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génome – The Conversation
2023-11-26T15:33:15Z
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2023-11-26T15:33:15Z
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ADN : un atlas pour mieux connaître les régions non codantes
<p>Dans notre génome, seulement environ 1 % est responsable de la production de protéines. Cependant, la majeure partie du génome, souvent appelée génome non-codant, joue également un rôle crucial dans la régulation des gènes. Il contient des séquences d’ADN spéciales appelés régions régulatrices, qui contrôlent quand et où les gènes sont activés ou désactivés dans notre corps.</p>
<p>Il faut imaginer notre génome comme un orchestre avec des milliers de musiciens, chacun représentant un gène. Tous les musiciens ne jouent pas en même temps ou avec la même intensité. Certains musiciens jouent fort dans certaines parties de la partition, tandis que d’autres jouent doucement ou se taisent complètement à différents moments. Les régions régulatrices sont comme les chefs d’orchestre invisibles qui indiquent à chaque musicien quand et comment jouer, et à quelle intensité.</p>
<p>Ces régions régulatrices, bien qu’étant situées en dehors des parties codantes du génome, sont essentielles pour contrôler le fonctionnement des gènes. Elles interagissent avec des facteurs de transcription, des molécules qui se fixent à ces régions régulatrices et influencent l’activité des gènes environnants.</p>
<h2>Des séquences encore mystérieuses</h2>
<p>Cependant, l’identification et la compréhension complètes de ces régions restent encore des défis pour les chercheurs en génomique. Depuis le séquençage du génome humain, et même avant, les scientifiques s’efforcent de démêler ces mystérieuses séquences pour comprendre comment elles contrôlent finement l’expression des gènes.</p>
<p>Ces séquences régulatrices ont été étudiées à l’échelle du génome entier depuis une décennie grâce au développement du séquençage à haut débit, qui a donné lieu à la technique d’immunoprécipitation de la chromatine ChIP-seq.</p>
<p>La technique ChIP-seq, ou immunoprécipitation de la chromatine couplée au séquençage à haut débit, est une méthode puissante utilisée en génomique pour étudier les régions de l’ADN qui contrôlent l’activité de nos gènes. Elle nous permet de découvrir quels acteurs, appelés facteurs de transcription, interagissent avec ces régions spécifiques de l’ADN et comment ces interactions peuvent influencer la façon dont les gènes fonctionnent. Pensez à l’ADN comme un immense puzzle, dont les facteurs de transcription sont des pièces importantes. Ils se lient à des parties spécifiques de l’ADN, un peu comme des aimants qui se fixent à des zones précises.</p>
<p>Ces pièces peuvent allumer ou éteindre les gènes à proximité en fonction de leurs interactions. La technique <a href="https://www.france-genomique.org/expertises-technologiques/regulome/cartographie-des-sites-des-interactions-adn-proteines-chip-seq-2/">ChIP-seq</a> nous permet de découvrir quelles parties de l’ADN sont directement en interaction avec les facteurs de transcription. Cela se fait en isolant ces parties spécifiques de l’ADN liées aux facteurs de transcription, puis en les séquençant pour déterminer leur position exacte dans le génome. En comprenant quelles régions de l’ADN sont liées à quels facteurs de transcription, nous pouvons mieux comprendre comment ces interactions influencent la régulation des gènes. Cela nous aide à comprendre les mécanismes qui contrôlent la croissance, le développement, le fonctionnement de notre système immunitaire et d’autres processus biologiques.</p>
<p>Cette méthode permet donc aux chercheurs de découvrir de nouvelles séquences régulatrices dans le génome, d’identifier les facteurs de transcription impliqués dans leur régulation et de comprendre comment ces régions régulatrices contribuent au développement normal et pathologique des cellules.</p>
<p>Depuis lors, cette technique est devenue un outil de choix dans la recherche en génomique, permettant des avancées significatives dans notre compréhension des mécanismes de régulation du génome.</p>
<p>Grâce à nos efforts d’analyses, notre équipe a décrit l’intégration de près de 15 000 expériences ChIP-seq, dont 8 103 portaient sur des échantillons humains, 5 503 sur des échantillons de souris et 1 205 sur des échantillons de drosophile. Ces données ont été compilées <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31665499/">dans un atlas nommé ReMap</a>, qui fournit un accès global et compilé à une vaste quantité de données génomiques en open access. L’atlas ReMap complète le projet ENCODE et permet une meilleure compréhension de la régulation génétique à l’échelle du génome. Cela offre également une opportunité pour les scientifiques du monde entier d’utiliser ces données pour leurs propres recherches et découvertes en génomique.</p>
<h2>L’annotation du génome non-codant grâce à l’open data</h2>
<p>La ressource ReMap <a href="https://remap.univ-amu.fr/">est accessible en ligne</a> et est également intégrée au navigateur de génome UCSC. Pour le génome humain seul, ReMap propose 182 millions de pics issus de plus de 15 000 expériences ChIP-seq effectuées pour 1 200 régulateurs transcriptionnels. Ici le terme <em>pic ChIP-seq</em> fait référence à ces endroits spécifiques sur l’ADN où les protéines se lient fortement. Ces endroits sont souvent des régions génétiques importantes, comme des promoteurs de gènes ou des régions régulatrices, qui contrôlent l’activité des gènes.</p>
<p>Nous avons traité l’équivalent de plusieurs dizaines de millions d’euros de données ChIP-seq, tout ça grâce à l’open data. Prises collectivement, les données génomiques générées par les laboratoires ont une valeur scientifique phénoménale. Les données génomiques peuvent avoir plusieurs cycles de vie, c’est un enjeu scientifique, économique et écologique.</p>
<p>L’analyse du projet ReMap a permis d’identifier entre 3 millions de régions régulatrices candidates chez l’homme et 2 millions chez la souris. L’atlas identifie également un grand nombre de régions régulatrices sans cibles connues, révélant ainsi l’énorme étendue du paysage régulateur du génome qui reste encore à explorer.</p>
<p>Depuis Avril 2022, le projet ReMap est devenu encore plus accessible à la communauté scientifique grâce à son intégration dans le navigateur de génome UCSC, aux côtés de grands consortiums internationaux tels que ENCODE, GTEx et 1000 Genomes. Cette intégration facilite l’utilisation de l’atlas ReMap pour les chercheurs et les biologistes qui souhaitent étudier les régions régulatrices du génome humain et de la souris. Cela permet également une analyse plus intégrée et une meilleure compréhension de la régulation génique. En bref, l’intégration de ReMap dans le navigateur de génome UCSC contribue à faire avancer la recherche en génomique en permettant un accès plus facile et une analyse plus complète des données de régulation génique.</p>
<h2>Investir dans l’Open data : la clé pour accélérer la recherche en génomique</h2>
<p>La création de ressources de référence telles que ReMap est essentielle pour la recherche interdisciplinaire en science des données génomiques. Avec le déploiement du séquençage du génome entier dans différents pays et le lancement en France du Plan France Médecine Génomique 2025, l’identification précise des régions régulatrices, et donc de l’impact des variants régulateurs, est devenue centrale.</p>
<p>Il est crucial de prendre conscience que la science est riche en données, mais que leur exploitation nécessite un engagement institutionnel, un savoir-faire humain et une technologie adéquate pour révéler les découvertes cachées. C’est pourquoi je crois que la création de ressources de références telles que ReMap est incontournable pour la recherche interdisciplinaire en science des données génomiques.</p>
<p>Les données ReMap offrent des informations complémentaires au mastodonte qu’est le projet ENCODE. Investir dans l’Open Data, dans les chercheurs en sciences des données (en bioinformatique, data analystes) et dans le développement d’outils logiciels est essentiel pour la science. Les projets d’apprentissage automatique en génomique ont besoin de données qualitatives telles que ReMap.</p>
<p>Dans un éditorial de 2016, le New England Journal of Medicine qualifiait ce type de travail de « research parasites ». Mais les temps ont changé : la reproduction des travaux scientifiques est un défi qui prend du temps, en partie à cause de la nature hétérogène des données scientifiques, ainsi que du manque de reconnaissance pour la reproduction de ressources. Cependant, la reproductibilité des expériences est vitale pour la science. La possibilité de reproduire, intégrer et regrouper des travaux antérieurs accélère également les nouveaux projets de recherche.</p>
<p>L’Atlas ReMap créé par l’équipe du TAGC a pu tirer parti de la richesse et du volume des données génomiques. L’identification de millions de régions régulatrices illustre que l’exploitation des données hétérogènes, couplée au développement d’approches en recherche scientifique en science des données, est un moyen précieux de faire progresser le domaine. La science est riche en données, mais elle nécessite un engagement institutionnel, un savoir-faire humain et la technologie nécessaire pour exploiter les données et révéler les découvertes cachées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Ballester a reçu des financements de INSERM-Région SUD, pour une bourse de thèse. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fayrouz Hammal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
99 % de notre ADN ne sert pas directement à produire des protéines, pourtant il est très utile pour réguler cette production. Mieux connaître cette partie du génome est un défi majeur.
Benoit Ballester, Chercheur en Bioinformatique à l’Inserm, Unité Inserm 1090 TAGC, Théories et Approches de la Complexité Génomique, Aix-Marseille Université, Marseille., Inserm
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tag:theconversation.com,2011:article/216857
2023-11-06T15:22:51Z
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Traiter les maladies génétiques, c’est du gâteau… ou presque
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557179/original/file-20231101-27-722eas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur dans l’ADN s’appelle une mutation.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>J’ai toujours été fascinée par la génétique, une branche de la biologie qui permet à la fois d’expliquer la ressemblance frappante entre différents membres d’une famille et le fait que des plants de fraises résistent au gel. C’est assez impressionnant ! </p>
<p>J’ai aussi un lien assez personnel avec la génétique. J’ai appris, en grandissant, que des membres de ma famille étaient atteints de dysferlinopathie, une <a href="https://doi.org/10.3390/jcm12186011">dystrophie musculaire</a>. J’ai vu ma mère ne plus pouvoir monter d’escalier et devoir utiliser une canne, une marchette, puis un fauteuil roulant pour se déplacer. Ses muscles des jambes arrivaient de moins en moins à se réparer et devenaient de plus en plus faibles. </p>
<p>Mes parents m’ont expliqué que tous ces changements étaient dus à une erreur d’une seule lettre dans une immense séquence d’ADN, elle constituée de milliards de lettres. Cette erreur empêche la fabrication de la protéine <a href="https://doi.org/10.3390/jcm12144769">responsable de la réparation des muscles des bras et des jambes</a>. </p>
<p>Aujourd’hui, je suis étudiante chercheuse au doctorat en médecine moléculaire et j’étudie le traitement des maladies héréditaires pour pouvoir aider des familles comme la mienne. Dans cet article, je propose de démystifier les maladies héréditaires et ce qui est fait en recherche pour les traiter.</p>
<h2>C’est du gâteau ? Pas tout à fait</h2>
<p>Imaginons l’ADN comme un livre de recettes, où chaque gène représente une recette différente. À la page de la recette de gâteau au chocolat, il y a une belle image, mais il manque certaines informations. Il y est bien indiqué de préchauffer le four et de mesurer de la farine, mais le reste de la page est déchiré. Il est donc impossible de confectionner ce gâteau. On servira alors un festin composé de toutes les autres recettes, mais sans gâteau au chocolat, qui a pourtant une importance bien particulière. </p>
<p>C’est la même chose pour les maladies héréditaires. Le corps peut fabriquer toutes les protéines dont il a besoin, sauf une. Dans le cas de la dystrophie musculaire qui affecte ma famille, c’est celle qui répare les muscles des bras et des jambes dont la recette est manquante. Chaque maladie héréditaire a sa propre page endommagée dans son livre de recettes. </p>
<p>Plus concrètement, une erreur dans l’ADN s’appelle une mutation. Il en existe différents types. Certaines sont causées par l’ajout de lettres, comme si on ajoutait un ingrédient à la recette. Cette addition peut mener à un délicieux gâteau au chocolat avec des fraises ou alors à un gâteau qui n’est plus comestible, car on y a ajouté de l’huile à moteur. </p>
<p>D’autres mutations sont causées par le retrait (ou délétion) d’une ou plusieurs lettres (ou ingrédients), ou alors par des substitutions qui remplacent une lettre par une autre. Toutes ces modifications peuvent mener à des changements favorables ou sans impact, comme l’apparition des premiers yeux bleus dans l’évolution ou l’habileté de respirer hors de l’eau. Mais elles peuvent également causer des changements défavorables, comme une maladie héréditaire ou un cancer. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Il existe différents types de mutations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Camille Bouchard), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Réparer l’ADN</h2>
<p>Dès mon jeune âge, je comprenais que ma mère était malade en raison d’une erreur dans son gène, mais que je ne développerai pas la maladie, car mon père n’a pas d’erreur dans le sien. C’est ce qu’on appelle une maladie récessive, puisqu’elle nécessite une erreur dans le gène de chacun des deux parents pour se manifester. D’autres maladies héréditaires sont dominantes, ce qui veut dire qu’une mutation dans l’ADN transmis par un seul parent est suffisante pour nuire à la production d’une protéine. </p>
<p>Dans le cadre de mes recherches, j’observe la séquence d’ADN de chaque patient atteint de dysferlinopathie pour voir où se trouve l’erreur.</p>
<p>Pour tenter de la corriger, j’utilise le <a href="https://doi.org/10.3390/cells12040536"><em>Prime editing</em></a>, une technique qui permet de couper l’ADN près de la mutation et de réécrire la séquence correctement. Le <em>Prime editing</em> est une version de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clustered_Regularly_Interspaced_Short_Palindromic_Repeats">CRISPR-Cas9</a>, une technique qui permet de couper l’ADN à un endroit particulier.</p>
<p>Le <em>Prime editing</em> utilise une protéine appelée Cas9, qui se retrouve naturellement chez les bactéries. Elle leur permet de détruire la séquence d’ADN des virus qui pourraient les infecter. La mission de la protéine Cas9 est de reconnaître une séquence et de la couper. </p>
<p>Lorsqu’on l’utilise dans nos cellules humaines, on l’attache à une autre protéine, qui va réécrire l’ADN à partir d’un modèle. On lui fournira donc une séquence sans erreur pour que la cellule puisse ensuite fabriquer la protéine. C’est un peu comme retrouver la page originale du livre de recettes, pour enfin pouvoir servir le gâteau au chocolat. </p>
<h2>Un pas dans la bonne direction</h2>
<p>Pourquoi n’avons-nous donc pas entendu parler de <em>Prime editing</em>, s’il peut traiter diverses maladies ? Parce que la technique n’est pas encore tout à fait au point. En fait, nous arrivons à réparer l’ADN directement dans des cellules en laboratoire, mais il nous manque un moyen d’acheminer les deux grosses protéines (Cas9 et celle qui réécrit) jusqu’aux cellules à traiter (par exemple, jusqu’au centre des muscles touchés). </p>
<p>En d’autres termes, nous avons retrouvé la recette de gâteau, mais son format est trop volumineux pour entrer dans un courriel ou dans une enveloppe. De nombreux laboratoires, dont le mien, sont à la recherche d’un véhicule de livraison efficace et sécuritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216857/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Bouchard a reçu des financements de Jain Foundation et de la Fondation du CHU de Québec.</span></em></p>
Plusieurs personnes connaissent une personne atteinte de maladie génétique mais peu comprennent comment fonctionnent les mutations.
Camille Bouchard, Étudiante au doctorat en médecine moléculaire (correction génétique de maladies héréditaires), Université Laval
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tag:theconversation.com,2011:article/212315
2023-09-28T17:15:16Z
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Une nouvelle étude pave la voie à un meilleur dépistage des maladies génétiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545060/original/file-20230828-122759-gfmxl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C988%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Prenons une cellule vivante, qui comporte des milliers de gènes. Maintenant, imaginons que ces gènes sont des boutons qui peuvent être réglés pour changer la façon dont la cellule se développe dans un environnement donné. L’ajustement d’un gène pourrait augmenter ou diminuer sa croissance, et le processus est d’autant plus complexe que les boutons sont connectés les uns aux autres, comme les engrenages d’une machine.</p>
<p>Si les scientifiques peuvent aujourd’hui modifier les gènes en laboratoire et essayer de produire des résultats dans le but d’obtenir des traitements, l’évolution, quant à elle, fonctionne ainsi depuis des milliards d’années. L’évolution est un phénomène naturel qui règle les gènes et permet aux populations de s’adapter. Toutefois, contrairement aux scientifiques, elle effectue les ajustements de manière aléatoire, à mesure que les mutations affectent la fonction des gènes.</p>
<p>L’une des hypothèses sous-jacentes de la théorie de l’évolution – celle de la contingence évolutive – avance que ce réglage peut avoir des comportements chaotiques. Ainsi, des réglages qui ont eu lieu au début du processus peuvent modifier radicalement le potentiel évolutif ultérieur.</p>
<p>Stephen Jay Gould est un célèbre partisan de cette théorie. Dans son livre <a href="https://www.babelio.com/livres/Gould-La-Vie-est-belle--Les-Surprises-de-levolution/15771">La vie est belle</a>, publié en 1989, il affirme que, puisque les mutations bénéfiques se produisent de façon aléatoire, le hasard doit jouer un rôle important dans la diversification de l’évolution.</p>
<p>Si son hypothèse est vraie, cela influence la manière dont les scientifiques doivent éditer les gènes en laboratoire, car ils devront composer avec les interconnexions chaotiques de nos cellules. Notre travail a consisté à tester cette hypothèse.</p>
<h2>Paradoxe évolutif</h2>
<p>Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées. Nous l’avons fait en cultivant des populations de micro-organismes <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.63910">pendant des centaines, voire des milliers de jours</a>.</p>
<p>Comme ces organismes se divisent et se reproduisent très rapidement, cela représente des milliers de générations. Nos expériences nous ont permis de <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1749.3">déterminer avec précision quand</a> et comment les mutations bénéfiques coïncident et entrent en compétition entre elles pour conquérir une population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image d’un génome humain" src="https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543310/original/file-20230817-41912-psfxhj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lecture d’image d’un génome humain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(NHGRI via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’une des constatations les plus frappantes de chacune de ces expériences est que l’augmentation de la valeur adaptative ralentit au fil du temps à un rythme qui est étonnamment reproductible. Bien qu’elles aient accumulé des mutations différentes, les diverses populations présentent une diminution éminemment prévisible des performances en ce qui concerne leur rapidité adaptative.</p>
<p>Contrairement au comportement apparemment chaotique des mutations, les changements de valeur adaptative ou de croissance sont hautement prévisibles. De nombreuses personnes ont émis l’hypothèse que l’ordre des mutations est une <a href="https://doi.org/10.3389/fgene.2015.00099">conséquence inhérente</a> à la manière dont les systèmes biologiques ont évolué.</p>
<p>Cette hypothèse surprenante entre en contradiction avec l’idée que les <a href="https://doi.org/10.1038/s41559-020-01286-y">caractéristiques biologiques d’un organisme importent pour leur évolution</a>. En d’autres termes, il a été difficile de prouver que l’ordre dans lequel l’évolution ajuste les boutons a une incidence sur l’avenir de l’organisme.</p>
<h2>Réponse au paradoxe</h2>
<p>Mon équipe a pu montrer qu’on trouve la réponse à ce paradoxe dans le réseau de gènes interconnectés de la cellule.</p>
<p>Pour que l’évolution fonctionne, le réglage des boutons doit être précis : même si le résultat net est bénéfique, l’ajustement d’un ensemble de boutons interconnectés peut se répercuter et affecter d’autres boutons auparavant réglés correctement. Au fil de l’évolution, la probabilité de dérégler des boutons s’accroît. Ce principe, simple en apparence, explique pourquoi le rythme des améliorations évolutives diminue généralement avec le temps.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A tray containing human DNA samples ready for genetic sequencing" src="https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543312/original/file-20230817-23-a743da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=654&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plateau contenant des échantillons d’ADN humain prêts pour le séquençage génétique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Patricia McDonnell)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Résoudre ce paradoxe de manière expérimentale n’a pas été facile. Comment montrer l’enchevêtrement des boutons à l’intérieur de la cellule ? <a href="https://doi.org/10.1126/science.abm4774">Dans notre récente étude</a>, nous avons relevé ce défi en essayant systématiquement toutes les combinaisons possibles de 10 mutations bénéfiques clés et en examinant la manière dont elles affectent la croissance des cellules.</p>
<p>En testant des combinaisons de mutations, nous avons pu comprendre quelles mutations étaient reliées entre elles (lien connu sous le nom d’épistasie). Pour seulement 10 mutations, nous avons dû générer plus de 1 000 combinaisons.</p>
<h2>Comment cela affecte la médecine génétique de précision</h2>
<p>Les technologies futuristes actuelles se targuent de pouvoir générer des mutations uniques précises au sein de nos génomes, dans l’espoir que cela puisse servir à réparer des variantes génétiques non fonctionnelles. À titre d’exemple, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1711-4"><em>Prime Editing</em></a> est une technologie efficace d’édition génomique par « recherche et remplacement ».</p>
<p>L’une des principales préoccupations liées à ce type d’approches est qu’elles peuvent introduire des mutations indésirables. Cependant, même si les scientifiques ont su résoudre certains problèmes, le domaine de la génétique humaine a souvent <a href="https://doi.org/10.1038/s41576-019-0127-1">négligé l’importance de l’interconnexion des gènes</a>.</p>
<p>Notre étude démontre que les bioingénieurs doivent réfléchir non seulement à l’effet d’une mutation sur le gène dans lequel elle se trouve, mais aussi à son effet sur toutes les autres variations génétiques. La modification de la fonction de n’importe quel gène peut affecter les réseaux cellulaires interconnectés.</p>
<p>À cela s’ajoute le fait que nous sommes tous porteurs de centaines de variantes génétiques extrêmement rares, ce qui signifie que chaque personne est porteuse d’un réseau unique de gènes interconnectés. Ces réseaux personnalisés font de nous qui nous sommes.</p>
<p>L’interprétation génomique est au cœur des tests génétiques de dépistage des maladies. Si les scientifiques ont progressé dans l’identification des principales variantes génétiques pathogènes (qui peuvent provoquer une maladie), nos résultats montrent qu’avant de classer une variante comme pathogène ou non, nous devons comprendre comment sont réglés les autres boutons génétiques de nos cellules.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212315/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alex Nguyen Ba bénéficie d'un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>
Une nouvelle étude met en lumière la nature interconnectée du génome humain et ce que cela signifie pour les futures thérapies géniques.
Alex Nguyen Ba, Assistant Professor, Biology, University of Toronto
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tag:theconversation.com,2011:article/208709
2023-07-03T16:58:01Z
2023-07-03T16:58:01Z
Pourquoi l’étude des cancers chez le chien bénéficie à la médecine humaine
<p>Devant la difficulté d’étudier le développement de certaines maladies humaines, la recherche se tourne parfois vers des animaux dits modèles – allant du poisson-zèbre au primate non humain. Ce qui pose nombre de questions, éthiques mais aussi médicales : les rats ou souris de laboratoire sont-ils de bons modèles ? Un nouveau médicament efficace chez les rongeurs ne le sera pas nécessairement chez notre espèce… en tout cas pas aux mêmes doses et pas sous la même forme.</p>
<p>D’où l’intérêt de s’intéresser à des modèles plus grands, littéralement, tel que le chien.</p>
<p>Le chien partage avec l’Homme son environnement, mais aussi des caractéristiques génétiques. Le génome canin, c’est-à-dire l’ensemble de ses gènes, est entièrement <a href="https://www.nature.com/articles/nature04338">connu depuis en 2005</a>. L’analyse, effectuée chez une chienne de race Boxer, y a identifié un peu moins de 20 000 gènes sur les 78 chromosomes répartis en 38 paires de chromosomes autosomiques (non sexuels) et une paire de chromosomes sexuels (X et Y). L’espèce humaine en compterait, elle, 23 000 pour 23 paires de chromosomes.</p>
<p>Pourquoi s’intéresser au génome du chien ? La faute à l’Homme… En effet, en sélectionnant plus de 350 races de chiens pour la chasse, le gardiennage de troupeaux, la défense, le secourisme, l’assistance aux personnes ou tout simplement comme animal de compagnie, nous avons aussi sélectionné des gènes responsables de maladies. Aussi un grand nombre de races de chiens présentent une susceptibilité accrue à des maladies génétiques complexes comme les cancers. </p>
<p>Et comme pour nous, les altérations de son génome peuvent avoir des conséquences sur sa santé. Or, sur les 500 maladies génétiques qui peuvent l’affecter, la moitié sont analogues à celles qui nous touchent. Le chien peut ainsi en théorie être un bon modèle… Au point de jouer un rôle majeur dans l’identification de nouveaux gènes ou le développement de traitements innovants ? C’est ce que nous allons développer ici.</p>
<h2>Quels cancers chez le chien ?</h2>
<p>Animal de compagnie apprécié (même si le chat l’a récemment détrôné), le chien fait l’objet d’un suivi médical avancé. Les données recueillies montrent qu’il développe spontanément des maladies analogues à celles qui nous frappent : maladies cardio-vasculaires, auto-immunes, neurologiques, etc. Ce qui est un atout par rapport aux souris par exemple, où elles sont souvent induites artificiellement et ne reflètent que très partiellement les maladies humaines.</p>
<p>Le cancer fait partie de ces maux qui affectent nos compagnons. De 25 % à 30 % des chiens domestiques <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-022-02025-5">développent en effet une tumeur maligne</a>. Les plus fréquents sont les cancers de la peau tels que le mastocytome ou le mélanome, les cancers de la glande mammaire chez la femelle et les lymphomes, cancers des nœuds lymphatiques – qui sont également décrits au sein de notre espèce.</p>
<p>Certains cancers sont plus fréquents chez des races données : cancer de la glande mammaire chez le doberman ou tumeur du cerveau chez les races brachycéphales (chien à nez court : boxer, bouledogue, carlin, etc.).</p>
<p>Au microscope, les cellules malignes des tumeurs canines et humaines se ressemblent beaucoup. Les similitudes existent aussi sur le plan génétique : les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28883003/">mêmes chromosomes ou les mêmes gènes peuvent être endommagés</a>. Récemment, l’analyse comparée du génome d’un mélanome rare et mal caractérisé chez l’Homme (mélanome muqueux) et du mélanome buccal chez le chien, beaucoup plus fréquent, a permis la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-08081-1">découverte d’anomalies génétiques similaires entre les deux espèces</a>. Cette découverte pourrait permettre d’identifier de nouveaux traitements pour l’un comme pour l’autre.</p>
<h2>Ce qui est cancérigène pour nous l’est aussi pour notre compagnon</h2>
<p>Un autre avantage du chien en termes de santé est qu’il partage notre environnement : les mêmes lieux de vie, les expositions aux mêmes agents chimiques, les mêmes stress et, jusqu’à il y a peu, la même alimentation.</p>
<p>Les chiens de fumeurs en sont malheureusement un bel exemple. Fumer une cigarette expose son animal à 4 000 substances chimiques, dont une cinquantaine sont cancérigènes. Ils peuvent s’intoxiquer directement par inhalation de la fumée de cigarette ou bien via le dépôt sur leur pelage de substances nocives dérivées du tabac et secondairement ingérées.</p>
<p>La suite est affaire de museau. Les races à museau long (colley, berger des Shetland, etc.) développeront un cancer du nez ou des sinus car les particules cancérigènes resteront piégées dans leur nez. Les races à museau court ou aplati (bouledogue, Pékinois, Carlin…), dépourvues de filtre nasal, verront les particules cancérigènes s’accumuler dans leurs poumons, pouvant provoquer un cancer pulmonaire.</p>
<p>L’exposition aux toxiques environnementaux est évaluable chez le chien grâce à des <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-022-02025-5">colliers spéciaux qui captent les particules nocives, qui peuvent être secondairement étudiées</a>. Là encore, les analyses chez le chien peuvent contribuer à une meilleure compréhension des cancers humains.</p>
<h2>Les particularités du génome canin</h2>
<p>L’intérêt pour les cancers canins a fait un bond après le séquençage du génome du chien il y a une quinzaine d’années.</p>
<p>Sa « lecture » complète a montré une étonnante homogénéité, qui découle de la forte consanguinité au sein des races. D’une génération à l’autre, il n’y a donc que <a href="https://www.persee.fr/doc/bavf_0001-4192_2012_num_165_3_9631">très peu de brassage des gènes</a>, du fait des croisements prévus pour respecter les critères de chaque race. À l’opposé, les vagues migratoires et les différents flux de populations humaines ont facilité d’importants brassages et ont abouti à une population hétérogène au niveau mondial, composée d’individus très différents.</p>
<p>En faisant se reproduire ensemble les animaux d’une même race pour fixer des caractéristiques physiques, les éleveurs ont ainsi imposé une épuration de nombreux gènes. Mais couleur des poils ou taille n’ont pas été les seuls traits sélectionnés : la prédisposition à certaines maladies génétiques, dont les cancers, l’a également été.</p>
<p>Pratiquement toutes les races de chiens sont touchées par des maladies génétiques. Ces maladies ont souvent une fréquence supérieure à celle observée chez nous, et peuvent toucher jusqu’à 10 % des animaux au sein de certaines races. Le chien représente ainsi un modèle unique pour l’étude de maladies spontanées d’origine génétique.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout. L’homogénéité de son génome permet également d’identifier plus facilement les gènes en cause.</p>
<p>Étudier une maladie monogénique (due à un seul gène anormal) nécessite 20 chiens malades et 20 chiens contrôles (sains). Pour une maladie complexe, multifactorielle, telle que le cancer, quelques centaines d’animaux sont nécessaires – chez l’Homme, plusieurs milliers de patients et de sujets contrôles sont requis.</p>
<h2>Un bénéfice pour tous</h2>
<p>Ces chiffres soulignent tout l’intérêt du chien pour décrypter les bases génétiques de maladies rares et/ou complexes chez nous.</p>
<p>Ce concept de « chien-patient » bénéficie d’abord au chien par le développement de tests génétiques, voire de thérapies efficaces, et à l’Homme par la mise en place d’essais précliniques étudiant l’efficacité des traitements proposés… chez le chien.</p>
<p>Par ailleurs, l’espérance de vie de nos compagnons étant plus courte, les cancers se développent et donnent des métastases plus tôt chez eux : ce qui permet d’apprécier rapidement l’efficacité d’un nouveau médicament. L’adaptation ultérieure des doses à notre espèce est par ailleurs facilitée par leur taille plus grande que celle des rongeurs.</p>
<p>Cette approche repose sur une étroite collaboration entre chercheurs, vétérinaires, médecins et généticiens. Les données acquises lors des différentes études croisées peuvent ensuite être appliquées aux maladies humaines homologues, avec un intérêt direct pour les deux espèces.</p>
<p>Selon le <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">concept « OneHealth » (une seule santé)</a>, garantir la santé de l’Homme implique de protéger celles de l’animal et des écosystèmes. Dans ce contexte d’interdépendance, nos animaux de compagnie offrent un miroir de notre santé globale. Le chien est le meilleur ami de l’Homme à plus d’un titre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Trouver de bons modèles pour étudier les cancers est complexe. Un de nos plus proches compagnons, le chien, est un « patient » particulièrement pertinent. Avec des bénéfices pour lui et nous.
