tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/monsanto-21515/articlesMonsanto – The Conversation2019-04-28T20:07:06Ztag:theconversation.com,2011:article/1146812019-04-28T20:07:06Z2019-04-28T20:07:06ZStart-up de la viande artificielle, futurs Monsanto-Bayer de l’agriculture cellulaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267405/original/file-20190403-177199-aot9be.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C3%2C1173%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aleph Farms est l’une des start-up en pointe en matière de viande in vitro.</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleph Farms</span></span></figcaption></figure><p>Déjà six ans que Mark Post, professeur hollandais en physiologie, présentait lors d’une dégustation aux airs de show américain, son premier « steak in vitro ». L’utopie alimentaire d’un bœuf sans bœuf devenait alors réalité, matérialisée sous la forme d’un drôle d’amas de fibres musculaires coloré au jus de betterave, conçu en laboratoire à partir de cellules animales. En apparence proche d’un steak haché classique, la fabrication de cette pièce de viande avait tout de même nécessité 250 000 euros.</p>
<p>Obtenir de la viande sans abattre d’animaux ne relève donc plus de la science-fiction. Et le secteur fait l’objet d’investissements massifs, notamment de la part de personnalités médiatiques et fortunées, comme les hommes d’affaire Richard Branson et Bill Gates ou l’acteur Leonardo DiCaprio.</p>
<p>Des start-up américaines, israéliennes et européennes – comme Memphis Meats, Just, Aleph Farms, SuperMeat, Future Meat Technologies, et Mosa Meat – tiennent le haut du pavé sur ce marché émergent, dans un contexte où les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/02/l-appel-des-500-pour-un-lundi-vert-nous-nous-engageons-a-remplacer-la-viande-et-le-poisson-chaque-lundi_5404460_3232.html">appels</a> à réduire sa consommation de viande, notamment pour des raisons environnementales, se multiplient.</p>
<h2>Gestation en laboratoire</h2>
<p>À la suite de sa première présentation remarquée, le professeur Mark Post a co-créé Mosa Meat : cette start-up néerlandaise dédiée à la viande de culture affirme aujourd’hui être en phase d’industrialisation et ambitionne de produire des hamburgers en laboratoire pour un coût unitaire de près de 10 euros ; la première mise en vente grand public est prévue pour 2021. L’objectif à terme est d’être moins cher que la viande traditionnelle. En attendant, les start-up promettent que d’ici 2020, manger un steak made in laboratoire sera une expérience culinaire proposée par des restaurants gastronomiques à des prix extrêmement élevés mais toutefois vendables.</p>
<p>Comment parvient-on à un tel résultat sans tuer d’animaux ? Chez Mosa Meat, la fabrication comprend <a href="https://www.futurefood.org/in-vitro-meat/index_en.php">trois grandes phases</a> : le processus commence par un prélèvement de cellules souches sur le muscle d’un animal – une vache, par exemple, si l’objectif est de fabriquer du bœuf. Les cellules souches étant celles qui, dans le corps, créent un nouveau tissu musculaire lorsque le muscle est blessé. C’est cette propriété qui est utilisée dans la production de viande en laboratoire.</p>
<p>Les cellules sont placées dans un environnement propice à leur prolifération puis se différencient en cellules musculaires lorsque l’on arrête notamment de leur fournir des nutriments. Celles-ci forment alors une fibre musculaire appelée « myotube » qui ne dépasse pas les 0,3 mm de long.</p>
<p>Placés dans un gel, ces <a href="https://vimeo.com/272116550">myotubes</a> prennent progressivement du volume pour devenir un petit morceau de tissu musculaire. Les processus de fabrication peuvent varier selon les entreprises, mais aussi selon le type de viande (bœuf, poulet et porc principalement). On compte en moyenne <a href="https://drive.google.com/open?id=1XUZwh8E3jiNRo5iUH6CLPpbNg9AAZb-U">44 jours</a> pour ce processus. En comparaison, une vache est généralement abattue après quelques années de vie pour sa viande.</p>
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<span class="caption">Mark Post a présenté le premier steak in vitro en 2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mosa Meat</span></span>
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<h2>Industrie disruptive</h2>
<p>Richard Branson affirme que d’ici une trentaine d’années on ne tuera plus d’animaux pour leur viande. La viande de culture serait ainsi l’unique <a href="https://www.virgin.com/richard-branson/clean-meat-future-meat">futur de la viande</a>. Bill Gates a, quant à lui, désigné la viande de culture comme l’une des principales <a href="https://www.technologyreview.com/lists/technologies/2019/">technologies de rupture de 2019</a>.</p>
<p>Les acteurs du secteur de la viande traditionnelle ne s’y trompent pas : Bell Food Group, l’un des principaux producteurs européens de viande, et les géants américains Tyson Foods et Cargill, ont tous investi des millions dans des start-up de la viande de culture. Ils misent sur le potentiel hautement disruptif de cette industrie émergente, qui pourrait écarter tout simplement les éleveurs du processus de production de la viande.</p>
<p>Cette industrie n’est pourtant pas tout à fait au point, puisqu’elle exige d’abord un passage à l’échelle du processus de production : aucune des start-up n’affirme aujourd’hui posséder les solutions aux défis posés. Elles ne sont, par exemple, pas encore parvenu à s’affranchir du sérum de veau fœtal et d’autres molécules d’origine animale indispensables à l’élaboration de la viande artificielle.</p>
<h2>Derniers obstacles à franchir</h2>
<p>Le sérum de veau fœtal s’obtient à partir du sang des fœtus retirés aux vaches gestantes au moment de l’abattage. Cet élixir onéreux, représentant environ 80 % du coût de production de la viande artificielle, requiert pour le prélever de continuer à abattre presque autant de vaches qu’aujourd’hui. Et il posera sans doute problème au consommateur comme le pressent le <a href="https://www.fooddive.com/news/the-3-things-in-lab-grown-meats-way-to-industry-transformation/528017/">PDG de Mosa Meat</a> qui affirme que son entreprise n’ira pas sur le marché avec un produit en contenant.</p>
<p>Il existe bien une version synthétique de ce sérum, mais les facteurs de croissance qu’on y trouve demeurent extrêmement coûteux. Ils ne sont actuellement produits et utilisés qu’en très petites quantités, pour la recherche scientifique.</p>
<p>Un autre défi concerne la capacité à produire de véritables pièces de boucher et pas seulement de la viande hachée. Enfin, les cellules souches posent aussi problème, car elles ne se reproduisent pas indéfiniment. Certaines start-up explorent ainsi la voie de la <a href="https://www.businessinsider.fr/us/silicon-valley-start-up-using-crispr-chicken-beef-memphis-meats-new-age-meats-2019-3">modification génétique</a>, ce qui rendrait cette viande de culture « OGM ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267401/original/file-20190403-177171-pqcvol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tartare in vitro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mosa Meat</span></span>
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<h2>Un impact environnemental sujet à controverse</h2>
<p>Dans cette entreprise d’incursion sur le marché de la viande, les producteurs et les lobbys de la viande in vitro – comme le Good Food Institute, une ONG dans laquelle a investi Y Combinator, le célèbre accélérateur de start-up américain (Airbnb, Reddit, Dropbox, etc.) – font valoir une série d’arguments pour défendre la nécessité de cette innovation.</p>
<p>L’un des principaux ? La cause environnementale. Le steak de culture constituerait une alternative beaucoup moins polluante. <a href="https://www.mosameat.com/technology">Selon Mosa Meat</a>, un échantillon de cellules prélevé sur une vache permettrait ainsi de produire 80 000 pièces de viande. Avec l’<a href="https://www.la-viande.fr/economie-metiers/economie/chiffres-cles-viande-bovine/rendement-type-vache-allaitante">élevage actuel</a>, il faudrait près de 34 vaches.</p>
<p>De fait, la <a href="http://www.europarl.europa.eu/climatechange/doc/FAO%20report%20executive%20summary.pdf">production de viande</a> telle que nous la connaissons aujourd’hui est l’une des activités humaines les plus polluantes et captatrices de ressources. Sans parler des questions éthiques qu’elle soulève autour de la <a href="https://www.30millionsdamis.fr/la-fondation/nos-combats/elevage-des-animaux/">maltraitance animale</a> dans la filière de l’élevage.</p>
<p>La viande in vitro serait donc la solution idéale, selon ses promoteurs qui tentent d’imposer la dénomination de « viande propre » pour décrire cette nouvelle industrie.</p>
<p>Les bienfaits environnementaux de cette alternative sont pourtant loin de faire l’unanimité. L’étude réalisée par des chercheurs des Universités d’Oxford et d’Amsterdam, qui annonçait en 2011 une réduction spectaculaire de l’<a href="https://www.new-harvest.org/environmental_impacts_of_cultured_meat">impact environnemental</a>, a par la suite été vivement critiquée, en particulier sur les valeurs de certains paramètres.</p>
<p>Comment peut-on raisonnablement estimer la consommation électrique des usines géantes de viande de culture alors qu’il n’en existe aucune aujourd’hui et que le processus de production à l’échelle est inconnu ? Certains des résultats de cette étude ont depuis été <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.5b01614">revus à la baisse</a>. De son côté, le Forum économique mondial (forum de Davos) a affirmé début 2019 que les émissions de la viande de culture ne seraient qu’environ <a href="http://www3.weforum.org/docs/WEF_White_Paper_Alternative_Proteins.pdf">7 % moindre</a> que celles de la production de bœuf actuelle. Et une nouvelle étude <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2019.00005/full">publiée en février</a> assure pour sa part qu’à long terme, cette industrie émergente pourrait être plus polluante encore que l’élevage actuel.</p>
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<span class="caption">Le coût de production du premier steak in vitro s’élevait à 250 000 dollars.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mosameat.com/press-kit">Mosa Meat.</a></span>
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<h2>Une viande « propre », vraiment ?</h2>
<p>L’autre grand argument avancé par les promoteurs de la viande de laboratoire concerne la santé : elle ne contiendrait pas de résidus d’antibiotiques et ne présenterait pas de risques de contaminations bactériologiques qui accompagnent la viande d’abattage.</p>
<p>Pourtant, la « propreté » de la viande artificielle est largement remise en question. Le fameux sérum nutritif évoqué précédemment est composé de facteurs de croissance, de nutriments énergétiques, d’acides aminés, d’hormones ainsi que d’antibiotiques et d’antifongiques. Le matériau d’échafaudage nécessaire à sa production contient quant à lui du collagène et de la gélatine.</p>
<p>L’industrialisation de la production pourrait par ailleurs impliquer une entrée d’agents pathogènes comme la listeria. Des scientifiques notent en effet que les protocoles nécessaires à la production de volumes commerciaux seraient supérieurs à ceux nécessités dans l’industrie pharmaceutique. La culture cellulaire à cette échelle fait peser de sérieux risques de contaminations croisées.</p>
<h2>Géants de l’agriculture cellulaire</h2>
<p>Une question demeure : dans le contexte d’une augmentation de la population mondiale et de l’urgence climatique, comment satisfaire l’appétence, qui ne faiblit pas, de l’homme pour la viande ? L’industrie émergente de la viande artificielle viendra sans doute compléter l’offre existante, entre viande traditionnelle et <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/24646/reader/reader.html#!preferred/1/package/24646/pub/35480/page/16">viande végétale</a>.</p>
<p>Cependant, elle ne cache pas son ambition de rendre obsolète l’industrie de la viande traditionnelle et de s’emparer ainsi d’un marché mondial de 180 milliards d’euros annuels. Les futurs géants de l’agriculture cellulaire seront sans doute des start-up adossées à des industriels de la viande, en partenariat avec de grands groupes pharmaceutiques pour qui ce marché constitue une extension de leur chaîne de valeur puisqu’ils produisent le milieu de culture nécessaire à l’élaboration de cette viande.</p>
<p>En tentant de breveter la viande de demain et de s’associer à l’industrie pharmaceutique, ces nouveaux acteurs de l’agriculture cellulaire ne prendraient-ils pas de la graine de leurs aînés, géants de l’agriculture industrielle, qui ont breveté des semences et se sont associés à l’industrie chimique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114681/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrine Ben-Hafaïedh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses start-up se lancent à l’assaut de la « viande in vitro », et les investisseurs se jettent dessus. Une industrie qui pourrait révolutionner le monde de la viande… mais à quel prix ?Cyrine Ben-Hafaïedh, Enseignant-chercheur en Entrepreneuriat, Innovation et Stratégie, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103662019-02-01T01:05:40Z2019-02-01T01:05:40ZFin des pesticides pour les particuliers, misez sur la biodiversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255859/original/file-20190128-108351-tk2rd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C212%2C5465%2C3076&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le 1er janvier, les jardiniers amateurs et les particuliers ne peuvent plus se procurer des pesticides de synthèse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/gardener-tending-garden-356080496">Image Conscious/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier, les jardiniers amateurs français n’ont plus le droit de <a href="https://jardinage.lemonde.fr/article-222-vente-pesticides-particuliers-interdite-1er-janvier-2019.html">se procurer</a>, d’utiliser ou de stocker des produits à base de pesticides de synthèse, tels que le Roundup de Monsanto.</p>
<p>Les ravageurs combattus par les pesticides ne comptent pas pour autant déserter nos potagers. Dès lors, comment protéger nos plantations ? En recherchant sur Google des solutions pour « jardiner sans pesticides », on retrouve souvent l’idée selon laquelle diversifier les plantes composant un jardin constituerait une arme efficace contre les ravageurs. Qu’en est-il réellement ?</p>
<p>Les ravageurs désignent les insectes herbivores nuisibles pour l’agriculteur, le jardinier ou l’heureux propriétaire d’une terrasse fleurie ; en s’alimentant sur les plantes – sans les tuer, ce ne sont pas des prédateurs – ils compromettent la production ou la conservation de denrées alimentaires, ou altèrent l’esthétique des plantes d’ornement. Le <a href="https://www.animateur-nature.com/telechargements/animaux/doryphore.pdf">doryphore</a>, insecte de la famille des coléoptères, est par exemple l’un des pires ennemis de la pomme de terre. De son côté, la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Mineuse_du_marronnier">mineuse du marronnier</a>, chenille ravageuse, donne une teinte brune aux feuilles de marronnier dès le début de l’été, leur donnant l’air moribond.</p>
<h2>Des ravageurs aux goûts sélectifs</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La piéride du chou est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’à la famille de plantes incluant le chou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=pi%C3%A9ride+du+chou&title=Special:Search&profile=advanced&fulltext=1&advancedSearch-current=%7B%22namespaces%22%3A%5B0%2C6%2C14%5D%7D&ns0=1&ns6=1&ns14=1&searchToken=3pusn5fg5b5vcpeufkqdwvbv8#%2Fmedia%2FFile%3APi%C3%A9ride_du_chou_%2816788102074%29.jpg">Maxime Raynal/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Tous les herbivores n’attaquent pas toutes les plantes, et toutes les plantes ne subissent pas les assauts de tous les herbivores. Ces interactions dépendent des espèces des unes et des autres.</p>
