tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/lait-33276/articleslait – The Conversation2024-01-22T15:33:06Ztag:theconversation.com,2011:article/2186852024-01-22T15:33:06Z2024-01-22T15:33:06ZGare aux allergènes : les aliments dits « végan » peuvent contenir du lait et des œufs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569122/original/file-20240112-29-t9z77z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C989%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors de l’achat d’aliments préemballés, les consommateurs allergiques se fient aux déclarations dans la liste d’ingrédients pour identifier les aliments sécuritaires.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Au Canada et dans le monde, les consommateurs intègrent de plus en plus de produits dits « végan » dans leur alimentation – un marché qui a atteint plus de <a href="https://www.expertmarketresearch.com/reports/vegan-food-market">27 milliards de dollars américains en 2023</a>.</p>
<p>Ce terme, qui se traduit par « végétalien » en français, fait référence à des aliments exempts d’ingrédients d’origine animale (viande, volaille, œufs, lait, poisson, fruits de mer).</p>
<p>Ainsi, en plus d’être potentiellement perçus comme plus sains par certains, ils présentent une alternative intéressante pour les consommateurs soucieux des enjeux liés à l’environnement, au développement durable, et au bien-être des animaux.</p>
<p>Or, un autre type de consommateur peut se tourner vers ces produits, pour des raisons totalement différentes : les personnes allergiques à des protéines d’origine animale, comme le lait de vache et les œufs.</p>
<p><a href="https://parera.ulaval.ca/fr/">Notre groupe de recherche</a>, leader en analyse de risques liés aux allergènes alimentaires au Canada, s’est donc posé les deux <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s13223-023-00836-w">questions</a> suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Est-ce que les consommateurs vivant avec une allergie à des protéines d’origine animale considèrent les produits « végans » comme sécuritaires ?</p></li>
<li><p>Et, le cas échéant, est-ce qu’ils le sont réellement ?</p></li>
</ul>
<h2>Quel intérêt pour les consommateurs allergiques ?</h2>
<p>Pour la communauté allergique, les réponses à ces questions sont primordiales, car le risque de souffrir d’une réaction potentiellement sévère (anaphylaxie) en dépend.</p>
<p>Les allergies alimentaires touchent environ <a href="https://www.jaci-inpractice.org/article/S2213-2198(19)30912-2/fulltext">6 % des Canadiens</a>, dont 0,8 % spécifiquement aux œufs et 1,1 % au lait.</p>
<p>Malgré des résultats prometteurs obtenus avec différentes formes <a href="https://foodallergycanada.ca/living-with-allergies/allergy-treatments-and-therapies/treatments-and-therapies/">d’immunothérapie ou de désensibilisation à un allergène</a>, la stratégie la plus efficace pour éviter des réactions allergiques demeure de s’abstenir de consommer des aliments qui pourraient contenir des allergènes.</p>
<p>Lors de l’achat d’aliments préemballés, les consommateurs allergiques se fient donc aux déclarations dans la liste d’ingrédients pour identifier les aliments sécuritaires. Les autorités réglementaires responsables de la qualité et de l’innocuité des aliments reconnaissent l’importance d’une déclaration d’ingrédients exacte pour les consommateurs allergiques. Et l’énumération de chaque allergène volontairement ajouté à la formulation d’un aliment préemballé est <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/etiquetage-aliments/etiquetage-allergenes.html">obligatoire</a>.</p>
<p>Cependant, une lacune réglementaire existe en ce qui concerne les ingrédients potentiellement présents de façon involontaire – par exemple, en raison d’un contact croisé pendant la transformation de l’aliment. Ces ingrédients sont généralement déclarés avec des mentions « peut contenir », utilisées (ou plutôt <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213219818300102">surutilisées</a>) de façon volontaire et aléatoire par les transformateurs alimentaires.</p>
<p>Par ailleurs, le terme « végan » (ou « végétalien ») n’est ni standardisé ni défini dans la réglementation canadienne. En fait, <a href="https://inspection.canada.ca/etiquetage-des-aliments/etiquetage/industrie/composition-et-qualite/fra/1625516122300/1625516122800?chap=2#s5c2">l’Agence canadienne d’inspection des aliments</a> note que, en ce qui concerne l’utilisation du terme « végétalien »,</p>
<blockquote>
<p>Les compagnies peuvent appliquer des normes ou des critères additionnels qui tiennent compte d’éléments autres que les ingrédients qui composent l’aliment.</p>
</blockquote>
<p>Cependant, des détails ou des exemples en lien avec ces éléments ne sont pas disponibles. Ce manque de définition réglementaire précise empêche la mise en place d’exigences en termes de conformité.</p>
<p>Or, la plupart des <a href="https://recalls-rappels.canada.ca/en/search/site?search_api_fulltext=vegan">rappels</a> de produits commercialisés comme « végan » sont dus à la présence d’ingrédients d’origine animale non déclarés, notamment le lait et les œufs.</p>
<h2>Qu’en disent les consommateurs allergiques ?</h2>
<p>Dans ce contexte, et dans le cadre d’un <a href="https://www.researchsquare.com/article/rs-2583779/v1">sondage</a> auprès de consommateurs allergiques mené en collaboration avec <a href="https://allergiesalimentairescanada.ca/">Allergies alimentaires Canada</a>, nous avons demandé aux participants qui indiquaient être allergiques (ou être parents d’un enfant allergique) aux œufs ou au lait s’ils achetaient des produits commercialisés comme « végan ».</p>
<p>Parmi les 337 répondants, 72 % ont déclaré inclure ces produits dans leurs achats « parfois/en fonction de la situation », 14 % « toujours », et 14 % « jamais ».</p>
<p>Ces <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s13223-023-00836-w">résultats</a> suggèrent que, effectivement, ces consommateurs considèrent l’allégation « végan » comme un indicateur de l’absence de protéines d’origine animale – absence qui, rappelons-le n’est soutenue par aucune exigence ou définition réglementaire.</p>
<p>Ces habitudes de consommation pourraient donc mettre les personnes allergiques aux œufs et/ou au lait à risque, car l’absence de ces ingrédients n’est pas assurée.</p>
<p>Une campagne d’éducation visant à clarifier que le terme « végan » est un indicateur des <em>préférences</em> et non des <em>risques</em> alimentaires s’avère donc importante parmi cette communauté.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="chocolat noir" src="https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569134/original/file-20240112-29-5nq5bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certaines tablettes de chocolat noir commercialisées comme « certifiées végan » contiennent des protéines de lait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Les produits « végan » contiennent-ils des ingrédients d’origine animale ?</h2>
<p>Or, le fait que 86 % des répondants achètent des produits « végan » laisse entendre que l’incidence de réactions allergiques liée à ces aliments est potentiellement rare.</p>
<p>Nous avons donc <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s13223-023-00836-w">analysé</a> le contenu en protéines d’œuf et de lait de produits « végan » et « à base de plantes » commercialisés au Québec.</p>
<p>Au total, 124 produits ont été analysés pour détecter la présence de protéines d’œuf (64) et/ou de lait (87).</p>
<p>Les protéines d’œuf n’ont été détectées dans aucun échantillon, mais cinq échantillons contenaient des protéines de lait : quatre tablettes de chocolat noir commercialisées comme « certifiées végan » et un gâteau aux châtaignes de marque de supermarché.</p>
<p>Ces cinq produits déclaraient la présence potentielle de lait avec un avertissement « peut contenir : lait ».</p>
<p>Les concentrations de protéines de lait quantifiées dans ces produits, combinées aux quantités de l’aliment qui seraient consommées en une seule fois, ont été utilisées pour calculer une dose d’exposition, en milligrammes de protéines de l’allergène. La probabilité que ces doses suscitent une réaction chez les populations allergiques concernées a été estimée grâce à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691520307213">modèles de corrélation</a>. Nos résultats montrent que les doses calculées pourraient susciter des réactions chez 6 % des consommateurs allergiques au lait, pour les tablettes de chocolat, et 1 %, pour le gâteau.</p>
<h2>Comment les consommateurs allergiques peuvent-ils se protéger ?</h2>
<p>Bien que ce niveau de risque puisse être perçu comme faible, il est susceptible de varier sans préavis. Et ce, tant qu’il n’est pas soutenu par des exigences réglementaires.</p>
<p>En fait, plutôt que de l’attribuer à la présence d’une allégation « végan » ou « à base de plantes », ce niveau de risque reflète fort probablement les <a href="https://www.cell.com/heliyon/pdf/S2405-8440(22)02590-7.pdf">bonnes pratiques de gestion d’allergènes</a> caractéristiques du secteur de transformation nord-américain.</p>
<p>Ainsi, même si une mention « peut contenir : lait » semble contradictoire dans un produit « végan » ou « à base de plantes », les personnes allergiques au lait doivent l’interpréter comme une indication que ce produit pose un risque pour leur santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218685/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les activités de recherche de Samuel Godefroy sont financées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Foreign Agriculture Service du ministère de l'Agriculture des États-Unis, R-Biopharm GmbH et R-Biopharm Canada Inc. Il agit en tant que conseiller expert pour des membres de l'industrie alimentaire et des boissons, des organisations internationales (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel et la Banque mondiale), des organismes internationaux de réglementation alimentaire tels que le Centre national chinois pour l'évaluation des risques en matière de sécurité alimentaire et des organisations de consommateurs telles qu'Allergies alimentaires Canada. Samuel Godefroy est le président du conseil d'administration de la Global Food Regulatory Science Society (GFoRSS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérémie Théolier et Silvia Dominguez ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les aliments « végan » sont perçus comme n’ayant pas d’ingrédients d’origine animale par la plupart de consommateurs, mais peuvent en fait contenir des protéines de lait.Silvia Dominguez, Professionnelle de recherche en sciences des aliments, Université LavalJérémie Théolier, Professionel de recherche en sciences des aliments, Université LavalSamuel Godefroy, Professeur titulaire - Sciences des aliments, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033782023-04-06T10:55:38Z2023-04-06T10:55:38ZDe Paris à Londres, dans les laiteries urbaines du XIXᵉ siècle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519662/original/file-20230405-26-t4ijqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2560%2C1460&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tête de vache ornant l’entrée du passage Delanos à Paris (Xe arrondissement). Il abritait à l’origine une « vacherie » approvisionnait en lait Montmartre. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/01/Inscription_Passage_Delanos_-_Paris_X_%28FR75%29_-_2021-06-25_-_2.jpg/2560px-Inscription_Passage_Delanos_-_Paris_X_%28FR75%29_-_2021-06-25_-_2.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Des caves à fromages médiévales à la production de lait dédiée aux chocolatiers au début du XX<sup>e</sup> siècle, l’historien Fabien Knittel s’intéresse dans son ouvrage <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/la-fabrique-du-lait/">« La Fabrique du lait », paru début mars 2023 aux éditions CNRS</a>, aux mutations des mondes ruraux et des pratiques agricoles en Europe occidentale. Dans l’extrait choisi que nous vous proposons de découvrir ci-dessous, l'auteur nous plonge dans l’univers des laiteries urbaines qui alimentaient en lait frais les capitales française et britannique.</em></p>
<hr>
<p>Dans les grandes villes européennes, la consommation de lait frais est un sujet de préoccupation pour les hygiénistes du XIX<sup>e</sup> siècle. C’est un commerce important qui suscite des questionnements tant commerciaux que de santé publique sur la qualité du lait, sur l’approvisionnement ou sur la prévention des fraudes. L’exemple des laiteries de Paris, Londres ou Copenhague permet d’aborder toutes ces questions.</p>
<p>L’hygiène des étables parisiennes intra-muros est un point capital pour assurer une distribution de lait sain. Jusqu’au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, parallèlement aux étables des laitiers-nourrisseurs où l’on élève des vaches intra-muros pour vendre leur lait, l’approvisionnement en lait de la capitale s’effectue grâce à des charrettes à cheval dans un rayon d’environ 15 km. </p>
<p>Des « ramasseurs » récupèrent les bidons de lait ensuite vendus directement à domicile ou confiés à des dépôts de crémiers ou laitiers en gros. Les consommateurs parisiens se rendent aussi parfois directement à l’étable pour obtenir du lait frais à la source. La collecte organisée grâce au développement du chemin de fer permet d’étendre ce rayon d’approvisionnement jusqu’à 150 km à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Paris compte encore 1550 établissements de laitiers-nourrisseurs en 1899. </p>
<p>Olivier Fanica juge que l’on consomme à Paris, vers 1900, le lait d’environ 150 000 vaches en une année. À raison d’environ 1 500 litres de lait par vache et par an, cela donne une consommation annuelle d’environ 225 000 000 de litres. Les étables parisiennes des laitiers-nourrisseurs, pour la plupart d’origine auvergnate, n’en fournissent alors que 10 %, soit 22 500 000 litres. </p>
<p>Les étables à l’hygiène trop souvent douteuse disparaissent alors peu à peu, remplacées progressivement par un approvisionnement issu des fermes laitières des alentours. Se développe alors une structure de type industriel pour approvisionner le marché parisien. Les étables parisiennes n’assurent plus que 15 % du commerce du lait parisien en 1913, seulement 8 % durant les années 1930 et à peine 3 % en 1945.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<p>Durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, on assiste à Paris à l’essor des laitiers en gros, comme la Compagnie générale de la laiterie parisienne, société en commandite fondée en 1859. Elle fait rapidement faillite, mais d’autres se développent comme la Société des Fermiers réunis, fondée en 1881, qui devient le premier fournisseur de lait de Paris avec environ 200 000 litres de lait quotidien jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. </p>
<p>Si les Fermiers réunis dominent le marché parisien, ils n’en ont pas l’exclusivité. Ils doivent compter, au début du XX<sup>e</sup> siècle, avec la Laiterie centrale, la Laiterie d’Augerville, la Laiterie Hauser et, enfin, la Société laitière Maggi, fondée en 1907. Le succès de cette dernière tient à la création d’une chaîne de magasins qui assurent une vente de lait dans des conditions d’hygiène optimales. Face à l’hégémonie des entreprises de vente, les producteurs de la banlieue parisienne se regroupent en coopérative pour contrebalancer leur quasi-monopole.</p>
<p>Les sociétés de laiteries installent leurs locaux à proximité des gares afin de pasteuriser le lait dès son arrivée. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le lait frais est parfois stérilisé, à une température proche de 100 °C, avant d’être versé dans les bouteilles vendues directement aux particuliers. Cela limite les problèmes d’hygiène, mais c’est économiquement peu rentable. </p>
<p>Il faut attendre les années 1930 pour que le lait soit transporté dans des citernes isothermes ; on généralise alors aussi l’embouteillage du lait. Une fois conditionné, le lait est vendu au porte-à-porte par des laitières, souvent des jeunes filles, dans tous les quartiers de la capitale. Si le lait vendu à Paris est principalement du lait de vache, on peut aussi y trouver du lait de chèvre, dont des troupeaux stationnent à Paris de février à octobre-novembre et procurent ainsi leur lait aux Parisiens jusqu’à la veille de la Grande Guerre.</p>
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<img alt="Illustration représentant la foire du lait à St James’s Park, à Londres" src="https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La foire au lait à Saint James’s Park. Illustration tirée de l’ouvrage « Walks in London » (1878) d’Augustus Hare.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Milk_Fair,_St._James%27s_Park_-_Walks_in_London,_Augustus_Hare,_1878.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>À Londres, dans les années 1820-1830, le désir de lait frais et non frelaté se traduit par une demande importante de traite en présence du client, ce que rendent possible les étables urbaines ainsi que la « foire au lait » de Saint James’s Park depuis le XVII<sup>e</sup> siècle. </p>
<p>Cette foire au lait, qui a existé jusqu’en 1905, était un point de vente identique à la « pierre au lait » parisienne, à un carrefour proche de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, où les laitières vendaient leur lait jusqu’au XVIII<sup>e</sup> siècle. Mais la croissance de l’agglomération londonienne au XIX<sup>e</sup> siècle, et donc l’augmentation des distances à parcourir, va progressivement mettre fin à cette pratique. Les consommateurs s’en remettent alors aux vendeuses ambulantes. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Peinture représentant une jeune laitière" src="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« La laitière », peinture de Bernardus Johannes Blommers (1845–1914).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Bernardus_Johannes_Blommers_The_milk_maid.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Le commerce du lait frais est assuré principalement par des jeunes filles pauvres (parfois appelées milkmaids), d’origine galloise ou irlandaise le plus souvent, qui se rendent en pleine nuit, dès trois ou quatre heures du matin, dans les étables à la périphérie de la ville pour remplir leurs seaux de lait avant de retourner dans les quartiers centraux pour le vendre au petit matin. Mais à partir des années 1850, les charrettes de bidons de lait sont de plus en plus fréquemment véhiculées par des hommes. Les femmes sont alors assignées au commerce de détail. Cette division genrée des tâches techniques est fondée sur les stéréotypes de la (prétendue) force masculine et de la (prétendue) délicatesse féminine. </p>
<p>Durant la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, la demande de lait frais à Londres émane principalement des catégories sociales aisées, la consommation dans les milieux populaires étant encore rare et peu régulière. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les petites gens achètent quelquefois du babeurre ou du lait écrémé. Mais ces produits ont peu de succès à Londres ; contrairement à Liverpool ou Glasgow où ils sont prisés dans les quartiers ouvriers et populaires.</p>
<p>Se développe aussi à partir des années 1830 la vente au détail du lait à proximité des étables londoniennes. Ces échoppes se trouvent dans une zone étroite s’étendant de Clerkenwell à Hyde Park Corner. Certains vendeurs urbains cherchent le maximum de profit en augmentant leur clientèle, ce qui implique un prix de vente le moins élevé possible. Or l’hygiène a un coût, et ce lait peu cher est souvent de piètre qualité quand il n’est pas tout simplement impropre à la consommation. </p>
<p>Si la vente de lait frais au détail dans des échoppes dédiées se généralise à Londres durant le XIX<sup>e</sup> siècle, la vente au porte-à-porte ne disparaît pas pour autant. Certaines laiteries sont même devenues progressivement des magasins de détail plus diversifiés. Il n’est pas rare, vers 1900, qu’on y vende de l’épicerie, des œufs ou de la margarine. La part du lait dans le chiffre d’affaires de ces laiteries tend d’ailleurs à diminuer au profit des autres marchandises. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « La Fabrique du lait »" src="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paru le 2 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/la-fabrique-du-lait/">CNRS Éditions</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les petites laiteries, encore majoritaires au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, tendent à disparaître au profit d’entreprises plus grandes, des sociétés laitières par actions comme l’Express County Milk Co., fondée en 1864 ou Dairy Reform Co. créée en 1871. La concentration des entreprises de vente du lait en Angleterre et en particulier à Londres se poursuit et s’accentue au XX<sup>e</sup> siècle. Le lait est alors acheminé à Londres par le train depuis les régions d’élevage laitier environnantes et les étables urbaines tendent à disparaître. </p>
<p>À la fin de la Grande Guerre, l’United Dairies, fondée en 1915, contrôle à elle seule les deux tiers de l’approvisionnement de lait en gros et le tiers du commerce au détail de Londres. Le lait frais est aussi de plus en plus souvent vendu dans des commerces de détail généraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Knittel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les grandes villes européennes du XIXᵉ siècle, la consommation de lait frais représente un commerce important qui structure toute une économie locale.Fabien Knittel, Maître de conférences HDR en histoire contemporaine, spécialiste des techniques rurales au XIXe siècle, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1894182023-02-23T20:34:01Z2023-02-23T20:34:01ZLaits infantiles : quand l’arrêt de l’allaitement mettait en péril la vie des nourrissons<p>Fin janvier, le laboratoire Gallia annonçait le rappel d’un lot de lait en poudre pour nourrisson <a href="https://rappel.conso.gouv.fr/fiche-rappel/9189/Interne">suspecté d’avoir été contaminé par des bactéries</a>.</p>
<p>Hasard du calendrier, deux semaines plus tard, le 16 février 2023, le groupe Lactalis annonçait sa mise en examen pour « tromperie aggravée et blessures involontaires » dans le cadre de l’enquête sur d’autres contaminations, survenues fin 2017. Des dizaines de nourrissons étaient alors tombés malades, contaminés par des bactéries salmonelles, <a href="https://www.la-croix.com/France/Lactalis-mis-examen-retour-laffaire-lait-infantile-contamine-salmonelles-2023-02-16-1201255472">après avoir consommé des produits provenant d’une des usines du groupe</a>.</p>
