tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/presidentielle-2017-20139/articlesprésidentielle 2017 – The Conversation2022-04-19T16:41:07Ztag:theconversation.com,2011:article/1814372022-04-19T16:41:07Z2022-04-19T16:41:07ZDébat présidentiel : le match retour ne sera pas un remake<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458580/original/file-20220419-15-vn1ji4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C3275%2C2190&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marine Le Pen et Emmanuel Macron avant le débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle, le 3 mai 2017 à Paris.</span> <span class="attribution"><span class="source">Eric Feferberg / AFP</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pour la seconde fois dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République, le débat de second tour sera un match retour. Après les duels Valery Giscard d’Estaing/François Mitterrand de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OiiL-3ceMek">1974</a> et <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/dvc81081866/debat-valery-giscard-d-estaing-francois-mitterrand">1981</a>, voici de nouveau <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FIJpp_TZC6k">M. Le Pen et E. Macron</a> face-à-face.</p>
<p>Autant en 1974 et 1981, les données du débat étaient relativement similaires, autant ce jour les données vont changer. Ce changement est dû à l’échec complet de Marine Le Pen en 2017. Échec qui correspondait à une stratégie délibérée d’agressivité qui s’est avérée totalement contre-productive.</p>
<p>La candidate du Rassemblement national ne reproduira pas la même fatale erreur. Les enjeux du débat en seront donc modifiés, d’autant qu’Emmanuel Macron n’incarne plus la surprise mais doit désormais assumer le bilan de son quinquennat et contrebalancer la dégradation de son image.</p>
<h2>L’échec de Marine Le Pen en 2017</h2>
<p>Durant le débat, lors des commentaires observables sur les réseaux socionumériques on pouvait voir que même les soutiens de Marine Le Pen étaient gênés, voire désabusés par son attitude à la fois agressive et désinvolte. BFMTV évoquait la <a href="https://www.bfmtv.com/politique/apres-le-debat-la-deprime-de-la-fachosphere_AN-201705040083.html">« déprime de la fachosphère »</a>.</p>
<p>Elle a consacré plus de la moitié de son temps de parole à dénigrer son adversaire plutôt qu’à présenter ses propositions aux Français. Ne pas profiter d’un tel record d’audience en campagne électorale pour déplier son programme et tenter de convaincre est d’une rare incongruité. Ce que les internautes ont rapidement perçu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"859849653931659264"}"></div></p>
<p>Pire, elle a donné l’impression à plusieurs reprises qu’elle ne connaissait pas bien ses dossiers, son adversaire s’en amusant même et l’humiliant en lui faisant remarquer qu’elle s’était trompée de dossier lors d’un échange économique. Et puis elle n’a pas respecté son adversaire, se montrant très agressive, dès la première minute ; le diffamant en s’inquiétant de ne pas avoir à découvrir qu’il aurait un compte caché dans un paradis fiscal alors que de <a href="https://www.numerama.com/politique/254983-compte-offshore-demmanuel-macron-une-intox-venue-de-4chan.html">faux documents grossiers</a> l’incriminant circulaient dans les réseaux de l’extrême droite américaine depuis 19h.</p>
<p>Le politologue Jacques Gerstlé parla d’<a href="https://theconversation.com/une-agressivite-debridee-degrade-lultime-debat-presidentiel-77221">« agressivité débridée »</a> pour qualifier pareil comportement. Nous avions montré à l’époque qu’elle avait <a href="https://www.marianne.net/agora/entretiens-debats/marine-le-pen-profanatrice-des-regles-du-debat-democratique">profané les règles du débat démocratique</a> en ne respectant à ce point aucune des exigences fondatrices d’un dialogue entre interlocuteurs. Mais cela ne s’explique pas parce que Marine Le Pen aurait perdu ses nerfs ou aurait négligé l’exercice.</p>
<h2>Un débat raté suite à une erreur d’appréciation tactique</h2>
<p>Cette conduite du débat a dégradé l’image de marque de M. Le Pen et a accru l’écart des intentions de vote. Selon les <a href="https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.ipsos.fr%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Fdoc_associe%2Frapport_ipsoslemonde5mai_0.pdf%2Findex.html">sondages de l’institut Ipsos</a>, le rapport de force était de 59-41 avant le débat et il est passé deux jours après à 63-37.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458409/original/file-20220418-16-8q16q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des intentions de vote au second tour de 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ipsos</span></span>
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<p>Le débat a donc bien <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/05/presidentielle-un-sondage-ipsos-confirme-la-dynamique-en-faveur-d-emmanuel-macron-apres-le-debat_5123295_4854003.html">servi les intérêts du candidat Macron</a>. Et ce désastre trouve son origine dans l’application des consignes reçues par son équipe. Mediapart a révélé plus tard les <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/140118/des-documents-internes-prouvent-lamateurisme-de-la-campagne-de-le-pen?page_article=2">documents rédigés</a> par son conseiller Damien Philippot et sa garde rapprochée pour préparer le débat. On y lit en toutes lettres que l’attitude adoptée lors du débat était un choix tactique. On peut résumer les consternants éléments de langage formatés pour préparer cette prestation télévisée : nuire à l’image de marque d’Emmanuel Macron en se disant que le scrutin est fichu et que le seul objectif atteignable est de renforcer une abstention chez des gens subissant la pression du « front républicain » mais qui hésitent à voter Macron.</p>
<h2>Marine Le Pen ne reproduira pas ce soir pareille erreur</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458410/original/file-20220418-76482-rv4bfu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Consignes préparatoires au débat par l’équipe Le Pen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mediapart</span></span>
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<p>Avec une telle tactique, la candidate du Front national avait réussi à ruiner en deux heures plusieurs années d’un long travail d’amélioration de son image, souvent résumé par le terme de <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2016-2-page-17.htm">dédiabolisation</a> avec toutes les critiques que ce terme suscite, comme chez la politologue Nonna Mayer qui parle de <a href="https://laviedesidees.fr/Le-mythe-de-la-dediabolisation-du-FN.html">« mythe de la dédiabolisation »</a>.</p>
<p>Elle a depuis repris ce travail de longue haleine. Sa façon de présenter son intimité d’adoratrice de chats, sa volonté de modérer son langage, d’édulcorer son programme dans ses présentations orales, son insistance sur le pouvoir d’achat, son désir de se présenter comme une femme en politique soucieuse donc de se préoccuper de la vie quotidienne des Français, son appel à la fraternité entre patriotes, constituent autant de choix tactiques pour améliorer son image de marque. Grâce à sa participation à certaines émissions, aux selfies, à ses vidéos privées, elle s’est beaucoup employée au <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/selfies-proximite-et-paratonnerre-zemmour-comment-marine-le-pen-a-lisse-son-image_GN-202204100391.html">polissage de son image</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458422/original/file-20220418-64392-a7v8xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur les réseaux sociaux, Marine Le Pen tente d'adoucir son image.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marine Le Pen/Instagram</span></span>
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<p>Marine Le Pen ne fait pas aussi peur que son père naguère, elle tenté de rompre avec certaines fractions historiques du Front national parmi les plus extrémistes.</p>
<p>Certains instituts de sondages au soir du premier tour ont donc projeté un écart très restreint entre les deux finalistes (52-48 voire 51-49). Même si l’écart s’élargit depuis que se multiplient les appels à un front républicain anti-Le Pen comme en 2002 et 2017, elle peut encore croire à une <a href="https://theconversation.com/comment-le-poids-economique-de-la-guerre-en-ukraine-pourrait-beneficier-a-marine-le-pen-180004">victoire surprise</a>.</p>
<p>Elle ne se sabordera donc pas ce 20 avril 2022. On peut parier qu’elle se prépare à l’exercice avec gravité, avec sérieux, sachant qu’elle doit profiter de son temps de parole pour faire valoir son programme, pour espérer gagner en crédibilité présidentielle, et pour atténuer l’effet repoussoir qu’elle génère toujours. Mieux même, des convergences objectives existent avec l’électorat de Jean-Luc Mélenchon sur le pouvoir d’achat, certaines mesures sociales et une commune <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/peut-etre-qu-elle-va-nous-ramener-un-rayon-de-soleil-16-des-electeurs-de-jean-luc-melenchon-prets-a-voter-marine-le-pen-au-second-tour_5088415.html">détestation du Président Macron</a>.</p>
<p>Elle doit donc se faire séductrice pour s’attirer leurs bonnes grâces et les convaincre que ce qui les rassemble est plus important que ce qui les oppose, bien que le leader de la France insoumise affirme le contraire en proclamant à quatre reprises le 10 avril au soir « aucune voix ne doit aller à Marine Le Pen ». Croire en sa possible victoire l’encourage à prendre le débat au sérieux, à en faire un enjeu de conviction et non un jet de boue sur son adversaire.</p>
<h2>L’obligation d’une autre posture pour Emmanuel Macron</h2>
<p>Le match retour ne sera pas un mauvais remake de 2017 aussi parce que le candidat Emmanuel Macron n’est plus dans la même situation. Il sait que son matelas de voix de second tour est moins confortable qu’en 2017.</p>
<p>C’était ce matelas électoral de l’époque qui l’avait convaincu d’aller fêter sa victoire à la Rotonde dès le soir du premier tour, générant dès ce jour-là l’<a href="https://elabe.fr/image-emmanuel-macron/">accusation d’arrogance</a> qui allait lui coller à la peau tout son mandat. Il faut constater que l’image de ce dernier s’est dégradée en cinq années de présidence.</p>
<p>Quasi-inconnu en début de campagne en 2017, bénéficiant dans l’opinion d’une certaine bienveillance ou d’une suspension de jugement faute de certitudes sur le personnage, incarnant alors une <a href="https://theconversation.com/macron-candidat-de-la-protestation-si-si-71018?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1484219612">possible rupture contestataire</a>, il en va tout autrement en 2022. Les petites phrases blessantes contre les Français accumulées durant sa présidence, sa réaction au mouvement des « gilets jaunes » et sa gestion controversée de la dimension sanitaire de la pandémie ont abouti à ce qu’un bloc non négligeable de Français affirme détester Emmanuel Macron, l’assimilant à un « dictateur », à un « éborgneur de manifestants », à un « président des riches », à « un diviseur des Français »…</p>
<p>Des manifestants appellent désormais à un front anti-Macron. Sur Twitter un #ToutSaufMacron connaît du succès.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1515371794408038408"}"></div></p>
<p>Les sondages ne prédisent donc plus une victoire éclatante à plus de 60 % des voix pour le candidat Macron. Et même si l’image de marque de Marine Le Pen reste bien plus controversée que celle de son adversaire, une comparaison de quelques items <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/04/18724-Rapport-SR-N178.pdf">testés par l’IFOP</a> en avril 2017 et avril 2022 montre que les écarts se resserrent là aussi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458412/original/file-20220418-118090-ifqmc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Resserrement des écarts d’image négative entre E. Macron & M. Le Pen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">auteur</span></span>
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<h2>Le Président sortant sera forcément en posture défensive</h2>
<p>Emmanuel Macron se doit donc de convaincre pour ce second tour. On a bien vu d’ailleurs qu’il a été sur le terrain constamment depuis le 11 avril, là où il esquivait la campagne électorale de premier tour au nom de la <a href="https://theconversation.com/face-a-la-guerre-les-electeurs-francais-se-rallient-a-emmanuel-macron-pour-combien-de-temps-179316">situation internationale</a> (qui n’a pourtant pas changé depuis).</p>
<p>Le débat participe de cette entreprise où il doit essayer de ne pas seulement profiter d’un réflexe de vote dit républicain, mais emporter un réel soutien. Il devra à cet égard ne pas lui laisser le point quand elle se présentera comme défendant les plus défavorisés contre celui qui n’incarnerait que les gens aisés qui vivent bien. Il se doit aussi de faire oublier les griefs qu’il a générés par ces petites phrases blessantes que Marine Le Pen ne manquera pas de rappeler aux téléspectateurs.</p>
<p>Terrain qu’il s’est déjà employé à déminer en faisant plusieurs fois acte de contrition, comme sur le plateau de <a href="https://www.tf1info.fr/politique/emmanuel-macron-sur-tf1-et-lci-dit-regretter-certaines-de-ses-petites-phrases-terriblement-blessantes-pendant-sa-presidence-2204700.html">TF1 le 15 décembre dernier</a>. Toute morgue vis-à-vis de sa rivale lui semble donc interdite.</p>
<p>Le sortant, qui va donc se faire pilonner sur son bilan, aura cette fois à trouver le point d’équilibre entre une attitude offensive montrant qu’il est bien l’ennemi de l’extrême droite, mais sans tomber dans des travers qui alimenteraient encore l’image de mépris ou d’agressivité dont ses adversaires l’affublent.</p>
<p>Il doit aussi gérer les apparentes contradictions de discours. L’équipe Macron cherche ainsi ces derniers jours à rediaboliser Marine Le Pen quand Gérald Darmanin la considérait pourtant <a href="https://www.dailymotion.com/video/x7z9qu3">« plus molle que nous pouvons l’être »</a> au sujet de la laïcité, le 11 février 2021, par exemple.</p>
<h2>Le débat télévisé ne sert pas à rien</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=664&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=664&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=664&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=834&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=834&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458425/original/file-20220418-26-ew4ozs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=834&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de notre chapitre du livre : Histoire d’une révolution électorale (2015-2018), Classiques-Garnier, 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Mercier</span></span>
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<p>Même si Jacques Gerstlé rappelle très bien que les <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-poids-du-debat-dentre-deux-tours/?post_id=33380&export_pdf=1">débats confortent plutôt les électeurs</a> dans leur choix, la séquence électorale de 2016-2017 a vu les débats télévisés jouer un rôle non négligeable et même <a href="https://classiques-garnier.com/histoire-d-une-revolution-electorale-2015-2018-des-debats-televises-enfin-decisifs-sur-le-vote.html">décisif sur le vote</a>. Certaines attitudes ou propos peuvent notamment (re)mobiliser les abstentionnistes et les hésitants, dans un sens ou un autre.</p>
<p>L’enjeu de ce débat n’est donc pas nul pour Emmanuel Macron car rappelons ce constat très simple : en 2017, le naufrage du débat a coûté 4 points à Marine Le Pen. Un mouvement symétriquement inverse ce soir ferait rentrer le résultat du scrutin dans les marges d’incertitude.</p>
<p>Ce débat est placé sous les auspices peu engageantes d’un vote de rejet contre rejet. Chaque candidat aura plus de deux heures pour tenter de faire adhérer à son projet les hésitants et les résignés votant par dépit. Le but ultime est que le vainqueur ne le soit pas que par défaut, obérant ainsi son mandat, en commençant par la dynamique électorale de confirmation des élections législatives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Emmanuel Macron doit désormais assumer le bilan de son mandat et gérer la dégradation de son image, face à une Marine Le Pen qui ne commettra plus les mêmes erreurs qu’en 2017.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris-Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809782022-04-08T13:31:36Z2022-04-08T13:31:36ZLa France insoumise pourra-t-elle s’inscrire dans la durée ?<p>Le score de Jean-Luc Mélenchon le plaçant à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/live/2022/04/10/election-presidentielle-2022-suivez-en-direct-la-journee-du-premier-tour-et-l-annonce-des-resultats_6121426_823448.html">la troisième place</a> au premier tour du scrutin présidentiel d’avril 2022 constitue l’aboutissement d’une troisième campagne efficace du leader de la gauche radicale française, bien plus qu’une dynamique de fond datant du lancement de la France Insoumise.</p>
<p>Comprendre l’état actuel de cette structure politique implique une évaluation de ses atouts dans la recomposition du paysage politique national, comme des limites rencontrées au cours des six années passées depuis sa fondation.</p>
<p>Au cours des années 2010, les <a href="https://www.europe1.fr/international/Apres-Syriza-la-vague-Podemos-767014">succès électoraux</a> remportés par Syriza en Grèce puis par Podemos en Espagne <a href="http://www.theses.fr/2020MONTD002">inspirent</a> un courant réuni autour du Parti de Gauche et de Jean-Luc Mélenchon, partageant le constat d’échec de tentatives de « cartel des gauches » regroupant une coalition de partis.</p>
<p>Le mercredi 10 février 2016, lors d’un passage à la télévision, Jean-Luc Mélenchon <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2016/02/10/jean-luc-melenchon-annonce-qu-il-est-candidat-a-l-election-presidentielle_4862996_823448.html">crée la surprise</a> en proposant sa candidature pour l’élection présidentielle française de 2017. Seuls quelques proches avaient été mis au courant de ce choix, signant la <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2014-2-page-79.htm">fin de l’expérience du Front de gauche</a> et le lancement d’un nouveau mouvement, la France Insoumise.</p>
<h2>Une structuration inspirée de forces marquantes à gauche</h2>
<p>Le succès est immédiat, facilité par une adhésion en ligne minimaliste et gratuite typique des nouvelles formes partisanes <a href="https://www.cairn.info/le-populisme-de-gauche--9782348054921-page-11.htm">apparaissant en Europe</a> : dès le 27 mars 2017, le site de campagne totalise 332123 inscrits. Cette structuration ouvertement inspirée de Podemos tente de concilier la verticalité de la prise de décision et du <a href="https://theconversation.com/jean-luc-melenchon-larme-du-charisme-en-politique-159379">leadership charismatique</a> d’un parti patrimonialisé avec l’horizontalité de l’engagement par groupes d’appui locaux, caractéristiques des <a href="https://esprit.presse.fr/article/remi-lefebvre/que-sont-devenus-les-partis-mouvements-la-france-insoumise-et-la-republique-en-marche-depuis-2017-43764">« partis-mouvements »</a> analysés par Rémi Lefebvre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le 5 juin 2016 était organisé à Paris un défilé de la France insoumisequi a réuni près de 10 000 personnes sur la place Stalingrad (chaine de Jean‑Luc Mélenchon).</span></figcaption>
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<p>Le candidat Insoumis obtient finalement <a href="https://www.lesechos.fr/2017/04/jean-luc-melenchon-son-resultat-a-la-presidentielle-son-parcours-son-programme-165590">19,58 % des suffrages</a> au premier tour de l’élection présidentielle 2017, talonnant le candidat des Républicains, une percée partiellement confirmée en juin par l’élection de 17 députés. De tels succès initiaux auraient pu donner à la France insoumise le rôle de première force d’opposition qu’elle se proposait d’endosser.</p>
