tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/palestine-20146/articlesPalestine – The Conversation2024-03-26T16:40:31Ztag:theconversation.com,2011:article/2262532024-03-26T16:40:31Z2024-03-26T16:40:31ZLes guerres d’Ukraine et de Gaza vont-elles redynamiser le droit international ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583758/original/file-20240322-22-cwnsz5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C2907%2C1961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Riad Al-Malki, ministre des Affaires étrangères de la Palestine (à gauche), salue le Procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan, le 21&nbsp;février 2024 à La Haye.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/CourPenaleInt/status/1759961734733873192/photo/1">Compte Twitter de la Cour pénale internationale</a></span></figcaption></figure><p>L’effectivité du droit international est souvent remise en cause, surtout durant les conflits armés, quand les déclarations des diverses juridictions ne semblent avoir aucun effet sur les belligérants.</p>
<p>Pourtant, les deux grands conflits armés en cours actuellement qui attirent particulièrement l’attention occidentale, à savoir le conflit russo-ukrainien et le conflit israélo-palestinien, pourraient, à terme, conférer au droit international une dynamique nouvelle.</p>
<h2>L’activisme judiciaire des parties prenantes</h2>
<p>Les parties prenantes de ces deux conflits se sont en effet saisies de l’outil judiciaire comme moyen complémentaire de combat. Les exemples de l’Ukraine et de la Palestine sont pour le moins instructifs à cet égard.</p>
<p>Présentons d’abord le cas de l’Ukraine. En réaction à l’agression russe entamée en 2014, l’Ukraine a saisi pas moins de sept juridictions internationales, dont la Cour internationale de Justice (CIJ). La Cour pénale internationale (CPI) est également impliquée.</p>
<p>La CIJ connaît de deux affaires. La première est <a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/166"><em>Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale</em></a>. C’est une affaire contentieuse introduite par l’Ukraine en 2017 contre la Russie et dont l’arrêt a été publié par la Cour le 31 janvier 2024, suscitant <a href="https://www.justsecurity.org/91781/taking-stock-of-icj-decisions-in-ukraine-v-russia-cases-and-implications-for-south-africas-case-against-israel/">quelques déceptions</a> chez certains observateurs qui ont pu regretter le rejet par la Cour de la majorité des requêtes ukrainiennes.</p>
<p>La seconde affaire introduite par Kiev devant la CIJ est <a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/182"><em>Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide</em></a>. Elle a été introduite en 2022 contre la Russie et est toujours pendante.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/w0pcg34WLos?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si l’Ukraine n’est évidemment pas le premier État à saisir la juridiction onusienne dans le cadre d’un conflit armé, aucun État ne l’avait saisie si rapidement. En effet, l’affaire concernant la convention sur le génocide a été introduite par l’Ukraine le 26 février 2022, soit seulement deux jours après le lancement de l’invasion russe. C’est un délai extrêmement court, qui dépasse le plus court jusqu’à présent <a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/150">(Costa Rica contre Nicaragua en 2010, en raison d’une incursion de l’armée nicaraguayenne en territoire costaricien)</a>, qui était de 17 jours entre l’incident et l’introduction de l’affaire.</p>
<p>Le cas de la CPI est tout aussi intéressant, et démontre aussi un fort volontarisme ukrainien. Kiev n’est pas partie au Statut de Rome, ce qui élimine en théorie toute possibilité pour la Cour d’être compétente à son sujet. Toutefois, il existe une procédure <em>ad hoc</em>, décrite à l’article 12§3 du <a href="https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf">Statut</a>, qui permet à un État de se soumettre à la juridiction de la Cour sur une situation particulière. L’Ukraine a utilisé cette procédure afin que la CPI puisse être compétente pour enquêter sur les crimes qui auraient pu être commis sur le territoire ukrainien depuis la fin de l’année 2013. L’examen préliminaire a débuté le 25 avril 2014 et l’enquête a effectivement commencé le 2 mars 2022.</p>
<p>S’agissant de la Palestine, la dynamique judiciaire est similaire, au moins vis-à-vis de la CPI. On constate une véritable volonté que la juridiction pénale internationale soit en capacité de se saisir de la situation, avec une double action : une <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/letat-de-palestine-ratifie-le-statut-de-rome">ratification du Statut de Rome</a> et un dépôt de déclaration en vertu de l’article 12§3, le temps que l’adhésion soit officielle – ce qu’elle sera le 1<sup>er</sup> avril 2015.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/conflit-israelo-palestinien-ce-que-dit-le-droit-215358">Conflit israélo-palestinien : ce que dit le droit</a>
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<p>Si l’Ukraine a bénéficié d’un renvoi par un groupe d’États parties au Statut – sur lequel nous reviendrons –, la Palestine a <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/22/gaza-les-palestiniens-demandent-une-enquete-de-la-cour-penale-internationale-sur-israel_5302764_3218.html">déféré elle-même sa situation au Procureur le 22 mai 2018</a>. L’examen préliminaire s’est clôturé le 20 décembre 2019, date à laquelle le Procureur de l’époque, Fatou Bensouda, a annoncé demander une expertise juridique plus précise de la Chambre préliminaire I sur l’étendue de la compétence territoriale de la Cour. Celle-ci <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/la-chambre-preliminaire-i-de-la-cpi-rend-sa-decision-sur-la-demande-du-procureur-relative-la">a statué</a> le 5 février 2021 « que la Cour pouvait exercer sa compétence pénale dans la situation en Palestine et que sa compétence territoriale s’étendait à Gaza et à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ».</p>
<p>Le Procureur a par conséquent <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-mme-fatou-bensouda-propos-dune-enquete-sur-la-situation-en">annoncé</a> le 3 mars 2021 l’ouverture d’une enquête à propos de la situation en Palestine, sur les crimes qui auraient été commis depuis le 13 juin 2014.</p>
<p>L’activisme judiciaire de l’Ukraine et de l’Autorité palestinienne pourrait encourager, à notre sens, une modification de la perception du droit international par les États impliqués dans un conflit armé. Si auparavant, il était perçu comme un outil disponible une fois que les hostilités ont cessé, il est désormais vu comme un outil mobilisable en même temps que les armes, ce qui accroît potentiellement ses chances d’utilisation. Mais, signe supplémentaire d’une redynamisation du droit international, les parties prenantes aux conflits ne sont pas les seules à se saisir de l’outil judiciaire.</p>
<h2>L’implication des États tiers</h2>
<p>Concernant l’affaire soumise par l’Ukraine à la CIJ sur la base de la convention sur le génocide, on constate l’implication d’une trentaine d’États tiers. En effet, le <a href="https://www.icj-cij.org/fr/statut">Statut de la CIJ</a> prévoit à ses articles 62 et 63 que les États tiers peuvent intervenir dans une affaire déjà portée devant la Cour. Si l’article 62 a une portée générale, l’article 63 concerne spécifiquement l’interprétation d’une convention. Il s’agit alors pour les États de pouvoir s’exprimer sur l’interprétation d’un traité et de se soumettre par la même occasion à la sentence rendue par le juge – ce qui n’est, sans intervention, pas automatique, étant donné que l’article 59 du Statut prévoit que la décision du juge n’est obligatoire que pour les parties en litige.</p>
<p>Dans l’affaire soumise par Kiev en 2022, <a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/182/intervention">33 États tiers</a> ont déposé une « Déclaration d’intervention » selon la procédure ci-dessus, y compris la France. Aucun de ces États n’est directement impliqué dans le conflit armé, ce qui démontre le fort attrait exercé par le droit international. C’est encore plus frappant si on fait une comparaison avec des affaires similaires précédentes.</p>
<p>Sur toutes les affaires soumises à la CIJ depuis 1947, la procédure d’intervention a été utilisée une vingtaine de fois. La plupart du temps, une affaire ne voit qu’une déclaration déposée par un seul État. Le cas de l’affaire ukrainienne apparaît ainsi tout à fait nouveau, avec une mobilisation de plus de trente États.</p>
<p>Pour ce qui est de la CPI, nous l’avons évoqué, c’est un groupe d’États parties qui a déféré la situation ukrainienne au Procureur. Cette façon de saisir la Cour est une option qui reste assez rare : elle représente à ce jour 12 % des saisines.</p>
<p>Sur les quatre façons disponibles, celle-ci était la plus rapide. L’Ukraine n’aurait pas pu saisir le Procureur car elle n’est pas partie au Statut de Rome. Le Procureur aurait pu ouvrir une enquête de sa propre initiative et agir <em>propio muto</em>, mais cela aurait nécessairement pris du temps. Le renvoi par le Conseil de sécurité était tout bonnement inenvisageable, la Russie étant membre permanent. La dernière option était donc le renvoi par un État partie. C’est en ce sens qu’un groupe de 39 États a déféré la situation en Ukraine devant le Bureau du Procureur. Le titulaire actuel du poste, Karim Khan, a <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-qc-sur-la-situation-en-ukraine-reception-de">déclaré l’ouverture de l’enquête</a> le 2 mars 2022. Dans le mois qui a suivi, quatre autres États parties se sont joint au groupe ayant déféré la situation.</p>
<p>La forte implication d’États tiers se retrouve aussi dans le conflit israélo-palestinien.</p>
<p>Parlons d’abord de ce qui se passe à la CIJ, qui n’a pas été impliquée par la Palestine mais bien par des États tiers. Deux affaires distinctes concernent ce conflit : un avis consultatif demandé par l’Assemblée générale des Nations unies fin 2022 et une procédure contentieuse lancée plus récemment par l’Afrique du Sud.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1725523434896031821"}"></div></p>
<p>La première affaire s’intitule <em>Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est</em>. Elle fait suite à une <a href="https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n23/004/71/pdf/n2300471.pdf?token=J1VS9T939kSviJkGQT&fe=true">requête pour avis consultatif</a> déposée par l’AG le 30 décembre 2022. La procédure est toujours en cours, les audiences publiques s’étant terminées le 26 février 2024. On attend désormais l’avis consultatif, qui sera donné ultérieurement, certains observateurs évoquant un <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/turkey-tells-world-court-occupation-is-root-cause-israeli-palestinian-conflict-2024-02-26/">délai de six mois</a>.</p>
<p>La seconde affaire, relevant elle de la procédure contentieuse, s’intitule <em>Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la Bande de Gaza</em>. Elle a été déposée par l’Afrique du Sud contre Israël et enregistrée au Greffe de la Cour le 28 décembre 2023.</p>
<p>Pretoria a en effet déposé une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-fr.pdf">requête introductive d’instance</a> pour manquements israéliens à la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-genocide">Convention sur le génocide</a> ainsi qu’une demande en indication de mesures conservatoires vis-à-vis de la situation à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Suite à la tenue d’audiences publiques, la Cour a publié le 26 janvier 2024 une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240126-ord-01-00-fr.pdf">ordonnance</a> dans laquelle elle décide de mesures conservatoires à l’encontre d’Israël, dont l’obligation pour Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention », tels que le meurtre ou l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe.</p>
<p>Le 12 février, l’Afrique du Sud a demandé l’indication de mesures additionnelles, demande qui a été rejetée par la Cour, qui a réitéré la nécessité de « la mise en œuvre immédiate et effective des mesures conservatoires indiquées […] dans son ordonnance du 26 janvier 2024 ».</p>
<p>Tout récemment, le 6 mars, <a href="https://www.reuters.com/world/south-africa-asks-world-court-more-measures-against-israel-2024-03-06/">l’Afrique du Sud a soumis une requête urgente</a> pour prévenir la famine dans la bande de Gaza. Tandis qu’Israël a fait part de ses observations à ce sujet le 15 mars, la Cour ne s’est pas encore prononcée.</p>
<p>Il est frappant de voir que des États tiers, individuellement ou collectivement, soient aussi dynamiques sur le volet judiciaire d’une affaire qui ne les concerne pas directement.</p>
<p>C’est également le cas avec la CPI. Si la Palestine a pu elle-même saisir le Procureur suite à son adhésion au Statut de Rome, cela n’a pas empêché des États tiers de s’engager dans cette affaire. Elle a récemment bénéficié de deux renvois par des groupes d’États parties : <a href="https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/2023-11/ICC-Referral-Palestine-Final-17-November-2023.pdf">cinq États</a> (Afrique du Sud, Bangladesh, Bolivie, Comores, Djibouti) ont renvoyé la situation devant le Procureur le 17 novembre 2023 et <a href="https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/2024-01/2024-01-18-Referral_Chile__Mexico.pdf">deux autres</a> (Chili et Mexique) l’ont fait le 18 janvier 2024. Ce renvoi par des États tiers après que le Procureur s’est saisi de l’affaire, qui a pour but d’« attirer l’attention du Bureau du Procureur » dans un contexte de « nécessaire priorisation de certaines situations », est inédit et est significatif du rôle que les États veulent faire jouer au droit international.</p>
<h2>Des conséquences sur le système juridique international ?</h2>
<p>Au moment où est commémoré le trentième anniversaire du génocide rwandais, qui a constitué l’occasion de mettre en place <a href="https://unictr.irmct.org/fr/tribunal">« le premier tribunal international à rendre des jugements contre les personnes présumées responsables de génocide »</a>, ces recours multiples à la CIJ et à la CPI pourraient avoir des conséquences sur le système juridique international. La nouvelle phase de la guerre russo-ukrainienne a d’ailleurs renouvelé l’intérêt d’établir des <a href="https://theconversation.com/les-crimes-commis-en-ukraine-pourront-ils-un-jour-faire-lobjet-dun-proces-international-181021">juridictions pénales internationales spéciales</a>, notamment concernant le crime d’agression.</p>
<p>Cet engagement vis-à-vis du droit pourrait inviter à considérer la promotion de mécanismes d’acception <em>ad hoc</em> de juridictions internationales, qui peuvent s’avérer constituer des leviers intéressants pour les juristes qui souhaitent voir le droit international occuper une place plus grande dans les relations internationales contemporaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226253/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samantha Marro-Bernadou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors même qu’ils sont toujours en cours, les deux grands conflits armés actuels ont donné lieu à plusieurs saisines de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale.Samantha Marro-Bernadou, Doctorante en science politique - Institut de recherche Montesquieu, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2229602024-02-15T14:10:56Z2024-02-15T14:10:56ZL’IA au cœur de la stratégie israélienne à Gaza<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575644/original/file-20240214-22-anab9e.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C12%2C1698%2C896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d’écran d’une vidéo de l’armée israélienne diffusée le 2&nbsp;novembre 2023 montrant des frappes sur la bande de Gaza.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.idf.il/%D7%90%D7%AA%D7%A8%D7%99-%D7%99%D7%97%D7%99%D7%93%D7%95%D7%AA/%D7%99%D7%95%D7%9E%D7%9F-%D7%94%D7%9E%D7%9C%D7%97%D7%9E%D7%94/%D7%9B%D7%9C-%D7%94%D7%9B%D7%AA%D7%91%D7%95%D7%AA/%D7%94%D7%A4%D7%A6%D7%95%D7%AA/%D7%9E%D7%9C%D7%97%D7%9E%D7%94-%D7%9E%D7%98%D7%A8%D7%95%D7%AA-%D7%A9%D7%94%D7%95%D7%AA%D7%A7%D7%A4%D7%95-%D7%9B%D7%95%D7%97%D7%95%D7%AA-%D7%A6%D7%94-%D7%9C-%D7%90%D7%92%D7%A3-%D7%94%D7%9E%D7%95%D7%93%D7%99%D7%A2%D7%99%D7%9F-%D7%97%D7%99%D7%9C-%D7%94%D7%90%D7%95%D7%95%D7%99%D7%A8-%D7%97%D7%99%D7%9C-%D7%94%D7%99%D7%9D/">Israeli Defence Forces</a></span></figcaption></figure><p>À la fin du mois de novembre 2023, les autorités israéliennes indiquaient que, dans les 35 premiers jours du conflit à Gaza, elles avaient frappé plus de 15 000 cibles – soit trois fois plus qu’au cours des 51 jours qu’avait duré l’opération <a href="https://www.idf.il/fr/minisites/tsahal-au-passe/guerres-et-operations/operation-bordure-protectrice-2014/">« Bordure protectrice »</a>, en 2014.</p>
<p>Quelques jours plus tard, le magazine d’investigation israélien <em>+972</em> dévoilait une <a href="https://www.972mag.com/mass-assassination-factory-israel-calculated-bombing-gaza/">enquête</a> révélant les raisons de ce rythme effréné : un programme informatique dopé à l’intelligence artificielle (IA) surnommé <em>Habsora</em> – l’Évangile en français – et fonctionnant comme une « <a href="https://www.idf.il/%D7%90%D7%AA%D7%A8%D7%99-%D7%99%D7%97%D7%99%D7%93%D7%95%D7%AA/%D7%99%D7%95%D7%9E%D7%9F-%D7%94%D7%9E%D7%9C%D7%97%D7%9E%D7%94/%D7%9B%D7%9C-%D7%94%D7%9B%D7%AA%D7%91%D7%95%D7%AA/%D7%94%D7%A4%D7%A6%D7%95%D7%AA/%D7%9E%D7%9C%D7%97%D7%9E%D7%94-%D7%9E%D7%98%D7%A8%D7%95%D7%AA-%D7%A9%D7%94%D7%95%D7%AA%D7%A7%D7%A4%D7%95-%D7%9B%D7%95%D7%97%D7%95%D7%AA-%D7%A6%D7%94-%D7%9C-%D7%90%D7%92%D7%A3-%D7%94%D7%9E%D7%95%D7%93%D7%99%D7%A2%D7%99%D7%9F-%D7%97%D7%99%D7%9C-%D7%94%D7%90%D7%95%D7%95%D7%99%D7%A8-%D7%97%D7%99%D7%9C-%D7%94%D7%99%D7%9D/">usine à cibles</a> », 24 heures sur 24.</p>
<p>D’après l’article, ce système capable de traiter des masses de données très hétérogènes et issues de différentes branches du renseignement serait utilisé par Tsahal pour identifier les cibles potentielles de la campagne de bombardements, mais aussi pour estimer à l’avance le nombre de victimes civiles.</p>
<h2>Un recours massif à l’intelligence artificielle</h2>
<p>En Israël, le recours à ce type de technologies n’est pas nouveau : Tsahal a, en effet, érigé la supériorité technologique face à ses adversaires en objectif clé, notamment dans le cadre de son plan de modernisation, mis en œuvre en 2019 et baptisé <a href="https://fr.timesofisrael.com/tsahal-devoile-son-momentum-plus-destructeur-et-rapide-moyennant-financement/">« Momentum »</a>. En 2021, déjà, l’opération « Gardien des Murs » avait été qualifiée par l’armée israélienne de <a href="https://www.jpost.com/arab-israeli-conflict/gaza-news/guardian-of-the-walls-the-first-ai-war-669371">« première guerre de l’intelligence artificielle »</a>.</p>
<p>Ainsi que l’<a href="https://www.ynetnews.com/magazine/article/ry0uzlhu3">expliquait</a> il y a quelques mois l’ancien chef d’état-major Aviv Kochavi, le programme <em>Habsora</em> avait été utilisé pour générer une centaine de cibles par jour, dont la moitié avaient effectivement été engagées. Il rappelait, à titre de comparaison, que jusqu’alors une cinquantaine de cibles étaient identifiées chaque année dans les territoires palestiniens.</p>
<p>Comme l’exposait en juin 2022 la chercheuse Liran Antebi <a href="https://www.calameo.com/cesa/read/00694028836ec273548b7">dans les colonnes de la revue <em>Vortex</em></a>, l’État hébreu s’appuie sur au moins quatre logiciels dans ses opérations contre le Hamas : <em>Alchemist, Gospel (Habsora), Depth of Wisdom</em> et <em>Fire Factory</em>.</p>
<p>Si le fonctionnement précis de ces systèmes, vraisemblablement conçus par la célèbre <a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-ces-unites-militaires-secretes-ou-poussent-des-start-up-15-12-2023-2547150_24.php">unité 8 200</a>, est difficile à établir, il semble qu’<em>Alchemist</em> facilite les ripostes en cas d’attaque visant le territoire israélien ; que <em>Depth of Wisdom</em> cartographie les sols et les sous-sols de la bande de Gaza (pour repérer les tunnels du Hamas) ; qu’<em>Habsora</em> définit les cibles les plus pertinentes ; tandis que <em>Fire Factory</em> génère en temps réel des plans de frappe par avions et par drones, en fonction du type de cible. C’est grâce à ces technologies de pointe que l’armée israélienne est désormais capable de frapper plusieurs centaines de cibles par jour.</p>
<p>Ces logiciels permettent d’automatiser la constitution des « dossiers d’objectifs » préalables aux missions aériennes. Ces dossiers comportent des cartes et des images satellite de localisation des cibles ; ils précisent également les types de munitions à privilégier, ainsi que les points d’impact potentiels et les conséquences probables des frappes.</p>
<p>En croisant ces données, les programmes suggèrent automatiquement des cibles, sur le modèle des <a href="https://dommagescivils.wordpress.com/2012/12/25/signature-strike/"><em>signature strikes</em> américaines</a> qui agrègent les caractéristiques communes d’individus impliqués dans des actes terroristes pour en dégager des « schémas » ou « patterns of life ». La CIA a ainsi ciblé des individus dont l’identité n’était pas formellement confirmée, mais dont un ensemble de données (localisation, équipement, âge, sexe, etc.) permettait de les associer à des combattants d’organisations terroristes.</p>
<h2>Une « usine à assassinats de masse »</h2>
<p>L’auteur de l’enquête de <em>+972</em>, Yuval Abraham, expose dans une <a href="https://www.democracynow.org/2023/12/1/israel_gaza_war_gospel_artificial_intelligence">interview</a> au média américain <em>Democracy Now</em> que ces programmes informatiques ont été développés pour la <em>Target Division</em> de Tsahal, afin de remédier à la pénurie de cibles dont avaient pâti les forces israéliennes lors de leurs opérations précédentes à Gaza. L’armée de l’air s’était en effet trouvée plusieurs fois à court d’objectifs, alors que demeurait une forte pression politique pour continuer la guerre.</p>
<p>Le journaliste israélien alerte toutefois sur la « politique du chiffre » dont découle cette capacité à identifier des centaines d’objectifs chaque jour. Il relate ainsi que les militaires auprès desquels il a enquêté estiment être « jugés sur la quantité de cibles qu’ils arrivent à désigner, pas sur leur qualité », dans le but de créer un effet de choc au sein de la population gazaouie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1730936319705026620"}"></div></p>
<p>Cette multiplication des frappes occasionne cependant un nombre colossal de victimes, majoritairement civiles.</p>
<p>Le bilan depuis le 7 octobre a ainsi dépassé les 27 000 morts à Gaza, dont les deux tiers <a href="https://www.liberation.fr/checknews/quelle-est-la-proportion-de-combattants-du-hamas-parmi-les-plus-de-26-000-personnes-tuees-a-gaza-20240129_RUGTGURDFJHXBOZCSETFW34BHA/">ne sont pas des combattants</a>, d’après les chiffres avancés par les autorités israéliennes. Le recours à des techniques d’intelligence artificielle autorise donc Tsahal à <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/dec/01/the-gospel-how-israel-uses-ai-to-select-bombing-targets">intensifier ses frappes</a>, mais ne permet pas pour autant de limiter les « dommages collatéraux », ce qui peut sembler paradoxal.</p>
<h2>Une « riposte disproportionnée » ?</h2>
<p>L’emploi de l’IA dans un nombre croissant de systèmes d’armes est présenté comme porteur d’une plus grande mesure dans le recours à la force, car permettant davantage de précision dans les frappes. Le cas d’<em>Habsora</em> démontre au contraire que ces technologies peuvent aussi être employées pour intensifier les campagnes aériennes en augmentant la cadence des frappes – causant donc plus de dommages humains et matériels parmi les civils. La retenue dans l’usage de la force ne dépend donc pas d’instruments techniques, mais bien d’une volonté politique.</p>
<p>Dans le cadre de l’opération « Glaives de fer », qui a débuté le 11 octobre 2023, deux objectifs militaires ont été fixés à l’armée israélienne : l’éradication du Hamas d’une part, et la libération des près de 240 otages détenus dans Gaza depuis le 7 octobre d’autre part.</p>
<p>Ces objectifs ont toutefois été vivement critiqués en Israël. D’abord parce que, comme l’a pointé le <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-12-16/ty-article/.premium/israels-two-war-aims-meet-for-a-fatal-clash-every-day-in-gaza-endangers-hostages/0000018c-73d3-d798-adac-f7ff8ca30000">journaliste d’<em>Haaretz</em> Amos Harel</a>, ils sont en partie contradictoires, les otages étant susceptibles de périr lors de bombardements ou lors d’échanges de tirs entre les geôliers et Tsahal ; la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/16/l-armee-israelienne-reconnait-avoir-tue-par-accident-trois-otages-lors-d-une-operation-dans-la-bande-de-gaza_6206133_3210.html">mort tragique d’otages</a> abattus par l’armée israélienne alors qu’ils avaient réussi à s’échapper en est un exemple cruel.</p>
<p>Ils semblent en outre difficilement réalisables sur le plan tactique. Le Hamas est une organisation biface : si sa branche armée s’est rendue coupable d’actions terroristes de masse, il n’en reste pas moins perçu par une partie du peuple palestinien comme un parti capable d’organiser une résistance. Son éradication militaire ne serait donc pas synonyme de sa défaite politique ou idéologique.</p>
<p>Le gouvernement israélien est donc confronté à un dilemme : comment cibler le Hamas de façon adéquate tout en sauvant les otages ? Depuis la seconde Intifada (2000-2005), Tsahal a oscillé entre deux approches de l’emploi de la force. La première, extrêmement précise, se traduit par des campagnes de « prévention ciblée » visant à éliminer les hauts responsables ennemis – du Hamas, mais aussi du Hezbollah ou de l’Iran. Cette approche apporte des succès tactiques : elle permet de réduire le niveau de menace pesant sur Israël en ralentissant le rythme des attaques, en privant les organisations ciblées de compétences essentielles, et en compliquant les communications entre les chefs, contraints de se cacher.</p>
<p>La seconde approche consiste au contraire à riposter de manière disproportionnée, afin de dissuader l’action armée. Cette option se décline en de multiples théorisations, dont la plus célèbre est « la doctrine Dahiya », du nom d’un quartier de Beyrouth rasé par l’aviation israélienne en 2006.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1726988377239453757"}"></div></p>
<p>Gadi Eisenkot, ancien chef d’état-major israélien – et qui fait désormais partie du cabinet de guerre – avait ainsi déclaré dans une <a href="https://www.haaretz.com/2008-10-05/ty-article/analysis-idf-plans-to-use-disproportionate-force-in-next-war/0000017f-db22-d856-a37f-ffe216460000">interview</a> à <em>Haaretz</em> en 2008 :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui est arrivé à Dahiya à Beyrouth en 2006 arrivera à tous les villages qui servent de base à des tirs contre Israël. Nous ferons un usage de la force disproportionné et y causerons de grands dommages et destructions. Ce n’est pas une suggestion mais un plan qui a été approuvé. »</p>
</blockquote>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/01/02/israel-autorise-la-destruction-punitive-de-maisons-de-terroristes-palestiniens_4548355_3218.html">destruction des maisons des familles de Palestiniens accusés de terrorisme</a> s’inscrit également dans cette idée d’utilisation de la force à des fins dissuasives et dans une logique de responsabilité collective, qui vise à rendre insupportable aux Palestiniens les conséquences de toute action armée.</p>
<p>L’opération <a href="https://www.idf.il/fr/minisites/guerre-contre-le-hamas/glaive-de-fer-compte-rendu-en-temps-reel/">« Glaive de fer »</a> conjugue donc ces deux approches, ainsi que leurs travers. D’une part, la perception du Hamas par l’état-major de Tsahal semble réduite aux quatre dirigeants responsables de la branche militaire : Yahya Sinouar et son frère Mohammed Sinouar, Abu Ubaida et Mohammed Deif. Incapable de les localiser et de les éliminer, l’armée israélienne offre une image de défaite, en dépit de l’intense campagne militaire en cours. <a href="https://www.jpost.com/israel-hamas-war/article-778002">Des tracts</a> ont ainsi été largués dans Gaza promettant une récompense à tous les Gazaouis détenant des informations sur ces quatre hommes.</p>
<p>Le cabinet de guerre semble quant à lui pencher pour la <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2009-4-page-75.htm">riposte disproportionnée</a>, afin de restaurer le régime de dissuasion qui s’est écroulé le 7 octobre. Cette stratégie est néanmoins contraire à l’un des principes cardinaux du droit international humanitaire (DIH) : l’obligation pour les armées de distinguer entre civils et combattants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-gaza-larmee-israelienne-respecte-t-elle-le-droit-international-217394">À Gaza, l’armée israélienne respecte-t-elle le droit international ?</a>
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<p>Certes, le DIH admet que des civils meurent au cours de frappes, mais seulement si l’objectif militaire anticipé est décisif, et si toutes les précautions ont été prises pour éviter ces morts.</p>
<p>D’après les informations recueillies par <em>+972</em>, le programme <em>Habsora</em> permet de connaître précisément le nombre de civils susceptibles d’être tués lors d’une frappe. Le calcul de proportionnalité de Tsahal a donc manifestement évolué : Yuval Abraham rapporte ainsi qu’alors que jusqu’au 7 octobre une dizaine de victimes collatérales étaient tolérées pour éliminer un membre exécutif du Hamas, plus d’une centaine de morts civiles seraient désormais acceptées pour en neutraliser un membre subalterne.</p>
<p>Cette évolution explique la destruction d’immeubles entiers pour abattre une unique cible répertoriée, comme en témoigne la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/conflit-a-gaza-le-camp-de-refugies-de-jabaliya-de-nouveau-bombarde">frappe sur le camp de réfugiés de Jabaliya</a>, le 31 octobre 2023, qui visait un seul des dirigeants de l’attaque du 7 octobre et qui a fait 126 morts, <a href="https://airwars.org/observation/entire-family-killed/">selon le collectif Airwars</a>.</p>
<p>Ces exemples tendent à montrer que le recours à des technologies avancées ne conduit pas à l’avènement d’une guerre plus « propre » : les algorithmes ne sont ici pas utilisés pour limiter les dommages collatéraux, mais pour cibler plus massivement, avec un ratio particulièrement élevé de victimes civiles, et ce en connaissance de cause.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1712718931171967426"}"></div></p>
<h2>Le piège de la guerre asymétrique</h2>
<p>L’analyse de la campagne militaire de l’armée israélienne conduit enfin à s’interroger sur son efficacité stratégique. Alors que les plus hauts responsables militaires de l’attaque du 7 octobre sont encore en vie, terrés dans les tunnels de Gaza, l’offensive militaire est de plus en plus critiquée à l’international, en raison du grand nombre de civils tués. La Cour internationale de justice, saisie par l’Afrique du Sud, a ainsi <a href="https://aoc.media/analyse/2024/01/29/afrique-du-sud-c-israel/">constaté un risque de génocide à Gaza</a>, fragilisant le soutien occidental à l’État hébreu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/israel-devant-la-cour-internationale-de-justice-celle-ci-est-elle-devenue-un-substitut-a-un-conseil-de-securite-dysfonctionnel-220727">Israël devant la Cour internationale de justice : celle-ci est-elle devenue un substitut à un Conseil de sécurité dysfonctionnel ?</a>
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<p>Or ce soutien est vital pour Israël, qui <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/les-americains-plus-prompts-a-aider-tel-aviv-que-kiev-1988555">bénéficie d’une aide militaire américaine de 3,8 milliards de dollars par an</a>. Certains de ses équipements militaires clés sont achetés aux États-Unis, dont une cinquantaine d’avions F35. Sur le plan opérationnel, l’envoi de deux porte-avions américains en Méditerranée immédiatement après le 7 octobre a été décisif pour dissuader l’Iran de profiter du chaos dans lequel Israël était plongé pour attaquer. Dans un tel contexte, un abandon du soutien américain aurait des conséquences majeures sur la politique de défense israélienne.</p>
<p>Sur le plan local, les morts et blessés civils nourrissent le ressentiment des Gazaouis envers Israël, ce qui a pour effet de les pousser dans les bras du Hamas plutôt que de les en détourner. Un enfant de Gaza ayant vécu les guerres de 2014, de 2021, puis de 2023 sera sans doute plus susceptible d’être séduit par la rhétorique guerrière du Hamas que de devenir un partenaire stable avec lequel construire une paix durable dans la région.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.awrad.org/files/server/polls/polls2023/Public%20Opinion%20Poll%20-%20Gaza%20War%202023%20-%20Tables%20of%20Results.pdf">sondage</a> réalisé le 14 novembre par le <em>Arab World for Research and Development</em> auprès des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, 76 % des personnes interrogées déclaraient ainsi qu’elles avaient une vision positive du Hamas ; en septembre, <a href="https://www.foreignaffairs.com/israel/israels-failed-bombing-campaign-gaza">27 % seulement</a> des personnes interrogées dans ces deux territoires estimaient que le Hamas était « celui qui méritait le plus de représenter le peuple palestinien ».</p>
<p>Comment, alors, expliquer le choix d’Israël de recourir à une intense campagne de bombardements, avec l’aide d’<em>Habsora</em> ? L’État hébreu semble avoir été pris dans le <a href="https://quillette.com/2023/12/01/gaza-and-the-asymmetry-trap/">« piège de la guerre asymétrique »</a> : l’effroi et la colère des Israéliens à la suite des massacres du 7 octobre ont incité le gouvernement Nétanyahou à mettre en œuvre une réponse politique forte, dont la pertinence militaire pose aujourd’hui question.</p>
<p>En l’absence d’une solution politique, Israël risque de s’épuiser dans une guerre sans issue. Le 7 octobre a déjà montré les limites du « tout technologique », lorsque le mur réputé infranchissable entre Israël et les territoires palestiniens a été déjoué par des membres armés du Hamas. Le ciblage intensif permis par <em>Habsora</em> peut donner une nouvelle fois au peuple israélien l’illusion d’une victoire sur le Hamas, alors que les leaders militaires de ce dernier n’ont pas été éliminés et que le grand nombre de victimes civiles risque d’aliéner à Israël l’appui de ses soutiens internationaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le recours systématique à l’IA pour désigner les cibles palestiniennes et décider de l’intensité des frappes est, pour l’instant en tout cas, loin d’avoir porté ses fruits.Laure de Roucy-Rochegonde, Chercheuse au Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri), chercheuse associée au Centre de recherches internationales (Ceri, Sciences Po/CNRS), Sciences Po Amélie Férey, Chercheuse et responsable du Laboratoire de recherche sur la Défense, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216732024-02-09T17:48:18Z2024-02-09T17:48:18ZSur fond de guerre, le Qatar orchestre son soft power autour de la cause palestinienne<p>Depuis octobre et l’enclenchement de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/themes/guerre/la-guerre-de-soukkot/">« guerre de Soukkot »</a> en représailles à l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, les tarmacs des aéroports de Doha sont au cœur d’un <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/video/2023/12/07/israel-hamas-comment-le-qatar-s-est-il-impose-comme-un-interlocuteur-incontournable-comprendre-en-trois-minutes_6204360_6176282.html">intense ballet diplomatique</a>. L’émirat est, en effet, devenu un acteur incontournable dans la gestion des crises régionales.</p>
<p>Ces jours-ci, les projecteurs de son théâtre du <em>soft power</em> sont à nouveau braqués vers l’aéroport Hamad international. L’élite du football asiatique y a défilé depuis le 12 janvier, avec un seul but en tête : soulever la Coupe d’Asie des Nations. Une compétition que le Qatar organise un peu plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du monde, et dont il espère, au-delà d’une victoire finale de son équipe nationale (qui affrontera la Jordanie en finale ce samedi), qu’elle lui permettra d’entretenir son rang international.</p>
<h2>Le Hamas à Doha</h2>
<p>L’histoire du <em>soft power</em> qatarien pourrait se résumer aux arrivées sur ses tarmacs. Ces lieux de passage symbolisent la centralité de l’émirat sur l’échiquier moyen-oriental, particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de gérer d’épineux dossiers tel celui du conflit israélo-palestinien.</p>
<p>La crise qui s’est ouverte à Gaza offre au Qatar une nouvelle occasion de jouer un rôle crucial. Si issue favorable au sujet des otages israéliens détenus par le Hamas il y a, ce sera probablement grâce à <a href="https://www.iris-france.org/180462-israel-hamas-comment-le-qatar-sest-il-impose-comme-mediateur-du-conflit/">sa médiation</a>.</p>
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<p>Ce caractère central, Doha l’a forgé en se positionnant comme un relais auprès d’acteurs régionaux souvent jugés infréquentables par les puissances occidentales. C’est ainsi qu’une partie de la branche politique du Hamas est <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-que-va-t-il-advenir-des-dirigeants-du-hamas-installes-au-qatar">officiellement installée dans la capitale</a> depuis 2012. À cette époque, le mouvement palestinien, alors basé à Damas, ne cautionne pas la répression exercée par son protecteur Bachar Al-Assad à l’encontre de sa propre population. Face à cette discorde majeure, son bureau politique <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/28/world/middleeast/khaled-meshal-the-leader-of-hamas-vacates-damascus.html">cherche un nouveau point de chute</a>.</p>
<p>Les États-Unis y voient une occasion de renouer discrètement leurs relations avec le Hamas, rompues de manière officielle en 1997, quand Washington l’avait inclus dans sa <a href="https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/">liste des organisation terroristes</a>. Le tournant de 2012 est pour l’administration américaine une nouvelle occasion à saisir, une aubaine pour instaurer une nouvelle voie d’échanges avec cet acteur incontournable sur l’échiquier palestinien, qui administre pleinement depuis 2007 la bande de Gaza. Aux yeux de Washington, Doha apparaît comme le parfait entremetteur, et les Américains incitent l’émirat à proposer l’hospitalité aux dirigeants palestiniens. Voir ces derniers quitter Damas pour leur autre sponsor, Téhéran, aurait grandement compromis tout canal de discussions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1715763608787841427"}"></div></p>
<p>Échanger avec le Hamas passe désormais avant tout par l’émirat, où la confrérie des Frères musulmans, persécutée par les différents régimes nationalistes arabes, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/les-pays-du-golfe-face-la-question-freriste">est influente depuis les années 1960</a>. La diplomatie américaine perçoit le Qatar comme son seul allié en mesure d’exercer ce rôle.</p>
<p>De son côté, Doha considère que la présence sur son sol du Hamas renforce sa capacité à peser davantage dans l’arène internationale. Ce ressort diplomatique est un point crucial dans l’essor d’un <em>soft power</em> à multiples facettes fréquemment présenté comme l’assurance vie d’un émirat de prime abord fragile. Cette stratégie initiée à partir de 1995 à l’issue d’un coup d’État de palais qui amène au pouvoir Hamad ben Khalifa Al-Thani (lequel abdiquera en 2013 au profit de son fils Tamim ben Hamad Al Thani) résulte d’un environnement régional incertain.</p>
<h2>Un rôle clé au cœur du Proche-Orient</h2>
<p>Hamad ben Khalifa Al-Thani a le dessein de garantir la sécurité de son pays en mettant en place un système basé sur l’interdépendance. Son architecture repose sur l’investissement de multiples champs, allant de <a href="https://gfmag.com/country-report/qatar-spending-cash-abroad/">l’entrée au capital de grands groupes</a> à une présence soutenue sur le marché de l’art. La modernisation de son infrastructure gazière et l’exploitation de riches gisements constituent le noyau de sa stratégie.</p>
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<p>Fort de <a href="https://www.lesechos.fr/2017/06/comment-le-petit-qatar-est-devenu-si-riche-si-rapidement-172941">ressources financières rapidement devenues abondantes</a>, le pays cultive des alliances plurielles. Depuis 1995, il accueille de nombreux événements, <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210717-afghanistan-des-discussions-%C3%A0-doha-entre-taliban-et-gouvernement-malgr%C3%A9-les-combats">politiques</a> comme <a href="https://journals.openedition.org/emam/3402">sportifs</a>, et <em>Al-Jazeera</em>, son média panarabe, s’affirme dans le même temps comme un moyen privilégié d’offrir à l’opinion arabe une vision de l’actualité régionale conforme aux intérêts de Doha.</p>
<p>Après le 7 octobre dernier, le Qatar propose ses services à Tel-Aviv pour faciliter la libération des centaines d’otages aux mains du mouvement islamiste. Dans un exercice où il excelle, sa diplomatie prend activement part aux négociations d’échanges d’otages et de cessez-le-feu. Elle doit aussi composer avec la stratégie jusqu’au-boutiste d’un premier ministre israélien qui voit dans la poursuite de la guerre la seule condition de sa survie politique et de son immunité judiciaire. Doha et sa posture médiatrice sont à présent <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20240125-isra%C3%ABl-benjamin-netanyahou-remettrait-en-cause-la-m%C3%A9diation-du-qatar">sous le feu des critiques de Benyamin Nétanyahou</a>.</p>
<h2>Une cérémonie d’ouverture aux sons de la Palestine</h2>
<p>Le 12 janvier dernier, l’ouverture de la Coupe d’Asie à Lusaïl, ville nouvelle située dans le nord de la métropole de Doha, réaffirme une fois de plus l’omniprésence de l’émirat. Ses stades, construits en vue de la Coupe du monde 2022, ont été conçus comme un arsenal, armé pour entretenir ce pilier de son <em>soft power</em> actif.</p>
