</p>
<p>D’un côté, les festivals qui sont très dépendants des subventions, souvent en musiques classiques, en théâtre, danse et à un moindre degré en jazz et musiques du monde. Là, l’incertitude porte sur l’avenir des politiques culturelles à l’horizon 2021-25. Le maintien, en 2020, de la plupart des subventions promises ne peut être considéré comme une garantie de survie, même si elle est un important levier que beaucoup de festivals étrangers n’ont pas à leur disposition. De l’autre côté se trouvent les festivals qui dépendent majoritairement de la billetterie. On les trouve fréquemment dans le secteur des musiques actuelles (rock, pop, électro notamment). Eux sont largement dépendants des comportements des publics, dans un contexte où les taux de remplissage pour parvenir à l’équilibre se sont considérablement <a href="https://theconversation.com/la-musique-dans-le-viseur-des-groupes-industriels-98480">accrus ces dernières années</a>. Même si beaucoup de publics ont accepté le report de réservation (sur 2021) plutôt que le remboursement, cela ne fait que produire une trésorerie inhabituelle, mais ne dit rien sur la soutenabilité économique de ces événements à court terme. Et cela concerne les festivals en tant que tels, mais aussi toutes les entreprises qui lui sont plus ou moins liées.</p>
<h2>Deux voies de réflexion</h2>
<p>Face à ces incertitudes, deux voies différentes doivent faire l’objet de réflexion : l’action publique et l’action collective. L’action publique met en question le rôle que veulent se donner l’État et les collectivités territoriales en la matière. Curieusement, alors que ces dernières sont parmi les plus interventionnistes en Europe, elles affichent peu de priorités politiques explicites en la matière. Il manque ensuite une véritable observation systématique du domaine, en dépit des récents efforts accomplis, mais peu suivis, au sein du ministère de la Culture.</p>
<p>L’État peut, en dehors même du ministère qui en a la charge, veiller à deux dossiers sensibles. Le premier est la lutte contre les éventuels abus de position dominante, ceux précisément liés à la concentration qui affecte le secteur depuis quelques années. Le second est la révision de la politique pour le moins chaotique en matière de coûts de sécurité, qui grèvent les économies festivalières de façon inappropriée et très inégale selon les territoires. La circulaire Collomb du 15 mai 2018 entendait en effet réévaluer l’indemnisation, par les festivals, des services d’ordre (police ou gendarmerie) aux abords des événements. Son application a donné lieu à d’énormes disparités selon les départements, et à une annulation pour excès de pouvoir, par le Conseil d’État, <a href="https://lepole.asso.fr/article/2110/instruction-circulaire-collomb">d’une partie du dispositif</a>.</p>
<p>L’action collective est l’autre voie, qui respecte la singularité de l’écosystème festivalier, dont les ressources propres (buvette, restauration, merchandising) et dépenses (techniques, sécurité, cachets) sont plus élevées que dans le monde de la « permanence culturelle » (<a href="https://www.francefestivals.com/media/francefestival/6-sofestindicateurs.pdf">francefestivals.com/media/francefestival/6-sofestindicateurs.pdf</a>). Cette originalité pousse les festivals à devoir organiser leur propre monde, en tissant des liens de coopération ; en interrogeant les perspectives liées <a href="https://editions-attribut.com/product/cultural-policies-in-europe-a-participatory-turn/">à la participation active des publics</a>; en s’intéressant à ce que le confinement a engendré en mode numérique : l’idée d’effusions à distance. La coopération entre acteurs est une vieille idée, souvent anéantie par l’opportunisme de quelques-uns.</p>
<p>Pourtant, le monde festivalier change sous nos yeux. Auparavant, les fondateurs avaient une vision très individualisée, voire héroïque et patrimoniale, de « leur » festival. Ils y étaient un peu comme Dieu sur terre. La nouvelle génération de responsables n’a ni le même capital ni les mêmes valeurs pour s’imposer en majesté sur leur territoire. Et si Dieu a toujours été peu coopératif, les apôtres du monde festivalier actuel sont plus désireux et contraints de l’être que jamais.</p>
<hr>
<p><em>Emmanuel Négrier sera présent aux <a href="https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/%C3%89tats-generaux-des-festivals-Premiere-edition-2-et-3-octobre-2020-a-Avignon">États Généraux des festivals, les 2 et 3 octobre prochains, à Avignon</a>. Il interviendra sur le thème de l’évolution des modèles économiques des festivals.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146329/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Négrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les festivals, dont le succès n’a cessé de croître ces dernières années, ont fortement souffert de la crise sanitaire. Tour d’horizon des solutions possibles pour en garantir la pérennité.
Emmanuel Négrier, Directeur de recherche CNRS en science politique au CEPEL, Université de Montpellier, Université de Montpellier
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tag:theconversation.com,2011:article/136972
2020-04-26T18:53:52Z
2020-04-26T18:53:52Z
La fragilisation du secteur événementiel invite à un changement de modèle
<p>Face à l’épidémie de coronavirus, l’industrie du <a href="https://theconversation.com/coronavirus-et-autres-maux-2020-annee-noire-pour-le-tourisme-mondial-133852">tourisme</a>, des loisirs et de la culture est frappée de plein fouet. L’avenir est plus incertain que jamais.</p>
<p>Un nombre considérable d’inconnues obligent à une grande modestie, en matière de projections. Un éclairage spécifique paraît opportun sur un secteur au cœur du cyclone : les évènements grands ou petits, sans oublier celles et ceux qui participent de près ou de loin à leur organisation (techniciens, bénévoles, fournisseurs, etc.).</p>
<p>C’est une nouvelle expérience du temps qui débute pour nombre d’organisateurs de festivals, alors que l’anticipation est inhérente à l’organisation de semblables manifestations, avec des mois de préparation et le sacro-saint rétroplanning.</p>
<p>Aujourd’hui les repères s’effacent, sachant qu’il n’y a aucune certitude sur l’évolution de la crise sanitaire, la subsistance possible de foyers infectieux, voire la crainte d’effet rebond du coronavirus. Dans un autre ordre d’idée, comment parler d’une quelconque jauge à l’issue du confinement et à quelle hauteur : 1 000 ? 5 000 spectateurs ? Les plus gros évènements de l’été accueillent plus de 200 000 festivaliers.</p>
<h2>Précieuse solidarité</h2>
<p>Ce sujet sensible de la distinction entre gros et petits festivals a provoqué un véritable séisme dans la profession lorsque Franck Riester, le ministre de la Culture, a indiqué que les seconds pourraient être <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-certains-petits-festivals-pourraient-se-tenir-a-partir-du-11-mai-selon-franck-riester_3918735.html">autorisés</a> à partir du 11 mai 2020. Le Prodiss, syndicat national du spectacle musical et de variété, <a href="http://www.prodiss.org/sites/default/files/atoms/files/cp_prodiss_itwriester_16042020_.pdf">a appelé</a> le ministère à d’urgentes clarifications.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250673095230267392"}"></div></p>
<p>Même si un certain nombre de choses séparent ces organisations comme les délais de mise en œuvre, les budgets ou la programmation avec la présence ou non d’artistes internationaux, le traitement à double vitesse interpelle les professionnels.</p>
<p>Quelle que soit la taille des évènements, on comprend aisément les questionnements de celles et ceux qui, depuis des années, se battent pour subsister et se retrouvent aujourd’hui au pied du mur. Sans oublier les <a href="https://www.telerama.fr/scenes/intermittents-du-spectacle-faut-il-declarer-ses-heures-pendant-le-confinement,n6623221.php">intermittents</a> qui redoutent une exclusion de leur régime, faute de spectacles.</p>
<p>Un nombre croissant d’évènements proposent à leurs spectateurs de convertir leur billet en don direct partiellement défiscalisé, ou en avoir, plutôt qu’en remboursement. Mais cela sera-t-il suffisant ? Une aide financière publique devra certainement compenser les pertes pour que les évènements de tous types survivent.</p>
<p>Si on prend l’exemple du festival des Vieilles Charrues, ce sont 270 000 personnes et plus de 7 000 bénévoles, qui se sont retrouvés en 2019 à Carhaix (Finistère). Le budget de la manifestation avoisine les 17 millions d’euros et 18 millions de retombées économiques ; 80 % des recettes viennent des festivaliers et 20 % des partenaires.</p>
<p>Selon <a href="https://www.letelegramme.fr/bretagne/l-etat-engage-la-survie-du-festival-reagit-le-president-des-vieilles-charrues-14-04-2020-12539153.php">Jérôme Tréhorel</a>, directeur général des Vieilles Charrues :</p>
<blockquote>
<p>« Le budget artistique du festival, c’est 4,5 millions d’euros, dont une partie en acompte et des engagements pris auprès de contrats à durée déterminée. Ce sont plus de 2 000 personnes qui construisent cette ville ! ».</p>
</blockquote>
<p>Il faut espérer beaucoup de solidarité, à la fois du public qui, acceptant le <a href="https://www.vieillescharrues.asso.fr/report/">report</a>, devra être de retour en 2021, ainsi que des partenaires qui devront confirmer leurs engagements financiers. Le choc est d’autant plus rude que, pour sa 29<sup>e</sup> édition, le festival devait accueillir la chanteuse Céline Dion comme tête d’affiche. Tous les billets étaient préréservés depuis l’ouverture de la billetterie.</p>
<p>D’où un message sans équivoque des organisateurs :</p>
<blockquote>
<p>« Contraints mais combatifs, nous devrons trouver, avec tous ceux qui œuvrent pour le festival, les solutions pour revenir plus forts l’année prochaine. »</p>
</blockquote>
<h2>Repenser l’expérience événementielle</h2>
<p>Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, mentionnait pour sa part dans une <a href="https://www.lefigaro.fr/cinema/thierry-fremaux-on-peut-imaginer-un-label-cannes2020-pour-valoriser-les-films-20200415">interview au Figaro</a>, le 15 avril 2020 :</p>
<blockquote>
<p>« Ce métier, comme les autres, affronte le risque de devenir un champ de ruines, il faudra qu’on fasse tous preuve d’énergie et d’unité. »</p>
</blockquote>
<p>L’énergie viendra peut-être du changement de paradigme en cours dans le secteur, à commencer par le respect des engagements. Dès le 31 mars 2020, l’<a href="https://levenement.org/wp-content/uploads/2020/04/Responsables-et-solidaires.pdf">Union des marques</a>, organisation représentative des marques, appelait à préparer la reprise de manière responsable et solidaire. Elle suggérait en particulier de veiller « à respecter les équilibres économiques de chacun en s’acquittant des travaux et prestations réalisés dans le respect des délais de paiement et en favorisant systématiquement dialogue et bienveillance ».</p>
<p>Avec l’incertitude croissante, tout le monde cherche un peu de réconfort. En réaction au confinement, une majorité de personnes ont fait le choix de rétablir des contacts avec leurs proches via les outils numériques des réseaux sociaux. La solidarité est également au rendez-vous et cela est incroyablement précieux.</p>
<p>Les organisateurs doivent s’inspirer de tout ceci, tendre la main à leurs publics et rester visibles. C’est le moment pour eux de se questionner, par exemple, sur le format des prochaines éditions, l’amélioration des évènements grâce à des expériences plus enrichissantes, des bonus, des processus de paiement simplifiés (la crise actuelle a démontré le succès des paiements sans contact).</p>
<p>À cet égard, le <a href="https://www.visionsdureel.ch/article/covid-19">message</a> figurant sur le site Internet du festival international de cinéma de Nyon en Suisse prévu du 17 avril au 2 mai 2020, apparaît comme très explicite :</p>
<blockquote>
<p>« Suite aux décisions prises par le Conseil fédéral le 13 mars, Visions du Réel a décidé de repenser le déroulement de sa 51<sup>e</sup> édition, la sécurité de tou.te.s étant une priorité absolue dans la situation sanitaire actuelle. L’équipe envisage une formule alternative et inédite du Festival. »</p>
</blockquote>
<p>Les organisateurs ont ainsi choisi d’offrir les films en ligne gratuitement, dans la limite de 500 visionnages par séance.</p>
<p>La 31<sup>e</sup> édition de Sunny Side of the Doc, marché international du documentaire et des expériences narratives, prévu du 22 au 25 juin 2020 à La Rochelle, se déroulera également dans une <a href="https://www.sunnysideofthedoc.com/fr/sunny-side-of-the-doc-2020-ledition-connectee/">configuration 100 % en ligne</a>. Beaucoup d’autres évènements emboîtent le pas, dans l’audiovisuel comme dans la chanson, à l’exemple du printemps de Bourges avec son <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/cher/bourges/printemps-bourges-2020-sera-imaginaire-numerique-1814466.html">« Printemps imaginaire »</a> à écouter sur les réseaux sociaux et sur France Inter.</p>
<p>L’offre de contenu virtuel s’étoffe, sous la forme d’animations en collaboration avec les artistes et les diffuseurs, de concerts gratuits en rediffusion sur Internet, d’événements en direct avec les têtes d’affiches déprogrammées. Les Rolling Stones ont par exemple donné un concert gratuit en ligne le 18 avril dernier.</p>
<p>Il est probable que la fidélité des spectateurs augmentera en retour, qu’ils décideront plus facilement de conserver ou de reprogrammer leurs réservations plutôt que de les annuler.</p>
<p>L’un des premiers festivals impactés, les <a href="https://www.rdv-aventure.fr/">Rendez-vous de l’aventure</a> à Lons-le-Saunier (Jura), nous en apporte la preuve. L’évènement a été suspendu le vendredi 13 mars 2020 en soirée. Les organisateurs ont adressé un message à leurs spectateurs pour demander s’ils acceptaient de renoncer au remboursement des billets des séances annulées. Dans une très grande majorité, la réponse a été favorable.</p>
<h2>Redimensionner les évènements</h2>
<p>À plus long terme, c’est naturellement la question d’un changement total de modèle qui risque de se poser, avec sans doute une place plus importante accordée à l’enjeu d’écoresponsabilité. Il s’agira pour les organisateurs de questionner le modèle même de leur manifestation, avec comme fers de lance les notions de dimensionnement et de sobriété.</p>
<p>D’après Charlotte Rotureau, entrepreneuse et consultante qui a travaillé sur le concept d’évènements écoresponsables en lien avec la transition écologique, il s’agit notamment de s’interroger sur :</p>
<ul>
<li><p>La juste forme : la durée, les modules, les intervenants eux-mêmes, afin que la démarche soit globale et cohérente. Ceci peut revenir à choisir un lieu moins isolé ou équipé, pour réduire les infrastructures à créer ; adapter les horaires à ceux des transports en commun.</p></li>
<li><p>La juste taille : soit le bon nombre de participants. Faire venir des individus en grand nombre via des transports plus ou moins polluants sur des distances importantes, peut interroger dans l’avenir !</p></li>
<li><p>Les justes moyens : c’est se questionner sur la pertinence des dispositifs mis en place, vont-ils avoir un intérêt ou sont-ils superflus ?</p></li>
<li><p>Le juste périmètre : établir le bon rayon d’action de l’événement. C’est adopter un nouveau rapport avec le lointain et l’ailleurs pour privilégier l’ici et le maintenant en favorisant les échanges avec les acteurs de proximité.</p></li>
</ul>
<p>La pandémie actuelle nous a montré tout l’intérêt des circuits courts : vente directe à la ferme, magasins de producteurs, sites de vente en ligne, mais également de notre trop grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur, qui a entraîné des problèmes d’approvisionnement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247644751773474817"}"></div></p>
<p>La question du juste dimensionnement pourrait ainsi constituer un passage obligé dans les années futures, tout comme celle de l’équilibre budgétaire. Dans 10 ans, les événements accueillant 50 000 personnes et plus sur une journée (que l’on pourrait baptiser évènements de masse) pourront-ils être en cohérence avec les enjeux environnementaux ? Seront-ils encore acceptables par l’opinion publique, s’ils ne revisitent pas en profondeur la question de leurs impacts et de se considérer comme des laboratoires de la transition écologique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136972/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noëlle Rimaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La pandémie oblige les organisateurs à reporter leurs événements mais surtout à repenser leur rapport au risque, notamment écologique.