<p>Cinq ans plus tard, le pari initial a laissé place à d’importantes désillusions, sans que celles-ci ne mènent à un effondrement de l’organisation. L’étiquette partisane insoumise a perdu de sa valeur et se fond désormais <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2018-1-page-48.htm">dans une identité plus large</a> reprenant l’idée de coalition de forces progressistes sous le nom de l’Union populaire.</p>
<p>Cette nouvelle étiquette fait clairement référence à <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2018-2-page-109.htm">l’Unidad Popular chilienne de Salvador Allende</a>, comme à l’héritage du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_commun">Programme commun</a> ou, plus récemment, de la coalition grecque Syriza rassemblant partis et associations.</p>
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<figcaption><span class="caption">Campagne de LFI à Lyon, avec hologrammes, mars 2022 (AFP).</span></figcaption>
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<p>Mais dans ses aspects techniques (hologrammes du candidat, campagnes coordonnées sur les réseaux sociaux) comme dans ses éléments programmatiques, la campagne de 2022 constitue largement une redite de celle de 2017.</p>
<p>La mobilisation des adhérents comme des sympathisants en légère décrue lors des meetings ou des marches (à Marseille comme à Paris) témoigne d’une difficulté à s’inscrire dans le temps long pour la formation. Ce bilan extrêmement mitigé s’explique par des causes conjoncturelles comme par des faiblesses structurelles particulièrement mises en lumière au cours des années écoulées.</p>
<h2>Efficacité et échecs d’une stratégie populiste</h2>
<p>La stratégie de la FI conçue en 2017 peut être qualifiée de « <a href="https://www.albin-michel.fr/pour-un-populisme-de-gauche-9782226435293">populiste de gauche</a> » dans la droite ligne des <a href="https://journals.openedition.org/lectures/33446">travaux</a> d’Ernesto Laclau et de Chantal Mouffe. Pour ses penseurs, il s’agit de sortir de l’impasse électorale dans laquelle végète la gauche radicale en proposant un programme clair.</p>
<p>Celui-ci est synthétisé autour de thématiques transversales, susceptibles de mobiliser au-delà des rangs de la gauche, en visant particulièrement les classes populaires attirées par l’abstention ou par un vote contestataire à l’extrême droite.</p>
<p>La République, les symboles nationaux, sont investis d’un sens nouveau et entremêlés à ceux hérités des mouvements sociaux contestataires dans le discours produit par le leader. Sur le plan symbolique <a href="https://theconversation.com/le-peuple-qui-vote-melenchon-est-il-le-peuple-84724">comme dans les modalités de l’engagement</a>, la rupture est consommée avec les partis de la gauche traditionnelle : la structuration minimale du parti évite la constitution de baronnies locales, et les conventions insoumises viennent simplement sanctionner l’orientation générale définie en amont. <a href="https://www.cairn.info/le-populisme-de-gauche--9782348054921-page-5.htm">Le réseau des cadres du Parti de Gauche</a> vient former l’ossature insoumise sur le terrain.</p>
<h2>« Marcher sur ses deux jambes » n’empêche pas la crise</h2>
<p>Pour maintenir la dynamique entre deux périodes de scrutin propices à la politisation, il s’agit pour la FI de « marcher sur ses deux jambes », en se mobilisant dans les institutions comme dans la rue. De telles séquences ont marqué la gauche radicale sud-européenne : <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/15/le-mouvement-des-indignes-a-laisse-une-reelle-trace-au-sein-de-la-societe-espagnole_6080282_3210.html">Indignés en Espagne</a>, <a href="https://www.contretemps.eu/grece-occupation-places-syriza-rupture-anticapitalisme/">mouvement d’occupation des places en Grèce en 2011</a>, ou contestation de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/09/loi-travail-6e-journee-de-manifestations-dans-toute-la-france_4899267_823448.html">« Loi travail » en France en 2016</a> constituent des tremplins pour le lancement de nouvelles forces partisanes relayant leurs demandes dans les parlements.</p>
<p>Mais loin de renforcer ces mouvements, l’arrivée au pouvoir de Syriza et de Podemos au niveau municipal a eu tendance à accompagner une <a href="https://theconversation.com/en-espagne-podemos-se-prepare-a-lapres-pablo-iglesias-163598">décrue</a> des mobilisations sociales.</p>
<p>Il en va de même pour la FI qui est traversée par une <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/politique/lfi-les-tensions-se-muent-en-crise-apres-le-depart-d-un-proche-de-jean-luc-melenchon_2050848.html">crise importante</a> entre 2017 et 2019. Une partie des dirigeants originels tels que Thomas Guénolé, Charlotte Girard ou Georges Kuzmanovic la quittent alors, déçus de la faiblesse des dispositifs de démocratie interne ou des changements de ligne.</p>
<p>Avec 11,03 % au premier tour des élections législatives de 2017, puis 4,86 % au second tour, 6,31 % aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/la-france-insoumise/elections-europeennes-deconvenue-pour-la-france-insoumise-qui-obtient-seulement-6-7-des-voix-au-coude-a-coude-avec-le-ps_3451939.html">élections européennes</a> de 2019 (pour 6 sièges obtenus), ainsi que des résultats décevants des « listes citoyennes » soutenues lors des élections municipales de 2020, les scores des insoumis sont en nette décrue.</p>
<p>Le décalage entre les aspirations populaires émergentes et des propositions politiques tournées vers les jeunes urbains diplômés est particulièrement criante en 2019. Malgré une convergence possible dans les revendications, le mouvement des Gilets jaunes ne profite ainsi nullement à la FI, dont les militants <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2019-4-page-143.htm*">s’investissent pourtant rapidement</a>.</p>
<p>L’échec est réel : la FI ne parvient pas lors du quinquennat à générer autour d’elle une coalition populaire rassemblant les déçus de la politique institutionnelle tout en portant la voix des mobilisations émergentes, selon la <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1989_num_2_7_1412">fonction tribunitienne</a> chère au politiste Georges Lavau.</p>
<p>Les militants de base peinent à trouver leur place dans une organisation leur laissant certes une grande autonomie mais dirigée de manière extrêmement verticale. Les projets d’implantation d’un discours contre-hégémonique passant par des relais tels que Le Média ou par le ralliement de figures comme le député François Ruffin peinent à porter leurs fruits dans la <a href="https://lafabrique.fr/guerre-de-mouvement-et-guerre-de-position/">« guerre de position »</a> culturelle tirée de la pensée d’Antonio Gramsci. Pour autant, le leadership pris sur le reste de la gauche française lors du scrutin présidentiel précédent est maintenu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/france-insoumise-un-cesar-a-la-tete-dun-mouvement-anarchique-169482">France insoumise : un César à la tête d’un mouvement anarchique ?</a>
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<h2>Un tournant à gauche à l’occasion du scrutin 2022 ?</h2>
<p>Les interminables déboires des socialistes et écologistes dont les forces vives ont été largement vampirisées par la dynamique d’Emmanuel Macron font écho à la faiblesse persistante d’une extrême gauche atone. Un espace politique reste donc ouvert pour la FI, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-mercredi-23-mars-2022">qui se repositionne progressivement à gauche</a>.</p>
<p>Faut-il en conclure que le parti opère une rupture avec la stratégie populiste, prévoyant au contraire un dépassement du clivage droite-gauche au profit de nouveaux clivages sociaux ? Il s’agit plus simplement d’un choix d’opportunité au regard de la faiblesse des gauches parlementaires, couplée à l’attrait croissant de nouveaux acteurs. Des questions telles que l’écologie, le féminisme, l’antiracisme ou la lutte contre l’autoritarisme sont investies à fond par Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens. Au risque d’importer également au sein de la structure un ensemble de clivages propres à ces mouvements, particulièrement marqués à gauche.</p>
<p>La visibilité médiatique de ces sujets et la surreprésentation d’une population jeune et qualifiée pourraient cependant avoir pour conséquence de couper les Insoumis d’une partie des classes populaires sensible aux thématiques de justice sociale mais méfiante vis-à-vis de l’étiquette de gauche.</p>
<p>Ces <a href="https://aoc.media/opinion/2021/10/21/melenchon-et-lappel-du-pied-aux-faches-pas-fachos/">« fâchés pas fachos »</a> apparus sur la scène politique durant le mouvement des Gilets jaunes constituent la partie visible d’une mosaïque d’abstentionnistes et d’électeurs lepénistes que la FI se proposait de séduire. Rompre avec ce projet initial, sans pour autant parvenir à toucher un électorat social-démocrate gardant une image exécrable de Jean‑Luc Mélenchon, pourrait hypothéquer les perspectives d’accession au pouvoir de la gauche radicale lors de prochains scrutins, notamment depuis que le candidat Insoumis n'est pas parvenu à se hisser au second tour de la présidentielle 2022. Pour le dirigeant insoumis, le scrutin de 2022 représentait une dernière campagne avant de passer la main. </p>
<p>Faire perdurer une dynamique partisane après son départ constituera un défi de taille, tant la FI comme l’Union populaire constituent des initiatives fortement personnalisées autour de sa personne. L’émergence d’un ou d’une figure parvenant à le remplacer en maintenant sa cohérence programmatique pourrait cependant permettre à ce camp politique de percer un plafond de verre électoral largement dû à la personnalité clivante de Jean-Luc Mélenchon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arthur Groz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comprendre l’état actuel de La France Insoumise implique une évaluation de ses atouts dans la recomposition du paysage politique national, comme des limites rencontrées depuis sa fondation.Arthur Groz, Chercheur associé, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746292022-01-19T11:21:47Z2022-01-19T11:21:47ZLes jeunes, acteurs de la transition énergétique ?<p>Malgré l’impact de la pandémie de Covid-19, les questions concernant le réchauffement climatique et la durabilité environnementale restent les principales préoccupations des jeunes. Nombre de jeunes s’engagent pour le climat, comme le démontre <a href="https://www.agcc.co.uk/blog-article/cop26-why-generation-z-will-change-the-narrative">leur mobilisation avant la COP26</a>. Comme le prouve l’émergence de la figure de Greta Thuberg, ils font bouger les lignes. Pour autant, sont-ils plus radicaux que leurs aînés ? Quel regard portent-ils sur les générations précédentes ? Leur reprochent-ils d’avoir pillé les ressources naturelles, leur laissant une Terre malade ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-2020-les-generations-climat-haussent-le-ton-128959">En 2020, les « générations climat » haussent le ton</a>
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<p>Les évaluations dont on dispose soulignent en tout cas que 65 % des 18-35 ans considèrent le changement climatique comme une urgence mondiale. Ce chiffre <a href="https://www1.undp.org/content/undp/fr/home/blog/2021/4-formas-en-que-los-jovenes-pueden-liderar-la-revolucion-energet.html">monte à 69 %</a> chez les moins de 18 ans. Une enquête, menée en 2019 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, <a href="https://www.effy.fr/magazine/les-jeunes-fer-de-lance-de-la-transition-energetique">met en exergue</a> que l’environnement est en tête des préoccupations chez les 18-30 ans (32 %), devant d’autres sujets, tels que l’immigration (19 %) et le chômage (17 %).</p>
<h2>Le temps de l’urgence</h2>
<p>Déjà dans les années 1965, les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme au sujet de l’épuisement des ressources de la terre. Le premier rapport scientifique alertant sur les enjeux du réchauffement climatique <a href="http://www.slate.fr/story/109537/rechauffement-changement-climatique-rapport-1965">remonte à 1965</a>. Alors pourquoi la mobilisation des jeunes sur les enjeux du réchauffement climatique n’intervient-elle qu’aujourd’hui ?</p>
<p>Il faut noter que la crise engendrée par la pandémie a résonné comme un choc d’incertitude et d’isolement à un moment de la vie censée correspondre à la prise d’autonomie vers l’âge adulte. Les jeunes ont ressenti un sentiment de frustration d’avoir perdu leurs « meilleures années » et la crise a contribué à la montée d’une « voix générationnelle », portée par des jeunes – adolescents, étudiants et diplômés – s’exprimant au travers de mouvements sociaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-peut-on-vraiment-parler-de-generation-covid-171165">« Une jeunesse, des jeunesses » : peut-on vraiment parler de « Génération Covid » ?</a>
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<p>Jusqu’à consolider la position militante de cette génération, <a href="https://fr.culture-today.com/7926590-jamie-margolin-of-zero-hour-is-the-teen-climate-change-activist-you-need-to-know">à l’image de Jamie Margolin</a> qui a cofondé Zero Hour, un mouvement basé à Seattle pour coordonner les grèves scolaires pour le climat aux États-Unis. Ou encore à l’image de la militante suédoise Greta Thunberg devenue l’égérie de tout un mouvement de la jeunesse engagée contre le réchauffement de la planète, connue sous le nom de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/25/fridays-for-future-les-jeunes-de-nouveau-appeles-a-faire-la-greve-pour-le-climat-dans-le-monde_6053557_3244.html">Fridays for Future</a>.</p>
<p>La crise du Covid-19 vient jouer un rôle d’accélérateur dans le questionnement des jeunes sur leur façon de vivre. Ils évoquent le besoin de se recentrer sur l’essentiel : leurs amis, leurs familles, leur santé mentale, la quête de sens et leurs nouvelles convictions politiques en particulier sur le climat.</p>
<h2>Une perte de confiance</h2>
<p>Face à la quatrième révolution numérique, notre époque vit une mutation radicale de son rapport au temps. Être jeune dans notre société contemporaine, c’est privilégier l’immédiateté, ce qui se traduit par un besoin d’obtenir très rapidement des réponses à ses préoccupations.</p>
<p>Cette logique entre en contradiction avec celle du système institutionnel qui, étant procédural, implique une temporalité plus longue. Cette différence peut donc affecter la capacité des jeunes à garder confiance et à s’engager dans les institutions. <a href="https://researchportal.bath.ac.uk/en/publications/climate-anxiety-in-children-and-young-people-and-their-beliefs-ab">Selon l’étude menée</a> auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans issus de 10 pays différents, 69 % d’entre eux estiment que les gouvernements mentent à propos des impacts de leurs actions. 63 % vont même jusqu’à ressentir de la trahison envers eux et les générations futures.</p>
<p>Étant donné cette <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/79-des-jeunes-se-disent-interesses-par-la-thematique-du-rechauffement-climatique">défiance</a>, 81 % des jeunes tendent à suivre des scientifiques pour comprendre les évolutions de la société actuelle. C’est en particulier le cas pour les plus diplômés (91 % avec au moins un bac + 3), mais c’est également vérifié pour une plus large frange de la population des jeunes (69 % pour ceux qui ont un niveau de diplôme inférieur au bac).</p>
<p>Malgré tout, ils s’avouent perdus face aux sujets de la transition énergétique et disent manquer d’information (67 %) ou encore avoir du mal à se faire une opinion sur la gravité des conséquences du réchauffement climatique (67 %). Ces chiffres témoignent l’éco-anxiété ressentie par les jeunes, face à l’indifférence de leurs aînés et des décideurs économiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leco-anxiete-nous-guette-et-ce-nest-pas-forcement-une-mauvaise-nouvelle-123028">L’éco-anxiété nous guette, et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle</a>
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<p>Le concept d’éco-anxiété désigne l’angoisse de voir l’état du monde empirer face aux catastrophes climatiques à répétition. <a href="https://researchportal.bath.ac.uk/en/publications/climate-anxiety-in-children-and-young-people-and-their-beliefs-ab">Une récente étude</a> menée auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans issus de 10 pays différents a montré que 45 % des jeunes affirment que l’éco-anxieté affecte leur vie quotidienne. Et 59 % révèlent être extrêmement inquiets. Ces chiffres peuvent d’ailleurs expliquer pourquoi, face au dérèglement climatique et à un avenir incertain, quatre jeunes sur 10 hésitent à avoir des enfants.</p>
<h2>Une génération Greta ou pas ?</h2>
<p>Les jeunes se mobilisent en faveur de l’environnement. Par exemple, ils ont une pratique des transports plus écologiques que leurs aînés : d’après une <a href="https://www.credoc.fr/publications/environnement-les-jeunes-ont-de-fortes-inquietudes-mais-leurs-comportements-restent-consumeristes">étude CRÉDOC</a>, ils sont plus nombreux à privilégier la marche, la bicyclette, les transports en commun ainsi que le covoiturage plutôt que la voiture (47 % pour les 15-17 ans contre 33 % pour le reste de la population). Ils sont aussi de <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/04/12/la-seconde-main-une-evidence-pour-la-gen-z-americaine-9483430.php">grands consommateurs de seconde main</a> – achat d’occasion, location, emprunt, revente, troc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-generation-z-adore-les-friperies-161712">Pourquoi la génération Z adore les friperies</a>
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<p>Ils vont jusqu’à sensibiliser leurs parents à la protection de l’environnement et les influencer dans leurs gestes au quotidien. Informés par le biais de l’école, du collège, du lycée sur ces enjeux, les jeunes les partagent ensuite avec leurs parents, les encourageant à adopter des comportements plus écologiques. Les résultats d’une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cb.373">étude qualitative</a> que j’ai menée auprès de 30 dyades parents-enfants en France a mis en exergue ce processus de socialisation écologique inversée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film « La Croisade » sorti fin 2021, fiction autour de cette socialisation inversée.</span></figcaption>
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<p>Si l’engagement des jeunes pour le climat semble une évidence, les <a href="https://www.credoc.fr/publications/environnement-les-jeunes-ont-de-fortes-inquietudes-mais-leurs-comportements-restent-consumeristes">travaux menés par le CRÉDOC</a> révèlent une réalité plus nuancée. En effet, le consumérisme reste une réalité. Les jeunes sont moins nombreux à trier leurs déchets (64 % pour les 15-17 ans contre 80 % pour le reste de la population), à éteindre les appareils qui restent en veille (39 % contre 54 % pour le reste de la population) ou encore à choisir des produits avec peu d’emballage (26 % contre 41 % pour le reste de la population).</p>
<p>Les jeunes se trouvent au cœur d’un paradoxe : s’ils se tournent vers la seconde main, c’est aussi un moyen pour eux de se payer encore plus de produits des <a href="https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/shein-ultra-fast-fashion-temoignage-client/">grandes marques fast-fashion</a> qu’ils affectionnent tout particulièrement, telles que Boohoo, s’imposant comme le « Zara du Web » ou encore le géant chinois « Shein ».</p>
