tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/perturbateurs-endocriniens-35896/articlesperturbateurs endocriniens – The Conversation2023-09-13T19:52:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2134762023-09-13T19:52:30Z2023-09-13T19:52:30ZPFAS : les pailles « écologiques » contiennent aussi ces « polluants éternels » potentiellement dangereux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547999/original/file-20230830-23-ynvc9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=666%2C0%2C3150%2C2160&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des PFAS ont été découverts dans presque toutes les pailles en papier et en bambou testées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/top-view-female-swirling-her-berry-2067942485">Sia Footage/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les pailles en papier et en bambou sont souvent présentées comme étant plus écologiques que leurs homologues en plastique. Cependant, une nouvelle étude a révélé que ces ustensiles prétendument « durables » contiennent des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19440049.2023.2240908">produits chimiques potentiellement toxiques, les polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles</a> (PFAS).</p>
<p>Parfois également dénommées <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html">« polluants éternels »</a>, les PFAS forment un vaste groupe de plus de 4 000 substances chimiques synthétiques. En raison de leurs propriétés hydro- et oléophobes, ces composés sont utilisés dans une grande variété d’articles du quotidien, depuis les poêles antiadhésives jusqu’aux emballages de fast-food.</p>
<p>Le problème est que les PFAS peuvent <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/es0710499">persister dans l’environnement pendant des milliers d’années</a>, et que l’exposition à ces produits est associée à <a href="https://www.epa.gov/pfas/our-current-understanding-human-health-and-environmental-risks-pfas">divers problèmes de santé, tant chez les êtres humains que chez les animaux</a>.</p>
<p>Les travaux qui ont révélé la présence de PFAS dans des pailles « durables » ont été menés par une équipe de chercheurs belges. Ces derniers ont analysé diverses sortes de pailles vendues dans le commerce, sous 39 marques différentes, afin de déterminer si elles contenaient des PFAS. Ces substances se sont avérées être présentes dans quasiment toutes les pailles en papier et en bambou testées. EIles ont également été détectées dans des pailles en plastique et en verre, mais moins fréquemment.</p>
<p>Le PFAS le plus souvent détecté était l’acide perfluorooctanoïque, <a href="https://www.oecd.org/chemicalsafety/portal-perfluorinated-chemicals/countryinformation/european-union.htm">dont la fabrication a pourtant été interdite dans l’Union européenne depuis 2020</a>, pour des raisons de sécurité. On sait cependant que ce produit se retrouve dans d’anciens produits de consommation recyclés, et qu’il persiste dans l’environnement.</p>
<p>Cela pourrait expliquer au moins en partie pourquoi des PFAS ont été retrouvés dans les pailles testées : cette contamination pourrait être le résultat de l’utilisation, pour produire les pailles, de plantes cultivées sur des sols pollués par des PFAS. Elle pourrait aussi être due à l’utilisation de papier recyclé dans lequel ces substances étaient présentes.</p>
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<img alt="Deux œufs au plat dans une poêle" src="https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545493/original/file-20230830-23-s5ngfb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les PFAS sont utilisés dans une grande variété d’ustensiles du quotidien, comme les poêles antiadhésives.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/two-fried-eggs-pan-olive-oil-700699756">Dmitry Galaganov/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Comment ont été détectés ces « polluants éternels » ?</h2>
<p>Les chercheurs ont eu recours à deux méthodes pour détecter les PFAS dans les pailles. Tout d’abord, ils ont recherché, grâce à une méthode très sensible appelée <a href="https://www6.versailles-grignon.inrae.fr/green_chemistry_platform/Instruments/UPLC-MS-MS">chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem</a>, la présence de 29 des PFAS les plus courants et, le cas échéant, les ont quantifiés. Résultat : sur les 29 molécules recherchées, 16 étaient présentes à des concentrations détectables.</p>
<p>Pour détecter d’autres PFAS, les auteurs ont mis en œuvre un protocole de criblage qui leur a permis de détecter deux membres supplémentaires de cette famille : l’acide trifluoroacétique (TFA) et l’acide trifluorométhanesulfonique (TFMS).</p>
<p>Le TFA était présent dans cinq des huit marques de pailles en papier testées et le TFMS, dans six d’entre elles. Les deux composés ont aussi été détectés dans une seule et même paille de bambou.</p>
<p>Étant donné que le TFA n’est utilisé que dans le cadre d’un nombre limité d’applications industrielles, les chercheurs qui ont mené ces travaux ont émis l’hypothèse que sa présence dans les pailles pourrait provenir de la décomposition d’hydrocarbures halogénés. Ces hydrocarbures sont utilisés plus largement que le TFA, puisqu’on les emploie comme solvants industriels, comme intermédiaires dans certaines synthèses chimiques, voire comme agents de nettoyage à sec.</p>
<p>Les raisons de la présence de TFMS dans les pailles sont en revanche incertaines. On sait cependant que ce composé <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.9b02211">est détecté sur les sites où des mousses extinctrices ont été utilisée</a>s.</p>
<h2>Faut-il s’inquiéter ?</h2>
<p>Les consommateurs pourraient être directement exposés aux PFAS présents dans les pailles qu’ils utilisent, car ces composés sont libérés dans les boissons où elles trempent. Les pailles jetées (ou recyclées) pourraient également entraîner une exposition indirecte, en contaminant les sols, l’eau, les plantes ou les matériaux recyclés qui en proviendraient.</p>
<p>Cette situation est préoccupante, car on sait aujourd’hui que l’exposition aux PFAS présente des risques considérables pour la santé des personnes, de la faune et de l’environnement.</p>
<p>Des travaux de recherche ont révélé qu’une exposition des femmes aux PFAS était associée à un risque accru de réduction de leur fertilité, <a href="http://www.mountsinai.org/about/newsroom/2023/exposure-to-chemicals-found-in-everyday-products-is-linked-to-significantly-reduced-fertility">risque d’autant plus élevé que le niveau de ladite exposition était élevée</a>. Par ailleurs, l’exposition de femmes enceintes aux PFAS a été associée <a href="https://www.epa.gov/pfas/our-current-understanding-human-health-and-environmental-risks-pfas">à une augmentation de leur tension artérielle</a>. En outre, leurs enfants seraient plus à risque de présenter des problèmes développementaux tels que poids de naissance plus faible, puberté précoce, voire à un risque accru de survenue de certains cancers.</p>
<p>Il a aussi été démontré que l’exposition aux PFAS compromet la capacité du système immunitaire à lutter contre les infections. En 2020, une étude danoise a établi que la gravité des infections à la Covid <a>semblait être aggravée par l’exposition à certains PFAS</a>.</p>
<p>L’exposition aux PFAS a également été associée à une <a href="https://cfpub.epa.gov/si/si_public_record_Report.cfm?dirEntryId=357537&Lab=CCTE">diminution de la capacité reproductive chez les oiseaux</a>, ainsi qu’au <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221475001530010X?via%3Dihub">développement de tumeurs</a> et à des perturbations des fonctions immunitaire et rénale chez d’autres animaux.</p>
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<p>En 2022, <a href="https://doi.org/10.3389/ftox.2022.1010185">une étude</a> menée sur 75 <a href="https://www.britannica.com/animal/American-alligator">alligators d’Amérique</a> de la rivière Cape Fear, en Caroline du Nord, aux États-Unis, a par exemple révélé que l’ensemble des animaux testés avaient des PFAS dans le sang. Ces niveaux de PFAS se sont avérés associés à des perturbations des fonctions immunitaires et à des maladies auto-immunes. Rappelons que ces animaux sont une espèce protégée…</p>
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<img alt="Un alligator d’Amérique prenant le soleil sur un lit de roseaux" src="https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545490/original/file-20230830-28-su1eps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sang de tous les alligators de la rivière Cape Fear testés en 2022 comportait des PFAS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/very-large-north-american-alligator-sunning-119147755">Denton Rumsey/Shutterstock</a></span>
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<p>Ces produits chimiques sont maintenant si répandus dans l’environnement qu’il est presque impossible pour les humains et la faune de ne pas y être exposés. Cela peut se produire de diverses manières, non seulement via la consommation d’eau ou d’aliments contaminés, mais aussi via l’air, voir par contact cutané, via de la poussière ou des particules souillées par les PFAS.</p>
<p>L’utilisation de pailles en acier inoxydable pourrait permettre de se protéger de la source d’exposition supplémentaire aux PFAS que constituent les pailles de papier ou de bambou. En effet, les auteurs de l’étude belge n’ont enregistré aucune quantité détectable de PFAS dans ce type d’ustensiles métalliques.</p>
<p>Il est toutefois important de noter que bien que les pailles en acier inoxydable puissent réduire l’exposition aux PFAS, elles pourraient néanmoins exposer leurs utilisateurs à d’autres substances nocives, telles que les métaux lourds. Or, certains de ces métaux, notamment le chrome et le nickel, ont été associés <a href="https://www.atsdr.cdc.gov/csem/chromium/physiologic_effects_of_chromium_exposure.html">à des problèmes de santé graves</a> touchant le cœur, les poumons, le système digestif, les reins et le foie.</p>
<p>En conséquence, la meilleure décision à prendre en l’état actuel de la situation est probablement d’éviter autant que possible d’utiliser des pailles pour consommer ses boissons…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213476/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ovokeroye Abafe reçoit des fonds de la Commission européenne, de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de NAS-USAID et de la Fondation nationale de la recherche d'Afrique du Sud.</span></em></p>Les pailles de papier ou de bambou dites « écologiques » contiennent des PFAS, des « polluants éternels » associés à de nombreux problèmes de santé, tant chez les humains que chez les animaux.Ovokeroye Abafe, Lecturer, Brunel University LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900232022-09-13T19:22:17Z2022-09-13T19:22:17ZFournitures scolaires : le grand flou des substances chimiques et leurs dangers<p>Septembre est traditionnellement un mois de retour en classe, qui se traduit dans les commerces par un rayon papeterie et autres fournitures plus dense qu’à l’ordinaire. Or, depuis quelques années, la rentrée s’est accompagnée de plusieurs études conduites par le <a href="https://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/consumers-consumer-products/danish-surveys-on-consumer-products/">Danish Environmental Protection Agency</a>, l’<a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/845-choisir-des-fournitures-scolaires-sans-risque-pour-la-sante-9791029713385.html">Ademe</a>, l’<a href="https://kiosque.quechoisir.org/magazine-mensuel-quechoisir-616-septembre-2022/">UFC Que choisir</a> ou encore <a href="https://www.60millions-mag.com/2017/08/29/fournitures-scolaires-chassez-les-toxiques-11320">60 Millions de Consommateurs</a> qui ont mis en évidence la présence ou l’émission de substances chimiques (notamment des <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2009sa0331Ra-106.pdf">phtalates</a>, du <a href="https://www.anses.fr/fr/content/formald%C3%A9hyde-vers-la-recherche-d%E2%80%99alternatives">formaldéhyde</a>, des substances allergisantes, etc.) dans les fournitures scolaires ou de bureau.</p>
<p>Des signaux qui ont poussé l’Anses à s’autosaisir sur le sujet.</p>
<p>Inhalées, ingérées ou en contact avec la peau, ces substances chimiques peuvent pour certaines entraîner des effets sur la santé : certains phtalates (utilisés comme plastifiants) peuvent être toxiques pour la reproduction ou des perturbateurs endocriniens, etc. ; le formaldéhyde (utilisé comme biocide, dans les résines ou encore comme conservateur) est sensibilisant cutané et cancérogène…</p>
<p>Ces effets pourraient être observés notamment chez les enfants, qui ont tendance à mettre à la bouche certains objets. Ces produits étant utilisés au quotidien, l’Agence a ainsi décidé d’<a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2020AUTO0157.pdf">identifier les substances qui y sont spécifiquement présentes</a>.</p>
<p>Aucune catégorisation officielle des fournitures scolaires et de bureau n’existe aujourd’hui que ce soit en France, en Europe ou dans le monde. Ainsi, dans le cadre de cette étude, l’Anses a réalisé des recherches des différentes catégorisations proposées et combinées ensemble afin de proposer sa propre classification. Il est rappelé que les nouvelles technologies (ex. tablette) ne sont pas considérées dans cette étude.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Une réglementation et des données lacunaires</h2>
<p>En France et en Europe, les fournitures scolaires ne relèvent d’aucune réglementation spécifique que ce soit pour leur composition, leur fabrication ou leur utilisation.</p>
<p>Il faut cependant noter que les réglementations européennes <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-reach">REACh</a> (qui sécurise la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie en Europe) et <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/produits-chimiques-classification-etiquette-et-emballage">CLP</a> (destiné à la communication sur les dangers des substances chimiques et mélanges au niveau européen) s’appliquent, ainsi que la directive de sécurité générale des produits n°2010/95/CE. Certains jouets (stylos pailletés, peintures au doigt, etc.) peuvent également être utilisés comme fournitures scolaires, mais eux entrent dans un <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:170:0001:0037:FR:PDF">cadre réglementaire plus restrictif conformément à la directive n° 2009/48/CE</a>.</p>
<p>L’Anses a donc réalisé une synthèse de la littérature disponible concernant les substances chimiques présentes ou émises par les fournitures scolaires et de bureau. Elle a fait le constat que cette <strong>thématique est très peu documentée</strong>. Les études portant sur les fournitures scolaires ou de bureau portent principalement sur l’émission de substances chimiques, et minoritairement sur le transfert par contact cutané (sujet pour lequel il y a des données issues de modélisation).</p>
<p>Dans la littérature scientifique, peu d’études spécifiques à la composition chimique des fournitures scolaires ont ainsi pu être identifiées. Néanmoins, quelques institutions se sont focalisées sur certaines d’entre elles, en particulier le Danish EPA. En 2007, l’agence danoise a par exemple identifié la présence de phtalates dans des gommes par des essais de composition.</p>
<h2>Quelques exemples malgré tout</h2>
<p>Le Danish EPA a réalisé une évaluation des risques en s’intéressant aux expositions orales ou cutanées aux phtalates. S’il n’a pas mis en évidence de risque général, il a toutefois estimé pour l’un des phtalates que l’ingestion quotidienne d’un morceau de gomme, ou le fait d’en sucer ou mâchouiller une petite quantité sur une longue période, pouvait présenter un risque pour la santé des enfants.</p>
<p>Cependant, pour les quelques évaluations de risques disponibles/existantes, relativement anciennes (à l’exception de celle concernant les phtalates dans les gommes), aucun risque n’avait été mis en évidence.</p>
<p>Des associations de consommateurs telles qu’UFC Que choisir ou 60 millions de consommateurs se sont également intéressées à la problématique. Elles ont réalisé des analyses chimiques sur différentes fournitures scolaires telles que les stylos billes ou les surligneurs. L’UFC Que choisir a publié récemment de nouveaux essais de composition mettant en évidence que 40 % des fournitures testées contenaient des substances chimiques.</p>
<p>Ainsi, malgré une littérature scientifique et « grise » (non soumise à des comités de lecture ou issue d’instituts tels que l’Anses ou ses homologues dans le monde) relativement faible, l’Anses constate que les familles de substances chimiques les plus régulièrement étudiées, ou le plus souvent identifiées lors des analyses, sont :</p>
<ul>
<li><p>les <strong>phtalates</strong> (dont l’Anses note qu’ils ne sont recherchés que dans des articles contenant du PVC). Certains ont été trouvés dans des <strong>gommes</strong> et de la <strong>pâte à modeler</strong>.</p></li>
<li><p>les <a href="https://expertises.ademe.fr/professionnels/entreprises/reduire-impacts/reduire-emissions-polluants/dossier/composes-organiques-volatils-cov/definition-sources-demission-impacts"><strong>composés organiques volatils</strong></a> (COV), dont le formaldéhyde, le chloroforme ou le toluène souvent utilisés comme solvants. Potentiellement toxiques, cancérigènes et mutagènes, plusieurs ont été retrouvés dans des <strong>surligneurs</strong>, <strong>marqueurs</strong>, <strong>gommes</strong>, <strong>stylos parfumés</strong>, <strong>crayons de bois</strong>, <strong>colles</strong>, <strong>rubans adhésifs</strong>…</p></li>
<li><p>le <strong>benzène</strong>, parfois retrouvé dans les <strong>colles</strong>.</p></li>
<li><p>des <strong>métaux (tels que le chrome hexavalent, le cadmium, le nickel, le plomb)</strong>, ponctuellement retrouvés dans la <strong>peinture à doigt</strong> ou les marqueurs pour tableau blanc.</p></li>
<li><p>des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-dans-le-collimateur"><strong>PFAS</strong></a> (per et polyfluoroalkyls) émis par des feuilles de papier.</p></li>
<li><p>des <strong>colorants</strong>, retrouvés pour certains dans des <strong>stylos-feutres</strong>.</p></li>
<li><p>des <strong>conservateurs</strong> (isothiazolinones…),</p></li>
<li><p>des <strong>substances parfumantes</strong>, utilisées dans certains <strong>feutres</strong> et <strong>crayons de couleur</strong>.</p></li>
<li><p>des résines, qui ont quant à elles, été trouvées dans des <strong>colles</strong> ou des <strong>encres</strong>.</p></li>
</ul>
<p>Plusieurs de ces substances sont classées au niveau européen comme sensibilisantes cutanées, cancérigènes… et sont déjà interdites ou restreintes, dans les jouets notamment.</p>
<p>Certaines de ces substances font l’objet d’alertes <a href="https://ec.europa.eu/safety-gate-alerts/screen/webReport">Safety Gate</a> (ex Rapex) régulières. Safety Gate est le système européen d’alerte rapide pour les produits dangereux non alimentaires qui facilite les échanges d’informations entre 31 pays et la Commission européenne sur les produits présentant un risque pour la santé, la sécurité des consommateurs et les mesures prises.</p>
<h2>Les conclusions et recommandations de l’Anses</h2>
<p>En conclusion, l’étude de l’Anses, malgré une littérature ancienne et peu abondante, a mis en évidence l’émission ou la présence de nombreuses substances chimiques dans les fournitures scolaires et de bureau qui, pour certaines d’entre elles, présentent des propriétés de sensibilisation cutanée, de perturbation endocrinienne ou de cancérogénicité. L’Anses a mis en évidence le fait que les fournitures scolaires et de bureau ne relevaient d’aucune réglementation spécifique que ce soit pour leur composition, leur fabrication ou leur utilisation.</p>
<p>L’<strong>exposition à</strong> <strong>certaines de ces substances</strong> peut être facilement limitée, comme nous le détaillons ci-dessous. Par conséquent, l’Anses conseille aux consommateurs de privilégier les fournitures ne contenant ni substances parfumantes, ni paillettes ou autre artifice qui pourraient inciter les enfants à les « mâchouiller », voire à les avaler.</p>
<p><strong>Pour protéger la santé des consommateurs, celle des enseignants ou du personnel travaillant en bureau et plus particulièrement celle des enfants, l’Agence appelle à revoir la réglementation actuelle.</strong></p>
<p>L’Anses recommande d’appliquer à l’ensemble des fournitures scolaires la réglementation relative à la sécurité des jouets, où le volet chimique interdit ou limite la présence d’un grand nombre de substances telles que les <a href="https://www.substitution-cmr.fr/index.php?id=22">CMR, ou agents chimiques cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction</a>), des substances allergisantes, le chrome, le plomb, etc.</p>
<p>Ainsi en intégrant les fournitures scolaires et de bureau dans la directive sur la sécurité des jouets, un grand nombre de substances chimiques déjà identifiées seraient interdites ou restreintes à de faibles concentrations.</p>
<p>Enfin, l’Anses recommande aux fabricants et distributeurs de supprimer certaines substances dangereuses telles que des substances parfumantes, les substances volatiles… sans attendre les évolutions réglementaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question de la sécurité des fournitures scolaires a fait l’actualité cette rentrée. Dispose-t-on des données et outils permettant un bon suivi des produits chimiques concernés ? L’Anses a enquêté.Céline Dubois, Ingénieur Chimiste - Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775722022-08-29T18:17:27Z2022-08-29T18:17:27ZL’exposition à certains produits chimiques pendant la grossesse perturbe le développement du cerveau<p>Chaque année, rien qu’aux États-Unis, des milliers de <a href="https://ntp.niehs.nih.gov/annualreport/2020/annualreport_508.pdf#page=34">nouveaux composés chimiques</a> <a href="https://ntp.niehs.nih.gov/ntp/about_ntp/ntpvision/ntproadmap_508.pdf#page=6">sont produits</a>. Ils s’ajoutent aux dizaines de milliers déjà <a href="https://www.unep.org/beatpollution/forms-pollution/chemical">commercialement accessibles</a>.</p>
<p>Ces substances entrent dans la composition d’une vaste gamme de produits, notamment, mais pas uniquement, des dérivés du plastique, dont on sait aujourd’hui qu’ils pénètrent dans les organismes vivants via plusieurs voies : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969721060812">l’eau qu’ils absorbent</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122003140">aliments qu’ils consomment</a> ou même <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021001884">l’air qu’ils respirent</a>.</p>
<p>Certes, dans la vie quotidienne, les niveaux d’exposition aux substances chimiques individuelles sont souvent inférieurs aux valeurs limites légales, déterminées expérimentalement. Mais le problème est que ces expositions individuelles ne reflètent pas toujours les risques que représentent ces produits pour la santé humaine.</p>
<p>En effet, des substances chimiques qui, prises séparément, n’ont qu’un effet limité peuvent avoir des effets beaucoup plus délétères <a href="https://europepmc.org/article/MED/11993873">lorsqu’elles sont présentes dans des mélanges complexes</a>.</p>
<p>Cet <a href="https://www.inserm.fr/c-est-quoi/unhappy-hour-c-est-quoi-effet-cocktail/">« effet cocktail »</a> a été à nouveau mis en évidence par une étude publiée cette année dans la revue Science.</p>
<p>En associant des données d’études épidémiologiques à des expériences menées sur des modèles cellulaires et animaux aquatiques, un groupe de recherche international, dont nous faisons partie, a montré que la perturbation hormonale induite par l’exposition à un mélange de huit substances chimiques du quotidien <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abe8244">a un impact sur le développement cérébral et l’acquisition du langage des enfants</a>. Retour sur ces résultats, et sur les perspectives qu’ils ouvrent.</p>
<h2>Une cohorte pour étudier l’impact des produits chimiques sur les enfants à naître</h2>
<p>Contrairement à la majorité des études précédentes, qui s’était concentrée sur les effets de composés uniques, les travaux auxquels nous avons participé visaient à analyser les conséquences de l’exposition à un mélange de composés chimiques dotés de propriétés de perturbations endocriniennes, à des niveaux d’exposition réels.</p>
<p>Pour mémoire, les perturbateurs endocriniens sont des substances capables d’interférer avec le fonctionnement des hormones (messagers chimiques), et ce, à des concentrations extrêmement faibles. Les conséquences de ces interactions sont potentiellement très délétères, car les hormones interviennent dans un grand nombre de processus fondamentaux : prolifération et migration des cellules pendant le développement fœtal, métabolisme, reproduction, stress, nutrition, sommeil…</p>
<p>Nos résultats ont été obtenus grâce à des données issues de l’étude de la cohorte SELMA, menée à l’université de Karlstad, en Suède. Cette étude suit environ 2 000 paires mères-enfants depuis le début de la grossesse, en passant par l’accouchement et jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge scolaire.</p>
<p>L’objectif général de SELMA est d’étudier l’impact de l’exposition à des substances chimiques suspectées ou avérées de perturber le système endocrinien en début de grossesse sur la santé et le développement de l’enfant plus tard dans la vie. Pour mémoire,</p>
<p>l’étude SELMA a déjà permis d’établir un lien entre l’exposition à différents produits chimiques et le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abe8244">développement du sexe de l’enfant, les problèmes respiratoires, le développement cognitif et la croissance pendant l’enfance</a>.</p>
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<p>L’originalité de l’approche, qui a donné lieu à une publication dans la revue scientifique Science, est d’avoir intégré non seulement des données épidémiologiques telles que celle de l’étude SELMA, mais aussi des données de toxicologie expérimentale et enfin de proposer une nouvelle approche d’évaluation du risque lié à l’exposition à des mélanges. Pour ce faire, ces travaux se sont déroulés en trois étapes.</p>
<h2>Identification du mélange de produit chimique</h2>
<p>Dans un premier temps, la surreprésentation d’un mélange de huit produits chimiques dans le sang et l’urine des femmes enceintes de la cohorte SELMA a été corrélée avec un retard de langage chez les enfants à l’âge de 30 mois (moins de cinquante mots énoncés). Plusieurs des constituants de ce mélange étaient connus pour avoir des effets perturbateurs endocriniens.</p>
<p>C’était par exemple le cas du <a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">bisphénol A</a> (un composé utilisé pour la fabrication de plastiques et de certaines résines époxy) ou de certains composés chimiques <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/documents/rapport-synthese/impregnation-de-la-population-francaise-par-les-composes-perfluores-programme-national-de-biosurveillance-esteban-2014-2016">perfluorés</a> (utilisés dans un grand nombre de produits de consommation courante et industriels, des cosmétiques aux mousses à incendie en passant par les vêtements imperméabilisés). D’autres composés de ce mélange, comme certains phtalates (phtalate de diéthyle, phtalate de dibutyle et phtalate de benzyle et de butyle), avaient été <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2707907">associés à un retard de langage chez les enfants à 30 mois</a> par de précédentes recherches.</p>
<p>Ces effets avaient été précédemment identifiés grâce à des recherches d’association menées sur chaque produit individuellement. Cette fois, l’objectif était de déterminer leurs effets en tant que mélange. Une fois le mélange identifié, il a été donc recréé par des chimistes afin de l’étudier plus en détail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">Perturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème</a>
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<h2>Étude expérimentale</h2>
<p>Après cette première étape d’identification, les scientifiques ont dans un second temps mené des expériences afin d’étudier le mode d’action du mélange de produits chimiques. Ils ont utilisé pour cela des modèles expérimentaux variés, afin d’identifier les cibles moléculaires via lesquelles ce mélange pouvait agir dans l’organisme.</p>
<p>Il s’agissait d’évaluer sa capacité à perturber la régulation médiée par les hormones, mais aussi des <a href="https://faseb.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1096/fasebj.2022.36.S1.0R700">gènes impliqués dans le développement cérébral</a> <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2790722">ou associés avec un déficit cognitif et intellectuel</a> et ce, à des niveaux d’exposition pertinents chez l’être humain.</p>
<p>Cette étape a été menée notamment sur des organoïdes de cerveau humain (<em>des cultures de cellules capables de s’organiser pour reproduire certaines fonctions des tissus de l’organe qu’ils représentent. Il s’agit en quelques sortes de « mini-organes », ndlr</em>). Grâce à ces outils, il a été possible de reproduire les principaux aspects du développement de notre cerveau. Les chercheurs ont ainsi pu, pour la première fois, étudier directement les effets moléculaires de ce mélange de produits chimiques sur le tissu cérébral fœtal humain.</p>
<p>Des modélisations informatiques ont par ailleurs permis d’analyser les effets du mélange sur des réseaux de gènes impliqués dans la différenciation des neurones et régulés par de nombreuses hormones notamment les hormones <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31760043">thyroïdiennes</a>. Dans cette même étude, des aspects de perturbation thyroïdienne et de perturbation du comportement de nage ont pu être démontrés chez un amphibien et chez le poisson-zèbre.</p>
<p>Les données obtenues sur l’ensemble de ces modèles expérimentaux ont ensuite été analysées, afin d’identifier les voies hormonales majoritairement perturbées. Les résultats ont révélé une conservation des propriétés perturbatrices du mélange de produits chimiques chez les vertébrés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-compagnons-biologiques-un-atout-pour-la-medecine-du-futur-109304">Les « compagnons biologiques », un atout pour la médecine du futur</a>
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<h2>Des conclusions inquiétantes</h2>
<p>Dans un troisième temps, les résultats de ces études expérimentales ont été utilisés pour élaborer de nouveaux outils d’évaluation des risques liés à l’exposition à des mélanges de produits chimiques.</p>
<p>L’ensemble de ces travaux a permis de mettre en évidence qu’à des concentrations réalistes, le mélange de produits étudié perturbe des réseaux de régulation sous influence hormonale dans les organoïdes de cerveau humain comme dans les modèles animaux <em>Xenopus leavis</em> et <em>Danio rerio</em>.</p>
<p>En analysant les données épidémiologiques, nous avons pu montrer que jusqu’à 54 % des enfants avaient subi des expositions prénatales supérieures aux niveaux considérés comme préoccupants dans notre étude (qui ont été déterminés expérimentalement).</p>
<p>Les enfants situés dans le décile supérieur d’exposition présentaient un risque 3,3 fois plus élevé de retard de langage que ceux situés dans le décile inférieur (le retard de langage a été choisi comme critère, car il s’agit d’un marqueur précoce de déficit intellectuel).</p>
<p>L’une des principales voies hormonales affectées est celle des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31920955/">hormones thyroïdiennes</a>. Sachant que des niveaux optimaux d’hormones thyroïdiennes maternelles sont nécessaires en début de grossesse pour la croissance et le développement du cerveau, il n’est pas surprenant qu’il y ait une association entre l’exposition prénatale à ces produits et un retard de langage.</p>
<p>Ces résultats démontrent qu’il est impératif de changer d’approche pour prendre en compte les mélanges de produits chimiques lors de leur évaluation. L’utilisation de nouveaux outils d’analyse du risque lié à l’exposition à des mélanges (plutôt qu’à des composés individuels) aurait pu éviter à 54 % des enfants d’être exposés in utero à des niveaux jugés rétrospectivement, à la lumière des résultats de cette étude, préoccupants.</p>
<h2>Adapter la législation pour mieux évaluer les risques</h2>
<p>Ces travaux démontrent que le risque qui a été identifié par ces recherches n’est détectable qu’en considérant non plus les produits un à un, mais comme un « cocktail », car les effets des substances chimiques dans des mélanges complexes peuvent différer de leurs propriétés individuelles.</p>
<p>C’est un point important, car, à l’heure actuelle, l’évaluation des risques aborde exclusivement les effets des produits chimiques individuellement.</p>
<p>En outre, les effets biologiques des perturbateurs endocriniens peuvent se manifester à des doses situées bien en deçà des valeurs limites fixées par les tests de toxicologie classique. Or, la législation actuelle ne prend pas suffisamment en compte le caractère « perturbateurs endocriniens » de certaines substances. À titre d’illustration, ce n’est que depuis 2018 que les textes permettent l’identification des perturbateurs endocriniens. Et encore, seuls les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018R0605&from=EN">produits produits phytosanitaires biocides sont concernés</a>.</p>
<p>Les chercheurs tentent de préciser les modes d’action des perturbateurs endocriniens et de mesurer leurs effets sur la santé (humaine comme animale) depuis plus de 30 ans. Nos travaux démontrent que croiser données épidémiologiques et résultats d’expérimentation est une piste prometteuse pour améliorer notre compréhension de ces polluants si particuliers. Restera ensuite à adapter la législation en conséquence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste FINI a reçu des financements français de l'Agence Nationale de Recherche (ANR) et de l'ANSES (PNR) ainsi que de l'UE pour les projets H2020 EDC MIx Risk, HBM4EU, ATHENA et ENdPoiNTs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Barbara Demeneix a reçu des financements de 'lEurope (Horizon 21. Elle a travaillé pour Watchfrog </span></em></p>Une corrélation, validée expérimentalement, a été établie entre le retard de langage chez des enfants et leur exposition à des polluants chimiques in utero, pendant la grossesse de leur mère.Jean-Baptiste Fini, Professeur du MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Barbara Demeneix, Professor Physiology, Endocrinology, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819252022-06-23T20:17:28Z2022-06-23T20:17:28ZLa dose ne fait pas toujours le poison : certaines substances sont plus toxiques à faible concentration<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470639/original/file-20220623-52182-fb0ewc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1198%2C759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La toxicité du cadmium, ici sous sa forme native, rare (associée à des impuretés de sphalérite, jaunes), n’augmente pas linéairement selon sa concentration.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Native_cadmium.jpg">David Hospital / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Historiquement, on considère en toxicologie que « la dose fait le poison ». Ce principe a été établit dès le XVI <sup>e</sup> siècle par Philippus Théophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim, plus connu sous le nom de Paralcese. Ce <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10653514/">fondateur de la toxicologie moderne</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/3521542/">écrivit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Qu’est-ce qui n’est pas poison ? Tout est poison et rien (n’est) sans poison. Uniquement la dose détermine qu’une chose n’est pas un poison. »</p>
</blockquote>
<p>Pour Paralcese, cette affirmation annonce la relation entre la dose et la réponse. À de fortes doses, les choses peuvent être toxiques, alors qu’à de faibles doses, elles ont des effets bénéfiques. Entre les deux, aucun dommage n’est attendu.</p>
<p>Mais nous savons aujourd’hui que ce principe n’est pas toujours valable : certaines substances ne suivent pas cette relation linéaire entre dose et effet délétère.</p>
<h2>L’émergence des premiers doutes</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait de Paracelse, 1627." src="https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470667/original/file-20220623-51187-9uk5s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portrait de Paracelse (William Fitzer, 1627).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paracelsus_Theophrastus.jpg">Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le principe de Paracelse (le « poison » dépend de la dose) a été remis en question dès 1888. </p>
<p>Cette année-là, Hugo Schulz, un pharmacologue allemand, a remarqué que de petites doses de poison avaient néanmoins des effets stimulateurs sur la levure. Ses travaux s’appuyaient notamment sur des expériences à faible dose menées chez l’animal par Rudolph Arndt, un médecin allemand. La découverte de Schulz suggérait que le phénomène était généralisable à tous les organismes et à tous les poisons.</p>
<p>La loi de Schulz-Arndt qui a résulté de ces observations a toutefois perdu de sa crédibilité dans les années 1920-1930, car Rudolph Arndt adhérait à l’homéopathie qui s’opposait à la médecine traditionnelle. Une réaction irrationnelle : en effet, bien que cette loi nécessite des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16359616/">protocoles rigoureux</a>, elle est scientifiquement pertinente. Elle aboutit plus tard au concept d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/019262339902700207">hormèse</a>, qui permet de décrire, pour une substance donnée, des effets opposés entre les faibles doses (stimulation) et les fortes doses (inhibition).</p>
<p>C’est un phénomène par lequel les réponses adaptatives à de faibles doses de substances par ailleurs toxiques peuvent aboutir à une amélioration de la capacité fonctionnelle des organismes ou des cellules. Cette réponse adaptative est retrouvée aussi dans la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30450285/">mithridatisation</a>. Dans les deux cas, la réponse adaptative est une réponse biologique, la mithridatisation concerne plus particulièrement l’acquisition d’une tolérance par l’organisme à un produit tel qu’un poison par administration répétée de faibles doses.</p>
<p>En 1985, ce type de réponse a attiré pour la première fois l’attention d’Edward J. Calabrese, un toxicologue américain, après une annonce scientifique indiquant des effets bénéfiques de faibles doses de radiation. Au cours de ses expériences, ce chercheur avait lui-même constaté que la menthe poivrée avait une croissance plus rapide en présence de faibles doses d’un herbicide, alors même que celui-ci était plutôt censé la retarder.</p>
<p>Avec sa collègue Linda Baldwin, Edward Calabrese montra en s’appuyant sur la littérature scientifique existante que le phénomène d’hormèse était très répandu (plante, animaux, humain, etc.) et plus fréquent que la réponse classique, qui ne montrait aucun effet aux faibles doses.</p>