<p>Les écologues distinguent les <a href="https://books.google.fr/books?id=gO4WDQAAQBAJ&pg=PA163&lpg=PA163&dq=herbivore+generaliste+specialiste&source=bl&ots=FtK6CefVMC&sig=ACfU3U00VZ5z5vdWvk0P67z1C_RiRhVZBA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiw1rOmmpHgAhU6AmMBHXBhCdcQ6AEwBHoECAUQAQ#v=onepage&q=herbivore%20generaliste%20specialiste&f=false">espèces spécialistes, des espèces généralistes</a>. Les herbivores dits « spécialistes » ne sont capables de s’attaquer qu’à un petit nombre de plantes de la même famille. La piéride du chou, par exemple, est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’aux Brassicacées, la famille de plantes incluant le chou.</p>
<p>À l’inverse, la chenille du papillon dite « noctuelle méditerranéenne » peut s’alimenter sur une gamme de plantes beaucoup plus large, appartenant à des familles botaniques différentes. On la qualifie donc d’espèce « généraliste ».</p>
<p>Cette préférence des herbivores pour certaines plantes explique la capacité de résistance d’un potager comportant des plantes diverses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les grandes monocultures sont particulièrement susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/digitalmums/4590071842/in/photolist-6jLMGr-6m7kuR-6eCjrj-s7jpgk-bTQ3iD-razcxx-4NgrYt-4NkEU9-9xuUfJ-4YZdTi-LKa9E-6jBfJU-7ZBjrG-6jBhBq-LKh6r-LKhEv-55a8HS-eez8BY-9E8Q4U-4NkEyQ-4Kx2bi-axVWYt-eSiSut-rbdVFB-8ZAD5D-6eCsMY-caxxyL-bZu4nq-7W7USp-8hRELg-6qzepe-8hUVxC-6qDuzw-8iAFvT-8iAFPa-8hhXjn-8iAFii-qhuhkn-F2trfS-eSsuYh-4JqP2i-4ARTnS-8QeVAX-bWkhCd-rRxj2J-7MwvRY-FEoj1i-6uNkFP-6qDrxE-7MwvVb/">dmums/Flickr</a></span>
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<h2>Les monocultures, cibles privilégiées des ravageurs</h2>
<p>Prenons un paysage agricole dominé par les champs de colza. Pour un insecte herbivore spécialiste friand de cette plante oléagineuse, c’est le paradis !</p>
<p>Dans les années 1970, le chercheur américain Richard B. Root a formulé l’<a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2307/1942161">hypothèse</a> selon laquelle ces grandes monocultures seraient plus susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes : ceux-ci auraient une plus grande chance de coloniser ces champs et seraient donc moins susceptibles d’en partir.</p>
<p>Cette hypothèse, dite « de concentration de la ressource » a été largement <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12175">vérifiée depuis</a>. Dans ce contexte, la diversité des plantes joue le rôle de « diluant » : les plantes hôtes de l’herbivore spécialiste se retrouvent mélangées au milieu d’autres espèces végétales que l’herbivore ne reconnaît pas, voire même évite.</p>
<p>Cela s’applique autant à la diversité des plantes dans un champ qu’à la diversité des cultures <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880917303213">à l’échelle du paysage</a>. Lorsqu’ils prospectent dans leur environnement à la recherche de nourriture, les herbivores spécialistes seraient plus susceptibles de se perdre en chemin quand leur ressource est diluée.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1461-0248.2011.01642.x">Toutes les études</a> ne vont toutefois pas dans le même sens. Il arrive qu’ils se concentrent au contraire dans les rares parcelles ou sur les quelques plantes hôtes qu’ils trouvent ! La diversité des plantes ne fait donc pas tout, parce qu’aux yeux et aux antennes de l’herbivore, toutes ne se valent pas.</p>
<h2>Résister en s’associant</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une chenille du bombyx disparate, ravageur des arbres feuillus, sur une feuille de chêne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment les herbivores reconnaissent-ils et choisissent-ils leurs plantes hôtes ?</p>
<p>Tout comme nous, les insectes herbivores utilisent leurs sens, la vue, l’odorat et le goût. Par exemple, les récepteurs olfactifs présents sur leurs antennes permettent aux insectes herbivores de reconnaître et de s’orienter vers les odeurs attractives émises par leurs plantes hôtes, tout en évitant les odeurs répulsives émises par celles qui n’entrent pas dans leur régime alimentaire.</p>
<p>Des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0069431">chercheurs de l’université d’Uppsala</a>, en Suède, ont ainsi montré que des plants de pommes de terres cultivées en présence d’odeurs d’oignons étaient moins attractifs pour des pucerons que des plants 100 % pommes de terre ! On appelle « résistance par association » celle conférée par la présence de plantes voisines.</p>
<p>Attention toutefois : associer différentes espèces de plantes ne marche pas à tous les coups ! Le phénomène inverse, dit de « susceptibilité par association », existe tout autant. Une plante émettant des composés répulsifs pour certains herbivores peut les amener à se concentrer sur les plantes voisines qui se retrouvent ainsi plus vulnérables. Dans un <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/0012-9658%282000%29081%5B1795%3AASOCTA%5D2.0.CO%3B2">exemple classique</a>, Jennifer White et Thomas Whitham ont montré que le peuplier était plus attaqué par la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Arpenteuse_d%27automne">chenille arpenteuse d’automne</a> lorsqu’ils étaient associés à l’érable négundo.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chenille de pyrale du buis, bien cachée entre des feuilles de buis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Encourager les ennemis des herbivores</h2>
<p>En l’absence de pesticides de synthèse, le jardinier amateur pourra aussi utiliser la diversité des plantes pour favoriser les ennemis des herbivores. La diversité de taille ou d’architecture des plantes crée par exemple des habitats hétérogènes qui abritent une plus grande diversité de prédateurs (notamment des araignées, des carabes, des syrphes) que celle de cultures très homogènes.</p>
<p>De plus, les prédateurs et les parasitoïdes – des organismes dont les larves se développent dans le corps des herbivores et les rongent de l’intérieur – peuvent bénéficier du nectar produit par certaines plantes et y trouver une source de nourriture complémentaire en cas de manque de proies. Dans ces deux cas, la diversité des plantes favorise la diversité et l’activité des prédateurs, ce qui – souvent, mais pas systématiquement – peut conduire à un meilleur contrôle des insectes herbivores.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iLQuuK3Oias?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les conseils pratiques délivrés par de nombreux sites Internet pour « jardiner sans pesticides » s’appuient donc sur des éléments bien établis. La recherche en écologie montre effectivement que la <a href="https://www.researchgate.net/profile/Adrianna_Szczepaniec/publication/221958507_Associational_Resistance_and_Associational_Susceptibility_Having_Right_or_Wrong_Neighbors/links/0c9605258049ecc78e000000/Associational-Resistance-and-Associational-Susceptibility-Having-Right-or-Wrong-Neighbors.pdf?origin=publication_detail">diversité des plantes</a> permet de limiter l’impact des insectes herbivores sur les plantes – en réduisant l’accessibilité des herbivores à leurs plantes hôtes et rendant plus probable le contrôle biologique exercé par les ennemis naturels des herbivores.</p>
<p>Mais ce que les recommandations omettent de préciser, c’est que toutes les associations ne se valent pas. Il est donc urgent de mieux comprendre pourquoi certaines associations de plantes « marchent », ou pas, pour lutter efficacement contre les insectes herbivores. Mélanger des plantes trop ressemblantes entre elles pourrait avoir des effets contraires à ceux attendus. La recherche en écologie a de beaux jours devant elle !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110366/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le 1ᵉʳ janvier, l’usage des pesticides de synthèse est interdit aux jardiniers amateurs. Diversifier les plantes de votre potager peut constituer un outil naturel efficace contre les ravageurs.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1023002018-08-28T16:15:51Z2018-08-28T16:15:51ZNicolas Hulot face au « mur des lobbies »<p>L’annonce-surprise de la démission de Nicolas Hulot, en pleine rentrée gouvernementale, aura sans aucun doute étonné une partie du gouvernement et de l’opinion. Elle s’inscrit cependant dans la suite logique d’une série de compromissions et de grands écarts qui ont mis le ministre de la Transition écologique et solidaire dans une position difficile, voire intenable.</p>
<p>Au fil d’une année riche en dossiers lourds et complexes, celui du glyphosate au premier rang, le mandat du parfois <a href="https://www.challenges.fr/politique/shampoings-ushuaia-la-machine-a-cash-de-nicolas-hulot-dans-le-viseur-du-canard-enchaine_485239">controversé Monsieur « Ushuaïa »</a> n’a pas été un long fleuve tranquille, tant les arbitrages de Matignon et de l’Élysée ont pu le placer en porte à faux de ses convictions et engagements.</p>
<p>Lors des controverses et polémiques autour de certains dossiers – nucléaire, pesticides et transition agricole par exemple –, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies, voire d’autres ministères, ceux de l’Agriculture et de l’Économie notamment. Plus encore, il est revenu à l’ancien animateur télé d’avoir à assurer la promotion de décisions diamétralement opposées à ses engagements passés. Son mandat a pu ainsi ressembler, au mieux, à un simple exercice de communication gouvernementale, au pire, à un véritable cas d’étude de <em>greenwashing</em>.</p>
<p>À force de se heurter au « mur des lobbies », Nicolas Hulot a fini par démissionner, sans en informer Édouard Philippe ni Emmanuel Macron ; cela marque un grand désarroi mais également un manque de compréhension mutuelle, après seulement 15 mois passés au gouvernement. Sans faire ici le bilan de ce court mandat, il est intéressant de revenir sur quelques dossiers phares qui témoignent des contradictions de la politique écologique d’Emmanuel Macron.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1009219480684322822"}"></div></p>
<h2>La « caution écologique » de la présidence Macron</h2>
<p>Avec son pacte écologique, lancé en 2007, l’ancien animateur télé tente depuis longtemps d’inscrire les enjeux écologiques au cœur de la vie politique française, et en particulier de l’élection présidentielle. Longtemps courtisé par différents partis politiques, de l’UMP au PS, et après une candidature malheureuse à la primaire d’Europe Écologie-Les Verts en 2011, il refuse plusieurs fois d’intégrer le gouvernement de Manuel Valls, malgré les demandes insistantes et répétées de François Hollande.</p>
<p>Sa nomination en mai 2017, au ministère de la Transition écologique et solidaire, avec un rang de ministre d’État, semble incarner pleinement le renouveau voulu par Emmanuel Macron, et l’ouverture du gouvernement Philippe a des personnalités de premier plan de la société civile. Cette nomination joue en outre le rôle d’une véritable caution écologique, voire d’un souci et d’un intérêt réel d’Emmanuel Macron pour les enjeux environnementaux, tout en assurant un capital sympathie au gouvernement nouvellement formé, tant Nicolas Hulot est populaire dans l’opinion française.</p>
<p>Très rapidement, l’annonce en juillet 2017 de la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/07/06/nicolas-hulot-annonce-une-prime-pour-remplacer-les-vehicules-les-plus-polluants_5156706_3244.html">fin de la commercialisation des voitures à essence et diesel</a> d’ici 2040, l’inscription de l’environnement dans l’article premier de la Constitution, tout comme l’abandon définitif en janvier 2018 du projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes sonnent comme autant de « victoires » importantes pour Nicolas Hulot.</p>
<p>Ces annonces sont cependant loin de constituer de réelles avancées environnementales pour la France. L’inscription de l’environnement dans la Constitution ou la volonté de s’éloigner d’un modèle énergétique basé sur les hydrocarbures d’ici 2040 sonnent comme des vœux pieux. Et le retrait du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait même ressembler une aubaine pour son futur ex-concessionnaire, le groupe de BTP Vinci : désastreux en termes d’image pour l’entreprise, le projet n’emballait plus vraiment le concessionnaire qui préférera sans doute <a href="https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/220118/notre-dame-des-landes-veni-vidi-vinci">récupérer des indemnités</a>, dont le montant n’a pas encore été dévoilé. Loin d’être uniquement écologique, la décision semble avant tout politique et économique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"994318900748832768"}"></div></p>
<h2>Glyphosate, cachez ce pesticide que je ne saurais interdire</h2>
<p>Dans les dossiers évoqués pour justifier sa démission, Nicolas Hulot cite notamment les pesticides et la biodiversité, deux sujets sur lesquels les manœuvres des lobbies ont été parmi les plus agressives et efficaces. C’est sans doute sur le dossier du glyphosate que l’échec de l’écologiste semble avoir été le plus cinglant, critère vraisemblablement déterminant de son départ.</p>
<p>Cet herbicide suscite depuis longtemps une forte controverse dans la communauté scientifique et se trouve au cœur de nombreuses polémiques médiatiques, politiques et juridiques. <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/proces-roundup-monsanto-condamne-a-payer-289-millions-de-dollars-de-dommages-1302549">La récente condamnation de Monsanto</a> dans l’affaire qui l’oppose au jardinier Dewayne Johnson a enfoncé le coin dans une <a href="http://theconversation.com/glyphosate-la-guerre-du-faux-a-bien-eu-lieu-86291">stratégie de communication et de lobbying agressive</a> que mène l’entreprise pour défendre son produit phare, le Roundup (le glyphosate en est le principe actif). Nicolas Hulot ne sera jamais parvenu à faire inscrire la date de son interdiction dans la loi.</p>
<p>Sur ce point, les lobbies semblent avoir de loin dicté les choix écologiques du gouvernement et en particulier d’avoir fait pencher la <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/yannick-jadot-lobbies-stephane-travert-7794482444">balance en faveur du ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert</a>. Le lobby de l’industrie des pesticides, l’UIPP, ou encore celui de l’agriculture « conventionnelle », la FNSEA, ont été en effet <a href="http://www.fnsea.fr/toutes-les-thematiques/agriculture-durable/bonnes-pratiques-agricoles/articles/glyphosate-sans-alternative-viable-nous-n-accepterons-pas-d-interdiction/">vent debout toute volonté d’interdire</a> la molécule controversée, jugeant qu’il n’y a pour l’instant pas d’alternative valable et que l’ utilisation du glyphosate rendait, selon l’UIPP, de <a href="http://www.uipp.org/Actualites/Les-services-rendus-par-le-glyphosate-en-agriculture">« réels services aux agriculteurs »</a>.</p>
<p>Face au poids politique et économique de ces acteurs, le gouvernement tranche et Hulot se trouve de nouveau pied au mur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879855749299662851"}"></div></p>
<h2>Un « Vieux monde » bien présent</h2>
<p>En réaction à la critique lancinante de n’être que le président des villes (et des riches), Emmanuel Macron a récemment pris une série de décisions à même de satisfaire les campagnes et certaines coteries traditionnelles. Le lobby des chasseurs a ainsi réussi à faire diviser par deux le prix du permis de chasse tout comme à faire autoriser le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/les-mesures-pour-la-chasse-sont-du-clientelisme-pathetique-d-apres-le-president-de-la-ligue-de-protection-des-oiseaux_2913793.html">piégeage de certaines espèces d’oiseaux</a> pourtant menacées.</p>