Audrey Rousseau, Professeur en Anatomie Pathologique - Médecin enseignant-chercheur au CHU d'Angers, Université d'Angers
Marie-Anne Colle, Professeur en Anatomie pathologique Vétérinaire, directrice de l'UMR PAnTher (UMR 703 INRAE/Oniris), Inrae
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tag:theconversation.com,2011:article/208798
2023-07-02T16:12:25Z
2023-07-02T16:12:25Z
Connaissez-vous la SCAD, cet infarctus atypique qui touche les femmes jeunes ?
<p><em>On l’oublie trop souvent : les maladies cardiovasculaires sont la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Principales%20causes%20de%20d%C3%A9c%C3%A8s%20et%20de%20morbidite.pdf">première cause de décès chez les femmes</a>. Elles constituent en effet <a href="https://www.fedecardio.org/presse/coeur-des-francais-attention-danger/">plus de la moitié des victimes de ce type de maladies</a>. Dans le cas de la dissection spontanée de l’artère coronaire, une forme particulière d’infarctus, ce pourcentage grimpe encore, pour atteindre des proportions vertigineuses, puisque 9 malades sur 10 sont des femmes.</em></p>
<p><em>Directrice de recherche à l’Inserm, Nabila Bouatia-Naji a coordonné une étude internationale au Paris centre de recherche cardiovasculaire (PARCC) qui a permis d’identifier <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-023-01410-1/">plusieurs facteurs génétiques associés à un risque plus élevé d’être frappée par la SCAD</a>. Elle nous présente les résultats de ces travaux, et leurs implications, en matière de prévention.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Avant tout, qu’est-ce que la dissection spontanée de l’artère coronaire, ou SCAD (de l’anglais <em>spontaneous coronary artery dissection</em>) ?</strong></p>
<p><strong>Nabila Bouatia-Naji :</strong> Cette maladie imprévisible affecte des patientes plutôt jeunes. Je dis « patientes » car, dans 90 % des cas, la SCAD touche des femmes. Sans que rien ne le laisse présager, leurs artères se déchirent subitement, un hématome se forme menant à un infarctus dont l’issue peut être fatale.</p>
<p>Ce qui est surprenant, c’est que les patientes ne correspondent pas au tableau clinique classique des infarctus. La SCAD se produit en effet majoritairement chez des femmes plutôt jeunes. Dans la cohorte française que nous avons étudiée, la moyenne d’âge des patientes se situait aux alentours de 44 ans, mais certaines étaient dans la vingtaine, d’autres, dans la trentaine, la cinquantaine…</p>
<p>Autre élément atypique : ces femmes ne semblent pas avoir de facteur de risque particulier, elles ont un taux de cholestérol normal, ont l’impression d’avoir une bonne hygiène de vie, sont souvent sportives, mangent équilibré… Et pourtant, elles ont fait un infarctus, un type d’événement cardiaque qui survient généralement après 70 ans…</p>
<p><strong>TC : La SCAD est-elle fréquente ? Survient-il suite à un événement particulier ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Les estimations rétrospectives des cardiologues qui analysent les infarctus survenus chez des femmes de moins de 60 ans sans facteur de risque indiquent que 30 % des cas peuvent correspondre à des SCAD. Globalement, cette pathologie représenterait de 4 à 5 % des cas d’infarctus, hommes et femmes confondus, de tout âge.</p>
<p>On soupçonne que le stress ou la survenue d’un événement stressant pourraient être des éléments déclencheurs de la SCAD. Le problème est que l’on manque de données épidémiologiques. La maladie est mal connue, et sous-diagnostiquée, pour plusieurs raisons.</p>
<p>Tout d’abord, les infarctus féminins demeurent aujourd’hui encore moins bien détectés et pris en charge que ceux des hommes, notamment parce que <a href="https://www.fedecardio.org/wp-content/uploads/2021/03/FFC-Observatoire-du-coeur-04-coeur-et-femmes.pdf">leurs symptômes peuvent être différents chez les femmes</a>, ce qui peut amener à le confondre avec d’autres problèmes.</p>
<p>Une autre raison de la sous-estimation de la SCAD est que l’infarctus qu’elle provoque est généralement est considéré comme un infarctus « normal ». Pour faire la différence, il faut faire un examen d’imagerie appelé angiogramme, qui permet de visualiser les veines et les artères.</p>
<p><strong>TC : Que révèle cet examen ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Que dans le cas d’un infarctus dû à une SCAD, l’artère n’a pas été bouchée par le détachement d’une plaque d’athérome, mais s’est déchirée, qu’il y a eu « dissection ».</p>
<p>La SCAD survient lorsqu’un hématome se forme dans la paroi de l’artère, et ne se résorbe pas rapidement. Cet hématome peut boucher la lumière de l’artère et/ou provoquer une déchirure spontanée de la paroi. C’est cela qui cause l’infarctus.</p>
<p><strong>TC : Vos dernières recherches ont révélé que le risque de la SCAD dépend de variations qui se situent dans de très nombreuses régions du génome. Pouvez-vous nous expliquer vos résultats ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Concrètement, nous avons analysé l’ADN de patientes victimes de SCAD, et nous l’avons comparé avec celui de personnes non malades, pour détecter d’éventuelles différences.</p>
<p>L’étude internationale que nous avons coordonnée intègre huit études indépendantes. Elle a permis d’analyser l’ADN de près de 1900 patientes et de le comparer avec celui d’environ 9300 témoins. Nous avons ainsi pu atteindre une puissance analytique inédite dans le cadre de la SCAD.</p>
<p><strong>TC : Cette approche a permis d’identifier plusieurs variants génétiques associés à un risque de SCAD plus élevé.</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Oui. Nous avons découvert que cette maladie est contrôlée par un très grand nombre de régions du génome (on parle de « loci »). Au niveau de chacune de ces régions, il existe une variabilité dans la séquence (l’enchaînement) des bases qui constituent l’ADN : un individu peut avoir une version de cette séquence, tandis qu’un autre aura une version légèrement différente.</p>
<p>L’ensemble des loci associés au risque de SCAD ne sont pas tous systématiquement présents chez les sujets qui ont été victimes de la maladie : diverses combinaisons peuvent exister. En revanche, tous les loci que nous avons identifiés sont statistiquement davantage présents chez les patientes qui ont fait une SCAD.</p>
<p>Parmi tous les loci que nous avons trouvé associés à un risque plus élevé de SCAD, nous en avons étudié en profondeur 16, qui constituent à eux seuls un quart de l’ensemble des facteurs génétiques impliqués dans la SCAD (ce qui est remarquable pour une telle maladie).</p>
<p><strong>TC : Ces loci avaient-ils déjà pu être reliés à d’autres pathologies ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Oui, la majorité d’entre eux avait déjà été impliquée dans d’autres maladies : maladies cérébro-vasculaires, infarctus du myocarde classique, etc.</p>
<p>La plupart sont impliqués dans la production de molécules impliquées dans la matrice extracellulaire, autrement dit le ciment qui fait la solidité de l’artère. Cela semble cohérent avec les observations, puisque la maladie consiste en une déchirure spontanée de l’artère.</p>
<p>Plus intéressant encore : l’un de ces loci, associé uniquement avec la SCAD, est situé à proximité d’un gène appelé F3, impliqué dans la production d’une molécule, le « facteur tissulaire », qui intervient dans la coagulation du sang. Il semblerait que le variant de ce locus qui est associé avec le risque de SCAD contrôle l’expression du gène F3. Chez les personnes qui possèdent ce variant, la production de facteur tissulaire est moindre.</p>
<p><strong>TC : Quelles pourraient-être les conséquences de cette diminution de production de ce facteur de coagulation ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Le facteur tissulaire a pour rôle de résorber les hématomes à l’intérieur des tissus (il n’intervient pas dans la coagulation « classique », en cas de coupure par exemple).</p>
<p>Il faut savoir que de petites blessures peuvent se produisent parfois de façon spontanée dans les artères. L’hypothèse que nos résultats soutiennent est que si le facteur tissulaire est produit en quantité moindre, ces petits hématomes ne se résorbent pas correctement.</p>
<p>Ils peuvent au contraire se développer, et pousser la paroi de l’artère vers la lumière (le milieu du conduit artériel) jusqu’à la boucher, ce qui pourrait être à l’origine de sa déchirure. Précisons que nous n’avons pas identifié pour le moment d’autres facteurs de coagulation impliqués dans la SCAD.</p>
<p>Pour confirmer cette hypothèse d’implication du gène F3, nous sommes en train de développer des modèles cellulaires et animaux.</p>
<p><strong>TC : Pour l’heure, est-ce que ces résultats ont déjà des implications en matière de prévention ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> On connaît déjà les facteurs de risque d’infarctus « classiques ». En les comparant avec les facteurs de risque associés à la SCAD, on peut déterminer lesquels sont spécifiques de la maladie.</p>
<p>Nos investigations génétiques ont révélé que le taux de cholestérol, qu’il soit plus élevé ou plus bas que la moyenne, n’est pas un facteur de risque. Le surpoids ou le diabète n’en sont pas non plus.</p>
<p>En revanche, le fait d’avoir une pression artérielle un peu plus élevée de la moyenne est un facteur de risque de la SCAD, et ce, sans même atteindre des niveaux correspondant à une hypertension.</p>
<p>Ce critère pouvant être contrôlé facilement, nos résultats soutiennent la pertinence de surveiller systématiquement la pression artérielle des patientes à risque, en premier lieu, celles ayant déjà fait une SCAD.</p>
<p>Tout le problème consiste à parvenir à les identifier, car la SCAD peut affecter des femmes aux profils très différents, souvent jeunes, qui ne font généralement pas surveiller leur cœur. Elles peuvent donc passer à travers les filtres de dépistage. Sans compter que même au sein de sa propre famille, on ne connaît pas forcément les antécédents de ses proches.</p>
<p><strong>TC : Quelles sont les autres grandes questions qui restent en suspens ?</strong></p>
<p><strong>N. B.-N. :</strong> Une prochaine étape sera de déterminer si les effets des loci que nous avons identifiés peuvent se cumuler (ils n’ont pour l’instant été étudiés qu’individuellement). Il faudra aussi déterminer comment ils interagissent avec des facteurs environnementaux : des patientes porteuses de ces loci qui ont un certain mode de vie auront-elles un risque de SCAD accru par rapport à celles qui auront le même profil génétique, mais un mode de vie différent ?</p>
<p>Une autre question importante est celle de la récidive. Pour des raisons que l’on ignore (changement de mode de vie après l’infarctus ? Compensation qui se met en place après le premier épisode ?), la majorité des femmes « à risque » ne subiront qu’un épisode de SCAD au cours de leur vie. En revanche, un peu moins de 10 % des patientes seront victimes de plusieurs infarctus. Ce risque de récidive est évidemment une source de stress psychologique importante pour les patientes. Or pour l’instant on ne sait pas l’estimer.</p>
<p>Notre objectif est d’en apprendre suffisamment sur la maladie et ses causes pour parvenir à un niveau de prévention similaire à celui mis en place pour lutter contre le cancer du sein, pour lequel on sait aujourd’hui définir un niveau de risque, ce qui permet aux femmes de prendre conscience de leurs éventuelles prédispositions et de se surveiller plus efficacement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nabila Bouatia-Naji a reçu des financements de du programme d'excellence European Research Council de la commission Européenne, de la société française de cardiologie via les fondations Coeur et Recherche et la fédération Française de cardiologie et de l'agence nationale pour la recherche. </span></em></p>
La dissection spontanée de l’artère coronaire touche des femmes plutôt jeunes et en bonne santé. Mal connue, elle est difficile à prévenir, mais une nouvelle étude génétique pourrait changer la donne.
Nabila Bouatia-Naji, Directrice de recherche, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204503
2023-04-26T17:01:48Z
2023-04-26T17:01:48Z
Le rôle des scientifiques canadiens dans le projet du génome humain montre pourquoi il est crucial de financer la recherche
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522819/original/file-20230425-2394-800nf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1917%2C1003&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche et la vision des scientifiques canadiens ont été fondamentaux dans le projet du génome humain. Aujourd'hui, le manque de financement menace la recherche sur les découvertes au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span></figcaption></figure><p>Le 25 avril, le monde a célébré la <a href="https://www.unige.ch/biblio/fr/infos/sites/cmu/actus/journee-de-ladn/#:%7E:text=Le%2025%20avril%20se%20c%C3%A9l%C3%A8bre,Maurice%20Wilkins%20et%20Rosalind%20Franklin.">Journée de l’ADN</a> qui coïncide cette année avec le 70<sup>e</sup> anniversaire de la découverte de la structure en double hélice, et le 20<sup>e</sup> anniversaire de l’achèvement du <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/projet-human-genome">Projet du génome humain</a>.</p>
<p>Les Canadiens ont été au premier plan de ce Projet. En 1986, le Montréalais <a href="https://lebulletel.mcgill.ca/a-la-memoire-de-charles-r-scriver/">Charles Scriver, un éminent généticien de l’Université McGill</a> récemment décédé, avait convaincu le célèbre Howard Hughes Medical Institute (HHMI), aux États-Unis, de réunir les groupes qui pourraient financer et exécuter le projet du génome humain. Les lauréats du prix Nobel Walter Gilbert et James Watson ont assisté à cette réunion <a href="https://books.google.ca/books/about/The_Book_of_Man.html?id=ys5qAAAAMAAJ&redir_esc=y">et cela a été déterminant pour la suite</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TCnG7R50IlU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le séquençage du génome.</span></figcaption>
</figure>
<p>Charles Scriver était bien conscient de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK234203/">l’importance du séquençage du génome humain</a> sur la génétique clinique et son impact sur la santé humaine. La réunion a été un catalyseur majeur <a href="https://books.google.ca/books/about/The_Book_of_Man.html?id=ys5qAAAAMAAJ&redir_esc=y">pour le développement du projet du génome humain</a>.</p>
<p>S’inspirant de Charles Scriver, un projet pour établir une preuve de concept, ou validation de principe, était nécessaire. Elle a été fournie par la découverte du gène de la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">mucoviscidose</a>, une maladie génétique qui touche l’appareil respiratoire et digestif, par Lap-Chee Tsui et Jack Riordan, alors à l’Université de Toronto, et Francis Collins, alors à l’Université du Michigan. En 1990, ils ont écrit : </p>
<blockquote>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21548331.1990.11704019">Plus largement, le clonage du gène CF fournit un démarrage rapide dans l’effort international pour cloner et cartographier l’ensemble du génome humain</a></p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/resoudre-le-casse-tete-de-la-mucoviscidose-et-de-ses-traitements-une-percee-digne-dun-prix-nobel-175486">Résoudre le casse-tête de la mucoviscidose et de ses traitements, une percée digne d’un prix Nobel</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces pionniers avaient accompli la <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.2475911">tâche herculéenne d’identifier le gène chez les sujets normaux porteurs d’une seule mutation causant la mucoviscidose chez les patients homozygotes</a>. Aujourd’hui, grâce à ces découvertes scientifiques canadiennes, les <a href="https://www.fibrosekystique.ca/uploads/RapportsDeDonneesAnnuel2021-WEB.pdf">patients atteints de mucoviscidose ont une experience de vie de 57 ans</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DpOA94FA4H4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dr Charles Scriver, Lauréat du Temple de la renommée médicale canadienne. 2001.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les formidables possibilités de l’ADN</h2>
<p>Un seul de ces pionniers, cependant, a été en mesure de diriger le projet extrêmement difficile du génome humain. <a href="https://www.gairdner.org/winner/francis-s-collins">Francis Collins a reçu le prix Gairdner International du Canada en 2002</a> pour son leadership exceptionnel dans ce projet, et en particulier pour l’effort international visant à cartographier et séquencer les génomes humains et autres espèces.</p>
<p>Un autre lauréat du prix Gairdner International, reconnu pour son leadership dans le projet du génome humain, est <a href="https://www.gairdner.org/winner/james-d-watson">James Watson</a>. Sa découverte de la double hélice lui a valu un <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1962/watson/facts/">prix Nobel en 1962</a>.</p>
<p>Il y a cependant eu controverse : les données expérimentales sur la double hélice étaient en fait une radiographie d’un cristal d’ADN faite par la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosalind_Franklin">physicochimiste britannique Rosalind Franklin</a>, morte prématurément à l’âge de 38 ans, et privée de la reconnaissance de ses recherches.</p>
<p>Les conséquences de la découverte de l’ADN et du séquençage du génome humain ont été fondamentales pour la recherche médicale à l’échelle mondiale. Comme le <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2030694">résume Francis Collins en 2021</a>, les gènes de plus de 5 000 maladies rares ont été découverts, de même que pour l’Alzheimer, la schizophrénie, les maladies cardiaques et le cancer.</p>
<p>C’est aussi grâce à l’ADN que nous pouvons retracer les origines de nos familles, grâce à la généalogie génétique. Le prix Nobel en 2022 a été décerné à Svante Pääbo, de l’Institut Max Planck, de Leipzig, pour le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2022/press-release/%22%22">nouveau domaine de la paléogénomique</a>. Ses découvertes impliquant le séquençage complexe de l’ADN génomique de nos ancêtres disparus ont conduit à la découverte d’une nouvelle branche d’humains primitifs, maintenant connue sous le nom de Dénisoviens.</p>
<p>Aujourd’hui, la généalogie génétique des humains modernes et anciens a été développée par l’analyse de l’ADN de plus de 7 000 génomes différents. Ces nouvelles études ont défini la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10027547/">localisation géographique du cheminement de nos ancêtres</a>, remontant à plus de 800 000 ans ! </p>
<h2>La Journée de l’ADN peut-elle avoir une importance au Canada ?</h2>
<p>Le dévouement de nos remarquables chercheurs, Lap-Chee Tsui, Jack Riordan et Charles Scriver, a inspiré et conduit au projet du génome humain. Cependant, le projet n’impliquait pas le Canada. La principale raison en était le financement. Le projet du génome humain a été largement financé par les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis, pour les laboratoires du <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.042692499?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%2520%25200pubmed">Dr Waterston, à l’Université de Washington, et du Dr Eric Lander, au MIT</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-scientifiques-canadiens-ont-contribue-au-vaccin-arnm-mais-la-recherche-fondamentale-est-en-peril-au-pays-190942">Des scientifiques canadiens ont contribué au vaccin ARNm. Mais la recherche fondamentale est en péril au pays</a>
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<p>L’un des éminents journalistes et commentateurs politiques du Canada, Paul Wells, a récemment déploré la <a href="https://paulwells.substack.com/p/building-pyramids-from-the-top-down">détérioration, depuis des décennies, du financement de la recherche au Canada</a>.</p>
<p>Le pays continuera de perdre le talent dont il était fier. En 2019, le Canada se classait au 18<sup>e</sup> rang mondial pour le nombre de chercheurs par 1 000 habitants, alors qu’il était au 8<sup>e</sup> rang en 2011. Une telle perte est insoutenable pour relever les défis d’une inévitable prochaine pandémie, des changements climatiques et des ravages des maladies.</p>
<p>Charles Scriver, Lap-Chee Tsui et Jack Riordan ont démontré la valeur de la recherche exploratoire au Canada. Elle sauve des vies humaines à l’échelle mondiale. Le Canada devrait se souvenir de son héritage.</p>
<p><em>John Bergeron remercie Kathleen Dickson en tant que co-auteure et Francis Glorieux (Hôpital Shriners pour enfants de Montréal et le Centre universitaire de santé McGill) pour ses idées, corrections et modifications.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204503/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les chercheurs canadiens ont été à l’avant-plan de la recherche sur l’ADN. Cependant, le manque de financement menace leur capacité à relever les défis de l’avenir.
John Bergeron, Emeritus Robert Reford Professor and Professor of Medicine, McGill University
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tag:theconversation.com,2011:article/203249
2023-04-19T16:55:59Z
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Comment fabriquer de l’ADN et créer de nouveaux génomes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520565/original/file-20230412-14-9ewiq4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1452%2C798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La double hélice d'ADN a été découverte en 1953, il y a 70 ans. Qu'en a-t-on tiré depuis?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/hg3eqrjd">Peter Artymiuk, Wellcome Trust Images</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 70 ans, le 25 avril 1953, trois articles publiés dans la revue <em>Nature</em> ont changé notre vision du monde. La <a href="https://www.nature.com/articles/171737a0">découverte de la structure de la molécule origine de l’hérédité</a>, l’ADN en double hélice, représente l’une des plus grandes découvertes en biologie du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’organisation de la molécule siège de la vie est somme toute assez simple : l’ADN est constitué d’unités répétitives, les nucléotides, qui forment une <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/multimedia/figure/structure-de-ladn">chaîne chimique</a>. Un <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/ue1-ue2_auto/Bases_Biologie_Moleculaire_v2/co/_gc_briques_elementaires.html">nucléotide</a> est une molécule issue de la combinaison de trois composants chimiques : une base azotée, un sucre et de l’acide phosphorique. Quatre types de bases azotées déterminent quatre types de nucléotides, qui se combinent à l’infini dans l’ADN et sont à la base de la diversité du vivant (A : adénosine ; T : thymine ; G : guanine ; C : cytosine). Enfin, dans l’ADN, chaque nucléotide est lié à ses deux voisins par une liaison chimique dite « phosphodiester ». Dans le vivant, ce sont des enzymes, catalyseurs des réactions biochimiques, qui réalisent ces liaisons chimiques.</p>
<p><a href="https://www.senat.fr/rap/r11-378-1/r11-378-115.html">Depuis que cette structure a été élucidée</a>, les humains ont appris à lire l’ADN, de plus en plus vite et des brins de plus en plus longs. Parallèlement, nous avons trouvé comment fabriquer (synthétiser) de l’ADN à partir de bases azotées (1972) – ce qui nous permet aujourd’hui d’aller jusqu’à inventer des ADN comme un écrivain invente un livre à partir de l’alphabet (en respectant quelques règles de grammaire tout de même). Nous savons également « amplifier » de l’ADN (1983), c’est-à-dire cibler une région bien déterminée sur l’ADN et la recopier en milliers d’exemplaires, notamment avec la désormais bien connue PCR. Et bien sûr, nous savons éditer le génome (à partir de 1973 grâce à l’« ADN recombinant », où on combine différents morceaux d’ADN), c’est-à-dire le modifier localement pour en modifier ses fonctions – la technique d’édition du génome la plus connue est désormais celle des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, né en 2012.</p>
<p>Ainsi, depuis 70 ans, l’amélioration des techniques de lecture de l’ADN, puis de fabrication et d’édition, ont conduit à développer notre capacité à comprendre le vivant.</p>
<h2>Pourquoi fabriquer de l’ADN alors qu’il y en a partout dans la nature ?</h2>
<p>Les synthèses à grande échelle et à faible coût sont sources de progrès tant en recherche fondamentale qu’appliquée. Par exemple, la reconstruction de <a href="https://productions-animales.org/article/view/3383#">génomes viraux</a> (c’est-à-dire la re-création en laboratoire de génomes viraux identiques) – virus de la grippe espagnole, VIH, SARS-CoV-2 par exemple – ont permis des avancées spectaculaires, comme l’accélération de la production de vaccins ou la génération de cellules résistantes aux infections liées à ces virus (tomates résistantes aux potyvirus par exemple).</p>
<p>Désormais, nous savons même écrire et concevoir de l’information génétique en nous inspirant du génome naturel, pour le reproduire en partie sur des régions intéressantes, ou bien dans sa globalité en l’optimisant.</p>
<p>Ceci est possible grâce à des progrès technologiques récents, comme les <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/PCR/5/co/puces.html">« puces à ADN »</a>, microdispositifs permettant de manipuler simultanément plusieurs séquences d’ADN, ou encore les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2860119/">technologies microfluidiques</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une puce à ADN avec 37500 tests (et un zoom), permettant d’analyser de grandes quantités de données.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Microarray_analysis_techniques#/media/File:Microarray2.gif">Paphrag/Wikipedia</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, la génomique synthétique a désormais le potentiel de créer de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">nouveaux génomes</a> et aussi des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">cellules rudimentaires</a>, à l’exemple de la bactérie JCVI-syn3.0, une bactérie de synthèse possédant le plus petit génome jamais observé chez un organisme indépendant. Issue de <em>Mycoplasma genitalium</em>, une bactérie sexuellement transmissible, cette bactérie dont le génome a été synthétisé par des scientifiques ne contient que les gènes nécessaires à la vie.</p>
<p>Nous pouvons même créer de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">nouvelles formes de vie artificielle</a> comme les <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-vie-artificielle-chercheurs-creent-premier-robot-dote-metabolisme-53648/">robots ADN</a>, capables de se déplacer et de transporter des « colis » de molécules. Cette dernière technologie est à l’étude pour amener des médicaments vers des cellules ciblées dans le corps humain, telles que les cellules cancéreuses.</p>
<h2>Faire avancer la recherche et la médecine</h2>
<p>La synthèse de génomes permet d’aborder des questions de recherche ouvertes et accélère les avancées dans un large éventail de domaines. Par exemple, il est désormais possible de construire une super cellule immunologique en programmant sa séquence d’ADN. C’est le cas des <a href="https://www.gustaveroussy.fr/fr/les-cellules-car-t">cellules CAR-T</a> (<em>chimeric antigenic receptor-T</em>), des lymphocytes T modifiés génétiquement en 2012 dans le but de détecter et d’éliminer les cellules cancéreuses. D’autres champs d’applications consistent à produire des gènes non défectueux pour la thérapie génique, ou encore à développer un génome minimal avec les gènes essentiels pour aborder les principes de base de la vie, explorer la conception du génome entier et l’ingénierie métabolique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="illustration de l’action des cellules CAR-T dans le traitement de leucémie" src="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration d’un lymphocyte T modifié génétiquement (en bleu) reconnaissant et attaquant une cellule leucémique (en vert). La molécule CAR (en rouge) s’accroche à la protéine CD19 que l’on trouve à la surface des cellules leucémiques. Ceci active le lymphocyte T, qui relâche de la perforine (violet), ce qui rend la membrane cellulaire poreuse et laisse pénétrer des molécules cytotoxiques (granzymes en magenta) qui déclenchent la mort cellulaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pdb101.rcsb.org/motm/214">David Goodsell/Protein Database</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais malgré les améliorations continues des techniques de synthèse, les capacités de lecture de l’ADN restent aujourd’hui très supérieures aux capacités d’écriture (en termes de temps requis par échantillon, nombre d’échantillons étudiés en même temps, analyse des résultats et automatisation).</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">synthèse de l’ADN</a> figure parmi les étapes les plus contraignantes de l’étude du vivant, limitée par les taux d’erreur (qui augmentent avec la taille de l’ADN à synthétiser) et les difficultés d’assemblage des fragments pour la synthèse de génomes complets.</p>
<h2>Comment a-t-on appris à synthétiser de l’ADN</h2>
<p>Suite à la découverte de la structure chimique de l’ADN, les chercheurs se sont intéressés à synthétiser de l’ADN au laboratoire : il s’agit de préparer les nucléotides à partir de leurs ingrédients, puis de les assembler.</p>
<p>La génomique synthétique est née avec le premier « dinucléotide » synthétisé au laboratoire en 1955. Ensuite, en 1963, <a href="https://theconversation.com/har-gobind-khorana-the-chemist-who-cracked-dnas-code-and-made-the-first-artificial-gene-was-born-into-poverty-100-years-ago-in-an-indian-village-178390">H. Gobind Khorana</a> et son équipe ont synthétisé un ADN bicaténaire beaucoup plus long de 77 « paires de bases » (les bases azotées vont par deux : une sur chaque brin de la double hélice).</p>
<p>Les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fbioe.2019.00086/full">techniques de synthèse</a> se sont progressivement améliorées dans les décennies qui ont suivi, mais sont restées limitées en termes de longueur de chaîne, de qualité et de rendement, en raison de réactions instables qui généraient des séquences ramifiées, tronquées ou mutées, c’est-à-dire des molécules non conformes à la structure en double hélice, qui assure que l’ADN est fonctionnel.</p>
<p>Au début des années 80, un étudiant de Khorana, Marvin Caruthers, a introduit des réactifs plus efficaces, les phosphoramidites, et a ainsi révolutionné la synthèse de l’ADN. Cette synthèse comprend quatre étapes et aboutit à l’addition d’un seul nucléotide au brin d’ADN, qui croît en étant fixé à un support solide (du verre ou du polystyrène par exemple). Cette méthode a été encore améliorée grâce à différents supports, puis automatisée, ce qui a permis de réduire le temps de synthèse.</p>
<h2>Comment fabrique-t-on aujourd’hui de l’ADN ?</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses versions modifiées des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-22945-z">phosphoramidites</a> ont vu le jour, avec des propriétés optimisées pour des synthèses d’ADN spécifiques.</p>
<p>La chimie des phosphoramidites reste la méthode de référence pour la fabrication d’ADN, utilisée dans l’industrie depuis près de 40 ans avec une efficacité aujourd’hui supérieure à 99 % et une rapidité de synthèse de quelques minutes. Sa simplicité et sa haute efficacité permettent de synthétiser de grandes longueurs de séquences, jusqu’à 200 paires de bases, dont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">l’assemblage aboutit à la construction d’ADN encore plus grands</a>, pour produire des gènes simples jusqu’à des génomes synthétiques entiers, tel que le génome de la levure de boulanger, <em>Saccharomyces cerevisiae</em>.</p>
<p>Si la chimie des phosphoramidites résiste à l’épreuve du temps, elle a des limites techniques. Par exemple, des erreurs peuvent se produire lors de synthèses successives résultant de réactions secondaires, comme des couplages incomplets, quand la liaison entre nucléotides complémentaires ne se produit pas, ou des incorporations erronées, par exemple un G au lieu d’un A.</p>
<h2>Fabriquer de l’ADN, demain</h2>
<p>Nous devons être conscients que les capacités de synthèse de l’ADN disponibles aujourd’hui ont pris beaucoup de retard par rapport aux progrès réalisés dans le domaine du séquençage de l’ADN. Les technologies actuelles de fabrication de l’ADN ne sont pas suffisamment mûres pour permettre l’ingénierie pratique et économique de génomes de grande taille.</p>
<p>Des efforts interdisciplinaires continus sont déployés pour utiliser de nouvelles chimies et stratégies pour synthétiser de l’ADN et assembler des gènes. De nouvelles stratégies inspirées des systèmes biologiques émergent mais pour l’instant, aucune technologie ne permet d’accéder à des séquences aussi grandes que celles trouvées dans la nature.</p>
<p>Les défis techniques actuels concernent l’assemblage de régions de la chaîne d’ADN qui sont hautement répétitives ou complexes. Quand ces verrous techniques seront surmontés, avec des stratégies de synthèse plus optimales, de nouvelles perspectives s’ouvriront pour résoudre les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés en matière de ressources, d’énergie, de santé et d’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amina Ben Abla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis la découverte de la double hélice, on a appris à lire, modifier et écrire l’ADN – jusqu’à créer des génomes nouveaux.