<p>En 2003, ce concept <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14563981/">était mis sur le devant de la scène scientifique</a> par une publication dans la prestigieuse revue scientifique Science, alors qu’il avait clivé la communauté des toxicologues. Ce concept avait en effet été initialement rejeté par les toxicologues à cause de son association historique avec l’homéopathie, manquant de visibilité en raison de cette opposition. En outre, les méthodes d’évaluation des risques toxicologiques, qui s’appuyaient sur l’utilisation de fortes doses, ne permettaient pas l’évaluation du modèle dose-réponse hormétique.</p>
<p>Pour comprendre les enjeux liés à ce type de réponse, penchons-nous sur quelques exemples.</p>
<h2>Cadmium, bisphénol A : quand la dose ne fait pas le poison</h2>
<p>Le <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/produits/cadmium/">cadmium</a>, un métal de transition relativement rare, est présent à l’état naturel dans la croûte terrestre. Il intervient dans divers processus industriels (stabilisation des matières plastiques, métallisation des surfaces…) et entre dans la composition de nombreuses substances : pigments, batteries, alliages, etc. Son emploi dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture a mené à sa dissémination dans l’environnement (air, eaux, sols).</p>
<p>Le problème est que le cadmium se concentre dans la chaîne alimentaire. Au Japon, en 1950, une intoxication aiguë provoquée par l’ingestion de riz contaminé par l’eau, elle-même polluée par l’exploitation de mines, a été à l’origine de la <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-maladie-itai-itai-7163/">maladie « Itaï-Itaï »</a> (en japonais, le terme Itaï exprime la douleur). Celle-ci, qui peut-être mortelle, se traduit notamment par des fractures osseuses invalidantes qui font beaucoup souffrir les malades.</p>
<p>Les travaux de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) indiquent qu’une partie de la population française est surexposée au cadmium par son alimentation habituelle. <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2017SA0070.pdf">Les algues alimentaires</a> sont d’importantes contributrices à l’exposition alimentaire au cadmium (compléments alimentaires, spécialités alimentaires japonaises comme les makis, etc.). Une autre source d’exposition importante au cadmium est la cigarette. Soulignons enfin que l’exposition varie avec la tranche d’âge : elle se situe au-delà des <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/VSR2015SA0140Ra-1.pdf">valeurs limites</a> chez les <a href="https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2012.2551">enfants</a> et en dessous chez les <a href="https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2012.2551">personnes âgées</a>.</p>
<p>La toxicité du <a href="https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_60-1/FicheTox_60.pdf">cadmium</a> s’exprime de plusieurs façons : c’est un cancérogène, un mutagène (en particulier, sur les cellules susceptibles de donner les gamètes) ainsi qu’un toxique sur certains organes cibles (rein, poumon, etc.) et sur la reproduction. Il s’accumule dans certains organes (foie, rien) et son élimination est très lente.</p>
<p>L’atteinte de la fonction reproductrice des femelles est bien établie, mais le mécanisme de cette atteinte n’est pas complètement élucidé. Le cadmium agirait comme les œstrogènes ou au contraire serait un anti-œstrogène. Il a donc une potentielle activité de perturbateur endocrinien.</p>
<p>Pour le confirmer, des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31949881/">expériences ont été réalisées chez la ratte</a> afin de mesurer le taux d’un œstrogène en fonction de différentes doses de cadmium. Les niveaux d’œstrogène des groupes de rongeurs exposés au cadmium ont été comparés à des rattes « contrôles », qui n’ont pas absorbé cette substance. Les résultats montrent que pour la dose de cadmium la plus faible, on constate une augmentation du niveau d’œstrogène.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470092/original/file-20220621-17-flavnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Courbe de réponse d’œstrogène (E2) en fonction des doses de cadmium (Cd).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catherine Batias (modifications apportées à l’image originelle)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Au contraire, pour les doses suivantes, une diminution est observée. La courbe résultante contient deux phases, une ascendante et une descendante : on dit qu’il s’agit d’une courbe « non monotone ».</p>
<p>La faible dose de cadmium augmente le taux d’œstrogène, ce qui est en accord avec son effet comme les œstrogènes alors que les plus fortes doses induisent des concentrations plus faibles en œstrogène qu’à l’état basal (contrôle) expliquant son effet anti-œstrogène.</p>
<p>Ce type de courbes est également observé dans le cas de substances dont les effets de perturbateurs endocriniens ont été avérés, tels que le bisphénol A, un perturbateur endocrinien bien connu utilisé dans de nombreux domaines (objets du quotidien, amalgames dentaires, etc.) et maintenant interdit dans les résines tapissant l’intérieur des canettes et autres boîtes de conserve ainsi que dans les matières plastiques retrouvées, par exemple, dans les biberons, etc.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470095/original/file-20220621-24-nysws8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Courbe de réponse de l’insuline en fonction des concentrations de bisphénol A.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catherine Batias (modifications apportées à l’image originelle)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans le cas du bisphénol A, on constate une augmentation du taux d’insuline à faibles concentrations (≤1) et une diminution à plus fortes concentrations (>1) pour finalement revenir à l’état de départ. L’œstrogène augmente aussi ce taux. Or, l’insuline régule le taux de sucre dans le sang : une augmentation du taux d’insuline peut avoir des conséquences graves telles que coma, convulsions, etc.</p>
<p>On constate que dans le cas des perturbateurs endocriniens, la dose ne fait pas le poison. Les doses les plus faibles induisent des effets biologiques potentiellement délétères et inverses aux doses les plus élevées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">Perturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème</a>
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<h2>Paracétamol : quand la dose fait le poison, mais pas toujours</h2>
<p>En 2018, le paracétamol était la substance active utilisée comme antalgique (antidouleur) la plus consommée en France. <a href="https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bcp.13564">Sa consommation a progressé de 53 %</a> entre 2006 et 2015. Près de 200 médicaments commercialisés dans notre pays <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/paracetamol-lansm-lance-une-consultation-publique-pour-sensibiliser-les-patients-et-les-professionnels-de-sante-au-risque-de-toxicite-pour-le-foie-en-cas-de-mesusage">contiennent du paracétamol</a>, seul ou en association avec d’autres substances. Or, cette molécule présente une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32685105/">toxicité sur le foie</a>, surtout en cas de surdosage. Des précautions doivent en particulier être prises <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34556849/">chez la femme enceinte</a> : indication médicale nécessaire et minimisation de l’exposition.</p>
<p>La toxicité du paracétamol peut être mise en évidence en suivant la concentration, dans les cellules hépatiques, d’une molécule appelée adénosine triphosphate, ou ATP, qui constitue une source d’énergie pour la cellule. Si ladite concentration diminue, les cellules n’ont plus assez d’énergie pour vivre, ce qui témoigne d’une toxicité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470096/original/file-20220621-11-47jya5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Courbes de réponse de l’ATP en fonction des concentrations de paracétamol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catherine Batias (modifications apportées à l’image originelle)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Si l’on compare des cellules de foie provenant d’hommes (M), de femmes avant la ménopause (3F) et de femmes après la ménopause (4F) traitées par des doses croissantes de paracétamol, on constate que plus la concentration de ce médicament s’accroît (axe horizontal), <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25849576/">plus la toxicité pour les cellules du foie augmente</a> (axe vertical : le taux d’ATP chute fortement aux doses les plus élevées). Les courbes du paracétamol montrent donc que la dose fait le poison.</p>
<p>Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles en ont l’air, et depuis quelque temps, on soupçonne que le paracétamol puisse aussi <a href="https://www.nature.com/articles/s41574-021-00553-7">avoir des effets de perturbation endocrinienne</a>. Des recherches plus poussées sur ce sujet <a href="https://theconversation.com/effets-du-paracetamol-chez-les-femmes-enceintes-pourquoi-sont-ils-si-difficiles-a-evaluer-175405">doivent toutefois être menées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/effets-du-paracetamol-chez-les-femmes-enceintes-pourquoi-sont-ils-si-difficiles-a-evaluer-175405">Effets du paracétamol chez les femmes enceintes : pourquoi sont-ils si difficiles à évaluer ?</a>
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<h2>Pourquoi certaines substances ont-elles des effets à faible dose ?</h2>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25971433/">Différents mécanismes</a> ont été envisagés pour expliquer le caractère non monotone des courbes observées dans les cas du cadmium et du bisphénol A, par exemple. Ce phénomène pourrait être lié à la pluralité des cibles ou des effets du toxique.</p>
<p>Par exemple, à de faibles concentrations, le cadmium stimule la prolifération des cellules, alors qu’à des concentrations plus fortes, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33706141/https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33857796/">dans l’ovaire</a>, il induit une mortalité cellulaire. L’augmentation du nombre de cellules sécrétrices d’œstrogènes à faibles doses pourrait expliquer l’augmentation du taux d’œstrogènes dans l’exemple précédent. A plus fortes doses, le nombre de cellules diminue, ce qui explique la baisse du taux d’œstrogènes.</p>
<p>De la même façon, le bisphénol A induit une sécrétion d’insuline <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35504317/">par le pancréas</a> par l’intermédiaire des récepteurs aux œstrogènes et augmente la mortalité de ses cellules. Cette hypothèse serait en accord avec une hypothèse déjà décrite pour expliquer les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17010603/">courbes non monotones des œstrogènes au niveau de la glande mammaire</a>.</p>
<h2>Comment sont déterminées les doses qui présentent des risques pour l’humain ?</h2>
<p>L’Anses produit et utilise <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2011sa0355Ra.pdf">plusieurs types de valeurs sanitaires de référence</a>. Citons par exemple les valeurs toxicologiques de référence (VTR), qui comprennent notamment les doses journalières admissibles (DJA), les doses journalières tolérables (DJT), les doses hebdomadaires tolérables (DHT), etc.</p>
<p>Les doses humaines de référence toxicologiques, par exemple la dose journalière tolérable, permettent de caractériser le risque pour la santé des humains. Une dose administrée à l’humain sur une journée est susceptible de présenter un risque si elle est supérieure à la DJT. Ces valeurs toxicologiques de référence permettent d’établir des limites de qualité pour l’eau, les aliments, etc.</p>
<p>En général, la construction de ces <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/drc-16-156196-11306a-1494926651.pdf">valeurs toxicologiques de référence</a> prend en compte des ajustements et des facteurs d’incertitude : variations entre les espèces, au sein d’une espèce, liés aux protocoles expérimentaux, etc. Mais ce n’est pas toujours le cas.</p>
<p>En ce qui concerne le cadmium, par exemple, les scientifiques ont retenu une concentration urinaire critique assimilée à un NOAEL (pour « No Observed Adverse Effect Level » ou dose la plus élevée pour laquelle aucun effet néfaste n’était observé), en se basant sur des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20734452/">études</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22465267/">épidémiologiques</a> (le NOAEL peut aussi parfois être déterminé à partir de modèles animaux). L’effet néfaste retenu pour la concentration urinaire critique était le développement d’ostéoporose et de fractures osseuses.</p>
<p>En se basant sur une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/679914/">modélisation pharmacocinétique</a>, l’Anses a proposé comme doses journalières et hebdomadaires tolérables pour le cadmium les valeurs de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/VSR2015SA0140Ra-1.pdf">0,35 μg/kg de poids corporel et 2,45 μg/kg de poids corporel, respectivement</a>. Celles-ci partent du postulat que la seule source d’exposition au cadmium est l’ingestion. Aucun facteur d’incertitude supplémentaire n’a été appliqué.</p>
<p>Dans certains cas, la dose critique retenue est plutôt un LOAEL, autrement dit la dose avec le plus petit effet observé (« Lowest Observed Adverse Effect Level » en anglais) ou encore la « benchmark dose », une valeur obtenue après une modélisation des données expérimentales.</p>
<h2>Les limites de ces approches</h2>
<p>Le problème est que dans le cas des courbes non monotones, certains produits ont des effets à des doses inférieures à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30228814/">NOAEL</a> préalablement déterminé pour un effet critique, ou à des doses inférieures à la valeur toxicologique de référence.</p>
<p>C’est le cas, par exemple, de produits toxiques tels que la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12428726/">perméthrine</a>, un produit utilisé contre les insectes et la gale, ou de certains <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23041310/">phtalates</a>, des produits entrant dans la composition des plastiques.</p>
<p>Dans de tels cas, un risque pour l’être humain existe donc même pour des doses inférieures à la valeur toxicologique de référence. Par ailleurs, les valeurs toxicologiques de référence sont différentes en fonction de la voie d’exposition (orale, inhalation), de la durée d’administration du produit, ou du type d’effet toxique analysé (cancer, toxicité sur la reproduction, etc.).</p>
<p>En outre, ces valeurs de référence ne tiennent pas compte de la complexité de l’« effet cocktail » : lorsque des produits sont combinés, on peut observer une addition des effets de chaque substance ou une potentialisation, voire une synergie des dits effets, ce qui peut en renforcer la toxicité, même à des doses inférieures aux valeurs toxicologiques de référence (un antagonisme peut aussi être observé).</p>
<p>On constate donc qu’il n’est pas possible d’employer une seule valeur toxicologique de référence pour évaluer l’ensemble des risques pour l’exposition humaine. Mais alors, comment améliorer les choses ?</p>
<h2>Des pistes pour mieux évaluer la toxicité des substances</h2>
<p>En ce qui concerne les courbes non monotones, un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25971433/">arbre décisionnel</a> a été établi pour en évaluer la plausibilité. Pour calculer la dose critique de référence, il est préconisé d’utiliser les effets néfastes à faibles doses (NOAEL, etc.). Il est aussi recommandé d’augmenter le nombre de doses utilisées dans les études destinées à déterminer cette dose critique de référence, afin de couvrir une gamme plus large. Des espoirs sont aussi placés dans une approche intégrée des données existantes.</p>
<p>En 2016, l’Institut national de l’environnement industriel est des risques (Ineris) a également effectué des <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/drc-16-156196-11306a-1494926651.pdf">recommandations pour déterminer les valeurs toxicologiques de référence</a>. L’Ineris préconise de rechercher, pour une substance donnée, l’ensemble des valeurs toxicologiques de référence disponibles (nationales et internationales), une expertise scientifique aboutissant ensuite au choix d’une valeur pour des critères identiques (même type d’effet avec seuil ou sans seuil, même voie ou même durée d’exposition) avec une indication en termes de confiance (satisfaisant, bon avec limites, faible qualité, non fiable).</p>
<p>L’Anses a de son côté préconisé de mieux prendre en compte les mélanges. À ce titre, l’élaboration d’une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/valeurs-toxicologiques-de-r %C3 %A9f %C3 %A9rence-vtr">VTR pour un mélange</a> (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène) est en cours.</p>
<p>Les autorités sanitaires préconisent enfin de définir des <a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">stratégies d’évaluation pour des familles de substances</a> particulièrement pour les bisphénols. En effet, si le bisphénol A est interdit, d’autres bisphénols, comme les bisphénols S ou B, l’ont remplacé. Or, ces substances ne sont pas réglementées, alors qu’elles possèdent une structure et donc, très probablement, des <a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">effets biologiques similaires au bisphénol A</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181925/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Batias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On a longtemps cru que la toxicité d’une substance augmentait avec sa concentration. On sait à présent que ce n’est pas toujours vrai : parfois, les faibles doses sont plus toxiques que les fortes.Catherine Batias, Enseignante et chercheuse en toxicologie, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1778022022-04-04T13:33:48Z2022-04-04T13:33:48ZL’omniprésence des perturbateurs endocriniens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449005/original/file-20220228-15-1mn831h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C977%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les produits pharmaceutiques se retrouvent dans les eaux usées et les rivières par les urines et les matières fécales rejetés par les humains et les animaux d'élevage. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En janvier 2022, une <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158">équipe</a> internationale de chercheuses et de chercheurs a tiré la sonnette d’alarme sur l’impact de produits chimiques manufacturés et leurs effets « cocktail » sur l’entièreté du système terrestre. Les scientifiques ont conclu que l’humanité a dépassé un seuil planétaire permettant l’évaluation appropriée pour la production et les émissions de nouveaux contaminants.</p>
<p>Parmi ces contaminants se retrouvent les <a href="https://www.unep.org/explore-topics/chemicals-waste/what-we-do/emerging-issues/endocrine-disrupting-chemicals">perturbateurs endocriniens</a> (les retardateurs de flamme utilisés comme substances ignifuges, le bisphénol A retrouvé dans certains plastiques, les produits pharmaceutiques), qui sont connus pour interférer spécifiquement avec le système hormonal des animaux et des humains, et ainsi, <a href="https://theconversation.com/des-contaminants-qui-dereglent-nos-hormones-177796">causer des problèmes de santé</a>. Ces contaminants se retrouvent dans nos aliments, nos boissons, nos meubles, nos rivières et nos lacs ; bref, ils sont partout.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-contaminants-qui-dereglent-nos-hormones-177796">Des contaminants qui dérèglent nos hormones</a>
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<p>Contrairement à la plupart des contaminants (comme les métaux), dont la toxicité augmente avec leur quantité, les perturbateurs endocriniens agissent souvent à l’inverse, c’est-à-dire qu’ils ont des effets nocifs à de très faibles concentrations. Cette particularité rend leur réglementation très difficile.</p>
<p>Je suis professeure-chercheuse à l’<a href="https://inrs.ca/">Institut national de la recherche scientifique (INRS)</a> et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne. Avec ma collègue Isabelle Plante, spécialisée en recherche sur les causes environnementales du cancer du sein à l’INRS, nous avons cofondé le <a href="http://www.ciape-iceda.ca/">Centre intersectoriel d’analyse des perturbateurs endocriniens, le CIAPE</a> en 2020.</p>
<p>Les membres du CIAPE viennent tout juste de publier une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">édition spéciale</a> sur les perturbateurs endocriniens dans la revue scientifique spécialisée <a href="https://www.journals.elsevier.com/environmental-research"><em>Environmental Research</em></a>. Cette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">édition</a> comporte 14 ouvrages d’analyse documentaire sur toutes les avancées scientifiques et en santé environnementale en lien avec les perturbateurs endocriniens. Nous résumons ici quelques faits saillants liés à leur omniprésence, leur détection, leur élimination et leur réglementation.</p>
<h2>Traquer les effets des contaminants sur la santé humaine</h2>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121012640?via%3Dihub">revue de la littérature</a> de l’équipe menée par la chercheuse en épidémiologie <a href="https://espum.umontreal.ca/lespum/departement-de-medecine-sociale-et-preventive/lequipe-du-departement/personnel-enseignant/professeur/in/in28257/sg/Ying%20Tung%20Vikki%20Ho/">Vikki Ho</a> de l’Université de Montréal a mis en évidence l’importance des études épidémiologiques (étude des problèmes de santé dans les populations humaines, leur fréquence, leur distribution dans le temps et dans l’espace) pour caractériser les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé des populations humaines.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1438463916305399">étude</a> qui a eu lieu en Corée du Sud a démontré que la teneur en polluants organiques persistants tel que les biphényles polychlorés (BPC) (liquides isolants) dans le sang augmentait par trois les risques d’incidence du cancer de la prostate. Une autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935111001459?via%3Dihub">étude</a> a démontré que des niveaux élevés de retardateurs de flamme bromés (composés ignifuges retrouvés par exemple dans les meubles rembourrés) dans le sérum de jeunes filles étaient liés à des menstruations plus précoces.</p>
<p>Cependant, il est difficile de relier les problèmes de santé à une exposition à des perturbateurs spécifiques puisque l’humain est exposé à un mélange de contaminants tout au long de sa vie, rendant les études épidémiologiques très complexes. La professeure Ho et son équipe <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121012640?via%3Dihub">recommande</a> tout de même d’intégrer l’épidémiologie humaine aux études toxicologiques (étude des effets nocifs des substances chimiques sur les organismes vivants) et écotoxicologiques (étude des polluants et de leurs effets sur l’environnement) lors de l’évaluation de risques des substances chimiques.</p>
<h2>Nos médicaments se retrouvent dans l’environnement</h2>
<p>Les médicaments pharmaceutiques sont devenus des produits de (sur)consommation, avec un usage quotidien pour certains d’entre eux. Leur volume de consommation est tel qu’ils se retrouvent dans les eaux usées et les rivières par les urines et les matières fécales rejetées par les humains et les animaux d’élevage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Différents médicaments dans des emballages en plastique" src="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les antibiotiques, les antidépresseurs et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, naproxène) qui sont déversés dans les cours d’eau peuvent avoir des effets sur la santé des animaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Les structures chimiques des hormones ont été bien conservées à travers l’évolution (la testostérone se retrouve à la fois chez les poissons, les grenouilles, les oiseaux, les mammifères et les humains). Ainsi, les médicaments hormonaux ou destinés à agir sur nos hormones sont également fonctionnels chez les autres animaux, causant parfois des effets néfastes.</p>
<p>Pascal Vaudin, chercheur en physiologie à l’Université de Tours, et son équipe ont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017965?via%3Dihub">constaté</a> que les antibiotiques, les antidépresseurs et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, naproxène) ont des impacts neurologiques, notamment sur le développement du cerveau et le comportement des animaux.</p>
<h2>Dépister l’activité endocrine anormale de l’eau</h2>
<p>Les perturbateurs endocriniens possèdent des structures chimiques variées, des propriétés chimiques et physiques hétérogènes et une capacité à se répartir dans diverses matrices environnementales, dont les tissus humains, ce qui complexifie leur détection. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121019174?via%3Dihub">leur caractérisation a considérablement progressé</a> depuis les dernières décennies en raison du développement d’analyses de pointe et très sensibles pour la détection des faibles niveaux de perturbateurs endocriniens dans l’eau, le sol, l’air, les sédiments, les aliments, le sang, le lait maternel, le placenta, etc. Il est donc maintenant possible de les détecter même à d’infiniment petites concentrations, ce qui pave la voie vers une meilleure réglementation et gestion internationale, tel que suggéré par l’équipe de chercheuses et chercheurs dirigée par le professeur émérite <a href="https://www.trentu.ca/wqc/facultystaff/cmetcalfe">Chris Metcalfe</a> de l’Université Trent.</p>
<p>La présence de plusieurs perturbateurs endocriniens dans notre environnement, par exemple dans les eaux usées, complexifie également l’étude de leur toxicité et leurs effets sur la santé. Par exemple, les concentrations individuelles de différents contaminants peuvent être faibles dans un effluent municipal, ne permettant pas d’observer une activité estrogénique (mimant les estrogènes) lorsqu’on étudie ces composés individuellement. Par contre, lorsqu’on additionne les effets de tous les contaminants, l’effluent peut présenter une activité estrogénique globale.</p>
<p>L’analyse chimique de tels échantillons est complexe et l’utilisation d’essais biologiques (tests qui utilisent des organismes vivants ou des cellules isolées) peut aider à résoudre un tel problème. Nous avons <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017849?via%3Dihub">constaté</a> qu’il était effectivement possible de tester si un effluent municipal, hospitalier ou industriel possède une activité de perturbation endocrinienne globale en utilisant, par exemple, des tests cellulaires (utilisant des lignées cellulaires maintenues en laboratoire et ultrasensibles aux perturbateurs endocriniens).</p>
<p>Ces tests ultraperformants permettent à la fois de tester l’efficacité des systèmes de traitement des eaux usées et de faire des suivis environnementaux, selon les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017849?via%3Dihu">travaux</a> de Julie Robitaille de l’INRS. Les instances gouvernementales et internationales doivent maintenant établir des critères environnementaux (seuils de toxicité) basés sur les données scientifiques probantes disponibles afin de protéger nos écosystèmes et la santé humaine.</p>
<h2>Éliminer les perturbateurs endocriniens des effluents</h2>
<p>L’élimination des contaminants dans les eaux usées est l’un des objectifs majeurs des usines de traitement. Il existe une panoplie de processus différents pour traiter les eaux contaminées, chacune ayant leurs avantages et leurs limites.</p>
<p>À travers notre <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0013-9351(21)01497-3">revue de la littérature</a> dirigée par le professeur en assainissement et décontamination <a href="https://inrs.ca/la-recherche/professeurs/jean-francois-blais/">Jean-François Blais</a> de l’INRS, nous avons constaté que malgré la diversité des processus de traitement existants, plusieurs usines de traitement des eaux usées n’arrivent toujours pas à éliminer 100 % des perturbateurs endocriniens.</p>
<p>Par contre, certains procédés, tel que l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593330309385555">ozonation</a> en fin de traitement des eaux usées, arriveraient à éliminer la totalité du bisphénol A (ou BPA, retrouvé notamment dans les bouteilles de plastique) présent dans l’eau. Par ailleurs, la <a href="https://www.ledevoir.com/politique/montreal/659505/montreal-la-facture-de-l-usine-d-ozonation-grimpe-encore">Ville de Montréal va bientôt débuter des travaux visant à doter la ville d’un procédé d’ozonation pour la désinfection de ses eaux usées</a>. M. Blais et son équipe sont d’avis qu’il est primordial de caractériser les types et les concentrations de contaminants présents dans les effluents des eaux usées pour chaque municipalité avant de sélectionner les meilleures options de traitement.</p>
<h2>Repenser l’analyse de risques des contaminants environnementaux</h2>
<p>Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121015267?via%3Dihub">travaux</a> ont permis de constater que l’initiative <a href="https://www.oecd.org/chemicalsafety/risk-assessment/iata-integrated-approaches-to-testing-and-assessment.htm">« Approches intégrées des tests et de l’évaluation »</a> suggérée par l’<a href="https://www.oecd.org/fr/">Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)</a> serait une excellente première étape vers une approche d’intégration complète des données existantes sur les contaminants, dont celles des perturbateurs endocriniens. Cette initiative vise à mettre en commun les résultats de recherche obtenus partout dans le monde afin de mieux comprendre les effets des polluants et d’établir une régulation conséquente.</p>
<p>Le Canada est présentement en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121015267?via%3Dihub">modernisation</a> de son processus d’évaluation de risques afin d’y intégrer les Approches intégrées des tests et de l’évaluation.</p>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">message</a> à retenir est que la société internationale a besoin d’une plate-forme d’évaluation des risques évolutive qui intègre les données existantes et toutes les données émergentes en temps réel sur ces contaminants environnementaux. Pour y arriver, l’évaluation des risques doit devenir un processus plus dynamique et malléable au fil du temps.</p>
<p>En d’autres termes, les connaissances nouvellement générées devraient être rapidement disponibles pour guider les modèles d’évaluation de risques, de sorte que l’usage ou la production d’un produit chimique, nouveau ou existant, pourrait devenir restreint, voire interdit, dans un plus court laps de temps sur la base de preuves probantes, dont celle de perturbation de notre système hormonal.</p>
<p>Une telle plate-forme évolutive et intégrée devrait accélérer le transfert de connaissances de la communauté scientifique vers la société, qui constitue présentement un goulot d’étranglement important pour la création d’un environnement plus sûr.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et des Chaires de recherche du Canada. Elle est la directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Plante a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Société de Recherche Cancer (SRC) et du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS). Elle est la co-directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).</span></em></p>Il est maintenant possible de détecter les perturbateurs endocriniens à des concentrations infiniment petites, pavant la voie vers une meilleure réglementation et une gestion internationale.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Isabelle Plante, Associate Professor, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1754052022-03-14T19:01:33Z2022-03-14T19:01:33ZEffets du paracétamol chez les femmes enceintes : pourquoi sont-ils si difficiles à évaluer ?<p>On sait aujourd’hui que certaines des molécules chimiques produites par l’industrie peuvent se retrouver dans l’environnement et exercer une influence sur notre santé, en perturbant notamment notre système hormonal. L’exposition à ces « perturbateurs endocriniens » est particulièrement préoccupante pendant la grossesse, car elle peut avoir des conséquences pour la santé du futur nouveau-né.</p>
<p>Depuis cette prise de conscience, les scientifiques ont redoublé d’efforts pour analyser les effets de milliers de composés chimiques auxquels nous pouvons être exposés involontairement. Au début des années 2010, cette mobilisation a permis de mettre en évidence que l’usage de médicaments, qui s’est accru au fil des dernières décennies, constitue aussi une <a href="https://www.nature.com/articles/nrendo.2016.55">source d’exposition à divers perturbateurs endocriniens</a> pour les femmes enceintes.</p>
<p>L’un des médicaments les plus consommés est le paracétamol, présent dans presque toutes les armoires à pharmacie et autres sacs à main. Ce constat a conduit les chercheurs à s’interroger : le paracétamol peut-il engendrer des effets à long terme sur les individus exposés <em>in utero</em> ? Si tel est le cas, doit-il être considéré comme un perturbateur endocrinien ?</p>
<p>En septembre 2021, après dix ans de recherches, un groupe de scientifiques ayant contribué à répondre à ces questions a publié un <a href="https://www.nature.com/articles/s41574-021-00553-7">manifeste</a> appelant à la prudence quant à l’utilisation de paracétamol pendant la grossesse.</p>
<p>Cette prise de position a soulevé de vives <a href="https://www.nature.com/articles/s41574-021-00605-y">réactions</a> et <a href="https://www.nature.com/articles/s41574-021-00606-x">critiques</a>. Pourquoi, et que sait-on précisément aujourd’hui des effets du paracétamol ?</p>
<h2>Les limites des études de population</h2>
<p>Pendant dix ans, de nombreuses études épidémiologiques ont été menées pour évaluer si une exposition au paracétamol pendant la vie intra-utérine pouvait avoir un effet sur la santé de l’enfant.</p>
<p>Ces études impliquent d’une part de caractériser l’exposition des femmes (par exemple via des questionnaires qu’elles remplissent, ou par l’utilisation des bases de données des prescriptions de l’assurance maladie) et, d’autre part, d’évaluer les effets sur l’enfant (grâce à des examens cliniques spécifiques ou l’analyse des registres de malformations). Afin que les analyses statistiques mises en œuvre pour exploiter les données soient solides, ce type d’études épidémiologiques nécessitent de collecter de grandes quantités d’informations provenant de nombreuses femmes et enfants. Il faut donc disposer de cohortes de grande taille.</p>
<p>Dans le cas du paracétamol, les chercheurs se sont plus particulièrement focalisés sur les effets potentiels de ce médicament sur le système nerveux, en analysant par exemple les troubles du comportement et de l’attention, sur le système respiratoire, en évaluant l’existence d’asthme ou de sifflement respiratoire, ou sur le système reproducteur, en effectuant le suivi d’éventuelles malformations congénitales. Globalement, quel que soit le critère, il n’y a pas eu de consensus sur une éventuelle association entre l’exposition au paracétamol et un effet.</p>
<p>Certains ont par ailleurs exprimé des réticences vis-à-vis des études de populations. Parmi les critiques, il a notamment été souligné que si elles ont permis de connaître le pourcentage de femmes ayant pris au moins une fois du paracétamol durant leur grossesse, la plupart du temps ces études ne renseignent ni sur la durée des prises, ni sur la dose ou sur le trimestre durant lequel le médicament a été pris (ce qui peut affecter l’évaluation des risques). Ces études ne permettent donc pas de distinguer les expositions ponctuelles, par exemple dans le cas du traitement d’une migraine, d’expositions plus prolongées, d’une à deux semaines ou davantage.</p>
<p>À long terme, les répercussions directes d’une exposition au paracétamol <em>in utero</em> sont également difficiles à évaluer. En effet, le fœtus, puis l’enfant sont exposés à bien d’autres produits chimiques durant leur existence. Une autre critique est qu’au-delà des facteurs environnementaux, les autres paramètres, comme le bagage génétique, ne sont pas systématiquement utilisés comme facteur de correction.</p>
<p>Enfin, les méthodes utilisées (questionnaires, critères cliniques d’évaluation…) peuvent différer d’une étude à l’autre, ce qui ne facilite pas leur comparaison dans les <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/32/5/1118/3063375">méta-analyses</a> (approches statistiques visant à synthétiser les résultats d’études indépendantes menées sur un sujet de recherche donné). Résultat : ces dernières n’ont pas toujours permis d’aboutir à une conclusion tranchée.</p>
<p>Davantage d’études de comportement sont donc nécessaires pour étayer les résultats de ces travaux : plus fines et détaillées, faisant appel à des questionnaires ciblés plutôt que généraux, elles devront prendre en considération à la fois la prescription et l’automédication, les doses, la durée et la période d’exposition.</p>
<h2>Les modèles expérimentaux</h2>
<p>Puisqu’il n’est pas possible d’obtenir des informations directes sur les expositions <em>in vivo</em> d’un point de vue éthique (on ne peut bien évidemment pas prendre le risque de rendre sciemment malade des participants à une étude), des études expérimentales ont été utilisées pour compléter les études épidémiologiques.</p>
<p>Ce type de travaux vise à évaluer non seulement les effets directs du paracétamol, son mode d’action, mais aussi ses effets à long terme en recourant à des modèles variés : cultures de cellules, animaux de laboratoire, voire, pour se situer au plus près des organes suspectés être la cible du composé étudié, des fragments de tissus fœtaux humains (obtenus suite à des interruptions volontaires de grossesse).</p>
<p>Mais le problème est que, là encore, les pièces du puzzle ne s’assemblent pas vraiment pour le moment, puisqu’il n’existe pas de modèle unique et parfait, quel que soit l’organe d’intérêt considéré. Les nombreuses études existantes, parfois anciennes, menées sur de nombreux modèles différents, n’ont pas forcément permis de dégager des données cohérentes et reproductibles.</p>
<p>Les modèles cellulaires souffrent de l’absence de lignées fœtales, voire même de lignées appropriées. Par exemple, le modèle validé pour <a href="https://www.oecd.org/fr/publications/essai-n-456-essai-de-steroidogenese-h295r-9789264122802-fr.htm">tester les effets</a> de composés chimiques sur la production d’hormones par le testicule est basé sur une lignée de cellules cancéreuses des glandes surrénales adultes.</p>
<p>Les modèles animaux utilisés sont des rongeurs. S’ils permettent des études sur les effets à long terme, l’extrapolation des données de l’animal à l’humain reste délicate, particulièrement dans le cas du paracétamol puisque la capacité de détoxification de ce médicament par l’organisme varie beaucoup <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1365-2885.2001.00366.x">d’une espèce à l’autre</a>.</p>