<p>Les lobbies de l’agriculture intensive et de l’agro-industrie ont pour leur part été choyés au Parlement lors du vote de la décevante loi sur l’Alimentation, où la plupart des amendements en faveur de l’amélioration du bien-être animal ont été rejetés.</p>
<p>Plus encore que l’influence des lobbies et le poids des intérêts économiques dans les décisions environnementales, ces dossiers – et tout particulièrement celui du glyphosate – sont révélateurs d’un modèle écologique de la macronie, bien loin d’un Nouveau Monde ! La phrase de Stéphane Travert, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/25/le-ministre-de-lagriculture-stephane-travert-furieux-quon-repete-quil-est-aux-mains-des-lobbies_a_23443226/">fustigeant « les petits marquis de l’écologie »</a>, traduit bien cette orientation où la question environnementale n’est ni centrale ni déterminante.</p>
<p>Avec le départ de Nicolas Hulot, tombé face au mur des lobbies, se valide alors l’adage chevènementiste – « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule » – et inscrit très nettement la politique écologique de la macronie dans l’Ancien Monde. En somme, <em>Make our planet great again</em> mais <em>Economy first</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver est membre de l'Académie des controverses et de la communication sensible (<a href="http://academie-ccs.org/">http://academie-ccs.org/</a>).</span></em></p>Dans certains dossiers particulièrement sensibles, du nucléaire aux pesticides, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies ou d’autres ministères.François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/982242018-06-19T18:58:51Z2018-06-19T18:58:51ZLes lobbies, un défi pour l’État et la gouvernance<p>Discuter du rôle et des actions des lobbies est – selon la définition et la position adoptée – soit brandir un déni de démocratie pour les acteurs de la société civile, soit assumer légitimement des relations publiques pour les entreprises et fédérations professionnelles.</p>
<p>Comme souvent, la réalité se situe entre ces deux positions. Examinons d’abord différentes dimensions du lobbying, national comme européen, avant d’aborder un cas emblématique.</p>
<h2>Lobbying classique et lobbying offensif</h2>
<p>Depuis toujours, les acteurs économiques, politiques et issus de la société tentent d’influencer les décideurs, ce que nous qualifions de lobbying classique. Les prises de décisions et les lois qui en résultent sont le fruit de contacts avec des décideurs et de mécanismes de négociation relativement démocratiques.</p>
<p>Récemment, à Bruxelles en tout cas, la nécessité d’améliorer la prise de conscience sur un sujet (<em>raising awareness</em>) passe par une communication affichée, maîtrisée et revendiquée. Les décideurs, et plus largement tous ceux en relation avec un dossier, doivent être sensibilisés. Les ONG sont, d’ailleurs, reconnues comme expertes sur cet aspect.</p>
<p>Vient ensuite un lobbying plus offensif, centré sur l’influence et par définition moins visible. Il s’agit de convaincre les esprits. Ici, la communication utilise tous les canaux disponibles, de manière affichée ou détournée, afin de se servir des médias comme relais.</p>
<h2>La création du doute</h2>
<p>Enfin, avec un degré de complexité croissant, sujets spécialisés et techniques de manipulation de l’opinion forment l’aspect le plus récent du lobbying. Il associe technicité du sujet, polémique et controverse (au choix : santé, pollution, substances cancérigènes…), difficulté d’évaluation de la toxicité, recours à l’expertise et normes associées et fait, le plus souvent, l’objet de vifs débats.</p>
<p>La création de doute s’élabore par l’introduction d’experts dans des comités spécialisés ou lors d’auditions au Parlement, par le financement et la réalisation d’études scientifiques favorables à l’entreprise ou à une <a href="https://www.forumnucleaire.be/">association créée et financée par cette dernière</a>. Cette approche est alors qualifiée d’<em>astroturfing</em>. L’installation du doute dans l’esprit des décideurs, plus largement dans celui des fonctionnaires et des citoyens, est aidée par une utilisation des médias conçus comme une chambre d’écho multi-canal.</p>
<p>Tous les acteurs ont compris ces dimensions, auxquelles il convient d’ajouter trois éléments propres à l’Union : le Traité de Lisbonne, d’une grande complexité, constitue un labyrinthe communautaire. La deuxième rupture, déjà évoquée, tient à la communication : sur un dossier complexe, le message soit être clair. Enfin, la dernière rupture est encore plus technique : c’est la constatation de la disparition de la collégialité de la Commission européenne qui a de plus en plus tendance à travailler par direction et en conséquence par commissaire. La question devient alors : qui décide ? Et comment ?</p>
<h2>Un cas d’école : Monsanto</h2>
<p>Nous pourrions multiplier les exemples pour illustrer ces niveaux, registres et éléments qui traversent le débat public et influencent les décisions des dirigeants. L’un d’entre eux inclut tout ce qui vient d’être dit ci-dessus et sans doute plus ! En effet, le débat, les actions, les polarités, les motivations autour du pesticide Round Up, de l’entreprise Monsanto, forment un cas d’école illustrant l’équilibre entre contrôle politique, expertise scientifique et actions citoyennes.</p>
<p>Depuis plus de dix ans, Monsanto, puis ses détracteurs ont utilisé toutes les modalités d’actions décrites auparavant. Ainsi, l’entreprise Monsanto, inspirée par les méthodes <a href="http://www.tobaccopapers.com/">des cigarettiers</a>, a utilisé toutes les ressources disponibles pour créer du doute (il existe des Monsanto papers semblables aux Tobacco papers).</p>
<p>En même temps, et <a href="https://corporateeurope.org">avec d’autres moyens</a>, <a href="http://combat-monsanto.org">plusieurs organisations</a> ont utilisé les <a href="https://www.wemove.eu">ressources proposées par le numérique</a> pour agir sur le débat public. Elles ont également utilisé les possibilités offertes par les institutions européennes : <a href="https://petiport.secure.europarl.europa.eu/petitions/en/home">droit à la pétition au Parlement</a> (), droit à l’information (<em>freedom of information</em>) pour demander le compte-rendu d’une réunion d’un cabinet d’un commissaire, <a href="http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/welcome?lg=fr">Initiative citoyenne européenne</a> (un million de signatures de sept pays membres sur une année). On doit constater que, dans ce cas, le lobbying de Monsanto a atteint son objectif, car le Round up a été de nouveau autorisé, en novembre 2017, pour cinq années.</p>
<p>La polémique continue et Bayer qui rachète en 2018 Monsanto a décidé de faire disparaître la marque – ce qui rendra inopérants les sites opposés à la marque et résultats dans les moteurs de recherche. Le Round up restera, cependant, sur le marché.</p>
<h2>Solutions et défis pour les États</h2>
<p>Nombre d’acteurs opposés au lobbying réclament plus de transparence, ce qui pose deux questions. Par essence, une négociation contient une part de secret, une part d’indéfinie et demander une transparence totale pose des problèmes pour l’avancée des négociations en termes de modalités techniques et de ressources. Et, si le cas Monsanto est emblématique, nombre d’entreprises utilisent les registres plus classiques et moins offensifs.</p>
<p>Par ailleurs, les ONG savent jouer des registres médiatiques avec parfois des succès intéressants (comme à propos de la pêche en eau profonde avec l’ONG Bloom soutenue par la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0736585316300259">BD de Peneloppe Bagieu</a>.</p>
<p>Sur le cas Monsanto, la Commission propose quatre axes afin de réduire la production de doute :</p>
<ul>
<li><p>Rendre publiques les informations soumises par l’industrie ;</p></li>
<li><p>ouvrir des appels à contribution afin de collecter des données auprès des parties prenantes ;</p></li>
<li><p>commander des études auprès de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (Efsa).</p></li>
<li><p>Enfin les États devront proposer des experts auprès de l’agence.</p></li>
</ul>
<p>Ces solutions révèlent, selon le regard, soit les espaces où s’est infiltré le lobbying et en révèle son efficacité, soit les faiblesses des procédures existantes.</p>
<p>Elles permettent aussi d’aller au-delà d’une simple exigence de transparence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Arifon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à des techniques de lobbying de plus en plus sophistiquées, la Commission européenne propose quatre axes afin de réduire la production de doute.Olivier Arifon, Chercheur en Influence et affaires publiques, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/862912017-10-25T19:53:53Z2017-10-25T19:53:53ZGlyphosate : la guerre du faux a bien eu lieu<p>Renouvellera, renouvellera pas ? L’incertitude sur le renouvellement de licence du glyphosate au sein de l’Union européenne reste entière. Cela fait suite au second report, ce jeudi 9 novembre 2017, d’un vote organisé par Bruxelles à ce sujet. </p>
<p>Une prochaine réunion devrait avoir lieu rapidement, la licence de l’herbicide contesté de Monsanto expirant le 15 décembre prochain. La France s’oppose au renouvellement de 5 à 7 ans proposé pour ce produit, sans avoir pu cependant faire émerger une majorité en ce sens. </p>
<p>Si de nombreux experts scientifiques plaident depuis des années pour le retrait de cet herbicide <a href="http://www.cancer-environnement.fr/426-Vol112-Cancerogenicite-du-tetrachlorvinphos.ce.aspx">classé cancérigène probable</a> par le CIRC, les agences sanitaires (européenne, française et allemande) d’évaluation des risques ont à de nombreuses reprises réaffirmées que dans de bonnes conditions d’utilisation, la molécule contestée ne pose pas de risque sanitaire majeur ; selon ces mêmes agences, ce produit ne peut, par ailleurs, être considéré comme cancérigène. L’Anses reste <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2015sa0093.pdf">plus circonspecte</a> et milite depuis longtemps pour un travail d’évaluation plus poussé des effets du glyphosate.</p>
<p>Face à la levée de boucliers de l’opinion publique, avec notamment la remise d’une pétition d’Initiative citoyenne européenne cumulant à ce jour 1 320 517 signatures (<a href="https://stopglyphosate.org/fr/">Stop Glyphosate</a>), la position de certains États membres est de plus en plus en faveur d’un retrait progressif de la molécule avant son interdiction définitive.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"838495280639115264"}"></div></p>
<h2>Dossier explosif</h2>
<p>Bien avant ce vote technique, où se jouent des intérêts politiques, environnementaux, économiques et sociétaux importants, les stratégies de communications et de lobbying déployés par les acteurs issus de la société civile et de l’industrie, témoignent du caractère explosif de ce dossier.</p>
<p>Si l’analyse de la communication citoyenne a déjà fait l’<a href="https://theconversation.com/les-e-citoyens-auront-ils-la-peau-du-roundup-61495">objet d’une précédente analyse</a>, c’est bien l’action des acteurs industriels qui nous intéresse ici.</p>
<p>En effet, depuis la publication de l’étude du CIRC, les entreprises productrices de glyphosate regroupées dans une <a href="http://www.glyphosateeu.fr/accueil">Glyphosate Task Force</a> – dont l’<a href="http://www.glyphosateeu.fr/mention-legale">objectif affirmé</a> est de « [conjuguer] leurs ressources et leurs efforts afin de renouveler l’enregistrement européen du glyphosate » – n’ont cessé de <a href="http://www.glyphosateeu.fr/gtf-statements/declaration-du-gtf-sur-les-recommandations-du-groupe-de-travail-expert-de-loms">contester</a> voire de décrédibiliser les travaux du comité de l’OMS.</p>
<p>Au premier rang de ce travail de sape, on trouve la firme américaine Monsanto : son produit phare, le Roundup, est au cœur des débats et serait directement impacté en cas de non-renouvellement de l’autorisation du glyphosate.</p>
<h2>Stratégies</h2>
<p>Au-delà d’une stratégie de <a href="http://allardhuver.fr/articles/risques/">communication de crise</a> et sur des sujets sensibles, l’entreprise a déployé un ensemble de techniques d’influence et de lobbying qui rappellent bien souvent davantage les romans de John Le Carré qu’un travail légitime de défense des intérêts d’un produit commercial.</p>
<p>Parmi les soupçons et les dénonciations dont la firme a fait l’objet ces dernières années, l’élément le plus intéressant de la controverse est apparu avec la révélation explosive à l’été 2017 de plus d’une centaine de documents (emails, notes, rapports) de la firme : les fameux <a href="https://usrtk.org/pesticides/mdl-monsanto-glyphosate-cancer-case-key-documents-analysis/">« Monsanto Papers »</a>.</p>
<p>Tout débute en Californie, où près de 265 procédures judiciaires opposent Monsanto à des agriculteurs atteints de cancers. En mars 2017, dans le cadre de l’une de ces procédures, le cabinet d’avocats Baum Hedlund Aristei & Goldman obtient d’un juge que les documents remis par la firme <a href="https://www.baumhedlundlaw.com/toxic-tort-law/monsanto-roundup-lawsuit/monsanto-secret-documents/">soient rendus public</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OCdshA9oRvQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le 11 octobre 2017, la journaliste Carey Gillam témoigne au Parlement européen au sujet des « Monsanto Papers ».</span></figcaption>
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<p>Face à l’absence de réponse de Monsanto dans le délai légal imparti, le cabinet met alors à disposition les documents sur son site, en effectuant au préalable un travail d’analyse et de classement qu’il faut saluer. La plupart des documents concernent ainsi les enjeux et débats scientifiques autour des molécules commercialisées par le groupe, les relations de l’entreprise avec les agences de régulations et les gouvernements, sans oublier les tentatives de <em>ghostwriting</em> (qui consiste à financer des études scientifiques pour orienter l’opinion) et l’influence sur les revues savantes.</p>
<p>La société américaine a contesté la publication de ses mails confidentiels mais, une fois divulgués sur Internet, il est peu probable qu’une quelconque action en justice puisse les empêcher de circuler.</p>
<p>La journaliste indépendante Stéphane Horel et le journaliste du <em>Monde</em> Stéphane Foucart ont produit un <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/06/02/monsanto-papers-plusieurs-etudes-suggerent-un-lien-entre-une-exposition-de-travailleurs-agricoles-au-glyphosate-et-un-cancer-du-sang_5138052_3244.html">travail d’analyse très fouillé</a> des « Monsanto Papers » dans deux livraisons au quotidien <em>Le Monde</em>.</p>
<p>Ils nous renseignent sur les nombreuses stratégies déployées par Monsanto pour faire taire toute opposition, en ayant recours aux <a href="http://www.liberation.fr/societe/2014/03/17/comment-les-cigarettiers-ont-roule-le-monde-entier_987837">méthodes de l’industrie du tabac</a> ou à celles des <a href="https://www.editions-lepommier.fr/les-marchands-de-doute">« marchands de doute »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La journaliste Stéphane Horel sur la stratégie du « ghostwriting » (Brut, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Retour sur l’affaire Séralini</h2>
<p>Ces stratégies, mises au jour avec les « Monsanto Papers », s’illustrent dans plusieurs cas emblématiques. L’affaire Séralini en fait partie.</p>
<p>Lorsque Gilles-Éric Séralini publie en 2012 son étude sur la toxicité d’un maïs OGM (le NK604) et de son pesticide associé, le Roundup, dans la revue <a href="https://www.journals.elsevier.com/food-and-chemical-toxicology"><em>Food and Chemical Toxicology</em></a>, nombre d’acteurs de l’évaluation des risques et des professionnels de l’industrie sont surpris des résultats publiés par le chercheur ainsi que par l’ampleur de l’attention médiatique et de l’opinion.</p>