<p>L’attribution de la Coupe du monde avait pourtant fait jaser, du fait de rumeurs insistantes de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/26/coupe-du-monde-2022-le-qatari-mohamed-ben-hammam-vise-par-un-mandat-d-arret-de-la-justice-francaise_6191047_3224.html">corruption</a> de certains membres de la FIFA ; par la suite, la construction des stades avait mis en lumière le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/football-coupe-du-monde-2022-6-500-ouvriers-seraient-morts-dans-les-chantiers-au-qatar-7164865">sort inhumain réservé aux ouvriers étrangers</a> travaillant sur les chantiers qatariens ; et l’attention accrue portée au Qatar dans les mois et années précédant la compétition mondiale avait suscité la mise en avant de nombreuses interrogations sur son <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/ingerence-etrangere-pourquoi-un-lobbyiste-et-un-specialiste-du-qatar-sont-mis-en-examen-dans-une-affaire-tentaculaire_6192618_3224.html">ingérence</a> dans les affaires de ses partenaires, notamment occidentaux. Des accusations illustrant le fait que l’arme première du Qatar réside dans l’argent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753118864185921604"}"></div></p>
<p>Tout cela ne semble pas, pour l’heure, freiner la progression de Doha. Dans un système mondialisé avant tout régi par la norme monétaire, le Qatar l’a bien compris : sa prospérité économique le protège. Un an après une finale de Coupe du monde légendaire, l’émir et Gianni Infantino, le président de la FIFA, aux mêmes places, assistent côte à côte à la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Asie des nations.</p>
<p>Et en ces temps de guerre, à la manière d’<em>Al-Jazeera</em>, le Qatar conçoit à nouveau son événement comme une caisse de résonance de son discours international – en l’occurrence, celui d’un appui complet à la cause palestinienne. L’émirat fête ainsi la Palestine – et cette fois-ci, une sélection palestinienne meurtrie mais qualifiée <a href="https://www.la-croix.com/sport/football-cinq-choses-a-savoir-sur-l-equipe-de-palestine-qui-se-distingue-a-la-coupe-dasie-20240129">est sur le terrain</a>.</p>
<p>Le temps de la cérémonie d’ouverture, la pelouse de l’Iconic Stadium prend des airs d’étendue désertique. Sur les dunes, les acteurs et danseurs entrent en scène pour une évocation de <a href="https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/kalila-dimna-ou-la-fable-fertile"><em>Kalila et Dimna</em></a>, œuvre littéraire majeure du répertoire indien. Ce faisant, Doha rappelle les âges d’or de grandes civilisations asiatiques, de l’Inde à la Bagdad des Abbassides. Ces multiples livres réunissent des fables ayant pour but d’enseigner l’art de gouverner. Écrits en sanskrit au IV<sup>e</sup> siècle, ces textes ont été par la suite traduits en pehlavi dans la Perse sassanide, puis en arabe sous les Abbassides. <em>Kalila et Dimna</em> intègre ainsi la culture arabe. Par le recours à ces traits artistiques, le Qatar crée du liant entre sociétés asiatiques d’horizons divers.</p>
<p>Place au jeu ; comme la tradition le veut, le capitaine de la sélection du pays hôte entre sur le terrain. Hassan Al-Haydoos salue l’émir, puis rappelle que de coutume il revient au capitaine de la sélection hôte de prêter serment pour lancer le tournoi… mais annonce que pour cette édition extraordinaire il réserve cet honneur à la Palestine et à son capitaine. Sous les vivats du stade, Musab Al-Batat prend le micro et déclame le serment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745825395784442101"}"></div></p>
<p>Le symbole est fort : la parole est donnée à la Palestine, qui donne le coup d’envoi de cette Coupe d’Asie. À présent, une voix résonne dans l’enceinte : « Lil-madinat al-salat usaly – Pour la ville de la prière je prie ». Sur ces paroles empruntées à la grande diva libanaise, Fayrouz, la chanteuse qatarienne Dana Al-Mir entonne ce vers de sa célèbre chanson <a href="https://www.imarabe.org/fr/actualites/bibliotheque/2018/jerusalem-zahrat-al-mada-in">« Al-Zaharat al-mada’ïn »</a>, un hommage à Jérusalem, restée pour l’opinion arabe la capitale de la Palestine.</p>
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<p>S’ensuit un chant symbolique de la résistance des femmes palestiniennes, le <em>tarwideh</em>, également appelé <em>al-malulah</em>. Dana Al-Mir est rejointe sur scène par un groupe de femmes sorti de l’ombre, portant l’habit traditionnel palestinien, <em>al-thowb al-falestiny</em>. Rassemblées, elles reprennent en cœur une poésie cryptée visant à déjouer la surveillance de l’ennemi. Forgé par les femmes palestiniennes au cours du XX<sup>e</sup> face aux oppressions successives subies par la société palestinienne, ce genre musical repose sur l’inversion des lettres de la phrase ou du cœur de la dernière lettre de chaque mot. Les paroles interprétées à Lusaïl signifient littéralement : <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=urLTg-3eImU">« Et je suis pour envoyer avec le vent du nord »</a>. L’emploi de ce vers au sens caché vise à donner une orientation géographique au détenu qui l’entend. Puis les danseuses avancent en rythme vers la sortie. Une chanson retentit pour les accompagner : « Bilady, bilady, bilady, ya ardy, ya ard al-jadoud – Mon pays, mon pays, mon pays, ô ma terre, ô la terre des ancêtres ». L’hymne de la Palestine, « Fedayi », ponctue cette cérémonie d’ouverture imprégnée de géopolitique.</p>
<p>Deux semaines plus tard, le Qatar rencontrera la Palestine en huitième de finale et la vaincra de justesse ; mais au-delà du résultat sportif, la plus grande victoire pour Doha sera probablement l’impact symbolique de la solidarité affichée à cette occasion, comme tout au long de la Coupe d’Asie, par les footballeurs et les autorités du petit émirat à l’égard des Palestiniens. Se voyant comme un leader arabe, le Qatar continue de jouer sur la corde sensible de la cause palestinienne qui, loin des palais, demeure le trait d’union entre sociétés de Casablanca à Bagdad.</p>
<h2>La FIFA sous pression, une fois de plus confrontée à la géopolitique moyen-orientale</h2>
<p>À l’abri des regards, les loges et salons de Doha auront vraisemblablement été des lieux d’échanges poussés. Alors que la Coupe d’Asie touche à sa fin, en coulisses, derrière le prince Ali ben Al-Husseïn, l’influent président de la fédération jordanienne, se rangent douze de ses homologues de pays membres de la Fédération d’Asie de l’Ouest de football. Ils formulent auprès de la FIFA une demande d’exclusion de la fédération israélienne de toute instance du football mondial. Cette requête « choc », <a href="https://news.sky.com/story/amp/israel-faces-calls-for-football-ban-from-nations-in-the-middle-east-but-urges-fifa-not-to-involve-politics-13066461">révélée par <em>Sky News</em></a>, montre que ces États décident de pleinement politiser le football mondial pour tenter de peser sur la situation à Gaza. Comptant en son sein de puissants acteurs, parmi lesquels le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, cette union entend jouer sur leur stature pour accroître la pression sur le gouvernement Nétanhyaou. La FIFA fait face une nouvelle fois à ses contradictions. Vantée comme « apolitique », l’enceinte sportive se révèle, encore une fois, intrinsèquement politique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de Fondation de France. </span></em></p>La Coupe d’Asie organisée au Qatar est pour l’émirat un nouveau moment de soft power – spécialement dans le contexte actuel, quand l’ensemble des sociétés arabes a les yeux braqués sur la Palestine.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216712024-01-29T15:48:28Z2024-01-29T15:48:28ZLes États-Unis vers un conflit à grande échelle avec les Houthis du Yémen et les organisations politico-militaires irakiennes ?<p>Au Proche-Orient, la guerre de Gaza est en train d’acquérir une dynamique propre, ravivant le spectre de nouveaux conflits régionaux. Appuyé par les États-Unis, qui ont <a href="https://www.lepoint.fr/monde/les-etats-unis-livrent-des-munitions-a-israel-et-renforcent-leur-presence-militaire-08-10-2023-2538500_24.php">envoyé leur plus imposant navire de guerre dans la zone</a>, Israël mène, depuis l’assaut meurtier du Hamas le 7 octobre dernier, une guerre à grande échelle qui, <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-israelienne-pour-gaza-216050">aux yeux de nombreux observateurs</a>, ne viserait pas uniquement à éradiquer le groupe islamiste mais également à expulser les Palestiniens de Gaza en prenant pour cible les infrastructures et les populations civiles. La Cour internationale de Justice vient d’ailleurs d’<a href="https://apnews.com/article/israel-palestinians-south-africa-genocide-hate-speech-97a9e4a84a3a6bebeddfb80f8a030724">accepter d’instruire la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/israel-devant-la-cour-internationale-de-justice-celle-ci-est-elle-devenue-un-substitut-a-un-conseil-de-securite-dysfonctionnel-220727">Israël devant la Cour internationale de justice : celle-ci est-elle devenue un substitut à un Conseil de sécurité dysfonctionnel ?</a>
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<p>Dans ce contexte, des acteurs non étatiques armés alliés à l’Iran ont lancé, dans une stratégie concertée, des représailles asymétriques contre Israël depuis la Syrie, le Liban, l’Irak et le Yémen. Ces acteurs mènent également des opérations offensives contre les forces américaines, perçues comme partie prenante de la guerre israélienne contre Gaza.</p>
<p>Une perception erronée des réalités locales conduit à réduire ces acteurs non étatiques au rôle de « proxies » : on a tendance à ne les voir que comme un réservoir de forces projetables que l’Iran actionne quand il le souhaite pour mener des actions offensives. Or, bien que ces acteurs convergent stratégiquement avec Téhéran sur le plan régional et font partie intégrante d’un axe de la dissuasion active face à Israël, ils disposent également d’une autonomie certaine et agissent conformément à leur propre agenda. Il en va ainsi aussi bien des <a href="https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-2-page-93.htm">organisations politico-militaires chiites</a> actives en Irak que des <a href="https://theconversation.com/qui-sont-les-houthis-cette-milice-yemenite-visee-par-les-frappes-americaines-et-britanniques-221149">Houthis au Yémen</a>.</p>
<h2>Escalade avec les organisations politico-militaires chiites en Irak</h2>
<p>En Irak, où les États-Unis conservent une présence de 2 500 soldats – en vertu d’un accord avec le gouvernement de Bagdad, pour conseiller et former les forces de sécurité irakiennes dans le cadre de la lutte anti-Daech –, une <a href="https://english.aawsat.com/arab-world/4786701-syria-extends-humanitarian-aid-delivery-bab-al-hawa-crossing">centaine d’opérations offensives ciblant l’armée américaine ont été dénombrées depuis le 17 octobre</a>.</p>
<p>En réponse, les États-Unis ont mené, le 4 janvier dernier, une attaque de drone qui a tué Mushtaq Jawad Kazim al-Jawari, également connu sous le nom d’Abu Taqwa, le chef du puissant groupe <a href="https://www.counterextremism.com/threat/harakat-hezbollah-al-nujaba-hhn">Harakat al-Nujaba</a>.</p>
<p>Aux côtés de plusieurs autres organisations – notamment la brigade Badr, Asaib Ahl al-Haq et Kataib Hezbollah, ce groupe relève du <a href="https://www.courrierinternational.com/article/finances-en-irak-une-force-paramilitaire-pro-iran-pese-sur-le-budget-de-l-etat">Hached al-Chaabi</a> – les « Forces de mobilisation populaire » irakiennes, ou FMP – une coalition de forces paramilitaires soutenue par l’Iran, poids lourd structurel en Irak.</p>
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<p>Sur la scène irakienne, les FMP apparaissent aujourd’hui comme un acteur politique puissant dont la légitimité a été renforcée par les <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BAKAWAN/66186">succès obtenus sur le terrain face à Daech</a> et qui s’est vu accorder un statut officiel de branche auxiliaire des forces de sécurité irakiennes.</p>
<p>L’assassinat en janvier 2020 de leur chef adjoint <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/01/03/abou-mehdi-al-mouhandis-l-autre-victime-du-raid-contre-soleimani_1771652/">Mahdi el-Mohandes</a>, lors de la frappe américaine qui a tué le haut responsable iranien Qassem Soleimani, commandant de la Force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution islamique et architecte du développement du potentiel militaire de l’axe de la dissuasion active mis en place par Téhéran, n’a pas empêché les FMP de continuer de jouer un rôle clé en Irak.</p>
<p>Ni l’affaiblissement de leur leadership, ni les tensions avec leur rival chiite, le leader religieux et nationaliste Moqtada al-Sadr, qui ont dégénéré en <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220830-irak-moqtada-al-sadr-hadi-al-ameri-qui-sont-les-principaux-acteurs-de-la-crise-politique">affrontements</a> aux <a href="https://orientxxi.info/magazine/iraq-the-al-sadr-dynasty-is-losing-ground,3979">ressorts multiples et locaux</a> en août 2022, n’ont fragilisé durablement la coalition. Au contraire : la nomination en octobre de la même année au poste de premier ministre de Mohammed Shia al-Soudani (proche de Nouri al-Maliki, premier ministre de 2006 à 2014) a donné aux FMP un nouvel élan. Comme le <a href="https://www.brookings.edu/articles/shiite-rivalries-could-break-iraqs-deceptive-calm-in-2023/">souligne</a> le chercheur de la Brookings Institution Ranj Alaaldin, « l’organisation s’est davantage ancrée dans l’État irakien, élargissant ses capacités économiques, diversifiant ses sources de revenus et étendant son réseau de mécènes ».</p>
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<p>C’est ainsi que la frappe américaine qui a tué le leader de Harakat-al-Nujaba a été <a href="https://www.airandspaceforces.com/us-kills-militia-leader-iraq/">qualifiée</a> d’« agression flagrante » et de « violation de la souveraineté et de la sécurité de l’Irak » par le porte-parole des forces de sécurité irakiennes, le général Yehia Rasool. Le ministère irakien des Affaires étrangères a employé des termes similaires.</p>
<p>La dangereuse escalade en cours (une base américaine en Irak a été <a href="https://fr.euronews.com/2024/01/21/irak-frappes-contre-une-base-militaire-abritant-des-troupes-americaines">bombardée le 21 janvier</a> par des groupes chiites irakiens) a obligé le gouvernement de Soudani – qui entretient des relations étroites avec l’Iran tout en étant un interlocuteur acceptable pour les États-Unis – <a href="https://www.afrique-asie.fr/le-premier-ministre-irakien-declare-que-bagdad-se-dirige-vers-la-fin-de-la-presence-militaire-americaine-dans-le-pays/">à affirmer sa volonté de mettre fin à la présence américaine en Irak</a>. Désormais, la question du retrait américain <a href="https://www.dhnet.be/dernieres-depeches/2024/01/26/bagdad-et-washington-vont-discuter-de-lavenir-de-la-coalition-antijihadistes-YKURWB46YRFORM2ES5DGP4RB5E/">est en discussion entre les États-Unis et les autorités de Bagdad</a>.</p>
<p>Force est de constater que les dynamiques belligènes initialement liées au contexte de la guerre de Gaza débordent de ce cadre et s’inscrivent désormais dans le cadre d’une confrontation directe entre les Américains et une partie des acteurs locaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1750903489822130179"}"></div></p>
<h2>Washington face à la détermination des Houthis</h2>
<p>Au Yémen également, il devient de plus en plus difficile pour les États-Unis d’éviter un engrenage irréversible après les <a href="https://www.lefigaro.fr/international/frappes-aeriennes-contre-les-houthis-au-yemen-tout-comprendre-a-la-riposte-des-etats-unis-et-du-royaume-uni-20240112">frappes de représailles du 2 janvier qui ont pris pour cible les positions des Houthis</a>.</p>
<p>Ces derniers, qui affirment agir en solidarité avec les Palestiniens de Gaza depuis le début de la guerre, ont <a href="https://www.newarab.com/news/us-uk-air-strikes-hit-yemen-fallout-gaza-war-grows">lancé de nombreuses attaques contre les navires considérés comme liés à Israël en mer Rouge</a>. À la suite des représailles de Washington, les Houthis ont averti que cette « agression américaine » « ne resterait pas sans réponse ».</p>
<p>Bien qu’il bénéficie du soutien opérationnel de l’Iran, le <a href="https://orientxxi.info/magazine/la-revanche-inattendue-du-confessionnalisme-au-yemen,0677">groupe est très enraciné localement</a> et s’est imposé à la faveur de ses succès militaires comme une force politique majeure contrôlant la capitale Sanaa et de larges parties du territoire dans le nord et l’ouest du pays à l’issue de sept ans de conflit avec Riyad.</p>
<p>Si le renversement du gouvernement yéménite en 2014 a constitué un facteur déterminant dans la décision saoudienne de lancer sa campagne aérienne le 26 mars 2015, des années d’enlisement dans la guerre du Yémen ont conduit Riyad à réviser sa position et à négocier avec le groupe. Après plusieurs mois de discussions, les deux acteurs <a href="https://www.wsj.com/world/middle-east/israel-hamas-war-jeopardizes-prospects-for-yemen-peace-e89553b9">ont adopté une feuille de route pour la résolution du conflit</a>.</p>
<p>Dans le contexte de l’escalade entre Israël et les Houthis, l’Arabie saoudite est soucieuse de maintenir la trêve intra-yéménite et une perspective de sortie d’un conflit qu’elle n’a pas gagné. C’est la raison pour laquelle Riyad a <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/L-Arabie-saoudite-appelle-a-la-retenue-apres-les-frappes-au-Yemen-45727743/">exprimé son inquiétude et appelé à la retenue après les frappes aériennes</a> menées conjointement par les États-Unis et le Royaume-Uni.</p>
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<p>Face à la posture des Houthis, les États-Unis ont, à l’heure actuelle, des <a href="https://www.wsj.com/world/middle-east/u-s-led-coalition-warns-houthis-to-stop-ship-attacks-cfd490df">leviers d’action très limités</a>. Comme l’explique <a href="https://www.rand.org/pubs/commentary/2023/12/a-precarious-moment-for-yemens-truce.html">Alexandra Stark, chercheuse associée à la Rand Corporation</a>, « les dix dernières années de combats ont montré qu’il est peu probable que la coercition ou la force militaire suffisent à dissuader les Houthis. Au contraire, des représailles militaires importantes de la part des États-Unis risqueraient de provoquer une nouvelle escalade et d’ouvrir un nouveau front majeur dans la région, alors que les États-Unis et leurs partenaires régionaux ont, en matière de sécurité, investi beaucoup de temps et de ressources pour se dégager de la guerre au Yémen ».</p>
<p>Ces conclusions sont partagées par <a href="https://tcf.org/content/commentary/blood-in-the-water-how-the-gaza-war-spilled-into-the-red-sea:">Aron Lund</a>, analyste à l’Agence suédoise de recherche pour la défense, qui rappelle que les attaques directes contre des cibles houthies au Yémen risquent d’entraîner les États-Unis dans un conflit qu’ils ne peuvent pas gagner par leur puissance militaire :</p>
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<p>« Alors que des milliers de Palestiniens sont morts et que Gaza est en ruines, souffrant d’une famine généralisée, les revendications des Houthis trouvent un écho puissant non seulement au Yémen, mais aussi dans tout le Moyen-Orient et au-delà. L’administration Biden a provoqué un tollé mondial en soutenant son allié à l’extrême, en défendant les tactiques israéliennes brutales et en expédiant des armes pour aider Israël à poursuivre la guerre […]. Tant que le carnage à Gaza n’aura pas pris fin, toute résolution sérieuse de la crise en mer Rouge semble improbable. »</p>
</blockquote>
<h2>L’Amérique peut-elle s’engager sur tous les fronts ?</h2>
<p>Il est vrai que les interventions militaires de ces dernières années ont démontré l’impuissance des armées occidentales face à des adversaires ayant recours à des techniques de guerre asymétrique. Par ailleurs, l’enlisement dans une nouvelle guerre sans fin aurait un coût élevé pour Washington. Si dès son entrée en fonctions, l’administration Biden a <a href="https://theconversation.com/quelle-politique-pour-ladministration-biden-au-moyen-orient-150681">donné des garanties à Israël sur la permanence du soutien américain</a>, elle affichait également une volonté d’apaiser les tensions avec l’Iran pour se focaliser sur sa principale priorité stratégique, à savoir la compétition de puissance avec la Chine. Les cartes ont été rebattues avec la guerre en Ukraine. Washington a apporté dans un premier temps un appui financier massif à Kiev avant, dernièrement, de <a href="https://theconversation.com/why-the-us-and-its-partners-cannot-afford-to-go-soft-on-support-for-ukraine-now-217538">remettre cet engagement en cause</a>.</p>
<p>Du fait de leur engagement militaire inconditionnel aux côtés d’Israël, les États-Unis se retrouvent aujourd’hui confrontés au risque imminent d’une réactivation des conflits directs avec des acteurs locaux en Irak et au Yémen dans un contexte où ils peinent à la fois à se départir du bourbier ukrainien et à contenir les ambitions de puissance de la Chine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221671/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces deux groupes liés à l’Iran s’en sont pris à Israël depuis le début des bombardements sur Gaza, suscitant des représailles américaines. Mais ces frappes ne suffiront pas à les faire renoncer.Lina Kennouche, Docteur en géopolitique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209922024-01-16T16:23:25Z2024-01-16T16:23:25ZRéimaginer des horizons politiques en Israël/Palestine<p>Aux heures les plus sombres, tentons d’écouter les rossignols qui chantent encore, qu’on les dénomme <em>balâbil</em> (en arabe) ou <em>zmirim</em> (en hébreu). Alors que les massacres et les bombardements engendrent leurs cortèges de morts, de souffrances, de haines et d’appels à la vengeance dans l’espace israélo-palestinien et au-delà, il est indispensable de poser – une énième fois – la question du règlement politique d’un conflit dont les racines remontent à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Le mantra de la « solution à deux États »</h2>
<p>Durant ces trente dernières années, la <a href="https://www.cairn.info/israel-palestine-une-guerre-sans-fin--9782200633691-page-135.htm">« solution à deux États »</a> s’est transformée d’un dispositif politique contesté mais envisageable au moment de la signature des accords d’Oslo (1993) à un outil rhétorique <a href="https://www.cairn.info/moyen-orient--9791031803364-page-193.htm">déconnecté des réalités de terrain</a>, qui ne cesse pourtant d’être réitéré comme un leitmotiv par les acteurs de la diplomatie internationale. Mais de <em>quelle</em> solution à deux États parle-t-on ?</p>
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<p>Comme <a href="https://doi.org/10.3917/pe.133.0011">l’affirmait l’intellectuel palestinien Sari Nusseibeh en 2013</a> – et comme l’ont affirmé bien d’autres avant et après lui –, la création de deux États selon les frontières « de 1967 » (lignes du cessez-le-feu qui, à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948-1949, dessinèrent les contours de la Cisjordanie annexée par la Jordanie et de la bande de Gaza contrôlée par l’Égypte) n’est plus une option réaliste, notamment à cause de la <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-palestine-comment-la-colonisation-juive-a-torpille-la-solution-a-deux-etats-6b4d4922-7288-11ee-a00f-d55111ba52f2">colonisation juive massive en Cisjordanie</a> depuis la conquête israélienne de 1967.</p>
<p>On peut aisément avancer qu’elle ne l’a jamais été : la discontinuité territoriale entre la Cisjordanie et la bande de Gaza empêche de penser sérieusement un État palestinien dans ces espaces, avant même de prendre en considération le <a href="https://journals.openedition.org/bcrfj/6291">morcellement interne de la Cisjordanie</a> impulsé par les accords d’Oslo (zones A, B, C) puis par les dispositifs de contrôle israéliens mis sur pied lors de la seconde Intifada (2000-2005).</p>
<h2>Pragmatisme et référendum populaire</h2>
<p>Adoptons une perspective pragmatique. La population qui vit entre la Méditerranée et le Jourdain – dans un territoire deux fois plus petit que la Suisse – a été multipliée par 20 en un siècle, atteignant aujourd’hui 15,3 millions d’individus – grosso modo 50 % de Juifs et 50 % d’Arabes.</p>
<p>Cinq générations successives ont été traversées par le conflit. Combien de générations devraient encore en subir les effets dévastateurs ? Les Israéliens ne « retourneront » pas en Russie, en Pologne, en Allemagne, en Irak, au Yémen, au Maroc ou en Iran, pas plus que les Palestiniens qui vivent encore en Israël/Palestine de nos jours ne s’exileront en Égypte, en Jordanie, au Liban ou en Arabie saoudite. Moins que la quantité des ressources foncières et hydriques disponibles, c’est <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Eau-et-conflits-dans-le-bassin-du-Jourdain.html">leur répartition et leur appropriation</a>, clairement favorables à Israël, qui posent problème.</p>
<p>La violence insoutenable de la séquence entamée le 7 octobre 2023 et, plus structurellement, le déni de reconnaissance politique et les violations de droits que subissent les Palestiniens depuis le début du mandat britannique (1920-1948), mais aussi le sentiment de menace existentielle qui pèse sur une société israélienne isolée au sein d’un environnement arabe hostile, doivent conduire à imaginer des solutions concrètes, inévitablement fondées sur le compromis.</p>
<p>Le plus grand défi est l’adhésion d’une majorité d’Israéliens et de Palestiniens à la possibilité d’un dialogue, sinon à une vision commune. Sari Nusseibeh et Ami Ayalon s’étaient heurtés à cet obstacle en 2003 dans le cadre de leur initiative <a href="https://web.international.ucla.edu/institute/article/5056">« The People’s Voice »</a> visant à recueillir un million de signatures de part et d’autre en soutien à la solution classique à deux États ; ils en avaient obtenu un dixième à l’époque. Mais les immenses dégâts causés par le conflit, dans le quotidien aussi bien que sur la longue durée, ne pourraient-ils pas convaincre une masse critique de la nécessité d’un compromis politique, pour enfin vivre en paix sur cette terre si (trop ?) riche d’histoires, de cultures et d’énergies humaines ?</p>
<p>Imaginons un référendum populaire organisé par une instance internationale auprès des Israéliens et des Palestiniens. Les votants, qui devraient remplir deux conditions pour participer au référendum (détenir la citoyenneté israélienne ou palestinienne <em>et</em> résider entre la Méditerranée et le Jourdain), seraient invités à se prononcer en faveur de l’une des deux options suivantes : un État multiconfessionnel et trilingue dans l’ensemble de l’espace israélo-palestinien ou deux États distincts fondés sur l’ethnicité (arabe/juive).</p>
<p>Le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis joueraient un rôle central dans cette instance internationale au vu de leurs responsabilités historiques respectives dans la genèse du conflit arabo-sioniste puis israélo-palestinien : le premier par son soutien précoce au sionisme, avant la chute de l’Empire ottoman (déclaration Balfour de 1917) et plus encore durant la majeure partie de l’époque mandataire ; la seconde en raison de la conception et de la mise en œuvre du génocide juif par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, puis de son appui inconditionnel à l’État d’Israël ; les derniers par leur soutien constant à leur allié israélien au Moyen-Orient. La participation de l’Égypte et de la Jordanie à cette instance serait précieuse en tant qu’États arabes voisins qui partagent la triple expérience d’avoir participé aux guerres contre Israël jusqu’aux années 1970, occupé des territoires palestiniens (1948-1967) et <em>in fine</em> signé des traités de paix (même froide) avec Israël.</p>
<h2>L’option d’un État multiconfessionnel et trilingue</h2>
<p>Si elle était retenue, l’option d’un seul État multiconfessionnel (judaïsme, islam, christianisme ; religions druze, samaritaine et bahaïe) doté de trois langues officielles (hébreu, arabe, anglais) consacrerait comme priorité, pour la plupart des habitants, le fait de coexister dans un cadre politique commun et d’avoir accès à la totalité du pays, de la Galilée boisée au nord jusqu’à la pointe sud du désert du Néguev en passant par les collines et les plaines du centre.</p>
<p>Il s’agirait alors de rejeter délibérément le cadre conceptuel d’un État « binational », <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/etat-federal-unique-binational-ces-pistes-oubliees-pour-mettre-fin-au-conflit-entre-israel-et-palestine_6265413.html">souvent évoqué</a>, pour dégager l’espace israélo-palestinien de l’ethnicité étouffante (judéité/arabité) à laquelle les politiques étatiques et les relations sociales l’ont souvent réduit depuis des décennies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745128369824391331"}"></div></p>
<p>Ni « Israël », ni « Palestine », mais un nouveau nom à imaginer et un régime nécessairement démocratique pour garantir, entre autres libertés, les libertés de croyance, de pensée et de culte, ainsi que l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Cet État aurait Jérusalem pour capitale.</p>
<p>Les avantages de cette solution seraient nombreux, parmi lesquels la liberté de mouvement pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire, la taille raisonnable de cette entité politique, la variété de ses climats et de ses ressources, l’évitement du casse-tête que constitue le tracé de nouvelles frontières internes.</p>
<p>Le coût principal lié à la mise en place d’un tel État serait, pour les Israéliens et les Palestiniens, de renoncer à des symboles nationaux fondés sur une seule religion et/ou une seule langue, tout en préservant leurs histoires singulières. Cette nouvelle communauté de citoyens devrait s’accommoder de référentiels plus souples, permettant une pluralité d’identités reconnues, voire des formes d’hybridation, ce qui serait facilité par le <a href="https://doi.org/10.1080/13670050.2018.1452893">bilinguisme arabe/hébreu</a> existant déjà parmi une frange non négligeable de la population en Palestine et en Israël.</p>
<p>Si au sein de certains milieux palestiniens et israéliens, des prises de position et des actions en faveur d’un seul État démocratique se développent depuis plusieurs années (<a href="https://onestatecampaign.org/en/">One Democratic State Campaign</a>, <a href="https://www.zochrot.org/articles/view/286/en">Zochrot</a>), ces initiatives restent pour le moment très minoritaires ; elles postulent souvent la mise en œuvre intégrale du droit au retour des réfugiés palestiniens en se référant à la résolution 194 de l’ONU (décembre 1948), alors que le nombre d’individus enregistrés comme tels a plus que sextuplé en 75 ans. Nous y reviendrons plus bas.</p>
<h2>Deux États à base ethnique ?</h2>
<p>L’option alternative consisterait en une variation de la solution « classique » à deux États. Cimenté par l’ethnicité, chacun des États arabe et juif devrait toutefois bénéficier d’une continuité territoriale interne et d’un accès direct à la mer Méditerranée. Ces contraintes vitales impliqueraient un axe frontalier ouest-est plutôt que le puzzle à six pièces envisagé par l’ONU dans son <a href="https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-208958/">plan de partage de novembre 1947</a>, dessiné principalement selon les zones de peuplement de la minorité juive (à l’époque un tiers de la population et 7 % de la propriété foncière). Dans un souci de viabilité, l’État du sud jouirait d’une superficie plus étendue pour compenser les inconvénients du Néguev désertique, moins propice à l’agriculture, à l’habitat et aux activités industrielles que le reste du pays.</p>
<p>La capitale des deux États serait une <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Jerusalem-la-fin-d-une-ville-sacree.html">Jérusalem</a> partitionnée, dont les lieux saints – voire l’ensemble de la veille ville – seraient placés sous une tutelle internationale, combinant ainsi une souveraineté locale sur la plupart des quartiers de la ville avec un mécanisme international régulant l’accès des fidèles et des visiteurs à l’Esplanade des Mosquées/Mont du Temple, au Mur des Lamentations et à l’Église du Saint-Sépulcre.</p>
<p>Informés du futur tracé des frontières, les habitants de l’actuel espace israélo-palestinien auraient la possibilité, avant la proclamation des deux États, de choisir leur lieu de résidence et la citoyenneté correspondante. Cette configuration permettrait aux nationalismes palestinien et israélien de s’incarner chacun dans un État souverain ; elle présenterait aussi l’avantage de laisser le choix du régime politique à l’appréciation des acteurs locaux.</p>
<p>Elle supposerait toutefois des concessions et des défis importants. Outre le format réduit de chacun des deux États, cette option impliquerait des remaniements démographiques et toponymiques pour, d’une part, permettre aux gens de choisir l’État sous la juridiction duquel ils entendent vivre et, d’autre part, hébraïser ou arabiser les noms de localités et de régions selon qu’ils sont situés au sein de l’État à majorité juive ou de son homologue arabe. Ces <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520234222/sacred-landscape">transformations toponymiques</a> semblent possibles dès lors que l’on considère les strates historiques, lointaines et proches, d’arabisation et d’hébraïsation de cet espace (respectivement VII<sup>e</sup>-VIII<sup>e</sup> siècles et années 1950), qui ont abouti à la succession ou à la coprésence de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1068/d2613">toponymes dans les deux langues</a> pour nombre de sites.</p>
<p>Enfin, ces États à base ethnique devraient renoncer à toute revendication d’exclusivité sur les lieux saints de Jérusalem. Le risque de guerre entre deux États aux idéologies religieuses et/ou nationalistes exacerbées, aux appétits territoriaux non assouvis et aux régimes politiques potentiellement différents serait élevé.</p>
<h2>Les réfugiés palestiniens</h2>
<p>Quel serait alors le sort des plus de <a href="https://theconversation.com/quelle-conscience-politique-deux-memes-ont-les-jeunes-palestiniens-en-exil-161547">5 millions de réfugiés palestiniens</a> qui vivent hors d’Israël/Palestine, principalement au Liban, en Syrie et en Jordanie ? Plusieurs options devraient leur être proposées, tant il est insensé que ce statut de réfugié, imaginé en 1949 par l’UNRWA comme temporaire – notamment en vertu du droit au retour des Palestiniens voté par l’Assemblée générale de l’ONU un an plus tôt –, se transmette de génération en génération depuis 75 ans.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1731750787909288067"}"></div></p>
<p>S’inspirant des négociations israélo-palestiniennes les plus avancées dans l’histoire du conflit (<a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2002_num_48_1_3698">sommet de Taba en 2001</a>), restées lettre morte, trois options pourraient être sérieusement méditées, qu’il y ait un ou deux États en Israël/Palestine : le « retour » des réfugiés dans l’espace israélo-palestinien ; leur intégration réelle et durable dans la société d’accueil via l’acquisition de la citoyenneté ; leur émigration vers un pays tiers.</p>
<p>Dans tous les cas, et préalablement à la création d’un État multiconfessionnel ou de deux États à base ethnique, l’actuel État d’Israël devra reconnaître sa responsabilité historique dans l’exode de 750 000 Palestiniens en 1948-1949 et la dépossession foncière et bancaire d’un plus grand nombre encore, qu’ils soient devenus des réfugiés externes ou des déplacés internes (minorité palestinienne détentrice de la citoyenneté israélienne). Cette reconnaissance officielle, qui devrait aussi englober l’exil de 300 000 Palestiniens en 1967 et être accompagnée d’une indemnisation financière, est incontournable pour commencer à tourner la page d’un <a href="https://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_1995_num_169_1_3358_t1_0316_0000_2">« passé qui ne passe pas »</a>. Quant aux Israéliens résidant à l’étranger, ils se verraient proposer la nationalité de l’État unique ou de l’un des deux États ethniques, selon les résultats du référendum.</p>
<p>En tant qu’historienne, il n’est pas dans mes habitudes, ni généralement dans celles de ma profession, d’adopter une posture prescriptive. Restituer et analyser les réalités passées des sociétés humaines, toujours complexes et insaisissables dans leur totalité, en se gardant de « prédire » le passé en fonction d’une fin connue d’avance, exige déjà un travail passionnant et une certaine dose d’humilité. Les pistes de réflexion formulées dans ce bref article peuvent paraître utopiques dans un monde fissuré par la montée en puissance des intérêts géopolitiques nationaux et la prééminence des rapports de force sur le droit international tel qu’incarné par l’ONU. Mais si les sciences humaines et sociales peuvent apporter des éclairages et des idées aux décideurs et aux militants, un petit pas aura été franchi dans l’ouverture de nouveaux horizons politiques au Proche-Orient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220992/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Iris Seri-Hersch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le système actuel ne peut pas garantir un avenir de paix pour les Israéliens et les Palestiniens. Alors, quelles options ? Faut-il envisager un État unique ou deux États ? Et selon quelles modalités ?Iris Seri-Hersch, Maîtresse de conférences - Histoire contemporaine du monde arabe - Département d'études moyen-orientales (DEMO), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195232023-12-17T15:41:50Z2023-12-17T15:41:50ZLa guerre à Gaza, la Cour pénale internationale et la lutte contre l’impunité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565801/original/file-20231214-23-rb0t1k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1200%2C790&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 3&nbsp;décembre, sur les lieux du festival de musique Nova, Karim Khan (deuxième à partir de la droite) échange avec des survivants de l’attaque commise par le Hamas le 7&nbsp;octobre Le lendemain, il se rendra à Ramallah, où il rencontrera Mahmoud Abbas et des victimes palestiniennes de la colonisation de la Cisjordanie. Mais il ne pourra pas aller à Gaza.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/IntlCrimCourt/status/1731105035281486327">International Criminal Court</a></span></figcaption></figure><p>La 22<sup>e</sup> Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale (CPI) – organe de la Cour composé des représentants des États membres – ouverte le 4 décembre dernier à New York, vient de s’achever le 14 décembre. Les discussions entre les États, le Procureur et les autres personnels de la Cour ont notamment été marquées par la guerre menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, qui a déjà <a href="https://fr.euronews.com/2023/12/09/guerre-israel-hamas-le-bilan-humain-depasse-les-17-400-morts">coûté la vie à plus de 18 000 Palestiniens</a> et contraint <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20231208-guerre-isra%C3%ABl-hamas-2-millions-de-gazaouis-d%C3%A9plac%C3%A9s">près de 2 millions d’habitants de Gaza à fuir leur logement</a>, en réponse aux attaques du Hamas en Israël qui a tué <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20231011.OBS79332/attaque-du-hamas-plus-de-1-200-israeliens-tues-selon-un-nouveau-bilan.html">1 200 Israéliens</a> et en a pris 240 en otage le 7 octobre dernier.</p>
<p>Depuis <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/03/1090822">l’ouverture en 2021 d’une enquête sur la situation en Palestine</a>, et plus encore depuis le 7 octobre, le Bureau du Procureur, dirigé par l’avocat britannique Karim Khan, est accusé <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/07/les-timides-pas-du-procureur-de-la-cpi-scrutes-de-pres_6204415_3210.html">par de nombreux États et des ONG</a> de ne pas avoir abouti à des résultats concrets. En effet, aucun mandat d’arrêt n’a été émis, alors que les <a href="https://www.rtbf.be/article/temoignage-de-gaza-les-bombardements-incessants-provoquent-de-nouveaux-traumatismes-chez-les-enfants-10764052">témoignages des victimes palestiniennes</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/07/israel-palestine-les-conclusions-d-un-rapport-des-nations-unies-sur-les-causes-du-conflit-pointent-dans-leur-immense-majorite-vers-israel_6129272_3210.html">rapports des Nations unies</a> et <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2021/04/27/des-politiques-israeliennes-abusives-constituent-des-crimes-dapartheid-et-de">d’ONG</a> affluent.</p>
<p>Face aux critiques, Khan a affiché sa volonté de reprendre personnellement le dossier en main. Le 4 décembre dernier, il a achevé une visite en Israël et en Palestine.</p>
<h2>L’enquête du Procureur de la CPI en Palestine avant le 7 octobre</h2>
<p>En 2009, à la suite de l’opération militaire israélienne <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-2-page-98.htm">« Plomb durci »</a> à Gaza, qui a coûté la vie à plus de 1 300 Palestiniens, l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas déclare son souhait d’adhérer à la CPI, organisation internationale qui lutte contre l’impunité en enquêtant, poursuivant, jugeant et condamnant les personnes qui se seraient rendues coupables de crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale (génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité et crime d’agression) prévus par le <a href="https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf">Statut de Rome</a>. 124 États sont aujourd’hui <a href="https://asp.icc-cpi.int/fr/states-parties">membres de la CPI</a>, mais ce n’est pas le cas de la Chine, des États-Unis, de la Russie et d’Israël.</p>
<p>Trois ans plus tard, face à l’absence de statut étatique clair reconnu à la Palestine, le Procureur d’alors, Moreno Ocampo (2003-2012), <a href="https://www.lorientlejour.com/article/752917/CPIPalestine_%253A_arret_de_lexamen_preliminaire_en_attendant_une_decision_sur_le_statut_a_lONU.html">décide de ne pas ouvrir d’enquête</a>. En réponse, en novembre 2012, la Palestine obtient à l’Assemblée générale de l’ONU le <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/11/30/la-palestine-obtient-le-statut-d-etat-observateur-a-l-onu_1798337_3218.html">statut d’État non-membre observateur</a>, ce qui lui permet de devenir en 2015 le 123<sup>e</sup> État partie à la Cour (<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/armenie/l-armenie-deviendra-officiellement-membre-de-la-cour-penale-internationale-en-fevrier_6189576.html">l’Arménie</a> deviendra le 124<sup>e</sup> en 2023).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"583185430205579264"}"></div></p>
<p>En 2019, la Procureure de la CPI Fatou Bensouda (2012-2021) affirme que <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/12/1058711">tous les critères sont réunis</a> pour l’ouverture d’une enquête sur la situation dans l’État de Palestine, car elle a une base raisonnable de croire que des dirigeants israéliens et des membres de groupes armés palestiniens ont commis ou sont en train de commettre des crimes de guerre. Dans une décision du 5 février 2021, la Chambre préliminaire I <a href="https://www.icc-cpi.int/fr/news/la-chambre-preliminaire-i-de-la-cpi-rend-sa-decision-sur-la-demande-du-procureur-relative-la">affirme</a> que la compétence territoriale de la Cour pour mener son enquête comprend la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.</p>
