tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/identite-20946/articlesidentité – The Conversation2024-03-24T17:50:00Ztag:theconversation.com,2011:article/2251212024-03-24T17:50:00Z2024-03-24T17:50:00ZComment les artistes queers se réapproprient leur image<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583268/original/file-20240320-30-ltxkk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C2014%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Exposition Zanele Muholi à Glasgow : Somnyama Ngonyama, Hail, the dark lioness.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/glasgowschoolart/38562156676">Flickr / Alan McAteer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Si la tradition artistique contribue à la légitimation d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2007-2-page-45.htm">canon</a> – un modèle unique et hégémonique du point de vue social et politique – fondé sur le modèle masculin, blanc, cisgenre, hétérosexuel, valide et de classe sociale aisée, des groupes ou des individus minoritaires n’ont pas eu historiquement les moyens matériels de se représenter et sont alors dépeints par le regard dominant.</p>
<p>Dans mon ouvrage, <a href="https://www.double-ponctuation.com/produit/art-queer-precommande/"><em>Art queer. Histoire et théorie des représentations LGBTQIA+</em></a>_ (éditions Double ponctuation, 2024), j’investis différentes perspectives pour explorer l’art <em>queer</em>, en posant notamment la question de la manière de représenter des subjectivités <em>queers</em>.</p>
<p>Le terme « queer » est une expression anglophone désignant ce qui est « étrange », « bizarre », « tordu », et <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-pensee-straight-2/">s’oppose à celui de « straight »</a>, signifiant « droit » mais aussi « hétérosexuel ». Il est alors d’abord utilisé comme une insulte pour qualifier des sexualités non-hétérosexuelles au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, avant d’être détourné de manière positive par les communautés concernées pour s’auto-qualifier, notamment avec l’émergence de groupes activistes comme <a href="https://queernationny.org/history">Queer Nation</a> dans les années 1980-1990 aux États-Unis, en pleine épidémie du sida.</p>
<p>Par son ancrage politique et social, mon travail met en évidence la réappropriation par les artistes LGBTQIA+ des images de leur propre communauté. Afin d’articuler la vie et l’expérience réelle des personnes avec l’image qui en est faite, des artistes s’emparent en particulier du format de la photographie.</p>
<h2>Travailler le passé et le présent</h2>
<p>Dans cette quête de « réparation » de la représentation des communautés <em>queers</em>, il est possible d’observer deux tendances. La première s’articule autour d’un retour sur le passé pour créer de l’archive politique, permettant à la communauté <em>queer</em> de s’identifier à des modèles. C’est le cas en particulier du travail de l’artiste libanais et <em>queer</em> <a href="https://www.mohamadabdouni.com/">Mohamad Abdouni</a> (1989-), qui vise à combler la lacune des images <em>queers</em> dans la culture libanaise.</p>
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<p>La deuxième tendance vise à travailler sur le présent, comme une sorte d’archive vivante, pour faire passer les corps minorés du statut d’objet à celui de sujet – à l’instar de l’artiste sud-africain·e non-binaire <a href="https://www.mep-fr.org/event/zanele-muholi/">Zanele Muholi</a> (1972-), avec la représentation des femmes lesbiennes noires en Afrique du Sud.</p>
<p>Tout en mettant en relation les notions de <em>queer</em> et de race (voir notamment : Michele Wallace, <a href="https://www.versobooks.com/products/1316-invisibility-blues"><em>Invisibility Blues</em></a>, Londres, Verso, 1990 ; bell hooks, <a href="https://aboutabicycle.files.wordpress.com/2012/05/bell-hooks-black-looks-race-and-representation.pdf"><em>Black Looks. Race and Representation</em></a>, Boston, South End Press, 1992), ces deux artistes confèrent à leurs séries de photographies un caractère documentaire et biographique, car elles se fondent sur la vie quotidienne des protagonistes photographiés. Si Abdouni et Muholi s’inscrivent dans l’élan de réappropriation des pratiques artistiques comme ce fut le cas au début du XX<sup>e</sup> siècle (avec Romaine Brooks ou Claude Cahun par exemple), faisant passer les personnes <em>queers</em> d’une position d’objet représenté à celle de sujet représentant, ils rompent avec les stratégies expérimentées lors de la crise de l’épidémie du sida, comme celles conceptuelles de Felix Gonzalez-Torres refusant le voyeurisme et le fétichisme pour laisser place à l’interprétation subjective. Ces deux artistes se tournent donc plutôt vers la fabrique de l’archive dont l’enjeu est la visibilité.</p>
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<p>Mohamad Abdouni réalise en 2022 une sorte de reportage photographique intitulé <em>Treat Me Like Your Mother. Trans Histories From Beirut’s Forgotten Past</em>, conservé à la Fondation arabe pour l’image, accompagné d’entretiens qui retracent les mémoires de dix femmes transgenres de Beyrouth dans les années 1980 et 1990. Abdouni raconte leurs souvenirs d’enfance, la guerre du Liban, les épisodes heureux de leurs vies et leur précarité. Il montre par exemple des images d’archives prises par des anonymes d’une femme transgenre nommée Em Abed dans des moments d’intimité : au milieu d’une fête, dans un bus, apprêtée ou sans maquillage. Commencée en 2006, la série <em>Being</em> de Muholi montre quant à elle la vie quotidienne de plusieurs couples de lesbiennes noires dans l’espace privé de la maison, posant de manière assurée, s’embrassant, se lavant, etc.</p>
<h2>Pour des récits collectifs</h2>
<p>Ces deux projets sont menés en relation étroite avec les communautés représentées : <em>Treat Me Like Your mother</em> de Mohamad Abdouni est réalisée en collaboration avec Helem, une association militante <em>queer</em> qui l’aide à rassembler des photographies, lesquelles feront également l’objet d’un numéro spécial de <a href="https://www.coldcutsonline.com/"><em>Cold Cuts</em></a>, un magazine collaboratif créé en 2017 consacré aux cultures <em>queers</em> dans la région de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique du Nord, dont il est rédacteur en chef. De son côté, Zanele Muholi collabore avec les membres – qui sont ses modèles – du <a href="https://inkanyiso.org/about/">collectif Inkanyiso</a> (« lumière » en isizulu, la langue natale de Muholi), lequel a fondé un média <em>queer</em> d’information et artistique créé la même année que la série.</p>
<p>L’impression de familiarité et de collectivité, renforcée pour l’un par un titre qui appelle au respect des femmes transgenres comme si elles étaient nos propres mères, et pour l’autre par une iconographie de l’espace intime, relève en fait d’un positionnement politique dans le champ de la représentation. En effet, la photographie permet ici de visibiliser sans altériser et essentialiser des récits inédits qui entrent en rupture avec les représentations canoniques, telles que celles de <a href="https://iris.unipa.it/retrieve/e3ad891a-f9e2-da0e-e053-3705fe0a2b96/0%20DE%20SPUCHES%20-%20Geotema%20Sguardi%20di%20genere%20Muholi.pdf">l’espace domestique entretenu par des femmes hétérosexuelles</a>.</p>
<h2>Changer de regard pour se (re)construire</h2>
<p>Le caractère documentaire des photographies de Mohamad Abdouni et de Zanele Muholi cherche à émanciper les membres de la communauté <em>queer</em> libanaise et sud-africaine d’un regard extérieur. Elles résistent au sensationnalisme humiliant et morbide des images banalisées dans les médias en valorisant d’autres représentations que celles produites en Occident, véhiculant une certaine représentation des sociétés non occidentales comme homophobes et transphobes. En effet, ce type de production, au plus près des personnes concernées, construit une image plus nuancée de ces sociétés, et déjoue le statut figé de victimes de violence et d’exclusion assigné aux personnes LGBTQIA+ en leur conférant une subjectivité et une agentivité.</p>
<p>Cette capacité à agir sur son environnement – en termes géographiques mais aussi politiques et sociaux – passe également par la capacité à agir sur soi-même : les personnes minoritaires sont capables de se définir, de se construire en négociation avec les rapports de domination d’un canon universel. Ce processus suscite dans l’art un changement de statut chez les artistes. Des artistes <em>queers</em> utilisent ainsi l’autoportrait photographique pour non seulement présenter un état de fait stabilisé et figé, mais aussi documenter le processus de construction de leur identité (voir le travail de Del LaGrace Volcano, notamment <em>The Drag King Book</em>, co-publié en 1999 avec Jack Halberstam).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581742/original/file-20240313-30-tmgvs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Art queer. Histoire et théorie des représentations LGBTQIA+ », éditions Double ponctuation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jérôme Pellerin-Moncler</span></span>
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<p>S’affranchir du regard dominant constitue un enjeu pour un certain nombre d’artistes contemporains, qui tentent ainsi de se réapproprier la manière dont leurs propres communautés sont représentées. En effet, il s’agit pour elles et eux de montrer qu’ils sont légitimes à être pris en compte, simplement du fait de leur existence. En offrant un nouvel espace de visibilité par la photographie, ces enjeux artistiques s’inscrivent dans le débat de la politique de représentation, déployé en particulier dans des travaux féministes des années 1970, qui mettent en exergue les rapports de pouvoir qui sous-tendent les représentations des femmes (voir à ce sujet, « Représenter les femmes, la politique de la représentation du soi », dans <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/chair-a-canons"><em>Chair à canons. Photographie, discours, féminisme</em></a>, Paris, éditions Textuel, 2016, pages 229 à 252).</p>
<p>Comme j’essaye de le montrer dans mes travaux, la manière dont les notions de genre ou de race (entre autres) prennent forme dans les images participe fondamentalement à la construction de l’identité d’un groupe social. Rassemblant des artistes à la fois incontournables et émergeants, des œuvres et des musées, la réflexion que je propose me semble contribuer à la connaissance d’un sujet encore en développement, dont les enjeux sont très actuels et vont sans doute marquer durablement les musées et l’histoire de l’art.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Petit Dit Duhal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Afin d’articuler la vie et l’expérience réelle des personnes avec l’image qui en est faite, des artistes s’emparent en particulier du format de la photographie.Quentin Petit Dit Duhal, Docteur en Histoire de l'art, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195592024-01-04T15:01:52Z2024-01-04T15:01:52ZAvoir des enfants rend-il plus heureux ? Voici ce qu'en dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565820/original/file-20231214-23-m023ti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bonheur et l’épanouissement que l’on ressent en prenant cette décision dépendront de nombreux facteurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Dans plusieurs régions du monde, la <a href="https://doi.org/10.1007/s11205-011-9865-y">croyance dominante</a> stipule qu’avoir des enfants est la clé du bonheur, et que les personnes qui n’en ont pas sentent que leur existence n’est pas satisfaisante.</p>
<p>Mais est-ce vraiment le cas ? La réponse à cette question est à la fois simple et complexe. Le sentiment d’épanouissement que l’on ressent dans sa vie, que l’on décide ou non d’avoir des enfants, dépend d’une grande diversité de facteurs.</p>
<p>Examinons d’abord la réponse simple : non, nous n’avons pas besoin d’avoir d’enfants pour être <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1066480720911611">heureux et épanouis</a>.</p>
<p>Les études menées auprès de femmes qui ont choisi de ne pas devenir mères montrent que la plupart d’entre elles ont un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277539514001824">bon sens de l’identité et de l’individualité</a>. Elles ne se sentent pas définies par leur rôle au sein de la famille et estiment avoir <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0891243202238982">plus de liberté</a> et de maîtrise de leur corps, de leur vie et de leur avenir. Les femmes sans enfants font également état d’une plus grande <a href="https://doi.org/10.1177/0192513X07303879">stabilité financière</a>, même s’il n’est pas nécessaire d’avoir un <a href="https://www.jstor.org/stable/353143?origin=crossref">statut socio-économique</a> élevé pour être bien avec la décision de ne pas avoir d’enfants.</p>
<p>En moyenne, les femmes et les hommes qui n’ont pas d’enfants sont aussi <a href="https://doi.org/10.1207/S15374424JCCP2904_13">moins stressés</a>, et se déclarent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165032721013926">plus satisfaits</a> de leur mariage.</p>
<p>Il existe peu de recherches sur les hommes célibataires et leur expérience de ne pas avoir d’enfants – et encore moins sur celle des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15240657.2019.1559515">personnes transgenres ou queers</a>. Cependant, une étude portant sur des hommes ayant choisi de renoncer à la paternité a révélé que la plupart se déclarent contents de leur décision et se félicitaient de jouir d’une plus grande liberté dans leur vie. Seul un petit nombre d’entre eux ont exprimé des regrets quant à leur choix, principalement parce qu’ils ne <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/chosen-lives-of-childfree-men-9780897895989/">laisseraient pas d’héritage</a>.</p>
<p>Toutefois, les hommes sans enfants risquent de voir leur <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0192513X07303879">degré de satisfaction générale diminuer</a> à un âge avancé s’ils ne <a href="https://academic.oup.com/esr/article-abstract/26/1/1/538246?redirectedFrom=fulltext">bénéficient pas d’un soutien social</a>.</p>
<h2>Le paradoxe de la parentalité</h2>
<p>C’est lorsqu’il s’agit de décider d’avoir ou non des enfants que les choses se compliquent un peu.</p>
<p>Si les parents peuvent sans aucun doute vivre heureux et épanouis, la satisfaction qu’ils éprouvent à l’égard de cette décision s’étale généralement dans le temps et peut également dépendre de multiples facteurs sur lesquels ils n’ont pas d’emprise.</p>
<p>Au début, beaucoup de parents ressentent une <a href="https://psycnet.apa.org/record/2010-13310-011">baisse temporaire de leur bien-être</a> après la naissance d’un enfant, un phénomène connu sous le nom de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-21502-002">« paradoxe de la parentalité »</a>. En effet, un nouveau bébé peut entraver la satisfaction de nombreux besoins fondamentaux, tels que le sommeil, l’alimentation et les contacts avec les amis. Cette situation peut être source de mécontentement.</p>
<p>Les femmes hétérosexuelles <a href="https://doi.org/10.1111/j.1741-3737.2003.00574.x">se déclarent aussi plus malheureuses</a> que les hommes lorsqu’elles deviennent parents. Cela peut s’expliquer par le fait que la charge des soins tend à peser de manière disproportionnée sur elles.</p>
<p>Mais le fait de bénéficier d’un bon <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5222535/">soutien familial et social</a>, d’un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6294450/">co-parent actif et également investi</a>, et de vivre dans une région dotée de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/social-policy-and-society/article/abs/introduction-parenting-support-in-the-nordic-countries-is-there-a-specific-nordic-model/18BFF0AB8EACD27F826AEDB573AEB237">politiques de soutien au travail et à la famille</a> peut compenser le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-011-9865-y">stress et les coûts liés à l’éducation des enfants</a>.</p>
<p>C’est probablement la raison pour laquelle les femmes norvégiennes <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-3-319-69909-7_3710-2">ne font pas état</a> d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053535705001733">perte de bonheur</a> lorsqu’elles ont des enfants, car la Norvège dispose de nombreuses politiques favorables à la famille qui permettent aux deux parents d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0959353505051730">élever leurs enfants tout en menant une carrière</a>.</p>
<p>Bien qu’être parent puisse s’avérer difficile, il ne faut pas en conclure que le bonheur, la joie et une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956797612447798">vie plus épanouie</a> sont impossibles à atteindre. L’expérience parentale peut même engendrer une forme profonde de bien-être appelée « eudémonique ». Il s’agit du sentiment que votre vie vaut la peine d’être vécue, ce qui est différent du bonheur à court terme.</p>
<p>Les hommes comme les femmes peuvent ressentir un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11482-021-10020-0">bien-être eudémonique positif</a> lorsqu’ils <a href="https://doi.org/10.1177/0192513X18758344">deviennent parents</a>. Mais pour ces dernières, l’augmentation du <a href="https://psycnet.apa.org/journals/bul/140/3/846">bien-être eudémonique</a> dépend également de l’équilibre entre les tâches parentales et celles de leur partenaire.</p>
<h2>Faire face aux regrets</h2>
<p>Une autre préoccupation majeure est de savoir si on regrettera de ne pas avoir eu d’enfants.</p>
<p>Il est rassurant de constater que les recherches menées auprès de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1066480720911611">personnes âgées</a> n’ayant pas eu d’enfants montrent qu’un grand nombre d’entre elles se déclarent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2190/8PTL-P745-58U1-3330">comblées</a> et font preuve de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-015-1177-1">résilience</a> face aux problèmes de santé mentale.</p>
<p>Il semble que la principale clé pour être heureux de <a href="https://doi.org/10.1177/1066480716648676">sa décision d’avoir ou non des enfants</a> dépende du fait que l’on se sente maître de cette décision. Lorsqu’on a le sentiment d’avoir choisi sa voie, on tend à assumer ses décisions et à en tirer une plus grande satisfaction.</p>
<p>Mais que se passe-t-il si ce choix vous a été retiré, que vous vouliez un enfant sans pouvoir y parvenir ? Peut-on être heureux dans ce cas ? Notre étude montre que la réponse est un oui retentissant.</p>
<p>Nous nous sommes intéressés aux <a href="https://iacp.ie/files/UserFiles/00981%20IJCP%20Q1-23%20-%20Full_1.pdf">conséquences de l’infécondité</a> auprès de 161 femmes britanniques qui souhaitaient être mères sans avoir pu le devenir pour diverses raisons, telles que l’impossibilité de trouver un partenaire ou l’infertilité. Les participantes étaient âgées de 25 à 75 ans.</p>
<p>Nous avons constaté qu’en moyenne, le bien-être des participantes n’était pas différent de celui du public en général. Alors que 12 % d’entre elles vivaient mal cette situation (elles avaient l’impression que leur vie n’avait pas de but), 24 % s’épanouissaient psychologiquement, faisant état du niveau de santé mentale le plus élevé. Les autres ont connu des niveaux de bien-être modérés.</p>
<p>Il est intéressant de noter que, pour certains, les efforts déployés pour avoir un enfant se sont traduits par une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2468749920300764">croissance post-traumatique</a>. Cette notion fait référence aux changements psychologiques positifs qui surviennent après un événement traumatisant. Les femmes dont le niveau de bien-être est le plus élevé ont déclaré que de se concentrer sur de nouvelles possibilités dans leur vie, en dehors du fait d’être mère, les a aidées à améliorer leur bien-être.</p>
<p>Des études menées auprès d’hommes qui n’ont pas pu avoir d’enfants pour cause d’infertilité indiquent que nombre d’entre eux ont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02646838.2010.544294">éprouvé de la tristesse</a> par la suite, même si cette tristesse s’est atténuée avec l’âge. Mais comme pour les femmes involontairement privées d’enfants, repenser leur identité et leur rôle dans la société en <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.1177/1097184X99002001002">dehors de la paternité</a> a aidé beaucoup d’entre eux à trouver un sens et une satisfaction à leur vie.</p>
<p>La parentalité conduit-elle au bonheur ? L’infécondité nous rend-elle malheureux ? La réponse à ces questions n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Le bonheur ou l’épanouissement que nous ressentons dépend de nombreux facteurs, dont beaucoup échappent à notre volonté. Si la manière dont on choisit de donner un sens à sa vie est effectivement un élément clé, le soutien social qui nous est apporté pour devenir parent et le climat politique dans lequel nous vivons le sont tout autant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219559/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’étude que nous avons menée montre clairement que l’on peut être heureux même si on souhaite avoir un enfant, mais qu’on n’y parvient pas.Trudy Meehan, Lecturer, Centre for Positive Psychology and Health, RCSI University of Medicine and Health SciencesJolanta Burke, Senior Lecturer, Centre for Positive Health Sciences, RCSI University of Medicine and Health SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157522023-11-27T17:17:13Z2023-11-27T17:17:13ZLes adolescents et les jeunes adultes face à leur identité de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560779/original/file-20231121-3914-b90cuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C103%2C2995%2C1890&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Gender fluid », « non-binaires », « queer » ou bien encore « genre ». La palette des auto-determinations de genre augmente progressivement, jusqu’à épouser des formes jusque-là inconnues. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mode-femmes-poser-modeles-7391040/">Polina Tankilevitch/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les jeunes adultes et adolescent·e·s d’aujourd’hui adoptent, vis-à-vis de leur identité de genre, des représentations et des pratiques qui bousculent beaucoup les adultes et les institutions. En témoignent d’ailleurs un nombre important de productions cinématographiques ou <a href="https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2022-3-page-58.htm">littéraires</a>.</p>
<p>Ecole, famille ou espaces de santé : de nécessaires réajustements administratifs, politiques et relationnels sont aussi en cours. Mais que savons-nous de ces « nouvelle » identités de genre ?</p>
<p>« Gender fluid », « non-binaires », « queer » ou bien encore « genre ». La palette des autodéterminations de genre augmente progressivement, jusqu’à épouser des formes jusque-là inconnues. C’est dire combien les identités de genre ont subi depuis quelques décennies d’importantes modifications. Premièrement, elles se sont autonomisées de la médecine ou des catégories mentales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<p><strong>À lire aussi :</strong></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a></p></li>
</ul>
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<p>Du « transsexualisme » d’antan, il ne reste plus grand-chose, au bénéfice d’un terme parapluie plus englobant et moins pathologisant : les <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2012-3-page-263.htm">transidentités</a>. Deuxièmement, ces notions se sont multipliées. En 2020, une enquête sur la santé des personnes LGBTI porte à 43 le nombre d’identités de genre et de sexualité recensées parmi les réponses auto-administrées dans le <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/sante-lgbt-les-minorites-de-genre-et-de-sexualite-face-aux-soins/">questionnaire de l’étude</a>. Mais au fond, de quoi parle-t-on en réalité ?</p>
<p>Pour le dire clairement, il s’agit là de personnes qui ressentent ou expriment une identité de genre non conforme (partiellement ou totalement, définitivement ou momentanément) à ce qui est attendu, du fait de l’attribution de sexe à la naissance, par les normes de genre.</p>
<h2>Des « folles » aux queers</h2>
<p>Ces « nouvelles » identités de genre rappellent parfois des terminologies anciennes, depuis modifiées. On pense ainsi <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/folles_de_france-9782707152572">« aux folles »</a> qui aujourd’hui s’identifient plus à des personnes queers.</p>
<p>Ces identités comportent quelques caractéristiques. D’une part, elles apparaissent plus chez les minorités de sexualité que dans la population hétérosexuelle. Cette déconstruction des catégories de genre au sein des minorités sexuelles est ainsi documentée par des études récentes qui prouvent que les gays et les lesbiennes se sentent respectivement beaucoup moins masculins et féminines que <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">leurs homologues hétérosexuel·le·s</a> et que la part des personnes se déclarant « non-binaires » ou « gender fluide » est principalement <a href="https://hal.science/hal-04179130/document">concentrée au sein de la population LGBTI</a>.</p>
<p>Mais ces études sont aussi parvenues à démontrer que ces appellations sont fortement générationnelles. Récemment apparues (en France particulièrement), tardivement défendues par des identifications médiatiques positives et reprises par les réseaux sociaux, elles se concentrent principalement chez les mineur·e·s et les jeunes adultes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lunivers-du-drag-francais-rencontre-le-grand-public-192965">Quand l’univers du « drag » français rencontre le grand public</a>
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<h2>Mais de « combien » de jeunes parlons-nous ?</h2>
<p>Une question reste en suspens : combien sont-ils ces mineurs « trans » ou ces mineurs « non binaires » ? Avant de répondre à cette question, il faut comprendre que le mode de calcul de cette population n’est pas aisé : d’une part car ce sont des expressions de genre encore bien souvent tues, d’autre part il existe une « boite noire » en matière de mesure, si l’on focalise la quantification à partir des centres hospitaliers – que beaucoup ne fréquentent pas.</p>
<p>Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28838353/">premières mesures</a> font état d’environ 1 % de la population que l’on pourrait identifier comme « trans » au sens large, mais aussi « non-binaires » ou « gender fluide ». Évidemment, ces identifications ne se superposent jamais parfaitement. Les mineurs trans sont par exemple plus nombreux à avoir recours à des bloqueurs hormonaux que les jeunes non binaires.</p>
<p>Mais d’autres méthodes ont fini par voir le jour, comme le recensement dans des établissements scolaires (ce qui n’est pas réalité en France). Ainsi, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, des enquêtes localisées parviennent à fournir des chiffres oscillants entre 1 % et 1,2 % d’un effectif <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24438852/">d’élèves et d’étudiant·e·s</a>.</p>
<p>Aux côtés des identités, on trouve également des mineurs qui entament des démarches de changement de prénom ou de genre. En France les centres hospitaliers offrent des protocoles d’accompagnement à ces mineurs et publient <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0222961722001672">régulièrement des résultats issus de leurs cohortes</a>.</p>
<p>En 2022, l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) publie un premier chiffre relatif à la prise en charge des demandes d’ALD (affections longue durée) en concertation avec la CNAM (Caisse nationale de l’Assurance maladie) et relève 294 mineurs bénéficiant d’une prise en charge (principalement pour des hormonothérapies ou des prises de bloqueurs hormonaux).</p>
<p>Cette cohérence des données semble indiquer un part relativement faible de jeunes s’identifiant comme trans ou non-binaires. Nous sommes donc loin <a href="https://www.huffingtonpost.fr/medias/article/dans-quotidien-elisabeth-roudinesco-choque-avec-des-propos-sur-les-personnes-trans_178027.html">d’une épidémie</a>.</p>
<p>Et quand bien même les chiffres augmenteraient, les effectifs restent excessivement faibles. On observe donc qu’entre la mesure statistique d’un phénomène et son traitement médiatique, un gouffre semble se dessiner. Néanmoins, ces faibles pourcentages semblent provoquer <a href="https://theconversation.com/le-wokisme-ou-limport-des-paniques-morales-172803">« une panique morale »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-t-comme-transgenre-168429">« Les mots de la science » : T comme transgenre</a>
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<h2>Des affirmations de soi diverses</h2>
<p>Et si nous expliquions l’expression de ces identités par autre chose que des « troubles », des « confusions d’adolescents », des « erreurs » et des « influences néfastes » ? Et si nous regardions du côté des identifications qui rendent possibles les récits et les affirmations de soi ?</p>
<p>Ceci viendrait alors expliquer d’autres données, obtenues par sondage et dont on pourrait interroger la solidité, mais qui indiquent par exemple que « 11 % des adultes interrogés par <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20190327.OBS2526/ni-homme-ni-femme-14-des-18-44-ans-se-disent-non-binaires.html">YouGov</a> pour <em>L’Obs</em> ne se reconnaissent pas dans la dichotomie de genre femme/homme » ou bien encore qu’« en 2020, selon un sondage Ifop, 22 % des 18-30 ans déclarent ne pas se reconnaître dans le schéma <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/entretien-les-termes-non-binaire-a-genre-font-desormais-partie-du-vocabulaire-courant-7115403">« fille ou garçon »</a>.</p>
<p>Que disent ces éléments chiffrés ? À défaut de révéler des expériences intimes durables ou stabilisées, ils donnent une indication sur la <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2016-2-page-7.htm">« détraditionnalisation » des identités de genre chez certains jeunes</a>.</p>
<p>Car au-delà des enjeux de chiffrage, ces questions apparaissent aujourd’hui dans de nombreux contextes embarrassés de devoir les traiter (pensons à l’école notamment).</p>
<p>Si la parole se libérée c’est également que des identifications positives, à l’image de l’homosexualité jadis sont aujourd’hui <a href="https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2022-3-page-52.htm">possibles</a>.</p>
<h2>Une modification dans les imaginaires</h2>
<p>Loin d’un « effet de mode » ou d’un fantasme médiatiquement produit, on assiste plutôt à des modifications dans les imaginaires qui accompagnent les expressions de ces nouvelles identités de genre.</p>
<p>Les films comme <em>Petite Fille</em> de Sébastien Lichshitz (2020) ont très largement participé à une meilleure visibilité de cette question – non sans une polémique importante autour de sa sortie. Sébastien Lifshitz filme alors le quotidien de Sasha, une jeune enfant transgenre, scolarisée en primaire. Au-delà de Sasha, ce sont les membres de sa famille qui sont suivis dans leurs combats quotidiens et notamment de sa mère, Karine, pour que son école reconnaisse son identité de genre.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Petite Fille</em>, Sébastien Lifshitz, 2020.</span></figcaption>
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<p>Le succès télévisuel du documentaire met un coup de projecteur sur l’existence des mineurs trans. Pour autant, de nombreuses zones d’ombres demeurent en matière de connaissance de cette population. Des récits de parents viennent remplir un besoin croissant d’informations sur ce sujet : on pense notamment au livre <a href="https://www.decitre.fr/livres/mon-ado-change-de-genre-9782875574466.html"><em>Mon ado change de genre</em></a> d’Élisa Bligny (2020).</p>
<p>Au côté des récits de vie, des productions fictionnelles – comme des bandes dessinées – sont publiées à destination du jeune public (on soulignera notamment <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/appelez-moi-nathan-9782228921626"><em>Appelez-moi Nathan</em></a> de Catherine Castro et Quentin Zuttion, ou bien encore <em>Léo et Sasha</em> d’Elisa Bligny). Mais il faut également compter sur les séries. Les personnages trans ou non binaires (pensons à la série <em>Heart Stopper</em>) diffusent-ils aussi des imaginaires et des récits positifs, loin de toute honte ou culpabilisation.</p>
<h2>Des violences ordinaires récurrentes</h2>
<p>Mais pouvons-nous pour autant en conclure que cette visibilité crée moins de stigmatisations ? Une récente enquête de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) souligne <a href="https://www.cncdh.fr/sites/default/files/2022-05/CNCDH%20Rapport%202022%20Droits%20LGBTI%2C%20pdf%20web.pdf">« une adhésion globalement faible aux stéréotypes sur les LGBT »</a>.</p>
<p>Pourtant, les chiffres des violences LGBTphobes ne diminuent pas, comme en attestent les rapports de <a href="https://www.sos-homophobie.org/informer/rapport-annuel-lgbtiphobies/ra-2022">SOS Homophobie</a>. On observe alors que le changement des imaginaires ne donne pas toujours lieu, immédiatement du moins, à un changement dans les pratiques.</p>
<p>Et si les imaginaires de la diversité des genres accompagnent les personnes concernées vers plus d’affirmation, elles touchent encore trop diversement les personnes non concernées.</p>
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<p>_L'auteur a récemment publié <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/289697-jeunesse-de-nouvelles-identites-de-genre">« Jeunesse : de nouvelles identités de genre? » (Documentation française)_</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Alessandrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Gender fluid », « non binaires », « queer »… La palette des autodéterminations de genre augmente progressivement parmi les jeunes générations. Décryptage.Arnaud Alessandrin, Sociologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104112023-08-22T20:46:59Z2023-08-22T20:46:59ZComment se construisent les identités végétariennes ou végétaliennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539959/original/file-20230728-21-434fnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C5751%2C3802&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les sociétés occidentales, le végétarisme et le végétalisme sont essentiellement motivés par des préoccupations de santé ou par des préoccupations relatives au bien-être animal ou à la protection de la nature. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’été battant son plein, il se pourrait bien que pour vous octroyer un petit plaisir vous recherchiez un restaurant où savourer de succulents mets en famille ou entre amis. Peut-être même que vous utiliserez une application mobile, telle The Fork, TripAdvisor ou encore Yelp pour vous aider à trouver le lieu parfait.</p>
<p>Mais dans certains cas, par exemple si vous ou l’un des convives pratiquez une alimentation végétarienne (exclure la viande rouge, la volaille ou le poisson) ou végétalienne (exclure toute forme de produits d’origine animale), d’autres applications plus spécialisées peuvent être mieux adaptées à vos besoins. Par exemple, Happy Cow se présente comme « la plus grande communauté végétalienne et carte alimentaire au monde ».</p>
<p>Au-delà de sa fonctionnalité de carte alimentaire, <a href="https://www.happycow.net/members/search?imageOnly=1&sort=last_activity&order=desc&page=1">Happy Cow</a> regroupe une communauté qui permet à ses membres d’entrer en contact et d’échanger des conseils pour suivre avec plus de facilité leur régime alimentaire. Cette pratique n’est pas nouvelle et fait écho à ce que la littérature académique nomme les <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.anthro.31.040402.085436">communautés en ligne</a>. Plus largement, une communauté, qu’elle soit en ligne ou non, peut se révéler intéressante et utile dans le soutien à une pratique alimentaire végétarienne ou végétalienne.</p>