<p>Limités aux tissus de gonades (ovaires et testicules) et de rein fœtaux humains, les fragments de tissus peuvent être cultivés (cultures dites « organotypiques ») ou greffés sur des souris receveuses (immunodéprimées pour éviter le rejet de cette greffe provenant d’une autre espèce, ou <a href="https://theconversation.com/greffe-dun-coeur-de-porc-chez-un-patient-ce-que-pourraient-changer-les-xenotransplantations-175234">xénogreffe</a>) et être exposés à des produits chimiques. Mais chacun de ces modèles a ses limites.</p>
<p>Ainsi, les cultures organotypiques durent seulement une à deux semaines. Lorsque l’on constate qu’une exposition au paracétamol entraîne une diminution de 20 % du nombre de cellules germinales ovariennes, il est difficile de connaître les effets à long terme de cet effet, puisque l’expérimentation ne dure que quelques jours et que les cellules germinales se multiplient pendant plusieurs semaines à ce moment du développement fœtal.</p>
<p>Utiliser une même approche ne garantit pas non plus toujours la reproductibilité des résultats : si certaines études ont montré une <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/scitranslmed.aaa4097">inhibition de la production de testostérone par le testicule fœtal</a>, d’autres n’ont rapporté <a href="https://academic.oup.com/jcem/article/98/11/E1757/2834532">aucun effet sur cette hormone</a>.</p>
<p>Les greffes reproduisent au mieux la croissance et la vascularisation de l’organe et permettent des études plus longues, mais elles sont quant à elles limitées par les différences de métabolisation des médicaments entre la souris et l’être humain.</p>
<p>Autre limitation : si la toxicité du paracétamol est très bien décrite sur le foie et le rein adultes, sur d’autres organes, notamment fœtaux, les mécanismes de perturbation endocrinienne ne sont pas forcément distingués de la toxicité de la molécule sur les cellules. Ainsi, notre équipe a montré que dans l’ovaire fœtal humain, le paracétamol induit non seulement une relative toxicité sur les cellules germinales, mais aussi une altération de sa <a href="https://academic.oup.com/jcem/advance-article/doi/10.1210/clinem/dgac080/6526955">capacité à produire de l’œstradiol</a>. Cependant, les impacts respectifs de telles perturbations (locales ou endocrines) sur le développement de l’organe ne sont pas encore connus.</p>
<p>Globalement, quel que soit le modèle, il reste encore de nombreuses parts d’ombre concernant les mécanismes moléculaires d’action du paracétamol sur les différents types de cellules qui composent l’organisme. Autrement dit, il n’existe pas pour l’instant de modèle expérimental parfait, capable de faire le lien entre les effets moléculaires immédiats, cellulaires, du paracétamol, et ses effets à long terme sur des organes ou fonctions humains.</p>
<h2>Débanaliser sans alarmer</h2>
<p>Invoquer le principe de précaution concernant le paracétamol n’est pas dénué de fondement. Cependant, les présomptions actuelles reposent sur un faisceau d’évidences scientifiques issues d’approches complémentaires qui doivent encore être consolidées.</p>
<p>Il est important d’informer et de sensibiliser les populations à risque, et de soutenir les efforts des agences réglementaires et autres associations pour débanaliser la consommation de paracétamol, <a href="https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/medicaments-et-grossesse">notamment par les femmes enceintes</a>. Cependant, ces recherches en cours ne doivent pas faire naître un sentiment d’incertitude anxiogène, ou une culpabilité injustifiée chez les femmes enceintes.</p>
<p>Un risque pourrait être qu’elles se tournent vers des alternatives thérapeutiques moins sûres, telles que les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Dès le 6<sup>e</sup> mois de grossesse, ces médicaments peuvent en effet entraîner des problèmes graves chez le bébé (insuffisance cardiaque, rénale, et dans les cas extrêmes mort <em>in utero</em>). En cas de questions, médecins et pharmaciens restent les personnes de référence.</p>
<p>Remettre en question la balance bénéfice/risque d’un antalgique et antipyrétique aussi courant que le paracétamol s’avère être un exercice d’équilibriste compliqué, les autorités étant suspendues entre alarmisme et pragmatisme. Finalement, la règle d’or doit rester l’adage : « la dose efficace la plus faible, pendant la durée la plus courte nécessaire au soulagement des symptômes ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Séverine Mazaud-Guittot a reçu des financements de l'ANR et l'ANSM pour réaliser ses travaux de recherche. </span></em></p>Fin 2021, un groupe de scientifiques a publié un manifeste appelant à la prudence concernant l’utilisation de paracétamol pendant la grossesse. Faut-il s’en inquiéter ? Que sait-on précisément ?Séverine Mazaud-Guittot, Chargée de recherches Inserm, Biologie du développement, Toxicologie, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1777962022-03-02T15:29:11Z2022-03-02T15:29:11ZDes contaminants qui dérèglent nos hormones<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/448957/original/file-20220228-12844-yp1bcp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C2%2C977%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bisphénol A, ou BPA, est un perturbateur endocrinien retrouvé notamment dans les bouteilles de plastique. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Plus de deux décennies après la publication de <a href="https://livre.fnac.com/a945159/Theo-Colborn-L-homme-en-voie-de-disparition">« L’Homme, en voie de disparition ? »</a> ou mieux connu sous son nom original <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Our_Stolen_Future">« Our Stolen Future »</a>, où en sommes-nous avec la recherche sur les perturbateurs endocriniens, ces contaminants sournois qui dérèglent nos hormones ?</p>
<p>À travers l’œil d’une détective, les scientifiques Theo Colborn et John Peterson Myers et la journaliste Dianne Dumanoski mettaient en lumière les effets vicieux qu’ont plusieurs contaminants environnementaux sur la santé des êtres vivants par leurs interactions avec le système hormonal. On appelle ces contaminants des perturbateurs endocriniens.</p>
<p>Les <a href="https://www.unep.org/explore-topics/chemicals-waste/what-we-do/emerging-issues/endocrine-disrupting-chemicals">perturbateurs endocriniens</a> sont des produits chimiques qui interfèrent avec nos hormones (hormones thyroïdiennes, estrogène, testostérone, etc.). Ceci nuit au développement et au bon fonctionnement de la reproduction, du système nerveux et du système immunitaire chez les humains et les animaux, et peut affecter les générations futures.</p>
<p>Je suis professeure-chercheuse à l’<a href="https://inrs.ca/">Institut national de la recherche scientifique (INRS)</a> et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne. Avec ma collègue Isabelle Plante, spécialisée en recherche sur les causes environnementales du cancer du sein à l’INRS, nous avons cofondé le <a href="http://www.ciape-iceda.ca/">Centre intersectoriel d’analyse des perturbateurs endocriniens, le CIAPE</a>, en 2020.</p>
<p>Récemment, avec plusieurs membres du <a href="http://www.ciape-iceda.ca/">CIAPE</a> nous avons collectivement publié une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">édition spéciale</a>, à libre accès, comprenant 14 revues exhaustives de la littérature liée aux perturbateurs endocriniens dans la revue scientifique spécialisée <a href="https://www.journals.elsevier.com/environmental-research"><em>Environmental Research</em></a>. Nous résumons ici les principaux constats qui en découlent, au niveau de leurs effets délétères sur la santé.</p>
<h2>Lumière sur l’identité et la provenance des perturbateurs endocriniens</h2>
<p>Le professeur émérite <a href="https://www.trentu.ca/wqc/facultystaff/cmetcalfe">Chris Metcalfe</a> de l’Université Trent et ses collègues ont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121019599?via%3Dihub">répertorié</a> plusieurs perturbateurs endocriniens dans l’environnement (eau, sol, air, sédiments) et dans les produits d’utilisation et d’alimentation humaine. Parmi ces substances, on trouve les composés organochlorés (pesticides), les retardateurs de flamme bromés (utilisés comme ignifuges dans les meubles rembourrés, par exemple), les substances per – et polyfluoroalkyles (utilisés dans les revêtements antiadhésifs), les alkylphénols (utilisés dans les détergents), les phtalates (utilisés dans les cosmétiques), le bisphénol A et ses analogues (utilisés dans les plastiques), les organostanniques (utilisé comme agents antisalissures), etc.</p>
<p>Le <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-maison-et-jardin/bisphenol-bpa.html">bisphénol A</a> (ou BPA) est un bon exemple de perturbateur endocrinien. Depuis 1960, il est incorporé dans une grande majorité des plastiques que nous utilisons tous les jours (bouteilles de plastique, contenants alimentaires, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2021-02-02/bisphenol-a/loblaw-abolira-le-papier-thermique-pour-ses-recus.php">reçus de caisse</a>, cannes de conserve, etc.).</p>
<p>Le BPA a une structure qui ressemble à l’estrogène produit naturellement par les humains et plusieurs animaux. L’utilisation du BPA a même été envisagée comme médicament grâce à ses propriétés estrogéniques connues afin de soulager les femmes ménopausées dans les années 30, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1871402121001077?via%3Dihub#bib25">avant qu’il ne soit massivement utilisé dans la production de plastique quelques décennies plus tard</a>.</p>
<p>Dans le corps, le BPA peut ainsi se lier au récepteur des estrogènes (protéines qui se lient spécifiquement à certaines molécules, comme les estrogènes) dans les cellules, et induire des réponses inadéquates, comme augmenter la prolifération des cellules, <a href="https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.9282">ce qui pourrait favoriser le développement de tumeurs</a>.</p>
<h2>L’infertilité chez les espèces animales</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121018855?via%3Dihub">revue de la littérature</a> dirigée par <a href="https://www.sfu.ca/biology/people/faculty/vlm1.html">Vicki Marlatt</a>, chercheuse en toxicologie environnementale à l’Université Simon Fraser, laisse transparaître un constat accablant et généralisé : plusieurs de ces contaminants environnementaux nuisent à la reproduction des poissons, des amphibiens, des oiseaux, des mammifères et des humains, réduisant ainsi leur chance de s’accoupler et d’engendrer une progéniture viable.</p>
<p>Chez l’humain et les autres animaux, le développement embryonnaire et les premiers stades de vie représentent les périodes de vie les plus susceptibles aux effets de ces contaminants.</p>
<p>La professeure en toxicologie de la reproduction, <a href="https://inrs.ca/la-recherche/professeurs/geraldine-delbes/">Géraldine Delbès</a> (INRS), et ses collègues ont mis en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121013359?via%3Dihub">évidence</a> qu’une exposition aux perturbateurs endocriniens pendant cette fenêtre de sensibilité menait à un changement dans la programmation des testicules et des ovaires. Par exemple, une diminution des androgènes (testostérone et dihydrotestostérone) et une augmentation des estrogènes peut conduire à un trouble de développement des testicules qu’on nomme syndrome de dysgénésie testiculaire chez l’enfant. Or, on observe une <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/16/5/972/2913494?login=true">augmentation</a> du syndrome de dysgénésie testiculaire partout dans le monde depuis les 50 dernières années.</p>
<h2>Le placenta ne protège pas contre les perturbateurs endocriniens</h2>
<p>En collaboration avec la chercheuse <a href="https://inrs.ca/la-recherche/professeurs/cathy-vaillancourt/">Cathy Vaillancourt</a> (INRS), spécialisée sur la grossesse et la toxicologie, nous avons <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0013-9351(21)01736-9">compilé</a> les travaux les plus récents qui ont mis en évidence que malgré les barrières de défense robustes du placenta, une perturbation des hormones produites par ce dernier est possible et peut mener à des complications de santé plus tard dans la vie. Des maladies chroniques telles que le diabète et l’obésité ont été associées à une exposition à des perturbateurs endocriniens traversant la barrière placentaire lors du développement du fœtus.</p>
<p>Nous avons également <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0013-9351(21)01736-9">démontré</a> qu’une exposition précoce à ces modulateurs endocriniens peut affecter le développement des glandes mammaires chez les bébés à naître, et les rendre plus susceptibles de développer un cancer du sein à l’âge adulte. C’est le cas notamment, du BPA, des retardateurs de flamme bromés et du diethylstilbestrol. De façon similaire, une exposition à des perturbateurs endocriniens pourrait être liée au cancer de la prostate tel que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34562481/">suggéré</a> par le groupe de recherche dirigé par le professeur-spécialiste en endocrinologie et néphrologie <a href="https://www.crchudequebec.ulaval.ca/recherche/chercheurs/etienne-audet-walsh/">Étienne Audet-Walsh</a> de l’Université Laval.</p>
<h2>La pluralité d’effets physiologiques</h2>
<p>En plus d’interférer avec le système reproducteur des animaux et des êtres humains, les perturbateurs endocriniens peuvent altérer les autres voies hormonales, dont celles de la glande thyroïde, du contrôle du stress, de l’immunité et du métabolisme.</p>
<p>Avec la professeure de biochimie <a href="https://www.uvic.ca/science/biochem/people/faculty/profiles-new/helbing-caren.php">Caren Helbing</a> de l’Université Victoria et d’autres membres du CIAPE, nous avons dressé le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121012019?via%3Dihub">portrait</a> des impacts d’une altération de la concentration des hormones thyroïdiennes sur les autres systèmes hormonaux. En guise d’exemple, lorsque les hormones de la glande thyroïde sont diminuées par les perturbateurs endocriniens, la reproduction, le stress et le métabolisme sont également affectés, puisque les hormones thyroïdiennes agissent comme « chef d’orchestre » pour un plan du système endocrinien.</p>
<p>L’équipe du chercheur en physiologie animale <a href="https://www.vetmed.ufl.edu/profile/martyniuk-christopher/">Chris Martyniuk</a> de l’Université de Floride a quant à elle mis en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121011993?via%3Dihub">évidence</a> de nouvelles cibles des modulateurs endocriniens tels que les glucocorticoïdes (ex. : les corticoïdes). Deux exemples d’études sont cités dans leurs travaux, dont le lien entre une haute teneur en BPA dans les urines et une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires. Une exposition à certains perturbateurs endocriniens (arsenic, phtalates, pesticides organophorés) interfère, quant à eux, avec l’insuline, ce qui résulterait à une augmentation de l’obésité.</p>
<h2>Les effets sont passés d’une génération à l’autre</h2>
<p>Les perturbateurs endocriniens exerceraient également des effets transgénérationnels. Par <a href="https://www.pnas.org/content/115/52/E12435.long">exemple</a>, des poissons exposés à une eau contaminée par des antidépresseurs entraînerait une altération de la réponse au stress chez la progéniture de leurs descendants, et ce, même si cette dernière génération de poissons n’a jamais été exposée à ces produits chimiques.</p>
<p>Le professeur en reproduction, pharmacologie et toxicologie <a href="https://www.mcgill.ca/robairelab/">Bernard Robaire</a> de l’Université McGill a tenté d’expliquer comment les perturbateurs endocriniens agissaient pour affecter les générations à venir. Les données qu’il a <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001393512101358X?via%3Dihub">compilées</a> avec son équipe d’expert·e·s ont indiqué que les effets de ces produits chimiques ne seraient pas le résultat de modifications du code génétique (donc pas un changement dans la séquence de l’ADN), mais par d’autres changements dans nos cellules. Notamment, on observe des changements dans les mécanismes qui déterminent quels gènes sont activés ou désactivés, c’est-à-dire les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ %C3 %89pig %C3 %A9n %C3 %A9tique">mécanismes épigénétiques</a>.</p>
<p>On ne connaît pas encore très bien l’étendue des conséquences d’une telle altération dans nos cellules plus tard dans la vie ou sur la génération suivante. La compréhension des mécanismes sous-jacents à l’action des perturbateurs endocriniens nécessitera non seulement des études (épi)génétiques, mais aussi la compréhension du rôle des facteurs de stress sociaux, métaboliques et environnementaux.</p>
<h2>Un enjeu de santé humaine et écosystémique colossal à relever</h2>
<p>À l’échelle mondiale, nous sommes d’avis que la collaboration et le leadership internationaux sont de plus en plus nécessaires pour faire progresser la science afin de passer de la phase « caractérisation des effets à la santé » des perturbateurs endocriniens à celle de « pratiques réglementaires exemplaires ». La réglementation des perturbateurs endocriniens reste un sujet de discussion important dans le monde entier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177796/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et des Chaires de recherche du Canada. Elle est la directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Plante a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Société de Recherche Cancer (SRC) et du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS). Elle est la co-directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). </span></em></p>Il existe de nombreuses évidences de l’implication des perturbateurs endocriniens dans le dysfonctionnement de la reproduction chez plusieurs espèces, y compris les humains.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Isabelle Plante, Associate Professor, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1650772021-09-12T16:33:36Z2021-09-12T16:33:36ZPesticide pyriproxyfène–virus Zika : découverte d’une alliance tragique pour le développement cérébral<p>L’épidémie de Covid-19 a été, et est encore, dévastatrice. Tout le monde a été touché, et le bilan humain est énorme. Mais si, pour beaucoup, l’épidémie semble sans précédent, les maladies infectieuses propagées par les virus ont toujours représenté un danger pour la santé.</p>
<p>Au-delà de ce danger immémorial, une question fondamentale en science est de savoir comment les virus (et les maladies associées) sont affectés par les différentes inventions humaines. </p>
<p>Dans notre dernière étude, nous montrons comment un pesticide, le pyriproxyfène, peut <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121012367?via%3Dihub">aggraver les effets du virus Zika sur le développement cérébral d’un fœtus</a>.</p>
<h2>L’impact inattendu de l’alliance Zika-pyriproxyfène</h2>
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<img alt="Affiche présentant, en anglais, les conséquences possibles d’une infection par le virus Zika" src="https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des campagnes d’information ont été lancées pour avertir des dangers du virus Zika sur le développement du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">National Institute of Child Health and Human Development (NIH)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Nous sommes remontés six ans en arrière au Brésil, en 2015, lorsque le nombre de bébés nés avec une petite tête et un petit cerveau a brutalement explosé. Ces graves déformations les ont laissés handicapés à vie, et ont suscité une inquiétude mondiale. Ces cas de « microcéphalie » ont rapidement été associés au fait que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1473309916303188?via%3Dihub">mères enceintes avaient été infectées par le virus Zika</a>. Ce virus pénètre et tue les cellules qui forment le cerveau, ce qui entrave son bon développement.</p>
<p>Étonnamment, certaines régions du nord-est du Brésil ont connu <a href="https://www.nature.com/articles/nature.2016.20309">bien plus de cas de microcéphalies que les autres</a>. De quoi se demander si d’autres facteurs n’étaient pas à l’œuvre pour intensifier localement l’épidémie. Peu de temps après, l’attention s’est portée sur le pyriproxyfène, un insecticide approuvé dans le monde entier pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5760164/">lutter contre les insectes en agriculture et dans les habitations - il est notamment utilisé dans les colliers pour animaux</a>. Il se trouvait que le pyriproxyfène était utilisé intensivement dans les régions où ont été enregistrés le plus grand nombre de cas.</p>
<p>Fin 2014, le pyriproxyfène a été introduit dans l’eau potable pour tenter de contrôler la population du moustique <em>Aedes aegypti</em> responsable de la propagation des virus de la Dengue et de la Zika. Malheureusement, l’insecticide s’est accumulé dans l’environnement pendant des années, jusqu’à se retrouver dans le corps humain.</p>
<p>Contre les effets secondaires potentiels, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé de <a href="https://www.who.int/water_sanitation_health/dwq/chemicals/pyriproxyfenvector.pdf">limiter l’absorption quotidienne de pyriproxyfène</a> à 0,3 mg/l pour un adulte, et que les concentrations dans l’eau potable soient inférieures à 0,01 mg/l. Comme les bébés et les enfants à naître absorbent ou accumulent généralement davantage que les adultes, ils peuvent se trouver plus exposés.</p>
<p>Du fait du fort chevauchement géographique entre l’utilisation de l’insecticide et les cas de microcéphalie, même ces petites doses ont soulevé des questions sur son innocuité. Cependant, les résultats des études <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1473309917307272?via%3Dihub">épidémiologiques</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-020-10517-5">expérimentales</a> destinées à déterminer l’implication du pyriproxyfène dans les cas de microcéphalie observés ont donné des résultats contradictoires : il n’est toujours pas clairement établi si, et comment, ce pesticide pourrait être impliqué…</p>
<p>Notre groupe de recherche de l’UMR PhyMA à Paris (département Adaptations du Vivant – Muséum national d’histoire naturelle/CNRS) a tenté de faire la lumière sur cette question. Nos travaux, dont les résultats ont été récemment publiés, révèlent que le pyriproxyfène perturbe la signalisation des hormones thyroïdiennes, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121012367#bib54">modifiant au passage des processus cruciaux pour le bon développement cérébral</a>.</p>
<h2>Identification comme perturbateur endocrinien</h2>
<p>L’hormone thyroïdienne est une molécule essentielle à la croissance et au développement du corps en général, et du cerveau chez les fœtus en particulier. Sans elle, le cerveau ne se développe pas normalement, laissant les enfants touchés avec un faible quotient intellectuel et d’importants handicaps mentaux. Ce terrible ensemble de troubles (identifié sous le terme de crétinisme) est presque éradiqué dans les pays occidentaux, mais reste courant dans les pays en développement. Comment savoir s’il existe un lien entre ces atteintes et le pyriproxyfène ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nos tétards génétiquement modifiés émettent une lumière verte en présence d’hormone thyroïdienne (T3 sur cette image). En présence de pyriproxifène (4’-OH-PPF), la fluorescence chute, prouvant que l’insecticide bloque l’action de l’hormone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Petra Spirhanzlova/.MNHN</span></span>
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<p>Nous élevons, dans notre laboratoire, des têtards de xénope (<a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/79265/tab/fiche"><em>Xenopus laevis</em></a>) génétiquement modifiés qui émettent une fluorescence verte lorsqu’ils sont exposés à l’hormone thyroïdienne. Plus la couleur verte est intense, plus l’hormone est présente et active… Or, lorsque nous avons exposé nos têtards au pyriproxyfène, le signal vert a chuté de façon spectaculaire. Ce résultat prouve que le pesticide bloque l’action de l’hormone thyroïdienne. Avec pour conséquence, chez ces animaux, de mener à un développement cérébral et des comportements anormaux. Ces changements semblent dus au fait qu’un certain nombre de gènes ne s’expriment pas comme à l’accoutumée chez les tétards exposés au pesticide.</p>
<p>Restait à élucider les raisons de son effet néfaste lors du développement embryonnaire. Pour rappel, l’un des rôles les plus importants de l’hormone thyroïdienne est d’assurer, durant cette étape, un équilibre entre nombre de neurones et nombre de cellules gliales (leurs cellules de soutien). Comme le pesticide bloque l’action normale de l’hormone, nous avons pensé qu’il pourrait également affecter la production de ces cellules constitutives essentielles du cerveau.</p>
<p>Pour étayer notre hypothèse, nous avons cultivé des cellules souches (issues de cerveaux de souris) et les avons exposées à des doses croissantes de pyriproxyfène. Les résultats ont été clairs : plus la dose était élevée, moins étaient générées de cellules gliales et plus ces dernières mouraient. Le ratio entre cellules nerveuses et cellules gliales s’en trouvait donc déséquilibré.</p>
<h2>Comment le pyriproxyfène pourrait exacerber le Zika</h2>
<p>Pour aller plus loin dans l’explication, nous avons vérifié le niveau d’expression des gènes dans les cellules souches exposées à l’insecticide. Nous avons observé qu’un certain nombre n’étaient pas exprimés normalement. Parmi les gènes affectés figure le gène <em>Msi1</em>, à l’origine de la protéine Musaschi-1 utilisée par le virus Zika <a href="https://doi.org/10.1126/science.aam9243">pour se répliquer et infecter d’autres cellules</a>. </p>
<p>Nous savions, grâce à des études antérieures, qu’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1934590912001737?via%3Dihub">augmentation de l’hormone thyroïdienne entraînait une diminution de Musaschi-1</a>. Étant donné que le pyriproxyfène bloque l’action de l’hormone, la protéine Musaschi-1 est présente en plus grande quantité au sein des cellules qui sont exposées à ce pesticide. C’est pourquoi nous avons envisagé qu’en augmentant la concentration de Musaschi-1, le pyriproxyfène pourrait permettre au virus de se répliquer plus rapidement. Pour le vérifier, nous avons infecté nos cultures de cellules souches (exposées à l’insecticide et non exposées) avec le virus Zika. </p>
<p>Si nous n’avons pas observé d’augmentation du taux d’infection par le virus, dans les cellules exposées au pyriproxyfène, le fonctionnement de gènes clés a bien été altéré, ce qui n’a pas été observé dans les cellules non exposées. L’exposition aux pesticides pourrait donc altérer le développement cérébral, ajoutant à l’impact du virus Zika sur les capacités intellectuelles de l’enfant à naître. Étant donné l’importance des enjeux, il sera nécessaire d’approfondir les recherches sur cette question.</p>
<h2>Il faut mener plus de recherches sur les interactions pesticide-virus</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois qu’il est soupçonné qu’un pesticide peut avoir une influence sur l’évolution d’une maladie. Des travaux ont notamment révélé l’existence d’une association entre des taux sanguins élevés d’acide perfluorobutanoïque (un perturbateur endocrinien très répandu) <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0244815">et un risque accru de développer une forme plus grave de la Covid-19</a>. Or, nous n’avons aucune idée de la manière dont de nombreux pesticides omniprésents dans notre quotidien nous affectent, ou interagissent avec les maladies virales.</p>
<p>Pour cette raison, les pesticides doivent faire l’objet de protocoles de tests améliorés, qui permettront d’obtenir des données plus solides, utilisables par les décideurs pour étayer leurs politiques de santé. Soulignons que l’Europe a récemment réautorisé le pyriproxyfène, bien qu’à des concentrations différentes de celles de l’OMS.</p>
<p>Notre étude souligne, une fois de plus, combien nous en savons peu sur les effets néfastes des pesticides sur notre santé – sur notre développement cérébral, sur notre environnement, etc. Dans le contexte de risque d’épidémies émergentes en lien avec le changement climatique, ce type de données doit nous alerter quant à l’importance de cet enjeu pour la protection des générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pieter Vancamp a reçu des financements de la Fondation pour la recherche médicale et le European Thyroid Association.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Barbara Demeneix ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’explosion au Brésil des cas de bébés frappés de microcéphalie a choqué le monde. Le virus Zika a vite été incriminé, à raison. Mais le rôle aggravant du pesticide pyriproxyfène était passé inaperçu…Pieter Vancamp, Post-doctorant, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Barbara Demeneix, Professor Physiology, Endocrinology, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1557722021-05-03T18:25:19Z2021-05-03T18:25:19ZPerturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème<p>En 2017, le comité des États membres de <a href="https://echa.europa.eu/fr/about-us">l’Agence européenne des produits chimiques</a> (ECHA), qui évalue et régule les produits chimiques, a identifié officiellement le bisphénol A comme perturbateur endocrinien. </p>
<p>Cette substance faisait déjà l’objet de plusieurs interdictions en France. Les industriels commercialisant les produits concernés ont donc dû la remplacer par des substances chimiques possédant les mêmes fonctions technologiques.</p>
<p>Le problème est qu’au-delà des fonctions technologiques, ces substituts partagent parfois les mêmes propriétés dangereuses que la substance qu’ils remplacent (on parle alors de « substitution regrettable »). </p>
<p>C’est en particulier le cas de certains bisphénols qui sont d’ores et déjà utilisés pour remplacer le bisphénol A : des travaux chez l’animal ont montré qu’ils peuvent eux aussi entraîner des troubles de la reproduction, via une perturbation endocrinienne. Dans une telle situation, on parle de « substitution regrettable ».</p>
<h2>Qu’est-ce que le bisphénol A et pourquoi est-il si utilisé ?</h2>
<p>Le <a href="https://bit.ly/3u1FstE">bisphénol A</a> est une substance chimique de synthèse. Couramment utilisé depuis les années 60, il sert d’« unité de base » (monomère) pour la fabrication de plastiques comme le polycarbonate et certaines résines époxy, par polymérisation. Autrement dit, ces composés sont constitués de longues chaînes moléculaires formées de molécules de bisphénol A attachées à d’autres composés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=86&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=86&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=86&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=108&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=108&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397595/original/file-20210428-19-12zoecx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=108&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Synthèse de polycarbonate à partir de bisphénol A (à gauche) et de phosgène (à droite).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.m.wikipedia.org/wiki/File:Polycarbonatsynthese.svg">Roland Mattern/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Le bisphénol A est aussi utilisé pour fabriquer une substance capable de retarder la prise de feu des matières plastiques ou des textiles (tétrabromobisphénol A). Il intervient également en tant que réactif (inhibiteur de polymérisation) dans la chimie du PVC.</p>
<p>Le BPA est présent dans de nombreux objets du quotidien, des lunettes de soleil aux CD. Certains types de résines composites utilisées dans les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/autres-produits-de-sante/dispositifs-medicaux/article/les-materiaux-d-obturation-alternatifs-aux-amalgames-dentaires">amalgames dentaires peuvent aussi contenir du bisphénol A</a>. Avant la loi de 2015, on retrouvait du bisphénol A dans les bonbonnes d’eau, les biberons, les tickets de caisse, les ustensiles de cuisine en plastique. Les résines en contenant étaient également utilisées pour tapisser l’intérieur des boîtes de conserve ou des canettes.</p>
<p>Le problème est que le bisphénol A peut dans certaines conditions (chaleur, humidité…) se détacher des chaînes produites par polymérisation, et donc passer des contenants au contenu. Les travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) relatif à l’évaluation des risques liés au bisphénol A pour la santé humaine ont révélé que la voie d’exposition prépondérante était la voie alimentaire, les conserves étant responsables à hauteur de 50 % de l’exposition alimentaire au BPA dit « non conjugué » (autrement dit, non lié à d’autres composés). Concernant les autres denrées, la viande participait à hauteur de 17 % à cette exposition et les produits de la mer à 3 %, « sans qu’il y ait d’explication sur la source de contamination de ces denrées ».</p>
<p>Or, le bisphénol A possède une activité biologique, qui peut s’avérer délétère.</p>
<h2>Des effets connus de longue date</h2>
<p>L’activité biologique du bisphénol A est connue de longue date, puisqu’elle a été <a href="https://www.nature.com/articles/139627b0">mise en évidence dès 1936</a>, dans le cadre de recherches menées sur les œstrogènes (des hormones stéroïdes dont la fonction, à l’état naturel, est d’être une hormone sexuelle femelle primaire). Le bisphénol A est non seulement capable de passer facilement les tissus de l’organisme (notamment la peau), mais qui plus est, il peut mimer l’action du 17β-œstradiol, un œstrogène impliqué dans le maintien de la fertilité et des caractères sexuels secondaires des femelles de mammifères, et donc des femmes. Testé sur des rongeurs femelles de manière répétée, le BPA entraîne une puberté précoce, des altérations de l’utérus, du vagin et de l’ovaire. Ces effets sont cohérents avec son activité œstrogénique. Des effets sont aussi observés chez les mâles, tels que la <a href="https://echa.europa.eu/documents/10162/36b05a93-3e3c-44b1-bc8d-bff66b4b37ae">diminution de la production de spermatozoïdes et de la fertilité, hypotrophie testiculaire et hypertrophie prostatique</a>.</p>
<p>En raison de ses propriétés dangereuses, l’utilisation du BPA a été réglementée en France et en Europe dès 2011 afin de protéger la santé des personnes et l’environnement. Cette substance, qui entre dans la fabrication de plastiques et de résines, a été interdite en 2012 dans les contenants destinés aux enfants de moins de trois ans. L’interdiction a été élargie en 2015 <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/mise-en-oeuvre-loi-bisphenol-a-bpa">à tous les objets destinés à entrer en contact direct avec les denrées alimentaires</a>, ainsi qu’aux tickets de caisse (cette loi ne concerne pas les matériels et équipements industriels, tels que les moules utilisés pour la production en usine par exemple).</p>
<p>L’Europe étudie actuellement la possibilité de soumettre les utilisations du bisphénol A à autorisation.</p>
<h2>Les implications de la substitution des substances dangereuses</h2>
<p>La substitution de substances chimiques dangereuses est une pierre angulaire des stratégies actuelles visant à réduire les risques des substances chimiques sur la santé humaine et l’environnement. Ce principe a été réaffirmé récemment dans le cadre de la <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_1839">Stratégie pour un environnement non toxique de la Commission européenne</a>, en particulier pour les catégories de produits entrant en contact avec les populations vulnérables. Cette stratégie de substitution doit maintenant aussi s’accorder avec l’approche de l’industrie en matière de développement durable et d’économie circulaire.</p>
<p>Déterminer qu’une substance chimique est dangereuse est une première étape. Il faut ensuite trouver des alternatives pour l’éliminer des produits et applications qui l’utilisent. Ce n’est pas chose aisée : il faut que la nouvelle substance soit à la fois équivalente sur le plan technique, économiquement substituable, durable, mais aussi – idéalement – plus sûre, c’est-à-dire présenter un potentiel de danger (les propriétés intrinsèques de la substance chimique font qu’elle induit des effets délétères moindres sur la santé) et de risque (les propriétés intrinsèques de la substance chimique ainsi que ses utilisations font qu’on y est moins exposé) inférieur à la substance chimique d’origine.</p>
<p>Souvent, la substitution de substances chimiques implique pour les industriels des changements de systèmes, de matériaux ou de processus. Pour trouver des alternatives, ils peuvent consulter la base de données de l’ECHA, mise en place suite au <a href="https://echa.europa.eu/fr/regulations/reach/understanding-reach">règlement REACH</a> – « Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals » (le règlement européen qui vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques). Y sont répertoriés tous les substituts potentiels qui sont déjà utilisés ou produits à plus d’une tonne par an en Europe.</p>
<p>Si le BPA était aussi utilisé, c’est qu’il avait de nombreux avantages.</p>
<p>Il était par exemple compatible avec de nombreux contenants, car il résiste à l’acidité aussi bien qu’aux produits basiques, ce qui explique son succès dans les emballages. Dans un <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2009sa0331Ra-3.pdf">rapport publié en 2013</a>, l’Anses soulignait que le bisphénol A ne serait pas remplacé par une substance unique, mais par différents composés, en fonction de son utilisation.</p>
<h2>La polyvalence du bisphénol A complique le problème</h2>
<p>La polyvalence du bisphénol A fait de sa substitution un problème particulièrement complexe à résoudre. Les composés envisagés pour remplacer le bisphénol A diffèrent en effet selon qu’il est utilisé dans des polycarbonates, des résines époxy ou des papiers thermiques, par exemple. Les industriels n’ayant a priori pas trouvé de substance chimique de remplacement capable de rassemblant tous ces avantages, ils ont recherché plusieurs matériaux en fonction des applications. « A priori », car ces informations relèvent du secret industriel…</p>
<p>Face à ces difficultés, Anses avait identifié 73 substituts possibles, en fonction de l’utilisation souhaitée. 21 substituants ont été identifiés pour les usages dans les polycarbonates, 18 pour les résines époxy et 34 pour les papiers thermiques des tickets de caisse.</p>
<p>Au-delà de cette substitution, il est aussi possible de se passer du bisphénol A de diverses façons : en remplaçant la matière qui le contient par une autre matière plastique ou un autre polymère présentant des propriétés similaires, en utilisant un matériau ou un type de conditionnement totalement différent, ou en recourant à d’autres procédés de fabrication.</p>