<p>En mars 2021, Bensouda annonce l’ouverture de son enquête, déclenchant la colère du gouvernement israélien, <a href="https://fr.timesofisrael.com/lenquete-de-la-cpi-est-du-pur-antisemitisme-estime-netanyahu/">qui accuse la Cour d’antisémitisme</a>, et de ses alliés américains qui <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/02/washington-sanctionne-fatou-bensouda-la-procureure-de-la-cour-penale-internationale_6050769_3210.html">adoptent des sanctions contre la Procureure</a>.</p>
<p>Cependant, depuis l’ouverture de l’enquête, celle-ci n’avance pas. Le Bureau du Procureur fait l’objet de vives critiques, car le dossier palestinien est arrivé devant la Cour en 2009, il y a déjà 14 ans. Trois Procureurs se sont succédé (Luis Moreno Ocampo, Fatou Bensouda et maintenant Karim Khan) sans que des avancées significatives n’aient lieu. Karim Khan se contente en 2022 d’annoncer son intention de se rendre en Palestine. Cette absence de volonté se traduit par des moyens financiers et humains limités alloués à cette enquête (moins d’un million d’euros, avec une personne à temps plein sur le dossier au sein du Bureau).</p>
<p>Il a fallu les attaques du Hamas le 7 octobre et la riposte armée israélienne à Gaza pour que le Procureur fasse enfin de la Palestine une priorité. </p>
<h2>Le réinvestissement de l’enquête par Karim Khan depuis le 7 octobre</h2>
<p>La nouvelle séquence ouverte le 7 octobre contraint Karim Khan à sortir de son silence pour répondre aux critiques lui reprochant de ne pas tenir compte des attentes des populations du « Sud global » quant au besoin de lutter partout contre l’impunité. Le 29 octobre, il se rend au point de passage entre l’Égypte et Gaza et demande aux autorités israéliennes d’entrer à Gaza et en Israël pour rencontrer les victimes, mais Israël refuse.</p>
<p>En Égypte, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/30/a-rafah-le-procureur-de-la-cour-penale-internationale-appelle-au-respect-des-lois-de-la-guerre_6197323_3210.html">Procureur rappelle aux parties</a> leur obligation de se « conformer au droit des conflits armés », dit à Israël que l’entrave de l’entrée de l’aide humanitaire « peut constituer un crime » et réaffirme que la prise d’otages est une violation grave des Conventions de Genève ; pour autant, ces déclarations relèvent davantage du discours politique, teinté de références religieuses, que d’annonces fortes autour de l’enquête.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1724343212511240214"}"></div></p>
<p>Le gouvernement Nétanyahou ayant été fortement critiqué pour son refus de coopérer avec la Cour et pour avoir interdit au Procureur de se rendre sur le terrain, les autorités israéliennes acceptent finalement que Karim Khan vienne en Israël et en Cisjordanie. Israël refuse cependant que Khan se rende dans la bande de Gaza, alors que de <a href="https://www.letemps.ch/monde/philippe-lazzarini-commissaire-general-de-l-unrwa-la-situation-a-gaza-est-insoutenable">hauts responsables de l’ONU ont pu le faire</a>.</p>
<p>Début décembre, Karim Khan se rend sur les sites israéliens des attaques du 7 octobre, dont celui du festival de musique Nova, puis échange avec les survivants et les familles des victimes israéliennes. Le 4 décembre, il se rend à Ramallah, en Cisjordanie, et rencontre Mahmoud Abbas, ainsi que le premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh et des victimes palestiniennes de l’occupation israélienne. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, plus de 800 000 colons israéliens sont établis. Depuis le 7 octobre, d’après les Nations unies, <a href="https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2023-11-25/six-palestiniens-tues-par-l-armee-israelienne-en-cisjordanie-occupee.php">plus de 265 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1731366911487648091"}"></div></p>
<p>Si cette visite du Procureur est inédite et marque sa volonté, sans doute contrainte par la pression de l’opinion publique, de reprendre en main cette enquête, elle ne peut suffire pour permettre à la Cour d’appliquer son mandat de lutte contre l’impunité au Proche-Orient.</p>
<p>Plusieurs critiques ont été exprimées à l’encontre du Procureur à l’issue de ce déplacement. Tout d’abord, il ne mentionne jamais que la poursuite de la colonisation et de l’occupation israéliennes est l’un des trois axes de son enquête (les deux autres étant les opérations militaires israéliennes à Gaza et celles menées dans le cadre de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/30/un-an-apres-le-bilan-sombre-de-la-marche-du-retour-a-gaza_5443461_3210.html">« la marche du retour »</a> entre 2018 et 2019), et il ne dit pas que les victimes palestiniennes rencontrées sont victimes de cette situation. Ensuite, contrairement à ses visites sur les sites israéliens des attaques du Hamas, en Palestine Karim Khan s’est contenté de rencontrer les autorités et les victimes palestiniennes dans des bureaux institutionnels à Ramallah. Il n’est par exemple pas allé à Hébron ou Jénine, où la population palestinienne subit des attaques de colons et des incursions de l’armée israélienne. De plus, il ne fait aucune mention de Jérusalem-Est, dont <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/07/israelopt-10-things-you-need-to-know-about-annexation/">l’annexion par Israël est illégale au regard du droit international</a>, comme l’a rappelé le Conseil de sécurité dans sa <a href="https://digitallibrary.un.org/record/853446?ln=fr">résolution 2334 adoptée en décembre 2016</a>.</p>
<h2>Une enquête importante pour les parties concernées… et pour la Cour elle-même</h2>
<p>Malgré les critiques, cette visite de Karim Khan marque indéniablement une nouvelle étape dans le dossier palestinien devant la CPI.</p>
<p>Mais près de trois ans après l’ouverture de l’enquête, les victimes attendent encore que justice soit rendue. L’importance d’aller au bout de l’enquête dépasse le seul conflit israélo-palestinien. Il s’agit pour la Cour de réaffirmer l’universalité de son mandat et la capacité de la justice à être rendue partout. Il en va de sa crédibilité.</p>
<p>La fracture entre l’Occident et le « Sud global » <a href="https://www.lagrandeconversation.com/monde/le-sud-global-face-a-la-guerre-en-ukraine/">perceptible dans la guerre en Ukraine</a> s’est accentuée depuis le 7 octobre. Dès lors, pour faire taire les critiques quant à un deux poids deux mesures, la CPI se doit d’être à la hauteur des enjeux du conflit israélo-palestinien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohammed Qawasma ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la CPI a ouvert une enquête sur le conflit israélo-palestinien en 2021, ce n’est qu’en décembre 2023 que le Procureur s’est rendu sur le terrain. Les efforts de la Cour sont-ils suffisants ?Mohammed Qawasma, Doctorant en droit international, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2190832023-12-05T16:25:04Z2023-12-05T16:25:04ZLe conflit israélo-palestinien met à l’épreuve le multiculturalisme canadien<p>Dans l’imaginaire collectif et la représentation sociale que l’on se fait du Canada, le pays est généralement perçu comme ouvert et accueillant envers la diversité ethnoculturelle et religieuse. </p>
<p>L’immigration est considérée comme une <a href="https://journals.library.ualberta.ca/af/index.php/af/article/view/29376">richesse au Canada</a> et le multiculturalisme s’est érigé au fil des décennies en une valeur à protéger et à chérir, comme en fait foi <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/221026/dq221026b-fra.htm">l’Enquête sociale générale de 2020</a>, où 92 % de la population l’endossait. <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-18.7/page-1.html">La <em>Loi sur le multiculturalisme canadien</em></a> stipule que celui-ci « est une caractéristique fondamentale de l’identité et du patrimoine canadiens et constitue une ressource inestimable pour l’avenir du pays ». </p>
<p>Cependant, depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre, les nombreuses manifestions qui s’en sont suivies, tant en faveur que contre Israël ou en soutien à la Palestine, ont révélé des tensions liées à l’immigration. Les crimes haineux sont aussi en hausse : à Toronto seulement, on rapporte une <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/hate-crime-rise-israel-gaza-1.7001288">augmentation de 132 % depuis le début du conflit</a>.</p>
<p>Il devient ainsi impératif de s’interroger sur les risques éventuels de conflits au sein des différentes communautés canadiennes. Cela est particulièrement préoccupant pour celles qui font face simultanément au racisme et aux répercussions des conflits en cours dans leurs pays d’origine. Par exemple, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012985/tensions-inquietude-sikhs-hindous-khalistan">conflit historique entre hindous et sikhs</a> suscite des inquiétudes parmi les sikhs du Canada, notamment lorsqu’un de leurs leaders a été assassiné en Colombie-Britannique.</p>
<p>En tant que sociologue, spécialisé dans l’éducation inclusive, j’ai rapidement constaté que le racisme et les discriminations représentent des problématiques significatives dans notre société. Récemment, j’ai rédigé un article intitulé : <a href="https://journals.openedition.org/trema/6042#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9ducation%20inclusive%20englobe%20et,n%C3%A9gliger%20pour%20autant%20le%20tout">« Penser l’éducation inclusive dans un contexte de discriminations et de diversité au Canada »</a> afin d’expliquer, entre autres, les limites du multiculturalisme canadien dans la lutte contre les discriminations. Conformément à la perspective <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Paugam">du sociologue français Serge Paugam</a>, qui voit le rôle du sociologue inclure une prise de parole <a href="https://www.puf.com/content/La_pratique_de_la_sociologie">« pour lutter contre toutes les formes de domination »</a>, j’analyserai comment ce multiculturalisme est mis à mal par le conflit entre Israël et la Palestine.</p>
<h2>Augmentation des crimes haineux</h2>
<p>Les statistiques sur les crimes haineux démontrent que des tensions existent bel et bien, malgré les résultats de l’Enquête de 2020. Ainsi, de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230322/cg-a004-fra.htm">2019 à 2021</a>, la communauté juive a été le groupe le plus fréquemment visé par des crimes haineux, et les signalements à la police ont connu une augmentation significative. En 2019, 306 crimes antisémites ont été signalés à l’échelle nationale. Un an plus tard, ce chiffre a atteint 331 et en 2021, il a augmenté de manière significative pour atteindre 492. <a href="https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/victim/rr16-rd16/p1.html">Une nouvelle hausse a été enregistrée en 2022, avec 502 incidents déclarés</a>. </p>
<p>Les communautés musulmanes ont également été fortement touchées par des crimes haineux : en 2019, 182 incidents ont été signalés. En 2020, ce nombre a diminué à 84, pour augmenter cependant en 2021, atteignant 144. Enfin, les catholiques ont également été la cible d’actes haineux, avec une augmentation importante des signalements : en 2019, 51 cas ont été recensés, contre 43 en 2020, et 155 en 2021.</p>
<p>Il semble que l’Ontario, la province qui accueille le plus grand nombre d’immigrantes et d’immigrants au Canada, soit celle aux prises avec les pourcentages de crimes haineux les plus élevés par habitant. Selon les données de Statistique Canada de 2021, Ottawa est la ville affichant le taux le plus élevé de ces crimes. <a href="https://twitter.com/DavidVermette/status/1584537161743106048">Parmi les 10 premières villes canadiennes les plus touchées par le phénomène, on recense plus de huit villes ontariennes</a>.</p>
<h2>Un basculement de l’opinion publique</h2>
<p>Pour le dire sans ambages, le multiculturalisme n’est pas perçu par toutes et tous comme une richesse et cette perception est exacerbée par le conflit en cours entre deux des communautés les plus discriminées au pays. Tout cela se déroule dans un contexte où les capacités d’accueil des populations immigrantes sont remises en question.</p>
<p>Selon un <a href="https://www.thestar.com/news/canada/there-s-going-to-be-friction-two-thirds-of-canadians-say-immigration-target-is-too/article_7740ecbd-0aed-5d36-b5da-b67bda4a13c5.html">sondage d’Abacus publié le 29 novembre</a>, plus de 67 % de la population estime qu’il y aura des tensions entre les communautés, principalement en raison du seuil d'immigration jugé excessif du gouvernement fédéral. Celui-ci vise toujours à accueillir <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2023209/immigration-immigrants-seuil-ottawa-federal">plus de 500 000 immigrants par an au cours des prochaines années</a>. Cela dit, Ottawa a rejeté l’<em>Initiative du siècle</em>, dirigée par un ancien dirigeant de la firme McKinsey, qui suggérait que la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1978949/demographie-immigration-cibles-canada">population du Canada devrait atteindre 100 millions d’ici à 2100</a>. </p>
<p>Selon un <a href="https://nationalpost.com/opinion/canada-diversity-poll">autre sondage</a>, plus de 78 % des Canadiennes et Canadiens expriment leur préoccupation quant à l’impact du conflit entre Israël et la Palestine au pays. En ce qui concerne les manifestations pro-Palestine, plus des trois quarts des gens sondés sont d’avis que le gouvernement devrait expulser du pays les personnes non citoyennes coupables de discours haineux ou de soutien au Hamas. </p>
<p>Ces chiffres témoignent d’un basculement important dans l’opinion publique concernant la valeur du multiculturalisme. Il ne s’agit plus seulement de sensibiliser les citoyennes et citoyens à la richesse de la diversité ethnoculturelle et religieuse du pays, mais aussi d’accompagner les différentes communautés qui vivent ou qui veulent immigrer au Canada. <a href="https://nationalpost.com/opinion/canada-diversity-poll">Selon le même sondage</a>, plus de la moitié affirment que le gouvernement canadien devrait en faire davantage pour s’assurer que les nouveaux arrivants acceptent les valeurs canadiennes, et plus de 55 % pensent que la politique d’immigration du Canada devrait les encourager à adopter ces valeurs, notamment en abandonnant toute croyance incompatible avec le Canada.</p>
<h2>Un monde de plus en plus complexe</h2>
<p>Le conflit israélo-palestinien semble avoir ébranlé les fondements du multiculturalisme. </p>
<p>Il est frappant de constater à quel point, en si peu de temps, une valeur jugée fondamentale, soutenue par plus de 92 % de la population en 2020, peut être autant remise en question trois années plus tard. En revanche, il est important de rappeler que les crimes haineux existaient avant ce conflit, et ils indiquaient déjà que le multiculturalisme n’était pas tant respecté comme « valeur canadienne ». </p>
<p>Le sociologue Edgar Morin affirme que <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/introduction-a-la-pensee-complexe-edgar-morin-9782020668378.html">« la diversité crée la complexité et la complexité crée la richesse »</a>. Certes, le multiculturalisme canadien mise à juste titre sur la richesse de la diversité, mais il est appelé à se renouveler dans une société et un monde de plus en plus complexes. </p>
<p>Parfois, le multiculturalisme canadien donne l’impression que les communautés vivent <em>côte à côte</em>, dans la tolérance de l’Autre, sans pour autant coconstruire une société d’appartenance pour toutes et tous. Il ne faudrait pas laisser la situation sociale se détériorer, car on ne souhaite pas vivre <em>face à face</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219083/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian J. Y. Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les crimes haineux existent depuis plusieurs années au Canada, mais le récent conflit entre Israël et le Hamas les a exacerbés, remettant en cause le multiculturalisme canadien.Christian J. Y. Bergeron, Professeur en sociologie de l’éducation, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189712023-12-04T16:56:36Z2023-12-04T16:56:36ZComment évaluer l’économie israélienne au prisme de son insertion internationale<p>Le conflit actuel pèse sur le marché du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/avec-la-guerre-l-economie-d-israel-s-apprete-a-traverser-une-periode-de-fortes-turbulences_6196753_3210.html">travail</a> et sur les <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Israel-le-cout-economique-de-la-guerre_3752310.html">finances</a>.</p>
<p>Mais, fort de son remarquable engagement dans la haute technologie, le pays a accumulé une position extérieure nette conséquente. Cette épargne pourrait être mobilisée pour faire face au coût de la guerre. Suffira-t-elle demain ?</p>
<h2>Neuf millions d’habitants</h2>
<p>Israël fait partie de la grande région MENAT (<a href="https://theconversation.com/topics/moyen-orient-21438">Middle East</a>, North Africa, Turkey) à la démographie dynamique : entre 1960 et 2022, le taux de croissance annuel moyen de la population y a été de 2,4 %, contre 1,6 % dans le monde et 0,4 % en Europe. Alors qu’en 1960 l’Europe était trois fois plus peuplée que cette région, elle l’est aujourd’hui un peu moins : 550 millions contre 577 millions.</p>
<p><iframe id="H5M5D" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H5M5D/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette longue période, la croissance de la population en Israël et en Palestine (définie par les Nations unies comme l’ensemble que forment la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est) a été légèrement supérieure à la moyenne régionale (respectivement 2,5 et 2,6 %). Sur la dernière décennie, néanmoins, la croissance démographique en Palestine a été plus élevée : 2,3 %, contre 1,8 % en Israël et 1,6 % dans la région MENAT.</p>
<p><iframe id="7pAsb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7pAsb/12/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En 2022, la Palestine compte autant d’habitants que le Liban, environ 5 millions, tandis que les Israéliens sont aussi nombreux que les Émiratis, environ 9 millions. C’est peu, comparé aux trois pays les plus peuplés de la région, l’Égypte, l’Iran et la Turquie qui abritent respectivement 111, 89 et 85 millions d’habitants, soit, ensemble, près de la moitié de la population de la zone.</p>
<h2>L’insertion commerciale d’Israël</h2>
<p>Dans cette région, Israël est aujourd’hui la seule économie avancée selon les critères du Fonds monétaire international. Ses habitants ne sont cependant pas les plus riches. Plusieurs pays du Golfe le sont davantage grâce à leur rente énergétique, notamment le Qatar dont le PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat est pratiquement le double de celui d’Israël.</p>
<p><iframe id="W5EeW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/W5EeW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Forte de ses ressources énergétiques, la région commerce surtout avec des pays tiers (90 % de ses échanges en 2021), leur vendant des matières premières et leur achetant des produits manufacturés. Les échanges au sein de la région ont longtemps été limités en raison de la faiblesse du niveau de développement de la plupart des pays qui la composent, du peu de complémentarité de leurs spécialisations et des conflits qui s’y sont déroulés.</p>
<p>Mais depuis le début des années 2000, et à la suite notamment du décollage de l’industrie turque, qui a développé une large gamme de produits manufacturés à prix compétitifs, les flux intra-zone ont augmenté : ils représentent 10 % du commerce total des pays de la région en 2021, contre 4 % en 2000.</p>
<p><iframe id="DaXAl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DaXAl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’insertion commerciale d’Israël dans la région est plus forte : en 2021, 12 % de ses exportations y sont destinées et 14 % de ses importations en proviennent.</p>
<p><iframe id="Jfau1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Jfau1/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="8nJHD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8nJHD/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Deux partenaires jouent un rôle important dans ces échanges : la Palestine et la Turquie.</p>
<p>La Palestine, qui reçoit plus de la moitié des exportations régionales d’Israël, se situe au troisième rang de ses clients au niveau mondial (<a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,5 % en 2021</a>), après les États-Unis et la Chine (respectivement 26,8 et 7,9 %). C’est un commerce <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/tdbex74d2_fr.pdf">contraint</a> en raison des restrictions et obstacles imposés par l’État hébreu aux échanges palestiniens avec le reste du monde.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729563269679988960"}"></div></p>
<p>La Turquie, après la Chine et les États-Unis, est le troisième fournisseur de l’État hébreu (respectivement 14,5, 11,5 et <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,8 % en 2021</a>), auquel elle vend <a href="https://medyascope.tv/2023/11/07/turkiye-israilin-kullandigi-celigin-yuzde-65ini-tedarik-ediyor-enerji-uzmani-ali-akturk-aciklamalar-ic-politikaya-yonelik-ciddi-olan-ticareti-engeller/">65 %</a> de l’acier qu’il consomme. En dépit de leurs difficultés relationnelles tenant notamment au conflit israélo-palestinien, les deux pays, liés depuis 1996 par un accord de libre-échange, ont jusqu’ici maintenu des échanges soutenus. Mais la guerre actuelle, qui secrète de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-31/ty-article/.premium/irked-by-erdogan-israeli-supermarkets-halt-imports-from-turkey/0000018b-866e-dd28-a7df-967f57360000">part</a> et <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/turkish-parliament-removes-brands-menu-over-alleged-israel-support-2023-11-07/">d’autre</a> des appels au boycott, tend à les réduire : les exportations de la Turquie vers Israël <a href="https://www.reuters.com/article/israel-turkey-trade/trade-between-israel-and-turkey-has-decreased-by-50-since-oct-7-minister-idUSS8N3AJ047">auraient chuté</a> de moitié depuis début octobre dernier, selon le ministre turc du Commerce.</p>
<h2>Le fulgurant essor des ventes de services innovants</h2>
<p>S’en tenir aux échanges de marchandises offre cependant une vision biaisée de l’insertion d’Israël dans le <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">commerce international</a>. Ses ventes de services ont en effet connu un essor fulgurant au cours de la dernière décennie et représentaient en 2021 plus de la moitié du total de ses exportations (53 %), bien avant celles de produits électroniques (13 %) et chimiques (11 %).</p>
<p><iframe id="CYGGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CYGGW/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les services liés aux technologies de l’information et de la télécommunication (TIC) totalisent à eux seuls 41 % des exportations de biens et services de l’État hébreu. Suivent les exportations de services techniques et de conseil, dont l’un des postes est la recherche et développement (R&D), et, dans le secteur manufacturier, de produits électroniques à haute valeur ajoutée. Autant de spécialisations qui témoignent du poids de l’innovation dans l’économie israélienne. Selon le Centre du commerce international (agence conjointe de l’ONU et de l’OMC), les ventes de services liés aux TIC du pays s’adressent pour l’essentiel aux <a href="https://www.trademap.org/Index.aspx">pays avancés</a>.</p>
<p><iframe id="ktQxe" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ktQxe/10/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor du secteur des services liés aux TIC tient à la création volontariste d’un écosystème favorable. Dès 1992, le gouvernement israélien a investi 100 millions de dollars dans un fonds de capital-risque à vocation militaire, le programme <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1209988">Yozma</a> (initiative en hébreu). Abondé par des fonds privés à hauteur de 11 milliards, ce programme a financé 168 start-up high-tech qui ont généré plus d’un milliard de dollars d’exportations en l’espace de douze ans. La dynamique ainsi enclenchée a fait d’Israël un hub technologique dans les domaines de la cybersécurité, des logiciels et des échanges de données, mais aussi de la pharmacie et de l’agriculture.</p>
<p>Cette dynamique a également été alimentée par les dépenses de la R&D engagées par l’État et par des <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">fondations israélo-américaines</a> créées dans les années 1970, à commencer par Bird (Binational R&D Foundation), BSF (Binational Science Foundation) et Bard (Binational Agriculture and R&D Fund). En 2020, selon l’<a href="https://stats.oecd.org/index.aspx">OCDE</a>, le financement des dépenses de R&D en Israël provenait pour 50 % de l’étranger, pour 40 % des entreprises israéliennes, pour 9 % du gouvernement et pour 1 % des institutions privées nationales à but non lucratif.</p>
<p>Ce modèle, qui a attiré environ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-leconomie-ebranlee-mais-resiliente-1986879">500 multinationales</a> versées dans le high-tech, a aussi favorisé la création <a href="https://innovationisrael.org.il/en/reportchapter/how-many-israelis-really-work-high-tech">d’emplois technologiques</a> dans l’ensemble de l’économie. Leur part dans l’emploi total salarié représente 14 % en 2022, contre 10,6 % en 2014.</p>
<h2>L’aide internationale, poste clef du compte courant israélien</h2>
<p>Le compte courant d’Israël révèle un autre aspect de l’évolution de son insertion internationale. En effet, les revenus secondaires reçus de l’étranger – l’aide extérieure, essentiellement – ont été cruciaux pendant la phase de développement de l’économie israélienne pour faire face à l’énorme déficit de la balance commerciale. Celle-ci a atteint plus d’un cinquième du PIB en 1975.</p>
<p><iframe id="bs038" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bs038/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à la <a href="https://www.brookings.edu/articles/how-shimon-peres-saved-the-israeli-economy/">stabilisation macro-économique</a> entreprise dans les années 1980 par Shimon Peres, le pays est ensuite entré dans un régime de croissance vertueux. Son déficit dans les échanges de biens s’est sensiblement <a href="https://econ.tau.ac.il/sites/economy.tau.ac.il/files/media_server/Economics/foerder/papers/Papers%202020/13-2020%20Israels%20Balance%20of%20Payments%20From%20Deficits%20to%20Surpluses.pdf">réduit</a> et, à partir des années 2000, les excédents engendrés dans les échanges de services (8 % du PIB en 2022) lui ont permis de dégager pour la première fois une capacité de financement durable. Aussi, le solde courant, positif depuis 2003, s’élève à 4 % du PIB en 2022 et le solde des revenus secondaires, toujours en 2022, ne représente plus que 2 % du PIB, contre 18 % en 1973, année de la guerre de Kippour.</p>
<p>Les États-Unis sont le <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/history-and-overview-of-u-s-foreign-aid-to-israel">premier apporteur</a> de fonds à Israël, et Israël est le <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">principal récipiendaire</a> de l’aide américaine depuis <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/pcaaa469.pdf">1976</a>. D’après le <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">dernier rapport</a> du service de recherche du Congrès américain, le cumul de l’aide des États-Unis à Israël entre 1946 et septembre 2023 est de 159 milliards de dollars courants (260 milliards de dollars constants de 2021). De 1971 à 2007, une partie significative de cette aide relevait du soutien économique ; elle est désormais quasi exclusivement <a href="https://usafacts.org/articles/how-much-military-aid-does-the-us-give-to-israel/">militaire</a>.</p>
<p>Par ailleurs, depuis 1991, Israël est le seul pays autorisé par le Congrès à placer l’aide qui lui est accordée sur un <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">compte rémunéré</a> aux États-Unis. Enfin, depuis 2021 et jusqu’au déclenchement de la guerre actuelle, le Congrès a voté l’octroi à Israël de 3,3 milliards de dollars courants d’aide militaire par an. S’ajoutent à cette somme d’autres montants spécifiques à la défense aérienne (anti-missiles, Dôme de fer). En 2022, au total, les 4,8 milliards de dollars d’aide militaire votés par le Congrès américain représentent 80 % des crédits reçus par le gouvernement israélien au titre de la coopération internationale.</p>
<h2>Une position extérieure nette très positive en 2022</h2>
<p>Fondée sur d’importants investissements dans le high-tech et sur l’exportation de services haut de gamme vers les pays avancés, la spécialisation commerciale réussie d’Israël a contribué à une amélioration substantielle de sa position extérieure nette depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Cette jeune économie avancée dispose donc d’un excès d’épargne à l’instar de l’Allemagne. Autrement dit, les résidents en Israël ont accumulé à l’étranger plus de capitaux qu’ils n’en ont reçu du reste du monde. Leur patrimoine net s’élève ainsi en 2022 à 159 milliards de dollars, soit 30 % du PIB.</p>
<p>Cette épargne, confortable par temps de paix, pourrait-elle suffire en cas de prolongement de la guerre ?</p>
<p><iframe id="sLjyl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sLjyl/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie israélienne, voir les pages interactives</em> <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a><em>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Croissance démographique, intégration régionale, spécialisation commerciale, dépendance au reste du monde… Retrouvez un portrait de l'économie israélienne.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILaurence Nayman, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179422023-12-03T16:30:44Z2023-12-03T16:30:44ZUn peuple dispersé : les Palestiniens face à la guerre de Gaza<p>En ce mois de novembre, plusieurs milliers de personnes, y compris des enfants, des personnes âgées et des blessés ont <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gQ-s8P0ua-M">continué à quitter, à pied et par des moyens de fortune</a>, le nord de la bande de Gaza, violemment bombardé par Tsahal en réaction aux attaques commises par le Hamas le 7 octobre, pour se réfugier au sud. Ils rejoignent près de 1,7 million de déplacés à l’intérieur de l’ensemble de l’enclave, principalement <a href="https://www.unrwa.org/resources/reports/unrwa-situation-report-36-situation-gaza-strip-and-west-bank-including-east-Jerusalem">accueillis dans des écoles et autres établissements gérés par l’UNRWA</a>, l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens.</p>
<p>Les images de leur exode évoquent la mémoire encore vive de la <em>Nakba</em> de 1948, lorsque <a href="https://www.fayard.fr/livre/le-nettoyage-ethnique-de-la-palestine-9782213633961/">près de 800 000 Palestiniens avaient été contraints de quitter les territoires de l’actuel État d’Israël</a> pour trouver refuge en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et <a href="https://unrwa.photoshelter.com/galleries/C00009xWZSJER24M/G0000UP5ButuCiYs/I0000CiaCe7gyFDs/Historic-Milestones">dans la bande de Gaza</a>. Il ne faut pas oublier, en effet, que près de 75 % des habitants de Gaza, soit environ 1,5 million de personnes, <a href="https://www.unrwa.org/where-we-work/gaza-strip">sont des réfugiés</a> (la notion de réfugié <a href="https://www.un.org/fr/events/unrwa_at_60/pdf/info.pdf">s’étendant aux descendants directs des réfugiés des générations précédentes</a>).</p>
<p>Près de 6 millions de Palestiniens sont aujourd’hui réfugiés dans les pays voisins, où leur présence est régulée par une <a href="https://shs.hal.science/halshs-00719909v1/document">multiplicité de statuts juridiques plus au moins discriminatoires</a>. Plus de 1 million d’autres vivent dans les pays du Golfe et d’autres pays arabes où ils disposent d’un permis de résidence temporaire et peuvent à tout moment être expulsés. Près de 700 000 Palestiniens résident en <a href="https://www.euppublishing.com/doi/abs/10.3366/hlps.2020.0230">Amérique du Sud</a>, 100 000 en <a href="https://journals.openedition.org/remi/986">Europe</a> et quelques milliers en <a href="https://books.openedition.org/cedej/748?lang=fr">Amérique du Nord</a> où ils ont été en grande partie naturalisés.</p>
<p>À ces Palestiniens « de l’extérieur » s’ajoutent les 5,5 millions d’habitants des territoires occupés par Israël en 1967, dont 3,5 millions ont un statut de réfugiés, et près de 2 millions de personnes désignées comme les « Arabes d’Israël », mais qui se qualifient comme les « Palestiniens de 1948 » et qui, tout en ayant la nationalité israélienne, sont de fait des <a href="https://www.palestine-studies.org/en/node/232064">citoyens de deuxième catégorie</a>. Objets de discriminations dans l’attribution des financements aux municipalités où ils sont installés (principalement dans le nord d’Israël), ces Palestiniens de 1948 sont aussi confrontés à des attaques récurrentes et à la <a href="https://www.adalah.org/en/content/view/7589">démolition de leurs habitations comme dans les villages bédouins du Néguev</a>. Ces violences ont augmenté face au projet de l’extrême droite israélienne de faire reconnaître la nature juive de l’État d’Israël, et plus encore <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/guerre-israel-hamas-flambee-de-violence-dans-les-colonies-en-cisjordanie-2026426">depuis le 7 octobre dernier</a>. </p>
<p>Ces populations, aux statuts juridiques variés et dispersées aux quatre coins du monde, constituent aujourd’hui le peuple palestinien. Un puzzle composite dont l’histoire, marquée par une vulnérabilité accrue, nous rappelle que le conflit israélo-palestinien a débuté bien avant le 7 octobre 2023. </p>
<h2>Les Palestiniens dans les pays arabes : entre vulnérabilité permanente et discriminations</h2>
<p>Deux déplacements majeurs des Palestiniens ont eu lieu au XX<sup>e</sup> siècle : le premier s’est produit entre 1947 et 1948, au moment de la <em>Nakba</em> (catastrophe en arabe), avec la formation de l’État d’Israël sur 78 % du territoire de la Palestine historique ; le second en 1967 lors de la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/conflit-israelo-palestinien-anniversaire-de-la-naksa-05-06-2013-1676628_24.php"><em>Naksa</em></a> (rechute en arabe), terme désignant l’occupation par Israël, en 1967, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza (les 22 % restants de la Palestine historique) ainsi que des régions du Golan syrien et du Sinaï égyptien.</p>
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<p>La Jordanie est le pays à avoir accueilli le plus grand nombre de réfugiés en 1948 (près de 400 000). La plupart d’entre eux <a href="https://shs.hal.science/halshs-00411839/document">ont obtenu la nationalité jordanienne</a>. Aujourd’hui, on estime que près de la moitié des 11 millions de Jordaniens sont d’origine palestinienne. <a href="https://www.unrwa.org/where-we-work/jordan">Plus de 2 millions d’entre eux continuent à être enregistrés auprès de l’UNRWA</a> et bénéficient de ses aides et services. Environ 30 000 Palestiniens sont arrivés en Jordanie en provenance de la bande de Gaza en 1967. À l’inverse de leurs compatriotes arrivés près de vingt ans auparavant, ils disposent d’un passeport temporaire renouvelable tous les deux ans, et <a href="https://prc.org.uk/upload/library/files/DecadesOfResilience2018.pdf">n’ont qu’un accès restreint au marché du travail et à la protection sociale</a>.</p>
<p>Les Jordaniens d’origine palestinienne, principalement installés dans la capitale Amman, font l’objet de discriminations informelles en ce qui concerne l’accès aux postes à responsabilité dans la fonction publique ainsi que <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/jordanie-liban-le-dilemme-des-palestiniens-en-exil-6604223">dans l’accès à l’enseignement secondaire</a>.</p>
<p>Par ailleurs, l’obtention de la nationalité jordanienne n’a pas entravé l’expulsion, à l’issue des violents affrontements dits de « Septembre noir » en 1970, entre les factions de l’OLP et les autorités jordaniennes, de plusieurs milliers de militants armés avec leurs familles vers la Syrie et le Liban. Ne pouvant plus faire renouveler leurs documents, ils sont devenus, dans ces pays, des « sans-papiers ».</p>
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<figcaption><span class="caption">24h sur la Une du 23 septembre 1970 – La situation en Jordanie, Archive INA.</span></figcaption>
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<p>Au Liban, l’arrivée des Palestiniens à partir de 1947, à l’issue du <a href="https://www.lepoint.fr/monde/il-y-a-70-ans-un-plan-de-partage-conteste-de-la-palestine-25-11-2017-2174983_24.php">vote du « Plan de Partage » par l’Assemblée générale des Nations unies</a>, risquait de déstabiliser l’équilibre du pays, fondé sur la répartition du pouvoir entre confessions religieuses. Cela explique l’attribution à ces nouveaux arrivants d’un statut juridique particulièrement discriminatoire qui s’est durci à la fin de la guerre civile (1975-1990), leur <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/2418">interdisant l’accès à la plupart des professions</a>. Près de 80 % des 480 000 réfugiés palestiniens résidant aujourd’hui dans le pays vivent sous le seuil de pauvreté national.</p>
<p>En Syrie, où les Palestiniens n’ont jamais dépassé 2 à 3 % de la population totale, ils ont obtenu les mêmes droits que les Syriens en matière d’accès au travail, à l’éducation et la santé. Cependant, comme les Palestiniens du Liban, ils ne se sont pas vu attribuer la nationalité du pays d’accueil, officiellement parce que les gouvernements de Beyrouth et de Damas souhaitaient préserver leur « droit au retour » établi dès 1949 par la <a href="https://www.unrwa.org/content/resolution-194">résolution 194 de l’ONU</a> – ce qui les rend, de fait, apatrides.</p>
<p>En tant que réfugiés, les Palestiniens dans les pays voisins demeurent <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2013-4-page-95.htm">particulièrement vulnérables</a>, notamment face aux conflits qui ébranlent périodiquement ces pays, comme c’est le cas en <a href="https://journals.openedition.org/conflits/18489">Syrie depuis 2011</a>. Parmi les 560 000 Palestiniens de Syrie enregistrés auprès de l’UNRWA en 2012, <a href="https://www.unrwa.org/where-we-work/syria">près de la moitié étaient déplacés à l’intérieur du pays</a>, et environ 130 000 ont cherché à trouver refuge en Jordanie, où ils ont été refoulés à la frontière, au Liban, où leurs permis de séjour ne sont pas renouvelés, ou bien ont pris la route de la migration illégale vers l’Europe. </p>
<p>Cette même vulnérabilité marque aussi le quotidien des Palestiniens qui, à partir des territoires occupés ou des pays voisins, ont migré dans les pays du Golfe, même si certains d’entre eux y ont connu une ascension sociale remarquable et joué un rôle important dans le développement de pays comme le Koweït. Avant 1990, près de 400 000 Palestiniens contribuaient de manière significative au système éducatif et politique, ainsi qu’au secteur privé koweïtien avant d’être <a href="https://www.palestine-studies.org/en/node/1648096">expulsés vers la Jordanie lors de la guerre contre l’Irak</a>, en raison du soutien que l’OLP accorda à Saddam Hussein. Aujourd’hui, les Palestiniens du Golfe, <a href="https://books.openedition.org/diacritiques/5764?lang=fr">principalement employés dans les professions libérales, l’industrie pétrolière et l’enseignement</a>, ne peuvent pas espérer obtenir la nationalité d’un de ces pays, qui est attribuée seulement dans des cas exceptionnels, comme celui de <a href="https://www.bidoun.org/articles/zayed-zaki-nusseibeh">Zaki Nusseibeh</a>, actuel conseiller culturel du président des Émirats arabes unis.</p>
<h2>Les réactions face à la guerre de Gaza : entre solidarité et répression</h2>
<p>À partir des années 1960, les Palestiniens de l’extérieur ont joué un rôle central dans la recomposition du mouvement national palestinien, qui se structure <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2003-2-page-91.htm?ref=doi">au sein des camps de réfugiés en Jordanie, au Liban et en Syrie</a>. Ces mêmes camps n’ont pas cessé, au fil des ans, d’être des caisses de résonance des événements qui se produisaient en Palestine, tout en développant, dans les années 2000, des formes de mobilisation qui leur étaient propres, notamment à travers la création de comités pour la défense du « droit au retour » indépendants des formations politiques, dans un contexte de <a href="https://www.palestine-studies.org/en/node/42541">profonde délégitimation de ces dernières</a>. Les principaux acteurs politiques palestiniens disposent de représentations dans les camps du Liban et de Syrie, où ils jouissent d’une marge de manœuvre variable en fonction des orientations géopolitiques de ces pays.</p>
<p>Depuis le début du conflit à Gaza, des manifestations en soutien aux Palestiniens ont eu lieu dans les pays d’accueil des réfugiés. Toutefois, ces manifestations de solidarité avec Gaza en proie aux frappes israéliennes ont été étroitement encadrées par les autorités de ces pays.</p>
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<p>En Jordanie, une des manifestations s’est soldée par un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LfgN3A7JXTY">assaut contre l’ambassade d’Israël</a>. Des étudiants tentant de mobiliser leurs camarades au sein de leurs établissements sont arrêtés. S’approcher de la zone frontalière avec Israël est interdit.</p>
<p>En Syrie, le régime a interdit toute manifestation, à l’exception de deux rassemblements parrainés par lui-même et qui se sont déroulés dans le centre de Damas et dans le camp palestinien de Yarmouk, partiellement détruit par la guerre. Plusieurs Palestiniens qui cherchaient à organiser une manifestation non autorisée à la périphérie de Damas ont été arrêtés.</p>
<p>Au-delà des mobilisations caritatives à destination de Gaza, toute manifestation de rue est interdite dans les pays du Golfe, notamment dans les Émirats arabes unis, où la population palestinienne vit avec le poids, depuis 2020, de la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-processus-de-normalisation-diplomatique-d-Israel-avec-les-pays-arabes-a-l.html">normalisation des relations avec Israël</a>. Les Palestiniens de 1948, quant à eux, font face à des campagnes d’emprisonnements qui touchent également plusieurs milliers de travailleurs gazaouis en Israël et de Palestiniens en Cisjordanie (<a href="https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/11/israel-opt-horrifying-cases-of-torture-and-degrading-treatment-of-palestinian-detainees-amid-spike-in-arbitrary-arrests/">près de 2 200 personnes ont été emprisonées par Israël depuis le 7 octobre selon Amnesty International)</a>.</p>