<p>Par conséquent, des incohérences dans le comportement des jeunes face à la protection de l’environnement demeurent. Néanmoins, leur intention reste positive et encourageante pour les années à venir. Reste à voir quel impact cette implication pourra avoir sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174629/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>S’ils sont nombreux à se mobiliser lors des manifestations pour le climat, les jeunes changent-ils vraiment leurs habitudes de vie au quotidien ? Quelques éclairages.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1084762018-12-10T14:01:59Z2018-12-10T14:01:59ZLes « gilets jaunes », des catégories populaires en quête d’autonomie<p>À force d’être laissés au bord de la route, les « gilets jaunes » ont fini par l’occuper ! Malgré une large sympathie dans la population dans son ensemble, le mouvement repose principalement sur une mobilisation des catégories populaires. Dans le dernier sondage de l’<a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/12/115209-Rapport-CN-SR-50B.pdf">IFOP pour Cnews et Sud Radio</a>, si 40 % des Français déclarent soutenir le mouvement, c’est le cas de 53 % des employés et 56 % des ouvriers. Et si les retraités dans leur ensemble ne sont que 31 %, on trouverait sans doute d’assez fortes variations entre ceux qui étaient dans le monde populaire et les autres. Et il est frappant de voir dans les reportages sur les barrages beaucoup d’ouvriers ou d’aides-soignantes, par exemple. Qu’est-ce donc qui pousse ces catégories à cette colère ?</p>
<h2>Du « cri muet » à la colère jaune</h2>
<p>Au-delà des arguments bien réels sur le pouvoir d’achat, on peut se risquer à une hypothèse spécifique sur le rapport de ces catégories à la démocratie représentative. Ils contestent notre système qui leur demande de voter mais qui ne se traduit plus par une amélioration de leurs conditions de vie. Et leur défiance à l’égard du Président et du gouvernement ne date pas d’hier. Elle était déjà présente en octobre dans un sondage pour <em>Ouest-France</em> : employés et ouvriers se distinguaient notablement de la tendance globale en considérant que l’<a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/10/115896-Rapport.pdf">exécutif avait trop de pouvoir</a> (respectivement 60 % et 56 % contre 47 % en moyenne). Dès les élections de 2017, on sait que les employés, ouvriers et autres personnes sans activité (hors retraités) avaient été ceux qui avaient le moins <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/version-html/3138704/ip1670.pdf">voté de façon systématique à la présidentielle et aux législatives</a> (respectivement 30 % et 26 % contre 35,5 % dans la population globale.</p>
<p>L’insatisfaction de ces catégories populaires à l’égard du monde politique s’exprime donc depuis longtemps sous la forme d’une contestation et d’un retrait. Elle n’est pas prise en compte par le personnel politique. Depuis le 21 avril 2002 ou le référendum de 2005, les institutions n’ont pas notablement changé et les sources d’insatisfaction n’ont pas disparu. Du « cri muet » dans les urnes (comme le suggérait Jean‑Claude Kaufmann dans <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/1802605-l-invention-de-soi-une-theorie-de-l-identite-jean-claude-kaufmann-fayard-pluriel">L’invention de soi</a>), les catégories populaires sont passées à la colère jaune.</p>
<p>Et leur <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/ni-porte-parole-ni-leaders-portraits-des-huit-visages-des-gilets-jaunes_5393792_3224.html">revendication de changements dans nos institutions</a> remonte à la racine du mal en posant la question de leur représentation dans le cadre actuel. Au sein de l’hémicycle actuel, les <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/11/tribun/csp1.asp">députés qui étaient employés et ouvriers</a> ne sont que 10 sur 577 (1,7 %) – soit plus de trois fois moins que les seuls médecins (31). On est bien loin du poids de ces catégories dans la population française : en 2015, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2492226/FPORSOC16k2_F3.2_emlpoi.pdf">48 % des personnes en emploi étaient employés ou ouvriers</a>.</p>
<p>La précarisation et l’intensification du travail ne les ont pas épargnés. Les députés ont voté ces lois et les syndicats n’ont pas empêché de les voir s’imposer. La réduction des coûts et la compétitivité de l’économie sont aussi le produit de leurs efforts. Ces politiques dont ils ont été les jouets ne leur permettent plus d’accéder à la promesse de la deuxième modernité.</p>
<h2>Vers une autonomie concrète</h2>
<p><a href="https://www.leslibraires.fr/livre/8044145-l-individualisme-est-un-humanisme-singly-francois-de-editions-de-l-aube">La première modernité avait conduit à un individualisme abstrait</a> ou générique dans lequel les individus étaient reconnus en tant que porteurs de droits et rassemblés par la référence à l’universalité de la science, de l’éducation, de la justice ou de la santé.</p>
<p>À partir des années 1960, cette vision de la modernité est progressivement remise en question parce qu’elle ne prend pas en compte la singularité des personnes. Les femmes et les jeunes ont particulièrement porté cette revendication, car ils pâtissaient plus que les hommes adultes d’un monde dans lequel ils restaient objectivement sous tutelle bien que citoyens. Les femmes n’étaient pas les égales de leur mari dans leur accès à l’indépendance économique ou dans l’éducation des enfants. Les jeunes restaient sous la tutelle de leurs parents, y compris à travers une majorité à 21 ans. Après le droit de vote acquis par les premières en 1944, les seconds accèdent à la parole par la décision de Giscard d’avancer l’âge à la majorité à 18 ans.</p>
<p>Plus largement, leur situation s’est améliorée par une prise en compte de leur aspiration propre. L’individualisme ne pouvait plus rester abstrait, il est devenu concret. Les femmes et les jeunes ont ainsi acquis un poids plus large dans notre société, même s’il reste encore beaucoup d’inégalités. Et d’ailleurs, la présence importante des femmes (y compris mères célibataires) dans le mouvement des gilets jaunes peut être vue comme une continuation des revendications d’affranchissement des femmes par rapport à une tutelle masculine.</p>
<p>Les catégories populaires prennent le chemin de cette revendication d’une reconnaissance non seulement de l’autonomie abstraite de l’individu mais des conditions qui la rendent possible. Cela signifie qu’elles veulent pouvoir résider où elles le veulent et se déplacer sans se ruiner, mais également disposer de pouvoir d’achat pour pouvoir faire des choix à travers lesquels se construire. Voter c’est bien, mais vivre c’est mieux… L’opposition souvent entendue entre « vivre » et « survivre » désigne ce souhait de ne pas être enfermé dans les dépenses contraintes, de disposer de moyens pour exercer le principe de l’autonomie personnelle. À quoi bon être autorisé à être soi-même si on ne dispose pas des moyens minimaux pour se le permettre ?</p>
<h2>Réformer la démocratie</h2>
<p>Si l’analyse en termes de fractures sociales profondes dans notre société n’est pas dénuée de fondement, elle ne doit pas négliger ce qui rassemble les catégories populaires de l’ensemble de notre société : il ne s’agit pas de détruire l’ordre social mais d’accéder aux moyens de l’exercice de l’autonomie personnelle. A-t-on déjà vu une révolution qui se mène le samedi et se suspend les autres jours ? Il n’est pas davantage question de sécession et la Marseillaise, qui souvent retentit, atteste de cette adhésion à la République.</p>
<p>En revanche, il faut prendre acte de l’incapacité persistante de notre système politique actuel à répondre à cette aspiration dont la légitimité ne peut pas être contestée par ceux qui font l’expérience de la vie autonome à travers un pouvoir d’achat leur permettant voyages (d’où l’injustice perçue de l’absence de taxation du kérozen), loisirs (les sorties au cinéma et au restaurant sont souvent citées) et confiance dans l’avenir.</p>
<p>La réponse à la crise actuelle ne peut pas venir de la seule figure personnelle de notre Président. <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-contre-emmanuel-macron-aux-racines-de-lincommunication-108048">La rudesse de certains de ses propos à l’égard des catégories populaires</a> a ajouté du mépris aux difficultés objectives dans lesquelles elles se trouvent. Le remplacement d’Édouard Philippe ne résoudrait en rien la crise.</p>
<p>Dès lors, la seule sortie possible est sans doute de prendre une initiative constitutionnelle forte. Il faut imaginer des modalités d’expression directe du point de vue des catégories populaires de façon à les réintroduire dans la citoyenneté réelle. C’est une fois cela acquis qu’il faudra reprendre le dialogue et discuter de façon contradictoire sur les enjeux communs autour de l’écologie et de l’économie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108476/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Poissenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré une large sympathie dans la population, le mouvement repose principalement sur une mobilisation des catégories populaires. Qu’est-ce qui pousse ces catégories à cette colère ?Claude Poissenot, Enseignant-chercheur à l'IUT Nancy-Charlemagne et au Centre de REcherches sur les Médiations (CREM), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/977602018-06-06T21:12:32Z2018-06-06T21:12:32ZDébat : Emmanuel Macron face à 30 ans de faillite intellectuelle et politique sur la transformation du monde<p>Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, il y a un an, des réformes importantes sont annoncées, discutées, contestées et votées dans tous les secteurs de l’intervention publique. La démarche du gouvernement Philippe et de la majorité LaREM à l’Assemblée nationale est souvent perçue comme <em>disruptive</em> parce qu’elle intrigue, inquiète ou exaspère. Bref, parce qu’elle bouscule les repères et ne laisse personne indifférent.</p>
<p>Dans cette effervescence, des spécialistes en politiques publiques multiplient les assertions techniques sur l’idée que « tout va trop vite » et que « ça ne marchera pas ». Ce scepticisme expert vire souvent au <em>Macron Bashing</em> sur l’argument anxiogène que le « modèle français » et sa sacro-sainte conception du « dialogue social » sont menacés.</p>
<p>Le verdict s’accompagne d’arguments politiques sur le déficit de légitimité du Président qui ne serait arrivé au pouvoir que grâce à des circonstances exceptionnelles – le <a href="https://theconversation.com/francois-hollande-la-non-candidature-de-lelysee-69801">renoncement de François Hollande</a>, la mise en examen de François Fillon, l’effondrement des partis traditionnels. Ce sentiment d’une intrusion par effraction valide une tentation à personnaliser le diagnostic et à conclure qu’il ne s’agit, finalement, que d’un technocrate libéral qui met en œuvre des « politiques de droite ».</p>
<p>Disons-le sans détour : cette forme de simplification de la situation illustre l’incroyable aveuglement des élites françaises, depuis au moins trente ans, sur l’analyse des transformations du monde. Avec le recul, il est possible de retracer le film de cette cécité intellectuelle en plusieurs étapes.</p>
<h2>Le volontarisme éclairé du Général</h2>
<p>La première concerne l’après-Seconde Guerre mondiale quand les élites issues de la Résistance ont fait table rase d’un libéralisme rabougri qui menait à la catastrophe. Leur ambition s’est alors concentrée sur un objectif, la « modernisation », et le cycle a connu son apogée dans les années soixante.</p>
<p>Cette période a consacré un autre leader arrivé « par effraction », Charles de Gaulle, qui a impulsé des politiques à marche forcée alors qu’elles étaient violemment critiquées par toutes les corporations. C’est le volontarisme éclairé des technocrates gaullistes (et mendésistes) qui a contribué à transformer la France à l’époque.</p>
<h2>Le refus de la mondialisation</h2>
<p>Les choses se sont gâtées à partir de la crise des années 1970. Au moment où tous les pays développés abandonnaient le fétichisme des solutions fondées sur la dépense publique, l’élite française s’est accrochée à un logiciel <em>made in France</em> qui réfutait la mondialisation.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221804/original/file-20180605-119863-1dwib1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand (ici aux côtés de Christian Pierret).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christianpierret/5260365033/in/photolist-91QKfR-eBJane-qNFWzW-r3XhZW-r3W1Ey-r6eeZT-q9rque-qNDwuo-r6fofD-qxkejD-oh4udM-q9dJ5w-o2fksq-Gp9vjZ-r65jHz-q9e7qy-r6a4KQ-r666V8-qNMZYM-qNNYMK-r66act-qNDj2h-qNPpac-r66kBr-r6awbq-5mpeZA-6udY9g-CMpMNT-tRhJa-bRxkCz-q9rBxX-qNEmkd-qNDkqQ-r6as4C-r6aDU1-qNEfVW-r6fozr-qNP236-q9rKtX-r6ehb6-q9er9A-r6frKV-r69DT1-q9rBTg-q9eyV7-qNEtVd-r6abVb-r3WC8h-qNEv8y-r3X57b">Christian Pierret/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>En 1983, François Mitterrand a pris à reculons le tournant de la rigueur, malgré son élection sur un programme ultra keynésien. À la différence de la période des Trente glorieuses, les gouvernements successifs se sont alors trouvés dans l’incapacité de penser cette transformation en profondeur.</p>
<p>Il nous semble que les élites portent, sur cette séquence, une très lourde responsabilité pour la suite : le monde changeait de plus en plus vite, mais la France est restée sur le format d’une société de statuts et de corporations, se focalisant sur des réflexes de frilosité et de méfiance vis-à-vis de la réussite et de l’argent. La posture a conforté une gigantesque machine à produire du chômage tout en amplifiant, chez les Français les plus exposés, les sentiments de fatalisme économique et de peur de l’avenir.</p>
<h2>La crise des années 2000</h2>
<p>La crise des années 2000 a ouvert un nouveau cycle marqué par l’extension de la mondialisation, la financiarisation de l’économie mondiale, la révolution numérique, l’intensification du défi écologique et l’émergence de nouvelles formes de citoyenneté en réseau.</p>
<p>Une fois de plus, face à ces mutations rapides, les élites politiques et syndicales ont gardé pour priorité et pour conviction qu’il fallait préserver un modèle qui craquait de toutes parts. La France est devenue l’exemple un peu caricatural du pays riche qui déplore les transformations du monde et y résiste avec vigueur en circuit fermé.</p>
<h2>En finir avec l’image d’un État « corne d’abondance »</h2>
<p>C’est en réaction à ces aveuglements qu’Emmanuel Macron a construit son programme. Les déboires des partis traditionnels ne doivent pas occulter le fait que son élection tient, d’abord, à sa volonté d’imaginer des solutions en phase avec un monde qui évolue très vite.</p>
<p>Le credo a été charpenté sur une exigence cardinale, presque une obsession : pour enrayer la machine à produire du chômage, il faut rendre l’économie française plus réactive, plus efficace, et il faut favoriser la mobilité, la prise de risque et l’innovation. Cet élan implique de reconsidérer la relation que les Français entretiennent avec l’économie. La France a été construite sur l’image d’un État « corne d’abondance » au sein duquel chaque secteur et chaque corporation cherche avantages et protection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221806/original/file-20180605-119850-1bmuq94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des cheminots en grève (ici en 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/03/CHEMINOTS_ST_LAZARE_%2827501359385%29.jpg/640px-CHEMINOTS_ST_LAZARE_%2827501359385%29.jpg">Patrick Janicek/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Tout cela ne veut évidemment pas dire que l’État doit s’affranchir de ses fonctions de régulation sociale et de protection des plus faibles mais simplement que l’imaginaire politique des Français, en limitant l’État à cette <em>providence</em>, ne prend pas la mesure des nouvelles menaces économiques et socio-environnementales.</p>
<p>Or c’est précisément là que la dynamique du mouvement En marche questionne les responsabilités du politique. Réguler le monde ne suffit plus, il faut aussi le repenser, le panser, le remettre en synergie, en acceptant l’idée que l’État, seul, ne peut pas mener victorieusement ce combat.</p>
<h2>Dynamique européenne et voie libérale</h2>
<p>L’autre exigence forte du gouvernement d’Édouard Philippe concerne l’inscription systématique des politiques publiques dans une dynamique européenne. Le concert des sceptiques face aux réformes en cours (à droite, à gauche et aux extrêmes) a pour effet de masquer le fait que tous les dossiers « difficiles » sont directement impactés par la panne d’Europe.</p>
<p>La financiarisation de l’économie, l’accueil des migrants, les inégalités socio-urbaines, le déclin du rural, les transports publics, l’harmonisation des retraites : toutes ces questions de société sont liées à la capacité du pays à créer de l’emploi, donc de la richesse, et à enclencher la transition économique et écologique dans un cadre de négociation sur le bien commun qui dépasse les frontières nationales.</p>
<p>Dans ce contexte d’incertitudes, l’insistance des réformateurs sur les valeurs de liberté et de confiance n’est pas anodine. Nombre d’experts s’emploient à faire de l’économie ouverte une fatalité et un fléau qui accélèrent inexorablement les désordres du monde. Le tournant néo-libéral des années 80 a notamment sinistré les imaginaires militants et territoriaux en diabolisant le marché et en dévaluant l’esprit d’initiative.</p>
<p>On sait bien pourtant que sur toutes les questions éthiquement sensibles (la pauvreté, la parité, l’élitisme, les discriminations, la pollution, les exclusions…), la défense des avantages acquis fonctionne de plus en plus souvent comme un totem incantatoire qui aggrave les inégalités et les injustices. La voie « libérale » des élans de liberté et de confiance doit être débattue, sereinement et avec du recul, en n’oubliant pas que dans ses fondations philosophiques et humanistes, le libéralisme est un extraordinaire vecteur de progrès social et d’émancipation culturelle.</p>
<h2>Faire preuve d’imagination et de courage</h2>
<p>Reconnaître la pertinence globale des politiques mises en œuvre depuis un an ne signifie pas qu’il faut s’interdire de les infléchir. Pas plus que le gaullisme à l’époque, le macronisme n’est une dynamique inéluctable et univoque. Mais l’enjeu, pour les forces de progrès, n’est pas de s’accrocher obstinément à des convergences conservatoires quand il faut faire preuve d’imagination et de courage pour promouvoir plus d’égalité, d’équité et de justice.</p>
<p>À l’heure où la société place les individus dans le défi d’être les entrepreneurs de leur propre vie, les réformes sont une invitation à la responsabilité politique, notamment à gauche : il faut d’abord accepter le monde tel qu’il change pour tenter de le réparer et de l’améliorer.</p>
<hr>
<p><em>Alain Faure a co-écrit « La politique à l’épreuve des émotions » (PUR, 2017). Pierre Muller est l’auteur de « La société de l’efficacité globale » (PUF, 2015).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’enjeu pour les forces de progrès aujourd’hui est de faire preuve d’imagination et de courage pour promouvoir plus d’égalité, d’équité et de justice.Alain Faure, Directeur de recherche en science politique à Sciences Po Grenoble - Université Grenoble Alpes, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Pierre Muller, directeur de recherche honoraire, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/847242017-10-01T20:36:28Z2017-10-01T20:36:28ZLe peuple qui vote Mélenchon est-il le peuple ?<p>L’un des grands résultats de la séquence électorale de 2017 est la <a href="https://theconversation.com/et-le-vainqueur-est-le-populisme-76568">montée en force sans précédent du populisme</a>. Les candidats qui s’y référaient d’une manière ou d’une autre, dans des directions politiques différentes – de Jean‑Luc Mélenchon à Philippe Poutou et de Marine Le Pen à Nicolas Dupont-Aignan ou François Asselineau – ont en effet réuni 46 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Cette vague populiste repose sur des fondamentaux communs : réaffirmation de la souveraineté nationale, critique de l’Europe et de sa dérive capitalistique, rejet des élites politiques en place mais pas de toutes les élites (La France Insoumise défend ainsi vigoureusement les scientifiques), recherche d’une démocratie directe venant concurrencer ou amender la démocratie représentative. Au-delà de ce socle commun, les deux grandes composantes de la demande populiste, La France Insoumise (FI) et le Front national (FN), se séparent de manière radicale <a href="https://theconversation.com/migrations-et-elections-le-manque-dimagination-au-pouvoir-76231">sur le terrain de l’immigration</a> mais aussi sur celui de l’économie, le libéralisme de l’électorat FN étant bien plus prononcé surtout dans le sud de la France.</p>