<p>Nous avons mené une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698923002175?dgcid=coauthor">enquête</a> et interrogé 19 végétariens et végétaliens. L’objectif était de mieux comment se construit l’identité végétarienne et végétalienne et le rôle de différents types de communautés mentionnées : communautés imaginaires ou réelles (physiques ou en ligne). La recherche en <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/15/2/139/1841428">comportement du consommateur</a> indique que les consommateurs construisent leurs identités personnelles et sociales via leurs interactions avec les ressources disponibles sur le marché (par exemple, les marques, les produits et les expériences), leurs choix de consommation et leurs comportements. Pour certaines personnes, être végétarien ou végétalien peut être bien plus qu’un simple régime alimentaire ; cela définit qui elles sont et constitue une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666317300806">caractéristique centrale de leur identité</a>.</p>
<h2>Des identités souvent mises à rude épreuve</h2>
<p>Dans les sociétés occidentales, le végétarisme et le végétalisme sont essentiellement motivés par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666318309309?via%3Dihub">préoccupations de santé</a> ou par des préoccupations relatives au bien-être animal ou à la protection de la nature.</p>
<p>Adopter ce mode de vie est un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666318309309">processus complexe</a> dans une société qui fait traditionnellement la part belle à la viande, et cela nécessite un effort certain.</p>
<p>Les personnes qui excluent la viande et les produits d’origine animale peuvent par ailleurs facilement se trouver <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666318313874">stigmatisées</a> ou confrontées à des attitudes ou stéréotypes négatifs. Par exemple, les hommes qui ne consomment pas de viande sont perçus comme <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07409710.2017.1420355?journalCode=gfof20">plus féminins</a> ou <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195666311000341">moins masculins</a> que leurs homologues omnivores.</p>
<p>Ainsi, pour défendre leur identité et leurs valeurs, les végétariens et végétaliens rechercheront volontiers aide et soutien auprès d’autres personnes ayant un profil similaire au leur, et qui pourront les guider et les conforter dans leurs choix et leurs comportements de consommation.</p>
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<h2>Les effets du recours à des communautés</h2>
<p>Une première expression d’une communauté évoquée par les répondants concerne les communautés « imaginaires ». Ces dernières sont abstraites, fondées sur une identité commune, et se caractérisent par l’absence d’échange entre les membres : « Je fais partie des personnes qui ont commencé à réfléchir à changer leur façon de consommer » affirme ainsi Baptiste, l’une des personnes interrogées au cours de notre enquête. Christophe, lui, s’associe à « ceux qui pensent à l’avenir ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539965/original/file-20230728-19-grpb0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces communautés « imaginaires » représentent un ensemble de personnes avec lesquelles les individus se sentent connectés ou par rapport auxquelles ils se définissent, dans leurs pratiques ou leurs convictions.</p>
<p>Au-delà de ces communautés d’identité, la plupart des répondants font aussi référence à de « vraies communautés », en ligne ou physiques. Ils mentionnent souvent des sites spécifiques, des forums en ligne ou des groupes Facebook. À travers ces communautés en ligne, ils recherchent des informations pratiques sur ces régimes alimentaires et ils cherchent à étayer leurs choix par des arguments factuels (par exemple, les impacts environnementaux de la consommation de viande).</p>
<p>Les répondants mentionnent également des communautés physiques : des groupes formels comme des associations (par exemple <a href="https://www.l214.com/">L214</a> qui lutte contre la maltraitance animale) ou des partis politiques et des groupes informels définis autour d’un contexte, d’une situation ou d’un lieu spécifique (par exemple, un fast-food végétalien, un groupe d’amis véganes). Ces communautés physiques offrent un soutien pratique et un contexte social où les individus peuvent se rencontrer et échanger avec des personnes partageant les mêmes valeurs.</p>
<p>Toutes ces communautés sont, pour de nombreux répondants, un catalyseur du passage des convictions à la pratique. Alexandre a appris à être végétarien avec ses colocataires : « L’un était végétarien depuis 10 ans, et l’autre depuis au moins 5 ans. C’était parfait pour commencer à cuisiner avec des légumes, pour faire des repas équilibrés, sans viande ».</p>
<p>Les communautés sont fréquemment utilisées par nos répondants pour recueillir des informations pratiques et des connaissances liées à leur alimentation. Si certains peuvent utiliser ces ressources passivement, cherchant simplement des conseils pour faciliter leur propre pratique, d’autres comme Alexia contribuent activement à la communauté en échangeant des recettes de cuisine et autres astuces : « C’est bien de pouvoir diffuser tout ce que nous avons appris en quatre ans de compilation d’informations, car il y a beaucoup de gens qui s’intéressent aux recettes sans viande sans vouloir se dire végétariens. »</p>
<p>Pour certains, comme Edouard, ces communautés aident à partager des convictions et à développer des arguments grâce aux informations qu’il a trouvées via l’ONG Greenpeace. Cela lui a permis de demander à la cantine de son lieu de travail de proposer des plats végétaliens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Que se passerait-il si tout le monde était végan ? (Le Monde).</span></figcaption>
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<h2>Le rapport aux communautés dans le processus de construction identitaire</h2>
<p>La communauté peut être comprise comme une forme de refuge, une façon d’être rassuré dans ses choix de consommation et de partager des bons moments. Cela intervient à différents moments de la construction identitaire, selon le vécu de chacun, et permet d’affirmer son identité en renforçant à la fois ses convictions et ses pratiques. Ce mécanisme d’affiliation semble perdre de son importance lorsque la pratique s’est installée.</p>
<p>Il semblerait donc que l’affirmation de son identité, tant pour soi que par rapport aux autres, soit plutôt recherchée au début du processus afin de renforcer les convictions qui ont commencé à se dessiner.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/veganisme-tout-ce-quil-faut-savoir-sur-les-fromages-vegetaux-185986">Véganisme : tout ce qu’il faut savoir sur les fromages végétaux</a>
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<p>Une fois les convictions et les pratiques mieux affirmées, plusieurs répondants expliquent comment leur identité se consolide ensuite en se distinguant de certaines sous-communautés, imaginées ou réelles. Autrefois végétarien, Alexandre a quitté sa colocation car il ne se considérait pas comme eux. Plus largement, il s’oppose aujourd’hui à ce qu’il appelle le « végétarisme sectaire ».</p>
<p>Louise, même si elle est végétalienne, ne se reconnaît pas du tout, dans ce qu’elle appelle la « police vegane ». Ces mécanismes d’affirmation par la distinction semblent prendre de l’importance lorsque la pratique s’est installée. Elle consiste à affirmer son identité tant pour soi que par rapport aux autres, à travers une affirmation plus précise de convictions.</p>
<p>Avec l’augmentation du nombre d’individus végétariens, végétaliens et fléxitariens (ceux qui cherchent à limiter leur consommation de produits d’origine animale), ces communautés auront certainement un rôle encore plus fort à jouer dans les années à venir.</p>
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<p><em>Cet article a été réalisé en collaboration avec Margot Dyen (Université de Savoie, IREGE Chambéry), Lucie Sirieix (L’Institut Agro Montpellier, UMR MoISA France), Erick Suarez (Université de Montpellier, MRM France).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les personnes qui excluent la viande et les produits d’origine animale de leur consommation alimentaire peuvent facilement se trouver stigmatisés ou confrontés à des attitudes et stéréotypes négatifs.Laurie Balbo, Professeure Associée en Marketing _ Directrice du Programme MSc in Marketing Management, Grenoble École de Management (GEM)Gilles Séré de Lanauze, Maître de conférences en marketing, IAE MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087902023-08-02T18:06:44Z2023-08-02T18:06:44Z« Black Mirror » : notre monde est-il devenu la dystopie que prédisait la série ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535145/original/file-20230701-100349-yyygjs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C17%2C1076%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel de "Joan est horrible", premier épisode de la sixième saison de Black Mirror sortie le 15 juin dernier sur Netflix. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Diffusée en France depuis 2016 sur la plate-forme <a href="https://www.netflix.com/title/70264888">Netflix</a>, <em>Black Mirror</em> est ce qu’on appelle une série d’anthologie : ses épisodes sont indépendants les uns des autres et <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">reliés par la thématique de la dystopie</a>. Elle met en scène une société à l’avenir sombre, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-le-cote-obscur-de-la-technologie-117466">marquée par le progrès technologique</a>.</p>
<p>Le 15 juin marquait le grand retour de la série, quatre ans après la sortie de sa cinquième saison, en raison de la crise sanitaire. Depuis la première saison, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lanthologie-de-la-pente-fatale-90482">nous retrouvons au centre de chaque épisode un procédé technique soulevant des problématiques éthiques</a>, dans un repère temporel généralement flou pour nous permettre d’envisager ses dangers à moyen ou long terme. </p>
<p>Dans cette sixième saison, des sujets récurrents sont abordés, tels que l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et une vision horrifique de l’usage des technologies. Pourtant, ces cinq derniers épisodes ne semblent pas tournés vers l’avenir proche comme les précédents. Dans une dimension spatio-temporelle mieux définie, soit contemporaine, soit située quelque part au XX<sup>e</sup> siècle, ils abordent des situations néfastes qui présentent la décadence des comportements humains déjà bien amorcés dans la réalité.</p>
<p>Notre monde est-il donc définitivement entré dans l’écran noir de <em>Black Mirror</em> ? Cette sixième saison nous tend-elle un miroir sur notre quotidien ?</p>
<h2>Red Mirror : la fin d’une dystopie ?</h2>
<p>Durant cinq saisons, la dystopie fait sens dans tous les épisodes en évoquant les dangers des progrès technologiques (S01E03 ; S04E02), le contrôle au profit d’une élite (S03E01 ; S03E05), le recours à l’intelligence artificielle pour maîtriser ce nouveau monde (S02E01 ; S05E03) ou encore le pouvoir politique des médias (S01E01 ; S01E02 ; S02E03 ; S03E06). Ces épisodes se déroulent souvent dans un « non-lieu » (S03E04 ; S04E01) et un futur apocalyptique (S04E04 ; S04E05).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">« Black Mirror » ou l’ambiguïté du pire</a>
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<p>Or, cette sixième saison marque un changement par rapport aux autres, en jouant davantage sur l’ironie des situations induites par ces progrès déjà en cours dans notre société. Du premier épisode (« Joan is Awful ») présentant la venue des doubles virtuels déjà parmi nous depuis 2017 aux deux suivants (« Loch Henry » et « Beyond the Sea ») qui traitent de meurtres, rien de nouveau n’apparaît. Pas plus que les deux derniers épisodes (« Mazey Day » et « Demon 79 ») qui abordent le voyeurisme de la presse et les mythes sociaux (le loup-garou et le démon).</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce, <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix).</span></figcaption>
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<p>Ce changement de perspective questionne. La série montre habituellement notre avenir disruptif perturbé par le progrès technologique. Et <em>Black Mirror</em> a eu énormément de succès en se basant sur la dystopie d’un monde auquel nous ne pouvons échapper. Pour quelles raisons dans cette saison, les scénaristes alertent-ils déontologiquement sur les comportements humains qui dégénèrent ? Est-on toujours dans une dystopie ?</p>
<p>Le contexte de production de cette sixième saison est à prendre compte pour comprendre le changement de ton et de direction artistique de la série. Les scénaristes se voient rattrapés par le présent anxiogène (Covid-19) alors qu’ils contaient des histoires destinées à penser l’avenir : « En ce moment, je ne vois pas comment on pourrait avoir l’envie et la force de regarder des histoires concernant une société qui s’écroule. Donc je ne travaille pas du tout sur de nouveaux épisodes », <a href="https://www.radiotimes.com/tv/sci-fi/black-mirror-6-update/">confiait Charlie Brooker à <em>Radio Times</em> en 2020</a>.</p>
<p>Cette affirmation confirme que le créateur s’éloigne de la dystopie pour traiter autrement des histoires menant à une réflexion et des temporalités différentes qui se situent dans le présent ou dans le passé, voire dans une <a href="https://journals.openedition.org/elh/362">uchronie</a> (le récit d’évènements fictifs à partir d’un point de départ historique).</p>
<p>C’est le cas de l’épisode 3 (« Beyond the Sea ») qui puise dans le passé pour réécrire le futur. En effet, à partir d’un évènement narré en 1969, en <a href="https://www.britannica.com/topic/rock-Los-Angeles-1950s-overview-1371230">référence au meurtre de Sharon Tate (épouse de Roman Polanski)</a>, les scénaristes introduisent un progrès technologique. Un astronaute assiste alors, impuissant, au meurtre de sa femme et de ses enfants par des hippies via sa propre réplique numérique. Comme en témoigne un spécialiste <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-features/black-mirror-beyond-the-sea-ending-josh-hartnett-kate-mara-1235516380/">“[…] Charlie voulait retourner à cette époque pour réinventer le pourquoi […]”</a>, nous renvoyant au principe de l’uchronie.</p>
<p>La question « que se serait-il passé si… » prévaut dans chacun des épisodes composant cette sixième saison, invitant le spectateur à imaginer un récit hypothétique : « et si une starlette ne s’était pas suicidée ? », « et si le démon n’avait pas pu contacter l’héroïne ? », « et si un astronaute n’avait pas laissé son collègue revenir sur Terre ? »</p>
<p>Le ton est aussi différent dans cette saison, à la tournure clairement plus horrifique comme pour compenser la dimension prophétique qui avait tant marqué les premières saisons : le créateur de la série en témoigne : « Cette saison, j’ai voulu faire quelque chose de très différent – une sorte de Red Mirror, comme un label parallèle tourné vers le crime et l’horreur. Et en faisant ça, je me suis dit, essaye de transformer ta propre vision de ce qu’est un épisode de <em>Black Mirror</em> ».</p>
<p><em>Black Mirror</em>, jusque là, se faisait l’écho du futur de notre société dans un contexte souvent totalitaire, de contrôle et de surveillance étatique par le biais des progrès informatiques. Par des scénarios prenant source dans notre réalité, cette série d’anticipation projetait donc, dans un avenir dystopique, des fictions qui n’en sont plus. Le temps semble avoir avancé plus vite que les scénaristes et la réalité dépasse aujourd’hui la fiction – mentionnons par exemple la déflagration ChatGPT.</p>
<h2>Quand l’intelligence artificielle dépasse la fiction</h2>
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<p><a href="https://www.netflix-news.com/articles/programmes/1577344-joan-est-horrible-black-mirror-saison-6-que-vaut-le-premier-episode-douverture-de-la-serie-netflix-avis-des-internautes-22-06-2023/">Le premier épisode de cette nouvelle saison met en scène une jeune femme</a> (Joan) troublée après qu’elle ait découvert sur une plate-forme de streaming une série à son image, relatant ses journées, parfois au mot près. Cet épisode permet aux scénaristes d’aborder la question du vide juridique qui entoure les doublures digitales, imaginées à partir de la vie bien réelle d’êtres humains.</p>
<p>La problématique se présente déjà dans le milieu de la communication et du marketing avec une absence de cadre législatif régulant l’usage des <a href="https://theconversation.com/si-un-influenceur-virtuel-commet-une-infraction-qui-est-responsable-208512">influenceurs biodigitaux</a>.</p>
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<p>Cette absence de mesure législative peut mener tout un chacun à usurper l’identité visuelle d’une personne en plaçant son double digitalisé sur le net, sans encourir aucune poursuite. Depuis le 13 juillet 2023, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/14/greve-a-hollywood-les-acteurs-craignent-d-etre-remplaces-par-des-machines_6181893_3234.html">grève des acteurs à Hollywood</a> place l’intelligence artificielle au centre du débat public, poussant ces premiers à réclamer de meilleurs revenus du streaming et des garanties contre son intrusion dans le milieu audiovisuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1679770215796678656"}"></div></p>
<p>Dans <em>Black Mirror</em>, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce thème mêlant intelligence artificielle (IA) et corps digitalisés est abordé. En effet, par les progrès de la science, la reproduction virtuelle d’une jeune chanteuse Ashley apparaît sous l’apparence d’une poupée robotisée nommée « Ashley Too » (saison 5, épisode 3). La réflexion au centre de cet épisode est proche de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">ce travail de recherche internationale</a> dans lequel les professionnels de la communication et du marketing s’expriment sur les fondements de nos libertés, il y a déjà plus de trois ans ; ils disent craindre le façonnage d’humains virtuels dont la digitalisation est invisibilisée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">Les influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains ?</a>
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<p>Cette question prévaut également dans le premier épisode de la saison 2, intitulé « Bientôt de retour », qui présente des êtres de substitution faisant revivre des morts en utilisant toutes les caractéristiques de l’individu décédé (voix, gestuelle, personnalité, etc.).</p>
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<p>Dans la série, le personnage principal, une femme éprouvée par le décès de son mari, refuse de reconnaître toute humanité à cette entité <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">biodigitale</a>, elle finit toutefois par converser secrètement avec elle. Ceci n’est pas sans nous rappeler la <a href="https://www.facebook.com/help/103897939701143">page Facebook d’un individu qui reste active après son décès</a> ou la <a href="https://theconversation.com/debat-lintelligence-artificielle-peut-elle-accompagner-les-personnes-en-deuil-205491">façon dont l’intelligence accompagne les personnes en deuil</a>. Le dernier exemple en date étant l’application « Project December » qui utilise GPT-3 pour permettre à l’utilisateur de recréer un dialogue avec des personnes disparues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simulate the Dead, « Project December ».</span></figcaption>
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<p>Il faudra sans doute attendre la septième saison pour savoir si la série se propose toujours d’explorer toutes les facettes des avancées technologiques et sociales en tentant de nous éclairer sur cet avenir dirigé par l’intelligence artificielle qui brille de mille feux pour mieux nous aveugler. Il se peut aussi que, subliminalement, la série ait choisi d’alerter sur les comportements humains, toujours plus déviants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour son grand retour, « Black Mirror » appréhende à nouveau notre rapport aux nouvelles technologies : un usage démesuré comme elle l’avait prédit.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099332023-07-30T11:10:19Z2023-07-30T11:10:19ZLe Niger adopte un nouvel hymne pour refléter son imaginaire démocratique et son identité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539625/original/file-20230726-21-s03smy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les joueurs du Niger s'alignent pour l'hymne national avant la Coupe du Monde U-17 de la FIFA, Inde 2017;</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo : Mike Hewitt - FIFA/FIFA via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le Niger a officiellement <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/en-direct-du-monde/le-niger-adopte-un-nouvel-hymne-national-pour-en-finir-avec-les-anciennes-paroles-coloniales_5882255.html">adopté un nouvel hymne national</a> : “Pour l’honneur de la patrie”. Assurément, l’hymne précédent, chantant un paternalisme déférent sur une musique et des paroles composées par trois ressortissants de l’ancienne puissance coloniale, portait en lui des faiblesses structurelles qu’il fallait changer. Mais que peut-on déceler du contexte historique, social, et politique dans lequel ce changement a eu lieu ? Est-ce un événement isolé ou est-ce lié à un bouleversement plus profond ? À la vue des défis sécuritaire, énergétique, économique, et institutionnel auxquels le Niger fait face, cet investissement culturel peut-il apporter plus qu’une intervention symbolique ?</p>
<p>Pour comprendre les motivations de ce bond en avant, il faut regarder en arrière. </p>
<h2>Pourquoi réformer l'hymne national</h2>
<p>Depuis plus d’une décennie, le Niger a vu son intégrité politique s’effriter par la dégradation de sa situation interne – d’abord avec le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2010/02/19/niger-coup-d-etat-militaire-dans-un-pays-en-crise-politique-depuis-des-mois_1308338_3212.html">coup d’Etat de 2010</a> puis lors de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/312110/politique/niger-mahamadou-issoufou-reelu-9249-suffrages-selon-resultats-provisoires/">réélection de Mahamadou Issoufou en 2016</a>. De plus, l’aggravation des tensions dans le Sahel en raison non seulement des campagnes de terreur <a href="https://www.iris-france.org/note-de-lecture/aqmi-lindustrie-de-lenlevement/">d'Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI)</a> et de Boko Haram, mais aussi des pressions migratoires transsahariennes exacerbées par le changement climatique (sécheresse et famine) poussent la nation dans ses limites. </p>
<p>Dans ces conditions, la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/contre-le-souvenir-de-la-colonisation-le-niger-va-changer-d-hymne_155354.html">réforme de l’hymne national annoncée en 2019</a> constitue un moyen peu onéreux de prévenir un effritement politique et social supplémentaire tout en renforçant un sentiment national mis à rude épreuve. Lorsque la chanteuse <a href="https://www.studiokalangou.org/12413-forum-zarma-projet-modification-hymne-national-niger-motivations-enjeux">Aichatou Ali Soumaila dite “Dan Kwali”</a> explique qu’il manque à l’hymne “un air musical qui reflète la culture nigérienne”, la critique porte tout autant sur les connotations coloniales que sur son rôle de cohésion nationale.</p>
<p>Si l’hymne de 1961 était intitulé <a href="https://www.hymne-national.com/fr/hymne-national-niger/">“La Nigérienne”</a>, quelque soixante ans plus tard, la question se pose : qu'est-ce qui constitue un citoyen nigérien ? À l’heure des indépendances, la réponse reposait sur l’évincement du colonisateur, la France, comme dénominateur commun. Mais déjà dans les années 1970, la souveraineté nationale apparaissait comme plus fluide, plus complexe, plus fragile. </p>
<p>L'adoption d'un <a href="https://www.lesahel.org/nouvel-hymne-de-la-republique-du-niger-lhonneur-de-la-patrie/">nouvel hymne</a> est importante pour deux raisons. D’une part, les paroles ont été écrites par un “groupe d’experts nationaux”. D’autre part, comme son titre le suggère, il invite le peuple à défendre la “patrie” dont l’honneur est attaqué de dehors (terrorisme) comme dedans (corruption). Bien sûr, le mot “Niger” apparaît six fois dans le nouvel hymne – contre trois fois dans l’ancien. Mais “l’Afrique” fait son apparition trois fois dans le nouvel hymne et invite à s’ancrer dans le cadre national pour mieux le dépasser et réaliser ce vieux rêve qu’est le panafricanisme. </p>
<p>Pour reprendre le mot du ministre de la Renaissance culturelle, Assoumane Malam Issa, la “liberté nouvelle” évoquée en 1961 n’est “plus du contexte”. Au contraire, il faut “construire ensemble” un monde de justice dans lequel le Niger est “la fierté de l’Afrique”. </p>
<p>Construit sur les vestiges de l’ancien, le nouvel hymne garde l’appel “en avant” mais c’est “l’Afrique qui avance”. Il continue “d’être debout” mais pas seulement à Niamey : “dans le ciel d’Afrique et dans tout l’univers”. Coïncidence, c’est à Niamey qu’en 2019, le projet de <a href="https://au.int/fr/treaties/accord-etablissant-la-zone-de-libre-echange-continentale-africaine">Zone de libre-échange continentale africaine</a> (ZLECA) a été lancé lors de la 18ème session de la Conférence de l’Union africaine.</p>
<p><strong>Vers une redéfinition de l'identité nationale</strong></p>
<p>S’il y a donc un changement symbolique dans la politique du Niger, il est en direction d’une renaissance africaine. Et le succès de cette renaissance repose sur la redéfinition des identités nationales. La réforme de l’hymne ouvre ainsi un espace dans lequel cette redéfinition peut s’opérer. Elle donne au citoyen nigérien l'opportunité de trouver sa place dans une nouvelle vision de l'identité nationale non pas en compétition mais en collaboration avec la construction continentale de “l’Afrique qui avance”.</p>
<p>En lui seul, l’hymne ne change rien. Mais associé à un réseau de symboles – drapeau, devise, traditions, etc. – il contribue à la réforme d’institutions nationales (notamment le système éducatif et juridique) engagée par le nouveau gouvernement du président Mohamed Bazoum. Ainsi, lors de la <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/niger-visite-historique-danthony-blinken-niamey-2103315">visite du secrétaire d’État américain</a>, Anthony Blinken en mars 2023, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou a déclaré : “Le Niger est un nouveau pays”, sans renier sa riche histoire millénaire. </p>
<p>Les paroles et la musique du nouvel hymne ne font pas que représenter la nation, elles participent à sa (re)formation en donnant au peuple qui la constitue le matériel (mots, musique), l’opportunité (unissonnance) et la direction (thème) pour vivre un nouveau projet étatique avec pour horizon la construction de structures institutionnelles où les voix qui le chantent pourront être entendues démocratiquement. </p>
<p>Comme <a href="https://laviedesidees.fr/Stuart-Hall-pionnier-des-Cultural-Studies">Stuart Hall</a> et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/benedict-anderson/">Benedict Anderson</a> nous l’ont suggéré, la nation elle-même est une construction symbolique qui, comme tout symbole, invite à la contestation – aucun symbole n’est éternel. La réforme de l’hymne national du Niger participe donc à cette expérience démocratique de contestation et de changement. Cela dit, elle révèle aussi la complexité de constructions identitaires culturelles et politiques au sein des nations qui s’identifient comme postcoloniales. </p>
<p>N’est-ce pas légitimer la résilience de l’ancien colonisateur que de réécrire l’hymne en français ? Mais l’écrire en Haoussa (langue parlée par plus de la moitié de la population) ou en Zarma (langue parlée majoritairement autour de la capitale, Niamey), n’est-ce pas exclure un groupe ethnique au profit d’un autre et prolonger les divisions d’une nation multiethnique et multilinguistique ? </p>
<p>Si “Pour l’honneur de la patrie” ne peut résoudre tous les problèmes du Niger, il a le mérite de placer ces questions au centre du débat et d’ouvrir à la population un espace où elle peut, en miroir de son nouvel hymne, exercer son imaginaire démocratique pour construire la vision de son avenir – l’inverse de l’idéologie coloniale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209933/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yohann C. Ripert does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le nouvel hymne ne peut résoudre tous les problèmes du Niger. Mais il a le mérite d’ouvrir à la population un espace où elle peut exercer son imaginaire démocratique.Yohann C. Ripert, Assistant Professor of French and Francophone Studies, Stetson University Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067922023-05-31T16:21:26Z2023-05-31T16:21:26ZGénération Z : un style vestimentaire hors des sentiers battus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529423/original/file-20230531-17-717n5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C17%2C1914%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment la génération Z s'habille-t-elle ? Comme elle veut.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-image-chapeau-colore-5325771/">Anna Shvets/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous vu que les <a href="https://www.lofficiel.com/fashion/pantalon-cargo-tendance-instagram">pantalons cargo</a>, et même les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/mode-lannee-2021-marque-letonnant-retour-en-grace-des-chaussures-crocs">Crocs</a>, sont de nouveau plébiscités par les jeunes ? </p>
<p>Ces tendances vestimentaires peuvent sembler à certains tout simplement « moches » ; il n’en demeure pas moins que la mode des années 2000 (Y2K) fait fureur en ce moment. </p>
<p>La manière de se vêtir est depuis longtemps un moyen privilégié par de très nombreuses pour exprimer leur créativité et affirmer leur statut. Les représentants de la génération Z prennent cela très au sérieux. Mais loin d’être de simples suiveurs, ils s’aventurent volontiers à créer leurs propres styles, prenant un grand plaisir à afficher leur identité à travers leurs vêtements. </p>
<p>La génération Z rejette tout, des stéréotypes de genre dépassés <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/beauty/why-gen-z-yellow-will-never-be-millennial-pink/">aux schémas de couleurs établis</a> en passant par <a href="https://www.santemagazine.fr/psycho-sexo/psycho/body-positive-pour-en-finir-avec-la-quete-dun-corps-parfait-1023217">l’idée du corps « parfait »</a>.</p>
<p>Plusieurs centaines d’années durant, c’est l’industrie vestimentaire qui a contrôlé les tendances. Sa relation étroite avec les médias, les icônes de la mode et les créateurs lui a permis de <a href="https://www.capital.fr/conso/mode-comment-naissent-les-nouvelles-tendances-1302115">prédire les tendances mais aussi de planifier les mouvements esthétiques</a>. </p>
<p>Cette relation est aujourd’hui court-circuitée par une <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-1-page-50.htm">génération d’enfants du numérique</a> qui vit dans un monde où la distinction entre l’univers digital et le monde physique s’estompe. La génération Z ne se laisse pas dicter sa conduite ; elle n’attend pas nerveusement qu’on lui dise qu’elle est à la mode. Sur les réseaux sociaux, elle crée ses propres tendances, enfreignant avec audace toutes les règles en vigueur.</p>
<h2>La démocratisation de la mode</h2>
<p>Chaque génération a transformé la mode à sa façon. Les baby-boomers nous ont apporté le flower power dans les années 1960 et 1970 en promouvant « l’amour libre » au détriment des <a href="https://www.thegoodgoods.fr/media/journal/inclusivite/histoire-genre-vetement/">rôles sociaux et de genre clairement définis</a> propres à leurs parents.</p>
<p>Dans les années 1970 et 1980, les jeunes frères et sœurs des baby-boomers ont inventé le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/histoire-du-mouvement-punk-7065517">punk</a>, une sous-culture déterminée à utiliser les symboles de l’État contre lui-même et à jouer délibérément avec l’obscène et le vulgaire, dans un climat politique global de conservatisme et de répression. </p>
<p>Puis, dans les années 1990, nous avons vu apparaître le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/juke-box/le-grunge-fin-de-si%C3%A8cle-a-seattle-3313203">grunge</a>, la réponse de la génération X à un monde sans avenir après la guerre froide.</p>
<p>La génération suivante, pour sa part, a décidé d’abolir toutes les règles existantes en matière d’habillement : vous pouvez être n’importe quoi, vous pouvez être tout et vous pouvez n’être rien.</p>
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<p>Les membres de la génération Z (et même les <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2019-3-page-107.htm">millennials</a>) ont été les témoins de la démocratisation croissante de la mode grâce à l’expansion des réseaux sociaux et à la portée mondiale des plates-formes numériques. Ils ont vu des milliers de petites sous-cultures se former en ligne, évoluer, imploser, se reformer.</p>
<p>Prenons l’exemple de la <a href="https://www.vice.com/fr/article/8gy7qg/ce-que-voulait-dire-etre-emo-au-debut-des-annees-2000">tendance « emo » du début des années 2000</a>. Autrefois importante, cette sous-culture a été reléguée aux confins de l’Internet, et chacun pensait qu’elle allait dépérir et disparaître. Et pourtant, le style emo connaît aujourd’hui un renouveau : les gens portent du noir, les corsets redeviennent populaires et des vedettes de la génération Z comme <a href="https://www.buzzfeed.com/mariasherm2/willow-smith-bullied-my-chemical-romance-paramore-emo">Willow Smith</a> et <a href="https://www.theatlantic.com/culture/archive/2021/12/juice-wrld-olivia-rodrigo-kid-laroi-emo-music/621069/">Olivia Rodrigo</a> arborent des yeux charbonneux. </p>
<p>Mais la génération Z ne s’en tient pas à un seul style. La mode est devenue un mélange de tendances et d’idées dont chacun peut utiliser les ingrédients pour créer et recréer son identité aussi souvent qu’il le souhaite. Il y a de la joie dans le fait de s’habiller, pas de la peur. Il n’y a pas de règles. </p>
<h2>Pas de règles</h2>
<p>Alors que les nouveaux consommateurs de mode réinventent allègrement les notions de bon goût et de beauté, la diffusion traditionnelle des tendances a été supplantée par un foisonnement de nouvelles sources définissant ce qui est nouveau et ce qui suivra. Des Instagrameurs aux icônes, en passant par les vloggers et les TikTokers, les influences <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-12-2020-0275/full/html">sont désormais vastes et variées</a>.</p>
<iframe src="https://www.tiktok.com/embed/7127790531932949766" style="border:none" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Les jeunes créent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/14614448221146174">leur propre place dans le monde</a>. Un monde où les Crocs sont à la mode et où ce qui « va » est dans l’œil de celui qui regarde. Un caleçon en guise de coiffe ou un legging en guise d’écharpe ? Bien sûr. Et pourquoi ne pas porter un <a href="https://www.highsnobiety.com/p/jw-anderson-ss23-womens-runway-collection/">clavier</a> en guise de haut ? Le <a href="https://www.tiktok.com/@saracampz/video/7127790531932949766">Maximalisme</a> est poussé à l’extrême : les couches de vêtements se superposent et aucune couleur, aucun objet ni aucun motif n’est interdit. </p>