<h2>Pas de solution durable sans justice pour l’ensemble du peuple palestinien</h2>
<p>En dépit des restrictions, les Palestiniens de l’extérieur continuent à manifester leur soutien à leur peuple demeurant à l’intérieur des territoires occupés. 75 ans après l’exode de 1948, ils n’ont pas oublié leur histoire collective – et, en ce sens, les discriminations dont ils font l’objet dans les différents pays d’accueil ont sans doute contribué à renforcer leur sentiment d’appartenance nationale.</p>
<p>Pour cette raison, la question des réfugiés continue d’être un dossier incontournable même si elle est rangée dans un placard, <a href="https://journals.openedition.org/remmm/14072">ensemble avec le dossier des colonies et le statut de Jérusalem</a> depuis la signature des accords d’Oslo de 1993 qui avaient reporté la discussion à la fin de la phase intérimaire de cinq ans ; or celle-ci ne déboucha pas sur la formation d’une entité étatique palestinienne, en raison de la poursuite de l’occupation et de l’expansion grimpante de la <a href="https://orientxxi.info/documents/chronologies/chronologie-des-accords-d-oslo-1991-2000,0342">colonisation illégale en Cisjordanie</a>.</p>
<p>L’objectif majoritairement partagé par ces générations d’exilés qui, à de rares exceptions près, et en bonne partie à cause des politiques des autorités des pays d’accueil, continuent de se sentir bien plus palestiniens que jordaniens, libanais ou syriens est de pouvoir un jour se réinstaller là où vivaient leurs ancêtres. Aucune solution juste et durable au conflit israélo-palestinien ne peut donc entre envisagée sans prendre en compte le destin des réfugiés palestiniens aux côtés de celui des Palestiniens des territoires occupés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217942/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valentina Napolitano ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon diverses estimations, les Palestiniens seraient au total un peu moins de 15 millions, dont quelque 6 millions de réfugiés installés, parfois depuis des décennies, dans les pays voisins.Valentina Napolitano, Sociologue, chargée de recherche à l'IRD (LPED/AMU), spécialiste des questions migratoires et des conflits au Moyen-Orient, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181912023-11-28T17:10:32Z2023-11-28T17:10:32ZQuelle vie économique dans la bande de Gaza ?<p>Beaucoup de choses auront été dites sur la bande de Gaza ces dernières semaines. Ce territoire enclavé régulièrement mis sous les feux de l’actualité reste toutefois relativement méconnu. Il en va également ainsi de son économie, dont on peine à comprendre comment elle fonctionne, compte tenu du blocus et des guerres qui sévissent depuis bientôt deux décennies.</p>
<p>Les rapports, pourtant, ne manquent pas, avec leurs lots de <a href="https://www.ochaopt.org/content/gaza-strip-humanitarian-impact-15-years-blockade-june-2022">chiffres plus alarmants les uns que les autres</a>. Plus de 60 % des habitants de Gaza sont dépendants d’une aide alimentaire et près de la moitié de la population active est au chômage, tandis que 78 % de l’eau courante y est impropre à la consommation humaine.</p>
<p>En 2012, un <a href="https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-195081/">rapport de l’ONU</a> nous alertait déjà en annonçant que Gaza deviendrait un lieu « invivable » à l’horizon de 2020, un pronostic <a href="https://news.un.org/en/story/2017/07/561302-living-conditions-gaza-more-and-more-wretched-over-past-decade-un-finds">sans cesse confirmé depuis</a>. En 2023, la vie économique de 2,1 millions de Palestiniens dans ce territoire de 365 km<sup>2</sup> est pourtant bien réelle – une vie de privations mais aussi de résistance.</p>
<h2>Un tissu économique sinistré par le blocus et les guerres</h2>
<p><a href="https://archive.ph/20120728115614/">Cité commerciale millénaire</a> située à la porte de trois continents, Gaza s’est trouvée de plus en plus isolée et plusieurs fois coupée de ses routes économiques au cours du siècle passé. Territoire amputé de son arrière-pays palestinien au moment de la <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/15/il-y-a-soixante-dix-ans-l-invention-de-la-nakba_5298947_3218.html"><em>Nakba</em></a> en 1948, puis occupé par Israël après 1967, la bande de Gaza est désormais soumise à un embargo presque total depuis 2007.</p>
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<p>Cette année-là, le <a href="https://www.contretemps.eu/hamas-mouvement-national-palestinien-historique/">Hamas prenait le contrôle de la bande de Gaza</a> par la force, tandis qu’il était évincé du gouvernement en Cisjordanie par le président Mahmoud Abbas. Des sanctions israéliennes et internationales imposées à l’Autorité palestinienne au lendemain de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2006/01/30/le-hamas-sur-la-scene-politique_735978_3232.html">victoire du parti aux élections législatives de 2006</a> avaient provoqué une crise politique sans précédent et un durcissement des dissensions inter-palestiniennes. Déclarant la bande de Gaza « territoire hostile », Israël renforçait encore les restrictions sur les mouvements de personnes et de marchandises à sa frontière.</p>
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<p>Les trois premières années du blocus sont particulièrement sévères et infligent d’importants dégâts à l’appareil productif local. Seuls les « produits humanitaires de base » sont autorisés à entrer et les exportations sont complètement proscrites. L’activité de sous-traitance pour le compte d’entreprises israéliennes, un temps florissante, est également suspendue. Cette première phase voit la <a href="https://www.un.org/unispal/document/gaza-ten-years-later-un-country-team-in-the-occupied-palestinian-territory-report/">fermeture de 95 % des établissements industriels et la destruction de 120 000 emplois</a>.</p>
<p>Les agriculteurs aussi sont gravement touchés. L’interdiction d’importer des intrants agricoles (engrais, semences, plants, pesticides) ou même des pièces de rechange pour les machines entrave le fonctionnement de l’ensemble du secteur. Ce dernier est aussi lourdement affecté par l’imposition israélienne d’une « zone tampon » le long de la frontière, <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/tdbex74d2_fr.pdf">ce qui rend inaccessibles jusqu’à 35 % des terres arables de la bande</a>.</p>
<p>Cette situation est encore aggravée par les <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/bande-de-gaza-une-succession-de-15-annees-de-guerres-avec-israel-216996">violentes opérations militaires d’Israël contre la bande de Gaza</a> (2009, 2012, 2014, 2021) et les bombardements d’une grande partie des infrastructures publiques (centrale électrique, bâtiments officiels, routes) et de nombreuses installations industrielles.</p>
<p>Les accords de cessez-le-feu négociés après chaque nouvel affrontement conduisent néanmoins Israël à assouplir certaines restrictions. Le volume et la variété des marchandises autorisées à entrer augmentent une première fois en 2010, puis en 2014 ou après 2021, sans jamais retrouver toutefois un niveau comparable à celui d’avant 2007. L’importation d’équipements et de matériaux nécessaires au fonctionnement des industries et des services de base reste quant à elle sévèrement limitée. Les exportations, ainsi que les transferts commerciaux vers la Cisjordanie, reprennent timidement ; elles concernent des produits agricoles d’abord, puis des produits textiles et mobiliers.</p>
<h2>Une économie d’adaptation et de navigation à vue</h2>
<p>La mise en place de <a href="https://www.npr.org/sections/parallels/2014/07/26/335332220/the-long-history-of-the-gaza-tunnels">tunnels de contrebande sur la frontière égyptienne</a> ouvre durant un temps une nouvelle fenêtre sur l’extérieur. Leur taille et leur nombre augmentent rapidement pour permettre l’entrée de carburant, de matières premières et de biens d’équipement, en plus des produits de consommation.</p>
<p>Ces tunnels, pour la plupart développés et exploités par des entrepreneurs privés, sont bientôt soumis à une <a href="https://cds.birzeit.edu/the-phenomenon-of-tunnels-in-the-gaza-strip-shattered-economy-the-catholic-marriage-a-bitter-harvest/">surveillance et à une réglementation officielles côté palestinien</a>. Leur économie connaît un <a href="https://www.brandeis.edu/crown/publications/middle-east-briefs/pdfs/1-100/meb41.pdf">essor rapide</a>, employant directement ou indirectement (construction, transport, commerce…) jusqu’à 50 000 personnes en 2009. Elle est également devenue la première source de financement pour les autorités locales qui instaurent différentes taxes (douanes, licences). Cette brèche bien trop précaire n’offre pourtant pas de solution véritable au blocus, et <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/le-president-egyptien-sissi-creuse-le-fosse-avec-la-bande-de-gaza_3065295.html">l’Égypte y mettra finalement un terme à partir de 2013</a>.</p>
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<p>D’autres actions sont menées pour répondre à la pénurie alimentaire, portées à la fois par des ONG locales, des agences internationales et des <a href="http://gupap.org/">acteurs gouvernementaux</a>). Des pratiques agricoles plus écologiques et plus durables sont développées et encouragées. Le rationnement des cultures, la production en étage et l’usage de semences et d’engrais organiques sont employés pour préserver l’intégrité des ressources et <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2018-3-page-23.htm?ref=doi">pour réduire la dépendance envers les intrants chimiques israéliens</a>.</p>
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<p>Le recours à <a href="https://www.goethe.de/prj/ruy/fr/dos/wil/21725106.html">l’hydroponie</a> permet également de transformer des toits en béton en véritables potagers tandis que la récupération des eaux de pluie et la mise en place de panneaux solaires viennent <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2017/12/palestine-hydroponic-agriculture-gaza-strip-soil-problems.html">partiellement pallier le manque d’eau et d’énergie</a>. Si elle ne génère que très peu de revenus, cette production de subsistance couvre bientôt une majeure partie des besoins du territoire en fruits, légumes, poissons et volailles.</p>
<p>Les salaires versés aux employés des agences internationales et de la fonction publique sont en réalité la principale ressource pour de nombreuses familles. <a href="https://www.unrwa.org/">L’UNRWA</a> assure la scolarité et les soins de santé basiques pour plus de 50 % de la population, employant ainsi 10 000 personnes. Le gouvernement de Ramallah continue également de payer ses fonctionnaires recrutés à Gaza avant 2007, pour ne pas laisser le terrain vacant au Hamas. Si certains d’entre eux (environ 10 000) sont en activité dans les secteurs de l’éducation et de la santé, la majorité (quelque 40 000) <a href="https://orientxxi.info/magazine/les-fonctionnaires-de-gaza-otages-des-rivalites-entre-le-hamas-et-l-autorite,1902">se tient toujours au repos forcé sur ordre de Ramallah</a>.</p>
<p>Le gouvernement de Gaza assume de son côté la charge de quelque 50 000 fonctionnaires dont les salaires sont néanmoins régulièrement diminués de moitié en raison des difficultés financières. Des difficultés qui sont allées croissant depuis 2013 et la perte des recettes liées à l’activité des tunnels.</p>
<h2>Quel avenir pour l’économie de Gaza ?</h2>
<p>Alors que le bilan des victimes de la guerre continue de s’alourdir chaque jour depuis le 7 octobre, la question de l’avenir économique de la bande de Gaza est vraisemblablement secondaire. Or, par-delà la réponse nécessaire aux besoins humanitaires immédiats de la population, se pose déjà la question du financement de la reconstruction et du développement, et celle de leur mise en œuvre. L’institut de recherche palestinien MAS recense un <a href="https://mas.ps/en/publications/category-167">niveau de destruction matérielle sans commune mesure avec celui des précédentes guerres</a>.</p>
<p>Il rappelle aussi que toute projection économique est prématurée en l’absence de perspectives claires quant à l’issue politique et à l’évolution du gouvernement sur ce territoire. Une chose paraît certaine en revanche : il est urgent que la guerre et le blocus prennent fin pour donner leur chance à une actualité moins tragique et à un avenir tout simplement plus humain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Taher Labadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sous blocus depuis 2007, la bande de Gaza a vécu ces 16 dernières dans un contexte économique extrêmement compliqué – et cela, avant même la guerre actuelle.Taher Labadi, Chercheur en économie politique, Institut français du Proche-OrientLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177212023-11-26T15:36:02Z2023-11-26T15:36:02ZIsraël-Palestine : un affrontement « apocalyptique » entre deux mémoires traumatisées<p>Depuis le 7 octobre, l’opposition entre les partisans d’Israël et ceux de la Palestine prend parfois des allures <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/choc-des-civilisations_9782738156211.php">« huntingtoniennes »</a> – ou schmittiennes, selon le principe de la <a href="https://www.afri-ct.org/wp-content/uploads/2016/04/S-_Sur_-_Le_politique_selon_C-_Schmitt.pdf">distinction basique ami/ennemi élaborée par Carl Schmitt</a>.</p>
<p>Cette opposition, souvent caricaturale, se manifeste sans discontinuer dans les rues, sur les campus et sur les plateaux de télévision des grands pays <a href="https://theconversation.com/quand-le-conflit-israelo-palestinien-deborde-sur-les-campus-americains-217836">occidentaux</a> comme des pays <a href="https://theconversation.com/proche-orient-le-retour-de-la-cause-palestinienne-216213">arabes et musulmans</a>, donnant le vertige aux observateurs et, surtout, aux décideurs.</p>
<p>La confrontation a de multiples dimensions – militaire, certes, mais aussi politique et hautement symbolique. Elle met en jeu deux représentations mémorielles profondément traumatisées : celle des Israéliens, hantés par la Shoah et les pogroms du début du XX<sup>e</sup> siècle, auxquels les massacres du 7 octobre ont souvent été <a href="https://www.lepoint.fr/video/israel-7-octobre-2023-un-pogrom-au-XXIe-si%C3%A8cle-08-11-2023-2542441_738.php">assimilés</a> ; et celle des Palestiniens, marqués par la <em>Nakba</em>, cette date originelle de 1948 qui a provoqué leur premier exode massif et à laquelle est comparable aujourd’hui la <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/quest-ce-que-la-nakba-redoutee-par-les-civils-de-gaza-20231016_33JG53JZGRDRVALJHXDGUIOGMM/">situation de la population de Gaza</a>. Il est impératif de toujours tenir compte de ces visions quand on cherche à comprendre les motivations et les enjeux psychologiques des deux parties.</p>
<h2>Le traumatisme de la mémoire juive n’a pas pris fin en 1948 : il venait seulement de commencer</h2>
<p>Du côté palestinien, et du côté arabe et pro-palestinien en général, la perception de l’année 1948 demeure centrale. Cette année fut celle de la <a href="https://www.bbc.co.uk/sounds/play/p0grtb2b">Nakba</a> – littéralement la catastrophe, le premier grand exil, qui a jeté 700 000 Palestiniens sur les routes.</p>
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<p>Pour les Juifs, 1948 fut seulement la date à partir de laquelle le peuple juif a pu se relever afin de comprendre ce qui lui est arrivé. En effet, la création d’Israël, le 14 mai de cette année, fut une petite victoire, un instant de joie avant des décennies de fouilles traumatiques dans la tragédie collective que représente l’entreprise de l’extermination des Juifs d’Europe par les nazis.</p>
<p>Au niveau de la construction et de la reconstruction de la mémoire juive, le temps ne faisait que révéler et agrandir les reliefs et détails du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale.</p>
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<p>Par conséquent, la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle ne fut pas, pour la société israélienne, un temps de convalescence post-traumatique, mais plutôt le début d’une interminable exploration du traumatisme. La mémoire de la Shoah incarne un constituant commun et collectif au sein de la société et de l’espace public israéliens. Les deux minutes de <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/societe/1681796469-yom-hashoah-israel-s-arrete-au-son-de-la-sirene">sirènes</a> qui retentissent dans tout Israël chaque année le jour de la commémoration de la Shoah en constituent un exemple.</p>
<p>Or, cette tragédie humaine fut souvent instrumentalisée par la démagogie politique arabo-musulmane et, aussi, par la démagogie politique israélienne. Côté arabo-musulmans, on se souvient par exemple de l’appel à <a href="https://www.courrierinternational.com/article/conflit-israelo-palestinien-du-fleuve-a-la-mer-un-cri-de-ralliement-aux-multiples-interpretations">« jeter les Israéliens dans la mer »</a>, propos volontairement génocidaire de l’ancien dictateur syrien Hafez Al-Assad dans les années 1960, et des <a href="https://www.france24.com/fr/20090919-le-president-ahmadinejad-qualifie-lholocauste-mythe-">déclarations négationnistes</a> du président iranien Ahmadinejad en 2009. En Israël, l’instrumentalisation de la mémoire de la Shoah peut aller jusqu’à l’accusation de « nazisme » prononcée à l’encontre des Palestiniens lorsque ces derniers <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57257139">résistent aux arrêts de leur expulsion</a> et de leur remplacement à Jérusalem-Est par des colons juifs.</p>
<h2>Le paradoxe palestinien : rayonnement culturel, défaite existentielle</h2>
<p>Depuis 1948, la résistance culturelle et littéraire de la Palestine rayonne dans le monde <a href="https://bradscholars.brad.ac.uk/bitstream/handle/10454/17398/ottman%2C%20e.t.pdf">par le biais de son traumatisme</a>. Au niveau de la culture, de l’art et de la littérature, l’identité palestinienne peut être considérée comme la plus mondialisée, la plus libre et la plus remarquable par rapport aux autres identités arabes dotées d’États. Il suffit de comparer l’impact de l’œuvre du critique littéraire palestinien <a href="https://www.cairn.info/edward-said-l-intifada-de-la-culture--9782841746323-page-85.htm">Edward Saïd</a> et la naissance officielle des études post-coloniales avec son ouvrage <a href="https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1981_num_12_3_1857_t1_0357_0000_1"><em>L’Orientalisme</em></a>, paru en 1978, aux dégâts sociaux et politiques provoqués par l’anti-impérialisme creux et idéologique des régimes arabes pendant plus de 50 ans.</p>
<p>Soulignons aussi, entre autres, l’influence de l’<a href="https://www.theguardian.com/world/2008/mar/10/israelandthepalestinians1">iconique artiste palestinien</a> Naji al-Ali, <a href="https://www.france24.com/fr/20170830-naji-al-ali-enquete-meurtre-caricature-palestine-royaume-uni">assassiné à Londres en 1987</a>, qui fut la cible de menaces à la fois de la part de l’occupation israélienne, des différents régimes arabes mais aussi de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).</p>
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<p>Entre-temps, la situation réelle des Palestiniens en Palestine et dans la diaspora n’a fait que se dégrader. Des guerres, des défaites, des massacres en <a href="https://www.cairn.info/septembre-noir--9782870270516.htm">Jordanie</a> (1970), au <a href="https://www.courrierinternational.com/article/il-y-a-40-ans-la-boucherie-de-septembre-1982-la-memoire-encore-vive-des-massacres-de-sabra-et-de-chatila">Liban</a> (1982), jusqu’à la <a href="https://www.lemonde.fr/syrie/article/2018/05/26/yarmouk-le-cimetiere-des-palestiniens-de-syrie_5305021_1618247.html">destruction par le régime syrien du camps Yarmouk</a>, le plus grand camp de réfugiés palestinien au monde entre 2012 et 2015. Avant que les bombardements actuels de Gaza ne tuent des milliers de Palestiniens et qu’un ministre israélien n’évoque la <a href="https://www.liberation.fr/checknews/qui-est-amichay-eliyahu-ministre-israelien-suspendu-pour-avoir-evoque-une-bombe-nucleaire-sur-gaza-20231105_HHD4REI7QVHALKG2DBDKZJB4UA/">bombe nucléaire comme solution</a>, plus de 200 Palestiniens <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/8/22/more-than-200-palestinians-nearly-30-israelis-killed-so-far-this-year-un">avaient déjà été tués en 2023</a> par l’armée israélienne ou par des colons en Cisjordanie.</p>
<p>Un autre événement symbolique sur la voie de la liquidation de la mémoire et de l’existence de la Palestine fut la <a href="https://theconversation.com/conflit-israelo-palestinien-le-cavalier-seul-de-donald-trump-131092">reconnaissance par les États-Unis de Donald Trump</a> de Jérusalem comme capitale officielle de l’État hébreu (2017). Les États-Unis, en tant que première puissance mondiale, n’ont pas <em>légalisé</em> par cette décision la politique de colonisation israélienne, mais ils lui ont plutôt donné une force absolue, extra-légale et arbitraire.</p>
<p>Ces dernières années, les Palestiniens ont donc vécu une révision voire une abrogation des termes légaux de leur cause, la trahison des monarchies arabes qui <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/revue-de-presse-internationale/emirats-et-bahrein-les-nouveaux-amis-arabes-d-israel-2110613">accélèrent le processus de normalisation avec Israël</a>, et surtout, l’agressivité sans précédent des colons en Cisjordanie sous la protection de l’armée et du gouvernement radical israéliens. Serait-il imaginable pour ce peuple-symbole de voir ensemble sa mémoire et son existence périr dans une défaite politique ennuyeuse et sans bruit ?</p>
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<p>L’affrontement d’aujourd’hui est engagé sur plusieurs niveaux pour les belligérants : la violence, les symboles et les mémoires. Entre-temps, les élites des grandes puissances occidentales se trouvent envahies par la question de l’<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/03/nicolas-lebourg-historien-l-importation-du-conflit-israelo-palestinien-n-est-pas-une-chimere-elle-est-aussi-la-part-d-un-tout_6197972_3232.html">importation du conflit</a> et par la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GN61Bi_8E0g">basse politique</a> qui en découle. Ainsi, les cycles de vengeance entre ces deux traumatismes semblent-ils se dérouler sans arbitre, au risque d’échapper à toute lecture normative, qu’elle soit légaliste ou humaniste.</p>
<p>Sur le plan formel, on peut admettre que le Hamas fut élu démocratiquement en 2006 à l’issue des législatives palestiniennes et immédiatement <a href="https://www.lesechos.fr/2007/08/impuissance-coupable-au-proche-orient-1075660">boycotté par les diplomaties occidentales</a> car qualifié par ces dernières de terroriste. Or, et à la lumière de la philosophie politique, les élections démocratiques constituent moins un exercice procédural qu’une réactualisation du consensus sur le contrat social. Il s’agit d’une réaffirmation régulière et anticipée de la liberté politique et de la souveraineté dépersonnalisée du droit et des institutions. Rien de tout cela n’était apparu dans ce scrutin palestinien de 2006 car il s’agissait d’un moment négatif et révisionniste du processus de paix avec Israël par des électeurs palestiniens privés d’État. Les accords d’Oslo signé en 1993 entre Yasser Arafat, chef de l’OLP, et Yitzhak Rabin, premier ministre israélien, ont seulement permis à Israël d’arracher sa reconnaissance par les Palestiniens, sans jamais arrêter la colonisation ni donner lieu à un État palestinien.</p>
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<p>De nos jours, même avant la guerre déclenchée le 7 octobre, très peu d’experts croyaient dans le réalisme et la faisabilité d’un État palestinien souverain en raison du morcellement qu’ont subi ses présumés territoires tels que les définissent les accords d’Oslo. Du côté israélien, retirer 700 000 colons des territoires occupés serait un suicide politique pour tout gouvernement. Au contraire, le discours nationaliste et extrémiste dominent désormais la vie politique israélienne, allant jusqu’à <a href="https://www.challenges.fr/monde/moyen-orient/pourquoi-benjamin-netanyahu-est-devenu-le-nouvel-ennemi-d-israel_587232">l’idée d’un « grand Israël »</a>, c’est-à-dire la continuation de la colonisation jusqu’au départ du dernier Palestinien.</p>
<h2>Une lecture psychologique</h2>
<p>Dans un récent article publié dans <a href="https://newlinesmag.com/argument/the-psychology-of-the-intractable-israel-palestine-conflict/"><em>NewLinesMagazine</em></a>, la journaliste Lydia Wilson expose la lecture psychologique de l’histoire de ce conflit et de la nature des émotions de ses deux belligérants.</p>
<p>Elle rappelle que Gerard Fromm, psychothérapeute ayant publié sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-diogene-2003-3-page-3.htm">traumatismes du 11 Septembre</a> et sur la <a href="https://books.google.fr/books?id=nbdbEAAAQBAJ">psychologie du conflit israélo-palestinien</a>, oppose la mentalité « Never again » de la psyché juive à la mentalité « Never surrender » de la psyché palestinienne.</p>
<p>Le « Never again » israélien fut construit sur le souvenir de quelque deux mille ans de persécutions et d’exil, jusqu’à la tentative d’anéantissement. Tandis que le « Never surrender » des Palestiniens traduit un traumatisme continu de dépossession, d’humiliation et d’occupation. Les deux attitudes belligérantes sont d’abord portées par des émotions extrêmes de nature traumatique, et elles se construisent mutuellement de manière négative. Le plus dangereux et le plus imprévisible événement qui soit, de ce point de vue, serait un affrontement violent, existentiel et non arbitré entre ces deux parties.</p>
<p>Pour le psycho-historien Charles Strozier, co-auteur de <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-fundamentalist-mindset-9780195379655"><em>The Fundamentalist Mindset</em></a>, la « mentalité apocalyptique » est caractéristique du Hamas, mais aussi du conflit israélo-palestinien au sens large, en raison de la présence de l’apocalypse dans les deux récits, articulée à leur négation l’un de l’autre.</p>
<p>Commentant les événements récents, notamment les attaques du Hamas, Strozier affirme :</p>
<blockquote>
<p>« [Le Hamas] veut la surréaction, il veut amener Israël à déchaîner la force entière d’une des meilleures armées du monde sur des combattants dotés de fusils et de drones bon marché. »</p>
</blockquote>
<p>Pourquoi le Hamas mènerait-il une opération si suicidaire pour son avenir politique ? Qu’espéraient <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-67103298">ses chefs</a> lorsqu’ils planifiaient cette opération sinon l’embarras de leurs alliés et la brutalité de leurs ennemis ?</p>
<p>Deux possibles explications apparaissent chez les observateurs dans le monde arabe et au-delà. La première : le Hamas aurait décidé tout seul de déclencher la <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2023/11/palestine-israel-nakba-war/675859/">« dernière bataille »</a> et <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/new-atlanticist/what-will-hezbollah-do-next-heres-how-the-hamas-israel-conflict-could-engulf-the-region/">d’entraîner ses alliés</a>, le Hezbollah et l’Iran, dans un conflit régional engageant mêmes les États-Unis. Autrement dit, seule une guerre ouverte et illimitée pourrait remettre la question palestinienne au centre de la politique internationale et conduire à une solution finale de la cause palestinienne.</p>
<p>Seconde hypothèse : cette guerre fut couverte en <a href="https://links.org.au/turkey-erdogans-2023-neo-ottoman-imperialist-agenda-caucasus-mediterranean">coulisses par des capitales de la région</a> comme l’Iran ou/et la Turquie. L’objectif est d’abord de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/les-accords-d-abraham-a-l-epreuve-du-conflit-entre-israel-et-le-hamas-20231107">nuire à la perspective de normalisation</a> entre Israël et l’Arabie saoudite et, ensuite, de forcer les Américains, grâce à une crise majeure, à procéder à une redistribution égalitaire et durable des rôles dans la région au-delà de la place exceptionnelle d’Israël ou du rôle accru des monarchies arabes. Comme vient de le souligner un <a href="https://www.courrierinternational.com/article/opinion-l-amerique-a-perdu-tout-controle-sur-israel-et-le-moyen-orient">historien américain</a> dans le <em>New York Times</em>, les États-Unis ont en tout cas perdu, avec ce conflit, le contrôle sur Israël et sur tout le Moyen-Orient.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559669/original/file-20231115-27-mfi7pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">David et Goliath, par Dan Craig. C’est ainsi que les Palestiniens se représentent volontiers leur affrontement avec Israël.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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<p>Pendant que les scènes globale et médiatique opposent pro-Palestiniens et pro-Israéliens dans des controverses terminologiques relevant de la sphère du droit (occupation, colonisation, terrorisme, etc.), l’affrontement armé entre ces deux belligérants se situe ailleurs : dans la vengeance. Selon la lecture psychologique, les émotions extrêmes provoquent un comportement extrême qui va jusqu’à la violence extrême.</p>
<h2>Derrière le visage de la haine, la réalité de la mémoire traumatisée</h2>
<p>Si certains Juifs et certains Palestiniens crient à la vengeance devant une caméra, et ces scènes font le tour du monde via les réseaux sociaux, rien ne les accompagne pour expliquer que ces personnes « haineuses » sont habitées par des mémoires traumatisées et exacerbées par un événement traumatisant récent. L’humanité a-t-elle déjà perdu la main sur le flux des réseaux sociaux et les impacts de ceux-ci sur le temps de la raison humaine et sur celui de la politique ?</p>
<p>Les enjeux d’amalgames entre Juifs et colonisation, entre Palestiniens et terrorisme, ne deviennent-ils pas toxiques pour les sociétés démocratiques ? Quels seront les dégâts de ce conflit sur le pluralisme apaisé et les libertés épanouies de nos sociétés ?</p>
<p>Ce n’est pas l’ONU, mais l’Occident politique qui se présente comme le protecteur <a href="https://www.latimes.com/opinion/story/2023-11-20/biden-israel-gaza-war-bombing-arab-world-united-nations-ceasefire">inconditionnel</a> de l’État d’Israël. La nature inconditionnelle de cette protection ne devrait-elle pas exiger, en contrepartie, des pouvoirs inconditionnels ? N’est-ce pas à ces protecteurs que revient la tâche d’imposer une paix absolue et finale au Moyen-Orient ? Les porte-avions et <a href="https://www.lefigaro.fr/international/un-sous-marin-americain-au-moyen-orient-pour-renforcer-la-dissuasion-20231106">sous-marins nucléaires</a> ne peuvent-ils pas, pour une fois, traduire une <em>Décision</em> et une volonté politique positives ?</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/217721/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohamad Moustafa Alabsi est membre de La New University In Exile Consortium (NUIE) - New York. Il a reçu des financements du Mellon Foundation Program entre 2021- 2022.</span></em></p>Mémoire des pogroms et de la Shoah d’une part, mémoire de la Nakba et des défaites militaires de l’autre : les deux camps sont obnubilés par le passé au moins autant que par le présent.Mohamad Moustafa Alabsi, Chercheur postdoctoral au Mellon Fellowship Program, Columbia Global Centers, Amman. Membre associé à l'Institut de philosophie de Grenoble, New University In Exile ConsortiumLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181892023-11-23T17:55:24Z2023-11-23T17:55:24ZLe Hamas à Gaza : de l’enfermement à la sauvagerie<p>L’attaque sauvage du Hamas contre le 7 octobre dernier illustre une détermination et une montée en puissance des capacités militaires du mouvement islamiste, qui se sont traduites, pour la première fois, par une prise d’otages massive et des massacres de civils commis selon un mode opératoire inédit.</p>
<p>Au-delà de la douleur et de la sidération, que cherchait à accomplir le Hamas par cette offensive sans précédent ?</p>
<h2>Anéantir le statu quo</h2>
<p>Le premier objectif du Mouvement de la résistance islamique – dont Hamas est l’acronyme en arabe – est d’incarner la représentation des Palestiniens et d’assurer une relève politique.</p>
<p>Face à une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/cisjordanie-lautorite-palestinienne-la-derive">Autorité palestinienne discréditée</a>, réduite à gérer les affaires courantes et impuissante à assurer la sécurité de ses administrés, le Hamas cherche à reprendre le leadership d’une communauté politique qu’il a <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/hamas-du-quietisme-au-terrorisme-5270282">lui-même contribué à fracturer</a>. Sa revendication portant sur la libération de tous les prisonniers palestiniens, dont la majorité appartient au Fatah, renvoie à cette volonté <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/08/guerre-israel-hamas-porter-la-cause-des-prisonniers-contribue-a-faire-de-l-organisation-islamiste-le-representant-de-la-resistance-palestinienne_6199003_3232.html">d’assumer la lutte</a> en faveur des droits du peuple palestinien. La perspective d’élargissement de cent cinquante femmes et mineurs palestiniens détenus en Israël en échange de cinquante femmes et enfants israéliens otages du Hamas que prévoit <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-le-hamas-et-israel-l-accord-pour-la-liberation-de-50-otages-a-ete-approuve-par-les-deux-camps_6200151.html">l’accord conclu le 21 novembre entre Israël et le Hamas</a> grâce à la médiation du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis constitue un premier résultat en ce sens pour l’organisation islamiste.</p>
<p>Le deuxième objectif consiste à ranimer la question palestinienne qui, malgré la grave détérioration des conditions de vie des Palestiniens liée à la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2016-1-page-287.htm">colonisation et à l’enfermement</a>, s’était en quelque sorte éteinte. Le conflit israélo-palestinien n’était certes pas résolu, mais sa faible intensité conduisait Israël et la communauté internationale à le considérer comme gérable, et nulle perspective politique ne se dessinait donc à l’horizon, si ce n’est une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/20/le-gouvernement-israelien-fait-un-pas-important-vers-une-annexion-de-la-cisjordanie_6178434_3210.html">annexion de la Cisjordanie</a> et une remise en cause des règles de l’accès à l’Esplanade des mosquées, à Jérusalem, les Juifs religieux venant y prier de plus en plus fréquemment. Le 7 octobre, le Hamas a brutalement ravivé le conflit.</p>
<p>Enfin, le Hamas ne pouvait qu’anticiper la colère d’Israël et sa riposte contre Gaza. L’ampleur des frappes de Tsahal et son incapacité à éviter la mort de milliers de civils permettent de miser sur une indignation planétaire et une extension du conflit à l’espace régional, voire à l’espace mondial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dal-qaida-au-hamas-la-strategie-de-la-guerre-mediatique-217929">D’Al-Qaida au Hamas : la stratégie de la guerre médiatique</a>
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<p>L’attaque du 7 octobre et les représailles israéliennes qu’elle a suscitées vont-elles bouleverser la donne au Moyen-Orient ? L’enchaînement des violences risque d’entraîner plusieurs acteurs régionaux dans la guerre et d’approfondir les fractures au sein des sociétés occidentales déjà ébranlées par le terrorisme islamiste sur leur sol. La brutale offensive du Hamas se révèle un piège tendu à Israël et au monde entier. Que s’est-il passé pour en arriver là ?</p>
<h2>Gaza verrouillée, le Hamas en quarantaine</h2>
<p>Le Hamas ayant <a href="https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/01/26/victoire-des-islamistes-du-hamas-aux-elections-palestiniennes_734705_3208.html">remporté les élections législatives en janvier 2006</a>, la formation d’un gouvernement <em>hamsaoui</em> remit en cause l’édifice de sous-traitance sécuritaire sponsorisé par les Américains et les Européens, qui exigèrent que le Hamas renonçât à la violence, avalisât les accords de paix signés par l’OLP, et qu’il reconnût l’État d’Israël. L’ultimatum fut rejeté́, car les islamistes n’avaient rien à gagner d’une série de concessions unilatérales.</p>
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<p>Dans le sillage du succès électoral du Hamas, du refus du Fatah de participer à un gouvernement d’union nationale et de sa tentative de saper la victoire islamiste, les heurts entre les deux mouvements se multiplient dans la bande de Gaza, malgré la médiation saoudienne, et aboutissent en 2007 à un coup de force du Hamas qui mobilise ses effectifs pour écraser ceux du Fatah. La rupture est <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/palestine-de-l-etat-introuvable-la-nation-en-deroute-quoi-servent-les-dirigeants-palestinien">à la fois géographique et politique</a> puisque le Hamas gouverne la bande de Gaza tandis que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas contrôle une série d’îlots urbains en Cisjordanie.</p>
<p>La communauté́ internationale interrompit dès 2006 tout transfert de fonds direct vers la bande de Gaza. Par leur ultimatum, les Occidentaux renoncèrent à tout levier diplomatique auprès du mouvement islamiste. Ainsi, malgré les déclarations de plusieurs de ses dirigeants <a href="https://www.lorientlejour.com/article/549365/L%2527existence_d%2527Israel_est_%253C%253C_une_realite_%253E%253E%252C_declare_Mechaal.html">admettant l’existence d’Israël</a>, malgré la <a href="https://iremam.hypotheses.org/7122">publication en 2017 d’un « document politique »</a> qui semblait reléguer dans le passé la <a href="https://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-630-annexe2.pdf">charte antisémite de 1988</a> et envisageait un État palestinien dans les frontières de 1967, le Hamas est resté au ban de la communauté internationale, ses alliés se limitant finalement au Qatar et à l’Iran. </p>
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<p>La politique d’ouverture du Hamas témoignait-elle d’une mutation en cours ou n’était-elle qu’un leurre destiné à tromper ses adversaires ? Notons que les processus de transition ou de transformation politique sont par nature fragiles et incertains ; ils ne dépendent pas seulement de l’intention de leurs promoteurs mais aussi de la structure d’opportunité dans laquelle ils s’inscrivent.</p>
<p>La communauté internationale ne réagit pas à l’inflexion du Hamas. L’Union européenne <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-40727791">ne consentit pas à radier le mouvement de sa liste des organisations terroristes</a>, et la bande de Gaza demeura soumise <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/10/du-blocus-au-siege-complet-de-la-bande-de-gaza-par-israel-les-craintes-d-une-catastrophe-humanitaire_6193599_3210.html">à un double blocus</a>, israélien et égyptien.</p>
<h2>1994, des frontières sans souveraineté</h2>
<p>Pour autant, il ne faudrait pas croire que les habitants de la bande de Gaza exerçaient un quelconque droit à en sortir et à y rentrer avant 2007. Le processus d’Oslo et <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/ps1994.htm">l’installation de l’Autorité palestinienne dans la bande côtière en 1994</a> coïncidèrent avec le bouclage du territoire. La gauche alors au pouvoir à Tel-Aviv choisit de réduire le nombre de travailleurs palestiniens autorisés à travailler sur le sol israélien et procéda à l’installation d’une clôture hermétique séparant la bande de Gaza d’Israël.</p>
<p>Durant la seconde moitié des années 1990, les <a href="https://embassies.gov.il/MFA/FOREIGNPOLICY/Terrorism/Palestinian/Pages/Suicide%20and%20Other%20Bombing%20Attacks%20in%20Israel%20Since.aspx">attentats-suicides commis en Israël</a> par le Hamas et le <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2005-4-page-299.htm">Djihad islamique</a> (organisation qui émerge dans les années 1980 et prône la lutte armée contre Israël) renforcèrent le choix de séparation fait par les dirigeants de l’État hébreu. Ainsi, en 1997, <a href="https://online.ucpress.edu/currenthistory/article-abstract/97/615/19/166454/The-Palestinian-Economy-after-Oslo?redirectedFrom=fulltext">seulement 4 % des Gazaouis</a> – essentiellement des membres haut placés de l’Autorité palestinienne – étaient autorisés à se rendre en Israël, à Jérusalem ou en Cisjordanie.</p>
<p>Les Gazaouis <a href="https://www.letemps.ch/monde/bande-gaza-evacuee-camp-concentration-sera-un-plus-grand">évoquaient déjà à l’époque la « prison à ciel ouvert »</a> dans laquelle ils vivaient ; l’écrasante majorité de la classe d’âge née dans les années 1970, trop jeune pour avoir été travailler de l’autre côté de la <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271072-israel-palestine-multiples-limites-mais-quelle-frontiere">ligne verte</a> n’a connu d’Israël que ses soldats, qui occupaient le territoire jusqu’à leur retrait partiel en mai 1994, et ses prisons.</p>
<p>Les générations suivantes n’ont pas eu l’occasion de rencontrer des Israéliens et la plupart des Gazaouis d’aujourd’hui ne sont tout simplement jamais sortis de l’étroite bande de terre. De son côté, le pouvoir égyptien a également maintenu un strict contrôle de l’accès à son territoire, <a href="https://carnegie-mec.org/2012/10/01/hamas-and-morsi-not-so-easy-between-brothers-pub-49525">y compris lors de la présidence de Mohamed al-Morsi</a>, pourtant membre des Frères musulmans, dont est issu le Hamas.</p>
<p>Le blocus imposé au territoire gouverné par le Hamas à partir de 2007 a encore davantage isolé les Palestiniens qui y vivent, car les étrangers autorisés à s’y rendre ne l’ont été que de manière exceptionnelle. Le personnel des organisations non gouvernementales s’est réduit, ainsi que le passage des journalistes et aussi celui des chercheurs, ces derniers étant interdits d’entrée dans la bande par les autorités militaires israéliennes. En outre, celles-ci ont asphyxié l’économie locale en limitant drastiquement la liste de produits autorisés à entrer dans la bande côtière sous prétexte d’empêcher tout détournement militaire.</p>
<h2>La fermentation</h2>
<p>Malgré cette main de fer israélienne, le Hamas a pu continuer à s’armer et à lancer des roquettes contre Israël, entraînant les adversaires dans une <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/hamas-israel-history-confrontation-2021-05-14/">série de guerres entre 2008 et 2021</a>. Ces dernières années, il a également développé un <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/invit%C3%A9-du-jour/20231107-le-r%C3%A9seau-des-tunnels-du-hamas-est-l-un-des-plus-sophistiqu%C3%A9s-de-l-histoire-de-la-guerre">réseau sophistiqué de tunnels</a> lui permettant d’enterrer son dispositif militaire et de mettre à l’abri les membres de sa branche armée. </p>