<p>Dans le nouveau paysage politique né des élections de 2017, la question se pose de savoir quelle force politique sera réellement en mesure de s’opposer à l’avancée libérale portée par le projet d’Emmanuel Macron et d’En marche (LREM), et donc d’incarner l’axe central de l’opposition. La question se pose d’autant plus que Jean‑Luc Mélenchon entend faire de la question du travail un argument politique de contestation générale de l’ordre social actuel et que Marine Le Pen a lancé la refondation du FN qui s’associe au départ de Florian Philippot, accusé par nombre de militants d’avoir trop fait pencher la balance à gauche.</p>
<p>L’un des enjeux d’avenir est de savoir si cette refondation est susceptible d’accueillir tous les souverainistes, alors que Jean‑Luc Mélenchon entend bien de son côté récupérer les électeurs <a href="http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/melenchon-appelle-les-gens-faches-mais-pas-fachos-a-soutenir-la-france-insoumise-plutot-que-le-fn-983235.html">« fâchés mais pas fachos »</a>.</p>
<h2>Le peuple diplômé et le peuple sans diplôme</h2>
<p>Le peuple auquel s’adressent Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen est-il le même ? Au-delà des incertitudes quant à l’usage du terme « peuple » pour désigner autant les catégories populaires que l’ensemble du peuple souverain – ce qui n’est évidemment pas la même chose –, on peut chercher à savoir en quoi le peuple de Jean‑Luc Mélenchon se distingue sociologiquement du peuple de Marine Le Pen.</p>
<p>Pour ce faire, on peut distribuer les électorats de la présidentielle de 2017 sur deux axes. Le premier est celui du niveau de diplôme et le second celui du niveau de patrimoine (que l’on préfère à celui du niveau de revenu pour sa capacité discriminante plus forte sur le plan politique).</p>
<p>On utilise pour ce faire deux moyennes, l’une étant celle du niveau de diplôme codé de 1 à 6 (aucun diplôme ou CEP jusqu’au diplôme de grandes écoles). Sa moyenne dans l’échantillon total (14 748 enquêtés) de la <a href="https://www.enef.fr/">vague 16 de l’enquête électorale française du Cevipof</a> est de 2,97. L’autre indicateur est constitué par la moyenne d’un indice de patrimoine allant de 0 à 7 qui s’appuie sur l’accumulation de biens (résidence principale, secondaire, valeurs mobilières, etc.).</p>
<p>Comme on peut le voir sur le graphique 1 (ci-dessous), les électorats de Jean‑Luc Mélenchon et de Marine Le Pen se distinguent par leur faible niveau de patrimoine au regard des autres électorats. Ils appartiennent, globalement, au même monde économique. Ils se séparent cependant clairement sur le niveau de diplôme, les électeurs de la FI étant en moyenne bien plus diplômés.</p>
<p><strong>Graphique 1 : le positionnement des électorats au premier tour de la présidentielle de 2017 par niveau de diplôme et de patrimoine.</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187633/original/file-20170926-10570-1ob8gwo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Rouban, enquête électorale française, Cevipof, 2017.</span></span>
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</figure>
<p>L’analyse détaillée des profils des divers électorats montre, en effet, que 14 % des électeurs de Jean‑Luc Mélenchon ont au moins le niveau Bac + 4 contre 5 % de ceux de Marine Le Pen. Symétriquement, 38 % des premiers ont un niveau BEPC – CAP contre 52 % des seconds pour une moyenne nationale de 41 %.</p>
<p>Cette différence se retrouve clairement dans la distribution des métiers par secteur puisque l’électorat de Jean‑Luc Mélenchon est composé de 6 % d’enseignants de toutes catégories, alors qu’il n’y en a <a href="https://theconversation.com/le-vote-fn-des-enseignants-une-bulle-mediatique-76182">que 1,4 % dans celui de Marine Le Pen</a>. Mais les différences professionnelles sont, dans l’ensemble, assez faibles. On compte ainsi 15 % d’ouvriers qualifiés et 3,5 % d’ouvriers spécialisés dans l’électorat de Jean‑Luc Mélenchon contre, respectivement, 19 % et 7 % dans celui de Marine Le Pen.</p>
<p>En revanche, c’est <a href="https://theconversation.com/la-percee-du-front-national-dans-la-fonction-publique-52955">au sein de chaque catégorie</a> que les différences se marquent. C’est ainsi que les employés votant pour Jean‑Luc Mélenchon – qu’ils soient du public ou du privé – ont fait des études supérieures à hauteur de 24 % contre 15 % de ceux qui ont voté pour Marine Le Pen. Pour les ouvriers qualifiés, il en va de même : 10 % de ceux qui choisissent le candidat de FI ont fait des études supérieures contre 5 % de ceux qui votent pour la candidate du FN. Si l’on examine les cadres du privé, 52 % de ceux qui ont voté Jean‑Luc Mélenchon ont au moins le niveau Bac + 4 contre 35 % de ceux qui ont voté Marine Le Pen.</p>
<h2>Le peuple déclassé de Jean‑Luc Mélenchon</h2>
<p>Le peuple qui vote pour Jean‑Luc Mélenchon est donc un peuple diplômé et souvent déclassé, victime de la dévalorisation des diplômes.</p>
<p>La comparaison que l’on peut mener entre la situation objective des parents en fonction de leur occupation professionnelle et celle du foyer actuel de l’enquêté ne montre pas de grande différence entre l’électorat de Jean‑Luc Mélenchon et celui de Marine Le Pen. La proportion d’enquêtés ayant une situation inférieure à celle de leurs parents est de 46 % dans le premier électorat (Mélenchon) contre 43 % dans le second (Le Pen), pour une moyenne nationale de 41,5 %. La différence se joue donc ailleurs.</p>
<p>Le fait que les électeurs de FI aient, en moyenne, plus de diplômes que les électeurs du FN a pour conséquence mécanique que le revenu fiscal mensuel net moyen des premiers (calculé selon les normes de l’Insee en prenant en compte les unités de consommation par foyer) est supérieur à celui des seconds (1 558 € contre 1 496 €). En revanche, ces moyennes cachent un mécanisme de déclassement qui apparaît dans le différentiel entre le niveau de revenu et le niveau de diplôme. Ce déclassement, qui touche en priorité l’électorat FI, ressort de la comparaison entre la moyenne du revenu fiscal et le niveau de diplôme.</p>
<p>Ce calcul est sans doute réducteur, car il faudrait encore prendre en considération les ressources sociales offertes par les familles, que l’enquête ne permet pas de connaître. Néanmoins, comme le montre le graphique 2 (ci-dessous), les mêmes niveaux de diplôme ne s’associent pas au même niveau de revenu. À niveau égal, les diplômés qui votent pour Jean‑Luc Mélenchon vivent dans des foyers plus modestes que ceux qui votent pour Marine Le Pen, à l’exception de ceux qui n’ont pas dépassé le niveau du Bac (mais la différence est faible, 1 477 euros contre 1 462 euros). Pour un niveau donné de diplôme, le revenu fiscal grimpe sensiblement et régulièrement de l’électorat de Jean‑Luc Mélenchon à celui de François Fillon.</p>
<p><strong>Graphique 2 : revenu fiscal mensuel net moyen par niveau de diplôme et par électorat</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187636/original/file-20170926-17379-1ebbji7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Rouban, enquête électorale française, Cevipof, 2017.</span></span>
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</figure>
<h2>Que pense le peuple ?</h2>
<p>Les électorats de FI et du FN se distinguent évidemment sur le terrain des valeurs économiques et sociétales. Dans la perspective sociale d’une « convergence des luttes » comme dans celle, plus politique, d’un rapprochement des classes populaires de FI plutôt que du FN, il semble important de situer chaque électorat au regard des réponses données en moyenne par les enquêtés provenant des catégories modestes et populaires.</p>
<p>On a donc choisi ici de comparer les valeurs économiques et sociales des ouvriers qualifiés du privé (N = 1 411), des employés du privé (N = 2 536) et du public (N = 1 501) avec celles que déclinent les électeurs de Jean‑Luc Mélenchon et de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2017.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187639/original/file-20170926-25765-1t80pn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Luc Rouban, enquête électorale française, Cevipof, 2017.</span>
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</figure>
<p>Comme le montre le tableau 1, les possibilités d’un ralliement des catégories populaires qui ont pu voter pour Marine Le Pen à FI sont réduites. Les écarts entre les deux électorats dans le domaine des valeurs sociétales, mesurés ici par la question de l’immigration mais que l’on retrouve ailleurs sur le terrain de l’autorité, de la politique pénale ou de l’acceptation de l’homosexualité, sont considérables. Il en va de même sur le terrain économique. On peut également remarquer que le positionnement moyen des ouvriers et des employés sur le terrain sociétal, qui appelle évidemment des recherches complémentaires, est également éloigné des positions de Jean‑Luc Mélenchon et de celles de Marine Le Pen. En revanche, le libéralisme économique des ouvriers et des employés est bien plus prononcé que celui du seul électorat FI.</p>
<p>L’étude des valeurs comme des profils sociaux des électorats de Jean‑Luc-Mélenchon et de Marine Le Pen montre donc deux choses :</p>
<ul>
<li><p>La première, c’est que le décalage entre l’offre et la demande politique, notamment des catégories populaires, n’a pas disparu et ne semble guère propice à une homogénéisation des populismes.</p></li>
<li><p>La seconde, c’est que si l’opposition entre les tenants de la société ouverte et les défenseurs de la souveraineté nationale est réelle, elle n’a pas fait disparaître le <a href="https://theconversation.com/paysage-apres-la-bataille-presidentielle-la-gauche-et-la-droite-meme-pas-mortes-84191">clivage gauche-droite</a>, qui lui donne sa véritable portée.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/84724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le décalage entre l’offre et la demande politique, notamment des catégories populaires, n’a pas disparu et ne semble guère propice à une homogénéisation des populismes.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841912017-09-20T18:53:54Z2017-09-20T18:53:54ZPaysage après la bataille présidentielle: la gauche et la droite, même pas mortes !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186430/original/file-20170918-8258-8n2sam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affiches de campagne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Official_posters_@_Election_Pr%C3%A9sidentielle_2017_@_Paris_(33894730222).jpg">Guillaume Vellut/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis déjà près de 30 ans, on entend des observateurs de la vie politique affirmer que les valeurs de gauche et de droite seraient en train de disparaître et que les citoyens ne feraient plus la différence. Cette idée se retrouve aussi dans les réponses à des questions de sondages. <a href="https://theconversation.com/valeurs-de-droite-et-valeurs-de-gauche-de-la-revolution-francaise-aux-elections-de-2017-75655">Comme je l’ai écrit dans The Conversation France</a>, un nombre croissant de personnes affirment – dès les années 1980 – que gauche et droite n’ont plus de sens.</p>
<p>Et pourtant, les mêmes personnes, dans les mêmes sondages, acceptent de se situer sur une échelle allant de la gauche à la droite, revendiquant une certaine identité politique en terme de droite et de gauche. Et, selon leur position sur cette échelle, les individus répondent aussi différemment à de nombreuses questions politiques.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2007-3-page-371.htm">Ce paradoxe de l’opinion s’explique assez facilement</a>. Beaucoup se sentent plutôt de droite ou plutôt de gauche en fonction de ce qu’ils pensent, tout en estimant que les gouvernants mettent en œuvre des politiques similaires lorsqu’ils sont au pouvoir.</p>
<p>Au cours de la campagne électorale de 2017, ce discours niant l’existence de la gauche et de la droite a beaucoup été repris par les partisans d’Emmanuel Macron puisque le candidat En marche se voulait <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402">« ni de droite, ni de gauche », ou parfois « et de gauche, et de droite »</a>. Ce positionnement se voulait critique de ces deux références antithétiques classiques au nom d’un ailleurs ou d’un centre, selon un positionnement idéologique très proche de celui qu’avait adopté François Bayrou en 2007. Au soir du 23 avril, le futur président Macron affirmait qu’une nouvelle ère politique allait s’ouvrir, puisqu’il allait gouverner sans référence à ce clivage.</p>
<p>Nous voudrions montrer ici que l’idée de disparition du clivage gauche-droite est illusoire en considérant des résultats d’une enquête post-électorale (<a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41253-017-0045-6">enquête <em>French Election Study</em>, FES 2017)</a>, administrée par l’institut Kantar. Ils soulignent en effet que les opinions publiques restent très fortement structurées par ces représentations. Si le pays a porté Emmanuel Macron à la présidence de la République, il n’a pas abandonné son logiciel politique.</p>
<h2>Stabilité du positionnement sur l’axe gauche-droite</h2>
<p>Premier élément de démonstration : sur une échelle en 11 positions, allant de 0 (« très à gauche ») à 10 (« très à droite »), seuls 8,8 % ne se positionnent pas, ce qui veut dire que beaucoup de citoyens, bien que critiques à l’égard des politiques de gauche et de droite, acceptent de se situer et revendiquent un positionnement et une orientation dans l’espace politique.</p>
<p>Les répondants se répartissent de manière assez équilibrée sur l’ensemble de l’échelle, comme le montre le graphique 1 ci-dessous, très semblable à ceux qu’on a pu construire dans les nombreuses enquêtes menées depuis plusieurs décennies. L’attirance pour la gauche et la droite sont stables, même si le contenu des idées revendiquées à droite et à gauche ont changé.</p>
<p>L’attirance pour le centre de l’échelle est toujours forte, alors que les extrêmes ne mobilisent pas beaucoup. Le centre de l’échelle comporte beaucoup d’individus aux idées modérées, mais aussi des personnes ayant un faible intérêt et une faible compétence politique : 64 % des centristes ont peu ou pas du tout d’intérêt pour la politique contre 53 % chez l’ensemble des enquêtés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186404/original/file-20170918-8241-g3me0m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1 : répartition sur l’échelle gauche-droite en 11 positions.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’axe gauche-droite permet toujours de situer leaders et partis</h2>
<p>Deuxième élément de démonstration de la cohérence des univers politiques appréhendés avec la logique gauche-droite : la plupart des Français sont capables de positionner sur la même échelle les candidats à l’élection présidentielle (graphique 2). Évidemment, chacun ne situe pas exactement de la même manière les candidats sur l’axe, mais les perceptions moyennes de chaque candidat sont très conformes à leur image, telle qu’elle ressort de leur passé, mais aussi des débats de la campagne.</p>
<p>Les principaux candidats sont très répartis sur tout l’axe et non pas concentrés au centre, ce qui indique que l’opinion a bien conscience qu’il existe des différences entre les programmes des principaux candidats. Si le répondant est, en moyenne, au centre (5 sur l’échelle), les principaux candidats sont situés entre 2,1 et 8,8.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186405/original/file-20170918-8255-sn6b6c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2 : positionnement des principaux candidats sur l’axe gauche droite.</span>
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</figure>
<p>Emmanuel Macron se situe à 5,3, donc très proche du positionnement moyen centriste des individus. Au total, il paraît bien correspondre à ce qu’on appelle traditionnellement « l’électeur médian », celui qui est à la confluence des attentes des citoyens. C’est certainement un élément important de son succès : il correspondait aux attentes des électeurs modérés <a href="https://theconversation.com/la-presidentielle-de-2017-est-une-election-par-defaut-75991">déçus de la gauche et de la droite, prêts à tenter une hypothèse centriste</a>. Dans un contexte de désaveu des partis de gouvernement, il a pu siphonner les électorats de droite et surtout de gauche modérée au premier tour.</p>
<p>Entre les candidats des partis de gouvernement et ceux de la gauche et de la droite radicale, l’opinion établit une distinction assez nette : 1,1 point d’écart sépare Mélenchon et Hamon, 1,3 point Le Pen de Fillon. Par ailleurs, Hamon est considéré comme plus à gauche que le PS et Fillon plus à droite que Les Républicains (LR).</p>
<p>Au fond, situer les responsables politiques et les partis selon la métrique de l’axe gauche-droite permet de résumer, de façon simple, la perception que l’on a de chacun d’eux. C’est un langage particulièrement utile parce que simplificateur par rapport à la complexité des idées que chacun peut soutenir dans des domaines très variés.</p>
<h2>Des identités de gauche et de droite profondément ancrées dans le vécu familial</h2>
<p>Troisième élément de démonstration : quand on observe quelles sont les relations entre l’orientation politique et les variables objectives de statut des individus, on découvre que le fait de se dire de droite ou de gauche est très lié aux origines familiales, comme le montre le graphique 3. L’effet de la socialisation familiale apparaît très fort.</p>
<p>Si on a baigné dans une famille clairement orientée politiquement, il y a de bonnes chances que l’on adopte le même positionnement politique ou un positionnement voisin. Et pour ceux qui vivent en couple, l’homogamie des orientations politiques est encore plus nette. Tout ceci montre que se dire de gauche ou de droite correspond à une identité profondément ancrée, qui ne saurait se dissoudre dans le court terme d’une élection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186406/original/file-20170918-8255-1kuhe4d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 3 : orientation politique du répondant (en %) en fonction de celle de son père, de sa mère et de son conjoint.</span>
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<p>Les évolutions de ces identités existent mais elles sont assez lentes. On sait, par exemple, que les liens avec les groupes sociaux, très forts il y a une cinquantaine d’années, sont aujourd’hui plus faibles. Même si les professions indépendantes restent nettement orientées à droite et les professions intellectuelles ou artistiques à gauche.</p>
<p>Si l’insertion familiale est très structurante pour nos identités politiques, ce n’est pas le cas de la psychologie individuelle. En effet, on n’observe aucun lien significatif entre l’orientation politique et le profil psychologique que les individus tracent d’eux-mêmes. Que l’on se dise extraverti, critique, discipliné, anxieux, ouvert, réservé, sympathique, désorganisé, calme ou conventionnel, on n’est pas davantage orienté à gauche ou à droite.</p>
<h2>Dans les principaux domaines de valeurs, un fort clivage entre gauche et droite</h2>
<p>Dernier élément de la démonstration : une forte cohérence existe entre le positionnement à gauche ou à droite et toutes les questions d’opinion. Tout d’abord, le vote exprimé est évidemment fortement lié aux identités de gauche et de droite (tableau 1 ci-dessous). Les personnes de gauche qui votent pour des candidats clairement de droite sont très minoritaires. Et l’inverse est vrai.</p>
<p>Ce tableau montre aussi que l’électorat d’Emmanuel Macron est le plus composite : il a réussi à attirer de nombreux électeurs de gauche et de droite. Celui de Marine Le Pen, du fait de son orientation populiste et protestataire, comporte aussi une certaine diversité d’identités politiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186409/original/file-20170918-8275-p40j3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les identités de gauche et de droite ne se reflètent pas seulement à travers le vote. Elles se manifestent aussi – plus ou moins fortement – dans les réponses à à peu près toutes les questions d’opinion (tableau 2).</p>