<p>Ce sont les enfants du Covid, une génération qui a atteint l’âge adulte lors d’une catastrophe sanitaire mondiale où la seule forme de communication se faisait par écrans interposés.</p>
<p>La tenue la plus audacieuse et la plus folle est celle qui attirera le plus l’attention à l’écran. Pour les enfants habitués à consommer les médias par le biais de TikTok plutôt que d’éditoriaux sur papier glacé, <a href="https://myjms.mohe.gov.my/index.php/ijbtm/article/view/20001">seules les tenues les plus spectaculaires, les plus amusantes et les plus ludiques feront l’affaire</a>. La mode s’est prise trop au sérieux pendant trop longtemps. La légèreté de jeunes gens créatifs est exactement ce dont nous avons besoin en ce moment. Nous devrions tous prendre exemple sur eux et trouver du plaisir à nous habiller comme bon nous semble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La génération Z bouscule tous les codes vestimentaires établis..Steven Wright, Head of Subject - Fashion Marketing and Photography, University of South WalesGwyneth Moore, Course coordinator - BA (Hons) Fashion Business & Marketing & BA (Hons) Fashion Design, University of South WalesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2010302023-04-02T16:00:37Z2023-04-02T16:00:37Z« L’envers des mots » : Essentialiser<p>Dire que « les femmes sont bavardes », que « les Africains ont le rythme dans la peau » ou que « les Français sont malpolis », ne relève pas seulement du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stereotypes-24543">stéréotype</a>, c’est-à-dire de l’opinion toute faite sur un individu ou sur un groupe, il s’agit aussi d’une forme d’essentialisation.</p>
<p>Ce terme est apparu ces dernières années avec les débats relatifs aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/identite-20946">identités</a> et on l’utilise surtout lorsqu’on parle de genres, de sexes, de religions ou de races. « Essentialiser », dans son acception la plus courante, c’est réduire l’identité d’un individu à des caractères moraux, psychologiques ou comportementaux prétendument innés. Ces caractères seraient transmis de génération en génération au sein d’un groupe humain auquel est supposé appartenir l’individu en question.</p>
<p>Le phénomène d’essentialisation est ainsi décrié en raison de sa tendance à enfermer chacun dans une identité étanche et immuable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tout-simplement-noir-ou-la-fabrique-des-identites-fictionnelles-142757">« Tout simplement noir » ou la fabrique des identités fictionnelles</a>
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<p>On ne peut en saisir le sens actuel sans recourir à son pendant « l’essentialisme », un concept philosophique, contraire du <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/nominalisme">nominalisme</a> et de <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/existentialisme">l’existentialisme</a> qui consiste, tour à tour, à croire que les idées existent en elles-mêmes, que l’essence précède l’existence, ou qu’un être est contenu dans sa définition.</p>
<p>Ainsi, « essentialiser » consiste à réduire une chose ou une personne à une seule de ses caractéristiques et à tenir cette caractéristique pour essentielle. Si ce mot prend une place importante dans le débat public au point qu’on s’en méfie, c’est que la pensée essentialiste peut générer des idéologies réductrices, discriminatoires, voire extrémistes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-male-gaze-199625">« L’envers des mots » : Male gaze</a>
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<p>Ainsi, dans le débat public, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-la-philo/l-essentialisation-2178459">essentialiser</a> tend à devenir péjoratif. Pourtant, paradoxalement, certains groupes susceptibles d’en être victimes vont jusqu’à le revendiquer. C’est le cas des mouvements féministes dits « essentialistes » (ou différentialistes) qui cherchent à prendre en considération les <a href="https://www.bettinazourli.fr/post/divers-mouvements-feministes">différences de genre</a> dans leur lutte. Ils mettent en avant des qualités jugées spécifiques aux femmes afin de contrer la dévalorisation du féminin.</p>
<p>De même, dans les années 1980, la critique littéraire indienne Gayatri Chakravorty Spivak, connue pour ses travaux sur le postcolonialisme, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Strategic_essentialism">a fait de l’essentialisation une stratégie</a>, poussant les groupes minoritaires à s’« essentialiser » temporairement en adoptant les points de vue dans lesquels on les enferme. L’objectif : comprendre les fondements de la pensée essentialiste afin d’en démonter les rouages. Bien avant Spivak, c’est de cette stratégie que semble user Joséphine Baker en adoptant une démarche que l’on peut qualifier d’<a href="https://theconversation.com/auto-essentialisation-quand-josephine-baker-retournait-le-racisme-contre-elle-meme-148280">« auto-essentialisation »</a> afin de correspondre à l’imaginaire colonial.</p>
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<p>Si le verbe « essentialiser » connaît aujourd’hui une fortune dans les milieux de lutte contre le racisme, le féminisme, l’homophobie, en France, la fin des années 2000 peut être identifiée comme un moment clé de son arrivée dans le débat public. Lors du débat politique promu sous la présidence de Nicolas Sarkozy sur l’identité française, on a vite compris que se lancer dans la définition de ce que François Rachline appelle <a href="https://www.francoisrachline.fr/ouvrage/quest-ce-qu%C3%AAtre-francais/">« l’être français »</a> portait le risque certain d’une essentialisation en raison du caractère complexe et composite de ce qui fait <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2007-2-page-79.htm">l’identité française</a>.</p>
<p>En définitive, qu’elles soient individuelles ou collectives, les identités humaines se construisent sur de multiples critères : physiques, ethniques, sexuels, culturels, etc. Elles sont dynamiques, c’est-à-dire évoluent continuellement, en perpétuelle construction. C’est pour cette raison que les sciences sociales poussent à considérer la <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2001_num_139_1_3508">complexité du terme « identité »</a> afin de ne pas facilement céder au chant des sirènes de l’essentialisation.</p>
<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-flow-195489"><em>« L’envers des mots » : Flow</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/201030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erick Cakpo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le verbe « essentialiser » est aujourd’hui fréquemment utilisé dans les milieux de lutte contre le racisme, le féminisme, l’homophobie. Retour sur sa signification et son histoire.Erick Cakpo, Historien, chercheur, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004742023-03-27T16:49:05Z2023-03-27T16:49:05ZLes drive, un bouleversement pour les salariés des grandes surfaces traditionnelles<p>La pandémie et les confinements promettaient des ruptures : rupture des manières de travailler, des mobilités ou des manières de consommer avec le développement rapide et forcé du <em>click and collect</em> et autre <em>drive</em>. Les transformations du commerce électronique vont-elles seulement perdurer ? Les grandes surfaces seraient-elles un modèle en déclin ?</p>
<p>Beaucoup se sont intéressés aux clients, moins peut-être aux salariés des groupes qui ont tenté de se conformer à la transformation. Pour eux, le drive constitue une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352146516000363">innovation organisationnelle, structurelle et logistique</a>. Les pratiques quotidiennes, les routines, les valeurs et les croyances, tout ce qui façonne un sens collectif dans l’entreprise et ce que l’on nomme en sciences de gestion la <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674272286">« logique institutionnelle »</a> vont être bouleversés. Elle définit ce qui est accepté et ce qui est normal, elle est perçue par les acteurs comme étant le principe organisateur et structurant de l’activité et ne peut être remise en cause.</p>
<p>Théoriquement, lorsqu’une organisation historique met en place un nouveau service, les logiques peuvent s’articuler schématiquement de <a href="https://www.jstor.org/stable/25682424">quatre façons</a> : le nouveau service peut s’inscrire dans la continuité de ce qui se faisait avant ; lui imposer au contraire des valeurs, des croyances et des pratiques nouvelles ; deux logiques peuvent cohabiter séparément ou bien, encore, s’hybrider.</p>
<p>Ce que nous montrons à partir d’une étude de cas, réalisée par observations et entretiens durant huit mois, est que la création des points de retrait dans les structures traditionnelles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/grandes-surfaces-108024">grand magasin</a> impose plutôt aux équipes une logique de rupture. Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2022-2-page-135.htm">recherches</a> mettent ainsi en évidence les difficultés rencontrées par les organisations déjà existantes dans la mise en place d’un service de commerce électronique.</p>
<h2>Être les premiers</h2>
<p>Dans notre cas, s’impose d’abord dans un premier temps un engouement pour le nouveau service, un drive implanté à côté d’un magasin historique. Les salariés se réjouissent de voir l’organisation, fidèle à l’une de ses valeurs, privilégier ce que demande le client pour le lui proposer. L’un d’entre eux explique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est normal les gens n’ont plus le temps : le drive, c’est ce que veulent les gens ! »</p>
</blockquote>
<p>Outre l’attachement au client, le drive se voit également justifié par la figure du fondateur de la franchise. Nous avons observé dans l’organisation une croyance forte en la pertinence de ce que développent ceux qui sont érigés comme ses grands hommes, notamment ses fondateurs. Un autre poursuit :</p>
<blockquote>
<p>« M. M., c’était quelqu’un, il avait une vision, c’était un innovateur : il a fait plein de choses et ne s’est jamais trompé. »</p>
</blockquote>
<p>L’innovation est d’ailleurs affichée comme une valeur par la direction et les salariés. Tout au long de nos entretiens, les acteurs soulignent largement la modernité et la supériorité des outils nouveaux. L’allusion à la compétition est implicite mais présente : être les premiers, les plus innovants. Le directeur nous présente ainsi, enthousiaste :</p>
<blockquote>
<p>« Vous avez vu cette machine ? Cette machine, c’est la seule en France dans un drive ! »</p>
</blockquote>
<p>L’idée d’une continuité de l’un vers l’autre apparaît cependant rapidement comme illusoire.</p>
<h2>De Ikea à Amazon</h2>
<p>Un désenchantement se dessine en effet et des ruptures signalent rapidement que tout ce qui existait dans le magasin historique n’allait pas pouvoir être transposé dans la nouvelle infrastructure. L’ampleur des différences semble même alimenter un questionnement identitaire. Le même directeur, enthousiaste pour une machine, esquivera ainsi largement nos questions sur l’articulation entre le magasin et le drive. Il laisse plutôt répondre la formatrice du groupe, chargée d’accompagner la transformation.</p>
<blockquote>
<p>« C’est elle l’experte après tout. »</p>
</blockquote>
<p>À notre départ, il dressera même le constat suivant :</p>
<blockquote>
<p>« C’est simple en fait, le magasin et le drive, il n’y a rien à voir ! »</p>
</blockquote>
<p>Les grands moulinets de bras qui accompagnent la parole témoignent d’une importante perte de repères. Une grande rupture avec le magasin est notamment l’absence de mise en scène des produits qui ne vont pas être théâtralisés comme au sein des rayons entre lesquels les clients se promènent. Il ne peut en fait pas y avoir de parcours client.</p>
<p>Cet élément est inhérent à la logique du magasin mais ne peut trouver d’existence dans l’entrepôt du drive. Ce dernier est pensé dans une optique de rapidité, là où on cherche à allonger le temps passé par le client en magasin et à lui proposer des achats complémentaires.</p>
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<p>En fait, là où les salariés voyaient au départ une complémentarité entre le drive et le magasin en citant volontiers l’exemple des grandes surfaces Ikea, dans lesquelles on se promène avant de retirer ses articles à l’entrepôt, ils finissent plutôt par décrire le point de retrait à partir d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a>. C’est l’image des grandes étagères du géant du web qui est évoquée comme ressemblant au drive et à son organisation lors de la visite du site.</p>
<p>Le directeur de l’activité explique également que la profondeur du stock, le choix entre les produits ne peut pas être le même qu’en magasin. La gestion de ce qui est nommé « le squelette » est vérifiée quotidiennement sur le logiciel de ventes et de comparaison aux autres magasins et drive. Seules quelques rares catégories de produits présentent le même type de stock entre les deux services. Ce sont les produits ultras frais, tels que les sushis ou les poulets rôtis, ou bien le gaz.</p>
<h2>De la proximité à l’accessibilité</h2>
<p>L’Histoire de la transformation de l’organisation ne s’arrête pas là. Les ruptures engendrées par l’implantation du drive vont en effet agir rétroactivement sur l’infrastructure historique. La théâtralisation est absente de l’entrepôt ? Elle prendra encore plus d’importance au magasin. La formatrice le souligne bien :</p>
<blockquote>
<p>« C’est désormais le rôle de l’hypermarché de capitaliser sur les hommes, le métier et la théâtralisation. »</p>
</blockquote>
<p>Si la proximité, le fait de travailler avec des producteurs locaux pour des clients locaux, était importante pour ce magasin situé en zone périurbaine, le service de point de retrait bouscule l’ensemble. De l’avis de tous, l’envie de passer une journée de congé à faire ses courses a disparu et le directeur insiste :</p>
<blockquote>
<p>« La proximité est en train de devenir caduque. Ce qui compte, c’est l’accessibilité. »</p>
</blockquote>
<p>Soulignons pour conclure que les enseignements de ce travail ne sauraient s’appliquer à tous les types d’organisations. C’est la création d’un drive à côté d’un service historique que nous avons étudiée, et non l’implantation directe d’une organisation issue de l’économie numérique. Pour ces dernières, on peut faire l’hypothèse de logiques bien différentes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Solène Juteau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour le personnel, le développement du commerce électronique a été vu comme une chance avant de provoquer tout un questionnement identitaire sur leur rôle.Solène Juteau, Enseignant Chercheur et Directrice M2 Entrepreneuriat Digital, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999052023-02-21T17:45:30Z2023-02-21T17:45:30ZPour lutter contre le racisme, mieux comprendre le mot « nègre »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511383/original/file-20230221-28-d6ho1t.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C8%2C787%2C584&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Toussaint Louverture. </span> <span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque publique de New York via Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>La France vient de lancer son nouveau plan national de lutte contre le racisme, <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/un-nouveau-plan-national-contre-la-haine-et-les-discriminations">l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine</a>.</p>
<p>Ce plan intervient un an après la <a href="https://www.france.tv/documentaires/societe/3013303-noirs-en-france.html">diffusion du documentaire <em>Noirs en France</em></a> et environ un mois après la sortie du film <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=289236.html"><em>Tirailleurs</em></a> et d’un ouvrage sur <a href="http://www.philippe-rey.fr/livre-Histoire_globale_de_la_France_coloniale-559-1-1-0-1.html"><em>L’histoire globale de la France coloniale</em></a> mettant le pays des Lumières face à des moments sombres de son passé et de son identité de peuple.</p>
<p>Alors qu’une récente étude montre que 91 % des personnes noires en France métropolitaine <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/15/racisme-91-des-personnes-noires-en-metropole-se-disent-victimes-de-discrimination_6161879_3224.html">se disent victimes de discriminations</a>, l’attention est ici portée sur la manière de se nommer, de désigner l’autre et sur un point aveugle de cette lutte qui nécessite, pour être efficace dans la durée, <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">d’interroger différents héritages identitaires des siècles passés</a> et de s’inspirer de <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">ce qui se passe en dehors de l’Hexagone</a>.</p>
<h2>De l’autre côté de l’Atlantique</h2>
<p>Au moment où l’Amérique du Nord réédite, comme chaque février, le <a href="https://www.moishistoiredesnoirs.com/">Mois de l’histoire des Noirs</a> en mettant notamment en avant la contribution des Noirs à l’histoire de l’humanité dans l’idée de lutter contre le racisme et les préjugés, le risque est grand, dans le même temps, de renforcer [l’ethnocentrisme, de maintenir l’idéologie raciale et] l’essentialisation des Noirs en fantasmant qu’ils forment un bloc homogène face aux Blancs mis dans le même panier de colons agresseurs et racistes. Comme l’écrit Amin Maalouf dans <a href="https://www.grasset.fr/livres/les-identites-meurtrieres-9782246548812"><em>Les identités meurtrières</em></a> :</p>
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<p>« Naître noir à New York, à Lagos, à Pretoria ou à Luanda n’a pas la même signification, on pourrait presque dire qu’il ne s’agit pas de la même couleur, du point de vue identitaire ».</p>
</blockquote>
<p>Cependant, si <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-des-idees/des-mots-et-des-choses-3314130">« mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »</a>, ne pas les nommer n’améliore guère la situation. Ainsi en est-il du mot « nègre » qui, dans la lutte contre le racisme, résonne différemment dans les consciences selon les contextes et les références historiques.</p>
<p>En Amérique du Nord, le terme – « nigger » ou « negro » en anglais – est frappé d’interdit dans la société <a href="https://luxediteur.com/catalogue/panique-a-luniversite/">comme à l’université</a>. Dans le milieu francophone européen et antillais, le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire le revendique. <a href="https://www.albin-michel.fr/negre-je-suis-negre-je-resterai-9782226158789">« Nègre je suis, nègre je resterai »</a>. Quant à l’écrivain afro-américain <a href="https://laffont.ca/livre/i-am-not-your-negro-edition-francaise-9782221215043/">James Baldwin</a> qui a vécu entre les continents américain et européen, il crie haut et fort au « Blanc » : « Je ne suis pas un/votre nègre. Je suis un homme ».</p>
<p>À quelle conception du « nègre » font-ils respectivement référence ? La projection du regard (du) « Blanc » ou la Négritude revendiquée avec de nouveaux signifiés imprévisibles ? De quoi ce vocable est-il le nom dans l’histoire de l’Humanité ?</p>
<h2>Étant donné un nègre, qu’y a-t-il derrière ?</h2>
<p>Dans le langage courant, le mot <em>nègre</em> renvoie à un esclave, à la peau dite noire à qui tout un système esclavagiste, colonialiste, impérialiste et capitaliste <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/un-monde-en-negre-et-blanc-aurelia-michel/9782757880050">a enlevé son humanité</a>. Être traité de « nègre », de « sale nègre », de « nigger » ou de « negro » sonne alors comme une insulte raciste adressée non seulement à la personne mais à tous les descendants d’esclaves. Les représentations du réel changent de sens selon les univers linguistiques, culturels ou religieux.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.scienceshumaines.com/ferdinand-de-saussure-reinvente-la-linguistique_fr_12153.html">linguistique saussurienne</a>, signifiant et signifié peuvent entretenir un dialogue de sourds pendant longtemps. Ainsi le mot <em>noir</em> peut-il, dans l’imaginaire, renvoyer à la saleté, au péché et le mot <em>blanc</em> tantôt à la neige, au coton, à la pureté, au vide, tantôt à une catégorie d’humains ou à une métaphore du pouvoir.</p>
<p>En espagnol, le mot <em>negro</em> signifie « noir » et non pas nègre. En France, le terme peut être utilisé dans un contexte familier à l’instar de frérot ou cousin, comme on le voit dans la série télévisée <em>En place</em> mettant en scène la candidature à la présidence française d’un citoyen noir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce de la série En place, de Jean-Pascal Zadi.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans ses ouvrages <a href="https://maisonhenrideschamps.ht/product/marrons-du-syllabaire"><em>Les marrons du Syllabaire</em></a> et <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_marrons_de_la_libert%C3%A9.html?id=iywJAQAAIAAJ&redir_esc=y"><em>Les marrons de la liberté</em></a> l’historien haïtien Jean Fouchard a montré comment les esclaves de Saint-Domingue ont pu travestir les signifiants culturels, religieux, idéologiques des colons (langue, religion, style de vie, race…) <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/bonjour-et-adieu-a-la-negritude-9782402618359_9782402618359_1.html">non seulement pour s’affranchir du « déguisement ontologique »</a> en noir et blanc de l’entreprise coloniale mais aussi pour retrouver leur liberté en tant qu’êtres humains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-enquete-devoile-les-ressentis-des-personnes-victimes-de-racisme-199114">Une enquête dévoile les ressentis des personnes victimes de racisme</a>
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<p>Si le <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/code-noir">Code Noir</a> de Colbert a pu faire du « nègre » un « bien meuble » (art. I, 1685) déshumanisé, une lecture étymologique africaine en fait de « l’eau qui coule dans le sable » ou encore un « symbole de fécondité » qui amène le médecin et poète haïtien Joël Desrosiers à déduire <a href="https://www.decitre.fr/livres/theories-caraibes-9782890316492.html">« que tous les hommes de la terre sont nègres »</a>.</p>
<p>Ce dernier sens permet de comprendre que face à un « nègre » qui se fait insulter se tient toujours un autre « nègre » qui s’ignore, qui méconnaît ou qui a oublié qu’il était « nègre » parce que probablement frappé par une amnésie collective, une ignorance, un traumatisme identitaire de longue durée, voire une cécité ontologique qui sont à la fois <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">producteurs et produits de la colonisation et de l’esclavage</a>.</p>
<h2>Quand nègre signifie « être humain »</h2>
<p>Si les recherches en paléontologie ont définitivement prouvé au XX<sup>e</sup> siècle que les ancêtres de toute l’humanité <a href="https://www.tallandier.com/livre/breve-histoire-des-origines-de-lhumanite/">avaient la peau foncée</a>, l’histoire d’Haïti, première République noire et <a href="https://boutique.arte.tv/detail/les_routes_de_l_esclavage">« premier État moderne »</a>, avait déjà dépoussiéré le mot <em>nègre</em> de ses scories esclavagistes, coloniales et idéologiques.</p>
<p>Haïti a montré au monde entier que derrière le nègre comme insulte et astuce de domination se cache aussi et d’abord un homme libre, un être humain à part entière.</p>
<p>Au lendemain de la proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1<sup>er</sup> janvier 1804, la « race noire » devient un « terme générique synonyme d’"être humain" si bien qu’un Blanc – par exemple Billaud-Varenne, transfuge de la Révolution française – une fois arrivé en Haïti <a href="https://boutique.arte.tv/detail/les_routes_de_l_esclavage">peut être appelé « nègre’ »</a> dans le sens d’être humain comme on l’entend en Haïti. Car en créole haïtien, le mot <em>nèg</em> (masculin) ou <em>nègès</em> (féminin) désigne un homme ou une femme sans distinction de couleur.</p>
<p>L’historien et homme politique Leslie Manigat <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_deux_cents_ans_d_histoire_du_peuple.html?id=LHDPAAAACAAJ&redir_esc=y">faisait d’ailleurs remarquer</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pour l’haïtien, De Gaulle est un grand “nègre” tout comme Mao Tse Toung est un grand “nègre”. »</p>
</blockquote>
<p>Le qualificatif « grand » accentue une certaine hauteur de vue pour un peuple, une certaine vision pour la condition humaine en général.</p>
<h2>« De Gaulle est un grand nègre »</h2>
<p>Dire « De Gaulle est un grand nègre » incarne alors la réconciliation du blanc et du noir, la rencontre des temps anciens et contemporains, d’Haïti et de la France mais surtout le projet de retissage de la diversité de l’humanité qui devrait être central dans la lutte contre le racisme.</p>
<p>Lieu de traitement de la violence historique et du traumatisme identitaire, <a href="https://revue.alarmer.org/tenebres-de-lesclavage-lumieres-de-la-revolte-une-lettre-de-victor-hugo-a-exilien-heurtelou-1860/">qualifié de « lumière » pour l’humanité par Victor Hugo</a> et de <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Mercier_Louis/Contribution_Haiti_histoire/Contribution_Haiti_histoire.docx">« mère de l’Amérique » par Louis Mercier</a>, Haïti incarne ce symbole de fécondité dans sa capacité à faire émerger le désir de liberté chez tous les êtres humains sans distinction.</p>
<p>Il a insufflé cet élan chez nombre de peuples du monde, de l’Amérique latine aux pays africains, de l’Allemagne à la France mais aussi des États-Unis, à qui Haïti a prêté main forte dans des luttes pour la <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_deux_cents_ans_d_histoire_du_peuple.html?id=LHDPAAAACAAJ&redir_esc=y">reconnaissance de sa pleine humanité à chaque être humain</a>.</p>
<p>La négritude qui a fait son apparition dans les années 50 à Paris, s’est mise debout <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/bonjour-et-adieu-a-la-negritude-9782402618359_9782402618359_1.html">pour la première fois en Haïti</a>. En effet, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les premières réponses scientifiques et argumentées aux thèses racistes et antisémites du Comte de Gobineau envers les Noirs et les Juifs (entre 1853 et 1855) sont apportées par trois voix haïtiennes : Louis Joseph Janvier (<em>L’Egalité des races humaines</em>, 1884), Anténor Firmin (<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k84229v.r=de+l%E2%80%99%C3%A9galit%C3%A9+des+races+humaines,+anthropologie+positive.langFR"><em>De_l’égalité des races humaines</em></a>, 1889) et Hannibal Price (<a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/price_hannibal/rehabilitation_race_noire_haiti/rehabilitation_race_noire_haiti.html"><em>De_la réhabilitation de la race noire par la république d’Haïti</em></a>, 1898).</p>
<h2>Traiter le trauma racial</h2>
<p>La lutte contre le racisme nécessite ainsi de revisiter certaines références historiques et de traiter le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17456916221120428">trauma racial</a> qui a affecté des générations entières de Blancs et de Noirs. Parler de <a href="https://theconversation.com/quest-ce-quune-personne-racisee-trois-definitions-pour-eclairer-le-debat-189996">« personnes racisées »</a> aujourd’hui en ne pointant que les Noirs ou les « minorités », c’est occulter tout un pan du problème à traiter.</p>
<p>Si on continue au XXI<sup>e</sup> siècle à associer « nègre » à une couleur de peau dévalorisée, ou à une quelconque infériorité au point de le frapper d’interdit, peut-être faut-il rappeler, avec les paléoanthropologues, l’origine génomique de l’humanité. En visite officielle à Kinshasa en 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1975/08/09/les-discours-m-giscard-d-estaing-solidariser-nos-developpements-mutuels_3100089_1819218.html">avait prononcé ces mots</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Afrique a jadis donné naissance à l’humanité. Elle lui apporte aujourd’hui, elle lui réserve encore pour demain, des trésors de fraternité, de beauté et de vie. Je rends témoignage à l’africanité de la famille humaine. »</p>
</blockquote>
<p>Rendre témoignage à l’africanité de la famille humaine est un préalable dans la lutte contre le racisme, <a href="https://bourgoisediteur.fr/catalogue/l-origine-des-autres/">afin de rassembler les « différentes versions de nous-mêmes »</a>. La lutte doit passer par l’élaboration du trauma racial de la maternelle à l’université, dans la société comme dans les lieux de soin. En France, elle ne peut pas faire l’impasse sur les relations franco-haïtiennes ni sur cette « certaine idée de la France » qu’avait le Général de Gaulle.</p>
<p>Quelle que soit la région du monde, les États devraient s’inspirer à la fois de la paléontologie mais aussi de l’histoire globale d’Haïti ou de l’expérience de « grands nègres ou négresses » comme le général Jean-Jacques Dessalines, Toussaint Louverture, Nelson Mandela ou Simone Veil. Revisitant leurs histoires respectives, ils pourraient par la même occasion participer à éclairer certains points aveugles de/dans l’identité de l’Homme car quand on parle des Noirs, <a href="https://drive.google.com/file/d/1ActWJfKEYJyNN00_QnBbzzD90MV7haOU/view">on parle en même temps des Blancs et de toute l’humanité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Derivois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le mot « nègre », dans la lutte contre le racisme, résonne différemment selon les contextes et les références historiques.Daniel Derivois, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie. Laboratoire Psy-DREPI (EA 7458), Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965322022-12-13T19:00:59Z2022-12-13T19:00:59ZFrance-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux<p>Des drapeaux marocains, algériens, tunisiens ou encore sénégalais brandis par des supporters qui ont toujours vécu en France et possèdent dans leur grande majorité la nationalité de ce pays à chaque fois ; ces scènes d’avant et d’après-match ne manquent pas de susciter des <a href="http://www.slateafrique.com/2063/en-france-la-binationalite-au-banc-des-accuses">débats et des controverses</a> dans les médias, le champ politique et les milieux intellectuels. C’est notamment le cas avec le match opposant France et Maroc le 14 décembre 2022 durant la Coupe du Monde de football.</p>
<p>Comment peut-on être Français et supporter une équipe de football étrangère. Dès lors, l’on voit surgir toutes sortes d’explications qui tournent en général autour des thèmes du « malaise identitaire », de <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2011-4-page-3.htm?ref=doi">« la double allégeance »</a> du « déficit d’intégration » ou encore de la « crise des banlieues » qui contribuent généralement <a href="http://www.mediapart.fr/journal/france/300411/la-binationalite-vrai-phenomene-faux-probleme">à stigmatiser les supporters binationaux</a>. Au mieux, à entretenir à leur égard un regard compréhensif mais à forte connotation misérabiliste. Ainsi, les supporters binationaux arboreraient les emblèmes nationaux du pays de leurs parents ou grands-parents par réaction aux discriminations subies et au racisme ambiant.</p>
<p>D’une manière générale, quel que soit le positionnement idéologique et politique des commentateurs du fait binational dans le champ sportif, ce sont plutôt des interprétations culturalistes et identitaires qui prédominent, évacuant la dimension sociologique du phénomène.</p>
<h2>Un attachement à la francité assumé et transgressif</h2>
<p>Or, aujourd’hui les manifestations de <a href="https://doi.org/10.3917/migra.163.0003">binationalité</a> ou de <a href="https://books.openedition.org/iremam/3540?lang=fr">plurinationalité</a> dans le champ sportif ou dans les autres champs sociaux (politique, culturel et économique) doivent être perçues comme des <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/11/binationalite-notre-futur_1534992_3232.html">pratiques sociales banalisées</a> qui se jouent principalement au sein de l’espace public hexagonal.</p>
<p>Les supporters exhibent un emblème étranger, revendiquent leur soutien à une équipe africaine, arabe ou maghrébine, ou encore défilent sur les Champs-Élysées ou sur le Vieux-Port de Marseille en entonnant les hymnes nationaux du pays de leurs ancêtres, non pour affirmer une quelconque rupture avec leur société de naissance (la France) mais, au contraire, pour exprimer leur attachement à la <a href="https://theses.hal.science/tel-01500092/document**">francité</a> sur un mode à la fois assumé et transgressif.</p>
<p>En ce sens, la binationalité des supporters de football, l’art de passer d’un drapeau à l’autre ou de les combiner dans une même séquence temporelle vient contester les conceptions exclusivistes et puristes de l’identité nationale qui s’affirment aujourd’hui en Europe, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tendant à présenter les binationaux comme des <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1979_num_26_1_2633">« enfants illégitimes »</a>.</p>
<p>Car en France, en Algérie et en Tunisie et dans une moindre mesure au Maroc, les binationaux apparaissent de plus en plus comme des citoyens suspects. Exhiber sa binationalité dans le stade, c’est donc aussi transgresser les approches essentialistes de <a href="https://irmc.hypotheses.org/295">l’identité nationale</a> qui font aujourd’hui un retour en force sur les deux rives de la Méditerranée, dans des contextes de crise sociale et économique marqués par la montée des populismes et des nationalismes exacerbés.</p>
<h2>La binationalité en ligne de mire dans les pays d’origine</h2>
<p>Sur ce plan, il convient de rappeler que la binationalité a été longtemps combattue par les États d’origine qui la considéraient comme une <a href="https://doi.org/10.3917/come.039.0027">forme de trahison nationale</a>, voire d’apostasie religieuse. Les parents immigrés se devaient d’éduquer leurs enfants dans le culte des héros et des martyrs des mouvements de libération nationale et il était inconcevable pour eux qu’ils deviennent « français » (la nationalité de l’ancien colonisateur). Le système des amicales et des associations liées aux États d’origine cherchaient ainsi à entretenir le « mythe du retour » dans la mère-patrie et à préserver les immigrés et leurs descendants des influences néfastes de la société d’accueil (permissivité des mœurs, pluralisme politique, liberté syndicale,, etc.)</p>
<p>Dans ce contexte d’émulation nationaliste post-coloniale, le champ sportif, en général, et le football, en particulier, participaient à entretenir dans les familles immigrées le sentiment d’allégeance à la nation d’origine.</p>
<p>De ce point de vue, pour les nouvelles générations nées en France, l’acquisition ou la réintégration à la nationalité française est apparue comme un combat individuel et collectif sur deux fronts. D’une part, à l’égard des États d’origine qui la considéraient comme un acte antipatriotique et, d’autre part, vis-à-vis d’une partie de la société française pour qui les enfants d’immigrés africains et maghrébins étaient encore des étrangers inassimilables ou des <a href="http://www.telerama.fr/idees/nous-sommes-tous-de-mauvais-francais,52033.php">« Français de papiers »</a>.</p>
<p>Revendiquer publiquement sa binationalité, notamment dans les événements sportifs comme la Coupe du monde de football, c’est donc transgresser à la fois la doxa nationaliste des États d’origine et les préjugés racistes d’une partie de la société hexagonale.</p>
<h2>Le signe d’une émancipation personnelle et collective</h2>