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<p>Il a collecté minutieusement du renseignement sur les installations militaires et civiles israéliennes à proximité, notamment en consultant des sources ouvertes. En revanche, le renseignement israélien reposait de plus en plus sur un arsenal technologique auquel les combattants des brigades Izzedine al-Qassam (la branche armée du Hamas) ont appris à échapper au fil du temps.</p>
<p>Étanche au monde, Gaza devenait de plus en plus opaque. Si la terrible offensive du 7 octobre a pu se préparer et se produire, c’est notamment parce que les gouvernants israéliens, confiants dans leur arsenal technologique et obnubilés par leur emprise sur la Cisjordanie, <a href="https://theconversation.com/comment-les-services-de-renseignement-israeliens-ont-ils-pu-rater-les-preparatifs-du-hamas-un-specialiste-de-la-lutte-anti-terroriste-explique-215527">ont ignoré des signaux d’alerte</a> mais c’est aussi parce que les hommes de <a href="https://www.europe1.fr/international/attaque-du-hamas-en-israel-qui-est-mohammed-deif-le-leader-des-brigades-islamistes-ezzedine-al-qassam-4208340">Mohamed Deif</a> ont accumulé un matériel militaire et logistique et ont basculé vers de nouveaux répertoires d’action.</p>
<p>L’ampleur de l’attaque terroriste a conduit les Israéliens à dénoncer l’Iran et le Hezbollah comme responsables, mais les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/24/attaque-du-hamas-contre-israel-ce-que-les-services-de-renseignement-americains-ont-dit-a-leurs-homologues-europeens_6196215_3210.html">renseignements américains ont établi</a> qu’il s’est agi d’une attaque « made in Gaza », dont les chefs politiques du Hamas de Gaza et a fortiori <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/qatar-hamas-israel-1.6999416">ceux résidant au Qatar</a> n’auraient pas été informés.</p>
<h2>Trois hypothèses pour expliquer la sauvagerie du 7 octobre</h2>
<p>Le choc du 7 octobre tient à l’efficacité de l’entreprise de mort <em>hamsaoui</em> mais également aux actes de cruauté, de torture et de profanation des corps perpétrés par ses hommes.</p>
<p>L’organisation islamiste assume depuis sa création le meurtre de civils israéliens, prétextant que tous les Israéliens rejoignant l’armée, il n’y aurait pas à proprement parler de « civils » dans le pays.</p>
<p>Entre 1994 et 1999, durant le processus de paix, puis pendant <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Intifada-al-Aqsa-de-son-declenchement-en-2000-a-l-annee-2002.html">l’Intifada al-Aqsa</a>, les brigades Izzedine al-Qassam ont commis des dizaines d’attentats-suicides dans des villes israéliennes. C’est à leurs yeux le moyen de mettre à profit le courage et l’abnégation des Palestiniens, prêts à offrir leur vie, et d’infliger à l’ennemi, attaché aux plaisirs de la vie terrestre, les pertes les plus douloureuses possible.</p>
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<p>Néanmoins, pendant la décennie durant laquelle l’attentat-suicide est pratiqué, le <em>modus operandi</em> est demeuré le même : un homme généralement jeune sélectionné pour la rigueur de sa foi et sa détermination revêt une ceinture d’explosifs et se fait exploser au milieu d’une foule. Une forte discipline et un strict respect des consignes caractérisent les rangs du mouvement. </p>
<p>Comment expliquer le basculement d’une hyperviolence normée dont relevait l’attentat-suicide à la sauvagerie multiforme du 7 octobre ? Trois hypothèses méritent d’être examinées.</p>
<p>La première hypothèse est celle d’une organisation débordée par ses membres exaltés par leur soudaine puissance, dépassée peut-être aussi par d’autres groupes ou par des civils palestiniens qui ont profité de l’ouverture en vingt-neuf points de la clôture de sécurité pour aller piller et tuer. Un épisode relaté par Samuel Forey dans <a href="https://www.grasset.fr/livre/les-aurores-incertaines-9782246815433/"><em>Les Aurores incertaines</em></a> (Grasset, 2023) lors de sa visite dans la bande de Gaza en novembre 2012 donne à voir la possibilité du déchaînement et de l’acharnement collectifs, voire d’une répartition des tâches. Le journaliste évoque l’exécution sommaire de personnes accusées de collaboration avec Israël par la brigade Qassam. Les hommes gisant au sol sont achevés par une foule anonyme qui accomplit le lynchage, sans que cela provoque d’intervention de la police <em>hamsaoui</em>.</p>
<p>De manière comparable, en 2000 à Ramallah, des Palestiniens <a href="http://edition.cnn.com/2000/WORLD/meast/10/12/israel.tm/index.html">avaient mis à mort deux Israéliens égarés en zone A</a> et l’un des tueurs s’était servi du téléphone portable d’une des victimes pour annoncer le meurtre à la femme du supplicié. L’occasion soudaine de s’échapper de l’enclos gazaoui aurait libéré les instincts de meurtre et de vengeance de quelques centaines d’hommes. La thèse de la perte de contrôle est celle qui est <a href="https://www.middleeasteye.net/news/israel-palestine-war-hamas-and-israel-were-inches-deal-hostages">mise en avant par les responsables du Hamas</a>, qui peinent à justifier l’ampleur et les modalités du massacre.</p>
<p>La deuxième hypothèse est celle d’une mutation du Hamas. Sa branche armée, dont les membres ont <a href="https://www.france24.com/fr/20121114-chef-militaire-hamas-tue-gaza-raid-israel-jaabari-brigades-qassam">fréquemment été visés par des assassinats ciblés israéliens</a>, s’est renouvelée et a continué de recruter parmi la jeunesse de Gaza. L’univers clos et étriqué d’une organisation secrète, celui d’une sociabilité exclusive refermée sur le groupe, a façonné l’esprit de ces hommes privés d’une quelconque expérience avec le monde extérieur ou tout autrui significatif. Dans une vie où tout ailleurs est inaccessible, la formation islamique et militaire qu’assure l’organisation n’aurait été troublée que par le visionnage des vidéos des exactions commises par les combattants de Daech. En outre, l’échec politique du Hamas à s’imposer comme un interlocuteur d’Israël et de la communauté internationale a pu renforcer le poids de la branche militaire. Dès lors, une sorte de « daechisation des esprits » et le sentiment de toute-puissance des brigades Izzedine al-Qassam expliqueraient les actes de barbarie commis le 7 octobre.</p>
<p>La troisième hypothèse rejoint une lecture dominante en Israël aujourd’hui : l’attaque terroriste aurait révélé la nature véritable du Hamas. Plusieurs responsables politiques de l’État hébreu ont d’ailleurs affirmé <a href="https://www.jns.org/idf-spokesperson-hamas-was-more-barbaric-and-more-brutal-than-isis/">l’équivalence de ces deux mouvements</a> ou rebaptisé l’organisation islamiste palestinienne « Hamas – Daech ». Le fait que les chefs de l’organisation <a href="https://www.liberation.fr/checknews/israel-na-pas-sa-place-sur-notre-terre-qui-est-ghazi-hamad-la-voix-du-hamas-depuis-le-massacre-du-7-octobre-20231103_Z6ZD7UK24JBYVAHSCDKYYS5K7Y/">affirment que la religion musulmane interdit de tuer des civils</a> et que Mohamed Deif, commandant des brigades Qassam, <a href="https://www.israelnationalnews.com/news/379862">aurait donné comme consigne à ses troupes d’épargner femmes, enfants et personnes âgées</a> ne serait qu’un leurre destiné à masquer les intentions et les pratiques des islamistes.</p>
<p>Le temps de la recherche n’étant pas celui des médias, il est encore trop tôt pour trancher définitivement entre ces hypothèses.</p>
<h2>Un suicide politique ?</h2>
<p>Si l’objectif du Hamas était d’obtenir un levier de négociation sans précédent en monnayant plusieurs dizaines d’otages, l’ampleur des représailles israéliennes à Gaza montre que ce premier pari, dont l’issue est encore incertaine, est très chèrement payé. La perspective de déclencher un conflit régional, voire mondial ne peut être totalement écartée mais elle ne semble pas probable, <a href="https://www.memri.org/reports/hamas-calls-entire-islamic-nation-join-jihad-against-israel-declares-friday-october-13-2023">l’appel à <em>l’oumma</em> des chefs du Hamas</a> n’ayant pas entraîné de franches mobilisations.</p>
<p>Choqué et humilié, Israël est déterminé à restaurer sa force de dissuasion, au prix de milliers de morts parmi les civils palestiniens. <a href="https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/palestine/hausse-des-violences-colonies-a-l-ombre-de-gaza-une-situation-explosive-en-cisjordanie-occupee_AV-202311170746.html">L’intensification des attaques de colons en Cisjordanie</a>, les mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens, la méfiance à l’égard des citoyens arabes augurent d’une brutalisation sans précédent.</p>
<p>Au sein de la classe politique israélienne, le départ massif et forcé de la population palestinienne vers l’Égypte ou vers des pays occidentaux sommés de prendre leur part du fardeau <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-israelienne-pour-gaza-216050">est un scénario à l’étude</a>. La seule autre option acceptable par nombre d’Israéliens est de soumettre encore davantage les Palestiniens à l’intérieur d’enclaves étanches : l’enfermement, la surveillance et la répression armée, modes de contrôle déjà largement éprouvés, se déploieraient à l’aide d’une débauche de moyens supplémentaires. La normalisation de la déshumanisation succéderait à la démonstration de force du Hamas et à la destruction de la bande de Gaza. À nouveau, elle sèmerait les germes de la révolte et de la fureur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laetitia Bucaille ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Né en 1987, le Hamas s’est emparé du pouvoir à Gaza en 2007 et n’a cessé de s’y renforcer. Le blocus en place depuis seize ans l’a aidé à asseoir son emprise au sein de la population gazaouie.Laetitia Bucaille, Professeur de sociologie politique. Chercheur au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA), chercheur associée au Centre d'Etudes et de Recherche Moyen-Orient, Méditerranée (CERMOM) , Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183782023-11-22T17:23:30Z2023-11-22T17:23:30ZLa trêve avec le Hamas va-t-elle sonner le glas du gouvernement Nétanyahou ?<p>Après une longue nuit de délibérations, le gouvernement israélien a approuvé ce 22 novembre un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-israel-hamas-ce-qu-il-faut-savoir-sur-l-accord-pour-la-liberation-d-au-moins-50-otages-et-une-treve-de-quatre-jours_6199206.html">accord</a> portant sur la libération d’un certain nombre d’otages et sur une trêve de quatre jours avec le Hamas.</p>
<p>Quelles sont les dispositions exactes de ce texte, et quelles sont les conséquences prévisibles de sa mise en œuvre ?</p>
<h2>Que dit le texte de l’accord ?</h2>
<p>Le Qatar a joué un rôle majeur dans les négociations ayant abouti à l’adoption de <a href="https://www.timesofisrael.com/cabinet-approves-deal-for-return-of-50-hostages-in-exchange-for-multi-ay-ceasefire/">ce document</a>, qui prévoit la libération progressive de 50 à 80 femmes et enfants israéliens détenus dans la bande de Gaza – soit entre un cinquième et un tiers des 240 otages qui ont été enlevés le 7 octobre lors de l’attaque du Hamas au cours de laquelle 1 200 Israéliens ont été tués.</p>
<p>En contrepartie, Israël a accepté un cessez-le-feu d’au moins quatre jours, interrompant son offensive visant à écraser les capacités militaires et politiques du Hamas. En outre, au moins 150 femmes et mineurs palestiniens seront libérés des prisons israéliennes, et les habitants de Gaza recevront des quantités accrues d’aide humanitaire et de carburant.</p>
<p>L’adoption de l’accord a constitué un dilemme pour le gouvernement israélien. En effet, celui-ci a donné à la guerre de Gaza deux principaux objectifs : démanteler le Hamas en tant qu’organisation terroriste opérationnelle, et assurer la libération du plus grand nombre d’otages possible. Il vient donc, au moins temporairement, de donner la priorité au second de ces objectifs au détriment du premier.</p>
<p>Tsahal voulait maintenir la pression sur le Hamas sur le terrain. Toutefois, il était clair que les combats devaient être suspendus pour que l’accord sur les otages puisse être mis en œuvre. De plus, les Israéliens n’apprécient pas le fait que l’accord ne s’applique qu’aux femmes et aux enfants, et non aux hommes civils et aux soldats. Cette disposition offre au Hamas la possibilité, dans les jours à venir, d’utiliser les otages restants pour obtenir de nouveaux cessez-le-feu et de nouvelles concessions de la part d’Israël.</p>
<h2>Nétanyahou en difficulté</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, un vétéran de Tsahal, approuve un accord d’échange de prisonniers. Il était déjà aux affaires en 2011 lorsqu’Israël a libéré plus de 1 000 prisonniers en échange d’un seul soldat israélien, Gilad Shalit. Parmi les prisonniers libérés, 280 avaient été <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/10/18/le-soldat-israelien-gilad-shalit-a-ete-libere-en-echange-de-477-palestiniens_1589715_3218.html">condamnés à la prison à perpétuité</a>, dont l’actuel chef du Hamas à Gaza, <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/nov/21/yahya-sinwar-the-man-who-may-hold-key-to-release-of-gaza-hostages">Yahya Sinouar</a>.</p>
<p>Plusieurs manifestations organisées en Israël depuis le 7 octobre ont appelé le gouvernement à donner la priorité à la libération des otages. Durant ces rassemblements, massifs et empreints d’émotion, les familles des personnes enlevées ont <a href="https://www.timesofisrael.com/pm-meets-with-families-of-hostages-held-in-gaza-as-reports-swirl-of-imminent-deal/">également rencontré</a> Nétanyahou et d’autres membres de l’actuel <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/12/en-israel-un-gouvernement-d-urgence-pour-faire-la-guerre-au-hamas_6193944_3210.html">gouvernement d’urgence</a>, les centristes Benny Gantz et Gadi Eisenkot, qui sont tous deux d’anciens chefs d’état-major de l’armée et qui faisaient jusqu’ici partie de l’opposition.</p>
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<p>L’opinion publique israélienne a fait preuve d’une solidarité forte et sincère en réponse aux attentats du 7 octobre. Pour autant, nul n’a oublié à quel point la société était <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-65086871">divisée</a> il y a encore peu de temps. Des millions de personnes ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/22/en-israel-les-manifestations-contre-la-reforme-judiciaire-se-poursuivent-a-l-approche-d-un-vote-crucial_6183030_3210.html">manifesté pendant des mois</a> contre le projet controversé de réforme du système judiciaire promu par le gouvernement de droite de Nétanyahou. Dans le même temps, les membres de la coalition au pouvoir avaient férocement attaqué et tourné en ridicule les réservistes de l’armée qui <a href="https://www.timesofisrael.com/this-is-where-we-draw-the-line-10000-more-reservists-to-stop-volunteering/">avaient menacé</a> de refuser de rejoindre leurs casernes si le plan de réforme n’était pas abandonné.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/israel-sur-fond-de-tensions-croissantes-lattaque-frontale-du-gouvernement-contre-la-cour-supreme-198821">Israël : sur fond de tensions croissantes, l’attaque frontale du gouvernement contre la Cour suprême</a>
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<p>Aussi longtemps que durera l’affrontement entre Israël et le Hamas, Nétanyahou ne sera sans doute pas contraint de quitter le pouvoir. Ses proches ont fait valoir que, à un moment où le pays est en guerre, la politique partisane devait être mise de côté. Pourtant, il est rapidement apparu que le premier ministre refusait d’assumer sa responsabilité personnelle dans l’incapacité d’Israël à prévenir le carnage du 7 octobre, alors qu’il s’est trouvé au pouvoir pendant la plus grande partie des seize dernières années, et qu’il n’a jamais réussi, au cours de toute cette période, à traiter efficacement avec le Hamas.</p>
<p>Beaucoup lui reprochent d’avoir permis au Qatar de fournir des <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2023/10/israel-gaza-conflict-qatar-hamas-muslim-brotherhood/675702/">centaines de millions de dollars</a> à la bande de Gaza gouvernée par le Hamas, cet argent ayant sans doute <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/gaza-plagued-poverty-hamas-no-shortage-cash-come-rcna121099">été employé</a> par le Hamas pour se doter d’une véritable armée aux portes d’Israël.</p>
<p>Une commission d’enquête, qui devrait être créée dès la fin des hostilités, mettra très probablement Nétanyahou et ses partenaires politiques sur la sellette pour leur rôle dans l’exacerbation des conflits internes. Il y a quelques mois, un haut responsable des services de renseignement avait prévenu que ces tensions au sein d’Israël étaient perçues comme une <a href="https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/top-intel-official-said-to-have-twice-warned-pm-of-security-risks-posed-by-overhaul-tensions/">faiblesse</a> par les ennemis d’Israël et comme « l’expression d’un processus linéaire qui aboutira à l’effondrement d’Israël ».</p>
<h2>Pas d’élections anticipées… pour l’instant</h2>
<p>Personne ne veut d’élections tant que les combats se poursuivront. Renverser le gouvernement aujourd’hui serait juridiquement compliqué. Les tractations et intrigues de couloir au sein du Likoud visant à <a href="https://www.maariv.co.il/news/politics/Article-1051979">remplacer Nétanyahou</a> n’ont rien donné jusqu’à présent.</p>
<p>L’extrémiste Itamar Ben-Gvir, chef du parti Puissance juive, qui fait partie de la coalition de droite qui soutient Nétanyahou depuis les législatives de novembre 2022, a voté contre l’adoption de l’accord sur les otages. Il a publiquement <a href="https://www.ice.co.il/law/news/article/989328">mis en garde</a> contre ce texte, le qualifiant de grave erreur et d’aveu de faiblesse. Après la guerre, il pourrait chercher à prendre ses distances avec le chef du Likoud et à faire chuter le gouvernement.</p>
<p>En Israël, le sentiment général est que les jours de Nétanyahou au pouvoir sont comptés. Pourtant, le premier ministre, âgé aujourd’hui de 73 ans, a prouvé à maintes reprises qu’il n’était pas sage de parier contre lui…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ran Porat est chercheur associé à l’Australia/Israel & Jewish Affairs Council (AIJAC) et reçoit des fonds de cette organisation.</span></em></p>Malgré la colère croissante de l’opinion publique, le dirigeant chevronné a prouvé à maintes reprises qu’il n’était pas judicieux de parier contre lui.Ran Porat, Affiliate Researcher, The Australian Centre for Jewish Civilisation, Monash UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2178362023-11-20T17:14:46Z2023-11-20T17:14:46ZQuand le conflit israélo-palestinien déborde sur les campus américains<p>La violence de l’attaque inédite du Hamas contre Israël, puis celle de la riposte de Tsahal dans la bande de Gaza ont déclenché des <a href="https://www.letemps.ch/monde/avec-la-guerre-a-gaza-les-campus-americains-sont-sous-tension">réactions intenses au sein de la plupart des campus universitaires américains</a>. Depuis le 7 octobre, les étudiants expriment leurs opinions, s’engagent dans des débats, s’opposent ouvertement et manifestent.</p>
<p>Cette polarisation ramène la question israélo-palestinienne au centre des préoccupations, mettant les dirigeants des universités dans une position délicate : ceux-ci doivent en effet arbitrer en permanence entre la protection de la liberté d’expression et celle de la sécurité, tout en conservant de <a href="https://www.marianne.net/monde/ameriques/guerre-israel-hamas-les-universites-americaines-prises-en-etau-entre-ses-donateurs-et-ses-etudiants">bonnes relations avec les donateurs</a>, qui représentent une <a href="https://www.cairn.info/mutations-de-l-enseignement-superieur-et-internati--9782804165963-page-129.htm">source majeure de financement</a> pour les établissements d’enseignement supérieur aux États-Unis.</p>
<h2>Tensions sur les campus</h2>
<p>Début novembre, à l’Université Brown, à Providence, dans l’État du Rhode Island, la police a arrêté des membres du collectif <a href="https://www.bostonglobe.com/2023/11/08/metro/18-students-arrested-brown-university-during-sit-in-over-israel-hamas-war/">« Jews for Ceasefire Now »</a> qui occupaient par un sit-in le bureau présidentiel, réclamant le désengagement financier de l’université des entreprises impliquées dans le conflit, notamment celles qui facilitent l’occupation des territoires palestiniens. Cette revendication s’inscrit dans le cadre du plus vaste mouvement <a href="https://www.cairn.info/boycott-desinvestissement-sanctions--9782358720076-page-7.htm">BDS</a> (Boycott Désinvestissement Sanctions) qui, depuis 2005, mobilise régulièrement une partie des étudiants des campus universitaires américains.</p>
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<p>Il y a quelques jours, à Columbia, <a href="https://fr.timesofisrael.com/columbia-university-suspend-jewish-voice-for-peace-et-students-for-justice-in-palestine/">deux associations d’étudiants pro-palestiniens ont été suspendues</a> pour avoir organisé un rassemblement non autorisé, en violation de la politique relative à la tenue d’événements sur le campus. La décision a suscité des critiques et des débats autour de la censure et de la défense de la liberté académique et d’expression. « Jewish Voice for Peace », une organisation se définissant comme antisioniste, a réagi à la suspension de Columbia, <a href="https://www.jewishvoiceforpeace.org/2023/11/10/cu-appalling/">dénonçant une atteinte à la liberté d’expression</a>. La section new-yorkaise du Conseil des relations américano-islamiques a également <a href="https://www.cair.com/press_releases/cair-new-york-condemns-columbia-u-decision-to-suspend-students-for-justice-in-palestine-jewish-voice-for-peace/">critiqué cette décision</a>, qualifiée de répression des voix pro-palestiniennes sur les campus.</p>
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<p>À Harvard, comme dans de nombreuses autres universités, des manifestations ont éclaté, suivies de contre-manifestations, mettant en lumière les divisions au sein de la communauté estudiantine et la complexité croissante de la gestion de la confrontation de la pluralité d’opinions en milieu universitaire.</p>
<h2>Réactions politiques</h2>
<p>Les tensions s’étendent au-delà des campus, suscitant des réactions politiques. De nombreux élus républicains ont ciblé les condamnations d’Israël dans les universités, <a href="https://www.foxnews.com/politics/gop-presidential-hopefuls-call-repeal-federal-funding-tax-breaks-colleges-excuse-antisemitism">menaçant de suspendre les subventions fédérales</a> si les administrateurs des établissements n’endiguaient pas l’activisme en faveur des droits des Palestiniens.</p>
<p>Le sénateur Tim Scott, candidat républicain à la présidentielle de 2024, a présenté en octobre un <a href="https://www.scott.senate.gov/media-center/press-releases/senator-tim-scott-introduces-legislation-to-defund-colleges-and-universities-that-promote-antisemitism/">projet de loi</a> visant à geler le financement fédéral pour les universités qui « colportent l’antisémitisme », citant en exemple la tenue d’un <a href="https://www.inquirer.com/education/university-pennsylvania-literature-festival-antisemitism-20231003.html">festival de littérature palestinienne à l’Université de Pennsylvanie</a>.</p>
<p>De même, le réseau des universités de l’État de Floride a appelé les institutions sous sa tutelle à <a href="https://www.aclu.org/cases/students-for-justice-in-palestine-at-the-university-of-florida-v-raymond-rodrigues">dissoudre les sections du groupe « Students for Justice in Palestine »</a> (SJP) du fait de ses liens présumés avec des « groupes terroristes ». La décision aurait été prise après consultation du gouverneur de Floride Ron DeSantis, lui aussi candidat républicain à la présidence.</p>
<p>Ces prises de position soulèvent des inquiétudes majeures quant à la liberté académique et ont incité l’American Civil Liberties Union (ACLU) à publier une <a href="https://www.aclu.org/documents/open-letter-to-colleges-and-university-leaders-reject-efforts-to-restrict-constitutionally-protected-speech-on-campuses">lettre ouverte</a> adressée aux dirigeants des universités, les appelant à protéger la liberté d’expression et dénonçant les tentatives de dissolution ou de réduction au silence des associations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1722722842117021794"}"></div></p>
<p>Les étudiants ressentent les répercussions de cette crise, avec la multiplication des menaces en ligne, des tactiques d’intimidation et du <a href="https://abcnews.go.com/International/doxxing-campaign-pro-palestinian-college-students-ramps/story?id=104141630">« doxxing »</a> – une nouvelle pratique consistant à divulguer publiquement, souvent en ligne, leurs informations personnelles.</p>
<p>Certains étudiants redoutent également que leurs perspectives de carrière ne soient compromises par leur engagement. Par exemple, un professeur de droit à l’Université de Californie à Berkeley a signé une <a href="https://www.wsj.com/articles/dont-hire-my-anti-semitic-law-students-protests-colleges-universities-jews-palestine-6ad86ad5">tribune</a> dans le <em>Wall Street Journal</em> appelant à ne pas embaucher ceux, parmi ses étudiants en droit, qui avaient critiqué le sionisme dans le cadre de leur militantisme. Les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/opinion-rien-ne-m-avait-prepare-a-l-antisemitisme-qui-regne-actuellement-sur-les-campus-americains">incidents antisémites</a>, les critiques envers Israël, et les débats clivants autour du soutien aux Palestiniens alimentent les divisions sur les campus.</p>
<h2>Le poids des donateurs</h2>
<p>Aux États-Unis, sans doute plus qu’ailleurs, les dirigeants universitaires sont confrontés à des dilemmes complexes. Car leurs déclarations officielles, cruciales et délicates, sont scrutées non seulement par les étudiants et les médias mais aussi par les donateurs. Certains mécènes ont réagi de manière inattendue, critiquant ouvertement les présidents d’université pour des positions perçues comme insuffisamment fermes envers les violences perpétrées par le Hamas.</p>
<p>À l’Université de Pennsylvanie, la présidente Liz Magill a été <a href="https://edition.cnn.com/2023/10/25/business/palestine-writes-literature-festival-what-happened/index.html">désavouée</a> pour avoir autorisé la participation et l’expression de personnalités considérées comme antisémites – notamment <a href="https://fr.timesofisrael.com/roger-waters-explique-ses-propos-antisemites-recemment-reveles-dans-un-documentaire/">Roger Waters</a>, l’ancien leader du groupe de rock Pink Floyd – lors du festival de littérature « Palestine Writes », ce qui avait conduit à la <a href="https://www.thedp.com/article/2023/10/penn-trustees-pressure-palestine-writes-letter">démission de plusieurs membres du conseil d’administration</a> et à une <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/13/us/university-of-pennsylvania-israel-palestine.html">réaction en chaîne de protestations chez les donateurs</a>.</p>
<p>Le défi consistant à concilier liberté académique et attentes des donateurs n’épargne aucune institution. Harvard a également été sous les feux des projecteurs, suite à une <a href="https://www.newyorker.com/news/dispatch/the-anguished-fallout-from-a-pro-palestinian-letter-at-harvard">lettre ouverte signée par de nombreuses organisations étudiantes</a> publiée sur les réseaux sociaux dès le 7 octobre au soir, accusant Israël de porter la responsabilité des violences en cours.</p>
<p>L’indignation a éclaté face au <a href="https://twitter.com/LHSummers/status/1711421309358420140">silence de la présidente de Harvard</a>, Claudine Gay, qui a fini par <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2023/oct/10/harvard-president-claudine-gay-condemns-letter-stu/">condamner la lettre quelques jours plus tard</a>. Des figures influentes telles que l’ancien président de l’université (et secrétaire des États-Unis au Trésor de 1999 à 2001 sous Bill Clinton) <a href="https://larrysummers.com/2023/11/13/reflections-on-antisemitism-and-the-university/">Lawrence Summers</a> et les sénateurs républicains <a href="https://www.cruz.senate.gov/newsroom/press-releases/icymi-cruz-stefanik-confront-alma-mater-in-letter-demanding-harvard-condemn-antisemitism">Ted Cruz</a> et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-10-23/harvard-criticized-by-klarman-romney-over-campus-antisemitism">Mitt Romney</a> (tous deux anciens de Harvard) ont appelé à des mesures plus fermes contre l’antisémitisme, soulignant le risque de mise en danger des étudiants juifs.</p>
<p>Même la Maison Blanche exprime désormais sa préoccupation face à la montée alarmante des actes antisémites dans les écoles et universités. En effet, malgré les mesures en cours, les étudiants identifiés comme juifs ou pro-palestiniens sont confrontés à des menaces graves qui conduisent certains à se barricader chez eux et à <a href="https://www.europe1.fr/international/je-dois-cacher-que-je-suis-juive-aux-etats-unis-les-actes-antisemites-explosent-4213841">suivre les cours à distance</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1718976110799581277"}"></div></p>
<p>Du fait de l’épisode de la lettre ouverte et de la réaction jugée tardive de Claudine Gay, et en raison d’inquiétudes concernant une possible montée de l’antisémitisme au sein du campus, Harvard a perdu des donateurs de taille, dont la <a href="https://www.wexnerfoundation.org/letter-to-harvard/">Fondation Wexner</a> qui soutient traditionnellement par des bourses (plus de 2 millions de dollars en 2021) l’accès aux programmes de la Kennedy School des futurs leaders de la communauté juive américaine et d’Israël. Ancien élève de Harvard, le milliardaire <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-12633907/Harvard-donor-student-letter-Hamas-Israel.html">Ken Griffin</a> a appelé à une réponse plus ferme de la part des dirigeants de son <em>alma mater</em>, sans pour autant couper son soutien financier qui s’est élevé, pour 2023, à 300 millions de dollars.</p>
<p>De façon plus structurelle, les organisations, fondations familiales et fédérations juives d’Amérique du Nord, principalement des États-Unis, comptent traditionnellement parmi les plus gros donateurs des organisations à but non lucratif en Israël et <a href="https://theconversation.com/israel-is-getting-a-surge-in-donations-from-the-us-in-the-aftermath-of-the-oct-7-attacks-215590">sont donc particulièrement sensibles à l’évolution de l’antisémitisme dans la société américaine au général et sur les campus en particulier</a>.</p>
<p>Compte tenu du modèle économique des grandes universités de recherche américaines, essentiellement dépendantes des revenus de leur capital (<em>endowment</em>) et du mécénat, les donateurs exercent une influence croissante, ce qui soulève des questions sur la garantie de la liberté académique et d’expression sur les campus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberte-academique-des-enseignants-est-elle-en-danger-sur-les-campus-americains-156729">La liberté académique des enseignants est-elle en danger sur les campus américains ?</a>
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<h2>Interrogations renouvelées sur le rôle des philanthropes dans l’enseignement supérieur</h2>
<p>Le contexte géopolitique international a provoqué la réouverture aux États-Unis des débats jusqu’alors focalisés sur la pensée dite <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2016-3-page-3.htm">décoloniale</a> (et sur les phénomènes dits de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-jeudi-17-novembre-2022-9858232">« cancel culture »</a> et de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/etats-unis-face-a-la-censure-woke-l-universite-s-organise-8892340">wokisme</a>) ou bien réservés à des cercles intellectuels minoritaires sur les liens entre enseignement supérieur et démocratie.</p>
<p>De nombreux universitaires, comme le philosophe <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691183497/just-giving">Robert Reich</a>, l’historien <a href="https://www.columbiaspectator.com/opinion/2023/11/08/on-israel-and-gaza-we-silence-ourselves/">Gregory Mann</a>, ou encore la section de l’université de Pennsylvanie de <a href="https://aaup-penn.org/wp-content/uploads/2023/10/Statement-on-Threats-to-Academic-Freedom-University-Governance-and-Safety-at-the-University-of-Pennsylvania.pdf">l’Association américaine des professeurs d’université</a>, se sont exprimés publiquement, estimant que les philanthropes ne devraient pas orienter la politique des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, soulignant ainsi l’importance de l’indépendance académique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-vous-avez-dit-philanthropie-face-a-la-privatisation-de-la-democratie-il-est-urgent-douvrir-les-yeux-103750">Débat : Vous avez dit philanthropie ? Face à la privatisation de la démocratie, il est urgent d’ouvrir les yeux</a>
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<p>La reprise du conflit en Israël, à Gaza et en Cisjordanie met à l’épreuve la gouvernance des campus et l’engagement des donateurs. L’équilibre entre financement et indépendance académique se révèle plus crucial que jamais, rappelant encore une fois la fragilité des dispositifs de préservation de la liberté académique face aux pressions extérieures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Manifestations, lettres ouvertes, sit-in… les universités américaines sont en ébullition depuis le 7 octobre, et leurs donateurs entendent bien peser sur leurs orientations.Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171992023-11-14T18:56:07Z2023-11-14T18:56:07ZComment appréhender les images des violences terroristes contre les otages ?<p><em>Attention, les descriptions de faits violents rapportés dans cet article peuvent heurter un public sensible.</em></p>
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<p>Visuellement, Shani Louk est apparue aux yeux de tous le 7 octobre dernier. Cette jeune Israélo-Allemande, tatoueuse de profession, a été kidnappée alors qu’elle participait au festival Tribe of Nova. On l’a vue dénudée et sur le ventre, à l’arrière d’un pickup, dans une courte vidéo de propagande prise par le Hamas.</p>
<p>Sur cette vidéo, sa tête est ensanglantée et elle apparaît inconsciente. Plusieurs miliciens du Hamas la présentent en trophée, tandis qu’un autre, placé à côté du véhicule, lui crache dessus. Le film montre ensuite le véhicule démarrer et disparaître au loin. Shani Louk a été rapidement identifiée par sa mère grâce à ses tatouages et à ses dreadlocks. Trois semaines après son enlèvement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-67260093">elle a été déclarée morte</a>.</p>
<p>Le destin tragique et révoltant de Shani Louk doit nous inciter à réfléchir à la visibilité de la violence terroriste, à l’usage qui en est fait et à l’impact que ces images ont sur nous. En prenant évidemment toutes les précautions possibles.</p>
<p>Le raid meurtrier du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023 a apporté son lot d’images atroces, même si, apparemment, les plus insoutenables n’ont pas toujours été diffusées, et qu’Israël dispose d’un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/videos-de-l-attaque-du-hamas-une-nouvelle-dimension-de-la-cruaute-4379606">montage vidéo de 43 minutes</a> d’images très difficiles à regarder, qui ont été montrées à des chercheurs, des journalistes et des parlementaires.</p>
<p>L’embarras des médias et leur autocensure sont importants dès qu’il s’agit de montrer la violence, dès que la dignité des victimes est en jeu, dès que les images relèvent de la propagande, dès qu’elles sont trop perturbantes, mais aussi dès qu’elles provoqueraient des émotions trop fortes.</p>
<p>La déontologie journalistique (voir par exemple la <a href="https://www.afp.com/sites/default/files/charte_deontologique_afp-mars2023.pdf">page 19 de cette charte de l’AFP</a>) comme les spécialistes des images fixent des règles à ce sujet, partant du postulat que la violence peut être l’ennemie de l’information, et qu’on comprend mieux un phénomène lorsque sa représentation est « apaisée ».</p>
<p>Le philosophe <a href="https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/321">Yves Michaud</a> pense ainsi que les images des blessés de l’attentat du RER Saint-Michel en 1995 ne dénoncent ni la violence ni le terrorisme, mais on pourrait poser tout au contraire que, le temps passant, elles acquièrent désormais une valeur d’archives historiques, annonçant l’ère du terrorisme djihadiste en France.</p>
<p>Nombre d’images tombent dans l’oubli et demeurent invisibles. Mais la <a href="https://laviedesidees.fr/Faut-il-montrer-les-images-de-violence">visibilité de la violence</a> est une question qui ne fait que se répéter et s’amplifier à l’ère de la profusion d’images et de leurs canaux de diffusion.</p>
<p>On peut dès lors s’interroger, comme le suggérait l’essayiste, romancière et militante américaine <a href="https://bourgoisediteur.fr/catalogue/devant-la-douleur-des-autres/">Susan Sontag</a> dans son essai « Devant la douleur des autres », sur le fait d’accepter de se laisser hanter par les images de violence et d’apprendre à les regarder.</p>
<h2>Nudité et violence</h2>
<p>L’effroi provoqué par les images de la capture de Shani Louk tient notamment à la vulnérabilité de la jeune fille exposée. Elle se retrouve au milieu des visages ivres de haine des membres du Hamas qui inspirent la terreur et occupent tout l’espace d’une image qui proclame leur gloire.</p>
<p>L’empathie qu’une image peut provoquer peut ainsi passer par la présence dérangeante de la nudité comme préalable récurrent à la violence ou à la mort.</p>
<p>On pense aux femmes dénudées lors des pogroms de Lviv en Ukraine en 1941, où furent tués des milliers de Juifs. On dispose de plusieurs photos de ces femmes, qui ne sont bizarrement pas devenues iconiques, peut-être parce que, comme le note l’historienne anglaise <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/P/bo12346074.html">Griselda Pollock</a> à propos des massacres de Juifs dans les pays baltes à la même époque, pour un regard masculin, la nudité détourne de la perspective de la mort.</p>
<p>Pour autant, comme l’a montré <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Images_malgr%C3%A9_tout-2050-1-1-0-1.html">Georges Didi-Huberman</a>, ce sont bien trois photos de corps nus, vivants puis morts, de femmes déshabillées avant l’entrée dans les chambres à gaz d’Auschwitz, prises par les membres d’un Sonderkommando – des unités de travail dans les centres d’extermination nazis, composées de prisonniers, juifs dans leur très grande majorité, forcés à participer au processus de la « solution finale » – qui donne un « imaginable » à la pensée du « dehors » et à ce dont personne n’entrevoyait la possibilité.</p>
<p>Plus près de nous, en 1972, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/photographie/kim-phuc-la-petite-fille-au-napalm-photographiee-au-vietnam-il-y-a-47-ans-se-raconte-dans-sauvee-de-l-enfer_3647071.html">« napalm girl »</a> de Nick Ut, petite fille au dos brûlé et hurlant de douleur, fuyant son village bombardé, a failli ne jamais paraître dans les journaux du monde entier, parce qu’Associated Press était gêné par sa nudité. Encore aujourd’hui, les algorithmes des réseaux sociaux traquent et éliminent cette image, alors même qu’elle est célèbre et que sa puissance iconographique provient du contraste entre la fragilité de Kim Phuc – c’est son nom – et le champ de bataille où elle est piégée, son statut d’enfant innocent et la violence des adultes dont elle est victime.</p>
<p>Le destin visuel de Shani Louk fait immanquablement penser à l’image méconnue mais saisissante de la jeune patriote russe Zoïa Kosmodemianskaïa, tuée par les nazis en 1941 dans le village de Petrishchevo, pendue puis dépoitraillée, le sein coupé, mais le visage intact. Analysant la photographie de son corps, <a href="https://www.rougeprofond.com/produit/representer-lhorreur/">Frédéric Astruc</a> montre qu’elle est un point d’équilibre improbable entre beauté et horreur, et qu’elle redonne toute son humanité à Zoïa face à ses meurtriers barbares.</p>
<p>Faire disparaître le corps de Shani Louk, dont le visage est d’ailleurs dérobé, c’est aussi prendre le risque d’interdire toute identification et reconduire l’effacement de sa présence au monde voulu par ses bourreaux.</p>
<h2>Une image saturée d’oppositions</h2>
<p>La mise en scène par le Hamas de cet enlèvement est un précipité de ce qui caractérise le terrorisme contemporain. En effet, les actions terroristes sont marquées par une <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2002-4-page-525.htm">déconnexion</a> entre les victimes réellement touchées et les cibles politiques ultimement visées.</p>
<p>Dans la « logique » de cette violence aveugle, tuer des gens au Bataclan ferait avancer la cause de l’établissement d’un califat dans la zone syro-irakienne, et mitrailler des danseurs dans le désert permettrait de lutter contre Israël.</p>
<p>Mais la réception de ces actions par les populations relève de la pure terreur, sans idée qu’une transaction politique entre les terroristes et l’État soit possible, car l’atteinte à des civils qui ne sont pas directement concernés est insupportable. Pour le Hamas, Shani Louk est une prise de guerre, mais son dénuement dit justement le contraire : elle est dès l’origine étrangère au conflit, ni son métier ni l’activité festive qu’elle menait avant d’être prise en otage ne l’en rapproche, et sa capture n’est pas un objectif militaire.</p>
<p>Comme souvent, les images de propagande sont réversibles : là où le Hamas entend mettre en scène un coup de force, les publics occidentaux voient une action armée qui vise essentiellement des civils désarmés, et rappelle plutôt la brutalité des gangs et des cartels mexicains. Voire une activité criminelle dépolitisée, où les assassinats de bébés et d’enfants, les viols de femmes, les kidnappings de vieilles dames, les tirs systématiques sur toute personne rencontrée, jusque dans l’espace domestique, ne peuvent être rapportés à une quelconque logique militaire.</p>
<p>C’est au contraire la dissymétrie entre tueurs et victimes que dévoile la vidéo de Shani Louk, dans des couples d’oppositions difficiles à appréhender émotionnellement.</p>
<p>Comme au Bataclan encore, opposition entre une rave party insouciante et l’irruption d’une violence qui l’achève dans le sang. Opposition entre l’espace de la fête et celui de la guerre, symbolisé ici par les mitraillettes et les jeeps. Opposition entre les photographies de Shani Louk avant son enlèvement, qui ont circulé sur Internet, la montrant en tenue bohème, clubbeuse, jeune fille « de son époque » posant sur Instagram pour ses <a href="https://www.businessinsider.com/shani-louk-friends-family-describe-german-israel-who-was-killed-2023-11">13 000 followers</a>, et ses derniers instants insupportables.</p>