<p>Plus récemment encore, de l’autre côté de l’Atlantique, la <a href="https://www.fda.gov/safety/recalls-market-withdrawals-safety-alerts/reckitt-recalls-two-batches-prosobee-129-oz-simply-plant-based-infant-formula-because-possible">Food and Drug Administration américaine</a> (FDA) annonçait le 20 février que la société multinationale anglaise Reckitt <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2023/02/21/enfamil-prosobee-baby-formula-recall/">rappelait 145 000 boîtes d’Enfamil ProSobee, un substitut de lait maternel</a>, en raison d’une contamination possible par la bactérie <em>Cronobacter sakazakii</em>, responsable de graves méningites chez les enfants en bas âge. Cette situation ravive le souvenir de la crise qui avait touché ce pays au printemps 2022 : un rappel massif des produits de la marque Abbott avait alors provoqué une grave pénurie d’approvisionnement dans le pays.</p>
<p>Cette situation sans précédent avait révélé à quel point les substituts du lait maternel occupent aujourd’hui une place importante dans l’alimentation des nourrissons. Retour sur l’histoire – pas si ancienne – de ces produits, qui ont participé au recul de la mortalité infantile.</p>
<h2>La crise américaine de 2022</h2>
<p>Au printemps 2022, quatre nourrissons nourris avec des laits infantiles de la marque Abbott étaient tombés malades, et deux étaient malheureusement décédés. Une investigation de la FDA avait alors mis en évidence la présence de la bactérie <a href="https://www.cdc.gov/cronobacter/infection-and-infants.html"><em>Cronobacter Sakazakii</em></a> dans l’usine dont provenaient les lots concernés (sans toutefois pouvoir établir avec certitude un lien entre cette bactérie et les décès).</p>
<p>En conséquence, le fabricant avait rappelé sa production, provoquant une grave pénurie d’approvisionnement en laits infantiles dans le pays. Les familles défavorisées bénéficiant du programme de complémentation nutritionnelle WIC (<em>Women, Infant, Children</em>) avaient été les plus touchées, car la marque Abbott contribuait majoritairement à ce programme d’aide alimentaire.</p>
<p>Pour atténuer la crise, il avait alors fallu lancer l’opération <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/24/depuis-la-base-de-ramstein-en-allemagne-l-armee-americaine-organise-un-pont-aerien-du-lait-pour-bebe_6127459_3234.html">« Fly formula »</a>, afin d’acheminer par avions militaires de lait en poudre pour nourrissons provenant d’Europe notamment.</p>
<p>Cette crise moderne, alimentaire et sociale, largement médiatisée au Royaume-Uni et outre-Atlantique, avait fait resurgir le spectre de l’époque où l’allaitement était un gage de survie pour les nouveau-nés. Un temps pas si lointain, même s’il est sorti de notre mémoire collective…</p>
<h2>Les nourrices, une alternative répandue jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle</h2>
<p>Jusqu’à la fin de XIX<sup>e</sup> siècle, un enfant privé du lait de sa mère devait <a href="https://journals.openedition.org/transtexts/497">être confié à une nourrice</a>. Quand la famille avait de l’agent, cette nourrice restait à domicile (« sur lieu ») et tout se passait souvent bien. Sauf pour le propre enfant de la nourrice, qui se trouvait à son tour privé du lait de sa mère et confié à d’autres…</p>
<p>Dans son ouvrage <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11589078"><em>Erreurs à éviter dans l’alimentation infantile. Les divers laits qui conviennent aux nourrissons</em></a>, le médecin français Gaston Félix Joseph Variot soulignait que « la mortalité des enfants de 0 à 1 an élevés au sein, à la campagne, par leur mère était de 4 % ». Cette même mortalité pour la même tranche d’âge était de 30 % chez des nourrices « mercenaires ». Pour comparaison, la mortalité infantile en France est à ce jour de l’ordre de 3,5 ‰ selon l’Insee.</p>
<p>Cette situation était si préoccupante qu’elle a été à l’origine de l’une des premières lois de protection maternelle et infantile, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000691909">loi Roussel</a> du 23 décembre 1874. Ce texte imposait une surveillance de tout enfant de moins de 2 ans « en nourrice », dans le but de « protéger sa vie et sa santé ». Elle imposait aux femmes souhaitant être nourrice « sur lieu » de fournir un certificat indiquant que leur dernier enfant était « vivant » et âgé d’au moins 7 mois révolus. Dans le cas où il n’aurait pas atteint cet âge, il fallait prouver qu’il était allaité par une femme remplissant les conditions de cette même loi.</p>
<p>Cette loi répondait non seulement au caractère immoral pour une « jeune mère » « mercenaire » de délaisser son propre enfant par appât du gain, mais aussi aux dérives de certaines nourrices qui falsifiaient le lait de vache pour des raisons économiques (coupage, utilisation de panades/bouillies) et le donnaient en place de leur lait… Le résultat de cette alimentation inadaptée aux besoins du nourrisson était une malnutrition présentant un risque vital pour la santé de l’enfant.</p>
<p>À cette époque, les alternatives à l’allaitement étaient quasi inexistantes. Certes, le recours à un lait provenant d’animaux, principalement celui de la vache, était possible, mais le risque de contamination bactérienne était grand. Il était de ce fait plus sûr « à la campagne » qu’en ville, où il était acheminé dans des conditions d’hygiène mal contrôlées. Là encore, des contrefaçons (coupage) étaient responsables de troubles digestifs <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6468103w">pouvant aboutir au décès de l’enfant</a>.</p>
<p>Les choses ont commencé à changer avec le développement des premiers succédanés du lait humain.</p>
<h2>Les premiers laits de substitution</h2>
<p>Les premiers succédanés du lait humain datent de la moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, lorsque les développements technologiques et industriels ont permis de les produire, en quantité.</p>
<p>L’objectif était de conserver le lait avec une sécurité bactériologique suffisante. Le chauffage, l’évaporation (pour obtenir des laits condensés), le conditionnement en boîte sans contact avec l’air firent l’objet de recherches menées par des personnes bien connues, comme <a href="https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/39492">Nicolas Appert</a> en France, l’inventeur de l’appertisation, le procédé à l’origine des conserves, ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gail_Borden">Gail Borden</a> aux États-Unis, qui a mis au point le lait concentré sucré.</p>
<p>La cible initiale, cependant, était plus les hommes de troupe que les nourrissons. En 1865, la bouillie pour nourrissons de Justus Von Liebig fut <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-en-50-inventions--9782130800415-page-75.htm">l’une des premières préparations à être utilisée chez l’enfant</a>, surtout en Allemagne. Elle fut bientôt suivie par celle d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Nestl%C3%A9">Henri Nestlé</a> et <a href="https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/029933/2008-03-13/">Maurice Guigoz</a> en Suisse, ou de Gallia et Berna en France.</p>
<p>L’un des principaux problèmes rencontrés à cette époque était la destruction des vitamines lorsque le lait était chauffé pour détruire les bactéries potentiellement pathogènes. Le produit résultant exposait les nourrissons à un grand risque de scorbut (carence en vitamine C) et de rachitisme (carence en vitamine D). Pour cette raison on ajoutait du saccharose (sucre de table) au lait, ce qui permettait de diminuer la température de chauffage et mieux préserver les constituants du lait de vache.</p>
<p>C’est au cours de la Première Guerre mondiale que le lait « condensé sucré » produit pour nourrir les soldats commença à être largement utilisé pour l’alimentation des enfants. Le lait condensé sucré « Gallia » était fabriqué par l’usine de Neufchâtel-en-Bray, en Normandie, laquelle évolua en 1947 en « laboratoire Gallia », sous l’impulsion de Charles Gervais.</p>
<h2>Le tournant du XXᵉ siècle</h2>
<p>L’hygiène, la puériculture et l’alimentation de l’enfant prirent tout leur essor à la fin du XIX siècle, avec la création en 1898 par Gaston Variot de la « Goutte de lait » à Belleville, aux portes de Paris, qui préfigurait les instituts de puériculture.</p>
<p>C’est à partir de ce moment que l’on commença à suivre la croissance des nourrissons sur les courbes qui figurent toujours dans les carnets de santé de l’enfant (même si elles ont depuis été mises à jour). Ainsi, par les mesures sociales citées plus haut, la rationalisation des soins aux nourrissons, la nutrition de l’enfant et l’utilisation des succédanés du lait devinrent plus sures.</p>
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<p>Individualiser le bénéfice des progrès en nutrition infantile est néanmoins difficile à documenter, comme le rappelle lui-même Gaston Variot dans son rapport sur la mortalité des enfants de 1 à 14 ans, en 1903 : « l’atrophie et le rachitisme sont des états morbides qui ne tuent pas par eux-mêmes les enfants, mais les placent dans des conditions d’infériorité, de faible défense vitale telle que la première maladie infectieuse qui les atteint peut les emporter ». Et d’ajouter « sur les feuilles de décès, le médecin inscrit la dernière maladie, cause immédiate de la mort, mais pas l’état préexistant… ».</p>
<p>À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, en France, la mortalité des enfants de 1 à 4 ans se situait autour de 2 %. Toujours selon Gaston Variot : « la proportion de décès devient énorme de 0 à 1 an » (de l’ordre de 20 % selon les données disponibles dans ce même rapport pour la ville de Paris).</p>
<p>L’évolution de la société, les progrès scientifiques et en santé, l’hygiène ont contribué conjointement à diminuer la mortalité infantile jusqu’aux chiffres observés de nos jours.</p>
<h2>Aujourd’hui : promouvoir l’allaitement sans stigmatiser</h2>
<p>L’allaitement reste l’alimentation la plus adaptée au nourrisson. Il nécessite d’être promu de façon permanente, mais en se gardant toutefois de culpabiliser les mères qui ne souhaiteraient, ou ne pourraient, pas y recourir. </p>
<p>En France, le <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2014/27/2014_27_2.html">taux d’allaitement est de 74 % à la naissance pour baisser à 39 % à trois mois</a>. Lorsque l’enfant n’est plus ou partiellement allaité, il existe une grande variété de préparations adaptées non seulement à l’âge de l’enfant, mais aussi à certaines maladies du nourrisson. </p>
<p>S’ils sont sûrs, ces aliments font aussi l’objet d’une pression d’utilisation « commerciale » qui peut compromettre, dans certains cas, la mise en place d’un allaitement. La vigilance est donc de mise : un article récent ainsi souligné que <a href="https://doi.org/10.1136/bmj-2022-071075">certaines allégations concernant des caractéristiques des préparations pour nourrissons ne s’appuyaient pas toutes sur des données vérifiées</a>.).</p>
<p>Au-delà de ces considérations, la pénurie américaine de 2022 nous a brusquement rappelé à quel point nous sommes devenus dépendants de ce mode d’alimentation chez l’enfant. Bien que critique, cette crise - qui devrait probablement nous interroger sur la concentration de nos modes de production - n’a pas, tant s’en faut, été aussi funeste que celle qui touchait les enfants privés du lait de leur mère, dans un passé pas si lointain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Régis Hankard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’actualité récente a été marquée par plusieurs crises liées à des contaminations de laits infantiles. Retour sur l’histoire de ces produits, qui ont participé à faire reculer la mortalité infantile.Régis Hankard, PU-PH, Professeur de Pédiatrie, Inserm UMR 1069 "Nutrition, Growth Cancer" & Inserm F-CRIN PEDSTART, Institut Européen de l'Histoire et des Cultures de l'Alimentation,Université de Tours, CHU de Tours, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939832022-11-11T14:30:20Z2022-11-11T14:30:20ZÇa brûle et j’aime ça : la science du piquant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494494/original/file-20221109-19-jtb97m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C6%2C4195%2C2833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C’est la capsaïcine qui donne aux piments leur goût piquant.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le piquant, ou la perception de celui-ci, sont présents dans la plupart des cuisines du monde. Le piment, du genre <em>Capsicum</em> (famille des Solanacées), est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23328940.2015.1133878">l’une des épices les plus utilisées au monde</a>. On le retrouve dans des milliers de recettes et il est parfois consommé comme un plat en soi. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1878450X18300234?via%3Dihub">Une personne sur quatre</a> sur la planète en mange au quotidien.</p>
<p>En tant qu’écophysiologiste forestier, j’étudie les caractères d’adaptation développés par les organismes végétaux pour interagir avec les autres organismes et le milieu environnant.</p>
<p>La recherche sur les piments et le piquant constitue un parfait exemple de science multidisciplinaire. Au cours des dernières décennies, plusieurs scientifiques ont fourni des informations et parlé des particularités de cette sensation unique et recherchée.</p>
<h2>Bref historique</h2>
<p>Les piments étaient inconnus d’une grande partie du monde jusqu’à ce que <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/christophe-colomb/">Christophe Colomb atteigne le Nouveau Monde</a>, en 1492. Plusieurs théories ont désigné divers endroits d’Amérique du Sud comme étant « le » lieu d’origine des piments.</p>
<p>Une analyse <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/neuroscience/phylogenetics">phylogénétique</a> a révélé qu’ils <a href="https://doi.org/10.14237/ebl.4.2013.2">proviennent d’une zone qui longe les Andes</a>, de l’ouest au nord-ouest de l’Amérique du Sud. Ces <em>Capsicum</em> sauvages ancestraux étaient <a href="https://cpi.nmsu.edu/chile-info/for-kids-pages/the-story-of-chile-peppers.html">« de petits fruits rouges, ronds, ressemblant à des baies »</a>.</p>
<p>Les premières traces de domestication <a href="https://doi.org/10.14237/ebl.4.2013.2">datent d’il y a 6 000 ans au Mexique ou dans le nord de l’Amérique centrale</a>. Les piments ont été introduits en Europe <a href="https://doi.org/10.1080/23328940.2015.1133878">au XVIᵉ siècle</a>. Il existe de nos jours <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780857090393500074">cinq espèces de piments cultivés</a>.</p>
<p>Ces cinq espèces sont <em>Capsicum annuum</em>, <em>C. chinense</em>, <em>C. frutescens</em>, <em>C. baccatum</em> et <em>C. pubescens</em>. Celle qui compte le plus de variétés est <em>C. annuum</em>, qui comprend le jalapeño du Nouveau-Mexique et le piment doux (ou poivron). Les habaneros et les piments écossais appartiennent à l’espèce <em>C. chinense</em>, tandis que les piments tabasco sont des <em>C. frutescens</em>. Les ajis d’Amérique du Sud font partie des <em>C. baccatum</em>. Les <em>C. pubescens</em> incluent quant à eux les rocotos péruviens et les manzanos mexicains.</p>
<p>De nos jours, plus de trois millions de tonnes de piments sont produites chaque année, pour un marché mondial qui dépasse largement les <a href="https://www.tridge.com/market-guides/posts/how-is-the-general-landscape-of-the-chili-pepper-market">4 milliards de dollars</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rangées de variétés de sauce piquante Tabasco sur un rayon de supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492773/original/file-20221101-22-5aqn3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La sauce Tabasco – composée de piment tabasco, de vinaigre et de sel – est l’une des sauces piquantes les plus populaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Pourquoi le piment brûle-t-il ?</h2>
<p>Le piquant est une sensation de brûlure provoquée par la capsaïcine présente dans les aliments. Lorsqu’on mange des aliments épicés, la capsaïcine stimule les récepteurs <a href="https://www.nature.com/articles/39807">TRPV1</a>, situés dans la bouche, et déclenche une réaction. Les récepteurs TRPV1 servent à la thermoréception, soit la détection de la chaleur. En d’autres termes, cela signifie qu’ils sont censés nous dissuader de consommer des aliments qui causent une sensation de brûlure.</p>
<p>Quand la capsaïcine active les récepteurs TRPV1, la sensation qu’on éprouve ressemble à celle que l’on ressent lorsqu’on est en contact avec quelque chose de chaud, proche du point d’ébullition de l’eau. Cependant, cette douleur est en réalité une illusion causée par nos récepteurs neuronaux confus – il n’y a rien de vraiment « chaud » dans la nourriture épicée.</p>
<h2>Tous les piments ne sont pas égaux</h2>
<p>Les piments ne sont pas tous aussi épicés. En 1912, le pharmacien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilbur_Scoville">Wilbur Scoville</a> a créé une <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/nutrition-echelle-scoville-16617/">échelle</a> pour mesurer le caractère piquant des piments. Cette échelle, mesurée en unités de chaleur Scoville (SHU), est basée sur la réaction aux capsaïcinoïdes, qui se produit lorsqu’on mange des piments forts.</p>
<p>Sur l’échelle de chaleur de Scoville, les poivrons (SHU de 0) se trouvent en bas de l’échelle. Les piments jalapeños peuvent varier de 2 500 à 10 000 unités. En comparaison, les piments tabasco sont classés de 25 000 à 50 000 unités, et les piments habanero, de 100 000 à 350 000.</p>
<p>Le piment le plus fort du monde – le <a href="https://doi.org/10.21273/HORTSCI13574-18">Carolina Reaper</a> (ou Faucheuse de la Caroline) – atteint 2,2 millions d’unités. Le <a href="https://doi.org/10.1002/zoo.1037">répulsif à ours</a> – avec 2 % de capsaïcine – touche le 3,3 millions d’unités, et la capsaïcine pure atteint 16 millions, au sommet de l’échelle de Scoville.</p>
<h2>Un plaisir humain</h2>
<p>Le psychologue <a href="https://paulbloom.net/">Paul Bloom</a> a écrit :</p>
<blockquote>
<p>Les philosophes ont souvent cherché la caractéristique qui définit les humains – le langage, la rationalité, la culture, etc. Je dirais pour ma part : <a href="https://wwnorton.co.uk/books/9780393066326-how-pleasure-works">l’humain est le seul animal à aimer la sauce Tabasco</a>.</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nupi_cJRlHY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’émission « Hot Ones » sur YouTube présente des célébrités interviewées en train de manger des ailes de poulet épicées.</span></figcaption>
</figure>
<p>Bloom a raison. Si aucun animal n’aime les piments, nous ne sommes toutefois pas la seule espèce animale à en manger. Les mammifères, tels les souris et les écureuils, <a href="https://pharmrev.aspetjournals.org/content/51/2/159.short">ont les mêmes récepteurs de nourriture piquante</a> que les humains, et ils évitent les piments forts comme source de nourriture.</p>
<p>Les oiseaux mangent des piments forts, mais ils ne perçoivent pas de sensation de chaleur. Leurs récepteurs sont différents des nôtres, ce qui les rend biologiquement incapables d’enregistrer les effets de la capsaïcine.</p>
<p>Il est difficile de savoir ce qui a causé l’évolution de la capsaïcine. Certains affirment qu’il s’agit d’une adaptation pour sélectionner les oiseaux comme consommateurs de piments. Les oiseaux ne mâchent pas et ne digèrent pas les graines, contrairement aux rongeurs, et ils les transportent très loin.</p>
<p>D’autres études indiquent que la capsaïcine est un composé efficace <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1438-8677.2012.00717.x">contre les champignons parasites</a>, et que la sensation de chaleur ne constitue qu’un effet secondaire chez les mammifères.</p>
<p>Certains experts prétendent que nous aimons les piments parce qu’ils sont bons pour nous. Ils auraient des <a href="https://doi.org/10.1080/10408398.2021.1884840">effets bénéfiques pour la santé humaine</a>. Ils <a href="https://doi.org/10.3390/nu8050174">réduisent la pression artérielle</a> et peuvent avoir des <a href="https://doi.org/10.3390/molecules25235681">effets antimicrobiens</a>. La douleur des piments peut même être envahissante et aider à <a href="https://doi.org/10.1002/ptr.2650020405">gérer d’autres douleurs</a>.</p>
<p>Selon une autre hypothèse, il s’agirait d’une forme bénigne de masochisme. Le psychologue Paul Rozin suggère que <a href="https://doi.org/10.1007/BF00995932">cela procure une sensation agréable, similaire au plaisir ressenti dans des montagnes russes</a>. Dans le cadre d’une entrevue, il explique :</p>
<blockquote>
<p>L’esprit domine le corps. Mon corps pense que je suis en danger, <a href="https://mbird.com/psychology/pain-pleasure-and-pepper/">mais je sais que je ne le suis pas</a>.</p>
</blockquote>
<h2>Réduire la brûlure</h2>
<p>Que se passe-t-il lorsqu’un aliment est si épicé qu’il est difficile à supporter ? Des chercheurs ont testé la <a href="https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2019.05.018">capacité de diverses boissons à calmer le feu</a>, ou à réduire la brûlure orale causée par la capsaïcine.</p>
<p>Un verre d’eau est sans effet sur la capsaïcine, car celle-ci est hydrophobe – sa molécule ne se lie pas à l’eau. Bien que cela reste à prouver, l’éthanol contenu dans une bière fraîche pourrait même augmenter la sensation de brûlure.</p>
<p>Les boissons avec une quantité importante de sucre peuvent apaiser, car l’activation de la perception du sucré déconcerte notre cerveau. Avec trop de stimuli à gérer, la sensation de piquant est réduite.</p>
<p>Un verre de lait, ou quelques cuillères de yogourt ou de crème glacée calment la brûlure. Ces produits sont habituellement sucrés, mais il y a plus : la caséine – principale protéine du lait de vache – attire les molécules de capsaïcine. <a href="https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2019.05.018">Les molécules de caséine entourent les molécules de capsaïcine et les éliminent</a>, de la même manière que le savon élimine les graisses.</p>
<p>Ainsi, la prochaine fois que vous voudrez essayer une nouvelle sauce ou un plat épicé, n’oubliez pas de l’accompagner d’un verre de lait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193983/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roberto Silvestro reçoit la bourse de mérite pour les doctorants internationaux (PBEEE), attribuée par le Fonds de Recherche du Québec - Nature et Technologies (FRQNT).