<p>Ce détour historique sur la construction des identités nationales postcoloniales (celle de l’ancienne puissance impériale comme celle des nouveaux États indépendants) apparaît indispensable pour saisir ce qui se « joue » aujourd’hui, en ce début de XXI<sup>e</sup> siècle, dans les rituels sportifs des binationaux qui sont trop souvent interprétés comme une forme de « schizophrénie identitaire », de « double allégeance » ou, pire, un défaut d’intégration sociale, <a href="https://www.slate.fr/story/20425/explication-enlever-nationalite-francaise">voire d’hostilité à la France</a>.</p>
<p>Or, au contraire, ces pratiques binationales en rapport avec le foot, qu’elles émanent des <a href="https://doi.org/10.3917/inso.187.0110">supporters ou des joueurs</a>, constituent le signe d’une émancipation personnelle et collective à l’égard d’héritages nationalistes figés, cherchant à classer les individus et les groupes sociaux dans des catégories identitaires immobiles et stériles.</p>
<p>On peut être successivement ou simultanément supporter de l’équipe de France et des Lions de l’Atlas sans y percevoir subjectivement la moindre incohérence ou trahison identitaire à l’égard de son pays de vie et de la terre d’origine de ses ancêtres. À cet égard, l’on serait tenté de dire que les pratiques binationales dans le champ sportif le football en serait la meilleure illustration constitue la marque d’une forme de modernité sociale et politique qui, sans nier les identités nationales, tend à les mixer sur un mode dialogique et ludique.</p>
<h2>Des reconstructions identitaires déterritorialisées</h2>
<p>Dans le contexte de la Coupe du monde 2022, l’analyse des réseaux sociaux révèle ainsi l’extraordinaire créativité lexicale et graphique des internautes pour exprimer par les mots et les images leur soutien à une, deux, voire trois équipes nationales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1600509185522688003"}"></div></p>
<p>Le Qatar a d’ailleurs su <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20221130-on-se-sent-ici-chez-nous-maroc-tunisie-arabie-saoudite-au-qatar-la-f%C3%AAte-du-football-arabe">exploiter habilement</a> cette binationalité sportive, en présentant l’évènement comme une réussite pour tous les Arabes ici et là-bas (ceux des pays d’origine et de la diaspora) et <a href="https://www.letemps.ch/sport/audela-controverses-coupe-monde-qatar-federe-monde-arabe">comme une communion identitaire pacifique</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1601635945073152000"}"></div></p>
<p>Il est vrai que les expressions telles que « la victoire de l’Afrique », « le retour du monde arabe », « la célébration du Maghreb » (en arabe, le mot al-Maghrib désigne à la fois le Maroc et l’ensemble régional) ou <a href="https://orientxxi.info/magazine/coupe-du-monde-de-football-un-moment-palestinien,6076">« le moment palestinien »</a> expriment un fort sentiment de coappartenance, notamment depuis les bonnes performances de l’équipe nationale du Maroc.</p>
<p>Toutefois, il ne s’agit pas d’une résurgence au sein des populations françaises d’ascendance africaine et maghrébine du nationalisme arabe des années 1960-1970 (avec la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53279">figure emblématique de Gamal Abdel Nasser</a>), du tiers-mondisme d’antan, de panislamisme, ou d’une quelconque forme de panafricanisme, car la majorité des descendants d’immigrés, contrairement à leurs parents et grands-parents, n’ont pas vécu ces mouvements idéologiques postindépendance.</p>
<p>Il s’agit de reconstructions identitaires déterritorialisées, qui font d’abord sens dans les débats, les controverses et les enjeux de la société française actuelle. À la question récurrente et parfois obsédante des éditorialistes « Comment peut-on être Français et soutenir une équipe étrangère », la recherche en sciences sociales apporte nécessairement des réponses nuancées, <a href="https://books.openedition.org/iremam/3540?lang=fr">contribuant à dédramatiser</a> les pratiques binationales et à les recontextualiser dans le moment sportif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Geisser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains matchs de foot voient des revendications publiques et fortes de binationalité qui montrent un attachement à la fois assumé et transgressif à la francité.Vincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1960832022-12-12T18:35:55Z2022-12-12T18:35:55ZCoupe du monde : qu’est-ce qui nous pousse à devenir fans de sélections étrangères ?<p>L’organisation de la Coupe du monde au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qatar-39492">Qatar</a> a soulevé de nombreuses controverses, des <a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-2022-le-contre-la-montre-du-qatar-pour-gagner-la-bataille-des-mentalites-193156">droits de l’homme aux droits environnementaux</a>, en passant par des questions moins exigeantes mais toujours importantes, à l’image de <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2022/11/18/coupe-du-monde-2022-la-consommation-d-alcool-aux-abords-des-stades-interdite-a-deux-jours-du-coup-d-envoi_6150504_1616938.html">l’interdiction de la consommation d’alcool</a> aux abords des stades décrétée le 18 novembre dernier, à deux jours de l’ouverture de la compétition.</p>
<p>Dans cette édition pas comme les autres du Mondial de football, qui prendra fin le 18 décembre, les supporters se sont également distingués, notamment au travers un phénomène bien particulier qui a retenu l’attention de plusieurs médias internationaux : celui des « faux fans ».</p>
<p>À première lecture, il semblerait que certaines personnes, notamment d’Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient, aient été invitées à prêter main-forte à l’animation de l’événement sportif (<a href="https://sports.orange.fr/football/coupe-du-monde/article/des-faux-fans-au-mondial-le-qatar-dement-exclu-CNT000001UPPXN.html">ce que le Qatar dément</a>). Le phénomène est d’autant plus curieux que ces personnes ont affiché un soutien particulièrement marqué à des équipes européennes et sud-américaines comme la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Argentine ou encore le Brésil.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lX8tAxIxdaE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Coupe du monde : qui sont vraiment ces supporters indiens d’autres nations au Qatar ? (<em>Le Parisien</em>, 17 novembre 2022).</span></figcaption>
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<p>À la veille des demi-finales, il se pourrait d’ailleurs que nombreux supporters affluent autour des stades habillés aux couleurs argentines, croates, marocaines ou françaises bien qu’ils n’aient aucun rapport avec le pays en question – si ce n’est leur attrait personnel pour l’équipe de football.</p>
<p>Au-delà des polémiques sur la sincérité de leur soutien, la participation de ces supporters s’avère intéressante pour mieux comprendre l’imbrication du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a>, de la consommation et de l’identité dans un monde globalisé. Pour comprendre cette intrigue, qui peut également faire, quand leurs équipes ne sont plus dans le jeu (comme c’est le cas des Italiens dans cette édition), d’un Français ou d’un Allemand un supporter du Brésil ou de l’Argentine où il n’est jamais allé (et réciproquement), trois clés de lecture sont nécessaires.</p>
<h2>Une question d’identité</h2>
<p>Les fans sont des consommateurs qui présentent un engagement émotionnel intense envers leurs équipes préférées. Cette implication passionnée n’est pas innée, elle s’articule dans le vécu émotionnel. Elle s’exprime par un travail affectif par lequel les fans partagent et diffusent leur passion pour l’équipe qu’ils soutiennent.</p>
<p>Souvent, plus que pour l’équipe, les fans ont un lien particulier avec un joueur qu’ils érigent en idole. L’<a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/SBM-12-2018-0107/full/html">identification au joueur</a> pousse alors les supporters à s’identifier à l’équipe nationale de ce dernier. Au Qatar, par exemple, des fans indiens déclarent soutenir l’Angleterre parce qu’ils sont, avant tout, des <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-cup/2022/11/15/england-greeted-indian-expats-qatar-world-cup-2022/">fans de David Beckham</a> (qui ne joue plus en sélection depuis des années…).</p>
<p>Plus généralement, les fans peuvent utiliser la popularité de telle ou telle équipe nationale, de tel joueur célèbre ou même de la popularité de l’événement de la Coupe du monde lui-même <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/42/5/727/1856841">au profit de leur identité</a>. Par exemple, les fans peuvent exploiter la visibilité de l’événement sur les réseaux sociaux pour gagner eux aussi en visibilité, à travers les mots-clés et les republications.</p>
<p>Ainsi, la participation à la Coupe du monde ou le soutien à une équipe étrangère traditionnellement gagnante permet aux fans d’offrir au public au sens large une meilleure image d’eux-mêmes.</p>
<h2>Une question d’appropriation</h2>
<p>Les consommateurs deviennent fans lorsqu’ils « s’approprient » leur équipe préférée, par exemple en prenant des photos avec le maillot ou les gadgets de l’équipe et en les postant sur les réseaux sociaux.</p>
<p>En général, l’appropriation est l’acte de prendre quelque chose pour son propre usage. En <a href="https://books.google.fr/books?printsec=frontcover&vid=LCCN96016175">anthropologie culturelle</a>, par exemple, l’appropriation évoque la façon dont certains groupes sociaux s’emparent souvent d’objets et d’expressions appartenant à l’origine à une autre culture.</p>
<p>C’est ce qui se passe au Qatar, où des groupes de supporters du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est se sont approprié les objets de consommation liés aux équipes nationales européennes et sud-américaines qu’ils soutiennent.</p>
<p>D’un point de vue <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>, nous avions identifié dans nos travaux l’appropriation comme l’un des <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EJM-09-2020-0722/full/html?skipTracking=true">trois moments clés de l’expérience du consommateur</a>, avec l’acquisition et l’appréciation.</p>
<p>Cependant, là où les consommateurs se limitent, pour un bien classique, à l’acquisition, qui fait référence à la production, à la livraison et à l’accès au produit ; et à l’appréciation qui concerne le plaisir et les significations tirés de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> ; les fans vont au-delà en s’appropriant les biens au travers de pratiques culturelles une fois qu’ils les ont acquis et appréciés.</p>
<h2>Une question de reconnaissance</h2>
<p>Vues de l’extérieur, les communautés de fans (également appelées « fandoms ») apparaissent comme un tout cohérent. En réalité, comme nous l’avons montré dans nos recherches, elles ont cependant tendance à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1469540518773822?journalCode=joca">s’organiser autour de hiérarchies sociales</a> basées sur les compétences, les connaissances et la passion des fans pour leur équipe culte.</p>
<p>Cette articulation interne a deux implications principales. Tout d’abord, cela trace une frontière claire entre « nous » et les autres « autres », là où les autres sont précisément les non-fans, c’est-à-dire, toutes les personnes étranges au monde des fans. Deuxièmement, il produit des sous-groupes au sein du fandom lui-même. Ces sous-groupes sont en compétition entre eux pour être reconnu comme les plus légitimes de la culture fandom.</p>
<p>Par exemple, certains groupes de hooligans ont tendance à se définir comme des « hardcore » fans et à cataloguer les autres sous-groupes de « softcore » ou de « faux fans ».</p>
<p>Ces derniers sont donc le produit d’un combat de légitimité, dans lequel la passion des fans est un élément déterminant dans la construction de leur identité.</p>
<h2>Au-delà des nations</h2>
<p>D’un point de vue socioculturel, le phénomène des faux fans semble révéler une contradiction existante dans le monde du football. D’une part, l’organisation de la Coupe du monde est encore vue comme un terrain de compétition entre nations et nationalismes. En d’autres termes, le match agit comme un <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/sport-et-civilisation-9782213028569">simulacre d’un conflit</a> dans lequel la violence entre nations (pensez aux guerres menées par des armées nationales) est remplacée par une rencontre sportive.</p>
<p>D’autre part, la Coupe du monde semble <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14660970.2019.1616264">dépasser la question nationale</a>, se transformant en un outil de participation et d’adhésion de personnes culturellement éloignées du monde du football mais qui souhaitent faire partie d’un événement à résonance planétaire.</p>
<p>C’est ici que le phénomène des « faux fans », et plus généralement des mouvements de fans mondiaux, semble s’inscrire. La FIFA a bien compris l’importance des supporters pour le développement de ses événements. Désormais, les tensions existantes entre l’identité nationale et personnelle des fans devraient donc peser davantage sur les évolutions du <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196083/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregorio Fuschillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le soutien de supporters du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est à des équipes comme le Brésil ou l’Allemagne traduit des bouleversements profonds dans le rapport aux équipes nationales de football.Gregorio Fuschillo, Professeur Associé de marketing, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1937402022-11-08T19:02:02Z2022-11-08T19:02:02ZComment le racisme et l’antisémitisme s’alimentent aujourd’hui<p><em>Une grande marche civique contre l'antisémitisme a été organisée à Paris, dimanche 12 novembre, à l'appel des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Elle répond à la forte hausse du nombre d'actes hostiles aux personnes de confession juive, depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et la riposte militaire qui a suivi. Dans ce cadre, nous republions ce texte de Michel Wieviorka, proposé dans le cadre d’une série de séminaires organisés à l’initiative de la <a href="https://www.ephe.psl.eu/plateforme-internationale-sur-le-racisme-et-lantisemitisme-pira">Plateforme internationale sur le racisme et l’antisémitisme</a> l'année dernière. Cette même plateforme se réunira également le 22 et 23 novembre prochains à la Maison de l'Amérique latine autour d'un colloque « Mémoire, histoire et politique »</em></p>
<hr>
<p>Le racisme et la haine des juifs conjuguent constamment, mais sous des modalités changeantes, continuité et innovation. Les deux sont globaux, mais avec des spécificités nationales tenant à l’histoire, à la structure sociale ou à la culture politique de chaque pays. Jusqu’où faut-il les distinguer et quelle est leur réalité aujourd’hui ?</p>
<p>Une réponse élémentaire distingue deux perspectives, sociologique et historique. La haine des juifs, « la haine la plus longue » comme l’expliquait <a href="http://www.instituteliewiesel.com/taxonomy/term/39">Robert Wistrich</a>, remonte à l’Antiquité – je n’entre pas ici sur les débats d’historiens à propos d’un éventuel antijudaïsme antique. Unique, elle a été religieuse avant d’être raciale. Mais d’un point de vue sociologique, les mêmes outils permettent d’analyser les deux phénomènes, qui relèvent alors d’une même famille.</p>
<p>Une autre réponse, plus historique donc, passe par l’examen de l’action (raciste, antisémite), de la recherche sur cette action, et des modalités du combat antiraciste. Il arrive qu’un même acteur soit raciste et antisémite. Ou exclusivement l’un ou l’autre. Que la haine des juifs soit un étage supérieur du racisme, par exemple avec les <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/lalt-right-de-berkeley-a-christchurch/">suprémacistes blancs nord-américains</a>. Ou encore que des Juifs fassent preuve de racisme, etc.</p>
<p>La fragmentation culturelle et sociale fabrique une grande diversité de possibles. Souvent, la recherche comme l’action antiraciste dissocient les deux registres. Encouragés par la tendance à l’hyperspécialisation de la recherche, les chercheurs et les laboratoires sont rarement à cheval sur les deux. <a href="https://www.slate.fr/story/201916/etudes-postcoloniales-place-reelle-universite-enseignement-superieur-recherche-france">Les études postcoloniales</a>, dé-coloniales, ou consacrées à un groupe plus ou moins large, African-American studies, Jewish studies, etc., confortent l’image d’une dissociation.</p>
<h2>Un racisme qui évolue</h2>
<p>Depuis le mouvement des Noirs pour les droits civiques des années 1950-1960, et sans que les expressions classiques – coloniales, biologiques- aient disparu, le racisme peut sembler moins flagrant (« veiled »), logé dans des mécanismes échappant à la conscience des acteurs mais aussi systémique, institutionnel ou structurel. Il semble aussi différentialiste, culturel, tenant ses cibles pour inassimilables, incapables de rallier l’identité collective et ses « valeurs ».</p>
<p>Puis, jusqu’aux années 2000, le racisme était perçu, analysé et combattu comme émanant du groupe dominant. Les Blancs.</p>
<p>Mais des demandes identitaires, dans de nombreux pays, se sont cristallisées, et parfois essentialisées, autour notamment de l’islam ou de <a href="https://www.nouvelobs.com/idees/20210227.OBS40734/genre-race-identite-elisabeth-roudinesco-et-sandra-laugier-s-expliquent.html">« la race »</a>, portées par des acteurs oscillant entre ouverture et fermeture, tentés alors dans les cas extrêmes par la <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2021-3-page-617.htm">guerre des races</a>. L’idée d’une « pensée blanche » renvoie chez les uns à un projet de guerre anti-Blancs tournant au racisme, et chez d’autres encourage le Blanc à ne plus être <a href="https://www.nouvelobs.com/idees/20201004.OBS34233/lilian-thuram-on-ne-nait-pas-blanc-on-le-devient.html">« enfermé dans sa blancheur »</a>.</p>
<p>À l’origine invention à prétention scientifique, la « race », sous influence américaine, devient une construction sociale – ce qui rend la notion acceptable. Des victimes l’intériorisent, en même temps qu’elles affichent des demandes de reconnaissance, religieuses, culturelles plus ou moins naturalisées, racialisées.</p>
<p>Au racisme culturel qui reproche à ses cibles de ne pas s’intégrer aux valeurs du groupe dominant, elles répondent en affichant les leurs. Dès lors, l’antiracisme se déchire entre universalisme et un relativisme qui finalement voit des « races » partout. Les dérives se démultiplient. Des intellectuels, des journalistes, des acteurs politiques s’en prennent à la cancel culture, au wokisme, à l’islamo-gauchisme en jetant le bébé avec l’eau du bain : les mobilisations antiracistes respectables, les excès et intolérances ; les études sérieuses, postcoloniales par exemple, et les idéologies délirantes.</p>
<h2>L’antisémitisme et Israël</h2>
<p>Au départ, la haine des juifs est indissociable de l’essor du christianisme, il vaut mieux parler <a href="https://www.cairn.info/revue-le-genre-humain-2016-1-page-673.htm">d’anti-judaïsme</a>, les juifs sont perçus et traités comme un peuple « déicide » refusant d’accepter la nouvelle religion. L’antisémitisme fait des juifs une race au sens biologique, sans que disparaisse le vieil anti-judaïsme. Il trouve certaines de ses sources dans l’Espagne à partir de la « Reconquista » à la fin du XV<sup>e</sup> siècle, avec le thème de la “pureté du sang” et se développe dans l’Europe moderne de la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>A la fin des années 70, l’antisémitisme s’alimente du négationnisme. Identification à la cause palestinienne, idée que l’État d’Israël n’a pas sa place en terre d’islam, et, plutôt à gauche, antisionisme parfois consubstantiellement antisémite : l’existence et la politique de l’État d’Israël ont pesé lourdement sur les <a href="https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2020/09/R2M-2020-10.pdf">préjugés et la haine antisémites</a> à partir du début des années 1980.</p>
<p>Plus l’antisémitisme est attribué au monde arabo-musulman et à l’« islamo-gauchisme », plus prospère l’équation : antisionisme=antisémitisme. Or, l’antisémitisme existe aussi chez les Skinheads, les néonazis, dans des secteurs catholiques rejetant les conclusions de Vatican II, chez des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loiret/orleans/complotiste-aux-relents-antisemites-polemique-sur-la-venue-de-pierre-hillard-a-la-mediatheque-d-orleans-2616868.html">complotistes</a>, par exemple « anti-vax » et « anti-passe » exprimant en 2021 leur haine sur divers réseaux sociaux et parfois dans la rue.</p>
<h2>De nouveau, un combat universel</h2>
<p>Aux États-Unis, après la <a href="https://cclj.be/analyses/juifs-et-noirs-a-nouveau-unis-contre-le-racisme/">participation de juifs démocrates</a> au mouvement pour les droits civiques, les eaux s’étaient séparées. Mais depuis 2013, dans le contexte de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/le-mouvement-black-lives-matter_2133604.html">l’apparition du mouvement Black Lives Matter</a>, des juifs s’engagent à nouveau aux côtés de Noirs.</p>
<p>Plus le combat est universel, contre le racisme ou l’antisémitisme sans exclusive, plus les deux phénomènes ne font qu’un. <a href="https://www.histoire-immigration.fr/hommes-migrations/article/exposer-le-racisme-et-l-antisemitisme-un-enjeu-democratique">Franz Fanon</a>, haute figure de l’action émancipatrice anticoloniale, évoque pour le faire comprendre le propos d’un de ses anciens professeurs s’adressant à ses élèves antillais : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».</p>
<p>Plusieurs éléments nouveaux doivent encore être soulignés. <a href="https://news.un.org/fr/story/2020/07/1073141">Le changement technologique</a> (Internet, réseaux sociaux, intelligence artificielle, algorithmes…) ouvre ainsi d’autres horizons au racisme et à l’antisémitisme d’un côté, à la recherche sur ces phénomènes et à l’action antiraciste de l’autre. L’évolution ici est globale, appelant des réponses juridiques, économiques -vis-vis notamment des GAFAM –, politiques ou militantes non moins globales.</p>
<p>Des prises de position récentes ramènent également à la distinction entre antisémitisme et racisme et à leur enchevêtrement. La première, venue des États-Unis, accuse les juifs d’avoir joué un rôle central dans la traite négrière – une thématique rapidement abandonnée ou presque grâce notamment à l’intervention de grands intellectuels noirs étasuniens.</p>
<p>Autre affirmation, que résume la formule « deux poids, deux mesures » : les juifs bénéficieraient d’un traitement privilégié, contrairement à d’autres, noirs, musulmans notamment. Ainsi, en France, ils seraient avantagés puisqu’il est possible de blasphémer (avec les caricatures du prophète Mohammed), mais interdit de plaisanter à propos des chambres à gaz, ou d’en contester l’existence.</p>
<p>Enfin, un thème progresse, notamment au sein de minorités de couleur : les juifs, n’étant plus discriminés, seraient des Blancs à qui s’appliquerait le concept de « blanchité » et qui participeraient à la discrimination de non-Blancs – ce qui revient à minimiser la Shoah.</p>
<p>Racisme et antisémitisme s’enchevêtrent aujourd’hui : on retrouve ici notre question initiale de leur distinction. Les deux phénomènes ne se confondent pas, leurs cheminements historiques réciproques pas davantage, et pourtant, ils s’alimentent fréquemment l’un l’autre, ce qui fabrique des dynamiques parfois originales – les juifs et la « blanchité ». La recherche, comme l’action antiraciste, devraient en prendre acte de manière systématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193740/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Wieviorka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’anti-sémitisme et le racisme ont leurs spécificités mais ils s’enchevêtrent aussi, notamment dans l’histoire récente.Michel Wieviorka, Sociologue, membre Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (CADIS, EHSS-CNRS), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1927582022-10-26T18:33:25Z2022-10-26T18:33:25ZMayotte : pourquoi ce département français est-il revendiqué par les Comores ?<p>Le 22 septembre 2022, Assoumani Azali, le président de l’Union des Comores a rappelé lors de 77<sup>e</sup> Session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unis le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/nations-unies-azali-revendique-toujours-mayotte-et-condamne-l-invasion-russe-en-ukraine-1324228.html">différend territorial</a> qui oppose son pays à la France concernant l’île de Mayotte.</p>
<p>En effet, la souveraineté du plus jeune et du plus petit département français situé dans l’océan Indien est au cœur d’un conflit territorial et l’objet de débats passionnés depuis <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2021-1-page-8.htm">plusieurs décennies</a>.</p>
<p>S’il est incontestable que les quatre îles formant l’archipel des Comores ont une géographie et une grande partie de leur peuplement en commun, il convient de revenir brièvement sur l’histoire de l’archipel pour comprendre les tensions entre Mayotte et ses voisins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte représentant l’archipel des Comores" src="https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490381/original/file-20221018-26-qbq8r6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Archipel des Comores, 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Victoire Cottereau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>« L’archipel des sultans batailleurs »</h2>
<p>Au VIII<sup>e</sup> siècle, les îles se peuplent de Bantous agriculteurs et pêcheurs venus d’Afrique ainsi que de commerçants malgaches et d’austronésiens originaires de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2002-4-page-677.htm4">archipel indonésien</a>. </p>
<p>À partir du XIII<sup>e</sup> siècle, des familles provenant de Chiraz, en Perse, s’implantent dans l’archipel et s’efforcent d’emblée d’asseoir leur domination, imposent leur culture, et réduisent les populations locales en <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2009/06/MICHALON/17230">esclavage</a>. Les îles sont alors gouvernées par des sultans issus des différentes familles chiraziennes. En perpétuelle concurrence, ces monarques organisent régulièrement des expéditions militaires d’une île contre l’autre. Touchées par des troubles violents (pillages, razzias d’esclaves, etc.), les îles sont baptisées <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2012_num_99_374_4921">« l’archipel des sultans batailleurs »</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="Représentation d’Andriantsoly, ancien sultan de Mayotte, 1 janvier 1855" src="https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=686&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490384/original/file-20221018-12-wxc74o.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=862&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Représentation d’Andrian Tsouly (ou Andriantsoly), ancien sultan de Mayotte, 1 janvier 1855.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Andriantsoly">Auteur inconnu -- Édouard Charton (dir.), Le Magasin pittoresque, Paris, 1855/Wikimedia</a></span>
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<p>Lassé de ces querelles, le sultan de Mayotte, AndrianTsouli, cherche l’appui d’une puissance étrangère afin de conforter son assise politique dans l’île la plus malgache de l’archipel.</p>
<p>En 1841, il cède Mayotte à la France. L’île devient une colonie française en 1843. Le protectorat français est établi aux trois autres îles en 1886 et, celles-ci sont érigées en colonies françaises en 1912, soit près de 70 ans après Mayotte. Contrairement aux idées reçues, <a href="https://www.parislibrairies.fr/livre/9782858022953-comores-quatre-iles-entre-pirates-et-planteurs-vol02-tome-2-genese-vie-et-mort-du-protector-jean-martin/">l’archipel des Comores</a> n’a jamais constitué une entité politique avant la présence française.</p>
<h2>Le combat des « chatouilleuses »</h2>
<p>Historiquement, la détermination des habitants de l’île de Mayotte dénommés les Mahorais à accéder à un ancrage pérenne au sein de la République française est antérieure à la période de décolonisation.</p>
<p>L’année 1958 marque une rupture dans la relation entre Comoriens et Mahorais. L’assemblée territoriale des Comores <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2021-1-page-8.htm">vote le transfert</a> de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni (Grande Comore).</p>
<p>Cette situation sécrète une <a href="https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2013-3-page-119.htm">certaine rancœur</a> chez les Mahorais et amène à la fondation du <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2016-2-page-57.htm">Mouvement populaire mahorais (MPM)</a> en 1966.</p>
<p>Les femmes, connues sous le nom de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-zakia_madi_la_chatouilleuse_alain_kamal_martial-9782747564908-17546.html">« chatouilleuses »</a>, débutent leur combat en menant des <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2016-2-page-57.htm">activités protestataires</a> contre l’autorité territoriale et réclament la départementalisation.</p>
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<img alt="Paneau sur lequel est écrit « Mayotte est française et le restera à jamais »." src="https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490386/original/file-20221018-22-j0xixw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Victoire Cotterau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>La décolonisation dans l’archipel des Comores</h2>
<p>En 1974, les Comoriens sont interrogés sur leur souhait d’indépendance. C’est la décolonisation qui marque le point de départ du « dossier douloureux qui dure depuis plus d’une quarantaine d’années » entre la France et les Comores, comme le rappelait Azali Assoumani, président de l’Union des Comores le 22 septembre 2022 <a href="https://www.habarizacomores.com/2022/09/discours-dazali-la-77e-session.html">devant l’ONU</a>.</p>
<p>Alors que les habitants des trois îles voisines votent majoritairement « oui », les Mahorais se distinguent en votant « non » et soulignent leur volonté de demeurer au sein de la République française.</p>
<p>Face à ce résultat, l’assemblée des Comores proclame dès 1975 l’indépendance des îles de l’archipel, y compris Mayotte. Devant la contestation des Mahorais et l’inquiétude de perdre un territoire géostratégique dans l’océan Indien, la France prend acte de l’indépendance des îles, <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2012_num_99_374_4922">excepté Mayotte</a>, près de six mois après la proclamation d’indépendance et quelques semaines après l’adhésion à l’ONU du nouvel État comorien.</p>
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<p>Au lieu de considérer ce vote dans son ensemble selon le droit international au nom de l’intangibilité des frontières, la France organise une seconde consultation de la population de Mayotte sur leur souhait de rester français ou d’intégrer le nouvel État comorien. En 1976, les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2005-2-page-515.htm">Mahorais choisissent la France à plus de 99 % des suffrages</a>.</p>
<p>Cet acte apporte une légitimité à l’élaboration d’un <a href="https://agone.org/livres/comoresmayotteunehistoireneocoloniale">« micmac constitutionnel »</a> comme l’écrit le militant Pierre Caminade, afin de conserver l’île sous son giron.</p>
<p>L’Assemblée générale des Nations unies se saisit immédiatement de la question, condamne les agissements de l’État français et affirme la souveraineté comorienne sur l’île de Mayotte. A cette condamnation, la France rétorque par le principe des peuples à disposer d’eux-mêmes et, de ce fait, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00839367/document">considère sa décision comme conforme</a> au droit international.</p>
<h2>Un rattachement qui n’est plus au cœur des préoccupations internationales</h2>
<p>De 1976 à 1994, l’assemblée générale des Nations unies adopte 18 résolutions. Chacune d’entre elles se réfère à la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/declaration-granting-independence-colonial-countries-and-people">Résolution 1514 (XV) de 1960</a> affirmant la souveraineté comorienne sur l’île de Mayotte.</p>
<p>Or, au fil de celles-ci, les mots utilisés par l’ONU <a href="https://hal.univ-reunion.fr/hal-03590943">sont de plus en plus nuancés</a> passant de « condamne » à « invite », et l’abstention des États votants pour statuer sur ce sujet est en constante augmentation. Lors de la dernière résolution, le « oui » reste majoritaire mais avec seulement 47,28 % des États.</p>
<p>À compter de 1996, l’Union des Comores n’entreprend plus les démarches nécessaires pour faire inscrire la question de Mayotte à l’ordre du jour définitif de l’assemblée générale de l’ONU. Malgré cela, les tensions diplomatiques sont encore bien présentes et le sujet est régulièrement évoqué dans les discours du <a href="https://www.france24.com/fr/20191113-entretien-comores-president-azali-assoumani-mayotte-eux-macron">président comorien</a>.</p>
<p>De son côté, la France affirme clairement sa volonté de préférer l’avis du peuple à celui des instances internationales. Mayotte devient le 101<sup>e</sup> département français en 2011 et une <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ultraperipheriques-regions-rup">région ultrapériphérique</a> (RUP) de l’Union européenne en 2014.</p>
<p>Ce dernier statut a été obtenu suite à un vote unanime du Conseil européen désignant de facto Mayotte comme française, tandis qu’aucun des États membres n’a relevé une contradiction avec sa <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2014-1-page-31.htm">propre position au sein de l’ONU</a>.</p>
<p>Bien que Mayotte française ne dispose encore aujourd’hui d’aucune <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2005-2-page-515.htm">reconnaissance internationale</a>, il semble que cette question ne soit plus au cœur des préoccupations mondiales et qu’elle prenne de plus en plus le chemin de l’acceptation, excepté pour les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-comores-crise-mayotte-la-france-doit-cesser-doccuper-mon-pays">Comoriens</a>.</p>
<h2>Une situation politique instable aux Comores</h2>
<p>Subissant une vingtaine de coups de force entre 1975 et 2001, l’État comorien connaît une longue instabilité politique et institutionnelle depuis son indépendance. La <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/07/23/anjouan-une-ile-des-comores-est-tentee-par-un-retour-a-la-france_3783193_1819218.html">crise séparatiste</a> la plus profonde réside probablement dans la déclaration de sécession des îles d’Anjouan et Mohéli en 1997. Les îles déclarent leur indépendance et demandent sans succès leur rattachement à la France. Échouant à retrouver son autorité par la force, le pouvoir central comorien entame un long processus de réconciliation qui s’achève par la <a href="https://journals.openedition.org/com/9692">ratification de la nouvelle constitution de l’Union des Comores de 2001</a>).</p>
<p>Cette constitution marque la mise en place d’une stabilité politique en accordant une plus large autonomie aux îles qui composent l’Union et en instaurant le principe d’une présidence tournante à raison d’un mandat non renouvelable par élu natif de chacune des trois îles.</p>
<p>Or, en 2018, Azali Assoumani organise une réforme constitutionnelle afin de pouvoir étendre de un à deux mandats la durée de la présidence. Réélu en 2019, l’opposition crie au « coup d’État institutionnel » et au <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/26/comores-le-president-sortant-azali-assoumani-reelu-des-le-premier-tour_5441643_3212.html">« Hold-up électoral »</a>.</p>