<p>La première solution, qui consiste à substituer le bisphénol par une substance chimique similaire, est bien la plus simple. Pour la mettre en œuvre, les industriels se sont tournés vers les autres composés de la famille des bisphénols.</p>
<h2>Autres bisphénols, mêmes problèmes</h2>
<p>Les industriels ont <a href="https://echa.europa.eu/fr/-/bisphenol-s-has-replaced-bisphenol-a-in-thermal-paper">remplacé le bisphénol A par le bisphénol S (BPS) dans les papiers thermiques</a>. Mais ce produit est lui aussi suspecté d’être un perturbateur endocrinien et vraisemblablement reprotoxique.</p>
<p>De la même manière, le bisphénol B est aujourd’hui utilisé comme alternative à certains usages du BPA et BPS dans des pays comme les États-Unis où il est enregistré en tant qu’additif indirect pour certains revêtements et polymères en contact avec les aliments par la Food and Drug Administration (FDA). Or, les travaux menés par l’Anses indiquent que le <a href="https://www.anses.fr/fr/content/eviter-une-substitution-du-bisph%C3%A9nol-par-le-bisph%C3%A9nol-b">BPB présente des propriétés endocriniennes similaires à celles du BPA</a>.</p>
<p><a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2009sa0331Ra-0.pdf#page=15">Dans son avis de mars 2013</a>, l’Agence soulignait qu’il est nécessaire</p>
<blockquote>
<p>« […] de réaliser des études supplémentaires […] pour évaluer de façon satisfaisante les effets sur la santé humaine de ces autres bisphénols ou alternatives du BPA. Au regard de leurs analogies structurales avec le BPA et de leur potentiel œstrogénique, la plus grande précaution est requise dans l’utilisation des bisphénols sus-cités. Des innovations, en termes d’alternatives, sont attendues mais l’innocuité de ces alternatives devra être évaluée avant toute utilisation. »</p>
</blockquote>
<p>Pour éviter ces substitutions regrettables, les autorités sanitaires mettent en œuvre des stratégies d’évaluation visant à réglementer toute la famille des bisphénols. Ce n’est pas une mince affaire : la <a href="https://echa.europa.eu/fr/information-on-chemicals/cl-inventory-database">base de données de l’ECHA</a> contient de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de substances ressemblant aux bisphénols. Las de devoir travailler sur chacun des bisphénols ou alternatives les uns après les autres, les autorités sanitaires envisagent maintenant d’appréhender ces substances en tant que famille, c’est-à-dire d’identifier les degrés et éléments de similarité structurelle nécessaires pour partager les mêmes propriétés toxiques.</p>
<p>Les spécialistes de l’agence chimique européenne ont ainsi récemment collecté des informations visant à enquêter sur la fabrication, l’importation, l’utilisation et la mise sur le marché <a href="https://echa.europa.eu/fr/previous-calls-for-comments-and-evidence">du bisphénol A et de bisphénols structurellement apparentés</a> qui font l’objet d’une préoccupation similaire pour l’environnement, ainsi que sur la possibilité de substitution, les alternatives potentielles et sur les impacts socio-économiques de substitution. Ils ont aussi cherché à obtenir des informations sur le cycle de vie, les émissions dans l’environnement, l’utilisation dans les articles et la présence dans les polymères.</p>
<p>Une alternative possible à l’utilisation de ces substances serait d’identifier un composé qui, contrairement au BPA, n’aurait pas tendance à s’extraire de la matière pour se déposer sur la peau ou contaminer les aliments qu’il emballe. Mais cette approche se heurte à un autre problème : les protocoles visant à étudier les migrations et les comportements des matériaux dans le temps ne sont pas standardisés. Dès lors, il est difficile pour les autorités sanitaires de porter un œil critique sur les solutions proposées par les industriels pour répondre à ces problématiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Michel est membre de la société française de toxicologie.</span></em></p>Depuis 2015, le bisphénol A, perturbateur endocrinien avéré, est interdit dans les contenants alimentaires et dans les tickets de caisse. Mais ses remplaçants posent aussi problème.Cécile Michel, Cheffe de l’unité d’évaluation des substances chimiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1489622020-11-11T17:32:03Z2020-11-11T17:32:03ZLes bisphénols issus des microplastiques affectent le cerveau – et il y en a de plus en plus dans l’océan<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/368561/original/file-20201110-19-1lmf1qb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C10%2C2382%2C1785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ascidies sont des organismes marins. Leur système nerveux est étonnamment proche du nôtre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ascidiacea#/media/Fichier:Tunicate_medley_komodo.jpg">Nick Hobgood / Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des tonnes de plastique sont produites <a href="https://theconversation.com/comment-le-monde-sest-plastifie-115991">chaque année</a>, et la plupart des déchets finissent dans les océans et les mers <a href="https://www.rtbf.be/tendance/green/detail_pres-de-230-000-tonnes-de-plastique-jetees-chaque-annee-dans-la-mediterranee?id=10618555">comme la Méditerranée</a>. Un des gros problèmes de cette pollution aux plastiques n’est pas ce que nous pouvons voir à l’œil nu – les sacs ou les emballages – mais bien ce que nous ne pouvons pas voir : les petits morceaux appelés « microplastiques », et aussi les molécules qui les composent. Des microplastiques ont été détecté pour la première fois <a href="https://sciencepost.fr/des-micro-et-nanoplastiques-detectes-dans-des-tissus-humains-pour-la-premiere-fois/">dans des tissus humains</a>. Ils présentent un risque pour notre santé, car ils libèrent de petites quantités de molécules toxiques, comme le tristement célèbre <a href="https://www.anses.fr/fr/content/bisph%C3%A9nol">bisphénol A</a>.</p>
<p>Le bisphénol A perturbe notamment le développement du cerveau. Nous étudions comment il affecte les animaux marins et leur développement, et comment ces informations pourraient être importantes pour les humains.</p>
<h2>D’où vient la toxicité du bisphénol A ?</h2>
<p>La toxicité de molécules chimiques comme le bisphénol A repose sur leur petite taille et leur facilité à traverser les membranes cellulaires. De plus, leur structure est très similaire aux hormones, les œstrogènes par exemple. Dans une situation normale, les hormones contrôlent notre système endocrinien en se liant sur des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_nucl%C3%A9aire">récepteurs spécifiques</a> qui régissent de nombreuses étapes de la vie animale. Si on imagine ces « récepteurs nucléaires » comme de grosses pièces de Lego, le bisphénol A et les autres <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Perturbateur_endocrinien">« perturbateurs endocriniens »</a> sont de petites pièces de Lego qui s’accrochent très facilement au récepteur. Avec pour conséquence d’activer ou d’inhiber certains processus hormonaux, ce qui aura un effet indésirable dans notre corps.</p>
<p>Nous avons bien sûr besoin d’hormones au cours de notre vie, mais uniquement à certains moments, par exemple lorsqu’une femme accouche pour les œstrogènes, et à une dose spécifique. Plusieurs études ont montré qu’être exposé à des perturbateurs endocriniens d’une manière chronique, même en petites quantités, peut dérégler les récepteurs nucléaires, et donc le <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/bisphenols-tous-incidence-lactivite-hormonale-2019-10-18-1201055231">système endocrinien</a>. Ce dérèglement du système endocrinien a été associé à des problèmes de santé très variés : infertilité, cancer du sein, diabètes, obésité, maladies cardiovasculaires, malformations congénitales, et maladies associées au développement du cerveau. En ce qui concerne ce dernier, quelques études ont associé la présence des bisphénols avec des troubles du comportement, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4474754/">par exemple</a> <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-39386-w">l’autisme</a>, ou le fait que ces molécules peuvent affecter nos capacités cérébrales.</p>
<p>Comment ces molécules impactent-elles le développement du cerveau ?</p>
<h2>Les premiers effets du bisphénol A sur le développement ont été découverts par hasard</h2>
<p>En 1992, le Dr Feldman et son groupe de recherche de l’université de Stanford pensaient que leurs cultures de levure produisaient une molécule œstrogénique. Il s’est avéré que ce n’était pas la levure qui synthétisait l’œstrogène, mais plutôt la <a href="https://doi.org/10.1210/endo.132.6.8504731">dissolution du tube en plastique où les levures poussaient</a>.</p>
<p>En 1998, la généticienne Patricia Hunt de la <em>Case Western Reserve University</em> remarquait un changement bizarre dans les œufs des souris femelles qu’elle étudiait : 40 % des œufs montraient une anomalie dans leurs chromosomes (taux bien plus élevé que ce qui est observé habituellement). Hunt remarqua alors que ses cages de souris recouvertes de plastique polycarbonate semblaient fondre, et découvrit que les cages avaient été lavées par erreur avec un détergent hautement alcalin. Après un véritable travail de détective, Hunt et ses collègues <a href="https://doi.org/10.1016/S0960-9822(03)00189-1">ont prouvé</a> que les anomalies chromosomiques des œufs étaient créées par le bisphénol A dissous du plastique endommagé.</p>
<p>Depuis 1998, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31201879/">plusieurs travaux ont montré la toxicité</a> du bisphénol A en utilisant des modèles vertébrés comme la souris et le poisson-zèbre, et quelques modèles invertébrés comme le ver <em>Caenorhabditis elegans</em> et le crustacé <em>Daphnia magna</em>.</p>
<h2>Les bisphénols affectent le développement du cerveau d’ascidie</h2>
<p>Dans notre laboratoire, on utilise les embryons d’ascidie pour étudier l’effet du bisphénol A sur le développement. Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ascidiacea">ascidies</a> sont des animaux marins « filtreurs », c’est-à-dire qu’ils se nourrissent en filtrant l’eau de mer. Les microplastiques sont suffisamment petits pour être absorbés par les ascidies, <a href="https://www.ecomagazine.com/news/coasts/microplastics-and-plastic-additives-discovered-in-ascidians-along-israel-s-coastline">qui ingèrent aussi par conséquent les molécules toxiques associées</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368550/original/file-20201110-13-tryscw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ascidie blanche, <em>Phallusia mammillata</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1f/Ascidie_blanche%2C_Phallusia_mammillata.jpg/1280px-Ascidie_blanche%2C_Phallusia_mammillata.jpg">Waielbi/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Difficile à imaginer vu leurs apparences, mais les ascidies sont considérées comme des « cousins » de l’humain parmi les invertébrés, d’un point de vue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Phylog%C3%A9nie">« phylogénétique »</a> : des études en évolution ont montré que les ascidies appartiennent au groupe des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chordata">« chordés »</a>, c’est-à-dire que l’embryon d’ascidie possède un cerveau centralisé lié à un tube nerveux et une corde dorsale. La simplicité et la transparence des embryons d’ascidie, ainsi que la <a href="https://doi.org/10.1002/mrd.23219">présence de récepteurs nucléaires dans leur génome</a>, font de ces animaux un système puissant pour découvrir les mécanismes impliqués dans les « modes d’action » des perturbateurs endocriniens. Une fois les mécanismes connus, on peut non seulement comprendre plus en détail l’effet de la pollution sur la faune marine, mais aussi comprendre comment ces perturbateurs endocriniens peuvent affecter les vertébrés, dont les humains, vu qu’ils partagent les mêmes récepteurs.</p>
<p>Au cours de ma thèse, nous avons découvert que le bisphénol A induit une <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquatox.2019.105314">toxicité neuro-développementale</a> chez l’embryon d’ascidie. Plus précisément, la présence du bisphénol A dans le milieu marin provoque une malformation du cerveau de la larve, en diminuant la pigmentation et la taille des cellules sensorielles (celles qui permettent à la larve de nager dans la bonne direction). Alors qu’en absence de bisphénol A, ces cellules se forment ensemble et se séparent à la fin du développement, avec bisphénol A elles ne se séparent jamais – ce qui nous indique aussi une fenêtre d’action du bisphénol A très précise dans le temps. Le bisphénol E et bisphénol F provoquent aussi le même effet.</p>
<h2>Un récepteur très sensible dans le cerveau</h2>
<p>Mais la découverte plus importante de cette étude est la présence d’un récepteur nucléaire dans le cerveau de la larve d’ascidie, précisément au moment où les cellules sensorielles se développent. Il est appelé <em>estrogen-related receptor</em> ou « ERR » et il peut lier fortement le bisphénol A.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368549/original/file-20201110-19-909z4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Deux larves d’ascidie montrant les cellules sensorielles du cerveau qui sont pigmentées alors que l’embryon est très transparent. On peut voir dans la larve traitée au bisphénol A, à droite, que les cellules sensorielles pigmentées sont réduites et que leurs positions dans le cerveau sont affectées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Dumollard et Isa Gomes</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cerveau humain et celui du poisson-zèbre, ce récepteur lie aussi le bisphénol A. Chez l’humain, le récepteur ERR est très souvent <a href="https://doi.org/10.3389/fendo.2015.00083">associé aux cancers du sein et de la prostate</a>, mais jusqu’à présent peu d’études se concentrent sur son rôle potentiel <a href="https://doi.org/10.3390/ijms19041091">dans le cerveau</a>.</p>
<p>Pour vérifier notre hypothèse selon laquelle le récepteur ERR peut être impliqué dans le développement du cerveau de la larve d’ascidie, nous avons exposé les embryons à d’autres molécules connues pour se lier à ce récepteur ERR (le diéthylstilbestrol et le tamoxifène). Nous avons observé un effet similaire – une malformation des cellules sensorielles du cerveau.</p>
<p>Il reste maintenant beaucoup de travail à faire : tout d’abord il faut prouver la liaison du bisphénol A au récepteur ERR de l’ascidie ; puis, il faut établir le rôle de ce récepteur nucléaire dans le cerveau et répondre à la question : comment est-il impliqué dans les malformations du cerveau lorsqu’il est lié par le bisphénol A ? La réponse à cette question aidera non seulement à mieux comprendre l’effet de la présence de molécules issues du plastique dans les animaux marins, mais aussi à mieux comprendre la complexité du mode d’action des perturbateurs endocriniens chez les vertébrés, afin de prouver aux agences gouvernementales à quel point elles peuvent être dangereuses pour l’environnement, et par conséquent limiter encore plus la production et l’utilisation de ces plastiques.</p>
<blockquote>
<p>« Nous sommes liés à l’océan. Et quand nous retournons à la mer – que ce soit pour naviguer ou pour la regarder, nous revenons d’où nous venons. » (<a href="https://www.jfklibrary.org/about-us/news-and-press/press-releases/new-exhibit-to-celebrate-jfks-love-of-the-sea">John F. Kennedy</a>, 1962)</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/148962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isa Gomes a reçu des financements de l'École Doctorale Complexité du Vivant (ED515) et de Marine-EmbryoTox project (ANR-14-OHRI-0009-01-1).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémi Dumollard a reçu des financements de l' Agence Nationale de la Recherche (grant Marine‐EmbryoTox: ANR‐14‐OHRI‐0009‐01‐1), du CNRS, de Sorbonne Université et de l'Agence pour le Recherche sur le Cancer (ARC)</span></em></p>Comment les polluants chimiques comme le bisphénol A affectent-ils le développement du cerveau ?Isa Gomes, Associate research scientist, Sorbonne UniversitéRémi Dumollard, Chercheur CNRS, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466482020-09-29T21:06:36Z2020-09-29T21:06:36ZPesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?<p>Les débats en cours autour de la réintroduction provisoire des <a href="https://theconversation.com/interdiction-des-insecticides-neonicotino-des-pourquoi-a-t-il-fallu-attendre-plus-de-20-ans-95759">néonicotinoïdes</a> – ces insecticides dits « tueurs d’abeilles » – pour la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/06/les-deputes-votent-la-disposition-cle-sur-le-retour-des-neonicotinoides_6054871_3244.html">culture de la betterave</a> le montrent une nouvelle fois : en agriculture, l’usage des produits phytosanitaires (« phytos ») fait polémique, et beaucoup de prises de position contraires se cristallisent.</p>
<p>Une grande confusion s’est progressivement installée dans l’esprit de nombreux publics, car si des dangers pour la santé sont régulièrement mis en avant dans les médias par certaines <a href="https://www.generations-futures.fr/">associations</a> et la littérature scientifique, le discours officiel reste de prôner sa confiance dans le système mis en place et souligne qu’il y a peu de véritables problèmes pour la santé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313547068812808192"}"></div></p>
<h2>Dose journalière et limite maximale</h2>
<p>D’un point de vue réglementaire, deux indicateurs sont utilisés pour rendre compte de la sécurité des consommateurs.</p>
<p>Il y a tout d’abord la dose journalière admissible (DJA), c’est-à-dire la consommation quotidienne possible d’une substance xénobiotique au cours d’une vie entière sans risque connu pour la santé. Elle est fixée avec une marge de sécurité très importante (facteur de 100 ou 1000) par rapport à la dose sans effet.</p>
<p>Il y a ensuite la limite maximale de résidus (LMR), déterminée de façon à ce que la quantité de résidus d’un pesticide ingérée par une population donnée ne dépasse pas la DJA ; elle est calculée dans un produit agricole de manière à ce qu’un apport journalier maximum théorique des résidus provenant d’un pesticide donné soit inférieur à sa DJA. Comme la LMR dépend des habitudes alimentaires d’un consommateur moyen, elle varie selon les pays et selon les produits. Il y a une LMR pour chaque pesticide et pour chaque production végétale.</p>
<p>La LMR est critiquée pour les pesticides qui sont des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041008X13000549">perturbateurs endocriniens</a> car pour ceux-ci, il n’y a plus de proportionnalité des effets induits avec la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1631069117301300">dose</a>. Cette catégorie de pesticide est notamment soupçonnés d’être responsables d’une recrudescence des cas <a href="https://academic.oup.com/humrep/article-abstract/30/6/1287/616129">d’infertilité</a>, et d’être un facteur de risque pour plusieurs maladies chroniques non transmissibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-perturbateurs-endocriniens-une-menace-pour-notre-intelligence-74216">Les perturbateurs endocriniens, une menace pour notre intelligence</a>
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<p>En outre, il a été montré expérimentalement des effets <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02282298/">cocktails</a> entre certains pesticides ; or ces effets ne sont jamais pris en compte pour leur évaluation. Enfin, l’impact possible d’une ingestion de très faibles quantités tout au long d’une vie sur la diversité et le fonctionnement de notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653519307416">microbiote intestinal</a>, n’est pas considéré alors que de tels effets ont été montrés expérimentalement.</p>
<h2>Accumulation, résistance</h2>
<p>Les mêmes différences de perception sont observées quant aux effets sur la biodiversité.</p>
<p>Si les pesticides sont toxiques pour les organismes qu’ils ciblent, leur effet manque parfois de spécificité et peut donc impacter aussi <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-27455-3_13">d’autres composantes de la biodiversité</a> comme les ennemis naturels des ravageurs des cultures, les bactéries, champignons, oiseaux, mammifères, amphibiens, et poissons.</p>
<p>Les insecticides et les herbicides à large spectre affectent aussi directement et indirectement la faune via la disparition des habitats et la contamination des sources de nourriture. Les pesticides qui tendent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/fes3.108">à s’accumuler dans la chaîne alimentaire</a> posent également un risque à long terme pour les prédateurs, affaiblissant le potentiel de régulations naturelles. Ceci fragilise la gestion des ravageurs et accroît la dépendance future aux pesticides.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-notre-rapport-aux-insectes-dit-de-notre-rapport-a-la-nature-115929">Ce que notre rapport aux insectes dit de notre rapport à la nature</a>
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<p>En outre, à l’usage, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/brv.12440">résistances aux phytos</a> peuvent apparaître chez les organismes cibles (insectes, micro-organismes ou plantes indésirables), rendant leur usage inopérant.</p>
<h2>Trois voies pour évoluer</h2>
<p>Dans ces débats complexes, il semble important de tenir compte de la perte de confiance des citoyens envers les sphères politiques et agricoles : malgré des initiatives publiques dédiées à la réduction forte des phytos (<a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plans Ecophyto</a> 1, 2 et 2+), les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-04/datalab-essentiel-172-plan%20de%20reduction-avril2019.pdf">dernières statistiques</a> montrent un accroissement de leur usage en dix ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les « autres produits » désignent nématicides, rodenticides, médiateurs chimiques, molluscicides, régulateurs, répulsifs, taupicides et autres. Les traitements de semences n’ont été intégrés à la BNV-D qu’à partir de 2012 et représentent 1,6 % des substances actives vendues en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-04/datalab-essentiel-172-plan%20de%20reduction-avril2019.pdf">BNV-D, données sur les ventes au code commune Insee des distributeurs, extraites le 13 novembre 2018. Traitements : SDES, 2019</a></span>
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</figure>
<p>Enfin, une bataille sémantique brouille le débat : quand certains parlent de « pesticides », d’autres parlent de produits « phytopharmaceutiques » ou produits « phytosanitaires ». Dans la première acception, il est implicite que les produits tuent le vivant, et qu’ils ne sont pas non plus sans danger pour la santé des animaux et des hommes. Dans la seconde, leur utilisation est légitimée au même titre que l’usage des médicaments l’est pour les humains.</p>
<p>Malgré ces différences de perception et de terminologie, il y a un objectif largement partagé de réduire les usages comme les impacts ; cependant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-015-0306-1">trois voies de progrès</a> coexistent. Les deux premières ne remettent pas ou peu en cause les pratiques existantes et considèrent que les plantes sont forcément vulnérables aux bioagresseurs, contrairement à la troisième qui va s’intéresser à leur environnement pour réduire leur vulnérabilité.</p>
<h2>Faire mieux… sans viser à changer le système</h2>
<p>Les leviers les plus promus par les politiques publiques ne remettent jamais frontalement en cause la structure des systèmes agricoles intensifs et simplifiés (rotations courtes, travail du sol fréquent, absence ou insuffisance d’infrastructures agroécologiques) qui dominent aujourd’hui en France.</p>
<p>Les phytos sont encore utilisés suivant des pratiques d’assurance quasi systématique (traitement des semences indépendamment des besoins réels de protection, par exemple). Au-delà du choix de variétés résistantes, les mesures préventives visant à renforcer la santé des plantes ne sont que très peu mobilisées. Ce système s’appuie implicitement sur l’efficacité des seules solutions curatives que les phytos incarnent.</p>
<p>Deux grandes stratégies de réduction des pesticides chimiques sont à l’œuvre dans ces systèmes simplifiés. La première réside dans l’augmentation de l’efficience des traitements via l’optimisation des apports dans le temps et l’espace grâce aux technologies de l’agriculture de précision. La deuxième est basée sur l’utilisation de substituts organiques ou biologiques aux produits de synthèse (phéromones sexuelles de synthèse pour piéger des insectes, microhyménoptères parasites de nombreux ravageurs, biopesticides). L’innocuité de ces biopesticides reste à démontrer et l’utilisation d’organismes vivants pose le problème de la pérennité de la solution et des possibles effets de diffusions incontrôlées.</p>
<p>Ces deux stratégies permettent effectivement de <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-fermes-dephy-partout-en-france-des-systemes-de-production-performants-et-economes-en-0">réduire l’utilisation des pesticides de synthèse</a>, mais elles correspondent à des formes d’agriculture où les pesticides gardent leur fonction de « parapluie » de protection. Dans cette approche, il faut protéger les plantes dont la vulnérabilité est élevée du fait des modes de culture intensifs que l’on ne cherche pas à remettre en question. Cette approche est prônée par ceux qui défendent la possibilité de maintenir une forte capacité d’exportation de denrées agricoles et soulignent le besoin de nourrir une population mondiale croissante par ce seul moyen.</p>
<h2>Pour des systèmes agricoles moins vulnérables</h2>
<p>Les recherches récentes convergent pour souligner qu’il ne sera possible de diminuer drastiquement les pesticides pour un usage en dernier recours, que si on <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02790952">combine un ensemble de leviers, chacun n’ayant qu’un effet partiel</a>, mais visant, conjointement à renforcer la régulation naturelle des bioagresseurs. Détaillons les trois principaux axes.</p>
<p>Premier axe, une diversité de plantes à l’échelle de la <a href="http://doi.org/10.1016/j.gecco.2020.e01118">parcelle</a> : succession de cultures et d’intercultures pour réprimer certains bioagresseurs, mélange d’espèces et de variétés résistantes ou tolérantes pour réduire l’amplitude des dégâts, <a href="https://agriculture.gouv.fr/lancement-du-programme-prioritaire-de-recherche-cultiver-et-proteger-autrement">espèces différentes</a> en bordure de parcelle pour favoriser certains ennemis naturels et/ou mieux contrôler certains bioagresseurs. Toutefois, cet axe complexifie la récolte et peut induire le besoin de trier la collecte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978">Pour en finir avec les pesticides, il faut aussi des agriculteurs dans les champs</a>
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<p>Second axe, un <a href="http://doi.org/10.1016/j.tree.2016.02.016">sol en bonne santé</a> : les apports organiques et un travail du sol, limité ou nul, réduisent l’oxydation du sol et favorisent son activité biologique (microorganismes, faune), rendant les plantes moins vulnérables aux bioagresseurs souterrains et aériens. Cela favorise les mycorhizes, champignons filamenteux vivant en symbiose avec la plupart des plantes, qui améliorent l’acquisition de ressources rares (phosphore, eau…) et renforcent la résistance des plantes aux stress biotiques et abiotiques (sécheresse, froid…). Leur développement nécessite cependant une non-perturbation mécanique du sol et des apports modérés de fertilisants, incompatibles avec la « quête des derniers quintaux ».</p>
<p>Troisième axe, une <a href="https://www.pnas.org/content/116/33/16442.short">surface réduite</a> pour chaque parcelle combinée à la présence d’infrastructures écologiques (haies, prairies, lisières…) alentour favorisent l’abondance et la diversité les ennemis naturels des bioagresseurs. Cet axe bute toutefois actuellement sur la standardisation et la productivité réalisées à l’aide d’équipements de grand gabarit.</p>
<p>La combinaison de ces trois familles de leviers aboutit à des agro-écosystèmes sièges de <a href="https://www.quae.com/produit/1333/9782759224128/protection-agroecologique-des-cultures">nombreuses régulations biologiques</a> dans et au-dessus du sol, porteurs de cultures moins sensibles, et donc plus résilientes. Dans ces conditions, une parcelle peut jouer le rôle d’habitat pour une partie du cycle des espèces auxiliaires (source de nourriture et lieu de ponte) et ainsi être peu voire pas traitée.</p>
<p>Cette stratégie amène aussi à raisonner de manière plus systémique, par exemple en choisissant les couverts intermédiaires en fonction de leur facilité de destruction sans recours à la chimie et pas seulement pour leur facilité d’implantation. Ces régulations peuvent mettre du temps à s’instaurer et vont nécessiter des travaux pour savoir comment en fiabiliser et renforcer les effets.</p>
<p>Ces leviers présentent l’immense mérite de fournir d’autres <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02154655">services à l’agriculture</a> (pollinisation, meilleure efficience de l’eau, fertilité des sols…) ainsi qu’à la société et la planète : régulation du climat par séquestration du carbone, préservation de la biodiversité.</p>
<p>Pour autant, ce ne sont pas les leviers les plus promus par les politiques publiques ni les plus rencontrés dans les exploitations agricoles, car, mal maitrisés, ils peuvent entrer en conflit avec la simplicité et la rentabilité de court terme des exploitations. De fait, ils n’apportent actuellement pas la reconnaissance financière qui justifierait de systématiser leur intégration dans l’évaluation des performances des exploitations.</p>
<h2>Une nouvelle approche autour du bien commun</h2>
<p>Pour n’utiliser les phytos qu’en dernier recours, comme des médicaments, la conception de la santé des plantes devra se baser sur la résilience des écosystèmes vis-à-vis des bioagressions, via le développement de la biodiversité fonctionnelle bénéfique. Cela devrait être un des tout premiers critères pour juger de la performance des systèmes mis en place.</p>
<p>Cela ne pourra pas se faire sans <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02627706">mobiliser les acteurs</a> en amont (diversification de l’offre en semences) et en aval (collecte, tri, stockage et transformation des produits), d’où de <a href="https://www6.inrae.fr/ciag/content/download/6484/47879/file/Vol68-1-D%C3%A9tang-Dessendre%20et%20al.pdf">moindres économies d’échelle, mais autant de pistes pour des économies de gamme</a>.</p>
<p>Cela nécessite également des coordinations entre agriculteurs et acteurs locaux pour <a href="http://doi.org/10.1051/ocl/2013007">diversifier</a> les cultures au sein d’un territoire et gérer les infrastructures agroécologiques. Choisir cette famille de leviers ne relève donc pas du seul libre arbitre de l’agriculteur, mais bien d’une <a href="https://ecophytopic.fr/proteger/seminaire-gerer-la-sante-des-plantes-comme-un-bien-commun">gestion collective du bien commun</a> que constitue cette biodiversité fonctionnelle et les habitats qui la favorisent à l’échelle d’un territoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-science-des-pesticides-doit-etre-independante-plaide-un-chercheur-112034">La science des pesticides doit être indépendante, plaide un chercheur</a>
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<p>L’instauration de pratiques basées sur la biodiversité utile devra être contextualisée en fonction des caractéristiques de sol, de climat et d’histoire culturale de la parcelle. Il y a donc beaucoup moins de « recettes » que pour les voies de protection des cultures basées sur l’amélioration de l’efficience des intrants (chimiques) ou sur leur substitution.</p>
<p>Il faut donc que les marchés évoluent pour proposer des solutions portant à la fois une forme d’universalité et d’adaptation aisée aux situations locales. Cela suppose aussi de fournir un conseil moins normatif aux agriculteurs et le développement de <a href="http://doi.org/10.1007/s13593-015-0306-1">nouveaux dispositifs pour capitaliser et partager les connaissances</a>.</p>
<p>Enfin, si l’on vise le développement de systèmes agricoles moins vulnérables via la gestion d’un bien commun, il sera judicieux que les nouvelles pratiques soient reconnues par un label rémunérateur ou que les services environnementaux rendus à la société soient rémunérés. Cela n’entraînera pas nécessairement de surcoût, car la société paye déjà pour ces services via la dépollution de l’eau ou la prise en charge des dépenses de santé. La moindre productivité actuelle des exploitations qui s’essayent à l’agroécologie peut être soutenue par une demande locale (avantage apporté par une garantie de débouché), une reconnaissance via une labellisation des produits <a href="https://agriculture.gouv.fr/certification-environnementale-mode-demploi-pour-les-exploitations">mais aussi des exploitations</a>.</p>
<p>Tant qu’une partie des pesticides restent autorisée, les progrès sur les approches alternatives à la chimie restent timorés. Par ailleurs, on voit mal comment les produits issus d’une agriculture agroécologique pourraient se distinguer de ces mêmes produits issus de l’agriculture conventionnelle si tous finissent dans un même silo ou une même cuve masquant la distinction. Le consentement à payer pour, par exemple, une agriculture « zéro pesticides » ne peut se déployer qu’avec une traçabilité marquée. En effet, pour les fruits par exemple, les systèmes réduisant les pesticides ont généralement un chiffre d’affaires par hectare moins bon qu’en système conventionnel et qu’en agriculture biologique (AB), comme le souligne la figure suivante.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les résultats du réseau Dephy montrent les systèmes économes en pesticides (ECO) sont actuellement moins rémunérateurs que les systèmes conventionnels (REF) ou sous cahier des charges AB (AB), car on ne tient pas compte des valeurs non marchandes comme les impacts sur la santé, les pollutions évitées et la protection de la biodiversité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ecophytopic.fr/concevoir-son-systeme/reseau-dephy-expe-filiere-arboriculture-synthese-des-resultats-lechelle">Ecophytopic</a></span>
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</figure>
<p>Cela pose la question de la possible coexistence de trois formes d’agricultures conventionnelle, agroécologique et biologique. Soit les pratiques agroécologiques deviennent les standards du conventionnel (renforcé par une règlementation très ferme sur les pesticides), soit le différentiel entre conduite agroécologique et AB n’est pas suffisant et mène à leur fusion.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Construite autour de leur utilisation, notre agriculture est dépendante des pesticides. Pour s’en affranchir, la conception de la santé des plantes doit se baser sur la résilience des écosystèmes.Michel Duru, Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), InraeJean-Pierre Sarthou, Professeur INP-ENSAT en agronomie et agroécologie, InraeOlivier Therond, Ingénieur de recherche, agronome du territoire, InraeXavier Reboud, Chercheur en agroécologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1160742019-06-11T19:19:02Z2019-06-11T19:19:02ZLe cerveau, chef d’orchestre de la fertilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278985/original/file-20190611-32347-1j155xe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C6898%2C4585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Outre les paramètres biologiques, le psychisme influe sur la fertilité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cropped-image-young-woman-sitting-on-705166822?src=pOfu1K0Ay10E8I-u7SBmLg-1-25">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le monde, environ 80 millions de couples sont concernés par l’infertilité, qui est définie par l’OMS comme l’absence de grossesse après plus de 12 mois de rapports sexuels réguliers sans contraception. Et le problème <a href="http://www.leparisien.fr/societe/l-infertilite-croissante-un-vrai-sujet-d-inquietude-03-11-2017-7369893.php">ne fait que s’aggraver</a>.</p>
<p>En France, près d’un quart des couples ne parvient pas à concevoir un enfant <a href="https://epidemiologie-france.aviesan.fr/epidemiologie-france/fiches/epidemiological-observatory-for-fertility-in-france">après 1 an de rapports sexuels non protégés</a>. Au bout de 2 ans, 8 à 10 % des couples sont toujours en attente de grossesse. Conséquence : dans l’Hexagone, 1 couple sur 6 consulte pour infertilité.</p>
<p>Depuis la naissance de Louise Brown, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/j-ai-ete-la-premiere-nee-d-une-science-qui-a-change-le-monde-louise-brown-le-premier-bebe-eprouvette-fete-ses-40-ans_2865111.html">premier bébé conçu par fécondation <em>in vitro</em></a>, le 25 juillet 1978, au Royaume-Uni, de nombreux progrès scientifiques ont été accomplis. Les couples touchés par des troubles de la fertilité <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/assistance-medicale-procreation-amp">peuvent aujourd’hui avoir recours à diverses solutions de procréation médicalement assistée (PMA)</a> : traitements hormonaux visant à favoriser la fécondation, insémination, fécondation <em>in vitro</em>, fécondation <em>in vitro</em> avec micro-injection (FIV-ICSI)… Grâce à elles, en 2014 un enfant français sur 32 avait été conçu par PMA (soit 25 208 naissances). On estime que chaque année dans le monde 350 000 enfants naissent grâce à la PMA, un nombre en constante augmentation.</p>
<p>Mais pour traiter l’origine des troubles de la fertilité, encore faut-il comprendre les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement du système de reproduction chez l’homme et la femme. Débutées initialement sur les organes génitaux et les gamètes, elles ont progressivement mené les chercheurs jusqu’au cerveau.</p>
<h2>Le cerveau joue un rôle central dans la reproduction</h2>
<p>Dans les années 1940, les scientifiques ont découvert que la fertilité dépend de l’hypothalamus, une glande située à la base du cerveau. Cependant, les chercheurs ne soupçonnaient pas, alors, à quel point le cerveau jouait un rôle central dans la fertilité. Les recherches menées en neuroscience ont progressivement révélé son importance.</p>
<p>L’hypothalamus régit et coordonne de nombreuses fonctions essentielles : la faim, la soif, la température corporelle, les cycles du sommeil, les émotions, le comportement sexuel et la fonction de reproduction. Cette dernière est contrôlée par des cellules nerveuses spécialisées, les neurones neuroendocrines. Ceux-ci produisent une hormone, la GnRH (<em>gonadotrophin-releasing hormone</em>, ou gonadolibérine), qui pilote la maturation sexuelle, l’apparition de la puberté, ainsi que la fertilité à l’âge adulte.</p>
<p>La GnRH assure ce rôle en provoquant la libération par l’hypophyse, glande située sous l’hypothalamus, de deux autres hormones : l’hormone lutéinisante et l’hormone folliculo-stimulante. Transportées par le sang jusqu’aux ovaires ou aux testicules, elles régulent la production des hormones sexuelles (œstrogènes et testostérone) ainsi que la production d’œufs matures et de sperme.</p>