</span></em></p>Notre penchant pour la nourriture épicée nous distingue des autres mammifères. Le piment est une épice bien populaire, mais comment cette affinité est apparue demeure un mystère.Roberto Silvestro, PhD Candidate, Biology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1725742021-12-03T14:17:10Z2021-12-03T14:17:10ZCruches de plastique, boîtes de carton ou sacs de plastique – lequel de ces contenants à lait est meilleur pour l’environnement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435081/original/file-20211201-15-svhvr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4998%2C3235&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’empreinte environnementale des contenants de lait varie considérablement.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Jonathan Hayward</span></span></figcaption></figure><p>Si vous êtes un Canadien qui fait une consommation de lait moyenne, vous en buvez probablement <a href="https://agriculture.canada.ca/fr/secteurs-agricoles-du-canada/production-animale/centre-canadien-dinformation-laitiere-ccil">plus de 60 litres par an</a>. Cela représente environ deux milliards de contenants chaque année.</p>
<p>L’emballage de tout ce lait dépend de l’endroit où vous vivez, et de nouvelles recherches montrent qu’un type de contenant est meilleur que les autres pour l’environnement.</p>
<p>Il existe un éventail particulièrement vaste de contenants pour le lait. Au Canada, les plus courants sont les cruches rigides en polyéthylène haute densité, les boîtes en carton plastifié et les sacs de lait. Les bouteilles en verre réutilisables sont rares, et c’est tant mieux, car elles présentent un <a href="https://doi.org/10.31025/2611-4135/2020.14025">potentiel de réchauffement planétaire plus élevé</a> que les autres contenants de boissons.</p>
<p>Mes collègues et moi, tous des chimistes et des physiciens spécialisés en recherche sur les matériaux et le stockage de l’énergie, avons étudié des enjeux de consommation liés à la durabilité. Nous avons récemment évalué <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2021.129347">l’impact environnemental des cruches de plastique, des cartons et des sacs de lait</a> à Toronto et à Halifax, et nous avons constaté que les sacs étaient l’option la plus écologique.</p>
<p>Selon un rapport de 2010 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la plupart des contenants de lait vendus en Amérique du Nord sont des <a href="http://www.fao.org/docrep/012/k7930e/k7930e00.pdf">cruches de plastique (68 %), suivis des boîtes (24 %) et des sacs (7 %)</a>. À l’inverse, les sacs dominent dans les pays d’Afrique méditerranéenne (72 %) et l’ancienne Union soviétique (54 %).</p>
<p>L’entreprise chimique américaine DuPont <a href="https://www.selection.ca/arts-et-culture/voici-pourquoi-les-canadiens-preferent-le-lait-en-sac/">a commercialisé les sacs à lait en plastique polyéthylène</a> au Canada en 1967. Cette innovation a pris son essor dans les années 1970, lorsque le Canada s’est converti au système métrique, car le volume pouvait y être modifié plus facilement que pour les cartons et les cruches.</p>
<h2>L’impact du contenant</h2>
<p>Notre étude consistait en une analyse du cycle de vie d’une grande variété de contenants de lait — les types et les tailles qu’on trouve généralement à Toronto et à Halifax. Nous avons évalué les intrants énergétiques, les émissions de gaz à effet de serre et l’eau utilisée pour les produire, les transporter et s’en débarrasser.</p>
<p>Nous avons constaté que la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre les plus importantes provenaient de la production du papier et des polymères plastiques, bien plus que du transport et du traitement ou de l’élimination des matériaux. Les polymères se retrouvent dans les cruches de lait, les bouchons à vis, ce qui plastifie le carton, les sacs de lait et leurs attaches, et le papier fait partie du carton.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Du lait dans des sacs et des cartons dans une épicerie" src="https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le lait en sac est devenu populaire au Canada dans les années 1970.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bagged_Milk_in_Store_(3293358107).jpg">(Kevin Qiu/wikimedia)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les deux villes, les sacs nécessitent moins d’énergie et d’eau par litre de lait et produisent moins de gaz à effet de serre que les cruches ou les boîtes. Cela est dû principalement au fait que les sacs ne pèsent que 20 à 30 % du poids des cruches ou des cartons pour un volume égal.</p>
<p>Les différences sont importantes. Pour la même quantité de lait, si on les compare aux cruches ou aux cartons, les sacs ne consomment qu’environ 20 à 30 % de l’énergie, n’utilisent qu’environ 2 % (par rapport aux cartons) et 40 % (par rapport aux cruches) de la quantité d’eau et ne produisent que de 20 à 40 % des gaz à effet de serre engendrés par les autres contenants.</p>
<p>Même lorsque les sacs sont enfouis ou incinérés et que les cruches ou les cartons sont entièrement recyclés, l’impact environnemental des sacs demeure plus faible.</p>
<h2>Exclusions et comparaisons</h2>
<p>Nous avons omis plusieurs petits éléments dans le cadre de notre étude, notamment les matériaux et les processus associés à l’étiquetage, comme les encres et l’impression. Nous avons également exclu les cruches dans lesquelles on place le sac de lait pour pouvoir l’utiliser. Une autre étude a montré que <a href="https://www.techylib.com/en/view/cockeysvilleuterus/life_cycle_assessment_of_example_packaging_systems_for_milk">leur impact était faible</a> et, d’après mon expérience, elles peuvent durer plusieurs années. Une question importante que nous avons ignorée, c’est l’incidence des différents contenants sur l’océan et la vie marine.</p>
<p>Les résultats de notre recherche ont été validés par une comparaison avec des études antérieures menées au Royaume-Uni et <a href="http://www.fao.org/docrep/012/k7930e/k7930e00.pdf">dans plusieurs autres pays</a>. Nos calculs de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre étaient compatibles avec les leurs.</p>
<p>On utilise beaucoup d’eau pour la production, le traitement et le transport des contenants, mais une quantité considérable d’eau est récupérée par le recyclage. La consommation nette d’eau est la petite différence entre ces grands nombres et n’est donc pas très précise. Cependant, nous avons constaté que les cartons utilisent un volume d’eau très important : près de 20 litres d’eau sont nécessaires pour produire le carton pour chaque litre de lait.</p>
<p>Notre comparaison avec d’autres pays nous a permis d’observer que l’énergie consommée par les sacs de lait au Royaume-Uni était presque quatre fois supérieure à notre résultat. C’est parce que les sacs utilisés au Royaume-Uni viennent du Canada. Cela nous incite à souligner l’importance de l’emplacement des consommateurs dans une évaluation du cycle de vie. Cependant, nos chiffres étaient essentiellement les mêmes pour Toronto et Halifax, ce qui indique que l’impact plus faible pour les sacs à lait s’applique à n’importe quel endroit dans les régions du sud du Canada.</p>
<p>Autrement dit, le sac à lait aurait le moins d’impact sur les consommateurs canadiens parmi tous les contenants si tout le monde pouvait en acheter. Pour l’instant, on n’en trouve pas dans l’ouest du pays. L’utilisation de sacs dans l’Ouest canadien pourrait permettre d’économiser jusqu’à 5 000 tonnes de plastique par an.</p>
<h2>Du lait gaspillé ?</h2>
<p>Ces nouvelles informations inciteront-elles les gens à se tourner vers le lait en sac ? Au Canada, celui-ci se vend uniquement en quantités de quatre litres, ce qui peut être trop pour certains et risque d’occasionner du gaspillage, annulant ainsi tout avantage environnemental.</p>
<p>Des sacs de lait individuels d’un litre sont désormais <a href="https://www.brodowin.de/der-betrieb/unsere-produkte/mehr-zur-einwegverpackung/">vendus en Allemagne</a>. Bien qu’ils soient plus lourds que les nôtres, ils demeurent préférables aux cruches ou aux boîtes.</p>
<p><a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/11/7/2152">L’impact environnemental du gaspillage du lait</a> est encore plus important que celui de son emballage. Aux États-Unis, le lait représente environ 13 % des pertes alimentaires, et le gaspillage de lait par les consommateurs produit environ dix millions de tonnes d’équivalent de dioxyde de carbone par an.</p>
<p>Le Canada a pour objectif <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">d’interdire le plastique à usage unique</a> d’ici 2030, mais on ne sait pas si les sacs de lait seront inclus dans les produits bannis. Notre analyse suggère que le plastique reste la meilleure option pour avoir du lait avec peu de déchets.</p>
<p>Si un ménage canadien moyen passait des cruches ou des cartons aux sacs, l’économie d’énergie hebdomadaire équivaudrait à une brassée de linge dans une sécheuse. Pour ceux qui se soucient de l’environnement, c’est un début.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172574/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary Anne White a reçu un financement (2010-2016) du programme FONCER du CRSNG, pour le projet DREAMS (Dalhousie Research in Energy, Advanced Materials and Sustainability) dont est issu le projet d'analyse des contenants de lait, dans le cadre d'un cours de deuxième cycle dont elle était la coordonnatrice, « Sustainable Materials Issues ».</span></em></p>Le lait est disponible en cruches, en carton, en sacs et en bouteilles de verre. Une nouvelle analyse révèle quel type de contenant a la plus petite empreinte environnementale dans son cycle de vie.Mary Anne White, Professor emerita, Department of chemistry, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1714582021-11-17T21:27:22Z2021-11-17T21:27:22ZHistoire de la tartine et genèse d’un fantasme : la pâte à tartiner chocolatée…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/432189/original/file-20211116-21-heu57u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C2034%2C1354&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marché de la pâte à tartiner chocolatée est une véritable jungle, avec des dizaines de produits dont les recettes changent régulièrement.</span> <span class="attribution"><span class="source">zigazou76/Visualhunt</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La pâte à tartiner est cette fameuse substance onctueuse que l’on peut étaler sur une base comme le pain – voire une crêpe, une biscotte… En général, le résultat est ce qu’on appelle trivialement « une tartine », dont la définition est celle d’une tranche de pain (potentiellement beurrée) recouverte de ladite pâte sucrée ou salée. Plus de la moitié des Français en consomment régulièrement et <a href="https://fr.yougov.com/news/2018/06/20/48-des-consommateurs-de-pate-tartiner-consomment-d/">26 % n’utilisent que la pâte leader du marché</a>.</p>
<p>Si ancrée dans les habitudes qu’elle soit, cette pratique est moderne. Le mot « tartine » est lui-même assez récent, et ne date que de la fin du XVI<sup>e</sup> siècle. Il fait alors partie du jargon populaire, car, pour certain, le fait d’ajouter du beurre sur le pain est une péjoration de la brioche pour laquelle le beurre est mélangé à la pâte.</p>
<p>La brioche est alors l’ordinaire à la cour, d’où la fameuse phrase (faussement ?) attribuée à Marie-Antoinette – « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ». La question du pain est à l’époque brûlante, du fait d’une augmentation de son prix suite à une disette artificiellement créée par des spéculateurs. Quand le peuple oblige le roi Louis XVI et sa famille à quitter Versailles pour revenir à Paris, le 6 octobre 1789, il crie d’ailleurs : « Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron ! »</p>
<h2>De l’historique de la tartine</h2>
<p>Une des premières images connues de tartine remonte au XVI<sup>e</sup> siècle. Il s’agit du « Repas de noces », une peinture de Pieter Brueghel l’Ancien qui représente un repas réunissant des paysans dans une salle bondée – dont, au premier plan, l’enfant à la tartine sur les genoux en train de lécher son index.</p>
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<img alt="Le Repas de noces, par Pieter Brueghel l’Ancien (XVIᵉ s.)" src="https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432191/original/file-20211116-23-1q12xpu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le <em>Repas de noce</em>, de Pieter Brueghel l’Ancien (XVIᵉ s.) montre la plus vieille représentation de tartine connue avec l’enfant au premier plan en train de l’émietter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pieter Brueghel l’Ancien</span></span>
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<p>L’ancêtre de la tartine est la « rôtie », soit une tranche de pain rôtie ou frite qui accompagnait les soupes et les ragoûts et les rôtis. C’est de là que vient le mot anglais <em>toast</em> (traduction de tartine), venant lui-même de l’ancien français « toster » ou « rotir ». « Porter un toast » renvoie à la coutume qui voulait que l’on trempe la rôtie dans une coupe de vin avant de boire à la santé d’une/un convive.</p>
<p>Ce n’est qu’au XX<sup>e</sup> siècle que la tartine s’impose dans la langue de tous les jours… Jusqu’à devenir aujourd’hui un incontournable élevé par certains chefs au rang de met gastronomique.</p>
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<h2>L’avènement de la pâte à tartiner</h2>
<p>On peut donc étaler tout ce qu’on veut sur une tartine, des rillettes à la pâte chocolatée en passant par le tarama. Mais l’usage veut que le terme de « pâte à tartiner » corresponde le plus souvent à une pâte sucrée chocolatée… qui, paradoxalement, contient beaucoup de sucre et de gras et un peu de chocolat – tout cela en proportion très variable. De quoi ouvrir une véritable boite de Pandore nutritionnelle.</p>
<p>L’histoire commence à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la ville italienne d’Alba, dans le Piémont, aujourd’hui réputée pour ses truffes blanches. Alors que la pénurie de fèves de cacao s’est installée, un chocolatier-pâtissier local, Pietro Ferrero, s’inspirant de la recette du Gianduja, rajoute des noisettes à sa composition pour créer une brique chocolatée à trancher nommée « Giandujot ».</p>
<p>Ensuite, la légende veut que, lors d’un été caniculaire, ces briques se retrouvent à fondre… donnant naissance, bien involontairement, à une substance à l’onctuosité inénarrable. Saisissant l’idée, Ferrero va la vendre en pots avec un succès qui ne se démentira pas. Si bien que la recette est bientôt transformée afin d’obtenir une pâte à température ambiante.</p>
<p>La <a href="https://fr.openfoodfacts.org/produit/3017620421006/nutella-pate-a-tartiner-noisettes-cacao-t-750-pot-de-750-gr-ferrero">composition actuelle</a> de ce produit phare de la maison Ferrero (issu du diminutif anglais <em>nut</em> correspondant à <em>hazelnut</em>, noix ou noisette) comprend pour 100 g : 56 g de sucre, 20 g d’huile de palme, 13 g de noisettes, moins de 10 g de lait écrémé et de cacao maigre chacun – avec de la lécithine de soja pour émulsionner le tout.</p>
<p>Cette pâte à tartiner chocolatée reste depuis près de 50 ans un leader incontesté, et représente plus des deux tiers des parts du marché. Les Français en sont d’ailleurs les plus gros consommateurs au monde !</p>
<h2>Un mythe attaqué de toute part</h2>
<p>Pourtant, l’inventivité des créateurs et responsables de marketing est sans limites pour <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-365/avec-nutella-le-plaisir-et-les-peches-sont-la">faire tomber le leader</a> – pour l’heure sans succès. Et ce d’autant que, depuis quelques années, la transition nutritionnelle avance avec la chasse aux « mauvaises graisses », dont l’huile de palme fait partie, et la course au Nutri-score.</p>
<p>L’équation culinaire est complexe à résoudre, car tout en améliorant le Nutri-score du produit, il faut conserver une substance tartinable. À force de recherche, il est aujourd’hui possible de proposer des pâtes à tartiner chocolatées à base d’oléagineux ou autres graines voire de pâte de haricots rouges. Une pâte à tartiner chocolatée a même réussi à obtenir un Nutri-score A, alors que la majorité d’entre elles se contentent d’un E ou d’un D…</p>
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<p>Si on considère (ce n’est pas toujours vrai !) que la noisette est l’ingrédient « signature » des pâtes à tartiner, c’est probablement du fait de son profil nutritionnel : on y retrouve de bonnes graisses (acides gras insaturés), des fibres, des protéines, de la vitamine E et des minéraux. Néanmoins, la noisette est loin d’en être le composant principal – leur teneur variant de 10 et 16 % selon les recettes, même s’il existe de « bons élèves » avec 40 % de noisettes.</p>
<h2>Un marché en perpétuelle réinvention</h2>
<p>Certaines pâtes contiennent également d’autres fruits secs : noix de cajou, amandes, praline. Certains producteurs ajoutent des brisures de crêpes dentelles pour donner du croustillant au milieu de l’onctuosité de la pâte. Il existe donc des dizaines de pâtes à tartiner, chocolatées ou non, au point qu’il est impossible de les énumérer toutes et encore moins d’en donner la composition précise.</p>
<p>Outre le nombre de candidates, ce qui complique encore l’analyse ce sont les changements incessants des compositions : huile de palme remplacée par le tournesol, diminution du sucre, remplacement du sucre par des sucres exotiques (sucre de canne, de fleur de coco, de palme, etc.), augmentation du pourcentage de fruits secs, modification de la composition en fruits secs (noisette, amande, noix, cacahuètes et autres).</p>
<p>Ainsi, la valeur calorique d’une pâte à tartiner est très variable : de 275 kcal/100 g pour celles qui utilisent des féculents, à plus de 600 kcal/100g pour leurs consœurs à constituants majoritairement lipidiques (rappelons que 1 g de glucides apporte 4 kcal, contre 9 kcal pour 1 g de lipides).</p>
<p>Concrètement, que peut donner une tartine en termes d’apports caloriques ? Le pain reste le complément le plus adapté à la pâte à tartiner, car il apporte entre 260 et 280 kcal pour 100 g (une baguette fait 250 gr) ; le pain complet étant un peu moins calorique et apportant plus de fibre (240-245 kcal). Quant à la cuillerée de pâte à tartiner chocolatée (15 gr pour une cuillère à café), son apport calorique varie en fonction de sa composition – compter 80 kcal par cuillerée pour la pâte leader du marché.</p>
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<img alt="Deux tartines de pâte chocolatée avec fruit et verre de lait constituent un petit-déjeuner continental" src="https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432366/original/file-20211117-9381-1gd3z7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour un petit-déjeuner dit continental raisonnable, il faut associer deux tranches de pain (complet de préférence) tartinées avec un produit laitier et un fruit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Margouillat/Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Deux tartines de pain avec une cuillerée pour chaque tartine (soit 60 gr de pain et 30 gr de pâte) + un verre de lait ou un yaourt et un fruit constitue un petit-déjeuner dit « continental » plutôt pauvre en protéines, mais acceptable.</p>
<p>En conclusion, il n’y a pas de préconisation pérenne possible : lisez les étiquettes pour comparer la liste des ingrédients de vos pâtes à tartiner. Il convient toutefois d’essayer d’éviter les plus caloriques si vous êtes un grand consommateur. Privilégiez également les pâtes avec peu d’ingrédients, sans huile ajoutée ni additif (lait en poudre, lécithine). Par exemple celles donnant la part belle aux ingrédients simples : cacao et sucre provenant du commerce équitable et bio, fruits secs autres que les noisettes de provenance indiquée (amande, noix, cajou…) et avec une forte teneur en fruits oléagineux.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit en partenariat avec la chaîne santé de l’université de Paris, <a href="https://www.youtube.com/pumsuniv">Pour une meilleure santé</a> (PuMS).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Hansel est associé de la société d'informatique médicale IRIADE. Il participe à des projets de recherches financés par la fondation AP-HP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Giral ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La tartine s’est imposée comme une composante incontournable du petit-déjeuner. Mais d’où vient-elle ? Comment a-t-elle été associée aux pâtes à tartiner ? Et comment en tirer un repas équilibré…Boris Hansel, Médecin, Professeur des universités- Praticien hospitalier, Inserm U1148, Faculté de Santé, Université Paris CitéPhilippe Giral, Maître de conférence des universités - Praticien hospitalier, Institut E3M, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1547462021-02-11T20:32:33Z2021-02-11T20:32:33ZEmballages : intense bataille entre l’industrie laitière et les entreprises végétaliennes à Bruxelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382701/original/file-20210205-23-ji49zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5534%2C3686&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2017, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a déjà interdit aux producteurs d’aliments végétaliens commercialisant dans l’UE d’utiliser des termes tels que «&nbsp;lait d’avoine&nbsp;» et «&nbsp;yaourt de soja&nbsp;» sur les emballages.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/portland-oregon-usa-sep-6-2019-1500236915">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La marque leader de lait d’avoine Oatly et le propriétaire de la margarine Flora <a href="https://stopam171.com/">mènent actuellement une campagne</a> visant à contester de nouvelles règles européennes qui pourraient avoir des <a href="https://www.politico.eu/sponsored-content/what-is-amendment-171-and-how-could-it-affect-plant-based-foods/">conséquences désastreuses</a> pour les entreprises alimentaires végétaliennes.</p>
<p>Un <a href="https://www.loc.gov/law/foreign-news/article/european-union-milk-cannot-be-used-to-market-purely-plant-based-products/#:%7E:text=(June%2027%2C%202017)%20On,(e.g.%2C%20tofu%20butter).">arrêt</a>, de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu en 2017, <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32013R1308">a déjà interdit</a> aux producteurs d’aliments végétaliens commercialisant dans l’UE d’utiliser des termes tels que « lait d’avoine » et « yaourt de soja » sur les emballages. Mais si de nouvelles règles, pour l’instant connues sous le nom <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2019-0198_EN.pdf">d’amendement 171</a>, sont approuvées, les producteurs ne pourront pas utiliser de termes ou d’images sur les emballages qui font référence, ou évoquent, des produits laitiers.</p>
<p>S’il est interprété au sens large, l’amendement pourrait ainsi les empêcher d’inclure des mentions ou des dénominations telles que « produits laitiers », « crémeux », « dessert de style yaourt » ou « ne contient pas de lait ». Les producteurs seraient également incapables d’utiliser des emballages qui rappellent les produits laitiers, tels que des pots de yaourt ou des cartons de lait. Le simple fait de montrer <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/may/31/avoiding-meat-and-dairy-is-single-biggest-way-to-reduce-your-impact-on-earth">l’impact climatique</a> en comparant l’empreinte carbone de leurs produits avec des équivalents laitiers pourrait même devenir illégal.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? L’industrie végétalienne a-t-elle une chance d’empêcher ces nouvelles règles de se mettre en place ?</p>