Amina Ben Abla, Enseignante Chercheure en Biologie Moléculaire, École de Biologie Industrielle (EBI)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203215
2023-04-16T16:03:26Z
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Édition génomique humaine : quels espoirs et quelles peurs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520353/original/file-20230411-16-k0cstc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1718%2C1121&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La famille de Laocoon en proie à des doubles hélices d'ADN. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/n5nyj788/images?id=ap3d2z87">©Wellcome Trust Limited 1990 </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’édition génomique humaine consiste à modifier de façon ciblée le génome humain. Ses <a href="https://theconversation.com/crispr-cas9-comment-modifier-les-genomes-va-changer-la-societe-66320">applications potentielles</a>, notamment thérapeutiques, sont nombreuses. Mais alors que plusieurs réalisations existent déjà, les discussions scientifiques, médicales et éthiques vont bon train.</p>
<p>Ainsi, un congrès mondial sur l’édition génomique a eu lieu à Londres début mars, et la première thérapie génique basée sur les modifications ciblées du génome <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-04444-3">pourrait être validée cette année par la <em>Food and Drug Administration</em> américaine</a>. Cette <a href="https://www.wired.com/story/a-gene-therapy-cure-for-sickle-cell-is-on-the-horizon/">thérapie vise la drépanocytose</a>, une maladie sanguine génétique « rare », qui affecte des millions de personnes à travers le monde. Là où les précédentes thérapies ont connu peu de succès, la nouvelle thérapie pourrait se montrer plus efficace.</p>
<p>L’édition génomique soulève de nombreux enjeux, qui rappellent les discussions sur l’ADN recombinant à la conférence d’Asilomar en 1975, ou ceux sur le clonage suite à la naissance de Dolly le mouton en 1996. Concentrons-nous sur trois de ces enjeux, particulièrement saillants dans les discussions actuelles : la question de l’héritabilité des modifications du génome humain, celle de la régulation, et celle de l’équité dans l’accès aux thérapies géniques.</p>
<h2>Peut-on éditer le génome de ses descendants ?</h2>
<p>Il faut distinguer deux champs dans l’édition génomique humaine. D’un côté, il y a les recherches sur les cellules « somatiques », des cellules qui ne sont pas héréditaires. De l’autre, il y a des recherches sur des cellules germinales, qui portent l’information qui est transmise à la génération suivante. Les recherches sur ces cellules « héréditaires » soulèvent d’autres types de questions, souvent plus complexes, car elles auront des effets sur la descendance d’un individu.</p>
<p>En effet, en ce qui concerne l’édition du génome humain héréditaire, la sûreté et l’efficacité des techniques n’ont pas encore été démontrées, un débat sociétal fait défaut, tout comme une gouvernance responsable sur le sujet. La communauté scientifique estime actuellement que les <a href="https://royalsociety.org/news/2023/03/statement-third-international-summit-human-genome-editing/">conditions ne sont pas remplies pour éditer des cellules héréditaires</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Reconstruction 3D d’un embryon de souris" src="https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520348/original/file-20230411-14-klu3k2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reconstruction 3D d’un blastocyste de souris (embryon de 3-4 jours). Les cellules sont encore pluripotentes et peuvent se différencier, notamment en cellules germinales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/c4349yxj">Agnieszka Jedrusik and Magdalena Zernicka-Goetz, Gurdon Institute</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’édition génomique de cellules somatiques, par contre, pose moins de problèmes éthiques, politiques et techniques et son futur s’annonce plus prometteur. Ainsi, les scientifiques explorent <a href="https://www.nature.com/articles/s41392-019-0089-y">différents sujets</a>, comme les maladies du cœur et des muscles, l’ingénierie de cellules donneuses pour éviter leur rejet par le système immunitaire d’un hôte, des maladies comme l’<a href="https://www.inserm.fr/dossier/hemophilie">hémophilie B</a>, les mucopolysaccharidoses ou encore la Beta-thalassémie. En tout, plusieurs centaines de patients sont engagés <a href="https://www.technologyreview.com/2023/03/10/1069619/more-than-200-people-treated-with-experimental-crispr-therapies/">dans des protocoles expérimentaux</a>. L’édition génomique a le potentiel de guérir des maladies jusqu’ici incurables.</p>
<p>À cet engouement pour les applications s’ajoute un enthousiasme pour la technologie elle-même. C’est en 2012 que CRISPR-Cas9, la plus célèbre des techniques d’édition génomique, commence à être utilisée. Depuis, son efficacité et sa précision ont été continuellement améliorées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">CRISPR : comment ça marche ?</a>
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<p>De plus, d’autres techniques sont dorénavant utilisées, comme le <a href="https://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/base-editing-genome-90842.html"><em>base editing</em></a> ou le <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/biologie-cellulaire/prime-editing-une-nouvelle-revolution-pour-l-edition-du-genome_138490"><em>prime editing</em></a>, qui promettent encore plus de précision. Les scientifiques espèrent, à terme, pouvoir éviter les <a href="https://theconversation.com/crispr-et-les-effets-hors-cible-des-risques-encore-peu-controlables-108214">effets dits <em>off-target</em></a> (c’est-à-dire hors du gène visé). Mais aussi ceux, moins connus, qui posent des problèmes sur la cible (effets <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-25190-6"><em>on-target</em></a>) et montrent que les effets de CRISPR-Cas9 sont <a href="https://doi.org/10.1089/crispr.2021.0120">« plus chaotiques que prévu »</a>.</p>
<h2>Les « bébés CRISPR » : une controverse toujours chaude et une régulation qui reste fragile</h2>
<p>Malgré cet engouement, difficile d’oublier le trouble-fête majeur dans le champ de l’édition génomique : He Jiankui. Son annonce, via des vidéos postées sur YouTube fin novembre 2018, de la <a href="https://theconversation.com/les-tres-graves-rates-de-lexperience-chinoise-des-bebes-crispr-128728">naissance de deux jumelles dont il avait modifié le génome à l’état d’embryon par édition génomique</a>, avait créé une onde de choc au sein et au-delà de la communauté scientifique. « Irresponsable », « illégal », « pas éthique » : la <a href="https://doi.org/10.1177/03063127211025631">condamnation de la communauté scientifique de l’expérimentation fut unanime et immédiate</a>. En qualifiant l’expérience de He ainsi, ce travail de démarcation – on peut même parler d’excommunication – était un moyen pour la communauté scientifique de réaffirmer et de protéger son autorité morale, et de rassurer la communauté scientifique, tout comme le public.</p>
<p>Cinq ans plus tard, la controverse causée par He Jiankui n’est pas éteinte. Au <a href="https://royalsociety.org/science-events-and-lectures/2023/03/2023-human-genome-editing-summit/">troisième sommet international sur l’édition génomique humaine</a>, qui se tenait à Londres du 6 au 8 mars 2023, les scientifiques rappelaient ces travaux, évoquant un événement « dramatique » et rappelant comment l’annonce de He Jiankui « dominait » les discussions en 2018 (Robin Lovell-Badge, organisateur du sommet londonien). David Baltimore, prix Nobel, co-organisateur des deux premiers sommets, soulignait que probablement la « régulation internationale avait échouée », tout en rassurant qu’il s’agissait d’un « événement singulier qui ne s’est jamais reproduit depuis » (notons toutefois que <a href="https://doi.org/10.15252/embr.202050307">Denis Rebrikov avait annoncé son intention d’éditer des embryons humains en 2019</a> et que des <a href="https://www.science.org/content/article/creator-crispr-babies-nears-release-prison-where-does-embryo-editing-stand">recherches sur des embryons humains excédentaires provenant de cliniques de fécondation in vitro sont en cours</a>).</p>
<p>Une session entière du sommet à Londres fut par conséquent dédiée à la question de la régulation en Chine. Un membre de l’Académie des Sciences Chinoise (Yaojin Peng) présentait les lois, régulations et codes éthiques en la matière. Tout en expliquant que le pays avait « accéléré » et « amélioré » la régulation, il soulignait que l’édition génomique héréditaire est légalement interdite et que la Chine est fondamentalement « conforme » aux normes internationales. La présentatrice suivante (Joy Zhang, sociologue à l’Université du Kent) se montrait moins optimiste. Malgré la bienvenue de discussions sur la sécurité et l’éthique, celles-ci ne s’appliqueraient qu’à la médecine et à la science publique, mais pas aux entreprises. En Chine, la participation des scientifiques dans les prises de décisions – ces premiers demandant plus de transparence et de débat public – reste un processus « fragile » selon Zhang.</p>
<p>Si l’édition de cellules germinales est techniquement possible, elle est éthiquement, politiquement et légalement problématique, d’où les <a href="https://theconversation.com/le-droit-et-crispr-quel-encadrement-juridique-pour-ledition-des-genomes-120542">débats actuels sur sa régulation</a>. En Europe, la <a href="https://www.geneticsandsociety.org/biopolitical-times/european-convention-continues-ban-germline-editing">convention Oviedo</a> (Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine) l’interdit. <a href="https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/crispr.2020.0082">Au niveau mondial</a>, aucun pays ne semble l’autoriser, trois quarts des pays l’interdisent, et seulement trois pays ont des positions indéterminées sur le sujet (Burkina Faso, Singapour, Ukraine).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte du monde des politiques publiques sur l’édition du génome" src="https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520277/original/file-20230411-797-8r33fw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les politiques publiques sur l’édition du génome humain « héritable » à des fins reproductives (rouge : interdit ; orange : interdit avec exceptions ; vert : permis ; violet : indéterminé ; gris foncé : pas d’informations pertinentes ; gris clair : non inclus dans l’étude).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/crispr.2020.0082">Françoise Baylis et coll. 2020 ; Published by Mary Ann Liebert, Inc</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>À la fin du sommet cette année, on sentait malgré cela une certaine frustration de la part des organisateurs : « Souvenez-vous que ce sommet a beaucoup porté sur l’édition génomique de cellules somatiques et tout l’engouement qu’elle suscite. Alors, où sont les questions à ce sujet ? » demandait Robin Lovell-Badge.</p>
<h2>Quel accès et quels prix pour les thérapies géniques ?</h2>
<p>Revenons donc à l’utilisation de l’édition génomique pour les thérapies géniques.</p>
<p>La thérapie génique est une stratégie thérapeutique qui consiste à introduire du matériel génétique afin de traiter une maladie, soit en prélevant, transformant et réinjectant des cellules au patient (méthode <em>ex vivo</em>), soit en introduisant directement le vecteur dans un tissu (méthode <em>in vitro</em>). Ce processus est cependant complexe et de nombreux essais cliniques ont connu des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1525001616311741">échecs dans le passé</a>.</p>
<p>Le développement de thérapies géniques nécessite des investissements conséquents, ce qui soulève la question de l’équité et de l’accès aux traitements. Nombreux sont ceux qui pointent du doigt les <a href="https://www.statnews.com/2023/03/07/crispr-sickle-cell-access/">prix très élevés de certains produits</a> existants : il faut dépenser plusieurs millions d’euros pour certaines thérapies géniques (comme <em>Zolgensma</em> ou <em>Libmeldy</em>).</p>
<p>D’où la nécessité de réfléchir à la régulation des prix ou à des modèles alternatifs non commerciaux (philanthropie, consortiums entre acteurs universitaires, licences dites « humanitaires »). Les associations de patients ont un rôle important à jouer ici, car elles ne s’intéressent pas seulement au développement de ces thérapies, mais <a href="https://doi.org/10.1093/oso/9780198865223.003.0003">« s’attaquent à leurs obstacles économiques et explorent des solutions qu’elles jugent souhaitables ou justes pour les patients et la société dans son ensemble »</a>.</p>
<p>L’arrivée sur le marché américain d’un traitement contre la drépanocytose soulève de nombreuses questions : « Je ne sais pas comment on peut créer des prix, des payements, des innovations dans la propriété intellectuelle […]. Un traitement pour la drépanocytose arrive cet été, mais personne n’est prêt » estimait Steve Pearson, président du <em>Institute for Clinical and Economic Review</em>, lors du sommet à Londres.</p>
<p>Des prix trop élevés pour les thérapies géniques entraînent le risque d’un <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/mar/06/forthcoming-genetic-therapies-serious-ethical-questions-experts">« eugénisme technique »</a>. Comment éviter que le traitement ne soit seulement accessible aux plus riches ? Comment assurer une équité au niveau international et que le traitement soit abordable dans les régions du monde où la maladie est fréquente (Afrique subsaharienne, Antilles, Brésil, Inde) ?</p>
<p>L’édition génomique humaine soulève donc toute une panoplie de questions : scientifiques, éthiques, politiques, sociétales, réglementaires, économiques et démocratiques.</p>
<p>Face à ces enjeux, il faudra trouver des réponses plus concrètes en matière de gouvernance et de régulation. Comment traduire des principes comme la responsabilité, la transparence, l’accessibilité, l’équité, l’inclusion, et le dialogue sociétal en impératifs politiques ? Comment, en gros, prendre la politique de la génétique au sérieux ? L’enjeu est de taille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203215/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgan Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Soixante-dix ans après la découverte de la structure de l’ADN, on sait modifier les génomes humains. Zooms sur trois enjeux majeurs : héritabilité, régulation, équité dans l’accès aux soins.
Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199138
2023-02-05T16:53:53Z
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Cancer : les thérapies de différenciation, ou comment faire revenir les cellules cancéreuses dans le droit chemin
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508192/original/file-20230205-15-3bqf1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=383%2C398%2C1171%2C1073&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cette image de microscopie montre des cellules cancéreuses du pancréas en croissance (noyau en bleu, membranes en rouge). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/26645788710/">Min Yu/Eli et Edythe Broad Center for Regenerative Medicine and Stem Cell Research, USC / NIH / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Les scientifiques ont baptisé de telles cellules, « cellules souches cancéreuses ». Ils <a href="https://doi.org/10.1186/s13578-017-0188-9">pensent qu’elles ont une part de resposabilité</a> non seulement dan l’initiation des cancers, mais aussi dans leur progression, le développement de métastases, les récidives et la résistance aux traitements.</p>
<h2>Qu’est-ce que la thérapie de différenciation ?</h2>
<p>Un nombre croissant de preuves semble indiquer que les cellules souches cancéreuses sont capables de ce différencier en de multiples types cellulaires, y compris des cellules non cancéreuses. Forts de ce constat, les chercheurs ont eu l’idée d’essayer de mettre au point un nouveau type de traitement, appelé <a href="https://doi.org/10.1177/1010428317729933">thérapies de différenciation</a>. </p>
<p>Le concept a été forgé suite aux observations qui ont révélé que les hormones et les cytokines, deux types de protéines qui jouent un rôle clé dans la communication entre les cellules, pouvaient <a href="https://doi.org/10.1038/nrc.2017.103">stimuler la maturation des cellules souches et ce faisant, leur faire perdre leur capacité de régénération</a>. Réussir à forcer les cellules souches cancéreuses à se différencier en des cellules plus « matures » pourrait donc stopper leur prolifération incontrôlable, et en faire des cellules normales. </p>
<p>La thérapie de différenciation a déjà fait ses preuves dans le traitement de la <a href="https://doi.org/10.1182/blood-2009-01-198911">leucémie aiguë promyélocytaire</a>, un <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/survie-des-personnes-atteintes-de-cancer-en-france-metropolitaine-1989-2018-leucemie-aigue-myeloide-promyelocytaire">cancer des cellules sanguines agressif</a>. Dans le cas de cette maladie, l’<a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=acide%20r%C3%A9tino%C3%AFque">acide rétinoïque</a> et l’arsenic sont utilisés pour bloquer une protéine qui empêche les cellules myéloïdes, un type de cellules sanguines dérivées de cellules de la moelle osseuse, de poursuivre leur maturation. En leur permettant de poursuivre leur développement normal, ce traitement leur fait perdre leurs caractéristiques cancéreuses.</p>
<p>Autre intérêt des thérapies de différenciation : puisqu’elles ne se focalisent pas sur la destruction des cellules cancéreuses et ne nécessitent pas de soumettre les cellules saines à proximité à des produits chimiques toxiques, elles peuvent s’avérer <a href="https://doi.org/10.1182%2Fblood-2009-01-198911">moins délétères que les traitements traditionnels</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image en microscopie de leucémie aiguë promyélocytaire " src="https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503362/original/file-20230105-22-8a0umi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La leucémie aiguë promyélocytaire peut être traitée par thérapie de différenciation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/acute-promyelocytic-leukemia-cells-royalty-free-image/1417347912">jarun011/iStock via Getty Images Plus</a></span>
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</figure>
<h2>Utiliser les cellules souches pour traiter le cancer</h2>
<p>Il existe plusieurs autres pistes potentielles mettant à contribution les cellules souches pour lutter contre le cancer. Les cellules souches cancéreuses peuvent par exemple être <a href="https://doi.org/10.1038/s41392-020-0110-5">directement ciblées</a> dans l’optique de stopper leur croissance, ou bien être transformées en <a href="https://doi.org/10.1515/iss-2016-0005">« chevaux de Troie »</a> capables de s’attaquer aux autres cellules tumorales.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1155/2016/1740936">Les cellules souches cancéreuses quiescentes</a>, qui ne se divisent pas, mais demeurent vivantes, sont elles aussi de potentielles cibles thérapeutiques. Ces cellules jouent un rôle important dans l’émergence de résistance aux traitements dans une grande variété de sortes de cancers, car elles ont une capacité de régénération et de survie encore plus importante que celle des autres cellules souches cancéreuses.
Leur quiescence peut persister durant des décennies, ce qui signifie qu’elles peuvent être à l’origine de récidives de la maladie. Elles sont malheureusement difficiles à distinguer des cellules souches cancéreuses « classiques », ce qui complique leur étude. </p>
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<p>Autre piste suivie par les chercheurs : modifier génétiquement des cellules souches afin qu’elles expriment une protéine capable de le lier spécifiquement à une cible spécifique, présente dans des cellules cancéreuses. Cette approche permet d’augmenter l’efficacité des traitements, en relâchant les médicaments directement dans la tumeur. Les <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffbioe.2020.00043">cellules souches mésenchymateuses</a> provenant de la moelle osseuse sont par exemple capables de migrer naturellement vers les tumeurs, et de s’y arrimer. Elles pourraient donc être utilisées pour délivrer des molécules thérapeutiques directement au contact des cellules cancéreuses.</p>
<p>Les cellules souches peuvent aussi être utilisées pour produire des <a href="https://doi.org/10.1002/wdev.399">organoïdes modèles</a>, qui sont des sortes de versions miniatures des organes, afin de tester de potentiels médicaments anticancéreux et d’étudier les mécanismes qui mènent à la maladie</p>
<h2>Les défis des thérapies à base de cellules souches</h2>
<p>Bien que les nombreux avantages des cellules souches suscitent de nombreux intérêts chez les scientifiques qui développent des thérapies destinées à traiter le cancer, <a href="https://doi.org/10.18632%2Foncotarget.20798">plusieurs défis restent encore à relever</a>. On sait par exemple que bon nombre des thérapies à base de cellule souche actuelles sont incapables d’éliminer à elle seule les tumeurs : elles doivent être pour cela conjuguées à d’autres médicaments. </p>
<p>Il existe également des préoccupations concernant la capacité éventuelle des cellules souches à promouvoir la croissance tumorale.</p>
<p>En dépit de ces obstacles, selon nous, les technologies à base de cellules souches ont le potentiel d’ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine des thérapies anticancéreuses. La conjugaison du génie génétique et des cellules souches semble en mesure de surmonter les principaux inconvénients posés par les chimiothérapies actuelles, notamment la question de leur toxicité pour les cellules saines. Si nous poursuivons les recherches, il se pourrait que les thérapies ciblant les cellules souches cancéreuses finissent un jour par faire partie des traitements standards d’un grand nombre de type de cancers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
De nombreuses tumeurs contiennent des cellules souches cancéreuses qui les aident à se développer et à échapper aux traitements. Une nouvelle piste tente de rendre ces cellules à nouveau normales.
Huanhuan Joyce Chen, Assistant Professor of Molecular Engineering, University of Chicago Pritzker School of Molecular Engineering
Abhimanyu Thakur, Postdoctoral Scholar in Molecular Engineering, University of Chicago Pritzker School of Molecular Engineering
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2023-02-01T19:10:57Z
2023-02-01T19:10:57Z
Notre ADN détermine-t-il vraiment notre intelligence et nos risques de maladies ?