<p>Mais si la fertilité est inscrite dans nos gènes, elle n’est pas figée à la naissance : les facteurs environnementaux peuvent fragiliser le cerveau et donc avoir un impact sur la fonction de reproduction, en affectant notamment la puberté.</p>
<h2>Un acteur sous influence</h2>
<p>On comprend encore mal comment se met en place la puberté, toutefois la découverte de diverses mutations au cours des dernières décennies a permis d’identifier quelques gènes impliqués dans ce processus. Cependant, seul le tiers environ des troubles de la puberté rencontrés peuvent être imputés à des modifications de ces gènes. En outre, les problèmes qui surviennent à cette période peuvent trouver leur origine bien plus tôt.</p>
<p>En effet, entre le premier et le troisième mois de vie, les nourrissons subissent une « mini-puberté » qui consiste en une première activation de l’axe reproducteur par le cerveau. Cette période, qui dure juste quelques jours, est critique pour le bon déroulement ultérieur de la maturation sexuelle et pour la puberté, qui surviendra des années plus tard.</p>
<p>On sait que cette étape cruciale repose sur la production de GnRH. Or des travaux récents ont montré que celle-ci est soumise à une régulation <a href="https://www.nature.com/articles/nn.4298">épigénétique</a>, c’est-à-dire qu’elle peut être modifiée par des facteurs changeant l’activité des gènes sans modifier l’ADN (et qui peuvent néanmoins être transmis lors des divisions cellulaires). Si la production de ces facteurs est perturbée, la GnRH ne peut pas être produite, quand bien même son gène est intact. Ce qui peut empêcher la maturation sexuelle…</p>
<p>Or ces dernières années un nombre croissant de travaux ont montré que certaines substances ou un mélange de substances pouvaient interférer avec les systèmes hormonaux, et avoir des effets néfastes : ce sont les fameux <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Perturbateurs-endocriniens">perturbateurs endocriniens</a>.</p>
<h2>Le stress, un perturbateur endocrinien sous-estimé</h2>
<p>Sucre, café, acides gras polyinsaturés, produits chimiques, tabac, ondes électromagnétiques, médicaments, obésité, chaleur… La liste des perturbateurs endocriniens est longue. Mais il existe un perturbateur endocrinien moins connu, peut-être parce qu’il se situe à la frontière du psychologique : le stress. Celui-ci est pourtant considéré par l’OMS comme l’une des causes des dysfonctions gonadiques d’origine centrale, tant chez l’homme que chez la femme.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27623482">Une étude publiée en 2016</a> par des chercheurs de l’université de Louisville, aux État-Unis, révèle ainsi que les chances de tomber enceinte seraient réduites de plus de 40 % chez les femmes ressentant un niveau important de stress au moment de l’ovulation. Les auteurs de cette étude soulignent la nécessité d’encourager le recours à des techniques de gestion du stress pour les femmes qui désirent un enfant.</p>
<p>Kira Taylor, épidémiologiste et responsable de ces travaux, <a href="https://www.healthywomen.org/content/article/can-stress-lower-womans-fertility">espère que ceux-ci</a></p>
<blockquote>
<p>« pourront provoquer la prise de conscience à la fois des médecins et du grand public que la santé psychologique et le bien-être sont aussi importants que les autres facteurs impactant la fertilité comme la tabagisme, la consommation d’alcool ou l’obésité quand il s’agit de concevoir un enfant ».</p>
</blockquote>
<p>Des causes psychiques (conscientes ou inconscientes) peuvent donc être sous-jacentes à une infertilité, que des causes médicales aient été identifiées ou non. </p>
<p>Divers scientifiques défendent de ce fait la nécessité de dépasser le clivage entre l’infertilité biologique et l’infertilité psychogène (causée par le psychisme). Ainsi Marianne Dollander et Sophie Lallié, chercheuses au laboratoire de psychologie de l’Université de Lorraine, <a href="https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2010-1-page-145.htm">soulignent-elles que</a> « les facteurs psychogènes peuvent être sous-jacents à une infertilité organique, dont les explications médicales ne sont pas à remettre en cause. »</p>
<p>On peut espérer qu’à l’avenir une meilleure prise en compte des phénomènes psychologiques accompagnant l’infertilité, jusqu’ici peu considérés, permettra de trouver les réponses à certaines des questions sur la fécondité qui restent en suspens.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : Alejandro S. et Godefroy A.-S., <a href="https://laboutique.edpsciences.fr/produit/1083/9782759822737/Infertilite%20et%20cerveau%20">« Infertilité et cerveau ? Des clés pour concevoir ! »</a>, EDP Sciences, à paraître le 20 juin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116074/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Dworczak ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cerveau est un acteur central de la reproduction. Conséquence : si l’infertilité peut avoir des origines biologiques, le psychisme est également un paramètre à prendre en compte en cas de problème.Fabien Dworczak, PhD, chercheur neurosciences et politiques publiques, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1133342019-03-14T00:38:13Z2019-03-14T00:38:13ZChlordécone et cancer : à qui profite le doute ?<p>Le 20 mars dernier, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.32287">une nouvelle étude</a> associant chercheurs de l’INSERM et cliniciens du CHU de la Guadeloupe était publiée dans la revue International Journal of Cancer. Elle renforçait les connaissances sur la cancérogénicité du chlordécone, molécule organochlorée qui fut utilisée comme pesticide dans les bananeraies antillaises de 1972 à 1993 pour lutter contre le <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/328477">charançon noir</a>. </p>
<p>Ces travaux montrent que <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/03/21/une-nouvelle-etude-confirme-le-potentiel-cancerigene-du-chlordecone_5439289_3244.html">l'exposition au chlordécone augmente jusqu'à trois fois</a> le risque de <a href="https://www.urofrance.org/base-bibliographique/recidive-biologique-apres-prostatectomie-totale-pour-cancer-que-faire">récidive biochimique du cancer de la prostate</a> après traitement chirurgical. Au sein de la communauté scientifique, la cancérogénicité du chlordécone ne fait plus débat depuis longtemps. On sait en effet depuis la fin des années 1970 que cette molécule dotée de propriétés hormonales est neurotoxique, reprotoxique et cancérigène. </p>
<p>Pourtant, le 27 septembre 2018, lors d’un déplacement en Martinique, le Président de la République Emmanuel Macron <a href="http://discours.vie-publique.fr/notices/187001902.html">affirmait que</a></p>
<blockquote>
<p>« L’état des connaissances scientifiques, qui est aujourd’hui le nôtre, permet de constater la présence de chlordécone dans le corps humain. Mais il ne permet pas de certifier que cette présence a un effet sur la santé humaine. »</p>
</blockquote>
<p>Quelques mois plus tard, le 1<sup>er</sup> février 2019, dans le cadre du débat national avec les élus des outre-mer, il <a href="https://www.allodocteurs.fr/embed/media/51699?autoplay=1">réitéra cette affirmation</a> :</p>
<blockquote>
<p>« il ne faut pas dire que le chlordécone est cancérigène […] parce qu’à la fois on dit quelque chose qui n’est pas vrai et on alimente les peurs. »</p>
</blockquote>
<p>Bien que l’Élysée se défendit ensuite en évoquant un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/04/chlordecone-l-elysee-plaide-le-malentendu-apres-la-declaration-polemique-de-macron_5419206_823448.html">simple malentendu</a>, cette production de doute quant à la nature cancérigène du chlordécone suscita incompréhension et colère de la part des Antillais. </p>
<p>Le politique invente-t-il une controverse scientifique pour minimiser la nature cancérigène du chlordécone ? Pour répondre à cette question, il faut revenir sur la façon dont se sont construites les connaissances sur cette molécule.</p>
<h2>Une pollution durable des Antilles</h2>
<p>L’usage à grande échelle du chlordécone a entraîné une contamination durable des écosystèmes de la Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que de leurs habitants : de par sa très faible capacité à se dégrader dans les sols, on estime <a href="http://transfaire.antilles.inra.fr/IMG/pdf/Vol16-10-Cabidoche_1_.pdf">à près de six siècles</a> le temps qui devra s’écouler pour que le chlordécone puisse être éliminé par lessivage. La pollution des sols et des eaux superficielles et profondes entraîne une <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/chlordecone-contamination-a-long-terme-aux-antilles_127976">contamination des aliments</a>, des denrées animales et végétales ainsi que des produits issus de la mer.</p>
<p>Cette situation est perçue comme d’autant plus scandaleuse que l’État français a <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RFAS_151_0163">délivré des autorisations d’utilisation</a> à une époque où des connaissances scientifiques sur la dangerosité du chlordécone, y compris en raison de son potentiel cancérigène, existaient déjà. Depuis 1999, l’État a d’ailleurs mis en place des mesures de protection des populations.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/a7AqWZbwOJQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Une dangerosité connue de longue date</h2>
<p>La formulation de la question « le chlordécone est-il cancérigène ? » n’appelle pour réponse qu’un « oui » ou un « non » sans équivoque. Or, ce faisant elle simplifie la façon dont les savoirs scientifiques se construisent, et tend à occulter l’ensemble des connaissances acquises depuis plus de 40 ans au sujet du chlordécone.</p>
<p>La question de la cancérogénicité du chlordécone se pose pour la première fois aux États-Unis, à Hopewell, dans l’État de Virginie. En 1975, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/78669">laisser-aller de l’entreprise</a> qui produisait la molécule causa l’intoxication massive des ouvriers et la pollution des eaux et de la faune de la rivière James. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/93289">Des travaux</a> publiés entre 1976 et 1979, dont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/78523">certains</a> dans des revues prestigieuses comme <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/93289"><em>PNAS USA</em></a>, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17759232"><em>Science</em></a> et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/74014"><em>The New England Journal of Medicine</em></a>, établirent un diagnostic sans appel : le chlordécone est une substance neurotoxique, reprotoxique, cancérigène et présentant des propriétés hormonales, qui le placeront quelques années plus tard dans la catégorie des <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/22-23/pdf/2018_22-23_4.pdf">perturbateurs endocriniens avérés</a>.</p>
<p>Dès 1976, les autorités américaines n’ont pas hésité à être explicites dans leurs messages de prévention adressés à la population, qualifiant le chlordécone de « probablement cancérigène pour les humains ». Leur mise en garde ne s’appuyait alors pourtant que sur des essais de cancérogenèse chez les rongeurs. En 1979, le <a href="https://monographs.iarc.fr/wp-content/uploads/2018/06/mono20.pdf">Centre international de recherche sur le cancer</a> précisait</p>
<blockquote>
<p>« En l’absence de données sur les humains, il est raisonnable, à des fins pratiques, de traiter le chlordécone comme s’il présentait des risques pour les humains. »</p>
</blockquote>
<h2>Le chlordécone est associé au cancer de la prostate</h2>
<p>L’acquisition des connaissances sur ce pesticide allait entrer dans une seconde phase à la fin des années 1990. La question du risque cancérogène est en effet devenu dès 1999 l’un des enjeux majeurs des recherches menées aux Antilles. Les propriétés cancérigènes et hormonales du chlordécone ont logiquement orienté les travaux des scientifiques vers le cancer de la prostate, une pathologie tumorale hormono-dépendante très fréquente aux Antilles.</p>
<p>Une étude épidémiologique, soutenue financièrement par la puissance publique (notamment le ministère de la Santé dans le cadre du Plan National d’Action chlordécone) et par des associations de lutte contre le cancer, a été alors conduite par des chercheurs institutionnels. Les résultats de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20566993">cette étude</a>, publiée en 2010, révèlent que</p>
<blockquote>
<p>« l’exposition au chlordécone est associée à un risque accru de survenue du cancer de la prostate. »</p>
</blockquote>
<p>Sur la base de ces observations et en accord avec les connaissances sur les mécanismes biologiques hormonaux du chlordécone, les auteurs de ces travaux ont suggéré l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition au chlordécone et le risque de cancer de la prostate.</p>
<p>Par ailleurs, en 2011, dans un texte intitulé <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2011/03_04_05/beh_03_04_05.pdf">« Des incertitudes, mais suffisamment de preuves pour guider l’action »</a>, le président du conseil scientifique chlordécone InVS-Inserm soulignait</p>
<blockquote>
<p>« un effet cancérigène est probable et le niveau de preuve a été renforcé par les travaux épidémiologiques […] sur le cancer de la prostate. »</p>
</blockquote>
<p>Les nouveaux travaux publiés le 20 mars confirment et renforcent, si besoin était, le potentiel cancérigène du chlordécone.</p>
<p>À ce jour, cette association, comme sa plausibilité biologique, ne sont disputées par aucune publication scientifique. Il n’y a donc pas de controverse scientifique ici, contrairement à d’autres cas, comme <a href="https://theconversation.com/impacts-du-glyphosate-sur-la-sante-et-lenvironnement-ce-que-dit-la-science-75946">celui du glyphosate</a>.</p>
<h2>Le renversement politique de la preuve scientifique</h2>
<p>Cette longue expérience de recherche sur le chlordécone a donc permis d’arriver à un résultat important : aux Antilles, l’exposition au chlordécone est associée à un risque accru de survenue du cancer de la prostate.</p>
<p>En revanche, en terme de méthodologie scientifique stricte, il est exact qu’il n’est pas possible d’établir rigoureusement et formellement la preuve d’une causalité. C’est sur ce point que s’est appuyé le Président de la République lorsqu’il a produit ses déclarations, qui ont pour effet de produire un renversement de la preuve scientifique.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-lepidemiologie-110721">Comprendre l’épidémiologie</a>
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<p>Plusieurs raisons expliquent cette absence de causalité univoque (qui concerne aussi d’autres facteurs de risque tels que radioactivité, perturbateurs endocriniens, etc.) : le fait, par exemple, que le processus menant à un cancer prenne plusieurs dizaines d’années et dépende de multiples facteurs individuels (exposition, bagage génétique, mode de vie…), ou le fait que chacun soit exposé, tout au long de sa vie, à de nombreuses substances potentiellement toxiques…</p>
<p>Toutefois, des études épidémiologiques comparant le risque de développer une maladie encouru par une population exposée à un agent donné au risque que court le reste de la population permettent de déterminer, comme dans le cas du chlordécone, une probabilité d’association. L’impossibilité d’attester pour l’instant d’une causalité univoque ne devrait donc pas être utilisée pour innocenter cette molécule face au cancer, ni faire de ladite causalité l’irréfutable alpha et oméga de l’action publique.</p>
<p>En d’autres termes, la question ne devrait pas être « le chlordécone est-il cancérigène ? », mais plutôt « que doit-on faire pour protéger les populations de ce risque cancérigène ? »</p>
<h2>Une aspiration à la justice environnementale</h2>
<p>Le chlordécone donc a été mis en cause de longue date, non seulement par des équipes scientifiques américaines et françaises mais aussi par des institutions nationales et internationales spécialisées dans la recherche sur le cancer, ainsi que par des associations médicales et écologistes antillaises. Dans ce contexte, la récente production politique d’un doute sur sa cancérogénécité pourrait révéler la tentation de mettre en place un processus de normalisation. </p>
<p>Ce doute tend en effet à présenter comme « normal » le rapport entre l’inquiétante incidence du cancer de la prostate aux Antilles et la longue exposition à un milieu de vie intensément et durablement contaminé. Or, les résultats des études épidémiologiques aux Antilles mettent en évidence que les influences des origines ethniques des populations, <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/39-40/pdf/2016_39-40_6.pdf">reconnues par ailleurs</a>, ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de cette surincidence : l’exposition au chlordécone y contribue également.</p>
<p>Ces déclarations sont d’autant plus incongrues que l’histoire du chlordécone en France, de son autorisation aux modalités de son interdiction, démontre un dédain de la santé des Antillais <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SHS2010etInracol01Ra.pdf#page=32">à la faveur d’intérêts économiques et financiers</a>. C’est précisément en prétextant l’ignorance des alertes scientifiques et en invoquant l’<a href="http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i2430.pdf#page=27">argument fallacieux</a> de l’absence d’une autre méthode de lutte contre le charançon, que des responsables gouvernementaux et des membres des services de l’État ont accordé des autorisations successives à l’<a href="https://www.larecherche.fr/la-saga-du-chlord%C3%A9cone">utilisation du chlordécone aux Antilles</a>.</p>
<p>L’incompréhension et l’indignation des populations antillaises a par ailleurs été renforcée par les atermoiements sur les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/nouvelles-normes-lmr-vont-doute-declencher-nouvelles-polemiques-dossier-du-chlordecone-639276.html">limites maximales de résidus</a> à implémenter dans les denrées alimentaires. Face à ce scandale, les Antillais aspirent à une justice environnementale. Il s’agit d’une part d’obtenir la reconnaissance de leur injuste exposition à une molécule dangereuse, inscrite à la <a href="http://chm.pops.int/Portals/0/download.aspx?d=UNEP-POPS-POPRC.3-20-Add.2.French.pdf">liste des polluants organiques persistants</a> de la convention de Stockholm du programme des Nations-Unies pour l’environnement, et d’autre part, de faire appliquer leur droit à vivre dans un environnement sain.</p>
<p>Dès 2006, des associations de Martinique et de Guadeloupe <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/chlordecone-pourquoi-plaintes-n-ont-pas-encore-abouti-559173.html">ont porté plainte</a> et une instruction judiciaire est toujours en cours.</p>
<p>Le décalage avec l’attitude des autorités américaines dans les années 1970 est flagrant. Un an après l’incident de Hopewell, l’<a href="https://www.nytimes.com/1976/12/31/archives/kepone-worker-suits-are-settled-out-of-court-with-judges-backing.html">usine était fermée</a>, la justice était rendue.</p>
<p>Le 27 septembre 2018, le président de la République a justement souligné la nécessité pour l’État « d’assumer sa part de responsabilité » et d’œuvrer à un « zéro chlordécone » dans les produits de consommations des Antillais. Plutôt que de générer une confusion qui n’a aujourd’hui plus lieu d’être d’un point de vue scientifique sur la cancérogénicité du chlordécone, ces deux objectifs, ainsi que celui de la dépollution des sols, nous semblent les plus importants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour les scientifiques, le caractère cancérigène du chlordécone ne fait aujourd’hui plus de doute. Au sommet de l’État, on semble moins convaincu. Réel malentendu, ou vraie volonté de semer le doute ?Luc Multigner, Directeur de recherche, InsermMalcom Ferdinand, Chargé de recherche, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107542019-02-11T15:53:46Z2019-02-11T15:53:46ZCancer du sein: il est temps de s'attaquer aux causes environnementales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/258274/original/file-20190211-174890-771f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les données démontrent que la croissance des polluants atmosphériques - ainsi que la hausse des températures, l'augmentation des pluies et les inondations - établissent un lien entre le cancer du sein et les changements climatiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Il est encourageant de voir que les médias portent plus d’attention à la question des changements climatiques et de ses effets sur les systèmes de survie de la planète. Le lien entre le cancer du sein et l’environnement est, toutefois, négligé.</p>
<p>Les femmes en préménopause exposées à de forts niveaux de pollution de l’air ont un risque de cancer du sein de 30 pour cent plus élevé, selon <a href="https://journals.lww.com/environepidem/Fulltext/2018/09000/Residential_exposure_to_fine_particulate_matter.2.aspx">un article de <em>Environmental Epidemiology</em></a> publié par Paul Villeneuve, professeur en santé professionnelle et environnementale à l’Université Carleton, et son équipe de recherche l’an dernier.</p>
<p>Ceci devrait déclencher une prise de conscience, étant donné que nous tendons à croire que le cancer du sein est une maladie qui frappe les femmes plus âgées.</p>
<p>De fait, la science du cancer du sein nous dit que «<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1179/107735209799449761">la prédisposition génétique ne contribue que légèrement à modérément</a>» au cancer du sein. Les facteurs de risque connus — comme l’historique familial, l’âge, le genre, l’ethnie et les hormones — ne comptent que pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22129067">environ seulement trois cas sur 10</a>.</p>
<p>Les 70 autres pour cent sont probablement reliés à l’environnement — incluant l’air, l’eau et le sol, les endroits où nous vivons et travaillons et les produits que nous consommons — selon la recherche actuelle.</p>
<p>Au Canada, <a href="http://www.cancer.ca/en/cancer-information/cancer-type/breast/statistics/?region=on">le cancer du sein a été diagnostiqué chez plus de 26 300 femmes en 2017</a> de sorte que ce 70 pour cent représente de nombreuses femmes.</p>
<h2>Agents cancérigènes en milieu de travail</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1186/1476-069X-11-87">Nos environnements de travail</a> font partie de cette histoire.</p>
<p>Un article publié en novembre dernier dans <em>New Solutions Journal</em> <a>identifie les expositions en milieu de travail comme la cause du cancer du sein d’une femme.</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253977/original/file-20190115-152968-1ugnkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des militants écologistes protestent contre le réchauffement climatique à Katowice, en Pologne, le 8 décembre 2018, durant la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques COP24.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Alik Keplicz)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aide des éléments de preuve présentés lors d’une audience sur les accidents de travail, Michael Gilbertson, un ancien biologiste du gouvernement fédéral qui a étudié les effets des produits chimiques toxiques sur la santé, et Jim Brophy, un chercheur en santé professionnelle, ont découvert qu’ils pouvaient identifier une relation causale entre le diagnostic de cancer de cette femme et son exposition élevée à la pollution de l’air — en tant que garde-frontière sur le pont reliant Windsor, en Ontario à Détroit, au Michigan.</p>
<p>Malgré la preuve scientifique soulignant les facteurs environnementaux et le rôle important qu’ils ont probablement joué en causant le cancer du sein, la femme du poste frontalier n’a pas obtenu d’indemnisation.</p>
<p>Elle n’a rien obtenu même si les cancers du sein dans cette région sévissaient à un taux 16 fois plus élevé que dans le reste du pays, et dans un environnement avec <a href="https://doi.org/10.1002/cncr.22653">des polluants contenant des agents cancérigènes du sein connus</a> comme le benzène et les hydrocarbures polycycliques aromatiques.</p>
<p>Ce n’est pas étonnant, étant donné que l’environnement est régulièrement négligé lorsque nous parlons de cancer du sein.</p>
<h2>Une maladie de nos communautés</h2>
<p>Quand les chercheurs étudient ce que les femmes savent à propos du cancer du sein, ils constatent qu’elles portent attention aux remèdes, à la détection et aux traitements. Ce qui manque souvent à leur liste, c’est la prévention, et la <a href="https://doi.org/10.1080/10410236.2010.496836">prévention est souvent confondue avec la détection précoce</a>.</p>
<p>La prévention primaire signifie de stopper le cancer avant qu’il apparaisse — non pas le découvrir et le traiter tôt, quoique cela aussi soit important. Les connaissances des femmes sur le cancer du sein sont considérablement <a href="https://doi.org/10.1111/1467-9566.00274">connectées aux médias et aux messages des médecins</a>.</p>
<p>Les prévisions sur l’avenir du cancer nous révèlent qu’<a href="https://www.canada.ca/en/public-health/services/chronic-diseases/cancer/canadian-cancer-statistics.html">un Canadien sur deux</a> recevra probablement un diagnostic de cancer au cours de sa vie. Les projections démontrent un taux croissant de plusieurs cancers, dont le cancer du sein.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253978/original/file-20190115-152983-gzxym1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Miami Tower est illuminée en rose et violet pour la Journée de sensibilisation au cancer du sein métastatique, le 13 octobre 2018 à Miami. Il y a 155 000 femmes atteintes de ce cancer aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jesus Aranguren/AP Images pour AstraZeneca</span></span>
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<p>Le Dr Ted Schettler, qui a écrit <a href="https://www.healthandenvironment.org/docs/EcologyOfBreastCancer_Schettler.pdf"><em>The Ecology of Breast Cancer</em></a> soutient :</p>
<p>_«Le cancer du sein n’est pas seulement une maladie des cellules anormales, mais aussi des communautés que nous créons et où nous vivons.»</p>
<p>Si nous suivons son raisonnement, cela signifie que nous pouvons créer des conditions pour réduire à l’avenir les cancers du sein. La question devient alors comment?</p>
<h2>On ne peut blâmer les femmes</h2>
<p>Pour commencer, nous devons rendre la prévention au moins aussi prioritaire que la détection précoce, les meilleurs traitements et la recherche de remèdes. Nous devons aussi bien envisager toutes les causes présumées.</p>
<p>Les conversations sur la prévention suscitent souvent des débats pour identifier les responsables des taux de cancer du sein actuels. Mais une population vieillissante de femmes qui fait de mauvais choix de style de vie n’explique pas les hausses de cancer du sein chez un nombre de femmes grandissant et plus jeunes.</p>
<p>Cela n’explique pas pourquoi les femmes qui immigrent de pays où le taux de cancer du sein est peu élevé atteignent les mêmes taux dans les 10 années suivant leur arrivée dans leur nouveau foyer. Cela n’explique pas non plus les concentrations de cancers du sein dans les régions ayant des taux élevés de pollution de l’air contenant des agents cancérigènes du sein reconnus.</p>
<p>Nous devons être convaincus de ce que la science nous enseigne déjà concernant le rôle des <a href="https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-017-0287-4#Sec49">dangers professionnels et environnementaux</a> dans les causes du cancer du sein.</p>
<p>En effet, des éléments de preuve indiquent qu’il y a <a href="https://www.eurekalert.org/pub_releases/2017-10/ssi-ete101017.php">des rapports entre de nombreux polluants environnementaux</a> et un risque accru du cancer du sein — <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17503434">incluant les pesticides, herbicides, produits chimiques de synthèse, produits chimiques perturbateurs endocriniens et émissions de véhicules</a>. <a href="https://journals.lww.com/joem/Abstract/2011/05000/Breast_Cancer_Risk_Associated_With_Residential.10.aspx">Le fait de vivre et travailler en étant exposé à ces polluants</a>, particulièrement durant les périodes vulnérables du développement, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1240618/">place les femmes</a> dans une situation à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22129067">haut risque</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1186/1476-069X-11-87">Certains emplois</a>, notamment la radiologie, la pharmacie, les soins de santé, la coiffure, le travail des matières plastiques, l’industrie manufacturière, l’agriculture, ainsi que le travail du personnel navigant de transport aérien et de lutte contre les incendies <a href="https://doi.org/10.1177/1048291118758460">comportent aussi un risque plus élevé</a>. Ces <a href="https://d124kohvtzl951.cloudfront.net/wp-content/uploads/2017/03/02025357/Report_Working-Women-and-Breast-Cancer_August_2015.pdf">secteurs professionnels emploient des milliers de milliers de femmes</a> à travers le monde.</p>
<p>Il nous faut une plus grande sensibilisation et des programmes étendus pour se concentrer sur ces causes environnementales et professionnelles. Et il nous faut créer et appliquer des politiques et règlements qui préviennent de telles expositions aux polluants.</p>
<h2>Le lien des changements climatiques</h2>
<p>Les femmes dans l’étude de Paul Villeneuve ne sont pas différentes de la garde-frontière. Leurs cas sont tous reliés à des niveaux élevés de pollution de l’air. Leurs histoires sont celles d’innombrables autres femmes qui ont été exposées au Canada à des agents cancérigènes du sein dans plusieurs environnements urbains et milieux de travail ayant des niveaux élevés de pollution industrielle et automobile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253979/original/file-20190115-152983-1aieub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les inondations, résultant des changements climatiques, peuvent déplacer des contaminants dans des endroits où ils peuvent être davantage exposés aux humains. Suzanne Diamond marche ici dans une zone inondée du lac Saint-Pierre à Yamachiche, au Québec, en mai 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz)</span></span>
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<p>Nous avons aussi des éléments prouvant que ces expositions augmentent avec les changements climatiques. Ce lien est complexe, comme c’est si souvent le cas à propos du cancer en général. La pollution de l’air est <a href="https://www.who.int/sustainable-development/AirPollution_Climate_Health_Factsheet.pdf">l’une des nombreuses causes des changements climatiques</a> de même que du <a href="https://journals.lww.com/environepidem/Fulltext/2018/09000/Residential_exposure_to_fine_particulate_matter.2.aspx">cancer du sein</a>.</p>
<p>On croit également que l’accroissement des températures de l’air ambiant peut changer les effets des contaminants chimiques sur les humains et que l’accroissement des précipitations et des inondations va <a href="https://setac.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/etc.2046">déplacer des contaminants vers des endroits où ils peuvent être davantage exposés aux humains</a>.</p>
<p>Finalement, alors que la fréquence des incendies augmente avec les changements climatiques, les expositions aux produits chimiques associés au développement du cancer du sein qu’on retrouve souvent dans les incendies augmentent aussi. Des études examinent présentement <a href="http://womenfirefighterstudy.com/about/">une augmentation possible des cas de cancer du sein chez les pompières</a>. Elles sont nettement un groupe hautement exposé et pourraient être un exemple de femmes courant un risque élevé de développer un cancer du sein.</p>
<h2>Faire de la prévention une priorité</h2>
<p>En ce moment important de l’histoire, alors que nous débattons de l’état déplorable de l’environnement et des répercussions néfastes qui y sont associées, nous avons l’occasion de faire une priorité de la prévention de plusieurs maladies, dont le cancer du sein.</p>
<p>Plusieurs reportages traitent des nombreux problèmes de santé reliés aux changements climatiques, incluant d’autres cancers, les maladies cardiovasculaires, les problèmes de fertilité, l’asthme, les issues indésirables de grossesse, les infirmités, le diabète et les AVC. Et pourtant, malgré les preuves croissantes d’un rapport entre le cancer du sein et des expositions environnementales, les médias ne couvrent pas cet aspect du dossier.</p>
<p>Nous devons maintenant travailler à créer un avenir où nous n’aurons pas à mettre en péril notre santé en raison d’expositions non réglementées à des agents cancérigènes du sein connus et présumés. Nous devons plutôt <a href="https://deainfo.nci.nih.gov/ADVISORY/pcp/annualReports/pcp08-09rpt/PCP_Report_08-09_508.pdf">mettre en œuvre le principe de précaution</a> — dans nos communautés, nos milieux de travail et à l’échelle planétaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110754/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jane McArthur a reçu des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. </span></em></p>La plupart des cas de cancer du sein sont liés à des causes environnementales. Lorsque nous parlons des changements climatiques, nous ne devons pas négliger cette partie de l'histoire.Jane E. McArthur, Doctoral Candidate in Sociology, University of WindsorLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107212019-01-29T20:47:44Z2019-01-29T20:47:44ZComprendre l’épidémiologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256180/original/file-20190129-108355-ag5cq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2973%2C1989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épidémiologie s’intéresse à l’état de santé des populations plutôt qu’à la santé des individus, objet de la médecine clinique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous connaissons tous les méfaits du tabac, de l’alcool, d’une alimentation non équilibrée. Nous avons tous été sensibilisés au bénéfice du dépistage de l’hypertension artérielle, de certains cancers, ou de maladies infectieuses comme le SIDA. Mais saviez-vous que, pour pouvoir formuler ces recommandations, des scientifiques et des médecins ont suivi des dizaines de milliers d’individus, pendant plusieurs années ? Sans ces études épidémiologiques, impossible de connaître précisément la répartition des maladies au sein des populations, ou de déterminer quels sont les facteurs qui augmentent le risque de leur survenue.</p>
<p>De fait, l’épidémiologie est au cœur de nombreux débats de société : <a href="https://www.lemonde.fr/planete/video/2017/09/25/en-quoi-le-glyphosate-pose-t-il-probleme_5191253_3244.html">glyphosate</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/video/2018/07/28/chlordecone-le-scandale-sanitaire-explique-en-six-minutes_5337044_3244.html">chlordécone</a>, <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/perturbateurs-endocriniens">perturbateurs endocriniens</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/05/02/la-pollution-de-l-air-tue-7-millions-de-personnes-par-an-dans-le-monde-alerte-l-oms_5293076_3244.html">particules fines</a>, <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/salmonellose">salmonelles</a>, <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/ebola">Ebola</a>, autant de termes qui ont fait la une de nos journaux cette année. Mais en quoi consiste, au juste, cette discipline scientifique ?</p>
<p>Avant tout, faire de l’épidémiologie revient à estimer un risque : le risque d’être ou de tomber malade, et son augmentation potentielle, en fonction de certaines caractéristiques comme nos gènes, nos comportements, notre environnement…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Q6JCq8Bne44?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Surveiller et modéliser : l’épidémiologie descriptive</h2>
<p>L’épidémiologie descriptive surveille les maladies sur le territoire national ou planétaire. Elle détecte des « signaux » : par exemple un début d’épidémie, qui déclenchera l’intervention des équipes d’investigation. Elle est utilisée pour estimer le fardeau de la maladie (le « burden of disease » des Anglo-saxons), afin d’adapter les moyens de prise en charge aux besoins de la population. Enfin, elle permet d’évaluer l’impact des actions de prévention et des actions curatives mises en place par les pouvoirs publics.</p>
<p>Initialement dédiée aux maladies infectieuses, cette surveillance s’est étendue aux maladies chroniques comme les maladies cardio-vasculaires, les cancers ou les maladies neurodégénératives. Elle est réalisée par les agences de sécurité sanitaire, dont <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/">Santé Publique France</a>, et repose sur des réseaux de cliniciens, de laboratoires, et des registres. L’épidémiologie descriptive permet aussi de suivre l’impact des politiques menées, et d’identifier les zones de faiblesse, les populations à risque, afin de prioriser les actions.</p>
<p>Grâce à elle, on sait par exemple qu’en France <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/recueils-ouvrages-et-rapports/recueils-annuels/l-etat-de-sante-de-la-population/article/l-etat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2017">l’espérance de vie à la naissance est de 85 ans pour les femmes</a>, deuxième rang européen derrière l’Espagne, et de 79 ans pour les hommes. Ou encore que plus de la moitié des décès qui surviennent dans notre pays sont dus aux maladies cardio-vasculaires et aux cancers, à peu près à parts égales.</p>
<p>Il est néanmoins des situations où les données n’existent pas encore, notamment quand il s’agit de prédire le devenir d’une épidémie en cours. Dans ces circonstances, les modèles mathématiques viennent au secours de la surveillance. Alimentés par les données disponibles, ils produisent des prédictions sur l’évolution d’une maladie ou l’efficacité respective de différents scénarios. L’exercice est toutefois délicat.</p>
<p>Dans le cas de la variante de la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob">maladie de Creutzfeldt-Jakob</a> (transmise par les bovins atteints de la maladie de la « vache folle »), certains modèles, issus d’équipes de recherche réputées, avaient initialement prédit qu’à l’horizon 2020, le nombre de cas pourrait se situer entre 70 et <a href="https://www.nature.com/articles/35020688">136 000</a>. Cette fourchette très large était due aux incertitudes concernant la durée d’incubation de la maladie. Un modèle ultérieur, basé sur une durée d’incubation <a href="https://www.researchgate.net/publication/11634650_Estimation_of_Epidemic_Size_and_Incubation_Time_Based_on_Age_Characteristics_of_vCJD_in_the_United_Kingdom">estimée à 17 ans grâce à de nouvelles données</a>, a en revanche permis de prédire de façon très fiable le nombre total de cas au Royaume-Uni (205 prédits, contre 177 finalement observés).</p>
<h2>L’épidémiologie analytique : comprendre la survenue des maladies</h2>