<p>Sur les questions de politiques économiques, les personnes de droite se montrent beaucoup plus libérales que celles de gauche, qui veulent davantage de justice sociale et de redistribution. Elles sont aussi plus favorables au nucléaire alors que les opinions de gauche se montrent plutôt sensibles à la décroissance.</p>
<p>Les conceptions sur l’immigration et la sécurité sont, bien sûr, aussi nettement clivées politiquement. L’ordre est toujours une valeur de droite. Ce que devrait viser l’école est donc très différent selon son positionnement politique : pour la droite, l’école doit inculquer la discipline et l’effort, alors que, pour la gauche, elle doit former des esprits éveillés et critiques. Enfin le libéralisme des mœurs est clairement revendiqué par la gauche.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186413/original/file-20170918-8236-1xvm9j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Tous ces résultats d’enquête montrent que le positionnement sur un axe entre la gauche et la droite n’a rien d’un artifice. Il exprime, de manière synthétique, la manière dont les individus se situent. À l’aide de cet outil et de ce vocabulaire – souvent contesté mais jamais abandonné –, les individus se disent et se repèrent dans l’univers politique, ils se distinguent aussi des autres camps politiques.</p>
<p>Le clivage gauche-droite peut certes changer de forme et d’intensité, mais pour l’instant, son existence – attestée depuis la Révolution française – n’est en rien menacée par le nouveau quinquennat. Les réformes annoncées sont, d’ailleurs, régulièrement jugées selon la métaphore spatiale de l’axe politique : le Président fait-il une réforme de gauche ou de droite ? Autrement dit, la gauche, le centre et la droite ont encore un bel avenir devant eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Se dire de gauche ou de droite correspond à une identité profondément ancrée, qui ne saurait se dissoudre dans le court terme d’une élection.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/805532017-07-06T00:03:27Z2017-07-06T00:03:27ZDe la division du travail entre le président et le premier ministre<p>Comme on pouvait s’y attendre, l’intervention du chef de l’État au Congrès, le 3 juillet, n’a pas été une « humiliation » du premier ministre. Revenant à la division du travail entre les deux têtes de l’exécutif établie dès l’origine de la V<sup>e</sup> République, le Président a tracé les grands axes politiques de son quinquennat laissant au premier ministre et au gouvernement le soin de les mettre en œuvre. Rejetant à la fois « présidence normale » et « l’hyper-présidence », il a précisé clairement son rôle en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement, comme certains se plaisent à le craindre ou à le souhaiter. C’est la tâche du premier ministre, (…) Le président de la République doit fixer le sens du quinquennat (…) Il revient au premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps »</p>
</blockquote>
<p>Une déclaration qui fait écho, à la conférence de presse du général de Gaulle, le 31 janvier 1964.</p>
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<p>Conscient des reproches adressés à François Hollande pour n’avoir pas fixé de cap à sa politique ni d’en avoir donné les explications nécessaires, le Président Macron a préféré d’entrée de jeu tracer les grandes lignes de son quinquennat, laissant à Édouard Philippe le soin de les développer le lendemain, dans son discours de politique générale.</p>
<h2>Le Président des grands principes au Congrès</h2>
<p>Évoquant les circonstances de son élection et les attentes des Français, le Président a précisé ses conceptions du pouvoir et des institutions, sa vision de l’Europe et des grands défis contemporains, <a href="https://theconversation.com/task-force-anti-Daech-a-lelysee-une-bonne-idee-a-lepreuve-de-la-realite-78656">comme la lutte contre le terrorisme</a>. Il a surtout insisté sur le désir de changement exprimé par le pays et a confirmé sa volonté, en dépit des difficultés budgétaires et économiques, de mener à bien les réformes promises lors de sa campagne électorale.</p>
<p>Pour ce faire, tout en restant au niveau des principes généraux, Emmanuel Macron a décidé d’opérer de profonds changements en matière institutionnelle. On retiendra sa volonté (partagée par ses adversaires à l’élection présidentielle) de réduire le nombre des parlementaires et de refonder le rôle du Conseil économique social et environnemental.</p>
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<p>Il faut également noter sa volonté de restaurer les pouvoirs du Parlement, notamment dans sa fonction de contrôle et de production de la loi. D’où son désir de mettre un terme à l’inflation législative et d’en raccourcir les délais d’élaboration par son adoption en commission <a href="https://books.google.fr/books?id=Hr2aBAAAQBAJ&pg=PT24&lpg=PT24&dq=leggine+politique+en+Italie&source=bl&ots=2O3G2kMq1U&sig=vI3K9-dkXZH4eHzsWn0pBz_9pI0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjsqYaIn_LUAhUEBBoKHV7RAnUQ6AEIKjAB#v=onepage&q=leggine%20politique%20en%20Italie&f=false">(à l’image du système italien des <em>leggine</em>)</a>.</p>
<p>Marronnier des promesses présidentielles il a, à son tour, promis d’introduire <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">« une dose de proportionnelle »</a> pour les élections législatives et de renforcer le droit de pétition. Dans un souci de respect de l’État de droit, mais aussi d’efficacité, il a également prévu la levée de l’état d’urgence à l’automne, tout en annonçant la rédaction d’une loi antiterroriste. On retiendra, également, l’annonce d’une prochaine conférence prochaine des territoires.</p>
<h2>Un premier ministre qui redescend sur terre à l’Assemblée nationale</h2>
<p>Intervenant le lendemain de l’intervention présidentielle au Congrès, le premier ministre a fait une déclaration de politique générale très détaillée et beaucoup plus terre à terre. Tel un inventaire à la Prévert, sa déclaration faite sur un ton monocorde a énuméré une série de mesures.</p>
<p>Des mesures d’ordre économique et financier : une nécessaire baisse des dépenses publiques (« Sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort » a-t-il déclaré) ; la suppression des charges salariales en échange d’une hausse de la CSG et du report de la réforme de l’ISF ; la suppression du RSI et la baisse de l’impôt sur les sociétés.</p>
<p>Édouard Philippe a également prévu de mesures de solidarité : revalorisation de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, augmentation de la prime d’activité versée aux travailleurs à revenus modestes. Pour la jeunesse, mise en place d’un <a href="https://theconversation.com/le-service-militaire-objet-de-fantasmes-politiques-75503">nouveau service national</a>, réforme du baccalauréat pour 2021 et meilleure intégration des lycées professionnels.</p>
<p>Concernant la justice, le premier ministre a annoncé une loi quinquennale de programmation des moyens, et ce dès 2018. S’y ajouteront pour lutter contre le terrorisme l’introduction dans le droit commun de mesures prises aujourd’hui du fait de l’état d’urgence. De plus, dès 2018 sera présentée une loi de programmation militaire qui portera l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts. Enfin la question de l’immigration donnera lieu à une réforme du droit d’asile.</p>
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<p>Mais le premier ministre a détaillé aussi un ensemble de mesures en matière de santé : augmentation du prix du paquet de cigarettes pour lutter contre le tabagisme, création d’un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé, plan de lutte contre les déserts médicaux, obligation pour la petite enfance des vaccins jusqu’ici seulement recommandés, accès à des offres de soins sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives, revalorisation dès 2018 de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, amélioration du congé maternité et des questions de garde d’enfant.</p>
<p>Du point de vue écologique, enfin, le premier ministre a annoncé que la convergence <a href="https://theconversation.com/bientot-la-fin-du-diesel-en-ville-71103">entre la fiscalité du diesel et de l’essence</a> serait réalisée « avant la fin de la mandature », en 2022, et qu’un plan de 50 milliards d’euros sera mis en œuvre pour la transition écologique.</p>
<h2>L’attentisme de l’opinion</h2>
<p>La déclaration de politique générale a été approuvée à une très large majorité par 370 voix pour, 67 voix contre (dont les Insoumis et les communistes) et 129 abstentions. Certes, la majorité LREM et le MoDem rejoints par 3 députés socialistes ont voté pour soutenir le premier ministre. Mais si le nombre des opposants a été très faible (67), en revanche les 129 abstentions appellent réflexion. En effet, malgré le discours amer de leur président de groupe, Christian Jacob, les trois quarts des Républicains se sont abstenus et la « droite constructive » s’est divisée : 12 députés sur 31 ont affirmé leur soutien au gouvernement, les 19 autres se sont abstenus.</p>
<p>Derrière la victoire apparemment éclatante de la déclaration de politique générale d’Édouard Philippe se font jour les interrogations et les réticences des membres des anciens partis encore hébétés par leur éprouvante défaite. Mais jusqu’à quand durera la discipline de la majorité actuelle qui doit son élection au Président Macron et joue donc, pour l’instant, le rôle des godillots des premiers temps de la V<sup>e</sup> République ?</p>
<p>Toutefois, l’exécutif en est bien conscient : le <a href="https://theconversation.com/des-elections-sans-electeurs-le-fleau-de-labstention-massive-79708">nombre des abstentions, des votes blancs et nuls</a> aux quatre tours des élections présidentielle et législatives témoigne de l’attentisme et du scepticisme d’une opinion publique, qui sous l’aiguillon des Insoumis et des communistes, pourrait un jour se manifester dans la rue dès que les promesses paraîtront impossibles à tenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bidegaray ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’à quand durera la discipline de la majorité actuelle qui doit son élection au Président Macron et joue donc, pour l’instant, le rôle des godillots des premiers temps de la Vᵉ République ?Christian Bidegaray, Professeur émérite de Sciences politiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/797272017-06-20T19:13:17Z2017-06-20T19:13:17ZL’agenda médiatique de la présidentielle dominé par les médias traditionnels<p>Après l’élection présidentielle française mais aussi les élections générales britanniques, certaines personnes ont affirmé que les médias traditionnels avaient perdu leurs positions historiques de générateurs de la conversation politique. Selon <a href="http://www.bbc.co.uk/news/entertainment-arts-40255428">ceux qui défendent cet argument</a>, les médias traditionnels auraient vu leur rôle de faiseurs de l’agenda des contenus politiques considérablement diminuer au profit des médias nés en ligne et des plateformes de réseaux socionumériques.</p>
<p>Bien sûr, les données annuelles du l’étude de la médiatisation de la campagne française conduite par le Reuters Institute (<a href="http://digitalnewsreport.org/survey/2016/france-2016/">Digital News Report</a>) sur les informations en ligne montrent que les plateformes sociales sont de plus en plus utilisées pour suivre l’actualité. Ce que nous avons <a href="http://www.slate.fr/story/142307/jeunes-consomment-information-Facebook">mis en évidence</a> également, tout comme le Pew Research Center <a href="http://www.journalism.org/2016/05/26/news-use-across-social-media-platforms-2016/">aux États-Unis</a>. Néanmoins, ils n’ont pas encore devancé les médias traditionnels – écrits ou audiovisuels – en tant que principales sources d’information des Français.</p>
<p>Le Reuters Institute de l'université d'Oxford a voulu savoir, dans une étude conduite par la journaliste et post-doctorante espagnole <a href="http://www.silviamajo.com/">Silvia Majó-Vázquez</a>, <a href="https://sites.google.com/site/junzhaohome/">Jun Zhao</a> et <a href="https://rasmuskleisnielsen.net/">Rasmus K. Nielsen</a> si les médias traditionnels avaient oui ou non perdu leur rôle décisif de maîtrise de l’agenda politique au détriment d’un réseau social comme Twitter, durant l’élection présidentielle française. L’Institut Reuters pour l’étude du journalisme (RISJ) a examiné la façon dont les médias traditionnels et ceux nés en ligne ont été utilisés par le public français sur Twitter pour évaluer dans quelle mesure cette utilisation avait conféré une certaine influence à plusieurs marques de médias lors de la campagne présidentielle.</p>
<p>Un tel événement politique offre en effet un terrain d’étude pertinent pour cerner le rôle réel des médias existants en tant que fournisseurs de contenus politiques et comme source que les gens utilisent pour entretenir des conversations politiques.</p>
<h2>Les principaux enseignements de cette étude</h2>
<p>Dans cette étude, reposant sur une base de données de 2,96 millions de tweets collectés entre le 2 avril et le 8 mai 2017, les médias historiques – surtout les journaux et les médias audiovisuels – sont très proéminents dans la discussion politique observable sur Twitter lors de la campagne présidentielle française. Les médias traditionnels ainsi ont généré sept fois plus d’activité et d’engagement que les médias nés en ligne. 88,4 % des tweets liés à l’information d’actualité collectés lors des élections françaises sont issus ou ont inclus une référence explicite aux médias historiques, comparativement à 11,6 % qui provenaient ou comprenaient une référence explicite aux médias nés en ligne.</p>
<p>Les auteurs de l’étude ont également constaté que l’attention et l’engagement sont très inégalement répartis. Alors que quelques organisations médiatiques comme <em>Libération</em>, TF1 et Médiapart sont mentionnées ou reprises en moyenne des centaines voire plus d’un millier de fois chaque fois qu’elles tweetaient, beaucoup d’autres, en particulier les journaux locaux et régionaux et les petits médias nés en ligne, ont tweeté presque aussi souvent que d’autres utilisateurs de Twitter s’engageaient avec leurs tweets – ce qui suggère un engagement limité.</p>
<p>Fait intéressant, parmi les contenus les plus partagés par le public français durant cette période figure une vidéo satirique publiée à la fin de la campagne électorale par Brut, la <a href="http://www.lesinrocks.com/2016/11/29/medias/brut-espere-informer-millennials-11882663/">plateforme audiovisuelle</a> récemment née en ligne. De plus, parmi les médias qui ont reçu le plus haut niveau d’engagement, on trouve <em>Le Canard Enchainé</em>, qui a été le premier à signaler le scandale financier affectant l’épouse de François Fillon et qui est connu pour son approche plus que réticente de la mise en ligne de ses contenus et des réseaux socionumériques.</p>
<p>Notons aussi que des pics d’activité sont remarqués au moment d’événements fortement médiatisés, comme un attentat, les résultats présentés dans les soirées électorales, et bien sûr les débats télévisés, comme le débat collectif du 4 avril qui a généré le plus grand nombre de tweets avec mention d’un média d’information.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174568/original/file-20170619-22108-uzd7oe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Étude d’activité de Reuters.</span>
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<p>En partenariat avec Semiocast et la radio France Info, nous étions arrivés à la <a href="https://obswebjournalisme.wordpress.com/2014/01/24/la-barometre-france-info-semiocast-obsweb-des-municipales-sur-Twitter/">même conclusion</a> pour les élections municipales en France : un événement médiatique ou fortement médiatisé attise la conversation sur Twitter, bien plus souvent qu’un « buzz » né sur Twitter finirait par attirer l’attention des médias.</p>
<p>Ainsi, les résultats de cette étude montrent bien qu’un petit nombre de médias historiques clés ont dominé la production globale de contenu d’information sur Twitter, mais leur activité n’a pas toujours été associée à des niveaux élevés d’influence, mesurés par l’engagement du public. Un grand nombre de petits médias traditionnels et numériques ont connu un faible engagement sur Twitter.</p>
<p>L’<a href="http://www.digitalnewsreport.org/publications/2017/digital-born-legacy-news-media-Twitter-french-presidential-elections/">analyse complète</a> invalide donc la thèse d’une substitution de médias au profit d’une mixité d’influence entre médias traditionnels toujours dominants, et médias nés en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Sur Twitter, les médias traditionnels français ont occupé des positions éminentes et ont généré beaucoup plus de partages et de conversation que les médias nés en ligne.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/797082017-06-19T19:51:14Z2017-06-19T19:51:14ZDes élections sans électeurs : le fléau de l’abstention massive<p>Des élections sans électeurs : voilà comment pourrait être présentées les élections législatives de 2017 qui ont marqué un nouveau record d’abstention : 51,3 % au premier tour et même 56,6 % au second tour. Comment expliquer ce phénomène et surtout comment l’endiguer ?</p>
<h2>Une abstention de plus en plus massive</h2>
<p>En France, l’abstention s’inscrit comme un phénomène politique récurrent ; son ampleur varie cependant grandement selon le type d’élection en cause.</p>
<p>S’agissant de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_%C3%A9lectorale_en_France">élection présidentielle</a>, qui se présente comme la plus populaire, le taux d’abstention s’est seulement élevé (au premier tour) à 15,2 % en 1965, à 28,4 % en 2002, à 20,5 % en 2012 et à 22,2 % en 2017. S’agissant des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_%C3%A9lectorale_en_France">élections législatives</a>, ce taux a en revanche atteint (au premier tour) 16,8 % en 1978, 39,6 % en 2007, 42,8 % en 2012 et 51,3 % en 2017. Ce dernier taux d’abstention est le plus élevé sous la V<sup>e</sup> république. S’agissant des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_%C3%A9lectorale_en_France">élections européennes</a>, le taux d’abstention s’est même élevé à 39,3 % en 1979, à 59,4 % en 2009 et à 56,5 % en 2014.</p>
<p>Il est frappant de constater que l’abstention tend à prendre toujours plus d’importance : le taux d’abstention a augmenté de 46 % entre 1965 et 2017 s’agissant de l’élection présidentielle et de 205 % entre 1978 et 2017 s’agissant des élections législatives.</p>
<h2>Quelles sont les causes de l’abstention massive ?</h2>
<p>Il y a tout d’abord <em>l’abstention involontaire</em> qui constitue la première cause d’abstention selon un <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2473.asp">rapport parlementaire de 2014</a>. Celle-ci recouvre les non-inscrits et les mal-inscrits, qui ont représenté respectivement <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/sept-millions-de-non-inscrits-ou-mal-inscrits-sur-les-listes-electorales_1800307.html">3 millions et 6,5 millions de Français en 2012</a>. La non-inscription et la mal-inscription ne correspondent généralement pas à un choix politique ou idéologique de refus de voter mais résultent d’un faible niveau d’information, d’une tendance à la procrastination face à une procédure d’inscription mal identifiée ou d’erreurs techniques indépendantes de la volonté des électeurs. <a href="http://www.rfi.fr/france/20170426-empeche-vote-premier-tour-presidentielle-2017-france">Le premier tour de l’élection présidentielle de 2017</a> a ainsi donné lieu à un certain nombre d’incidents électoraux médiatisés, tels que des radiations injustifiées et non-notifiées aux électeurs (plus de 15 000 à Strasbourg, soit 10 % des inscrits) ou des procurations jamais arrivées. L’abstention involontaire inclut également les personnes malades et absentes au moment du vote.</p>