<p>Au-delà de l’instabilité politique et institutionnelle du pays, les Comores sont également confrontées à des <a href="https://lejournaldemayotte.yt/2022/09/02/comores-la-penurie-des-denrees-de-base-sajoute-a-la-hausse-du-pri-du-gaz/">évènements climatiques et environnementaux (cyclones, inondations, etc.), économiques (pénuries de denrées de première nécessité)</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-d-outre-mer-2020-2-page-437.htm">sanitaires</a> (épidémies, etc.). Aujourd’hui, le pays fait partie des 47 États dont le niveau de développement est le <a href="https://www.donneesmondiales.com/pays-moins-avances.php">plus faible</a> et est classé 21<sup>e</sup> État le plus corrompu selon <a href="https://atlasocio.com/classements/economie/corruption/classement-etats-par-indice-de-corruption-monde.php">l’indice de perception de la corruption en 2020</a>. Cette situation offrant peu de perspectives heureuses aux Comoriens, les candidats à l’émigration sont nombreux <a href="https://www.editions-coelacanthe.com/product-page/le-drame-comorien-abdourahim-bacari">à vouloir rejoindre Mayotte</a>.</p>
<h2>Mayotte : un département français sous tension</h2>
<p>La proximité géographique et les écarts économiques entre les îles de l’archipel ont rapidement transformé Mayotte en « eldorado ». Aujourd’hui, près d’un habitant sur deux est de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3713016">nationalité étrangère</a> et 77 % des habitants vivent sous le seuil de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622454">pauvreté</a>, souvent dans des bidonvilles.</p>
<p>Les inégalités sociales et l’explosion démographique, liée à une forte natalité et à des flux migratoires importants, engendrent de nombreuses tensions sur cette petite île de seulement 375 km<sup>2</sup>. L’insécurité quotidienne et la <a href="https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/insecurite-a-mayotte-les-elus-vont-fermer-ecoles-et-administrations-pour-denoncer-les-vagues-de-violences">flambée de violences</a> de ces dernières années cristallisent les débats autour de la question migratoire. En ce sens, la France est aujourd’hui le premier bailleur des Comores et lui accorde d’importantes aides financières, en contrepartie d’une lutte contre le <a href="https://www.linfokwezi.fr/comores-france-bailleur-accord-cadre/">départ de ces ressortissants vers Mayotte</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">France 24, Les Observateurs.</span></figcaption>
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<p>Devant l’assemblée de l’ONU en septembre dernier, Assoumani Azali a souligné que s’ouvrent :« des perspectives nouvelles avec l’esprit de dialogue qui s’est créé entre les parties [comorienne et française] », après avoir rappelé le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/nations-unies-azali-revendique-toujours-mayotte-et-condamne-l-invasion-russe-en-ukraine-1324228.html">caractère comorien de l’île mahoraise</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/268369-emmanuel-macron-22072019-azali-assoumani-france-comore">politique gouvernementale française</a> a effectivement la « volonté de résoudre ces désaccords sur le plan bilatéral et de trouver des solutions constructives dans le temps » à travers la mise en place d’un nouveau partenariat en matière de développement, comme l’a exprimé le président Macron lors d’une conférence de presse conjointe avec le président Azali en 2019.</p>
<p>Or, de nombreux Mahorais interrogent l’utilité de cette politique. Ils dénoncent une « crise migratoire alimentée par les autorités comoriennes et instrumentalisée pour leur revendication territoriale sur Mayotte », pour reprendre les propos de la <a href="https://www.mayottehebdo.com/actualite/politique/estelle-youssouffa-nations-unies-defendre-choix-mahorais-demeurer-francais/">députée Estelle Youssouffa</a> qui s’est également rendue aux Nations unies en septembre dernier pour défendre le choix des Mahorais de demeurer Français.</p>
<p>Entravé par l’insoluble différend territorial concernant Mayotte, le renforcement des liens de coopération régionale apparaît pourtant comme une nécessité et devrait se poursuivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victoire Cottereau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le différend territorial entre Mayotte et l’Union des Comores demeure un enjeu pour la France.Victoire Cottereau, Maitre de conférences en géographie au CUFR de Mayotte, chercheuse associée au laboratoire Migrinter, Poitiers et au laboratoire ESPACE-DEV, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1741172022-10-18T13:45:22Z2022-10-18T13:45:22ZNotre utilisation occasionnelle des outils d’analyse faciale peut mener à des applications plus sombres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440328/original/file-20220111-22342-1scd0q2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C5004%2C2799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les technologies de reconnaissance faciale sont plus courantes qu'on ne le pense.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 14 décembre, les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Québec ont ordonné à l’entreprise de reconnaissance faciale Clearview AI d’<a href="https://globalnews.ca/news/8451440/clearview-ai-facial-recognition-order-stop/">arrêter de recueillir les images de personnes obtenues sans leur consentement, et de les supprimer</a>. Les discussions concernant les risques des systèmes de reconnaissance faciale qui utilisent des technologies d’analyse automatisée du visage portent généralement sur les entreprises, les gouvernements nationaux et l’application de la loi. Mais le plus inquiétant est la façon dont la reconnaissance et l’analyse faciales ont été intégrées à notre quotidien.</p>
<p>Amazon, Microsoft et IBM ont <a href="https://www.vox.com/recode/2020/6/10/21287194/amazon-microsoft-ibm-facial-recognition-moratorium-police">arrêté de fournir des systèmes de reconnaissance faciale aux services de police</a> après que des <a href="https://doi.org/10.1145/3306618.3314244">études aient révélé la présence de préjugés algorithmiques</a> qui entraînent d’innombrables erreurs d’identification chez les <a href="https://www.nist.gov/publications/face-recognition-vendor-test-part-3-demographic-effects">personnes de couleur, en particulier les personnes noires</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lintelligence-artificielle-reproduit-et-amplifie-le-racisme-167950">Comment l’intelligence artificielle reproduit et amplifie le racisme</a>
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<p>Facebook et Clearview AI se sont heurtés à des <a href="https://www.theverge.com/2021/5/27/22455446/clearview-ai-legal-privacy-complaint-privacy-international-facial-recognition-eu">poursuites</a> et à des <a href="https://www.cnet.com/tech/services-and-software/facebook-privacy-lawsuit-over-facial-recognition-leads-to-650m-settlement/">règlements</a> pour avoir établi des bases de données à partir de milliards de modèles de visages sans obtenir le consentement des personnes visées.</p>
<p>Au Royaume-Uni, la police fait face à une enquête minutieuse pour son utilisation de la <a href="https://www.wired.co.uk/article/met-police-facial-recognition-new">reconnaissance faciale en temps réel dans les espaces publics</a>. En Chine, le gouvernement <a href="https://www.nytimes.com/2019/04/14/technology/china-surveillance-artificial-intelligence-racial-profiling.html">suit les membres de la minorité ouïgoure au moyen de technologies de balayage de visage</a>.</p>
<p>Mais pour saisir l’ampleur et l’impact de ces systèmes, il faut aussi se pencher sur les pratiques courantes des utilisateurs du grand public qui appliquent de façon routinière le balayage et l’analyse faciaux, contribuant ainsi à l’érosion de la vie privée et à la hausse de la discrimination raciale et du racisme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sxQXARMJcys?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Enquête de PBS sur les problèmes de vie privée et de préjugés liés à la reconnaissance faciale.</span></figcaption>
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<p>En tant que chercheur sur les <a href="https://doi.org/10.1177/0163443719846610">pratiques visuelles des médias mobiles</a> et leur <a href="https://mitpress.mit.edu/books/fabric-interface">rapport historique avec les inégalités sociales</a>, j’explore régulièrement en quoi les actions des utilisateurs peuvent établir ou changer les normes concernant des sujets comme la vie privée et l’identité. Dans ce contexte, l’adoption et l’utilisation de systèmes et de produits d’analyse faciale dans notre quotidien pourraient atteindre un point charnière dangereux.</p>
<h2>Balayages faciaux quotidiens</h2>
<p>Les <a href="https://opencv.org/about/">algorithmes libres qui détectent les caractéristiques faciales</a> rendent l’analyse ou la reconnaissance faciales facile à ajouter pour les développeurs d’applications. Nous utilisons déjà la reconnaissance faciale pour déverrouiller nos téléphones ou pour <a href="https://www.latimes.com/business/technology/story/2020-08-14/facial-recognition-payment-technology">payer des biens</a>. Les caméras vidéo intégrées aux téléphones intelligents utilisent la reconnaissance faciale pour identifier les visiteurs ainsi que personnaliser les affichages à l’écran et les rappels audio. La fonction de mise au point automatique des caméras de cellulaires inclut la détection et le suivi du visage, tandis que le stockage infonuagique des photos génère des albums et des diaporamas thématiques en trouvant et en regroupant les visages qu’il reconnaît dans les clichés que nous prenons.</p>
<p>L’analyse faciale est utilisée par de nombreuses applications, y compris les filtres et accessoires des médias sociaux qui produisent des effets comme le vieillissement artificiel ou l’animation des traits du visage. Les applications d’autoamélioration et de prévisions pour la beauté, l’horoscope ou la détection de l’ethnicité génèrent également des conseils et des conclusions en fonction de balayages faciaux.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CT7Vg74FChg","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Mais l’utilisation des systèmes d’analyse faciale pour l’horoscope, les égoportraits ou l’identification de personnes peut avoir des répercussions sociétales à long terme : elle peut en effet <a href="https://www.publicaffairsbooks.com/titles/shoshana-zuboff/the-age-of-surveillance-capitalism/9781610395694/">faciliter une surveillance</a> et un suivi à grande échelle tout en <a href="https://us.macmillan.com/books/9781250074317/automatinginequality">maintenant les inégalités sociales systémiques</a>.</p>
<h2>Risques potentiels</h2>
<p>Lorsqu’elles sont répétées dans le temps, ces utilisations, caractérisées par un faible risque et une gratification instantanée, peuvent nous habituer de façon plus générale au balayage facial, ouvrant la porte à des <a href="https://doi.org/10.1177/0261018303023002006">systèmes plus vastes appliqués dans différents contextes</a>. Or, nous n’avons aucun contrôle – et très peu d’information – sur les personnes qui dirigent ces systèmes et sur la façon dont les données sont utilisées.</p>
<p>Si nous soumettons déjà notre visage à un examen automatisé, non seulement avec notre consentement, mais en plus avec notre participation active, il ne nous semblera pas particulièrement intrusif d’être assujettis à des balayages et analyses semblables lorsque nous nous déplaçons dans des espaces publics ou que nous accédons à des services.</p>
<p>En outre, notre utilisation personnelle des technologies d’analyse faciale contribue directement au développement et à la mise en œuvre de systèmes élargis destinés à suivre la population, à créer des classements de clients ou à établir des bassins de suspects lors d’enquêtes. Les entreprises peuvent recueillir et partager les données qui lient nos photos à notre identité, ou constituer de plus <a href="https://www.computer.org/csdl/journal/ta/2019/01/08013713/13rRUwjXZQG">grands ensembles de données afin d’apprendre aux systèmes d’IA à reconnaître les visages ou les émotions</a>.</p>
<p>Même si nous utilisons une plate-forme qui restreint ce genre d’usages, les produits partenaires peuvent ne pas avoir à respecter les mêmes restrictions. Le développement de nouvelles bases de données de personnes peut être lucratif, en particulier si ces bases de données comprennent un grand nombre d’images faciales de chaque utilisateur, ou si elles peuvent associer des images à des renseignements personnels, comme des noms de compte d’utilisateur.</p>
<h2>Profilage numérique pseudoscientifique</h2>
<p>Ce qui est peut-être encore plus troublant est que notre acceptation croissante des technologies d’analyse faciale contribue à la façon dont celles-ci déterminent non seulement l’identité d’une personne, mais aussi son milieu, sa personnalité et sa valeur sociale.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Cartographie numérique d’un visage souriant" src="https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438140/original/file-20211216-7591-1q1xmqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les technologies d’analyse faciale qui prédisent des caractéristiques comme l’ethnicité et la beauté reposent sur des principes pseudoscientifiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Nombre d’applications de prédiction et de diagnostic effectuent un balayage du visage pour déterminer l’ethnicité, la beauté, le bien-être, les émotions et même le potentiel salarial en se basant sur les pseudosciences historiques et troublantes de la <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/facing-a-bumpy-history-144497373/">phrénologie</a>, de la <a href="https://blogs.scientificamerican.com/observations/can-we-read-a-persons-character-from-facial-images/">physionomie</a> et de l’<a href="https://plato.stanford.edu/entries/eugenics/">eugénisme</a>.</p>
<p>Ces <a href="https://doi.org/10.1177/1357034X02008001004">systèmes interreliés</a> se fondaient sur différents degrés d’analyse faciale pour justifier les hiérarchies raciales, l’esclavage, la stérilisation forcée et l’incarcération préventive.</p>
<p>Notre utilisation des technologies d’analyse faciale peut <a href="https://www.dukeupress.edu/dark-matters">perpétuer ces croyances et préjugés</a> en donnant l’impression qu’elles ont une place légitime dans la société. Cette complicité peut par la suite justifier la mise en place de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jvlc.2017.09.006">systèmes semblables d’analyse faciale automatisée</a> pour <a href="https://www.washingtonpost.com/technology/2019/10/22/ai-hiring-face-scanning-algorithm-increasingly-decides-whether-you-deserve-job/">trier les candidats à un poste</a> ou <a href="https://www.bbc.com/news/technology-53165286">déterminer la criminalité</a>, par exemple.</p>
<h2>Bâtir de meilleures habitudes</h2>
<p>La régulation entourant la collecte, l’interprétation et la distribution de données biométriques par les systèmes de reconnaissance faciale <a href="https://www.vox.com/recode/2020/7/3/21307873/facial-recognition-ban-law-enforcement-apple-google-facebook">n’est pas aussi rapide que notre utilisation quotidienne</a> du balayage et de l’analyse faciaux. Les politiques se sont un peu améliorées en <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2021/698021/EPRS_IDA(2021)698021_EN.pdf">Europe</a> et dans <a href="https://www.ilga.gov/legislation/ilcs/ilcs3.asp?ActID=3004&ChapterID=57">certaines parties des États-Unis</a>, mais une réglementation plus rigoureuse est nécessaire.</p>
<p>Par ailleurs, nous devons confronter nos propres habitudes et suppositions. En quoi nous mettons-nous et les autres, en particulier les populations marginalisées, à risque en banalisant une telle analyse par les machines ?</p>
<p>La mise en place de quelques ajustements simples pourrait nous aider à mieux aborder l’effrayante intégration des systèmes d’analyse faciale à notre quotidien. Il serait bon de commencer par changer les réglages d’applis et d’appareils afin de minimiser les balayages et partages. Avant de télécharger une appli, faites des recherches à son sujet et <a href="https://tech.co/news/understand-online-terms-of-service-2018-05">lisez-en les conditions d’utilisation</a>.</p>
<p>Résistez à la brève excitation d’essayer la toute dernière mode d’effet facial dans les médias sociaux – avons-nous vraiment besoin de savoir à quoi on ressemble comme personnage Pixar ? Repensez-y avant d’utiliser des appareils intelligents équipés de technologies de reconnaissance faciale. Ayez conscience des droits des personnes dont l’image pourrait être prise par un appareil domestique intelligent ; vous devriez toujours obtenir le consentement explicite des personnes qui passent devant l’objectif.</p>
<p>S’ils se multiplient parmi les utilisateurs, les produits et les plates-formes, ces petits changements peuvent protéger nos données et nous donner du temps pour mieux réfléchir aux risques, aux avantages et au déploiement justifié des technologies de reconnaissance faciale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174117/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephen Monteiro ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les technologies de reconnaissance faciale sont devenues largement répandues grâce à des dispositifs de plus en plus sophistiqués et à des modes populaires.Stephen Monteiro, Assistant Professor of Communication Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1884032022-08-28T18:10:53Z2022-08-28T18:10:53ZMineurs trans : pourquoi leur prise en charge est aussi controversée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480865/original/file-20220824-4239-pwpqn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C38%2C5089%2C3580&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Femme trans non-binaire se prenant en photo. Pour de nombreux mineurs trans l'accompagnement médical et psychologique demeure compliqué du fait de différents biais sociétaux. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://drive.google.com/file/d/1bKLiesXZwysgk0Leexb5pc46vLqpj3np/view">Zackary Drucke/The Gender Spectrum Collection</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://www.theguardian.com/society/2022/jul/28/tavistock-gender-identity-clinic-is-closing-what-happens-next">annonce récente</a> de la fermeture imminente de la Tavistock Gender Identity Development Service à Londres, accompagnant des personnes mineures souffrant de la <a href="https://www.ghu-paris.fr/fr/transidentites">dysphorie de genre</a> – la souffrance des personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance – s’est fait dans une atmosphère hautement polémique. Cette fermeture met aussi en jeu des questions médicales, sociales et politiques faisant aujourd’hui débat notamment en France.</p>
<p>Il faut commencer par souligner la spécificité de la structure de la clinique Tavistock à Londres. Au Royaume-Uni, l’offre d’accompagnement s’adressant aux mineurs trans est très centralisée, puisque le Tavistock Gender Identity Development Service reste aujourd’hui la seule institution (de santé publique, NHS) qui permettait aux jeunes d’accéder aux bloquants hormonaux. Il s’agit des médicaments qui inhibent la production des hormones sexuelles et de ce fait <a href="https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/gender-dysphoria/in-depth/pubertal-blockers/art-20459075">suspendent la puberté</a> chez les enfants et les adolescents – ils font en sorte que le corps de l’enfant est moins vécu comme son ennemi, et cela sans intervention chirurgicale.</p>
<p>Il en est tout à fait autrement en France où, pour un grand nombre de besoins médicaux, des centres spécialisés sont répartis à travers le territoire. Les <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/05/27/changer-de-sexe-en-france-des-parcours-complexes_5468240_1650684.html">services de changement de genre</a> ne font pas exception (notons qu’en France non plus <a href="https://www.marianne.net/societe/sante/mineurs-transgenres-sans-directives-nationales-on-est-soumis-a-lideologie-des-praticiens">on ne propose pas</a> d’interventions chirurgicales aux mineurs).</p>
<h2>Une fermeture médiatique</h2>
<p>Le centre Gender Identity Development Service (GIDS) est donc le seul (présent sur trois sites, à Londres, Leeds et Bristol) proposant l’accompagnement des jeunes trans, ce qui l’a fragilisé, étant donné la forte hausse des demandes.</p>
<p>La fréquentation a cru de façon exponentielle : entre 2011 et 2021 le nombre de mineurs suivis <a href="https://uk.style.yahoo.com/nhs-shut-down-tavistock-gender-135300501.html">est multiplié par 20</a>. En conséquence, les services proposés par le centre se sont détériorés. <a href="https://www.theguardian.com/society/2018/nov/03/tavistock-centre-gender-identity-clinic-accused-fast-tracking-young-adults">On commence à le voir à travers les articles de presse</a> dès 2018. En 2021, un <a href="https://www.cqc.org.uk/news/releases/care-quality-commission-demands-improved-waiting-times-tavistock-portman-nhs">rapport d’une commission publique notait</a> que les listes d’attente pour les jeunes étaient devenues trop longues et qu’il était nécessaire d’y remédier.</p>
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<h2>Réduction idéologique</h2>
<p>En parallèle, en 2019, la médiatisation d’une plainte met un coup de projecteur inattendu sur la clinique Tavistock de Londres. La plaignante, Keira Bell, accuse alors le service de lui avoir donné des <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/dysphorie-de-genre-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-bloqueurs-de-puberte-7900110708">bloqueurs de puberté</a> trop précocement, et gagne en première instance. Cette dénonciation s’inscrit dans une mise en accusation plus large.</p>
<p>La <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/calls-to-end-transgender-experiment-on-children-k792rfj7d">critique des milieux conservateurs britanniques</a> insiste alors sur les difficultés d’appréciation des conséquences d’une hormonothérapie ou d’un blocage des hormones de la part des personnes mineures.</p>
<p>Les critiques stipulent en même temps que ce qui est exprimé par les jeunes constitue un événement passager dans la vie de l’enfant, une « manifestation <em>subite</em> de <a href="https://doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0214157.s001">dysphorie de genre</a> » (<em>rapid-onset gender dysphoria</em>), un sentiment superficiel que le <a href="https://www.ghu-paris.fr/fr/transidentites">genre assigné ne correspond pas à l’identité de la personne</a>, dû à l’influence sociale d’un groupe ou à des troubles psychiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HoiYNFWawxA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Kids on the Edge : The Gender Clinic.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’existence même de ce phénomène est toutefois <a href="https://www.science.org/content/article/new-paper-ignites-storm-over-whether-teens-experience-rapid-onset-transgender-identity">hautement controversée</a>. Cette réduction idéologique de la dysphorie de genre à la manifestation d’un autre phénomène psychique est en opposition aux décennies de recherches sur les transidentités.</p>
<p>En 2021, la cour d’appel de Londres <a href="https://www.judiciary.uk/judgments/bell-and-another-v-the-tavistock-and-portman-nhs-foundation-trust-and-others/">finit par donner raison à la clinique Tavistock</a> contre Keira Bell. Selon les juges, les actes médicaux prodigués ne contrevenaient pas au droit et les juges n’étaient pas compétents pour juger ce cas.</p>
<p>La clinique devra toutefois fermer ses portes en 2023. Le NHS a pris cette décision guidé notamment par un rapport rédigé par la pédiatre <a href="https://www.england.nhs.uk/commissioning/spec-services/npc-crg/gender-dysphoria-clinical-programme/implementing-advice-from-the-cass-review/">Hilary Cass</a>, qui a confirmé que le service était sous « pression insoutenable », où les attentes des patients ne peuvent pas être satisfaites, et où l’atmosphère autour de la clinique créée par certains médias fait que le personnel ne reste pas, ce qui détériore davantage la qualité des soins.</p>
<h2>Faire évoluer le parcours de soin face à des besoins qui évoluent</h2>
<p><a href="https://cass.independent-review.uk/publications/interim-report/">La leçon fondamentale du rapport Cass</a> est épistémologique – le texte constate l’échec d’un modèle où les transitions se font dans un centre spécialisé et prône la décentralisation des soins. L’accompagnement des personnes en transition va se faire désormais plus près de leur lieu de résidence et en contact avec leurs médecins traitants.</p>
<p>Les débats entre les chercheurs et les soignants autour de cette clinique et sa fermeture ne doivent pas être interprétés comme un succès par les militants opposés à la médicalisation des demandes de transition chez les mineurs. Il s’agit d’une évolution normale des stratégies de soin et d’accompagnement face à des besoins jusque là inconnus.</p>
<p>Les discussions sur ces mêmes thèmes <a href="https://www.theguardian.com/society/2020/feb/22/ssweden-teenage-transgender-row-dysphoria-diagnoses-soar">ont également lieu dans d’autres pays</a>, selon le modèle similaire : une surmédiatisation des rares témoignages des personnes qui regrettent la transition dans la presse conservatrice. On l’observe dans plusieurs journaux : le <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-10953157/Man-suing-NHS-trans-surgery-regrets-bravely-waived-anonymity-share-ordeal.html"><em>Daily Mail</em></a>, le <a href="https://nypost.com/2022/06/18/detransitioned-teens-explain-why-they-regret-changing-genders/"><em>New York Post</em></a>, <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/j-ai-detruit-mon-corps-en-pensant-que-ca-irait-mieux-le-regret-de-mila-redevenue-femme-apres-une-transition-20220530"><em>Le Figaro</em></a>…</p>
<p>La lecture des rapports en <a href="https://www.socialstyrelsen.se/om-socialstyrelsen/pressrum/press/vanligt-med-flera-psykiatriska-diagnoser-hos-personer-med-konsdysfori/">Suède</a> et en <a href="https://genderreport.ca/wp-content/uploads/2021/04/Finland_Guidelines_Gender_Variance_In_Minors.pdf">Finlande</a> montre toutefois le constat partagé de la même difficulté, qui a conduit à repenser les stratégies d’accompagnement des mineurs : leurs besoins médicaux doivent être examinés et traités ensemble. Cette idée a été d’ailleurs <a href="https://cass.independent-review.uk/entry-8-beyond-the-headlines/">réitérée par Hilary Cass</a> dans un commentaire publié le 18 août 2022.</p>
<h2>Un climat clivant</h2>
<p>Le climat qui entoure ces débats en France n’est pas non plus apaisé. Des pétitions (au moins <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/changement-de-genre-chez-les-mineurs-nous-ne-sommes-pas-les-seuls-a-appeler-a-la-prudence_2163342.html">deux</a> en <a href="https://www.lepoint.fr/postillon/changement-de-genre-des-mineurs-l-appel-de-personnalites-aux-medias-07-07-2022-2482447_3961.php">France</a> mais aussi en <a href="https://www.lesoir.be/452711/article/2022-07-07/un-manifeste-europeen-pour-un-traitement-objectif-de-la-transidentite-des">Belgique</a>) et des <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/pour-le-droit-daccompagner-son-enfant-dans-son-identite-de-genre-20220721_WQ3Z6KSAJJBARFIOTC3HMVHYGA/">contre-pétitions</a> se succèdent, appuyées par des institutions de mieux en mieux structurées.</p>
<p>D’un côté, des associations comme <a href="https://grandirtrans.fr/">GrandirTrans</a> mettent en avant le mieux-être des enfants suivis hormonalement par des structures hospitalières et des professionnels compétents et soutiennent les demandes de reconnaissance de cette population.</p>
<p>De l’autre, des groupes comme l’<a href="https://www.observatoirepetitesirene.org/">Observatoire de la petite sirène</a> ou le collectif <a href="https://www.lavie.fr/ma-vie/famille/peut-on-laisser-un-enfant-changer-de-sexe-80964.php">Ypomoni</a> soutiennent l’idée d’une « contagion sociale » et d’un surdiagnostic des variances de genre chez les mineurs. Pour ces militantes et militants, les jeunes trans ainsi diagnostiqués sont soumis à des regrets ultérieurs du fait d’une impossibilité fondamentale à pouvoir maîtriser les conséquences de la médicalisation qui leur est proposée.</p>
<p>Les idées défendues par ces derniers, loin d’être à contre-courant comme elles se présentent, sont pour certaines promues et financées par des organisations internationales liées à l’extrémisme religieux et à l’opposition aux droits humains à la santé reproductive, comme le signale le <a href="https://www.epfweb.org/node/837">rapport récent</a> du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF). Elles vont aussi à l’encontre de la <a href="https://www.coe.int/fr/web/sogi/rec-2010-5">Recommandation du Comité des Ministres</a> aux États membres « sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » (CM/Rec(2010)5, ch. VII, § 33).</p>
<p>Comment distinguer dans ces débats ce qui est scientifique de ce qui est idéologique ? Depuis quelques dizaines d’années, les réflexions sur l’identité de genre se défont progressivement du regard social normatif, pour penser et accompagner la diversité. La terminologie <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01511/full">continue à évoluer</a>, et les institutions européennes proposent depuis longtemps des <a href="https://www.coe.int/fr/web/sogi/adopted-texts">recommandations</a> sensibilisant aux discrimination.</p>
<p>Plusieurs éléments de réponses peuvent cependant être apportés pour nourrir le débat en s’appuyant sur des précédents et des évolutions sociétales importantes.</p>
<h2>Des arguments à modérer et à contextualiser</h2>
<p>Une première inquiétude, récurrente, est celle de l’âge. A quel âge une intervention endocrinienne – une prise d’hormones – peut-elle être consentie ? C’est du côté de la psychanalyse que les publications d’essais sont les <a href="https://www.editions-observatoire.com/content/La_fabrique_de_l %E2 %80 %99enfant_transgenre">plus virulentes</a> et que la thèse de l’impossible consentement des mineurs prend forme. On s’est pourtant déjà posé cette question pour la contraception et en traitant différemment les aptitudes à consentir d’une même population sur un sujet similaire, <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2018/07/msc180155/msc180155.html">nous finissons par nous engager</a> dans un traitement subjectif et non éthique du problème.</p>
<p>Il est nécessaire d’évoquer ici la « capacité Gillick » (<a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21645515.2015.1091548"><em>Gillick competence</em></a>) qui est, dans le droit de santé anglo-saxon (britannique et australien), la notion permettant de trancher si une personne de moins de 16 ans est capable de consentir à son propre traitement médical.</p>
<p>Il s’agit d’une évaluation fait au cas par cas par le médecin qui cherche à savoir si la jeune personne comprend les implications soit de l’utilisation des moyens de contraception, soit de sa propre vaccination (quand les parents s’y opposent), soit enfin de la prise de médicaments hormonaux. Cette capacité était reconnue à Keira Bell par la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)02136-X/fulltext">cour d’appel en 2021</a>.</p>
<p>La deuxième inquiétude concerne le caractère irréversible des traitements proposés, même dans le contexte des médicaments seuls, sans chirurgie. En effet, les inhibiteurs d’hormones peuvent notamment limiter la croissance de jeunes patients. Mais la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1538544219301245">littérature internationale met en balance</a>, comme toujours en médecine, le bénéfice psychique de ces traitements, face aux risques afférents, comme les pratiques et pensées suicidaires.</p>
<p>Troisièmement, peut-on parler vraiment d’un phénomène d’influence sociale et donc de surdiagnostic qui en découle ? Les jeunes (trans) seraient alors influencés par des modèles et des discours – et au fond, les jeunes trans seraient principalement des personnes homosexuelles si on ne leur proposait pas l’option de la transidentité. Cependant, le lien entre homosexualité et transidentité <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2022-1-page-103.htm">a été définitivement rompu</a> depuis 1953, et la multiplicité des expériences des personnes trans fait qu’il aurait été difficile aujourd’hui de prétendre de trouver une explication causale essentialiste.</p>
<p>Enfin, un dernier point de tension apparaît, conséquence des précédents : le risque de regret à la majorité de l’enfant. Là encore, les <a href="https://journals.lww.com/prsgo/fulltext/2021/03000/regret_after_gender_affirmation_surgery__a.22.aspx">connaissances cumulées</a> déterminent les regrets opératoires aux alentours de 1 %. Si ces 1 % méritent évidemment un accompagnement adéquat, ce chiffre, comparé aux regrets liés à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28243695/">d’autres procédures médicales</a>, reste très inférieur.</p>
<h2>Un « principe de précaution » éthique ?</h2>
<p>Ceux qui s’opposent à l’accompagnement médical des jeunes trans évoquent souvent le « principe de précaution », une formule qui à leurs yeux a le pouvoir d’arrêter toute action en vertu de l’absence de certitude absolue quant aux conséquences de l’action en cause. Il s’agit d’un procédé rhétorique certes impressionnant, mais pas forcément valide. Ce principe a déjà <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/3682/Zielinska.pdf">montré ses limites</a>, tant dans sa définition maladroite que dans son application. Les sciences du vivant, et de l’humain en particulier, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/11287462.2004.10800844">avancent de façon différente</a> que les sciences fondamentales.</p>
<p>L’accompagnement que la société décide de garantir aux personnes trans n’est pas informé uniquement par les sciences fondamentales, dont les résultats se présentent comme indépendants des facteurs sociaux. La manière dont la sphère publique s’en empare <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7826438/">contribue à la formation du problème</a>, et peut provoquer un sentiment d’inadéquation, de rejet, de détestation de soi. Il est impossible de ne pas inclure cette variable dans toutes les discussions.</p>
<p>Essayons donc de comprendre les raisons exactes de l’imperfection des stratégies d’accompagnement existantes, en prêtant oreille aux témoignages venant des sources différentes et en s’appuyant sur le savoir de celles et de ceux donc l’expertise dans le domaine est reconnue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188403/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anna C. Zielinska est membre du Comité Scientifique de la DILCRAH. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arnaud Alessandrin est membre du Comité Scientifique de la DILCRAH. </span></em></p>Comment prendre en charge médicalement les mineurs trans ? Le sujet fait polémique en France mais aussi en Angleterre où une clinique spécialisée a récemment fermé.Anna C. Zielinska, MCF en philosophie morale, philosophie politique et philosophie du droit, membre des Archives Henri-Poincaré, Université de LorraineArnaud Alessandrin, Sociologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864832022-08-17T17:47:31Z2022-08-17T17:47:31ZMartinique : comment les métropolitains sont-ils perçus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478497/original/file-20220810-21-dfzcpd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1024%2C732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fort-de-France, en Martinique, où se mêlent métropolitains et population antillaise.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/davidstanleytravel/49808009937">David Stanley/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Un remaniement gouvernemental qui met le ministère des outre-mer sous tutelle du ministère de l’intérieur et un débat à l’Assemblée nationale qui rejette l’amendement sur l’adaptation de la <a href="https://www.liberation.fr/politique/pouvoir-dachat-des-elus-doutre-mer-choques-et-emus-par-les-mots-de-la-macronie-20220719_TWKZ3ZH2GJBZ3NUHE363YVDIR4/">prime pouvoir d’achat</a> aux territoires d’outre-mer auront suffi a ravivé les tensions entre politiques ultramarins et hexagonaux.</p>