Marie-Noëlle Rimaud, Professeur associé, pôle marketing, Excelia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/128681
2020-01-12T22:53:20Z
2020-01-12T22:53:20Z
Et si le carnaval de Guyane était un peu plus inclusif ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309242/original/file-20200109-80126-o1ijvm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C1016%2C757&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carnaval à Kourou, Danseuse en fleur, 27 février 2013.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/arriabelli/2225449207/">Arria Belli/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le carnaval de Guyane, qui a débuté cette semaine, est souvent qualifié par les Guyanais avec fierté, « de carnaval le plus long du monde ». Ce n’est en réalité pas le cas puisqu’il suit fidèlement le calendrier grégorien, les festivités débutant le dimanche après l’Épiphanie et se terminant le mercredi des cendres. La durée du carnaval varie donc de 6 à 9 semaines selon les années. En comparaison celui de Limoux dans le département de l’Aude en France, <a href="http://www.limoux.fr/votre-ville/histoire-et-patrimoine/carnaval/joomlannuaire/fiche/503-programme-de-carnaval-2019/54-carnaval">dure trois mois</a>.</p>
<p>Si le carnaval de Guyane possède une originalité, ce n’est donc pas par sa durée, mais plutôt par son caractère libre et spontané. Pourtant, l’analyse des discours populaires démontre que ces aspects sont rarement pris en considération.</p>
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<figcaption><span class="caption">Carnaval de Guyane 2019, Outre Mer la 1ʳᵉ.</span></figcaption>
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<h2>Une attraction touristique</h2>
<p>L’idée dominante est de faire de ce carnaval une célébrité mondiale en copiant d’autres carnavals comme Nice, Rio ou Trinidad où les costumes sont présentés comme étant harmonieux et somptueux. Pour ce faire on tente de mettre en avant des particularités qui n’en sont pas.</p>
<p>C’est le cas pour le bal du samedi soir lors duquel seules les femmes se déguisent et sont autorisées à inviter les hommes à danser. Depuis 2014, l’Observatoire régional du carnaval guyanais milite pour l’inscription du « Touloulou » (nom donné à toutes les personnes déguisées durant le carnaval et ici il s’agit des femmes déguisées) <a href="https://www.guyane-amazonie.fr/inscription-du-touloulou-unesco">au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco</a>. L’idée est de faire reconnaître ce personnage féminin comme étant une particularité guyanaise alors que ce Touloulou qui se rend au bal s’inscrit dans la droite ligne du rite d’inversion carnavalesque (le monde est joué à l’envers). Ce personnage est d’ailleurs très bien décrit par de nombreux auteurs ayant étudié la <a href="https://journals.openedition.org/clio/108">Sainte-Agathe dans les Pyrénées espagnoles</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Touloulous, 2007.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Touloulous.jpg">Didwin973/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La contradiction relevée réside donc dans le fait que des spécificités sont recherchées (souvent là où il n’y en a pas) et que certains regrettent <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/carnaval-guyane-produit-touristique-construire-448223.html;https://www.youtube.com/watch?v=Nns6_IecAN4">« l’absence de touristes »</a>, mais aussi la présence de costumes jugés dégradants (hommes travestis en femmes notamment), le manque de ponctualité des groupes, la violence des jeunes… Certains s’offusquent même de la critique des hommes politiques alors que le <a href="http://www.ict.univ-paris-diderot.fr/carnaval-politique-colloque-international">lien entre carnaval et politique fait partie intégrante des festivités</a>.</p>
<h2>Absence de barrières</h2>
<p>Pourtant, là où réside la particularité du carnaval guyanais, c’est justement par l’absence de barrières – au sens propre comme au sens figuré – entre les Touloulous et les « spectateurs » (qui n’en sont pas en réalité).</p>
<p>Ce détail fait de lui un carnaval dans lequel tout le monde est acteur : pas d’applaudissements, pas d’inactifs, tout le monde participe aux festivités ! Cette rencontre « spectateurs »/masques se retrouve particulièrement à l’occasion du jeu d’intrigue avec les « Touloulous » qui ont pour mission principale de tourmenter, de salir ou de faire participer l’assemblée.</p>
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<span class="caption">Le Gorille et la jeune femme (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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<p>Le gorille tourmentent les femmes et les enfants. Les hommes travestis en femmes chantent des refrains obscènes et courtisent les autres hommes</p>
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<span class="caption">Hommes travestis (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
</figcaption>
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<p>Les <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=300732247306733">« jé farin »</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=A0VHQbiPPx4">« les neg marron »</a>
salissent le public en projetant de la farine, pour le premier, et en menaçant de salir avec un mélange de charbon et d’huile pour les seconds.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Neg Marron (2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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</figure>
<p>Mais cette rencontre tend à disparaître avec l’arrivée des groupes organisés en association déclarée, répétant des chorégraphies et demandant des cotisations.</p>
<h2>Le débordement partie intégrante de la fête</h2>
<p>Progressivement la fête se transforme en spectacle débarrassé de tout « débordement ». À l’heure où la principale ville, Cayenne, veut suivre l’exemple des carnavals internationaux, il faut souligner que ce sont exactement ces aspects spontanés qui animent le carnaval des communes éloignées de Cayenne. Nombreux sont ceux qui ont relayé sur les réseaux sociaux et les médias ces scènes d’aspersions et d’inversion carnavalesques. </p>
<p>De même, le caractère violent du carnaval est souvent décrié et les médias, comme le public, rejettent la responsabilité sur « les jeunes ». La Mairie de Cayenne <a href="https://www.franceguyane.fr/actualite/culture-et-patrimoine/carnaval-de-guyane-2018/les-mineurs-non-accompagnes-de-16-ans-ou-moins-ne-sont-pas-les-bienvenus-au-carnaval-386850.php">a interdit l’accès au carnaval aux mineurs de moins de 16 ans non accompagnés</a>, des internautes proposent que les bals soient interdits aux moins de 25 ans.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Axlwh4XzVVs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jé farine, fierté de la tradition sauvegardée à Saint-Laurent.</span></figcaption>
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<p>Là encore, nous constatons un nouveau paradoxe, celui d’une société qui se vante de sa jeunesse (44 % des habitants ont moins de 20 ans ; âge moyen de la population : 27 ans), mais qui ne semble pas savoir quoi en faire. La solution proposée à des jeunes, déjà exclus de la société par le chômage (40 % des 15-24 ans), est donc de les exclure de la fête. Les jeunes sont souvent qualifiés d’indisciplinés et d’ignorants des codes de la fêtes, mais en remontant dans le temps, nous observons que la fête a toujours été liée à la <a href="http://www.loophaiti.com/content/un-ministre-juge-inacceptable-la-violence-lors-du-carnaval-de-rio">violence</a>, aux débordements et ce, dans de <a href="https://www.lindependant.fr/2016/01/22/limoux-pepe-tailhan-dit-stop-a-la-bibine-carnavalesque">nombreux carnavals</a>.</p>
<p>Le carnaval est ainsi une véritable « cocotte-minute » humaine, un rassemblement subversif, qui, chaque année s’en prend symboliquement et parfois dans la violence, aux représentants des « maux » qui minent la société : le pouvoir politique, les étrangers, la pauvreté, l’infidélité, la crise économique, la maladie…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carnaval et maladie (2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Violences et frustrations</h2>
<p>Il serait pourtant possible d’abaisser le niveau de violence en intégrant les groupes les plus véhéments, en accompagnant leur formation au carnaval de manière à réduire les frustrations qui sont un terreau favorable à la délinquance.</p>
<p>En 2016, le ministère de l’Intérieur a recensé en Guyane près de 3 fois plus de violences volontaires, 4 fois plus de vols violents sans arme et <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/27/les-chiffres-cles-pour-comprendre-la-situation-en-guyane_5101585_4355770.html">13,5 fois plus de vols avec arme</a> que dans le reste de la métropole.</p>
<p>Par ailleurs, 63 % de la population n’est pas née en Guyane. Une large majorité de cette population est pauvre – les <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/27/les-chiffres-cles-pour-comprendre-la-situation-en-guyane_5101585_4355770.html.">bénéficiaires des minima sociaux sont trois fois plus importants en Guyane</a> - et bon nombre de ces jeunes découvrent la société guyanaise et tente d’en comprendre les codes « sur le tas », mais les natifs eux-mêmes ne sont pas forcément mieux insérés dans le tissu économique et culturel du pays. Par exemple, les enseignants, natifs ou pas, rencontrent beaucoup de difficultés à expliquer l’histoire de ce carnaval, des Touloulous qui déambulent dans les rues ou dans les bals, leur symbolique, leurs codes, leur rôle, leur évolution. Se produit alors une double exclusion : économique lorsque ces jeunes sont issus de familles défavorisées et culturelle lorsqu’ils ne maitrisent pas les codes du rituel.</p>
<h2>Développer sa créativité</h2>
<p>L’exclusion renvoie un message inconscient dans lequel il est sous-entendu que pour participer à la fête (donc faire partie de la société) il faut posséder les moyens financiers adéquats. Le carnaval reflète le quotidien de ces jeunes auxquels la société laisse entendre qu’ils n’ont pas les moyens culturels et économiques suffisants pour apporter leur contribution. Or, le carnaval est le meilleur moyen de développer sa créativité, de produire à partir de morceaux épars.</p>
<p>L’originalité du carnaval guyanais est sa gratuité. Les Touloulous ont accès gratuitement à la musique produite par les célèbres orchestres des bals grâce aux vidés : ces derniers désignent les bals organisés dans la rue avec un orchestre juché sur un camion.</p>
<p>L’accès aux rues est également gratuit, mais s’est créé au fil du temps un filtre apparu avec la création d’associations, l’organisation de bals privés, la remise de prix lors des parades et la quête de sponsors. C’est un cercle économique qui fait perdre de vue l’extrême pouvoir d’inclusion sociale du carnaval.</p>
<p>Le défi aujourd’hui est d’utiliser cette force pour en faire un outil de l’Éducation nationale afin d’apprendre à ces jeunes à développer leurs talents. L’art, la culture et les artistes peuvent accompagner la réussite scolaire, l’insertion sociale, l’épanouissement de chacun et prendre en charge la <a href="http://www.oecd.org/edu/ceri/FR_overview_FINAL_print.pdf">citoyenneté</a>. Pensons ainsi à ces musiciens, autodidactes pour la plupart – et qui font danser toute la Guyane durant plusieurs semaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les Blue Stars feroces (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/128681/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Hidair-Krivsky est également déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité de Guyane.</span></em></p>
Le carnaval de Guyane en lissant ses spécificités sociales et politiques met de côté tout un pan de la population.