<h2>Une histoire de deux lobbies</h2>
<p>L’industrie laitière, qui a fait pression en faveur de l’amendement 171, soutient que l’interdiction d’utiliser des termes liés aux produits laitiers est nécessaire afin de protéger les consommateurs et s’assurer qu’ils ne sont pas induits en erreur. Les acteurs de la filière peuvent pour cela s’appuyer sur des lois européennes similaires et déjà existantes, comme celles sur les <a href="https://www.foodcomplianceinternational.com/intel-eu/2020/7/22/is-your-trademark-a-health-claim-prepare-for-the-end-of-the-exemption-now">mentions nutritionnelles et de santé</a> ou la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/european-journal-of-risk-regulation/article/abs/geographical-indications-food-fraud-and-the-fight-against-italian-sounding-products/E97B0A9C23BD8285FA047D9F8959B20F">région d’origine</a> d’un produit.</p>
<p>Les entreprises alimentaires végétaliennes <a href="https://plantbasednews.org/lifestyle/food/oatly-slams-eu-over-dairy-ban/">craignent</a> de leur côté que, si ces « mesures de protection » sont mises en place en vertu de l’amendement, elles devront changer leur nom de marque, renommer et repenser les stratégies de marketing – avec des coûts supplémentaires importants. En d’autres termes, il s’agit d’un face-à-face entre un secteur établi de longue date mais toujours en croissance et un rival en plein essor.</p>
<p>Le marché du lait végétal a représenté à lui seul 12 milliards de dollars américains (environ 10 millions d’euros) de ventes mondiales en 2019 et <a href="https://www.gminsights.com/industry-analysis/plant-milk-market">devrait croître</a> de 11 % par an entre 2020 et 2026 pour atteindre 21 milliards de dollars US. Mais cela reste minime par rapport à l’industrie laitière qui <a href="https://www.imarcgroup.com/global-dairy-market">devrait passer</a> de 718 milliards de dollars en 2019 à un peu plus de 1 000 milliards de dollars en 2024.</p>
<p>L’amendement 171 a obtenu un vote majoritaire au Parlement européen en octobre 2020. Il doit maintenant être approuvé par le Conseil des ministres de l’UE, qui a examiné la proposition lors des réunions en trilogue avec le Parlement et la Commission européenne à la fin du mois de janvier. Si le Conseil et la Commission l’acceptent, cela deviendra une loi. Oatly, le propriétaire de Flora Upfield, et l’ONG ProVeg International ont alors <a href="https://www.foodnavigator.com/Article/2021/01/14/How-Oatly-Upfield-and-ProVeg-plan-to-overthrow-Amendment-171">lancé une pétition</a> pour tenter de persuader l’UE d’abandonner les nouvelles restrictions.</p>
<h2>Faire du lobbying pour la réalité</h2>
<p>Les débats ont aujourd’hui tendance à se porter sur les impacts de la filière. Le plus souvent, on fait valoir que, puisque l’élevage laitier peut être considéré <a href="https://foodprint.org/reports/the-foodprint-of-dairy/">comme mauvais</a> à la fois pour l’environnement et pour le bien-être des animaux, présenter les produits végétaliens comme des alternatives pourrait aider à compenser ces effets. Les problèmes de bien-être liés à l’élevage laitier <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10806-018-9740-9">seraient même sans doute pires</a> que ceux liés à filière la viande, par exemple. On pourrait en outre noter qu’il y aurait <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10408398.2012.761950?casa_token=YGI5eSd2rlAAAAAA%3A7hyuZejeu5t6cde2t_t14XHqX2JpGwbDTUIVeFSCFk77UErrEFD43uSXkvX1ygK2nudf0gV0QQ-MHA">davantage de place dans le débat</a> pour les comparaisons de santé entre les alternatives laitières et végétaliennes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vaches en cage dans une ferme laitière." src="https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380231/original/file-20210122-15-i9hdpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les détracteurs de l’élevage laitier font aujourd’hui porter les débats sur les impacts pour l’environnement et le bien-être des animaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/diary-cows-modern-free-livestock-stall-1782458204">Vladimir Mulder</a></span>
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<p>Quant aux arguments du lobby laitier sur la confusion des consommateurs, ils risquent de paraître rapidement dépassés, étant donné les changements considérables dans les habitudes alimentaires qui ont eu lieu ces dernières années. Selon une <a href="https://veganz.com/blog/veganz-nutrition-study-2020/">enquête</a>, la proportion de végétaliens dans l’UE a en effet considérablement augmenté au cours des quatre dernières années. Et bien qu’il ne s’agisse au mieux que de 3 % des consommateurs, comme c’est le cas en Allemagne, pas moins d’un tiers se considèrent comme des « flexitariens » plutôt que comme des mangeurs de viande, et une proportion importante prévoit de devenir végétarienne ou végétalienne à l’avenir.</p>
<p>Cela aborde l’un des autres arguments du lobby laitier, qui concerne l’étymologie : ils mentionnent que les termes « lait » et « produits laitiers » restent essentiellement liés au liquide riche produit à partir de glandes de mammifères – contrairement à la « viande », qui n’aurait pas besoin d’avoir quoi que ce soit à voir avec les animaux. C’est pourquoi, selon eux, le vote du Parlement européen, en octobre dernier, <a href="https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/meps-save-veggie-burger-from-denomination-ban/">contre une proposition</a> qui aurait interdit des termes tels que « Veggie burger » et « Vegan steak », ne constitute pas un précédent. Inutile de dire que les producteurs laitiers végétaliens pensent le contraire…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Veggie burger sur une table" src="https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380233/original/file-20210122-13-1r4qgql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’appellation « Veggie burger » ou burger végétarien est autorisée par la loi européenne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/close-veggie-burger-on-piece-paper-1206428425">Anna.q</a></span>
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</figure>
<p>Il est difficile de prévoir comment les institutions de l’UE vont maintenant procéder. Vont-elles valoriser les points « pro-santé » du secteur végétalien ? Ou seront-elles persuadées par l’argument au sujet de la « confusion des consommateurs » poussée par l’industrie laitière ? L’amendement 171 a été adopté au parlement européen avec une faible majorité (54 %), ce qui <a href="https://www.veganfoodandliving.com/news/oatly-plant-based-censorship-petition-vegan-dairy-alternatives/">nourrit l’espoir</a> au sein de l’industrie végétalienne qu’un doute suffisant ait été jeté sur la question pour que la nouvelle règle soit bloquée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La Commission européenne examine actuellement un projet d’amendement qui interdirait aux producteurs de lait d’avoine ou de soja de faire référence à des produits laitiers sur les briques et les pots.Enrico Bonadio, Reader in Intellectual Property Law, City, University of LondonAndrea Borghini, Associate Professor of Philosophy, University of MilanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179462019-06-17T21:00:40Z2019-06-17T21:00:40ZDéconsommation et scoring moral, est-ce bien éthique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278924/original/file-20190611-32321-5eqoyn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1189%2C626&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://moralscore.org/">Moralscore.org</a></span></figcaption></figure><p>Comme l’illustre la pétition <a href="https://www.change.org/p/didier-guillaume-pas-de-tomate-bio-en-hiver-non-aux-serres-chauff%C3%A9es">« pas de tomates bio en hiver ! Non aux serres chauffées »</a> qui circule sur Internet, une nouvelle dynamique de consommation semble s’amorcer. Tout se passe comme si la montée de nouvelles <a href="https://www.lsa-conso.fr/l-ethique-guide-l-alimentation-des-francais-etude,269037">éthiques alimentaires</a> allait de pair avec une institutionnalisation des valeurs de la <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-de-consommation-nouvelle-forme-de-distinction-sociale-767667.html">déconsommation</a>.</p>
<p>La déconsommation est un comportement de consommation individuel qui vise à <a href="https://www.amazon.fr/Consommez-moins-pour-vivre-mieux/dp/2212569475">« consommer moins pour vivre mieux »</a>. Elle suit différentes logiques d’actions telles que : la <a href="https://espritminimaliste.com/pourquoi-jai-arrete-dacheter/">suppression</a> (on arrête d’acheter un produit), le <a href="https://www.ademe.fr/consommation-produits-dentretien-dhygiene-plus-ecologiques-surcout-cest-possible">remplacement ou le transfert</a> (on achète un produit jugé de meilleure qualité), l’<a href="https://www.20minutes.fr/economie/1462985-20141017-apres-fait-maison-mode-a-auto-production-chez">autoproduction</a> (faire soi-même plutôt que d’acheter), ou la <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/11/pour-respecter-nos-objectifs-il-faut-diminuer-de-moitie-notre-consommation-de-viande_5395903_1652612.html">réduction des quantités consommées et/ou achetées</a> (refus du gaspillage, quête de qualité, réduction des besoins). En se positionnant comme un déconsommateur, l’individu va réévaluer, en termes de coûts-bénéfices, un produit.</p>
<h2>Le scoring en plein essor</h2>
<p>Pour le consommateur, de nouveaux indicateurs voient le jour afin de l’aider dans ses choix quotidiens, comme avec le <a href="http://www.mangerbouger.fr/Manger-Mieux/Comment-manger-mieux/Comprendre-les-infos-nutritionnelles2/Le-Nutri-Score-l-information-nutritionnelle-en-un-coup-d-oeil">Nutri-Score</a> mis en place par le gouvernement français en 2016. Des start-up proposent de leur côté de scanner des produits pour nous aider à faire nos courses (<a href="https://yuka.io/">Yuka</a>, <a href="https://scanup.fr/">ScanUp</a>), et d’autres, comme <a href="https://moralscore.org/">Moralscore</a> visent à banaliser l’éthique, à en faire un critère de décision ordinaire lors du choix d’un produit ou d’un service d’une marque plutôt que d’une autre.</p>
<p>La start-up propose ainsi un « indicateur facile à utiliser au quotidien, afin de rendre plus éthique la vie de tous les jours », comme nous l’explique son co-fondateur <a href="https://www.linkedin.com/in/rafihaladjian/">Rafi Haladjian</a>. Moralscore va générer un « scoring éthique et moral » de l’entreprise, pour l’instant dans <a href="https://moralscore.org/about/">neuf secteurs d’activités</a> : se fournir en électricité, faire ses courses en ville, s’offrir une paire de baskets, choisir son smartphone, acheter de la tech en ligne, choisir un burger dans un fast-food, se faire livrer des repas, se faire conduire, voler pour pas cher.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278980/original/file-20190611-32342-x1xuim.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran de la page d’accueil du site Internet de Moralscore.org.</span>
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<p>Ce scoring s’établit grâce à quatre catégories de critères : la catégorie de l’entreprise en elle-même (légalité, actionnaires, finance, import), celle de l’entreprise et du rapport qu’elle entretient avec ses salariés, celle de l’entreprise et de ses partenaires, et enfin celle de l’entreprise avec ses clients. Ces quatre catégories regroupent trois typologies d’indicateurs : traditionnels (environnement, social, condition et cadre de travail), pragmatiques (qualité de service et de prix) et « nouveaux » (usage des technologies, robotisation, etc.).</p>
<p>Moralscore ne contacte jamais les entreprises (ni en amont ni en aval de la réalisation du scoring). Elle compile les données accessibles de l’entreprise (sites Internet, informations boursières, rapports d’études, articles de presse, etc.) en optant pour une posture bienveillante : « si une entreprise communique sur son site Internet sur un sujet précis, nous allons considérer que c’est vrai, sauf à nous prouver le contraire », précise Rafi Haladjian.</p>
<h2>Injonctions paradoxales</h2>
<p>Ce système de notation, appliqué à l’ensemble des critères utilisés par Moralscore, permet d’objectiver une réalité non binaire (qui sont les gentils ? Qui sont les méchants ?) et contrastée de la capacité d’une entreprise à « être éthique » et en adéquation avec « notre morale ».</p>
<p>Par exemple, Ryanair est pionnière du low-cost en Europe et fait partie des 10 plus grosses compagnies aériennes dans le monde. Elle est réputée pour ses prix bas et sa ponctualité ; des critères qui la positionnent par Moralscore au troisième rang des entreprises éthiques dans son secteur d’activité, alors qu’« il s’agit d’une entreprise odieuse avec ses salariés. Elle interdit à ses collaborateurs de recharger leurs téléphones portables pour qu’ils ne lui volent pas de l’énergie ! », comme le rappelle Rafi Haladjian.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279173/original/file-20190612-32347-upkb3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ryanair, 3ᵉ du classement des entreprises éthiques établi par les utilisateurs de Moralscore.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Giannis Papanikos/Shutterstock</span></span>
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<p>Moralscore et ses 40 000 utilisateurs (chiffres communiqués par la start-up début juin 2019), qui ont créé leurs propres profils éthiques, mettent en exergue le caractère protéiforme de la morale dans la consommation : chaque individu dispose de sa propre « perception morale » de la consommation (l’échelle morale peut varier d’un individu à un autre).</p>
<p>Ainsi, Moralscore nous apprend que le critère le moins important est celui de la rémunération des actionnaires et que le plus important est celui de l’environnement, suivi de près par les conditions salariales. Cependant, étonnement pour Rafi Haladjian, la <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2019/02/27/protection-des-donnees-personnelles-les-retoquees-du-rgpd_5428742_1698637.html">protection des données personnelles</a> suscite peu d’intérêt, malgré l’engouement médiatique pour ce sujet.</p>
<h2>Communautés de moralité</h2>
<p>Mais consommer éthique n’est pas seulement une affaire de « bonne conscience » et de valeurs. Cela doit se traduire par une action concrète où le coût est une variable importante. « Personne n’est prêt à payer cher pour un mauvais service, même si l’entreprise est extrêmement vertueuse. Vous n’êtes alors que virtuellement vertueux », souligne Rafi Haladjian.</p>
<p>D’un point de vue anthropologique, nous observons que cette quête de bonne conscience dans la consommation peut engendrer des situations paradoxales conduisant à une incohérence entre les motivations (discours) de la déconsommation et la réalité de l’action : par exemple, <a href="https://www.lanutrition.fr/exclusif-81-daliments-ultra-transformes-dans-les-rayons-dietetique-100-dans-les-cereales-pour">consommer des produits très transformés mais estampillés diététiques</a>, ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/02/22/l-avion-plaisir-coupable-de-l-ecolo-voyageur_5426851_4497916.html">revendre sa voiture, mais augmenter ses trajets en avion</a>.</p>
<p>L’anthropologue canadien Raymond Massé, dans son ouvrage <a href="https://www.pulaval.com/produit/anthropologie-de-la-morale-et-de-l-ethique">« Anthropologie de la morale et de l’éthique »</a>, nous propose un cadre propice à notre réflexion : la déconsommation est-elle morale ? D’après lui, il convient davantage de s’interroger, non pas sur la morale (notion abstraite et relative) en tant que telle, mais sur les communautés de moralité afin d’identifier différentes typologies de morale en fonction de réalités également différenciées.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Anthropologie de la morale et de l’éthique », conférence de Raymond Massé à l’Université Laval (2015).</span></figcaption>
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<p>Cette vision s’inscrit en cohérence avec la dynamique amorcée par Moralscore à travers un profil personnalisé en fonction des individus. Suivant ce postulat, « toute pratique est moralement acceptable dans une culture donnée si elle est acceptée par les membres du groupe car <a href="https://youtu.be/2VQIxo5dbiw">ils la pratiquent de bonne foi »</a>, permettant ainsi de dédouaner les <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2018/07/27/manger-de-la-pate-a-tartiner-le-summum-de-la-honte">non-adeptes de la déconsommation d’un point de vue sociétal</a>, ou encore de juger éthiques et/ou morales les <a href="https://www.entrepreneursdavenir.com/actualites/les-entreprises-les-plus-ethiques-reussissent-mieux/">nouvelles initiatives des industriels vis-à-vis de leurs clients</a>.</p>
<p>L’anthropologue interpelle cependant sur l’importance d’identifier les stratégies sous-jacentes aux actions déployées par les groupes sociaux. Par exemple, à travers le principe de gentivité, c’est-à-dire la capacité d’un groupe A à résister aux normes imposées par le groupe B, il convient de s’interroger sur le rôle de chacun (industriels, consommateurs) et sur les stratégies développées : principe de soumission stratégique aux normes sociales – ou de piété – pour se faire accepter ou pour se racheter une virginité morale à travers le processus d’entretien du statut moral.</p>
<h2>Les industriels comme prescripteurs</h2>
<p>On peut aussi observer de telles dynamiques chez les industriels et distributeurs qui <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/le-business-de-la-transition-alimentaire-797906.html">deviennent prescripteurs de la déconsommation</a>, par exemple. Certains déploient en effet des initiatives qui semblent toujours plus vertueuses pour accompagner la déconsommation et par extension la <a href="http://www.agro-media.fr/actualite/30469-30469.html">transition alimentaire</a> : <a href="https://www.carrefour.fr/engagements/act-for-food"><em>Act For Food</em> de Carrefour</a>, <a href="https://www.candia.fr/les-laitiers-responsables/">Les Laitiers responsables de Candia</a>, <a href="https://www.culture-nutrition.com/2016/07/05/herta-se-vegetalise-vegetal/">Le bon végétal sous la marque Herta de Nestlé</a> (saucisse sans viande), etc.</p>
<p>D’autres stratégies, parfois moins visibles pour les consommateurs, viennent illustrer la tension, pour les acteurs de la filière, entre transition alimentaire et ouverture vers de nouveaux marchés lucratifs : le <a href="https://www.maddyness.com/2019/04/18/michel-et-augustin-rachat-danone/">rachat de Michel & Augustin par Danone</a>, le <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/07/a-quels-grands-groupes-appartiennent-les-differentes-enseignes-du-bio_1657105">développement des magasins Naturalia par le groupe Casino</a>, la <a href="https://www.lexpress.fr/styles/saveurs/fruits-et-legumes-moches-moins-chers-et-desormais-disponibles-partout_1612379.html">vente de fruits et légumes moches qui n’avaient auparavant aucune valeur marchande</a>, ou encore le développement de chaînes qui allient artisanat, produits locaux et <a href="https://usbeketrica.com/article/fake-un-jour-peut-etre-authentique-demain">quête d’authenticité</a> des consommateurs (<a href="https://www.sortiraparis.com/hotel-restaurant/restaurant/articles/183261-eataly-le-nouveau-temple-de-la-gastronomie-italienne-a-paris-se-devoile">Eataly</a>, par exemple).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082887568520302592"}"></div></p>
<p>La déconsommation se situe donc actuellement à un tournant décisif : le processus de sa diffusion a conduit à intégrer la quête de sens <a href="https://www.reformes.ch/societe/2019/05/la-meditation-outil-de-performance-ou-dapaisement-faut-pas-croire-meditation">dans une dimension performative</a>. En effet, cette dynamique de changements par la déconsommation nécessite des ajustements de la part des industriels, concernant la transformation des produits (<a href="https://www.usinenouvelle.com/article/agroalimentaire-la-ruee-vers-le-bio.N504484">répondre à un cahier des charges bio</a> par exemple) et leurs stratégies d’innovation.</p>
<p>Il ne s’agit plus d’imposer de nouvelles offres aux individus sans les consulter au préalable : les salariés observent les pratiques de <a href="https://www.lemonde.fr/o21/article/2017/01/24/l-entreprise-nouvel-horizon-des-anthropologues_5068458_5014018.html">« vrais gens, dans la vraie vie »</a> et <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/tel-01750684/document">coconstruisent avec eux leurs futures expériences de consommation</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278982/original/file-20190611-32356-1cmp9ub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La coopérative d’aucy s’engage dans une conversion de sa production vers le bio et souhaite impliquer les consommateurs dans cette démarche.</span>
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<p>Mais la déconsommation telle qu’elle est envisagée par ces acteurs est-elle vraiment compatible avec leurs objectifs marchands ? Quelle marge de manœuvre ces nouveaux prescripteurs proposent-ils réellement aux consommateurs ? Face à de telles limites, des initiatives pluridisciplinaires voient le jour. Elles visent à rendre accessible, non pas aux industriels, mais aux utilisateurs finaux, le fruit de leurs travaux scientifiques (travaux en <a href="https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/open-source/">open source</a> et <a href="https://www.18h39.fr/articles/6-methodes-astucieuses-pour-devenir-un-adepte-du-low-tech-a-domicile.html">low-tech</a>) en matière de transition alimentaire.</p>
<p>Par exemple, le projet <a href="http://audreybigot.com/portfolios/_-kitchen-b">Biceps Cultivatus</a> propose les plans en ligne, sous <a href="https://creativecommons.org/licenses/?lang=fr-FR">licence Creative Commons</a>, pour l’auto-construction de trois modules pour cuisiner de manière simple, sobre et maîtrisée. <a href="https://www.lamyne.org/">La Myne</a> (laboratoire citoyen de transition par les communs) à Lyon illustre également cette tendance : <a href="https://www.lamyne.org/en/project/pyrocarb-nomade/">Pyrocarb-Nomade</a> (cuiseur à bois pliable et nomade), <a href="https://www.lamyne.org/project/powerplante/">Power plante</a> (production d’énergie à base de plantes) ou encore les projets <a href="https://www.lamyne.org/project/inspiruline/">Inspiruline</a> et <a href="https://www.spirulinaforchange.org">Spirulina for change</a> (programmes de sciences participatives pour déployer les méthodes de culture de la spiruline). Des initiatives qui pourraient à l’avenir redessiner les contours de la déconsommation, dont la trajectoire reste à ce jour très incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Parise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Moralscore.org, une start-up qui propose de banaliser l’éthique comme critère de choix interroge la place des industriels dans la transition alimentaire.Fanny Parise, Chercheur associé, anthropologie, Institut lémanique de théologie pratique, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132182019-03-25T21:06:28Z2019-03-25T21:06:28Z« C’est qui le patron ? ! », les limites de l’injonction à la consommation responsable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265539/original/file-20190325-36270-3gdia5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C675%2C436&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">0,99€ : le prix de cette brique de lait est le résultat d'un vote de consommateurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/BuZukrrlQcu/">Capture d'écran compte Instagram « C'est qui le patron ?! ».</a></span></figcaption></figure><p>« Je sais pour la fonte des glaces, la déforestation, la surpêche et le changement climatique. […] Je peux pas faire comme si je savais pas », nous interpelle Danone dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NRcM9DWFgzA">publicité</a>. « Avec votre fourchette et votre couteau, vous avez le pouvoir de changer le monde », renchérit Carrefour dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JMhOurCU90I">son manifeste Act For Food</a>. Le message est clair : c’est à nous, consommateurs, de nous prendre en main et de modifier nos habitudes pour sauver la planète.</p>