<p>Opposition de posture et de sons entre des miliciens gesticulant et hurlant, levant leurs armes, et une jeune femme inconsciente. Opposition des religions entre combattants fanatisés et victimes, le Hamas traquant des « Juifs », avant de traquer des « Israéliens », ce qui a conduit à l’utilisation du mot « pogrom » pour qualifier l’attaque du 7 octobre. Toutes ces oppositions reconduisent en fait le découplage initial entre des univers qui « n’auraient pas dû » se rencontrer et que le terrorisme fait se rencontrer, celui de la violence et celui des civils.</p>
<p>Accepter d’être hanté par les images de souffrance et de violence, c’est se laisser envahir par des émotions dites négatives, par la sidération et le choc, alors même que les journalistes hésitent à les montrer, que la loi française interdit pénalement de publier des images portant atteinte à la dignité des victimes, et que les <a href="https://www.lemonde.fr/international/video/2023/10/23/guerres-massacres-attentats-les-conseils-d-un-psychiatre-pour-se-proteger-face-aux-images-violentes_6196124_3210.html">psychologues déconseillent de les regarder</a> au risque sinon de la sidération permanente, de <a href="https://www.slate.fr/tech-internet/operation-net-propre/travailleurs-horreur-quotidien-philipines-moderateurs-contenu-choquant-images-videos-reseaux-sociaux">l’anxiété</a>, du dégoût, voire de l’insensibilisation.</p>
<p>On sait que les images de propagande, d’exécutions (par Daech, par exemple), ici d’enlèvements, sont utilisées à des fins d’enrôlement de nouvelles recrues, de galvanisation, de construction de toute une imagerie de la violence et du martyre, afin de renforcer la radicalisation des terroristes.</p>
<p>Mais a contrario, les images choquantes peuvent aussi jouer un rôle de dénonciation et fédérer celles et ceux qui combattent ces violences. Pour ne citer qu’un exemple, les photos nazies ont été utilisées par la résistance polonaise, par les Soviétiques, par les journaux alliés, pour dénoncer le nazisme.</p>
<p>Cet iconoclasme contemporain tient à la confusion que pointait déjà <a href="https://lafabrique.fr/le-spectateur-emancipe/">Jacques Rancière</a> entre « l’intolérable dans l’image », celui de la réalité, et « l’intolérable de l’image ». Se confronter aux images c’est aussi accéder à d’autres émotions, la compassion notamment, provoquer des comportements, une révolte voire un engagement, face à la violence contre les civils, accéder à des informations, déconstruire une propagande, documenter une situation, ou encore identifier des assassins pour une éventuelle action en justice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Taïeb ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le destin tragique et révoltant de Shani Louk, tuée par le Hamas, fait réfléchir à la visibilité de la violence et à la façon d’être traversé par les images.Emmanuel Taïeb, Professeur de Science politique - Rédacteur en chef de Quaderni, Sciences Po LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171262023-11-08T20:46:22Z2023-11-08T20:46:22ZEngagements musulmans français pour Gaza : une cause politique ou communautaire ?<p>Derrière la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/28/interdites-ou-autorisees-des-manifestations-pour-la-palestine-ont-eu-lieu-dans-plusieurs-villes-de-france_6197055_3224.html">controverse publique</a> sur la porosité réelle ou supposée entre antisionisme et antisémitisme des mobilisations propalestiniennes en France se profile la question récurrente, presque obsédante, de l’islamité comme moteur d’action. En nous inspirant des travaux d’Albert Memmi sur la judéité, on nomme islamité, tout ce qui se rapporte « au fait, manière d’être musulman » dans la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1965_num_6_1_1841">société française d’aujourd’hui</a>.</p>
<p>En effet, la présence de plus en plus <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/palestine/pourquoi-la-cause-palestinienne-resonne-t-elle-chez-les-musulmans-de-france-0fd7899a-73dc-11ee-95a0-ef7bd8d1bd16">visible</a> de citoyens français de confession musulmane parmi les manifestants interroge les observateurs sur les <a href="https://www.lepoint.fr/politique/manif-pro-palestine-a-paris-marine-tondelier-critique-les-allah-akbar-avant-de-s-excuser-21-10-2023-2540278_20.php">soubassements religieux</a> de tels mouvements.</p>
<p>D’aucuns y voient l’expression d’un phénomène générationnel somme toute logique. Le passage au politique des nouvelles générations issues de l’immigration postcoloniale s’opèrerait de plus en plus par le biais des grandes causes internationales, combinant une critique radicale de la politique étrangère française à un registre humanitaire de soutien <a href="https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-societes-contemporaines-2022-3-page-121.htm">aux peuples musulmans opprimés</a> : Ouighours, Palestiniens, Rohingyas, etc.</p>
<p>D’autres, au contraire, interprètent cette visibilité musulmane dans les mouvements « palestinophiles » comme le signe inquiétant d’un repli communautaire des jeunes des quartiers populaires, influencés par la propagande politico-religieuse des <a href="https://journals.openedition.org/remmm/19732">Frères musulmans ou des salafistes</a> et leurs relais politiques et intellectuels au sein de la société française, les <a href="https://www.lopinion.fr/politique/allah-akbar-une-equivoque-tres-politique-au-c%C5%93ur-des-manifestations-pro-palestiniennes">« islamo-gauchistes »</a>.</p>
<h2>Une focalisation sur le facteur religieux</h2>
<p>Dans tous les cas, la question de la place du religieux dans les mouvements propalestiniens laisse rarement indifférent. Et ce dans un contexte sociopolitique fortement émotionnel, où la lutte contre le séparatisme islamiste et les dérives radicales en milieu scolaire est devenue une <a href="https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-migrations-societe-2021-1-page-3.htm">priorité de l’action gouvernementale</a>.</p>
<p>Ce n’est donc pas un hasard si les interprétations des mobilisations propalestiniennes centrées sur le facteur religieux tendent à prévaloir sur les explications sociologiques plus classiques : classes d’âges, niveaux d’études, socialisation familiale, orientations politiques, etc.</p>
<p>Dans une France profondément traumatisée par les attentats terroristes commis <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2019-1-page-5.htm">« au nom de l’islam »</a>, les lectures religieuses de l’engagement propalestinien des générations postcoloniales fournit un cadre d’interprétation particulièrement efficace et persuasif, reliant sur un mode anxiogène deux « radicalismes » : l’islamisme et l’antisionisme, censés partager la même haine d’Israël.</p>
<p>Le problème, c’est que ces approches axées sur la religiosité musulmane ne disent pas grand-chose sur les ressorts sociopolitiques de ces mobilisations.</p>
<p>Pourtant, ces interrogations autour de l’islamité réelle ou imaginaire comme moteur de l’engagement dans les mouvements propalestiniens ne datent pas d’aujourd’hui. Elles étaient déjà source de polémiques politico-médiatiques au début des <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/israel-palestine/">années 2000</a>.</p>
<p>D’où la nécessité de faire un retour sur le passé récent pour mieux comprendre comment s’est produit ce « processus d’islamisation » du regard sur les mouvements de solidarité avec la cause palestinienne.</p>
<h2>Entre regard fantasmé et réalité sociodémographique</h2>
<p>Comme le montrent les travaux du <a href="https://doi.org/10.3917/come.086.0197">politiste Marc Hecker </a> et du sociologue <a href="https://theses.hal.science/tel-02936223">Alexandre Mamarbachi</a>, jusqu’à la fin des années 1990, les mobilisations pour la cause palestinienne en France restent dominées par les mouvances tiers-mondistes issues de l’extrême gauche post-soixante-huitarde, des milieux chrétiens progressistes et des juifs antisionistes, qui voient un prolongement des grandes luttes anticoloniales (l’Algérie, le Vietnam, le Congo, l’Afrique du Sud, etc.).</p>
<p>À l’exception des chrétiens de gauche, proches du Parti socialiste unifié (PSU) et lecteurs du journal <em>Témoignage Chrétien</em>, les référents religieux n’interviennent que marginalement dans les ressorts de la <a href="https://doi.org/10.3917/come.072.0103">mobilisation propalestinienne</a>.</p>
<p>En effet, les premières organisations françaises de soutien à la cause palestinienne (Association médicale franco-palestinienne fondée en 1974 ; Association France-Palestine, 1979 ; Union des juifs pour la paix, 1994) sont très majoritairement composées de militants laïques souvent athées et agnostiques, formés idéologiquement par les organisations marxistes orthodoxes (Parti communiste français, Union des étudiants communistes) ou par les <a href="https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2009-4-page-59.htm%88">groupes maoïstes, trotskistes et situationnistes</a>.</p>
<p>À cette époque, la mouvance propalestinienne en France est aussi nourrie par l’apport des militants originaires du monde arabe qui animent les syndicats étudiants comme l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) ou encore les quelques étudiants palestiniens inscrits dans des universités françaises, regroupés au sein de l’Union générale des étudiants palestiniens (GUPS).</p>
<h2>Le tournant de la seconde Intifada</h2>
<p>Ce n’est qu’à partir des années 2000, dans le contexte du déclenchement de la <a href="https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000213/la-seconde-intifada.html">seconde Intifada</a> et, encore davantage lors de le première guerre de Gaza durant l’hiver 2008-2009, que l’on peut observer sur le terrain une <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/intifada_francaise_importation_conflit_israelo_palestinien_hecker_ellipses_2012.pdf">évolution substantielle</a> de la sociologie des mobilisations françaises pour la cause palestinienne.</p>
<p>Outre l’ampleur du soutien, passant de quelques centaines de manifestants propalestiniens dans les années 1980-1990 à plusieurs milliers dans les années 2000, c’est la visibilité croissante des jeunes Français issus de l’immigration postcoloniale qui interroge et, ce d’autant plus, que certains parmi eux exhibent au cours des manifestations publiques des signes de religiosité musulmane (hijeb, qamis, slogans et banderoles à connotation politico-religieuse, etc.).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le tournant de la Seconde Intifada.</span></figcaption>
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<p>Certains milieux médiatiques, politiques et associatifs de la société française sont alors gagnés par une forme de <a href="https://www.cairn.info/revue-sens-dessous-2015-1-page-5.htm">« panique morale »</a> face au risque d’une convergence protestataire entre les quartiers populaires, les organisations communautaires musulmanes et les militants antisionistes issus de la gauche radicale.</p>
<p>C’est précisément à cette époque qu’émerge la thèse de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2005-2-page-103.htm">« l’islamisation de la cause palestinienne » en France</a>, alimentée par des représentations anxiogènes comme « l’Intifada des mosquées françaises », la convergence entre l’antisionisme et l’antisémitisme musulmans ou encore <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2012-3-page-157.htm">« l’alliance islamo-gauchiste »</a>, thèmes déjà présents dans le débat public au début des années 2000.</p>
<p>Il convient de noter toutefois que la crainte de « l’entrisme islamiste » dans la mouvance propalestinienne française n’est pas seulement agitée par ses détracteurs mais elle fait aussi débat dans le <a href="https://doi.org/10.3917/come.086.0197">milieu associatif solidaire de la Palestine</a>, où certains soutiens laïques redoutent une captation de la « cause » par les militants de l’islam politique.</p>
<h2>Un cadrage politique avant d’être religieux</h2>
<p>Pour comprendre comment ces transformations affectent les mobilisations françaises de soutien à la cause palestinienne, il convient à la fois de mettre en évidence l’évolution des répertoires d’action et de déconstruire la représentation dichotomique, opposant systématiquement « mobilisations laïques universalistes » aux « mouvements religieux particularistes ».</p>
<p>Le positionnement des organisations musulmanes de France sur la cause palestinienne a largement évolué. Au début des années 2000 et de la seconde Intifada, il n’était pas rare que les imams et les responsables associatifs musulmans appellent les fidèles, notamment lors de la prière du vendredi (<em>joumou’a</em>), à manifester publiquement pour « les frères et les sœurs de Palestine ». Or ce type d’engagement politico-religieux apparait moins évident aujourd’hui.</p>
<p>Outre le contexte sécuritaire qui suscite inévitablement des réflexes d’autocensure – la <a href="https://www.cipdr.gouv.fr/wp-content/uploads/2022/10/DP_Loi-confortant-le-respect-des-principes-de-la-Republique-2022-1.pdf">loi récente sur le séparatisme</a> n’a fait que renforcer les attitudes de prudence.</p>
<p>L’agenda international des organisations musulmanes a glissé progressivement du registre politique au registre de bienfaisance. Le caritatif tend ainsi à prendre le pas sur le politique, la Palestine devenant principalement pour les associations musulmanes françaises une cause humanitaire, comme le souligne le <a href="https://journals.openedition.org/anneemaghreb/8134">politiste Lucas Faure</a>. Par exemple, aux Rencontres des musulmans de France organisées annuellement au Bourget, la maquette géante en carton-pâte de la mosquée Al-Aqsa et les stands de vente d’huile d’olive de Palestine ont remplacé les prises de parole militantes.</p>
<p>Ensuite, il est vrai que dans les années 2000, certains manifestants français de confession musulmane étaient tentés de recourir à un lexique politico-religieux pour exprimer publiquement leur soutien à la cause palestinienne.</p>
<p>On relevait ainsi des références à la ville sainte <a href="https://www.cairn.info/jerusalem--9791031805955-page-29.htm">Al-Qods</a> (Jérusalem), à la soi-disant islamité ancestrale de la Palestine ou encore son histoire prophétique – évocation de la <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.2011080310035963">tribu juive des Banu Qurayza</a> vaincue par Mohammed. Au fil des années, ces slogans teintés de religiosité se sont faits plus discrets dans les manifestations françaises propalestiniennes. On peut ainsi parler d’un phénomène d’acculturation des militants musulmans <a href="https://www.jstor.org/stable/40988713">à la « culture manifestante »</a>.</p>
<p>Les thèmes appelant à la justice internationale et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se sont progressivement substitués aux mots d’ordre à connotation « islamique », jugés décalés et disqualifiant.</p>
<p>Cela ne signifie pas nécessairement que les manifestants musulmans d’aujourd’hui soient moins religieux qu’hier mais qu’ils ont intériorisé davantage les codes en usage dans la mouvance propalestinienne française, mêlant antisionisme, antiimpérialisme et antioccidentalisme.</p>
<p>Ces courants hérités de la gauche radicale des années 1960-1970 ont retrouvé une nouvelle actualité protestataire, notamment depuis l’invasion de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2004-1-page-79.htm">l’Irak par les États-Unis en 2003</a>.</p>
<p>Enfin, pour l’immense majorité des musulmans français et francophones engagés pour la défense des droits des Palestiniens, les figures publiques et les personnes morales nourrissant directement leur perception du conflit se recrutent de moins en moins dans le champ islamique (imams, penseurs musulmans et prédicateurs) que chez des intellectuels acquis à la cause.</p>
<h2>Influence des militants politiques plutôt que religieux</h2>
<p>Des personnalités comme le médecin et militant <a href="https://www.philomag.com/articles/rony-brauman-rappeler-israel-au-respect-du-droit-tout-en-le-laissant-bombarder-gaza-est">Rony Broman</a>, ancien président de Médecins sans frontières, les journalistes <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/attaque-du-hamas/dominique-vidal-la-mobilisation-des-peuples-en-faveur-de-la-paix-sera-determinante">Dominique Vidal</a> ou <a href="https://orientxxi.info/magazine/gaza-palestine-le-droit-de-resister-a-l-oppression,6777">Alain Gresh</a>, l’ancienne déléguée générale de la Palestine en France, Leila Shahid, le jeune essayiste <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/armee-israelienne/israel-palestine-la-solution-a-deux-etats-est-elle-viable-par-thomas-vescovi">Thomas Vescovi</a>, ou encore l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, etc., apparaissent dans nos recherches et observations bien plus déterminants dans leur engagement pour la cause palestinienne que n’importe quelle personnalité musulmane nationale ou transnationale.</p>
<p>Pour beaucoup de jeunes croyants, la parole publique des leaders musulmans français contrainte par le <a href="https://laviedesidees.fr/Antiterrorisme-et-Musulmans-de-France">contexte de surveillance apparaît trop timorée</a>. C’est d’ailleurs l’un des effets indirects de la politique de sécurisation du champ islamique officiel (les organisations reconnues par le ministère de l’Intérieur) que de favoriser l’émergence d’un espace contestataire musulman plus « radical ». On pense ainsi à l’association <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/28/l-association-humanitaire-barakacity-dissoute-en-conseil-des-ministres_6057670_3224.html">Barakacity</a>, aujourd’hui dissoute par décret présidentiel.</p>
<p>En définitive, l’<a href="https://xml.tremplin.ens-lyon.fr/exist/rest/db/rel/data-xhtml/LettresEtHumanites/ConstructionDeLHomoIslamicus/ConstructionDeLHomoIslamicus.xhtml"><em>Homo islamicus</em></a> n’existe pas plus dans la mouvance propalestinienne que dans les autres champs sociaux.</p>
<p>Si la religiosité des manifestants musulmans français doit être prise au sérieux par le sociologue comme ressort imaginaire, symbolique et matériel de la mobilisation, elle doit être aussi analysée comme un registre polymorphe et polysémique, agissant en concurrence ou en complémentarité avec d’autres répertoires d’action qui contribuent à structurer la cause palestinienne dans la France des années 2020.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Geisser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retour sur le passé récent permet de mieux comprendre comment s’est produit un certain « processus d’islamisation » de la cause palestinienne en France et de l’interroger.Vincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167752023-11-03T14:21:54Z2023-11-03T14:21:54ZLa crise au Proche-Orient, une aubaine pour la Russie ?<p>Depuis le début des combats entre le Hamas et Israël, la Fédération de Russie joue à fond de sa position très particulière au Moyen-Orient. Ses liens structurels avec tous les acteurs de la crise actuelle lui permettent de mener des actions et de tenir des discours qu’aucun autre pays européen n’est prêt à assumer.</p>
<p>Le 26 octobre, le représentant spécial de la présidence russe pour le Proche-Orient, Mikhaïl Bogdanov, <a href="https://fr.timesofisrael.com/moscou-accueille-une-delegation-du-hamas-et-un-vice-ministre-iranien-israel-fulmine/">a reçu des dirigeants du Hamas à Moscou</a>. Dans le même temps, la relation entre Israël et la Russie reste forte, entretenue notamment à travers la <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2015-2-page-363.htm">nombreuse et influente communauté immigrée en Israël en provenance de l’ex-URSS</a>.</p>
<p>Pour Moscou, la série d’événements qui a démarré le 7 octobre dernier constitue une diversion qui confine à l’aubaine. La guerre en Ukraine est passée au second plan de l’attention médiatique et diplomatique, et le <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/vu-de-russie/20231020-vladimir-poutine-appelle-%C3%A0-la-paix-au-proche-orient-son-arm%C3%A9e-rase-avdiivka-en-ukraine">Kremlin se présente comme un faiseur de paix entre Israël et le Hamas</a>. La <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/themes/guerre/la-guerre-de-soukkot/">« guerre de Soukkot »</a> peut-elle permettre à la Russie de se relancer sur la scène internationale tout en marquant des points dans son bras de fer géopolitique avec les États-Unis, qu’elle désigne comme les <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/10/30/guerre-israel-hamas-vladimir-poutine-affirme-que-les-etats-unis-sont-responsables-du-chaos-mortel-au-moyen-orient-11552053.php">grands responsables du chaos actuel au Proche-Orient</a> ?</p>
<h2>Exploiter une aubaine stratégique</h2>
<p>Pour la stratégie russe en Europe, cette crise constitue une occasion inespérée. Elle intervient en effet à un moment où la Fédération a besoin d’une pause dans la mobilisation internationale contre son opération militaire en Ukraine. Le relatif <a href="https://www.lefigaro.fr/international/attaque-du-hamas-contre-israel-comment-moscou-utilise-le-conflit-pour-detourner-l-attention-de-l-ukraine-20231009">passage au second plan du conflit russo-ukrainien</a> lui profite directement et massivement. Ne serait-ce que parce que <a href="https://www.axios.com/2023/10/19/us-israel-artillery-shells-ukraine-weapons-gaza">Washington a envoyé à Israël des armes initialement destinées à l’Ukraine</a>…</p>
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<p>En cet automne 2023, les efforts de reconquête ukrainiens <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/guerre-en-ukraine-le-podcast/l-armee-ukrainienne-en-difficulte-4624488">peinent à produire des effets stratégiques</a>. Les territoires repris depuis début juin par les armées de Kiev sont conséquents, mais restent sans commune mesure avec les 20 % du territoire national occupés et <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-de-territoires-ukrainiens-un-air-de-deja-vu-192288">annexés illégalement par la Russie</a>. Pour Moscou, la crise au Moyen-Orient permet de tourner encore plus rapidement la page de la contre-offensive ukrainienne afin d’achever de la <a href="https://fr.euronews.com/2023/10/15/ukraine-larmee-russe-progresse-y-compris-autour-davdiivka-selon-poutine">faire passer pour un non-événement</a>.</p>
<p>De plus, la crise au Proche-Orient absorbe l’attention et les activités des chancelleries mondiales au moment où se manifestent certains fléchissements dans le soutien à l’Ukraine, en <a href="https://theconversation.com/comprendre-les-tensions-polono-ukrainiennes-215109">Pologne</a> du fait du conflit lié à l’importation en Europe des céréales ukrainiennes, <a href="https://www.iris-france.org/178787-guerre-en-ukraine-le-soutien-americain-incertain-a-lapproche-des-elections/">aux États-Unis</a> dans un contexte de crise institutionnelle au Congrès ou encore en Europe centrale comme en <a href="https://fr.euronews.com/2023/10/25/slovaquie-robert-fico-forme-un-gouvernement-avec-les-pro-russes">Slovaquie</a>, où la victoire de Robert Fico affaiblit l’unité de l’UE dans son bras de fer avec la Russie.</p>
<p>Au-delà des dirigeants, ce sont aussi les médias et les opinions publiques à travers le monde qui, actuellement, s’intéressent un moins moins au théâtre ukrainien et des féroces combats qui se déroulent dans le Donbass, pour se focaliser sur le conflit au Proche-Orient, ce qui offre à la Russie une forme de répit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556900/original/file-20231031-21-rx8uh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À New York, le 18 octobre 2023, des manifestants pro-palestiniens font face à des manifestants pro-israéliens. Le conflit proche-oriental occupe aujourd’hui les esprits davantage que celui en cours en Ukraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Syndi Pilar/Shutterstock</span></span>
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<p>La façon dont la Russie va exploiter cette période de relatif répit médiatique et diplomatique ne se manifestera pas immédiatement. Les repositionnements de troupes au sol, les campagnes diplomatiques bilatérales, la mobilisation des amis du Kremlin dans les organisations multilatérales, l’élaboration d’un nouveau narratif sur la guerre en Ukraine, etc. : tout cela est en préparation à Moscou. Mais les effets ne se verront que vers la fin de l’année, notamment à l’occasion de la traditionnelle conférence de presse du président Poutine.</p>
<p>Assurément, la Russie se repositionnera non plus comme un acteur régional en Europe oriental mais comme un acteur global, au Moyen-Orient notamment. C’est ainsi qu’elle a déposé un texte de résolution à l’ONU visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza ; le <a href="https://news.un.org/fr/story/2023/10/1139707">rejet de ce texte</a>, du fait des votes « contre » des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et du Japon, lui a permis de renforcer, aux yeux des pays dits du Sud et, spécialement, des États musulmans, sa posture de leader du camp anti-occidental, soucieux de protéger la population civile gazaouie, tout en <a href="https://eng.belta.by/politics/view/lavro-on-differences-in-russian-us-draft-resolutions-on-israel-palestine-conflict-162944-2023/">dénonçant l’alignement des Occidentaux sur Israël</a> et en allant jusqu’à se présenter comme un <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/russia-says-israels-gaza-bombardment-is-against-international-law-2023-10-28/">pays défendant le droit international</a>.</p>
<h2>Mobiliser ses alliés dans la région</h2>
<p>Pour les Realpolitiker russes, cette crise présente aussi l’occasion de mobiliser leurs réseaux d’alliances dans les mondes arabe, turc, persan et plus largement musulman. Dès avant l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine, la <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2017-3-page-109.htm?ref=doi">Fédération de Russie a constamment renforcé ses relais dans la région</a>.</p>
<p><a href="https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/loffensive-de-charme-de-poutine-vis-vis-moyen-orient">Dans le monde arabe</a>, à partir de 2015, elle a réactivé l’ancienne alliance avec la famille Al-Assad pour littéralement sauver le régime en Syrie par une intervention militaire cruciale. Elle a en outre resserré ses liens traditionnels avec l’Égypte dans les domaines de l’armement, de l’agro-alimentaire et de l’énergie. Elle a cultivé son <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/15/a-moscou-la-russie-et-l-algerie-renouvellent-leur-partenariat-strategique_6177821_3212.html">allié algérien</a> et a repris pied en Libye avec son <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/07/en-libye-la-relation-securitaire-entre-khalifa-haftar-et-moscou-s-intensifie_6192985_3212.html">soutien au maréchal Haftar</a>. Elle s’est même engagée dans une <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1414">coopération avec le royaume saoudien</a> dans le cadre de l’OPEP+.</p>
<p>Par-delà le monde arabe, elle a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/11/guerre-en-ukraine-que-sont-les-drones-iraniens-utilises-par-la-russie_6145369_3210.html">trouvé dans l’Iran un fournisseur de drones pour la guerre en Ukraine</a> ainsi qu’un soutien dans les enceintes internationales. Et les <a href="https://theconversation.com/la-turquie-une-puissance-mediatrice-entre-la-russie-et-lukraine-203782">rapprochements entre les présidents russe et turc</a> sont réels même s’ils ne doivent pas susciter l’illusion d’une alliance solide.</p>
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<p>La crise actuelle lui permet de raviver ces alliances structurelles autour d’une question ancienne et passée au second plan dans le monde musulman après les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-qu-est-ce-que-les-accords-d-abraham-10-10-2023-2538807_24.php">accords d’Abraham</a> : la cause palestinienne. La spécificité de la position de la Russie dans la région à la faveur de ce conflit doit être soulignée : elle est capable de mobiliser ses alliés par-delà les lignes de clivage internes à la région. Et la crise actuelle, qui réactive <a href="https://theconversation.com/proche-orient-le-retour-de-la-cause-palestinienne-216213">l’hostilité à Israël dans les opinions arabes, persanes et musulmanes au sens large</a>, souligne la centralité d’un acteur dont les Occidentaux ont pourtant voulu faire un paria.</p>
<p>Là encore, les effets de cette position ne se manifesteront pas tous immédiatement : c’est à moyen terme que la Russie tentera de tirer bénéfice de sa position actuelle pour contester encore davantage le poids des États-Unis dans la région. Toutefois, il est certain que l’aubaine immédiate peut être complétée par des gains stratégiques dans la zone : la Russie peut utiliser la crise pour souligner sa centralité, pour rappeler à ses alliés qu’elle parle à tous et peut donc prétendre au rôle de médiateur.</p>
<p>À condition toutefois de préserver sa relation avec Israël.</p>
<h2>Préserver ses relais en Israël</h2>
<p>Si la Russie prétend à une position œcuménique au Moyen-Orient, elle est actuellement handicapée, en Israël, par plusieurs facteurs. <a href="https://www.lemonde.fr/international/video/2023/10/30/au-daghestan-un-aeroport-pris-d-assaut-par-une-foule-hostile-a-israel_6197355_3210.html">Les mouvements de foule au Daghestan</a>, république autonome de la Fédération de Russie à majorité musulmane, contre les passagers d’un vol en provenance de Tel-Aviv, ont été perçus avec beaucoup d’inquiétude dans l’État hébreu.</p>
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<p>Après avoir revendiqué le rôle de pionnier dans la lutte contre l’islamisme sunnite violent, comment la Russie pourrait-elle prétendre au rôle de médiateur alors qu’elle accueille désormais fréquemment des dirigeants du Hamas ?</p>
<p>Plusieurs leaders en Israël redoutent le renforcement de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-sinquiete-dun-axe-russie-iran-hamas-2025584">l’axe Moscou-Téhéran-Hamas</a> dans le contexte de l’opération israélienne à Gaza. La symbiose entre la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie préoccupe tout particulièrement Israël : elle peut jouer en faveur d’une modération du Hezbollah, mais elle peut aussi contribuer à la régionalisation des hostilités.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-liran-mobilise-son-axe-de-la-resistance-face-a-israel-216306">Comment l’Iran mobilise son « Axe de la Résistance » face à Israël</a>
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<p>Dans la crise, la Russie a beaucoup à perdre avec Israël. Ses relais d’influence y sont multiples : plus d’un million d’habitants (sur 9 millions) sont issus de l’ex-URSS. Ils constituent la première communauté immigrée en Israël et disposent de figures publiques influentes dans les domaines politiques, économiques, financiers, médiatiques ou technologiques. La Russie est-elle condamnée par sa position actuelle à dilapider son capital en Israël ? Nombreux sont les observateurs à estimer que les <a href="https://www.agenzianova.com/en/news/russia-israel-kommersant-bilateral-relations-are-in-deep-crisis/">relations bilatérales Moscou-Tel-Aviv sont à un plus bas historique</a>.</p>
<p>En somme, la position russe au Moyen-Orient se trouve à un croisement. Soit elle se contente se traiter la crise actuelle comme une diversion : elle profitera alors du répit médiatique et de la baisse de pression diplomatique pour renforcer encore ses positions en Ukraine ; soit elle endosse le rôle de ciment des acteurs anti-Israël au Moyen-Orient : elle rompra encore davantage avec des Occidentaux mobilisés en faveur de la sécurité d’Israël ; soit, enfin, elle choisit la voie étroite de médiateur potentiel : il lui faudra alors, pour être acceptée comme telle par les Israéliens, remédier aux nombreuses tensions de la relation bilatérale Moscou-Tel-Aviv.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’attention mondiale s'est reportée de l’Ukraine à Gaza. La Russie en bénéficie largement, d'autant qu'elle cherche à apparaître comme un faiseur de paix au Proche-Orient.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166582023-11-02T20:54:08Z2023-11-02T20:54:08ZLe conflit Israël-Hamas, un facteur de division entre les pays membres de l’Asean ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557128/original/file-20231101-15-r9qsb2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5168%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pro-palestinienne à Bandung, Indonésie, le 21&nbsp;octobre 2023. L’Indonésie est le premier pays musulman du monde par sa population.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Algi Febri Sugita/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://asean.org/">L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean)</a> est une organisation interrégionale créée en 1967 regroupant dix pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam). Organisation à vocation économique visant à favoriser les échanges entre les États membres, elle a souvent été <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-asean">critiquée</a> pour son absence de vision stratégique et son influence limitée sur les grands sujets de politiques internationales.</p>
<p>En effet, les règles de l’<a href="https://journals.openedition.org/revdh/3913?lang=en">« Asean way »</a> exigent que les décisions soient prises par consensus sans interférence dans les affaires intérieures des pays membres. En résulte souvent une impuissance politique à peser sur le cours des grandes problématiques des relations internationales.</p>
<p>On le constate à nouveau depuis le déclenchement de la « guerre de Soukkot » entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier, alors même que ce conflit est suivi avec une grande attention dans les pays de l’Asean et spécialement dans les États dont la population est majoritairement musulmane, notamment <a href="https://orientxxi.info/magazine/indonesie-equilibre-delicat-entre-orthodoxie-musulmane-et-nationalisme,6394">l’Indonésie, premier pays musulman du monde</a> et la Malaisie. </p>
<h2>Une déclaration conjointe minimaliste</h2>
<p>Concernant le conflit israélo-palestinien, l’Asean a toujours maintenu une <a href="https://www.bangkokpost.com/opinion/opinion/2665486">position constante</a> en soutenant une solution à deux États, conformément à la résolution <a href="https://documents-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NL3/462/16/PDF/NL346216.pdf">242</a> adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en 1967.</p>
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<p>Il aura néanmoins fallu attendre 13 jours après les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023, pour que l’Association publie un <a href="https://asean.org/asean-foreign-ministers-statement-on-the-recent-escalation-of-armed-conflict-in-the-middle-east/">communiqué conjoint</a>. Celui-ci condamne les attaques contre les populations civiles, appelle à la libération des otages, et encourage un cessez-le-feu pour faciliter l’accès à l’aide humanitaire. Enfin, le communiqué réitère son soutien à la solution à deux États, précisant qu’elle est la seule solution globale, juste et durable pour parvenir à la paix.</p>
<p>En théorie, donc, les États membres défendent une position commune sur la situation au Proche-Orient. En pratique, les divers gouvernements nationaux n’avaient pas attendu le communiqué conjoint et avaient déjà réagi, affichant des prises de positions divergentes et difficilement conciliables.</p>
<h2>Des réactions différentes parmi les États membres</h2>
<p>Il est possible de dresser une typologie des réactions politiques des gouvernements nationaux de l’Asean, reflet de leurs positionnements géopolitiques hétéroclites vis-à-vis de la crise au Proche-Orient.</p>
<p>Le sultanat de <a href="https://www.thestar.com.my/aseanplus/aseanplus-news/2023/10/09/brunei-reiterates-solidarity-with-palestinians">Brunei</a>, <a href="https://www.benarnews.org/english/news/indonesian/jokowi-israeli-occupation-palestine-cause-conflict-10102023131333.html">l’Indonésie</a> et la <a href="https://www.scmp.com/week-asia/politics/article/3239053/height-barbarism-malaysias-anwar-slams-israel-over-gaza-strikes-thousands-flock-pro-palestine-rally">Malaisie</a>, pays où la majorité de la population est musulmane, ont soutenu sans équivoque le peuple palestinien.</p>
<p>Les trois gouvernements, qui <a href="https://thediplomat.com/2023/10/the-growing-significance-of-malaysia-and-indonesias-non-recognition-of-israel/">ne reconnaissent pas diplomatiquement l’État d’Israël</a>, n’ont pas condamné l’attaque du Hamas. Le premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, a même ouvertement défendu le fait que son pays entretenait une <a href="https://www.channelnewsasia.com/asia/malaysia-hamas-relationship-israel-conflict-disagree-western-pressure-condemn-3848951">relation officielle</a> avec le groupe terroriste.</p>
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<p>En Indonésie, des <a href="https://thediplomat.com/2023/10/protesters-in-malaysia-indonesia-come-out-in-support-of-palestine/">manifestations massives</a> de soutien au peuple palestinien ont été organisées, illustration du soutien massif de la société civile solidaire avec le peuple palestinien. Alors qu’approche une <a href="https://asie1000mots-cetase.org/Election-presidentielle-en-Indonesie-en-2024-qui-sera-le-prochain-president">élection présidentielle très attendue</a>, nul ne doute que les principaux partis multiplieront les signes de sympathie envers la cause palestinienne, qui fait l’unanimité au sein de la classe politique du pays.</p>
<p>D’autres pays membres de l’Asean revendiquent une posture neutre. C’est le cas du <a href="https://twitter.com/noansereiboth/status/1710945345344303343">Cambodge</a>, du <a href="https://www.vientianetimes.org.la/freefreenews/freecontent_198_Laocall_y23.php">Laos</a>, du <a href="https://vietnamnews.vn/politics-laws/1594905/viet-nam-profoundly-concerned-over-hamas-israel-violence-foreign-ministry.html">Vietnam</a> et de la <a href="https://www.nationthailand.com/thailand/general/40031729">Thaïlande</a>, qui ont tous appelé les deux camps à faire preuve de la plus grande retenue et à chercher des moyens de désescalade et de cessez-le-feu, sans prendre parti.</p>
<p>La Thaïlande, qui compte près de 26 000 travailleurs en Israël, est néanmoins plus directement concernée par cette crise. Selon le gouvernement de <a href="https://www.bangkokpost.com/thailand/general/2672016/two-more-thai-workers-die-in-israel-increasing-death-toll-to-33-fm.">Bangkok</a>, au moins 33 Thaïlandais ont été tués le 7 octobre, 18 ont été blessés, et 16 sont encore retenus en otage par le Hamas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1718526586620654079"}"></div></p>
<p>Enfin, <a href="https://www.channelnewsasia.com/singapore/israel-hamas-gaza-violence-singapore-strongly-condemns-attacks-3828966">Singapour</a> et les <a href="https://www.rappler.com/nation/philippines-condemns-attacks-hamas-on-israel-october-8-2023/">Philippines</a>, pays traditionnellement plus proches des États-Unis ayant tissé des liens importants avec Israël, ont publié des réactions fermes condamnant l’attaque du Hamas, et rappelant le droit légitime d’Israël à défendre son territoire. Ces deux pays entretiennent des relations de défense étroite avec Tel-Aviv.</p>
<p>Au Myanmar, la junte au pouvoir a publié un communiqué <a href="https://www.voanews.com/a/myanmar-immigrants-in-israel-stay-put-citing-safety-woes-back-home-/7323651.html">prudent</a> pouvant le catégoriser comme un pays neutre. Néanmoins, le Myanmar est le seul pays de l’Asean avec Singapour à <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/countries-that-recognize-palestine">ne pas reconnaitre l’État palestinien</a> et est traditionnellement un acheteur de matériel militaire israélien.</p>
<h2>Un facteur de division entre les États membres ?</h2>
<p>Le positionnement des États membres de l’Asean diverge donc fortement sur la question israélo-palestinienne. Par exemple, la position de Singapour se différencie de celle de ces voisins musulmans, notamment dans sa dénonciation explicite du Hamas et dans son soutien à Israël. Pour autant, le gouvernement de la cité-État reste lui aussi prudent. En effet, 14 % des Singapouriens sont ethniquement malais, et disposent d’une reconnaissance particulière dans la Constitution en tant que <a href="https://sso.agc.gov.sg/Act/CONS1963?ProvIds=P113-">peuple autochtone</a>. Si les manifestations propalestiniennes ont été <a href="https://thediplomat.com/2023/10/singaporeans-turn-to-online-campaigns-after-police-reject-application-for-gaza-rally/">interdites</a> à Singapour, ce fut au nom du maintien de la cohésion nationale, comme l’explique le communiqué de police : « La paix et l’harmonie entre les différentes races et religions à Singapour ne doivent pas être considérées comme acquises, et nous ne devons pas laisser les événements extérieurs affecter la situation interne de Singapour. »</p>
<p>Le président et le premier ministre singapouriens ont aussi envoyé des <a href="https://www.businesstimes.com.sg/singapore/president-tharman-pm-lee-send-condolence-letters-palestinian-authority-counterparts">lettres</a> aux dirigeants palestiniens, exprimant leurs condoléances pour les pertes humaines dans la bande de Gaza et promettant un don de 300 000 dollars d’aide humanitaire.</p>
<p>Ces divisions internes à l’Asean sont-elles susceptibles de créer des divisions politiques entre les États membres ? Probablement pas, car conformément au principe de non-ingérence dans les affaires internes, aucun des gouvernements n’a ouvertement critiqué la position d’un autre État membre. Si certains y voient le signe de la traditionnelle <a href="https://theconversation.com/lasean-face-au-coup-detat-militaire-en-birmanie-impuissance-ou-complicite-166450">impuissance géopolitique</a> de l’Association, rappelons que la région fait toujours face à des <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/03/Asia-Focus-21-Terrorisme-mars-2017.pdf">menaces de terrorisme</a>, et reste le théâtre de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/16/en-birmanie-l-insurrection-armee-s-organise_6165768_3210.html">rébellions internes</a> et de <a href="https://www.chine-magazine.com/lasean-divisee-conflits-territoriaux/">différends territoriaux</a> entre États.</p>