Isabelle Hidair-Krivsky, Anthropologue, maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Université de Guyane
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/126050
2019-10-31T18:36:32Z
2019-10-31T18:36:32Z
Du texte à l’espace public : les arts littéraires dans la rue à Québec
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299186/original/file-20191029-183116-9w01zp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2041%2C1508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Littérature exposée et contre-narration : « Ceci n’est pas une pub »</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, la création littéraire québécoise se distingue par la diffusion sur son territoire des arts littéraires. Ainsi apparaissent des œuvres hybrides et souvent expérimentales, qui recourent à de multiples pratiques transdisciplinaires centrées sur une dimension performative ou spectaculaire, à partir d’un travail esthétique sur la langue et d’une écriture qui combine les supports.</p>
<p>En cela, les arts littéraires sont proches d’une certaine tendance de la littérature contemporaine française qualifiée « hors du livre » <a href="https://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4.htm">par certains chercheurs</a> (Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel).</p>
<p>De manière plus générale, cette tendance s’inscrit dans le « tournant performatif » touchant à la fois le champ artistique et celui des sciences humaines et sociales (<a href="https://www.researchgate.net/publication/248991019_Performing_History_The_Importance_of_Occasions">Peter Burke</a>, <a href="https://trove.nla.gov.au/work/8187415?q&versionId=46260717">Elizabeth Bell</a>).</p>
<p>Les arts littéraires croisent les champs, transgressent les frontières artistiques et s’actualisent ainsi sous des formes variées. Poésie sonore, œuvres vidéo et numériques, lectures musicales, installations, performances participatives et expositions sont au rendez-vous. La littérature quitte le support livresque pour investir l’espace public : de nombreuses créations littéraires infiltrent l’espace de la rue, les façades d’immeubles, les trottoirs, tout en posant aussi la question des « faire avec l’espace » qui <a href="https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_2007_num_33_129_1527">rejoint certains enjeux de l’art contemporain</a> (Anne Volvey).</p>
<h2>Un festival-laboratoire</h2>
<p>Le festival « Québec en toutes lettres » s’impose depuis 2010 comme un laboratoire d’expérimentation novateur qui s’emploie à soutenir et à rendre visibles les arts littéraires dans leur diversité, comme le dispositif « Œuvres de chair » (2012) offrant au public un étonnant speed dating littéraire sous la forme d’un rendez-vous clandestin avec un écrivain dans l’intimité d’une chambre d’hôtel de la ville aménagée par l’auteur ou encore les « commandos poétiques » (2018) <a href="https://www.les-souffleurs.fr/pages-cach%C3%A9es/page-canada-2018/">du collectif les Souffleurs</a> qui chuchotent à l’oreille des passants des poèmes et brandissent au sommet des toits des écriteaux-poèmes afin de désenclaver la littérature.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299187/original/file-20191029-183147-k53rkd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’affiche du festival.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’occasion de son 10<sup>e</sup> anniversaire, le festival a lancé dans la ville une offensive littéraire axée sur la performance avec l’instauration d’une ambitieuse brigade de 40 créateurs investissant les rues et identifiables dans l’espace public grâce à leurs dossards orange, porte-voix et insignes. L’enjeu est d’infuser le terrain et de propager la littérature selon différentes formes (poèmes, contes, micro-récits, fragments, slams) en allant par équipe de 3 artistes au contact des passants dans quatre quartiers de la ville.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/f9qCIsh2ubM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Privilégiant le corporel, l’instantané et l’improvisation, cette littérature performée prend appui sur un enjeu physique et s’efforce d’effacer les frontières entre le privé et le public, mais aussi entre la vie quotidienne et la littérature.</p>
<p>Le livre n’est envisagé que comme un relais, sorte de partition pour la performance à venir. Il s’agit en effet d’une démarche interactive visant à aborder le public en lui proposant une courte lecture capable le temps d’un instant de le transporter dans un autre univers. Cette interpellation du public engendre des réactions diverses. Si certains refusent ou mettent en place des stratégies d’évitement, d’autres participent activement et prennent part à ce moment d’échange, dans l’interaction, en récitant en retour un texte aimé ou un poème de leur propre création parfois. À travers cette dynamique de partage et approche performative, les arts littéraires génèrent à la fois une expérience artistique, esthétique et culturelle éphémère et extraordinaire.</p>
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<span class="caption">Littérature exposée et contre-narration : « Ceci n’est pas une pub »</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Détourner les valeurs marchandes et publicitaires</h2>
<p>Se saisissant de manière ludique de la critique du développement du capitalisme hyperindustriel et du consumérisme outrancier analysé notamment par l’écrivain et philosophe Bernard Stiegler, (<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2004/06/STIEGLER/11261">« Le désir asphyxié, ou comment l’industrie culturelle détruit l’individu »</a>, Le Monde diplomatique, juin 2004), le festival opère cette année un détournement des valeurs marchandes et publicitaires au profit d’un message désintéressé visant à démocratiser la littérature et à réfléchir sur la fabrication artificielle de nos désirs.</p>
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<span class="caption">Dans les vitrines du quartier Saint-Roch.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’événement intitulé « Ceci n’est pas une pub », mené en partenariat avec les libraires indépendants de Québec et les commerçants, invite actuellement le public à suivre une création dispersée dans plusieurs quartiers de la ville (Faubourg Saint-Jean, Montcalm, Saint-Roch et Vieux-Québec). Cette littérature exposée et fugace cherche à bousculer le quotidien des passants et à détourner les supports communicationnels habituels au sein de l’espace public durant quelques jours.</p>
<p>Ainsi, dans cet espace symbolique, correspondant selon Jürgen Habermas à l’expression d’un <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/espace-public/">« intérêt général partagé »</a>, se déploient des fragments poétiques inédits produits à cette occasion par 40 auteurs sur des banderoles géantes dans les rues, des graffitis poétiques à la craie sur les trottoirs, des affiches dans les vitrines de magasins, des ardoises dans les restaurants, des expositions extérieures de bandes dessinées sur présentoirs et de poèmes sur les grilles des jardins.</p>
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<span class="caption">Les textes investissent les grilles du cimetière St Matthew.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les œuvres ne sont pas conçues comme des objets mais plutôt comme une dynamique et un principe de prolifération. L’installation sonore s’infiltre aussi sur le territoire urbain grâce à la mise en place d’une dizaine de capsules audio diffusant les poèmes créés pour l’occasion au détour des rues (boîte aux lettres vocale), des librairies (bornes interactives) et des ascenseurs.</p>
<p>Cette littérature exposée se joue des usages instrumentaux de la narration soumise habituellement à des fins de stratégie communicationnelle et commerciale, afin d’activer un art de conter transmédial qui s’inscrit dans une visée esthétique interrogeant le citoyen, en écho avec la thématique porté par le festival sur les enjeux actuels liés à l’avenir de la vie sur Terre, les liens avec les territoires et la sauvegarde de la beauté du monde.</p>
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<span class="caption">La brigade poétique en action.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Philippe</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Culture expérentielle et médiations in situ</h2>
<p>Outre l’inscription territoriale, la manifestation « Ceci n’est pas une pub » intègre une « promenade accompagnée » par le biais d’une cartographie, sous la forme de cartels, signalant les rues de Québec investies. Dans une perspective dialogique et hybride, cette médiation culturelle in situ portant sur les arts littéraires met en jeu une pluralité d’acteurs et de lieux, tout en cherchant à renouveler les rapports entre l’individu et la littérature.</p>
<p>Partant de la Maison de la littérature, la déambulation menée sous la conduite d’un médiateur comprend quatre stations (rue St Jean, place d’Youville, jardin St Matthew, rue St Joseph) qui permettent de contextualiser le projet littéraire et la démarche, tout en lisant les créations exposées ou en activant les bornes des poèmes sonores. Cette expérience singulière et immersive, établie grâce à cette relation entre le sujet et l’œuvre exposée, invite les participants à se décentrer afin de s’immerger dans la poésie et d’expérimenter les émotions qui en découlent. Mais quel bilan au final du côté du public ?</p>
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<span class="caption">Dans un ascenseur, un poème sonore.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un public enthousiasmé</h2>
<p>Sur la quarantaine de personnes représentant un panel particulièrement hétérogène (genre, âge, profils professionnels…) et ayant assisté à cette « promenade accompagnée », nous avons pu, lors d’entretiens menés au cours de la déambulation, saisir l’intérêt de cette médiatisation des arts littéraires dans ce format spécifique. En effet, plusieurs participants ont souligné leur goût pour « une activité culturelle moins habituelle que les lectures musicales ou conférences d’auteurs durant les festivals », un « renouvellement du rapport à la littérature grâce à la promenade ». </p>
<p>D’autres ont insisté sur la possibilité offerte de vivre la poésie « comme une pratique collective encadrée permettant de mieux comprendre les œuvres, en étant guidé » et aussi « une pratique qui relie aux autres », « un moyen de partager ses émotions » face aux œuvres. Enfin pour certains : « un attrait pour les arts littéraires », « une façon de lutter contre les stéréotypes sur la poésie comme genre inaccessible », « un moyen de rendre accessible la culture ». Au final, un objectif de taille semble avoir été atteint à travers cette publicisation des arts littéraires, celui de démocratiser la littérature contemporaine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299194/original/file-20191029-183142-meq4w9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la suite du monde… un poème de Normand Baillargeon.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/126050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Bisenius-Penin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le festival « Québec en toutes lettres » s’impose depuis 2010 comme un laboratoire d’expérimentation novateur.
Carole Bisenius-Penin, Maître de conférences Littérature contemporaine, CREM, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/119334
2019-07-08T18:31:13Z
2019-07-08T18:31:13Z
Un festival de black metal… au Botswana
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283067/original/file-20190708-51278-1qesezh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1300%2C834&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les festivaliers ont adopté un look « country », mais il s'agit bien d'un festival de Métal!</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Au Bostwana, la musique metal se vit « façon longues vestes en cuir à franges et chapeau de cow-boys » ! Ce 23 mai 2019 à Ghanzi, capitale du désert du Kalahari, les « metalheads » ou « Marocks » comme ils se nomment, convergent de toutes les bourgades du pays pour le dixième Overthrust Winter Metal Festival. Pour la plupart, ils ont parcouru plusieurs centaines de kilomètres en voiture ou en bus. Un peu à l’écart, à même le sol, celui que l’on appelle HorneMan enfile son lourd costume à épaulettes, tout en cuir clouté à franges, chaînes et chaps (un vêtement de cavalier qui protège les jambes comportant une ceinture et des jambières) et de l’incontournable chapeau de cow-boy. Si dans le modeste <em>community center</em> résonnent la balance du concert et les riffs de guitare, un gospel endiablé échappé d’une maison proche improvisée en église domine l’ambiance sonore du parking où la consommation de bière va bon train, dans un drôle de mélange de métalleux et de religieux.</p>
<h2>Flux culturels mondialisés</h2>
<p>On ne manque pas d’éprouver une certaine surprise à se retrouver dans un festival de metal au beau milieu du continent africain. La mondialisation des échanges ne concerne pas uniquement les marchandises, mais également ce que <a href="https://journals.openedition.org/lectures/6564">Ulf Hannerz</a> appelait déjà dans les années 1990 les flux culturels. Ces processus sont difficilement saisissables et le festival metal de Ghanzi représente certainement une cristallisation de ces flux culturels arrivés là on ne sait trop comment : les versions divergent. À l’origine, le metal botswanais viendrait du Nord, de la ville de Maun où des touristes américains devenus finalement résidents l’auraient diffusé, une autre renvoie plutôt en Afrique du Sud, pays limitrophe. Quoi qu’il en soit, la présence au Botswana de ce style musical venu d’occident est-elle à considérer comme un avatar supplémentaire de ce que d’aucuns qualifient pudiquement de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-1-page-103.htm">soft power</a>, euphémisme renvoyant plutôt à un processus impérialiste d’imposition et d’uniformisation culturelle à l’échelle mondiale ?</p>
<p>À bien y regarder la nuance s’impose. D’une part, la manière de vivre le metal dans cette partie du monde est originale, réappropriée et instrumentalisée à travers des problématiques locales, dans une double perspective d’émancipation et d’éducation. D’autre part, la musique metal représente une forme de résistance à un autre flux culturel colonisateur, religieux celui-là, celui de la prolifération des églises évangélistes dans les pays d’Afrique australe. Chacun de ces flux, avec leurs pratiques, se définit par rapport à des enjeux locaux, et se joue dans une tension constante entre un ici et un ailleurs idéalisé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283070/original/file-20190708-51297-z05bqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Botswanais se réapproprient la culture metal.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Civilisation de la vache et éducation</h2>
<p>À Ghanzi, outre le contexte local des townships, un fan de metal européen se sentirait relativement perdu. Il retrouverait bien sûr les rassembleurs signes du diable et de la bière à foison, mais ici peu de headbanging ou de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1kXKbhbZGfI">circle pit</a> dans le public. À la place, les métalleux botswanais exécutent plutôt une danse basée sur un drôle de jeu de jambe qui consiste, le dos très droit, à monter le genou le plus haut possible et à taper le sol du pied le plus fort possible, en ramenant les bras devant soi tout en restant extrêmement raide. Comme en Europe, le cuir est de mise bien sûr, mais les vestes arrivent aux chevilles, recouvrant souvent des jambières d’équitation. Elles ne sont pas seulement cloutées, mais surchargées d’objets divers : cartouchières, caches-sexe en forme de vache, cloche de bétail. Surtout, la multitude de chapeaux de cow-boys donne plutôt à l’ensemble un air de country club.</p>
<p>La symbolique vestimentaire en dit long sur la réappropriation de ce genre musical par les botswanais. Si le metal a été importé d’occident, ces différents accoutrements et parures font sens dans un contexte local particulier. Celui d’un monde agricole où l’élevage bovin reste, avec l’industrie du diamant et malgré le développement récent du pays, la principale ressource économique et d’emplois. Dans ce contexte d’Afrique australe, que l’historien <a href="https://www.belin-editeur.com/lafrique-ancienne">François-Xavier Fauvelle nomme « la civilisation de la vache »</a>, le bricolage culturel apparaît tout à fait logique, faisant le lien entre un passé toujours vivace et l’aspiration à ce qui est perçu comme la modernité occidentale contemporaine et à laquelle les métalleux participent par la musique.</p>
<p>De ce point de vue, le metal est également utilisé pour le développement local et prend une dimension tout à fait politique, sorte de pari d’avenir original. En effet, soutenu par la municipalité, le festival accueille de nombreux enfants de la ville. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes d’en voir une cinquantaine sagement assis dans la salle, écoutant le discours du maire sur le repère que doit constituer pour eux le metal et ses valeurs, pour leur éducation, au milieu d’un public, dont beaucoup de membres titubent, manifestement en état d’ivresse avancée.</p>
<h2>« Nous ne sommes pas des satanistes »… mais des gens tellement normaux</h2>
<p>Si la scène metal botswanaise diffère ainsi par son inscription dans des enjeux et contexte locaux, il faut attirer l’attention sur ce que, à l’inverse, elle partage avec le metal européen et américain. Dans un cas comme dans l’autre, loin des clichés du « rocker rebelle » construits depuis l’époque d’Easy rider et portés par les groupes de référence, la figure du métalleux se distingue aujourd’hui par son extrême intégration sociale, sa « normalité ». Les défenseurs de ce style aiment à répéter que tous les milieux sociaux sont représentés parmi les publics metal. Si cette affirmation semble toujours sujette à caution pour un sociologue, la diversité sociale y est tout de même plus grande comparée à des publics d’autres styles musicaux. Mais globalement ce public, au Botswana comme en Europe, partage un point commun : celui d’être « socialement intégré ». À de rares exceptions, la majorité des métalleux ne connaît <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/derriere-les-apparences-44-metal-fantaisies">pas de difficulté sociale ou économique particulière</a>. En Europe comme au Botswana, ce public occupe majoritairement un emploi, vit maritalement, a des enfants, bref il est difficile de distinguer ces « mesdames et messieurs tout le monde » durant la semaine. En l’occurrence à Ghanzi ils sont salariés, vendeurs, beaucoup occupent un travail agricole, et j’en rencontre plusieurs qui sont policiers. Cette « normalité » est cruciale pour comprendre ce que signifie vraiment cette pratique culturelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283071/original/file-20190708-51273-d2ddbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les festivaliers jouent avec les codes culturels.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Être métalleux prend tout son sens par rapport à un quotidien professionnel pas toujours en phase avec des valeurs et des aspirations à l’accomplissement personnel quelque peu bridées. Comme si chacun pouvait s’ouvrir là un espace de réalisation de liberté, d’égalité et de fraternité. Même si les excès se limitent à l’alcool, rarement à la drogue, il y a une dimension performative dans la participation collective à ces festivals, lieu où l’on éprouve les solidarités, ou on met en œuvre l’égalité et la tolérance de tous les genres en rupture de la société patriarcale, où la violence est bannie. Et ils ont grand cœur les métalleux. À Ghanzi, comme cela arrive en Europe pour certaines causes, les recettes sont reversées pour la lutte contre un fléau national, le suicide des jeunes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-succes-grandissant-des-festivals-de-musiques-actuelles-118620">Comment s’explique le succès grandissant des festivals de musiques actuelles ?</a>
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<h2>Un espace de liberté</h2>
<p>Comme en Europe, les métalleux botswanais sont souvent accusés de dérives satanistes, surtout en Afrique par les églises évangélistes, comme me l’a confirmé <a href="https://ub-bw.academia.edu/GabrielFaimau">Gabriel Faimau de l’Université du Botswana</a>. Ils peuvent bien sûr jouer de cette référence sans pour autant y adhérer. Loin de l’image d’un extrémisme marginal, il faut au contraire souligner leur engagement citoyen, en faveur des valeurs républicaines et démocratiques – d’autant plus significatif en Afrique. Les métalleux botswanais se font appeler reines et rois du metal, mais ici, tout le monde peut jouer ce rôle. Cette pratique culturelle permet de gérer le lien entre un sentiment de dépossession, d’aliénation dans le travail et ce à quoi l’individu aspire. Le repère identitaire que représente le metal dépasse les différences ethniques, nombreuses dans le pays. Pour les protagonistes la primeur est donnée à <a href="https://www.loudersound.com/features/all-hope-is-strong-how-heavy-metal-is-helping-to-unite-communities-in-africa">leur identité de Rocka, du nom que ce donnent les amateurs de metal au Botswana</a>. par rapport à d’autres dimensions, professionnels, religieuses voire familiale.</p>
<p>Les pratiques culturelles sont certes indexées sur des milieux sociaux, mais ce déterminisme n’est pas à ce point implacable qu’une forme esthétique comme le metal soit une fois pour toutes liée à un groupe social particulier. Cette musique peut tout à fait être mobilisée et faire sens pour d’autres groupes sociaux loin des pays où il a été conçu, et si on le voit mobiliser les foules en Afrique australe, son développement est encore plus important au Maghreb, en Amérique du Sud, en Indonésie <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/089799-004-A/syrian-metal-tracks/">et jusqu’en Syrie</a>.</p>
<p>Durant les trois jours du festival de Ghanzi, beaucoup de journalistes étaient présents pour couvrir l’évènement. Entre exubérance et cabotinage, les métalleux se pavanaient devant les objectifs, prenant des poses surjouées, dans leurs rôles de reines et rois du metal. Fallait-il y voir une soumission au diktat contemporain de la célébrité facile ? N’était-ce pas plutôt une recherche de reconnaissance libératrice de la part d’individus qui ne veulent pas être assignés à une identité tournée vers le passé, mais qui regardent vers l’avenir à travers une musique mondialisée ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin a reçu des financements de Maison Européenne des Sciences de l'Homme et de la Société, Lille, Nord de France</span></em></p>
Au Bostwana, la musique metal se vit « façon longues vestes en cuir à franges et chapeau de cow-boys ».
Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs historiques The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/118480
2019-06-21T14:14:50Z
2019-06-21T14:14:50Z
Comment votre cellulaire peut nuire à votre expérience lors d'un concert… et à celle des autres
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279851/original/file-20190617-118505-1ykfv1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une scène du festival Osheaga, à Montréal. Laissez vos téléphones à la maison cet été ! </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/S21ouX_4K9c">Ryan/Unsplash</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>C'est l’été et donc, la saison des festivals. À Montréal, les Francofolies s'achèvent, puis ce sera le Jazz, Usheaga, le Festival d'été de Québec, et tutti quanti. </p>
<p>Ces événements publics nous permettent de nous évader du quotidien. Qu’il s’agisse d’un moment passé en plein air avec des amis à écouter de la musique, ou encore de goûter à la cuisine de rue lors d’un rendez-vous galant, les festivals font partie des événements prisés de la vie en société. </p>
<p>C’est avec leur téléphone portable bien à l’abri dans leur poche que de nombreux amateurs se donnent rendez-vous à leur festival préféré. Mais la plupart des gens ne se rendent pas compte de l’impact de ce geste sur leur expérience – pour le mieux ou pour le pire.</p>
<p>Nous en sommes venus à considérer nos portables comme partie intégrante de notre quotidien, et nous sommes nombreux à penser ne pas pouvoir s’en passer pendant une journée. Ils nous permettent d’organiser notre travail et notre vie de famille, et à rester en contact avec nos amis. Bien des gens se sentent davantage en sécurité s’ils l’ont sur eux. </p>
<p>Mais peu s’interrogent sur l’impact de cet appareil sur notre vécu. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02614367.2019.1618895?journalCode=rlst20">L’étude récente réalisée par notre équipe</a> a révélé que l’usage des cellulaires empiète sur notre expérience du festival et peut avoir des répercussions négatives. Il faut peut-être s’interroger sur le rôle que tient notre téléphone intelligent dans nos souvenirs d’été. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C0%2C5365%2C3637&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277280/original/file-20190530-69071-k8bvfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une festivalière s’amuse sans son téléphone au festival Positivus de Salacgrīva, en Lettonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Krists Luhaers/Unsplash</span></span>
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<p>Au cours des cinq dernières années, nous avons étudié le pourquoi et le comment de l’usage d’appareils mobiles durant les festivals. Nos conclusions permettent une réflexion sur les choix que nous faisons, et leur impact sur nos loisirs.</p>
<p>Les résultats de cette étude démontrent que l’usage que nous faisons de ces appareils au quotidien influence comment nous nous en servirons lors de la fréquentation d’un festival. Il se peut que certains ne soient pas gênés par l<a href="https://scholarworks.umass.edu/ttracanada_2016_conference/7/">’ingérence de leur téléphone durant leur expérience festivalière</a>, mais il est tout aussi possible que cette habitude conditionne ce que nous nous attendons à vivre lors de ces événements.</p>
<h2>Partir de chez soi sans son téléphone?</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/295104893_Mobile_Device_Use_at_Festivals_The_Role_of_Habit">Certains évitent délibérément l’usage du téléphone lorsqu’ils assistent à des événements</a>, de façon à participer pleinement à l’expérience festivalière. D’autres cependant se sentent mal à l’aise à l’idée de partir de chez eux sans téléphone, et si leurs piles se déchargent en cours de route, ils se retrouvent déçus de l’occasion ratée de prendre des photos et de rester en contact avec leurs amis via des messages-textes.</p>
<p>Les entrevues de spectateurs à ces événements révèlent que la présence d’autres festivaliers peut déclencher l’usage du téléphone. Ces spectateurs ont décrit comment ils se sont soudain sentis contraints d’utiliser leur téléphone alors qu’ils étaient assis près d’amis occupés à envoyer des messages-textes ou bien à mener des recherches sur Internet. Cet « <a href="https://www.wsj.com/articles/use-mirroring-to-connect-with-others-1474394329">effet miroir</a> » relève d’un comportement bien connu des gens en situation sociale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277281/original/file-20190530-69091-z74u6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certain d’entre nous éprouvons de la difficulté à ranger le téléphone car nous aimons prendre des photos de l’événement ou de nos amis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hanny Naibaho / Unsplash</span></span>
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<p>L’étude démontre que lorsque nous décidons d’utiliser notre téléphone pour vérifier nos courriels de travail, pour voir ce que font les enfants, ou pour tout autre activité sans rapport avec le festival, le plaisir que nous retirons de l’événement tend à baisser. Si par contre les appareils sont utilisés dans le contexte du festival, afin de vérifier sa programmation, la carte des lieux, ou même contacter des amis que nous désirons rencontrer sur place, il n’y a <a href="https://www.researchgate.net/publication/333324705_Going_Mobile_TTRA_2018_Halifax_submission_revised">pas de baisse du plaisir éprouvé</a>.</p>
<p>Le moment est-il donc venu de se débarrasser de nos téléphones? Nous savons qu’ils nous offrent quelque chose que nous chérissons, mais il y a un prix à payer. Ce qu’il est important de retenir, c’est que nous devons faire preuve de discernement dans l’intégration des portables dans nos vies.</p>
<h2>Des astuces pour moins vous servir de votre téléphone</h2>
<p>Lorsque, cet été, vous irez flâner à la foire de votre quartier, ou bien vous dirigerez vers votre festival de musique préféré, envisagez l’option de vous séparer de votre compagnon mobile. S’il vous semble que ses avantages soient plus importants que ses inconvénients, voici <a href="https://medium.com/the-happy-startup-school/how-to-stop-getting-distracted-by-your-phone-c5e41fe25abc">quelques gestes simples qui vous permettront de demeurer engagé dans votre expérience festivalière</a> et de ne pas être distrait par votre portable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277282/original/file-20190530-69051-1mbahyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Si vous devez utiliser votre téléphone, éteignez au moins les notifications liées à votre travail!</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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<p><strong>Débranchez-vous du travail</strong></p>
<p>Éteignez les notifications de manière sélective. Si cela peut valoir la peine de recevoir les messages-textes d’amis que vous désirez rencontrer pour profiter de l’événement ensemble, cela n’est pas nécessaire de recevoir un courriel de votre patron insatisfait de votre travail.</p>
<p><strong>Dissimulez les applications dont vous n’avez pas besoin</strong></p>
<p>Réorganisez vos écrans. S’il est utile de conserver votre billet ainsi que la programmation du festival à portée de main, les autres applications risquent de vous attirer vers votre téléphone plutôt que de profiter du festival. Mettez donc les applications dont vous avez besoin sur l‘écran principal, et cachez les autres sur les écrans suivants.</p>
<p><strong>Évitez de publier instantanément sur les réseaux sociaux</strong></p>
<p>Retenez-vous avant de publier sur les médias sociaux. C’est amusant de partager avec votre réseau, mais songez à attendre votre retour à la maison. Attendre de partager les souvenirs enregistrés sur le téléphone vous permet de réfléchir à la journée écoulée et vous évite d’être distrait par les commentaires des autres durant l’événement.</p>
<p>Envisagez de ne publier aucune photo de l'événement. Vous pourriez vous apercevoir que cela aboutit à plus d'échanges lorsqu'on vous demande de raconter votre week-end ou votre été. Souvent, lorsque les gens ont déjà regardé vos publications, ils supposent qu'ils savent déjà comment s'est déroulé votre week-end, et de ce fait vous privent de la possibilité de partager vos souvenirs.</p>
<p><strong>Allouez des plages horaires pour le téléphone</strong></p>
<p>Donnez-vous du temps. Plutôt que de vérifier votre téléphone dès que l’envie vous en prend, envisagez de limiter son usage à des plages horaires ou des endroits précis. Certains artistes utilisent d’ailleurs <a href="https://www.overyondr.com/howitworks">un service de blocage comme Yondr</a> afin de bloquer l’usage des téléphones, obligeant ainsi leurs fans à quitter le spectacle s’ils tiennent à vérifier leur appareil.</p>
<p>Dans une discussion autour de son livre “<a href="http://www.catherine-price.com/how-to-break-up-with-your-phone">How to Break up with your Phone</a>”, la journaliste Catherine Price souligne le fait que <a href="https://podcasts.apple.com/ca/podcast/133-catherine-price-redefining-your-relationship-your/id1087147821?i=1000410454827&l=fr%20.">nos vies sont ce qui mérite le plus notre attention</a>. À quoi désirez-vous prêter attention lors de votre prochain festival?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118480/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Van Winkle a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle est présidente du Travel and Tourism Research Association - section Canada.</span></em></p>
L'habitude d'utiliser notre téléphone pendant un festival de musique d'été peut avoir un impact négatif sur nos expériences. Le moment est-il donc venu de se débarrasser de nos téléphones?
Christine Van Winkle, Professor, University of Manitoba
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/118620
2019-06-12T19:56:35Z
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Comment s’explique le succès grandissant des festivals de musiques actuelles ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278959/original/file-20190611-32373-xrhcrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C997%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Future Music Festival, Randwick, Sydney, Australie, en 2013</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Future_Music_Festival_2013_(8541725920).jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>La saison 2019 des festivals de musiques actuelles est sur le point de commencer. Comme chaque année, des millions de Français vont se presser pour assister aux évènements musicaux organisés un peu partout dans le pays. D’après <a href="https://www.touslesfestivals.com/">touslesfestivals</a>, on a dénombré 7 100 000 festivaliers en France en 2018, un chiffre en augmentation de 4,5 % par rapport à 2017. Certains festivals battent même des records d’affluence : les Vieilles Charrues ont attiré 280 000 personnes l’année dernière, Solidays 212 000 et le Hellfest 180 000.</p>
<p>Parce qu’il représente un formidable outil de marketing territorial, chaque région, chaque département, chaque ville possèdent désormais son festival. <a href="http://www.francefestivals.com/">Une étude de la fédération France Festivals</a> illustre la très grande densité de festivals sur le territoire avec environ 1 900 festivals. Certains auteurs comme <a href="https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2159">Ronström</a> vont même jusqu’à parler de festivalisation, un mouvement qui peut prendre différentes formes : </p>
<ul>
<li><p>une festivalisation sémantique qui consiste à requalifier sous le terme de « festival » des rassemblements autrefois connus sous le nom de fêtes calendaires, foires ou encore salons professionnels ; </p></li>
<li><p>une festivalisation de la musique qui décrit l’augmentation vertigineuse du nombre de festivals au cours des dernières décennies ; et </p></li>
<li><p>une festivalisation des pratiques artistiques visant à étendre le « mode festival » à toutes les formes d’art (concentration de plusieurs artistes sur un même site, mise en scène exceptionnelle, gigantisme, etc.).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279101/original/file-20190612-32351-1l4pvyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Grand spectacle pendant un festival.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andre Benz/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si les raisons d’un tel engouement pour les organisateurs sont évidentes étant donné les retombées économiques, culturelles et sociales que génère la création d’un festival, comment expliquer un tel engouement de la part du public ?</p>
<h2>Le festival comme lieu d’évasion</h2>
<p>Au-delà de la programmation souvent exceptionnelle des festivals qui offre la possible de voir sur un même lieu un nombre important d’artistes, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296315003203">étude que j’ai menée avec Christina Goulding</a> montre que les festivals de musiques actuelles sont perçus par les individus comme un formidable lieu d’expression personnelle. Plus spécifiquement, les festivals de musique sont synonymes d’évasion, de socialisation et de transformation physique et mentale.</p>
<p>Tout d’abord, les individus perçoivent le festival comme une véritable capsule, une parenthèse dans leur vie. En tant que tels, les festivals de musiques actuelles sont une source d’évasion. Dans un monde où les occasions de relâcher le stress sont rares et où la routine du quotidien peut être aliénante, les festivals constituent une alternative extraordinaire. Ils offrent aux individus un cadre unique leur permettant de quitter leur vie ordinaire pour un court laps de temps et ainsi mettre de côté tous les soucis du quotidien. Pendant une, deux ou trois journées, ils sont immergés dans un monde à part dans lequel ils peuvent se laisser aller. Dans cet espace-temps unique, chacun est libre de se comporter comme il l’entend, sans crainte d’être jugé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279099/original/file-20190612-32317-hvpaf9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le festival, expérience libératrice.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stephen Arnold/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le festival comme vecteur de socialisation</h2>
<p>Les festivals de musiques actuelles entraînent également une désintégration des distinctions sociales, ce qui facilite la création de ce qu’on appelle une <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/29/1/20/1796199">hypercommunauté temporaire</a>, c’est-à-dire une communauté d’individus que ne se connaissent pas mais se rassemblent spontanément pour vivre une expérience intense avant de se dissoudre aussitôt la fin de l’expérience. Dans un festival, la socialisation est exacerbée. Comme le statut social de chaque individu est moins visible, tous sont sur un pied d’égalité, ce qui favorise les échanges. Il n’y a plus de médecins, de secrétaires, de mécaniciens ou d’agriculteurs : il n’y a que des festivaliers qui partagent une même expérience.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279096/original/file-20190612-32347-1y9k18y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’anonymat de la foule.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Free-Photos/Pixabay</span></span>
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</figure>
<p>Le pouvoir du collectif renforce également l’expérience : les individus peuvent s’enthousiasmer pour n’importe quel artiste uniquement par un effet de contagion. Les artistes ne sont pas de simples musiciens : ce sont des héros que les festivaliers viennent célébrer. Dans les festivals de musiques actuelles, tout est exagéré, vécu plus fort. C’est cette dimension collective qui rend l’expérience festivalière si puissante sur le plan émotionnel.</p>
<h2>Le festival comme facteur de transformation</h2>
<p>Enfin, le sentiment d’anonymat ressenti par les festivaliers est renforcé par la taille de la foule, qui les fait de facto se sentir insignifiants parmi la masse. Puisqu’ils peuvent passer complètement inaperçus, les individus peuvent s’habiller de manière excentrique, se déguiser ou encore danser librement sans être reconnus. Cette transformation physique, qui pourrait être perçue comme bizarre dans la vie réelle, est totalement banale dans l’enceinte du festival et participe au sentiment de vivre une expérience libératrice. </p>
<p>Tel un <a href="https://www.amazon.com/Power-Symbols-Masks-Masquerade-Americas/dp/0774801662">costume traditionnel lors d’un rituel</a>, le changement d’apparence participe à marquer le caractère unique de l’expérience festivalière et à la différencier du quotidien. Les individus s’extirpent des codes de bonne conduite de la vie de tous les jours pour une expérience plus libre, moins codifiée. Il est par ailleurs intéressant de noter que si les individus adoptent pendant l’expérience un look différent du quotidien, une vraie homogénéité se créée dans le festival, renforçant encore le sentiment d’appartenance et le pouvoir du collectif.</p>
<p>Quand ils quittent le festival, les individus reviennent progressivement à une vie normale, mais ils ne sont pas complètement les mêmes. Le festival les a transformés sur le plan mental : ils se sont laissés aller pendant quelques jours, ils ont vécu avec des barrières sociales moins importantes, ils ont rencontré des gens qu’ils ne rencontreraient jamais dans d’autres circonstances. Ils ont vécu une expérience intense : une expérience certes musicale, mais aussi une expérience sociale et émotionnelle forte. En d’autres termes, ils ont expérimenté le « mode festival ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118620/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Chaney ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comme chaque année, des millions de Français vont se presser pour assister aux évènements musicaux organisés aux quatre coins de l’Hexagone.