<p>Cette injonction à la consommation responsable n’émane pas seulement de grands groupes de l’agroalimentaire et de la distribution : c’est aussi le message porté par le gouvernement. En réponse à l’<a href="https://laffairedusiecle.net/">Affaire du siècle</a>, cette pétition signée par plus de deux millions de personnes pour interpeller le gouvernement face à l’urgence climatique, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, a enjoint dans un <a href="https://twitter.com/FdeRugy/status/1096289151509557248">tweet</a> chaque citoyen à modifier son comportement individuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1096289151509557248"}"></div></p>
<p>Il serait donc essentiel de transformer nos habitudes de consommation ; on a vu apparaître ces dernières années plusieurs initiatives allant dans ce sens. La coopérative « C’est qui le patron ? ! » est parmi celles qui ont rencontré le plus de succès. Lancée en 2016 au plus fort de la <a href="https://www.lesechos.fr/23/08/2016/lesechos.fr/0211219944762_les-quatre-sources-qui-expliquent-la-crise-du-lait.htm">crise</a> de la rémunération des producteurs laitiers, son idée était de laisser les consommateurs fixer eux-mêmes le juste prix d’une brique de lait, grâce à un <a href="https://lamarqueduconsommateur.com/le-questionnaire-du-lait/">sondage en ligne</a>. Chacun pouvait ainsi se prononcer sur la présence ou non d’OGM dans l’alimentation des vaches, mais aussi et surtout sur la rémunération des producteurs : une « rémunération qui permet au producteur de se faire remplacer et de profiter de temps libre » coûtait ainsi 9 centimes de plus par litre qu’un « alignement sur le cours mondial du lait ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation de l’initiative « C’est qui le patron ? ! ».</span></figcaption>
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<h2>Un prix « déterminé » par les consommateurs</h2>
<p>Le sondage a donc produit un prix validé par les consommateurs : 0,99 euro pour un litre de lait. Un tel prix « psychologique » n’est probablement pas une coïncidence mais plutôt le résultat d’une construction spécifique des différentes options du sondage. Quoi qu’il en soit, le lait « C’est qui le Patron ? ! » a rapidement rencontré un énorme succès suite à son lancement en octobre 2016, réalisant la <a href="https://www.novethic.fr/actualite/social/consommation/isr-rse/c-est-qui-le-patron-le-plus-gros-succes-pour-une-nouvelle-marque-depuis-30-ans-145394.html">meilleure performance</a> pour une nouvelle marque dans le secteur agroalimentaire depuis 30 ans, malgré un prix de vente 30 % supérieur à la concurrence. Ceci a été accompli sans dépenser le moindre euro en marketing, la coopérative se reposant uniquement sur le bouche-à-oreille, une forte présence sur les réseaux sociaux et surtout une <a href="https://lamarqueduconsommateur.com/on-parle-de-nous/">couverture presse</a> impressionnante et très favorable. « C’est qui le patron ? ! » a depuis lancé de nombreux autres produits, toujours sur le même principe : beurre, chocolat, miel, fromage blanc, etc.</p>
<p>L’impact positif de cette action est indéniable. « C’est qui le patron ? ! » rémunère les exploitants entre 0,39 et 0,41euro le litre, ce qui est supérieur à la moyenne du marché et proche des prix réclamés par les producteurs (la <a href="http://www.lafranceagricole.fr/actualites/elevage/lait-le-prix-de-revient-moyen-est-de-396-1000l-1,5,2005960653.html">Fédération nationale des producteurs de lait</a> estime le prix de revient moyen à 0,40 euro ; l’<a href="http://www.europeanmilkboard.org/milk-production-costs/france.html">European Milk Board</a> préconise une rémunération de 0,45 euro). Les consommateurs qui choisissent le lait « C’est qui le patron ? ! » sont donc bien les acteurs d’un changement sociétal positif.</p>
<h2>Une initiative qui enchante le gouvernement</h2>
<p>La marque est même citée en exemple par le président de la République Emmanuel Macron lors de son discours des États généraux de l’alimentation à Rungis le 11 octobre 2017 :</p>
<blockquote>
<p>« Cette démarche ne doit rien à l’État. […] La solution n’est pas que dans une loi, que dans une disposition émanant d’en haut, elle est aussi dans l’initiative qui sera prise partout sur le terrain et par tous les acteurs. Cette démarche […] je souhaite que vous puissiez collectivement [la] généraliser et revaloriser les 2,4 milliards de litres de lait de consommation en France. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i11DbMVgW44?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du discours d’Emmanuel Macron aux États généraux de l’alimentation, le 11 octobre 2017.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est ici que tout se complique. Au niveau « micro », les initiatives telles que « C’est qui le Patron ? ! » peuvent certes avoir un impact positif : les producteurs sont mieux rémunérés, les consommateurs retrouvent du sens à leurs achats. Cependant, à une échelle « macro », qui est celle d’Emmanuel Macron quand il mentionne l’initiative comme solution du problème sociétal qu’est la crise du lait, les enjeux sont tout autre. Cela fait porter aux consommateurs l’entière responsabilité du changement. Cette responsabilité est économique, puisque ce sont eux qui endossent le surcoût pour assurer la rémunération des producteurs. Les marges des transformateurs et des distributeurs ne sont pas remises en question, et restent largement opaques.</p>
<p>Le lait est pour les grandes surfaces un produit d’appel qui est souvent vendu en promotion, ce qui pousse les producteurs à faire des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/prix-des-produits-laitiers-en-supermarche-les-promotions-dans-tous-les-sens-enterrent-les-producteurs-de-lait_3015027.html">« opérations chrysanthèmes » dans les magasins</a> pour protester contre leur propre « mort ». Le rôle des distributeurs n’est pourtant pas remis en question par « C’est qui le Patron ? ! ».</p>
<p>De plus, son succès repose sur le travail bénévole des membres de la coopérative, qui endossent un rôle d’auditeur en visitant les fermes, et de commercial en démarchant les directeurs de magasin. Ceci fait douter de la viabilité d’un tel modèle à plus grande échelle, et pose question alors que la coopérative appose depuis quelques mois son label sur les <a href="http://www.lefigaro.fr/conso/2017/10/03/20010-20171003ARTFIG00076--c-est-qui-le-patron-devient-fournisseur-de-lait-chez-carrefour-et-monoprix.php">produits des marques des distributeurs</a> Monoprix et Carrefour, et contribue donc plus étroitement au processus de création de valeur de ces grandes entreprises. Cela implique enfin que les consommateurs acquièrent une expertise des filières agricoles, puisque c’est désormais à eux qu’incombe de déterminer un juste prix pour le lait, ainsi que pour tous les autres produits qui pourraient être et sont déjà concernés par ce genre d’initiatives.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263598/original/file-20190313-123538-1qr1kcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des membres et producteurs de « C’est Qui le Patron ? ! » à l’Élysée en 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Facebook/C’est qui le patron ? !</span></span>
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</figure>
<p>Au-delà de cette « sur-responsabilisation » du consommateur, « C’est qui le Patron ? ! » et les bons sentiments que son action génèrent sont susceptibles d’être détournés. Comme on le voit dans le discours d’Emmanuel Macron, la consommation responsable peut rapidement devenir une excuse pour ne pas légiférer. « C’est qui le Patron ? ! » légitime ainsi involontairement une pratique néolibérale de gouvernement : gouverner le moins possible et laisser le marché traiter les problèmes, en s’en remettant à la responsabilité individuelle des acteurs (<a href="http://lafabrique.fr/la-societe-ingouvernable/">Chamayou, 2018</a>). Or, le marché est antisocial en cela qu’il ne promeut que des solutions individuelles à des problèmes collectifs (<a href="http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2860">Gorz, 2003</a>).</p>
<h2>La consommation n’est pas un projet politique</h2>
<p>Il n’est pas question ici de déprécier « C’est qui le Patron ? ! », qui agit de bonne foi (certes avec un marketing très bien rodé), alors qu’il y aurait beaucoup à dire sur d’autres acteurs de la chaîne, comme <a href="https://www.europe1.fr/economie/envoye-special-sur-lactalis-les-salaries-ayant-temoigne-seront-licencies-2962058">Lactalis</a>. On peut en revanche s’interroger sur le rôle des médias, qui ont très largement contribué au succès de l’initiative avec des titres louangeurs : « la marque qui donne les pleins pouvoirs au consommateur » (<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/social-lab/social-lab-11-decembre-2016">France Inter</a>) ; « le consommateur dicte sa loi » (<a href="https://www.ouest-france.fr/economie/consommation/lait-equitable-le-consommateur-dicte-sa-loi-5593873">Ouest France</a>) ; « la brique de lait qui donne le pouvoir au consommateur » (<a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/la-brique-de-lait-qui-donne-le-pouvoir-au-consommateur-arrive-en-grande-surface-1476454106">France Bleu</a>).</p>
<p>Pourtant, lorsque Nicolas Chabanne, co-fondateur de la marque, déclare <a href="http://video.lefigaro.fr/figaro/video/le-consomm-acteur-a-pris-le-pouvoir-grace-au-web/5987421708001/">dans une interview au Figaro</a> que « la carte bleue est un énorme et fabuleux bulletin de vote qui permet de changer le monde », il conviendrait de pointer du doigt cette vision profondément inégalitaire d’une société où le pouvoir du peuple serait astreint au pouvoir d’achat et se limiterait à l’expression de préférences de consommation.</p>
<p>Transformer nos comportements individuels est essentiel, et cela passe entre autres par de nouveaux modes d’organisation. M. Chabanne n’a pas entièrement tort <a href="https://rmc.bfmtv.com/emission/la-marque-c-est-qui-le-patron-est-un-premier-niveau-de-ce-qu-est-et-de-ce-que-sera-le-ric-affirme-son-fondateur-sur-rmc-1641859.html">quand il déclare</a> que son action s’apparente à un référendum d’initiative citoyenne. Mais la consommation responsable, lorsqu’elle est récupérée par le discours politique et érigée comme seul mode de régulation du marché et de la société, est une double violence faite aux citoyens : violence économique, car ils payent seuls pour les défaillances de tout un système ; violence psychologique, car ils portent seuls la responsabilité de leurs choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clarence Bluntz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les initiatives comme « C’est qui le patron ? ! » ont un impact positif mais font porter au consommateur l’entière responsabilité du changement, oubliant les rôles de l’État et des grandes entreprises.Clarence Bluntz, Doctorant en comptabilité sociale et environnementale, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1118722019-02-21T23:11:15Z2019-02-21T23:11:15ZCombien de fermes de 1 000 vaches pour nourrir les Français ?<p>Il n’existe pas en France de fermes laitières comptant 1 000 animaux et il n’en existera peut-être jamais. L’expression « fermes des mille vaches » renvoie à la situation particulière de la plus grande exploitation laitière française située dans la Somme, qui accueille environ 850 laitières.</p>
<p>Mais si l’expression ne correspond à aucune réalité agricole en France, ces élevages gigantesques sont bel et bien présents dans de nombreux pays comme l’Allemagne, l’Arabie saoudite, la Nouvelle-Zélande, la Chine ou encore les États-Unis.</p>
<p>L’exploitation dénommée <a href="https://fofarms.com/">Fair Oaks Farms</a>, à proximité de Chicago, compte plus de 40 000 vaches laitières. En Arabie saoudite, la ferme-usine pharaonique Almarai recense quant à elle 94 000 animaux.</p>
<p>Fantasme en France, les fermes de 1 000 vaches sont une réalité dans d’autres pays, façonnés par une histoire différente. Ces structures constituent le chemin à suivre et la nouvelle utopie agricole pour les uns, quand d’autres y voient un repoussoir qui comporte des risques importants.</p>
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<figcaption><span class="caption">La folie des fermes géantes. (Radio France/YouTube, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Révolution sociologique et agronomique</h2>
<p>Dans l’Hexagone, la crainte vis-à-vis de ces structures symbolise la mutation profonde, à la fois sociologue et agronomique, que connaît notre agriculture.</p>
<p>Du point de vue sociologique, ces fermes sont la conséquence de l’abandon d’un schéma de production séculaire, l’exploitation familiale. Les fermes de mille vaches sont, comme le souligne le sociologue François Purseigle, des <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?gcoi=27246100509220">firmes agricoles</a> dont les capitaux proviennent souvent de l’extérieur du monde agricole. Les sommes nécessaires excèdent généralement le potentiel d’investissement des exploitations familiales. Elles se caractérisent d’autre part par le recours au salariat et s’appuie sur une main d’œuvre qui va bien au-delà du cercle familial.</p>
<p>Ces entreprises agricoles sont également le résultat d’une évolution progressive des façons de produire le lait, qui se traduit par l’abandon d’un recours au pâturage et à l’alimentation naturelle des vaches. Les rations animales ne sont plus produites sur l’exploitation mais proviennent en grande partie de fournisseurs spécialisés, qui <a href="http://idele.fr/metiers/techniciens/produire-et-transformer-du-lait/publication/idelesolr/recommends/guide-pratique-de-lalimentation-du-troupeau-bovin-laitier.html">optimisent les apports nutritionnels</a> (minéraux, vitamines, matières grasses, protéines…) et les volumes de production de lait.</p>
<p>C’est ce que l’on nomme une agriculture hors-sol et industrielle, caractérisée par un enfermement permanent des animaux visant à compresser au maximum les coûts de production.</p>
<h2>Un monde sans agriculteurs</h2>
<p>Si la France prend le chemin d’une hyperconcentration des exploitations laitières avec comme horizon la généralisation des fermes de mille vaches, il s’en suivrait une transformation radicale du tissu agricole.</p>
<p>La production de lait en France est relativement stable, en dépit d’une baisse annoncée. Chaque année, <a href="https://www.franceagrimer.fr/Stockage-Actualites/Lait/2019/Les-marches-des-produits-laitiers-carnes-et-avicoles-bilan-2018-perspectives-2019">environ 24 milliards de litres de lait</a> sont produits par les fermes du pays. Ce volume de lait est aujourd’hui produit par environ <a href="https://www.franceagrimer.fr/Eclairer/Etudes-et-Analyses/Chiffres-et-bilans?moteur%5BfiltreDate%5D=0&moteur%5BfiltreFiliere%5D=1496&moteur%5BfiltreTypeContenu%5D=0&recherche-search=">56 000 fermes</a> réparties sur tout le territoire national. On en comptait plus de <a href="http://www.franceagrimer.fr/content/download/43268/404381/file/ETU-LAI-%C3%89volution%20des%20strutures%20de%20production%20laiti%C3%A8re%20en%20France%20-%202015.pdf">150 000</a> en 1995.</p>
<p>Si la France devait adopter le schéma productif des fermes de mille vaches, le pays aurait besoin de seulement 2 260 exploitations laitières pour produire les 24 milliards de litres dont nous avons besoin (sur la base d’une production annuelle par vache de 9 000 litres). Réparti sur les 100 départements, cela constituerait une moyenne de 27 producteurs par département. À l’échelle des cantons, on compterait 0,65 producteur laitier.</p>
<p>La généralisation de ce type de ferme signifie tout simplement l’entrée dans <a href="https://www.amazon.com/World-Without-Agriculture-Transformation-Perspective/dp/0844742791">« un monde sans agriculture »</a>, comme le documentent les travaux de l’économiste <a href="https://scholar.google.fr/citations?user=Oo5QB6wAAAAJ&hl=fr&oi=ao">Peter Timmer</a>.</p>
<h2>Adieu coopératives et syndicalisme</h2>
<p>Les enjeux liés à la protection de l’environnement, le traitement des nuisances et le bien-être animal sont d’ores et déjà bien identifiés pour ces exploitations. Mais cette hyperconcentration des exploitations laitières aurait également d’importantes conséquences sur les filières alimentaires.</p>
<p>La première porte sur les coopératives agricoles, qui constituent des acteurs majeurs dans la collecte et la transformation du lait. Elles ont d’autant plus d’utilité que les agriculteurs, nombreux, sont répartis sur tout le territoire. Les fermes de mille vaches n’auront plus besoin des coopératives car elles travailleront directement avec les industriels et transformateurs qui offriront les meilleures rémunérations.</p>
<p>Les coopératives agricoles ont été établies par et pour des exploitations familiales. <a href="https://www.sodiaal.fr/sodiaalfr/index.aspx?site=SODFR&lang=FR">Sodiaal</a>, première coopérative de collecte et de transformation du lait, compte aujourd’hui 11 000 producteurs, soit quatre fois le nombre de fermes de mille vaches nécessaires pour assurer les besoins du pays. La généralisation de ce type de structure aurait pour conséquence de saper les fondements mêmes du modèle coopératif, qui ne serait plus nécessaire.</p>
<p>Ce tournant pourrait également marquer la fin du syndicalisme agricole. Les quelques milliers d’adhérents se transformeront en une puissante industrie des producteurs de lait et mèneront directement leurs combats auprès des pouvoirs publics, des industriels et de la grande distribution.</p>
<p>Ayant la possibilité de faire fluctuer les volumes, l’industrie des producteurs de lait aura des pouvoirs de négociation bien plus importants que les syndicats actuels. Un cartel du lait se développerait, qui serait en mesure de faire les volumes et les prix.</p>
<h2>Le spectre d’un plan social</h2>
<p>La transformation qui est en cours, et dont les fermes de mille vaches sont le symbole, constitue un tournant historique pour l’agriculture française. Il pourrait tout bonnement en signifier la fin.</p>
<p>Deux grands scénarios s’offrent désormais à la société française.</p>
<p>Le premier consiste à assumer de faire de l’élevage laitier industriel, et de la concentration des exploitations, l’horizon vers lequel il convient d’orienter la « ferme France ». Il faut cependant bien avoir en tête que ce scénario aurait un coût social et environnemental très élevé, que les gains de productivité dégagés ne compenseront jamais.</p>
<p>Il convient également d’assumer un véritable plan social pour accompagner de nombreux producteurs vers la sortie. La <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/6058">baisse continue</a> du nombre d’exploitations laitières montre que ce scénario est déjà en place et il a toutes les chances de s’imposer dans les années qui viennent, car beaucoup d’opérateurs ont un intérêt objectif pour soutenir l’hyperconcentration de la production laitière.</p>
<p>Les céréaliers, qui sont à l’origine de l’alimentation des animaux, ont tout intérêt à ce que ce schéma d’élevage se généralise, tant il garantit et augmente les débouchés commerciaux. Les distributeurs ont, eux aussi, tout intérêt à la promotion de ces structures afin de réduire le coût de l’alimentation et orienter le pouvoir d’achat vers d’autres produits à plus fortes marges.</p>
<p>Certains producteurs encouragent également cette concentration, se projetant comme les derniers des Mohicans, qui tireront pleinement profit du pouvoir de marché dont ils disposeront à l’égard des industriels et des consommateurs, à travers le cartel des industriels du lait qu’ils dirigeront.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/esadqTKQLlk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ferme « des 1 000 vaches » : l’élevage controversé fait son chemin. (AFPTV/YouTube, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Renverser la tendance</h2>
<p>Le second scénario vise à stopper la tendance à la concentration et à maintenir un nombre significatif d’exploitations laitières aux modes de production diversifiés sur tout le territoire national.</p>
<p>Dans une telle perspective, il est indispensable de définir un objectif politique en terme de nombre d’exploitations laitières autour duquel les pouvoirs publics et les acteurs concernés doivent faire cause commune. Au-delà du chiffre et de l’objectif politique, la réussite de ce plan Marshall nécessite de donner aux agriculteurs un poids politique dans la régulation des marchés.</p>
<p>Comme le propose le laboratoire d’idées <a href="http://www.agriculture-strategies.eu/2018/12/les-enseignements-de-la-politique-laitiere-americaine-en-matiere-de-partage-de-la-valeur-ajoutee/">Agriculture-Stratégies</a>, cela passe par des aides et des incitations pour encourager la constitution d’organisations de producteurs nationales et sans doute européennes, aptes à engager les exploitants laitiers dans des démarches de progrès et de régulation des volumes de production.</p>
<p>Les <a href="http://www.areflh.org/fr/ocm/livre-blanc-de-l-ocm">producteurs de fruits et légumes</a> sont parvenus à un tel schéma d’organisation et on ne voit pas pourquoi cela ne pourrait pas fonctionner pour le secteur du lait. Il convient également de repenser en profondeur les aides de la PAC qui privilégient aujourd’hui, en dehors de tout processus démocratique, le scénario de l’hyperconcentration. Le simple fait de coupler les aides à un ratio nombre de vaches/surface agricole disponible pourrait permettre de renverser la tendance.</p>
<p>Si elle veut conserver la maîtrise de ce qu’elle mange, la société française doit prendre conscience des transformations en cours et en faire de véritables enjeux politiques ouverts au débat démocratique.</p>
<p>Voulons-nous 2 260 fermes de mille vaches au lait standardisé ou 55 000 producteurs qui maintiendront une diversité de produits et assureront durablement notre souveraineté alimentaire ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De crise en crise, les producteurs de lait font face à une transformation profonde de leurs modes de production. L’apparition d’élevages industriels interroge les fondements de notre modèle agricole.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Titulaire de la Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1067962018-11-13T00:58:47Z2018-11-13T00:58:47ZLes produits laitiers allégés sont-ils meilleurs à la santé ? Cinq experts répondent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245139/original/file-20181112-83596-11esuba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C4881%2C2462&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Allégé ou non allégé, telle est la question...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/SvhXD3kPSTY">NeONBRAND / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Au rayon des produits laitiers, du lait ou du fromage, êtes-vous plutôt version normale ou version « allégée en matières grasses » ? Moins de gras, c’est toujours mieux, non ? Mais qu’en est-il des bonnes choses contenues initialement dans ces aliments ? Sont-elles toujours présentes dans les versions allégées ?</p>
<p>Nous avons demandé à cinq experts si les produits laitiers allégés étaient réellement meilleurs pour la santé.</p>