<p>Les auteurs d’un article récemment <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-022-01242-5">publié dans la revue scientifique <em>Nature Genetics</em></a> s’inquiètent de l’impact sociétal des avancées de la génomique (l’étude des génomes, autrement dit, du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce). Ils évoquent les visions, à leurs yeux prémonitoires, du film <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=17079.html"><em>Bienvenue à Gattaca</em></a> : la possibilité de lire dans notre ADN nos capacités physiques et intellectuelles et, même, de pouvoir concevoir <em>in vitro</em> des enfants quasi parfaits, exempts de maladie future.</p>
<p>Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la génomique, la réalité a en effet rattrapé la fiction. Il est désormais possible d’analyser l’entièreté du génome, à la recherche de causes génétiques de maladies complexes.</p>
<p>Appelés <em>genome-wide association studies</em> (GWAS, ou « étude d’association pangénomique »), ce type de travaux a donné lieu à une multitude de publications scientifiques annonçant la découverte de nombreux variants génétiques qui augmenteraient ou diminueraient le risque d’une maladie, voire la propension à de nombreux traits, comme certains comportements ou aptitudes intellectuelles.</p>
<p>À en croire certains auteurs, notre avenir médical et social serait réellement inscrit dans notre génome. Cette vision est erronée car elle repose sur une série d’erreurs et d’incompréhensions que nous allons étudier.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une étude GWAS ?</h2>
<p>Les études GWAS consistent à établir une corrélation entre l’expression d’un trait chez un groupe d’individus et des marqueurs sur leur génome. Ces marqueurs peuvent être vus comme des petits drapeaux balisant tout le génome. L’idée sous-jacente aux études GWAS est qu’une association entre un marqueur et un trait permet de détecter des facteurs génétiques indépendamment des facteurs d’environnement dans le trait étudié.</p>
<p>Ceci peut se faire sur un trait quantitatif (comme la taille) ou sur une maladie. Dans ce dernier cas, on comparera ces marqueurs dans un groupe de personnes malades avec ceux d’un groupe de personnes non malades. On affecte alors à chaque différence génétique identifiée un coefficient censé représenter la force de son association avec le trait considéré, puis on calcule un score global (le « score polygénique ») qui représente l’intensité du risque encouru.</p>
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<img alt="Affiche du film « Bienvenue à Gattaca » réalisé par Andrew Niccol" src="https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507616/original/file-20230201-9483-xvmqx2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du film <em>Bienvenue à Gattaca</em> réalisé par Andrew Niccol.</span>
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</figure>
<p>De nombreuses études GWAS ont été engagées sur des maladies dont les causes (on parle d’« étiologie » de la maladie) sont notoirement complexes : schizophrénie, cancer du sein, maladie coronarienne…</p>
<h2>Un nouveau marché</h2>
<p>Dès 2007, des entreprises ont commencé à vendre en ligne des prédictions de risque sur un simple envoi de salive. La société 23andme a ainsi récolté plus d’un million d’ADN avant d’être sommée par la FDA, en <a href="https://www.businessinsider.com/fda-sends-warning-letter-to-23andme-2013-11?r=US&IR=T">2013</a>, d’arrêter ses activités faute de preuves de validité.</p>
<p>23andme a continué ses activités en changeant sa démarche et en recueillant des ADN pour une nouvelle utilisation : dresser la carte des origines géographiques des ancêtres de leur propriétaire. Ces ADN peuvent ensuite être mis à disposition d’équipes scientifiques qui peuvent mener des études GWAS et les publier.</p>
<p>D’abord menées sur des centaines d’individus, ces recherches se sont rapidement étendues à des milliers, puis à des millions de personnes et conduisent à la publication de certaines études aux résultats questionnables.</p>
<p>Ces dernières années, des centaines d’articles scientifiques assurent avoir détecté – via des associations – les facteurs génétiques dont les effets se cumulent dans un score. Ces scores sont censés prédire non seulement nos risques de maladie, mais aussi nos aptitudes intellectuelles ou d’adaptation sociale.</p>
<p>À en croire ces travaux, une simple lecture de notre ADN permettrait donc de savoir si l’on est à risque de développer une maladie ou si notre intelligence sera plus ou moins élevée. Ce qui promeut la thèse selon laquelle tous nos traits seraient « prédéterminés génétiquement »…</p>
<p>En 2018, une <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-018-0152-6">étude</a> portant sur les nombres d’années d’études de près de 270 000 individus dit avoir identifié plus d’un millier de facteurs génétiques impliqués dans « l’intelligence ». Quatre ans plus tard, en passant à <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-022-01016-z">3 millions d’individus</a>, ce nombre de facteurs génétiques est multiplié par 4. In fine, par une simple lecture de votre ADN, on pourrait donc prédire votre nombre d’années d’études ou <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05477-4">si vous allez devenir fumeur ou alcoolique</a>. Et cela sans prendre en compte votre environnement familial ou culturel…</p>
<h2>Hypothèses erronées des calculs de score prédiction</h2>
<p>Le problème est que les conclusions de ces études sont tout simplement fausses car basées sur des hypothèses erronées et sur une interprétation abusive des associations entre les traits à prédire et des marqueurs génétiques…</p>
<p>Les calculs de score de prédiction reposent sur des hypothèses proposées en 1965 par <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1469-1809.1965.tb00500.x">Douglas Scott Falconer</a> pour calculer l’héritabilité de certaines maladies. Parmi ces hypothèses, il est exclu d’emblée qu’un facteur d’environnement puisse jouer un rôle important dans l’expression du trait, alors qu’on sait combien notre alimentation, la consommation d’alcool ou de tabac et plus largement notre hygiène de vie ont un impact sur notre santé.</p>
<p>On suppose aussi que l’individu sera soumis aléatoirement aux facteurs d’environnement et,ce, indépendamment de ses conditions familiales, sociales et professionnelles. On suppose enfin que les facteurs d’environnement vont agir sur lui indépendamment de son génome alors qu’on sait pertinemment que la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1855137/">régulation et l’expression de nos gènes dépendent de notre environnement</a>.</p>
<p>Ces hypothèses sont en totale contradiction avec les connaissances biologiques acquises depuis qu’elles ont été proposées et d’ailleurs questionnées par Falconer lui-même, dès 1967, pour le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6056557/.">diabète</a></p>
<h2>Les interprétations abusives des études GWAS</h2>
<p>Un autre problème est que les scores de prédiction reposent sur une interprétation abusive des études GWAS. L’association d’un trait avec un marqueur génétique peut, certes, refléter l’action d’un facteur génétique ; mais ceci reste à confirmer par des études familiales et fonctionnelles ultérieures, seules capables de le démontrer. Des associations peuvent en effet refléter des différences environnementales ou culturelles parmi les personnes étudiées.</p>
<p>Ainsi, une telle étude GWAS qui comparerait, en France, des personnes mettant du beurre doux sur leurs tartines et des individus tartinant plutôt du beurre salé identifierait un grand nombre de marqueurs génétiques associés à cette dernière préférence… Non pas parce qu’elle révélerait des facteurs génétiques conférant un goût particulier pour le beurre salé, mais parce que ces marqueurs ont une fréquence différente en Bretagne et dans les autres régions de France !</p>
<p>De la même façon, sachant que le cancer du sein est plus fréquent chez les femmes ayant un <a href="https://theconversation.com/lindice-de-masse-corporelle-un-bon-outil-pour-savoir-si-son-poids-est-sain-104113">indice de masse corporelle</a> (IMC) élevé, les associations trouvées entre femmes atteintes et non atteintes de cancer du sein peuvent refléter des facteurs environnementaux impliqués dans l’IMC… et non dans l’étiologie du cancer du sein !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507620/original/file-20230201-14-eonm5f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemple de représentation graphique d’une étude GWAS portant sur les calculs rénaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Manhattan_plot_from_a_GWAS_of_kidney_stone_disease.png">Sarah A. Howles/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces fausses conclusions ont de lourdes conséquences au plan clinique, car des outils de calcul de risque incorporant ces scores de risque erronés commencent à être mis à disposition des cliniciens. La validation de ces scores est faite uniquement sur les données en population, sans se soucier du fait qu’on a mélangé, pour les établir, des malades avec des étiologies différentes.</p>
<h2>Les conséquences sur le plan sociologique</h2>
<p>Les interprétations et comparaisons aberrantes qui ont trait au quotient intellectuel (QI) (<a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1198102">dénoncées dès 1975 par Feldman et Lewontin</a> et en 1978 <a href="https://eudml.org/doc/198864">par Jacquard</a> dans « l’inné et l’acquis »)), sont un exemple frappant de dérive.</p>
<p>La variable QI avait été proposée à l’origine comme une mesure d’adéquation d’un enfant d’un âge donné à un programme scolaire donné : elle n’a de sens que lorsqu’elle est normée et moyennée dans un contexte homogène donné. Il ne s’agit pas d’une mesure universelle et intemporelle des capacités cognitives, voire de l’intelligence.</p>
<p>Même en se restreignant à la France, on ne peut pas comparer les performances en calcul mental d’enfants ayant aujourd’hui 9 ans avec ceux d’il y a un siècle, pour la simple raison qu’ils n’y ont pas été entraînés de la même façon… Par ailleurs, la différence entre deux enfants de même âge soumis à un même apprentissage scolaire dépend non seulement de leurs gènes, mais aussi de leur milieu culturel et des apprentissages antérieurs, préscolaires ou extrascolaires, etc. Le tout sans qu’il soit possible d’en évaluer les contributions respectives.</p>
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<p>Malheureusement, de nombreuses études dites de « socio-génomique » font progresser, en s’appuyant sur les études GWAS, l’idée que nous sommes génétiquement prédéterminés à faire des études ou pas (l’idée étant que les variations génétiques influeraient sur la variable QI, dont on vient de rappeler les limites…).</p>
<p>Selon ce courant de pensée, nos capacités intellectuelles sont écrites dans notre génome. Largement diffusées tant par la presse scientifique que par les médias généralistes ou certains ouvrages comme ceux des psychologues Kathryn Paige Harden ou Robert Plomin, par exemple. Ces idées conduisent inéluctablement à se demander à quoi bon promouvoir une éducation pour tous quand certains y seraient, pour ainsi dire, « génétiquement imperméables »…</p>
<h2>Des conséquences sur le plan éthique</h2>
<p>Les scores polygéniques sont aussi utilisés par certains pour différencier des populations sur des traits tels que l’intelligence, justifiant ainsi des visions racistes ou des comportements eugénistes.</p>
<p>On peut ainsi lire dans la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160289615001087">revue « Intelligence »</a> que les scores moyens de QI sont différents suivant les populations étudiées (4,4 pour les Chinois, 4 pour les Japonais, 3,7 pour les Européens et 2,3 pour une population d’Afrique). L’auteur en conclut que les facteurs génétiques contribuant à l’intelligence ont été soumis, lors des migrations, à une pression de sélection expliquant des taux d’intelligence différents dans différentes zones géographiques.</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26942276/ref">Lors de son discours présidentiel à l’American Society of Human Genetics, en 2015</a>, son président le généticien Neil Risch a malicieusement souligné le manque de solidité de cette approche. Il a en effet calculé les scores de Craig Venter (pionnier du séquençage du génome humain) et de James Watson (co-découvreur de la structure de l’ADN) avec les SNPs de cette étude.</p>
<p>Résultat : le score de James Watson s’est avéré légèrement inférieur à la moyenne européenne, tandis que celui de Craig Venter était égal à la moyenne de la population africaine… Neil Risch concluait avec humour qu’un score en dessous de la moyenne était suffisant pour obtenir un prix Nobel ou la Médaille des Sciences (médaille équivalente à notre médaille Field) !</p>
<p>Sur les mêmes concepts erronés, des entreprises privées donnent à de futurs parents la possibilité de choisir, parmi plusieurs embryons, celui qui minimise le risque de développer telle ou telle maladie (cancer du sein, schizophrénie, diabète…) et promettent même que, bientôt, il sera possible de sélectionner parmi ces embryons celui qui sera <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/03/msc200007/msc200007.html">doté de la meilleure intelligence</a>.</p>
<h2>Un modèle génétique erroné</h2>
<p>Un certain nombre d’auteurs, comme ceux du commentaire de <em>Nature Genetics</em> mentionné dans l’introduction de cet article, s’émeuvent à juste titre des dérives engendrées par cette vision de déterminisme génétique. Mais ils pointent uniquement les aspects éthiques et idéologiques, sans souligner que le problème est, à la racine, celui de l’acceptation aveugle d’un modèle génétique erroné et de l’interprétation abusive de marqueurs génétiques avec des associations.</p>
<p>Le débat scientifique peut être caricaturé en qualifiant d’« environnementalistes » ceux qui contestent la validité de prédictions génétiques. Pourtant, nier le bien-fondé de prédictions génétiques pour des traits ou maladies à étiologie complexe, ce n’est pas nier l’effet de facteurs génétiques sur nos traits. C’est seulement <a href="https://www.mdpi.com/2075-4426/12/8/1266">contester les hypothèses sur lesquelles reposent ces prédictions</a>.</p>
<p>Pour terminer sur une note plus positive, soulignons que cette dérive de la génétique ne doit pas faire oublier l’apport précieux de ces nouvelles technologiques lorsqu’elles sont utilisées correctement. En particulier, des études qualifiées de « post-GWAS » ont permis de mettre en évidence le rôle de certains gènes ou de réseaux de gènes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34689168/">agissant en interaction dans la physiopathologie de maladies à étiologie complexe (cancers, maladies neurologiques…)</a>. Bien intégrées aux autres sources d’information, elles enrichissent les connaissances sur les processus pathologiques, et révèlent ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198080/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
De nouvelles études génétiques prétendent pouvoir déterminer notre intelligence ou nos risques de développer des maladies, mais tout n’est pas inscrit dans notre ADN.
Françoise Clerget-Darpoux, Directeur de recherches émérite en génétique statistique, Inserm
Emmanuelle Genin, Directrice de Recherche en génétique statistique et des populations, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/189837
2022-09-09T13:22:37Z
2022-09-09T13:22:37Z
Une méduse immortelle qui voyage dans le temps
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/482362/original/file-20220901-19-f5rvrl.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C10%2C3471%2C2462&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méduse immortelle «Turritopsis dohrnii».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Daniel Maeso Miguel)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La quête de l’immortalité a motivé les êtres humains pendant une grande partie de leur histoire. La recherche d’élixirs de jouvence a fait l’objet de légendes et de fables des plus singulières. Les alchimistes du Moyen Âge ont travaillé sans relâche pour trouver la formule de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/pierre-philosophale/">pierre philosophale</a>, qui confère des pouvoirs de rajeunissement. Les voyages de Juan Ponce de Leon, qui, tout en conquérant le Nouveau Monde, a cherché avec acharnement la mystérieuse <a href="https://www.nationalgeographic.com/history/article/fountain-of-youth">fontaine de jouvence</a>, sont également bien connus.</p>
<p>Jusqu’à tout récemment, personne n’avait réussi à percer les secrets de la vie éternelle.</p>
<p>Mais la découverte d’une créature dont la taille ne dépasse pas quatre millimètres, <em>Turritopsis dohrnii</em>, également appelée « la méduse immortelle », vient changer la donne.</p>
<h2>L’immortalité biologique à la portée d’une méduse</h2>
<p>Contrairement à la grande majorité des êtres vivants, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5764029/pdf/peerj-06-4225.pdf"><em>Turritopsis dohrnii</em></a> est capable de rajeunir et d’atteindre l’immortalité biologique. Il va sans dire que cette méduse remet en question notre perception du vieillissement. Mais comment y parvient-elle ?</p>
<p>Commençons par comprendre à quoi ressemble le <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/en/collections/memoires-du-museum-national-d-histoire-naturelle/introduction-hydrozoa">cycle de vie d’une « méduse mortelle »</a>. Sa reproduction est sexuée : le sperme du mâle féconde les ovules de la femelle et le zygote est alors formé. Le zygote se transforme en larve et dérive jusqu’à ce qu’il se fixe au fond de la mer. Une fois installé, il se transforme en polype et, une fois prêt, se reproduit de manière asexuée. Pour ce faire, elle libère de minuscules méduses de son propre corps, qui vont se développer jusqu’au stade adulte et se reproduire, puis mourir.</p>
<p>La méduse immortelle <em>Turritopsis dohrnii</em> suit également ce cycle, mais après s’être reproduite, elle ne meurt pas toujours : elle peut choisir une autre voie et inverser son cycle de vie. Son corps de méduse se rétrécit alors pour devenir une sorte de sphère, appelée « cyste ». Celle-ci dérive jusqu’à ce qu’elle s’accroche au fond, et génère alors un nouveau polype, qui donnera naissance à de nouvelles méduses, entrant ainsi à nouveau dans le cycle.</p>
<p>Ce processus peut se produire sans fin et permet à la méduse d’échapper à la mort.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="diagramme montrant le cycle de vie des méduses" src="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Origine géographique et cycle de vie d’une méduse mortelle (à gauche) et T. dohrnii (à droite). Les flèches bleu pâle indiquent le cycle de vie régulier d’une méduse, tandis que le bleu foncé indique l’inversion dy cycle de vie de T. dohrnii.</span>
<span class="attribution"><span class="source">PNAS</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Décryptage du génome de la méduse immortelle</h2>
<p>Les clés de l’immortalité de <em>Turritopsis dohrnii</em> sont inscrites dans son ADN, mais leur découverte n’a pas été facile.</p>
<p>Notre équipe de recherche, dirigée par Carlos López Otín de l’Université d’Oviedo, a contribué à déchiffrer le génome de cette méduse immortelle. Les résultats <a href="https://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.2118763119">sont publiés fin août dans la revue <em>PNAS</em></a>. Comment ? En lisant lettre par lettre et en écrivant gène par gène tout son ADN, comme s’il s’agissait d’un grand livre d’instructions.</p>
<p>Ce grand livre contient toutes les informations permettant aux cellules de remplir leurs fonctions vitales. Ainsi, plusieurs aspects génomiques qui contribuent à la compréhension de l’extraordinaire longévité des méduses immortelles ont été définies.</p>
<p>Grâce à différents outils bioinformatiques et à la génomique comparative (la comparaison du livre génétique de certaines espèces avec d’autres), il a été découvert que <em>Turritopsis dohrnii</em> possède une série de variations génétiques qui contribuent à sa plasticité biologique et à sa longévité.</p>
<p>Les gènes découverts sont associés à différentes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3836174/">clés du vieillissement</a>, telles que la réparation et la réplication de l’ADN, le renouvellement de la population de cellules souches, la communication intercellulaire et la réduction de l’environnement cellulaire oxydatif qui endommage les cellules, ainsi que le maintien des télomères (extrémités des chromosomes).</p>
<p>Tous ces processus sont associés à la longévité et au vieillissement sain chez l’humain.</p>
<p>L’étude détaillée de chaque étape du rajeunissement de cette méduse a permis d’identifier une série de changements dans l’expression des gènes qui sont nécessaires pour que les cellules se transforment : ce processus est connu sous le nom de dédifférenciation. Cela permet le <em>saut dans le temps biologique</em> de <em>Turritopsis dohrnii</em>.</p>
<p>Tous les mécanismes découverts agiraient en synergie, à l’image d’un orchestre, pour assurer le rajeunissement de la méduse immortelle.</p>
<h2>Le vrai secret de l’immortalité</h2>
<p>Il n’y a pas de vie sans mort. Tout système, comme l’humanité ou notre propre corps, a besoin de la mort de certaines de ses parties pour maintenir un équilibre et survivre.</p>
<p>Grâce aux fascinants voyages dans le temps de <em>Turritopsis dohrnii</em>, nous avons appris les clés et les limites de la plasticité cellulaire. À partir de ces connaissances, nous espérons trouver de meilleures réponses aux nombreuses maladies liées au vieillissement qui nous préoccupent aujourd’hui.</p>
<p>L’atteinte de l’immortalité biologique chez l’humain ne reste qu’un rêve.</p>
<p>Mais l’individu a depuis longtemps découvert comment demeurer immortel : en apportant sa contribution à l’histoire par l’art et la connaissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189837/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La méduse immortelle « Turritopsis dohrnii » est capable d’échapper à la mort. Les mécanismes moléculaires impliqués dans sa longévité ont été révélés par des chercheurs de l’Université d’Oviedo.
Daniel Maeso Miguel, Doctorando en biomedicina y oncología molecular, Universidad de Oviedo
Maria Pascual Torner, Investigadora Postdoctoral, Universidad de Oviedo
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/177848
2022-04-11T21:05:43Z
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De nouvelles structures identifiées au sein de nos chromosomes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452247/original/file-20220315-15-te6uzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C2971%2C1768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gauche : l’ADN des chromosomes dans un noyau cellulaire, vu grâce à un intercalant de l’ADN fluorescent et l’observation en microscopie super-résolution. Droite : exemples de TAD comprenant plusieurs sous-structures, les CNDs, vus grâce à des marqueurs fluorescents spécifiques et l’observation en microscopie super-résolution.</span> <span class="attribution"><span class="source">Quentin Szabo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de ce siècle, de grandes avancées technologiques au niveau moléculaire et génomique, couplées à de nouvelles approches en microscopie photonique à très haute résolution, ont permis de révéler des nouvelles structures chromosomiques et des nouveaux principes d’organisation de nos génomes (le génome contient l’ensemble de l’information génétique et donc l’ensemble des séquences d’ADN transmises au travers des divisions cellulaires). Ces connaissances sont cruciales à la compréhension du fonctionnement de nos cellules, mais également pour mieux comprendre certaines maladies et leur évolution.</p>
<p>L’acide désoxyribonucléique, ou ADN, renferme l’information génétique spécifique à chaque espèce vivante. Les <a href="https://theconversation.com/raphael-8-ans-a-quoi-ca-sert-les-chromosomes-109549">chromosomes</a> représentent les supports physiques de cette information. L’ensemble des chromosomes est aussi appelé génome et contient l’ensemble des gènes. Depuis la découverte en 1953 de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Double_h%C3%A9lice">structure en double hélice de l’ADN</a>, la question de son organisation au sein des noyaux de nos cellules a suscité de nombreuses recherches mondiales. Pour bien appréhender cette question, on peut repréciser ici que l’homme possède 46 chromosomes, lesquels renferment 3 milliards de paires de bases (pb) d’ADN, ce qui représente un filament moléculaire d’environ 2 m. Or, ce filament est capable d’être contenu dans des noyaux cellulaires d’environ 10 μm (un micromètre = un millième de millimètre) de diamètre. Pour mieux comprendre le fonctionnement du génome et de nos gènes, il était donc indispensable de connaître comment tout cet ADN est capable de se replier dans un noyau cellulaire.</p>
<p>Au début de cette organisation, on a le nucléosome, dont la <a href="https://www.nature.com/articles/38444">structure</a> a été élucidée en 1997. Le nucléosome est formé de protéines très basiques appelées histones, qui ont une grande affinité pour la molécule acide de l’ADN. Ces histones vont former un corps central autour duquel la molécule d’ADN va s’enrouler, à raison de 146 pb pour un nucléosome, sorte de « macaron » de 11 nm (un nanomètre = un millionième de millimètre) de large et 6 nm de haut. Le nucléosome représente donc un premier niveau structurel de l’organisation de l’ADN dans les noyaux. Signe de son importance, cette structure très particulière est retrouvée chez tous les organismes à noyaux (les eucaryotes), qu’ils soient unicellulaires ou plus complexes comme chez les animaux et les plantes.</p>
<p>Très longtemps, on a pensé que la succession de nucléosomes (aussi appelée fibre de chromatine), formant une sorte de « collier de perles », s’enroulait à son tour de manière régulière pour former une fibre de 30 nm de diamètre. Des super-enroulements en spirales de cette fibre auraient finalement conduit aux chromosomes. Cependant, des limitations techniques, notamment la trop faible résolution des techniques de microscopie et l’absence d’autres méthodes, ne permettaient pas de démontrer si cette hypothèse était correcte.</p>
<p>D’autre part, on sait depuis 1985 que l’organisation des chromosomes dans les noyaux cellulaires n’est pas aléatoire. En outre, la forme bien connue des chromosomes en X n’est pas fausse, mais ne représente qu’une étape très transitoire de leur organisation. En effet, cette conformation en X très condensé est propice à leur ségrégation (leur partage) dans les cellules filles lors de la division cellulaire. Mais le reste du temps, la forme des chromosomes est tout autre. Leur visualisation grâce à des molécules fluorescentes capables de s’imbriquer spécifiquement dans la double hélice d’ADN a permis de montrer que chaque chromosome occupait son propre territoire à l’intérieur du noyau, évitant ainsi un trop fort enchevêtrement avec les autres chromosomes. Cette propriété de <a href="https://cshperspectives.cshlp.org/content/2/3/a003889">« territoire chromosomique »</a> est également retrouvée chez la plupart des espèces et semble très importante, en particulier pour les espèces qui possèdent un grand nombre de chromosomes.</p>
<h2>Les nouvelles technologies apportent un regard nouveau sur l’organisation du génome</h2>
<p>Au début du 21e siècle, de nombreuses recherches à travers le monde ont permis de mieux comprendre les différents niveaux de l’organisation structurale du génome entre le nucléosome et les territoires chromosomiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pl44JjA--2k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Plongez au cœur de l’organisation des chromosomes.</span></figcaption>
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<p>Ces avancées ont été rendues possibles grâce au développement et à l’utilisation de toutes nouvelles technologies. Tout d’abord, il y eut des nouvelles techniques de génomique, incluant le séquençage de l’ADN à très haut débit (séquençage de nouvelle génération) et la possibilité de capturer moléculairement des structures fines des chromosomes grâce à la méthode « Hi-C ». En parallèle, l’arrivée de la microscopie photonique à super-résolution, qui utilise des marqueurs fluorescents de l’ADN, a permis d’aller visualiser ces structures chromosomiques directement dans le noyau des cellules.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Représentation semblable à un collier dont les perles sont éloignées les unes des autres, certaines portions de fil/perles entremêlées les unes aux autres" src="https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452232/original/file-20220315-25-30aoup.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les nucléosomes sont organisés en « clutches ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bantignies, Giacomo Cavalli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Revenons donc à notre échelle d’organisation des chromosomes. Son premier échelon est le nucléosome. Un deuxième niveau d’organisation va correspondre à des groupements de quelques nucléosomes, comme des petits amas que l’on appelle en anglais <a href="https://www.cell.com/action/showPdf?pii=S0092-8674%2815%2900132-4">« nucleosome clutches »</a> (ils ont été ainsi nommés par les auteurs de leur découverte en analogie aux œufs trouvés dans les nids couvés). Les nucléosomes ne sont donc pas groupés de manière régulière comme on le pensait, mais plutôt en paquets irréguliers.</p>
<p>Ces « nucleosome clutches » se groupent ensuite pour former une structure appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-020-00716-8">« Chromatin Nanodomain »</a>, ou CND, qui inclue approximativement 100 000 à 200 000 paires de base d’ADN, formant des <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aba8811">gros amas irréguliers de nucléosomes</a> de 150 à 300 nm de large. Ces deux niveaux ont été découverts récemment (respectivement en 2015 et 2020), grâce à la microscopie en super-résolution, capable de résoudre des structures de 20 à 100 nm.</p>
<h2>Les TADs structurent le génome et régulent l’expression des gènes</h2>
<p>Le niveau suivant de cette organisation est appelé TAD, en anglais <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aaw1668">« Topologically Associating Domain »</a> pour « domaine d’association topologique », identifiés en 2012 avec la méthode moléculaire du Hi-C. Les TADs sont composés de plusieurs CNDs, formant des super amas de nucléosomes d’environ 500 nm de large. Ils comprennent ainsi des tailles variables d’ADN, avec une moyenne d’environ 1 mégabase (1 million de paires de bases). Notre laboratoire a d’ailleurs contribué à la découverte des <a href="https://www.nature.com/articles/s41588-020-00716-8">CNDs</a> et des <a href="https://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(12)00016-5">TADs</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une large portion du fil de perles précédent est passé à travers un anneau, formant une grande boucle" src="https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452235/original/file-20220315-17-9bme1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les « nucleosome clutches » sont organisés en CNDs, eux-mêmes organisés en TADs. Les TADs se forment lorsque le filament de chromatine passe à travers un anneau de cohésine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bantignies, Giacomo Cavalli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les TADs sont des structures assez hétérogènes, notamment à cause de <a href="https://www.nature.com/articles/s41580-021-00349-7">leur mécanisme dynamique de formation</a>. Ce mécanisme implique le passage du fameux « collier de perles » (en référence à la succession de nucléosomes) à travers l’anneau que forme la cohésine. La fibre de chromatine va continuer à passer à travers l’anneau jusqu’à rencontrer aux frontières d’un TAD des facteurs nucléaires appelés CTCF, sorte de « douaniers » qui, postés sur l’ADN, vont bloquer la progression de la fibre. Au fur et à mesure du passage de la fibre, les nucléosomes s’organiseront en clutches et CNDs. Le TAD représente alors l’ensemble de cette large boucle de chromatine qui est passé à travers l’anneau de cohésine.</p>
<p>Au sein des chromosomes, l’activité des gènes est influencée par tout un tas de séquences régulatrices (sortes d’interrupteurs) qui peuvent se situer à des dizaines de milliers de paires de bases de distance de leur gène. Ainsi, les TADs vont préserver les gènes et leurs régions régulatrices dans un même environnement moléculaire, ce qui peut être propice à leur expression (c’est-à-dire leur lecture pour conduire à la production d’une protéine) dans un type cellulaire donné où leur activité est nécessaire. Grâce à leurs frontières, ils vont également permettre de bien séparer les gènes entre eux, pour éviter que des gènes actifs influencent d’autres gènes inactifs dans un type cellulaire donné.</p>
<p>Des <a href="https://www.nature.com/articles/s41576-018-0007-0">études récentes</a> ont montré que des défauts chromosomiques au niveau des frontières des TADs (du type inversion ou délétion impactant le positionnement de CTCF ou le rendant inopérant) entraînaient des défauts d’isolement entre les gènes, et donc des activations erronées de gènes. Dans certains cas, ces réarrangements vont provoquer l’activation de gènes nommés « proto-oncogènes », qui peuvent entraîner la transformation des cellules et conduire à <a href="https://theconversation.com/comment-une-cellule-devient-cancereuse-et-ce-quon-peut-faire-pour-leviter-69997">l’apparition de tumeurs</a>.</p>
<h2>Compartimentation et territorialisation du génome</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Représentation ressemblant à de la laine déroulée et étalée sur le sol ; une moitié est rouge, l’autre bleue" src="https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452243/original/file-20220315-13-nmwkjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les TADs sont regroupés en deux compartiments : les régions principalement actives en rouge, et les régions principalement inactives en bleu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bantignies, Giacomo Cavalli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs TADs vont ensuite se regrouper en <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1181369">deux compartiments distincts</a>, le compartiment « A » qui contient principalement des gènes actifs et le compartiment « B », qui inclut principalement des gènes inactifs. Ce <a href="https://theconversation.com/images-de-science-quelle-est-la-forme-de-nos-chromosomes-177103">regroupement en compartiments</a> permet de renforcer les fonctions du génome.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Sphère intégralement remplie de ce qui ressemble à des paquets de laine, chaque paquet ayant sa propre couleur et ne s’emmêlant pas avec les autres paquets" src="https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452245/original/file-20220315-15-ae4t30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Chaque chromosome (1 chromosome = 1 couleur) occupe son propre territoire dans le noyau des cellules.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bantignies, Giacomo Cavalli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, à l’extrémité de cette échelle d’organisation, on retrouve les territoires chromosomiques, qui permettent aux chromosomes d’être individualisés les uns par rapport aux autres au sein des noyaux. Cette organisation joue un rôle important lors de la réplication de l’ADN (copie à l’identique du matériel génétique) et de la division cellulaire, où chaque chromosome dupliqué est scindé en deux dans les cellules filles.</p>
<p>Et la boucle est bouclée ! Enfin presque : il s’agit désormais de mieux comprendre comment cette organisation influence les différents processus moléculaires inhérents au génome, qui régulent notamment l’expression des gènes, la réplication de la molécule d’ADN, sa réparation en cas de dommage ou de stress, ou encore sa recombinaison, notamment dans les cellules reproductrices. Le champ d’investigation reste immense, mais mieux connaître l’organisation du génome va ouvrir la voie à une meilleure compréhension de tous ces processus nucléaires dans les cellules normales, mais bien sûr aussi dans les cellules qui possèdent des défauts chromosomiques et qui conduisent à des maladies comme les cancers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177848/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Bantignies a reçu des financements du CNRS, du Conseil Européen de la Recherche (ERC, Grants EpiScope et 3DEpi) et de La Ligue Nationale Contre le Cancer.
Membre de la Société Française de Génétique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Giacomo Cavalli a reçu des financements du Conseil Européen de la Recherche (ERC, Advanced Grant 3DEpi), du programme de recherche de l'Union Européenne Horizon 2020 No 676556 (MuG), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-15-CE12-0006 EpiDevoMath), de la Fondation pour la Recherche Médicale (DEI20151234396), de l'INSERM, de l'Institut National du Cancer (INCa) et de la Fondation MSD Avenir (Projet GENE-IGH). </span></em></p>
En quelques décennies, les avancées technologiques ont permis de découvrir de manière plus fiable la façon dont notre ADN est organisé en chromosomes.