<p>Fidèle à ses principes, l’Asean reste donc prudente et n’empiète pas sur la compétence des États membres sur les sujets de politiques internationales. Le conflit israélo-palestinien ne fait pas exception à la règle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216658/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Asean, qui regroupe 10 États et quelque 620 millions d’habitants, dont plus de la moitié sont musulmans et attachés à la cause palestinienne, est apparue désunie après le 7 octobre.Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), chercheur associé à l'Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163062023-10-30T19:08:14Z2023-10-30T19:08:14ZComment l’Iran mobilise son « Axe de la Résistance » face à Israël<p>L’attaque dévastatrice du Hamas le 7 octobre a changé la donne au Moyen-Orient. Le dossier israélo-palestinien, relégué au second plan depuis au moins une dizaine d’années, est brutalement revenu au cœur de la géopolitique régionale.</p>
<p>Alors que la guerre en cours entre le Hamas et Israël <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/risks-wider-war-iran-and-its-proxies">enhardit les mandataires de l’Iran dans la région</a>, tous les acteurs impliqués (étatiques ou non étatiques) manœuvrent dans un jeu de pouvoir très complexe qui peut conduire à une guerre régionale à part entière ; mais un tel scénario peut être évité par une fin négociée.</p>
<h2>Vers une « unité des fronts »</h2>
<p>Nous sommes entrés en territoire inconnu, car les <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-israelienne-pour-gaza-216050">objectifs politiques et militaires israéliens n’ont pas été définis de façon claire</a>, ce qui rend cette guerre de vengeance différente de toutes les opérations israéliennes précédentes contre le Hamas, que ce soit en termes de durée, d’objectifs ou de nombre de victimes des deux côtés.</p>
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<p>La rhétorique des responsables israéliens, dont certains ont nié l’existence de civils innocents à Gaza, <a href="https://news.yahoo.com/israeli-president-says-no-innocent-154330724.html">comme l’a fait le président de l’État hébreu</a>, a oscillé entre une position maximaliste et minimaliste, allant de l’appel à une occupation totale de Gaza <a href="https://www.lapresse.ca/international/2023-10-15/israel-et-le-hamas-en-guerre/l-occupation-de-gaza-par-israel-serait-une-grave-erreur-selon-biden.php">malgré les avertissements du président américain</a> à la création d’une zone tampon et à la « simple » destruction de l’infrastructure du Hamas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1716804959881343181"}"></div></p>
<p>Le 7 octobre, au moment où le Hamas déclenchait son opération sans précédent, Mohammed Deif, le commandant militaire de sa branche armée a <a href="https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/le-commandant-du-hamas-a-gaza-exhorte-les-arabes-israeliens-et-les-etats-voisins-a-prendre-les-armes/">appelé</a> tous les Arabes et musulmans et, spécialement, l’Iran et les États et organisations qu’il domine, à se lancer dans une guerre totale contre Israël. Il a cité, dans cet ordre, le Hezbollah libanais, l’Iran, le Yémen, les milices chiites irakiennes et la Syrie. Il a proclamé ce jour comme « celui où votre résistance contre Israël converge avec la nôtre », dans ce que l’on appelle <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1334129/le-hezbollah-consacre-lunite-des-fronts-.html">« l’unité des fronts »</a>, qui est une stratégie de dissuasion initiée par le Hezbollah.</p>
<p>Cette stratégie de dissuasion consiste à coordonner, politiquement et militairement, les réponses de toutes les milices mandataires de l’Iran dans la région et à se rassembler pour se soutenir mutuellement si l’une d’entre elles est attaquée. La multiplicité des fronts dominés par les milices par procuration de l’Iran peut dissuader les adversaires de Téhéran de passer à l’action… ou au contraire accélérer la descente de la région dans un chaos total.</p>
<h2>Tensions majeures à la frontière libanaise</h2>
<p>Après le 7 octobre, la situation sécuritaire s’est rapidement détériorée à la frontière libanaise d’Israël, du fait d’escarmouches de plus en plus intenses entre Tsahal et le Hezbollah.</p>
<p>De plus, deux nouveaux éléments intéressants sont apparus sur le front libanais. Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile, nous avons assisté à la réémergence « temporaire » des forces Al-Fajr, la branche militaire de la Jamaa Islamiya. Cette milice libanaise islamiste sunnite, qui a été dissoute en 1990, a annoncé qu’elle participait aux hostilités au-delà des frontières libanaises israéliennes « en défense de la souveraineté libanaise, de la mosquée Al Aqsa et en solidarité avec Gaza et la Palestine ». Le 29 octobre, elle a <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1355189/israel-intensifie-son-offensive-contre-gaza-internet-en-cours-de-retablissement-dans-lenclave-j-23-de-la-guerre-israel-hamas.html">lancé des missiles depuis le Liban vers Kiryat Shmona, dans le nord d’Israël</a>. Cette milice combat de façon quasi-indépendante du Hezbollah (même s’il existe une coordination militaire entre les deux organisations).</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1354234/le-hezbollah-entraine-le-liban-dans-la-guerre-armee-israelienne.html">Hamas et le Jihad islamique palestinien au Liban</a> ont publié des communiqués assumant l’entière responsabilité de plusieurs attaques contre Israël. Ils ont lancé ces attaques depuis les territoires libanais, rappelant les années où le sud du Liban était dominé par les activités militaires de l’OLP palestinienne (à partir de 1969), au point d’être surnommé <a href="https://www.naharnet.com/stories/en/300905">« Fatah Land »</a>.</p>
<p>Leur participation aux hostilités est encore limitée, mais elle est importante en termes symbolique. Il est clair que le Hezbollah coordonne les activités de toutes les milices opérant à la frontière libanaise pour envoyer un message clair : la zone est ouverte à toutes les factions islamistes et non islamistes, invitées à se joindre, même symboliquement, à la lutte contre Israël dans le but d’exprimer leur solidarité avec Gaza. En d’autres termes, le Hezbollah déclare que ce combat n’est pas sectaire, mais qu’il unit les musulmans et concerne tous les Arabes et les musulmans.</p>
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<p>Ce message d’unité musulmane contre Israël intervient après des années de sectarisation du Moyen-Orient. Le Hezbollah n’a mené que des attaques limitées contre Israël depuis la fin de la guerre israélo-libanaise de 2006, et est <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-du-monde-arabo-musulman-et-du-sahel/consequences-lintervention-militaire-hezbollah-syrie-sur-population-libanaise-chiite-rapports-avec-israel-2017">intervenu militairement en Syrie pour appuyer le régime de Damas</a>, combattant alors dans le camp opposé au Hamas, lequel s’était porté au soutien du camp anti-Assad.</p>
<p>Cette prise de position avait valu au Hezbollah de devenir très impopulaire aux yeux des populations sunnites de la région. En se joignant à la lutte contre Israël, le Hezbollah se réaffirme aux yeux de l’ensemble des Arabes de la région non pas en tant qu’acteur sectaire, mais plutôt en tant que groupe révolutionnaire islamique qui vise à mettre fin à l’arrogance israélienne.</p>
<p>Ce recadrage correspond à l’image qu’il se faisait de lui-même. Le Hezbollah se considère en effet comme un modèle pour le Hamas et d’autres forces islamiques qui luttent contre Israël. Malgré leurs divergences sur la guerre en Syrie, ils ont restauré leurs relations en août 2007 et les hauts commandants du Hamas, comme <a href="https://youtu.be/pgjiAF98s_s?si=VakJEkLE1cxkRhwc">Ismaël Haniyeh</a> (le chef du bureau politique du Hamas) et <a href="https://youtu.be/Hje4sfEmv0M?si=5gzcb-0hlOfjJy3z">Yahia Sinwar</a> (chef du bureau politique du Hamas à Gaza), ont publiquement remercié l’Iran pour son aide précieuse en matière de financement, de logistique et d’approvisionnement en armes.</p>
<h2>Le rôle des Houthis du Yémen</h2>
<p>L’attaque du Hamas est survenue à un moment au Moyen-Orient où les États-Unis ont tenté d’étendre les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-qu-est-ce-que-les-accords-d-abraham-10-10-2023-2538807_24.php">accords de paix d’Abraham</a> (qui ont permis ces dernières années, un rapprochement entre Israël et plusieurs États arabes, sous la férule de Washington) à <a href="https://theconversation.com/rapprochement-arabie-saoudite-israel-le-difficile-pari-de-washington-213139">l’Arabie saoudite</a>.</p>
<p>Ces accords, qui visent à établir les bases d’une nouvelle architecture de sécurité au Moyen-Orient afin d’assurer une meilleure sécurité régionale aux alliés des États-Unis, <a href="https://www.iris-france.org/179388-hamas-israel-quelles-consequences-diplomatiques-et-securitaires-au-moyen-orient/">sont désormais menacés</a>, et la normalisation entre Israël et Riyad <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/09/attaque-du-hamas-le-rapprochement-entre-israel-et-l-arabie-saoudite-a-l-epreuve-de-la-guerre_6193318_3210.html">semble à présent une perspective fort improbable</a>.</p>
<p>L’échec annoncé de ce réchauffement est d’autant plus dommageable pour Washington que les Chinois ont, il y a quelques mois, enregistré un succès diplomatique majeur en <a href="https://theconversation.com/iran-arabie-saoudite-un-compromis-diplomatique-sous-legide-de-pekin-201828">négociant une détente entre l’Arabie saoudite et l’Iran</a>, après de longues années de soutien de Téhéran aux milices yéménites houthies qui combattaient l’Arabie saoudite au Yémen. Dans le cadre de ce rapprochement entre Riyad et Téhéran, des <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230920-guerre-au-y%C3%A9men-apr%C3%A8s-des-entretiens-positifs-les-rebelles-houthis-ont-quitt%C3%A9-riyad">pourparlers se sont tenus entre les houthis et les Saoudiens</a> pour soutenir le processus de paix au Yémen.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1715667908280406330"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-2-page-17.htm">Houthis</a> sont une autre partie de l’axe iranien dans la région. Leur ascension en tant qu’acteur politique et militaire yéménite les a enhardis. Ils ont déclaré qu’ils étaient <a href="https://www.aa.com.tr/en/middle-east/yemen-rebels-threaten-to-join-hamas-attack-on-israel-if-us-intervenes-in-conflict/3014839">prêts à se joindre au Hamas dans une guerre totale contre Israël</a> pour défendre Gaza et la mosquée Al-Aqsa. En guise de démonstration de force, ils ont lancé le 19 octobre trois missiles de croisière et des drones qui ont été <a href="https://www.opex360.com/2023/10/20/le-navire-americain-uss-carney-a-intercepte-des-missiles-et-des-drones-lances-depuis-le-yemen/">interceptés par un destroyer américain en mer Rouge</a>. Selon les États-Unis, ces missiles se dirigeaient « potentiellement vers Israël ». L’attaque est en soi symbolique, mais elle envoie un message politique fort qui réaffirme la primauté stratégique des liens des Houthis avec <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2022/10/Asia-Focus-185.pdf">« l’Axe de la résistance »</a> soutenu par l’Iran et signale la volonté de la milice de s’engager militairement dans des guerres ou des tensions régionalisées ou internationalisées.</p>
<p>Cela a été clairement défini dans le <a href="https://youtu.be/3o81HN19Uic?si=f88VMotBX40E8izo">discours de leur chef</a>. Les Houthis disposent d’un formidable <a href="https://www.mei.edu/publications/houthis-red-sea-missile-and-drone-attack-drivers-and-implications">arsenal de missiles à longue portée</a> qui seraient capables de frapper Israël. Tous ont été soit saisis à l’État yéménite en 2014, soit acheminés par l’Iran.</p>
<p>Les attaques de missiles lancées par les Houthis ont coïncidé avec d’autres <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1354940/les-forces-americaines-attaquees-16-fois-en-syrie-et-en-irak-depuis-le-debut-du-mois.html">attaques menées par des milices chiites soutenues par l’Iran</a>, visant des bases américaines et des garnisons accueillant des soldats américains en Irak et en Syrie. L’Iran a stratégiquement externalisé le risque de confrontation directe avec les États-Unis et Israël via son <a href="https://www.defense.gouv.fr/dems/syntheses-documentaires-supprimer/axe-resistance-lexpansionnisme-regional-iranien">Axe de la Résistance</a> : quand de telles attaques ont lieu, sa responsabilité n’est pas directement engagée. Ce positionnement accroît son influence dans les négociations directes et indirectes ainsi que son influence régionale.</p>
<h2>Une guerre totale est-elle possible ?</h2>
<p>Pour conclure, tous les acteurs semblent marcher sur une corde suspendue au-dessus du cratère d’un volcan. Ils attendent tous d’en savoir plus sur les objectifs politiques et militaires de la guerre israélienne à Gaza et de pouvoir évaluer les capacités de résistance du Hamas à l’attaque dont il fait l’objet.</p>
<p>Si l’armée israélienne enregistre des pertes importantes, la position stratégique de l’axe soutenu par l’Iran s’améliorera, sans frais pour Téhéran mais à un coût terrible pour la population de Gaza et à Hamas.</p>
<p>Mais que se passerait-il si Israël menaçait l’existence même du Hamas après une invasion terrestre ? Les intenses escarmouches aux frontières libanaises d’Israël se transformeraient-elles alors en une guerre à part entière ? L’Iran se joindrait-il aux hostilités ? Et si Israël se sentait renforcé par le soutien inconditionnel de l’Occident à son droit à se défendre et considérait cette solidarité comme un blanc-seing pour frapper l’Iran, dont l’ambition nucléaire effraie les responsables de l’État hébreu ? Dans un tel cas de figure, et face à la riposte de Téhéran, les États-Unis utiliseront-ils leurs destroyers dans la région de la Méditerranée orientale pour attaquer l’Iran et défendre Israël ?</p>
<p>À ce stade, impossible d’apporter de réponse tranchée à toutes ces questions. Nous pouvons seulement constater que la région semble se diriger vers une nouvelle phase où la sectarisation des politiques étrangères des acteurs régionaux sera reléguée au second plan, la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite se consolidera, la question palestinienne s’imposera pour longtemps au premier plan, et les milices mandataires iraniennes s’affirmeront de plus en plus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216306/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hussein Abou Saleh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Iran rechigne à entrer directement en guerre contre Israël, mais mobilise volontiers les Houthis du Yémen et les milices chiites d’Irak, ainsi que le Hezbollah libanais.Hussein Abou Saleh, Docteur associé au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162132023-10-29T18:12:55Z2023-10-29T18:12:55ZProche-Orient : le retour de la « cause palestinienne »<p>Les <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/jour-de-colere-dans-le-monde-arabe-et-musulman-des-milliers-de-personnes-dans-la-rue-pour-defendre-la-cause-palestinienne-20231013_Q7ZE6BHLXNHD5PMBPCOYXH6ZR4/">manifestations</a> organisées dans de nombreux pays arabes et musulmans en soutien à la population de la bande de Gaza, depuis que la minuscule enclave palestinienne est <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/10/a-gaza-pris-au-piege-entre-les-bombardements-et-le-blocus-les-habitants-craignent-un-massacre_6193487_3210.html">pilonnée jour et nuit par Israël</a> en riposte aux <a href="https://theconversation.com/israel-palestine-les-consequences-devastatrices-de-lassaut-du-hamas-215243">attaques du Hamas le 7 octobre 2023</a>, ont replacé au cœur des discussions la problématique de la « cause palestinienne ».</p>
<p>La conflagration au Proche-Orient remet en effet à l’avant-plan des discussions l’avenir des Palestiniens, à Gaza mais aussi en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où la situation s’est embrasée au cours des derniers jours. La cause palestinienne – une formule qui recouvre, on le verra, de nombreuses significations, parfois fort différentes – semble fédérer les opinions publiques dans le monde arabo-musulman, et cela <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2016-1-page-273.htm">depuis des décennies</a>. Mais qu’en est-il au juste, et dans quelle mesure l’escalade actuelle du conflit peut-elle renforcer ces sentiments parmi les populations de ces pays ?</p>
<h2>Résurgence spectaculaire du soutien à la Palestine</h2>
<p>L’attaque du Hamas – qui s’est soldée par l’assassinat de <a href="https://www.barrons.com/news/over-1-400-killed-in-hamas-attacks-on-israel-pm-office-787d2b0f">quelque 1 400 Israéliens</a>, presque tous des civils, et de nombreux <a href="https://www.europe1.fr/international/le-hamas-utilise-les-telephones-des-otages-pour-diffuser-les-videos-de-leur-assassinat-ou-enlevement-4208349">actes de barbarie</a> à l’égard des victimes, sans oublier la prise de quelque 200 otages, dont des enfants en bas âge – n’a pas fait l’unanimité dans le monde arabe et musulman. Il serait en effet caricatural d’affirmer que le Proche-Orient tout entier se serait en quelque sorte rangé derrière ces atrocités.</p>
<p>Néanmoins, on ne peut nier que les événements du 7 octobre ont été perçus par certains segments des sociétés de la région comme une manifestation compréhensible de la « résistance » à la longue <a href="https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/israel-and-occupied-palestinian-territories/report-israel-and-occupied-palestinian-territories/">occupation des territoires palestiniens par Israël</a>.</p>
<p>Dès les premières heures de l’assaut, ce sont ainsi des centaines de personnes qui, de Ramallah à Beyrouth, en passant par Le Caire, Bagdad ou Damas, sont descendues dans les rues pour chanter, danser et scander leur soutien au peuple palestinien et à sa cause historique. Les réseaux sociaux ont par ailleurs été envahis d’expressions de solidarité avec le Hamas, décrit comme « héroïque » face au sort des Palestiniens depuis des décennies, tandis que se propageait comme tendance sur X (anciennement Twitter) le hashtag #Palestine-is-my-cause.</p>
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<p>Dans leur majorité, les dirigeants des pays arabes voisins ont fustigé Israël avec force et apporté leur soutien à Gaza, y compris dans ceux des pays qui avaient pu appuyer un rapprochement avec Tel-Aviv. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a décrit la riposte militaire d’Israël comme une « réaction allant au-delà du droit de se défendre » et s’assimilant à une « punition collective » contre les habitants de Gaza. En Irak, le premier ministre Mohammed al-Soudani a rappelé le soutien indéfectible de son pays à la cause palestinienne. En Syrie, le ministre des Affaires étrangères a qualifié l’opération du Hamas d’« honorable » et de « seule manière pour les Palestiniens d’obtenir leurs droits légitimes ». On peut s’interroger sur la sincérité des sentiments ici exprimés, même si tous reflètent, <em>a minima</em>, une posture imposée par la perception qu’ont ces dirigeants des attentes de leurs opinions publiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710916001687060662"}"></div></p>
<p>Beaucoup croyaient la cause palestinienne <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/09/14/la-cause-palestinienne-enterree-par-les-accords-d-abraham_1799360/">enterrée</a>, ou, à tout le moins, <a href="https://www.voaafrique.com/a/plan-trump-la-cause-palestinienne-est-elle-pass%C3%A9e-au-second-plan-/5268691.html">reléguée au second plan</a>, sur fond d’impasse des négociations de paix et d’une multiplication des crises au Proche-Orient qui avait recentré l’attention sur d’autres théâtres de conflit (Irak, Syrie, Yémen, Afghanistan…). Or la « question palestinienne » a désormais opéré son grand retour dans les cœurs et les esprits des peuples de la région, et plus largement sur la scène internationale.</p>
<p>La virulence des frappes israéliennes sur Gaza ces dernières semaines, et le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/gaza-au-bord-d-une-catastrophe-humanitaire-980075.html">désastre humanitaire provoqué par l’imposition d’un blocus total par l’État hébreu</a>, sont indiscutablement autant de facteurs démultiplicateurs de l’appui apporté aux Palestiniens.</p>
<h2>Qu’entendre au juste par « cause palestinienne » ?</h2>
<p>L’expression d’un soutien à la cause palestinienne et la manifestation d’une solidarité envers Gaza et le drame vécu par ses populations civiles ne rendent toutefois pas évidente l’identification des contours exacts de cette cause. De manière intuitive, ses partisans y arriment la notion générale d’une violation historique des droits d’un peuple, sans toujours être en mesure d’expliciter ce que recouvrent ces droits.</p>
<p>Pour certains, la cause palestinienne aurait pour dessein premier la création d’un État palestinien indépendant, quoiqu’il n’existe aucun consensus quant à son territoire et ses frontières : s’agit-il de la Palestine historique, celle d’avant 1948 ? Parle-t-on de la Palestine de l’après-1948, de celle issue de la guerre des Six Jours de 1967 ? Est-ce la Palestine comprise sous l’angle de la solution à deux États ou au sein d’un seul et même État avec Israël – État qui serait donc binational ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/palestine-un-pays-virtuel-au-bout-dune-route-sans-raison-98134">Palestine : un pays virtuel au bout d’une route sans raison</a>
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<p>Pour d’autres, la cause palestinienne porte avant tout sur le droit au retour des réfugiés palestiniens sur leur terre originelle, dont ils avaient été contraints de fuir en 1948 lors de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-club-des-correspondants/la-nakba-reste-presente-dans-les-memoires-en-palestine-et-au-liban_5801198.html"><em>Nakba</em></a> – la catastrophe, le désastre en arabe.</p>
<p>Au regard de la complexité de la situation proche-orientale et du temps qui a passé depuis la fondation de l’État d’Israël, une telle indétermination définitionnelle n’est pas surprenante. Le pourrissement du conflit israélo-palestinien et de la situation à Gaza comme en Cisjordanie a aussi énormément contribué à cet éclatement graduel de ce qui pouvait naguère apparaître comme une cause unifiée en plusieurs causes distinctes et pas nécessairement articulées entre elles.</p>
<p>Symptomatiquement, l’Autorité palestinienne elle-même, dans sa quête de vision pour l’avenir, s’interroge aujourd’hui sur l’essence de cette cause – sans grande clarté néanmoins – et sur les moyens d’y rallier le plus grand nombre. Au mois de décembre 2021, Mahmoud Abbas <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20211103-abbas-heading-to-russia-soon-to-revive-international-quartet/">s’entretenait ainsi par téléphone avec le président russe Vladimir Poutine</a> au sujet des « derniers développements de la cause palestinienne », puis rencontrait le maréchal Sissi à Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, pour demander le soutien de l’Égypte aux Palestiniens. Dans les deux cas, aucune proposition concrète pour promouvoir cette cause n’était cependant apportée.</p>
<h2>Pressions de la rue : la fin des Accords d’Abraham ?</h2>
<p>Il faut bien admettre que nombre d’États arabes, à commencer par l’Égypte, en paix formelle avec Israël depuis 1978, sont embarrassés par l’enchaînement des événements récents ; tout en acceptant de faciliter l’organisation et le passage de l’aide humanitaire vers Gaza, l’Égypte s’est d’ailleurs refusée à accueillir des flots de réfugiés palestiniens sur son territoire. Le discours d’appui des autorités à la cause palestinienne procède davantage de la pression exercée par la rue égyptienne, des milliers de manifestants clamant leur solidarité envers Gaza à travers le pays.</p>
<p>La colère est vive dans nombre d’autres capitales arabes, surtout après que le Hamas et le Hezbollah, avec le parrainage de l’Iran, ont appelé à plusieurs « jours de colère » en réponse à l’offensive d’Israël et au nombre toujours croissant de morts et de blessés parmi les civils à Gaza. « Mort à l’Amérique ! Mort à Israël ! », pouvait-on entendre ici et là dans les différents cortèges, ce qui illustre sans ambiguïté la persistance de la cause palestinienne, loin d’avoir été oubliée dans l’imaginaire collectif arabe et qui continue ainsi de résonner dans la conscience politique locale.</p>
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<p>La Jordanie, autre État du Proche-Orient en paix avec son voisin, a échoué à contenir des protestations massives en faveur de Gaza, et ce d’autant que les Palestiniens représentent une composante significative de la population. En Libye, des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Z5Attf7qDVk">centaines de manifestants ont brandi des drapeaux aux couleurs de la Palestine</a> et couvert leurs visages du célèbre <em>keffieh</em> palestinien, défilant en hommage aux « martyrs » de Gaza et de Cisjordanie. D’importantes foules se sont rassemblées en <a href="https://fr.timesofisrael.com/turquie-plus-de-60-blesses-lors-dune-manifestation-anti-israel/">Turquie</a> et en <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/iran-manifestations-de-soutien-aux-palestiniens-dans-plusieurs-villes-du-pays/3018904">Iran</a>, à l’extérieur des ambassades israéliennes, mais aussi britanniques, américaines et françaises, pour hurler leur indignation face à la situation et à l’inaction de la communauté internationale.</p>
<p>Se pose en outre inévitablement la <a href="https://www.iris-france.org/179388-hamas-israel-quelles-consequences-diplomatiques-et-securitaires-au-moyen-orient/">question de l’avenir des Accords d’Abraham</a> signés en septembre et décembre 2020 entre Israël et plusieurs pays arabes et musulmans (Émirats arabes unis, Bahreïn, rejoints plus tard par le Maroc et le Soudan), de même que celle de la normalisation des relations de l’État hébreu avec d’autres pays pivots du Proche-Orient, à commencer par <a href="https://theconversation.com/rapprochement-arabie-saoudite-israel-le-difficile-pari-de-washington-213139">l’Arabie saoudite</a>, qui a d’ores et déjà <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20231014-l-arabie-saoudite-suspend-les-discussions-sur-une-possible-normalisation-avec-isra%C3%ABl">suspendu tout processus de rapprochement diplomatique avec Israël</a>.</p>
<h2>Internationalisation : quel changement de donne ?</h2>
<p>À l’échelle internationale, le combat pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien n’est pas une nouveauté ; mais la guerre de Gaza revivifie cette cause. Si l’on connaît les actions du <a href="https://bdsmovement.net/">mouvement BDS (Boycott, Divestment and Sanctions)</a> en Occident, qui vise à exercer des pressions sur Israël jusqu’à l’autodétermination pleine et souveraine des Palestiniens, on a pu voir émerger ces dernières années certaines tendances nouvelles, telle la mobilisation <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20210518-palestinian-lives-matter-la-cause-palestinienne-en-plein-renouveau">« Palestinian Lives Matter »</a>, en référence au mouvement antiraciste Black Lives Matter aux États-Unis.</p>
<p>Évidemment, les Palestiniens accueillent positivement ce regain de solidarité, car ils ont toujours considéré que sans un appui extérieur fort, leur lutte de libération nationale demeurerait irréalisable. Rappelons que la <a href="https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/heurs-et-malheurs-de-l-internationalisation-de-la-cause-palestinienne">cause palestinienne s’est internationalisée</a> dès les années 1960 ; à l’époque déjà, elle était principalement portée par les <a href="https://academic.oup.com/princeton-scholarship-online/book/15814/chapter-abstract/170661043?redirectedFrom=fulltext">mouvances étudiantes et politiques de gauche</a>, qui voient toujours dans cette cause une <a href="https://newleftreview.org/issues/i57/articles/fawwaz-trabulsi-the-palestine-problem-zionism-and-imperialism-in-the-middle-east.pdf">lutte d’émancipation contre une oppression coloniale impérialiste</a>. La jeune génération palestinienne axe d’ailleurs la plupart de ses demandes autour de l’idée d’une <a href="https://theelders.org/news/palestinian-perspectives-future">égalité de droits avec les Israéliens</a>, ce qui facilite la convergence de leur cause avec d’autres luttes, anticoloniales notamment.</p>
<p>Par-delà les risques d’instrumentalisation dont elle a toujours souffert, la cause palestinienne se reconfigure donc sous nos yeux, ouverte au monde et à différents possibles. Encore faudra-t-il apprécier dans quelle mesure les reconfigurations présentes, une fois passée l’actualité immédiate, le temps de la guerre, augureront d’un quelconque progrès au niveau politique à moyen et plus long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Benraad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte actuel, la cause palestinienne, invoquée depuis 70 ans par les habitants et dirigeants des pays du Proche-Orient, revient au premier plan dans toute la région.Myriam Benraad, Responsable du Département Relations internationales & Diplomatie / Schiller International University - Professeure / Institut libre d'étude des relations internationales et des sciences politiques (ILERI), IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161332023-10-24T17:20:04Z2023-10-24T17:20:04ZConflit israélo-palestinien : le Sinaï, un enjeu clé pour l’Égypte<p>L’Égypte « ne cédera pas une partie de son territoire pour accueillir des réfugiés palestiniens » de la bande de Gaza. Le maréchal al-Sissi, chef de l’État égyptien depuis 2013, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/20/guerre-israel-hamas-l-egypte-refuse-un-afflux-de-palestiniens-de-gaza-vers-le-sinai_6195671_3210.html">a exprimé, lors d’une récente conférence de presse</a>, son opposition à cette éventualité évoquée depuis les événements tragiques du 7 octobre 2023. « Cette opération vise à pousser les Palestiniens à émigrer vers l’Égypte et cela est inacceptable », a-t-il ajouté.</p>
<p>Pourtant, le déplacement forcé de la moitié de la population du nord vers le sud de l’enclave palestinienne semble attester de l’adhésion des autorités israéliennes à cette solution et présage, pour beaucoup de Palestiniens, d’une seconde <a href="https://theconversation.com/comment-les-palestiniens-ont-ils-instaure-le-recit-de-la-nakba-en-france-204499">Nakba</a> – la <em>catastrophe</em>, nom donné à l’exode massif des Palestiniens en 1948.</p>
<p>Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, les tensions entre le régime égyptien et les autorités israéliennes sont exacerbées.</p>
<p>Ce qui est en jeu pour Le Caire, c’est la zone nord de la région égyptienne du Sinaï – et donc, comme l’affirme al-Sissi, la sécurité nationale égyptienne.</p>
<h2>Des « débordements » déjà anciens</h2>
<p>La crainte des régimes égyptiens successifs d’un « débordement » de la bande de Gaza sur le sol égyptien n’est pas nouvelle ; elle s’est matérialisée au moins une fois depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas à Gaza en 2006.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555584/original/file-20231024-17-bs4z3w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La péninsule du Sinaï, occupée par Israël de 1967 à 1982, a été restituée par Israël à l’Égypte dans le cadre des accords conclus à Camp David en 1978, entérinés par l’accord de paix israélo-égyptien de 1979. La région est « frontalière » de la bande de Gaza au nord-est. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peter Hermes Furian/Shutterstock</span></span>
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<p>En 2008, en guise de protestation contre le <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/portfolio/2008/01/21/israel-poursuit-son-blocage-de-la-bande-de-gaza-et-minimise-le-risque-de-crise-humanitaire_1001611_3218.html">blocus israélien</a>, des milliers de Gazaouis <a href="https://www.france24.com/fr/20081227-legypte-renforce-mesures-securite-a-frontiere-">forcent la frontière et entrent en Égypte, dans le Nord du Sinaï</a>, où ils achètent toutes sortes de denrées en grande quantité et demeurent plusieurs jours. Si cette incursion n’a pas été réprimée par les autorités du Caire, elle a en revanche suscité des <a href="https://www.academia.edu/9568468/Diplomaties_sans_diplomates_la_politique_%C3%A9trang%C3%A8re_%C3%A9gyptienne_%C3%A0_l%C3%A9preuve_des_solidarit%C3%A9s_transnationales_Le_cas_de_la_mobilisation_des_acteurs_non_%C3%A9tatiques_pendant_lop%C3%A9ration_Plomb_durci_%C3%A0_Gaza_M%C3%A9moire_de_Master_2010_">réactions violentes</a> de certains dirigeants égyptiens et hante toujours les esprits.</p>
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<p>S’y ajoute le développement, redoublé à partir de 2006, d’un réseau tentaculaire de tunnels entre la bande de Gaza et le Nord du Sinaï, <a href="https://www.actes-sud.fr/sites/default/files/extraits/9782742795352_extrait.pdf">générant une véritable « économie des tunnels »</a>.</p>
<p>La question d’un échange de terres ou de la cession d’une partie du Sinaï pour permettre une extension de la bande de Gaza ou même constituer une alternative à celle-ci est un thème récurrent qui a ressurgi depuis l’offensive israélienne à Gaza et le déplacement forcé de près d’un million de Palestiniens du nord vers le sud de l’enclave.</p>
<h2>Le Sinaï, terre marginalisée à forts enjeux</h2>
<p>Le Sinaï et sa population, pour l’essentiel des tribus bédouines, ont été marginalisés par les différents régimes égyptiens et n’ont jamais été totalement intégrés au reste de l’Égypte. Suite à la guerre de 1967, le territoire passe sous contrôle israélien.</p>
<p>La conclusion du traité de paix israélo-égyptien en 1979 a abouti au retrait israélien du Sinaï et au redéploiement partiel, à partir de 1982, des <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-3-page-128.htm">troupes égyptiennes dans cette région</a>. Reste que suite à cette occupation, le Sinaï a été perçu comme une « cinquième colonne » par les dirigeants politiques égyptiens, et ses habitants comme des citoyens de seconde classe. La marginalisation de cette zone a donc créé les <a href="https://laviedesidees.fr/Une-traversee-de-l-Egypte-revolutionnaire">conditions</a> d’une contestation parfois violente de la légitimité du pouvoir politique égyptien.</p>
<p>L’idée de développer le nord du Sinaï, pour le transformer en zone industrielle et générer un marché de l’emploi à l’intention des Palestiniens de Gaza, a notamment été présentée au moment de la publication du volet politique du <a href="https://www.tdg.ch/le-deal-du-si%C3%A8cle-de-trump-devient-la-claque-du-si%C3%A8cle-pour-les-palestiniens-675650987604">« deal du siècle »</a> en janvier 2020 par Donald Trump.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-palestiniens-face-au-deal-du-siecle-le-temps-de-la-reconciliation-131244">Les Palestiniens face au « deal du siècle » : le temps de la réconciliation ?</a>
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<p>Le régime égyptien s’était empressé de démentir un tel projet et ne cesse de réaffirmer ces derniers jours son refus catégorique de céder une partie du Sinaï et d’enfreindre par là même l’intégrité territoriale de l’Égypte.</p>
<h2>Les services de renseignement égyptiens en première ligne</h2>
<p>La préservation de la sécurité nationale égyptienne serait directement liée à l’évolution des conditions politiques et sécuritaires dans l’enclave palestinienne voisine. Cela explique aussi le rôle central des services de renseignement égyptiens dans les négociations indirectes de cessez-le-feu de long terme dans la bande de Gaza. Les officiers égyptiens, <a href="https://hal.science/hal-03660415/">plus que de simples « médiateurs »</a>, sont partie à ces négociations, le régime considérant le cessez-le-feu comme une condition sine qua non de la stabilité de la péninsule du Sinaï.</p>
<p>L’actuel régime égyptien présente ce lien de causalité de manière explicite en exigeant du parti islamiste palestinien sa coopération dans la « lutte contre le terrorisme ». Depuis 2013, le maréchal al-Sissi a déployé un arsenal militaire pour endiguer les menaces sécuritaires, lesquelles se concentreraient en particulier aux frontières.</p>
<p>À cet égard, la région nord du Sinaï représente un foyer central des campagnes militaires égyptiennes, appuyées notamment par les <a href="https://www.timesofisrael.com/israel-allowing-egypt-army-presence-in-north-sinai/">forces armées israéliennes</a>, et qui ont par exemple permis de détruire l’essentiel du réseau souterrain de tunnels évoqué précédemment.</p>
<h2>Un territoire propice aux contestations</h2>
<p>La péninsule du Sinaï est devenue un terrain propice à la prolifération de groupuscules islamistes contestataires du pouvoir égyptien, en particulier depuis 2011 et la révolution égyptienne – et, ainsi, un <a href="https://www.karthala.com/accueil/3266-l-egypte-de-moubarak-a-sissi-luttes-de-pouvoir-et-recompositions-politiques-9782811125608.html">enjeu de sécurité central pour les régimes égyptiens</a>.</p>
<p>La destitution du président Hosni Moubarak est en effet régulièrement présentée comme un catalyseur du développement dans cette zone de mouvements insurgés, lesquels auraient profité d’un « vide politique ». Il serait toutefois erroné de considérer les changements politiques survenus en 2011 comme l’acte de naissance de ces groupuscules ou de <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2010-4-page-107.htm">l’instabilité générale dans la péninsule du Sinaï</a>, puisque différentes attaques sont survenues au début des années 2000.</p>
<p>Toutefois, la politique de Moubarak pour endiguer ce phénomène apparaît sans commune mesure avec celles mises en œuvre à partir de 2011. Mais l’instabilité dans le Sinaï, tout comme, tout comme les soucis liés à la proximité avec la bande de Gaza, sont en grande partie le fruit d’une instrumentalisation mise en œuvre par le régime actuel.</p>
<h2>Une zone sous état d’urgence depuis 2014</h2>
<p>La mobilisation par le régime égyptien du registre de la « sécurité nationale » permet de justifier tout un ensemble de politiques sécuritaires. En outre, Le Caire s’est lancé dans un vaste projet de réaménagement territorial de la zone nord du Sinaï en employant la force.</p>
<p>Dès lors, les opérations militaires dans le Sinaï ont pris une ampleur inégalée depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal al-Sissi, en termes de capacités militaires mais aussi en <a href="https://www.researchgate.net/publication/320573645_Sinai%27s_Insurgency_Implications_of_Enhanced_Guerilla_Warfare">raison du degré de répression</a>. L’état d’urgence est décrété dans le nord du Sinaï, <a href="https://www.madamasr.com/en/2014/10/25/news/u/curfew-and-state-of-emergency-in-north-sinai-follows-deadly-attacks/">déclaré « zone militaire »</a> depuis le mois d’octobre 2014, et n’a à ce jour pas été levé.</p>
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<p>Les informations quant à l’évolution de la situation dans cette zone inaccessible aux civils sont rares. On sait toutefois que l’armée s’est livrée à des opérations de destructions massives d’habitations de civils ; un rapport de Human Rights Watch <a href="https://www.hrw.org/report/2019/05/28/if-you-are-afraid-your-lives-leave-sinai/egyptian-security-forces-and-isis">publié en 2019</a> pointe les abus et crimes de guerre de l’armée égyptienne à l’encontre des populations du nord du Sinaï depuis 2013. La création d’une zone tampon à la frontière avec la bande de Gaza, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, a engendré des déplacements forcés, mais aussi des arrestations arbitraires ou encore des assassinats entre juillet 2013 et avril 2018.</p>
<h2>Sécurité et méga-projets</h2>
<p>Le changement de perception des autorités égyptiennes vis-à-vis du dossier palestinien s’est traduit par des politiques sécuritaires menées depuis 2013, lesquelles consistent essentiellement à contenir la proximité avec la bande de Gaza en faisant de la gestion de conflit. Mais la menace que constitue l’enclave palestinienne ainsi que le nord du Sinaï est en partie le fruit d’une construction permettant au régime du maréchal al-Sissi de justifier la militarisation croissante de cette zone.</p>
<p>Les politiques de sécuritisation de la péninsule du Sinaï ont conduit à l’expropriation de terres dans cette zone et à une reconfiguration territoriale majeure avec le développement de « méga-projets » pilotés et financés par l’armée égyptienne avec <a href="https://carnegie-mec.org/2019/11/18/owners-of-republic-anatomy-of-egypt-s-military-economy-pub-80325">l’aide de riches hommes d’affaires</a> proches du <a href="https://www.africaintelligence.com/north-africa/2023/09/25/the-rise-of-militia-businessman-arjani,110056895-ge0">cercle présidentiel</a>.</p>
<p>On pense par exemple à la construction du tunnel « Tahya Masr », permettant aux habitants du nord du Sinaï et aux autorités sécuritaires égyptiennes de relier la ville d’Ismaïlia, à l’est du Caire, au nord de la péninsule, sous le canal de Suez, afin d’éviter l’isolement du Sinaï.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le projet du tunnel, « Tahya Masr », YouTube, 5 mai 2019.</span></figcaption>
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<p>Dans le cadre de ces grands chantiers de l’armée, d’autres projets de reconstruction de cette zone sont en cours, comme celle de logements à Rafah, côté égyptien de la frontière.</p>
<p>Le régime a donc d’autres projets pour le nord du Sinaï. Pourtant, il est tentant d’appréhender cette zone militaire et désertée comme un territoire propice à la fixation d’un camp de réfugiés palestiniens.</p>
<p>Cependant, la société civile égyptienne dans son ensemble, acquise à la cause palestinienne, estime que céder une partie du territoire égyptien, plus qu’une atteinte à l’intégrité territoriale du pays, reviendrait à se rendre complice d’un plan colonial israélo-américain de déplacement forcé de la population de Gaza.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Daoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Sinaï, région troublée par la présence de groupes islamistes, est une priorité sécuritaire et économique pour Le Caire, qui refuse la perspective d’un afflux de réfugiés en provenance de Gaza.Sarah Daoud, Docteure en science politique (mention relations internationales), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160552023-10-23T11:48:19Z2023-10-23T11:48:19ZConflit Hamas-Israël : les enjeux pour l'Égypte<p><em>Alors que la crise entre Israël et le Hamas se poursuit, l'Égypte fait l'objet d'une attention toute particulière. L'Égypte a une frontière commune avec Israël et Gaza, l'étroite bande de territoire palestinien qui fait <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2023/10/18/israel-le-blocus-illegal-de-gaza-est-meurtrier-pour-les-enfants">actuellement l'objet d'un blocus</a> à la suite de la violente attaque du Hamas contre Israël, une organisation islamiste radicale qui contrôle Gaza <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/conflit-israel-gaza-qu-est-ce-que-le-hamas-l-organisation-terroriste-qui-a-attaque-l-etat-hebreu_6111897.html">depuis 2007</a>.