<h2>Trois experts sur cinq répondent oui</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238287/original/file-20180927-48631-1a33cy4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Voici leurs réponses détaillées :</strong></p>
<p><iframe id="tc-infographic-311" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/311/f40b2cd4c8defbfbb4973d025eab837db7f34b3e/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p><em>Déclaration de conflit d’intérêt : Caryl Nowson a reçu des financements en tant que consultante pour les organisations Meat and Livestock Australia, Dairy Australia DRDC (Dairy Research Development Corp) et Nestle. Malcolm Riley a travaillé pour Dairy Australia de 2006 à 2010. À son poste actuel, il a été impliqué dans des projets commandés par l’industrie laitière et a travaillé pour des entreprises manufacturant des produits laitiers.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Est-il meilleur pour la santé de consommer des produits laitiers allégés ? Les experts sont divisés…Alexandra Hansen, Deputy Editor and Chief of Staff, The Conversation AUNZLionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/982172018-06-18T22:15:20Z2018-06-18T22:15:20ZRéforme de la PAC : le grand bond en arrière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223202/original/file-20180614-32307-tius2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C1200%2C729&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En novembre 2017, manifestation de la Confédération paysanne contre le projet de ferme aux 4 000 vaches. La nouvelle PAC devrait renforcer le phénomène des méga-fermes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=8&mui=1&q=14110410473834858947_0&fst=french+farmers&fto=1&t=8.2.5.9.7.11#">Philippe Desmazes/AFP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Vendredi 1<sup>er</sup> juin, Phil Hogan, le commissaire européen à l’Agriculture, a présenté les grandes lignes de la <a href="https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/future-cap_fr">réforme de la politique agricole commune</a> (PAC). Un projet qui aura réussi à faire l’<a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/06/01/20002-20180601ARTFIG00293-agriculture-la-france-vent-debout-contre-la-baisse-du-budget-de-la-pac.php">unanimité contre lui</a>, si l’on en croit les réactions des principaux acteurs français et notamment du ministre <a href="http://agriculture.gouv.fr/stephane-travert-nous-ne-pouvons-pas-accepter-une-baisse-drastique-du-budget-de-la-pac">Stéphane Travert</a>.</p>
<p>Le budget européen consacré à l’agriculture – qui représentait le premier budget de l’Union (avec 43 %) – devrait en effet connaître une baisse très sensible, de l’ordre de -15 à 20 %, selon les <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/nathalie-loiseau-est-l-invitee-de-rtl-7793639997">estimations</a> de nombreux experts. Il passera ainsi de 408 milliards d’euros pour la période 2014-2020 à 365 milliards pour 2021-2027.</p>
<p>Décryptage des enjeux et des conséquences de cette réforme cruciale pour l’avenir de l’agriculture européenne et française.</p>
<h2>Un pilier de la construction européenne</h2>
<p>Déployée dès 1962, la PAC a constitué l’une des premières réalisations tangibles d’une politique réellement européenne. Ses objectifs initiaux étaient ambitieux : augmentation de la compétitivité, sécurité des approvisionnements, stabilisation des marchés et revenus décents pour les paysans.</p>
<p>La PAC s’est construite autour d’une définition européenne de règles d’orientation de l’agriculture, de respect de l’environnement et des volumes à produire. La <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=DEC_BUREA_2014_01_0051">politique de quotas agricoles</a> a longtemps symbolisé la dimension interventionniste de cette politique.</p>
<p>Des quotas annuels étaient définis au niveau européen et ventilés ensuite par pays puis par exploitation agricole. Ces mécanismes offraient aux paysans une certaine visibilité et une relative stabilité des prix. Cette régulation européenne qui consistait à encadrer volumes et prix a <a href="http://eprints.glos.ac.uk/3197/">peu à peu été démantelée</a> et les quotas ont officiellement disparu en 2015. Depuis, les pays et les exploitations se trouvent en prise directe et en concurrence frontale pour trouver des débouchés à leurs produits agricoles.</p>
<p>Dans les faits, la PAC est depuis le départ articulée autour de deux piliers essentiels. Le premier concerne les aides directes aux agriculteurs et représente les trois quarts du budget européen. Chaque exploitant agricole doit réaliser une déclaration (Telepac en France) qui lui permet de bénéficier d’une subvention européenne de base indexée sur la surface totale de l’exploitation.</p>
<p>Cette subvention de base peut être complétée par des aides additionnelles soumises aux respects de certaines conditions. En moyenne, les subventions européennes représentent 267 euros/hectare, ce qui constitue dans certaines filières la première source de « revenus » de l’exploitation. En France, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/budget-de-la-pac-les-agriculteurs-s-inquietent_2782839.html">91 % des exploitations</a> touchent une aide de la PAC (avec un montant moyen de 27 000 euros). En général, les subventions ne sont pas conditionnées au volume produit mais bien à la surface de l’exploitation afin de ne pas encourager la surproduction et ses effets délétères pour les paysans.</p>
<p>Le second pilier concerne l’aide au développement rural ; il ne représente qu’un quart du budget européen. Il permet de soutenir des projets de développement, l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs ou de financer des projets de reconversion, notamment en bio.</p>
<h2>Quelles évolutions avec la nouvelle PAC ?</h2>
<p>Pour le dire simplement, la politique agricole commune n’a plus rien de… commun !</p>
<p>En effet, plusieurs décisions mises bout à bout vont conduire à une renationalisation des politiques agricoles. Là où l’Europe arrivait à définir, parfois au prix de tractations difficiles, des objectifs communs, la nouvelle PAC se contente de définir <a href="https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/future-cap_en#onjectives">9 objectifs généraux</a> – niveau de prix, rémunération des producteurs, environnement, orientation bio, etc. – dans lesquels les États pourront « piocher » pour composer leur propre politique agricole nationale.</p>
<p>Qui plus est, les pays pourront aussi orienter 15 % de leur budget européen dédié entre les deux piliers alors que ce n’était pas le cas auparavant. Ainsi, ils auront la main à la fois sur les objectifs mais également les montants alloués entre les deux piliers, pouvant soit décider d’encore plus soutenir leurs agriculteurs ou bien au contraire mettre l’accent sur le développement rural.</p>
<p>Autre conséquence directe, la baisse du budget global va mécaniquement induire une baisse des subventions pour les agriculteurs. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/31/mesures-d-economies-reforme-avis-de-turbulences-sur-la-politique-agricole-commune_5307301_3234.html">Les estimations</a> font état d’une baisse de 25 euros/hectare et par an. La surface moyenne des exploitations françaises étant de 55 hectares, ce sont, en moyenne, près de 15 000 euros que les paysans vont perdre.</p>
<h2>Les conséquences prévisibles</h2>
<p>Même si cette nouvelle PAC pourrait faire l’objet d’arbitrages ou de tractations dans les mois à venir, les grandes lignes semblent posées, conduisant à plusieurs évolutions majeures clairement identifiables.</p>
<p>Pour la première fois, la PAC, première politique européenne mise en œuvre, va peu à peu être dissoute au profit des politiques agricoles nationales, variant d’un pays à l’autre. C’est l’abandon de l’idéal européen et de la volonté de construire une destinée agricole commune.</p>
<p>La définition de politiques nationales va priver l’Europe de moyens d’arbitrage au niveau communautaire puisque chaque pays pourra définir des objectifs potentiellement en compétition avec ceux de ses voisins. La concurrence intra-européenne s’en trouvera exacerbée.</p>
<p>Seuls les acteurs privés seront en mesure d’avoir des projets à dimension européenne, à grand renfort de rachats et fusions/acquisitions. Le politique n’interviendra plus à ce niveau, mais seulement au niveau des filières nationales.</p>
<p>La baisse des subventions risque de fragiliser un nombre croissant d’exploitations agricoles, notamment familiales. L’enveloppe annuelle de la France passera ainsi de 9,4 à 8,5 milliards dans la prochaine PAC. Il en résultera une baisse du nombre d’exploitations (La France compte 450000 exploitations contre 1,6 million en 1970).</p>
<p>Mécaniquement, on assistera à une concentration des fermes et le renforcement des entreprises agricoles et des méga-fermes. Peu à peu, la figure tutélaire de la ferme familiale cèdera la place à l’entreprise agricole, comme l’a documenté le sociologue François Purseigle dans son ouvrage <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?gcoi=27246100509220"><em>Le nouveau capitalisme agricole</em></a>. Seules les petites exploitations en <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">circuit direct</a> risquent de <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">subsister à terme</a>.</p>
<h2>Les enjeux oubliés</h2>
<p>Cette réforme laisse de côté trois enjeux essentiels pour l’agriculture nationale et européenne.</p>
<p>Les filières agricoles sont aujourd’hui caractérisées par un déséquilibre majeur dans la répartition de la valeur entre trois acteurs essentiels : les producteurs (exploitants agricoles), les industriels/transformateurs, la grande distribution. Dans la plupart des filières agricoles, l’essentiel de la valeur est <a href="http://www.franceagrimer.fr/content/download/50772/487917/file/Rapport%20au%20parlement%202017%20.pdf">captée par les industriels et les distributeurs</a>. Cet enjeu, qui fut au cœur de certains travaux conduits dans le cadre des récents États généraux de l’alimentation, est curieusement absent de la réforme.</p>
<p>La réforme ne se prononce pas non plus sur le protectionnisme de certains États (USA) et des conséquences du CETA. En effet, la nouvelle PAC ne définit pas de politique européenne en termes d’échanges avec le reste du monde, de tarifs douaniers ou bien encore de règles d’importation des produits agricoles venant d’autres zones du monde. En creux, cela indique que la nouvelle PAC s’inscrit délibérément dans un marché mondialisé (et dérégulé) des produits et matières premières agricoles.</p>
<p>Enfin, la réforme ne se prononce pas sur une éventuelle spécialisation des pays par type de productions. Il est en effet dommageable que l’ensemble des pays se retrouvent en concurrence sur la filière laitière. Chaque pays étant libre d’orienter sa production agricole, il manquera inévitablement une politique régulatrice à ce niveau et rien ne garantit que les marchés agricoles pourront absorber les sur ou sous-productions de chaque filière.</p>
<h2>De nouvelles marges de manœuvre</h2>
<p>La réforme de la PAC constitue pour beaucoup un recul, une sorte de retour à une étape antérieure qui privilégierait une définition nationale des politiques agricoles. La PAC change également de nature en passant d’une PAC universelle à une PAC plus protectrice, mais moins généreuse. En revanche, la relocalisation des possibilités d’arbitrages au niveau national peut permettre d’assurer une proximité et une acceptabilité plus grande vis-à-vis des agriculteurs.</p>
<p>Paradoxalement, cette réforme à venir peut offrir des marges de manœuvre budgétaires inespérées au gouvernement qui aura ainsi la possibilité de mieux connecter les <a href="https://theconversation.com/etats-generaux-de-lalimentation-chronique-dune-deception-annoncee-90977">réformes</a> issues des <a href="https://www.egalimentation.gouv.fr/">États généraux de l’alimentation</a> avec les moyens nécessaires à sa politique agricole.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98217/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Présenté début juin, le projet pour la nouvelle politique agricole commune a suscité de nombreuses réactions hostiles. En France, on s’inquiète de la baisse des subventions pour les agriculteurs.Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/923032018-02-25T20:18:10Z2018-02-25T20:18:10ZFromages : pourquoi les microbes sont les meilleurs alliés du goût<p>On entend souvent parler de l’influence des guides des vins anglo-saxons sur l’uniformisation des goûts ; une uniformisation qui conduit à la perte de la typicité de certains vignobles, contraints de s’aligner sur la tendance dominante pour vendre et survivre.</p>
<p>Si les causes diffèrent, un phénomène comparable, que l’on peut faire remonter aux années 1970, a touché les plateaux de fromages. À cette époque, le secteur de la production laitière connaît en effet une forte industrialisation ; il s’agissait de répondre à la demande d’une population croissante et aux mutations des circuits de distribution dans les pays occidentaux. Les consommateurs réclamaient aussi des produits plus homogènes, au goût constant.</p>
<p>Ces attentes ont conduit les industriels à mieux contrôler les processus de fabrication et à standardiser leur production. Un phénomène renforcé par l’évolution des modes de consommation (aujourd’hui, plus de 90 % des achats de fromages se font en grande distribution) et des réglementations de plus en plus drastiques pour la sécurité sanitaire des produits.</p>
<h2>L’émergence de laits pauvres en microbes</h2>
<p>La transformation du lait en fromage reposait traditionnellement sur une fermentation spontanée par les microorganismes dits « utiles » et naturellement présents dans le lait cru. Or les immenses progrès réalisés ces dernières décennies en matière de quantité et de qualité des laits produits ont radicalement changé cette façon de procéder.</p>
<p>En élevage, par exemple, l’hygiène de la traite a amélioré la qualité microbienne des laits (moins de pathogènes contaminant la matière première). L’une des conséquences inattendues de cette évolution a résulté en un appauvrissement général de la microbiologie des laits, y compris pour les microorganismes dits « utiles ».</p>
<p>Dans les années 1980, la flore totale des laits crus était de l’ordre de 10 000 bactéries par millilitre (UFC/mL) ; en 2010, elle est tombée à 1 000 UFC/mL. On parle ici de laits « paucimicrobiens » (pauvres en microbes), nécessitant un ensemencement (c’est-à-dire un ajout exogène et massif de bactéries lactiques permettant la fermentation du lait) et cela, même pour des fabrications fromagères au lait cru.</p>
<p>En parallèle, les producteurs ont peu à peu abandonné les productions au lait cru pour des productions à base de lait pasteurisé. Toute la flore microbienne naturelle du lait se trouvant ainsi neutralisée, les risques de contamination par des bactéries pathogènes ont été grandement limités.</p>
<p>Il est alors devenu indispensable d’ensemencer ce lait avec les microorganismes (bactéries, levures et/ou moisissures) nécessaires à l’obtention d’un fromage. Ces ensemencements, réalisés grâce à des levains, sont de composition parfaitement contrôlée et diffèrent selon le type de fromage à fabriquer.</p>
<p>Les levains de Pont-l’Évêque diffèrent ainsi des levains de munster, eux-mêmes différents de ceux du comté… Une industrie connexe, celle des producteurs de levains, s’est créée, dominée aujourd’hui par quelques grands groupes internationaux tels que Chr Hansen, Danisco ou Lallemand.</p>
<p>Si les ensemencements bien contrôlés par le biais de ces levains commerciaux ont permis de nets progrès en matière sanitaire et de standardisation, ils ont aussi abouti à une uniformisation et une perte de diversité. De composition parfaitement maîtrisée, ces levains commerciaux ne contiennent qu’un petit nombre de microorganismes au regard de la diversité naturelle d’un lait cru, qui peut contenir à lui seul jusqu’à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168160514001068?via%3Dihub">36 espèces de microorganismes différentes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"967093791348920321"}"></div></p>
<h2>À la redécouverte de la microbiologie laitière</h2>
<p>On découvre chaque jour un peu plus l’importance des microbiotes. Par microbiote, on désigne l’ensemble des microorganismes associés à une niche écologique donnée : tube digestif, voies respiratoires, sol, air, aliment fermenté, lait cru…</p>
<p>Le nombre de publications scientifiques relatant la composition, la dynamique et les services rendus par ces microbiotes va croissant, témoignant des découvertes rendues possibles grâce aux évolutions technologiques en matière de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2017.01829/full">séquençage à haut débit</a>.</p>
<p>Ces techniques ont permis d’explorer des écosystèmes alimentaires : on s’est ainsi aperçu que le microbiote associé à un fromage était en réalité <a href="https://bmcgenomics.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2164-15-1101">bien plus complexe</a> que ce que les études antérieures pouvaient laisser supposer.</p>
<p>On sait désormais que pour obtenir un bon fromage, il faut bien plus que ce qu’on y « ensemence » ! Ceci n’a rien d’un secret pour les fromagers : le bon affinage d’un fromage résulte pour une grande partie de la cave d’affinage elle-même et du microbiote associé, à l’image des moisissures du Roquefort ou de la morge du Beaufort.</p>
<p>S’il est possible de produire un fromage avec seulement 2 ou 3 espèces microbiennes, ces productions très homogènes ne répondent pas (ou plus) au regain d’intérêt et à une demande des consommateurs pour des produits variés, typiques, en prise avec un terroir.</p>
<p>Après une période de perte de diversité microbienne et fromagère, les chercheurs et professionnels de la filière se sont (re)penchés sur la <a href="http://www.nrcresearchpress.com/doi/abs/10.1139/w11-050?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori%3Arid%3Acrossref.org&rfr_dat=cr_pub%3Dpubmed&#.Wo7XX2dlwrQ">microbiologie laitière</a> ; leurs travaux ont abouti à des levains fromagers enrichis de quelques espèces qui, bien que non indispensables ou minoritaires dans l’écosystème, assurent un vrai travail pour le développement de la typicité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/207765/original/file-20180225-108146-te78e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Roquefort ne serait bien fade sans sa célèbre moisissure.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/milstan/5304118608/in/photolist-95GZEQ-bJ66L8-misf5-82DJHC-72CcVS-8FPf4d-7ywWxs-dA3hf1-66UJae-6rNP8Z-72ydHB-X5T3GQ-dX9C9T-kfRmzi-4EYuZ8-6x2xDR-5P6Nht-QDdQdr-fDQbqS-egCvza-7LbDt4-39h6Zp-o33jEb-7ywWpS-Xw5bLW-7BCbGy-at9ukQ-hnwD89-drJo4e-8BWqen-nJEei-7ywWhJ-22WTYvt-7ywWif-oP9bjN-aCCN76-j9YVSv-dDQ2b5-aGLyoH-9jnhSd-9rASgT-aw4nv-4vN8mX-5Y6vwz-attcLr-7jBVi3-nqRKhh-nJEmB-B9yQmn-eLmUMe">MilStan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des banques pour les bactéries alimentaires</h2>
<p>Dans ce contexte de découverte des vertus de la diversité microbienne, les collections de microorganismes d’intérêt alimentaire jouent un rôle central. Au Centre international de ressources microbiennes de Rennes, par exemple, on collecte, on identifie, on conserve et surtout on caractérise des centaines de souches bactériennes issues d’aliments d’origine variée.</p>
<p>La finalité première de cette banque est de rendre accessible la diversité bactérienne au plus grand nombre mais aussi d’en explorer le potentiel.</p>
<p>Des travaux scientifiques menés à l’INRA à l’aide de cette banque visent à combiner de façon rationnelle (et non plus empirique) des souches en consortia (communautés de microorganismes) pour que celles-ci <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13594-015-0267-9">remplissent des fonctions utiles</a> à la technologie fromagère : développement d’une texture, d’une flaveur ou d’arômes particuliers.</p>
<p>Seule une parfaite connaissance des souches, de leur génome et de leur phénotype peut permettre <a href="https://bmcgenomics.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12864-015-1467-7">ce type d’approche</a>. Ainsi, la richesse des banques de microorganismes permet de réinjecter de la diversité et de la typicité dans les productions fromagères.</p>
<h2>Le goût et la santé</h2>
<p>En adoptant une approche similaire, il est aujourd’hui possible de construire des consortia dont les fonctions seront cette fois <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S095816691200119X?via%3Dihub">nutritionnelles</a> (par exemple la production de vitamines) ou <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/mnfr.201500580/abstract;jsessionid=52DAFD2D242F6934F00036AC52AB3E5A.f01t04">probiotiques</a> (comme l’effet anti-inflammatoire) pour des services rendus aux consommateurs allant bien au-delà du plaisir hédonique !</p>
<p>De même, la diversité microbienne pourrait être l’une des clés pour faire face à l’évolution de la démographie mondiale, à l’émergence de marchés nouveaux (Asie et Afrique) et à une demande sociétale forte pour une agriculture plus durable et limitant son impact environnemental.</p>
<p>La diversité des microorganismes peut en effet être judicieusement exploitée pour fermenter des matrices alimentaires d’origine végétale ou des mixtes animal-végétal (lait et légumineuses, par exemple). Là encore, les chercheurs puisent dans l’extraordinaire potentiel des bactéries et moisissures alimentaires pour imaginer de nouveaux produits, toujours aussi appétissants, mais avec une empreinte carbone moindre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les microorganismes sont essentiels pour apporter à certains produits alimentaires, fromages en tête, leur typicité, comme le montrent de récentes études scientifiques.Yves Le Loir, Directeur de recherche en microbiologie, InraeFlorence Valence, Responsable du Centre Ressources Biologiques dédié aux Bactéries d'Intérêt Alimentaire CIRM-BIA, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/915172018-02-12T21:24:14Z2018-02-12T21:24:14ZSortir les producteurs laitiers de l’impasse<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206045/original/file-20180212-58327-1iw2mhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/6247393183/34c3cbd1ed/">Marji Beach/Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’analyse des débats qui agitent la filière laitière donne l’impression d’un éternel recommencement : des producteurs demandant à être rémunérés à un prix juste et équitable, face à des industriels évoquant les prix du lait sur le marché mondial, la concurrence internationale et la nécessité pour les exploitations françaises de se moderniser.</p>
<p>Si la mobilisation ponctuelle des éleveurs permet parfois de rééquilibrer le rapport de force, et conduit à une revalorisation du prix du lait acheté par les coopératives ou les industriels, les solutions sont de court terme et insatisfaisantes. Ainsi, après plusieurs semaines de manifestations en 2016, des éleveurs ont-ils pu obtenir une revalorisation du prix du lait acheté par Lactalis, passant de 256 à 300 euros les 1 000 litres. Seul problème : le seuil de rentabilité pour les exploitants est estimé par la fédération nationale des producteurs de lait à 340-350 euros les 1 000 litres !</p>
<p>Les pouvoirs publics tentent de combler l’écart avec des mesures de soutien exceptionnelles qui, à force de répétition, ne le sont plus… Fin 2017, lors des <a href="https://theconversation.com/etats-generaux-de-lalimentation-chronique-dune-deception-annoncee-90977">états généraux de l’alimentation</a> voulus par le Président Emmanuel Macron, les débats ont montré que les producteurs de lait, et plus globalement les agriculteurs, attendent des pouvoirs publics qu’ils légifèrent afin d’assurer une meilleure répartition de la valeur dans la filière. Il s’agit de proposer une nouvelle forme de contractualisation, non plus à l’initiative des acheteurs mais des producteurs.</p>