<p>L’autre grand versant de l’épidémiologie est appelé épidémiologie analytique. Son objectif est d’identifier les déterminants des maladies. Il peut s’agir non seulement de nos gènes, mais également de nos « expositions », c’est-à-dire nos comportements (alcool, tabac, alimentation…), la pollution atmosphérique, les médicaments que nous prenons, les agents infectieux présents dans notre environnement (parfois transmis par des vecteurs comme les moustiques), etc.</p>
<p>Par analogie avec le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pnYNsbCWBLg">génome</a>, on parle d’ailleurs aujourd’hui d’« exposome », terme décrivant l’ensemble des expositions non génétiques que subit un individu de sa conception jusqu’à la fin de sa vie.</p>
<p>La naissance de l’épidémiologie analytique a suivi la transition épidémiologique dans les pays industrialisés. Dans ces derniers, la mortalité par maladies infectieuses a chuté au XX<sup>e</sup> siècle. Cette baisse a été à l’origine d’un bond sans précédent de l’espérance de vie dans l’histoire de l’humanité : 23 années de vie gagnées lors de la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle. On doit cette baisse avant tout aux progrès de l’hygiène et de l’alimentation, la vaccination et les antibiotiques prenant le relais lors de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle pour consolider ces résultats.</p>
<iframe src="https://ourworldindata.org/grapher/life-expectancy?year=2015" style="width: 100%; height: 600px; border: 0px none;" width="100%" height="400"></iframe>
<p><em><strong>Espérance de vie, 2015 :</strong> cette infographie indique l'espérance de vie à la naissance. Celle-ci correspond à une estimation du nombre moyen d'années qu'un nouveau-né pourrait vivre si les tendances en terme de mortalité qui prévalaient au moment de sa naissance restaient les mêmes tout au long de sa vie.</em></p>
<p>Avec l’augmentation de l’espérance de vie, des maladies au développement plus lent allaient prendre le relais des maladies infectieuses comme première cause de mortalité dans les pays industrialisés : les maladies chroniques, dites « non transmissibles », comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires ou, plus récemment, les maladies neurodégénératives. </p>
<p>Ces pathologies ont posé de nouveaux problèmes méthodologiques aux épidémiologistes. En effet, le modèle « une infection, un microbe » ne fonctionne plus pour ces maladies dont l’origine est plurifactorielle. De nouvelles méthodes d'étude ont donc dû être inventées durant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, donnant naissance à l’épidémiologie moderne.</p>
<h2>Les apports de l’épidémiologie en santé publique</h2>
<p>Parmi les études épidémiologiques emblématiques, on peut citer la première étude dite cas-témoins, initiée en 1948 par Richard Doll et Austin Bradford Hill dans les hôpitaux de Londres. L’idée était de comparer la consommation tabagique (l’exposition) entre une série de cas, les cancers du poumon, et les témoins, des patients du même âge et du même sexe hospitalisés pour des affections non cancéreuses. Une consommation tabagique supérieure chez les cas comparés aux témoins suggérerait l’implication du tabac dans la genèse du cancer du poumon. C’est bien ce qu’ont révélé les résultats de cette étude, publiés dans le <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/56933/RA_1999_1_185-197_fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y">British Medical Journal en 1950</a>.</p>
<p>Le deuxième grand chantier a été celui des facteurs de risque cardio-vasculaires. Le décès de Franklin D. Roosevelt d’une hémorragie cérébrale en 1945 a servi d’électrochoc pour les pouvoirs publics américains. En 1948, Harry Truman signe le National Heart Act, et octroie 500 000 dollars pour débuter une étude de cohorte dédiée à l’étude des facteurs de risque cardio-vasculaire. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-facteurs-de-risque-cardiovasculaires-une-decouverte-revolutionnaire-et-recente-103472">Les facteurs de risque cardiovasculaires, une découverte révolutionnaire… Et récente !</a>
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<p>L’idée était de suivre <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/463/etudes_cohortes.pdf?1548806602#page=2">plus de 5 000 habitants de la ville de Framingham, Massachusetts</a>, pendant des dizaines d’années, afin d’identifier chez eux les facteurs associés à la survenue de maladie coronarienne ou d’accidents vasculaires cérébraux. Il s’agit d’un autre type d’étude épidémiologique, dite « de cohorte », par analogie avec les cohortes de soldats romains, qui une fois enrôlés, restaient à vie dans la cohorte. La troisième génération de participants à cette étude a été incluse en 2002.</p>
<p>Une autre cohorte américaine, la <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/463/etudes_cohortes.pdf?1548806602#page=2">« Nurses’ Health Study »</a>, s’est attachée à décrire les conséquences sur la santé de la contraception orale et des comportements alimentaires. Les effectifs sont considérables : plus de 200 000 femmes suivies pour certaines depuis plus de 40 ans.</p>
<p>Les études de cohortes sont réputées fiables, mais sont cependant très longues et coûteuses. Les études cas-témoins ont moins bonne réputation, du fait des risques de biais de sélection des témoins et de la moins bonne mesure des expositions qui se fait de façon rétrospective. Néanmoins, elles ont déjà pu rapidement apporter des éléments probants en faveur d’une association, quitte à ce que ces premiers résultats soient confirmés par la suite au cours d’études de cohorte.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.2910270102">une étude cas-témoins</a> menée en Grèce a montré que les femmes exposées au tabagisme de leur mari risquaient davantage de développer un cancer du poumon, comparées à des femmes non exposées. Ce constat a ouvert la voie à l’interdiction du tabagisme dans les lieux publics, puisqu’un fumeur ne mettait plus simplement sa vie en danger en fumant, mais aussi celle des autres. Une série d’études cas-témoins a aussi permis de montrer que le coucher des nouveau-nés en position ventrale augmentait fortement le risque de mort subite du nourrisson. Les recommandations qui ont suivi ces travaux ont permis, en France, de réduire le nombre de cas de 70 % en cinq ans (1464 décès en 1991 contre 451 en 1996).</p>
<h2>Les limites de l’épidémiologie</h2>
<p>La question des expositions environnementales est l’une de celles qui posent le plus de problèmes aux épidémiologistes. Particules fines dans l’atmosphère, produits phytosanitaires, métaux lourds… Les expositions individuelles à ces agents physiques, chimiques et biologiques présents dans l’air, l’eau, les sols, ou l’alimentation sont difficiles à mesurer. Elles sont en effet multiples et souvent simultanées : vous êtes le plus souvent exposés à plusieurs insecticides en même temps. L’un d’entre eux peut être responsable d’un effet sanitaire, et les autres être sans effet. Comment savoir lequel est incriminé ?</p>
<p>Par ailleurs, ces facteurs peuvent avoir des effets synergiques entre eux, et leurs effets ne se faire sentir qu’au bout de plusieurs décennies. Ainsi, l’exposition <em>in utero</em> aux perturbateurs endocriniens peut avoir des conséquences des années plus tard, à l’âge adulte. Enfin, l’effet de ces agents est faible, et il faut des tailles d’échantillon de population importantes pour le mettre en évidence.</p>
<p>Face à ces difficultés, l’épidémiologie atteint ses limites, notamment pour répondre à la demande des pouvoirs publics, qui veulent la garantie que le produit est sans danger pour la santé.</p>
<p>Dans ce contexte, les études les plus probantes ont été celles menées chez des sujets très exposés par leur pratique professionnelle. Pour le risque en population générale, l’avenir est aux cohortes de grande taille, certaines démarrant dès la vie fœtale et utilisant des marqueurs biologiques ou des capteurs de pollution.</p>
<p>En l’état actuel des choses, en absence d’effet documenté chez l’être humain, la réponse est politique : c’est le <a href="http://www.vie-publique.fr/th/glossaire/principe-precaution.html">principe de précaution </a> face à des produits ayant démontré une toxicité <em>in vitro</em> ou chez l’animal, mais pour lesquels on n’a pas pu mettre en évidence d’effet chez l’Homme.</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Après l’enthousiasme des débuts, marqué par l’espoir de prédire notre risque individuel de développer telle ou telle maladie, est venue une phase de perplexité. Celle-ci est liée aux résultats contradictoires d’études rapportant des associations sans fondement biologique, et basées sur le croisement sans discernement de toutes les données disponibles sur expositions et maladies, dans des cohortes de grande taille.</p>
<p>L’épidémiologie s’interroge également sur le chemin à suivre. Doit-elle se focaliser sur les déterminants génétiques des maladies, répondant ainsi aux possibilités offertes par les nouvelles technologies de biologie moléculaire, qui permettent aujourd’hui de séquencer un génome pour 1 000€ ? Doit-elle garder le cap sur les déterminants plus généraux des maladies, comme les comportements addictifs et alimentaires, dont on sait qu’ils continuent de représenter la part la plus importante et modifiable des causes de notre morbidité et mortalité ? Ou doit-elle embrasser de façon plus complète l’ensemble des expositions, regroupées sous le vocable d’exposome, étendu aux dimensions sociales et communautaires ?</p>
<p>Les inégalités sociales en matière de santé ont en effet été peu étudiées, même si elles restent flagrantes. Ainsi, si l’espérance de vie progresse en France, les écarts d’espérance de vie à 35 ans entre ouvriers et cadres (soit le nombre d’années de vie restantes pour ceux qui ont atteint l’âge de 35 ans) ne se réduisent pas. Ils restent de 3 ans entre femmes cadres et ouvrières, et de 6 ans et demi entre hommes cadres et ouvriers…</p>
<p>Une chose est certaine : comme beaucoup d’autres disciplines scientifiques, le futur de l’épidémiologie va être profondément impacté par l’irruption des analyses des <em>big data</em>. Ces données massives nous dépassent par leur abondance et leur diversité. Les résultats des analyses du génome humain, qui se rajoutent aux autres expositions typiquement étudiées, en sont emblématiques. Une des initiatives les plus avancées dans ce domaine est portée par la <a href="https://academic.oup.com/brain/article/138/12/3463/416249">UK Biobank</a>. Près de 500000 individus ont été recrutés il y a dix ans au sein de cette étude de cohorte, où leurs données médicales sont mises en relation avec le séquençage de leur génome.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/s-KJR4UKqUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>D’autres cohortes, américaines pour la plupart, sont en cours de constitution, dans les milieux académiques et privés, et portent sur des centaines de milliers d’individus également. On peut citer la <a href="https://www.research.va.gov/mvp/">« million veteran study »</a> et le <a href="https://allofus.nih.gov/">« all of us research program »</a>. La France aussi a lancé ses propres études. La première fut la <a href="http://www.gazel.inserm.fr/fr/">cohorte Gazel</a>, qui suivait les employés d’EDF/GDF. Depuis, plusieurs autres ont vu le jour : <a href="https://www.etude-nutrinet-sante.fr/">NutriNet</a>, sur les liens entre alimentation et santé, <a href="https://compare.aphp.fr/">cohorte ComPaRe</a>, pour les patients atteints de maladies chroniques, <a href="http://www.constances.fr/">CONSTANCES</a>, dont l’originalité est de s’appuyer sur un échantillonnage représentatif de la population française, ainsi que plusieurs <a href="http://eden.vjf.inserm.fr/index.php/fr/">cohortes</a> <a href="https://www.elfe-france.fr/">pédiatriques</a> et thématiques (notamment sur le VIH et les hépatites virales).</p>
<p>Sur le papier, ces avancées sont séduisantes. La possibilité de connaître notre risque de développer telle ou telle maladie sur la base de notre génome est à portée de main. Mais elles suggèrent un changement de paradigme : alors que l’approche de santé publique traditionnelle est basée sur des messages de prévention universels, adressés à la collectivité, et où l’effet d’entraînement a sa place, le modèle qui se dessine est individualiste, plus coûteux, inégalitaire, et vraisemblablement moins performant… </p>
<hr>
<p><strong><em>Pour aller plus loin</em></strong><br></p>
<p><em>- La page dédiée au bloc d’enseignements consacrés à <a href="https://www.college-de-france.fr/site/arnaud-fontanet/course-2018-2019__1.htm">l'histoire de l'épidémiologie et l’étude des pandémies</a>, sur le site du Collège de France ;</em><br></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110721/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Fontanet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Subtile science de l'estimation du risque, l’épidémiologie a joué un rôle déterminant dans l'augmentation de l'espérance de vie au XXᵉ siècle. Retour sur une discipline parfois mal comprise.Arnaud Fontanet, Médecin, directeur de l’Unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur de Paris, professeur de santé publique, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1015412018-09-10T20:19:10Z2018-09-10T20:19:10ZPollution plastique : retour sur une prise de conscience<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235626/original/file-20180910-123113-9os9eq.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C1435%2C878&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Récolte de déchets après un nettoyage de plage. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/trash-beach-after-cleaning-by-volunteers-1090810907">Shutterstock </a></span></figcaption></figure><p>La production de plastiques a connu ces dernières décennies une croissance exponentielle, passant de 1,5 million de tonnes produites en 1950 à l’échelle mondiale à <a href="https://www.plasticseurope.org/application/files/4315/1310/4805/plastic-the-fact-2016.pdf">335 millions de tonnes en 2016</a>. Une quantité importante de cette production est consacrée aux emballages ou aux plastiques à « usage unique ». S’y ajoute la fabrication de fibres synthétiques, qui s’élève à 60 millions de tonnes par an.</p>
<p>Cette production massive s’accompagne d’une pollution globale dont les articles de presse et les publications scientifiques se font l’écho. En étudiant le nombre d’articles parus au niveau mondial depuis 1956, on s’aperçoit que cette médiatisation s’est fortement accélérée depuis 2014, et tout particulièrement au cours des derniers mois. Cette intensification s’explique de plusieurs façons.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235641/original/file-20180910-123119-hhqftp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Articles scientifiques publiés depuis 1972 sur la thématique des débris plastiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourni par l’auteur.</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235644/original/file-20180910-123104-s2z04v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Articles publiés dans la presse depuis 1956.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourni par l’auteur.</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Le choc de la découverte des gyres</h2>
<p>Au cours de leur cycle de vie, les produits en plastique peuvent se retrouver dans l’environnement. Même si des incertitudes persistent, on estime par exemple qu’entre 1 et 2,5 millions de tonnes de ces déchets sont <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms15611">rejetés chaque année dans les mers par les fleuves</a>. Ces plastiques, peu dégradables, peuvent se fragmenter en microplastiques – désignant des débris d’une taille inférieure à 5 mm.</p>
<p>La pollution des écosystèmes par les plastiques a débuté dès l’invention de ces matières. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/4628343">En 1970</a>, de premiers « lanceurs d’alerte » mettaient déjà en évidence la présence dans le milieu marin de débris de l’ordre du millimètre. Et ils évoquaient déjà des effets sur l’environnement : étranglements, ingestion par les organismes vivants, risques d’occlusions, accumulation sur ces débris de contaminants organiques, etc. Ils proposaient que des actions et mesures soient prises pour limiter leur présence dans l’environnement marin.</p>
<p>La découverte des gyres océaniques – ces immenses tourbillons d’eau où s’accumulent des tonnes de déchets plastiques – constitue le fait marquant dans la mobilisation des politiques, des citoyens et des scientifiques contre cette pollution. Depuis 1997, les expéditions contribuant à mettre en lumière ce problème et le porter sur la place publique se sont multipliées. Cette prise de conscience collective, partagée entre scientifiques et citoyens, ne cesse depuis de se renforcer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"686439532837879808"}"></div></p>
<h2>Scientifiques et associations en première ligne</h2>
<p>La communauté scientifique est aujourd’hui fortement mobilisée : nombre de travaux sont menés depuis une dizaine d’années en milieu océanique pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969716309731?via%3Dihub">étudier la toxicité des débris plastiques</a> sur les organismes vivants. De plus en plus d’équipes de recherche s’attellent à cette thématique et contribuent à la diffusion de nouvelles connaissances.</p>
<p>Ces travaux démontrent l’omniprésence des plastiques dans l’environnement, dans notre <a href="https://doi.org/10.1038/srep46173">alimentation</a>, dans l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.marpolbul.2016.01.006">air</a>, et plus récemment dans les <a href="https://doi.org/10.1016/j.watres.2018.05.027">eaux embouteillées</a>. Après avoir débutées en milieu marin, les nouvelles actions tendent à mieux comprendre l’origine de ces plastiques et se conduisent sur le continent afin de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-61615-5_4">traquer les différentes sources de déchets plastiques</a>.</p>
<p>En parallèle de l’action scientifique, une forte mobilisation du milieu associatif et de la société civile contre « le tout plastique » est observée ; elle se matérialise par exemple par des opérations citoyennes de collecte de déchets sauvages.</p>
<p>Certaines associations comme <a href="https://www.surfrider.eu/?gclid=EAIaIQobChMI3-fRqOuw3QIVxPhRCh2uGgWZEAAYASAAEgKZ9_D_BwE">Surfrider</a>, la <a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/concept">Fondation Ellen Macarthur</a> ou encore <a href="https://www.theoceancleanup.com/">Ocean Clean Up</a> sont particulièrement connues dans ce domaine. Leur communication est d’autant plus efficace que cette pollution est « visible » et renvoie à chacun la notion de la dégradation de la nature. Les images d’espèces emblématiques (tortues, dauphins, baleines, etc.), prisonnières d’anneaux en plastique ou d’animaux marins morts en ayant ingérés des quantités importantes de déchets plastiques n’ont pu vous échapper ! Ce lobbying associatif a pesé dans les évolutions réglementaires avec, par exemple, l’interdiction attendue en Europe des objets plastiques à usage unique, comme les pailles ou les cotons-tige. Leur exposition et les différentes actions que ces structures mènent leur permettent de lever des fonds importants.</p>
<p>Cette mobilisation scientifique et citoyenne a poussé les instances institutionnelles à se saisir elles aussi de la thématique des débris plastiques.</p>
<p>Celle-ci est devenue une préoccupation environnementale de premier ordre ces dernières années et fait maintenant partie de la définition du « bon état écologique » des écosystèmes marins (dans le cadre de la <a href="http://www.dcsmm-d4.fr/la-directive-cadre-strategie-pour-le-milieu-marin-dcsmm">Directive cadre stratégie pour le milieu marin</a>). À l’échelle de la France, en réponse aux <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-18-3909_fr.htm">préconisations de la Commission européenne</a> et du lobbying de Surfrider, différents textes législatifs ont été adoptés ou sont en cours de rédaction. Des textes en avance sur le calendrier européen prévoient notamment l’interdiction des cotons-tiges et des pailles, omniprésents dans l’environnement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1032621128689364992"}"></div></p>
<h2>Chacun s’est emparé de la question</h2>
<p>Il est possible, chacun à son niveau, d’agir directement sur les débris plastiques. En « refusant de disparaître », ces déchets salissent la nature de manière indéniable et invitent à passer à l’action.</p>
<p>Aujourd’hui, les différents acteurs de cette lutte – scientifiques, journalistes et citoyens – s’alimentent réciproquement et continuellement sur ce sujet.</p>
<p>Contrairement à d’autres problématiques environnementales « non visibles » – comme les perturbateurs endocriniens ou l’émission des gaz à effets de serre – où les scientifiques ont alerté mais n’ont été relayés qu’après plusieurs années dans la presse, les dynamiques de publication et de médiatisation sur la pollution plastique montrent que chacun s’est emparé de la question.</p>
<p>Rares sont les sujets où les lobbies industriels, les instances institutionnelles et les milieux associatifs, parviennent à laisser ainsi leurs intérêts divergents dans l’ombre, et à communiquer de concert. Du moins, en apparence…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/101541/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Johnny Gasperi a reçu des financements du ministère de la Transition écologique et solidaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bruno Tassin a reçu des financements du ministère de la Transition écologique et solidaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Tramoy a reçu des financements du ministère de la Transition écologique et solidaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Blot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année, dont une part se retrouve dans l’environnement. Mais la lutte contre cette pollution jouit d’une mobilisation sans précédent.Johnny Gasperi, Chercheur en sciences et techniques de l’environnement, Université Gustave EiffelBruno Tassin, Directeur de recherche, sciences de l’environnement, École des Ponts ParisTech (ENPC)Denis Blot, Maître de conférences en sociologie - Chercheur de l'équipe Habiter-le-Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Romain Tramoy, PostDoc en environnement, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1026902018-09-05T21:14:11Z2018-09-05T21:14:11ZPlastique dans les cantines : « Un danger inacceptable pour la santé de nos enfants »<p>Il y a un peu plus d’un an, j’ai appris que les repas pris par mes enfants à la cantine étaient cuits, réchauffés et servis dans des contenants alimentaires en plastique. Si, en tant que chercheur, j’ai toujours adopté une certaine distance vis-à-vis des débats de société et des questions d’actualité, cette découverte m’a obligé à sortir de ma réserve.</p>
<p>Tous les jours donc, comme près de 20 000 autres petits Bordelais, mes enfants ont consommé des repas cuits dans des poches en plastique, réchauffés à 120 °C dans des barquettes en plastique, servis dans des assiettes en plastique ; avec l’aval de la mairie <a href="https://www.20minutes.fr/bordeaux/2129383-20170908-bordeaux-apres-analyses-ville-assure-vaisselle-plastique-cantines-danger">certifiant qu’il n’y a aucun risque</a>.</p>
<p>Face à cet état de fait, nous avons constitué un collectif de parents d’élèves appelé « Cantine sans plastique » pour alerter et recueillir des informations.</p>
<p>Cette mobilisation – qui s’est fait entendre sur <a href="https://www.facebook.com/CantineSansPlatique.France/">Facebook</a>, Twitter et dans de nombreux médias – a conduit à plusieurs initiatives législatives (au Sénat et à l’Assemblée nationale) visant à faire interdire le plastique dans les cantines. Des avancées notables ont eu lieu sur le terrain : à Strasbourg, l’inox remplace désormais le plastique pour les couverts et le conditionnement des plats ; à Bordeaux, les assiettes en verre trempé ont été adoptées ; à Montrouge, les barquettes en plastique contenant les plats vont être bannies.</p>
<p>Aujourd’hui, nous publions un livre, <a href="https://editionsdudetour.com/index.php/a-paraitre/"><em>Pas de plastique dans nos assiettes ! Des perturbateurs endocriniens à la cantine</em></a>, qui revient sur cette mobilisation.</p>
<p>Les informations réunies par notre collectif, et consultables dans cet ouvrage, ont de quoi faire peur : à Bordeaux, par exemple, les assiettes en plastique utilisées jusqu’à présent dans les cantines se sont avérées contenir du <a href="https://echa.europa.eu/fr/hot-topics/bisphenol-a">bisphénol A (BPA)</a>, un perturbateur endocrinien interdit ; les poches en plastique fondent pendant la cuisson : près de 1 gramme de plastique par poche se retrouve ainsi dans la nourriture au bout de 2 heures de cuisson (sachant que les poches sont utilisées pour la cuisson plusieurs jours durant). Si l’on ne connaît pas tous les contaminants qui finissent dans les assiettes, on sait cependant qu’on y trouvait du <a href="https://substitution-phtalates.ineris.fr/fr/information-reglementaire">DBP, ce phtalate interdit</a> dans les jouets pour enfants.</p>
<p>Ainsi, les écoliers bordelais ont été exposés des années durant à des substances toxiques sans que personne ne soit au courant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"993124993813884930"}"></div></p>
<h2>Restauration scolaire en mutation</h2>
<p>Ces dernières décennies, les grandes villes et agglomérations ont modifié l’organisation de leur restauration scolaire, passant de la liaison chaude – repas servis chauds le jour même – à un système de liaison froide – repas cuits à l’avance dans des cuisines centrales, refroidis, stockés, réfrigérés, transportés dans les cantines, réchauffés et servis jusqu’à 15 jours plus tard.</p>
<p>Ce qui relevait au départ de contraintes sanitaires se transforma rapidement en impératifs économiques, nécessitant toujours plus de centralisation de la production, de réduction des échelles, de diminution de la main-d’œuvre, de robotisation des tâches, de flux tendu, de planification… Bref, les cuisines centrales sont devenues aujourd’hui de véritables <a href="https://www.odysseeducinema.fr/film.php?id=380">usines Tricatel</a>.</p>
<p>Dans ce processus, une « technologie » s’est imposée : le plastique. Jetable, il répondait à l’injonction de « réduction des coûts », une réduction en faux-semblant car la diminution des investissements par l’utilisation de consommable/jetable n’est qu’un escamotage de coûts bien plus importants qui seront reportés ailleurs (traitement, achats récurrents) ou à plus tard (coût écologique et sanitaire).</p>
<p>Aujourd’hui, rien qu’en Europe, la production totale de plastiques est passée à plus de <a href="https://www.plasticseurope.org/fr/newsroom/press-releases/lindustrie-des-matieres-plastiques-une-industrie-performante-et-contestee">64 millions de tonnes</a> (2017), dont moins de <a href="https://theconversation.com/dechets-plastiques-la-dangereuse-illusion-du-tout-recyclage-90359#link_time=1517176581">15 % sont recyclés</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1032621128689364992"}"></div></p>
<h2>Crise sanitaire silencieuse</h2>
<p>L’usage systémique du plastique dans la restauration collective est aussi à l’origine d’une crise sanitaire qui ne dit pas son nom. Pour la comprendre, il faut revenir sur cette « soupe chimique » dans laquelle nous baignons.</p>
<p>Au cours du XX<sup>e</sup> siècle, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-contamination-du-monde-francois-jarrige/9782021085761">10 millions de composés chimiques</a> ont été synthétisés, parmi lesquels 150 000 ont été commercialisés, sans aucun contrôle sur leurs effets sanitaires pour la plupart. Aux États-Unis, la réglementation sur les molécules chimiques ne vit le jour qu’en 1976 : le <a href="https://www.epa.gov/laws-regulations/summary-toxic-substances-control-act">Toxic Substances Control Act</a> avait recensé à l’époque 62 000 molécules commercialisées en quantité importante, sans compter les cosmétiques, pesticides, médicaments…</p>
<p>Ce chiffre n’a depuis cessé d’augmenter. On estime aujourd’hui qu’un individu moyen est exposé à <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/neurosciences/cocktail-toxique_9782738140067.php">300 fois plus de molécules chimiques</a> qu’il y a 40 ans. En Europe, le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/reglementation-reach">règlement REACH</a> a conduit à l’interdiction d’une <a href="https://reach-info.ineris.fr/consultation_section/28654/28846">quarantaine de substances</a> (seulement…) et en a classé <a href="https://echa.europa.eu/fr/candidate-list-table">132 comme « extrêmement préoccupantes »</a>.</p>
<p>Les plastiques font partie intégrante de cet univers. Ce ne sont pas des composés homogènes : il s’agit de polymères composés de monomères (styrène, chlorure de vinyle, propylène…), de nombreux additifs (parfois en forte proportion) mais aussi d’impuretés, de résidus de synthèse et de très nombreux NIAS (pour <em>Non-Intentionnaly Added Substances</em>). Aujourd’hui, au moins <a href="http://www.chemtrust.org/hazardous-chemicals-plastic-packaging">4 000 substances</a> ont été identifiées qui rentreraient dans la composition des emballages plastiques !</p>
<p>Le plastique n’est pas non plus inerte, ni durable. Le polymère se dégrade en effet mécaniquement en microplastique, libérant au fil du fil du temps ses multiples composants. Cette migration est de première importance pour les matériaux destinés au contact alimentaire (dit MDCA). La libération de substances (indéterminées) dans les aliments est amplifiée par l’effet de la chaleur ou agressions physico-chimiques (chaleur, acides, alcools, graisses…).</p>
<p>Que trouve-t-on dans ces produits libérés ? Probablement une fraction de monomères, des additifs, des impuretés, des produits de décomposition… Comme il est très difficile de déterminer la nature et la quantité des impuretés, NIAS, etc., ce sont les additifs qui ont reçu le plus d’attention.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"843593070813822976"}"></div></p>
<p>L’industrie de la plasturgie a sur ce terrain multiplié les innovations, inventant des centaines d’additifs permettant de diversifier les propriétés de leurs plastiques : plastifiants, conservateurs, antioxydants, colorants… Ce sont ainsi des dizaines de molécules différentes qui ont été rajoutés dans la composition des plastiques, molécules pour lesquelles très peu de données toxicologiques sont disponibles ; mais les premières études sur le sujet (comme celles parues en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S089062380700233X?via%3Dihub">2007</a>, <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/102">2008</a>, <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/221">2011</a>, <a href="http://press.endocrine.org/doi/10.1210/er.2015-1093">2015</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0890623815300241?via%3Dihub">2016</a>) ont été alarmantes.</p>
<p>De nombreux phtalates et bisphénols ont ainsi été classifiés <a href="https://echa.europa.eu/fr/candidate-list-table">comme substances cancérigènes ou perturbateurs endocriniens</a>. Plus récemment, ce sont les MOSH et les POSH, micro-gouttelettes d’hydrocarbures ou d’huiles minérales qui exsudent des plastiques lors du de leur chauffage, qui <a href="https://www.efsa.europa.eu/de/efsajournal/pub/2704">inquiètent les autorités sanitaires</a>. On sait aujourd’hui que ces molécules, comme le bisphénol A (BPA), sont présentes dans le corps de la quasi-totalité des Européens.</p>
<p>Rappelons que le BPA ou encore certains phtalates de bas poids moléculaire ont été associés à l’augmentation de l’incidence de nombreuses pathologies telles que les cancers hormono-dépendants (comme les cancers du sein, de la prostate, des testicules), les troubles métaboliques (diabètes et obésité), l’infertilité, ou les désordres neurodégénératifs (Alzheimer, Parkinson) ou neuro-développementaux (comme les troubles autistiques et THDA). Partout les scientifiques associent cette exposition inédite aux perturbateurs endocriniens à l’épidémie de maladies non-transmissible (NCD, <em>non-communicable disease</em>) à laquelle nous sommes en train d’assister.</p>
<h2>Absence de transparence</h2>
<p>Face à cette « invasion » du plastique, le collectif « Cantine sans plastique » a commencé par questionner les collectivités, les cuisines centrales, les fabricants : quelle est la composition de ces plastiques ? Est-ce que l’on peut garantir l’absence de perturbateurs endocriniens ? L’impact sanitaire de ces contenants alimentaires a-t-il été évalué ?</p>
<p>À chaque fois, le plastique nous a été présenté comme un matériau inerte et durable, sans danger, avec un risque scientifiquement maîtrisé. Notre collectif a donc mené sa propre enquête, dont les résultats sont détaillés dans le livre que nous venons de publier. Il en ressort que le risque pris par les pouvoirs publics n’est absolument pas maîtrisé et fait courir un danger inacceptable à la santé de nos enfants.</p>
<p>À l’heure actuelle, il est impossible de connaître la composition exacte de ces plastiques. Au final, fabricants et distributeurs ne peuvent certifier ce qu’il y a dans ces matériaux, car ils ne le savent pas eux-mêmes. On comprendra mieux l’absence de transparence des producteurs concernant ces produits.</p>
<p>Mais le plus frappant au cours de cette expérience est le fait que l’information scientifique, spécialisée, à propos des dangers de ces substances existe et qu’elle est facilement accessible. Pourtant, nous avions partout l’impression que personne ne savait. Mais certains politiques, de nombreux scientifiques et surtout les industriels savent depuis très longtemps les risques auxquels nos enfants sont exposés. Pourquoi rien n’avait été fait ? Ce que nous avons appris est que ce savoir était disponible mais détourné, escamoté, travesti de façon à le rendre inutilisable.</p>
<p>Il revient aujourd’hui aux scientifiques d’éclairer les débats de société en contribuant à l’élaboration d’une information claire, robuste et indépendante des enjeux industriels. Pour ainsi permettre aux pouvoirs publics de mettre en place des politiques de santé publique qui protègent vraiment nos enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Santolini est membre de Cantine Sans Plastique France</span></em></p>Au sein du collectif « Cantine sans plastique », des parents d’élèves se mobilisent pour alerter sur le danger de substances contenues dans la vaisselle et les ustensiles de restauration scolaire.Jérôme Santolini, Chercheur en Biochimie, Responsable du laboratoire Stress Oxydant et Détoxication, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/839942017-10-12T19:08:19Z2017-10-12T19:08:19ZPesticides : à quoi s’exposent ceux qui habitent près des champs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188215/original/file-20170929-21094-rnyg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poussières analysées à l'intérieur des habitations proches des zones agricoles sont contaminées en pesticides à des niveaux plus élevés que les autres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/paysage-village-champs-forest-2374538/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les épandages de pesticides sur les cultures <a href="http://www.60millions-mag.com/2017/05/11/pesticides-ces-riverains-qu-empoisonne-11141">inquiètent de plus en plus les riverains</a>. Le cas de plusieurs enfants présentant des signes d’intoxication après l’application de pesticides sur des vignes à proximité de leur école à Villeneuve-de-Blaye (Gironde), en 2014, avait alerté les autorités sanitaires. La justice vient cependant de décider l’<a href="https://www.bastamag.net/Epandage-de-pesticides-pres-d-une-ecole-le-juge-prononce-un-non-lieu">abandon des poursuites</a> contre les exploitants des vignobles concernés. En réaction, quelque 150 personnes ont défilé au cours d’une <a href="http://www.sudouest.fr/2017/10/09/pesticides-manif-dans-les-vignesun-long-combat-juridique-3845502-2970.php">marche blanche</a> à Listrac-Médoc, le 8 octobre, pour dénoncer le « déni de la dangerosité des pesticides » et réclamer une législation adaptée.</p>
<p>Habiter à proximité des champs entraîne un risque d’exposition plus élevé aux substances chimiques utilisées en agriculture. Or il a été suggéré, dans un contexte d’exposition dans le cadre professionnel, que certaines ont des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17981626">effets toxiques</a> pour le système nerveux, que ceux-ci soient aigus – autrement dit que les symptômes se manifestent immédiatement – ou chroniques, c’est-à-dire persistants dans le temps. Par ailleurs, le gouvernement français a publié l’été dernier une <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/07/17/perturbateurs-endocriniens-le-gouvernement-publie-deux-listes-de-pesticides_5161726_3244.html">liste des pesticides susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens</a>. Ce terme désigne des molécules pouvant affecter notre santé en <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1775878508002853">interférant avec notre système hormonal</a>.</p>
<p>Qui est exposé à quoi, à quel moment et dans quelle proportion ? Les chercheurs ont imaginé des méthodes originales pour se procurer ces informations. Celles-ci seront précieuses, si l’on veut réussir à mieux protéger les riverains des exploitations agricoles, et en particulier les enfants.</p>
<h2>De nombreux pesticides persistent dans nos environnements</h2>
<p>Il est établi que l’<a href="https://www.anses.fr/fr/content/exposition-de-la-population-g%C3%A9n%C3%A9rale-aux-pesticides">ensemble de la population est exposé aux pesticides</a>. Des résidus de ces substances sont en effet présents autour de nous, quelque soit l’endroit où nous vivons : dans les milieux aquatiques, l’air et les sols, ainsi que dans les maisons. Parmi les molécules retrouvées, certaines sont d’ailleurs interdites en usage agricole depuis de nombreuses années. Mais elles persistent dans l’environnement.</p>
<p>Les traitements des champs ne sont pas la seule source de cette contamination. Les pesticides sont également utilisés par les particuliers pour lutter contre les insectes dans leur logement ou pour désherber leurs allées, en médecine humaine et vétérinaire, par exemple contre les puces des chats ou des chiens, ou bien par les collectivités, par exemple dans les jardins publics.</p>
<p>Cependant, les poussières analysées à l’intérieur des habitations proches des zones agricoles sont contaminées en pesticides <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Pesticides+in+dust+from+homes+in+an+agricultural+area.">à des niveaux plus élevés</a> que les autres.</p>