Frédéric Bantignies, Directeur de Recherche CNRS, Université de Montpellier
Giacomo Cavalli, Directeur de recherche CNRS, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180630
2022-04-06T13:01:23Z
2022-04-06T13:01:23Z
Les scientifiques ont complété le casse-tête du génome humain
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456385/original/file-20220405-24-x81jj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C9%2C2039%2C1422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus de la moitié du génome humain contient des séquences d’ADN répétitif dont les fonctions ne sont pas encore parfaitement comprises.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/hands-dismantling-double-helix-royalty-free-illustration/1252382129">Malte Mueller/fStop via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque le <a href="https://www.genome.gov/11006929/2003-release-international-consortium-completes-hgp">Projet Génome humain</a> a annoncé qu’il avait achevé le premier séquençage du génome humain en 2003, il s’agissait d’une réalisation historique : pour la première fois, le code génétique de la vie humaine était déchiffré. Il y avait toutefois un bémol : on n’avait pas été en mesure de rassembler toutes les informations du génome. Il y avait des trous : des zones non remplies, souvent répétitives, qui étaient trop complexes pour être reconstituées.</p>
<p>Grâce aux progrès de la technologie permettant de traiter ces séquences répétitives, les scientifiques ont finalement <a href="https://doi.org/10.1101/2021.05.26.445798">comblé les trous en mai 2021</a>, et le premier génome humain complet a été <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj6987">officiellement publié le 31 mars 2022</a>.</p>
<p>En tant que biologiste du génome, j’étudie les séquences d’ADN répétitif et la manière dont elles ont façonné les génomes au cours de l’histoire de l’évolution. J’ai fait partie de l’équipe qui a contribué à <a href="http://www.science.org/doi/10.1126/science.abk3112">caractériser les séquences répétitives</a> manquantes dans le génome. Avec un génome humain vraiment complet, on peut enfin explorer ces régions répétitives jusqu’ici inconnues.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1415692472156495875"}"></div></p>
<h2>Les pièces manquantes du casse-tête</h2>
<p>C’est le botaniste allemand Hans Winkler qui a inventé le terme <a href="https://journals.plos.org/plosgenetics/article?id=10.1371/journal.pgen.1006181">« génome »</a> en 1920, en combinant le mot « gène » et le suffixe « -ome », qui signifie « ensemble complet », pour représenter la séquence complète d’ADN contenue dans chaque cellule. Les chercheurs utilisent toujours ce mot un siècle plus tard pour désigner le matériel génétique qui compose un organisme.</p>
<p>On peut décrire un génome en le comparant à un ouvrage de référence. Dans cette analogie, un génome est une anthologie qui contient les instructions de l’ADN pour la vie. Il renferme un large éventail de nucléotides (les lettres) qui sont empaquetés en chromosomes (les chapitres). Chaque chromosome comporte des gènes (les paragraphes), des régions de l’ADN codant pour les protéines qui assurent le fonctionnement d’un organisme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Diagramme d’un chromosome se démêlant pour donner de l’ADN enroulé, des gènes et des nucléotides composants" src="https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454831/original/file-20220328-15-5hb209.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le matériel génétique est constitué d’ADN empaqueté dans des chromosomes. Seules certaines régions de l’ADN d’un génome contiennent des gènes qui codent pour des protéines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/genes-vector-illustration-educational-royalty-free-illustration/1219077563">VectorMine/iStock via Getty Images Plus</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si tout organisme vivant possède un génome, la taille de ce dernier varie d’une espèce à l’autre. Un éléphant utilise la même forme d’information génétique que l’herbe qu’il mange et que les bactéries de son intestin. Mais il n’existe pas deux génomes identiques. Certains sont courts, comme celui de la bactérie <a href="https://doi.org/10.1093/gbe/evt118"><em>Nasuia deltocephalinicola</em></a>, qui vit dans des insectes, avec seulement 137 gènes comprenant 112 000 nucléotides. D’autres, comme celui de la plante <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8339.2010.01072.x"><em>Paris japonica</em></a>, avec 149 milliards de nucléotides, sont si longs qu’il est difficile de se faire une idée du nombre de gènes qu’ils renferment.</p>
<p>Mais les gènes tels qu’on les conçoit habituellement, c’est-à-dire des portions d’ADN qui codent pour des protéines, ne représentent qu’une petite partie du génome d’un organisme. En fait, ils représentent <a href="https://dx.doi.org/10.1038%2Fnature11247">moins de 2 % de l’ADN humain</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj6987">génome humain</a> contient environ 3 milliards de nucléotides et un peu moins de 20 000 gènes qui codent pour des protéines, soit environ 1 % de la longueur totale du génome. Les 99 % restants sont des séquences d’ADN non codantes qui ne produisent pas de protéines. Certaines ont un rôle de régulation et fonctionnent comme un répartiteur, en contrôlant l’activité d’autres gènes. D’autres sont des <a href="https://doi.org/10.1155/2012/424526">pseudogènes</a>, ou des reliques génomiques qui ont perdu leur capacité à fonctionner.</p>
<p>Et <a href="https://doi.org/10.1101/2021.07.12.451456">plus de la moitié</a> du génome humain est répétitive, avec de multiples copies de séquences quasi identiques.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’ADN répétitif ?</h2>
<p>La forme la plus simple d’ADN répétitif est constituée de blocs d’ADN répétés en tandem appelés <a href="https://doi.org/10.3390/genes8090230">satellites</a>. La <a href="https://doi.org/10.1093/molbev/msq198">quantité d’ADN satellite</a> d’un génome donné varie d’une personne à l’autre, mais ils sont souvent regroupés vers les extrémités des chromosomes dans les <a href="https://doi.org/10.1016/j.febslet.2004.11.036">télomères</a>. Ces régions protègent les chromosomes en empêchant leur dégradation pendant la réplication de l’ADN. On les trouve également dans les <a href="https://doi.org/10.3390/genes10030223">centromères</a> des chromosomes, qui permettent de conserver l’information génétique intacte lors de la division cellulaire.</p>
<p>Les chercheurs ne comprennent pas encore très bien toutes les fonctions de l’ADN satellite. Mais comme il forme des motifs uniques chez chaque personne, les biologistes légistes et les généalogistes utilisent cette <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-empreinte-genetique-9078/">« empreinte » génétique</a> pour faire correspondre des échantillons prélevés sur des scènes de crime ou retracer les ancêtres d’une personne. Plus de 50 maladies génétiques sont liées à des variations de l’ADN satellite, dont la <a href="https://doi.org/10.1212/WNL.0b013e318249f683">maladie de Huntington</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="46 chromosomes humains colorés en bleu avec des télomères blancs sur un écran noir" src="https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455099/original/file-20220329-15-1ohcqqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ADN satellite se retrouve principalement vers les extrémités des chromosomes, dans leurs télomères. Ici, on peut voir les 46 chromosomes humains en bleu, avec les télomères en blanc.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/CRDw73">Nih Image Gallery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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</figure>
<p>Un autre type répandu d’ADN répétitif est celui des <a href="https://doi.org/10.1007/s10577-017-9569-5">éléments transposables</a>, ces séquences qui peuvent se déplacer dans le génome.</p>
<p>Des scientifiques les ont qualifiés d’ADN égoïste, car il peut s’insérer n’importe où dans le génome, quelles qu’en soient les conséquences. Au cours de l’évolution du génome humain, de nombreuses séquences transposables ont accumulé des mutations <a href="https://doi.org/10.1186/s13100-016-0070-z">qui répriment</a> leur capacité à changer de place et évitent ainsi les interruptions nuisibles. Mais certaines peuvent probablement encore se déplacer. Les insertions d’éléments transposables sont liées à certains <a href="https://doi.org/10.1186/s13100-016-0065-9">cas d’hémophilie A</a>, un trouble génétique de la coagulation.</p>
<p>Les éléments transposables n’ont pas seulement un effet perturbateur, ils peuvent aussi avoir des <a href="https://doi.org/10.1101/gr.218149.116">fonctions régulatrices</a> qui aident à contrôler l’expression d’autres séquences d’ADN. Lorsqu’ils sont <a href="https://doi.org/10.1016/j.tig.2004.09.011">concentrés dans les centromères</a>, ils peuvent contribuer à maintenir l’intégrité des gènes fondamentaux pour la survie de la cellule.</p>
<p>Ils peuvent également contribuer à l’évolution. Des chercheurs ont découvert récemment que l’insertion d’un élément transposable dans un gène important pour le développement pourrait expliquer pourquoi certains primates, dont l’homme, <a href="https://doi.org/10.1101/2021.09.14.460388">n’ont plus de queue</a>. Les réarrangements chromosomiques causés par les éléments transposables sont même liés à la genèse de nouvelles espèces comme les <a href="https://doi.org/10.1093/molbev/msab148">gibbons d’Asie du Sud-Est</a> et les <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-animal-021419-083555">wallabys d’Australie</a>.</p>
<h2>Compléter le casse-tête génomique</h2>
<p>Jusqu’à récemment, on pouvait comparer beaucoup de ces régions complexes à la face cachée de la lune : on connaissait leur existence, mais on ne les voyait pas.</p>
<p>Quand le <a href="https://www.genome.gov/11006929/2003-release-international-consortium-completes-hgp">Projet Génome humain</a> a été lancé en 1990, les limites technologiques empêchaient de mettre au jour toutes les régions répétitives du génome. <a href="https://www.nature.com/scitable/topicpage/dna-sequencing-technologies-key-to-the-human-828/">La technologie de séquençage de l’époque</a> ne permettait de lire qu’environ 500 nucléotides à la fois, et ces courts fragments devaient se chevaucher les uns les autres pour que l’on puisse recréer la séquence complète. Les chercheurs ont utilisé ces segments superposés pour identifier les nucléotides suivants dans la séquence, assemblant ainsi progressivement le génome, un fragment à la fois.</p>
<p>Assembler les régions répétitives, c’était comme reconstituer un casse-tête de 1 000 pièces représentant un ciel couvert : quand toutes les pièces se ressemblent, comment savoir où commence un nuage et où finit un autre ? En raison du chevauchement de segments presque identiques à de nombreux endroits, le séquençage complet du génome bout par bout était irréalisable. Des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1003628">millions de nucléotides</a> demeuraient cachés dans la première version du génome humain.</p>
<p>Depuis lors, on a progressivement comblé les trous du génome humain en découvrant des séquences. Et, en 2021, le <a href="https://github.com/marbl/CHM13#telomere-to-telomere-consortium">consortium Telomere-to-Telomere</a> (T2T), qui regroupe des scientifiques d’un peu partout dans le but d’assembler le génome humain d’un bout à l’autre, a annoncé que tous les trous <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj6987">avaient été comblés</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/meppRKz50lc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Avec l’achèvement du premier génome humain, les chercheurs souhaitent maintenant saisir toute la diversité de l’humanité.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est l’amélioration de la technologie de séquençage, qui permet de <a href="https://doi.org/10.1038/s41576-020-0236-x">lire des séquences plus longues</a>, de plusieurs milliers de nucléotides, qui a rendu cette découverte possible. Avec plus d’informations pour situer les séquences répétitives dans un tableau plus large, l’identification de leur place dans le génome s’en est trouvée facilitée. Comme si on transformait un casse-tête de 1 000 pièces en une version de 100 pièces, la lecture de séquences longues <a href="http://www.science.org/doi/10.1126/science.abk3112">a permis d’assembler</a> pour la première fois de grandes régions répétitives.</p>
<p>Grâce à la puissance croissante de la technologie de séquençage de longue lecture de l’ADN, les généticiens sont en mesure de se lancer dans une nouvelle ère de la génomique, en démêlant pour la première fois des séquences répétitives complexes au sein de diverses populations et espèces. Un génome humain complet et sans trous constitue pour les chercheurs une ressource inestimable pour étudier les régions répétitives qui façonnent les structures et les variations génétiques, l’évolution des espèces et la santé humaine.</p>
<p>Cependant, un seul génome complet ne permet pas de tout saisir. Les scientifiques poursuivent leurs efforts pour créer diverses références génomiques qui représentent pleinement la <a href="https://humanpangenome.org/">population humaine</a> et la <a href="https://www.earthbiogenome.org/">vie sur Terre</a>. Avec des références génomiques plus complètes, « de télomère à télomère », on pourra mieux comprendre la matière noire répétitive de l’ADN.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180630/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabrielle Hartley a reçu des financements de la National Science Foundation.</span></em></p>
Les progrès de la technologie ont permis aux chercheurs de séquencer les grandes régions d’ADN répétitif qui ont échappé au Projet Génome humain.
Gabrielle Hartley, PhD Candidate in Molecular and Cell Biology, University of Connecticut
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/177103
2022-03-01T20:12:12Z
2022-03-01T20:12:12Z
De quelle forme sont nos chromosomes ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446732/original/file-20220216-15-quaqbo.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2196%2C1999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation 3D de la structure physique de nos chromosomes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julien Mozziconacci et Annick Lesne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La forme d’un objet nous en dit beaucoup sur sa nature. Elle reflète par exemple les mécanismes de sa formation : la lune dans le ciel forme un cercle qui découle des propriétés de symétrie de la force de gravitation. La forme d’un objet physique nous renseigne aussi sur son histoire : nous savons qu’il y a eu de l’eau sur Mars en observant le lit sinueux de rivières maintenant asséchées. La forme d’un organisme vivant ou d’une de ses parties nous renseigne enfin sur sa fonction : la forme du bec des oiseaux nous indique ainsi leur régime alimentaire.</p>
<p>La forme présentée ici brouille les pistes. Est-elle naturelle ou artificielle ? Est-ce un objet physique ou biologique ? Est-ce une forme abstraite ou un artefact créé par l’homme ? Levons tout de suite le mystère : il s’agit en fait d’une <a href="https://www.nature.com/articles/nmeth.3104">représentation de la structure physique d’un de nos chromosomes</a>, obtenue grâce aux mathématiques et à l’informatique à partir de mesures réalisées sur des chromosomes réels.</p>
<p>Chacun de nos <a href="https://theconversation.com/raphael-8-ans-a-quoi-ca-sert-les-chromosomes-109549">chromosomes</a> est formé d’une molécule d’ADN repliée sur elle-même, comme une pelote de fil irrégulière. Impossible d’observer cette pelote au microscope dans une cellule vivante : les techniques de visualisation disponibles à cette échelle (très inférieure au micron, le millionième de mètre) exigent une préparation qui abîmerait la cellule et modifierait la forme du chromosome.</p>
<p>On dispose cependant d’une méthode indirecte, permettant d’identifier quelles régions du fil sont en contact les unes avec les autres dans la pelote. L’expérience consiste à figer les chromosomes avec un produit chimique qui soude les régions en contact. On découpe ensuite le chromosome pour isoler ces régions. Enfin, le <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/genetique-sequencage-adn-nuls-26754/">séquençage</a> de milliards de ces régions permet de retrouver la position des contacts le long de la molécule d’ADN. On obtient à la fin un tableau de nombres décrivant la fréquence de contact entre les différentes régions du chromosome, prises deux à deux.</p>
<p>À partir de ce tableau — en termes techniques, une matrice à deux dimensions — il faut ensuite utiliser une combinaison de théorie des réseaux, de géométrie et d’algèbre pour révéler la structure tridimensionnelle moyenne du chromosome grâce à un calculateur. L’image n’est donc pas une photographie du chromosome, mais une reconstruction numérique à partir de données réelles issues de cellules vivantes. Les couleurs, artificielles, ajoutent une information : en rouge les régions de la molécule d’ADN contenant des gènes actifs qui sont utilisés pour fabriquer les protéines qu’ils encodent, en vert et en bleu les régions contenant les gènes inactifs dont l’information n’est pas exploitée par les cellules étudiées ici.</p>
<p>Le résultat, surprenant, a révélé la séparation spatiale à l’intérieur de la cellule, entre les gènes qui sont actifs (au centre) et ceux qui ne le sont pas (à la périphérie du chromosome). Une séparation qui a depuis été confirmée par des <a href="https://rupress.org/jcb/article/221/2/e202104134/212888/Live-imaging-of-transcription-sites-using-an">expériences directes</a>. Au-delà de son intérêt scientifique, cette image nous renvoie un reflet de nous-mêmes et nous interroge sur ce qui constitue notre individualité : nos chromosomes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Mozziconacci a reçu des financements de l'lUF et Sorbonne Université. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annick Lesne a reçu des financements du CNRS, de l'ANR et de l'INCa.</span></em></p>
La forme prise par les chromosomes peuvent donner des informations sur leur fonctionnement. Ici, une méthode de reconstruction éclaire la séparation spatiale entre gènes actifs et inactifs.
Julien Mozziconacci, Professeur en biologie computationelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Annick Lesne, Chercheuse en physique théorique des systèmes vivants, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176645
2022-02-15T17:25:19Z
2022-02-15T17:25:19Z
Le séquençage des variants du Covid expliqué par ses spécialistes
<p>Fin 2019 débutait une épidémie due à l’émergence d’un nouveau virus, le SARS-CoV-2, qui allait causer une maladie inconnue, le Covid-19. Rapidement, le pathogène originel allait être remplacé par des mutants, des variants – Alpha, Delta… et Omicron qui domine aujourd’hui la scène internationale.</p>
<p>Comment identifie-t-on ces variants ? Comment les nomme-t-on ? Comment les classe-t-on ? Tout repose sur le « séquençage », la lecture du génome du virus : en l’occurrence un texte génétique d’environ 30 000 bases (ou « lettres »). C’est cette technique devenue incontournable et que <a href="https://theconversation.com/une-journee-en-immersion-dans-un-laboratoire-covid-19-152402">nous mettons en œuvre quotidiennement au laboratoire de virologie du CHU de Rouen</a>, que nous vous proposons de décrypter ici.</p>
<p>Pour commencer, quelques rappels de virologie. Le génome du SARS-CoV-2 contient les informations nécessaires à sa réplication et à la production de sa trentaine de protéines – dont les « briques », les acides aminés, sont assemblées d’après l’ordre des bases dans son génome.</p>
<p>Parmi ces protéines, la désormais célèbre protéine S permet au virus de se lier à sa cellule cible : elle joue donc un rôle majeur dans l’infection. Elle est aussi reconnue par les anticorps générés par notre système immunitaire, après maladie ou vaccination.</p>
<p>Depuis le début de l’épidémie, le génome du SARS-CoV-2 a changé : il a évolué du fait des nombreuses mutations qui s’y sont produites, sorte d’erreurs apparaissant lors de sa réplication. Elles peuvent être de différentes natures : substitution d’une base par une autre, insertion ou suppression d’une base (délétion)… ce qui entraîne un changement dans les acides aminés, et donc de la protéine associée.</p>
<p>Chaque mutation dans une protéine est identifiée par un code constitué d’une lettre désignant l’acide aminé avant mutation, sa position dans le texte génétique et la lettre de l’acide aminé après mutation. Ainsi, à la position 614 de la protéine S, le remplacement de l’acide aminé acide aspartique (codé D) par une glycine (codée G) s’écrit « D614G ».</p>
<p>Le suivi de l’évolution des mutations a permis de définir des clades et des lignages, correspondant à différents groupes de virus partageant les mêmes mutations.</p>
<p>Certaines mutations modifient les propriétés des virus, parfois au point d’avoir un impact sur l’épidémie elle-même : transmissibilité, tableau clinique et sévérité voire efficacité des outils diagnostiques ou des traitements et vaccins peuvent être affectés. Les virus concernés sont alors désignés comme variants. Ainsi, les mutations E484K (présentes notamment chez Bêta et Gamma), N501Y (chez Omicron, Alpha, Bêta et Gamma) et L452R (Delta) semblent liées à un échappement immunitaire et/ou à une augmentation de transmissibilité.</p>
<h2>« Ranger » les variants</h2>
<p>Pour s’y repérer et classer ces variants, deux modes de « rangement » (complémentaires mais qui ne se recouvrent pas) sont à disposition des scientifiques : les clades Nextstrain, identifiés par une année et une lettre (19, 20 ou 21 donnant par exemple 21K, 21L et 21M pour Omicron), et les lignages dits « Pangolin » (rien à voir avec l’animal), composés de lettres et de chiffres (BA.1, BA.2 et BA.3 toujours pour Omicron).</p>
<p>Ils correspondent, en gros, à des « familles » de virus. L’utilisation des clades et lignages (et d’une lettre grecque le cas échéant) permet d’assurer un consensus international quant à l’identité d’un variant.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Arbre montrant les relations de parenté entre les variants, et l’évolution depuis les premières souches de SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Illustration des relations phylogénétiques entre les différents clades (familles) du SARS-CoV-2, tels que définis par le projet international Nextstrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">clades.nextstrain.org</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fonction de l’impact potentiel d’un variant émergent sur la transmissibilité, la gravité, la présentation clinique et l’efficacité des mesures de contrôle et de prévention (outils diagnostiques, vaccination, molécules thérapeutiques), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le classe variant préoccupant (VOC), variant d’intérêt (VOI) ou variant à surveiller (VUM). Seuls les VOC sont associés à une lettre grecque. Ainsi, le variant Omicron regroupe plusieurs clades (21K/L/M) et plusieurs lignages (B.1.1.529 BA.1, BA.2 et BA.3).</p>
<p>En France, une analyse de risques sur les variants émergents du SARS-CoV-2 est réalisée conjointement par Santé publique France et les CNR (Centres nationaux de référence) des virus des infections respiratoires, tous les 15 jours.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau des variants préoccupants et d’intérêt en France début janvier 2022" src="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Classement des trois types de variants du SARS-CoV-2 en France, d’après l’analyse des risques au 2 janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Repérer les mutations</h2>
<p>Nous entrons désormais dans le vif du sujet puisque la présence de mutations se détecte en laboratoire par séquençage. Des « séquenceurs » lisent le texte du génome d’un virus donné, ce qui permet par comparaison avec les séquences déjà connues, de noter les différences et donc repérer les variants et les analyser. On peut ainsi repérer la présence ou l’apparition de variants (anciens ou inédits), tracer leur diffusion dans l’espace et dans le temps et suivre l’évolution de l’épidémie.</p>
<p>Mais les données obtenues ne sont pas interprétables telles quelles et nécessitent une analyse bio-informatique. Les données brutes générées par le séquenceur doivent être traitées pour restituer une séquence virale lisible.</p>
<p>Lisant l’intégralité du texte génétique et pouvant donc repérer des variants inédits, le séquençage est particulièrement puissant… Mais cette technique reste longue : entre la préparation des échantillons, la « lecture » proprement dite dans l’automate, qui peut durer plusieurs dizaines d’heures, et le traitement des résultats jusqu’à validation, il se passe environ cinq jours. Malgré une amélioration de l’équipement, la plupart des laboratoires n’ont ainsi pas la capacité de séquencer la totalité des prélèvements positifs à SARS-CoV-2. Actuellement, en France, environ 1 à 2 % des cas de Covid-19 font l’objet d’un séquençage.</p>
<p>Pour le suivi au quotidien, les recommandations nationales imposent la réalisation d’une seconde RT-PCR, dite de criblage, sur la plupart des prélèvements positifs après la RT-PCR de dépistage. Le criblage permet de repérer des mutations précises, définies au préalable, et sert donc à traquer des variants déjà connus. Et le résultat est cette fois obtenu en 24 à 48 heures.</p>
<p>Les situations où le séquençage est nécessaire ont été définies en France à l’échelle nationale. Il s’agit notamment des cas positifs après retour de l’étranger, d’échecs de vaccination ou de traitements par anticorps monoclonaux ou des cas d’infections avec des excrétions virales prolongées, en particulier chez les personnes immunodéprimées. En parallèle, afin de surveiller la distribution et la circulation en temps réel des différents variants du SARS-CoV-2, un <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/enquetes-flash-evaluation-de-la-circulation-des-variants-du-sars-cov-2-en-france">séquençage aléatoire est réalisé de manière hebdomadaire, dans le cadre des enquêtes FLASH# nationales</a>.</p>
<h2>La puissance du séquençage</h2>
<p>Le séquençage prend tout son intérêt lorsque les jeux complets de données générées de chaque laboratoire (séquences génétiques, données cliniques et épidémiologiques) sont compilés et étudiés à grande échelle.</p>
<p>Cela permet par exemple de modéliser des outils diagnostiques, de traitement et des vaccins. Au niveau de l’épidémie, il permet aussi d’établir une cartographie, nationale ou internationale, des variants circulant à un instant donné, et de déceler précocement une émergence sur un ou plusieurs territoires ou dans une ou plusieurs populations.</p>
<p>C’est dans cette optique qu’a été mis en place, en France, le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/consortium-emergen">consortium EMERGEN</a>, coordonné par Santé publique France et l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes (ANRS|MIE). Son objectif est d’assurer une surveillance génomique des infections à SARS-CoV-2. Une quarantaine de laboratoires du réseau ANRS-MIE sont impliqués. Depuis le 03 janvier 2021, 342 419 séquences au total ont été produites <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2#block-338801">chiffres Santé Publique France au 17 janvier 2022</a>, dont 2 117 provenant de notre laboratoire de Virologie, au CHU de Rouen.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’activité de séquençage en France a connu deux vagues, cet automne et en fin d’année" src="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Activité nationale de séquençage, basée sur le nombre de prélèvements reçus, semaines 2021-S5 à 2022-S1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Consortium EMERGEN</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’activité de séquençage et la répartition hebdomadaire des clades séquencés à Rouen, entre janvier 2021 et 2022, sont présentées ci-dessous. La proportion des différents clades doit être analysée en prenant en compte certains biais de sélection, puisque les recommandations de séquençage ont évolué au cours de l’année, conduisant à une surreprésentation de certains variants au détriment d’autres.</p>
<p>À l’échelle internationale, les données de séquençage du SARS-CoV-2 sont partagées, en temps réel, avec la communauté scientifique grâce à la <a href="https://www.gisaid.org/phylodynamics/global/nextstrain/">base de données GISAID, disponible en libre accès</a>. La France se place au 6<sup>e</sup> rang mondial des contributeurs sur GISAID, avec 193 655 séquences déposées depuis janvier 2020, et au 3<sup>e</sup> rang des pays de l’Union européenne, après l’Allemagne et le Danemark – comblant ainsi le retard précédemment constaté.</p>
<p>L’étude de la proportion des différents clades, tant au niveau local que national et international, montre un ralentissement de la diversification de l’épidémie avec de moins en moins de variants co-circulant sur un même territoire et à un même moment.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Ce schéma montre le remplacement progressif des variants anciens par les nouveaux : les souches initiales sont écrasées par Alpha, qui l’est par Delta avant qu’Omicron ne domine la planète" src="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Circulation des clades de SARS-CoV-2 dans le monde, entre février 2021 et janvier 2022 (en rouge, Omicron ; en vert, Delta ; en violet, Alpha).</span>
<span class="attribution"><span class="source">nextstrain.org/ncov/gisaid/global</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, après cinq mois de circulation quasi exclusive du variant Delta en France, le variant Omicron a émergé rapidement à la fin de l’année 2021 et représentait <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde">95.6 % des virus séquencés au 10 janvier 2022</a>.</p>
<p>Ce variant est associé à une <a href="https://theconversation.com/variant-omicron-ba-2-quavons-nous-appris-de-lui-jusqua-present-176517">transmissibilité plus élevée mais à un risque d’hospitalisation et de sévérité plus faibles que pour Delta</a> (chez les vaccinés trois doses). Ces caractéristiques lui permettent d’avoir une meilleure diffusion dans la population.</p>
<p>S’il n’est pas évident à repérer, il reste identifiable par criblage selon les combinaisons de mutations ciblées par la technique. Ainsi, certaines délétions dans la protéine Spike présentes chez BA.1 mais pas chez BA.2 offrent de premiers indices qu’un séquençage complet peut confirmer. Début février 2022, le lignage BA.2 représentait entre 1 à 3 % des variants circulant sur le territoire français.</p>
<p>Le déploiement important du séquençage haut débit, tant à l’échelle nationale qu’internationale, permet désormais de repérer rapidement l’émergence d’un variant. Cela constitue un pilier majeur de lutte contre la pandémie puisqu’il permet une adaptation immédiate des stratégies de prévention : en préconisant de nouvelles doses vaccinales si les premières données suggèrent un échappement immunitaire, mise en place de jauges, confinement, télétravail…</p>
<p>De manière intéressante, le séquençage met actuellement en évidence un ralentissement de la diversification du SARS-CoV-2 : avec désormais une souche majoritaire écrasant tous les anciens clades ayant circulé depuis le début de l’épidémie il y a deux ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Plantier a reçu des financements en tant que chef d’équipe de recherche de l'ANRS, Sidaction, Santé Publique France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alice Moisan, Elodie Alessandri-Gradt et Fabienne De Oliveira ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Le « séquençage » du génome du SARS-CoV-2 est sur toutes les lèvres, pour repérer les variants, décrypter les conséquences des changements de sa protéine Spike… Mais concrètement, de quoi s’agit-il ?