<h2>Un secteur dans l’impasse</h2>
<p>Dans de nombreux secteurs, les réponses aux évolutions de l’environnement passent par des choix stratégiques combinant innovation, différenciation, intégration, recherche d’efficience. Étrangement, ces éléments sont peu présents dans le discours sur l’évolution du secteur de la production laitière. Pourquoi ? Parce que le lait peut être perçu comme une <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/matieres-premieres-fonctionnent-marches-de-commodites/00030853">commodité</a>, c’est-à-dire un produit de consommation courante, standardisé, dont les caractéristiques sont parfaitement connues des acheteurs.</p>
<p>Si l’on se penche sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167811609000858">travaux de chercheurs américains en management</a> qui ont étudié le phénomène de <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre1-2011-2-page-102.htm">commoditisation</a> (processus par lequel des produits autrefois différenciés finissent par se ressemble), on constate que le secteur du lait est devenu une commodité pour quatre raisons. Premièrement, le secteur est caractérisé par une très forte homogénéité des produits. À l’exception du lait bio ou du lait destiné à certaines AOP, la majorité du lait produit par les producteurs paraît interchangeable. Deuxièmement, comme le lait apparaît comme un produit simple, standard, interchangeable, les acheteurs se focalisent uniquement sur les prix. Les secteurs de commodité sont plus souvent caractérisés par des guerres de prix. Troisièmement, les coûts de changement de producteurs pour les acheteurs (industriels ou coopératives) sont globalement faibles même si la tendance actuelle tend à favoriser la contractualisation de long terme, rendant plus difficile le changement. Enfin, la structure et les volumes de l’offre et de la demande sont stables ; peu de nouveaux entrants viennent troubler le jeu concurrentiel.</p>
<p>L’analyse stratégique de l’environnement concurrentiel du secteur, à travers la matrice développée par le cabinet <em>Boston Consulting Group</em> dans <a href="https://books.google.fr/books?id=jtmYAwAAQBAJ&pg=PT49&dq=Boston+Consulting+Group+Strategy+in+the+1980s+(1981)&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjBrsrphKHZAhVF0xQKHXYFAMgQ6AEIKjAA#v=onepage&q=Boston%20Consulting%20Group%20Strategy%20in%20the%201980s%20(1981)&f=false">« Strategy in the 1980s »</a> (1981), permet d’assimiler le secteur du lait à un secteur en impasse, dans lequel il est extrêmement difficile d’avoir un avantage concurrentiel que ce soit sous forme de différenciation ou sous forme de domination par les coûts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205523/original/file-20180208-180821-9cpfts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différents types de secteur selon les avantages concurrentiels potentiels (d’après Lochridge, 1981).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span>
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<p>Quelles solutions peuvent être proposées pour sortir de cette impasse à l’aune de cette simple matrice ? Nous en identifions cinq. Certaines sont couramment avancées mais nous apparaissent peu efficaces, d’autres semblent plus innovantes.</p>
<h2>Quitter le secteur, mais pour quoi faire ?</h2>
<p>Une première solution consiste à sortir du secteur de la production. Chaque année, ce sont ainsi 2 000 à 3 000 exploitations qui quittent le secteur. Cette sortie peut être progressive, via une baisse de la production par exploitation. Celle-ci dernière est d’ailleurs encouragée par les pouvoirs publics. Des plans nationaux ou européens de réduction de la production laitière sont mis en place, afin d’accompagner les chefs d’exploitation dans leur reconversion et transition professionnelles. Les aides sont toutefois modestes : 3 100 euros pour une sortie volontaire et 2 500 euros pour le financement d’une formation.</p>
<p>Cette politique se heurte à l’attachement des producteurs à leur métier, à leur exploitation, à leur troupeau. Qui plus est, il est difficile pour eux de trouver de nouveaux débouchés peuvent expliquer, ce qui explique certains continuent à s’endetter pour survivre, là où les dirigeants d’autres entreprises auraient déjà arrêté leur activité. Par ailleurs, le rachat des quotas de production par les exploitants qui restent dans le secteur ne modifient pas le rapport entre offre et demande.</p>
<h2>Rééquilibrer les rapports de force : une fausse bonne idée</h2>
<p>Une autre solution couramment avancée est celle d’un rééquilibrage des rapports de force dans la filière, afin de parvenir à une meilleure répartition de la valeur entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. La mise en place des organisations de producteurs (OP), rendue possible par la loi de 2012, permet en théorie aux agriculteurs de se regrouper pour renforcer leurs positions dans les relations commerciales qu’ils entretiennent avec les acteurs économiques de l’aval de leur filière.</p>
<p>Si cette idée paraît séduisante, un bref aperçu des rapports de force tend à nuancer son efficacité. En effet, les industriels français sont des leaders mondiaux, collectant du lait et commercialisant des produits laitiers dans de nombreux pays (cinq groupes laitiers français figurent dans le top 20 mondial : Lactalis, Danone, Savencia, Sodiaal et Bel). Si le secteur des producteurs se concentre et voit l’émergence d’OP, il reste très atomisé face à un nombre très réduit de transformateurs : le rapport de force sera donc toujours déséquilibré pour la majorité des éleveurs. Seuls les producteurs présents dans les bassins en tension, comme ceux du sud-ouest ou du centre de la France, pourraient voir leur pouvoir de négociation augmenter.</p>
<h2>Faire du neuf avec de vieilles recettes</h2>
<p>Après des semaines d’échanges durant les états généraux de l’alimentation, fin 2017, quelle a été la solution principale retenue pour sortir de l’impasse ? Fixer un prix socle prenant en compte les coûts de production… Autrement dit, favoriser les ententes sur les prix sous l’égide des pouvoirs publics. S’il est difficile d’être contre l’idée d’un prix permettant aux éleveurs de vivre dignement de leur travail, la fixation collective d’un prix à partir des coûts de production pose plusieurs problèmes.</p>
<p>Tout d’abord, la structure de coûts d’une exploitation varie d’une région française à l’autre en fonction des modes d’élevage et du territoire. Quel seuil faut-il fixer ? À terme, pourquoi les industriels laitiers continueraient à investir en France pour transformer un lait acheté plus cher si des producteurs allemand, hollandais ou danois sont capables de produire à coût plus faible ? Par ailleurs, fixer un prix socle limite l’effet des incitations à la modernisation des exploitations et à l’innovation, et renforce la vision du lait comme une commodité.</p>
<h2>Étendre le modèle vertueux des AOP</h2>
<p>Une solution tentante serait de reproduire les solutions qui fonctionnent actuellement, notamment celles liées aux appellations d’origine protégée (AOP), comme le Comté ou le Beaufort par exemple. Dans ces régions, le lait n’est pas perçu comme une commodité : les producteurs répondent à un cahier des charges exigeant à la fois sur la qualité du lait et sur les conditions d’élevage, et valorisent mieux leur produit (entre 450 et 500 euros les 1 000 litres). Toutefois, la réplication du <em>business model</em> des AOP est nécessairement limitée car celui-ci repose sur des atouts de territoires spécifiques, sur des traditions et sur une longue réflexion stratégique au niveau de la filière et d’un territoire. Ce <em>business model</em> semble avant tout adapté à quelques niches économiques.</p>
<h2>Développer des <em>business models</em> innovants créateurs de valeur pour le producteur</h2>
<p>Une dernière solution encore trop peu répandue consiste à transformer son <em>business model</em> de façon plus ou moins radicale. La crise traversant le secteur laitier a fait en effet émerger ces dernières années des modèles innovants, créateurs de valeur pour les producteurs de lait, qui leur permettent de capturer une partie de cette valeur. Trois orientations se dessinent à l’heure actuelle.</p>
<p>La première vise à industrialiser à grande échelle la production. Elle est symbolisée par la ferme des 1 000 vaches dans la Somme. Au-delà de la contestation locale et nationale qu’a entraînée cette innovation, encore faut-il remarquer que ce modèle semble ne tenir que par l’adjonction d’une activité secondaire comme la méthanisation, les économies d’échelle étant somme toute réduites dans l’élevage.</p>
<p>Une deuxième orientation consiste à modifier l’offre par la mise en avant de la qualité avec différents labels (agriculture biologique, Bleu Blanc Cœur) et à établir une nouvelle relation avec les clients (développement des circuits-courts, traçabilité de l’origine du produit, stratégie de communication directe des éleveurs pour se rendre visibles et valoriser leurs savoir-faire). Le lait bio est ainsi porté par une demande croissante des consommateurs (+ 5 % par an) et une dynamique d’éleveurs en conversion (+ 10 % par an). Certains producteurs mettent également en avant leur territoire, à l’image d’éleveurs normands, qui ont lancé leur marque, « Cœur de Normandy », et se rendent sur les foires et dans les grandes surfaces pour faire la promotion de leur lait. La réussite du lait équitable « C’est qui le patron ! », qui affiche sur la brique que « ce lait rémunère au juste prix son producteur », démontre que les solutions peuvent aussi venir des consommateurs, qui ont été à l’origine de ce projet. La juste rétribution des éleveurs français peut donc devenir un argument de vente différenciant. Ces initiatives s’inscrivent clairement dans la recherche d’une spécificité visant à obtenir un prix plus juste pour les exploitants.</p>
<p>Enfin, l’innovation peut aller encore plus loin en couplant stratégie de différenciation et stratégie d’intégration d’activités réalisées traditionnellement par les transformateurs. C’est le cas de <a href="https://videos.lesechos.fr/entrepreneurs/fabrice-hegron-en-direct-des-eleveurs/lvp00r">Fabrice Hégron</a> et de ses associés, qui ont construit leur propre laiterie et lancé il y a deux ans la marque « En direct des éleveurs », proposant un lait de qualité. Labellisé « Bleu Blanc Cœur », il valorise les pratiques agricoles respectueuses : il est vendu dans un <em>packaging</em> innovant, conçu dans les pays scandinaves, qui permet une traçabilité totale en identifiant le producteur de la brique de lait via un QR code.</p>
<p>Des solutions existent donc et la crise n’est pas une fatalité. Cependant, au-delà des initiatives individuelles d’entrepreneurs, reste à savoir quels sont les modèles qu’encourageront les pouvoirs publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2014, l’actualité est rythmée par les nombreuses manifestations de producteurs de lait, illustrant la gravité de la crise que traverse ce secteur. Pourtant, des solutions existent.Benoît Demil, professeur de management stratégique, Université de Lille - initiative d'excellenceXavier Weppe, Maître de Conférences en Stratégie & Organisation, Université de Lille - initiative d'excellenceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/864522017-10-29T23:17:37Z2017-10-29T23:17:37ZComprendre la crise du beurre en quatre questions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192303/original/file-20171027-13327-1gxkpdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plaquettes de beurre découpées pour la fabrication de brioche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zigazou76/4413713162/in/photolist-7J2r9N-8BWSt6-7WekRX-5eff3M-4FiVcb-7WekmF-AQ71K-4AmqZ1-bkkYjx-5L9Fyx-bM5rdH-byaHGL-8DUWHt-9eDUAE-6vWbDf-p7wQnr-8gik4q-8rnayt-k7HGg-9q1E3a-7Xs57e-3bxcT3-9rw7gT-6bwAH-8M2naL-6MWoN4-eavUqQ-bp43CP-kKUkcY-C3s9v-6tXmpx-8rpeUR-dK1oDG-7G822L-518QN-hcuDmC-9Jcjyo-9sbyGs-APJT3-9J9hUn-Nz24An-am5sFs-aBmdRm-hcs26V-5GJDDo-dCd7uj-jPp44Z-96ehqJ-5RGUQy-96PEbb">Frédéric BISSON / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"921024615173980160"}"></div></p>
<h2>1. La pénurie de beurre est-elle saisonnière ou structurelle ?</h2>
<p>La pénurie de beurre qui touche certains magasins en France est exceptionnelle. Elle est la conséquence de plusieurs facteurs, à la fois structurels et conjoncturels. La crise du beurre n’est en effet qu’une nouvelle manifestation de la profonde crise de la filière laitière que connaît la France depuis 2009.</p>
<p>La fin des quotas laitiers européens (2015), qui permettaient de réguler à la fois les volumes et les prix a également pesé lourdement sur la santé de cette filière agricole. En France, la filière laitière présente un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros et 300 000 emplois. La France, qui compte 62 000 exploitations laitières est le 2<sup>e</sup> producteur européen derrière l’Allemagne (source : <a href="http://www.filiere-laitiere.fr/fr/chiffres-cles/filiere-laitiere-francaise-en-chiffres">Maison du Lait</a>).</p>
<p>L’an dernier, la <a href="https://theconversation.com/sept-questions-pour-comprendre-la-crise-laitiere-64505">crise laitière</a> de fin août et début septembre avait braqué les projecteurs sur les pratiques discutables des grands groupes laitiers qui récoltent et transforment les millions de litres de lait produits par nos agriculteurs. Une des raisons de la pénurie actuelle se trouve donc dans la crise de 2016, qui a débouché, in fine sur une limitation voire une baisse de la production nationale. Le cheptel français a par exemple diminué de plus de 2 % en un an (source : <a href="http://www.franceagrimer.fr/content/download/53051/511888/file/STA-LAI-Donn%C3%A9esstatistiques2016.pdf">France AgriMer</a>).</p>
<p>À cela s’ajoute une mauvaise récolte de fourrages pour l’hiver et une baisse du nombre d’exploitations laitières dû à des faillites. Moins de fermes, moins de vaches et moins d’aliments contribuent mécaniquement à limiter la production nationale de lait et donc de beurre.</p>
<p>Dans une économie mondialisée, notre problématique nationale pourrait être indolore à condition de se fournir en matière première ou en beurre auprès de nos voisins. Mais il n’en est rien car une forte demande d’autres régions du monde, notamment en Asie, oriente les grands groupes laitiers vers des marchés plus rémunérateurs que la France. Au final, le beurre qui pourrait être sur nos étals part vers les marchés les plus rémunérateurs, à l’autre bout de la planète.</p>
<h2>2. Comment évoluent les marchés mondiaux ? Les nouveaux acheteurs font-ils flamber les prix ?</h2>
<p>Ce qui semble paradoxal c’est que les marchés mondiaux sont en effet orientés à la hausse. Chaque année la demande mondiale pour le lait et les produits laitiers (beurre, crème, poudre de lait) progresse en moyenne de 2,5 % par an (source : CNIEL/FAO). On prévoit ainsi une augmentation de 22 % de la production de lait à horizon 2026 (source FAO/OCDE).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=671&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=671&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=671&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192302/original/file-20171027-13355-5usav8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=844&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mangez du beurre…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Time Magazine</span></span>
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<p>Ce sont surtout les pays asiatiques et l’Amérique du Nord qui tirent la demande de lait et de produits laitiers. Ce contexte favorable est également la conséquence d’un retour en grâce du beurre dans nos assiettes (voir la <a href="http://bit.ly/2gKv1ab">une de <em>Time</em> magazine</a> de juin 2014) dont plusieurs études scientifiques <a href="http://bit.ly/2zMZNq2">vantent ses mérites</a>.</p>
<p>L’homogénéisation des pratiques alimentaires favorise la progression de la demande de beurre dans des pays qui adoptent peu à peu les standards européens. Certains scandales sanitaires (par exemple l’affaire du <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/03/29/nouvelle-affaire-de-lait-frelate-en-chine_3150118_3216.html">lait frelaté</a> en Chine) poussent certains pays à massivement importer leur lait ou produits laitiers.</p>
<p>Dans un marché mondial, dérégulé et libéralisé, l’offre s’oriente mécaniquement vers la demande la plus forte et la plus rémunératrice comme cela est le cas actuellement. Le prix du beurre est ainsi passé sur les marchés mondiaux de 2 500 à 6 500 euros la tonne, entre mai 2016 et octobre 2017, tiré en grande partie par la demande des pays émergents.</p>
<p>Comme nos distributeurs ne souhaitent pas payer plus cher le beurre dont les prix d’achat ont été fixés en février 2017 ou bien répercuter cette hausse auprès des consommateurs, il en résulte une « évaporation » des produits laitiers vers les marchés les plus favorables et les plus profitables.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"920982620804141056"}"></div></p>
<h2>3. Quel rôle jour la grande distribution dans cette crise ? Serre-t-elle trop les marges en France ?</h2>
<p>À l’image de la plupart des filières agricoles, la grande distribution, qui ne l’oublions pas constitue le débouché principal de l’industrie laitière, joue un rôle essentiel. Les négociations sur le prix du lait et des produits laitiers se déroulent chaque année en février et les groupes de distributions n’entendent pas rogner sur leurs marges. Ils ne souhaitent pas non plus faire « exploser » le prix du beurre dans les rayons afin de respecter leur promesse de prix bas constants.</p>
<p>Dans ces conditions, pourquoi les grands groupes laitiers vendraient leurs produits au moins-disant ? Ils se tournent alors assez naturellement vers les marchés exports, plus porteurs et rémunérateurs. Sur une brique de lait vendue 1 euro, la grande distribution s’accapare une partie de la valeur (entre 20 et 30 %) et la portion congrue revient à l’exploitant laitier qui peine à survivre (seul le lait bio ou la production de fromage AOP assurent une rémunération correcte aux exploitants laitiers).</p>
<p>Dans la filière laitière, l’essentiel soit près de 40 % revient aux industriels qui transforment et valorisent le lait. Régulièrement accusée, la grande distribution, qui bénéficie d’une véritable rente due à son quasi-monopole sur la distribution de ce type de produits ne semble pas infléchir ses pratiques, qui consiste chaque année à limiter au maximum ses coûts d’achats. Les menaces de déréférencement leur permettent même de souvent négocier des baisses constantes de prix.</p>
<p>Les pratiques de la grande distribution sont par exemple au cœur des ateliers des <a href="https://www.egalimentation.gouv.fr/">États généraux de l’Alimentation</a> car il ne peut y avoir de filières agricoles durables sans rééquilibrage de la répartition de la valeur. Ainsi, la filière laitière est surtout caractérisée par une faible rémunération pour le maillon le plus fragile (l’exploitant laitier) tandis que les industriels et la grande distribution se taillent la part du lion.</p>
<p>Il est à noter que certaines initiatives récentes (exemple : la <a href="https://lamarqueduconsommateur.com/produits/lait/">marque du consommateur</a>) visent justement à mieux rémunérer les producteurs en lui accordant de façon transparente et assumée une rémunération plus importante.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192304/original/file-20171027-13367-15yeh4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Production intensive de lait.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/schweizertierschutz/27631676664/in/photolist-azt2Js-azt5SN-azsWEs-azsWWj-azqmVi-azsULL-azqq7e-azsW3h-azsYYN-azsVKN-azqmyk-azt5gy-azqp86-73f6bo-azqgP4-azsYn5-azsV3S-azqhHn-azqiyn-azqjGP-azt6aL-73b74g-azqfLT-azt1Hy-azt1rS-azqoyc-azqk3H-azqnyD-azqnRc-azqihV-azt4ZG-azqhZz-73f77L-dzfou-73f7pN-qzUkfS-gcR6C-dzhTy-gcR63-gcR75-gcR5m-2QNVvL-qzYcKg-vN6bwo-st9DxE-J6HyNm-azqkB2-azqkmM-26TFmU-dzf3L">STS Schweizer Tierschutz/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>4. Le secteur français est-il compétitif ? Correctement structuré ?</h2>
<p>La France compte en effet quelques champions (cinq groupes dans le top 25 mondial – Lactalis, Danone, Sodiaal, Savencia, Bel) intervenants sur l’ensemble des produits et des marchés. Néanmoins ces réussites économiques ne doivent pas masquer les disparités fortes existant dans la filière. La filière laitière souffre depuis de nombreuses années et la disparition des quotas laitiers, des aides associées et de la PAC n’ont fait qu’accentuer les difficultés inhérentes à cette filière.</p>
<p>L’un des problèmes majeurs est que l’amont de la filière est verrouillé pour la plupart des exploitants laitiers. Ils sont obligés de passer sous les fourches caudines des grands industriels qui leur imposent un cahier des charges et surtout des prix planchers dans le cadre de contrat pluri-annuels très contraignants. Ces grands industriels luttent ensuite chaque année auprès des grands groupes de distribution afin de se partager l’essentiel de la valeur et des marges.</p>
<p>À la différence de quelques filières (viandes, légumes, fruits) où les circuits directs prennent de l’ampleur (regroupement de producteurs, <a href="https://laruchequiditoui.fr/fr">Ruche qui dit oui</a>, etc..), les exploitants laitiers sont quasi-condamnés à se soumettre aux conditions de l’aval de la filière sous peine de ne pas avoir de récolte du lait. Alors oui, paradoxalement, la filière française est compétitive (elle affiche notamment un excèdent commercial de près de 4 milliards d’euros) mais cela se fait au détriment des plus fragiles.</p>
<p>Dans ce contexte, seuls les exploitants adoptant une autre démarche, produisant en bio ou valorisant leur lait en fromage arrivent à s’en sortir. Au final, deux tendances contraires semblent se dessiner.</p>
<p>D’un côté, des grandes exploitations laitières armées pour affronter une concurrence intense et fournissant des grands groupes industriels dont l’espace de jeu est mondial. De l’autre côté, des petites exploitations laitières, parfois axées sur les produits fermiers et favorisant la vente directe ou les circuits courts.</p>
<p>C’est peut-être dans cette <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">dualité</a> que la filière laitière française pourra trouver son équilibre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À la fois structurelle et conjoncturelle, la crise du beurre actuelle n’est qu’une nouvelle manifestation de la profonde crise de la filière laitière que connaît la France depuis 2009. Explications.Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/740542017-03-07T20:52:10Z2017-03-07T20:52:10ZAgriculture : les programmes à trous des prétendants à l’Élysée<p>L’édition 2017 du <a href="https://www.salon-agriculture.com/">Salon de l’agriculture</a> vient de fermer ses portes. Plus de 600 000 visiteurs auront défilé cette année dans les allées de « la plus grande ferme de France » et, parmi eux, nombre d’hommes politiques.</p>
<p>Le Salon est l’occasion de prendre le pouls du monde agricole, qui affiche un bulletin de santé contrasté. Car si la France est la première agriculture de l’Union européenne, de nombreux indicateurs <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">inquiètent</a>. Près de la moitié des paysans hexagonaux gagnent, par exemple, moins de 350 euros par mois d’après la <a href="http://www.msa.fr/lfr/presse/dossier-rentree-crise-agricole">MSA</a> et 2016 aura été une année noire avec plus de 730 suicides d’agriculteurs, révélant un malaise profond de la profession.</p>