<p>Lors de l’épandage, les molécules pesticides en suspension dans l’air peuvent en effet dériver en dehors des cultures. En fonction des conditions météorologiques, elles peuvent même parcourir des distances importantes, <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1005293020536">jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres</a>. La contamination des zones habitées peut aussi se produire <a href="https://www.researchgate.net/publication/43145287_Mass_transfer_of_pesticides_into_the_atmosphere_by_volatilization_from_soils_and_plants_Overview">plusieurs semaines</a> après l’application. En effet, les pesticides restés dans les eaux et les sols peuvent se volatiliser et se retrouver à nouveau dans l’air. Ce phénomène est notamment favorisé par des températures élevées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188216/original/file-20170929-22066-ct0cyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pesticides étendus sur les cultures peuvent dériver en dehors des champs sur des distances importantes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tractor_spraying_pesticides_IMG_5235.jpg">Stefan Thiesen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Quels risques pour la santé des enfants ?</h2>
<p>Le lien entre l’exposition chronique aux pesticides et la santé des populations a fait l’objet de <a href="http://presse.inserm.fr/pesticides-effets-sur-la-sante-une-expertise-collective-de-linserm/8463/">nombreuses recherches</a> à travers le monde. Ainsi, les enfants qui ont été exposés aux pesticides pendant la grossesse de la mère seraient plus à risque de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20467891">développer une leucémie</a>.</p>
<p>Une grande partie de ces données, cependant, concerne des enfants dont les parents sont particulièrement au contact de pesticides, soit de par leur profession, soit à travers l’usage domestique d’insecticides. Le cas des femmes enceintes vivant à proximité des champs a été moins étudié, car on peine encore à mesurer les effets d’une telle exposition à l’échelle d’un individu en population générale. Cela s’explique parce qu’il s’agit d’une exposition au long cours caractérisée par des doses faibles.</p>
<p>Pour aller plus loin, mon travail de thèse réalisé à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail de l’Inserm s’est saisi de nouvelles données. La <a href="http://www.elfe-france.fr/index.php/fr/">cohorte nationale Elfe</a>, inédite par son ampleur, permet de suivre plus de 18 000 enfants nés en France en 2011. Lancée <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/lancement-etude-cohorte-elfe/">par l'Ined</a> et l’Inserm, elle vient de livrer ses premiers résultats.</p>
<p>Parmi les femmes enceintes de cette cohorte, plus de 4 000 ont accepté de réaliser des tests sur les urines, le sang et les cheveux pour évaluer la présence dans leur organisme <a href="http://www.elfe-france.fr/images/documents/Volet-perinatal-biosurveillance_JS-ELFE_Dereumeaux.pdf">des polluants de l'environnement, dont les pesticides</a>.</p>
<p>Mon travail de thèse s’intéressera à caractériser l’exposition environnementale aux pesticides de ces femmes et à identifier ses sources. Il sera réalisé grâce à différents outils de localisation géographique, de cartes d’occupation du territoire français, de questionnaires, de données d’enquêtes environnementales ainsi que d’études des agences françaises de surveillance de l’environnement et de sécurité sanitaire.</p>
<p>En recoupant l’ensemble de ces données, notre équipe pourra entre autres identifier, parmi les mères de la cohorte, celles qui sont des riveraines de champs où sont utilisés des pesticides ; et vérifier le lien qui pourrait exister entre leur exposition à certaines substances, et la santé de leurs enfants.</p>
<p>Des travaux similaires réalisés dans des régions agricoles de Californie ont précédemment mis en évidence un risque augmenté de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25262086">malformations cardiaques</a> et de <a href="https://ehp.niehs.nih.gov/1307044/">troubles du spectre autistique ou de retard de développement</a> chez l’enfant, en lien avec la proximité de l’habitation de la mère avec les cultures pendant sa grossesse.</p>
<p>L’avancée des connaissances doit permettre, à terme, de mieux mesurer le risque encouru par ceux qui habitent près des champs. Et partant, de mieux les en protéger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noriane Souleymane a reçu pour ses travaux des financements de l'Agence Française pour la Biodiversité (Plan Ecophyto) et de l'EHESP. </span></em></p>Plusieurs études, notamment chez les enfants, montrent que les personnes vivant à proximité des champs sont davantage imprégnées par les pesticides. Cette situation induit des risques pour la santé.Noriane Souleymane-Cognez, Doctorante en épidémiologie, université de Rennes 1, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/819302017-08-29T19:49:44Z2017-08-29T19:49:44ZBaisse de qualité du sperme des Occidentaux : que se passe-t-il ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180772/original/file-20170802-13549-c9p9kd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Shutterstock</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/551812099?src=iwTL4N0Js0i41HyqDCvjWg-1-12&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Entre 1973 et 2011, le taux de spermatozoïdes des hommes nord-américains, européens, australiens et néo-zélandais a diminué de 50 à 60 %. C’est ce que montre une <a href="https://academic.oup.com/humupd/article/doi/10.1093/humupd/dmx022/4035689/Temporal-trends-in-sperm-count-a-systematic-review">étude récente</a> de l’Université hébraïque de Jérusalem, qui a analysé les taux de 42 935 hommes. Elle ne relève, bizarrement, aucun déclin du taux de spermatozoïdes chez les hommes asiatiques, africains ou sud-américains. Mais les données en provenance de ces régions sont, il est vrai, peu nombreuses.</p>
<p>Ces travaux sont, d’une manière générale, très troublants. La question de l’éventuel <a href="http://www.europe1.fr/sante/baisse-de-la-concentration-en-spermatozoides-dans-les-pays-occidentaux-3398312">déclin du taux de spermatozoïdes</a> est un <a href="https://www.theguardian.com/science/blog/2012/dec/05/sperm-count-fall-is-it-real">vieux débat</a> parmi les scientifiques, mais cette étude se distingue par la qualité de son analyse. Elle a été menée de manière systématique, en tenant compte des défauts relevés sur les précédentes recherches (la méthode utilisée pour compter les spermatozoïdes, par exemple) et en comparant des études pourtant distantes de plusieurs décennies. La plupart des experts s’accordent donc à dire que les données présentées sont d’une grande qualité et que leurs conclusions, bien qu’alarmantes, sont fiables.</p>
<p>Mais alors, que se passe-t-il ? Cela fait plusieurs années que des inquiétudes se font jour : la santé reproductive masculine connaîtrait de plus en plus d’anomalies. Le cancer des testicules, notamment, serait en recrudescence. Le déclin constaté du taux de spermatozoïdes <a href="https://theconversation.com/infertility-in-men-could-point-to-more-serious-health-problems-later-in-life-74290">s’inscrit donc pleinement</a> dans ce contexte, et renforce la théorie selon laquelle la santé reproductive des hommes serait menacée et connaîtrait un rapide déclin.</p>
<p>Si on pousse les chiffres jusqu’à leur conclusion logique, les hommes auront tout simplement perdu l’intégralité, ou presque, de leurs capacités de reproduction d’ici 2060. L’explication la plus rationnelle à ce phénomène est à chercher du côté de l’environnement. La <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1038/embor.2012.50/full">recherche actuelle</a> suggère que le fœtus masculin est particulièrement sensible à l’exposition aux polluants. Les changements qui interviennent tôt dans la vie du fœtus pourraient donc avoir un effet très important sur l’adulte qu’il sera.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/179828/original/file-20170726-30134-emvjwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les polluants environnementaux sont-ils coupables ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/66446188?src=YsxltKD0rF0M5fj4Pkb4pg-1-62&size=medium_jpg">Fotokostic/Shutterstock</a></span>
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<h2>Que peut-on y faire ?</h2>
<p>La réponse à cette question est simple : il faut poursuivre la recherche pour découvrir les causes de ce déclin. Nous ne pouvons accepter avec complaisance les potentiels effets négatifs que celui-ci pourrait entraîner sur la fécondité. Il est donc urgent d’accroître significativement l’effort de recherche sur la santé reproductive masculine.</p>
<p>Cependant, bien que <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1038/embor.2012.50/full">des preuves faisant autorité</a> confirment cette baisse de la santé reproductive, toutes les études ne montrent pas la même chose. Des différences existent, nous l’avons dit, en fonction des zones géographiques. La détermination des facteurs – génétiques ? environnementaux ? – à l’origine de ces différences sera primordiale pour parvenir à un traitement susceptible de limiter les effets négatifs de la chute du taux de spermatozoïdes.</p>
<p>Si c’est bien dans le fœtus que tout se joue, que peut bien faire l’homme à l’âge adulte ? L’exposition à des produits chimiques comme le <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/06/16/le-bisphenol-a-classe-extremement-preoccupant-par-l-europe_5145840_3244.html">bisphénol A</a> (dont on pense qu’il pourrait jouer sur la fécondité) peut avoir des effets négatifs, y compris chez l’adulte. Les hommes seraient donc bien avisés d’éviter de s’exposer aux produits chimiques toxiques, ce qui inclut le tabac. D’une manière générale, conserver un mode de vie sain a son importance : la relation entre <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27460460">obésité</a> et réduction du taux de spermatozoïdes a déjà été prouvée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81930/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris Barratt a reçu des financements du MRC, du NHS et de la Bill and Melinda Gates Foundation.</span></em></p>Une étude très fouillée a montré une baisse importante du taux de spermatozoïdes des hommes occidentaux. Si le phénomène est discuté depuis longtemps, ses causes sont encore largement méconnues.Chris Barratt, Professor of Reproductive Medicine, University of DundeeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/783842017-07-25T20:22:04Z2017-07-25T20:22:04ZDans l’autisme, le rôle de l’hérédité est prépondérant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/171060/original/file-20170525-23251-rgyro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une mère tenant la main de son fils autiste. Dans certains pays, le port d'un bracelet est recommandé pour que ces enfants puissent recevoir de l'aide en cas de problème.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/autism-awareness-picturei-have-mom-holding-395253874?src=Nx0g-CuoNighks69vCF6UA-1-22">Zahraa Saleh/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Plusieurs dizaines de familles mettent en accusation la vaccination dans l’autisme de leurs enfants. Elles ont décidé de déposer plainte contre quatre laboratoires pharmaceutiques, comme <a href="http://www.leparisien.fr/societe/antivaccins-nous-allons-attaquer-en-justice-quatre-laboratoires-previent-martine-ferguson-andre-24-07-2017-7152849.php">annoncé le 24 juillet dans <em>Le Parisien</em></a>.</p>
<p>Leur action laisse entendre qu’il pourrait exister un lien de cause à effet entre les vaccins de la petite enfance et la survenue d’un <a href="http://www.who.int/features/qa/85/fr/">trouble du spectre de l’autisme</a> (TSA). Celui-ci se caractérise par des déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales, et par des comportements, intérêts et activités restreints et répétitifs. De nombreuses études scientifiques ont été consacrées aux causes de l’autisme à travers le monde. Or elles n’apportent aucun élément permettant d’incriminer les vaccins.</p>
<p>Par contre, ces travaux permettent de mesurer le poids des différents facteurs ayant une responsabilité avérée, à ce jour, dans l’apparition du trouble. Les scientifiques ont passé en revue ceux liés à l’environnement, au sens large. Ils ont étudié l’environnement biochimique dès le stade du foetus, par exemple la composition du liquide amniotique - dont ils ont démontré l'influence ; ils ont étudié aussi l’environnement social, par exemple l’éducation reçue pendant l’enfance - un facteur aujourd'hui écarté. Cependant, l’hérédité et plus largement les gènes restent le facteur prépondérant, expliquant au moins 60 % de l’autisme.</p>
<h2>La composante génétique, connue depuis longtemps</h2>
<p>L’autisme touche <a href="https://theconversation.com/peut-on-parler-dune-epidemie-dautisme-73261">environ 1 % de la population</a>. Il est la conséquence d’un ensemble de facteurs, variables selon les individus. Si beaucoup de ces facteurs restent ignorés ou controversés, la composante génétique, elle, est connue depuis longtemps. Et de nouvelles études, rendues possibles par le décryptage du génome humain, sont venues préciser le rôle des gènes dans ce trouble.</p>
<p>Les chercheurs parlent « d’héritabilité », désignant ainsi la part du trouble liée à la génétique. Une héritabilité de 50 %, par exemple, signifie que les prédispositions génétiques joueront à 50 % dans l’autisme d’un individu, d’autres facteurs liés à l’environnement dans lequel il évolue venant compléter ce déclencheur. Parmi les facteurs génétiques qui participent à cette héritabilité, certains sont hérités des parents, alors que d’autres sont des mutations survenues seulement chez l’enfant porteur du trouble.</p>
<p>Historiquement, les premiers indices du facteur héréditaire dans l’autisme sont venus de l’observation d’une récurrence accrue de ce trouble chez les apparentés à une personne autiste. La probabilité d’être autiste est en effet multipliée par 3 chez les demi-frères et sœurs, par 10 chez les frères et sœurs, par 150 chez les jumeaux monozygotes, également appelés vrais jumeaux.</p>
<h2>Des travaux menés sur des vrais et faux jumeaux</h2>
<p>Par la suite, des études de jumeaux ont comparé la concordance du diagnostic d’autisme entre jumeaux monozygotes (génétiquement identiques) et jumeaux dizygotes (génétiquement similaires à 50 %, également appelés faux jumeaux). Ces travaux ont fourni les premières estimations de l’héritabilité de l’autisme.</p>
<p>Dans les années 1980-1990, les études convergeaient vers une héritabilité de 90 % pour l’autisme, c’est-à-dire une <a href="http://science.sciencemag.org/content/264/5166/1733">grande prédominance des facteurs génétiques</a>. Néanmoins, ces études étaient basées sur des nombres relativement faibles de paires de jumeaux, la combinaison de l’autisme et de la gémellité étant nécessairement un évènement rare. De ce fait, l’estimation de 90 % était assortie de larges marges d’erreur.</p>
<p>En 2011, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21727249">étude californienne</a> a jeté le trouble en annonçant une héritabilité de 35 % pour l’autisme, et donc une prédominance (65 %) de facteurs environnementaux. Certains commentateurs ont crié victoire un peu vite, soit pour ressusciter les hypothèses psychanalytiques incriminant le comportement des parents, soit pour dénoncer des facteurs environnementaux dans la supposée « épidémie » d’autisme. En fait, cette étude était elle aussi basée sur un faible nombre de jumeaux (90 paires) et entachée de larges marges d’erreur.</p>
<h2>Les enseignements de deux études suédoises</h2>
<p>Dès l’année suivante, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22213788">étude suédoise</a> basée sur 11 500 jumeaux dont 100 avec autisme annonçait une héritabilité de 59 %. En 2014, une <a href="http://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/1866100">nouvelle étude</a> basée sur les 2 millions d’enfants suédois nés entre 1982 et 2006 (dont 14 500 avec TSA), et analysant tous les liens de parenté plutôt que la seule gémellité, a donné une héritabilité de 50 %.</p>
<p>En 2015, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25738232">étude britannique</a> basée sur 6 400 jumeaux dont 200 avec TSA a fourni des estimations d’héritabilité variant de 56 % à 95 %, selon la méthode diagnostique retenue. Dans cette étude, l’héritabilité de l’autisme était de 56 % selon l’ADI-R (un instrument diagnostique basé sur un entretien avec les parents), 76 % selon l’ADOS (un instrument diagnostique basé sur une observation de l’enfant), et de 95 % selon une méthode diagnostique compilant les données de l’ADI, de l’ADOS et de deux autres échelles de symptômes autistiques. Enfin, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26709141">récente méta-analyse</a> de toutes les études de jumeaux estime l’héritabilité de l’autisme dans une fourchette comprise entre 64 et 91 %.</p>
<p>On voit à travers ces différentes études qu’il n’y a pas nécessairement de valeur vraie et définitive de l’héritabilité. Celle-ci dépend inévitablement de la manière de définir le trouble, et de la population étudiée. C’est-à-dire à la fois de l’ensemble des génomes que porte cette population et de l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels elle est exposée. Mais globalement, toutes ces études convergent vers l’idée que les facteurs génétiques expliquent au minimum 50 % de l’autisme.</p>
<h2>La révolution du séquençage du génome humain</h2>
<p>Depuis les années 2000, l’estimation des facteurs génétiques dans l’autisme a été totalement révolutionnée, comme pour d’autres troubles ou maladies, par les progrès de la génétique moléculaire et par le séquençage du génome humain. Il est maintenant possible, non seulement de se demander si des facteurs génétiques sont impliqués, et dans quelle proportion, mais aussi d’identifier directement des gènes dont des variations sont impliquées dans la susceptibilité à l’autisme.</p>
<p>C’est ainsi que l’équipe <a href="http://public.weconext.eu/academie-sciences/2016-09-11/video_id_200/index.html">du généticien Thomas Bourgeron</a> à l’Institut Pasteur a identifié toute une série de gènes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23875794">dont des mutations sont impliquées dans l’autisme</a>. Par exemple, cette équipe a pu détecter une mutation du gène Shank3 chez le fils autiste du comédien Laurent Savard, comme il le raconte <a href="http://www.payot-rivages.net/livre_Gabin-sans-limites-Laurent-SAVARD_ean13_9782228916967.html">dans son livre Gabin sans limites</a> (éditions Payot). Néanmoins, de telles mutations sont très rares, et ne sont détectées que chez une minorité de personnes avec TSA.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vUdO1AAxG6o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Pour les autres personnes, on pense que ce sont des combinaisons de variations génétiques fréquentes qui constituent la susceptibilité génétique à l’autisme. Cette hypothèse a été récemment mise à l’épreuve d’études consistant à sonder plusieurs centaines de milliers de polymorphismes (c’est-à-dire de lettres variant dans la séquence d’ADN) dans le génome de personnes porteuses ou pas de TSA. Ces études permettent de quantifier la part de la susceptibilité à l’autisme qui est directement explicable par l’ensemble de ces polymorphismes. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25038753">Les études récentes</a> convergent vers une estimation de 50 % d'héritabilité attribuable aux variations génétiques à la fois fréquentes et héritées des parents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Part de la susceptibilité aux troubles du spectre autistique (TSA) expliquée par des variations génétiques fréquentes héritées des parents, rares héritées, rares survenues chez l’enfant seulement, et par des variations génétiques non additives. La part de susceptibilité inexpliquée par ces facteurs est constituée de facteurs génétiques non mesurés et de facteurs non génétiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/le-point-sur-lheritabilite-de-lautisme/">Franck Ramus</a></span>
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</figure>
<p>Comme l’indique la figure ci-dessus, une dizaine de pourcents supplémentaires de la susceptibilité aux TSA sont expliqués par des mutations rares, soit héritées des parents, soit survenues chez l’enfant seulement (<em>de novo</em>), et par des interactions entre différentes variations génétiques (variations dites non additives). Il reste 41 % de la susceptibilité à l’autisme inexpliqués par les facteurs génétiques mesurés dans ces études, incluant donc à la fois des facteurs génétiques non encore identifiés et des facteurs environnementaux.</p>
<p>Ce genre d’études complète donc les études de jumeaux et d’apparentés, qui avaient été critiquées <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2010/07/medsci2010266-7p659/medsci2010266-7p659.html">pour de plus ou moins bonnes raisons</a>, en fournissant cette fois des estimations de l’héritabilité mesurée directement au niveau moléculaire. Les deux types d’estimation donnent des résultats cohérents, aux alentours de 60 %.</p>
<h2>Infections de la mère pendant la grossesse, prématurité</h2>
<p>Il est utile de revenir sur que l’on appelle les facteurs environnementaux, recensés à travers une revue exhaustive de la littérature scientifique <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5356236/">publiée au mois de mars par une équipe américaine</a>. Le terme englobe en fait tous les facteurs non génétiques, c’est-à-dire non seulement l’environnement affectif, familial et social auquel on pense spontanément, mais aussi tous les facteurs biologiques qui peuvent affecter le développement cérébral et cognitif de l’enfant. Cela inclut notamment les facteurs prénataux (infections et expositions à des toxiques dans l’utérus de la mère) et périnataux (prématurité, manque d’oxygène ou hémorragie cérébrale à la naissance), <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15870155">qui ont une importance particulière dans l’autisme</a>.</p>
<p>Par exemple, une <a href="http://www.nature.com/mp/journal/vaop/ncurrent/full/mp2017119a.html">étude toute récente réalisée sur des dossiers médicaux en Norvège</a> a montré un lien entre la survenue de fièvre chez la mère durant la grossesse, et l’augmentation du risque de ce trouble neurodéveloppemental chez l’enfant. Les chercheurs <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Femme/21775-Grossesse-fievre-augmenterait-risque-d-autisme">s’interrogent donc à nouveau sur le rôle des infections prénatales</a> : on savait déjà que l’exposition prénatale aux virus de la rubéole et du cytomégalovirus augmentaient la susceptibilité à l’autisme, mais d’autres virus ou bactéries à l’origine de ces fièvres restent sans doute à identifier.</p>
<p>D’autres facteurs environnementaux qui augmentent de manière prouvée la susceptibilité à l’autisme incluent l’exposition prénatale à la thalidomide (un médicament qui fut utilisé notamment comme anti-nauséux chez la femme enceinte), à l’acide valproïque (dont la <a href="https://theconversation.com/apres-le-mediator-la-depakine-65487">fameuse dépakine</a>, un anti-épileptique dont les conséquences néfastes sur le fœtus sont maintenant bien démontrées), ou encore la prématurité, l’obésité ou le diabète maternel.</p>
<p>Parmi les hypothèses récentes figurent l’exposition prénatale aux antidépresseurs administrés à la femme enceinte, l’exposition prénatale aux organophosphates (pesticides), l’exposition à la pollution atmosphérique, ou encore les perturbateurs endocriniens. Pour ces différentes hypothèses, des données publiées récemment suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien, mais toutes les études ne concordent pas. Ces résultats demandent donc à être plus largement confirmés par des études indépendantes avant d’être définitivement validés.</p>
<h2>L’implication controversée des perturbateurs endocriniens</h2>
<p>Le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens, par exemple, a été examiné dans deux cohortes d’enfants suivis depuis la gestation. Sur les deux études, une seule a suggéré un lien. Cette question a également été analysée dans trois études comparant des enfants autistes avec des enfants non autistes. Sur les trois, deux ont suggéré un lien. Toutes ces études portent sur des effectifs faibles et présentent diverses limites. L’étude ayant la meilleure qualité méthodologique et le plus grand effectif ne trouve aucun lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les symptômes autistiques. C’est dire que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27567353">résultats actuels sont loin d’être clairs</a>.</p>
<p>Sur la base de ces études, on constate que, même s’il y avait un lien de causalité entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’autisme, celui-ci ne pourrait être que faible et sans portée sanitaire majeure. Par exemple, une augmentation de 20 % du risque d’autisme, si elle était avérée, ferait passer ce risque de 1 % par naissance à 1,2 %. Une telle augmentation ne serait pas négligeable, mais ne justifierait pas de paniquer.</p>
<p>Par ailleurs, divers facteurs environnementaux qui ont pu être évoqués n’ont jamais pu être prouvés ou ont même été réfutés. Cela inclut notamment les hypothèses psychanalytiques concernant l’attitude des parents, la dépression maternelle, le gluten, la caséine, les infections microbiennes, et bien d’autres, parmi lesquels les vaccins.</p>
<p>La recherche des causes de l’autisme n’est évidemment pas achevée. Il est fort possible que d’autres causes soient identifiées dans le futur, ou que de nouvelles données conduisent à réévaluer le rôle de certains facteurs connus.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est une version actualisée <a href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/le-point-sur-lheritabilite-de-lautisme/">d’un post du blog de Franck Ramus</a>, Ramus méninges.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Ramus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aucune étude scientifique ne permet d'incriminer les vaccins dans la survenue de l'autisme. Par contre les travaux récents montrent que les facteurs génétiques comptent pour 60 % au moins.Franck Ramus, Directeur de recherches CNRS, professeur attaché, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759462017-06-27T18:13:16Z2017-06-27T18:13:16ZImpacts du glyphosate sur la santé et l’environnement, ce que dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175597/original/file-20170626-12696-1f57hnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traitement d’un champ au glyphosate au Royaume-Uni en 2014. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/chafermachinery/15415567073/in/photolist-pudP2c-9TJyjM-9TJzoe-ozjfAB-9E6mXS-og4F7L-ptZnEC-oCwybJ-pUoY5Y-9TJyJa-9E3sHP-qaVBo1-oeLF5h-orTMhE-pudZUV-9EiaBp-9TJy5V-thFr2S-9E3fys-domMbu-5osr4e-nixaHL-ptZxbG-k7GU4K-ptZoGC-oCmqDS-q9yAGP-q9yDMr-b7cGjD-b7cFjz-ogNykZ-q9q8Us-qoGDF3-ogwfK6-b7beTr-pudSix-b7bd5a-ptZvcS-pudUoV-nZj1MW-ogwaqD-nZj3qf-b7bffB-oiyUaH-cKkZBo-ogKTD1-ogBY5o-b7bfzp-b7bkHc-b7bnaP">Chafer Machinery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On connaît le glyphosate depuis le début des années 1970 lorsqu’il fut introduit par Monsanto avec la commercialisation du Roundup. Depuis, d’autres glyphosates sont apparus, portant différents noms et répondant à diverses formules chimiques en fonction des adjuvants utilisés pour les élaborer.</p>
<p>Ces herbicides figurent parmi les <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-016-0070-0">plus utilisés en agriculture</a>. Les raisons en sont multiples : simplicité d’utilisation, coût modique, action sur certaines voies métaboliques de la croissance des végétaux qui n’existent pas chez les animaux.</p>
<p>Quoique la toxicité des glyphosates <a href="http://npic.orst.edu/factsheets/glyphogen.html">ne fait pas doute</a>, de nombreuses controverses existent quant au degré de cette toxicité sur les différents organismes vivants et sur l’environnement.</p>
<p>Cette toxicité dépend non seulement du type de la formulation du glyphosate, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le pH, la nature et la structure du sol, ainsi que les sédiments en suspension et la concentration en algues alimentaires dans le cas des milieux aquatiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879583791618109441"}"></div></p>
<h2>Quels impacts sur la flore ?</h2>
<p>Le mode d’action des glyphosates consiste à inhiber une voie métabolique spécifique de la croissance des plantes, voie metabolique qui n’existe pas chez les autres organismes vivants, comme les animaux ou les insectes.</p>
<p>Mais ces substances n’affectent pas uniquement les mauvaises herbes contre lesquelles on les utilise. Et l’avis selon lequel les glyphosates sont facilement dégradés et absorbés dans les sols – donc sans effet néfaste sur l’agriculture – <a href="http://www.mdpi.com/2305-6304/3/4/462/htm">est erroné</a>. Des études ont ainsi montré que les glyphosates se trouvent facilement acheminés <a href="https://academic.oup.com/jxb/article-lookup/doi/10.1093/jxb/eru269">des tiges vers les racines</a> ; ils peuvent de cette façon être stabilisés et affecter négativement les plantes non ciblées par le traitement.</p>
<p>Parmi ces effets négatifs, on note une réduction de l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. Par conséquent, en réduisant l’absorption de ces éléments nutritifs, les glyphosates affectent indirectement la résistance des plantes aux maladies, ce qui induit en retour une utilisation plus intense de pesticides.</p>
<h2>Quels impacts sur la faune ?</h2>
<p>Les effets toxiques sur la faune s’avèrent plus importants que sur les plantes.</p>
<p>Des études de toxicité menées sur les rats ont démontré que si le glyphosate-Roundup (le plus connu des glyphosates) n’a pas induit d’effets toxiques visibles sur les femelles en gestation, il a eu un effet négatif <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00204-006-0170-5;http://www.i-sis.org.uk/glyphosate_kills_rat_testis_cells.php">sur la fertilité</a> des mâles, notamment des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.</p>
<p><a href="https://www3.epa.gov/pesticides/endanger/litstatus/effects/redleg-frog/glyphosate/determination.pdf">D’autres expérimentations</a>, conduites notamment sur des grenouilles, ont démontré que les adjuvants – c’est-à-dire les composants autres que le principe actif entrant dans la composition du Roundup – avaient des effets négatifs, notamment sur les hormones thyroïdiennes de grenouilles.</p>
<p>On a d’autre part noté un impact plus important des glyphosates <a href="https://people.csail.mit.edu/seneff/Hoy_wildlife_2015.pdf">sur les oiseaux sauvages</a> que sur les oiseaux domestiques. Chez ces derniers, le facteur de son accumulation dans l’organisme est relativement faible car ils sont moins directement exposés à ces substances.</p>
<p>Du côté des organismes marins, même s’ils sont moins concernés que les espèces terrestres, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate avait provoqué des lésions du foie et des reins, comme chez le <a href="http://www.academicjournals.org/article/article1380968357_Ayoola.pdf">tilapia du Nil</a> ; après 96 heures d’exposition à des doses relativement élevées, une mortalité accrue a été observée. <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09712119.2015.1031776">D’autres études</a> ont révélé que les glyphosates provoquaient une diminution de certaines fonctions du foie et du métabolisme général.</p>
<h2>Quels impacts sur les sols ?</h2>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">Des études</a> ont montré que le glyphosate possède un potentiel perturbateur affectant les microbes du sol. Il faut toutefois souligner que l’absorption, la dégradation et la lixiviation (c’est-à-dire la perte des éléments minéraux par lessivage) des sols causées par les glyphosates varient selon les types de sols ; beaucoup reste encore à comprendre dans ce domaine.</p>
<p>Cette variabilité et cette incertitude rendent très difficile l’établissement d’un tableau clair du devenir des glyphosates dans les sols. Certaines études ont cependant montré que ce dernier varie, certains complexes minéraux du sol retenant davantage les glyphosates que d’autres.</p>
<p>Il faut ici souligner que la matière organique – un des éléments les plus actifs du sol – ne semble pas avoir de capacité à absorber et retenir les glyphosates ; mais elle pourrait jouer un rôle dans ce processus. Même chose pour les éléments nutritifs des sols qui semblent également jouer un rôle réel dans l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">absorption des glyphosates</a>.</p>
<p>L’hypothèse de l’implication du phosphate dans ce processus a été avancée, même si certaines contradictions ont été soulignées. Dans certains sols, la désorption du phosphate <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-90162003000100026">favoriserait la dégradation</a> des glyphosates ; dans d’autres, on note un <a href="https://cdn.intechopen.com/pdfs-wm/13139.pdf">effet contraire, sinon aucun effet</a>.</p>
<p>Ces observations ont amené à classer les sols en deux catégories : ceux qui sont sujets à une compétition entre les glyphosates et le phosphate, avec une préférence pour ce dernier ; ceux possédant des sites spécifiques d’adsorption, en faveur soit des glyphosates ou du phosphate. Par conséquent, un sol riche en phosphate pourrait retenir moins de glyphosates, induisant une plus grande contamination des couches inférieures du sol et des nappes phréatiques ; à l’inverse, la pauvreté des sols en phosphates constituerait un facteur favorisant l’accumulation des glyphosates dans les couches supérieures des sols et donc une plus grande accumulation par les plantes.</p>
<p><a href="https://www.soilassociation.org/media/7202/glyphosate-and-soil-health-full-report.pdf">D’autres études</a> ont montré que les glyphosates utilisés aux doses recommandées en agriculture n’avaient aucun effet négatif sur les populations microbiennes – la flore microbienne représentant l’un des principaux facteurs de dégradation des glyphosates dans les sols – et peu d’effets sur les populations fongiques ; des effets stimulants ont même été observés sur certaines espèces microbiennes.</p>
<h2>Quels impacts pour l’homme ?</h2>
<p>Comme toutes les études de toxicité des produits chimiques, la toxicité des glyphosates sur l’homme a fait l’objet de peu d’études, comparativement à celles menées sur les animaux ; ceci est principalement imputable aux difficultés techniques et éthiques, sans compter bien sûr les contraintes d’ordre financier et commercial.</p>
<p>Même si de nombreuses études ont souvent démontré que les adjuvants utilisés – notamment le polyoxyethyleneamine ou POEA – sont beaucoup plus nocifs que le principe actif des glyphosates, il n’en demeure pas moins que cette catégorie de pesticides <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15862083">représente un danger</a> pour l’environnement et la santé humaine.</p>
<p>Tous les pesticides contiennent des adjuvants ; la toxicité de ces composés ne fait que s’ajouter à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3955666/">celle du principe actif</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, si les organismes de régulations considèrent les glyphosates comme non toxiques aux doses recommandées, la communauté scientifique est elle convaincue que ces substances sont toxiques et même cancérogènes, à l’image de nombreux pesticides.</p>
<p>À titre d’exemple, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) a <a href="https://www.iarc.fr/fr/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf">publié en mars 2015</a> un rapport classant le glyphosate comme « cause probable de cancer chez l’homme », alors que l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) avait pour sa part <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/151112">indiqué en novembre</a> de la même année qu’il était peu probable que le Roundup représente un risque cancérogène pour l’homme.</p>
<p>Cette controverse a été attisée en mars 2017 par la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de ne pas classer le glyphosate comme produit cancérogène ; à cela s’ajoute le revirement de l’Organisation mondiale de la santé qui en <a href="http://www.who.int/foodsafety/jmprsummary2016.pdf">mai 2016</a> a déclaré le Roundup comme non potentiellement cancérogène alors qu’elle avait dit le contraire quelques mois plus tôt.</p>
<p>Récemment, un groupe de scientifiques <a href="http://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(15)70134-8/abstract">a publié un commentaire</a> à propos de cette polémique autour du caractère cancérogène ou non du glyphosate. Ces derniers considèrent qu’il est plus approprié et plus rigoureux scientifiquement de considérer ce produit comme cancérogène au vu des évaluations et des données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et certains animaux en laboratoire.</p>
<p>En se basant sur cette conclusion et en absence de toute preuve du contraire, il apparaît donc raisonnable de conclure que les glyphosates, sous toutes leurs formulations chimiques, doivent être considérés comme potentiellement cancérogènes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879673195074396160"}"></div></p>
<p>Il est donc urgent de mener des études beaucoup plus approfondies visant à obtenir des données fiables quant aux effets directs et indirects de ces produits sur les organismes vivants, l’environnement et l’homme. Une urgence dictée par l’utilisation massive de ces substances en agriculture… Il serait malheureux de revivre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dichlorodiph%C3%A9nyltrichloro%C3%A9thane">drame du DDT</a>, cet insecticide reconnu comme dangereux et interdit dans les années 1970.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses recherches, Noureddine Benkeblia a reçu des financements de AMEXCID (Mexico). </span></em></p>Que nous disent les travaux scientifiques sur les effets de cet herbicide mondialement utilisé sur la flore, la faune, les sols et la santé humaine ?Noureddine Benkeblia, Professor of Crop Science, Department of Life Sciences, University of the West Indies, Mona CampusLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792532017-06-11T20:13:40Z2017-06-11T20:13:40ZSpécial cosmétiques de 60 millions de consommateurs : on marche sur la tête !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173253/original/file-20170610-4831-1b7t3j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/flacons-erlenmeyer-chimie-606611/">Republica/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Lire le hors-série sur les cosmétiques du magazine <a href="http://www.60millions-mag.com/"><em>60 millions de consommateurs</em></a> n°189 (juillet/août 2017), c’est entrer dans une autre dimension : une dimension où le sens commun est réduit à un pourcentage extrêmement faible. Il est impossible de détailler toutes les erreurs qui fleurissent dans ce guide qui aurait pu être précieux pour le consommateur. </p>
<p>Pour quelques remarques de bon sens, nous avons relevé <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/60-millions-de-consommateurs-on-marche-sur-la-tete-245/">sur notre blog</a> une quantité considérable d’erreurs scientifiques (quelques perles trouvées au fil des pages seront rapportées ici).</p>
<h2>Un peu de bon sens, tout de même</h2>
<ul>
<li><p>Concernant les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parab%C3%A8ne">parabens</a> notés « pas toujours nocifs », il est bon de réhabiliter ces conservateurs pour qui ne souhaite pas voir entrer dans la composition des cosmétiques des alternatives moins sûres (générateurs de formol par exemple).</p></li>