<p>Il est vrai que la publication de l’article scientifique s’accompagne simultanément de la sortie <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/sante/ogm-le-scandale/20120918.OBS2686/exclusif-oui-les-ogm-sont-des-poisons.html">d’un dossier dans le <em>Nouvel Obs</em></a>, d’un film réalisé sur l’étude et d’un livre écrit par Gilles-Éric Séralini lui-même.</p>
<p>Très vite, la publication de ces documents et de l’étude déclenche une double controverse. Controverse scientifique sur les résultats et la méthodologie de l’étude. Controverse médiatique sur les choix faits par les auteurs de l’étude en matière de communication et de diffusion des résultats (embargo, exclusivité, etc.).</p>
<p>Ce qui a commencé par la publication d’une étude de toxicité devient vite l’« Affaire Séralini ». Et celle-ci rebondit en 2013 avec le retrait de l’article par la revue <em>Food and Chemical Toxicology</em>, officiellement parce que l’étude présentait de nombreuses « erreurs » statistiques et méthodologiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"481382629103906817"}"></div></p>
<h2>« Science poubelle »</h2>
<p>Premier élément de la stratégie de Monsanto : inciter les chercheurs à envoyer des lettres à l’éditeur de la revue, Wallace Hayes – par ailleurs en situation de conflit d’intérêt car <a href="http://baumhedlundlaw.com/pdf/monsanto-documents/10-Monsanto-Consulting-Agreement-with-Food-and-Chemical-Toxicology-Editor.pdf">consultant pour Monsanto</a> à l’époque de la publication – afin d’accroître la pression sur la revue pour retirer ce qui est considéré comme de la « science poubelle » (<em>junk science</em>).</p>
<p>L’entreprise, par l’entremise de certains scientifiques, n’hésitera pas non plus à encourager les pressions directes.</p>
<p>Bruce Chassy, professeur émérite de l’Université de l’Illinois (qui a <a href="https://www.ecowatch.com/the-inside-story-of-how-a-university-professor-quietly-collaborated-wi-1882163037.html">notoirement collaboré</a> pour Monsanto en échange de fonds pour son département) échange ainsi avec l’éditeur de la revue, le <a href="http://baumhedlundlaw.com/pdf/monsanto-documents/9-Email-from-Monsanto-Collaborator-to-Food-and-Chemical-Toxicology-Journal.pdf">menaçant à demi-mot</a> de porter atteinte à la crédibilité de cette dernière si l’étude n’est pas rejetée.</p>
<h2>Nous et eux</h2>
<p>Quelles conclusions tirer de ce cas ?</p>
<p>Premièrement – et <a href="https://www.elsevier.com/about/press-releases/research-and-journals/food-and-chemical-toxicology-editor-in-chief,-a.-wallace-hayes,-publishes-response-to-letters-to-the-editors">contrairement à ce qui a été affirmé</a> par Wallace Hayes, l’éditeur de <em>Food and Chemical Toxicology</em> à l’époque de la controverse –, la revue a bien subi des pressions et des demandes de retrait de la part de Monsanto.</p>
<p>Si de nombreux chercheurs indépendants et Séralini lui-même ont reconnu des faiblesses dans le travail publié, le retrait d’une publication demeure une mesure exceptionnelle. Et le déni de l’éditeur de l’implication de Monsanto dans ce processus n’a pu que renforcer le soupçon légitime de la société civile sur les pratiques et le jeu d’influence (voire les conflits d’intérêts) qui se trament au cœur d’une instance censée publier et représenter le progrès scientifique.</p>
<p>En deuxième lieu, ce retrait s’inscrit dans une stratégie plus simple que la seule volonté de faire cesser une polémique autour d’un article contesté : il y a là une véritable guerre qui s’engage entre la firme de Saint-Louis et tous ceux qui pourraient lui nuire.</p>
<p>Ainsi, la qualification des textes publiés par les chercheurs opposés aux produits de Monsanto, à commencer par Séralini, relève toujours d’un registre péjoratif très net : il s’agit de « science poubelle », de publications « d’antis » voire de « publications d’activistes » ; ce qui revient à ôter à ces travaux une véritable valeur scientifique.</p>
<p>Enfin, les qualificatifs d’« activistes », d’« antis » employés à de nombreuses reprises, traduisent le caractère agonistique, voire idéologique des actions engagées par Monsanto. Si Séralini a, en publiant un ouvrage mettant en récit son expérience et l’étude, brouillé la ligne entre travail scientifique et posture citoyenne, la réponse de Monsanto est clairement ancrée dans une logique guerrière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"920695988846759936"}"></div></p>
<p>On retrouve ainsi dans les « Monsanto Papers » la mention fréquente par la firme du terme « munitions » pour désigner les lettres envoyées pour discréditer les travaux de Séralini. Les employés de la firme sont pour leur part concentrés sur l’idée de devoir renforcer un réseau « d’experts et de pairs » qui leur permettraient de « consolider des stratégies pour répondre aux publications des activistes » ou bien de « tirer parti de ceux-ci pour exécuter les stratégies de Monsanto ».</p>
<p>Comme le souligne le chercheur Teun Van Dijk, cette caractérisation est le signe d’un affrontement entre communautés idéologiques : « Cela explique également pourquoi de nombreuses structures mentales des idéologies et des pratiques idéologiques sont polarisées sur la base d’une différenciation entre ce qui fait partie du groupe et ce qui en est exclu, c’est-à-dire, typiquement entre Nous et Eux, comme le montrent également les discours idéologiques. »</p>
<p>Au-delà des enseignements que nous pouvons tirer d’un point de vue scientifique, idéologique, politique et communicationnel, ces documents donnent une vision unique de la stratégie clairement agonistique de Monsanto. À l’heure des « fausses informations » et des « faits alternatifs », il s’agit de comprendre, pour reprendre les mots d’Umberto Eco, cette <a href="http://www.grasset.fr/la-guerre-du-faux-9782246342731">« guerre du faux »</a> qui se construit et se déploie… De comprendre des « discours qui masquent d’autres discours […] et qui masquent leur propre inconsistance, leur propre contradiction ou leur propre impossibilité ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors qu’aucune majorité n’a pu être trouvée concernant le vote du renouvellement de la licence d’utilisation de l’herbicide glyphosate en Europe, retour sur une affaire aux multiples rebondissements.François Allard-Huver, Maître de Conférences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759462017-06-27T18:13:16Z2017-06-27T18:13:16ZImpacts du glyphosate sur la santé et l’environnement, ce que dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175597/original/file-20170626-12696-1f57hnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traitement d’un champ au glyphosate au Royaume-Uni en 2014. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/chafermachinery/15415567073/in/photolist-pudP2c-9TJyjM-9TJzoe-ozjfAB-9E6mXS-og4F7L-ptZnEC-oCwybJ-pUoY5Y-9TJyJa-9E3sHP-qaVBo1-oeLF5h-orTMhE-pudZUV-9EiaBp-9TJy5V-thFr2S-9E3fys-domMbu-5osr4e-nixaHL-ptZxbG-k7GU4K-ptZoGC-oCmqDS-q9yAGP-q9yDMr-b7cGjD-b7cFjz-ogNykZ-q9q8Us-qoGDF3-ogwfK6-b7beTr-pudSix-b7bd5a-ptZvcS-pudUoV-nZj1MW-ogwaqD-nZj3qf-b7bffB-oiyUaH-cKkZBo-ogKTD1-ogBY5o-b7bfzp-b7bkHc-b7bnaP">Chafer Machinery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On connaît le glyphosate depuis le début des années 1970 lorsqu’il fut introduit par Monsanto avec la commercialisation du Roundup. Depuis, d’autres glyphosates sont apparus, portant différents noms et répondant à diverses formules chimiques en fonction des adjuvants utilisés pour les élaborer.</p>
<p>Ces herbicides figurent parmi les <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-016-0070-0">plus utilisés en agriculture</a>. Les raisons en sont multiples : simplicité d’utilisation, coût modique, action sur certaines voies métaboliques de la croissance des végétaux qui n’existent pas chez les animaux.</p>
<p>Quoique la toxicité des glyphosates <a href="http://npic.orst.edu/factsheets/glyphogen.html">ne fait pas doute</a>, de nombreuses controverses existent quant au degré de cette toxicité sur les différents organismes vivants et sur l’environnement.</p>
<p>Cette toxicité dépend non seulement du type de la formulation du glyphosate, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le pH, la nature et la structure du sol, ainsi que les sédiments en suspension et la concentration en algues alimentaires dans le cas des milieux aquatiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879583791618109441"}"></div></p>
<h2>Quels impacts sur la flore ?</h2>
<p>Le mode d’action des glyphosates consiste à inhiber une voie métabolique spécifique de la croissance des plantes, voie metabolique qui n’existe pas chez les autres organismes vivants, comme les animaux ou les insectes.</p>
<p>Mais ces substances n’affectent pas uniquement les mauvaises herbes contre lesquelles on les utilise. Et l’avis selon lequel les glyphosates sont facilement dégradés et absorbés dans les sols – donc sans effet néfaste sur l’agriculture – <a href="http://www.mdpi.com/2305-6304/3/4/462/htm">est erroné</a>. Des études ont ainsi montré que les glyphosates se trouvent facilement acheminés <a href="https://academic.oup.com/jxb/article-lookup/doi/10.1093/jxb/eru269">des tiges vers les racines</a> ; ils peuvent de cette façon être stabilisés et affecter négativement les plantes non ciblées par le traitement.</p>
<p>Parmi ces effets négatifs, on note une réduction de l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. Par conséquent, en réduisant l’absorption de ces éléments nutritifs, les glyphosates affectent indirectement la résistance des plantes aux maladies, ce qui induit en retour une utilisation plus intense de pesticides.</p>
<h2>Quels impacts sur la faune ?</h2>
<p>Les effets toxiques sur la faune s’avèrent plus importants que sur les plantes.</p>
<p>Des études de toxicité menées sur les rats ont démontré que si le glyphosate-Roundup (le plus connu des glyphosates) n’a pas induit d’effets toxiques visibles sur les femelles en gestation, il a eu un effet négatif <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00204-006-0170-5;http://www.i-sis.org.uk/glyphosate_kills_rat_testis_cells.php">sur la fertilité</a> des mâles, notamment des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.</p>
<p><a href="https://www3.epa.gov/pesticides/endanger/litstatus/effects/redleg-frog/glyphosate/determination.pdf">D’autres expérimentations</a>, conduites notamment sur des grenouilles, ont démontré que les adjuvants – c’est-à-dire les composants autres que le principe actif entrant dans la composition du Roundup – avaient des effets négatifs, notamment sur les hormones thyroïdiennes de grenouilles.</p>
<p>On a d’autre part noté un impact plus important des glyphosates <a href="https://people.csail.mit.edu/seneff/Hoy_wildlife_2015.pdf">sur les oiseaux sauvages</a> que sur les oiseaux domestiques. Chez ces derniers, le facteur de son accumulation dans l’organisme est relativement faible car ils sont moins directement exposés à ces substances.</p>
<p>Du côté des organismes marins, même s’ils sont moins concernés que les espèces terrestres, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate avait provoqué des lésions du foie et des reins, comme chez le <a href="http://www.academicjournals.org/article/article1380968357_Ayoola.pdf">tilapia du Nil</a> ; après 96 heures d’exposition à des doses relativement élevées, une mortalité accrue a été observée. <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09712119.2015.1031776">D’autres études</a> ont révélé que les glyphosates provoquaient une diminution de certaines fonctions du foie et du métabolisme général.</p>
<h2>Quels impacts sur les sols ?</h2>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">Des études</a> ont montré que le glyphosate possède un potentiel perturbateur affectant les microbes du sol. Il faut toutefois souligner que l’absorption, la dégradation et la lixiviation (c’est-à-dire la perte des éléments minéraux par lessivage) des sols causées par les glyphosates varient selon les types de sols ; beaucoup reste encore à comprendre dans ce domaine.</p>
<p>Cette variabilité et cette incertitude rendent très difficile l’établissement d’un tableau clair du devenir des glyphosates dans les sols. Certaines études ont cependant montré que ce dernier varie, certains complexes minéraux du sol retenant davantage les glyphosates que d’autres.</p>
<p>Il faut ici souligner que la matière organique – un des éléments les plus actifs du sol – ne semble pas avoir de capacité à absorber et retenir les glyphosates ; mais elle pourrait jouer un rôle dans ce processus. Même chose pour les éléments nutritifs des sols qui semblent également jouer un rôle réel dans l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">absorption des glyphosates</a>.</p>
<p>L’hypothèse de l’implication du phosphate dans ce processus a été avancée, même si certaines contradictions ont été soulignées. Dans certains sols, la désorption du phosphate <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-90162003000100026">favoriserait la dégradation</a> des glyphosates ; dans d’autres, on note un <a href="https://cdn.intechopen.com/pdfs-wm/13139.pdf">effet contraire, sinon aucun effet</a>.</p>
<p>Ces observations ont amené à classer les sols en deux catégories : ceux qui sont sujets à une compétition entre les glyphosates et le phosphate, avec une préférence pour ce dernier ; ceux possédant des sites spécifiques d’adsorption, en faveur soit des glyphosates ou du phosphate. Par conséquent, un sol riche en phosphate pourrait retenir moins de glyphosates, induisant une plus grande contamination des couches inférieures du sol et des nappes phréatiques ; à l’inverse, la pauvreté des sols en phosphates constituerait un facteur favorisant l’accumulation des glyphosates dans les couches supérieures des sols et donc une plus grande accumulation par les plantes.</p>
<p><a href="https://www.soilassociation.org/media/7202/glyphosate-and-soil-health-full-report.pdf">D’autres études</a> ont montré que les glyphosates utilisés aux doses recommandées en agriculture n’avaient aucun effet négatif sur les populations microbiennes – la flore microbienne représentant l’un des principaux facteurs de dégradation des glyphosates dans les sols – et peu d’effets sur les populations fongiques ; des effets stimulants ont même été observés sur certaines espèces microbiennes.</p>
<h2>Quels impacts pour l’homme ?</h2>
<p>Comme toutes les études de toxicité des produits chimiques, la toxicité des glyphosates sur l’homme a fait l’objet de peu d’études, comparativement à celles menées sur les animaux ; ceci est principalement imputable aux difficultés techniques et éthiques, sans compter bien sûr les contraintes d’ordre financier et commercial.</p>
<p>Même si de nombreuses études ont souvent démontré que les adjuvants utilisés – notamment le polyoxyethyleneamine ou POEA – sont beaucoup plus nocifs que le principe actif des glyphosates, il n’en demeure pas moins que cette catégorie de pesticides <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15862083">représente un danger</a> pour l’environnement et la santé humaine.</p>
<p>Tous les pesticides contiennent des adjuvants ; la toxicité de ces composés ne fait que s’ajouter à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3955666/">celle du principe actif</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, si les organismes de régulations considèrent les glyphosates comme non toxiques aux doses recommandées, la communauté scientifique est elle convaincue que ces substances sont toxiques et même cancérogènes, à l’image de nombreux pesticides.</p>
<p>À titre d’exemple, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) a <a href="https://www.iarc.fr/fr/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf">publié en mars 2015</a> un rapport classant le glyphosate comme « cause probable de cancer chez l’homme », alors que l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) avait pour sa part <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/151112">indiqué en novembre</a> de la même année qu’il était peu probable que le Roundup représente un risque cancérogène pour l’homme.</p>