<p>Ces tensions sont à mettre en miroir avec d’autres qui existent au sein même des territoires sur lesquels vivent ultramarins et métropolitains. Notre <a href="https://www.keditions.com/fiche.php?idlivre=110&idcat=15">ouvrage récent</a> explore ces identités et interactions complexes à partir d’une enquête de terrain menée de 2010 à 2014 portant sur la population métropolitaine en Martinique, actualisée entre 2016 et 2020.</p>
<p>Pour mieux comprendre les significations de leur présence sur ces territoires français éloignés de l’Hexagone, et dans lesquels ils sont assimilés d’emblée à des migrants par les populations locales, <a href="https://hal-anr.archives-ouvertes.fr/hal-03107218">nous avons interrogé</a> les métropolitains en Martinique depuis leur projet migratoire, leur vécu sur place, jusqu’à leurs perspectives de rester ou partir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/presidentielle-aux-antilles-le-vote-dextreme-droite-etait-lie-aux-problemes-sociaux-182178">Présidentielle aux Antilles : « Le vote d’extrême droite était lié aux problèmes sociaux »</a>
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<p>Nombreuses sont les thématiques liées à cette expérience migratoire et qui mettent en scène des tensions entre métropolitains et population locale. Qu’il s’agisse de la préférence locale pour l’emploi, de la lutte contre la spéculation immobilière, de la défense du patrimoine culturel matériel et immatériel, de l’opposition aux autorités quant à la <a href="https://theconversation.com/du-code-noir-au-chlordecone-comprendre-le-refus-de-lobligation-vaccinale-aux-antilles-francaises-172668">gestion de la crise sanitaire</a> (Covid-19), ces thèmes construisent des représentations sur les rapports sociaux entre les groupes en présence.</p>
<p>Reprise par les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03106553">médias locaux</a>, voire initiée par les médias sociaux, la discussion publique sur ces thèmes clivants adopte tantôt le ton de l’humour/dérision, tantôt celui de la revendication sociale, culturelle ou politique.</p>
<p>Au-delà de la perception que les métropolitains ont d’eux-mêmes, comme de la manière dont ils sont perçus par la population locale, il importe de voir quelle place le discours des acteurs tient dans l’espace public local.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NjJ0tY2PTtY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Revendications en août 2021 en lien avec le scandale du chlordécone et la résistance aux mesures sanitaires dans les Antilles.</span></figcaption>
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<h2>Qui sont les métropolitains ?</h2>
<p>Les métropolitains sont d’abord ces <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_blancs_creoles_de_la_martinique_edith_kovats_beaudoux-9782747532068-11048.html">colons blancs</a> qui viennent s’installer sur une autre terre depuis la métropole coloniale au cours du XVII<sup>e</sup> siècle. Devenus planteurs, ils se dissocient d’eux culturellement aujourd’hui, par la créolisation réalisée sur plusieurs générations (Békés).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478328/original/file-20220809-15063-j0hfh8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La fondation de la colonie de la Martinique par les Français en 1635 (Pierre Belain d’Esnambuc). Huile sur toile, entre 1839 et 1845.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_fondation_de_la_Martinique_en_1635.jpg">Collections du château de Versailles, Théodore Gudin (1802-1880)/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Le terme métropolitain qualifie ensuite, ceux qui forment de nouvelles vagues d’arrivée, au travers des postes de fonctionnement de l’<a href="https://www.pur-editions.fr/product/5339/la-compagnie-des-iles-de-l-amerique">État colonial local</a> (gouverneur, administration, armée, personnel soignant, et à partir de 1870, personnel enseignant) jusqu’en 1946 avec la loi 46-451 tendant au classement comme départements français de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000868445/2022-08-01/">Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française</a>.</p>
<p>À partir des années 1970-1980, les effets de dispositifs législatifs et fiscaux spécifiques favorisent et diversifient les <a href="https://hal.univ-antilles.fr/hal-01771854">migrations métropolitaines</a>. Aux fonctionnaires et entrepreneurs privés, encouragés par les avantages financiers (sursalaires, défiscalisations, etc.), se joignent désormais des retraités (vie paisible, climat favorable, etc.), des petits artisans parfois « aventuriers » (bien gagner sa vie, faire de l’argent, etc.) voire des personnes en situation précaire (misère moins visible au soleil).</p>
<p>Quelle que soit la motivation qui sous-tend le désir de migration, les métropolitains se projettent. Même ceux qui font l’objet d’une affectation professionnelle (trois ou quatre ans consécutifs), y ont préalablement passé des vacances, ou ont bénéficié d’amis sur place ayant assuré une transition vers ce passage. Il y a là, quelque chose de l’ordre du protocole et de la filière, alimenté par une sorte d’imaginaire des tropiques français.</p>
<p>Finalement, les métropolitains sont ces Français blancs de l’Hexagone qui se rendent outre-mer pour des raisons professionnelles ou personnelles, et y séjournent sur une période variable. Ils s’inscrivent dans la construction sociohistorique même de ces possessions françaises.</p>
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<figcaption><span class="caption">Martinique, drôle de France… Mohr Simone, documentaire RTS, 1978. YouTube.</span></figcaption>
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<h2>Une « double présence » des Français</h2>
<p>Dans l’Hexagone, aucun Français ne se dit métropolitain d’emblée, alors qu’outre-mer, personne n’est surpris par cette dénomination, pas même ceux qui sont pris dans cette catégorisation. La qualification est relevée comme si le rapport à l’ex-métropole coloniale continuait de définir une « double présence » des Français dans ces anciennes colonies. On saisit le biais de cette construction sociale lorsqu’on repère que plusieurs cheminements d’identification s’offrent aux acteurs.</p>
<p>Sur place, les métropolitains sont aisément identifiables (apparence, conduites) par rapport au groupe majoritaire (rites religieux, fêtes familiales, etc.). Ils développent des formes de circulation et d’ancrage en lien avec leurs projets propres certes, mais dans des cadres sociaux formels préétablis qui leur sont familiers.</p>
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<p>Certains pensent leur proximité territoriale dans une distance à la population locale, transposent leurs modes de vie antérieurs à leur venue, édifient des <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/pecheurs-tartane-font-ils-trop-bruit-qui-s-plaint-417223.html">zones d’étanchéité</a> : lieux de résidence, choix d’école, types de loisirs.</p>
<p>D’autres pensent leur inclusion par « localisme », tentent de se rapprocher des univers locaux, respectent des distances sociales propices à leur reconnaissance (participation aux fêtes locales, respect des rythmes sociaux, relations amicales et familiales). Une étude quantitative encore à faire, devrait fournir une représentation affinée des formes et degrés d’intégration de la population métropolitaine sur place.</p>
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<img alt="Trois pêcheurs reviennent d’une sortie en bateau à Sainte-Marie en Martinique" src="https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478498/original/file-20220810-6805-ma70aq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retour de pêche à Sainte-Marie. Certains métropolitains tentent de se rapprocher par le localisme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/36/Retour_de_la_p%C3%AAche_sainte_marie.jpg">Stephane Romany/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les métropolitains n’existent que nommés par un terme qui renvoie à un lieu géographique distinct (France métropolitaine) ; les désigner eux seuls, comme Français lorsque les ultramarins le sont aussi, conduit à soupçonner de séparatisme celui qui désigne.</p>
<p>C’est l’autonomie des acteurs, à travers divers processus d’identification s’offrant à eux, qui permet de saisir à quel moment le métropolitain cesse d’être un « migrant ». C’est elle encore qui autorise tout non-Blanc venu de l’Hexagone à se percevoir et/ou à être perçu comme métropolitain.</p>
<h2>Un traitement médiatique à part ?</h2>
<p>Saisi par les discours dont il fait l’objet, le métropolitain procède aussi de formats médiatiques. Ses phénotype et accent tonique, stigmates au plan des représentations sociales, mettent en avant les stéréotypes d’un groupe homogène distant de la population locale, et dont les membres apparaissent socialement dominants.</p>
<p>Un continuum du discours sur la migration métropolitaine outre-mer, borné par le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/diamant/injures-racistes-suscitent-colere-indignation-au-diamant-857368.html">temps de la vie quotidienne d’un côté</a>, et le temps des crises sociales de l’autre, fait apparaître une permanence des thèmes en rapport avec cette migration, mais également une <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/diamant-2-personnes-entendues-propos-racistes-appel-violence-maire-famille-portent-plainte-857130.html">similitude</a> de leurs formes de traitement.</p>
<p>Les métropolitains sont fréquemment raillés par les populations locales qui entretiennent une série de préjugés à leur endroit. Ces catégorisations présentent des manières de voir ceux qui viennent de « là-bas » (eux vs. nous) ; elles sont régulièrement revisitées par des artistes reprenant à leur compte des situations récurrentes de ces rapports intergroupes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Laurence Joseph et Laurent Tanguy – Le black. YouTube.</span></figcaption>
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<h2>Des inégalités exacerbées</h2>
<p>Tous ces stéréotypes renvoient à la différence culturelle autant qu’ils révèlent des <a href="http://aihp-geode.univ-antilles.fr/d%C3%A9colonisation-et-changement-social-aux-antilles-fran%C3%A7aises-de-l%E2%80%99assimilation-%C3%A0-la-%C2%AB">inégalités sociales exacerbées</a>. Faisant l’expérience de leur minorité numérique sur place, les métropolitains notent des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6459395#onglet-1">différences</a> entre la métropole et les outre-mer qu’ils questionnent par le biais de la plainte et du jugement de valeur, ou bien dans le sens de l’adaptation à la vie locale.</p>
<p>D’un autre côté, les métropolitains sont régulièrement présentés dans leur <a href="https://www.bondamanjak.com/les-meilleurs-specialistes-des-affaires-martiniquaises-ce-sont-les-martiniquais-ah-bon-pierre-tu-es-serieux-really/">rôle d’acteurs sociaux dominants)</a>. Soit, ils sont représentants de <a href="https://fipeco.fr/fiche/La-r%C3%A9partition-des-fonctionnaires-sur-le-territoire">l’État sur place</a>, soit ils sont <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/les-dom-et-la-corse-champions-de-lemploi-public-en-france-1419126">détenteurs</a> d’un pouvoir économique, financier ou <a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets?page=all&view=start">culturel</a>.</p>
<p>De ce point de vue, les multiples confrontations entre gendarmes et jeunes rappellent des scènes connues des banlieues sensibles des grandes villes françaises, à ceci près qu’ici, les <a href="https://www.lematin.ch/story/nouvelles-violences-en-martinique-et-en-guadeloupe-les-barrages-continuent-198823916598">fauteurs de trouble</a> appartiennent à la majorité ethnique de la population sur le <a href="https://www.rci.fm/martinique/infos/Faits-divers/VIDEO-Echauffourees-avec-les-forces-de-lordre-au-Robert-hier-soir">territoire</a>.</p>
<p>D’autres rapports sociaux moins extrêmes mettant en scène personnels enseignants ou soignants, chefs d’entreprise ou responsables de service, se prêtent à la même analyse.</p>
<h2>Des frustrations et un déséquilibre visibles</h2>
<p>La présence métropolitaine jouissant de conditions favorables alors que tous les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/forte-pauvrete-en-outremer-selon-le-dernier-rapport-de-l-observatoire-des-inegalites-897502.html">indicateurs de pauvreté</a> sont supérieurs à ceux de <a href="https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/economie/pauvrete-nationale-12-des-guadeloupeens-en-situation-de-grande-pauvrete-en-2018-620490.php">l’Hexagone</a> n’est pas sans susciter frustrations et dénonciations contre des <a href="https://www.inegalites.fr/Le-Rapport-sur-la-pauvrete-en-France-2020-2021-vient-de-paraitre">situations injustes</a> vécues sur <a href="https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/profitation">place</a>. Ce constat n’est pas moins réel malgré l’évolution notable du spectre des migrants, de la figure de « l’expat » sécurisé à celle de « l’aventurier » mal informé.</p>
<p>Enfin, la <a href="https://observatoire-territoires.github.io/synthese_mob_resid/#le_profil_des_nouveaux_arrivants">distribution spatiale</a> des métropolitains relève d’une inscription territoriale spécifique et visible.</p>
<p>Surreprésentés dans les zones touristiques balnéaires, ils sont bien présents dans d’autres zones d’affaires, par rapport aux secteurs moins dotés en équipements et activités. S’il existe une part personnelle dans le désir migratoire des métropolitains vers les outre-mer, il apparaît difficile d’écarter l’effet de système par l’action de dispositifs politique et institutionnel, législatif et administratif, économique et social, culturel et artistique, soutien d’une migration aux représentations transnationales.</p>
<p>Pour la plupart, et quelle que soit leur orientation idéologique, les métropolitains ne réfléchissent pas à la place qu’ils occupent, au rôle qu’ils jouent collectivement outre-mer.</p>
<p>Le déni de l’histoire coloniale se niche dans les significations qu’ils donnent à l’évidence de leur présence dans ces territoires, ce qui pourrait bien constituer la singularité de cette migration.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186483/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Pulvar a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR).
<a href="https://anr.fr/Projet-ANR-10-SUDS-0003">https://anr.fr/Projet-ANR-10-SUDS-0003</a> </span></em></p>Une recherche récente en Martinique explore ce que « métropolitains » signifie et comment se nouent des interactions parfois complexes au cœur des territoires ultramarins.Olivier Pulvar, Maître de conférences (sciences de l'information et de la communication), Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1811112022-06-27T16:01:23Z2022-06-27T16:01:23ZEn Afrique francophone, les historiens face au grand retour du « roman national »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471162/original/file-20220627-20-8uawt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=64%2C25%2C4217%2C2818&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le site archéologique de Timgad, en Algérie, dite « la Rome africaine ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Timgad#/media/Fichier:Timgad_la_ville.jpg">Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le discours officiel portant sur le passé des pays de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) et de l’Afrique subsaharienne était <a href="https://www.cairn.info/le-maghreb-de-traverse--2912946247-page-11.htm">très largement lié à ce qu’on appelle le roman (ou le récit) national</a>. Le corpus des textes produits par les historiens engagés dans le processus de la construction étatique durant les années 1960-1990 témoigne de l’importance de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1969/05/RONDOT/28999">l’arrière-plan identitaire de ce discours sur le passé</a> qui servait à fortifier un sentiment d’appartenance et à faire de l’État-nation l’aboutissement d’une longue histoire en partie cohérente.</p>
<p>Le fait que les politiciens africains de cette époque postcoloniale aient cherché une <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2005-1-page-121.htm">légitimation identitaire dans le passé</a> de leur pays <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/19/l-histoire-globale-peine-encore-a-supplanter-le-roman-national-en-france_1590159_3232.html">n’est certes pas tout à fait anodin</a>. Cela fait en quelque sorte de l’histoire une « théologie masquée », selon la fameuse expression de Friedrich Nietzsche.</p>
<p>La conception linéaire de l’histoire qui a régné dans cette partie du monde entre les années 1960 et 1990 dissimule, évidemment, la représentation d’un espace doté d’une toute aussi longue histoire. La narration historique s’est donc appuyée essentiellement sur une continuité, à vrai dire non historique, mais géographique.</p>
<p>Dans les écoles, on nous aurait inculqué une sorte de catéchisme récité de génération en génération. Il n’aurait jamais varié depuis… mais depuis quand ? Depuis que la Tunisie est la Tunisie ? Depuis que l’Algérie est l’Algérie ? Depuis que le Maroc est le Maroc ? Depuis que le Sénégal est le Sénégal… (etc.) ? Mais l’histoire dans son sens savant dit qu’il est impossible de donner une date de naissance à un pays ou à une nation. Pourtant, plusieurs hommes et femmes de plume ont défendu l’idée d’une « histoire nationale » que l’on dit inamovible, un récit immobile qui prouve l’enracinement et l’ancienneté de ces jeunes nations.</p>
<h2>La « vérité historique » : une voie parmi d’autres</h2>
<p>Il n’est pas aisé de déterminer l’appropriation de la vérité par le discours historique. Le philosophe Paul Ricœur a noté à cet égard que « c’est une attente du lecteur du texte historique que l’auteur lui propose un “récit vrai” et non une fiction. La question est ainsi posée de savoir si, comment, et jusqu’à quel point, ce pacte tacite de lecture peut être honoré par l’écriture de l’histoire ». Ricœur a écrit <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_2000_num_55_4_279877">ce texte</a> dans un contexte marqué par le déclin des métarécits en Occident. Néanmoins, durant cette même période, dans la région MENA et en Afrique subsaharienne, on note une grande capacité des métadiscours à justifier leur validité.</p>
<p>Dans cette région, l’histoire, en tant que discours – puisqu’elle produit un propos culturel et social – est directement affectée à l’appareil étatique. Le processus de récolte de l’histoire-mémoire, parfois brut ou présentant une armature analytique encore réduite, occupa dès les années 1960 les esprits des décideurs politiques. En Tunisie par exemple, <a href="https://www.leaders.com.tn/article/8408-mohamed-sayah-l-acteur-et-le-temoin">Mohamed Sayah</a> ; plusieurs fois ministre de Bourguiba dont il était très proche, s’était consacré durant de longues années à l’écriture « officielle » de l’histoire du mouvement national, qui fait du président de l’époque le seul et unique héros de cette saga pour l’indépendance. Ce phénomène d’étatisation de l’écriture historique se retrouve également en Algérie, au Maroc et au Sénégal. Il relève, d’une façon directe ou indirecte, d’une envie politique de rattraper le retard de la modernité et de construire une conscience nationale forte, porteuse d’un rapport anachronique avec le temps historique.</p>
<p>Les zélateurs de cette démarche ont tendance à simplifier les notions et à renvoyer à quelques figures symboliques autour desquelles se construit la conscience de l’appartenance nationale (<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/05/02/en-tunisie-la-statue-unificatrice-d-hannibal-ne-fait-pas-l-unanimite_5457425_3212.html">Hannibal pour les Tunisiens</a> ; <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/massinissa-le-batisseur-de-letat-numide-09-07-2016">Massinissa pour les Algériens</a> ; <a href="https://m.le360.ma/medias/algerien-ou-marocain-les-origines-de-tarik-ibn-ziyad-sources-dune-nouvelle-polemique-257968">Tariq ibn Ziyad pour les Marocains</a> ; les <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/04/des-momies-royales-ont-defile-dans-les-rues-du-caire-lors-d-un-spectacle-grandiose_6075511_3212.html">Pharaons pour les Égyptiens</a>…). Ainsi, l’ancienneté de la nation devint une <em>fiction-vraie</em> pour une bonne partie des consommateurs de ce discours historico-identitaire.</p>
<p>Il est ainsi important pour les décideurs de cette partie du monde comme pour ceux qui composent la communauté nationale sachent comment le territoire qu’ils habitent s’est construit à travers l’histoire. Cependant, si on comprend immédiatement ce qu’est une nation et son rapport profond aux temps modernes, il est infiniment difficile de valider, du point de vue purement scientifique et académique, cette démarche anachronique de l’enracinement national dans le passé Antique et médiévale.</p>
<p>La Tunisie par exemple, en tant qu’État-nation, a été façonnée non par les Phéniciens mais par la <a href="https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1994_num_49_1_1123">dynastie des Husseinites</a> (1705-1957). La même observation peut s’imposer pour la composition du roman national algérien, sénégalais, malien, etc. L’histoire de ces jeunes nations n’est pas le fruit de la réunion des époques qui se sont produites sur tel ou tel sol : la continuité géographique ne signifie absolument pas une continuité historique. Comment dès lors s’étonner, ou même regretter, que l’importance soit accordée à la fiction historique plutôt qu’à la vérité historique ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465973/original/file-20220530-22-5om5lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un lieu de mémoire : Musée Habib Bourguiba à Monastir (Tunisie).</span>
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<h2>Les usages de l’Histoire</h2>
<p>À côté de l’histoire-vérité/histoire-fiction se développe, depuis quelques années, un usage de l’histoire, sans lien explicite ou prioritaire avec le savoir, qui fait du passé un objet de consommation immédiate.</p>
<p>L’histoire est ici un « exotisme », un ailleurs distrayant de par son altérité même, une projection qui se porte aisément sur les temps reculés. On pourrait arguer que ce dernier type d’activités culturelles peut aussi revendiquer une forme de savoir à travers le souci parfois méticuleux de reproduire la « réalité ». Au-delà des typologies, il convient donc de souligner l’ampleur de ces productions et consommations d’histoire, à large spectre social et politique : que l’on pense aux <a href="https://www.webdo.tn/2015/04/06/tunisie-beji-caid-essebsi-commemore-le-15e-anniversaire-du-deces-dhabib-bourguiba/">milliers de Tunisiens rassemblés à Monastir pour célébrer l’anniversaire du décès du leader Bourguiba</a> ou aux <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/02/exposition-abdelkader-une-figure-de-l-humanisme-de-l-algerie-coloniale-au-mucem_6124417_3212.html">Algériens de France qui se rassemblent en nombre pour découvrir l’exposition de l’Emir Abdelkader</a>.</p>
<p>Dans l’espace africain de culture francophone, les fêtes historiques se multiplient dans le but d’inscrire le présent dans le passé. Il reste cependant à identifier les enjeux et les objets de cette saisie du passé.</p>
<p>Il y a toujours une histoire qui doit amener aux luttes présentes ; il y a aussi les productions identitaires locales, ou aussi l’histoire en « <em>replay</em> » qui essaie de bâtir des temporalités propres en distrayant. À la jonction de ces usages politiques et identitaires du passé, des collectifs se constituent pour appeler à de nouvelles lectures de l’histoire et à la valorisation publique de la Mémoire-historique.</p>
<p>Quant aux différents acteurs du monde médiatique – journalistes, producteurs, animateurs –, ils contribuent eux aussi <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/le-d%C3%A9bat/20210716-patrimoine-en-commun-en-tunisie-pr%C3%A9server-l-h%C3%A9ritage-et-valoriser-les-sites-historiques">à la mise en scène du passé et à la formation des « questions historiques »</a>. Depuis quelques années maintenant, la radio, la télévision et les réseaux sociaux participent aux débats publics sur l’histoire, la mémoire collective, et le patrimoine.</p>
<p>Nous ne pouvons revenir ici en détail sur ces enjeux qui ont fait déjà l’objet de nombreux travaux d’historiens. Reste à signaler l’impact. En effet, la formation des questions historiques ou historiennes dans les médias et/ou sur les réseaux sociaux relève de logiques étrangères à la sphère savante, entre autres une logique d’actualité, liée à une mentalité de dévoilement et d’habilitation. C’est ainsi que les médias ont pu consacrer une large place aux thèses les plus fantastiques sur les derniers <a href="https://www.leaders.com.tn/article/32953-tunisie-les-beys-husseinites-reviennent-au-bardo">Beys de Tunis</a>, sur <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/mali-empire-du/">l’Empire du Mali</a> ou les débuts des luttes d’émancipation anticoloniale en Algérie. Les historiens sont dès lors dans une position complexe face à des faiseurs d’histoire qui peuvent leur fournir une large audience, interroger leurs certitudes, faire émerger des sources (orales notamment), mais dont les cadres de formation du passé leur échappent amplement.</p>
<p>« Cette vengeance des peuples se trouve de nos jours dans les “livres noirs” qui évoquent les atrocités, voire les génocides, qui ont été commis dans l’histoire contemporaine. <em>L’Archipel du Goulag</em> d’Alexandre Soljenitsyne en est la plus grande illustration. Mais si l’indignation est justifiée, il faut encore plus respecter les règles de la méthode historique, au risque de paraître désacraliser les souffrances des victimes ». (Henri Laurens, <a href="https://www.fayard.fr/histoire/le-passe-impose-9782213722115"><em>Le passé imposé</em></a>, Paris, Fayard, 2022, p. 85).</p>
<h2>Les enjeux du « Memory Boom »</h2>
<p>De ce « Memory Boom » émergent <a href="https://theconversation.com/entre-histoire-et-memoire-leternel-conflit-des-interpretations-153554">certains enjeux particuliers qui affectent le métier de l’historien</a> ou, du moins, la définition des identités professionnelles.</p>
<p>La « public history » contemporaine, les enjeux de la mémoire collective, les formes commémoratives auxquelles se confrontent les historiens évoluent aujourd’hui dans une topographie incertaine. À l’évidence, le cadre national qui abritait souvent les usages publics de l’histoire, légitimes, ou plus discutés, n’est plus qu’une échelle parmi d’autres. L’engagement militant avait déjà largement fait usage de l’histoire, du passé, du temps, pour contester la prééminence officielle de l’État ou légitimer des cadres politiques choisis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8uhHnTwakp0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Ce que peut l’histoire », Leçon inaugurale de Patrick Boucheron au Collège de France.</span></figcaption>
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<p>Depuis le début des années 2010, on observe dans plusieurs pays du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne le <a href="https://www.leaders.com.tn/article/29250-mohamed-arbi-nsiri-entre-histoire-de-la-memoire-et-memoire-de-l-histoire-esquisse-d-une-reflexion-epistemologique">retour du « roman national » via le « Memory Boom »</a>. Il y a là une claire instrumentalisation de l’histoire et, plus largement, une lutte sur le terrain culturel. L’histoire se transforme ici en cadre figé dont on doit hériter et qu’il faut adopter tel quel.</p>
<p>C’est donc en tant qu’élément identitaire que le passé est valorisé. L’histoire qui se dessine est une histoire qui se veut identitaire et/ou patrimoniale. Cela oblige l’historien à fournir un effort intellectuel pour renouveler son outillage conceptuel et méthodologique. Il lui faut réfléchir sur les fondements d’une histoire qui ne soit plus récit du temps passé mais, comme toute science née des incertitudes induites par les nouvelles explications du monde, une histoire-question.</p>
<p>La connaissance historique permet d’habiter jusqu’à le faire sien un espace – que ce soit une ville, un pays ou une région du monde. Habiter un lieu suppose d’entretenir une familiarité, plus ou moins consciente et plus au moins savante, et méthodique, avec son passé, sans tomber dans l’anachronisme et les fausses interprétations d’un passé historique qui a sa propre philosophie, étrangère à celle de nos sociétés modernes et postmodernes.</p>
<p>Comme le dit Serge Gruzinski, dans <a href="https://www.fayard.fr/histoire/l-histoire-pour-quoi-faire-9782213677521#:%7E:text=%C2%AB%20L%E2%80%99avenir%20est%20un%20miroir,l%E2%80%99humanit%C3%A9%20%3A%20la%20Renaissance."><em>L’Histoire pour quoi faire ?</em></a>:</p>
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<p>« <em>Les cartes mémorielles sont partout en train d’être rebattues, davantage d’ailleurs par des artistes et des producteurs que par des historiens. Mais ceux-ci peuvent-ils les ignorer s’ils veulent réfléchir à ce que pourrait être l’écriture de l’histoire dans un contexte mondialisé en proie à la nouvelle hégémonie</em> ? » </p>
</blockquote>
<p>Le mémorialisme est donc la fabrique d’un immense malentendu avec la production historique dans sons sens savant. La poussée d’un mémorialisme fiévreux renouant avec un passé tragique proche semble avoir bousculé les acteurs de l’histoire sur les positions stables qu’ils occupaient jusque-là, mais ne règle aucune problématique historique. Ainsi, le rapport, intime mais aussi conflictuel, entre Histoire et Mémoire, reste ouvert. Car il est clair que chacun de ces deux domaines diffuse un discours différent par ses formes, par ses normes et par ses fonctions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohamed Arbi Nsiri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rapport – intime, mais aussi conflictuel – entre Histoire et Mémoire reste ouvert : chaque prisme propose un discours différent par ses formes, ses normes et ses fonctions.Mohamed Arbi Nsiri, Docteur en histoire ancienne, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1823032022-05-05T19:02:39Z2022-05-05T19:02:39Z« Quelles sont les principales missions du médecin légiste lors des catastrophes de masse »<p><em>Dans les régions de Kiev, comme à Boutcha, ou de Marioupol notamment, la découverte récente de charniers a provoqué l’horreur. Les autorités ukrainiennes ont annoncé le massacre de centaines de civils par l’armée russe, ce que nie le Kremlin. Plus de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/21/en-ukraine-la-procureure-generale-traque-les-crimes-de-guerre-vingt-quatre-heures-sur-vingt-quatre_6123114_3210.html">7 000 enquêtes ont été ouvertes depuis deux mois par la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova</a>, et de nombreux pays (dont la France) ont envoyé des équipes d’experts pour apporter leur aide.</em></p>
<p><em>De façon générale, quels sont les rôles des médecins légistes dans les situations de décès massifs ? Et comment se passent les collaborations d’ampleur internationale ? Le point sur les procédures habituellement mises en œuvre par Laurent Martrille, médecin légiste, maître de conférences à l’université de Montpellier, membre de la Société française de médecine légale et expertise médicale (SFMLEM) et de l’Équipe de droit pénal et sciences forensiques de Montpellier (EDPFM).</em></p>
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<p><strong>The Conversation-France : Quels sont les rôles principaux d’un médecin légiste sur une zone de décès massifs ?</strong></p>
<p><strong>Laurent Martrille :</strong> Le médecin légiste a deux fonctions : l’identification des victimes et la recherche des causes et des circonstances du décès.</p>
<p>Cependant, dans ce contexte, l’identification des victimes est la mission principale à laquelle participe le médecin légiste. Chaque pays a des équipes spécialisées à cet effet.</p>
<p>En France, c’est l’UNIVC (Unité nationale d’identification des victimes de catastrophes) qui est en charge ; elle comprend elle-même deux sous-parties, l’<a href="https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/pjgn/ircgn/l-unite-d-investigations-et-d-identification-u2i/l-unite-gendarmerie-d-identification-des-victimes-de-catastrophe-ugivc">UGIVC (gendarmerie)</a> et l’UPIVC (police). Chaque unité est composée de policiers ou de gendarmes (dont des spécialistes de l’ADN, des empreintes digitales, etc.), de médecins légistes et de dentistes médico-légaux.</p>
<p>L’UGIVC fait partie de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et est capable d’intervenir partout sur le territoire français et peut également être missionnée à l’international (<a href="https://www.gendinfo.fr/actualites/2022/lutte-contre-l-impunite-en-ukraine-une-equipe-d-experts-de-l-ircgn-deployee-a-lviv"><em>une équipe a été dépêchée dans la région de Lviv, ndlr</em></a>]). Elle dispose d’un matériel adapté pour intervenir à distance – radio, analyse ADN, autopsie, etc.</p>
<p>Le second rôle, la recherche des causes et des circonstances du décès, n’est pas systématique : les autorités concernées peuvent donner cette mission ou pas. Après le tsunami en Thaïlande du 26 décembre 2004, par exemple, la mission était uniquement l’identification. Les choses peuvent être différentes quand un tiers est possiblement en cause, que ce soit lors d’un accident, d’un attentat, d’une guerre.</p>
<p><strong>TCF : Lorsqu’il y a beaucoup de défunts à identifier et que les équipes spécialisées présentes sur place viennent de différents pays, comment travaillent-elles ensemble ?</strong></p>
<p><strong>L.M. :</strong> Il n’y a aucune improvisation (même si chaque catastrophe est différente et nécessite des adaptations). Toutes les procédures ont été renforcées et bornées après le tsunami de 2004 où il a fallu identifier plus de 5 000 corps. Cette gigantesque catastrophe moderne a permis de caler les standards internationaux.</p>
<p>Le travail se fait donc désormais selon des procédures standardisées posées par Interpol et accessibles à tous : les <a href="https://www.interpol.int/en/How-we-work/Forensics/Disaster-Victim-Identification-DVI">procédures dites « Disastear Victim Identification » (DVI)</a>. Ce qui permet aux équipes qui interviennent lors de catastrophes de grande ampleur de partager protocoles et résultats.</p>
<p>Concernant l’identification, ces standards internationaux sont basés sur trois identifiants dits primaires, qui doivent être absolument respectés. Un corps ne peut être identifié que si l’un d’eux a été utilisé : empreintes digitales, ADN ou l’odontologie.</p>
<p>Pour permettre une identification, deux types de données doivent être collectées afin d’être ensuite comparées :</p>
<ul>
<li><p>Les données <em>post mortem</em>, recueillies sur le terrain et sur le corps par les légistes, les dentistes, parfois les anthropologues, et les spécialistes en empreintes digitales.</p></li>
<li><p>Les données <em>ante mortem</em>, récupérées auprès des familles ou, le cas échant, auprès des autorités d’un autre pays.</p></li>
</ul>
<p><a href="https://www.interpol.int/fr/Notre-action/Police-scientifique/Identification-des-victimes-de-catastrophes-IVC">Interpol propose des fiches post et ante mortem à remplir</a>, extrêmement précises, avec un codage très rigoureux pour faciliter la comparaison des données. Les recoupements se font grâce à un logiciel, mais au final c’est une commission d’identification réunissant les autorités judiciaires, locales des pays concernés, des légistes, des dentistes, des enquêteurs… qui vérifie le tout avant de trancher.</p>