Damien Chaney, Professeur, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEI
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/115327
2019-05-13T19:15:10Z
2019-05-13T19:15:10Z
Les festivals de cinéma, ça rapporte !
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273400/original/file-20190508-183103-6vcabt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C8%2C1410%2C933&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La 40e édition du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand aura généré près de 11 millions d’euros de retombées économiques pour le territoire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://clermont-filmfest.org/global/espace-presse/#photos">Baptiste Chanat / Clermont-filmfest.org</a></span></figcaption></figure><p>L’un des plus grands évènements de la planète cinéma se déroule cette année à <a href="https://www.festival-cannes.com/fr/">Cannes du 14 mai au 25 mai</a>. Le festival est à la fois un <a href="https://www.youtube.com/channel/UC-PTqxIdpslwlcaj_0dpKQA">évènement annuel glamour</a>, rassemblant des réalisateurs et acteurs célèbres, mais également un <a href="https://www.unifrance.org/festivals-et-marches/611/marche-du-film-de-cannes-cannes-market">rendez-vous professionnel de grande ampleur</a>. Au-delà de la dimension artistique, l’industrie du cinéma, en progression constante, représente en effet un secteur ayant un poids économique majeur, aussi bien à l’échelle de la planète que de certains pays (États-Unis, France, Inde, Corée).</p>
<p>Le box-office mondial s’établissait l’an dernier à <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-le-box-office-mondial-a-son-plus-haut-historique-290205">42 milliards de dollars</a>. En France, on a enregistré, en 2018, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/05/04/cinema-210-millions-d-entrees-en-france-en-2015_4913634_3234.html">210 millions d’entrées</a> pour 1,4 milliard d’euros de recettes. Une <a href="http://www.culture.gouv.fr/Presse/Archives-Presse/Archives-Communiques-de-presse-2012-2018/Annee-2014/Etude-conjointe-sur-l-apport-de-la-culture-a-notre-economie-confiee-a-l-inspection-generale-des-finances-et-a-l-inspection-generale-des-affaires-culturelles-par-Pierre-Moscovici-ministre-de-l-Economie-et-des-Finances-et-Aurelie-Filippetti-ministre-de-la">étude</a> des ministères de l’Économie et de la Culture avait d’ailleurs montré que la culture au sens large pesait généralement aux alentours de 3,2 % du PIB national annuel, soit sept fois plus que l’industrie automobile, à titre de comparaison.</p>
<p>Pour les territoires où sont organisés les festivals, l’enjeu est donc d’en faire un élément fort du développement culturel mais aussi économique, comme le souligne le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) dans son <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/168959/Rapport+d%27activit%C3%A9+2017.pdf/c48945b9-647b-be66-a98e-dcda7775a635">dernier rapport</a>.</p>
<h2>Une efficacité économique peu mesurée</h2>
<p>Le rôle culturel du cinéma est bien identifié, mais on en sait en revanche beaucoup moins sur l’impact économique des festivals de cinéma, même s’il est aisé de connaître les <a href="https://www.senscritique.com/liste/Les_plus_gros_budgets_de_l_histoire_du_cinema/83249">budgets des films</a>, le nombre de copies ou de <a href="http://jpbox-office.com/france.php">spectateurs</a>, voire les <a href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-45270466">salaires des acteurs</a>. On se doute pourtant bien que la présence pour plusieurs jours de professionnels, de journalistes, de spectateurs et de toutes les personnes gravitant autour d’un festival de cinéma génère des dépenses pour la ville ou le territoire accueillant le festival. À Cannes, la dernière édition du festival a ainsi généré <a href="http://premium.lefigaro.fr/conjoncture/2018/05/08/20002-20180508ARTFIG00005-festival-de-cannes-197-millions-d-euros-de-retombees-economiques.php">près de 200 millions d’euros</a> de retombées économiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273401/original/file-20190508-183093-udxhcz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les festivals sont également des rendez-vous importants pour les professionnels.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://clermont-filmfest.org/global/espace-presse/#photos">Rémi Boisseau/Clermont-filmfest.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il paraît donc essentiel de mesurer précisément l’<a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/evaluation/2014-reedition-guide-impact-evenement-touristique.pdf">impact économique</a> de ce type de manifestation, d’autant plus que les budgets des festivals reposent partiellement sur des subventions publiques. Le gouvernement français, et notamment le <a href="http://www.culture.gouv.fr/content/download/17384/149381/version/2/file/Cmethodes07_1.pdf">ministère de la Culture</a>, préconisent d’ailleurs, quand cela est possible, de réaliser ce type d’étude.</p>
<p>Ces études d’impact sont généralement bâties sur un principe assez simple. On évalue de façon la plus précise possible les flux économiques entrants et les flux sortants du territoire considéré. Par un jeu d’additions et de soustractions, on calcule ainsi un flux primaire. À cela s’ajoute, un flux secondaire, calculé sur la base d’un <a href="https://major-prepa.com/economie/effet-multiplicateur-keynes/">multiplicateur</a>, bien connu des économistes keynésiens. Théoriquement, chaque euro dépensé pendant le festival serait susceptible de générer d’autres dépenses dans un second temps, et ce pendant toute la durée du festival.</p>
<h2>Clermont-Ferrand, capitale du court-métrage</h2>
<p>Le <a href="https://clermont-filmfest.org/global/qui-sommes-nous/">festival de Clermont-Ferrand</a> est le second festival de cinéma en France derrière Cannes, et le plus grand festival au monde en matière de court-métrage. Depuis la création de cet évènement, qui se déroule chaque année en février depuis plus de 41 ans, pas moins de 8 000 films sont reçus chaque année. La sélection nécessite près de 2 300 heures de visionnage. Le festival s’appuie sur une équipe de 17 permanents, renforcée par près d’une centaine de professionnels et de 300 bénévoles pendant la durée du festival.</p>
<p>Ce sont en moyenne chaque année 500 films qui sont diffusés au cours de 500 séances dans une quinzaine de sites de la ville. Le festival totalisait lors de ses dernières éditions près de 165 000 entrées, en plus d’accueillir quelque 3 500 professionnels venus du monde entier. Le festival est également affilié aux plus prestigieuses académies de cinéma, puisque le Grand Prix du festival de Clermont-Ferrand est automatiquement sélectionné pour les Oscars dans la catégorie court-métrage.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/216645394" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le festival de Clermont-Ferrand en chiffres (Clermont-Ferrand Short Film Festival).</span></figcaption>
</figure>
<p>En préparant la 40<sup>e</sup> édition qui a au lieu début 2019, l’équipe du festival a souhaité mesurer précisément l’impact économique de l’évènement. L’étude s’est déroulée en deux temps. Dans un premier temps, une analyse économique et comptable a consisté à retracer les flux économiques entrants et sortants, comme des subventions, par rapport au territoire retenu (ici, l’agglomération clermontoise). Dans un second temps, l’équipe de chercheurs mobilisés a interrogé individuellement 989 festivaliers, professionnels comme spectateurs, soit un échantillon représentatif de la population des festivaliers. Parmi les questions posées, certaines permettaient d’évaluer précisément les principales dépenses générées pendant le festival (schématiquement : hébergement, restauration et dépenses de loisirs).</p>
<h2>Un euro de subvention, 22 euros de retombées</h2>
<p>Les résultats révèlent que le festival aura généré en 9 jours un impact économique de 11 millions d’euros, un chiffre qui se décompose en 7,3 millions d’impact primaire et 3,7 millions d’impact secondaire (multiplicateur de 1,5). L’essentiel des flux liés à l’impact primaire provenait de personnes extérieures au territoire qui seraient à l’origine de 75 % de ces flux (6,2 millions d’euros). L’étude souligne aussi que la présence des professionnels du cinéma est vitale économiquement : même s’ils ne représentent que 17 % des participants, ils auront généré pas moins de 56 % des flux de l’impact primaire. Ces professionnels représentent en effet à eux seuls 73 % des dépenses d’hébergement, 53 % des dépenses de loisirs, et 52 % des dépenses de restauration.</p>
<p>Du point de vue de l’efficacité des subventions publiques, l’équipe a calculé qu’un euro de subventions publiques permettait de contribuer à générer 22 euros de retombées économiques. <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/loisirs/festival-du-court-metrage-de-clermont-ferrand-onze-millions-d-euros-de-retombees-economiques_13545916/">« Nous ne sommes pas qu’un coût, nous produisons de la richesse »</a>, affirme dans ce sens Laurent Crouzeix, le délégué général du festival.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273407/original/file-20190508-183077-1j6syos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’édition 2018 du festival de Cannes a généré près de 200 millions de retombées économiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raniavolobueva/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’heure où la dépense publique est passée au crible et où chaque euro dépensé doit prouver son efficacité, ce type d’étude d’impact économique devrait, à notre sens, être généralisé à tous les festivals culturels. Pourquoi ? D’une part, parce que les budgets alloués au secteur de la culture <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/491524/budgets-culture-en-baisse-dans-59-des-collectivites-territoriales/">tendent à baisser</a> dans les collectivités territoriales, certainement car ils ne sont pas assez considérés comme des investissements. Notre étude, en montrant que le festival clermontois a un impact économique important pour le territoire, révèle pourtant bien que les subsides publics qui contribuent au budget du festival génèrent bien des effets économiques largement bénéfiques.</p>
<p>D’autre part, parce que le secteur culturel peut à notre sens également démontrer son apport économique, là où la culture n’est pas forcement « attendue », comme en Auvergne. En cela, l’étude d’impact que nous avons menée, et dont les chiffres ont été largement repris par les acteurs locaux, contribue à renforcer l’intérêt de ce type de manifestation pour un territoire. Par ailleurs, il faut noter que d’autres effets bénéfiques moins tangibles (attractivité territoriale, image, etc.), et donc non pris en compte, peuvent s’ajouter aux retombées effectivement mesurées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Des économistes ont évalué à 11 millions d’euros l’impact économique du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Un exercice assez rare qui pourrait inspirer d’autres manifestations culturelles.
Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business School
Daniela Borodak, Professeur d'économie et stratégie, ESC Clermont Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/112554
2019-04-18T19:39:11Z
2019-04-18T19:39:11Z
En Inde, le plus grand festival religieux au monde est un redoutable atout politique
<p>« Le plus grand rassemblement humain de la planète » c’est ainsi qu’est qualifiée régulièrement la <a href="https://www.thenational.ae/world/asia/kumbh-mela-world-s-biggest-human-gathering-1.814077">Kumbh Mela</a>, pèlerinage hindou qui a lieu tous les 12 ans et rassemble en effet une foule considérable.</p>
<p>Cette année, le festival qui se déroulait à Allahabad (désormais renommée Prayagraj), dans l’état de l’Uttar Pradesh, aurait rassemblé <a href="https://www.financialexpress.com/india-news/kumbha-mela-2019-whopping-150-million-expected-to-attend-greater-than-population-of-100-countries-combined/1417572/">près de 150 millions de personnes</a>.</p>
<p>Dans l’imaginaire hindou contemporain, la Kumbh Mela est un pèlerinage duodécimal, qui prend place au même endroit tous les 12 ans ; ainsi les villes d’Haridwar (Uttar Pradesh), Nashik (Maharashtra), Ujjain (Madhya Pradesh) et Allahabad (Uttar Pradesh) accueillent successivement l’événement.</p>
<p>Pour être plus précis, il importe de spécifier que le pèlerinage de cette année à Allahabad ne serait qu’une « demi » Kumbh Mela, la complète ayant pris place en 2013, et la prochaine aurait lieu en 2025. Ceci étant dit, et malgré le fait que le rassemblement de cette année n’ait été qu’une « demi » Kumbh Mela, la fréquentation de l’événement <a href="https://zeenews.india.com/india/kumbh-mela-2019-enters-guinness-book-of-world-records-government-2184997.html">a été supérieure à tous les festivals précédents</a>.</p>
<p>Mais cette année, plus particulièrement, le festival auquel j’ai assisté véhiculait un message peut-être passé plus inaperçu les années précédentes : la force politique. Cette dernière faisait en effet partie des discours des différents gourous et individus clefs des ordres ascétiques participant au festival.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QwnfA79Ba3M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ouverture du festival en février 2019 (<em>Hindustan Times</em>/YouTube).</span></figcaption>
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<h2>Garder le bras levé pendant 12 ans</h2>
<p>Qui sont les festivaliers ? Nous pouvons classifier le type de personnes fréquentant ce pèlerinage en trois grandes catégories : les ascètes, les prêtres de pèlerinage et les pèlerins eux-mêmes.</p>
<p>La Kumbh Mela est généralement associée aux ascètes (<em>sādhus</em>) hindous, eux-mêmes reconnus pour leurs pratiques religieuses exubérantes : garder le bras levé pour une période de 12 ans, rester debout – ne jamais s’asseoir ou se coucher – pour une même période, mutiler ses organes sexuels afin de démontrer qu’ils ont atteint un état au-delà de tout désir sensuel, etc.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269585/original/file-20190416-147525-1kv54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Kumbh Mela à Allahabad, 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sebadella/8505870418">Seba Della y Sole Bossio/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les prêtres de pèlerinage (<em>tīrthapurohita</em>) quant à eux sont <a href="https://www.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/anth.59.2.a04">des spécialistes rituels</a> et se distinguent des <em>sādhus</em> par le fait qu’ils soient mariés et vivent au sein même de la société ; leur fonction première lors de cette foire religieuse est d’accueillir et d’offrir un hébergement (sous la tente, dans le lit asséché du Gange) aux innombrables pèlerins « laïcs » venus pour l’événement.</p>
<h2>Boire l’eau du Gange</h2>
<p>Ces derniers constituent la grande majorité des personnes fréquentant ce pèlerinage et proviennent de différentes régions rurales de l’Inde, mais essentiellement de l’Uttar Pradesh – état où est situé Allahabad – et des états avoisinants (Madhya Pradesh, Bihar et Jharkhand). Ces pèlerins sont divisés en deux groupes : d’une part les pèlerins dits temporaires, venant que pour quelques jours et, d’autre part, les <em>kalpavāsis</em>.</p>
<p>Ces derniers résident sur le site de la Kumbh Mela pour l’ensemble de la durée des célébrations, voire un mois lunaire complet. Par ailleurs les kalpavāsis ont également fait le vœu de se baigner tous les matins dans le Gange, de réciter le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuls%C3%AEd%C3%A2s"><em>Rāmcaritamanas</em></a> (version hindie du Rāmayāṇa composée par Tulsidās au XVII<sup>e</sup> siècle), de faire un don quotidien au prêtre de pèlerinage qui les héberge et de ne cuisiner et de ne boire que l’eau du Gange. Enfin ils s’engagent <a href="https://gerflint.fr/Base/Inde3/boisvert.pdf">à revenir en tant que pèlerins</a> sur ce site pour 12 années consécutives pour tout un mois.</p>
<p>Cette foire religieuse est en fait la célébration de Mā Gaṅgā, la « mère Gange » et n’existerait pas si ce n’était des pèlerins qui lui donnent vie.</p>
<h2>Un festival hautement politique</h2>
<p>Mais, contrairement à ce qui put être écrit ou véhiculé auprès du grand public, la Kumbh Mela d’Allahabad est une « invention moderne » <a href="https://www.jstor.org/stable/3591863">explique le chercheur Kama MacLean</a>.</p>
<p>Un pèlerinage annuel, appelé la <em>māghmelā</em> existait déjà depuis les VI<sup>e</sup> siècle de l’ère chrétienne. Ce n’est que depuis les années 1860, suite à la première guerre d’indépendance de 1857 – que les <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/r%c3%a9volte_des_cipayes/113696">Anglais appellent « la grande mutinerie » ou « révolte des cipayes »</a> – qu’aurait été instaurée pour la première fois la Kumbh Mela d’Allahabad.</p>
<p>Pourquoi ce changement ?</p>
<p>En transformant la <em>māghmelā</em> en Kumbh Mela dans l’imaginaire ambiant de l’époque, les tīrthapurohitas et les <em>sādhus</em> avaient comme objectif d’y associer le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kumbh_Mela">mythe fondateur de la Kumbh Mela d’Haridwar</a>, c’est-à-dire le barattage de l’océan par les dieux, et de convoquer ainsi des masses de pèlerins beaucoup plus importantes à Allahabad.</p>
<p>À une époque où la téléphonie était inexistante, ceci était l’une des meilleures stratégies pour diffuser un message anti-colonial et mobiliser la population indienne contre la présence britannique.</p>
<p>De la même façon, les festivals d’Ujjain et Nashik ne sont connus comme Kumbh Mela <a href="https://gerflint.fr/Base/Inde3/boisvert.pdf">que depuis peu</a>.</p>
<h2>Bricolages avec les astres</h2>
<p>La Kumbh Mela d’Haridwar prend place lorsque le soleil, la lune et Jupiter se retrouvent tous trois dans la maison du Verseau ; <em>kumbha</em> se réfère ici à ce signe du zodiaque. Ujjain et Nasik, quant à elles, surviennent lorsque ces trois astres se retrouvent dans la maison du Lion, d’où la raison pour laquelle les pèlerins locaux les connaissent sous le nom de sinhāsthamelā : <em>sinha</em> signifie « lion » en sanskrit.</p>
<p>Ici également, en associant Ujjain et Nashik au mythe fondateur de la Kumbh Mela d’Haridwar, on assure une présence pélerine encore plus large ce qui favorise les nombreuses « transactions monétarisées » qu’effectuent les prêtres et ascètes avec les pèlerins.</p>
<p>Mais si l’on revient au pèlerinage d’Allahabad, on s’aperçoit que la Kumbh Mela n’a rien à voir avec la position de la lune, du soleil et de Jupiter ; celle-ci revient tout simplement chaque 12 ans lors du mois lunaire de <em>māgh</em>.</p>
<p>C’est ainsi que, depuis près de 30 ans, nous constatons un nouveau phénomène : des māghmelā sont premièrement nommées « demi » Kumbh Mela tous les six ans, puis rapidement « Kumbh Mela ». Cette stratégie est à la fois monétaire et politique : en faisant exprès d’associer le pèlerinage annuel lunaire (la <em>māghmelā</em>) au mythe du barattage de l’océan (la <em>kumbhmela</em>) les foules sont encore plus importantes et la récurrence de cette immense foire est plus rapide.</p>
<h2>Un prêtre à la tête d’un état</h2>
<p>Il y a un peu plus d’un an, le premier ministre de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath a d’ailleurs insisté sur le fait que dans l’hindouisme, « tout est complet » et <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/full-or-ardh-up-government-s-mela-hype-triggers-fight-over-kumbh-name/story-04Z1cUILINhxCKKXe4So3L.html">qu’il ne peut donc y avoir de « demie » Kumbh Mela</a> : les rassemblements qui prennent place à Allahabad tous les six ans ne peuvent donc recevoir un statut moindre en tant que « demi ».</p>
<p>Il importe de souligner ici que Yogi Adityanath dirige à la fois un imposant ordre ascétique hindou – Gorakhnath Sampradaya – et la branche du Bharatiya Janta Party (BJP, dont est issu l’actuel Premier ministre Narendra Modi) dans son état.</p>
<p>Ce dernier est le plus peuplé de l’Inde avec plus de 225 millions d’habitants, vivant majoritairement en zones rurales, soit près du cinquième de la population de l’ensemble du pays.</p>
<p>Le vote de cet état sera particulièrement stratégique lors des élections législatives qui ont présentement cour, et le rôle du Yogi Adityanath particulièrement observé.</p>
<h2>Draguer un électorat hindou</h2>
<p>Le Yogi Adityanath n’a d’ailleurs pas chomé : en novembre dernier, son parti a fait renommer officiellement le <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/10/18/en-inde-la-ville-d-allahabad-debaptisee-par-les-nationalistes-hindous_16859719">nom d’Allahabad pour celui de Prayagraj</a>, une tendance qui a touché de nombreuses villes indiennes.</p>
<p>Allahabad avait été nommée ainsi par l’empereur Moghul Akbar il y a près de 435 ans. Mais le BJP, ce parti politique caractérisé principalement par son nationalisme hindou et son désir de « re » créer une Inde hindoue, ne voyait pas d’un bon œil ce nom d’origine musulmane.</p>
<p>Prayagraj en revanche reflète un nom, Prayag, qui apparaît dans certains anciens textes hindous (Veda, Purāṇa).</p>
<p>Il est aujourd’hui difficile de dissocier la transformation du nom d’Allahabad pour Prayagraj de la stratégie globale du BJP pour satisfaire un électorat hindou dont l’identité est de plus en plus enracinée dans l’appartenance religieuse.</p>
<h2>Une participation extraordinaire</h2>
<p>Le bricolage ayant permis la tenue d’un festival désormais perçu comme une Kumbh Mela « authentique » a assuré une participation jamais vue lors d’un tel événement.</p>
<p>Le gouvernement fédéral, tout comme le gouvernement de la province de l’Uttar Pradesh, ont investi des sommes colossales pour faire de cette foire religieuse de 2019 l’une des plus imposantes ; <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/politics-and-nation/kumbh-2019-budget-estimate-over-rs-4200-crore/articleshow/65142214.cms">plus de 4&nbsp000 crore</a> (soit 40 milliards de roupies, près de 500 millions d’euros) ont été engagés pour l’organisation de l’événement.</p>
<p>Partout à Prayagraj et sur le territoire de la <em>kumbhnagar</em> (« ville » temporaire où résidaient les kalpavāsis pour l’ensemble de leur séjour), d’énormes affiches publicitaires soulignaient l’implication personnelle de Yogi Adityanath et de Narendra Modi.</p>
<p>Cette dernière s’est révélée fructueuse : ascètes et prêtres de pèlerinage ont utilisé à leur avantage le soutien du parti nationaliste hindou au pouvoir et, inévitablement, cela s’est illustré dans leur discours auprès des pèlerins – kalpavāsis ou pèlerins « temporaires » désormais empreints d’allusions politiques soutenant le BJP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Boisvert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
900 millions Indiens s'apprêtent à voter : dans ce quie s'annonce une véritable bataille pour la démocratie, le gouvernement sortant compte sur les alliés religieux les plus insolites.
Mathieu Boisvert, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)
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tag:theconversation.com,2011:article/103260
2018-10-10T16:19:50Z
2018-10-10T16:19:50Z
Pint of Science : quelques gorgées de science pour tous
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239741/original/file-20181008-72113-193sdv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C10%2C721%2C492&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Permettre au grand public de venir interroger des chercheurs sur leurs travaux, tel est le but de Pint of Science.</span> <span class="attribution"><span class="source">© David Grandmougin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été publié dans le cadre de la <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science 2018</a> dont The Conversation France est partenaire. La prochaine édition de <a href="https://pintofscience.fr/">Pint of Science</a> se déroule du 20 mai au 22 mai 2019.</em></p>
<hr>
<p>Pratiquée de façon systématique dans le monde scientifique, la communication est un exercice central, complexe, et qui répond à des codes propres au monde académique, avec des spécificités d’une discipline à l’autre. Véritables « fourches caudines » de la recherche, les colloques, conférences, congrès, de niveau national, européen ou international obligent à transmettre des connaissances complexes, parfois le fruit de longues années de recherche, en seulement quelques minutes.</p>
<p>Ainsi, restituer ses travaux dans un temps généralement inférieur à 20 minutes constitue bien souvent la première épreuve qu’affronte un jeune chercheur. Cependant, ces évènements conduisent aux regroupements d’experts d’un ou plusieurs domaines, qui possèdent, pour la plupart du temps, un bagage scientifique solide ainsi qu’une bonne connaissance de la méthodologie de recherche. C’est lorsque le public est novice en la matière que le problème se corse.</p>
<h2>Varier les publics</h2>
<p>Comme le disait le philosophe Fontenelle dans ses <em>Entretiens sur la pluralité des mondes</em>, s’il s’agit de « divertir » ceux qui ont « quelque connaissance en leur présentant d’une manière un peu plus agréable et plus égayée ce qu’ils savent déjà plus solidement », le défi est double vis-à-vis de « ceux pour qui ces matières sont nouvelles » : il s’agit à la fois de les instruire tout en leur donnant envie d’aller plus loin dans cette exploration de la connaissance.</p>
<p>Né en 2012 en Angleterre, importé deux années plus tard en France par Élodie Chabrol, et aujourd’hui présent dans 21 pays dont la Suisse, l’Irlande, les États-Unis et l’Australie, <a href="https://pintofscience.fr">Pint of Science</a> (PoS) vise cette pluralité de publics. Dans l’Hexagone, le festival est organisé chaque année en mai, et reprend le temps de la <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science</a> en octobre.</p>
<p>Le principe ? Permettre au grand public de rencontrer des acteurs de la science autour d’une bière (à consommer avec modération) ou de toute autre boisson de votre choix ! Plusieurs rencontres se passent en simultané dans différents bars proposant chacun des thématiques variées. Pour cela (presque) tout est permis : illustrations, vidéos, théâtre, quiz, <em>time’s up</em>, brainstorming, devinettes… Des sciences naturelles aux sciences humaines, l’objectif est de rendre le contenu dynamique et accessible, tout en favorisant les échanges dans un cadre décontracté et convivial.</p>
<h2>Tour d’ivoire ou tournée au bar ?</h2>
<p>En 2019, le Festival Pint of Science est organisé dans une quarantaine de villes de France avec plus de 400 évènements proposés sur tout le territoire. Le succès de PoS témoigne bien des rapports riches entre la recherche et ses publics, loin du mythe du chercheur enfermé dans sa tour d’ivoire. </p>
<p>En abordant des thématiques aussi spécifiques que « les parasites zombificateurs », « les mesures de stress en impesanteur » ou encore « les interfaces tangibles pour l’enseignement » (une partie du programme Pos 2018, à Metz et Nancy) et dans des évènements bien souvent à guichets fermés, PoS montre bien que la recherche est loin de faire peur au grand public, bien au contraire ! </p>
<p>Parmi les participants ayant répondu aux enquêtes des soirées PoS sur les villes de Metz et Nancy, 77,8 % ont fait/font des études scientifiques. Pas loin d’un quart du public n’a aucune notion en matière de Science et pourtant s’y intéresse.</p>
<p>En réalité, ce sont les évènements restreints « aux experts » qui créent cette fracture entre société et recherche. Pourtant, la recherche émane des demandes sociétales : elles ne forment qu’un. Les inventeurs de Pint of Science l’ont bien compris. Les Drs Michael Motskin et Praveen Paul, deux chercheurs londoniens ont découvert la curiosité et la fascination que les citoyens portent aux sciences en ouvrant les portes de leur laboratoire. </p>
<p>Le festival PoS témoigne de l’envie des chercheurs de rencontrer et d’échanger avec la société, mais également l’intérêt et l’attachement que porte le grand public à la recherche publique et à ceux qui l’exercent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Evolution PoS FR.</span>
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</figure>
<p>Si l’exercice permet la rencontre entre chercheurs et grand public, il permet aussi de mettre en lien des chercheurs de disciplines différentes. Les soirées étant sur des thématiques particulières, le but est aussi de réunir des experts de différents domaines autour d’un sujet commun. Naissent alors des collaborations d’un soir qui permettent d’enrichir les débats, débouchant parfois même sur des collaborations à plus long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Vicente est coordinatrice bénévole du festival "Pint of Science" pour la ville de Metz</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver et Laura Déléant ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Venir interroger des scientifiques sur leurs recherches autour d’un verre, tel est le principe de Pint of Science. Et il séduit un public plus large que le cercle des initiés.