<p>Il y a ensuite <em>l’abstention volontaire</em> liée à des raisons diverses et variées. La première est politique. Il convient, toutefois, de distinguer l’abstention politique structurelle de l’abstention politique conjoncturelle. La première tendance recouvre les électeurs qui choisissent de s’abstenir par principe : il s’agit notamment des anarchistes qui considèrent que la représentation politique correspond à une confiscation de la parole de l’individu. La seconde tendance recouvre les électeurs qui choisissent de s’abstenir faute de choix politique satisfaisant lors d’une élection.</p>
<p>Il faut, par ailleurs, noter que l’abstention, qui constituait auparavant un acte isolé et individuel, tend à devenir un phénomène de plus en plus revendicatif et collectif. L’entre-deux-tours de l’élection présidentielle a ainsi vu fleurir sur les réseaux sociaux (en particulier Twitter et Facebook), non seulement des déclarations d’abstention d’électeurs isolés, mais aussi et surtout de véritables mouvements d’abstentionnistes, comme celui fédéré sous le hashtag <a href="https://www.challenges.fr/election-presidentielle-2017/sansmoile7mai-qui-se-cache-derriere-le-hashtag-de-l-abstention-a-la-presidentielle_469562">#SansMoiLe7mai</a>. Sans compter les tribunes collectives florissantes dans certains journaux, dans lesquelles leurs auteurs ont fait part de leur volonté commune de s’abstenir.</p>
<p>La seconde de ces raisons est sociétale. De nombreux électeurs ne vont par voter en raison d’un manque d’intégration sociale : il s’agit des électeurs les plus jeunes et les plus âgés, des chômeurs et, de façon générale, des électeurs les plus démunis et isolés. La dernière de ces raisons, plus marginale, est religieuse. Un certain nombre de courants du christianisme estiment en effet que le chrétien doit s’abstenir de prendre part aux questions politiques : parmi ceux-ci se trouvent les <a href="https://www.jw.org/fr/temoins-de-jehovah/faq/neutralite-politique/">Témoins de Jéhovah.</a></p>
<p>À ces trois raisons s’ajoutent différents facteurs qui ont un effet plus ou moins important sur la mobilisation électorale. Sans être exhaustif, on peut citer l’enjeu institutionnel et politique de l’élection, la distance entre deux élections, la mobilisation des candidats et leur médiatisation.</p>
<p>Les causes de l’abstention massive étant énumérées, reste maintenant à savoir quelles sont les solutions qui pourraient permettre d’enrayer ce phénomène pernicieux.</p>
<h2>Rendre le vote obligatoire ?</h2>
<p>Le vote est considéré en France comme un simple droit. Il s’ensuit que tout citoyen jouissant de ses droits civiques est libre de participer ou de ne pas participer à un scrutin électoral. À défaut de constituer un devoir légal, le vote reste toutefois considéré par les institutions comme un devoir civique, comme le rappelle d’ailleurs l’inscription figurant sur les cartes électorales : « Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique. » Par exception, le vote obligatoire s’applique pour les élections sénatoriales. Par suite, les grands électeurs qui s’abstiennent de voter sans raison encourent une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006353759&cidTexte=LEGITEXT000006070239&dateTexte=20111228">amende de 100 euros</a> (article L318 du code électoral).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174517/original/file-20170619-22108-jme7bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte électorale française (recto-verso).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_d%27%C3%A9lecteur#/media/File:Carte-electorale-francaise-recto.jpg">Ministère de l’Intérieur/Flickr</a></span>
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<p><a href="https://www.senat.fr/lc/lc121/lc1210.html">La pratique du vote obligatoire</a> a été supprimée dans de nombreux pays européens, comme l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cela étant, cette pratique demeure dans plusieurs autres, comme la Belgique, la Grèce, le Liechtenstein, Chypre ainsi que dans le canton suisse de Schaffhouse et dans le Land autrichien du Vorarlberg.</p>
<p>La Belgique s’inscrit comme l’exemple le plus ancien puisque l’obligation de voter y a été instaurée en 1893. À l’instar d’autres pays (Australie, Brésil, etc.), cette obligation y est assortie de sanctions pécuniaires et administratives dissuasives : une amende de 30 à 60 euros la première fois et jusqu’à 150 euros en cas de récidive. Résultat : à chaque élection, le taux de participation avoisine les 90 %.</p>
<p>Au vu de ce succès, se pose aux yeux de certains la question de l’instauration du vote obligatoire en France. Celle-ci n’est d’ailleurs pas nouvelle puisqu’elle a déjà fait l’objet de plusieurs propositions de loi présentées par divers parlementaires dont <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2661.asp">François de Rugy</a> en 2015 et <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion3792.asp">Jean‑Noël Carpentier</a> en 2016.</p>
<p>Bien qu’intéressant et efficace, le vote obligatoire présenterait cependant plusieurs écueils. En premier lieu, il pourrait être perçu comme une atteinte à la liberté de voter et à la liberté d’expression des électeurs. Cet obstacle pourrait, néanmoins, être surmonté par la reconnaissance du vote blanc permettant aux électeurs d’exprimer leur mécontentement. En second lieu, il ne pourrait être efficace que sous réserve de l’instauration de sanctions dissuasives. Or, celles-ci sont-elles réellement souhaitables ?</p>
<p>Il est permis d’en douter. Car, d’une part, elles pourraient susciter un sentiment d’aversion chez les électeurs, en particulier chez ceux qui viendraient à être punis ; d’autre part, il serait très délicat de les faire accepter par ces mêmes électeurs dès lors que ceux-ci conçoivent le vote avant tout comme une liberté et non comme un devoir. Enfin, il ne résoudrait pas le problème fondamental qui est celui du désintérêt croissant des Français pour la politique.</p>
<h2>Regrouper les différentes élections ?</h2>
<p>Trop de politique tue la politique : les électeurs sont trop sollicités, au point qu’ils se lassent d’aller voter, et finalement ne vont plus voter. Pour mémoire, les électeurs de droite comme de gauche ont été sollicités plus de 6 fois en l’espace de moins d’un an : deux fois pour les primaires à l’automne dernier, deux fois pour la présidentielle en avril-mai et deux fois pour les législatives de juin, sans compter les élections sénatoriales qui auront lieu en septembre prochain.</p>
<p>Aussi pourrait-il être apparaître judicieux de regrouper à une même date les différentes élections, à savoir les élections présidentielles, législatives et sénatoriales d’une part, et les élections locales, d’autre part. Cette solution consistant à réduire le nombre d’échéances électorales offrirait plusieurs avantages.</p>
<p>En premier lieu, elle permettrait de réduire la fatigue électorale des Français qui sont actuellement trop régulièrement sollicités par les élections. En second lieu, elle aurait l’avantage d’attirer davantage l’attention et l’intérêt de ces derniers sur les nouvelles échéances électorales (car la rareté suscite l’intérêt) : par suite, les électeurs seraient naturellement plus enclins à aller voter. En troisième lieu, elle permettrait de réduire les dépenses publiques liées à la tenue des élections. <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-123/r15-1232.html">Un rapport sénatorial de 2015</a> met en effet en évidence que ces dépenses ayant trait à la gestion des listes électorales, aux procurations, au personnel, à la propagande électorale et aux assemblées électorales sont mirobolantes.</p>
<p>D’autres solutions pourraient, au demeurant, être envisagées, comme l’introduction d’une dose de proportionnelle, le vote à distance ou par voies dématérialisées ou encore la mise en place de campagnes d’information.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il est urgent que les responsables politiques s’attellent enfin au problème de l’abstention massive, car celle-ci traduit un déficit démocratique inquiétant qu’il serait dangereux de laisser perdurer, tant pour la cohésion politique du pays que pour la pérennité de ses institutions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Truyens ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les élections législatives de 2017 ont marqué un nouveau record d’abstention : 51,3 % au premier tour et 56,6 % au second tour. Comment expliquer ce phénomène et surtout comment l’endiguer ?Virginie Truyens, Doctorante en droit privé, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796902017-06-19T16:16:29Z2017-06-19T16:16:29ZDes législatives de confirmation… qui atténuent la vague macroniste<p>Au terme d’un processus électoral qui aura duré presque un an, de la préparation des primaires présidentielles à l’élection de l’Assemblée nationale, avec de très nombreux rebondissements, les urnes confirment l’élection présidentielle. La réforme mise en œuvre pour la première fois en 2002, consistant à organiser les législatives dans la dynamique de la présidentielle et à éviter une cohabitation, s’était toujours traduite par une confirmation du premier scrutin. Après l’élection, début mai, d’un Président sans force politique confirmée, on pouvait se demander si le même phénomène se reproduirait.</p>
<p>Une fois de plus, les législatives ont confirmé le verdict de l’élection phare de la V<sup>e</sup> République. Le premier tour le laissait présager. Le second le réalise mais la majorité n’est pas aussi large qu’attendu. Essayons d’analyser les résultats de ce dernier dimanche électoral, en commençant par rappeler l’offre électorale puisque celle-ci conditionne les résultats finaux.</p>
<h2>Une offre électorale, reflet du premier tour des législatives</h2>
<p>Le tsunami du premier tour des élections législatives, couplé avec une abstention extrêmement forte (51,3 % des inscrits), a construit une <a href="http://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2017/article/2017/06/17/legislatives-un-second-tour-joue-d-avance_5146202_5076653.html">offre électorale très originale</a>, avec 454 candidats de la République en marche (LREM), 264 des Républicains, 120 du FN, 67 de la France insoumise, 65 du PS, 2 du MoDem, 32 de l’UDI, 12 du PCF, 2 du PRG, 65 autres.</p>
<p>Sur 574 circonscriptions sur 577 encore en compétition, la République en marche était donc présente dans quatre circonscriptions sur cinq. Le record d’abstention à ce premier tour a conduit à ce qu’il n’y ait qu’une seule triangulaire. L’enjeu du second tour était de savoir si les électeurs allaient confirmer la vague du premier tour ou limiter le succès du président de la République.</p>
<h2>Une confirmation du record d’abstention</h2>
<p>Il n’y a pas eu de remobilisation de l’électorat puisque 57,4 % des inscrits ne sont pas aller voter. C’est énorme. L’abstention a donc franchi un nouveau record pour des élections législatives, augmentant de 6,1 points par rapport <a href="https://theconversation.com/poids-de-labstention-record-quand-il-ny-a-plus-le-choix-79595">au premier tour</a> et de 12,8 points par rapport au second tour de 2012. A ce record d’abstention, il convient d’ajouter 4,2 % de blancs et nuls. Un suffrage n’a donc été exprimé lors de ce second tour que par 38,4 % des inscrits. Ce qui n’enlève pas leur légitimité aux députés élus.</p>
<p>Il ne faut cependant pas sur-interpréter ces chiffres. Ils ne sauraient s’expliquer par une dépolitisation subite des Français qui avaient voté à près de 78 % au premier tour de la présidentielle. Ils traduisent certainement plusieurs phénomènes très importants.</p>
<p>D’abord une difficulté toujours très grande de certaines catégories de population de comprendre l’enjeu de ces élections, une fois que la présidentielle a eu lieu. D’après le sondage Ipsos à la veille du scrutin, trois jeunes de 18-24 ans sur quatre ne se sont pas déplacés, 69 % des ouvriers et 65 % des employés, 68 % des personnes à faibles revenus ont fait de même.</p>
<p>Le rejet des élites politiques, tout particulièrement des partis de gouvernement et <a href="https://theconversation.com/demain-la-gauche-79640">encore plus du Parti socialiste</a> par répulsion du dernier quinquennat, est aussi une des clefs de l’énorme abstention.</p>
<p>Troisième explication : dans beaucoup de circonscriptions, l’offre électorale était limitée et un certain nombre d’électeurs dont le candidat du premier tour avait été éliminé n’ont pas voulu reporter leur voix sur une autre force politique. Bien sûr, des abstentionnistes du premier tour se sont mobilisés pour le second – ce qui explique probablement l’élection de certains candidats qui paraissaient en ballottage défavorable au soir du premier tour. C’est le cas de Delphine Batho dans les Deux-Sèvres ou de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/isere-la-deputee-ps-marie-noelle-battistel-dejoue-tous-les-pronostics-et-sauve-son-siege-1497829632">Marie-Noëlle Battistel</a> dans l’Isère, deux députés de terrain – à l’aube de son troisième mandat pour la première, de son second pour l’Iséroise.</p>
<p>Mais le poids des nouveaux entrants dans l’expression du suffrage a été faible par rapport à la désertion d’électeurs de dimanche dernier. Une progression de l’abstention entre les deux tours d’une législative n’est pas une nouveauté ; on a pu l’observer dans une élection sur deux depuis 1958 (sept cas sur quatorze), même si l’écart n’a jamais été aussi fort.</p>
<p>Enfin, la majorité de la République en marche apparaissait quasi certaine. <a href="http://www.ipsos.fr/sites/default/files/doc_associe/sondage_ipsos_sopra_steria2ndtour_20h_0.pdf">Selon Ipsos</a>, 18 % des abstentionnistes expliquent leur comportement par l’absence d’enjeu, La République en marche étant assurée de gagner. Beaucoup n’avaient pas un fort désir de s’y opposer, même s’ils ne se sentent pas en accord avec l’ensemble du programme du Président.</p>
<p>Toujours selon le même sondage, 56 % des inscrits sur les listes électorales ne se disent pas complètement convaincus par le programme d’Emmanuel Macron, en particulier sur la réforme du travail et de la fiscalité, mais estiment qu’il faut lui laisser sa chance. L’abstention est pour certains une forme de « laisser faire », après une présidentielle qui a défini les grandes lignes politiques pour les cinq années à venir. Et une volonté de corriger le résultat du premier tour et de limiter la victoire présidentielle a probablement joué.</p>
<p>L’abstention a donc des causes multiples, nombre d’entre elles correspondant à des raisonnements politiques et non pas à un désintérêt pour la vie publique.</p>
<h2>Une large majorité présidentielle</h2>
<p>Le République en marche obtient 350 sièges, 308 pour La République en marche et 42 pour le MoDem. La majorité absolue étant de 289 suffrages (la moitié de 577 plus une), c’est une majorité confortable qui marque la réussite de l’entreprise macroniste visant à gouverner avec une force politique nouvelle. La République en marche a une majorité absolue à elle seule, elle n’aura donc pas besoin de négocier avec les députés MoDem ou</p>
<p>« macron-compatibles » d’autres partis.</p>
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<p><em>La nouvelle Assemblée nationale issue des législatives de juin 2017.</em></p>
<p>Au second comme au premier tour, l’étiquette politique LREM a été un énorme atout pour ses candidats alors que le simple fait d’avoir été longtemps un élu des partis de gouvernement était un boulet. Après l’ère des alternances entre droite et gauche, qui avait généré beaucoup de désillusions, les électeurs ont mis leurs espoirs dans une majorité centriste, <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402?sr=1">empruntant ses thématiques à la gauche et à la droite</a>. Son programme est libéral en économie, introduisant davantage de flexisécurité, ouvert sur l’Europe et la mondialisation, mais il mise aussi sur l’éducation et poursuivant les réformes libérales en matière sociétale.</p>
<p>Si LREM dispose d’une majorité absolue, son étendue n’est cependant pas exceptionnelle si on se rappelle par exemple les résultats de 1993 où la droite obtenait 474 sièges – soit à peu près 80 % de la représentation nationale, ou ceux de 2002 où l’UMP totalisait à lui seul 365 sièges. Et cette majorité n’est pas aussi large que certains l’imaginaient après le premier tour.</p>
<h2>Une opposition de droite conséquente</h2>
<p>La droite perd évidemment de nombreux sièges mais conserve 138 députés, 113 issus des Républicains et 18 de l’UDI, 7 des divers-droite. Elle résiste au fond assez bien à la vague présidentielle de 2017 puisqu’elle aura environ 24 % des élus, un poids très proche de celui de ses voix au premier tour.</p>
<p>Néanmoins, <a href="https://theconversation.com/cinq-enseignements-de-ces-legislatives-et-une-possible-comparaison-79651">cette opposition conséquente apparaît fragile du fait de sa division</a>, puisque certains se veulent « macron-compatibles », prêts à voter la confiance au gouvernement, d’autres sont disposés à soutenir certains projets gouvernementaux alors qu’une dernière tendance se prépare à être franchement oppositionnelle. Cette fragilité pourrait se traduire par de nouveaux départs et des recompositions sur les ailes extrêmes.</p>
<h2>Une gauche très affaiblie et complètement éclatée</h2>
<p>Le Parti socialiste et ses alliés ne conservent que 44 sièges, avec 29 élus socialistes, 3 radicaux et 12 divers-gauche. <a href="https://theconversation.com/demain-la-gauche-79640">La reconstruction de ce parti de gouvernement</a> apparaît beaucoup plus incertaine qu’en 1993 où les socialistes avaient gardé 58 députés. Car si beaucoup d’élus ont déjà quitté le navire pour rejoindre la majorité présidentielle, le débat entre socio-démocrates et frondeurs qui lorgnent vers la France insoumise fait toujours rage.</p>
<p>Le rassemblement de Jean‑Luc Mélenchon n’a pas réussi son pari d’écraser le Parti socialiste mais peut se targuer d’avoir réussi à faire élire 17 députés (dont son leader à Marseille), lui permettant d’avoir un groupe parlementaire.</p>
<p>Le Parti communiste conserve quelques zones de forces et maintient 10 élus, performance assez semblable à 2012. Ces élus auront cependant bien du mal à se faire entendre face à des mélenchonistes qui se sont montrés peu ouverts à des compromis avec leurs anciens alliés du Front de gauche.</p>
<h2>Un Front national qui reste marginal</h2>
<p>Le Front national gagne quelques sièges passant de deux à huit élus (dont Marine Le Pen à Hénin-Beaumont). Il confirme sa forte implantation dans le nord et dans quelques zones du midi de la France. Mais il continue d’être considéré comme un parti illégitime par beaucoup et semble en repli.</p>
<p>Après un premier tour de l’élection présidentielle où Marine Le Pen avait obtenu 21,3 % au premier tour et 33,9 % au second et un score de seulement 13,2 % au premier tour des législatives, son faible nombre d’élus montre que, dans des situations de duels, une forme de front républicain continue de fonctionner. Le FN n’atteint donc que rarement la majorité des suffrages, étant incapable de rassembler largement derrière lui.</p>
<h2>Un paysage politique chamboulé</h2>
<p>Au terme de la longue période électorale que nous venons de connaître, le paysage politique français est totalement chamboulé. La droite, qui s’attendait à incarner une alternance après un quinquennat de gauche et ne semblait pas pouvoir perdre cette élection, doit se contenter d’être la première force d’opposition. La gauche est complètement laminée. Les anciens partis de gouvernement, qui constituaient depuis trois décennies l’ossature du système partisan, sont marginalisés au profit d’une force centrale, qui devra faire la preuve de sa capacité à durer et à mettre en œuvre les réformes qu’elle a annoncées.</p>
<p>Les députés seront pour beaucoup des novices en politique, environ un sur deux n’a jamais exercé de mandat politique, trois sur quatre n’ont jamais eu de mandat parlementaire. Mais ils appartiennent très souvent aux classes supérieures à fort niveau de diplôme, ont exercé des positions de responsabilité dans le public ou le privé, ont parfois travaillé dans l’entourage des élus ou dans la vie associative.</p>