<p>Cette controverse a été attisée en mars 2017 par la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de ne pas classer le glyphosate comme produit cancérogène ; à cela s’ajoute le revirement de l’Organisation mondiale de la santé qui en <a href="http://www.who.int/foodsafety/jmprsummary2016.pdf">mai 2016</a> a déclaré le Roundup comme non potentiellement cancérogène alors qu’elle avait dit le contraire quelques mois plus tôt.</p>
<p>Récemment, un groupe de scientifiques <a href="http://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(15)70134-8/abstract">a publié un commentaire</a> à propos de cette polémique autour du caractère cancérogène ou non du glyphosate. Ces derniers considèrent qu’il est plus approprié et plus rigoureux scientifiquement de considérer ce produit comme cancérogène au vu des évaluations et des données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et certains animaux en laboratoire.</p>
<p>En se basant sur cette conclusion et en absence de toute preuve du contraire, il apparaît donc raisonnable de conclure que les glyphosates, sous toutes leurs formulations chimiques, doivent être considérés comme potentiellement cancérogènes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879673195074396160"}"></div></p>
<p>Il est donc urgent de mener des études beaucoup plus approfondies visant à obtenir des données fiables quant aux effets directs et indirects de ces produits sur les organismes vivants, l’environnement et l’homme. Une urgence dictée par l’utilisation massive de ces substances en agriculture… Il serait malheureux de revivre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dichlorodiph%C3%A9nyltrichloro%C3%A9thane">drame du DDT</a>, cet insecticide reconnu comme dangereux et interdit dans les années 1970.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses recherches, Noureddine Benkeblia a reçu des financements de AMEXCID (Mexico). </span></em></p>Que nous disent les travaux scientifiques sur les effets de cet herbicide mondialement utilisé sur la flore, la faune, les sols et la santé humaine ?Noureddine Benkeblia, Professor of Crop Science, Department of Life Sciences, University of the West Indies, Mona CampusLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/788072017-06-13T20:57:04Z2017-06-13T20:57:04ZVingt ans après le début de l’effondrement des colonies, comment se portent les abeilles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173468/original/file-20170612-32034-ma4u48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les abeilles sauvages et domestiques pollinisent un tiers des plantes que nous consommons.</span> <span class="attribution"><span class="source">Simon Klein</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>C’était il y a vingt ans déjà : les apiculteurs français alertaient sur l’utilisation de pesticides comme le <a href="http://www.humanite.fr/la-longue-marche-des-abeilles-contre-les-pesticides-596007">Gaucho</a>, responsable selon eux d’une mortalité accrue dans les ruches ; on parle à l’époque de pertes annuelles entre <a href="https://www.lesechos.fr/amp/300195675.php">300 000 et 400 000</a> abeilles, entraînant une <a href="http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/abeilles/Abeilles_rapport.pdf">chute de 50 %</a> de la production de miel aux abords de champs de tournesols traités avec ce produit phytosanitaire. Cet épisode a constitué la première prise de conscience du danger auquel sont exposés ces insectes dans nos sociétés industrialisées.</p>
<p>Dix ans plus tard, c’est au tour des apiculteurs américains de tirer la sonnette d’alarme, après avoir observé des milliers de ruches soudainement vidées de leurs occupantes. Sur 2,4 millions de ruches au total, <a href="https://www.lesechos.fr/amp/300195675.php">1,5 million</a> disparaissent en effet en quelques mois dans une petite trentaine d’États. Ce phénomène appelé <a href="https://www.epa.gov/pollinator-protection/colony-collapse-disorder">« syndrome d’effondrement des colonies »</a> a provoqué une nouvelle prise de conscience planétaire. Contrairement à l’épisode du Gaucho, les pertes concernées sont plus importantes et leurs causes bien moins claires.</p>
<h2>Une préoccupation mondiale</h2>
<p>Depuis, nous avons réalisé que ces pertes ne concernaient pas seulement la France ou les États-Unis : des <a href="https://theconversation.com/honeybee-decline-warrants-concern-but-not-panic-5707">problèmes similaires</a> ont été observés un peu partout en Europe, en Asie et en Australie. Préoccupation supplémentaire, les abeilles domestiques ne sont pas les seules atteintes : de nombreuses espèces sauvages (comme les abeilles solitaires et les bourdons) sont désormais en danger. Or certaines plantes ne sont pollinisées que par ces espèces, à l’image de certaines Méllitidés qui butinent uniquement les fleurs de lysimaques.</p>
<p>La perte des abeilles peut avoir de graves conséquences pour la biodiversité et l’humanité. Car les abeilles sauvages et domestiques <a href="http://www.ipbes.net/publication/thematic-assessment-pollinators-pollination-and-food-production">pollinisent</a> environ un tiers des plantes que nous consommons, participant ainsi à un service écologique évalué à <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800908002942">153 milliards d’euros</a> par an à travers le monde (dont <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/11/24/20002-20161124ARTFIG00099-l-extinction-des-abeilles-couterait-29-milliards-d-euros-a-la-france.php">2,9 milliards d’euros en France</a>).</p>
<p>Deux décennies après les premiers signalements d’effondrement des colonies, dans quel état se trouvent les populations d’abeilles dans le monde ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"866778642327666688"}"></div></p>
<h2>Les abeilles aujourd’hui</h2>
<p>Depuis les premiers symptômes de déclin, nombre de pays ont développé des méthodes de recensement des colonies d’abeilles domestiques et nous avons accès aujourd’hui à un ensemble conséquent de données ; mais ces études demeurent souvent incomplètes et il persiste de réelles disparités entre les méthodes de comptage, rendant délicate la comparaison entre les pays ou les continents.</p>
<p>Au sortir de l’hiver 2016, l’évaluation des pertes pour la France variait par exemple entre <a href="http://blog-itsap.fr/pertes-de-colonies-hiver-2016-premiers-resultats/">13 et 20 %</a> en fonction des méthodes de comptage.</p>
<p>Aux États-Unis, les chiffres indiquent une situation préoccupante avec <a href="https://beeinformed.org/results/colony-loss-2015-2016-preliminary-results/">28,1 %</a> de colonies vidées durant l’hiver 2015-2016. On estime en général que les apiculteurs peuvent tolérer jusqu’à 15 % de pertes naturelles en hiver. Au Canada, les pertes atteignent <a href="http://www.capabees.com/shared/2015/07/2016-CAPA-Statement-on-Colony-Losses-July-19.pdf">16,8 %</a>, ce qui est mieux mais ce chiffre dépasse encore le seuil à partir duquel il est difficile de repeupler les cheptels.</p>
<p>Si nous ne disposons que de peu de recul pour l’Europe centrale, les abeilles semblent résister assez bien dans cette zone, avec <a href="http://www.coloss.org/announcements/losses-of-honey-bee-colonies-over-the-2015-16-winter">11,9 %</a> de pertes en 2015-2016.</p>
<p>Du côté de la Nouvelle-Zélande, les comptages n’ont débuté que l’an dernier, montrant une perte faible de <a href="http://www.landcareresearch.co.nz/science/portfolios/enhancing-policy-effectiveness/bee-health">10,7 %</a>. Il faut souligner que dans nombre de pays, comme l’Australie et la plupart des pays asiatiques, africains ou sud-américains, les comptages nationaux réguliers font toujours défaut.</p>
<p>Pour ce qui est des espèces non domestiques, les données demeurent à ce jour insuffisantes mais celles dont nous disposons sont alarmantes. En Europe, 9,2 % des 1965 espèces d’abeilles sauvages recensées sont en <a href="http://cmsdata.iucn.org/downloads/erl_of_bees_low_res_for_web.pdf">danger d’extinction</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les bourdons, pollinisateurs sauvages, sont tout autant menacés que les abeilles domestiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tamara Gomez</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Les causes de l’effondrement</h2>
<p>Ces dix dernières années, la recherche s’est intensifiée et a fait d’énormes progrès dans la compréhension de l’effondrement des colonies. Nous savons désormais qu’il s’agit d’un problème <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214574515000541">complexe et multi-causal</a>… mais pas insoluble.</p>
<p>Pour toutes les abeilles, butiner est une tâche complexe : elles doivent parcourir de longues distances pour récolter pollen et nectar sur des fleurs pas toujours faciles à localiser. Puis il leur faut retourner au nid pour nourrir leur colonie. L’accomplissement de ces tâches nécessite des systèmes sensoriels et d’apprentissage performants pour s’orienter correctement, reconnaître les fleurs et apprendre à les manipuler.</p>
<p>Tout ce qui endommage leurs systèmes cognitifs peut ainsi désorienter les abeilles et les empêcher de trouver des fleurs ou leur nid. Or une abeille dans une telle situation est considérée comme morte pour sa colonie.</p>
<p>Les abeilles sont ainsi très vulnérables aux stress dits « sublétaux », qui ne provoquent pas directement leur disparition mais perturbent leur comportement. Dans un article publié récemment dans <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169534716302439"><em>Trends in Ecology & Evolution</em></a>, nous avançons l’idée que l’industrialisation toujours plus grande de nos sociétés est à l’origine de la multiplication des stress sublétaux, qui restent toutefois difficiles à identifier.</p>
<p>La <a href="https://phys.org/news/2013-10-diesel-exhaust-honeybees-forage.html">pollution automobile</a> ou les <a href="https://theconversation.com/neonicotinoids-linked-to-wild-bee-and-butterfly-declines-in-europe-and-us-63999">pesticides</a> réduisent par exemple l’efficacité de butinage en perturbant les communications nerveuses dans le cerveau des insectes. L’agriculture intensive et le <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/earth/earthnews/10730667/Bees-and-the-crops-they-pollinate-are-at-risk-from-climate-change-IPCC-report-to-warn.html">réchauffement climatique</a> altèrent également la <a href="https://theconversation.com/poor-nutrition-may-be-another-reason-for-the-declining-honey-bee-population-48684">nutrition</a> des abeilles, en réduisant la diversité des plantes disponibles ou leurs périodes de floraison.</p>
<p>Les abeilles domestiques sont d’autre part sujettes à de nombreux parasites, virus ou prédateurs qui se sont répandus au niveau mondial au gré des échanges commerciaux et autres transports humains incessants. <a href="https://theconversation.com/explainer-varroa-mite-the-tiny-killer-threatening-australias-bees-25710"><em>Varroa destructor</em></a>, le plus répandu de ces parasites provoque ainsi chez les abeilles des problèmes de développement cérébral.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Butiner le pollen, une activité exigeante au niveau cognitif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Klein</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Quelles actions pour sauver les abeilles ?</h2>
<p>La préservation des populations d’abeilles dépend de la qualité de leur environnement. Et la moindre petite action peut faire la différence ! Fleurir son jardin ou son balcon de <a href="http://www.shakymiel.fr/liste-melliferes-plantes-fleurs-nectariferes/">variétés</a> riches en nectar permettra de nourrir les abeilles. Réduire, voire éliminer, l’utilisation d’herbicides et de pesticides constitue une autre bonne pratique, de même que passer la <a href="https://www.researchgate.net/publication/301688107_Influence_of_the_reduction_of_urban_lawn_mowing_on_wild_bee_diversity_Hymenoptera_Apoidea">tondeuse moins fréquemment</a> pour fournir de nombreuses plantes à fleurs locales aux abeilles sauvages.</p>
<p>S’initier à l’apiculture en rejoignant un club ou construire un <a href="http://www.terrevivante.org/237-construire-un-hotel-a-inscetes.htm">hôtel à insectes</a> sur votre balcon ou dans votre jardin sont d’autres initiatives à explorer. Enfin, l’achat de miel de production locale et l’approvisionnement auprès de circuits courts ou d’une agriculture respectueuse de l’environnement pourront contribuer à protéger les colonies.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment fabriquer un hôtel à insectes (Rustica, 2015).</span></figcaption>
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<p>Sur le plan législatif, la France aura été l’un des premiers pays à prendre position en faveur de l’interdiction des pesticides neonicotinoides, dont de <a href="http://science.sciencemag.org/content/336/6079/348">nombreuses recherches</a> ont prouvé l’effet néfaste sur la cognition des abeilles. La loi, entrée en vigueur récemment, prévoit une interdiction de leur utilisation à partir de <a href="http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/06/22/les-deputes-se-prononcent-sur-l-epineux-dossier-des-pesticides-tueurs-d-abeilles_4956095_1652692.html">septembre 2018</a>, avec cependant des dérogations possibles jusqu’en 2020 (un recul par rapport au <a href="https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201506/projet_de_loi_pour_la_reconquete_de_la_biodiversite_de_la_nature_et_des_paysages.html">premier rapport de loi</a> qui témoigne de l’influence des industries pétrochimiques sur les parlementaires).</p>
<p>Au niveau européen, la forte <a href="https://blogs.mediapart.fr/edition/mieux-vivre-avec-la-terre-et-avec-les-gens/article/140517/vers-une-interdiction-des-neonicotinoides">mobilisation citoyenne</a> grâce à une <a href="https://actions.sumofus.org/a/support-the-european-commission-s-neonics-ban-proposal?sp_ref=303232807.99.180786.f.575890.3&referrer_id=19996646&source=fb&utm_source=actus_lilo">vaste pétition</a> aura sans doute poussé l’Union européenne à statuer prochainement sur l’<a href="http://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/europe-poised-for-total-ban-on-bee-harming-pesticides/">interdiction de ces insecticides</a>.</p>
<p>De la même manière, il a été montré que le glyphosate, cet herbicide commercialisé par Monsanto sous le nom de Round Up, <a href="http://jeb.biologists.org/content/jexbio/218/17/2799.full.pdf">constituait un agent perturbateur</a> du comportement des pollinisateurs (et tout aussi inquiétant pour la santé humaine). Malgré cela, l’Europe a signé l’autorisation de commercialisation de ce produit. Une <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/08/lancement-d-une-initiative-citoyenne-europeenne-pour-l-interdiction-du-glyphosate_5076674_3244.html">initiative citoyenne européenne</a> lancée en février 2017 tente d’infléchir cette position.</p>
<p>Deux décennies après les premières constatations d’un déclin massif des abeilles, nous pouvons affirmer que nous connaissons la nature des problèmes qui affectent les colonies et qu’il est possible de l’enrayer. Il nous incombe à tous de protéger ces précieux pollinisateurs, acteurs clés de notre environnement et de celui des générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Lihoreau a reçu des financements du CNRS, de l’ANR, de l’Université fédérale de Toulouse, de la Fondation Fyssen et de Biobest.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Klein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les premières constatations du déclin des abeilles, la recherche a réalisé d’importants progrès dans l’identification des causes de ce phénomène et les moyens de l’enrayer.Simon Klein, Doctorant, Université de Toulouse III – Paul SabatierMathieu Lihoreau, Chercheur CNRS en cognition animale, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/734082017-03-05T20:34:04Z2017-03-05T20:34:04ZRoundup : quelles chances de réussite pour l’initiative citoyenne « Stop glyphosate » ?<p>Le 16 mai dernier, les membres de la Commission européenne se sont déclarés disposés à reprendre les discussions sur un potentiel renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Une nouvelle qui n’aura pas manqué de déclencher la colère de nombreuses ONG, Greenpeace en tête, qui réclament l’interdiction du ce produit – principal ingrédient de l’herbicide Roundup commercialisé par la firme américaine Monsanto – depuis des années. </p>