_
Moina Spooner, de The Conversation Africa, a demandé à Ofir Winter, <a href="https://www.inss.org.il/person/winterofir/">qui étudie</a> la politique égyptienne et le conflit israélo-arabe, de donner des éclairages sur ce que signifie cette nouvelle guerre pour l'Egypte et le rôle qu'elle joue.</em>_</p>
<h2>Quelles ont été les relations entre l'Égypte, Israël et la Palestine dans le passé ?</h2>
<p>L'Égypte joue un rôle d'équilibriste dans la gestion des relations entre Israël et la Palestine. </p>
<p>L'Égypte exprime ouvertement <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-egypte-s-engage-a-gaza-pour-se-rappeler-a-l-attention-de-washington-20210519">son engagement</a> en faveur de la cause palestinienne. En effet, la quête d'autodétermination de la Palestine est une cause arabe et islamique centrale. De plus, en raison de la proximité géographique, toute escalade à Gaza aura un impact direct sur les intérêts nationaux de l'Égypte.</p>
<p>Cette position se reflète dans sa réaction à la flambée de violence entre Israël et le Hamas. Après les meurtres et les enlèvements meurtriers de civils israéliens innocents par le Hamas <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/attaque-du-hamas-contre-israel-des-nouveaux-documents-detaillent-l-offensive-contre-les-kibboutz_6132321.html">au début du mois</a>, les <a href="https://english.ahram.org.eg/NewsContent/1/1234/510287/Egypt/Foreign-Affairs/Egyptian-MPs-condemn-Israeli-aggression-on-Gaza,-s.aspx">membres du parlement</a> et les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=W3sDlhRckI0">médias publics</a> égyptiens ont présenté Israël comme l'agresseur et le Hamas comme la victime.</p>
<p>Conformément aux <a href="https://www.la-croix.com/international/Entre-lEgypte-Gaza-relations-empreintes-mefiance-2023-10-12-1201286560">évènements précédents</a>, on peut s'attendre à ce que l'Égypte prenne plusieurs mesures pour manifester sa solidarité avec les Palestiniens. Il s'agit notamment de la fourniture d'une aide humanitaire à Gaza, de l'évacuation de certains blessés vers des hôpitaux égyptiens et d'un rôle accru dans les efforts de médiation en vue d'un cessez-le-feu. Ces mesures font de l'Égypte un acteur clé dans le conflit et contribueraient à renforcer sa position régionale et internationale.</p>
<p>Cependant, l'Égypte ne veut pas non plus s'aliéner Israël. En fin de compte, les deux pays ont un intérêt commun : ils ne veulent pas voir la résurgence de l'islam politique dans la région. Cela est lié à la propre expérience de l'Égypte en matière d'organisations islamistes.</p>
<p>Le régime actuel de l'Égypte <a href="https://lematin.ma/journal/2013/le-dialogue-pour-instaurer-la-democratie-en-egypte_pourquoi-les-freres-musulmans-ont-ils-ete-evinces-du-pouvoira/186860.html">a évincé</a> les Frères musulmans en 2013 et les a mis hors la loi. La confrérie est une organisation islamiste transnationale, <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-3-page-347.htm">fondée</a> en Égypte en 1928. Ses objectifs sont de promouvoir le changement social et politique dans les pays à majorité musulmane. Après le printemps arabe en 2011, la confrérie a détenu le pouvoir en Égypte pendant un an <a href="https://www.dw.com/fr/peine-de-mort-pour-des-membres-du-mouvement-des-fr%C3%A8res-musulmans/a-44881119">avant d'être évincée</a>. </p>
<p>Le Hamas est issu des Frères musulmans, c'est pourquoi l'Égypte le perçoit comme une menace.</p>
<p>Mais malgré la méfiance de l'Égypte à l'égard du Hamas, il existe depuis 2017 <a href="https://press.un.org/fr/2017/cs13035.doc.htm">un accord</a> entre les deux pays : la coopération du Hamas dans la lutte contre le terrorisme dans le Sinaï serait assortie d'un assouplissement du blocus égyptien sur la bande de Gaza.</p>
<p>Bien que la nature des relations entre l'Égypte et Israël soient conciliantes, elles ne sont pas chaleureuses. L'Égypte a signé un <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/124">un accord de paix</a> avec Israël en 1979. Au cours de la dernière décennie, Israël s'est positionné comme un partenaire politique, sécuritaire et économique clé de l'Égypte. </p>
<p>Ces dernières années, l'Égypte a joué un rôle de <a href="https://carnegieendowment.org/sada/85037">médiateur</a> entre Israël et le Hamas et dans les efforts de reconstruction de Gaza. Cela s'explique par sa proximité avec Gaza et par le fait qu'elle contrôle <a href="https://theconversation.com/le-poste-frontiere-de-rafah-pour-les-gazaouis-une-issue-de-secours-qui-reste-close-215849">le point de passage de Rafah</a>, la seule frontière avec la bande de Gaza qui ne soit pas sous contrôle israélien. </p>
<p>Mais l'implication de l'Égypte dans la bande de Gaza est soumise à certaines limites qui ne seront pas franchies. </p>
<p>Il n'y aura pas d'engagement militaire égyptien contre Israël au profit des Palestiniens, une politique qui découle <a href="https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-and-egyptian-president-abdel-fattah-el-sisi-before-their-meeting/">principalement de l'engagement</a> de l'Égypte envers l'accord de paix de 1979 entre Israël et l'Égypte.</p>
<p>Ces dernières années, l'Égypte a joué un rôle de <a href="https://carnegieendowment.org/sada/85037">médiateur</a> entre Israël et le Hamas et dans les efforts de reconstruction de Gaza. Cela s'explique par sa proximité avec Gaza et par le fait qu'elle contrôle le point de passage de Rafah, la seule frontière avec la bande de Gaza qui ne soit pas sous contrôle israélien. </p>
<p>Il n'y aura pas non plus d'entrée massive de Gazaouis en Égypte, <a href="https://sis.gov.eg/Story/187293/Sisi-Palestinians-must-'remain-on-their-land'%2C-contacts-ongoing-for-de-escalation-in-Gaza-war?lang=en-us">selon</a> les déclarations du président Abdel Fattah el-Sisi et d'autres responsables égyptiens. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/le-poste-frontiere-de-rafah-pour-les-gazaouis-une-issue-de-secours-qui-reste-close-215849">Le poste-frontière de Rafah : pour les Gazaouis, une issue de secours qui reste close</a>
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<h2>Comment la crise actuelle affecte-t-elle l'Égypte ?</h2>
<p>L'Égypte a jusqu'à présent rejeté l'idée que des Palestiniens déplacés s'installent dans le Sinaï. Mais il est possible qu'un grand nombre de Gazaouis cherchent à entrer dans le pays. Cette situation est distincte de celle des habitants de Gaza de nationalité étrangère qui <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/11/rafah-poste-frontiere-strategique-entre-l-egypte-et-gaza_6193751_3210.html">attendent à la frontière</a> pour traverser. </p>
<p>L'Égypte s'oppose à ce que les habitants de Gaza franchissent la frontière en grand nombre, car elle s'oppose à tout empiètement sur sa souveraineté dans la péninsule du Sinaï. Elle craint surtout que les Palestiniens déplacés n'établissent une résidence permanente sur son territoire, ce qui risquerait de compromettre une situation sécuritaire et économique déjà délicate.</p>
<p>La situation représente également un risque important pour la sécurité de l'Égypte.</p>
<p>Tout d'abord, les violations de frontières par des réfugiés de Gaza, dont certains peuvent être des individus armés affiliés au Hamas ou à d'autres groupes radicaux, pourraient exporter l'instabilité dans le Sinaï. Pour l'Égypte, il existe un risque de voir se multiplier les attaques terroristes et l'instabilité, comme c'était le cas dans le Sinaï avant l'accord de 2017 avec le Hamas. Certains de ces attentats <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2014-4-page-143.htm">ont été perpétrés</a> par des cellules militantes bien armées et entraînées basées à Gaza.</p>
<p>Deuxièmement, un coup dur porté au Hamas pourrait entraîner un manque de gouvernance, le chaos et l'instabilité à Gaza. Cette instabilité pourrait donner lieu à la contrebande d'armes et de combattants le long de la frontière entre l'Égypte et la bande de Gaza.</p>
<p>L'autre menace pour la sécurité est que des actes terroristes pourraient être lancés depuis le Sinaï vers Israël par des groupes militants palestiniens, ce qui mettrait en péril les relations délicates entre Israël et l'Égypte.</p>
<h2>Comment l'Égypte a-t-elle réagi et que doit-elle faire maintenant ?</h2>
<p>Depuis le début de la guerre, l'Égypte s'efforce de désamorcer la situation à Gaza et mène des pourparlers avec Israël, le Hamas, l'Autorité palestinienne, les États-Unis, l'Iran et d'autres acteurs régionaux et internationaux. </p>
<p>La Ligue arabe s'est déjà réunie au Caire et <a href="https://www.bfmtv.com/international/afrique/egypte/egypte-un-sommet-regional-et-international-sur-la-cause-palestinienne-aura-lieu-samedi_AD-202310161049.html">une conférence internationale</a> devrait avoir lieu en Égypte le 20 octobre. L'Egypte cherche également à établir un corridor humanitaire pour l'acheminement de nourriture et de médicaments vers la bande de Gaza. </p>
<p>À ce stade, l'Égypte a plus de contrôle que la plupart des autres acteurs internationaux régionaux sur l'issue du conflit, et a beaucoup d'intérêts à préserver. </p>
<p>L'issue du conflit pourrait apporter certains avantages. Par exemple, l'Égypte souhaite le <a href="https://press.un.org/fr/2017/cs13035.doc.htm">retour de l'Autorité palestinienne</a>, qui est plus disposée à s'engager dans la diplomatie et les négociations, en tant qu'autorité dirigeante à Gaza. Un scénario dans lequel le Hamas serait considérablement affaibli pourrait ouvrir la voie à de nouveaux développements, incluant éventuellement le retour progressif de l'Autorité palestinienne. Dans ce cas, l'Égypte et Israël pourraient trouver un voisin plus pragmatique de l'autre côté de leurs frontières. </p>
<p>Si le Hamas perd le pouvoir à la fin de la guerre, l'Égypte sera très probablement impliquée dans la phase de transition gouvernementale. Comme au cours des <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-international/20231019-guerre-isra%C3%ABl-hamas-quel-r%C3%B4le-peut-jouer-l-%C3%A9gypte">dernières années</a>, l'Égypte devrait être le canal par lequel l'aide et les fonds des pays arabes et de la communauté internationale seront transférés à Gaza, participer à son processus de reconstruction et être un facteur d'influence dominant pour façonner son avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216055/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ofir Winter does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>L'Égypte joue les équilibristes en gérant ses relations avec Israël et la Palestine.Ofir Winter, Senior Researcher, Institute for National Security Studies, Tel Aviv UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160502023-10-22T15:15:57Z2023-10-22T15:15:57ZQuelle stratégie israélienne pour Gaza ?<p>« Destruction du Hamas », « réoccupation militaire », « ruines », « massacres et expulsions de civils »… Dans <a href="https://theconversation.com/israel-hamas-le-sujet-meme-de-la-paix-a-disparu-215287">l’affrontement actuel entre l’armée israélienne et le Hamas</a>, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire les avenirs possibles de la bande de Gaza.</p>
<p>Au-delà des objectifs militaires à court terme, la question est bel et bien politique. Alors que les responsables israéliens avancent des propositions différentes et parfois mutuellement exclusives sur le sort futur de l’enclave, les leçons des 56 dernières années (c’est en 1967, à l’issue de la guerre des Six Jours, qu’Israël a pris le contrôle de la bande de Gaza, auparavant occupée par l’Égypte) seront-elles tirées, de sorte qu’une véritable solution viable à long terme s’impose ?</p>
<p>Au vu des propos tenus actuellement à Tel-Aviv, et de l’incapacité de la communauté internationale à peser réellement sur ce dossier, cela semble peu probable. Répondre à la question du devenir de Gaza implique de regarder en face l’échec de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens, qui a largement consisté à les séparer d’Israël et à les contraindre à vivre dans des enclaves, et d’envisager les différents scénarios de sortie de guerre.</p>
<h2>Les options militaires immédiates</h2>
<p>Suite à l’attaque terroriste et aux prises d’otages du Hamas du 7 octobre, l’armée israélienne a repris le contrôle des localités attaquées. Elle a organisé la mobilisation de 300 000 réservistes et rassemblé des chars au nord de Gaza, tout en lançant une campagne de bombardements intensive.</p>
<p>Les intentions israéliennes restent, pour le moment, générales : « éliminer » le Hamas <a href="https://fr.timesofisrael.com/yoav-gallant-la-bande-de-gaza-ne-sera-plus-jamais-ce-quelle-etait/">selon le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant</a>, ou encore transformer ses zones d’opération « en ruines » pour reprendre les <a href="https://www.leparisien.fr/international/attaques-contre-israel-chaque-zone-dans-laquelle-le-hamas-opere-sera-une-ruine-menace-netanyahou-09-10-2023-NI2X4FBYN5DULH7TE4QPQW4C4U.php">termes de Benyamin Nétanyahou</a>.</p>
<p>Israël prépare également une incursion terrestre dans des zones urbaines très denses où le Hamas bénéficie d’un réseau structuré de tunnels contenant des caches d’armes, dont l’entrée peut se situer <a href="https://china.elgaronline.com/display/edcoll/9781839108891/9781839108891.00023.xml">dans des habitations, des bâtiments agricoles ou des mosquées</a>.</p>
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<p>Les Israéliens bénéficient d’une expérience de combat en contexte urbain après leurs actions <a href="https://www.c-dec.terre.defense.gouv.fr/images/documents/retex/29_naplouse_sud_liban_zurb.pdf">à Naplouse en 2002 ou encore au Liban en 2006</a>. Ils ont appris à <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/10/08/gaza-passer-a-travers-les-murs-x/">se déplacer à travers les murs</a>, grâce notamment à des technologies de détection et au recours à des balles pénétrantes. Ils connaissent les limites et les dangers de ces opérations terrestres, longues et à grande échelle, par rapport à des interventions limitées à l’intérieur des enclaves palestiniennes comme celles qu’ils ont conduites récemment <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/04/apres-le-raid-de-l-armee-israelienne-a-jenine-les-habitants-denoncent-une-punition-collective_6180441_3210.html">à Jénine et à Naplouse</a>.</p>
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<p>En guise de représailles, l’armée israélienne a aussi mis fin à l’approvisionnement en eau (avant de le rétablir dans le sud), en fuel et en électricité dont dépend en grande partie la bande de Gaza. Ces mesures ne sont pas neuves. Elles s’inscrivent dans le <a href="https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2022/06/19/quinze-ans-de-blocus-sur-la-bande-de-gaza_6131001_6116995.html">blocus maritime et terrestre de la bande de Gaza à l’œuvre depuis 2007</a>. Les importations de certains produits dans la bande sont limitées, ce qui affecte l’économie agricole et celle du bâtiment (souligner cela n’exonère en rien de critiquer la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2018-3-page-23.htm?contenu=resume">gestion économique du territoire par le Hamas</a>), tout en ayant de graves répercussions sur les civils (comme l’a rappelé la <a href="https://press.un.org/fr/2009/cs9567.doc.htm">résolution 1860 du Conseil de sécurité</a>, respectée ni par Israël ni par le Hamas).</p>
<p>Les Égyptiens participent également de ce blocus : <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/face-au-siege-de-gaza-legypte-dans-lembarras-20231014_H6KRQOKAIBHEXANY7NJLPKIYOQ/">méfiants à l’égard du Hamas</a>, ils ont tenté à de nombreuses reprises de <a href="https://fr.timesofisrael.com/legypte-detruit-12-tunnels-de-contrebande-a-gaza/">détruire les tunnels</a> creusés sous la frontière entre leur territoire et la bande de Gaza.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-poste-frontiere-de-rafah-pour-les-gazaouis-une-issue-de-secours-qui-reste-close-215849">Le poste-frontière de Rafah : pour les Gazaouis, une issue de secours qui reste close</a>
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<p>Tout se passe comme si cette enclave était une entité complètement déconnectée d’Israël et de la Cisjordanie. Pourtant, si les colons et militaires israéliens ont effectivement été évacués de Gaza en 2005 sur décision d’Ariel Sharon, Gaza n’en demeure pas moins, depuis lors, un territoire contrôlé par Israël de l’extérieur, notamment par des points de passage et une « barrière ». Le Hamas en a pris violemment le contrôle au détriment du Fatah en 2007. Les Israéliens ont aussi joué la carte de la division palestinienne, ce qui est aujourd’hui <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/10/11/israel-netanyahou-a-explicitement-renforce-le-hamas-une-conversation-avec-nitzan-horowitz/">reproché à Benyamin Nétanyahou</a>, de nombreux observateurs estimant que sa stratégie a renforcé l’implantation du Hamas à Gaza.</p>
<p>Les considérations tactiques et humanitaires, urgentes, masquent en tout état de cause la question du statut politique de la bande de Gaza et de la stratégie politico-militaire israélienne, appuyée par ses alliés internationaux.</p>
<h2>Quelle stratégie israélienne à long terme ?</h2>
<p>L’administration américaine, traditionnellement très peu critique envers les décisions prises par les autorités israéliennes, se montre aujourd’hui inquiète. Elle a demandé à Israël de préciser sa stratégie pour Gaza. Il est vrai que les positions avancées par les dirigeants de Tel-Aviv sont diverses. <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1697433150-israel-n-a-aucun-interet-a-occuper-gaza-selon-l-ambassadeur-d-israel-a-l-onu-gilad-erdan">« Nous n’avons aucun intérêt à occuper Gaza ou à rester à Gaza »</a>, a déclaré l’ambassadeur israélien auprès des Nations unies, Gilad Erdan, le 12 octobre. Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux leaders de l’opposition, ont <a href="https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/les-etats-unis-pressent-israel-delaborer-une-strategie-en-cas-de-renversement-du-hamas/">rejoint le gouvernement d’unité nationale</a> à la condition qu’un plan opérationnel de sortie de Gaza après une incursion soit formulé.</p>
<p>En politique israélienne, voilà longtemps que l’on entend des voix qui appellent au nettoyage ethnique. Ces derniers jours, des députés du Likoud souhaitaient publiquement une <a href="https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2023-10-17/ty-article-opinion/palestinian-expulsion-amid-the-fog-of-war/0000018b-39f9-d5b8-a78b-f9f92b720000">« Nakba 2 »</a> en référence à l’exil forcé de 600 à 800 000 Palestiniens en 1948. Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen a annoncé une <a href="https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/eli-cohen-a-la-fin-de-la-guerre-le-hamas-disparaitra-et-la-bande-de-gaza-diminuera/">« diminution du territoire de Gaza » après la guerre</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1713594002090365127"}"></div></p>
<p>De manière générale, le gouvernement de droite et d’extrême droite de Benyamin Nétanyahou revendique sans s’en cacher une poursuite accrue de la colonisation, voire tout simplement l’annexion de pans des territoires palestiniens. En mars, la ministre des Implantations et des Missions nationales Orit Strock appelait à une <a href="https://www.timesofisrael.com/then-we-retake-gaza-hardline-minister-hails-repealing-of-west-bank-disengagement/">recolonisation de Gaza</a>.</p>
<p>Est-il possible de détruire le Hamas sans pour autant expulser de la bande de Gaza de très nombreux civils palestiniens et, au-delà, sans avoir au préalable élaboré une stratégie politique pour l’avenir de ce territoire ? C’est difficile à croire tant l’histoire de l’occupation nous a prouvé le contraire.</p>
<h2>Les enseignements de l’histoire</h2>
<p>Depuis 1967, les <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/israelpalestine-lillusion-separation-4">formes de l’occupation israélienne</a> de Gaza et de la Cisjordanie ont évolué, tant dans les processus bureaucratiques qui régissent la vie des Palestiniens (permis de déplacement, construction d’habitations, regroupement familial, travail en Israël) que dans les outils de contrôle (checkpoints, surveillance, renseignement, mur, emprisonnement). Les formes de l’opposition palestinienne ont également évolué (des plus pacifiques, comme le <a href="https://theconversation.com/lavenir-incertain-de-la-palestine-a-la-cour-penale-internationale-202162">recours au droit international</a>, aux plus violentes comme celles prônées par le Hamas et <a href="https://www.lefigaro.fr/international/conflit-israel-hamas-qu-est-ce-que-le-djihad-islamique-palestinien-suspecte-d-avoir-frappe-un-hopital-a-gaza-20231018">d’autres groupes djihadistes</a>).</p>
<p>Dans un premier temps, jusqu’aux années 1990, les Israéliens ont administré la vie des Palestiniens, intégrant leur force de travail à leur économie tout en exploitant et colonisant la terre. Leur souci a toujours été de dissocier la gestion de la vie des habitants palestiniens (qu’ils <a href="https://www.cairn.info/revue-a-contrario-2005-2-page-66.htm">ne voulaient pas incorporer en trop grand nombre à un État majoritairement juif</a>) du contrôle de la terre de Cisjordanie ou de Gaza.</p>
<p>Les années 1990 ont été ensuite marquées par la séparation tant politique que spatiale d’avec les Palestiniens, et ce d’autant plus que s’étiolait le processus de paix et s’aggravaient les attentats contre les Israéliens. Le politiste <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520255319/israels-occupation">Neve Gordon</a> analyse l’occupation dans cette phase comme une délégation de la gestion des Palestiniens à l’Autorité palestinienne, ainsi qu’aux ONG et aux organisations internationales, tout en poursuivant la colonisation et en accentuant le contrôle des mobilités au nom de la sécurité des Israéliens.</p>
<p>Un système de ségrégation spatiale s’est donc mis en œuvre pour que les mobilités des Palestiniens contournent les zones israéliennes. Ce système a offert aux Israéliens, traumatisés par la Seconde Intifada (2000-2005), une illusion de séparation, comme si le danger avait été repoussé de l’autre côté du mur, dans les enclaves palestiniennes.</p>
<p>Gaza est le modèle type de cette stratégie de l’enclave conjuguant contrôle extérieur, incursions militaires limitées mais régulières pour détruire les tunnels et les capacités des groupes armés palestiniens, délégitimation de l’Autorité palestinienne, <a href="https://www.inss.org.il/wp-content/uploads/2018/01/GazaCrisis_ENG-115-128.pdf">dissociation de ses habitants d’avec les Palestiniens de Cisjordanie</a> et appauvrissement de la population. Ce cocktail a permis la montée du Hamas, qui revendique, depuis sa fondation, la lutte armée contre Israël. Cette stratégie sécuritaire où se retrouvent face à face armée israélienne et Hamas permettait aussi de ne pas prendre de décisions politiques majeures sur le sort des Palestiniens, ni de s’engager dans une négociation politique.</p>
<h2>Regards internationaux</h2>
<p>Le 7 octobre 2023 est une tragédie incommensurable dans le conflit israélo-palestinien. Cet événement consacre l’échec de la politique israélienne à l’égard de Gaza et de la question palestinienne en général. L’option strictement sécuritaire n’est plus à même de contenir la violence. Dès lors, on peine à envisager les <a href="https://www.972mag.com/gaza-nakba-sinai-egypt-israel/">scénarios possibles</a> de sortie de guerre. Transférer la gestion des Palestiniens de Gaza à l’Égypte ou à des organisations internationales ? Réinstaurer à Gaza le pouvoir de l’Autorité palestinienne (<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/19/israel-hamas-en-cisjordanie-le-jour-de-toutes-les-coleres-se-retourne-contre-l-autorite-palestinienne_6195389_3210.html">très décriée en Cisjordanie</a>) ? Déplacer la population vers certaines zones de Gaza, vers le Sinaï ou la Jordanie (<a href="https://www.rtbf.be/article/guerre-israel-gaza-l-egypte-s-oppose-a-un-deplacement-des-palestiniens-au-sinai-et-en-jordanie-11273791">ce que refusent en chœur l’Égypte et la Jordanie</a>) ? Annexer et contrôler militairement des pans de la bande ?</p>
<p>Tous ceux qui s’intéressent au vivre ensemble des deux peuples doivent réactiver une voie de résolution politique et multilatérale de l’occupation et aborder de manière critique la difficile question de la stratégie israélienne à Gaza et de l’autodétermination des Palestiniens. Il peut paraître naïf d’exprimer cela au milieu d’une guerre d’une telle violence. Pourtant, les relations israélo-palestiniennes sont affaire de positionnements internationaux depuis la déclaration Balfour de 1917. Après la Syrie, l’Ukraine et le Karabakh, elles sont aussi un nouveau test de la possibilité de gouverner les relations internationales et interethniques par le droit international et le multilatéralisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Simonneau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte actuel, marqué par le terrible bilan humain des attaques commises le 7 octobre par le Hamas, les responsables israéliens envisagent essentiellement des issues.Damien Simonneau, Maître de conférences en science politique à l'INALCO, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159592023-10-20T12:35:21Z2023-10-20T12:35:21ZQue pensent les Palestiniens de Gaza du Hamas ? Des sondages révèlent qu'ils se soucient davantage de lutte contre la pauvreté que de résistance armée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554569/original/file-20231017-19-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C155%2C5725%2C3673&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qui parle au nom des Palestiniens de Gaza ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/woman-walks-past-a-mural-painting-depicting-fellow-news-photo/1203649009?adppopup=true">Mohammed Abed/AFP via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Avec l’intensification de la guerre entre Israël et le Hamas, <a href="https://www.cnn.com/2023/10/16/opinions/israel-hamas-gaza-palestinians-oppose-terror-mohammed/index.html">des observateurs régionaux et internationaux formulent des hypothèses</a> sur le soutien des habitants de Gaza au Hamas.</p>
<p>Des affirmations erronées telles que celles de Ron DeSantis, candidat à la présidence des États-Unis, qui prétend que tous les habitants de Gaza sont « <a href="https://richardhetu.com/2023/10/16/tous-les-gazaouis-sont-antisemites-selon-desantis/">antisémites</a> », ou celles qui reprochent aux Gazaouis d’avoir « <a href="https://apnews.com/article/desantis-israel-hamas-gaza-palestinian-refugees-water-73a468f8d030e083844d16e82684c406">élu le Hamas</a> », peuvent influencer les débats non seulement en ce qui a trait à la perception de la guerre, mais aussi pour ce qui est des plans d’aide aux habitants de Gaza dans les mois à venir.</p>
<p>Tout <a href="https://twitter.com/JacobMagid/status/1714005428428816552?s=20">effort de reconstruction</a> ou de <a href="https://www.npr.org/2023/10/16/1206100831/israel-hamas-war-gaza-water-blinken-palestine">distribution d’aide</a> pourrait être mis en balance avec les craintes que des insurgés du Hamas se trouvent au sein de la population de Gaza.</p>
<p>Dans mes travaux de recherche sur le salafisme djihadiste et l’islamisme, j’ai constaté que des mouvements militants <a href="https://academic.oup.com/book/33569/chapter-abstract/288035047?redirectedFrom=fulltext">provoquaient des interventions militaires</a> pour exploiter le chaos qui s’ensuivait. En outre, ces groupes <a href="https://www.understandingwar.org/report/isis-governance-syria">prétendent souvent gouverner</a> dans l’intérêt « légitime » des populations qu’ils dominent, même si celles-ci <a href="https://merip.org/2018/10/mosul-will-never-be-the-same/">rejettent leur autorité</a>.</p>
<p>Comme <a href="https://warontherocks.com/2023/10/a-major-pivot-in-hamas-strategy/">l’ont fait remarquer plusieurs commentateurs</a>, le Hamas espère sans doute susciter une <a href="https://www.foreignaffairs.com/israel/war-hamas-always-wanted">réaction disproportionnée</a> de la part d’Israël, mais aussi utiliser les répercussions violentes de l’intervention pour entretenir la dépendance des habitants de Gaza à son égard et détourner l’attention de ses propres <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2023/07/gaza-pressure-builds-hamas-solve-power-crisis-amid-heat-wave">échecs en matière de politique intérieure</a>.</p>
<h2>Politiciens et Gaza</h2>
<p>Les dirigeants des deux parties en conflit ont tenté de justifier leurs actions. Souvent, ils utilisent leur perception de l’opinion publique gazaouie pour soutenir leurs objectifs politiques.</p>
<p>Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, a affirmé que <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20231009-haniyeh-outlines-context-and-objectives-of-hamas-operation-al-aqsa-flood/">les actions du Hamas représentaient les habitants de Gaza</a> et « l’ensemble de la communauté arabo-musulmane ». Selon lui, le recours à la violence par le Hamas se fait au nom des Palestiniens <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/9/17/israeli-forces-attack-palestinian-worshippers-at-al-aqsa-mosque">agressés dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa</a> en septembre 2023, ou <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/former-hamas-chief-meshaal-says-israeli-captives-include-high-ranking-officers-2023-10-16/">qui ont souffert</a> aux mains des <a href="https://www.pbs.org/newshour/show/israel-military-launches-largest-attacks-on-west-bank-in-nearly-20-year">forces de sécurité israéliennes</a>, ou à cause des <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/10/6/palestinian-killed-as-israeli-settlers-attack-west-bank-town-of-huwara">colons</a> en <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-65973383">Cisjordanie.</a></p>
<p>Le président israélien Isaac Herzog a quant à lui suggéré que <a href="https://news.yahoo.com/israeli-president-says-no-innocent-154330724.html">tous les habitants de Gaza portaient une responsabilité</a> collective à l’égard du Hamas. En conséquence, a-t-il conclu, Israël agira contre Gaza et sa population pour défendre ses propres intérêts.</p>
<p>L’administration Biden, qui s’est bien gardée de condamner les bombardements israéliens, a cherché à adopter une approche plus large face à l’escalade. Dans une <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/15/us/politics/biden-israel-gaza.html">entrevue</a> et sur les médias sociaux, le <a href="https://x.com/POTUS/status/1713525125478228437">président américain Joseph Biden a affirmé</a> que « l’écrasante majorité des Palestiniens n’a rien à voir avec les attaques épouvantables du Hamas » et qu’au contraire, elle en souffre. <a href="https://www.cbsnews.com/news/president-joe-biden-2023-60-minutes-transcript/">Cette souffrance</a>, a ajouté M. Biden, nécessite la levée à terme du « <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-67051292">siège total</a> » de Gaza mis en place par Israël.</p>
<p>Dans chaque exemple, les politiciens ont utilisé leurs présomptions concernant les habitants de Gaza pour appuyer leurs politiques. Mais ces derniers ont leur propre façon de voir les choses.</p>
<h2>Comment les Gazaouis perçoivent-ils le Hamas ?</h2>
<p>Une analyse de l’opinion publique gazaouie au fil du temps révèle un désespoir constant de vivre sous le blocus israélien.</p>
<p>Un sondage réalisé en juin 2023 par <a href="https://www.pcpsr.org/en/node/192">Khalil Shikaki</a>, professeur de sciences politiques et directeur du Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages, indique que <a href="https://pcpsr.org/en/node/944">79 % des habitants de Gaza soutiennent l’opposition</a> armée à l’occupation israélienne du territoire palestinien. Un sondage réalisé par le Washington Institute en juillet 2023 révèle que seuls <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/polls-show-majority-gazans-were-against-breaking-ceasefire-hamas-and-hezbollah">57 % des Gazaouis ont une opinion « plutôt positive</a> » du Hamas.</p>
<p><iframe id="Dbv0L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Dbv0L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une lecture poussée de ces sondages montre une situation plus nuancée. Considérons que, en 2018, environ <a href="https://www.unicef.org/sop/what-we-do/health-and-nutrition">25 % des femmes de Gaza risquaient de mourir en accouchant</a>, 53 % des Gazaouis vivaient dans la pauvreté et les fournitures de soins de santé essentiels étaient très limitées. La même année, Shikaki a constaté qu’un nombre croissant de Gazaouis étaient mécontents du gouvernement du Hamas et que près de 50 % d’entre eux espéraient <a href="https://pcpsr.org/en/node/740">quitter la bande de Gaza</a>.</p>
<p>Dans <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/polls-show-majority-gazans-were-against-breaking-ceasefire-hamas-and-hezbollah">un sondage réalisé en juin 2023</a> par le Washington Institute, 64 % des habitants de Gaza réclament une amélioration des soins de santé, de l’emploi, de l’éducation et souhaitent un retour à une certaine normalité au lieu de la « résistance » revendiquée par le Hamas. Plus de 92 % des Gazaouis se disent ouvertement mécontents de leurs conditions de vie.</p>
<p>En outre, comme l’a rapporté Shikaki, plus de 73 % des répondants estiment que le gouvernement du Hamas est corrompu. Les habitants de Gaza n’ont toutefois pas d’espoir de changement électoral. Aucune élection n’ayant eu lieu depuis 2006, la majorité des habitants actuels de Gaza <a href="https://www.cia.gov/the-world-factbook/countries/gaza-strip/#people-and-society">n’étaient pas en âge de voter pour le Hamas</a>.</p>
<p>Le soutien à la résistance armée n’a pas toujours existé. Quand le Hamas a ouvertement combattu l’Autorité palestinienne – qui gouverne la Cisjordanie et a remis en cause la légitimité de la victoire du Hamas – et pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007, <a href="https://www.pcpsr.org/en/node/230">plus de 73 % des Palestiniens</a> se sont dits opposés à cette prise de pouvoir et à tout conflit armé.</p>
<p>À l’époque, moins d’un tiers des habitants de Gaza soutenaient une action militaire contre Israël et plus de 80 % d’entre eux <a href="https://www.pcpsr.org/en/node/231">condamnaient les enlèvements, les incendies criminels et la violence aveugle</a>.</p>
<h2>Évolution de l’opinion gazaouie</h2>
<p>Les sondages réalisés auprès des habitants de Gaza de 2007 à 2023 sont révélateurs. Ils montrent clairement que le soutien des Gazaouis à la résistance armée s’est accru parallèlement à une hausse de la frustration, de la colère et du désespoir devant l’absence de solution politique à leurs souffrances.</p>
<p>En 2017, <a href="https://cmes.fas.harvard.edu/people/sara-roy">Sara Roy</a>, chercheuse qui étudie l’économie palestinienne et l’islamisme, s’est penchée sur <a href="https://www.lrb.co.uk/the-paper/v39/n12/sara-roy/if-israel-were-smart">la tolérance des habitants de Gaza à l’égard du Hamas</a>, notant que « ce qui est nouveau, c’est le sentiment de désespoir que l’on peut constater du fait que les gens sont désormais prêts à repousser des limites qui étaient autrefois inviolables. »</p>
<p>Les Gazaouis, explique-t-elle, en particulier ceux de moins de 30 ans (75 % de la population), appuient largement, même si à des degrés divers, le Hamas ou ses prétentions à une légitimité islamique. Le Hamas, disent-ils, verse des salaires alors que peu d’organismes peuvent le faire. Risquer d’être pris pour cible par les soldats israéliens constitue un risque calculé et acceptable si cela permet de recevoir une paye.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A man in a cap paints the word Hamas in large letters on a wall." src="https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554406/original/file-20231017-15-ig0cva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un partisan du Hamas affiche son soutien avant les élections de 2006 à Gaza.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/palestinian-supporters-of-hamas-movement-write-slogans-for-news-photo/56511960?adppopup=true">Mahmud Hams/AFP via Getty Images.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2019, <a href="http://pcpsr.org/en/node/752">27 % des Gazaouis considéraient que le Hamas</a> était responsable de leurs conditions de vie. Dans le même sondage, <a href="https://trumpwhitehouse.archives.gov/peacetoprosperity/">55 % des répondants soutenaient tout plan de paix qui inclurait</a> un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale et un retrait israélien de tous les territoires occupés.</p>
<p>En 2023, lorsque <a href="https://pcpsr.org/en/node/944">les habitants de Gaza interrogés</a> par Shikaki ont exprimé leur soutien à la résistance armée, ils l’ont fait car ils considéraient que cette résistance pourrait alléger le blocus et le siège israéliens mieux que toute politique électorale. Cependant, les personnes interrogées ont aussi exprimé leur exaspération face à la corruption du Hamas et à la persistance du chômage et de la pauvreté dans la bande de Gaza.</p>
<h2>Désespoir palestinien et objectifs du Hamas</h2>
<p>Toute perspective de retour à la normale semble disparue pour de nombreux Gazaouis, et le Hamas affirme agir en tant que « <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20231009-haniyeh-outlines-context-and-objectives-of-hamas-operation-al-aqsa-flood/">résistance légitime</a> ».</p>
<p>Avec <a href="https://www.csis.org/analysis/war-gaza-and-death-two-state-solution">des négociations de paix</a> au point mort depuis 2001, le <a href="https://carnegieendowment.org/sada/84509">report des élections</a>, <a href="https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20231017-bande-de-gaza-qu-est-ce-que-le-poste-fronti%C3%A8re-de-rafah-bombard%C3%A9-par-isra%C3%ABl">l’impossibilité de sortir</a> de Gaza et l’aggravation de la <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/10/16/gazas-dire-humanitarian-crisis-explained">crise humanitaire</a>, toute une génération de Gazaouis se retrouvent devant un horizon bouché.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Several people, including women and children, running out of their homes. Behind them are some partially damaged buildings." src="https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554403/original/file-20231017-17-3hn1z2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des familles palestiniennes quittent précipitamment leurs maisons après que des frappes aériennes israéliennes ont visé leur quartier dans la ville de Gaza, au centre de la bande de Gaza, le 17 octobre 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/APTOPIXIsraelPalestinians/03fd329d897d481d8297182a223fd77a/photo?Query=gaza&mediaType=photo&sortBy=&dateRange=Anytime&totalCount=34246&currentItemNo=2">AP Photo/Abed Khaled</a></span>
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<p>« <a href="https://www.newsweek.com/im-gaza-i-cant-get-milk-my-crying-baby-i-feel-helpless-1835192">La mort est partout</a>, a déclaré Omar El Qattaa, 33 ans, photographe basé à Gaza, et la mémoire est effacée. »</p>
<p>Des sondages de 2023 ayant montré qu’une majorité de Gazaouis ne veut pas d’une rupture du cessez-le-feu avec Israël, le Hamas a mené ses attaques d’octobre contre la volonté populaire. Le désespoir ressenti par El Qatta et des <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/gaza-residents-who-have-lost-family-fear-more-destruction-ground-assault-looms-2023-10-15/">millions d’autres habitants de Gaza</a> risque d’être instrumentalisé par le Hamas. Comme l’écrit <a href="https://mleavitt.net/">Matthew Leavitt</a>, expert du Hamas, ce mouvement considère la politique, la charité, la violence politique et le terrorisme comme <a href="https://yalebooks.yale.edu/book/9780300122589/hamas/">des outils complémentaires et légitimes</a> pour poursuivre ses objectifs politiques.</p>
<p>Comme <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2023/10/17/some-palestinians-support-hamas-attack-on-israel/71201312007/">l’affirme</a> Khaldoun Barghouti, chercheur palestinien basé à Ramallah, les bombardements continus d’Israël ont atténué la frustration à l’égard du Hamas, du moins à court terme. Ces agressions ont transformé la condamnation du Hamas pour les attaques d’octobre en une colère contre Israël.</p>
<p>Il reste à voir si cela se traduira par un soutien à des solutions alternatives au Hamas dans les mois à venir. Tout dépendra de la capacité des acteurs internationaux à regagner la confiance des Gazaouis tout en les aidant à trouver des options pour remplacer un gouvernement et un mouvement militant qu’ils considéraient comme corrompus et incapables de répondre à leurs besoins fondamentaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215959/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathan French ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiciens utilisent leurs présomptions concernant les habitants de Gaza pour appuyer leurs politiques. Mais ces derniers ont leur propre façon de voir les choses.Nathan French, Associate Professor of Religion, Miami UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160222023-10-19T20:37:10Z2023-10-19T20:37:10ZLe Hamas et le Hezbollah pourraient-ils s’allier face à Israël ?<p>Alors qu’Israël se prépare à mener une <a href="https://theconversation.com/gaza-has-been-blockaded-for-16-years-heres-what-a-complete-siege-and-invasion-could-mean-for-vital-supplies-215359">opération militaire massive</a> contre le Hamas à Gaza, le risque de voir ce conflit s’étendre à l’ensemble du Proche-Orient se profile à l’horizon. La menace immédiate la plus grave pour Israël provient du Hezbollah, groupe armé et parti politique basé au Liban, frontalier d’Israël au nord.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/hamas-what-you-need-to-know-about-the-group-that-attacked-israel-215288">Hamas</a> et le <a href="https://theconversation.com/why-hezbollah-matters-so-much-in-a-turbulent-middle-east-88111">Hezbollah</a> sont tous deux soutenus par l’Iran et considèrent l’affaiblissement d’Israël comme leur principale raison d’être. Toutefois, ces deux groupes ne sont pas identiques. Leurs différences auront probablement un impact direct sur leurs actions – et sur celles d’Israël – dans les jours et les semaines à venir.</p>
<p>Contrairement au Hamas, le Hezbollah n’est jusqu’ici jamais entré en guerre uniquement au nom de la seule cause palestinienne. Cela <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/16/it-will-be-worse-than-hamas-order-to-evacuate-strikes-fear-into-north-israel">pourrait changer</a>. Le groupe libanais n’est pas encore totalement entré dans le conflit actuel, mais il a déjà <a href="https://video.lefigaro.fr/figaro/video/des-explosions-retentissent-apres-un-echange-de-tirs-entre-israel-et-le-hezbollah-libanais/">échangé des tirs</a> avec les forces israéliennes. Entre-temps, l’Iran a déclaré qu’une extension de la guerre apparaissait <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-10-16/iran-says-expansion-israel-hamas-war-becoming-inevitable">« inévitable »</a>.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Hezbollah ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.pbs.org/frontlineworld/stories/lebanon/thestory.html">« parti de Dieu »</a> se présente comme un mouvement de résistance chiite. Son <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-hezbollah">idéologie</a> est axée sur l’expulsion des puissances occidentales du Moyen-Orient et sur le <a href="https://www.reuters.com/article/us-lebanon-hezbollah-idUSTRE5AT3VK20091130">rejet</a> du droit d’Israël à l’existence.</p>
<p>Le groupe a été créé en 1982, en pleine guerre civile libanaise (1975-1990), après qu’Israël a envahi le Liban en représailles à des attaques perpétrées par des factions palestiniennes basées dans ce pays. Il a rapidement été soutenu par l’Iran et son Corps des Gardiens de la révolution, qui lui ont fourni des fonds et des armes, ainsi que des formations militaires pour ses membres, dans le but d’étendre l’influence iranienne au sein des États arabes.</p>
<p>La force militaire du Hezbollah a continué à se développer après la fin de la guerre civile libanaise en 1990, malgré le désarmement de la plupart des autres factions. Le groupe s’est focalisé sur la <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20220527-its-worth-remembering-that-it-was-hezbollah-that-liberated-south-lebanon-from-israels-occupation-through-armed-struggle/">« libération »</a> du Liban d’Israël, et s’est engagé dans des années de guérilla contre les forces israéliennes occupant le Sud-Liban, jusqu’au retrait d’Israël en 2000. Le Hezbollah a alors largement concentré ses opérations sur la récupération par le Liban de la zone frontalière contestée des <a href="https://kroc.nd.edu/assets/227136/israel_hezbollah.pdf">fermes de Chebaa</a>.</p>
<p>En 2006, le Hezbollah a livré une guerre de cinq semaines à Israël – une guerre visant à <a href="https://www.aljazeera.com/news/2006/7/12/hezbollah-captures-israeli-soldiers">régler des comptes avec l’État hébreu</a> plus qu’à libérer la Palestine. Ce conflit a causé la mort <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/what-is-hezbollah-lebanese-group-backing-hamas-its-war-with-israel-2023-10-16/">d’au moins 158 Israéliens et plus de 1 200 Libanais</a>, pour la plupart des civils.</p>
<p>À partir de 2011, pendant la guerre civile syrienne, le pouvoir du Hezbollah s’est encore accru, ses forces venant à l’aide du président syrien Bachar Al-Assad, allié à l’Iran, dans sa confrontation avec des rebelles majoritairement sunnites. En 2021, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le groupe comptait <a href="https://apnews.com/article/middle-east-lebanon-beirut-civil-wars-hassan-nasrallah-a3c10d99cca2ef1c3d58dae135297025">100 000 combattants</a> (bien que <a href="https://www.timesofisrael.com/for-a-change-hezbollahs-boast-of-100000-fighters-is-not-aimed-at-israel/">d’autres estimations</a> évaluent ses effectifs dans une fourchette allant de 25 000 à 50 000 hommes). Il dispose d’un arsenal militaire sophistiqué ; il est notamment équipé de roquettes de précision et de drones.</p>
<p>Le groupe existe également en tant que parti politique au Liban et y exerce une <a href="https://www.chathamhouse.org/2021/06/how-hezbollah-holds-sway-over-lebanese-state">influence significative</a>, si bien qu’on le qualifie souvent d’<a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1057/9780230623293_6.pdf">« État dans l’État »</a>. Huit de ses membres ont été élus pour la première fois au Parlement libanais en 1992 ; son poids a constamment progressé, et en 2018, une coalition dirigée par le Hezbollah a formé un gouvernement.</p>
<p>Le Hezbollah a conservé ses 13 sièges (sur 128 au total) au Parlement lors des élections de 2022, mais la coalition qu’il dirigeait a perdu sa majorité et le pays n’a actuellement pas de <a href="https://www.politico.eu/article/lebanese-hold-their-breath-as-fears-grow-hezbollah-will-pull-them-into-war/">gouvernement pleinement opérationnel</a>. D’autres partis libanais accusent le Hezbollah de <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/what-is-lebanons-hezbollah-2023-10-08/">paralyser et saper l’État</a>, et de contribuer à l’instabilité persistante du Liban.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Hamas ?</h2>
<p>« Hamas », qui se traduit littéralement par « zèle », est un <a href="https://www.jstor.org/stable/4017719">acronyme arabe</a> signifiant « mouvement de résistance islamique ». Le mouvement a été fondé en 1987, à Gaza, en tant qu’émanation des Frères musulmans, un important groupe sunnite historiquement basé en Égypte.</p>
<p>Apparu au cours de ce que l’on appelle la première intifada ou soulèvement des Palestiniens contre l’occupation israélienne, le <a href="https://www.wiley.com/en-ae/Hamas:+The+Islamic+Resistance+Movement-p-9780745642963">Hamas</a> a rapidement adopté le principe de la résistance armée et a appelé à l’anéantissement d’Israël.</p>
<p>La situation politique palestinienne a évolué de manière significative après les <a href="https://justvision.org/glossary/oslo-accords">accords d’Oslo de 1993</a>, négociés entre le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans le but d’établir un accord de paix global.</p>
<p>Opposée au processus de paix, la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, s’est imposée comme la principale force de résistance armée) contre Israël. Elle a lancé une série d’attentats suicides à la bombe qui se sont poursuivis pendant les premières années de la deuxième Intifada (2000-2005), avant de passer aux <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/how-hamas-secretly-built-mini-army-fight-israel-2023-10-13/">roquettes</a>, dont l’emploi récurrent est devenu sa tactique principale.</p>
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<p>De même que le Hezbollah, le Hamas est un parti politique. Il a remporté les élections législatives en 2006 et, en 2007, il a pris le contrôle de la bande de Gaza <a href="https://www.aljazeera.com/news/2011/5/4/timeline-hamas-fatah-conflict">à l’issue d’affrontements sanglants</a> avec le parti rival, le Fatah, qui a fait plus de 100 morts. Depuis lors, le Hamas contrôle la bande de Gaza et ne tolère aucune opposition politique. Il n’a jamais organisé d’élections, et ses adversaires politiques et détracteurs sont fréquemment arrêtés, des <a href="https://www.hrw.org/report/2018/10/23/two-authorities-one-way-zero-dissent/arbitrary-arrest-and-torture-under">rapports d’ONG de défense des droits humains</a> faisant état de tortures.</p>
<p>Au cours de cette période, la branche armée du Hamas est devenue de plus en plus sophistiquée. Son arsenal comprend désormais des milliers de roquettes, y compris des <a href="https://theconversation.com/the-unprecedented-attack-against-israel-by-hamas-included-precise-armed-drones-and-thousands-of-rockets-215241">missiles à longue portée et des drones</a>.</p>
<h2>En quoi le Hamas et le Hezbollah se distinguent-ils ?</h2>
<p>Le Hamas reçoit de plus en plus de fonds, d’armes et d’entraînement en provenance de Téhéran ; pour autant, <a href="https://www.ft.com/content/a06e7ea0-a7f8-4058-85b7-30549dd71443">il ne se trouve pas dans la même situation de dépendance vis-à-vis de l’Iran</a> que le Hezbollah qui, pour sa part, est <a href="https://www.brookings.edu/articles/hezbollah-revolutionary-irans-most-successful-export/">presque exclusivement soutenu par ce pays</a> et qui reçoit ses directives de la République islamique.</p>
<p>De plus, en tant qu’organisation sunnite, le Hamas ne partage pas le lien religieux chiite avec l’Iran qui caractérise le Hezbollah et la plupart des autres mandataires de Téhéran. Si le Hamas bénéficie sans aucun doute du patronage de l’Iran, il tend à opérer de manière plus indépendante que le Hezbollah.</p>
<p>En effet, le Hamas <a href="https://www.france24.com/en/middle-east/20231014-qatar-iran-turkey-and-beyond-the-galaxy-of-hamas-supporters">a été soutenu</a> dans le passé par la Turquie et par le Qatar, entre autres, et opère avec une relative autonomie. Le groupe a également longtemps été en désaccord avec l’Iran, les deux parties <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-16/ty-article/.premium/hezbollah-isnt-hamas-so-israel-fights-them-differently/0000018b-34e4-d450-a3af-7dfcca110000">défendant des positions opposées en Syrie</a>.</p>
<p>À l’heure actuelle, le conflit est essentiellement une guerre entre Israël et le Hamas. Le Hezbollah reste toutefois une menace pour Israël. S’il est activé par l’Iran, son implication totale changerait rapidement le cours du conflit et ouvrirait probablement la voie au déclenchement d’une guerre régionale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie M Norman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une implication totale du Hezbollah dans le conflit en cours entre Israël et le Hamas ouvrirait probablement la voie à une guerre régionale.Julie M Norman, Associate Professor in Politics & International Relations & Co-Director of the Centre on US Politics, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.