<p>Comme tous leurs collègues députés, ils n’exerceront pour l’essentiel que ce mandat, du fait de la loi sur le non-cumul votée sous le quinquennat Hollande. Ils vont contribuer à rajeunir l’Assemblée dont l’<a href="http://www.leparisien.fr/elections/legislatives/legislatives-2017-sexe-age-profession-portrait-robot-des-deputes-elus-19-06-2017-7066530.php">âge moyen passerait de 55 ans en 2012 à 49 ans en 2017</a>. Et aussi à la féminiser puisque les femmes passent de 26,8 % à 38,7 %. C’est un bond considérable qui rapproche l’Assemblée française des parlements nationaux les plus féminisés en Europe.</p>
<p>Une ère nouvelle s’ouvre mais les prochains mois réserveront certainement encore bien des surprises. Il faudra, notamment, être attentif à la manière dont le nouveau système partisan se consolide ou évolue. Une réforme du système électoral législatif est annoncée par le nouveau pouvoir qui souhaite qu’il y ait moins de députés et qu’on introduise enfin une <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">dose de proportionnelle</a>, promise depuis longtemps.</p>
<p>Cette réforme ne devrait normalement pas bouleverser le caractère confirmatoire de ces élections, le nouveau pouvoir surfant sur sa victoire pendant que les oppositions peinent à digérer leur défaite. Mais l’existence d’une dose de proportionnelle devrait limiter l’ampleur des majorités sortant des urnes et obliger, parfois, le nouveau Président à mettre en œuvre des coalitions pour pouvoir gouverner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au terme d’une longue période électorale, le paysage politique français est totalement chamboulé. Les anciens partis de gouvernement sont marginalisés au profit d’une force centrale.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796512017-06-19T05:06:01Z2017-06-19T05:06:01ZCinq enseignements de ces législatives et une possible comparaison<p>À chaud, il est possible d’exposer un tout premier bilan de cette séquence électorale en soulignant les conséquences du scrutin pour les forces partisanes, en remettant en perspective les résultats avec l’histoire de la V<sup>e</sup> République, ou en établissant un parallèle avec la vie politique italienne.</p>
<h2>Les législatives, sous-produits de la présidentielle</h2>
<p>Comme il est désormais de coutume depuis la réforme constitutionnelle sur le quinquennat votée en 2000, avec l’inversion du calendrier électoral présidentielle-législatives, celles-ci viennent confirmer la présidentielle, et le 2<sup>e</sup> tour du scrutin législatif est une confirmation du 1<sup>er</sup> tour mais pas une amplification, comme cela arrive parfois. Tous les appels au sursaut venus de droite comme de gauche, en espérant un retournement de tendance, sont restés lettre morte. Ils tenaient, en réalité, plus du discours obligé au soir du premier tour que d’un discours de mobilisation audible et crédible.</p>
<p>L’abstention au soir du second tour est encore plus forte qu’une semaine avant, entre ceux qui ont perdu leur candidat et ne souhaitent se rabattre sur aucun autre et ceux qui sont découragés devant l’ampleur de la vague macronienne et qui ont baissé les bras. Ceci étant dit, la victoire du mouvement du Président n’est pas aussi large que le laissaient croire les scores du premier tour. Dans une série de circonscriptions, les candidats En Marche n’ont pas réussi (sauf quand ils faisaient face à un candidat Front national) à mobiliser beaucoup de nouveaux électeurs entre les deux tours, alors que leurs adversaires ont réussi des redressements spectaculaires, doublant leur score là où le candidat EM ne progressait que de 10 à 20 %.</p>
<p>Une des explications plausibles de ce phénomène serait le bon report de voix d’électeurs des autres partis vers l’adversaire de celui d’En marche, dans une logique du « tout sauf une hégémonie excessive d’En marche au Parlement ». De plus, tout se passe comme si l’électorat Macron s’était déjà bien mobilisé au premier tour et que la réserve de voix au second tour manquait, alors que les adversaires ayant été punis par l’abstention de leurs électeurs avaient réussi à remobiliser un peu en leur faveur.</p>
<h2>PS : encore quelques secondes Monsieur le bourreau</h2>
<p>L’oraison funèbre s’approche dangereusement du Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussi à la reconstruire à partir du fameux congrès d’Epinay de 1971. Déjà le score spectaculairement bas de Benoît Hamon à la présidentielle avait été un camouflet, mais la confirmation reçue lors de ces élections législatives lui porte le coup de grâce. Son premier secrétaire, Jean‑Christophe Cambadelis en tire logiquement la conclusion et annonce sa démission. Et il est instructif de souligner que le discrédit des élus socialistes frappe sans distinction les fidèles du Président Hollande, les anciens ministres, même parmi ceux qui ont eu le soutien implicite de En Marche, comme les « frondeurs » qui ont passé leur temps à se désolidariser du gouvernement Valls.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dépôt de gerbe sur la tombe de François Mitterrand par le Premier secrétaire Harlem Désir, en janvier 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/8361011179/in/photolist-dJQnka-bUgCrs-7J3x4u-9M3YXK-9M3YWp-9GrFuq-9GrFiY-9Mphjf-77wE48-eFkf5u-dJQtgZ-9GoMQD-9M3Z6R-9M6LSj-9GrEof-dJQ9X8-9Mmts6-9MmtEH-9MmtAV-9MphSA-9M6LR7-dJVPWu-7exghA-9GrHUw-9EfvGj-dJQmma-9M6LCq-vdz2Cx-9M3Z5K-9M6LVC-9M6LBL-9Mmto8-9GrqiN-9Mmtm6-9GoKJK-9GrEJC-9M6LEY-dJQuwH-9GoNo6-9GoNcv-9MmtCR-9MmtxR-9Mppp5-9MphAh-9MphMG-9Mmtu8-9MmtK6-6mYdyp-6n3ouN-9Mmthk">PS/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sur les 42 signataires qui avaient clairement rompu avec le devoir de solidarité de leur majorité présidentielle et législative, le bilan n’est pas brillant : seuls 6 ont pu se qualifier pour le second tour, dont un seul en tête. Leurs scores oscillent entre 9 % et 24,7 %. Le score moyen étant de 15,7 %, ce qui est bien supérieur au score du PS pris globalement lors du premier tour, mais reste faible pour nourrir l’ambition d’incarner une opposition de gauche. On notera que 15 – soit un tiers – préférait ne pas se représenter. Taux de désertion spectaculaire pour des députés si combatifs un an avant. Bilan : 20 députés sortants battus dès le premier tour, 6 qualifiés pour le second et 3 élus à l’issue du second, on est loin d’une validation par le suffrage du bien-fondé de leur jeu de posture au Parlement.</p>
<p>De ce constat, il en ressort que le Parti socialiste est effectivement définitivement brisé, qu’il n’abritera plus deux gauches jugées « irréconciliables » selon les termes prémonitoires de Manuel Valls. Les membres de ce parti se jettent en effet au visage la responsabilité réciproque du naufrage électoral subi : les uns criant au poison de la déloyauté qui a affaibli le réformisme gouvernemental voulu par François Hollande, les autres criant à la trahison des idéaux de la campagne de 2012. Les oppositions idéologiques ou programmatiques deviennent donc des rancœurs, voire des haines, chacun jugeant que l’autre porte la faute originelle, alors qu’en vérité chacun à sa place est responsable de ce désastre, par le spectacle qui fut ainsi donné qui a sapé la confiance des électeurs socialistes, partis en masse chez En Marche.</p>
<p>Il y a fort à parier que les divers courants et visions du monde qui ont divisé ce parti durant le quinquennat de François Hollande vont désormais essayer de se réorganiser, de réviser leurs logiciels intellectuels et programmatiques, en revenant donc probablement à l’état ante-Epinay d’un éclatement entre plusieurs groupuscules conçus comme des laboratoires d’idées, comme une étiquette électorale partagée, bénéficiant ainsi de soutiens publics ou comme des cercles d’élus à forte assise locale cherchant à fédérer leurs maigres moyens au niveau national dans une logique de préservation de fiefs. L’heure dans la mouvance socialiste va sans doute être à la dispersion, à la refondation de micro-chapelles, avant un jour – peut-être – une nouvelle recomposition. Et François Hollande si soucieux de laisser une trace dans l’histoire va très probablement rester comme celui qui aura sabordé le Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussir à la bâtir pour en faire une force de gouvernement crédible.</p>
<h2>Des forces protestataires qui ont du mal à mobiliser les Français</h2>
<p>Si, durant la campagne présidentielle, les discours de Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon ont porté, et si leur score les a convaincus qu’ils allaient faire un carton au moment des législatives, force est de constater qu’ils subissent un net recul. Guillaume Caline, de Kantar Public, pointe ainsi que « dans les 30 circonscriptions métropolitaines où l’abstention a le plus progressé au premier tour, le score moyen de Marine Le Pen était de 25,4 % à la présidentielle (contre 21,3 % au niveau national) et de 21,5 % pour Jean‑Luc Mélenchon (contre 19,6 %) ». À l’inverse, dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le moins progressé aux législatives, le score moyen du candidat Macron était de 28,5 % contre 24 % en moyenne nationale.</p>
<p>Néanmoins, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, ils peuvent se consoler en soulignant – à raison – qu’ils ont désormais bien plus de députés qu’en 2012 à l’issue de ce second tour. C’est un maigre capital en nombre d’élus, mais en termes symboliques c’est très important, surtout pour la France insoumise et le PCF qui ont de quoi fonder un groupe parlementaire avec tous les avantages associés pour le travail parlementaire et la visibilité médiatique de l’action d’opposant au gouvernement.</p>
<h2>Une défaite historique pour la droite</h2>
<p>Même si elle peut essayer de se consoler en se disant qu’elle limite les dégâts, qu’elle est première force d’opposition, qu’elle dépasse les cent députés, la droite parlementaire subit une défaite historique depuis 1958. Au plus fort de la « vague rose » de 1981, elle comptait 150 députés dans ses rangs pour sa première entrée dans le rôle d’opposant. Elle en aura encore moins pour cette législature.</p>
<p>Et les problèmes ne font que commencer car elle arrive au Palais Bourbon, fracturée en trois blocs, entre ceux qui se sont déclarés ouvertement favorables à l’alliage Macron-Philippe, puisque justement le premier ministre est de droite. Ceux qui se disent partisans d’une opposition « constructive », votant ce qui correspond à leur programme. Et ceux qui plaident pour une opposition dure face à une majorité pléthorique.</p>
<p>Les élus resteront-ils soudés dans un même groupe parlementaire ou, au moins, deux tendances seront-elles en autonomie, via deux groupes distincts ? On doit aussi souligner que ces législatives sont perçues, non sans raison, par des ténors du parti Les Républicains, comme le reliquat de l’entêtement du candidat Fillon à se maintenir malgré tous ses ennuis judiciaires, entraînant son camp par le fond.</p>
<h2>Abstention : une preuve de plus de la crise de confiance démocratique</h2>
<p>Ces élections législatives sont un double signal de la crise profonde de confiance des électeurs français vis-à-vis des forces politiques traditionnelles qui se partagent le pouvoir, à coup d’alternances successives, depuis des décennies.</p>
<p>Signal exprimé d’abord par le nombre conséquent des Français qui ont décidé de donner leur chance à une force politique nouvelle, qui se retrouve à l’Élysée et avec une majorité absolue inégalée dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République pour une force qui a à peine douze mois d’existence.</p>
<p>Signal ensuite par le nombre très élevé d’électeurs du premier tour de la présidentielle qui ont décidé de s’abstenir et donc de ne pas aller soutenir les candidats locaux du leader pour lequel ils avaient pourtant voté six semaines auparavant.</p>
<h2>Un air de déjà vu : l’Italie de Forza Italia</h2>
<p>Si le mouvement de fond électoral qui traverse la France est inédit sous la V<sup>e</sup> République, de troublants parallèles sont possibles avec la vie politique italienne de 1992-1994, au moment de l’émergence sur la scène politique de Silvio Berlusconi.</p>
<p>Entre 1992 et 1994, le système partisan italien a connu une profonde mutation, au point que les commentateurs italiens ont parlé de <em>Seconda Repubblica</em> alors même qu’il n’y eut aucune nouvelle constitution promulguée. Mais les élections de 1994 virent arriver sur la scène politique de nouveaux partis, et notamment celui d’un entrepreneur, dirigeant de médias et d’un club de football, donc un candidat qui se présente comme n’étant pas un professionnel de la politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Silvio Berlusconi, le dynamiteur de Forza Italia (ici en 2006).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/enricomaioli/457518199/in/photolist-GqUdP-c1WF5-c2fUj-bK7Z48-GqPH7-9DZqgK-cihSr-apBiQ8-5N3d92-Cr9v3-7LYFqr-cmZzx-6Tsn2X-7LYFaH-6QMFhs-7LYFv8-5J4tpA-cqyFZ-dKkHGX-73n6w6-cxDDq-aofU9F-rPu8C-67R4BQ-8VrdVb-cb3Uy-aZzfb-8Vo23Z-aVZbxi-9wFN7p-8VoqEi-9wJLn3-6HhZKw-nFufry-aE6qRJ-9Li5ES-amiP5W-7nR3rm-8Vr75N-8U8yND-9iqHsH-9wFN6F-8Vr4Aq-8Vr1m1-ujBBJ-8UbDWY-dm93E-8VrtRd-4mvJ9X-8VnXLT">Enrico Maioli/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans un climat de très grande défiance des électeurs vis-à-vis des trois partis qui s’étaient partagé le pouvoir, la démocratie chrétienne – hégémonique – et le Parti socialiste ou Parti socialiste démocratique italien, forces d’appoint, les électeurs transalpins ont éradiqué de la vie politique ces trois forces en propulsant Forza Italia, créé ex nihilo, et quelques autres partis plus petits.</p>
<p>Les partis traditionnels furent discrédités par l’opération judiciaire dite <em>Mani pulite</em> (« mains propres ») initiée par des juges de Milan pour lutter contre la corruption devenue endémique. Au fil des arrestations, des suicides, de la découverte de l’étendue des dégâts, le désir de transparence financière a grandi dans l’opinion publique, accompagné de l’envie de balayer le personnel politique habituel. De nombreuses personnes issues de la société civile furent candidats pour la première fois et se firent élire, à la surprise des autres forces politiques qui n’avaient pas anticipé pareil coup de balai.</p>
<p>Chacun conviendra que les parallèles sont troublants, même si Berlusconi n’est en rien un modèle revendiqué par Macron. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’Emmanuel Macron porte finalement le projet de Jean‑Luc Mélenchon, en devenant le chantre du « dégagisme » que le second avait théorisé, mais n’a pas su incarner de façon crédible aux yeux d’une écrasante majorité de Français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Riches en résultats inattendus ou mal perçus, ces élections législatives sont un ferment de recomposition politique qui fera date dans l’histoire de la Vᵉ République.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796402017-06-18T19:56:29Z2017-06-18T19:56:29ZDemain, la gauche ?<p>Dans le monde entier, les systèmes politiques sont entrés dans une phase de mutation profonde, illustrant le thème de la modernité liquide cher au sociologue <a href="https://theconversation.com/zygmunt-bauman-1925-2017-penseur-critique-de-la-modernite-liquide-71369?sr=1">Zygmunt Bauman</a>, récemment disparu : ils se liquéfient et changent, vite, de façon imprévisible. C’est ainsi que les partis classiques connaissent un désamour dont la France a donné une illustration saisissante <a href="https://theconversation.com/legislatives-le-mystere-de-la-chambre-jaune-macron-79377?sr=2">lors des élections présidentielles, puis législatives</a> – quasi disparition du Parti socialiste (PS), ainsi que d’Europe Écologie les Verts, décomposition du parti Les Républicains.</p>
<p>Mais méfions-nous des jugements définitifs et des diagnostics trop généraux. Le Parti socialiste est moribond en France ? On l’a proclamé mort à plusieurs reprises dans l’histoire, et on le disait aussi <a href="https://theconversation.com/le-royaume-uni-promis-a-de-nouvelles-elections-79217?sr=2">du Labour au Royaume-Uni</a>, qui en une élection vient de redresser la tête ! Notre analyse, ici, va donc se pencher plus précisément sur la gauche en France.</p>
<h2>Le PS, le socialisme et la gauche</h2>
<p>Le PS n’est que ruines et deuil. Mais quid du socialisme, et quid de la gauche ? PS, socialisme et gauche ont parfois été presque synonymes, mais pas toujours. Il convient de les distinguer analytiquement, et de noter que leurs temporalités ne sont pas nécessairement les mêmes.</p>
<p>Le PS pourrait-il se recomposer de lui-même, à partir de ses ressources propres, en s’appuyant sur son personnel politique actuel ? Ou verrons-nous plutôt naître un, ou plusieurs nouveaux partis avec des militants qui en proviendront, ou bien encore une force neuve née de la mobilisation d’acteurs venus d’ailleurs ? La réponse devrait s’ébaucher relativement vite, la temporalité, ici, relève du court et du moyen terme. Elle pourrait comporter une dimension singulière : il n’est pas exclu que parmi les parlementaires ayant fait allégeance à Emmanuel Macron, certains tentent de structurer une aile sociale-libérale, rassemblant notamment des transfuges du PS.</p>
<p>Et le socialisme ? On entre ici dans le domaine des idées, des projets, des valeurs et des visions, et le recul historique s’impose pour apprécier le présent. Jusqu’en 1917, le socialisme, dans ses innombrables variantes, a constitué la principale orientation de la gauche. Puis le communisme l’a concurrencé, « réel » à partir de la Révolution russe avant d’entamer son déclin dans les années 60 ou 70, de l’accélérer dans les années 80 et 90 et de quasiment disparaître. Le socialisme est aussi, mais moins brusquement, sur la pente du déclin, et sa belle modalité – la <a href="https://theconversation.com/martin-schulz-peut-il-convaincre-les-allemands-78658?sr=2">social-démocratie</a> – est depuis les années 80 ou 90 en fort recul dans les pays où elle a été reine.</p>
<p>La force du socialisme, comme d’ailleurs du communisme, était de se présenter comme l’expression politique du mouvement ouvrier. Sa faiblesse rédhibitoire, aujourd’hui, est de ne plus pouvoir incarner aucune figure sociale, ni le mouvement ouvrier, qui a perdu sa capacité de mettre en cause les principales orientations de la vie collective, ni les nouveaux mouvements sociaux ou culturels, dont les acteurs ne se reconnaissent en aucune façon dans le socialisme.</p>
<p>Et la gauche ? L’épaisseur historique de la notion remonte à 1789, quand les représentants du peuple siégeaient <a href="https://theconversation.com/valeurs-de-droite-et-valeurs-de-gauche-de-la-revolution-francaise-aux-elections-de-2017-75655?sr=2">à gauche dans l’Assemblée nationale</a>. Mais aujourd’hui, que veut dire l’idée de gauche ? Rares sont les travaux en philosophie politique ou en sciences sociales qui tentent de la reformuler en profondeur, en proposant des catégories adaptées au temps présent et à des visions de l’avenir. Rares sont les utopies qui ont si souvent dans le passé contribué à l’effervescence intellectuelle de la gauche.</p>
<p>L’idée de gauche a profondément été associée à des combats sociaux et politiques qui, sans être tous d’une autre époque, se posent autrement que par le passé, et le vocabulaire semble manquer pour la préciser. Les mots ont mal vieilli (« classes », « lutte des classes » par exemple) ou sont utilisés par des acteurs politiques éloignés de la gauche – il suffit pour le constater d’écouter <a href="https://theconversation.com/la-percee-du-front-national-dans-la-fonction-publique-52955?sr=9">Marine Le Pen parler de justice sociale</a> ou s’adresser aux ouvriers.</p>
<p>Nous sommes orphelins de l’idée de gauche, qui ne se transcrit plus que dans des logiques défensives plus ou moins radicalisées, et il faudra certainement du temps avant qu’elle se reconstruise.</p>
<p>D’où notre première conclusion : il est peu vraisemblable que le Parti socialiste puisse renaître directement de ses cendres, on voit mal comment le socialisme, comme projet d’émancipation, pourrait à nouveau exercer une large séduction sur l’électorat. Ce n’est que sur la longue durée que pourra, éventuellement, être dessinée sur le fond une gauche proposant un avenir, un sens, sans s’enfermer <a href="https://theconversation.com/la-social-democratie-desarmee-face-aux-populismes-71087?sr=6">dans la radicalité</a> de la pensée hypercritique ni se perdre dans la tentation de la violence.</p>
<h2>Une reconstruction politique par en haut ?</h2>