Alice Moisan, AHU en virologie, Université de Rouen Normandie
Elodie Alessandri-Gradt, MCU-PH en virologie, CHU de Rouen, Université de Rouen Normandie
Fabienne De Oliveira, Ingénieure Hospitalier, Université de Rouen Normandie
Jean-Christophe Plantier, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en Virologie, Université de Rouen Normandie
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/171544
2021-11-12T15:01:12Z
2021-11-12T15:01:12Z
La complexe génétique qui détermine la couleur des cheveux
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/431566/original/file-20211111-13-1g0shk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=110%2C96%2C9076%2C3883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une analyse génétique peut révéler comment les cheveux acquièrent leur couleur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La couleur des cheveux nous sert souvent à décrire le physique des gens. Les cheveux sont un bon élément descriptif, car ils varient beaucoup d’une personne à une autre.</p>
<p>La mélanine est la molécule responsable des nombreuses nuances de couleurs de nos cheveux. Elle est également responsable de la couleur de notre peau et de nos yeux. C’est un processus complexe qui nous fait hériter de ces caractéristiques de nos parents.</p>
<p>Comprendre comment notre information génétique produit différentes teintes de cheveux peut être aussi difficile que de démêler des cheveux longs après plusieurs jours sans les brosser.</p>
<p>Même si l’on connaît certains gènes qui <a href="https://doi.org/10.1038/ng.2007.13">déterminent les nuances de couleurs de cheveux</a>, des études récentes menées au <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-018-07691-z">Royaume-Uni</a> et en <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-018-08147-0">Amérique latine</a> auprès de grandes cohortes de personnes ont montré qu’il y a plus d’une douzaine de gènes qui influencent la couleur des cheveux.</p>
<p>Dans un article récent publié dans <a href="https://doi.org/10.1038/s42003-021-02764-0"><em>Communications Biology</em></a>, mes collègues et moi avons étudié les gènes associés à la couleur des cheveux dans un groupe de près de <a href="https://canpath.ca/fr/a-propos/">13 000 Canadiens</a> d’ascendance européenne. Nos résultats fournissent des informations sur les variants génétiques qui peuvent déterminer les différentes couleurs de cheveux.</p>
<h2>Types de mélanine</h2>
<p>La mélanine est synthétisée par une cellule spécifique appelée mélanocyte que l’on retrouve dans la peau, les yeux et les follicules pileux. Elle est également présente <a href="https://dx.doi.org/10.4103/1673-5374.202928">dans le cerveau</a>.Le type et la quantité de mélanine et sa répartition dans les cellules sont à l’origine des différentes teintes de couleur de cheveux, de la peau et des yeux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Micrographie de mélanocytes dans l’épiderme" src="https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430804/original/file-20211108-21-1dnmaba.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les mélanocytes produisent de la mélanine, qui influe sur la couleur de notre peau et de nos cheveux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://dx.doi.org/10.1007/978-981-13-2447-5_3">(Setijanti H.B., Rusmawati E., Fitria R., Erlina T., Adriany R., Murtiningsih)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mélanome, un type de cancer de la peau, est causé par une <a href="https://cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-types/skin-melanoma/what-is-melanoma">prolifération de mélanocytes dans la peau</a>.</p>
<p>Il existe deux types principaux de mélanine dans nos cheveux : l’<a href="https://www.sciencedirect.com/topics/chemistry/eumelanin">eumélanine</a> et la <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/pheomelanin">phéomélanine</a>. L’eumélanine est considérée comme le pigment brun-noir, tandis que la phéomélanine est le pigment rouge-orange. Les personnes aux cheveux roux ont beaucoup plus de phéomélanine, celles qui ont les cheveux foncés ont des niveaux plus élevés d’eumélanine, et les cheveux blonds sont dus à de faibles quantités des deux pigments.</p>
<p>La principale différence qui détermine lequel des deux types de mélanine est synthétisé se situe dans une protéine appelée <a href="https://www.uniprot.org/uniprot/Q01726">récepteur de l’hormone de stimulation des mélanocytes</a>, ou MC1R.</p>
<p>Les variants <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/gene/4157">du gène MC1R</a> qui entraînent une perte de fonction de la protéine peuvent affecter la production de phéomélanine. En revanche, il existe de nombreux gènes de notre génome qui influencent les variations de l’eumélanine.</p>
<h2>La complexité de la génétique</h2>
<p>Dans notre recherche, nous avons utilisé des <a href="https://doi.org/10.1038/s43586-021-00056-9">études d’association pangénomique</a> (<em>genome-wide association studies</em> ou GWAS) pour identifier les régions génétiques associées à la couleur des cheveux dans nos <a href="https://www.aquaportail.com/definition-6404-gene-autosomique.html">chromosomes autosomiques</a>. Les GWAS trouvent les associations qui se chevauchent dans un gène d’intérêt ou d’autres <a href="https://www.pnas.org/content/111/17/6131">éléments génomiques fonctionnels</a>. Cette méthode décèle aussi les associations dans les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/intergenic-region">régions intergéniques</a>, les séquences d’ADN situées entre les gènes.</p>
<p>Mais corrélation n’égale pas causalité. Par conséquent, nous avons tenté de <a href="https://doi.org/10.1098/rsob.190221">localiser des variants génétiques au sein ou à proximité des gènes d’intérêt</a> qui sont plus susceptibles d’influencer la couleur des cheveux. Cela nous aide à mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans la pigmentation.</p>
<p>Nous avons identifié des variants génétiques qui avaient déjà <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-018-07691-z">été signalés</a>, comme ceux qui endommagent la fonction de MC1R, ce qui cause une diminution de la production d’eumélanine ou peut même faire basculer vers une production de phéomélanine. D’autres variants génétiques que l’on sait être associés à la couleur des cheveux et à la pigmentation en général ne modifient pas la structure ou la fonction de la protéine. Ils régulent plutôt <a href="https://www.yourgenome.org/facts/what-is-gene-expression">l’expression du gène</a>, ce qui signifie qu’ils contrôlent la quantité de protéine produite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="AnaMicrographie de mélanocytes dans l’épiderme" src="https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430802/original/file-20211108-25-1aomv9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le vitiligo est un trouble génétique bénin qui affecte la production de mélanine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut prendre comme exemple un variant génétique situé près du gène <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/gene/4948">OCA2</a> pour lequel <a href="https://dx.doi.org/10.1101/gr.128652.111">l’expression du gène OCA2 diminue</a> en présence de <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-nucleotide-213/">guanine, un élément constitutif de l’ADN</a>. Il en résulte une moindre production de mélanine.</p>
<p>Nous avons également étudié si ces régions d’intérêt avaient en commun des marques génétiques reliées à la méthylation de l’ADN — <a href="https://doi.org/10.1038/npp.2012.112">qui peut réguler l’expression des gènes</a> — dans les mélanocytes. Nous avons observé que l’état de méthylation de l’ADN peut être un processus pertinent dans la régulation de la pigmentation dans certaines régions génomiques. D’autres recherches sont nécessaires pour fournir des preuves concrètes à ce sujet.</p>
<h2>Les voies de la pigmentation</h2>
<p>En étudiant les facteurs génétiques qui déterminent la couleur des cheveux, nous pouvons mieux concevoir comment se produit la pigmentation. Cela nous aide à mieux comprendre les maladies de la pigmentation et leurs facteurs de risque génétique, comme le rôle de la pigmentation dans le <a href="https://doi.org/10.1038/s41588-020-0611-8">mélanome cutané</a> et le <a href="https://doi.org/10.1038/ng.3680">vitiligo</a>.</p>
<p>Une autre avenue intéressante est l’amélioration des modèles de prédiction de la couleur des cheveux à partir d’une source d’ADN, ce qui a une incidence sur le <a href="https://doi.org/10.1016/j.fsigen.2015.02.003">phénotypage médico-légal de l’ADN</a> dans les enquêtes policières en permettant de prédire l’apparence d’une personne à partir d’échantillons médico-légaux.</p>
<p>L’inclusion d’autres groupes de population dans la recherche sur la couleur des cheveux nous donnera l’occasion d’identifier de nouveaux gènes et de comprendre encore mieux les mécanismes de la pigmentation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171544/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frida Lona Durazo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’analyse des gènes qui déterminent la couleur des cheveux peut faire la lumière sur d’autres maladies qui sont affectées par la production de mélanine, comme le vitiligo.
Frida Lona Durazo, Postdoctoral fellow, Computational Genetics, Université de Montréal
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163519
2021-10-05T19:22:05Z
2021-10-05T19:22:05Z
Images de science : Survivre à des fumerolles toxiques… grâce à son microbiote
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/420058/original/file-20210908-15-4rpi82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1911%2C1077&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les cheminées hydrothermales dégagent des composés toxiques, mais ces crevettes se sont adaptées grâce à leur microbiote.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marie-Anne Cambon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il faut à peine deux heures pour se rendre depuis l’arrière du navire océanographique d’Ifremer le <em>Pourquoi pas ?</em> jusqu’au « Snake pit », site caché sous 3 600 mètres d’eau, au beau milieu de l’Atlantique.</p>
<p>À bord du sous-marin jaune <em>Nautile</em>, nous descendons avec le pilote et le copilote explorer et observer les grands fonds marins afin d’y déceler les mystères de la vie, notamment près des dorsales océaniques. Après quelques minutes, nous arrivons un site grouillant littéralement de « crevettes à grosse tête ». C’est de là que le massif tient son nom, « Les Ruches », tant elles ont fait penser aux essaims d’abeilles lors de sa découverte en 1986.</p>
<p>Ces crevettes, de l’espèce <em>Rimicaris exoculata</em>, vivent et se reproduisent au plus près des sorties de fluides hydrothermaux. Ces fluides sont chauds et enrichis en composés normalement toxiques pour la vie. Mais les crevettes se sont adaptées : au stade adulte, elles renferment plusieurs communautés microbiennes qui les nourrissent et les protègent.</p>
<h2>Les bactéries nourrissent et protègent « leur » crevette</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424225/original/file-20211001-13-156xm7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les jeunes sont rouges et les adultes blancs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Anne Cambon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur la photo de droite, on voit les adultes de couleur claire avec une coloration blanche sur les deux côtés (ou flancs) de la tête : ce sont les bactéries symbiotiques qui sont recouvertes de composés soufrés. Ces bactéries utilisent les minéraux et composés chimiques des fluides hydrothermaux, tels les composés soufrés, le fer ou l’hydrogène, pour fixer le dioxyde de carbone. C’est ce que l’on appelle la « chimiosynthèse microbienne ».</p>
<p>Cela fonctionne comme la photosynthèse en surface… mais sans soleil. Ici, la chimie prend le relais de la lumière avec le dioxyde de carbone et des composés chimiques comme source d’énergie. Les bactéries se multiplient alors dans la cavité céphalothoracique de leur hôte et lui transfèrent des nutriments directement par la tête, sans que la crevette ait besoin de les avaler et de les digérer. Le rendement alimentaire est redoutable.</p>
<p>En plus de cette alimentation, le « métagénome » de la population bactérienne, c’est-à-dire l’ensemble des gènes contenus dans un biotope donné, ici la population bactérienne, a <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00689/80089/">révélé le potentiel de ces bactéries pour détoxifier le milieu</a> dans lequel elles vivent avec leurs hôtes. Elles purifient les métaux lourds et les substances toxiques tel l’arsenic.</p>
<p>Les bactéries communiquent entre elles via le <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00377/48841/">« quorum sensing »</a> – l’aptitude d’un micro-organisme à détecter et réagir à des signaux moléculaires environnementaux, ce qui leur permet de coordonner leur comportement collectif.</p>
<p>Enfin, elles communiquent aussi avec leur crevette-hôte. Celle-ci les attire et les sélectionne grâce à un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peptide_antimicrobien">peptide antimicrobien</a>, une petite molécule synthétisée par l’hôte et habituellement utilisée pour se <em>défendre</em> des bactéries (d’où son nom). Mais dans ce cas, le peptide antimicrobien s’est adapté au système symbiotique hôte-bactérie.</p>
<p>La symbiose complexe de la crevette-hôte avec ses communautés bactériennes n’est cependant pas encore totalement encore résolue. Notamment, le rôle du système digestif des crevettes, qui a <a href="https://doi.org/10.1111/j.1574-6941.2009.00806.x">sa propre communauté microbienne</a>, reste énigmatique : a-t-il un rôle nutritif, de protection ou une autre fonction encore ?</p>
<h2>Vivre dans des fonds marins</h2>
<p>Les crevettes de l’espèce <em>Rimicaris exoculata</em> sont un de nos modèles pour comprendre la vie dans les grands fonds marins, mais aussi les capacités d’adaptation, de dispersion et de colonisation dans un environnement obscur, instable et fragmenté.</p>
<p>En effet, les habitats liés à la dynamique des dorsales médio-océaniques peuvent s’éteindre et sont parfois très distants les uns des autres. Si l’on connaît relativement bien le mode de vie au stade adulte, le mystère est encore bien épais pour les stades juvéniles et leur mode de nutrition, et plus encore pour les stades larvaires, difficiles à capturer dans l’immensité des grands fonds marins.</p>
<p>Pour cela nous poursuivons nos <a href="https://wwz.ifremer.fr/L-ocean-pour-tous/Nos-ressources-pedagogiques/Suivez-nos-campagnes/Campagne-BICOSE-2">expéditions océanographiques exploratoires</a> et développons de nouveaux outils à la mer, comme le <a href="https://wwz.ifremer.fr/L-ocean-pour-tous/Nos-ressources-pedagogiques/Suivez-nos-campagnes/Campagne-BICOSE-2/Journal-de-bord/J-13-a-J-14-nouvelle-plongee-pour-le-Nautile">préleveur FISH</a> par exemple, pour répondre à nos questions sur la vie dans les grands fonds et sa pérennité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Anne Cambon a reçu des financements de recherche de Ifremer, Collectivités et Universités dans le cadre des doctorats</span></em></p>
Des bactéries détoxifient le milieu ambiant et transfèrent des nutriments à la crevette qui les accueille… directement dans leur tête.
Marie-Anne Cambon, Chercheur en écologie microbienne et symbioses sécialisées dans les grands fonds, Ifremer
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tag:theconversation.com,2011:article/163599
2021-06-30T12:40:07Z
2021-06-30T12:40:07Z
Les enfants des pensionnats pour Autochtones étaient de parfaits cobayes pour les chercheurs en nutrition
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408971/original/file-20210629-27-16kgiat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C5%2C982%2C752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux jeunes filles couchées dans le dortoir du pensionnat All Saints à Lac La Ronge, en Saskatchewan, en 1945. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Boorne & May. Bibliothèque et Archives Canada)</span></span></figcaption></figure><p>La découverte des restes de centaines d’enfants à <a href="https://theconversation.com/la-decouverte-dun-charnier-denfants-autochtones-rappelle-au-canada-un-sombre-passe-162039">Kamloops</a>, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1803336/anciens-autochtones-sioux-valley-dakota-pensionnat-brandon">Brandon</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1804221/fsin-pensionnat-marieval-autochtones-tombes">Cowessess</a> révèle au grand jour les sévices infligés aux enfants, aux familles et aux communautés autochtones par l’intermédiaire du système des pensionnats.</p>
<p>En tant que chercheuse en nutrition et « colon » canadien, je demande à mes pairs de reconnaître et de comprendre les préjudices causés par la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/623427/enfants-autochtones-cobaye-regimes-experimentaux">malnutrition et les expériences nutritionnelles réalisées sur des peuples autochtones</a> et les traces que ces expériences ont laissées.</p>
<h2>Plus facile à assimiler</h2>
<p>Ian Mosby, historien de l’alimentation, de la santé des autochtones et de la politique du colonialisme canadien, a découvert qu’<a href="https://hssh.journals.yorku.ca/index.php/hssh/article/viewFile/40239/36424">entre 1942 et 1952, les plus éminents scientifiques canadiens spécialisés en nutrition ont fait des recherches contraires à l’éthique</a> sur 1 300 autochtones, dont 1 000 enfants, dans les communautés cries du nord du Manitoba et dans six pensionnats du Canada.</p>
<p>Nombre d’entre eux <a href="https://www.dlsph.utoronto.ca/2017/08/14/we-were-always-hungry-severe-hunger-at-residential-schools-linked-to-current-health-issues-of-indigenous-peoples-in-canada/">souffraient déjà de malnutrition</a> en raison des politiques gouvernementales destructrices et des terribles conditions de vie dans les pensionnats.</p>
<p>Aux yeux des chercheurs, cela en faisait de parfaits sujets d’expérimentation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo noir et blanc : une infirmière prélève un échantillon de sang sur un petit garçon" src="https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408439/original/file-20210625-15-1s19n74.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une infirmière prélève un échantillon de sang sur un garçon au pensionnat pour Autochtones de Port Alberni, en Colombie-Britannique, dans le cadre d’une enquête du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, en 1948.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Royal. Canada. Office national du film du Canada. Phototèque. Bibliothèque et Archives Canada</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Frederick Tisdall – célèbre pour avoir <a href="https://www.canadianaconnection.com/2012/03/pablum/">cocréé les céréales Pablum pour nourrissons à l’hôpital pour enfants (Hospital for Sick Children) de Toronto</a> – Percy Moore et Lionel Bradley Pett ont été les principaux architectes des expériences nutritionnelles menées dans les pensionnats autochtones.</p>
<p>Ils proposaient de <a href="https://www.netnewsledger.com/2013/07/19/canadas-dark-past-exposed-by-medical-experiments/">rendre les Autochtones plus « rentables » pour le Canada</a> grâce à l’éducation et aux interventions diététiques. Ils estimaient que si les Autochtones étaient en meilleure santé, ils risquaient moins de <a href="https://www.jstor.org/stable/41978165">transmettre des maladies, comme la tuberculose, aux Blancs</a> et que leur assimilation serait plus facile. C’est ainsi qu’ils ont réussi à faire accepter leur projet d’expérimentation nutritionnelle par le gouvernement fédéral.</p>
<p>Tisdall, Moore et leur équipe sont partis des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1582628/pdf/canmedaj00594-0012.pdf">résultats d’une recherche</a> faite auprès de 400 adultes et enfants cris du nord du Manitoba. Les candidats avaient été soumis à une série d’évaluations intrusives, notamment des examens physiques, des radiographies et des prises de sang.</p>
<p>S’appuyant sur cette base de référence, les chercheurs ont proposé de donner aux enfants du <a href="https://www.hashilthsa.com/news/2013-07-17/canada-must-apologize-nutritional-experiments-residential-school-tseshaht">pensionnat d’Alberni une quantité minimale de lait pendant deux ans</a>, suffisamment pour priver ces enfants en pleine croissance des calories et des nutriments dont ils avaient besoin.</p>
<p>D’autres expériences ont consisté à priver les enfants des groupes témoins de vitamines et de minéraux essentiels, tout en <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2013/07/24/son_defends_scientist_behind_aboriginal_nutrition_experiments.html">empêchant les services de santé autochtones de leur fournir des soins dentaires</a>, sous prétexte de ne pas influencer les résultats de l’étude.</p>
<p>Même avant ces expériences, des rapports avaient déjà fait état de cas de malnutrition sévère et de graves carences en vitamines et minéraux chez les <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.170448">enfants des pensionnats pour Autochtones</a>.</p>
<h2>Des expériences aux fondements racistes</h2>
<p>L’intérêt pour la recherche sur la nutrition s’est accru de façon spectaculaire dans les années 1940, après que le Conseil canadien de la nutrition ait déclaré publiquement que <a href="https://www.cbc.ca/news/health/the-politics-of-food-guides-1.1268575">plus de 60 % de la population canadienne présentait des carences nutritionnelles</a>.</p>
<p>Jusque-là, la plupart des expériences étaient réalisées sur des animaux, mais des chercheurs comme Pett, qui a été le <a href="https://www.cbc.ca/radio/unreserved/how-food-in-canada-is-tied-to-land-language-community-and-colonization-1.5989764/the-dark-history-of-canada-s-food-guide-how-experiments-on-indigenous-children-shaped-nutrition-policy-1.5989785">principal auteur de ce qui est devenu plus tard le Guide alimentaire canadien</a>, ont profité de l’occasion pour utiliser des Autochtones comme rats de laboratoire.</p>
<p>Si les auteurs comme Pett agissaient souvent sous le prétexte de vouloir comprendre et aider les populations autochtones, les fondements racistes de ces expériences nutritionnelles étaient clairs.</p>
<p>Les chercheurs disaient vouloir décortiquer le « problème indien ». Moore, Tisdall et leurs collaborateurs ont attribué à la malnutrition des préjugés discriminatoires concernant les Autochtones comme <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1582628/pdf/canmedaj00594-0012.pdf">« l’insouciance, l’indolence, l’imprévoyance et l’inertie »</a>.</p>
<p>A.E. Caldwell, directeur du pensionnat d’Alberni, a affirmé que la <a href="https://www.residentialschool.ca/canada-must-apologize-for-nutritional-experiments-at-residential-school/">malnutrition était causée par les régimes alimentaires et les modes de vie traditionnels</a>, qu’il a également qualifiés d’« habitudes indolentes ». Les expériences nutritionnelles, ainsi que la nourriture inadéquate et de mauvaise qualité donnée aux enfants dans les pensionnats, cadraient parfaitement avec le mandat d’assimilation de Caldwell.</p>
<p>Empêcher pratiquement tous les enfants d’avoir accès à une alimentation traditionnelle adéquate était un <a href="https://foodsecurecanada.org/residential-schools-and-using-food-weapon">autre moyen de coloniser et de procéder à un génocide culturel</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une infirmière regarde des garçons cracher dans des éprouvettes" src="https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408441/original/file-20210625-27-aipttd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une infirmière du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social supervise la collecte d’échantillons de salive de garçons au pensionnat de Port Alberni, en Colombie-Britannique, en 1948.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://collectionscanada.gc.ca/ourl/res.php?url_ver=Z39.88-2004&url_tim=2014-05-01T19:20:27Z&url_ctx_fmt=info:ofi/fmt:kev:mtx:ctx&rft_dat=3604275&rfr_id=info:sid/collectionscanada.gc.ca:pam&lang=eng">F. Royal. Canada. Office national du film du Canada. Phototèque. Bibliothèque et Archives Canada</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon les conclusions de Mosby, Pett cherchait à mieux comprendre l’abandon « inévitable » des aliments traditionnels, alors que les pensionnats pour Autochtones avaient été délibérément conçus pour provoquer cet abandon.</p>
<p>Les recherches de ces experts en nutrition sont tout à fait contraires à l’éthique selon les normes contemporaines. Il est difficile aujourd’hui de croire qu’il ait déjà été acceptable de faire ce genre d’expérimentation sur quiconque, encore plus sur des enfants, sans leur consentement.</p>
<p>Les conséquences de <a href="https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/nazi-medical-experiments">l’Holocauste et des expériences biomédicales</a> dans les camps de concentration ont conduit à <a href="https://www.frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/03/code_nuremberg_1947.pdf">l’élaboration du code de Nuremberg</a>, en 1947, qui stipule que le consentement volontaire pour la recherche est absolument essentiel et que les expériences doivent éviter toute souffrance mentale et physique inutile.</p>
<p>Le code a été publié l’année même où Pett a commencé ses expériences de nutrition dans six pensionnats.</p>
<h2>Conséquences de la malnutrition et de l’expérimentation</h2>
<p>La malnutrition infantile peut être mortelle, surtout lorsqu’elle est associée à un risque de maladie, ce qui était souvent le cas dans les pensionnats.</p>
<p>Le <a href="https://ehprnh2mwo3.exactdn.com/wp-content/uploads/2021/04/1-Honorer_la_verite_reconcilier_pour_lavenir-Sommaire.pdf">Rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada</a> indique que les principales causes de décès des enfants dans les pensionnats étaient les blessures physiques, la malnutrition, la maladie et la négligence.</p>
<p>Pour les survivants des pensionnats, la malnutrition a encore des effets tangibles. La privation de nourriture pendant l’enfance augmente le risque de maladies chroniques <a href="https://doi.org/10.3390/nu9030236">comme le diabète de type 2</a>, et les recherches indiquent que la malnutrition sévère peut même provoquer des <a href="https://www.cdc.gov/genomics/disease/epigenetics.htm">changements épigénétiques</a> <a href="https://doi.org/10.3828/bjcs.2017.9">qui peuvent être transmis de génération en génération</a>.</p>
<p>Il est immoral de soumettre des enfants qui ont déjà souffert à ce type d’expériences.</p>
<p>L’insécurité alimentaire et les <a href="https://proof.utoronto.ca/resources/research-publications/aboriginal-peoples-and-food-insecurity/">problèmes de nutrition dans les communautés autochtones</a> sont des problèmes majeurs au Canada, qui découlent des pensionnats et des politiques coloniales qui perdurent.</p>
<p>Les expériences traumatisantes menées dans les pensionnats et dans les communautés ont fait en sorte que pour de nombreux peuples autochtones, les <a href="https://theconversation.com/as-an-indigenous-doctor-i-see-the-legacy-of-residential-schools-and-ongoing-racism-in-todays-health-care-162048">établissements de soins de santé sont des endroits risqués</a>. Cela peut expliquer pourquoi certains Autochtones <a href="https://www.cmaj.ca/content/193/11/E381">hésitent à se faire vacciner contre la Covid-19</a>. D’autant plus que la stigmatisation, la violence et le racisme envers les peuples autochtones sont encore présents.</p>
<p>Les histoires de malnutrition et d'expériences nutritionnelles sur des enfants et des adultes autochtones ne sont pas nouvelles. Elles ont été rapportées dans <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/624785/autochtones-experiences-reactions">les médias en 2013</a> après les recherches et le plaidoyer de Mosby.</p>
<p>Elles ne sont pas une surprise non plus pour les peuples autochtones, qui nous ont déjà raconté ces vérités. Il est plus que temps d'apprendre à les écouter.</p>
<hr>
<p><em>Si vous êtes un survivant des pensionnats autochtones ou si vous avez été affecté par le système des pensionnats et que vous avez besoin d’aide, vous pouvez obtenir la Ligne d’écoute des pensionnats autochtones, accessible 24 heures sur 24, en composant le 1-866-925-4419.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163599/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Allison Daniel reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle est affiliée à l'Hospital for Sick Children, mais les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de l'organisation.
</span></em></p>
Nous devons reconnaître et comprendre les préjudices que la malnutrition et les expériences nutritionnelles ont causés aux populations autochtones et l’héritage qu’elles ont laissé.
Allison Daniel, PhD Candidate, Nutritional Sciences, University of Toronto
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162449
2021-06-23T19:01:52Z
2021-06-23T19:01:52Z
Géopolitique de la biologie : qui remportera la suprématie de l’édition du génome ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408003/original/file-20210623-25-11fx5i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5483%2C4125&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'ADN nouvel enjeu stratégique majeur ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/abstract-render-earth-inside-glowing-dna-86383651">Johan Swanepoel / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Parmi les récits scientifiques qui se sont développés autour de l’émergence de CRISPR, dont la découverte a été récompensée du dernier prix <a href="https://theconversation.com/nobel-de-chimie-2020-pour-crispr-reecrire-la-vie-a-grands-coups-de-ciseaux-147702">Nobel de Chimie</a>, celui de la course technologique a le vent en poupe. Le chercheur et médecin américain Carl June, spécialiste du développement de thérapies utilisant l’utilisation de l’édition du génome, va jusqu’à parler de confrontation de type « Sputnik 2.0 » entre les États-Unis et la Chine.</p>
<p>Par CRISPR, la modification du génome de plantes ou des animaux (incluant l’humain), deviendrait une plate-forme technologique de dimension suffisamment importante pour être stratégique, voire souveraine. L’<a href="https://doi.org/10.1089/crispr.2021.0015">étude</a> (disponible en accès libre <a href="https://github.com/Guillaume-Levrier/Nuclease-Supremacy/blob/main/%5Bpreprint%5D%20Tracking%20and%20Mapping%20the%20Use%20of%20CRISPR.pdf">ici</a>) des métadonnées d’un corpus de plus de 18 000 articles scientifiques, issues de la base de données Scopus, permet de contextualiser ce sentiment de confrontation entre deux superpuissances scientifiques. Ce faisant, elle permet en creux de montrer les importantes limites de la recherche européenne, laquelle paraît moins apte à capitaliser sur ses acquis et ses atouts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407966/original/file-20210623-21-11djixk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre de publications à propos de CRISPR selon les années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Levrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les données récoltées montrent que les centres de recherche chinois ont été moins rapides à publier des études mobilisant CRISPR. Pour autant, ces centres ont été capables de rattraper leur retard, jusqu’à surpasser en nombre de publications les centres européens (définis comme situés dans l’UE28). Le nombre de publications n’est évidemment pas un indicateur suffisant pour jauger du niveau scientifique atteint par tel ou tel centre. Il permet cependant d’obtenir des ordres de grandeur à l’échelle de ces zones géographiques.</p>
<p>La qualité des articles est difficile à jauger, en particulier sur un tel nombre de documents qui se répartissent dans plus de 200 sous-disciplines. Pour autant, on peut noter que l’article moyen, qu’il soit publié par des centres de recherches aux États-Unis, en Chine ou en Europe, reçoit peu ou prou le même nombre de citations.</p>
<p>Les articles américains les plus cités sont en revanche beaucoup plus cités que leurs homologues européens et chinois.</p>
<p>Les centres de recherche basés dans les régions de Boston et de San Francisco sont particulièrement influents. On remarque cependant que dans certaines disciplines, les chercheurs chinois sont en pointe. C’est notamment le cas pour les disciplines mobilisant l’édition du génome des plantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407967/original/file-20210623-25-18sw825.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de publications à propos de CRISPR selon les pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Levrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La République Populaire de Chine était le seul pays, hors occident, à participer au projet international de séquençage du génome humain (HGP) au tournant du deuxième millénaire. Sa contribution a été comparable à celle de la France (soit environ 1 % du total). Aujourd’hui, la Chine dépasse à elle seule l’ensemble des pays européens en nombre de publications, alors même qu’Emmanuelle Charpentier (Max Planck – Berlin) et Jennifer Doudna (IGI – Berkeley) ont été récompensées par le prix Nobel pour la découverte de CRISPR. Comment interpréter un tel renversement ?</p>
<p>Plusieurs pistes peuvent être explorées. La domination américaine dans le secteur des sciences de la vie n’est pas <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/War_on_cancer">nouvelle</a>, et elle continue d’être portée par la rivalité entre les universités des côtes est et ouest du pays. L’élan de la recherche chinoise dans ces domaines n’est pas nouveau non plus : le pays a fortement investi à la fois dans les technologies de séquençages de l’ADN et dans la modification des plantes, et ce même bien avant la potentialisation de CRISPR comme outil de recherche. Le génie génétique fait partie, au même titre que l’intelligence artificielle ou d’autres technologies de pointe, des items listés comme cibles des plans quinquennaux du Parti communiste chinois (PCC).</p>
<p>Tout cela justifie-t-il l’idée d’une course qui viserait à asseoir une « suprématie des nucléases » ? L’édition du génome est-elle considérée comme une plate-forme technologique où se jouerait une souveraineté future par les dirigeants et les stratèges des pays qui utilisent ces techniques ? Plusieurs indices pointent dans ce sens. Le magazine Science a par exemple rapporté en 2020 que sur les 189 scientifiques du National Institute for Health (NIH) qui ont subi une enquête pour « non-déclaration de liens financiers avec des gouvernements étrangers », 93 % l’ont été pour des suspicions de liens avec la <a href="https://www.sciencemag.org/news/2020/06/fifty-four-scientists-have-lost-their-jobs-result-nih-probe-foreign-ties">Chine</a>. 54 d’entre eux ont démissionné ou ont été licenciés.</p>
<p>Cette idée d’une course technologique existe aussi dans l’esprit de ceux qui se considèrent désormais non plus acteurs mais spectateurs de ces développements technologiques. Lors la consultation menée par le Gouvernement français en 2018 dans le cadre des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tats_g%C3%A9n%C3%A9raux_(bio%C3%A9thique)#Les_%C3%89tats_g%C3%A9n%C3%A9raux_de_2018">États généraux de la bioéthique</a>, certaines contributions anonymes renvoient ainsi les deux ensembles, États-Unis et Chine, dos à dos face aux enjeux de la technique qui se joueraient donc en dehors des frontières de l’Europe.</p>
<p>Ce faisceau d’indices ne suffit pas à lui seul à démontrer que les techniques CRISPR seraient un des centres de gravité de la confrontation entre Chine et États-Unis. Il montre cependant que ce développement technoscientifique emblématique du début du XXI<sup>e</sup> siècle est principalement porté par la relation de collaboration et de rivalité de ces deux ensembles. Il ne va pas de soi que l’Europe parviendra à se maintenir au niveau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162449/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ComIngGen 18-CE38-0007-01).