<p>Le poids de l’agriculture dans l’économie française est de moins en moins important (3,7 % du PIB contre 6 % en 1980), mais ce secteur conserve une importance économique <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/tendances/video-la-france-agricole-expliquee-en-deux-minutes_317865.html">majeure</a>, faisant vivre de nombreux territoires ruraux et conservant une <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-agriculture-et-paysage-des-liens-a-geometrie-variable-54615">forte valeur symbolique</a>. La France compte aujourd’hui 1,4 million de salariés et non-salariés travaillant dans ce secteur.</p>
<p>À l’issue du Salon, que retenir des annonces et promesses des candidats à la présidentielle pour l’agriculture et les agriculteurs français ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Salon de l’agriculture : étape obligatoire pour les politiques (CNews, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Points d’accord sur les normes, les circuits courts et la PAC</h2>
<p>La plupart des candidats s’accordent sur le trop grand nombre de <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/02/26/31003-20160226ARTFIG00356-tyrannie-des-normes-les-agriculteurs-disent-foutez-nous-la-paix.php">normes</a> dans le secteur. L’agriculture est en effet l’une des activités les plus encadrées et les plus réglementées par des normes à la fois européennes, nationales, voire locales. Ces dernières génèrent un mille-feuille réglementaire qui complique la tâche des agriculteurs, certains paysans devant passer beaucoup de temps à remplir des déclarations ou des dossiers de subventions.</p>
<p>François Fillon propose ainsi de simplifier ce système en faisant de l’<a href="https://www.fillon2017.fr/wp-content/uploads/2016/09/D10675-AGRICULTURE-12-PAGES-A4.pdf">agriculteur un entrepreneur à part entière</a>, pour éviter le « carcan des normes ». Marine Le Pen souhaite également une simplification (<a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">proposition 128 de son programme</a>) ; quant à Emmanuel Macron, il propose un <a href="http://www.lafranceagricole.fr/actualites/gestion-et-droit/presidentielle-macron-expose-son-programme-agricole-1,1,99787849.html">droit à l’erreur</a>, évitant à l’agriculteur d’être sanctionné par l’administration dès la première erreur. À gauche, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ne donnent pas d’indications à ce sujet.</p>
<p>Autre point de convergence : le soutien aux <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/crise-des-eleveurs/agriculteurs-le-circuit-court-une-solution-a-la-crise_1338065.html">circuits courts</a>, pour faciliter le contact et les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-une-question-de-positionnement-strategique-54364">échanges directs</a> entre producteurs et consommateurs, mais aussi « contourner » l’ultra-domination de la grande distribution dans les filières agricoles.</p>
<p>Marine Le Pen entend ainsi les soutenir par le biais de la commande publique ; Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron souhaitent l’imposer dans la restauration collective (scolaire notamment). Benoît Hamon l’associe quant à lui à la notion d’autonomie alimentaire.</p>
<p>Dernier point de convergence : le souhait de voir évoluer, plus ou moins drastiquement, la Politique agricole commune (PAC). Marine Le Pen veut la transformer en « Politique agricole française ». Benoît Hamon souhaite la « verdir » en réorientant une partie des sommes (400 millions d’euros) vers l’agro-écologie et l’agriculture bio. Jean-Luc Mélenchon souhaite une refonte ; enfin, François Fillon et Emmanuel Macron, souhaite plutôt l’infléchir autour de la gestion des risques pour le premier et d’un mécanisme de garantie des prix ou du chiffre d’affaires pour le second.</p>
<h2>Leurs solutions au malaise agricole</h2>
<p>Si le constat du désarroi profond des agriculteurs est largement partagé par les principaux candidats à la présidentielle, leurs solutions pour y remédier divergent.</p>
<p>Pour Marine Le Pen, il s’agit d’adopter la préférence nationale en soutenant les produits agricoles français <a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">par la commande publique</a>. Du côté de François Fillon, on insiste plutôt sur l’amélioration du pouvoir de négociation des agriculteurs en s’appuyant sur différentes propositions touchant les étapes de la filière agricole : renforcement des organisations de producteurs, encadrement des produits d’appel et des négociations avec la grande distribution, renforcement des circuits courts. Ce dernier avance également des propositions visant à renforcer la transparence des prix et des provenances. Le programme de François Fillon vise à jouer par petites touches sur les différents stades des filières agricoles.</p>
<p>Du côté d’Emmanuel Macron, on évoque le renforcement des organisations de producteurs (OP), mais également un programme d’investissement sur 5 ans. Sa proposition la plus innovante, annoncée lors du Salon, aura été de suggérer l’organisation d’un Grenelle de l’alimentation mettant aux prises les différents acteurs des filières agricoles et agro-alimentaires.</p>
<p>Benoît Hamon évoque certes les <a href="https://Twitter.com/benoithamon/status/837252616421801984/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw">problématiques de filière</a>, mais présente surtout les propositions les plus « vertes » afin de soutenir les filières agricoles : « verdir » la PAC (400 millions d’euros réservés aux agriculteurs adoptant l’agro-écologie) ; favoriser les reprises et installations bio et agro-écologiques ainsi que les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-urbaine-quest-ce-que-cest-55900">cultures maraîchères aux abords des villes</a> ; établir un plan d’investissement de 5 milliards pour soutenir les circuits courts, l’agro-écologie et l’agriculture bio.</p>
<p>Sur le plan de la santé publique, François Fillon se prononce pour la suppression du <a href="https://www.fillon2017.fr/projet/agriculture/">principe de précaution</a> en matière agricole et un soutien aux technologies agricoles telles que les OGM ou les manipulations génétiques, tandis que d’autres candidats y semblent nettement opposés comme Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen. Concernant l’agriculture biologique, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon soutiennent fortement ce secteur alors que Marine Le Pen ne l’évoque même pas.</p>
<h2>Ce qu’ils ont oublié</h2>
<p>Tous les candidats font – délibérément ? – l’impasse sur des réformes aussi essentielles que polémiques :</p>
<ul>
<li><strong>Réformer en profondeur les filières agricoles</strong> pour une meilleure répartition de la valeur. Ainsi, dans la filière lait, sur une brique vendue environ 1 euro en grande surface, seulement 27 centimes revient à l’agriculteur alors que celui-ci supporte l’essentiel des risques et des investissements. <a href="https://theconversation.com/sept-questions-pour-comprendre-la-crise-laitiere-64505">La crise laitière</a> de 2016 a montré que ce prix se situait largement en dessous des coûts de production. Il en est ainsi dans la plupart des filières agricoles.</li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">« Envoyé spécial » : éleveurs laitiers, ils produisent pour du beurre (Guillaume Cahour, 2017).</span></figcaption>
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<p>Deux raisons essentielles expliquent ce décrochage. Il y a d’une part l’indexation sur des cours mondiaux, alors que les coûts de production d’autres pays sont inférieurs. On note d’autre part un très fort déséquilibre du rapport de forces entre les différents acteurs des filières agricoles. Les industriels et la grande distribution disposent de pouvoirs de négociation bien supérieurs à ceux des producteurs, même réunis en OP ou en coopérative. Dès lors, ils peuvent « imposer » à leur guise une baisse continue des prix, fragilisant en amont des filières agricoles.</p>
<p>Sur ce point, bien peu de candidats dévoilent leur plan. Tout au plus certains (Fillon, Macron, Melenchon) évoquent le souhait de rééquilibrer les négociations et les rapports de forces entre agriculteurs, industriels et grande distribution.</p>
<ul>
<li><strong>Réguler les prix et les cours</strong>. Cette question constitue un véritable serpent de mer. La fin de la PAC et la libéralisation des marchés agricoles a exposé les agriculteurs à la volatilité des prix, alors que leurs coûts et leurs marges ne sont pas élastiques. Nombre de paysans se retrouvent en difficulté, n’ayant pas les moyens ni les outils de faire face à cette volatilité. Seuls François Fillon et Emmanuel Macron semblent faire des propositions en ce sens. Le premier évoque la question de l’intégration de la gestion des risques dans la PAC. Le second souhaite instaurer une garantie sur les prix ou le chiffre d’affaires des agriculteurs.</li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">Intervention du député européen Michel Dantin au sujet de la volatilité des prix sur les marchés agricoles (Michel Dantin, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li>*<em>Réformer les chambres d’agricultures, le <a href="http://www.safer.fr/missions-safer.asp">SAFER</a> et les <a href="http://www.terresdeurope.net/CDOA.asp">CDOA</a> *</em>. Une large partie du monde agricole est impactée par ces trois institutions qui régulent des pans entiers de l’activité des agriculteurs. Benoît Hamon est le seul candidat à avoir pointé du doigt ces institutions, très mal connues du grand public, qui possèdent une influence déterminante dans l’activité des paysans et le devenir de leurs exploitations. Une réforme de ces institutions est pourtant nécessaire tant elles sont gangrénées par les luttes de pouvoir, notamment syndicales, et les intérêts partisans.</li>
</ul>
<h2>La financiarisation rampante de l’agriculture</h2>
<p>Un dernier point omis des candidats concerne la nécessaire limitation de la spéculation foncière et l’accaparement des terres agricoles. Un drame silencieux est en train de se jouer dans les campagnes françaises : de nombreux investisseurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kEPFmRiDdYA">français comme étrangers</a>, investissent en <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Economie-social/n/Contenus/Articles/2017/01/25/La-Touraine-menacee-par-la-speculation-fonciere-2979511">rachetant des terres agricoles</a>, non pour les exploiter mais pour seulement investir sur du foncier ou profiter de déductions fiscales. L’irruption de ces nouveaux acteurs pousse mécaniquement la valeur des terres agricoles à la hausse. De plus, les agriculteurs sont peu à peu privés des terres supplémentaires, ce qui les conduit à acheter plus de matières premières et les empêche de bénéficier des subventions conditionnées aux surfaces exploitées.</p>
<p>Il s’agit là d’une financiarisation rampante de l’agriculture. Le modèle, parfois idéalisé, de la petite exploitation familiale est clairement en voie de disparition tandis que se profile la montée en puissance d’entreprises agricoles exploitant les terres comme elles pourraient exploiter d’autres actifs financiers. Il s’agit, d’une manière plus globale, de ne pas laisser se développer une agriculture à plusieurs vitesses, laissant de côté des centaines d’exploitations n’ayant pas eu les moyens ou l’opportunité de réaliser les mutations nécessaires.</p>
<p>Bien évidemment, la liste des questions non abordées par les candidats n’est pas exhaustive, tant les chantiers agricoles sont nombreux et variés. Passé l’emballement « médiatique » du Salon de l’agriculture, il reste cependant aux futurs responsables politiques à s’atteler à construire une véritable politique agricole, respectueuse de la <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">diversité de ses modèles économiques</a> et soucieuse d’inscrire durablement l’agriculture française dans une dynamique à la fois performante et durable. Ce n’est pas le moindre des défis qui attend le (la) futur(e) président(e) de la République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p>Réforme des filières et des institutions agricoles, régulation des prix et limitation de la spéculation financière : les candidats ont pour l’instant fait l’impasse sur ces dossiers essentiels.Bertrand Valiorgue, Maître de conférences en stratégie et gouvernance des entreprises - Ecole Universitaire de Management de Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/684432016-11-15T22:18:54Z2016-11-15T22:18:54Z« C’est qui le patron ?! » : une initiative solidaire pour dépasser les dogmes du marché<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146027/original/image-20161115-31144-1w9n6wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après le lait, bientôt des pizzas équitables. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://lamarqueduconsommateur.com/notre-pizza/">lamarqueduconsommateur.com</a></span></figcaption></figure><p>L’économie ne se résume pas, comme l’ont souligné <a href="https://regulation.revues.org/9439">Karl Polanyi</a> et <a href="http://www.revue-interrogations.org/Fernand-Braudel-La-dynamique-du">Fernand Braudel</a>, à une économie de marché : il y a aussi une économie publique et une économie propre à la société civile. En cette période de crise, où l’efficacité du marché et de l’État sont remis en cause, fleurissent de nombreuses initiatives solidaires. </p>
<p>On peut définir ces dernières comme des projets collectifs menés par la société civile en vue de démocratiser l’économie ; on pense ici aux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=CpbVss8hXB0">monnaies sociales</a>, aux systèmes d’échanges locaux, aux épiceries solidaires ou encore aux crèches parentales. </p>
<p>Parmi ces initiatives solidaires, <a href="https://lamarqueduconsommateur.com/">« C’est qui le patron ?! la marque du consommateur »</a> constitue un exemple concret de modes de régulation de l’offre et de la demande alternatifs. </p>
<h2>Au départ, la crise du lait</h2>
<p>Cette initiative prend sa source dans <a href="http://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0211219944762-les-quatres-sources-qui-expliquent-la-crise-du-lait-2022273.php">la crise du marché laitier</a> où des oligopoles achètent la matière première à un prix ne permettant pas toujours de couvrir les coûts de production ; une situation qui pousse à un élevage industriel peu en phase avec les exigences des consommateurs en matière de qualité des produits. </p>
<p>Pour assurer une rémunération satisfaisante aux agriculteurs et offrir un produit de qualité aux acheteurs, l’association de consommateurs antigaspillage <a href="http://www.lesgueulescassees.org/l-initiative">« Gueules cassées »</a> a lancé, avec l’aide de Laurent Pasquier à l’origine du site <a href="http://www.mesgouts.fr/#">Mesgoûts.fr</a>, un projet participatif innovant. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jxtppkAqFNE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des producteurs de lait en grande difficulté (France 3, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’idée est la suivante : le consommateur décide du prix et des conditions de production des biens qu’il achète, tandis que les producteurs s’associent collectivement pour répondre à un cahier des charges précis et contraignant, mais qui leur permet de bénéficier d’un prix plus élevé que celui du marché. Concrètement, ce jeu gagnant/gagnant – que l’on retrouve aussi dans le commerce équitable – passe par la création d’une instance de médiation (la marque de consommateurs) qui se charge à la fois de récolter les attentes des consom’acteurs, de faciliter l’organisation collective des agriculteurs et de trouver un distributeur (en l’occurrence Carrefour). </p>
<p>Pour connaître l’avis des consommateurs, la marque a utilisé <a href="https://lamarqueduconsommateur.com/">un site Internet dédié</a> qui permet grâce à un questionnaire de définir le produit souhaité tout en ayant connaissance du coût engendré par ce souhait. Prenons un exemple : pour un prix de base établi à 0,69 euros, le prix passe à 0,78 si le consommateur coche la case « rémunération permettant au producteur de se faire remplacer pour partir en vacances » et grimpe à 0,99 si l’on souhaite un produit garanti sans OGM avec des vaches passant plus de trois mois dans les près, nourries avec du fourrage local, etc. Ce prix de 0,99 euros n’est donc pas fixé <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/capitalisme-qui-manipule-la-main-invisible">par les mystères de « la main invisible »</a>, mais résulte d’un dispositif institutionnel recueillant les attentes des citoyens. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"796746921671016448"}"></div></p>
<p>Défini de manière participative, ce prix, bien que plus élevé, est compris et donc accepté par les consommateurs. Il permet d’autre part aux producteurs d’obtenir une rémunération autour de 39 centimes de litre alors que <a href="http://www.france24.com/fr/20160830-crise-lait-accord-producteurs-lactalis-geant-laitier-agriculteurs">l’accord signé</a> de haute lutte cet été avec l’industriel Lactalis proposait un prix de 27,5 centimes en moyenne sur 2016.</p>
<h2>Associer les différents acteurs</h2>
<p>Si cette marque est novatrice par son dispositif, elle s’inscrit dans la même volonté d’associer producteurs et consommateurs en vue d’obtenir un avantage mutuel supérieur à ce qu’offre les arbitrages de marché, que l’on retrouve dans les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne <a href="http://www.reseau-amap.org/">(AMAP)</a>. </p>
<p>Pour un développement durable qui satisfasse la planète, les offreurs et les demandeurs, le meilleur facteur d’allocation des ressources n’est donc pas l’ajustement dépersonnalisé de marché, mais la création d’une médiation favorisant une information et une prise de décision collective. Pour le dire autrement, les valeurs d’un produit ne se mesurent pas uniquement par la rentabilité économique, mais par les attentes sociétales des acteurs. </p>
<p>Mais comment connaître et concilier ces attentes très diverses ? </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146034/original/image-20161115-31148-1ce0m67.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trouver le juste prix.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Site Internet lamarqueduconsommateur.com</span></span>
</figcaption>
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<p>La marque du consommateur offre une première réponse avec la mise en place d’un dispositif technique (le site internet) permettant de recueillir les informations sur les caractéristiques (économiques, écologiques et sociales) de la demande.
Puis vient l’organisation sous forme de coopérative de petits producteurs répondant au cahier des charges résultant du dispositif technique. Enfin, la distribution du produit comporte un emballage qui informe les consommateurs de la démarche. </p>
<p>Cette façon de procéder n’est pas très éloignée des études de marché classiques proposées par le marketing. Elle s’en distingue toutefois par deux aspects. </p>
<p>Il s’agit, premièrement, d’une initiative de la société civile qui vise moins l’intérêt individuel que le bien-être général. Soulignons ensuite que les porteurs de ce projet envisagent de se regrouper en une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Or une telle structure permet d’associer à la décision consommateurs et producteurs, offrant ainsi la possibilité de compléter le dispositif technique d’expression de la demande par une délibération interne (à la marque consommateur) ; une démocratisation du système est ainsi possible. </p>
<h2>Passer du libéralisme au délibéralisme</h2>
<p>Pour l’instant, cette initiative salutaire est l’œuvre d’un collectif qui a fixé seul le prix de départ. Il est désormais souhaitable, dans une perspective de démocratisation de l’économie, d’aller plus loin en établissant un processus délibératif (et non plus seulement agrégatif) en amont (débat sur l’élaboration des questions et des barèmes tarifaires) et en aval (discussions contradictoires sur le choix des régions testes, des distributeurs…). </p>
<p>Une telle démarche délibérative n’est pas seulement un plus démocratique ; c'est un garde-fou nécessaire. En effet, en organisant un débat contradictoire – notamment sur le prix, les conditions de production, la qualité, les contraintes de distribution – la délibération participe à l’information et à la prise de conscience des enjeux ; elle permet ainsi de continuer à discuter des valeurs du projet et de les garder en ligne de mire. Elle seule peut permettre de lutter durablement contre la récupération et le dévoiement toujours possible du projet, comme l’a illustré par le passé la grande distribution en abaissant les standards du bio et <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/le-veritable-defi-du-commerce-equitable_889607.html">du commerce équitable</a>. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZBVNEA3YpxE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« La face cachée du bio low cost », un film d’Éric Wastiaux (Documentaire HDTV, 2016).</span></figcaption>
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<p>Sur le plan théorique, cette initiative solidaire est un exemple concret de l’innovation économique portée par la société civile. Même dans une société globalisée, dominée par les arbitrages financiers, les citoyens peuvent avoir une influence sur l’économie. </p>
<p>Car cette dernière n’échappe pas à la volonté des acteurs : il s’agit d’un système de rapports sociaux où se confrontent des acteurs divers ayant des intérêts individuels et ou collectifs divergents. Et la meilleure façon de concilier ces antagonismes n’est pas de les nier par un régime de justification libéral qui laisse les forces oligopolistiques du marché dicter leurs lois aux dépens de l’intérêt général. </p>
<p>Or en démocratie, l’intérêt général est déterminé par la délibération collective, c’est-à-dire par la confrontation égalitaire, dans l’espace public, d’opinions différentes conduisant à l’adoption d’une norme commune qui peut, à tout moment, être remise en cause. Cette délibération démocratique, bien que minoritaire, existe dans l’économie contemporaine à travers certaines initiatives solidaires qui créent des « espaces publics de proximités » favorables à une régulation citoyenne, à l’image des <a href="http://www.regiedequartier.org/">régies de quartiers</a>, <a href="http://www.accorderie.fr/">accorderies</a> ou <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-mon-boulot/l-impressionnante-montee-des-tiers-lieux-ces-nouveaux-espaces-de-travail_1786059.html">tiers lieux</a>. </p>
<p>Et il s’agit pour nous, chercheurs, de théoriser à partir de ces expériences concrètes un nouveau paradigme économique, pour penser l’économie comme une science sociale inscrite dans la société démocratique et non plus comme une science formelle régissant une sphère autonome échappant à la régulation politique. En d’autres mots, sortir du libéralisme pour <a href="https://theconversation.com/economie-solidaire-et-deliberalisme-un-nouveau-regard-sur-leconomie-50616">entrer dans le délibéralisme</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68443/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Même dans une société dominée par les arbitrages financiers, les citoyens peuvent avoir une influence sur l’économie. La preuve avec le succès de la marque « C’est qui le patron ?! ».Daniel Goujon, Maître de conférences en sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneÉric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.