<li><p>La condamnation des produits de soin renfermant des filtres UV est une excellente chose – cela fait, pour notre part, des années que nous luttons contre cette mode que nous jugeons tout simplement stupide !</p></li>
</ul>
<h2>Beaucoup de « moins bon sens »</h2>
<ul>
<li><p>La part belle faite aux petites sociétés <em>bio</em> ; les grands groupes sont mis à l’index (il faut bien comprendre que si la notion de Bonnes Pratiques de Fabrication est habituelle pour les leaders du marché, il n’en est pas de même pour un certain nombre de petites sociétés).</p></li>
<li><p>la crème Hydrance (Avène) que <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/hydrance-legere-une-bonne-creme-hydratante-26/">nous trouvons parfaite</a> est stigmatisée du fait de la présence de paraffine (on peut lire « la formule mise surtout sur la paraffine ») et de phénoxyéthanol (un conservateur jugé sûr dans les cosmétiques, à l’exception des produits pour le siège des nourrissons, ce qui n’est pas le cas ici).</p></li>
<li><p>Une notation des produits étonnante : la crème au souci (c’est le cas de le dire) du Dr Theiss obtient « une moue » avec 5 allergènes ; la crème hydratante pour peau sèche B comme Bio obtient « un sourire » avec 3 allergènes et une substance suspectée d’être un perturbateur endocrinien. Notons que dans le domaine, on nous assomme avec cette notion de <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/ces-molecules-qui-perturbent-le-milieu-cosmetique-106/">perturbateurs endocriniens</a> (PE) <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/pas-de-soja-dans-les-cosmetiques-60/">à tort et à travers</a> ! Il conviendrait, lorsque parle de PE, de quantifier cet effet par rapport à une molécule de référence. S’il faut une tonne d’ingrédients pour provoquer un effet lambda ou un picogramme, ma peur n’est pas la même !</p></li>
<li><p>De la même façon, le shampooing doux usage fréquent de B comme Bio affiche un large sourire. Le lauryl sulfate de sodium qu’il contient (tiens, on pensait que plus personne n’utilisait cet irritant notoire) est « compensé par l’eau florale de camomille » dixit le rédacteur. Non, c’est un peu trop simple. On ne VEUT plus trouver ce tensioactif dans les shampooings ; on préfère le lauryléther sulfate de sodium (sodium laureth sulfate) dont l’éthoxylation diminue le caractère irritant ;</p></li>
<li><p>Le shampooing Monoprix bio et son laurylsulfate d’ammonium, tout aussi irritant, a le même traitement de faveur. Il obtient un sourire ! Pas par nous !</p></li>
<li><p>Des ingrédients sûrs sont présentés comme des ingrédients toxiques c’est le cas des PEG, de l’<a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/pas-de-danger-avec-l-edta-continuons-d-utiliser-sans-complexe-appreciez-le-jeu-de-mots-les-cosmetiques-qui-en-contiennent-165/">EDTA</a> qui font traiter la crème Garnier Skinactive hydra bomb de « bombe » sous-entendue toxique. Les silicones et polymères (sans précisions) coûtent le sourire à la crème corporelle DermaSpa – Dove ;</p></li>
</ul>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173249/original/file-20170610-18375-gyaa0b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">produit solaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/soins-de-la-peau-application-1491366/">chezbeate/Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Des poncifs du genre : « des étiquettes à y perdre son latin »… Oui, les noms de plante sont indiqués par leurs noms latins, c’est une règle internationale qui s’applique. S’il n’y avait pas eu ce souci d’uniformisation des noms d’ingrédients, chacun utiliserait le nom vernaculaire qui sonnerait bien à son oreille (ce serait la tour de Babel) et cela donnerait : criste marine pour certains, perce-pierre, casse-pierre, fenouil marin… pour d’autres, rock samphire, pour les Anglais… ce qui ne serait pas plus facile à analyser !</p></li>
<li><p>Des conseils sur les solaires qui ne reposent sur aucun fondement scientifique : pour être efficaces, les préparations contenant des filtres organiques « doivent être appliquées 30 minutes avant de s’exposer au soleil. » Pour les filtres minéraux « leur action est immédiate ». Non, dans les deux cas, l’action protectrice est immédiate !</p></li>
<li><p>« En Europe, les produits solaires doivent posséder un niveau de protection contre les UVB 3 fois plus important que celui contre les UVA » ; la Recommandation européenne de 2006 a été mal comprise par les rédacteurs de la revue. Elle implique un ratio SPF/FP-UVA inférieur ou égal (et ceci est important) à 3. Plus le ratio est faible, meilleur sera le produit !</p></li>
<li><p>Homosalate, octocrylène… sont présentés comme des perturbateurs endocriniens ce qui est faux. Propager ce type d’informations totalement erronées va se traduire par une désaffection vis-à-vis des produits solaires contenant des filtres organiques, seuls produits efficaces du marché. Les conséquences en ce qui concerne la survenue des cancers cutanés ne sont jamais évoquées !</p></li>
<li><p>Des conseils en matière d’hygiène étonnants : l’un des produits conseillés est le savon pur végétal du Dr Bronner’s (marque fort peu connue !) idéal pour le « lavage du corps, des dents, du linge » ! Idéal, quand ma peau, c’est comme de la soie !</p></li>
</ul>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173248/original/file-20170610-18375-46b6df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Savon d’Alep dans le souk de damas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Souq_al-Bzouriyya,_Damascus,_Syria_(5076101951).jpg#/media/File:Souq_al-Bzouriyya,_Damascus,_Syria_(5076101951).jpg">yeowatzup/wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Le savon d’Alep Douce nature (« action désinfectante et qui peut être utilisé contre l’acné ») : le rédacteur a sans doute oublié qu’un cosmétique ne peut pas traiter une pathologie. Le produit récolte pourtant un large sourire. L’aspect hétérogène du produit (voir la photo en page 50 du magazine) ne plaide pas en faveur d’un produit de grande qualité !</p></li>
<li><p>La pâte dentifrice Weleda sans fluor (la mention « Pas sûr que l’émail soit correctement reminéralisé avec cette pâte ») obtient un large sourire ! On s’étonnera de cette largesse pour un dentifrice qui ne protégera pas des caries !</p></li>
<li><p>La pâte Colgate MaxFresh fait grise mine avec une moue très prononcée tout simplement par ce qu’elle contient le lauryl sulfate de sodium (un détergent ubiquitaire dans les dentifrices qui ne pose aucun souci du fait de sa faible teneur) et du saccharinate de sodium (sans souci non plus ici).</p></li>
<li><p>Le dentifrice Sensodyne est pointé du doigt pour le « sujet allergique » du fait de la présence de cocamidopropyl betaine (CPB) « un composant qui peut provoquer des irritations ». Visiblement le rédacteur de cet article n’est pas au point sur les notions d’allergies et d’irritations ! Ses sources sont également anciennes car on sait très bien que si l’on utilise une CPB de qualité on n’observera pas de problème d’allergies.</p></li>
</ul>
<p>Nous ne parlerons pas des recettes-maison en fin de magazine et en particulier pas des savons « girly » puisque l’<a href="http://ansm.sante.fr/">Agence nationale des produits de santé et du médicament</a> a émis une alerte sur ce type de produits. Il vaut mieux oublier…</p>
<hr>
<p>_Pour en savoir plus, en vidéo, sur les cosmétiques, c’est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=l5HbzxNWZyY&feature=share">ici</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jP3DEiuYpOw&feature=share">là</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79253/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le hors-série sur les cosmétiques du magazine 60 millions de consommateurs fait grand bruit. Analyse critique de son contenu.Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de NantesLaurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/732612017-05-14T20:03:37Z2017-05-14T20:03:37ZPeut-on parler d'une épidémie d’autisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167370/original/file-20170501-17299-e5jrpv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un garçon de 8 ans, avec autisme.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cute-8-years-old-autustic-boy-356569589?src=NNupOoMPseCgIGjr54MfRg-1-79">Dubova/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les travaux de préparation du 4ème plan autisme se poursuivent, les mesures devant être inscrites cet automne dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. <a href="http://social-sante.gouv.fr/grands-dossiers/l-autisme/le-plan-autisme-2013-2017/article/preparation-du-4eme-plan-autisme">Des chercheurs de plusieurs pays ont été auditionnés</a> au ministère des Affaires sociales et de la Santé sur les moyens d'améliorer le diagnostic et l'accompagnement des personnes autistes. Mais que sait-on, aujourd'hui, de la fréquence de l'autisme à travers le monde ? Des informations changeantes, parfois même contradictoires, circulent à ce sujet. </p>
<p>Il est incontestable que le nombre de diagnostics d’autisme, désormais qualifié de <a href="http://www.who.int/features/qa/85/fr/">trouble du spectre autistique</a> (TSA), n’a cessé de croître au cours des dernières décennies. Ce trouble du développement se caractérise par des difficultés dans les interactions sociales et par des centres d’intérêt restreints.</p>
<p>Dès lors, de nombreux commentateurs n’hésitent pas à parler d’épidémie d’autisme. Et les hypothèses les plus folles circulent sur les causes de cette épidémie, incluant la mise en cause de certains vaccins, et le rôle d’infections microbiennes. D’autres hypothèses plus récentes, nécessitant davantage d’investigations scientifiques, portent sur le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens (des molécules supposées interférer avec le système hormonal), ou encore de la pollution atmosphérique.</p>
<p>Cependant, plusieurs facteurs bien connus permettent déjà d’expliquer, au moins en partie, la croissance du nombre de diagnostics. Parmi lesquels un élargissement des critères, et une meilleure reconnaissance des signes de la part des parents, des enseignants, et des médecins.</p>
<h2>Une croissance exponentielle du nombre de cas</h2>
<p>La courbe ci-dessous (figure 1), représentant la proportion de personnes autistes dans la population américaine, semble être faite pour déclencher la panique, tant la croissance semble exponentielle. Alors que l’autisme était considéré comme un trouble rare dans les années 1970 et 1980, la dernière estimation des agences sanitaires américaines, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24670961">fait état d’une prévalence de 1 cas sur 68</a>. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21558103">Une étude coréenne</a> a même annoncé une prévalence de 2.6 % dans la population de ce pays, soit environ 1 cas sur 40, sans que l’on sache s’il s’agit d’une augmentation au-delà de ce qui avait été précédemment observé, ou bien d’un résultat isolé non comparable à ceux des autres pays.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166335/original/file-20170422-22929-j6d9pw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : évolution de la prévalence de l’autisme et des troubles du spectre autistique depuis 1970 aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CDC, association Autism Speaks</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est important de souligner, au préalable, que l’entité « autisme » dont la prévalence est suivie au fil du temps n’est pas une entité stable et objective : elle dépend entièrement de critères diagnostiques préalablement définis. Or il se trouve que ces critères ont évolué avec le temps.</p>
<h2>Changement des critères diagnostiques dans les années 1990</h2>
<p>Jusqu’aux années 1990, les nomenclatures comme la 8<sup>e</sup> édition de la Classification internationale des maladies (CIM-8) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la 3<sup>e</sup> édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III) américain définissaient des critères diagnostiques correspondant essentiellement à l’autisme typique tel que décrit pour la première fois par le pédopsychiatre Léo Kanner en 1943.</p>
<p>À partir de la <a href="http://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/2665/cim10_2015_final_0.pdf">CIM-10</a> et du <a href="https://psychiatrieweb.files.wordpress.com/2011/12/manuel-diagnostique-troubles-mentaux.pdf">DSM-IV</a>, les critères ont été élargis afin d’inclure un ensemble plus vaste d’individus, présentant des profils plus variés et une sévérité pouvant être moindre. Des catégories diagnostiques additionnelles ont été créées pour couvrir des formes atypiques ne rentrant pas dans la définition principale, comme le syndrome d’Asperger ou le trouble désintégratif de l’enfance. Et la notion de « troubles envahissants du développement » a chapeauté l’ensemble.</p>
<p>L’actuel DSM-V prolonge cette évolution en regroupant la <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/autisme/2015-04-03/criteres-diagnostiques-dsm-5">plupart de ces catégories diagnostiques sous le terme de « trouble du spectre autistique »</a> (TSA), tout en mettant à part la catégorie « trouble de la communication sociale ». Il est incontestable que le passage à la CIM-10 et au DSM-IV a augmenté considérablement la population répondant aux critères diagnostiques de l’autisme et des troubles envahissants du développement.</p>
<p>On peut bien sûr se poser la question de la légitimité de cet élargissement des critères diagnostiques. De nombreux psychanalystes français, <a href="http://www.liberation.fr/societe/2010/04/27/autisme-et-si-l-etat-se-melait-de-ses-affaires_622887">à l’instar de Bernard Golse</a>, considèrent que l’autisme typique, très rare (un enfant sur 10 000), est qualitativement différent du reste des TSA, et que le regroupement des TSA n’a aucun sens clinique. Ces personnes donnent donc des diagnostics alternatifs (psychose infantile, dysharmonie) non reconnus au niveau international à la plupart des personnes avec TSA.</p>
<h2>Des caractéristiques similaires au niveau cérébral et génétique</h2>
<p>En fait le regroupement des TSA dans les classifications internationales récentes n’a rien d’arbitraire, et n’est pas juste le résultat d’un lobbying de la part des associations de patients. Il reflète d’une part l’observation selon laquelle de nombreux individus présentant des traits voisins de l’autisme typique, mais à une sévérité moindre, ont des difficultés qui nécessitent une prise en charge ; et d’autre part, les nombreux travaux de recherche montrant que l’ensemble des individus avec TSA présente des caractéristiques similaires <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10768694">au niveau cognitif</a>, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17964254">au niveau cérébral</a> et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22213788">au niveau génétique</a>. Ainsi, l’autisme typique est plus sévère et plus caractéristique, mais n’est pas qualitativement différent de l’ensemble des TSA.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25365033">Une étude danoise récente</a> a permis de vérifier l’effet des critères diagnostiques, établissant qu’environ un tiers de l’augmentation de prévalence du TSA au cours des années 1990 peut être entièrement attribué au changement de classification diagnostique. Le DSM-V, en revanche, s’il a modifié les critères diagnostiques à la marge, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21558103">ne semble engendrer aucune nouvelle augmentation de prévalence</a>.</p>
<p>Un second facteur est la meilleure reconnaissance dont a bénéficié l’autisme au cours du temps, à la fois auprès des professionnels et du grand public. Chez les médecins et autres professionnels de santé, cette vigilance accrue a conduit à diagnostiquer d’une part des enfants qui n’avaient auparavant aucun diagnostic, d’autre part des enfants qui auparavant recevaient un diagnostic différent, par exemple une déficience intellectuelle, un trouble du langage ou le mutisme.</p>
<p>Ce phénomène de « substitution diagnostique » est bien illustré dans la figure 2. Au fur et à mesure que la prévalence de l’autisme augmentait aux États-Unis, celle de la déficience intellectuelle diminuait, montrant un phénomène de vases communicants entre les deux diagnostics. La somme de la prévalence des deux diagnostics est quasiment stable au cours du temps.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168985/original/file-20170511-32578-1jq363.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : nombre d’élèves (sur 10 000) bénéficiant d’une reconnaissance de besoins éducatifs particuliers aux États-Unis, en fonction de la catégorie diagnostique : autisme ou déficience intellectuelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://3.bp.blogspot.com/-60JRIDj9Hjg/VxxpKe2qhKI/AAAAAAAARNI/G_yi2gkIZ60rBItgL7BTqU-jWHcyL26xACLcB/s1600/autism-id_dx.jpg">Polyak et coll. (2015), association Autism Speaks.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/labs/articles/26243784/">Dans l’étude dont sont extraites ces données</a>, on peut également constater la décrue des diagnostics de « troubles spécifiques des apprentissages », ainsi que des « troubles émotionnels », deux catégories qui incluaient sans doute aussi un certain nombre d’enfants autistes.</p>
<h2>Dans le passé, l’autisme était sous-évalué</h2>
<p>Autrement dit, l’augmentation des diagnostics au fil du temps est due en partie au fait que dans le passé, bon nombre des cas qui auraient pu vérifier les critères diagnostiques de l’autisme n’étaient pas diagnostiqués comme tels, et par conséquent la prévalence de l’autisme était sous-évaluée.</p>
<p>Dans le grand public, la meilleure reconnaissance de l’autisme (notamment grâce <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=4572.html">au film <em>Rain Man</em></a>, et à l’essor des associations de familles concernées), a conduit les parents, les enseignants et les autres personnes concernées à être plus sensibles aux symptômes de l’autisme, <a href="http://www.autismes.fr/fr/les-cra.html">à consulter plus fréquemment et plus tôt à ce sujet</a>. Ainsi, le nombre de cas présentés aux professionnels pour diagnostic a augmenté, et l’âge moyen du premier diagnostic a baissé.</p>
<p>De fait, historiquement, la plupart des diagnostics d’autisme concernaient uniquement des enfants suivis en institution hospitalière. Aujourd’hui, la plupart des cas diagnostiqués concernent des enfants hors institution. L’étude danoise précédemment citée estime que cet élargissement de la population comptabilisée expliquerait environ 40 % de l’augmentation des diagnostics. Ce phénomène est en partie confondu avec l’élargissement des critères diagnostiques, mais les deux facteurs pris ensemble <a href="http://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/1919642">expliqueraient 60 % de l’augmentation des diagnostics</a>.</p>
<p>La question est donc posée : y a-t-il véritablement eu une augmentation du nombre de cas d’autisme, ou est-ce que l’augmentation apparente de la prévalence est uniquement une inflation diagnostique liée aux facteurs mentionnés ci-dessus ?</p>
<h2>Le cas de la Suède</h2>
<p><a href="http://www.bmj.com/content/350/bmj.h1961">Une étude suédoise très récente</a> vise à répondre à cette question en analysant l’évolution sur la période 1993-2002 à la fois du nombre de diagnostics d’autisme et des symptômes d’autisme, tels que mesurés sur des échelles standardisées. En effet, si l’augmentation du nombre de diagnostics reflète une véritable augmentation du nombre de cas d’autisme, on s’attend à ce que les symptômes autistiques quantifiés dans la population augmentent de manière proportionnelle.</p>
<p>Le graphique ci-dessous (figure 3) montre l’évolution des diagnostics d’autisme dans l’ensemble de la population suédoise (ligne bleue). Ils passent d’environ 0.2 % en 1993 à 0.7 % en 2002, soit une évolution comparable à celle constatée aux États-Unis et dans d’autres pays. En revanche la ligne verte montre le nombre moyen de symptômes autistiques, à partir d’une échelle en comportant 17. Comme on peut le voir, le niveau de symptômes autistiques est stable sur la période considérée, malgré l’augmentation concomitante du nombre de diagnostics. Ainsi, cette étude suggère que l’augmentation du nombre de diagnostics n’est pas due à une véritable augmentation des symptômes, et donc des cas d’autisme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166337/original/file-20170422-22929-11bmgc4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : évolution de la prévalence de l’autisme en Suède (ligne bleue), et évolution des symptômes autistiques quantifiés par l’autisme score (ligne verte).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lundström et coll. (2015).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette étude suédoise est unique en son genre, et demanderait bien évidemment à être confirmée dans d’autres pays. Néanmoins, elle est cohérente avec l’étude danoise et avec la compréhension que l’on a des différents facteurs qui contribuent à l’inflation diagnostique.</p>
<p>On est donc amené à conclure, soit qu’il n’y a tout simplement pas d’augmentation du nombre de cas d’autisme, soit qu’il y en a peut-être une. Mais dans ce dernier cas, elle serait bien inférieure à ce que suggèrent les données brutes de prévalence, et ne justifie probablement pas de s’alarmer outre mesure.</p>
<h2>Des couples formés sur de semblables traits autistiques</h2>
<p>On pourrait mentionner une dernière hypothèse pouvant expliquer une légère augmentation véritable du nombre de cas d’autisme, sans pour autant invoquer de facteur environnemental nouveau. Il s’agit de l’homogamie, c’est-à-dire la tendance des hommes et des femmes qui se ressemblent à former des couples.</p>
<p>Les traits de ressemblance pour lesquels une homogamie est attestée sont typiquement le niveau d’éducation, le niveau socio-économique, ainsi que la taille. Mais il y a également des raisons de penser que les personnes possédant certains traits autistiques (subcliniques, c’est à dire n’ayant pas entraîné de diagnostic) ont tendance aussi à s’apparier sur ces traits.</p>
<p>Dans ce cas, leurs enfants auraient une probabilité accrue de porter <a href="https://theconversation.com/nos-ancetres-autistes-ont-joue-un-role-cle-dans-levolution-75471">des combinaisons de facteurs génétiques</a> augmentant la susceptibilité à l’autisme. On soupçonne que cette homogamie sur la base de traits autistiques pourrait partiellement expliquer l’augmentation de la prévalence de l’autisme dans la Silicon Valley, sur la côte ouest des États-Unis. Dans cette région vivent en effet de nombreux hommes et femmes ingénieurs ou chercheurs en sciences et technologie, une population présentant plus de traits autistiques que la moyenne.</p>
<p>Bien que le nombre de diagnostics de TSA ait considérablement augmenté au cours des dernières décennies, il y a donc toutes les raisons de penser que la majeure partie, sinon la totalité de cette augmentation soit attribuable à l’élargissement des critères diagnostiques et à leur application plus systématique à l’ensemble de la population concernée. Il n’y a pas lieu à l’heure actuelle d’évoquer une épidémie d’autisme, ni de s’inquiéter exagérément à propos de facteurs de risques nouveaux.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est une version actualisée <a href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/le-point-sur-la-prevalence-de-lautisme/">d’un post du blog de Franck Ramus, Ramus méninges</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Ramus a reçu des financements du CNRS, de la Commission Européenne, de l'Agence Nationale de la Recherche, du Plan d'Investissements d'Avenir, de la Fondation Agir pour l'Audition, et de la Fondation Fyssen. </span></em></p>Si le nombre de personnes autistes augmente, c’est d’abord parce qu’on repère mieux ce trouble du développement. Et parce que les critères du diagnostic ont été élargis.Franck Ramus, Directeur de recherches CNRS, professeur attaché à l'ENS, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/763722017-04-19T19:36:49Z2017-04-19T19:36:49ZPodcast : des nouvelles de notre cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165896/original/file-20170419-2408-6wmmyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Structure biologique la plus complexe connue à ce jour, notre cerveau est bien entendu beaucoup plus qu’un simple organe. Élaboration de la pensée, siège des émotions, production du langage, détection et interprétation des images, stockage des informations, sensibilité, douleur… Cette masse gélatineuse contrôle et produit ce que nous sommes.</p>
<p>Des nouvelles sur le cerveau nous arrivent jour après jour du monde entier, révélant les secrets de l’apprentissage, de la mémoire, de l’attention, de la motivation, du leadership, de la prise de décision et nous n’en sommes qu’au tout début.</p>
<p>Comme toutes les machines ultra-performantes, notre cerveau est aussi fragile, vulnérable. Et si sa mutation permanente, son adaptation millénaire aux enjeux et à l’environnement en font une redoutable arme de survie et d’évolution, sa complexité biologique le rend aussi extrêmement sensible aux attaques extérieures. </p>
<p><em><strong>Animation</strong> : Yves Bongarçon (Moustic the Audio Agency) et Didier Pourquery<br>
<strong>Réalisation</strong> : Joseph Carabalona (Moustic the Audio Agency)</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Demeneix détient des parts dans Watchfrog, cofondé avec Gregory Lemkine afin d'analyser des substances dans l'environnement agissant comme perturbateur endocrinien. Son équipe de recherche du Museum d'histoire naturelle a reçu des financements de plusieurs agences nationales et internationales, notamment l'ANR, FP7 et H2020.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Marie Lledo a reçu des financements de la FRM et la Fondation Schlumberger pour l’Education et la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Agid ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Trois spécialistes du cerveau débattent de l’intelligence, des maladies dégénératives, de transhumanisme… et des effets des perturbateurs endocriniens.Yves Agid, Professeur de neurologie, chercheur en neurosciences, membre de l'Académie des Sciences, directeur scientifique et fondateur de l’ICM, Institut du Cerveau (ICM)Barbara Demeneix, Professor Physiology/ Endocrinology, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Pierre-Marie Lledo, Neurobiologiste, Institut PasteurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759382017-04-11T19:44:42Z2017-04-11T19:44:42ZNucléaire, diesel et perturbateurs endocriniens : le programme ambitieux et ambigu du candidat Hamon<p>Fort du ralliement des Verts, le vainqueur de la primaire à gauche se présente comme l’un des candidats les plus engagés en matière de protection de l’environnement.</p>
<p>Parmi ses propositions phares, l’objectif d’atteindre 50 % d’énergies renouvelables en 2025 a particulièrement retenu l’attention.</p>
<p>Plusieurs interprétations de cet objectif sont possibles, mais les prises de parole publiques de Benoît Hamon et de ses soutiens donnent à penser qu’il s’agit de faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en France de <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/user_upload/Datalab-13-CC-de_l-energie-edition-2016-fevrier2017.pdf">près de 15 % en 2015</a> à une production renouvelable assurant la moitié de cette consommation dix ans plus tard.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"844278332665577477"}"></div></p>
<p>C’est cette vision qu’il est intéressant d’analyser car elle distingue le candidat socialiste des autres prétendants à l’Élysée.</p>
<p>Notons cependant que dans la <a href="https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf">dernière version de son programme</a>, une variante de cet objectif a été introduite, qui donnerait à penser que Benoît Hamon limite ses ambitions au secteur de l’électricité. Le fait d’entretenir une ambiguïté nuit à la crédibilité de son projet.</p>
<p>Plusieurs remarques s’imposent pour qualifier ce premier objectif : en 2015, en effet, la France ne se trouvait toujours pas sur la trajectoire permettant d’atteindre en 2020 la cible européenne fixant à 23 % la part des renouvelables dans la consommation finale d’énergie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164530/original/image-20170408-22688-1x6tyid.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de 2005 à 2015 (réalisé) et trajectoire prévue pour atteindre l’objectif de 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SOeS, d’après les sources par filière et PNA (trajectoire)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans quelle mesure cette tendance peut-elle être infléchie ?</p>
<p>Entre 2005 et 2015, la production d’énergie renouvelable s’est accrue de 7,3 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), passant de 15,7 à 23 Mtep. En prolongeant cette hausse annuelle de 3,6 % environ, cela donne 32 Mtep pour 2025.</p>
<p>Cette production doit être mise en regard de l’évolution du niveau de consommation d’énergie. Entre 2005 et 2015, la consommation finale brute d’énergie est en effet passée d’environ 160 Mtep à 150 Mtep, soit une baisse de 6 % sur la période. Si cette trajectoire se poursuit, la consommation atteindra 140 Mtep en 2025. Dans ces conditions, la production d’énergie renouvelable pourrait représenter 23 % de la consommation d’énergie finale.</p>
<p>Cela représente donc moins de la moitié de l’objectif souhaité par Benoît Hamon : pour le réaliser, il faudra donc mener une politique volontariste. Quels leviers propose-t-il pour y parvenir ?</p>
<h2>Un développement sans précédent des renouvelables</h2>
<p>Benoît Hamon affirme miser sur la diminution de la demande d’énergie, sans pour autant la chiffrer précisément. Pour que les énergies renouvelables représentent la moitié de la consommation finale d’énergie, il faudrait que cette dernière atteigne 64 Mtep… soit une diminution de 57 % d’ici à 2025. C’est une évolution sans commune mesure avec la baisse de 6 % constatée entre 2005 et 2015.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164547/original/image-20170408-29399-17qnamm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison de la trajectoire nécessitée par l’objectif de Benoît Hamon avec l’évolution tendancielle de la consommation finale brute d’énergie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données SOeS (2017)</span></span>
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</figure>
<p>Mais l’objectif doit probablement se situer entre les deux, avec une hausse accélérée de l’installation d’unités de production d’énergie renouvelable, et des efforts en matière de maîtrise de la demande.</p>
<p>En suivant le scénario de sortie du nucléaire <a href="https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese_scenario-negawatt_2017-2050.pdf">proposé par l’association négaWatt</a>, référence très ambitieuse que le candidat Hamon convoque régulièrement, cela donnerait une consommation de 129 Mtep à horizon 2025. Cette trajectoire volontariste nécessite d’importants efforts (isolation massive des bâtiments, développement de la collocation, diminution forte des déplacements).</p>
<p>Dans ce cadre, pour parvenir à son objectif de 50 % de renouvelables, Benoît Hamon devrait faire en sorte que la production d’énergie renouvelable atteigne 64,5 Mtep (alors même que négaWatt ne prévoit que 23,7 Mtep). Cela implique ainsi une hausse de 280 % pour la décennie à venir, un objectif difficilement réalisable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164548/original/image-20170408-31640-z4s49r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comparaison de la trajectoire de hausse de la production d’énergie renouvelable nécessitée par la vision de Benoît Hamon avec l’évolution tendancielle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données SOeS (2017)</span></span>
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<p>La proposition de Benoît Hamon est ainsi extrêmement ambitieuse, bien davantage que les scénarii les plus volontaristes, qui ne prévoient de telles évolutions qu’à horizon 2050.</p>
<p>En outre, les mesures mises en avant par le candidat socialiste pour y parvenir demeurent floues. Il indique notamment vouloir « créer une aide pour permettre aux citoyens de s’équiper en matériel de production d’énergie renouvelable domestique ». Il n’évoque pas comment la massification des investissements dans les renouvelables peut être réalisée, alors que ces investissements sont déjà insuffisants pour atteindre les objectifs européens.</p>
<h2>Sortir du nucléaire</h2>
<p>Si Benoît Hamon n’a pas donné d’objectif précis en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre impliquées dans le réchauffement climatique en cours, il a en revanche proposé de fermer toutes les centrales nucléaires <a href="https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf">d’ici à 2042</a>. Cet engagement a l’intérêt de susciter la réflexion sur l’évolution du parc existant, qui devra dans tous les cas être remplacé ou renouvelé : en 2025, plus de la moitié de la capacité nucléaire – 32 gigawatts (GW) sur les 63 GW – aura passé 40 ans.</p>
<p>Cette proposition implique qu’il faudrait remplacer les <a href="http://www.rte-france.com/sites/default/files/2015_bilan_electrique.pdf">416,8 térawatt-heure (TWh)</a> produits en 2015 par les centrales nucléaires. Il est en effet raisonnable de considérer avec négaWatt que la consommation électrique, stable depuis 2010, devrait le rester à cet horizon, les effets de la maîtrise de la demande et de l’électrification des usages se compensant.</p>
<p>Si le candidat socialiste souhaite recourir, comme il l’indique, à de l’électricité renouvelable, cela nécessite d’installer de l’ordre de 123 GW d’éolien et 118 GW de solaire photovoltaïque. Car pour ce qui est de l’hydraulique, première source d’électricité renouvelable en France, il ne pourra y avoir de hausse, le potentiel de production étant déjà exploité. Or, fin 2016, le parc éolien était de 11,6 GW et la puissance photovoltaïque installée de 6,8 GW.</p>
<p>Cette sortie du nucléaire en 2042 présente un réel défi, d’autant plus que les problématiques liées à l’intermittence de ces énergies (le vent, par exemple, ne souffle pas en fonction de nos besoins en électricité), comme le stockage, <a href="http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/livre-blanc/stockage-energie-dimensionner-40929/">n’ont pas encore été résolues</a>.</p>
<p>S’il n’est pas possible d’obtenir des niveaux de production suffisants pour répondre à la demande d’énergie, même en baisse, ni de la satisfaire lorsqu’il n’y a ni vent ni soleil, il faudra recourir aux énergies fossiles (gaz, pétrole ou charbon)… et s’éloigner ainsi des engagements et objectifs de lutte contre le changement climatique.</p>
<h2>Transports, libre-échange et fiscalité</h2>
<p>Une autre proposition phare de Benoît Hamon concerne les transports, avec l’ambition de « sortir du diesel à l’horizon 2025 », ce carburant étant <a href="https://www.iarc.fr/fr/media-centre/pr/2012/pdfs/pr213_F.pdf">considéré comme cancérogène</a> par l’Organisation mondiale de la santé.</p>
<p>Pour être cohérent, ce projet doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur les modes de déplacement : il faut en effet éviter le report sur les véhicules à essence, ceux-ci émettant <a href="http://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/basecarbone/donnees-consulter/liste-element/categorie/405">davantage de gaz à effet de serre</a> que les véhicules utilisant du diesel. Le candidat socialiste propose ainsi un plan de déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques, dans la continuité de mesures prises lors du <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/developpement-des-vehicules-propres#e2">quinquennat qui s’achève</a>. Il ambitionne aussi de développer les transports ferroviaires.</p>
<p>Benoît Hamon se prononce également en faveur de la suppression des traités de libre-échange <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_%C3%A9conomique_et_commercial_global">comme le CETA</a>, non compatible dans sa forme actuelle avec la réalisation des objectifs de la COP 21, selon une <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/cet-defavorable-climat-ministere-environnement-28451.php4">note</a> des services du ministère de l’Environnement.</p>
<p>Il soutient de même la montée en puissance d’une « fiscalité verte », dont les détails devront être précisés. Il souhaite l’appliquer tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne, en vue de rendre plus attractifs des biens à faible empreinte environnementale produits en Europe.</p>
<p>Enfin, il avance qu’à la fin de son mandat, les lois de finances devront être conformes avec les objectifs de la COP 21. S’il faut encore préciser les modalités concrètes d’application de cette promesse, cette simple mention souligne l’importance d’une transformation de l’ensemble de l’action publique dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.</p>
<h2>Les perturbateurs endocriniens en ligne de mire</h2>
<p>Un marqueur de la campagne de Benoît Hamon depuis la primaire socialiste concerne l’interdiction des pesticides « dangereux » et des perturbateurs endocriniens. La prise de conscience des problèmes liés à une exposition quotidienne, et la mise en lumière des <a href="http://www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Impacts/La-fabrique-du-mensonge">pratiques douteuses</a> de certains <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Marchands_de_doute">« marchands de doute »</a> est louable et remarquable dans le cadre d’une campagne présidentielle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Benoît Hamon sur les perturbateurs endocriniens (L’Émission politique, 2017).</span></figcaption>
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<p>Cependant, pour être pleinement convaincante, elle devrait répondre à certaines interrogations. Quels seront les critères appliqués pour qualifier certains pesticides de « dangereux » ? Qui prendra les décisions ? Quels seront les substituts choisis, pour éviter de recourir à des substances non moins nocives, mais moins connues ? Il ne faudrait pas satisfaire une promesse électorale au prix d’un remède pire que le mal.</p>
<p>Pour conclure, la démarche de Benoît Hamon participe d’un renouvellement appréciable des sujets de campagne électorale. Néanmoins, elle n’est pas exempte d’ambiguïtés et de contradictions. C’est un peu regrettable, car il ne reste plus beaucoup de temps pour les errements politiques en matière de <a href="http://www.theshiftproject.org/fr/cet-article/cop22-emissions-mondiales-5-par-an-maintenant-ou%E2%80%A6-impossible-plus-tard">transition énergétique</a>. Le changement climatique, c’est maintenant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75938/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Dégremont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des propositions phares du candidat socialiste en matière de transition énergétique et de protection de l’environnement.Marie Dégremont, Chercheur en sciences politiques au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.