</span></em></p>
Laboratoires chinois et américains bataillent pour maîtriser au mieux les techniques de l’édition du génome. Les outils comme CRISPR vont-ils devenir un enjeu stratégique international majeur ?
Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163238
2021-06-23T11:58:09Z
2021-06-23T11:58:09Z
Variant Delta au Canada : ses origines, ses points chauds et sa résistance aux vaccins
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/407756/original/file-20210622-27-18bwwyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=110%2C0%2C14816%2C8428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'émergence de variants préoccupants à la fin de 2020 a marqué un changement dans la pandémie de Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’émergence de variants dits « préoccupants » à la fin de 2020 a marqué un tournant dans la pandémie de Covid-19, le terme entrant ainsi dans le vocabulaire de tout un chacun. L’accélération dans le monde de l’un d’entre eux, le variant Delta, soulève des questions sur son origine, sa transmissibilité, ses points chauds et son potentiel de résistance au vaccin.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un variant ?</h2>
<p>Grâce au séquençage du génome, nous pouvons déterminer l’ordre spécifique des gènes individuels et des nucléotides qui composent l’ADN et l’ARN. Si l’on considère le virus comme un livre, c’est comme si toutes les pages avaient été découpées en morceaux. Le séquençage nous permet de remettre les mots et les phrases dans le bon ordre. Les variants diffèrent les un des autres en <a href="http://doi.org/10.1001/jama.2020.27124">fonction des mutations</a>. Ainsi, deux exemplaires du livre seraient des « variants » si un ou plusieurs des morceaux découpés étaient différents.</p>
<p>Il faut également savoir que des variants sont apparus tout au long de la pandémie sans que cela n’ait d’effet sur les comportements viraux. Cependant, l’émergence de <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">variants préoccupants</a>, où les mutations ont entraîné une modification des caractéristiques du virus (augmentation de la transmission et de la gravité de la maladie, réduction de l’efficacité des vaccins, échec du dépistage) a eu des conséquences importantes.</p>
<p>L’émergence et la transmission de B.1.1.7 (Alpha), B.1.351 (Beta) et P.1 (Gamma) au Canada ont donné lieu à des <a href="https://nationalpost.com/news/canada/snapshot-of-the-third-wave-a-province-by-province-look-at-covid-19-in-canada">troisièmes vagues de transmission</a> qui ont entraîné l’engorgement des systèmes de soins de santé et de nouvelles restrictions. L’Organisation mondiale de la santé a introduit un <a href="https://doi.org/10.1038/s41564-021-00932-w">nouveau système de dénomination</a>, basé sur l’alphabet grec, pour les variants des coronavirus au printemps 2021.</p>
<h2>Qu’est-ce que le variant Delta, et où a-t-il émergé ?</h2>
<p>Le variant Delta est un <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">variant préoccupant</a> également connu sous le nom de B.1.617.2 et constitue l’une des trois sous-lignées connues de B.1.617. Selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis, le variant Delta a été détecté pour la première fois en <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">Inde en décembre 2020</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Illustration de variants du SARS-CoV-2 " src="https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’Organisation mondiale de la santé a introduit au printemps 2021 un nouveau système de dénomination, basé sur l’alphabet grec, pour les variants de coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qu’est-ce qui rend Delta différent des autres variants préoccupants ?</h2>
<p>L’une des caractéristiques du variant Delta est sa transmissibilité accrue, avec des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/993321/S1267_SPI-M-O_Consensus_Statement.pdf">augmentations estimées de 40 à 60 %</a> par rapport au variant Alpha. Des données récentes provenant d’Écosse suggèrent que le <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01358-1">risque d’hospitalisation double</a> à la suite d’une infection par le variant Delta (par rapport au variant Alpha), en particulier chez les personnes présentant au moins cinq autres problèmes de santé. Une augmentation du risque d’hospitalisation a été observée <a href="https://www.gov.uk/government/news/vaccines-highly-effective-against-hospitalisation-from-delta-variant">à partir de données recueillies en Angleterre</a>.</p>
<p>L’analyse épidémiologique, qui porte sur des éléments tels que la distribution de l’infection et la gravité de la maladie, peut souvent fournir des évaluations rapides des modifications des caractéristiques du virus. L’étude de mutations spécifiques à l’aide de l’analyse de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Relation_quantitative_structure_%C3%A0_activit%C3%A9">relation structure à activité</a>, qui examine comment la structure chimique du virus affecte son activité biologique, peut également fournir des indices, bien que la validation prenne souvent beaucoup de temps.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration 3-D de la protéine spike du SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La protéine spike (au premier plan) permet au virus de pénétrer dans les cellules humaines et de les infecter. Sur le modèle de virus à l’arrière-plan, la surface du virus (en bleu) est couverte de protéines spike rouges.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(NIH)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premières analyses de la relation structure à activité ont porté sur la relation entre trois mutations et le comportement de Delta. En particulier, une étude en prépublication, qui n’a pas encore été examinée par des pairs, suggère que <a href="https://doi.org/10.1101/2021.04.22.440932">trois mutations dans la protéine de pointe du SARS-CoV-2 peuvent rendre le variant plus transmissible</a> en facilitant la liaison de cette protéine au récepteur des cellules humaines (connu sous le nom de récepteur ACE2).</p>
<p>Si nous reprenons l’analogie du livre, cela signifie que trois des morceaux découpés dans la version Delta du livre sont différents de l’original. Chacun de ces trois morceaux peut permettre au virus d’infecter plus facilement les cellules humaines.</p>
<h2>Que savons-nous de l’épidémiologie du variant Delta et de ses points chauds ?</h2>
<p>Tout porte à croire que <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2021/05/01/indias-second-covid-wave-new-variant-and-what-we-know/4895091001/">Delta a joué un rôle important</a> dans la vague de cas de Covid-19 observée en <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/india">Inde en 2021</a>. Depuis, ce variant s’est <a href="https://cov-lineages.org/lineages/lineage_B.1.617.2.html">répandu dans le monde entier</a>. Au 14 juin, le variant Delta a été détecté dans <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/jun/14/delta-variant-of-covid-spreading-rapidly-and-detected-in-74-countries">74 pays</a>, a représenté plus de <a href="https://www.gov.uk/government/news/confirmed-cases-of-covid-19-variants-identified-in-uk">90 % des nouveaux cas au Royaume-Uni</a> et au moins <a href="https://covid.cdc.gov/covid-data-tracker/#variant-proportions">6 % du total des cas aux États-Unis</a>, avec des estimations allant jusqu’à <a href="https://www.cbsnews.com/news/transcript-scott-gottlieb-face-the-nation-june-13-2021/">10 %</a>.</p>
<p>Une grande partie de ce que nous savons sur le variant Delta provient du <a href="https://khub.net/documents/135939561/405676950/Increased+Household+Transmission+of+Covid-19+Cases+-+national+case+study.pdf/7f7764fb-ecb0-da31-77b3-b1a8ef7be9aa">Public Health England</a>. Il a été détecté pour la première fois au Royaume-Uni vers la fin du mois de mars 2021, et lié à des voyages. <a href="https://www.gov.uk/government/publications/covid-19-variants-genomically-confirmed-case-numbers/variants-distribution-of-case-data-11-june-2021">Au 9 juin</a>, le nombre de cas confirmés ou probables était de 42 323, avec une <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/993879/Variants_of_Concern_VOC_Technical_Briefing_15.pdf">distribution bien répartie</a> dans tout le pays.</p>
<p>Au Canada, Delta a été détecté pour la première fois au début du mois d’avril en Colombie-Britannique.</p>
<p>Bien qu’Alpha soit toujours le plus dominant <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/diseases/2019-novel-coronavirus-infection/surv-covid19-weekly-epi-update-20210611-en.pdf">au pays</a>, la croissance de Delta s’est accélérée <a href="https://globalnews.ca/news/7939152/covid-delta-variant-canada/">dans de nombreuses provinces</a>. Le nombre de cas confirmés <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1802892/b-1-617-contaminations-mutations-coronavirus-covid-19-canada">a bondi de 66 % au Canada la semaine dernière</a>, selon l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Il est maintenant présent dans toutes les provinces et au moins un des territoires.</p>
<p>Les données de l’Alberta indiquent que le nombre de cas <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/calgary/delta-variant-alberta-1.6065760">double tous les six à douze jours</a>. L’<a href="https://covid19-sciencetable.ca/ontario-dashboard/">Ontario a estimé</a> que <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/covid-19-ontario-june-14-2021-delta-sports-framework-1.6064793">40 % de ses nouveaux cas depuis le 14 juin 2021</a> sont dus à Delta.</p>
<p>Le Québec est moins touché : il y aurait 35 cas du variant Delta, surtout à Montréal (21) et en Montérégie (7), selon les dernières données sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec.</p>
<p>Il faut cependant noter que la prévalence de Delta est sous-estimée car un test de dépistage efficace <a href="https://globalnews.ca/news/7922969/covid-19-delta-variant-testing-canada/">n’a pas encore été développé</a>.</p>
<h2>Que savons-nous de Delta et des vaccins ?</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Remplissage manuel d’une seringue à partir d’un flacon de vaccin" src="https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les données suggèrent que la vaccination offre une certaine protection contre l’infection et l’hospitalisation par la variante Delta.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jonathan Hayward</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premières analyses effectuées au Royaume-Uni sur l’efficacité du vaccin contre le variant Delta ont suscité un certain optimisme.</p>
<p>Des données provenant d’Écosse indiquent que la vaccination par AstraZeneca ou Pfizer <a href="https://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01358-1">réduit les hospitalisations et les infections</a>, mais avec moins d’efficacité que pour le variant Alpha. Cependant, les données suggèrent que les vaccinations à deux doses avec AstraZeneca ou Pfizer <a href="https://www.gov.uk/government/news/vaccines-highly-effective-against-hospitalisation-from-delta-variant">ont réduit les hospitalisations de 92 % et 96 %, respectivement. La protection contre les symptômes de la maladie est réduite de 17 %</a> pour Delta par rapport à Alpha avec une seule dose de vaccin.</p>
<p>La propagation du variant Delta accroit <a href="https://news.ontario.ca/fr/release/1000317/lontario-accelere-davantage-ladministration-des-secondes-doses-dans-les-points-chauds-du-variant-delta">l’urgence, pour les santés publiques, d’offrir les deux doses de vaccin à l’ensemble de leur population</a>. Cependant, les premières doses semblent offrir une protection substantielle contre les maladies graves nécessitant une hospitalisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163238/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jason Kindrachuk a été consultant pour les gouvernements provinciaux en ce qui concerne la Covid-19.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Souradet Shaw ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Qu’est-ce que le variant Delta ? D’où vient-il ? Qu’est-ce qui fait sa différence avec les autres variants préoccupants et quel est son niveau de résistance face aux vaccins contre la Covid-19 ?
Jason Kindrachuk, Assistant Professor/Canada Research Chair in emerging viruses, University of Manitoba
Souradet Shaw, Assistant Professor, Canada Research Chair in Program Science and Global Public Health, University of Manitoba
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162221
2021-06-22T13:46:14Z
2021-06-22T13:46:14Z
De minuscules résidus de plastique menacent les huîtres canadiennes et guadeloupéennes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/407538/original/file-20210621-26-1f0fajj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C1000%2C685&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À l'instar de nombreuses espèces marines, les huîtres sont affectées par les nanoplastiques qui polluent les océans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre usage quotidien de produits à base de plastique a des conséquences directes sur la santé des espèces animales. On estime qu’environ 1 % des déchets de plastique <a href="http://www.cwhc-rcsf.ca/docs/fact_sheets/Wildlife%20ingestion%20of%20microplastics-FR.pdf">se retrouvent dans les environnements aquatique et terrestre et ont un impact sur la faune et la flore sauvages</a>.</p>
<p>Parmi eux, les huîtres, des mollusques marins qui se retrouvent à plusieurs endroits dans le monde, ainsi que dans nos assiettes.</p>
<p>En collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de l’Université de Bordeaux, en France, notre équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a mené des recherches pour mieux connaître quels étaient les effets combinés de différents contaminants sur les huîtres.</p>
<p>Nous savions déjà <a href="https://theconversation.com/que-se-passe-t-il-quand-les-huitres-avalent-des-microplastiques-137921">que les nanoplastiques ont un impact sur la reproduction des huîtres creuses</a>. Or, au terme de ces travaux, nous avons pu démontrer que les effets individuels et combinés des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nanoplastique">nanoplastiques</a> et de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arsenic">l’arsenic</a> sur les huîtres affectaient aussi leurs fonctions vitales. Nous avons publié le fruit de nos recherches dans les revues scientifiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653521008018"><em>Chemosphere</em></a> et <a href="https://www.mdpi.com/2079-4991/11/5/1151"><em>Nanomaterials</em></a>.</p>
<p>En tant que titulaire d’une <a href="https://inrs.ca/la-recherche/chaires-groupes-et-reseaux-de-recherche/repertoire-des-chaires-groupes-et-reseaux-de-recherche/chaire-de-recherche-du-canada-en-ecotoxicogenomique-et-perturbation-endocrinienne/">Chaire de recherche du Canada en Écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne</a>, je m’intéresse aux impacts de ces contaminants sur les animaux depuis 2005 et mon co-auteur-étudiant, depuis 2018.</p>
<h2>L’huître canadienne plus affectée</h2>
<p>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nanoplastique">nanoplastiques</a>, des morceaux de plastique inférieurs au millième de millimètre, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-16510-3_12">proviennent en grande partie de la dégradation des déchets plastiques rejetés dans l’environnement</a>. Ils incluent également des nanobilles de plastique qui composent certains produits de consommation et qui se retrouvent ensuite dans les milieux naturels.</p>
<p>Ces nanoparticules de plastique ont la propriété d’accumuler sur leur surface divers contaminants retrouvés dans l’environnement. Elles peuvent ainsi être des vecteurs et devenir une source de contamination additionnelle pour les organismes. Car ces contaminants se dissocient éventuellement des nanoplastiques pour ensuite être absorbés par les organismes aquatiques qui les ont ingérés et s’accumuler dans leurs organes internes.</p>
<p>Ainsi, l’arsenic, un contaminant métallique, a été le plus abondamment mesuré sur les débris de plastique prélevés par notre équipe sur les plages de la Guadeloupe. Il a donc été sélectionné pour nos études.</p>
<p>Comme les huîtres accumulent facilement les métaux par leur alimentation, nous avons exposé ces dernières à une concentration d’arsenic qu’on peut retrouver dans l’environnement. Effectivement, de hautes concentrations d’arsenic ont été mesurées chez les mollusques exposés. Elles demeuraient toutefois plus élevées dans les branchies de l’huître canadienne <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crassostrea_virginica"><em>Crassostrea virginica</em></a> que dans celles de l’huître <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Isognomon_alatus"><em>Isognomon alatus</em></a>, retrouvée en Guadeloupe.</p>
<p>Ces résultats sont les premiers à mettre en lumière la différence de sensibilité des espèces d’huîtres à l’arsenic.</p>
<p>Nous voulions également tester si l’exposition combinée des nanoplastiques et de l’arsenic augmenterait l’accumulation de ce métal dans les mollusques. Heureusement, ce ne fut pas le cas. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bioaccumulation">bioaccumulation</a> de l’arsenic n’augmentait pas avec la présence de ces nanoparticules.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un banc d’huitres Crassostrea virginica" src="https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407530/original/file-20210621-26003-bxbst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un ban d’huîtres Crassostrea virginica, au large de l’Océan Atlantique, aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Effets sur les fonctions vitales des huîtres</h2>
<p>C’est en contaminant les algues consommées par les huîtres avec trois types de nanoplastiques que nous avons testé si ces derniers pouvaient causer des problèmes à leur santé.</p>
<p>Les nanoplastiques étudiés étaient des particules de polystyrène carboxylé synthétisées sans additifs, des particules broyées de polystyrène vierge et des plastiques souillés. Ces dernières ont été récupérées sur les plages de la Guadeloupe, puis broyées.</p>
<p>Parmi ces trois types de plastiques, les nanoplastiques sans additifs (qui sont utilisés dans les détergents et biocides) étaient les plus toxiques. Nos travaux ont révélé qu’en l’absence d’additifs, ces nanoplastiques très stables étaient, malgré tout, ceux montrant le plus d’effets, et ce, de manière constante entre les huîtres canadiennes et guadeloupéennes.</p>
<p>À la suite de l’exposition, nous avons observé chez l’huître canadienne une augmentation de l’expression des gènes responsables de la mort programmée des cellules et du nombre de mitochondries — centrales énergétiques de la cellule. Chez l’huître de la Guadeloupe, les changements d’expression de ces gènes d’intérêt étaient moins prononcés, mais suggéraient tout de même une diminution de la réactivité individuelle des deux types de contaminants une fois combinés.</p>
<p>L’exposition combinée des nanoplastiques avec l’arsenic a révélé des effets contrastés entre nos deux espèces d’huîtres. L’interaction complexe de ces contaminants pouvait diminuer leurs effets individuels sur l’expression de gènes, par exemple, dans la régulation du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stress_oxydant">stress oxydatif</a>, soit des agressions causées par des molécules dérivant de l’oxygène aux cellules de notre corps. À l’inverse, leur interaction pouvait les amplifier, comme pour la production de mitochondries.</p>
<p>De plus en plus, les chercheuses et chercheurs utilisent ces outils en biologie moléculaire pour s’interroger sur les effets des contaminants environnementaux chez les animaux, et ce, même à basses concentrations de pollution. Il est important de développer des techniques ultrasensibles qui nous avertissent lorsqu’un contaminant affecte, en temps réel, la santé des écosystèmes. Il ne faut pas attendre d’arriver à des concentrations de polluants qui causeraient des effets irréversibles sur leur santé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un plat d’huîtres servies avec des sauces et du citron" src="https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407529/original/file-20210621-35622-1othxrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les huîtres se retrouvent dans les assiettes partout sur la planète. Il est donc essentiel de connaître leurs contaminants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Dans la chaîne alimentaire</h2>
<p>Après avoir caractérisé les effets moléculaires des nanoplastiques chez les huîtres, la prochaine étape serait d’étudier leur transfert dans la chaîne alimentaire.</p>
<p>Des outils d’analyse sont à ce jour en plein essor pour réussir à quantifier la présence de nanoplastiques dans les tissus biologiques, par exemple <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34110808/">l’analyse par pyrolyse couplée à un GCMS</a> qui s’avère prometteuse. Cette technique d’analyse chimique repose <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyrolyse-chromatographie_en_phase_gazeuse-spectrom%C3%A9trie_de_masse">sur une altération massive par la chaleur</a>.</p>
<p>Connaître la quantité de particules dans les huîtres d’élevage et sauvages est donc actuellement un enjeu technique, mais qui sera sans doute résolu dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162221/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ces études ont reçu du soutien financier de l’Agence nationale de la recherche (ANR), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et des Chaires de recherche du Canada.</span></em></p>
Les effets individuels et combinés des nanoplastiques et de l’arsenic sur les huîtres affectent leurs fonctions vitales.
Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)
Marc Lebordais, Institut national de la recherche scientifique (INRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162235
2021-06-08T18:33:27Z
2021-06-08T18:33:27Z
Les fermes piscicoles transmettent des virus aux saumons sauvages du Pacifique, une espèce menacée
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/405198/original/file-20210608-19-1meb2ej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C29%2C4948%2C3517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Cela fait des décennies que les scientifiques tentent de déterminer les causes exactes du déclin de certaines populations de saumons sauvages du Pacifique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Amy Romer)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le saumon du Pacifique est une espèce fondatrice de l’écosystème côtier de la Colombie-Britannique. Depuis des milliers d’années, il constitue une source essentielle de nutriments et d’énergie pour certains des animaux emblématiques du Canada, dont les ours et les épaulards. Depuis quelque temps, il partage ses eaux avec des parcs en filet remplis de saumons de l’Atlantique non indigènes élevés pour la consommation.</p>
<p>Certaines populations de saumon sauvage du Pacifique sont en forte baisse depuis le début des années 1990. Ainsi, plus de la moitié des populations de saumon quinnat du sud de la Colombie-Britannique sont en <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/registre-public-especes-peril/evaluations-rapports-situations-cosepac/saumon-chinook-2018.html">voie de disparition ou menacées</a>. Les scientifiques tentent depuis des années d’identifier les causes exactes de ce déclin.</p>
<p>Les épaulards résidents du Sud vivent également dans la même zone et sont classés parmi les espèces menacées depuis 2005. Ces mammifères se nourrissent principalement de saumon quinnat, dont la régression <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0179824">contribue à leur propre déclin</a>.</p>
<p>Pour essayer de comprendre ce qui pourrait avoir engendré ces baisses de population, des scientifiques, dont je suis, cherchent à savoir s’il n’y a pas un lien avec le nombre croissant d’élevages de saumon au large des côtes de la Colombie-Britannique. Nous sommes préoccupés par le fait que des agents pathogènes pourraient se propager du saumon d’élevage au saumon sauvage et contribuer à ce déclin à grande échelle.</p>
<p><a href="https://advances.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/sciadv.abe2592">Dans une nouvelle étude</a> publiée dans <em>Science Advances</em>, nous avons découvert qu’un virus du saumon courant dans les piscicultures a été introduit dans le sud de la Colombie-Britannique il y a environ 30 ans et qu’il se transmet depuis du saumon d’élevage au saumon sauvage.</p>
<h2>Les fermes piscicoles et les virus</h2>
<p>La quantité et la densité des saumons atlantiques dans les exploitations piscicoles entraînent un risque élevé de maladie. Étant donné que les virus et autres agents pathogènes sont très communs dans les élevages de saumon, certains scientifiques qualifient ceux-ci d’ <a href="https://doi.org/10.1139/d98-021">« installations de culture de pathogènes »</a>. Les groupes environnementaux et les membres de l’industrie ont régulièrement des débats à savoir si ces agents pathogènes se répandent et provoquent des maladies dans les populations de poissons sauvages.</p>
<p>L’un des virus les plus évoqués est l’orthoréovirus pisciaire (RVP), courant dans les exploitations salmonicoles et qui cause des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0183781">maladies cardiaques</a> chez le saumon atlantique. Pourtant, le gouvernement et les groupes industriels soutiennent que le RVP est <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2019/2019_036-fra.pdf">« endémique en Colombie-Britannique »</a> et qu’il pose <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/cohen/recomm-19-work-travaux-fra.html">« tout au plus un risque minime »</a> pour le saumon rouge du fleuve Fraser. Les conclusions des rapports sont souvent extrapolées de façon erronée à toutes les espèces.</p>
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<img alt="Un saumon sur une table de laboratoire" src="https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402647/original/file-20210525-23-effi6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les scientifiques dissèquent les tissus de saumons sauvages du Pacifique pour effectuer des analyses moléculaires et séquencer les génomes viraux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Amy Romer)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le mot « endémique » a deux significations. Les écologistes l’utilisent pour décrire les plantes et les animaux indigènes d’une région, alors que les épidémiologistes l’utilisent pour désigner la présence continue et stable d’un agent infectieux dans une zone définie. Quel que soit le sens retenu, notre analyse a montré que ni l’un ni l’autre ne correspondait à la réalité.</p>
<h2>L’empreinte génétique des virus</h2>
<p>Le séquençage du génome peut servir à étudier l’évolution d’un virus — comme nous l’avons vu avec la pandémie de SARS-CoV-2. Nous avons appliqué les mêmes techniques pour suivre le parcours de différentes lignées de RVP à différentes échelles, entre des océans, mais aussi localement, entre diverses populations de saumons au large de la côte de la Colombie-Britannique.</p>
<p>Les virus ont un taux élevé de mutations et, au fil du temps, leurs génomes accumulent des changements génétiques. Ces modifications du génome permettent de comprendre l’origine et la dispersion de virus prélevés dans des lieux différents.</p>
<p>Une lignée de RVP que l’on trouve couramment dans le Pacifique Nord-Est est venue de l’Atlantique Nord. Nous estimons qu’elle a été introduite pour la première fois dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique assez récemment, il y a une trentaine d’années. Cela correspond à la période où l’on a importé des œufs de saumon atlantique de l’Europe vers la Colombie-Britannique, ce qui a contribué au lancement de la salmoniculture dans la province.</p>
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<img alt="Une carte montrant le mouvement de l’orthoréovirus de la Piscine de la Norvège vers la côte ouest de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud" src="https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402645/original/file-20210525-15-1ew2tyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Transmission mondiale de l’orthoréovirus pisciaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Gideon Mordecai)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Deux sources de données penchent fortement vers une transmission du virus entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage. Les saumons quinnats sauvages sont plus susceptibles d’être infectés par le RVP s’ils se trouvent à proximité d’élevages de saumons. Et une analyse génomique a révélé que les saumons d’élevage et les saumons sauvages sont infectés par les mêmes variants, ce qui suggère une transmission continue.</p>
<p>Une analyse plus poussée des génomes du RVP dans les eaux de la Colombie-Britannique indique que le nombre d’infections a augmenté de deux ordres de grandeur dans la région depuis une vingtaine d’années, tendance qui correspond à la croissance des élevages, où presque tous les poissons sont atteints.</p>
<p><a href="https://www.mdpi.com/2076-0817/9/12/1050">Tous les variants du virus</a>, y compris le type de RVP trouvé en Colombie-Britannique, provoquent des lésions cardiaques chez le saumon atlantique. Des recherches ont permis de découvrir la même maladie associée au RVP dans les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0171471">élevages de saumon atlantique</a>.</p>
<h2>Un seul virus, deux maladies</h2>
<p>Plus important encore pour l’écologie de la Colombie-Britannique, on a établi un lien entre le RVP et une autre maladie qui affecte le saumon du Pacifique. Chez le saumon quinnat, le RVP est associé à la « jaunisse/anémie », une maladie qui résulte de l’éclatement des globules rouges et qui entraîne des <a href="https://www.facetsjournal.com/doi/10.1139/facets-2018-0008">dommages au foie et aux reins</a>.</p>
<p>Malgré les preuves de l’existence d’un lien entre le RVP et des maladies du saumon <a href="https://www.mdpi.com/2076-0817/9/12/1050">atlantique</a> et du saumon quinnat, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) ne classe pas le RVP comme un <a href="https://www.mltaikins.com/newsitem/judicial-review-finds-duty-to-consult-was-breached-quashes-dfo-policy/">agent pathogène</a>. Cela permet d’ensemencer les fermes piscicoles en mer avec des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-78978-9">poissons atteints par le virus</a>.</p>
<p>Nos recherches montrent que les élevages de saumon sont une source d’infection pour les poissons sauvages et fournissent des preuves qui appuient les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1758256/saumon-rouge-sauvage-pacifique-discovery-commission-cohen-elevage-interdit">pressions</a> pour minimiser les interactions entre la salmoniculture et les poissons sauvages. Étant donné que les sciences et le processus décisionnel du MPO <a href="https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/43-2/FOPO/reunion-26/temoignages">ne sont pas indépendants</a>, je crois que la réglementation de l’industrie de l’aquaculture devrait être séparée de la responsabilité du MPO de protéger le saumon sauvage.</p>
<p>Les maladies liées aux poissons d’élevage ont un impact non seulement sur la santé des saumons sauvages, mais aussi sur les espèces qui en dépendent, comme l’épaulard résident du Sud, une espèce menacée. Avec autant de facteurs en jeu, la conservation du saumon s’avère un défi de taille. Mais une petite augmentation de la survie des saumons juvéniles qui migrent des rivières vers l’océan peut se traduire par des millions de saumons adultes supplémentaires qui retournent dans leurs frayères, une ressource vitale pour l’écologie et les habitants de la côte de la Colombie-Britannique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162235/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gideon Mordecai reçoit un financement du programme de bourses Liber Ero.</span></em></p>
Le saumon du Pacifique partage ses eaux avec des saumons de l’Atlantique non indigènes élevés pour la consommation. Ils ont été contaminés par un virus introduit par ces derniers.