Laura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de Lorraine
Anne Vicente, Doctorante en écotoxicologie microbienne, Université de Lorraine
François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de Lorraine
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2018-06-20T18:45:09Z
2018-06-20T18:45:09Z
Ces orchestres qui donnent du souffle aux universités
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/222867/original/file-20180612-112627-kuc6dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C147%2C2002%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A travers des concerts ouverts au grand public, les orchestres universitaires veulent démocratiser la musique classique. </span> <span class="attribution"><span class="source">Joël Hellenbrand/Orchestre universitaire de Strasbourg - ESOF</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Du 6 au 10 juin 2018, c’est une sorte de Fête de la musique avant l’heure qui s’est déroulée à Strasbourg. Venus de Suède, de Suisse, d’Allemagne ou encore d’Italie, près de 500 jeunes musiciens s’y sont retrouvés pour la <a href="http://www.esofestival.com/esof-18/">quatrième édition du festival des orchestres universitaires européens (ESOF)</a>. En quatre jours, ils ont donné neuf concerts, partageant des œuvres du patrimoine commun, de Wagner et Sibelius à Debussy, en passant par Brahms ou Prokoviev. Un programme qui a fait quasiment salle comble chaque jour, avec <a href="https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2018/06/09/le-festival-cartonne">près de 5000 spectateurs au total</a>, issus de toutes les générations.</p>
<p>A l’heure où les orchestres s’interrogent sur le <a href="https://www.francemusique.fr/emissions/le-dossier-du-jour/le-renouvellement-des-publics-de-la-musique-classique-16790">renouvellement de leur audience</a> – particulièrement en France, voilà qui dément les préjugés et montre que le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/le-classique-cest-ringard">vieillissement des publics</a> n’est pas une fatalité. Mais quelle place la pratique symphonique tient-elle vraiment pour les étudiants ? Peut-elle jouer un rôle fédérateur dans la vie d’un établissement ou d’une ville ? En remontant l’histoire de la musique et en analysant le fonctionnement d’un orchestre universitaire, nous trouvons quelques éléments de réponse.</p>
<h2>Un modèle « citoyen » en héritage</h2>
<p>Lorsqu’elles créent des orchestres académiques, les universités cherchent-elles à se doter d’ambassadeurs capables de les représenter lors de manifestations internationales, comme c’était le cas début juin à Strasbourg ? La réalité des intentions est bien plus complexe, ne serait-ce que par l’éclatement des établissements en différentes facultés ou disciplines. Mais les orchestres symphoniques ont un indéniable potentiel de porte-paroles. Il suffit de jeter un œil sur leur histoire pour mieux le percevoir.</p>
<p>Faisant dialoguer les quatre familles d’instruments – cordes, bois, vents et percussions, le <a href="http://digital.philharmoniedeparis.fr/contexte-l-histoire-de-la-musique-pour-orchestre-du-19e-siecle-a-aujourdhui.aspx">genre symphonique</a> est défini à ses origines comme « l’expression du sentiment d’une foule tout entière » <a href="http://imslp.org/wiki/Musikalisches_Lexikon_(Koch_,Heinrich_Christoph)">(Koch, <em>Musikalisches Lexikon</em>, 1802)</a>. De quoi s’imposer rapidement comme l’image d’une république citoyenne, dans laquelle chaque voix prête son concours à l’édifice collectif. Beethoven a concrétisé cet idéal dans sa <a href="http://edutheque.philharmoniedeparis.fr/0732560-symphonie-9-de-beethoven.aspx">Neuvième Symphonie</a>, dont le choral final n’est pas devenu par hasard l’hymne européen. Plus généralement, le XIX<sup>e</sup> siècle est celui de la naissance des nations modernes, fondées sur un modèle parlementaire dans lequel la loi émane des citoyens.</p>
<p>Cet idéal promu par les Lumières a très tôt été expérimenté en musique. C’est ainsi que le genre symphonique connaît ses premiers développements à <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/musdico/Mannheim/168951">Mannheim</a> (Allemagne), dans les années 1750, puis sous la plume de Haydn (1732-1809), Mozart (1756-1791) et <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2006/02/23/vienne-au-rythme-de-beethoven">Beethoven (1770-1827)</a>, à Vienne (Autriche). L’adhésion politique des trois grands classiques aux idées de la franc-maçonnerie et à celles, très proches, de la Révolution française les a confortés dans leur volonté de créer une forme musicale mettant sur un même plan les différents pupitres de musiciens et qui serait l’émanation d’une expression collective.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223638/original/file-20180618-85840-pqyjpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les orchestres universitaires réunissent des étudiants d’horizons différents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joël Hellenbrand/Orchestre universitaire de Strasbourg -- ESOF</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un vecteur d’intégration</h2>
<p>Il serait tentant de penser que les universités ont conçu les orchestres avec un but premier, celui de traduire en musique l’identité de leur communauté étudiante. Mais l’existence de ces formations artistiques dans l’enseignement supérieur n’est en fait pas si ancienne. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouverture_pour_une_f%C3%AAte_acad%C3%A9mique">La composition par Brahms de son <em>Ouverture académique</em> en 1880</a> peut induire en erreur. Car si, à leur création, les conservatoires ont rapidement intégré les cours de pratique collective et promu la constitution d’orchestres symphoniques comme d’ensembles de musique de chambre, cela n’a généralement pas été le cas des universités, à de rares exceptions près.</p>
<p>A Berlin, la Friedrich-Wilhelms-Universität (aïeule de l’actuelle <a href="https://www.hu-berlin.de/de">Humboldt-Universität</a>) fait figure de pionnière, en 1907. Ailleurs, les orchestres universitaires modernes voient le jour bien plus tardivement : en 1954 à Leipzig, en 1968 à Munich, en 1993 à Vienne, 1961 à Strasbourg. Alors que se profile une nouvelle ère, celle de la massification de l’enseignement supérieur, ces créations sont portées par une forte demande étudiante : celle d’une pratique et de projets communs. Comme ils constituent évidemment un vecteur d’intégration dans la communauté universitaire, ils ont rapidement reçu le soutien des établissements eux-mêmes. L’histoire de l <a href="http://ous.unistra.fr/index.htm">‘Orchestre universitaire de Strasbourg</a> illustre cette évolution.</p>
<p>Dès sa création en 1961, celui-ci réunit les étudiants de différentes facultés de l’université. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orchestre_universitaire_de_Strasbourg">Passant au statut associatif en 1973</a>, il inscrit au cœur de ses missions son rôle d’intégrateur social. À chaque rentrée, une partie de ses effectifs se renouvelant, l’orchestre procède en effet au recrutement d’amateurs dans toutes les filières d’études et tous les services administratifs. Pour nombre de participants, c’est l’occasion de poursuivre une activité culturelle qui les passionne, tout en tissant des liens dans un établissement qu’ils découvrent et une ville où, souvent, ils viennent de s’installer.</p>
<p>La constitution en association permet une certaine indépendance. L’université laisse alors l’orchestre libre de sa ligne artistique, et joue surtout un rôle de soutien financier, et logistique. Ce sont les membres du comité, élus par l’assemblée générale, et le directeur musical qui définissent les projets de chaque saison, alignée sur le calendrier universitaire. Mais d’autres orchestres ont fait le choix d’une administration directe de leur université : c’est le cas du <a href="http://www.akademiskakapellet.uu.se/royalacademicorchestra/abouttheorchestra/">Royal Academic Orchestra</a> d’Uppsala, qui était présent du 6 au 10 juin à Strasbourg. Même configuration pour le <a href="http://cosu.sorbonne-universites.fr/">Chœur & Orchestre de Sorbonne Université</a> qui joue d’ailleurs un rôle pédagogique plus officiel, avec des sessions d’orchestre intégrées aux cursus.</p>
<h2>Un répertoire à démocratiser</h2>
<p>Au-delà de la <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/ces-associations-qui-mettent-en-musique-les-universites.html">cohésion qu’ils peuvent créer</a>, l’autre ambition des orchestres universitaires, c’est bien sûr la promotion du répertoire symphonique. Par des concerts à entrée gratuite, ou à bas tarifs, l’Orchestre Universitaire de Strasbourg espère ainsi mettre la culture classique à la portée de tous, étudiants et grand public. Une mission d’accessibilité comparable à celle dont l’université est investie pour l’accès à la connaissance.</p>
<p>Par ailleurs, la musique contribue à ouvrir l’université sur son environnement proche et international. En donnant chaque année des concerts au Palais universitaire, l’Orchestre Universitaire de Strasbourg invite le public à pousser les portes de ce joyau de son campus et à prendre place dans un lieu emblématique qui accueille régulièrement séminaires et colloques. Par des échanges étudiants et des tournées dans d’autres pays – par exemple en Chine en 2001, ou aux Pays-Bas en 2014, il contribue aussi au rayonnement de l’établissement.</p>
<p>En accueillant en 2018 la première itinérance de l’European Student Orchestra Festival, lancé en 2015 à Leuven (Louvain) en Belgique, il montre également que la pratique musicale étudiante ne s’inscrit plus seulement dans un établissement mais dans un réseau plus vaste. Un effort soutenu par la fondation en 2012, à l’Université d’Uppsala, de l’<a href="http://www.enuo.eu/">European Network of University Orchestras</a>. Alors que l’on fête les <a href="http://m.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid130654/ouverture-de-la-celebration-des-20-ans-de-la-declaration-de-la-sorbonne.html">20 ans de la Déclaration de la Sorbonne</a>, qui initiait la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur, ces partenariats montrent que la musique classique est un terrain d’échanges. Et que, même plus de deux cents ans après sa création, le genre symphonique n’a rien perdu de son dynamisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Schneider ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Organisé à Strasbourg en juin 2018, le festival européen des orchestres universitaires a été un succès. L'occasion de revenir sur les bénéfices de la musique classique pour les étudiants.
Mathieu Schneider, Enseignant-chercheur en musicologie, vice-président Culture, sciences et société de l'université de Strasbourg, Université de Strasbourg
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tag:theconversation.com,2011:article/90724
2018-01-25T15:48:37Z
2018-01-25T15:48:37Z
Podcast : rencontre avec Camille Louis dans le cadre du festival Hors-Pistes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203445/original/file-20180125-102738-y9zs4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« La nation et ses fictions », jusqu'au 4 février au Forum -1 du Centre Pompidou</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo The Conversation</span></span></figcaption></figure><p>Cette année, le <a href="https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cXERy7G/rkAoKja">festival Hors-Pistes</a>, au centre Pompidou, a invité Camille Louis, créatrice du <a href="http://kompost.me/p/27-mars-2017-fabrique-du-commun-barranquilla-colombie/">collectif kom.post</a>, à inventer la dramaturgie de l’événement, sur le thème de « La Nation et ses fictions ».</p>
<p>Autour d’une « Univers-cité », d’un café-place et un jardin participatif, le dispositif du Forum -1 accueille publics, historiens, philosophes, anthropologues, écrivains, cartographes, artistes… autour d’autres lectures de la nation, des approches d’autres nations, des manières d’inventer des para- ou extra-nations. Il s’agit aussi d’interroger d’autres conceptions de la nation, des First Nations aux archipels pour y trouver des formes communes d’appartenance autant que d’exclusion.</p>
<hr>
<p><em>Un podcast en partenariat avec la <a href="https://www.lanuitdesidees.com/fr/">Nuit des Idées</a> et l’<a href="https://winterforum.europeanlab.com/">European Lab Winter Forum</a>, qui investit ce soir le marché Stalingrad</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Louis est à l'initiative du collectif kom.post (<a href="https://kompost.me/">https://kompost.me/</a>)</span></em></p>
Cette année, le festival Hors-Pistes, au centre Pompidou, a invité Camille Louis à inventer la dramaturgie de l’événement, sur le thème de « La Nation et ses fictions ».