<p>Dans de telles circonstances, il y a deux grands principes à respecter : le protocole et rien que le protocole… et s’adapter au cas qui se présente, car chaque mission a ses particularités, souvent très différentes d’une situation à l’autre. Quand vous êtes missionnés suite à un tsunami ou un crash d’aéronef, les circonstances sont très différentes.</p>
<p><strong>TCF : À quel moment le médecin légiste intervient-il ?</strong></p>
<p><strong>L.M. :</strong> Le médecin légiste peut en théorie intervenir à chaque étape du processus. Cependant et habituellement, sauf cas particulier, il ne participe pas à ce que nous appelons le ramassage des corps ou, selon la situation, à leur exhumation – il y a des équipes spécialisées pour cela, même si un légiste peut les accompagner. Il peut y avoir un intérêt à notre présence sur place quand les corps sont très peu nombreux.</p>
<p>Quand il y a un nombre de décès très important, la plus-value de notre intervention sur site est limitée. D’ailleurs, même si les équipes d’identification sont mobilisables rapidement, par respect pour les défunts, il n’est pas possible de laisser des corps sur place, dans les rues par exemple, avant l’arrivée des légistes. Il y alors un premier « ramassage », qui est d’ailleurs réalisé, sans la codification Interpol, par les autorités locales.</p>
<p>Ça avait été le cas pour le tsunami : les corps avaient initialement reçu une numérotation selon les normes thaïlandaises, puis, dans un second temps, ils avaient été renumérotés pour permettre la collaboration internationale.</p>
<p>Les équipes spécialisées en charge de cette étape suivent les procédures Interpol : avec une numérotation très précise, une codification particulière. Chaque corps ou morceau de corps est mis dans un sac séparé, identifié… Tout est prévu, cadré, puis les corps sont transférés dans les morgues où nous intervenons.</p>
<p>Autre point : dans certains cas, une sécurisation de la zone par des démineurs ou des spécialistes entraînés aux risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) peut être nécessaire. Ils s’assurent qu’il n’y a pas ou plus de risque, ou décontaminent la scène le cas échéant. Les corps eux-mêmes peuvent avoir été contaminés (chimiquement, biologiquement) voire piégés.</p>
<p>Il y a donc tout un travail de vérification en amont, pour éviter que les médecins et les enquêteurs ne soient exposés à des menaces supplémentaires. C’est assez rare, mais c’est un impératif très lourd.</p>
<p><strong>TCF : Toutes ces interventions en amont vont décaler le moment où les équipes médico-légales peuvent intervenir. Y a-t-il un risque de perte d’information ?</strong></p>
<p><strong>L.M. :</strong> Il n’est évidemment pas possible de laisser des corps en exposition prolongée à l’air libre. C’est pourquoi, selon les cas, il est procédé à des exhumations initiales qui permettent une (très) relative conservation. L’idéal est bien sûr de pouvoir placer les corps dans des cases réfrigérées.</p>
<p>Pour des dépouilles qui seraient dispersées sur une zone assez large, elles ne peuvent pas être laissées sur place pendant des jours, le temps que les choses s’organisent et qu’un légiste puisse réaliser les levées de corps in situ… c’est du bon sens et du respect minimum pour les défunts.</p>
<p>Le ramassage des corps, même s’il se fait de façon très précise, va forcément interférer avec l’enquête ultérieure. Mais le suivi des protocoles internationaux nous permet de commencer à travailler avec les éléments collectés sur place.</p>
<p>Le plus important est de mettre en place des solutions pour conserver les corps à basse température. La température habituelle de conservation est de 4 °C. En Thaïlande, il y avait des dizaines et des dizaines de conteneurs réfrigérés.</p>
<p><strong>TCF : Comment se met en place le travail d’identification des corps qui arrivent à la morgue ?</strong></p>
<p><strong>L.M. :</strong> Selon les circonstances (nombre de corps, état de conservation…) et les moyens humains disponibles, lorsqu’un corps arrive, nous procédons habituellement à des radiographies, maintenant des scanners (lorsque possible). Cela permet de conserver des données précises numérisées une fois que le corps est rendu à la famille.</p>
<p>Ensuite, deux chaînes d’identification sont mises en place par les enquêteurs :</p>
<ul>
<li><p>Celle des « X supposés être Untel » : quand un corps, par exemple, porte sur lui des papiers. Ça permet d’aller un peu plus vite, car il existe des indices qui permettent d’orienter la recherche. Mais attention, il n’y a pas de certitude : on peut avoir sur soi les papiers de quelqu’un d’autre…</p></li>
<li><p>Celle des « X » : quand il n’y a aucun élément permettant de supposer l’identité.</p></li>
</ul>
<p>La première station de ces chaînes est généralement la prise des empreintes digitales. Ensuite, nous commençons par étudier et décrire les habits avant de déshabiller le corps ; des prélèvements peuvent être réalisés si nécessaire à cette étape (d’hydrocarbures, etc.), sur notre proposition, par des techniciens spécialisés.</p>
<p>Tout ce qui est récupéré sur un corps, comme ce qui avait été collecté sur place, est mis sous scellé dans des conditions qui permettront leur éventuelle analyse dans un second temps. Chaque prélèvement est placé sous scellé et conditionné de façon spécifique.</p>
<p>Une fois déshabillé, le corps passe par un examen externe pour relever tout ce qui peut contribuer à son identification ou à faire des rapprochements : mesure, tatouages, vêtements, blessures et cicatrices, etc.</p>
<p>Il peut y avoir des situations où les corps sont très dégradés, voire ne plus subsister que sous la forme d’ossements : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0379073820303182">on fait alors appel à des anthropologues médico-légaux</a>. Évidemment de nombreuses données sont perdues, comme les empreintes digitales, mais les os conservent des informations sur l’âge, le sexe, la taille, les origines biogéographiques et, le cas échéant, des traces de traumatismes.</p>
<p>À la fin de cette étape, un prélèvement ADN est réalisé. Ce peut être au niveau de blessure si le corps est fragmenté, ou par une incision dans un muscle. Les dentistes interviennent en dernier.</p>
<p>On peut également faire des recherches d’ADN dit de contact sur des liens, des habits… Mais si les corps ont été empilés dans des fosses communes par exemple, ou manipulés sans précaution lors du relevage, les risques de contamination par un autre corps sont très importants : l’intérêt de l’ADN de contact, qui permettrait d’identifier les personnes ayant touché ou porté atteinte à la victime de son vivant, est alors compromis. Du coup, la pertinence de tels prélèvements de surface devient limitée.</p>
<p>À l’issue de cette chaîne, un contrôle qualité est effectué pour vérifier que rien n’a été oublié. Une bonne coordination permet d’aller vite : en France, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29666997/">86 victimes de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016 avaient été identifiées en 4 jours et demi</a>.</p>
<p>Les éléments d’identification sont donc apportés de façon conjointe par le dentiste, le médecin légiste voire l’anthropologue. Attention, le légiste n’identifie pas lui-même : il apporte des indices aidant à l’identification, comme l’anthropologue, mais réalise des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1872497322000254">prélèvements d’ADN qui seront analysés ultérieurement</a>. Le dentiste, quant à lui, va donner les éléments permettant directement l’identification par la commission d’identification. En revanche, le seul qui puisse se prononcer, si c’est demandé, sur les causes du décès est le médecin légiste.</p>
<p><strong>TCF : Que se passe-t-il dans le cas où le médecin légiste est missionné pour une recherche de cause de décès ?</strong></p>
<p><strong>L.M. :</strong> L’autopsie pour rechercher les causes de la mort ne se fait que sur demande des autorités car ce n’est pas la mission habituelle de l’UNIVC.</p>
<p>Comme indiqué précédemment, tout élément extérieur prélevé sur le corps est remis aux enquêteurs : vêtements, mais aussi possibles liens et effets personnels, etc. Il peut être réalisé des prélèvements sur ces éléments pour analyses ultérieures.</p>
<p>Par ailleurs, nous recherchons toute trace de blessure ou de violence sur les téguments, mais aussi en autopsiant le corps. Imaginons que la personne ait subi des actes de torture ou violence, la description d’éventuelles blessures sera primordiale pour la compréhension des circonstances du décès ou ayant précédé le décès.</p>
<p>Quand le décès est récent et que le corps a été conservé dans des conditions optimales, les marques sont encore parfaitement étudiables et l’on peut donner des éléments assez précis.</p>
<p>Plus le temps passe, plus c’est compliqué. La putréfaction va gêner les examens externes or l’analyse de la peau est primordiale puisqu’elle donne des informations essentielles sur les types de blessures (balistiques, chocs contondants, traces liées à des liens, etc.).</p>
<p>Cependant, même quand le degré de dégradation des corps est tel qu’il ne reste plus que des ossements, on peut encore retrouver des éléments. Les traces sur l’os, si elles existent, sont « figées » dans le temps : l’os garde la mémoire des traumatismes et de leur mécanisme. Toutefois, se prononcer sur les causes de la mort devient bien plus compliqué, souvent impossible… On peut, par exemple, constater un traumatisme crânien important, mortel en lui-même, mais si la cause de la mort est secondaire au passage d’une balle qui a traversé le corps sans marquer les os, on ne verra rien (le traumatisme crânien constaté pouvant avoir été perpétré après le décès).</p>
<p>Il est aussi <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/20961790.2020.1775932">important de rappeler que nous ne travaillons pas seuls</a> : tous les experts des laboratoires de police scientifique (en balistique, en toxicologie, en ADN, en entomologie – datation du moment de la mort à partir des insectes nécrophages –, en analyse de traces d’incendies, du sols, etc.) peuvent intervenir.</p>
<p>Toutes les étapes de la procédure sont documentées par la prise de photos, filmée parfois. Cette rigueur extrême est primordiale pour permettre des discussions entre experts et limiter toute possibilité de contestation ultérieure.</p>
<p>À l’issue des opérations d’identification et/ou d’autopsie, les corps sont préparés (dans toute la mesure du possible) pour pouvoir être présentés aux familles, qui ont droit, en toutes circonstances, de les voir avant l’inhumation. Les familles sont accompagnées durant ce temps très difficile pour elles. L’objectif est de rendre les défunts à leurs proches le plus vite possible dès que l’identification est certaine.</p>
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<p><em>Note : le choix iconographique est celui de la rédaction et est indépendant de l'expert sollicité.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Martrille ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le conflit en Ukraine pousse à revenir sur le travail d’un médecin légiste quand de nombreux morts sont à déplorer. Comment s’organise son intervention à l’international ? Selon quels protocoles ?Laurent Martrille, Maitre de conférences des universités à l’université de Montpellier, praticien hospitalier au CHU de Montpellier, EDPFM, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820882022-05-05T19:02:25Z2022-05-05T19:02:25ZLes podcasts « Jeunes de quartier » : leur quotidien raconté par eux-mêmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/461545/original/file-20220505-1367-y6s8h0.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C1595%2C1164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des jeunes habitants de Saint-Denis (93) qui ont participé à la recherche participative Pop-Art.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Banlieues, quartiers, cités. En France ces mots ont trop souvent une connotation négative. Ce que l’État français nomme depuis 2018 les quartiers prioritaires de la politique de la ville regroupe 5,4 millions d’habitants dont 40 % ont moins de 25 ans. Mais qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? Des jeunes et des chercheurs membres de la <a href="https://jeunesdequartier.fr/">recherche participative Pop-Part</a>, conduite dans dix villes ou quartiers de l’Île-de-France, et portée notamment par l’Université Paris Nanterre, parlent de leur vécu au micro de Cléa Chakraverty et Nils Buchsbaum.</em></p>
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<img alt="Capture d’écran du film documentaire « Admire ma peau noire » (2021)" src="https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran du film documentaire « Admire ma peau noire » (2021), réalisé par Hachimia Ibouroi dans le cadre de Pop-Part.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-regarde-moi-178674">« Regarde-moi »</a></h2>
<p>Le regard médiatique porté sur les quartiers populaires enchaîne les clichés. De la beurette des années 80 à la femme voilée puis aux jeunes à capuches ou aux bandes violentes, les représentations sont souvent biaisées si ce n’est parfois ouvertement racistes. Pourtant de nombreuses voix émergent, notamment aujourd’hui pour se réapproprier l’image de ces quartiers.</p>
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<img alt="Capture d’écran du court-métrage « La Fontaine » réalisé dans le cadre de Pop-Part et tourné à Pantin" src="https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « La Fontaine » réalisé dans le cadre de Pop-Part et tourné à Pantin.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-ou-tout-le-monde-se-croise-179794">« Là où tout le monde se croise »</a></h2>
<p>Comme beaucoup de communes limitrophes de Paris, Pantin connaît des transformations urbaines de grande ampleur. De nouveaux immeubles de bureaux et d’habitations sortent de terre, de nouveaux cafés ouvrent, de grandes entreprises y établissent leur siège social, des friches industrielles sont utilisées par des théâtres, la jeunesse parisienne vient y faire la fête. Mais certains habitants s’interrogent : pourront-ils continuer à vivre dans le lieu où ils ont grandi ?</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/623c4afeece6b600122b3561" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Maraudes avec les jeunes de quartiers dans le les Hauts-de-Seine (92).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pop Part/Jeunes de Quartier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-politique-elle-se-fait-a-cote-179811">« La politique elle se fait à côté »</a></h2>
<p>Les jeunes des quartiers populaires s’engagent de multiples façons. À l’échelle locale comme à l’échelle internationale. Sur des enjeux de solidarité, d’accueil de justice. S’ils expriment un éloignement vis-à-vis de la politique institutionnelle, cela ne les empêche pas de prendre la parole, y compris en se présentant aux élections locales ?</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-2005-ca-a-marque-lhistoire-179799">« 2005 ça a marqué l’histoire »</a></h2>
<p>En 2005, Nawufal Mohammed était adolescent lorsque sont survenues les révoltes en réaction à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois et qui ont gagnent rapidement l’ensemble du pays. Rapports avec la police, avec la politique, avec les instituions : les choses ont-elles changé depuis ?</p>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « La frontière » réalisé dans le cadre de la recherche participative Pop-Part (2021).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-jai-toujours-fait-attention-179804">« J’ai toujours fait attention »</a></h2>
<p>La vie au quartier est aussi faite de vie ordinaire, de microrésistances, de stratégies permettant, lorsque l’on est une femme en particulier, de ne pas rester enfermé dans les clichés.</p>
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<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran du court-métrage « A l’ouest » issu du projet Pop-Part" src="https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « A l’ouest » issu du projet Pop-Part.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-etre-un-grand-cest-etre-une-reference-les-jeunes-choisissent-les-leurs-179807">« Être un grand c’est être une référence, les jeunes choisissent les leurs »</a></h2>
<p>Dans les quartiers populaires, les notions de « petits » et de « grands » revêtent un sens particulier. La figure du grand est polysémique. Il est à la fois un modèle, un protecteur, un garant de l’histoire du quartier, mais aussi un supérieur auquel les petits doivent le respect voire l’obéissance. Dans le pire des cas, le grand peut même jouer un rôle négatif et orienter les plus jeunes vers la violence ou la drogue. Entre petits et grands c’est le concept de transmission qui est central.</p>
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<p><br>
<strong>Générique :</strong><br></p>
<h2>● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kxh4S2A8Q4U">« Broke for free »</a>, Something Elated, 2011.<br></h2>
<p><em>Crédits, Conception et Animation Cléa Chakraverty & Nils Buchsbaum, Réalisation Romain Pollet, Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? La recherche participative Pop-Part, conduite dans dix villes ou quartiers de l’Île-de-France, s’est associée à 120 jeunes pour se saisir du sujet.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceNils Buchsbaum, Journaliste éditeur rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1791712022-04-04T18:25:14Z2022-04-04T18:25:14ZAu chevet du monde : pour une clinique de la mondialité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455492/original/file-20220331-13-4mtjfc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C8%2C786%2C602&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Groupe VI, évolution n°14, 1908, Hilma Af Klint.</span> <span class="attribution"><span class="source">Stpckholm, fondation Hilma Af Klint. </span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« J’ai appris à résister, me soustraire et me relier en cherchant le libre royaume de la vie intérieure, la fascination de l’universel, la nostalgie de la totalité, abandonnés aux poètes, aux artistes, aux mystiques. Car le jour viendra où une société nouvelle fera sa place au paysan, au travailleur, à l’artiste et au penseur. » (Théodore Monod, « Le chercheur d’absolu », Gallimard, 1997)</p>
</blockquote>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, sur son lit de mort, <a href="https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/et-si-pasteur-s-etait-trompe-15911">Louis Pasteur aurait soupiré</a> : « Claude Bernard avait raison, le microbe n’est rien, le terrain est tout ». Pendant que le père de la microbiologie s’acharne à trouver un vaccin pour éradiquer le microbe dans l’organisme – cet intrus représenté aujourd’hui par le Covid-19 – le physiologiste se préoccupe davantage de <em>l’état du terrain</em>, le corps humain attaqué par le virus, de la capacité de ce terrain à mobiliser ses ressources internes pour se défendre.</p>
<p>Avec la crise sanitaire actuelle, la réactivation de ce débat mettant en tension deux visions différentes au service de la santé physique amène à en interroger les dimensions psychologiques et sociétales. On peut ainsi considérer le virus de la peur suscitée par cette crise comme une des menaces majeures pour l’équilibre des psychés collectives et individuelles, intimement liées au terrain physiologique.</p>
<h2>Une métaphore pour penser l’état du monde</h2>
<p>Au regard de différents symptômes mondiaux réactivés ou renforcés par la pandémie, je propose d’utiliser métaphoriquement le microbe et le terrain pour penser notre rapport à certains fléaux qui gangrènent notre monde. Ainsi, le microbe, ce sont aussi bien les attaques terroristes, le retour des idéologies raciales, la xénophobie, les replis et pathologies identitaires, les séquelles des guerres mondiales, des génocides, de la traite des êtres humains que l’infodémie, l’utilisation de la peur, les politiques de restriction des libertés individuelles, la police de la pensée dans l’espace public ou encore la <a href="https://luxediteur.com/catalogue/la-mediocratie/">médiocratie</a> à l’université.</p>
<p>Par-delà le corps et la psyché, le terrain relève de l’état de notre monde, de ses vulnérabilités mais aussi de sa capacité à faire face aux héritages identitaires des siècles passés (esclavage, racisme, colonisation, <a href="https://www.franceculture.fr/conferences/universite-paris-8/nell-irvin-painter-histoire-des-blancs">traite des Blancs</a>, traite arabo-musulmane, traite négrière, la Shoah…). Il relève du maintien de notre liberté de penser et d’agir, de notre esprit critique, de notre créativité et de notre capacité de résilience face aux agressions extérieures ainsi qu’au <em>retour du refoulé</em> de notre Corps-Monde.</p>
<p>Si le microbe poursuit sa trajectoire dans le processus de déshumanisation produite par les effets délétères de la mondialisation financière et capitaliste, le terrain à soigner est notre <em>humanité commune</em> représentée par la <em>mondialité</em>, <a href="https://www.editions-baconniere.ch/livres/ecrire-la-mondialite">« ce côté lumineux de la mondialisation »</a>, « cette aventure sans précédent qu’il nous est donné à tous de vivre, dans un espace-temps qui pour la première fois, réellement et de manière foudroyante, se conçoit à la fois unique et multiple, et inextricable. C’est la nécessité pour chacun d’avoir à changer ses manières de concevoir, <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-Cohee-du-Lamentin">d’exister et de réagir, dans ce monde-là »</a>. Si la mondialisation économique et financière est « histoire », la mondialité est « culture », « devenir », <a href="http://www.cafelitteraire.fr/2008/01/la-mondialite-entre-histoire-et-avenir-de-charles-zacharie-bowao-et-souleymane-bachir-diagne/">« advenir de la civilisation humaine »</a>, un socle commun de partage et de transformations. « Le commun est ce à quoi on a part ou à quoi on prend part, qui est en partage et à quoi on participe. C’est pourquoi c’est un concept originellement « politique » : <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/de-luniversel-de-luniforme-du-commun-et-du-dialogue-entre-les-cultures-9782213635293">ce qui se partage est ce qui nous fait appartenir à la même cité, polis »</a>.</p>
<h2>Quel moment vivons-nous ?</h2>
<p>Face à l’écrasement des altérités et l’effraction des métacadres (famille, société, culture, institution, environnement), la mondialité offre un espace des possibles, source de créativité. Cependant, s’aventurer sur le terrain de la mondialité confronte à l’imprévisible et à l’inconnu. Le virus à l’origine de la Covid-19 n’était pas prévu et il faut être créatif pour tenir ensemble, dans la durée, face à la situation. Si, à travers ses effets, la mondialisation peut être vécue comme intrusive et explosive, la <a href="https://www.editions-baconniere.ch/livres/svetlana-alexievitch-la-litterature-au-dela-de-la-litterature">mondialité est fondamentalement inclusive</a></p>
<blockquote>
<p>« Elle admet que la curiosité de l’homme le conduit à vouloir découvrir l’ensemble de ses semblables, explorer de fond en comble son environnement. »</p>
</blockquote>
<p>Dans sa <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/penser_la_longue_duree-9782707199669"><em>Contribution à une histoire de la mondialisation</em></a>, François Fourquet avait identifié les « moments » africain, oriental, islamique, européen, anglais et américain qui ont ponctué notre monde phénoménal. Aujourd’hui, <a href="https://www.editions-stock.fr/livres/essais-documents/loccident-decroche-9782234060425">faire face à nos symptômes globaux dans un Occident décroché</a> et un « non Occident » émergent, humilié ou plein d’espoir, nécessite d’aller au-delà de ces cloisonnements pour entrer <a href="https://www.chroniquesociale.com/seismes-identitaires--trajectoire-de-resilience__index--1011992%E2%80%933009480%E2%80%931012241--cata------3008211--catalogue.htm">dans le <em>moment mondialité</em></a>, <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Idees/Entrer-dans-une-pensee-ou-Des-possibles-de-l-esprit">c’est-à-dire dans une pensée mutuelle</a> à la recherche de ressources communes nous permettant de prendre soin les uns des autres.</p>
<p><a href="https://www.puf.com/content/Le_moment_du_soin_0#:%7E:text=y%20est%20consacr%C3%A9e.-,%C3%80%20quoi%20tenons%2Dnous%20%3F,ne%20pourraient%20vivre%20ni%20survivre.">Dans <em>Le moment du soin</em></a>, F. Worms insiste sur la nécessité de deux instants : « l’instant de l’urgence vitale, ou mortelle » qui incite à appeler « Au secours ! » mais aussi « le moment présent dans son ensemble, l’instant des catastrophes, les temps qui les précèdent ou les suivent », une sorte « d’extension de la vulnérabilité ». Ce soin est alors à considérer dans au moins deux conceptions qui mettent respectivement l’accent sur le fait de « soigner quelque chose, un besoin ou une souffrance » et sur le fait de « soigner quelqu’un » ce qui souligne la « dimension intentionnelle et relationnelle du soin ».</p>
<p>A ce sujet, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Antoine-Perier-2/publication/264045767_Psychotherapies_psychanalytiques_a_l%E2%80%99adolescence_Pratiques_et_modeles/links/0deec53cb803d2b3dd000000/Psychotherapies-psychanalytiques-a-ladolescence-Pratiques-et-modeles.pdf">Marcelli</a> rappelle la différence entre traitement et soin. Traiter vient de tractare, tractum, trahere qui signifie « traîner violemment, mener difficilement ». Soigner vient du latin sun(n)i et sunnja qui signifie « s’occuper de, se préoccuper de ». Si le traitement vise l’éradication des symptômes, le soin vise la globalité du sujet considéré. Le soin vise le sujet dans la façon dont il vit ce qui le fait souffrir. Un sourire, un regard bienveillant apportent de la consolation et du réconfort permettant au traitement d’être plus efficace.</p>
<p>A travers les nouvelles générations du XXI<sup>e</sup> siècle, notre monde crie « Au secours » face à la mutation des nombreux virus qui le menacent et plus globalement face aux héritages <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Espoir/Feuillets-d-Hypnos">« sans testament »</a>, sans pédagogie de la transmission de l’histoire des siècles identitaires passés. Il importe certes de traiter les virus de la « crise migratoire », des relents racistes, des radicalisations, de la xénophobie, des nationalismes étroits, mais il est nécessaire et avant tout de considérer et de <a href="https://esprit.presse.fr/article/daniel-derivois/soigner-la-societe-d-accueil-42493">soigner les sociétés d’accueil</a>, de départ et de transit ainsi que le monde dans son ensemble, dans sa diversité naturelle, culturelle et spirituelle. Dans son ancienneté comme dans sa jeunesse.</p>
<p>Les conséquences traumatiques, migratoires, identitaires de la guerre en Ukraine viennent, une fois de plus, soulever la question de la perception et du <a href="https://theconversation.com/voyons-nous-les-migrants-comme-etrangers-a-lhumanite-176176">traitement du « migrant » selon son origine, sa proximité géographique ou sa couleur de peau</a>. Malgré les dispositifs d’accueil en urgence de la population sinistrée, cette crise ne se traitera pas sans une réflexion profonde sur le terrain idéologique, géopolitique qui a permis son émergence. Elle ne se traitera pas sans une politique de soin global pour « agresseurs » et « agressés » de tous les côtés, tous héritiers des restes de <a href="https://www.chroniquesociale.com/seismes-identitaires--trajectoire-de-resilience__index--1011992%E2%80%933009480%E2%80%931012241--cata------3008211--catalogue.htm">« traumatismes identitaires mutuels de longue durée »</a> non élaborés dans un même monde en mutation.</p>
<h2>Instaurer une clinique de la mondialité</h2>
<p>Si des symptômes majeurs de notre temps nous avaient déjà alertés sur la nécessité de changer de paradigme pour notre santé mentale globale, l’imprévisible des mutations et variants de la Covid-19 nous montre qu’aucune stratégie nationaliste ou ethnocentrée n’aura été efficace et qu’une issue est possible dans un effort mutuel de repérage des forces complémentaires selon les modèles de sociétés.</p>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-resilience-pour-quels-modeles-de-societe-137666">Quelle résilience pour quels modèles de société ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il est nécessaire d’entrer dans la mondialité et de mettre en perspective une <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807307872-clinique-de-la-mondialite#:%7E:text=Description,au%20sein%20de%20cet%20individu.">clinique de la mondialité</a>, qui accueille à la fois les problématiques familiales, sociétales mais aussi les souffrances mondiales, mondialisées, au-delà des clivages idéologiques, géographiques ou culturels qui ont longtemps rythmé nos relations humaines.</p>
<p>Dans « clinique de la mondialité », clinique est à entendre à la fois dans le sens d’étude clinique du fonctionnement biologique, psychique et identitaire du monde, de lieu de soin – sans frontières géographiques – et de posture épistémologique et politique. Politique dans le sens grec de la « polis », la Cité.</p>
<p>Clinique regroupe alors le sens médical (au chevet du malade), le <a href="https://www.puf.com/content/%C3%80_quel_soin_se_fier_Conversations_avec_Winnicott">sens psychanalytique du <em>Care</em></a> et le sens politique qui confère à la clinique de la mondialité sa posture d’être <a href="https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C2610">non seulement au pied du lit du malade</a> mais aussi au pied du monde, en nous, autour de nous, au service du vivre ensemble avec soi-même et avec les autres dans la Cité.</p>
<p>La clinique de la mondialité est une disposition d’esprit qui consiste, à l’instar de Glissant, à agir dans son Lieu en <a href="https://www.humanite.fr/edouard-glissant-agis-dans-ton-lieu-pense-avec-le-monde-457163">pensant avec le monde</a>, à prendre conscience de la manière dont nous sommes traversés par les problématiques mondiales tout en nous pensant dans ce monde-là. Une clinique de la généalogie de l’Homme aux prises avec ses héritages historiques, culturels, identitaires. <em>Qui suis-je pour l’autre ? Qui est l’autre pour moi ? Où suis-je ? Quand suis-je ? Où en suis-je</em> de ma prise de conscience des traces de l’autre en moi et des miennes en lui ? Telles sont les grandes questions de cette prise de conscience généalogique dans la clinique de la mondialité.</p>
<p>Devant la nécessité de prendre soin de notre Terrain-Monde, la clinique de la mondialité offre un terrain d’accueil, d’élaboration et de transformation des héritages traumatiques corporels, psychiques, identitaires en vue de passer des générations racialisées basées sur la couleur de peau, la langue, la religion, les origines géographiques aux générations mondialisées dont le vecteur est notre humanité commune. Là où le débat se polarise, dans une binarité mortifère, sur des référentiels erronés ou désuets, la clinique de la mondialité invite à prendre notre humanité commune comme seul référentiel qui vaille en matière d’identité.</p>
<p>En somme, à l’instar de Pasteur et de Claude Bernard, la clinique de la mondialité vise à réinjecter de l’espoir dans <a href="https://www.fredericlenoir.com/contes-philosophiques/lame-du-monde/"><em>l’Âme du monde</em></a> et à renforcer nos défenses physiologiques, psychologiques, intellectuelles et spirituelles sur le terrain de l’Humanité. L’immunité collective tant recherchée est probablement au prix d’une clinique de la résilience collective, entendue comme la capacité à préserver son humanité et celle de l’autre, malgré l’adversité et les turbulences événementielles et environnementales.</p>
<p>Désormais, c’est <em>au chevet du monde</em>, voire au bord d’un monde qui s’effondre et qui espère aussi, que le soignant attend le patient, le politique ou le citoyen lambda dans la Cité des Hommes. Attendre au sens d’espérer un moment de répit face aux différents virus qui affectent et interrogent notre Corps-Monde dans sa capacité à puiser dans ses ressources cachées, à se réguler et à briser les murs idéologiques pour entrer dans la mondialité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Derivois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment penser l’état du monde que nous partageons ? Et comment cultiver une forme de résilience collective en des temps aussi troublés ?Daniel Derivois, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie. Laboratoire Psy-DREPI (EA 7458), Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797882022-03-27T17:26:36Z2022-03-27T17:26:36ZJeunesse corse : une violente quête d’identité<p>En ce début de printemps 2022, la question corse s’impose à nouveau dans l’actualité nationale et au cours d’une campagne présidentielle éclipsée par le retour dramatique de la guerre en Europe orientale. L’agression d’Yvan Colonna par un ex-djihadiste a déclenché sur l’île des émeutes d’une rare violence.</p>
<p>Cette forte <a href="https://www.corsenetinfos.corsica/Ils-goutent-avec-fierte-a-la-violence-a-Bastia-l-un-a-16-ans-et-l-autre-tout-juste-10_a63444.html">mobilisation d’étudiants</a>, de lycéens voire de collégiens, pose à nouveau la question de l’avenir politique et institutionnel de l’île. Le gouvernement français évoque désormais avec les élus nationalistes, largement majoritaires sur l’île, un <a href="https://theconversation.com/lautonomie-de-la-corse-une-echappatoire-pour-la-republique-179677">degré d’autonomie négociable</a> au sein d’une République française, une et indivisible.</p>
<p>Au-delà de ce <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782854807516-revue-panoramiques-n-53-bye-bye-la-corse-revue-panoramiques/">débat juridique</a>, récurrent depuis un demi-siècle, il s’agit de comprendre l’engagement des jeunes corses dans de telles expressions de violence.</p>
<p>Insérés dans des cadres familiaux protecteurs qui leur garantissent des standings de vie souvent très convenables, ces jeunes insulaires affichent un rejet véhément de la Nation française, synonyme pour eux <a href="https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Patrimoine-ethnologique/Files/Rapports-de-recherche/2001-et-avant/Ethno_Alberti_1994__075.pdf">d’une dissolution identitaire</a> dans une société individualiste et atomisée.</p>
<h2>Le legs d’une violence inscrite dans la longue durée</h2>
<p>Appuyée par des militants nationalistes rodés qui ont largement soutenu les mouvements de jeunes en participant aux <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/manifestation-a-bastia-suivez-la-mobilisation-en-direct-2495259.html">cortèges protestataires</a>, la jeunesse insulaire a ciblé avec violence les différentes représentations de l’État en Corse, considérant ce dernier, <em>Statu francese assassinu</em> (« État français assassin »), comme l’unique responsable de l’agression d’Yvan Colonna en prison d’Arles.</p>
<p>Le harcèlement qu’ils ont mené à l’encontre des forces de police dans les rues de Corte, Ajaccio et Bastia, présente selon le politiste <a href="https://www.franceinter.fr/menace-du-flnc-en-corse-un-moyen-de-pression-pour-xavier-crettiez-specialiste-de-la-violence-politique">Xavier Crettiez</a> le même caractère que les pratiques émeutières des black blocs dans les métropoles occidentales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-black-bloc-quand-lantisysteme-effraie-80857">Le black bloc : quand l’antisystème effraie</a>