<p>Dénoncé comme néfaste pour l’environnement, il est aussi accusé d’être une menace pour la santé. Des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22200534">études</a> l’ont en effet identifié comme perturbateur endocrinien. <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-293-notice.html">Ces substances</a>, que l’on retrouve dans une foule d’objets, des plastiques aux cosmétiques, sont soupçonnées de modifier le fonctionnement hormonal humain, contribuant ainsi à l’augmentation de certaines maladies, dont les cancers du sein et de la prostate.</p>
<p>Sur le plan économique, le Roundup constitue le produit phare de Monsanto, qui en a écoulé 825 000 tonnes en 2014. C’est un élément clé de la stratégie de verrouillage de la firme, car les semences génétiquement modifiées (et non reproductibles) vendues par Monsanto sont résistantes au Roundup. Or, en juin 2016, la Commission européenne a décidé de prolonger l’autorisation de ce produit au sein de l’Union européenne pour 18 mois supplémentaires. </p>
<p>Pour tenter de peser dans le débat, une coalition de 38 ONG issues de 14 États membres de l’Union européenne a initié, en février dernier, l’enregistrement par la Commission européenne d’une initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée <a href="https://stopglyphosate.org/">« Stop glyphosate »</a>.</p>
<p>S’il est difficile de prédire les chances de succès de ce <a href="http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.5.html">mécanisme</a> introduit par le <a href="http://www.robert-schuman.eu/fr/comprendre-le-traite-de-lisbonne">Traité de Lisbonne</a>, l’ICE constitue un nouveau droit politique pour les citoyens européens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les perturbateurs endocriniens (AFP, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Obtenir un million de signatures</h2>
<p>La Commission a enregistré l’ICE « Stop glyphosate » le 25 janvier 2017, ouvrant ainsi la période de douze mois au cours desquels les signatures doivent être collectées par les organisateurs. Plus d’un million de signatures émanant d’au moins sept États membres (sur 28) devront être recueillies afin que l’ICE soit jugée recevable. Un nombre minimal de ces signatures par État est également fixé (par exemple, 72 000 pour l’Allemagne ; 55 500 pour la France ; 15 750 pour la Belgique ou 4 500 pour le Luxembourg). Au dernier comptage, près de 800 000 signatures ont déjà été reçues. </p>
<p>Enfin, pour être acceptée, l’action proposée comme ICE se doit de ne pas être manifestement abusive, fantaisiste ou vexatoire, ni être manifestement contraire aux valeurs de l’UE.</p>
<p>Les organisateurs espèrent recueillir le maximum de signatures dans un délai de 4 à 5 mois, afin de pouvoir peser sur le processus législatif. Ils en auraient déjà rassemblé plus de 250 000. S’ils dépassent l’objectif du million de signatures provenant d’au moins sept États membres, la Commission disposera d’un délai de trois mois pour faire droit ou non à la demande. En toute hypothèse, elle devra motiver sa décision, sous peine de voir annuler celle-ci par le Tribunal de l’Union, comme cela s’est produit pour l’ICE « Minority SafePack : One million signatures for diversity in Europe ».</p>
<h2>Une authentique innovation juridique</h2>
<p>L’ICE est un mécanisme inédit de démocratie semi-directe. Elle représente le premier droit collectif des citoyens de l’Union, et ne contient aucune dimension référendaire, les citoyens ayant seulement un pouvoir de proposer. Elle ne doit pas être confondue avec le <a href="http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.4.html">droit de pétition</a>, qui peut être exercé individuellement ou collectivement par un groupe de citoyens auprès du Parlement européen. En l’occurrence, dans un délai de trois mois après avoir recueilli le nombre de signatures requis, les organisateurs rencontrent la Commission, ont la possibilité de présenter leur ICE au Parlement européen. Enfin, la Commission adopte une réponse officielle.</p>
<p>Le fait que l’ICE s’applique à l’échelle de l’UE, et n’entre pas dans les traditions constitutionnelles communes aux États membres, permet d’affirmer qu’elle constitue une réelle innovation juridique. Elle représente également une avancée sous l’angle de la citoyenneté de l’Union, car les États membres n’interviennent pas dans son organisation. C’est justement ce qui permet de la qualifier d’instrument de démocratie participative.</p>
<p>L’une des principales difficultés pour les porteurs d’une ICE est d’en organiser une sur un sujet véritablement transnational. Elle doit permettre une réponse à une préoccupation d’importance qui ne se limite pas à certaines zones ou à une partie du territoire de l’UE.</p>
<h2>Agir face à l’inertie de la Commission</h2>
<p>L’ICE « Stop glyphosate » est lancée pour aboutir autant que possible à l’interdiction du glyphosate, qui est l’herbicide le plus utilisé en Europe. À vrai dire, elle est bien plus ambitieuse, car elle contient un triple objectif législatif.</p>
<p>Il s’agit tout d’abord d’interdire les herbicides à base de glyphosate, en raison des répercussions négatives sur la santé des êtres humains (risque de cancers) et sur l’environnement (dégradations des écosystèmes) ; de réformer la procédure d’approbation des pesticides, car les autorités de régulation de l’UE accordant l’agrément européen doivent s’appuyer sur des études commandées par les pouvoirs publics et non par les industriels de la chimie ; enfin, de fixer à l’échelle de l’Union des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides.</p>
<p>L’ambition de l’ICE s’explique assez aisément, du fait de l’inaction, voire de l’impéritie, de la Commission européenne dans le domaine de l’agrochimie. En effet, saisi par la Suède, le Tribunal de l’Union a constaté en décembre 2015 <a href="http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=173067&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=12283">sa carence</a> à propos des produits biocides. Et ses propositions récentes du <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2152_fr.htm">15 juin 2016</a> sont critiquées tous azimuts !</p>
<p>La Médiatrice de l’UE a quant à elle <a href="https://www.ombudsman.europa.eu/press/release.faces/fr/64156/html.bookmark">blâmé</a> début 2016 la procédure de données de confirmation d’autorisation des pesticides et demandé à la Commission de lui rendre un rapport à ce propos d’ici au 18 février 2018.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Pesticide et santé : l’équation sans solution », un reportage d’Arte (Look at the World, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Une citoyenneté plus active</h2>
<p>Tout comme le <a href="https://theconversation.com/tribunal-monsanto-la-societe-civile-se-saisit-des-crimes-contre-la-nature-67115">Tribunal Monsanto</a>, qui cherche à provoquer un « réveil de la conscience juridique des peuples » et à faire évoluer le droit international, l’ICE « Stop glyphosate » permet aux citoyens européens de s’investir dans l’élaboration de la législation européenne.</p>
<p>L’ICE n’a pour l’instant connu qu’un succès mitigé. Sur un peu plus de 50 initiatives ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement, seules <a href="http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/successful">trois ont été jugées recevables</a> : « Stop vivisection » ; « Un de nous » ; « L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise ! »</p>
<p>Il est malgré tout essentiel que les citoyens européens aient la possibilité de contribuer au lancement de propositions contribuant à l’exercice du pouvoir législatif au sein de l’UE. En sa qualité d’instrument de démocratie participative ou de mobilisation démocratique si l’on préfère, elle apparaît ainsi comme un complément utile de la démocratie représentative.</p>
<p>De surcroît, en raison de l’apparition d’un lien direct entre les citoyens de l’Union et la Commission européenne, celle-ci peut se prévaloir d’un mandat populaire. Ce canal démocratique, transitant par l’ICE, peut gommer quelque peu la vision souvent jugée « technocratique » de cette institution, mais également avoir un impact sur l’équilibre institutionnel.</p>
<p>Avec l’ICE, le Parlement européen n’est plus le vecteur unique de la légitimation démocratique des actes législatifs de l’UE. Mais si elle permet d’influer sur la détermination de l’agenda politique, elle n’est cependant pas un remède miracle au sentiment de déficit démocratique – réel ou supposé –, régulièrement pointé du doigt au sein de l’Union européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Initiée en février dernier, une action citoyenne tente de faire interdire l’herbicide de la firme américaine Monsanto. Elle a déjà recueilli près de 800 000 signatures.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/671152016-10-16T20:35:44Z2016-10-16T20:35:44ZTribunal Monsanto : la société civile se saisit des crimes contre la nature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/141863/original/image-20161015-30277-1g8rsbi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation, en 2014, contre la firme américaine qui produit le célèbre herbicide Roundup. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gruenekaernten/14255456752/in/photolist-nHGWD7-sUAAzu-p2p12Q-nfCid2-p2asip-oZp137-d4Z9e3-p2qQKx-nrsm33-oJWGji-oEmvHy-oZp21Q-p2arLx-oZoYWu-p2qRNe-nyTRPa-oZp1K9-oWzFf8-oJWeBo-oJWJFT-nFUfKG-oWPq8C-p2oWDC-nrpWZH-nFRrGY-nrsGjK-nFUiis-nHB4uc-nHH7x5-nrpKKZ-nKJfvX-nHB7zv-nrsdj8-nFRC2q-nHSRA3-nHS8TA-nrpT5i-nFUoqw-nrpyMs-nrsDnT-7VMpbY-nFRrX7-nHKTSu-nHUPcc-nFUgAj-nrsBVV-nrqaxR-nrptqX-nrpp7A-nHBc7B">Die Grünen Kärnten/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Un tribunal émanant directement de la conscience populaire reflète une idée qui fera du chemin », disait le sénateur italien <a href="http://www.fondazionebasso.it/2015/lelio-basso/?lang=fr">Lelio Basso</a> qui fut à l’initiative de la création, en 1979, du Tribunal permanent des peuples. Tel est le but avoué du <a href="http://fr.monsantotribunal.org/">Tribunal Monsanto</a> qui a siégé ces 14, 15 et 16 octobre 2016 à la Haye : faire de la conscience publique une source du droit.</p>
<p>Fruit de la société civile internationale qui le finance, ce tribunal s’est donné pour mission de juger Monsanto, société transnationale ayant <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/bayer-monsanto-pourquoi-la-fusion-inquiete-599375.html">récemment fusionné</a> avec Bayer.</p>
<p>Monsanto a commercialisé l’<a href="http://geopolis.francetvinfo.fr/vietnam-lagent-orange-une-bombe-a-retardement-20413">agent orange</a> – défoliant déversé en millions de litres par l’armée américaine durant la guerre du Vietnam –, mais aussi d’autres herbicides puissants tels que le <a href="https://theconversation.com/les-e-citoyens-auront-ils-la-peau-du-roundup-61495">Roundup</a> et le Lasso (désormais interdit en France), ou encore les PCB (polychlorobiphényles) qui font partie des <a href="http://www.pops.int/documents/convtext/convtext_fr.pdf">polluants organiques persistants</a>… autant de produits mis en cause pour leur impact sur l’environnement et la santé.</p>
<p>Cette multinationale cristallise en soi les débats environnementaux et sanitaires contemporains. Monsanto promeut un modèle agro-industriel qui, de l’<a href="http://fr.monsantotribunal.org/Pourquoi_">avis des organisateurs</a> du tribunal, pèse sur les émissions de gaz à effet de serre, est « largement responsable de l’épuisement des sols et des ressources en eau, de l’extinction de la biodiversité » et menace, en outre, « la souveraineté alimentaire des peuples par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=711&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=711&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/141864/original/image-20161015-30233-as8an1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=711&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des avions américains larguant de l’agent orange durant l’opération Ranch Hand (1962-1971) menée au Vietnam.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AAgent_Orange_Cropdusting.jpg">Wikimédia</a></span>
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<h2>Un tribunal plus vrai que nature</h2>
<p>Le Tribunal Monsanto n’est pas le premier du genre. À l’instar du Tribunal <a href="http://www.rts.ch/archives/tv/information/point/3448423-le-tribunal-russel.html">Russell-Sartre</a> sur le Vietnam, du <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Tribunal_permanent_des_peuples">Tribunal permanent des peuples</a> – qui s’est prononcé sur les catastrophes de Bhopal (en 1992) puis de Tchernobyl (en 1996) – ou plus récemment du Tribunal international de conscience des crimes contre la nature (initié par Edgar Morin), ce « tribunal citoyen » s’appuie sur l’autorité de ses membres.</p>
<p>Il existe, toutefois, de la part du Tribunal Monsanto, une volonté marquée de rivaliser avec les « véritables » juridictions internationales. Il en reprend d’ailleurs les codes : son siège se trouve à la Haye, à l’instar de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice ; <a href="http://fr.monsantotribunal.org/main.php?obj_id=664727965">ses membres</a> sont des juristes : il compte notamment parmi eux, Françoise Tulkens qui a été juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; on note également, dans la composition du tribunal, un effort de représentativité géographique, en accord avec les canons onusiens.</p>
<p>La procédure qui sera suivie s’inspire, elle-même, de celle de la Cour internationale de justice. Comme le peut cette juridiction interétatique, le Tribunal Monsanto rendra un avis consultatif ; cette procédure a pour objectif d’apporter un éclairage juridique sur une question de droit. À cette fin, des « plaignants » seront auditionnés ; les avocats des « victimes » remettront au juge des conclusions.</p>
<p>Le tribunal a également cherché à respecter le principe du contradictoire qui permet à chaque partie à un procès d’être entendu. Toutefois, Monsanto a, semble-t-il, <a href="https://blogs.mediapart.fr/catherine-morand/blog/290916/le-tribunal-monsanto-ou-le-proces-de-lagrobusiness-mondialise">décliné l’invitation</a> qui lui avait été adressée de présenter ses arguments juridiques devant ce tribunal « moral ». Il s’agira donc d’un procès par contumace.</p>
<p>Les juges du Tribunal Monsanto ont pour tâche de déterminer si cette firme est responsable de violations de droits humains et de crimes internationaux : la société Monsanto a-t-elle, par ses activités, porté atteinte au droit à un environnement sain, au droit à l’alimentation, au droit à la santé ou/et à la liberté de recherche scientifique ? Et Monsanto peut-il être considéré comme responsable de crime de guerre ou de <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/ecocide-difficile-reconnaissance-crimes-environnementaux-18174.php4">crime d’écocide</a> ?</p>
<p></p>
<h2><em>Hard law</em>, <em>soft law</em> et droit prospectif</h2>
<p>Le droit qui sera appliqué par les juges pour se prononcer est un mélange habile de <em>hard law</em> (droit international obligatoire), de <em>soft law</em> (droit international non obligatoire) et de droit prospectif.</p>