Gideon Mordecai, Liber Ero Postdoctoral Fellow, Department of Medicine, University of British Columbia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161570
2021-05-27T20:28:14Z
2021-05-27T20:28:14Z
Origines du SARS-CoV-2 : le virus est-il le produit d’un « gain de fonction » ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403191/original/file-20210527-21-tw9ixs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un agent de sécurité éloigne les journalistes de l'Institut de virologie de Wuhan après l'arrivée d'une équipe de l'OMS pour une visite de terrain à Wuhan, dans la province chinoise du Hubei, le 3 février 2021. L'équipe n'est arrivée à aucune conclusion sur les origines de la pandémie.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ng Han Guan)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les recherches menées pour établir l’origine du virus SARS-CoV-2 ont donné lieu à différentes hypothèses.</p>
<p>À l’heure actuelle, aucune d’entre elles n’a permis de déterminer comment ce virus a réussi à se transmettre dans la population humaine. Un des premiers scénarios avancés, celui du marché de Wuhan qui aurait mené à une dispersion rapide du virus, semble moins crédible étant donné les données présentement disponibles. Malgré une année de recherche intensive, le virus n’a été identifié chez aucun animal.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-020-01205-5">transmission animal-humain demeure une des hypothèses les plus solides qui expliqueraient l’apparition de ce nouveau coronavirus</a>. Ainsi, il est proposé qu’un membre de la famille des coronavirus aurait été transmis de la chauve-souris chez l’humain via un hôte intermédiaire. Une telle situation n’est pas unique et on peut se référer à l’origine <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/coronavirus_du_syndrome_respiratoire_du_Moyen-Orient">du coronavirus MERS-CoV (syndrome respiratoire du Moyen-Orient</a>) : des dromadaires auraient servi d’hôte intermédiaire. Dans le cas du virus de la Covid-19, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/covid-19-le-pangolin-est-il-vraiment-responsable-de-l-epidemie_147699">cet hôte pourrait être le pangolin</a>, vendu illégalement au marché de Wuhan, bien que cette hypothèse nécessite des preuves plus convaincantes.</p>
<p>Professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, je suis expert en virologie, plus particulièrement au niveau des rétrovirus humains et plus récemment sur les coronavirus humains.</p>
<h2>Les « gains de fonction »</h2>
<p>Assez rapidement après le début de la pandémie, l’idée d’une fuite du virus en provenance du laboratoire de niveau de confinement 4 (NC4) situé dans l’Institut de virologie de Wuhan (WIH) <a href="https://theconversation.com/origine-de-la-covid-19-lhypothese-de-laccident-de-laboratoire-doit-elle-etre-etudiee-dun-point-de-vue-scientifique-160825">a commencé à circuler. Bien que fort probablement accidentel, un tel événement n’a pas été écarté</a>.</p>
<p>En fait, ces dernières semaines, cette possibilité a refait surface et ainsi placé Dr Anthony Fauci, le directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), <a href="https://www.cnbc.com/2021/05/26/fauci-facing-criticism-for-shifting-position-on-wuhan-lab-funding-.html">dans une situation embarrassante</a>. Ainsi, les États-Unis auraient financé ce laboratoire de recherche, et les projets financés auraient été axés sur des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK285579/">études de gain de fonction</a>. Certains journaux américains, tels que le <em>Wall Street Journal</em>, <a href="https://www.wsj.com/articles/will-faucis-boss-answer-the-questions-about-the-wuhan-lab-11621608800">soutiennent que Dr Fauci aurait appuyé ces expériences de gain de fonction en cours au WIV</a>.</p>
<p>Or, malgré les avantages qui lui sont attribués, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4996883/pdf/11948_2016_Article_9810.pdf">cette approche n’est pas sans risque</a>.</p>
<p>Mais qu’est-ce que la recherche de gain de fonction ? Bien qu’elle soit parfois référée au sens large à certaines études portant sur l’analyse de fonctions des protéines, au niveau médical, elle revêt une connotation particulière autour de la recherche portant sur les virus. Ainsi, l’objectif des études de gain de fonction est de créer un virus ayant acquis de nouvelles propriétés qui le rend plus pathogénique et/ou plus transmissible chez l’humain.</p>
<p>Traditionnellement, ce type de changement se concentrait sur l’utilisation de cellules animales/humaines dans lesquelles le virus était cultivé. Au cours des dernières années, des modèles animaux et les techniques de biologie moléculaire visant des modifications précises de certains gènes viraux ont mené à d’importantes avancées. Ce processus peut ainsi mener à la génération rapide (comparativement à l’évolution naturelle des virus qui s’échelonnent sur plusieurs années) de nouveaux virus mieux adaptés à l’espèce humaine avec des changements possibles au niveau de leur virulence et de leur capacité de se transmettre entre humains.</p>
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<img alt="illustration d’un coronavirus" src="https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402875/original/file-20210526-23-1sxjecp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Modification des gènes de l’ARN d’un virus en laboratoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Le bien-fondé de ce type de recherche relève du fait que l’isolement de tels nouveaux virus pourrait permettre d’identifier les changements spécifiques dans leur génome qui ont mené à ces nouvelles caractéristiques. Ainsi, de telles connaissances pourraient aider les scientifiques à mieux prévoir la venue prochaine de nouvelles pandémies et mener également au développement de vaccins et traitements adaptés à ces possibles agents infectieux.</p>
<h2>Des recherches trop dangereuses ?</h2>
<p>Cependant, le principe de la recherche de gain de fonction a été grandement contesté au cours de la précédente décennie.</p>
<p>Un exemple classique souvent cité, qui a semé l’inquiétude auprès de nombreux scientifiques, est le cas des <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/03/10/virus-mutants-les-furets-de-la-discorde_4380437_1650684.html">travaux de recherche menés par Ron Fouchier et Yoshihiro Kawaoka</a>. À la suite de l’utilisation d’un protocole de passages multiples d’un virus aviaire très dangereux (infection répétée de furets suite à un transfert d’un échantillon provenant d’un furet précédemment infecté), ces chercheurs ont pu créer un virus influenza H5N1 transmissible chez cette espèce animale par aérosols. </p>
<p>L’étude en question a fait l’objet de nombreux débats et a mené à une pause de cette recherche. Le gouvernement américain a même exhorté les revues scientifiques à ne pas publier ses résultats complets, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/543409/revues-grippe-aviaire-publicatio">soutenant que ces informations pourraient servir à des bioterroristes</a>. Elle a été à nouveau relancée en 2013.</p>
<p>La recherche utilisant la procédure de gain de fonction a certainement des avantages afin de prévenir la transmission animal-humain d’un virus qui pourrait ainsi être responsable d’une pandémie catastrophique. Ce type de recherche requiert cependant des infrastructures de haut niveau de sécurité, tel qu’un laboratoire NC4.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vue du laboratoire NC4 à l’intérieur de l’Institut de virologie de Wuhan, dans la province chinoise du Hubei" src="https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402873/original/file-20210526-13-79qpb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vue du laboratoire NC4 à l’intérieur de l’Institut de virologie de Wuhan après une visite de l’équipe de l’OMS, le 3 février 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ng Han Guan)</span></span>
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<p>Le mode opérationnel d’un tel laboratoire assure la protection de ses utilisateurs et évite également une fuite d’un nouveau virus transmissible chez l’humain. Or, certains documents ont révélé que la rigueur des normes de biosécurité au laboratoire NC4, abrité par le WIV, était parfois déficiente. De plus, il a été avancé que certaines des études de gain de fonction ont été réalisées à cet institut à partir de coronavirus de chauve-souris dans des conditions inadéquates de biosécurité.</p>
<h2>L’hypothèse de la fuite du laboratoire NC4 de Wuhan relancée</h2>
<p>C’est ainsi que la <a href="https://www.wsj.com/articles/wuhan-lab-leak-question-chinese-mine-covid-pandemic-11621871125?st=gyv1xogwjbmvwdq&reflink=article_copyURL_share">possibilité que ce virus provienne d’une fuite du laboratoire NC4 de Wuhan devient de plus en plus prévalente comme hypothèse</a>.</p>
<p>Bien qu’un comité formé par l’OMS ayant visité les installations à Wuhan <a href="https://theconversation.com/jai-participe-a-la-mission-de-loms-sur-la-covid-19-en-chine-voici-ce-que-nous-avons-appris-sur-les-origines-du-coronavirus-155802">a conclu que les évidences ne semblaient pas supporter la thèse d’une origine humaine du virus SARS-CoV-2</a>, plusieurs scientifiques de renom <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2821%2900824-2">doutent de la transparence de la Chine</a> lors de cette visite. <a href="https://science.sciencemag.org/content/372/6543/694.1">Ils ont demandé, dans une lettre ouverte publiée en mai dans le magazine <em>Science</em>, une investigation plus approfondie</a>.</p>
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<img alt="Le personnel de sécurité se rassemble près de l’entrée de l’Institut de virologie de Wuhan pendant une visite de l’équipe de l’Organisation mondiale de la santé à Wuhan, dans la province chinoise du Hubei, le 3 février 2021" src="https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402872/original/file-20210526-23-wkg8yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le personnel de sécurité se rassemble près de l’entrée de l’Institut de virologie de Wuhan pendant une visite de l’équipe de l’OMS, le 3 février 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ng Han Guan)</span></span>
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<p>Plus tôt ce mois-ci, Dr Fauci <a href="https://www.fr24news.com/fr/a/2021/05/le-dr-fauci-dit-quil-nest-pas-convaincu-que-le-covid-19-sest-forme-naturellement.html">a affirmé qu’il n’est désormais « pas convaincu »</a> que le virus de la Covid-19 se soit développé naturellement, et il a appelé à une enquête plus approfondie sur les origines du virus. Enfin, <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2021-05-27/joe-biden-veut-des-reponses-sur-l-origine-de-la-pandemie.php">dans une déclaration relayée mercredi par la Maison Blanche</a>, le président américain Joe Biden a demandé à ses services de renseignement de redoubler leurs efforts afin d’investiguer sur une possible fuite de laboratoire du virus qui serait responsable de la pandémie actuelle.</p>
<p>De nouvelles évidences ont été mises de l’avant par différents médias : le <a href="https://www.wsj.com/articles/intelligence-on-sick-staff-at-wuhan-lab-fuels-debate-on-covid-19-origin-11621796228?reflink=share_mobilewebshare">WSJ révélait dimanche</a> que de nombreux employés du WIV ont éprouvé des symptômes similaires à ceux de la Covid-19 en novembre 2019 et qu’au moins trois d’entre eux ont dû être hospitalisés, supportant la théorie de la fuite du virus du laboratoire de Wuhan.</p>
<p>Des investigations additionnelles sont demandées et la recherche sur les études de gain de fonction à partir de coronavirus animaux est au centre de ces demandes.</p>
<p>Bien qu’une démonstration concluante de l’origine du SARS-CoV-2 du laboratoire NC4 de Wuhan pourrait ne jamais être obtenue, les derniers développements suscitent des inquiétudes nouvelles autour des expériences de gain de fonction. Ils pourraient mener à une réévaluation de cette approche expérimentale ainsi que des règles de sécurité des laboratoires qui en font l’utilisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161570/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Barbeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les études de gain de fonction permettent de créer un virus plus pathogénique et/ou plus transmissible chez l’humain. Sont-elles à l’origine du SARS-CoV-2 ?
Benoit Barbeau, Associate professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160651
2021-05-10T17:16:04Z
2021-05-10T17:16:04Z
Peut-on prévoir toutes les façons dont le coronavirus SARS-CoV-2 pourrait évoluer ?
<p>À la fin de l’année dernière, <a href="https://www.bbc.com/future/article/20210127-covid-19-variants-how-mutations-are-changing-the-pandemic">trois variants du coronavirus SARS-CoV-2</a> (le virus à l’origine de l’épidémie de Covid-19) se propageant rapidement ont été identifiés au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Brésil.</p>
<p>Plus récemment, des variants ont aussi émergé en <a href="https://theconversation.com/q-a-indian-coronavirus-variant-what-is-it-and-what-effect-will-it-have-159269">Inde</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-00564-4">aux États-Unis</a> <a href="https://www.cnbc.com/2021/05/03/who-is-closely-monitoring-10-covid-variants-as-virus-mutates-around-the-world-.html">et ailleurs</a>, suscitant l’inquiétude. L’émergence de ces variants présage-t-elle d’une lutte contre la pandémie qui risque de se prolonger, ou le coronavirus va-t-il bientôt manquer de marge de manœuvre évolutive et devenir un pathogène endémique plus bénin ?</p>
<p>Les prédictions concernant l’évolution du SARS-CoV-2, en particulier ses changements de virulence, seront toujours entachées d’incertitude. Même le plus perspicace des évolutionnistes ne peut prétendre être infaillible face aux défis posés par les mutations aléatoires de l’ARN qui constitue le génome du SARS-CoV-2, les routes chaotiques de transmission et de propagation de ce virus ou les effets des forces de sélection naturelle. Néanmoins, les concepts évolutifs désormais bien établis, associés à la multitude de données collectées sur le virus lui-même, peuvent nous fournir quelques indications sur les développements les plus probables.</p>
<h2>Une faible marge d’innovation</h2>
<p>Le SARS-CoV-2 est passé d’un hôte animal non identifié à l’être humain. Ce faisant, il a pénétré dans un nouvel espace évolutif empli d’obstacles, de menaces, d’impasses et, très occasionnellement, d’opportunités. Il est difficile d’imaginer cet espace ou d’en prendre la mesure. Il est en effet fâcheusement multidimensionnel, et ses frontières et topographies peuvent être observées depuis de nombreux points de vue.</p>
<p>Une façon d’y parvenir est de commencer par considérer les limites supérieures de la diversité des séquences génomiques du coronavirus, autrement dit les limites de son « espace mutationnel ». Le génome du SARS-CoV-2 compte 30 000 paires de bases, autrement dit 30 000 sites pouvant chacun être occupés par l’une des quatre bases composant l’ARN (adénine, cytosine, guanine et uracile). Il existe donc plus d’un quintillion (quatre à la puissance 30) de séquences génomiques possibles, ce qui équivaut à peu près à la largeur de la Voie lactée, exprimée en mètres.</p>
<p>Cependant cette limite, calculée de façon purement mathématique, ne tient pas compte de la biologie du coronavirus. Elle est donc totalement inutile. En effet, quasiment aucun de ces génomes hypothétiques ne pourrait produire un virus à même de fonctionner correctement, c’est-à-dire capables d’infecter des cellules et de s’y multiplier. Cette obligation fondamentale, pour les mutations qui surviennent, de maintenir la machinerie virale en parfait état de marche signifie qu’il existe des contraintes évolutives qui limitent la rapidité et l’efficacité d’adaptation du virus. C’est une bonne nouvelle.</p>
<p>Autre bonne nouvelle : les experts sont <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-020-0690-4">relativement optimistes</a> concernant la menace que pourraient poser les mutations survenant dans le génome du coronavirus SARS-CoV-2. Cet activisme traduit le fait que l’immense majorité des mutations qui peuvent survenir ont des conséquences minimes voir nulles sur les fonctionnalités du virus. Si celui-ci peut, en théorie, explorer d’immenses étendues d’espace mutationnel, la quasi-totalité d’entre elles est incapable de donner naissance à un virus fonctionnel. Et une grande partie de celles qui restent ne serait pas à même de modifier son comportement.</p>
<p>Toutefois, si la plupart des mutations sont sans danger, dans cet espace mutationnel se trouvent aussi quelques microscopiques recoins (nichés eux-mêmes au cœur de microscopiques recoins…) dans lesquels des changements génomiques survenant exceptionnellement pourraient permettre au virus d’accéder à des innovations.</p>
<h2>À quelle vitesse le SARS-CoV-2 évolue-t-il ?</h2>
<p>Le séquençage du génome du SARS-CoV-2 nous a permis d’observer avec force détails le SARS-CoV-2 explorer son espace mutationnel. Nous savons désormais que son génome acquiert une <a href="https://theconversation.com/qanda-with-sharon-peacock-coronavirus-variant-hunter-154808">ou deux mutations par mois</a> en moyenne, ce qui, compte tenu de sa taille, représente un rythme de mutation environ quatre fois plus lent que celui du virus de la grippe. Ce résultat a été largement interprété comme positif. En effet, la logique veut qu’un génome plus stable offre moins de possibilités au virus d’échapper aux vaccins ou de se livrer à d’autres tours de passe-passe génétiques.</p>
<p>Dans ce contexte, l’émergence du variant dit « britannique » (alias « variant Kent », B.1.1.7 ou 20I/501Y.V1) a été remarquable et a donné à réfléchir. Les données de séquençage ont en effet révélé qu’il avait <a href="https://www.who.int/csr/don/31-december-2020-sars-cov2-variants/en/">accumulé 23 mutations</a> (soit l’équivalent de plusieurs années de modifications), et ce apparemment en une seule fois. La plupart de ces mutations ont peu d’importance au plan évolutif, mais d’autres sont responsables de l’augmentation du taux de transmission observé pour ce variant.</p>
<p>Pourquoi et comment cela s’est-il produit ? C’est au cours de leur réplication à l’intérieur d’un hôte humain que les virus mutent. Certaines de ces mutations peuvent modifier la façon dont ils interagissent avec les cellules humaines, y compris celles du système immunitaire. Il est possible que le variant dit « britannique » soit apparu chez un seul patient immunodéprimé, durant une infection de long terme. On peut par exemple imaginer qu’un <a href="https://virological.org/t/preliminary-genomic-characterisation-of-an-emergent-sars-cov-2-lineage-in-the-uk-defined-by-a-novel-set-of-spike-mutations/563">traitement par plasma de convalescent</a> (donc chargé d’anticorps), administré pendant plusieurs semaines, aurait pu permettre la sélection d’un tel variant chez un tel patient.</p>
<p>Des « poussées évolutives » similaires ont été observées ailleurs. Un « variant d’intérêt » récemment apparu en Tanzanie est par exemple porteur de <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.30.21254323v1">34 mutations distinctes</a>. Des exemples de recombinaison, où différents génomes de SARS-CoV-2 se combinent pour former un hybride, <a href="https://virological.org/t/recombinant-sars-cov-2-genomes-involving-lineage-b-1-1-7-in-the-uk/658">ont également été observés</a>. Bien que ces événements soient rares, leur importance potentielle pour l’évolution du virus ne doit pas être minimisée. Un taux de mutation moyen relativement faible ne correspond en effet pas systématiquement à un taux d’évolution bas…</p>
<h2>Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus</h2>
<p>La pression évolutive résultant de l’utilisation de thérapies à base d’anticorps (plasma de convalescent) a probablement constitué le déclencheur de l’émergence du variant dit « britannique ». La conséquence la plus évidente de cette évolution a été la propension accrue du variant à se transmettre plus facilement. Cela révèle qu’un même ensemble de mutations peut conférer au virus de multiples avantages, un phénomène connu sous le nom de « pléiotropie ».</p>
<p>Même si nous ne comprenons pas encore complètement les mécanismes biologiques impliqués, nous pouvons facilement identifier les mutations concernées à partir des données de séquences, car elles sont apparues <a href="https://www.medrxiv.org/content/medrxiv/early/2021/03/10/2021.02.23.21252268.full.pdf">à plusieurs reprises au cours de la pandémie</a>. En effet, les mutations surviennent de façon « aveugle », mais celles qui confèrent un avantage sont sélectionnées par la sélection naturelle, ce qui s’est déjà produit plusieurs fois : ce mécanisme est appelé « convergence évolutive ».</p>
<p>Une douzaine de mutations sont concernées. Elles se retrouvent, sous diverses combinaisons, chez tous les variants. Elles modifient la protéine Spike – la partie du virus qui se lie aux cellules humaines et lui permet de les infecter. Ce faisant, ces mutations ont entraîné une augmentation du nombre d’infections, et donc de décès. On peut cependant trouver un peu de réconfort dans le fait que leur nombre <a href="https://www.scientificamerican.com/article/the-coronavirus-variants-dont-seem-to-be-highly-variable-so-far/">semble être limité</a>… Il faut cependant aussi garder à l’esprit que les propriétés du SARS-CoV-2 ne sont probablement pas déterminées par des mutations isolées, mais plutôt par l’interaction de plusieurs d’entre elles. Cette perspective combinatoire ouvre au coronavirus de nouvelles zones d’espace mutationnel potentiellement fructueuses…</p>
<p>Comprendre comment des événements rares et isolés peuvent modifier la trajectoire de la pandémie tout entière doit nous alerter sur les dangers que représente la propagation incontrôlée du SARS-CoV-2. En effet, tout comme les chances de gagner à la loterie augmentent avec le nombre de billets achetés, la probabilité que des événements évolutifs rares conduisent à l’émergence de nouveaux variants préoccupants augmente avec le nombre de personnes infectées…</p>
<p>En définitive, s’il est difficile de prévoir comment pourrait évoluer le SARS-CoV-2, une chose est claire : il est impératif de maintenir le nombre de cas aussi bas que possible partout dans le monde, car les nouveaux variants ne respectent aucune frontière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ed Feil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le génome du coronavirus est constitué de 30 000 « lettres », ce qui signifie qu’il existe une quantité énorme de mutations possibles. Mais inutile de paniquer pour autant.
Ed Feil, Professor of Microbial Evolution at The Milner Centre for Evolution, University of Bath
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tag:theconversation.com,2011:article/159594
2021-04-22T15:42:37Z
2021-04-22T15:42:37Z
Variant indien : est-il plus contagieux, plus dangereux ?
<p>Le premier ministre Justin Trudeau a finalement pris des mesures pour freiner la propagation du variant indien, le B1617, - <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/04/21/un-premier-cas-de-variant-indien-decouvert-en-haute-mauricie">dont le premier cas a été recensé hier au Québec</a>. Les vols en provenance de l'Inde et du Pakistan <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1786966/legault-provinces-resserrement-frontieres-variant">sont interdits pour une période de 30 jours</a>. <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/04/22/covid-19-linde-recense-pres-de-315-000-nouveaux-cas-en-24-heures-un-record-mondial">L'Inde a recensé, mercredi, près de 315 000 nouveaux cas de Covid-19</a>, un record mondial.</p>
<p>Pendant ce temps, Le premier ministre britannique Boris Johnson a annulé son voyage en Inde et le pays a été ajouté à la <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-56806103">« liste rouge »</a> des destinations restreintes du Royaume-Uni.</p>
<p>En Grande-Bretagne, le variant est actuellement « en cours d’investigation », mais contrairement à ceux du Kent (B117), de l’Afrique du Sud (1351) et du Brésil (P1), il n’a pas été <a href="https://www.reuters.com/world/india/britain-is-investigating-variant-originating-india-2021-04-18/">désigné</a> comme « variant préoccupant »</p>
<p>Cela signifie-t-il qu’il ne faut pas s’en inquiéter ? Voici ce que nous savons de ses effets jusqu’à présent.</p>
<h2>Ce variant est-il plus contagieux ?</h2>
<p>Nous croyons que ce variant peut se propager plus facilement que les formes précédentes du virus. Cela est dû à une mutation qu’il porte, appelée L452R, qui affecte <a href="https://theconversation.com/new-coronavirus-variant-what-is-the-spike-protein-and-why-are-mutations-on-it-important-152463">la protéine spike du virus</a>. Il s’agit de la « clé » que le coronavirus utilise pour déverrouiller nos cellules.</p>
<p>La mutation L452R modifie la partie de la protéine spike qui interagit directement avec l’<a href="https://theconversation.com/ace2-the-molecule-that-helps-coronavirus-invade-your-cells-138369">ACE2</a>, la molécule à la surface de nos cellules à laquelle le virus se lie pour y pénétrer. <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.07.21252647v1">Les premières recherches</a> — qui doivent encore être examinées par d’autres scientifiques — suggèrent que la mutation L452R permet au virus de se lier aux cellules de manière plus stable. Pour les variants précédents, dont celui du Kent, des mutations comme celle-ci améliorent la capacité de liaison du virus et le rendent plus infectieux.</p>
<p>Le variant B1427 détecté en Californie contient la même mutation L452R que le B1617. Il est <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/cases-updates/variant-surveillance/variant-info.html">estimé</a> être environ 20 % plus transmissible que la forme antérieure du coronavirus qui circulait lors de la première vague.</p>
<h2>Est-il plus dangereux ?</h2>
<p>Les mutations telles que L452R, qui facilitent la liaison, n’entraînent pas nécessairement une maladie plus grave ou ne rendent pas le virus plus mortel. Par exemple, si la variante B1427 semble se propager plus facilement, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7941666/">recherches préliminaires</a> n’ont pas montré qu’elle était associée à des infections plus graves ou à des charges virales plus élevées. Il pourrait en être de même pour la variante B1617, bien que cela doive encore être étudié.</p>
<p>Mais l’impact que le B1617 pourrait avoir sur l’efficacité des vaccins est particulièrement préoccupant. La grande majorité des vaccins développés contre le coronavirus sont basés sur le ciblage de la protéine spike. Cette protéine se trouvant à la surface externe du virus, c’est elle que votre système immunitaire « voit » principalement lors d’une infection et contre laquelle il produit donc des anticorps efficaces. Si des mutations modifient la forme de la protéine spike, ces anticorps peuvent devenir moins efficaces.</p>
<p>En effet, des <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.04.02.438288v1">études</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33821281/">préliminaires</a> suggèrent que la mutation L452R pourrait aider le virus à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7366990/">échapper au système immunitaire</a>. En outre, le virus B1617 porte une deuxième mutation, appelée E484Q, qui modifie également la protéine spike. Les recherches suggèrent que de telles mutations (qui affectent la même zone de la protéine spike) peuvent également rendre le virus <a href="https://www.cell.com/cell-host-microbe/pdf/S1931-3128(21)00082-2.pdf">moins sensible</a> aux anticorps préexistants.</p>
<p>Les premières <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.04.03.438113v1">études non révisées</a> des effets de ces mutations sur le B1617 suggèrent qu’elles rendent effectivement la variante moins sensible aux anticorps générés précédemment. Cependant, il est important de souligner que ces résultats n’ont été démontrés que dans des expériences de laboratoire et non sur des personnes.</p>
<h2>Devons-nous être inquiets ?</h2>
<p>Le ministère indien de la Santé <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-asia-india-56507988">a déclaré</a> que l’augmentation du nombre de cas dans son pays n’est pas liée à ces mutations. Celles du B1617 n’ont pas été détectées en quantité suffisante pour déterminer si le variant est directement responsable. Cependant, cela peut être dû à un manque de données, et de nombreux experts ont souligné l’importance d’augmenter le séquençage du virus afin d’obtenir une meilleure image.</p>
<p>Il est encore trop tôt pour dire si cette variante constituera une menace importante pour les efforts de lutte contre le virus. Toutefois, comme toujours en matière de santé publique, il vaut mieux prévenir que guérir. Nous devons donc poursuivre nos efforts pour contrôler le virus, tant en termes de réglementation — masques, distanciation sociale, etc. — que de vaccination, dépistage de masse et de séquençage du génome. En continuant à combattre le virus, nous pouvons limiter l’impact de ce variant.</p>
<p>La plus grande source d’inquiétude serait que le B1617 sape les efforts de vaccination. Si ce variant est capable de provoquer la maladie chez les personnes vaccinées, il risque de créer des épidémies à grande échelle dans le monde entier.</p>
<p>Des travaux visant à créer des vaccins de rappel pour faire face aux variants actuels et futurs sont <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/mar/27/covid-booster-shots-could-go-to-at-risk-groups-in-september-uk-vaccines-minister">déjà en cours</a>, mais il est trop tôt pour dire s’ils seront nécessaires pour contrôler spécifiquement le B1617.</p>
<p>Cependant, un moyen plus efficace d’empêcher les variants de causer des problèmes dans le monde entier serait, en premier lieu, d’empêcher leur propagation. Des restrictions aux voyageurs, telles que celles observées en <a href="https://covid19.govt.nz/travel-and-the-border/travel-to-new-zealand/">Nouvelle-Zélande</a> et en <a href="https://www.forbes.com/sites/williamhaseltine/2021/03/24/what-can-we-learn-from-australias-covid-19-response">Australie</a>, peuvent sembler complexes, mais elles ont permis un retour à une normalité relative dans ces pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159594/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grace C Roberts travaille pour l'Université Queens de Belfast et reçoit des fonds du Wellcome Trust.</span></em></p>
Le variant indien, présent au Québec et au Canada, inquiète. Il peut se propager plus facilement et surtout, il rendrait moins efficaces les vaccins disponibles sur le marché.
Grace C Roberts, Research Fellow in Virology, Queen's University Belfast
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