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<p>On doit s’interroger en effet sur l’instrumentalisation de la figure romantisée du <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2004/08/09/le-ribellu-arme-symbole-du-merchandising-nationaliste_488676/?redirected=1"><em>Ribellu</em></a> incarné par Yvan Colonna, mixte de revendications identitaires et s’inspirant dans la forme des luttes révolutionnaires sud-américaines alors que son acte criminel révèle plutôt le fourvoiement d’une « génération perdue » et <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/11548_1">prisonnière de ses utopies</a> comme l’ont déclaré de nombreux acteurs des luttes nationalistes.</p>
<h2>Conflits anciens ancrés au cœur de micro-sociétés</h2>
<p>En s’initiant à cette geste victimaire, les nouvelles générations entretiennent un <a href="https://www.dunod.com/histoire-geographie-et-sciences-politiques/geopolitique-corse?gclid=Cj0KCQjw0PWRBhDKARIsAPKHFGg1HHFqFzEDx1T6VNtsq3fQvPQpv9OrNCYaIKtRzzRVz8XVOmMJf9caAi-3EALw_wcB">récit fraternel</a> et mythifié des communautés rurales corses.</p>
<p>Ce phénomène est compréhensible toutefois dans une perspective de longue durée historique. À partir des années 1970, historiens ou ethnologues ont cherché à décrypter les mécanismes de la <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/pieve-et-paesi/">violence</a> en Corse.</p>
<p>En évitant tout piège essentialiste, ils ont interprété ces cycles de violence endémique au prisme des conflictualités au sein de micro-sociétés segmentaires où s’imposent des relations communautaires et interpersonnelles.</p>
<p>Clientélisme et clanisme ont en effet longtemps marqué les relations sociales sur l’île comme le relate le journaliste Paul Bourde à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Bourde-(Paul).-En-Corse%2C-l%27esprit-de-clan.-Les-Les-Bourde/9fb07f49e9a8cb930b27c0ebb38197b2ded73b59">évoquant sa rencontre</a> avec une personnalité politique de l’île : « Jadis, ils nous auraient suivi à la guerre, aujourd’hui ils nous suivent au scrutin ».</p>
<p>Dans son histoire contemporaine, l’île n’a connu qu’une quarantaine d’années de paix civile allant de l’éradication du banditisme rural dans les années 1930 jusqu’à l’essor des <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-corse-et-la-republique-la-vie-politique-de-la-fin-du-second-empire-au-debut-du-XXIe-siecle-jean-paul-pellegrinetti/9782020526296">revendications nationalistes</a> à la fin des années 1960.</p>
<p>Cette courte période de paix est associée à l’acmé d’une adhésion massive des Corses à la Nation française (par le serment de Bastia en 1938, on jure de « mourir français » face au fascisme irrédentiste de Mussolini), au cours de laquelle la violence est canalisée par le cycle des guerres mondiales et l’apogée d’une <a href="https://www.cairn.info/nouvelle-histoire-des-colonisations-europeennes--9782130619284-page-103.htm">domination coloniale française</a> dans laquelle les Corses ont joué un rôle particulièrement actif.</p>
<p>Elle s’illustre également par un âge d’or du <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=69074">puissant milieu corse</a>, à Paris ou Marseille, des années 1930 jusqu’aux années 1970 avec la French Connection qui contribue largement à canaliser la violence hors de l’île tout en intervenant efficacement dans la vie politique insulaire.</p>
<h2>Un nouveau cycle de violence</h2>
<p>C’est dans une Corse en forte expansion économique au cours des années 60 que réapparaît un cycle de violence. <a href="https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1975_num_85_1_7087_t1_0133_0000_1">La Corse nouvelle</a> du tourisme de masse, du développement agricole des plaines littorales et du dynamisme démographique retrouvé en raison d’un fort afflux migratoire migratoire est secouée par un mouvement de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-geopolitique_de_la_corse_le_modele_republicain_en_question_marianne_lefevre-9782738490759-8279.html">contestation identitaire</a> légitimant le recours aux plasticages et au racket.</p>
<p>Revendications politiques, intérêts économiques et commerciaux de nature mafieuse ne tardent pas à gangrener l’ensemble du corps social de l’île. La confusion atteint son paroxysme à partir des années 1990 quand des factions nationalistes se livrent à des règlements de compte criminels et que les <a href="https://www.grasset.fr/livres/le-crepuscule-des-corses-9782246538615">prédations territoriales de tous ordres</a>, intimidation, racket, destruction des biens mobiliers et immobiliers, assassinats, s’étendent à l’ensemble du tissu économique et social.</p>
<h2>Le rejet d’une appartenance française et ses paradoxes</h2>
<p>Malgré ces dérives si bien évoquées par une nouvelle génération d’artistes comme l’auteur <a href="https://www.actes-sud.fr/node/65018">Jérome Ferrari</a> ou le réalisateur Thierry de Peretti, les Nationalistes, terme générique pour caractériser l’ensemble de la mouvance régionaliste et nationaliste, ont acquis une <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-3-page-109.htm">hégémonie politique</a> depuis leur succès électoral à Bastia en 2014.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une vie violente, Thierry de Peretti, Arte, 2017.</span></figcaption>
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<p>Les « grandes familles » de la droite gaulliste ou du parti radical, garantes de l’opposition droite/gauche ont été balayées tandis que le courant macroniste, si étranger par sa nature sociologique au tissu culturel et social de l’île, n’arrive pas à s’y substituer.</p>
<p>La vie politique insulaire s’est en conséquence <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2017-2-page-163.htm">dénationalisée</a> au profit des partis nationalistes et corsistes. Mais paradoxalement, les départements corses figurent aussi parmi les territoires français les <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=OUTE1_051_0145&download=1">plus souverainistes, protestataires et eurosceptiques</a>.</p>
<p>Le courant nationaliste a progressivement solidifié son hégémonie culturelle et sociale dans une société précarisée par la rente touristique. Avec l’appui des socialistes dans les années 1980, il a pu conquérir les espaces de la parole publique, Université, médias publics (FR3, RCFM) et privés avec le quotidien désormais unique, Corse-Matin, l’ensemble fabriquant un « consentement » volontaire à la vision de l’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/sociologie_de_la_corse-9782707188113">identité insulaire</a>.</p>
<p>Les militants nationalistes sont les mieux armés pour capter les <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2017/05/31/en-corse-le-projet-controverse-d-une-charte-pour-l-emploi-instaurant-une-preference-locale_5136683_1698637.html">emplois publics régionalisés</a> (enseignants du primaire, professeurs de langue corse, emplois universitaires, médias et communication, gestion politique) dans un bras de fer vigoureux avec l’État et qui peut expliquer l’adhésion d’une jeunesse en quête d’avenir.</p>
<h2>Une nouvelle génération en quête d’identité</h2>
<p>Le sentiment identitaire affiché par ces jeunes générations manifeste l’attachement à une société enracinée, organique, communautaire, empreinte d’une catholicité assumée et bien plus proche des <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/1437273-la-corsophonie-un-idiome-a-la-mer-pascal-marchetti-ed-albatros">schémas identitaires italiens</a>.</p>
<p>Ils expriment inversement leurs doutes quant à une intégration à une société française plus individualiste, mais aussi universaliste, multi-culturaliste de plus en plus gestionnaire et apolitique et révélant désormais <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=HER_170_0109&download=1">sa fragile cohésion</a>, voire son <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-nouvelle-question-corse-poche/">« archipélisation »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lautonomie-de-la-corse-une-echappatoire-pour-la-republique-179677">L’autonomie de la Corse : une échappatoire pour la République ?</a>
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<p>Ils perçoivent également l’affaiblissement des solidarités organiques corses sur le continent comme en atteste la diminution du rôle des <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2001-4-page-152.htm">cercles politiques</a> corses à Paris ou en région Provence-Côte d’Azur depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle tout comme le déclin spectaculaire du <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/repenti-9782213704500">milieu</a> <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/parrains-corses-la-guerre-continue/9782259276757">corse</a> (en particulier dans l’espace carcéral) au profit des nouveaux gangs ethniques qu’ils soient <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/maghreb-connection/9782221252970">maghrébins</a>, balkaniques ou subsahariens.</p>
<p>À la différence de leurs aînés parfaitement corsophones qui jusqu’aux années 1970 parvenaient à associer en tout lieu leur double identité française et corse, associée pour les plus instruits à une bonne connaissance du monde italien, les nouvelles générations, expriment dans leur usage de la violence l’expression d’un malaise identitaire que ne parvient pas à satisfaire un usage abusif des idéologies nationalitaires englobant en effet dans un réel confusionnisme politique, aspiration à l’autonomie, à l’indépendance, ou plus simplement à une proclamation existentielle et identitaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph Martinetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’agression d’Yvan Colonna a déclenché en Corse de violentes émeutes. Cette mobilisation d’une partie de la jeunesse ravive la question de l’avenir politique et institutionnel de l’île.Joseph Martinetti, Maître de conférence en géographie - Chercheur au Laboratoire Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC/EA1193), Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751232022-02-13T19:58:40Z2022-02-13T19:58:40ZAu nord comme au sud de la Méditerranée, les quartiers populaires face à la métropolisation<p>Dans de nombreux pays du monde, les processus de mondialisation et de métropolisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies ont entraîné une profonde mutation des villes, plus ou moins inspirée de <a href="https://metropolitiques.eu/Villes-contestees.html">logiques néo-libérales</a>.</p>
<p><a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/46385">Nos analyses</a> portent sur des quartiers de diverses villes du bassin méditerranéen abritant des <a href="https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20110913_schwartz.pdf">classes populaires</a>, directement ou indirectement confrontées aux transformations urbaines (éradication des bidonvilles, requalification des centres, rénovation des grands ensembles et régularisation/restructuration des quartiers non réglementaires) et à un urbanisme de grands projets (commerciaux, immobiliers, touristiques ou à finalité patrimoniale) dont l’objectif essentiel est de valoriser le foncier.</p>
<p>Ces dynamiques provoquent des <a href="https://metropolitiques.eu/Renovation-urbaine-et-trajectoires-residentielles-quelle-justice-sociale.html">déplacements contraints</a>, qui se conjuguent aux effets de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_privatisation_des_services_urbains_en_europe-9782707155566">« privatisation » des services urbains</a>, de la réduction des budgets publics d’équipement des quartiers et des difficultés de transport. Ces effets enclenchent des processus de marginalisation qui exacerbent les inégalités sociospatiales.</p>
<p>Nos <a href="https://marges.hypotheses.org/">travaux de terrain</a>, conduits dans des quartiers représentatifs de ces mutations dans cinq villes au nord de la Méditerranée (Cagliari, Turin, Barcelone, Grenade et Marseille) et sept villes au sud (Rabat, Casablanca, Fès, Alger, Tunis, Istanbul, Ankara) ont mis en évidence la circulation de modèles de gouvernance, de régulations sociales et politiques, et de modes de mobilisation et de résistance aux transformations imposées d’en haut.</p>
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<p><em>Cliquer sur les villes pour des informations sur leur superficie et leur démographie</em>.</p>
<h2>La marginalisation par la stigmatisation</h2>
<p>Dans le cadre de nos recherches, nous avons employé la formule « marges urbaines » : nous entendons par là ces <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01609138">quartiers populaires</a>, qu’ils se trouvent dans le centre ou en périphérie, qui font l’objet de pratiques de marginalisation et de <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/9204?lang=fr">stigmatisation</a> mises en œuvre par les acteurs urbains dominants. La stigmatisation apparaît comme une violence symbolique particulièrement humiliante, qui affecte la dignité des personnes. Beaucoup d’entre elles finissent par l’intérioriser, certaines par la détourner et d’autres par la combattre.</p>
<p>Souvent, le langage est un premier élément de compréhension, et les expressions utilisées pour <a href="https://passansnous.org/evenements/">désigner ces quartiers</a> reflètent les processus qui, de l’extérieur mais aussi de l’intérieur, fabriquent les valeurs socioculturelles et les registres idéologiques de leurs habitants.</p>
<p>Plusieurs systèmes langagiers participent à une sémantique de la stigmatisation de la marge : les langages savants, administratifs, techniques, juridiques – en un mot, les registres normatifs –, mais tout autant les langages courants, ordinaires, dialectaux ou vernaculaires, créolisés… Lorsqu’elle émane des acteurs dominants – ou de ceux qui n’habitent pas de tels espaces –, la sémantique construit la marge comme problème, en marquant son « a-normalité » et en en écartant toute possibilité de la considérer comme une ressource. Mais, dès lors qu’elle est saisie « de l’intérieur », à partir des paroles et images de ses habitants, la marge se révèle comme un <a href="https://journals.openedition.org/cdlm/729">espace d’appartenance</a>, une ressource, voire un espace d’autonomie normative et politique.</p>
<p>Les langues « administrantes » édictent une vision normative de l’espace. S’y opposent les parlers ordinaires, qui peuvent, selon les cas, intégrer, s’approprier, modifier, contester, inverser ou délégitimer ces discours « d’en haut ». Ces tensions posent la question des liens entre <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Surveiller-et-punir">savoir et pouvoir</a> et, plus explicitement, du rapport entre <a href="https://www.pur-editions.fr/product/ean/9782753559035/frontieres-en-tous-genres">domination et dénomination</a>.</p>
<h2>Des quartiers à problèmes aux quartiers à potentiels</h2>
<p>Face aux mutations provoquées par la mondialisation et plus particulièrement par les transformations urbaines, le quartier populaire apparaît comme un <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/46385">territoire-ressource</a> qui prend corps autour des réseaux de sociabilité et de solidarité, ainsi qu’autour des constructions identitaires et mémorielles que ceux-ci génèrent.</p>
<p>Ces constructions assurent la force du quartier et en font, de ce fait, un cadre privilégié de résistance à la marginalisation et d’action politique des habitants.</p>
<p>Le quartier doit régulièrement s’opposer à des politiques publiques qui, quels qu’en soient les objectifs affichés, apparaissent le plus souvent comme des facteurs de déstructuration sociale contrariant les dynamiques d’intégration des populations. L’intégration renvoie ici à un processus, où les individus et leur famille tentent de conjuguer une certaine stabilité économique par le travail et des relations sociales au sein des réseaux de protection rapprochée procurés par le voisinage ou d’autres plus larges. L’objectif pour les ménages étant de s’écarter de la vulnérabilité et de la désaffiliation sociales. L’intégration se joue également à l’échelle du quartier, à travers les <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/les-metamorphoses-de-la-question-sociale-9782213594064">stratégies déployées par les populations</a>, pour la reconnaissance de ce territoire.</p>
<p>Les correspondances entre les trajectoires sociospatiales des ménages et les transformations de leurs territoires montrent comment les mutations de ces espaces pèsent sur l’intégration sociale et/ou la marginalisation des habitants. Par exemple, lee déménagement contraint de ménages après la rénovation de leur quartier enclenche des dépenses d’installation et de transport qui fragilisent leur budget.</p>
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<p>Pour les habitants, les changements subis se répercutent sur leurs espaces de vie et leur rapport à la ville, au point qu’ils sont souvent ressentis comme une remise en cause de leur citoyenneté.</p>
<p>Dans les contextes étudiés, la mise en œuvre (matérielle et idéelle) de l’urbanisation plus ou moins néo-libérale, les bouleversements, voire les traumatismes, qu’elle provoque auprès des citadins les moins dotés économiquement et socialement (classes populaires qui ont perdu l’espoir d’ascension sociale et classes moyennes inférieures en situation de déclassement) font qu’ils la ressentent comme l’expression d’une extrême violence, matérielle et/ou symbolique.</p>
<p>Confrontés à ces situations, les habitants des quartiers marginalisés contestent et résistent pour tantôt refuser les évolutions qu’ils estiment leur être imposées, tantôt composer avec les acteurs de ces transformations, qu’ils soient privés ou publics.</p>
<h2>Le long chemin de la reconnaissance de la citoyenneté</h2>
<p>Les habitants défient « l’ordre » de manières multiples, à travers des émeutes, des manifestations, des occupations de lieux publics – soit toutes les actions qui se « donnent à voir » parce qu’elles se déploient dans des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/pourquoi_se_mobilise_t_on_-9782707152503">arènes publiques</a> – et expriment le mécontentement d’individus, de petits groupes, de communautés spécifiques et généralement limitées à l’échelle du quartier.</p>
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<p>La <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:4324">géographie des résistances</a> met en évidence des évolutions qui se sont traduites par une diversification des modalités d’action, mais aussi, dans des cas particuliers, par des convergences susceptibles d’alimenter des révoltes de grande ampleur, voire des « révolutions ». En Algérie, par exemple, le Hirak a été alimenté en partie par des populations qui avaient déjà manifesté contre leur éviction des bidonvilles ou pour obtenir des logements décents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/algerie-la-revolution-du-sourire-pacifique-persiste-et-signe-157615">Algérie : la « Révolution du sourire pacifique » persiste et signe</a>
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<p>Mais, d’un autre côté, nombre de contestations conduisent leurs initiateurs à des impasses : la résistance peut échouer, soit qu’elle est réprimée plus ou moins violemment, soit qu’elle se délite pour des raisons multiples (y compris des conflits internes).</p>
<p>La recherche de négociations, d’arrangements et de compromis entre les habitants des quartiers populaires et les pouvoirs politiques éclaire sur la fabrique de l’ordre politique. Dans leurs rapports avec l’action des institutions, les acteurs populaires « pénètrent le système », non pas à des fins subversives ou de renversement, mais pour y saisir des opportunités ou pour se protéger contre les risques que la précarité de leur habitat (et de leurs revenus) leur fait courir.</p>
<p>Les mobilisations collectives restructurent l’espace en modifiant les perceptions sociales, culturelles et politiques des habitants. Même lorsqu’elles n’ont pas de réponses aux revendications, elles consolident l’idée du « nous » et débouchent souvent sur des actions collectives du type nettoyage, embellissement, réparation d’une conduite d’eaux usées, etc. Les mobilisations de la période récente sont à replacer dans une filiation, un héritage ou encore une continuité mémorielle.</p>
<p>La <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100717390">mémoire protestataire</a> est un moteur particulièrement efficace des luttes, qu’il s’agisse de la mémoire des événements qui les ont composées, des « héros » qui les ont animées ou des hauts lieux où elles se sont déployées. Mais ces luttes visibles, fortement médiatisées et bien étudiées ne doivent pas masquer les résistances qui, pour être plus ordinaires, plus discrètes, plus quotidiennes, n’en contiennent pas moins une prise de risque importante pour ceux qui osent les mettre en œuvre.</p>
<p>Ces mobilisations sont contrariées par le renforcement – à quelques exceptions près – de l’autoritarisme, l’échec des transitions politiques vers la démocratie et la répression de toute contestation politique d’un côté de la Méditerranée et par la montée des extrémismes sur l’autre rive. Ces mobilisations sont pourtant à l’origine de processus d’apprentissage et de politisation ainsi que de chemins singuliers de construction de la citoyenneté au sein des quartiers populaires méditerranéens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nora Semmoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Conclusions d’une récente étude conduite dans les quartiers défavorisés de plusieurs villes du pourtour méditerranéen.Nora Semmoud, Professeur des universités, classe exceptionnelle Directrice de l'UMR 7324 CITERES Membre suppléante nommée de la section 24 du CNU, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1762092022-02-09T20:43:11Z2022-02-09T20:43:11ZQuand l’entreprise tente d’enterrer la mémoire de son créateur…<p>Nombreux sont les chercheurs en gestion à <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2019/06/rfg00358/rfg00358.html">croire aux fantômes</a>. La recherche sur les organisations nous enseigne en effet que la pesanteur du passé s’exerce sur les pratiques des différents acteurs. L’ombre des fondateurs plane, et c’est tout un héritage qui souffle sur les choix stratégiques des dirigeants.</p>
<p>Tim Cook, PDG d’Apple, a déclaré à des journalistes de Wired qu’il lui était impossible de s’installer dans le bureau de son défunt prédécesseur Steve Jobs. Chez Dior, on continue de se demander ce qu’aurait pensé de chaque nouvelle collection le Christian qui a donné son nom à la firme, même 60 ans après sa mort.</p>
<p>Et cela vaut y compris en cas de transformations importantes. Dans les années 1990, <a href="https://www.lemonde.fr/talents-fr/article/2007/03/26/la-saga-de-bang-olufsen-par-armand-hatchuel_887777_3504.html">Bang & Olufsen</a>, fabriquant danois d’appareils de radio, a, par exemple, su tenir bon face à la concurrence du low cost en réfléchissant à partir de ce qui constituait son identité : associer technologie et art. Dit autrement, l’entreprise a su s’appuyer sur son capital immatériel et sur sa réputation d’où elle a pu tirer un avantage.</p>
<p>L’identité d’une organisation est ce qui la caractérise, la rend unique et distinctive sur le marché. Bien souvent, elle s’avère façonnée par la pensée et les valeurs portées par le <a href="https://www.lesechos.fr/thema/relation-client-2021/les-valeurs-un-atout-concurrentiel-difficilement-imitable-1323228">fondateur</a>. Mais qu’en est-il une fois celui-ci parti ?</p>
<p>Inspirée par les travaux du philosophe Jacques Derrida lorsqu’il disserte sur les <a href="http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2777"><em>Spectres de Marx</em></a>, notre <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03306245/">étude</a> de cas montre que l’esprit du créateur peut agir de deux façons différentes. Il y a d’une part le spectre malléable, qui offre la possibilité aux membres de faire évoluer l’identité de leur organisation. D’autre part, le fantôme limitant les alternatives identitaires.</p>
<h2>Une communion si sincère</h2>
<p>L’entreprise, dont nous retraçons le parcours à partir d’archives et d’entretiens en utilisant ces concepts, a été fondée dans les années 1970. Spécialisée dans le coaching, ses membres suivent un processus d’intégration, l’« université », durant laquelle la vision du fondateur, sa façon d’envisager le développement des compétences managériales et les pratiques qui en découlent sont diffusées. Un ancien membre érige ce rituel au rang de « plus important trait distinctif de la société ».</p>
<p>Durant les premières années d’existence de l’entreprise, celle-ci affiche ainsi une identité forte, et les employés se reconnaissent dans l’image prestigieuse que celle-ci leur renvoie.</p>
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<p>« Nous avions l’impression d’être des millionnaires, assis dans des hélicoptères, volant au-dessus du désert. »</p>
</blockquote>
<p>Ils expriment un sentiment de fierté d’appartenance.</p>
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<p>« Après quelques mois, je me sentais chez moi et fier de faire partie de cette entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>Lorsque le fondateur quitte le navire en 1995, une nouvelle gouvernance arrive au pouvoir. Les membres de l’entreprise redéfinissent alors certaines de leurs pratiques en s’émancipant peu à peu de l’esprit du fondateur. Les valeurs originelles s’assouplissent : l’arrogance fait place à l’humilité, le code vestimentaire devient moins strict et le système patriarcal devient une famille bienveillante.</p>
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<p>« Il y avait des soirées le samedi soir et on se disait : “Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible d’avoir une telle communion aussi sincère”. »</p>
</blockquote>
<p>L’absence du dirigeant-fondateur offre la possibilité aux membres de l’entreprise de remettre en question certains traits identitaires hérités du passé.</p>
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<p>« Les quadras ont pris le pouvoir. On a mis un peu de latin dans un truc germanique pour que ce soit un peu plus marrant. »</p>
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<p>L’esprit du fondateur agit ici sur le mode du spectre qui laisse la possibilité aux membres de l’entreprise d’envisager l’avenir autrement.</p>
<h2>« Faites revenir la magie »</h2>
<p>Reste que la crise économique de 2008 viendra bousculer ce nouvel équilibre. Une nouvelle gouvernance s’installe et des tensions apparaissent. Les nouveaux leaders réaffirment l’identité fondatrice pour justifier leurs choix stratégiques. Il y a là une sorte de « rituel d’évocation » pour reprendre Derrida.</p>
<p>Le spectre du fondateur devient alors un fantôme imposant. Les mythes et symboles du passé, loin d’être exorcisés, ressurgissent. L’autorité formelle et hiérarchique qui avait été contestée par les employés est rétablie, le code vestimentaire réhabilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1375886328433360901"}"></div></p>
<p>Au-delà du discours, des contradictions vont néanmoins apparaître dans les pratiques. La mémoire du fondateur est même quelque peu trahie. L’université est détournée de sa fonction d’apprentissage, l’exigence est moindre et la qualité de l’offre diminue.</p>
<p>Des identifications contradictoires apparaissent entre les plus anciens nostalgiques d’un passé qui n’est plus et les autres membres qui regrettent l’identité flexible et bienveillante de la seconde période. En conséquence, le sentiment de fierté d’appartenance disparaît.</p>
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<p>« Se sentir comme des millionnaires, les gens s’en souviennent avec une profonde nostalgie. Leur discours : “Faites revenir la magie et nous viendrons à la fête, à ce grand moment de fierté”. »</p>
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<h2>Exorcisme ou invocation ?</h2>
<p>Cette histoire met en évidence l’importance pour les dirigeants de faire attention à la façon dont ils s’approprient l’héritage identitaire de l’organisation.</p>
<p>Lorsque les dirigeants laissent la possibilité aux membres de s’affranchir en partie de l’héritage du fondateur, la construction de significations inédites dans l’entreprise devient collectivement possible. Cette perspective spectrale permet aux employés de s’identifier à une identité nouvelle, co-construite et partagée. Il en résulte un attachement plus fort à l’organisation.</p>
<p>En revanche, la récupération d’un passé mythifié de l’entreprise peut avoir des conséquences négatives. Le retour du fantôme crée des tensions parmi les employés qui s’identifient à des éléments différents : les anciens ne se reconnaissent plus dans des pratiques qu’ils jugent « détournées », les autres membres rejettent tout simplement le retour de l’identité fondatrice. Les contradictions qui apparaissent entre le discours des dirigeants sur l’identité fondatrice et les pratiques menacent ainsi la cohésion du groupe et fragilisent l’attachement des membres à l’organisation.</p>
<p>Notre étude invite ainsi les dirigeants à mener une réflexion sur le passé identitaire de l’organisation et sur la manière dont il irrigue le présent. Exorciser le passé ou l’invoquer ? Associer les membres de l’entreprise ou bien prêcher ? Quels que soient les chemins empruntés, le discours des dirigeants aura un impact sur l’identification des membres à l’organisation dont il faudra tenir compte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176209/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Même après son départ, le fondateur fait toujours sentir sa présence. Mais celle-ci doit-elle rester un spectre discret ou bien devenir un fantôme que l’on invoque ?Isabelle Galois-Faurie, Professeur assistante au département Homme, Organisations et Société, Grenoble École de Management (GEM)François Grima, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Marcos Barros, Full professor, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1708442022-01-19T14:00:56Z2022-01-19T14:00:56ZPortrait(s) de France(s) : Identités morcelées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441696/original/file-20220120-8376-485qe5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1920%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les revendications identitaires ne sont pourtant pas des demandes particularistes mais s’inscrivent pleinement dans un horizon d’égalité partagée et d'aspirations communes. </span> <span class="attribution"><span class="source">AFP/ Pixabay/ Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Portrait(s) de France(s), un rendez-vous bi-mensuel et thématique réunissant articles inédits, cartographies et podcasts, pour aborder les grands enjeux de l’élection présidentielle de 2022.</em></p>
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<p><strong>L'édito d'Arnaud Alessandrin</strong></p>
<p>Dans un contexte républicain qui défend l’universalisme, toute émanation d’un individu singulier devient insupportable. Ce sujet, caractéristique de notre époque, montre que rarement autant de fronts n’avaient été activés simultanément. Féminisme, démocratie, écologie, <a href="https://theconversationfrance.cmail20.com/t/r-l-trtlllud-httuuluhp-j/">minorités de genre et de sexualité</a>, migrations ou phénomènes racistes ; les demandes dites « identitaires » (leur nécessité peut-être) sont plus que jamais au cœur des revendications. Ces dernières s’expriment lors des débats publics ou médiatiques et définissent parfois même les projets politiques de certains candidats et présumés candidats.</p>
<p>Dans le même temps, alors que les discriminations subies par les minorités (peu importe le critère retenu) sont progressivement documentées, chiffrées, témoignées, nous assistons à une radicalisation des oppositions à la reconnaissance des vulnérabilités, des inégalités, des injustices en les disqualifiant – « fascistes » pour les uns, « woke » pour les autres – ou en les instrumentalisant, comme le montrent les discours récurrents <a href="https://theconversationfrance.cmail20.com/t/r-l-trtlllud-httuuluhp-t/">à l'encontre du « migrant »</a>.</p>
<p>Du mouvement protéiforme <a href="https://theconversationfrance.cmail20.com/t/r-l-trtlllud-httuuluhp-i/">des « gilets jaunes »</a> aux manifestations antiracistes, en passant par les mouvements écologistes, les revendications identitaires ne sont pourtant pas des demandes particularistes, même si elles sont particulières aux vues de l‘endroit d’où elles émanent. Au contraire, elles s’inscrivent pleinement dans un horizon d’égalité partagée et d'aspirations communes. Les différents articles qui constituent ce dossier éclairent chacune des réflexions quant à ces identités meurtries, <a href="https://theconversationfrance.cmail20.com/t/r-l-trtlllud-httuuluhp-d/">invisibilisées</a>, <a href="https://theconversationfrance.cmail20.com/t/r-l-trtlllud-httuuluhp-h/">plurielles</a>, violentées qui demandent, de façon multiple, une existence vivable, une dignité, une reconnaissance. Et qui pose, à leur façon la question du vivre ensemble.</p>
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<h2>« Gilets jaunes » : quelle démocratie veulent-ils ?</h2>
<p>Représentants d’une France en colère, les « gilets jaunes » aspirent à refonder la démocratie par un meilleur contrôle des élus, davantage d’écoute et de participation des citoyens.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-quelle-democratie-veulent-ils-170146">Lire l'article</a></p>
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<h2>Le migrant, cet éternel épouvantail de campagne</h2>
<p>L’épouvantail de l’étranger a toujours été une manière de réactiver la cohésion sociale au moment où se rapprochent les enjeux politiques de l’élection présidentielle.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/le-migrant-cet-eternel-epouvantail-de-campagne-169495">Lire l'article</a></p>
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<h2>Le tabou des statistiques ethniques en France : un frein à la dénonciation collective</h2>
<p>La mesure des discriminations raciales demeure un sujet tabou en France. Outre-Manche pourtant, ce type de pratiques encadrées par les politiques publiques libère la parole et permet d’agir.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/le-tabou-des-statistiques-ethniques-en-france-un-frein-a-la-denonciation-collective-des-discriminations-raciales-170384">Lire l'article</a></p>
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<h2>Éducation nationale : que change la circulaire sur l’accueil des élèves trans ?</h2>
<p>Le ministère de l'Éducation a publié en 2021 une circulaire intitulée « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire ». S'agit-il d'un tournant ?</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/education-nationale-que-change-la-circulaire-sur-laccueil-des-eleves-trans-169174">Lire l'article</a></p>
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<h2>L'infographie</h2>
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<p><a href="https://theconversation.com/en-graphiques-quelle-identite-religieuse-pour-la-france-170174">Lire l'article</a> </p>
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<h2>Le podcast</h2>
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<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Portrait(s) de France(s), un rendez-vous thématique pour aborder les grands enjeux de la présidentielle 2022. Dans cet épisode, focus sur les revendications identitaires.Arnaud Alessandrin, Sociologue, Université de BordeauxCatherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches sur les migrations internationales, Sciences Po Elodie Druez, Post-doctorante, sciences politiques, Université de StrasbourgFrédéric Gonthier, Professeur de science politique, Sciences Po GrenobleGabrielle Richard, Sociologue du genre, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Hélène Bertheleu, Enseignante-chercheuse, laboratoire Citeres, Université de ToursPierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.