<p>En effet, si le droit à la santé et à l’alimentation ou à la liberté de recherche scientifique sont reconnus dans les conventions internationales des droits de l’homme (droit obligatoire), seuls des États sont parties à ces conventions ; en d’autres termes, les sociétés transnationales telles que Monsanto ne sont pas appelées, en principe, à rendre compte de la façon dont elles les respectent auprès des juridictions ou organes internationaux de protection des droits de l’homme.</p>
<p>C’est pourquoi, pour rendre opposables ces droits à Monsanto, le tribunal s’appuie à titre complémentaire sur un instrument de <em>soft law</em> : les <a href="http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf">principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme</a>. Selon ces principes, les entreprises « devraient » respecter les droits de l’homme, éviter d’y porter atteinte et de remédier aux incidences négatives sur ces droits dans lesquelles elles ont une part.</p>
<p>Ces principes ont été adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en juin 2011 dans une résolution qui est, en soi, non obligatoire <em>(soft law)</em>. Dans le même sens, s’agissant du droit à un environnement sain – encore balbutiant dans l’ordre juridique international – les juges du tribunal s’appuieront à nouveau sur une résolution du Conseil des droits de l’homme : la <a href="https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G14/136/18/PDF/G1413618.pdf?OpenElement">résolution 25/21</a> du 15 avril 2014 relative aux « droits de l’homme et à l’environnement » qui, elle non plus, n’est pas en soi obligatoire.</p>
<p>Sur le plan pénal, le montage juridique est tout aussi complexe. Pour apprécier la responsabilité de Monsanto en matière de crimes de guerre, le statut de la Cour pénale internationale servira de référence. Toutefois, alors que cette Cour n’a compétence que pour juger les personnes physiques, le Tribunal Monsanto appréciera, pour sa part, la responsabilité pénale internationale de cette société multinationale, c’est-à-dire d’une personne morale, ce qui est novateur en droit international. Concernant le crime d’écocide, il s’agit là de droit de <em>lege ferenda</em>, c’est-à-dire d’une norme juridique qui n’existe pas encore et que l’on souhaiterait voir adopter.</p>
<h2>L’écocide ou les limites du droit international</h2>
<p>Dans le monde, une <a href="http://eradicatingecocide.com/the-law/existing-ecocide-laws/">dizaine d’États</a> reconnaissent et punissent l’écocide en tant que tel dans leur droit national. Tel est le cas du Vietnam, pour des raisons historiques bien compréhensibles, mais également de la Russie et d’autres pays de l’ex-URSS.</p>
<p>Dans l’ordre juridique international, l’écocide n’est réprimé que partiellement et indirectement. En période de conflit armé, les dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel – à l’instar de ceux causés par l’utilisation de l’agent orange au Vietnam – peuvent, à certaines conditions, constituer un <a href="https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf">crime de guerre</a>.</p>
<p>Dans le même sens, certaines atteintes à l’environnement peuvent, en temps de paix comme de conflits, être qualifiées de crimes contre l’humanité si elles constituent des persécutions et ont pour cadre une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile. Si ces atteintes visent, en outre, à soumettre intentionnellement un groupe humain à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique, elles seront alors punies au titre de génocide.</p>
<p>Le droit international, cependant, est lacunaire : il ne réprime pas de manière autonome l’écocide. L’idée de punir les crimes contre l’environnement les plus graves n’est pourtant pas nouvelle. En 1986, déjà, la Commission du droit international de l’ONU a cherché à incriminer « toute atteinte grave à une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l’environnement humain » dans son <a href="http://legal.un.org/docs/?path=../ilc/documentation/english/reports/a_41_10.pdf&lang=EFS">projet de Code de crime contre la paix et la sécurité de l’humanité</a>. Mais les dissensions entre États sur la question étaient telles que l’idée a finalement dû être abandonnée.</p>
<p>Le concept d’écocide, parce qu’il fait image, a toutefois contribué à populariser ces dernières décennies ce projet d’incrimination : de la même manière que détruire des groupes humains est puni par le droit international (génocide), la destruction de notre <a href="http://www.un.org/en/events/motherearthday/index.shtml">Terre-Mère</a>, notre maison (<em>éco</em> en grec) se doit désormais d’être considérée comme un crime supranational (écocide).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le juriste belge Olivier de Schutter, un des organisateurs du Tribunal Monsanto (HL Redaktion, 2016).</span></figcaption>
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<p>L’écocide n’est pas une infraction environnementale « ordinaire » ou « banale » ; sa caractéristique principale est son exceptionnelle gravité. C’est là que réside la principale difficulté de l’entreprise : comment définir et apprécier cette gravité et cette exceptionnalité ? Et l’acte répréhensible devra-t-il être intentionnel ou couvrira-t-il aussi les négligences ? Dans le champ du droit pénal, plus encore que dans les autres branches juridiques, la précision juridique revêt une importance fondamentale.</p>
<p>Si cette entreprise de définition est difficile, elle mérite néanmoins d’être menée. De la même manière que le crime contre l’humanité se manifeste par des actes matériels tels que le meurtre, la déportation, la torture ou le viol, l’écocide pourrait se concrétiser par des actes précis et déterminés tels que la pollution massive de l’air ou de l’eau ou encore l’extermination d’une espèce de faune ou de flore. Sans aucun doute, cependant, une réflexion sur l’élément moral des crimes internationaux devra être conduite si l’on souhaite inclure dans le champ de ce nouveau crime les atteintes accidentelles à l’environnement, avec leur lot de marées noires et de catastrophes nucléaires.</p>
<h2>Le réveil de la conscience juridique des peuples</h2>
<p>Le Tribunal Monsanto contribuera-t-il à faire évoluer le droit international positif (c’est-à-dire le droit en vigueur) ?</p>
<p>Sans aucun doute, ce procès Monsanto initié par des « citoyens du monde » ne peut qu’écorner l’image du géant des produits phytosanitaires. Cette technique de <em>« name and shame »</em> (« nommer et couvrir de honte ») est bien connue des enceintes internationales et elle ne peut rester sans effet dans un monde où les entreprises recourent de plus en plus au <em>greenwashing</em>.</p>
<p>Ce procès se veut aussi didactique. Il vise à informer l’opinion publique sur les pratiques de cette société et leur impact sur les droits humains. Il s’agit ainsi de réveiller la conscience juridique des peuples. À ce titre, il est révélateur qu’en parallèle des audiences du tribunal, se tienne ce qui a été nommé « l’<a href="http://www.monsanto-tribunalf.org/Assemblee-des-Peuples">Assemblée des peuples</a> ». Dans le cadre de cette assemblée, des conférences, notamment sur les droits humains, des ateliers et des animations sont assurés.</p>
<p>Le Tribunal Monsanto pourrait également contribuer à fournir une aide juridique aux victimes de la firme ou d’autres sociétés multinationales de même nature. Le tribunal, en effet, envisage de mettre à disposition un dossier pouvant être utilisé par ces victimes lors d’éventuelles poursuites.</p>
<p>Dans un tel contexte, ce tribunal pourrait bien être l’antichambre d’évolution du droit international. En jugeant Monsanto, il prépare les esprits au principe d’une responsabilité pénale internationale des sociétés multinationales. De plus, il resserre l’étau autour des États souverains qui, à plus ou moins long terme, seront contraints d’examiner plus avant l’opportunité de réprimer dans l’ordre juridique international le crime d’écocide.</p>
<p>Les affaires en la matière se multiplient : en 2008, la Cour de justice internationale, qui juge les États, a été saisie d’une <a href="http://www.icj-cij.org/docket/files/138/14473.pdf#view=FitH&pagemode=none&search=%22%E9pandage%20a%E9rien%20par%20la%20Colombie%22">affaire d’épandage aérien</a> d’herbicide à la frontière entre l’Équateur et la Colombie ; si cette affaire a été <a href="http://www.icj-cij.org/docket/files/138/17527.pdf">classée en 2013</a>, à la suite d’un accord entre les deux pays, elle révèle néanmoins des tensions toujours plus vives sur ces questions, y compris entre États.</p>
<p>Pour que l’écocide puisse être réprimé, il serait nécessaire de réformer le statut de la Cour pénale internationale. Récemment, cette juridiction a émis des signaux encourageants en ce sens : dans son <a href="https://www.icc-cpi.int/itemsDocuments/20160915_OTP-Policy_Case-Selection_Fra.pdf">document de politique générale</a> relatif à la hiérarchisation des affaires, le Bureau du procureur précise qu’il s’intéressera particulièrement aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocides impliquant « des ravages écologiques, l’exploitation illicite de ressources naturelles ou l’expropriation illicite de terrains ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de la Cour pénale internationale (DPI, 2016).</span></figcaption>
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<p>Pour autant, cela ne signifie nullement que la Cour pénale internationale sera désormais compétente pour connaître du crime d’écocide en soi. Pour ce faire, il faudrait recueillir au préalable l’accord de la majorité des deux tiers des États partis à la CPI, soit pas moins de 82 pays, ce qui paraît difficile lorsque l’on sait le temps qui a été nécessaire pour créer initialement cette Cour.</p>
<p>Toutefois, la société civile internationale – l’<a href="http://www.lgdj.fr/l-humanite-saisie-par-le-droit-international-public-9782275038162.html">humanité citoyenne</a> comme elle se plaît à se présenter – cherche désormais à concurrencer le monde des États. Elle sait créer des valeurs et elle sait aussi susciter ces situations irréversibles, <a href="http://www.lgdj.fr/l-emergence-de-la-societe-civile-internationale-9782233004246.html">« qui rendent impossibles certaines prises de position par les États »</a>. À cette fin, le 10 décembre prochain, lors de la Journée internationale des droits de l’homme, le Tribunal Monsanto rendra public son avis juridique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Le Bris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réuni à La Haye, siège de la Cour pénale internationale, un procès citoyen se propose de juger l’entreprise américaine pour écocide.Catherine Le Bris, Chargée de recherche au CNRS, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Paris 1, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/614952016-06-28T20:52:44Z2016-06-28T20:52:44ZLes e-citoyens auront-ils la peau du Roundup ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128480/original/image-20160628-7822-ybko7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Monsanto commercialise son herbicide controversé depuis 1975. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeepersmedia/26673445341/in/photolist-GD3o1D-nYQ6wU-GJW5E6-FPy6GM-rkJXCb-oEmbHi-r6Ag4i-r6A74V-r4HMdH-ro2ZMV-r6sVPE-rnURve-nfCxs3-qr3JdA-rnUXoM-r6tUy3-ro3o3B-r6sZPd-p2p12Q-qr3ziS-qr3qe9-qr3qQu-rnWS2S-rnUSn4-rnWGZU-p2asip-nfCdLV-oZp137-p2qQKx-oZp21Q-p2arLx-oZoYWu-p2qRNe-oZp1K9-oWzFf8-oJWeBo-oJWGji-oEmvHy-a9RCv2-qrfZxP-r4HEKx-r6sFqE-p2oWDC-oWRdiz-FPmXLQ-GJW4pR-qrg4mF-qr3A3h-rnV1kP-rnUQ6F">Mike Mozart/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’autorisation du glyphosate, la molécule active du Roundup, est arrivée à expiration ce jeudi 30 juin en Europe et la Commission européenne a finalement décidé de prolonger cette autorisation pour 18 mois. Depuis de nombreuses années, l’herbicide phare du groupe Monsanto déchaîne les passions et cristallise l’attention de l’opinion autour des pesticides et de leurs effets sur la santé. En mars 2015, la classification par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) du glyphosate comme <a href="http://bit.ly/1HcEFdV">« cancérogène probable »</a> avait ravivé la polémique.</p>
<p>Cette décision s’est accompagnée d’une passe d’armes virulente entre les comités d’experts scientifiques du CIRC et ceux de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/">(EFSA)</a>, chargée d’évaluer les risques que posent les pesticides et qui, à de multiples reprises, a réaffirmé l’absence de dangerosité du glyphosate pour l’homme. Cette prise de position a néanmoins donné aux opposants du Roundup un argument scientifique supplémentaire pour réclamer son interdiction en Europe à un moment crucial du calendrier de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché de l’herbicide par la Commission européenne.</p>
<h2>L’émergence du citoyen-activiste</h2>
<p>Le dossier du glyphosate rencontre depuis longtemps une résistance importante des institutions en charge de l’évaluation des risques. Ces dernières se refusent en général à prendre en compte les critiques dont le glyphosate fait l’objet en s’appuyant bien souvent sur les études confidentielles des industriels ; les acteurs politiques tergiversent, eux, sur le retrait de ce produit largement défendu par les lobbies de l’industrie des pesticides, soucieux de défendre leurs intérêts économiques, mais également par un certain nombre d’acteurs du monde agricole, dont la <a href="http://bit.ly/29kB0xG">FNSEA</a>.</p>
<p>Si de nombreuses associations environnementales, comme Greenpeace, France Nature Environnement ou Générations futures, luttent depuis longtemps contre le Roundup, leurs campagnes n’ont jusqu’alors pas permis de peser durablement sur le débat. On note cependant l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène qui parviendra peut-être à faire évoluer notablement le débat sur les pesticides en Europe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La plateforme en ligne Avaaz a réuni plus d’un million de signatures en faveur de l’interdiction du glyphosate.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La plateforme en ligne Avaaz a ainsi porté devant le Parlement européen une <a href="https://secure.avaaz.org/fr/monsanto_dont_silence_science_loc/?pv=190&rc=fb">pétition</a> signée par plus de 1,4 million (et à ce jour plus de 2 millions). Loin d’être un simple phénomène isolé, cette action témoigne de la montée en puissance des <em>grassroots</em>, ces mouvements citoyens émergeant de la « base », par opposition à la société civile organisée et aux associations traditionnelles.</p>
<p>Ce qui caractérise ces nouveaux acteurs réside dans leur capacité à utiliser les moyens de pression que sont les réseaux sociaux et les pétitions en ligne, tout en les combinant avec des stratégies de communication de communication d’influence plus classiques. Loin d’être une simple campagne sur les réseaux sociaux, l’action engagée par la plateforme de pétitions en ligne emprunte, à la <a href="http://www.tlibaert.info/communication-de-combat-le-point-de-vue-dun-specialiste/">communication de combat</a> et à la communication numérique, des tactiques qui la distinguent d’actions précédentes contre les pesticides. Ces dernières parviennent à construire une boucle de rétroaction positive où chaque action renforce la stratégie globale.</p>
<h2>Des actions ciblées et coordonnées</h2>
<p>En soumettant aux citoyens une pétition sur le glyphosate et en s’appuyant sur le rapport du CIRC, Avaaz utilise un argument d’autorité scientifique pour justifier une mobilisation citoyenne :</p>
<blockquote>
<p>Nous vous demandons d’appliquer le principe de précaution et de suspendre immédiatement l’autorisation de ce produit que l’on retrouve dans des herbicides tels que le Roundup de Monsanto. Nous vous demandons également d’inclure les travaux du Centre international de recherche sur le cancer dans votre évaluation de la sécurité du glyphosate.</p>
</blockquote>