Camille Louis, Professeure de philosophie et dramaturge, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis
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2016-09-29T04:36:46Z
2016-09-29T04:36:46Z
Saint-Dié-des-Vosges, la capitale des géographes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/139297/original/image-20160926-31840-1k0c9w4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne de Saint-Dié. </span> <span class="attribution"><span class="source">www.geoportail.gouv.fr</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/le-festival/fig-2016">Festival international de géographie</a> (FIG) de Saint-Dié accueille ce vendredi, comme chaque premier week-end d’octobre depuis 1990, écrivains, géographes et curieux pour trois jours entièrement consacrés à cette discipline. Une occasion de revenir sur le succès de cet événement qui rayonne bien au-delà du territoire vosgien.</p>
<p>Au début du XVI<sup>e</sup> siècle, le chapitre de Saint-Dié abritait un cercle d’érudits humanistes : le Gymnase vosgien. Animé par la personnalité de Vautrin Lud, le Gymnase est placé sous la protection du duc de Lorraine René II, qui lui confia le récit de l’explorateur Amerigo Vespucci.</p>
<h2>Le planisphère de Waldseemüller</h2>
<p>Dans le sillage de Christophe Colomb, Vespucci a participé à quatre expéditions vers ces nouvelles terres, sous les bannières espagnole puis portugaise. Il fut le premier à reconnaître l’existence d’un nouveau continent dont il dresse les contours.</p>
<p>Autour du cartographe Martin Waldseemüller, les savants déodatiens éditèrent alors un <a href="https://www.loc.gov/rr/geogmap/waldexh.html">planisphère</a>, une continuité moderne des travaux de Ptolémée. Ils y intégrèrent ces nouvelles terres et nommèrent ce continent « America » en l’honneur de l’explorateur. Accompagnés d’un livret contenant un traité de géographie, ces travaux feront autorité dans le monde entier.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138644/original/image-20160921-21711-mjk82y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Publié en 1507, le « Cosmographiae Introductio » est un traité de géographie qui accompagne le planisphère de Waldseemüller.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Gingembre</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En mémoire de ce passé et avec le soutien d’amis géographes acquis à ce projet, Christian Pierret, élu à la mairie de Saint-Dié en 1989, a l’idée d’associer cet événement vieux de cinq siècles à la promotion de la géographie. Ainsi naquit le FIG, qui se tient depuis 1990 à Saint-Dié. Une manifestation scientifique ouverte au grand public qui mobilise géographes et écrivains.</p>
<h2>Petit territoire, grande manifestation</h2>
<p>Le FIG constitue un espace d’échanges et de découvertes adossé à la légitimité de Saint-Dié, « marraine de l’Amérique ». Cette création était audacieuse, le pari de sa réussite n’était pas gagné d’avance, mais le succès vint vite.</p>
<p>Cette année, le classement de l’<a href="http://www.sites-le-corbusier.org/fr/manufacture-a-saint-die-des-vosges-usine-duval">usine textile Duval</a> – construite en 1951 par Le Corbusier – au patrimoine mondial de l’Unesco donne un lustre particulier au FIG.</p>
<p>Lors de la manifestation, nombre de sujets seront abordés, comme le changement climatique ou les effets de la mondialisation. Toutes ces questions émergentes seront croisées et évaluées de façon globale, les géographes montrant ici leur rôle de passeur de frontières dans un « village planétaire » de plus en plus complexe. Le festival met également à l’honneur un territoire, ce sera pour cette 27<sup>e</sup> édition la Belgique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138645/original/image-20160921-21711-1wk17ye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La cathédrale de Saint-Dié, le quartier canonial reconstruit après guerre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.-P. Husson (2015).</span></span>
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</figure>
<h2>L’accélération des temporalités</h2>
<p>Si la géographie a pour objet d’étudier la dimension spatiale des sociétés, elle s’empare également de l’épaisseur du temps ; la preuve avec le thème de cette 27<sup>e</sup> édition du FIG : « Un monde qui va plus vite ? »</p>
<p>La vitesse est devenue l’un des fondements des sociétés contemporaines. Les déplacements, les communications et les activités sont précipités, conduisant à une contraction des territoires. Parallèlement, les temps du politique sont bouleversés par la distanciation croissante entre les rythmes médiatiques et ceux de l’action sur long terme.</p>
<p>Pourtant, la vitesse n’est pas une donnée ubiquiste : elle n’atteint pas de la même façon toutes les composantes du territoire et de la société. Certains, par choix ou par contrainte, y opposent des modes et rythmes de vie ralentis. Parfois par réaction, une contre-culture reposant sur la lenteur émerge (<em>slow cities</em>, <em>slow food</em>, <em>slow science</em>).</p>
<p>Le thème du FIG 2016 questionne donc autant l’émergence de la vitesse au sein de la société que ses conséquences et les moyens d’adaptation à cette problématique.</p>
<h2>Cafés géographiques, projections, rencontres…</h2>
<p>Dans des dosages variés, l’assemblage des manifestations fait la pérennité du succès de l’événement. Les conférences et les débats accueillent des témoins de premier plan. Autour de problématiques géographiques, ces échanges sont l’occasion de faire dialoguer chercheurs, élus et citoyens.</p>
<p>Les cafés géographiques, organisés dans toute la Déodatie, sont suivis par un public curieux et réceptif. Les exposés sortent les intervenants de leurs lieux ordinaires et peuvent se faire dans des endroits originaux ou insolites (cathédrale, temple, prison). La densité est telle qu’il est presque impossible d’assister à l’ensemble des manifestations !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"774150977536479232"}"></div></p>
<p>Moment fort du week-end, un <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/geographie/salon-geomatique">salon de la géomatique</a> accueille une dizaine d’exposants (laboratoires, entreprises, collectivités) autour des outils de la cartographie et de la collecte des données géolocalisées.</p>
<p>Les <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/geographie/expositions-scientifiques">expositions scientifiques</a> présentent par ailleurs les travaux de chercheurs sous la forme de posters portant sur le thème ou le pays mis à l’honneur. Elles s’adressent à tous les publics, notamment les scolaires, et sont autant de moments de rencontres avec les concepteurs de ces travaux.</p>
<h2>Des mots et des saveurs</h2>
<p>Le FIG est aussi l’occasion de décerner des prix littéraires et scientifiques qui reconnaissent le talent d’écrivains et chercheurs faisant rayonner la géographie.</p>
<p>Au moment de la rentrée littéraire, le prix <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/litterature/prix-amerigo-vespucci">Amerigo Vespucci</a> récompense les ouvrages de fiction ou de création dédiés à l’aventure et aux voyages. Le prix <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/litterature/prix-ptolemee">Ptolémée</a> met en valeur la vulgarisation de la géographie. Chaque année, il prime un texte qui diffuse les connaissances et concepts de la discipline auprès d’un large public. Le prix <a href="http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/geographie/prix-vautrin-lud">Vautrin Lud</a>, considéré comme le « prix Nobel de géographie », couronne l’œuvre de recherche d’un géographe de renommée internationale.</p>
<p>Outre la littérature et la science, le FIG accorde une place centrale à la gastronomie des terroirs. Ce sera l’occasion de goûter la « <a href="http://www.vosgesmatin.fr/edition-de-saint-die/2016/09/20/vosges-saint-die-la-biere-des-geographes-tiree-pour-le-fig">bière des géographes</a> », brassée en Belgique pour l’occasion. Et en écho au thème de la vitesse, le salon se veut ouvertement anti <em>fast-food</em> et y oppose le concept de « <em>slow</em> gastronomie ».</p>
<p>Fêter, commémorer, s’instruire : autant de leviers pour valoriser et porter un éclairage positif sur un territoire et ainsi combler le déficit d’image qu’il a pu rencontrer dans son histoire. C’est le cas de Saint-Dié, détruite à deux reprises (incendie en 1757 et destruction en 1944) et malmenée dès les années soixante par l’érosion de l’emploi textile. Attendu à date fixe, le FIG, certes éphémère, nourrit le territoire et donne du souffle à la Déodatie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gingembre a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. Dans le cadre d'un partenariat CIFRE (2011-2014), il a été chercheur à l'agence de développement et d'urbanisme de l'aire urbaine nancéienne, tout en préparant un doctorat de géographie au laboratoire Loterr (Université de Lorraine).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Husson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le Festival international de géographie (FIG) ouvre ses portes ce vendredi pour une 27ᵉ édition consacrée à la Belgique et à l’accélération. Retour sur une manifestation incontournable.
Julien Gingembre, Doctorant en géographie, Université de Lorraine
Jean-Pierre Husson, Professeur de géographie, président de l’Académie de Stanislas, Université de Lorraine
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tag:theconversation.com,2011:article/64380
2016-08-26T04:46:07Z
2016-08-26T04:46:07Z
À Arles, mille et une façons de voir le monde
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/135395/original/image-20160824-30257-1uolecx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C57%2C2400%2C1483&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Rencontres de la photographie en 2016. </span> <span class="attribution"><span class="source">Arles/Claire Debost </span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.rencontres-arles.com/Home">Rencontres photographiques d’Arles</a> – qui se tiennent jusqu’au 25 septembre 2016 – construisent au fil des ans un maillage fin de lieux et d’institutions qui s’associent pour proposer au public une expérience unique de la photo contemporaine.</p>
<p>Si, pour cette 47<sup>e</sup> édition, l’abbaye de Montmajour a opté pour une exposition en marge des Rencontres dédiée à l’art contemporain et orchestrée par le peintre <a href="https://www.monuments-nationaux.fr/Actualites/La-regle-et-l-intuition-Gerard-Traquandi">Gérard Traquandi</a>, l’émergence progressive de la <a href="http://www.luma-arles.org/programme/">Fondation Luma</a> – dont le bâtiment, conçu par Franck Gehry, sera inauguré en 2018 – ainsi que des expositions d’Avignon, de Marseille et de Nîmes composent un réseau dense qui permet de découvrir une large palette de talents.</p>
<p>On pourra seulement regretter que la <a href="http://www.fondation-vincentvangogh-arles.org/">Fondation Van Gogh</a>, haut lieu de l’attractivité de la ville, n’entre pas davantage en synergie avec ces Rencontres. On pourrait, par exemple, imaginer une exposition sur la manière qu’ont (ou ont eue) les photographes de s’inspirer et de s’émanciper de l’art pictural ; ou encore, y présenter le travail de photographes néerlandais…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135396/original/image-20160824-30231-eki3e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La future tour Gehry.</span>
<span class="attribution"><span class="source">www.arles-info.fr</span></span>
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<h2>Toute la ville à l’heure de la photo</h2>
<p>Le festival repose sur quelques piliers solides. Il y a, tout d’abord, le fait de distiller les expositions dans toute la ville (soit 22 sites !), depuis les anciens ateliers de la SNCF jusqu’aux églises et chapelles sécularisées, en passant par le <a href="http://www.museereattu.arles.fr/">musée Réattu</a>, le <a href="http://www.arles-antique.cg13.fr/mdaa_cg13/root/index.htm">musée Arles antique</a> ou encore les éditions Actes Sud.</p>
<p>Le renouveau des Ateliers – vaste site où s’érige la Fondation Luma – participe tout à la fois d’un salutaire (et ambitieux) projet de rénovation urbaine où l’on fait « du neuf avec du vieux », en s’efforçant donc de conserver certains repères identitaires de cet espace jadis à vocation industrielle.</p>
<p>Ne doutons pas du fait que la future fondation deviendra très vite un <em>landmark</em> : le <a href="http://luma-arles.org/">choix de Frank Gehry</a> n’est pas un hasard. Et les églises désaffectées qui jalonnent le parcours des Rencontres figurent indéniablement dans l’imaginaire qu’elles ont développé : de l’église des Frères prêcheurs au somptueux (et récemment restauré) cloître de l’église Saint-Trophime, en passant par la chapelle des Trinitaires et tant d’autres encore, les Rencontres se sont aussi ancrées dans ces espaces autrefois consacrés, dont la pierre et la lumière si particulières contribuent tant à leur magie qu’à leur identité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135397/original/image-20160824-30216-1qnfbyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lucien Clergue, en 1975, lors de la 6ᵉ édition des Rencontres d’Arles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/45/Lucien_Clergue%2C_1975.jpg">Wolfgang H. Wögerer/wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il y a, ensuite, le fait de solliciter régulièrement les enfants prodiges de la cité rhodanienne, <a href="http://www.anneclergue.fr/lucien-clergue#lucien-clergue-accueil-rubrique-portfolios">Lucien Clergue</a> et Christian Lacroix, mais aussi l’un des cofondateurs des Rencontres, <a href="http://www.grandpalais.fr/fr/article/michel-tournier-souvenirs-darles">Michel Tournier</a>, disparu cette année : cette 47e édition lui est ainsi dédiée.</p>
<p>Les Rencontres d’Arles, ce sont aussi ces petits (et si pratiques) programmes dépliants, que l’on peut collectionner année après année, et que l’on voit tenus partout en main ou sur les tables des cafés et des restaurants. Comme des cartes Michelin au destin plus modeste, valables pour quelques mois seulement, ils tissent d’une édition à l’autre, une trame chamarrée qui permet de conserver la mémoire des expositions.</p>
<h2>L’éclectisme comme principe directeur</h2>
<p>Mais les Rencontres, ce bien sûr ces dizaines d’expositions, workshops (introduits par Lucien Clergue), conférences, rencontres avec des auteurs d’ici et d’ailleurs.</p>
<p>Une activité fourmillante qui nous offre un incomparable portfolio de la création photographique dans tous les registres possibles – du paysage au portrait, de la photo de presse ou celle des pochettes de disque (édition 2015) à l’installation contemporaine, en passant par le nu, le photoreportage et les photomontages.</p>
<p>Là où d’autres festivals s’appuient sur un registre précis (le photojournalisme à Perpignan, le portrait à Vichy), les Rencontres d’Arles ont opté pour un formidable éclectisme qui les rend parfois moins lisibles, mais toujours passionnantes. Et, cette année encore, l’Europe, les Amériques, l’Afrique, l’Asie, et même la Camargue (grâce à la souriante exposition <a href="https://www.rencontres-arles.com/CS.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_460_VForm&FRM=Frame%3AARLAR1_354">« Western camarguais »</a>), y étaient dignement représentées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135399/original/image-20160824-30222-1pf8bvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Johnny sur le tournage de <em>D’où viens-tu Johnny</em> (1963). Une photographie de Claude Schwartz à voir dans l’expo « Western camarguais ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rencontres Arles</span></span>
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<p>Bref, le festival n’oublie jamais de convoquer ses racines. On pourra peut-être regretter à ce titre l’absence du graphiste <a href="http://www.michelbouvet.com/fr/affiches/arles/p/5">Michel Bouvet</a> qui signait les affiches de l’événement depuis 2002 ; son étrange et sympathique bestiaire coloré avait indéniablement aidé à façonner l’identité visuelle des Rencontres ces 15 dernières années.</p>
<h2>Liberté chérie</h2>
<p>La diversité des formes et les multiples auteurs sollicités font des Rencontres un témoin privilégié de notre temps. Cette année, la modeste mais troublante exposition de <a href="https://www.rencontres-arles.com/CS.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_460_VForm&FRM=Frame%3AARLAR1_455">Maud Sulter</a>, artiste écossaise prématurément décédée, a tout particulièrement retenu mon attention. Le travail présenté s’articulait autour d’une petite vingtaine de photomontages qui nous renvoyait à un magnifique poème pour nous conter l’histoire méconnue des « gens de couleur » assassinés par les nazis. Ces victimes oubliées méritaient cet éphémère et subtil mémorial.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135403/original/image-20160824-30231-psom6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Hélas l’héroïne : Madame Laura est chez elle », 1993, série Syrcas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rencontres Arles</span></span>
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<p>Il y a aussi les merveilleuses images du photographe anglais <a href="http://www.rencontres-arles.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_460_VForm&FRM=Frame%3AARLAR1_366&LANGSWI=1&LANG=English">Don MacCullin</a>, l’une des stars de cette édition aux côtés, notamment, de Garry Winogrand et de Malick Sidibé. L’étendue de son œuvre laisse rêveur – du reportage social à la couverture des grands conflits de l’histoire récente, en passant par les paysages de l’Angleterre rurale (magiques images du Somerset) et les ruines antiques (de Volubilis à Palmyre). </p>
<p>Ces dernières images, sublimes clichés en noir et blanc, ne peuvent nous laisser indifférents : on y voit une Palmyre dans toute sa majesté et le trouble naît de l’inévitable superposition entre ces magnifiques visions et les témoignages récents de destruction (en couleur, eux), abondamment publiés par les médias ces derniers mois. </p>
<p>Citons encore le travail remarquable d’<a href="https://www.rencontres-arles.com/CS.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_460_VForm&FRM=Frame%3AARLAR1_365">Alexandre Guirkinger</a>, engagé depuis plusieurs années à capturer les vestiges improbables et fantomatiques de la ligne Maginot. Ici, la vie, tant humaine – ces étonnantes maisons utilisées comme leurres antichars ! – que végétale, finit par resurgir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135404/original/image-20160824-30249-qnks2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alexandre Guirkinger explore la ligne Maginot. Détail d’une vue aérienne infrarouge de 1974. Fonds photographique de l’IGN, rephotographié en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rencontres Arles</span></span>
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</figure>
<p>Il faut encore souligner la réussite de la rétrospective – pour la première fois en France – de la plasticienne anglaise <a href="http://www.museereattu.arles.fr/katerina-jebb.html">Katerina Jebb</a>, présentée au musée Réattu (hors Rencontres à proprement parler, mais il s’agit bien de photos !). On y découvre son travail sur les « vestiges » (palettes, blouses, taille-crayons…) laissés par des artistes tels que le peintre Balthus, où un cendrier devient tout à la fois une icône postmoderne et cette empreinte du « sacré » que nous semblons quêter sans fin et que l’art paraît seul à même de satisfaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135407/original/image-20160824-30252-eq6q6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Bison Bourré », « Hara Kiri », 1978. Une photographie d’Alain Beauvais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rencontres Arles</span></span>
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<p>C’est en fait un tableau assez sombre du monde que nous présente cette 47<sup>e</sup> édition… Même la formidable exposition consacrée au journal satirique <a href="https://www.rencontres-arles.com/CS.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_460_VForm&FRM=Frame%3aARLAR1_403&LANGSWI=1&LANG=French">Hara Kiri</a> a, derrière les sourires et les éclats de rire, un arrière-goût amer en ces temps de « Nous sommes Charlie ».</p>
<p>Reste cependant cette incroyable liberté, aussi trash que jouissive, un bien commun dont sont privés tant de peuples et que l’on tente de nous arracher aujourd’hui par des actes de violence intolérables… Une liberté sans entrave qui restera, pour moi, l’emblème d’une édition 2016 qui tient sa plus belle promesse : celle de nous raconter l’homme et le monde tels qu’ils sont.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Meyronin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une visite toute personnelle de la 47ᵉ édition des Rencontres photographiques d’Arles, un festival unique qui permet de découvrir les multiples visages de la photographie contemporaine.
Benoît Meyronin, Professeur titulaire de la Chaire BNP Paribas Cardif « Ingénierie & culture de service », Grenoble École de Management (GEM)
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