<p>Cet argument fournit au site un motif valable pour s’emparer du sujet tout en justifiant une action rapide : la pétition est ainsi vue comme une réponse légitime à une interrogation légitime des citoyens. De plus, en cristallisant le débat autour du Roundup de Monsanto, la plateforme choisit un produit et une marque devenus au fil des ans de véritables « mythes », au sens de <a href="http://www.ina.fr/video/I00016123">Roland Barthes</a>, symbolisant les dérives de l’industrie chimique et agroalimentaire.</p>
<p>Le principal outil de la plateforme réside dans son système de recueil de signatures électroniques sous forme de pétitions. Ce dernier à l’avantage de permettre aux internautes de contribuer directement à l’action : ils peuvent « partager » leur engagement au travers des réseaux sociaux ou inviter leurs amis et leurs contacts par courriels ; ils peuvent également contribuer financièrement à la campagne par des dons. Avec un investissement minimum pour le site, la pétition circule ainsi d’internaute en internaute, chaque signataire transformant – indirectement – chacun de ses contacts en potentiel signataire. Il « recrute » pour le site tout en s’affichant comme un citoyen engagé.</p>
<p>Rapidement, la campagne d’Avaaz s’accompagne d’actions plus classiques comme des manifestations ou des campagnes chocs devant des lieux stratégiques, Commission européenne ou Parlement européen. Avec un nombre de personnes limité qui « représentent » potentiellement plus d’un million de signataires et quelques personnes en équipement de protection arborant des masques de « tête de mort », l’association peut espérer faire le « buzz » et alimenter les réseaux d’images chocs. Celles-ci renforcent alors positivement les actions de la plateforme, apparaissant dans les « timelines » des signataires et de leurs contacts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"745632326097473536"}"></div></p>
<p>L’intelligence de la plateforme consiste enfin à associer des acteurs plus classiques à ses actions pour en faire des relais et des cautions. Greenpeace, Pesticides Action Network ou bien encore Ségolène Royal sont ici remerciés comme de « fantastiques alliés et partenaires » de la campagne. Ces alliés, acteurs installés et reconnus dans l’espace public permettent alors à Avaaz de revendiquer une légitimité similaire sur le dossier des pesticides tout en ne s’aliénant pas ces acteurs qui pourraient préempter le sujet, voire nier la légitimité de la plateforme à s’en emparer sans expertise préalable.</p>
<h2>Les zones d’ombre de la méthode Avaaz</h2>
<p>La campagne d’Avaaz a semblé porter, en partie du moins, ses fruits dans la lutte contre le glyphosate : les récentes abstentions de la France et de l’Allemagne lors du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché en témoignent. Cependant, cette méthode suscite quelques interrogations sur le degré de mobilisation des citoyens autour de ce sujet.</p>
<p>Si une grande partie des opinions européenne et française <a href="http://barometre.irsn.fr/wp-content/uploads/2015/09/IRSN_barometre_2015.pdf">se déclarent concernées</a> par les risques liés aux pesticides, qui sont les citoyens signataires de la pétition, d’où viennent-ils et combien sont européens et pourraient donc à juste titre vouloir peser sur la décision de la Commission européenne ? Le site ne le dit pas.</p>
<p>Par ailleurs, le degré d’engagement de ces citoyens est souvent questionné par les détracteurs des pétitions en ligne et des nouvelles formes de mobilisation numérique, qui dénoncent une <a href="http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/gq-enquete/articles/slacktivism-la-rvolution-assise/12395">forme d’activisme passif</a> et paresseux, appelé <a href="http://www.evgenymorozov.com/"><em>« slacktivisme »</em></a> ; les photos montrant quelques dizaines de personnes devant la Commission européenne ne traduisent pas, en effet, un mouvement de masse.</p>
<p>Enfin, c’est la légitimité même d’Avaaz à s’emparer de ce sujet qui peut être questionnée. En lançant cette pétition sur un sujet brûlant, ne s’agit-il pas de « surfer » sur l’agenda médiatique pour recueillir « les dons généreux de plus de 86 000 Avaaziens venus du monde entier » ? La question de la transparence des plateformes de pétitions en ligne, ainsi que celle de l’utilisation et de l’accès de leurs données de campagnes et de signataires, constituera sans doute un questionnement légitime sur ces nouvelles formes de mobilisations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la Commission européenne vient de renouveler l’autorisation de la molécule contenue dans l’herbicide de Monsanto, retour sur les nouvelles formes de mobilisation citoyenne antipesticides.François Allard-Huver, Maître de conférences, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/489982015-10-14T04:36:12Z2015-10-14T04:36:12ZCultures OGM : trêve fragile en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/98059/original/image-20151012-17809-pg2rcl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les végétaux génétiquement modifiés restent suspects aux yeux de nombre d'Européens.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/cat.mhtml?lang=en&language=en&ref_site=photo&search_source=search_form&version=llv1&anyorall=all&safesearch=1&use_local_boost=1&autocomplete_id=&searchterm=GM%20crops&show_color_wheel=1&orient=&commercial_ok=&media_type=images&search_cat=&searchtermx=&photographer_name=&people_gender=&people_age=&people_ethnicity=&people_number=&color=&page=1&inline=126284900">Solmule</a></span></figcaption></figure><p>Les OGM voient leur statut juridique évoluer en Europe. En effet, la <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/10/02/les-ogm-bannis-par-la-majorite-des-pays-europeens_4781627_3214.html#">plupart des pays de l’Union</a> ont désormais exercé un <a href="http://eulawanalysis.blogspot.ie/2015/03/choosing-to-go-gm-free-new-eu-legal.html">nouveau droit légal conditionnel</a> qui permet à chacun de bannir de son territoire les cultures d’organismes génétiquement modifiés. C’est la première fois que les pays sont en mesure de le faire depuis plus de 20 ans que l’Union européenne réglemente cette technologie. Il s’agit là d’une tentative de compromis forgée par la Commission de Bruxelles pour dépasser une situation de statu quo, où <a href="http://www.europabio.org/which-gm-crops-can-be-cultivated-eu">un seul OGM</a> était cultivé en Europe tandis que certains pays membres les avaient <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-952_en.htm">interdits</a>, mettant en avant des préoccupations liées à la sûreté.</p>
<p>Le 3 octobre a marqué la fin d’une période de transition où les États membres ont pu choisir une « option simple » pour exercer leur droit de restreindre la culture des OGM sur une partie ou la totalité de leur territoire. Il y aura d’autres possibilités de le faire, plus tard, mais avec plus de difficultés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/97786/original/image-20151008-9679-syx3zp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les pays européens se divisent en deux groupes : à gauche, ceux qui ont fait jouer l’option de refus de culture d’OGM, à droite, ceux qui ne l’ont pas actionné.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les cultures OGM ont été, on le sait, un sujet de discorde entre pays de
l’UE. Une fois qu’un OGM <a href="http://ec.europa.eu/food/food/animalnutrition/labelling/Reg_1829_2003_en.pdf">recevait</a> une <a href="http://www.biosafety.be/GB/Dir.Eur.GB/Del.Rel./2001_18/2001_18_TC.html">autorisation de culture</a>, elle s’appliquait automatiquement dans toute l’Union, sans tenir compte des
votes, « oui » ou « non », des pays, en vertu de la <a href="https://www.qub.ac.uk/schools/SchoolofPoliticsInternationalStudiesandPhilosophy/FileStore/EuropeanisationFiles/Filetoupload,38422,en.pdf">règle</a> qui postulait qu’un OGM accepté dans un pays pouvait être planté dans tous. De plus, les cultures pouvaient être autorisées alors même que la majorité s’y opposait. C’est ce qui s’est passé dans les années 1990 avec le <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:31997D0098">maïs BT 176</a> de Novartis.</p>
<p>Certains pays membres ainsi que des régions en Europe se sont opposés en
établissant un <a href="http://gmofree-euroregions.regione.marche.it">« réseau sans OGM »</a> et en invoquant une <a href="http://www.loc.gov/law/help/restrictions-on-gmos/eu.php">« clause de
sauvegarde »</a> qui permettait l’interdiction temporaire d’une culture à un
niveau national dans la mesure où de nouvelles informations montraient qu’il pouvait y avoir un risque pour la santé humaine ou l’environnement. Certains pays membres ont aussi milité en faveur d’une plus grande liberté pour restreindre les cultures sur leur propre sol tandis que, de son côté, la Commission retardait les autorisations de nouveaux OGM pour éviter le
conflit.</p>
<p>En 2013, la Cour de justice européenne a <a href="http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30dd606cddbd82224367bd0ba723ef88e5a6.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuRbhf0?text=&docid=142241&pageIndex=0&doclang=en&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=487442">condamné la Commission</a> pour ces
retards. Bruxelles aurait également pu faire l’objet d’une action devant les instances de l’Organisation mondiale du commerce : en effet, la situation des OGM était similaire à celle qui a prévalu entre 1999 et 2003. A cette époque, le <a href="http://www.ft.com/cms/s/0/624a88c6-97db-11da-816b-0000779e2340.html#axzz3nxpJapad">moratoire de fait</a> en Europe sur les cultures OGM avait été <a href="http://www.euractiv.com/trade/wto-panel-rules-eu-gmo-moratorium-illegal/article-152341">condamné</a> par l’OMC sous la pression des États-Unis et du Canada.</p>
<h2>La nouvelle approche</h2>
<p>En 2010, la Commission a proposé de nouvelles règles. L’évaluation et la
gestion du risque devaient être harmonisées au sein de l’UE mais les États
membres pouvaient imposer des restrictions après autorisation. Après
bien des débats, la <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=OJ:JOL_2015_068_R_0001">directive 2015/412</a> a été adoptée et est entrée en vigueur en avril dernier. Son objectif est de permettre aux pays les plus réticents vis-à-vis des OGM, comme l’Autriche ou l’Italie, de faire le choix de l’interdiction des cultures, et à ceux les plus enthousiastes, comme l’Espagne et l’Angleterre, de cultiver des OGM non encore autorisés.</p>
<p>La directive autorise les pays membres à restreindre les cultures sur un
territoire, qu’elles soient en voie d’autorisation ou que ce soit une
réautorisation. Il ne faut pas nécessaire pour les pays de donner de raisons à partir du moment où la société de biotechnologies demandeuse d’approbation pour son OGM ne s’y oppose pas. Si les cultures sont déjà autorisées, les États membres peuvent imposer unilatéralement des restrictions s’ils peuvent démontrer qu’elles sont nécessaires pour des « motifs sérieux » (la directive en produit une liste non exhaustive, par exemple les impacts
socio-économiques). Cependant, l’entreprise de biotechnologies ou d’autres
parties y ayant intérêt seront en mesure de contester la décision devant la justice.</p>
<p>La phase de transition qui s’est achevée le 3 octobre a permis aux membres
d’utiliser la première option pour refuser la culture du seul OGM autorisé par
l’Europe, le maïs MON810 de Monsanto, ainsi que celles de huit autres OGM en cours d’approbation européenne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/98243/original/image-20151013-31119-1t77ikz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Du maïs transgénique prêt à être testé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:GMO_maize_test.jpg">Yann Forget/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un compromis efficient ?</h2>
<p>Sur les 19 États membres qui ont respecté les délais pour être en mesure
d’empêcher la culture d’OGM sur leurs sols, les deux premiers n’ont pas
rencontré d’opposition de la part des entreprises de biotechnologies qui
avaient déposé les demandes. Les autres devraient être traités de la même
manière. En effet, les entreprises espèrent bien que ces pays membres seront prêts à voter en faveur des autorisations à l’avenir, ou du moins ne seront pas tentés de les bloquer. Et qu’ils mettront fin à leurs clauses de sauvegarde, sans en recréer de nouvelles, car ces dernières alimentent les doutes sur la sûreté des cultures OGM.</p>
<p>Sur le long terme, cependant, les choses sont moins claires. Les résultats
préliminaires de mes recherches financées par la British Academy, qui
incluent des interviews de représentants des États membres, indiquent que
cette possibilité de désengagement rendra certains États moins enclins à
créer des mesures de sauvegarde, mais aura peu ou pas d’impact sur les votes des autorisations. Il est vrai que les cultures peuvent tout de même être autorisées, soit par vote à la majorité qualifiée, soit par la Commission dans le cas où il y a égalité des pour et des contre. Par le passé, la Commission avait évité le passage en force pour imposer les autorisations. Elle peut aujourd’hui se dire que le système est devenu suffisamment souple pour que cela soit accepté.</p>
<p>Mais même compte tenu de cela, le manque de soutien des États membres aux
plantations d’OGM allonge le processus pour l’approbation d’une nouvelle
culture. Il n’incite pas non plus les entreprises à accepter d’exclure
certains territoires de leurs demandes d’autorisations ou à renoncer à leur droit de contester une restriction d’une autorisation déjà existante. On peut comprendre que les États membres souhaitent être cohérents, à leur
niveau national et au niveau de l’Union européenne, dans leur décision
d’accepter ou pas une culture particulière d’OGM. Mais alors il y a un
risque que les sociétés de biotechnologies demandeuses d’autorisations ne
soient pas enclines à accepter sans discussion une restriction dans des
pays, à partir du moment où ces mêmes nations se positionnent pour les
bloquer au niveau européen.</p>
<p>Comment procéderont les pays souhaitant restreindre les cultures et qui ne
reçoivent pas, pour ce faire, la « bénédiction » de la société de
biotechnologies ? Si l’Union européenne accorde son autorisation, ils seront réduits à utiliser l’argument des « motifs sérieux » pour imposer sur leur sol la restriction. Cela peut être un argument difficile à faire admettre. Justifier leur décision pour des raisons de protection de l’environnement est une possibilité limitée par la directive. Et parce que les règles autorisent les restrictions au niveau local, il est plus
compliqué de faire valoir que l’interdiction pure et simple dans un pays
tout entier est justifiée.</p>
<p>D’un autre côté, si les États membres sont empêchés d’opter pour un
désengagement, le risque part dans l’autre sens : ils pourraient alors
renouer avec les pratiques précédentes, recourir à des clauses de
sauvegarde, menacer de bloquer les autorisations, et plus généralement,
rendre tortueux l’ensemble du processus d’autorisation.</p>
<p>Ainsi, cette date limite du 3 octobre n’est-elle qu’une étape dans le débat. Si les États membres de l’UE, tout comme les sociétés de biotechnologies se montrent capables de faire preuve de souplesse, plus de cultures pourraient alors être autorisées et les mesures de sauvegarde levées. La directive 2015/412 aura alors rendu possible une trêve durable. Si ce n’est pas le cas, il ne faudra pas attendre longtemps pour que le long conflit sur les cultures d’OGM reprenne au sein de l’Union européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary Dobbs a reçu des financements de l'Académie de Grande-Bretagne concernant de futures recherches sur les cultures d'OGM.</span></em></p>L’Europe s’est prononcée sur les cultures OGM : désormais les pays ont la possibilité de les refuser, ou pas. La nouvelle directive règle-t-elle les problèmes ?Mary Dobbs, Lecturer in Law, Queen's University BelfastLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.