<p>La possibilité que s’affirme la gauche de l’ère inaugurée par la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle n’est-elle pas une question directement politique ? Toutes les hypothèses disponibles invitent ici au scepticisme.</p>
<p>Un premier raisonnement s’apparente à celui mis à l’honneur dans le contexte de la chute du mur de Berlin, en 1989, par le politologue américain Francis Fukuyama annonçant la « fin de l’Histoire », l’entrée dans une période où il n’y aurait plus d’alternative au marché et à la démocratie libérale. De même aujourd’hui, en France, la période actuelle n’est-elle pas celle de la fin de l’opposition droite-gauche, comme s’il n’y avait pas d’alternative au <a href="https://theconversation.com/le-macronisme-avant-macron-79502?sr=1">modèle politique du parti central, sinon centriste</a>, pratiquement unique ? Dans cette perspective, et aussi longtemps que le pouvoir sera monolithique et vertical, organisé depuis l’Élysée, on voit mal comment pourrait s’affirmer une gauche renaissante.</p>
<p>Deuxième hypothèse, qui pourrait prolonger la première : la force politique organisée actuellement autour du centre ne pourrait-elle évoluer vers un positionnement inaugurant une nouvelle gauche, un peu à l’image de celles, sociale-libérale a-t-on dit, qu’ont incarnée Bill Clinton, Tony Blair et Gerhard Schröder dans les années 90 ? Une telle perspective pourrait impliquer qu’au Parlement, le poids politique de ceux qui sont susceptibles d’aller dans ce sens s’affirme et se renforce. Ou qu’à l’Élysée, la ligne du Président se réoriente, ce qui, compte tenu de la façon dont il entend prendre de la hauteur en tenant les médias à distance, pourrait encourager des approches rappelant la kremlinologie des années 60 et 70, quand des soviétologues guettaient les moindres signes et signaux suggérant qu’au sein du pouvoir, en son cœur, des transformations se prépareraient, comme si le changement devait venir de l’intérieur même du système, et d’en haut.</p>
<p>Dans cette manière de voir, l’indifférenciation politique du pouvoir adossé sur un parti hégémonique devrait céder la place à un tropisme de gauche. Une sémiologie lourde de supputations et d’interprétations des propos et des actes du chef de l’État commence d’ailleurs déjà à fonctionner, une « macronologie », science de la pensée et des gestes du Président qui, de fait, n’est pas toujours très éloignée du culte de la personnalité dans lequel se perd tout esprit critique.</p>
<p>Mais il est peu probable que s’opère un retournement du pouvoir qui serait la négation de ce qui lui a permis d’advenir, la dissolution du clivage gauche-droite.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174292/original/file-20170618-545-1i53w9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean‑Luc Mélenchon, le tribun de la France insoumise (ici en 2013).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierre-selim/8913153167/in/photolist-ezCeUB-TNYUw9-ezFu8A-ezFx4q-ezCgon-Tt94CN-ezFsCQ-byRHyL-byRByE-byRJuS-bMLppH-bMLnAB-byRFDb-byRH9o-bMLijK-bMLgPz-byRBqy-byRFhG-byRDEf-TbDbJd-byRJM7-byRG8y-byRFMJ-ezFotm-TLETMz-ezCqfB-ezCouT-ezFD85-ezCkyB-UaZJpC-e1ptr7-UjCNmH-TvybDv-faXMUD-Tt94AJ-Tt94t9-bMLmg4-pCyAoX-SFmHcE-bE4xaH-byRDSj-byRHeN-byRDgh-bMLh2D-bMLnkt-bMLmJr-byREau-9fh7GT-c2gcVQ-bNWQxc">Pierre-Selim</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Une troisième hypothèse procède de l’image d’une division fondamentale entre tenants de la société ouverte et de la nation tolérante et partisans de la société fermée et de la nation homogène. Au départ distincte du clivage gauche-droite, cette opposition ne pourrait-elle pas contribuer à le faire renaître ? Pour l’instant, l’affrontement se joue entre le dedans du système politique, plutôt européen, ouvert et tolérant et le dehors, qui l’est beaucoup moins. Le souverainisme, sans s’y réduire, est en effet porté avant tout par <a href="https://theconversation.com/deux-populismes-valent-mieux-quun-77666?sr=1">deux forces assez largement extra-parlementaires</a>, l’une identifiée à Jean‑Luc Mélenchon et l’autre à Marine Le Pen. On voit mal comment, divisé en deux branches, il pourrait devenir une vision proprement de gauche – ou d’ailleurs proprement de droite.</p>
<p>Ces hypothèses, et d’autres qui pourraient être formulées, n’autorisent donc en aucune façon à concevoir le retour d’une gauche rénovée en profondeur à partir de l’intérieur du système politique et du pouvoir qui y est hégémonique.</p>
<h2>Une renaissance de bas en haut ?</h2>
<p>D’où la dernière étape de notre raisonnement. Si la renaissance d’une gauche ne peut être un phénomène directement politique, il faut se tourner du côté de la société civile et de ses acteurs pour en concevoir l’éventualité.</p>
<p>Tout au long des années Hollande, faibles ont été les mobilisations pouvant valider l’hypothèse que j’avais développée dans <em>Pour la prochaine gauche</em> (éd. Robert Laffont, 2011). La contestation du mariage pour tous a été au plus loin de toute idée de gauche, conservatrice ou réactionnaire. Les « Bonnets rouges » ont défendu un modèle économique peu soucieux de développement durable et d’environnement. Les manifestations contre la loi Travail ont montré la radicalisation d’une partie des salariés, un refus respectable mais ne permettant en aucune façon d’imaginer une nouvelle gauche. </p>
<p>Les rassemblements sur des enjeux environnementaux (l’aéroport de Notre-Dame des Landes, le barrage de Sivens) ne tiennent pas la comparaison avec les mobilisations écologistes et antinucléaires des années 70. <a href="https://theconversation.com/nuitdebout-le-retour-des-indignes-57183?sr=3">« Nuit debout »</a> aurait pu porter l’espoir d’une réinvention de la gauche, mais n’a pas eu l’impact du <em>M15</em> des <em>Indignados</em> espagnols et s’est décomposée sans lendemain jusqu’ici, pénétrée par diverses variantes de gauchisme signant très tôt son échec.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174290/original/file-20170618-14179-q09coe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Nuit debout » à Toulouse, en avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierre-selim/26102294973/in/photolist-FLz5Uv-GgQDff-fnWvt5-GgQKhf-k1v7TU-GFeKZ8-TrEMjg-U698Q7-GgDeCN-RbLLfp-FBEKpv-S3gwSa-r7bKQP-GytTys-JxFXVi-GPNm99-fhQgcJ-hpgSwb-fnXgbA-G93Wez-hpgJVj-hphTfv-pqPfCq-FMt4pT-FSZaoB-8JKriV-Fgb7Y">Pierre-Selim/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il ne peut pas y avoir de gauche sans contestation, sans mouvements, sans action – qu’elle soit sociale, culturelle, ou morale. Sans appel à une société plus juste, permettant à chacun de construire son existence, de développer et de faire valoir ses « capabilities », <a href="https://theconversation.com/quest-ce-que-le-liberalisme-egalitaire-comprendre-la-philosophie-de-macron-76808?sr=1">comme dit l’économiste Amartya Sen</a>. Il ne peut pas y avoir de gauche sans imagination, sans projection dans le futur, sans idées et connaissances, et donc sans ceux qui les produisent – on ose à peine employer le mot d’intellectuels tant ceux qui occupent le haut du pavé médiatique sont aujourd’hui conservateurs ou réactionnaires. La présidence de Hollande a congelé la vie intellectuelle, qui d’ailleurs n’intéressait guère le chef de l’État, elle n’a pas facilité les initiatives, l’expression des attentes citoyennes, l’émergence de visions de l’avenir, et de demandes de droits.</p>
<p>Aujourd’hui la donne est différente. Le chef d’État et les parlementaires de sa majorité ne peuvent prétendre représenter la gauche en mouvement, celle qui conteste, qui proteste, qui mobilise de façon constructive et transforme la société par le bas. Maintenant que la critique et la contestation ne semblent devoir réellement opérer qu’en dehors du Parlement, et dissociées de l’idéologie du pouvoir, un espace s’ouvre à elles.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici d’opposer la rue aux institutions légitimes, mais de constater que le contexte actuel, paradoxalement, parce qu’il donne l’essentiel du pouvoir politique au chef de l’État, crée des conditions à terme bien plus favorables au réenchantement de la gauche que lors du quinquennat précédent, qui se disait de gauche. On peut en sentir les prémisses avec la mobilisation d’un large tissu associatif contre le projet gouvernemental de <a href="http://lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/06/09/etat-d-urgence-dans-le-droit-commun-pourquoi-le-projet-du-gouvernement-inquiete_5141459_4355770.html">pérenniser l’état d’urgence</a> en en inscrivant les mesures dans le droit ordinaire. De même, la <a href="https://theconversation.com/des-ordonnances-pour-la-reforme-du-code-du-travail-78417">loi travail</a> qui devrait être adoptée par ordonnances et au profit de la flexibilité plus que de la sécurité des salariés, pourrait susciter des contestations, mais aussi des réflexions critiques sur le travail et son droit.</p>
<p>Rien ne dit que de telles actions seront couronnées de succès, mais d’autres suivront et surtout, l’essentiel est ailleurs : la légitimité du pouvoir l’autorise à agir, mais ne lui garantit pas le silence ou la passivité de ceux qui pourraient inventer la gauche de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Wieviorka est président de la Maison des sciences de l'Homme.</span></em></p>Laminée aux législatives par la percée du mouvement d’Emmanuel Macron, la gauche peut-elle renaître de ses cendres ? Sans doute, mais en dehors des cadres politiques habituels.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/795022017-06-15T20:30:45Z2017-06-15T20:30:45ZLe macronisme avant Macron<p>Depuis une décennie, la droite et la gauche ont fait mouvement vers leurs extrêmes. Nicolas Sarkozy a évoqué un débat identitaire tandis que François Hollande a déclaré la guerre à la finance… Mais, une fois au pouvoir, tous deux adoptent une politique assez similaire, à quelques mesures emblématiques près. Aux yeux des citoyens, la scène politique ressemble dès lors à « un théâtre d’ombres » (<a href="http://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Dominique-Schnapper-France-doit-choisir-resolument-reformisme-2017-05-23-1200849558">Dominique Schnapper, 2017</a>). Situé en retrait de la droite, de la gauche et des extrêmes, Emmanuel Macron a bien compris l’état de la scène politique, et décidé de se repositionner au centre. Il réussit ainsi à conquérir l’Élysée en mai 2017 grâce à sa « nouveauté » et à la compatibilité de son repositionnement et de la scène politique.</p>
<p>Devenu Président, Macron tente d’établir un centre parlementaire sous la V<sup>e</sup> République en incluant une partie de la droite et de la gauche tout en excluant leurs extrêmes, <em>via</em> les législatives en juin 2017. Cette expérience centriste est plutôt inhabituelle pour les citoyens sous la V<sup>e</sup> République. En revanche, elle est bien connue en politique depuis Cicéron jusqu’aux radicaux de la III<sup>e</sup> République française, en passant par Machiavel et Bonaparte.</p>
<h2>Le macronisme à la Cicéron, la fragilité du pouvoir</h2>
<p>Le Président Macron, voulant rétablir un enseignement solide du latin au collège, incarne la <em>concordia ordinum</em> de Cicéron. Dans une République romaine (509-27 av. J.-C.) marquée par un conflit permanent entre conservateurs et progressistes, Cicéron, un jeune politicien centriste, entre en scène en 63 av. J.-C. Il offre aux Romains une <em>concordia</em> entre les centres, c’est-à-dire entre les conciliants aristocrates, les chevaliers progressistes et la part élargie des Romains (<a href="http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/05/17/31001-20170517ARTFIG00233-stephane-ratti-pourquoi-macron-doit-relire-ciceron.php">Ratti, 2017</a>).</p>
<p>À 40 ans, il réussit à devenir Consul grâce à sa personnalité, sa maîtrise de la scène politique et sa « nouveauté ». En réalité, Cicéron n’est ni un ancien candidat ni issu d’une famille politique. Mais, le succès de Cicéron ne lui permet pas de conserver le pouvoir. Ses alliances hésitantes le ramènent à une opposition qui lui coûtera <em>in fine</em> <a href="http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/7-decembre-43-marc-antoine-fait-tuer-ciceron-et-expose-sa-tete-et-ses-mains-au-forum-de-rome-07-12-2012-1546540_494.php">sa vie</a>.</p>
<h2>Le macronisme à la Machiavel, la conservation du pouvoir</h2>
<p>La quête macronienne d’une majorité absolue à l’Assemblée vise à éviter un échec à la Cicéron : l’objectif est d’éviter toute cohabitation entre un Président et un premier ministre politiquement antagonistes après les législatives. En « dynamitant » la gauche et la droite, La République en Marche (LREM) adopte une méthode machiavélienne pour régner, au moins, tout au long d’un mandat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173998/original/file-20170615-32257-1uttcpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait de Nicolas Machiavel par Santi di Tito.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e2/Portrait_of_Niccol%C3%B2_Machiavelli_by_Santi_di_Tito.jpg/466px-Portrait_of_Niccol%C3%B2_Machiavelli_by_Santi_di_Tito.jpg">DR</a></span>
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<p>Nommé ministre de l’Économie en 2014, <a href="https://www.nytimes.com/2014/10/07/business/international/emmanuel-macron-of-france-is-the-face-of-the-new-socialism.html">Macron expliquait au <em>New York Times</em></a> que ses études sur Machiavel lui avaient permis de survivre dans le microcosme politique parisien. Divers points à ce sujet méritent d’être rappelés, qui ne sont pas sans lien avec les changements introduits dans la scène politique française par le nouveau Président. Premièrement, Machiavel, qui n’a pas d’expérience politique, obtient à 29 ans un poste stratégique au sein de l’organe souverain du régime de Florence, le Grand Conseil (<a href="https://books.google.fr/books?id=NdnHDgAAQBAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0">Boucheron, <em>Un été avec Machiavel</em>, 2017</a>). Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Macron qui, durant sa carrière professionnelle et même sa vie personnelle, semble toujours en avance sur son âge.</p>
<p>Deuxièmement, durant son exil suite au coup d’État rétablissant le pouvoir des Médicis à Florence, Machiavel rédige <em>De pricipatibus</em>, communément appelé <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00703204/document"><em>Le Prince</em> (1532)</a>, dans lequel il analyse la pratique du pouvoir et les vertus nécessaires pour l’exercer. C’est là un des enjeux des législatives de ce dimanche pour le Président. Il a lancé son parti centriste en réaction à la déception suscitée par les partis traditionnels ; comme Machiavel qui a inventé son <em>Prince</em> de papier faute de princes à admirer (<a href="https://books.google.fr/books?id=NdnHDgAAQBAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0">Boucheron, <em>Un été avec Machiavel</em>, 2017</a>).</p>
<p>Troisièmement, l’ambiguïté – incarnée par le Prince de Machiavel – entoure le positionnement précisément centriste de LREM, attaquée depuis ses débuts sur sa droite, sur sa gauche et depuis les extrêmes.</p>
<h2>Le macronisme de Bonaparte et du Parti radical</h2>
<p>Dans son livre <a href="https://books.google.fr/books?id=scyRDQAAQBAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0"><em>Révolution</em> (2016)</a>, Emmanuel Macron ne voit pas la Révolution française de 1789 comme une transition vers la lumière absolue succédant à l’ombre. La Révolution est un événement sociopolitique et historique ; elle n’est ni un problème, ni une solution.</p>
<p>Macron s’interroge sur les conséquences de la Révolution sur l’exercice du pouvoir. On peut dire que la Révolution fusionne une base régicide-tyrannicide et une conception de la souveraineté populaire qui existe soit dans les institutions, soit dans les mouvements sociopolitiques.</p>
<p>La Révolution induit deux effets : l’installation d’un doute permanent d’illégitimité du pouvoir et l’apparition des notions de droite et de gauche – autrement dit « la dislocation de la nation politique au moment même où l’on affirmait que son principe réside dans sa souveraineté » (<a href="http://www.la-croix.com/Debats/Chroniques/Macron-philosophie-politique-Francois-Sureau-2017-05-16-1200847478">Sureau, 2017</a>). Depuis la Révolution française, la politique intérieure, et parfois extérieure, essaye de résoudre cette équation et plusieurs mouvements ont ainsi tenté de constituer un groupe médian en excluant les extrêmes.</p>
<p>Ainsi, le Concordat napoléonien (signé avec le Pape Pie VII) apparaît comme une forme de centrisme permettant de rétablir la paix religieuse dans une France ravagée par la guerre civile après la Révolution de 1789. De leur côté, les radicaux de la III<sup>e</sup> République incarnent aussi une forme de centrisme. Ils ont réussi à « couper l’omelette aux deux bouts » en excluant les extrêmes de la gauche et de la droite. Ce faisant, ils sont les artisans d’un progrès remarquable sur le plan de l’éducation, des associations, de la séparation des Églises et de l’État…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173999/original/file-20170615-23559-9u6nlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Allégorie du Concordat de 1801.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:All%C3%A9gorie_du_Concordat_de_1801.jpg">Pierre Joseph Célestin François)/Wikimedia</a></span>
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<p>Cette Troisième République associe la droite et la gauche, – Ferry, Jaurès, Briand et, à un certain degré, l’abbé Gayraud –, mais elle exclut leurs deux extrêmes (comme de Baudry d’Asson et Maurice Allard). Ainsi, Jean Jaurès, se référant à Rabelais, explique pourquoi la France s’est « réservée » dans la Réforme protestante, mais a procédé à la séparation de l’Église (Catholique) et de l’État sans provoquer de schisme théologique avec Rome (<a href="https://books.google.fr/books/about/La_s%C3%A9paration.html?id=XAnOsShsLvQC&redir_esc=y">Briand, <em>La séparation : discussion de la loi 1904-1905</em>, 1908</a>).</p>
<p>Enfin, le macronisme prouve que rien ne change du jour au lendemain, mais qu’au fil des ans tout est en train de changer. La dernière décennie a décalé la droite et la gauche vers les extrêmes, provoquant un vide politique que Macron essaye de remplir. L’histoire de la France incarne une recherche permanente de compromis centristes. La politique française évolue sans cesse dans un processus de conflit : entre royalistes et républicains, la France établit l’Empire concordataire ; entre Versaillais et communards, elle installe la III<sup>e</sup> République ; entre le catholicisme d’État et la religion civile, elle choisit la laïcité… Entre une VI<sup>e</sup> République et une forme de populisme, la France préfère, en 2017, un néo-centrisme sous la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Ces élections législatives peuvent conduire le centrisme à la Macron soit vers un échec de type cicéronien (des arrangements difficiles et instables entre les partis, comme sous la IV<sup>e</sup> République), soit un succès à la mode « radicale » (comme la III<sup>e</sup> République), ou encore un équilibre à la Giscard d’Estaing (un équilibre des forces politiques entre giscardiens, mitterrandiens et chiraquiens permettant quelques réformes). Ou une nouvelle expérience véritablement inédite, et purement macronienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Georges Laforge ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Macron tente d’établir un centre parlementaire, une expérience inhabituelle sous la Vᵉ République, mais connue depuis Cicéron jusqu’à la IIIᵉ République, en passant par Machiavel et Bonaparte.Georges Laforge, Doctorant en Sciences Economiques (économie, politique et religion) et chargé d’enseignement à la Faculté de Droit, Sciences Economique et Gestion de Nancy et à l’Institut Supérieur d’Administration et de Management (ISAM-IAE), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/790862017-06-13T20:49:51Z2017-06-13T20:49:51ZElections 2017 : une réorganisation politique du web social ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173254/original/file-20170610-23032-dhryb5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C260%2C1019%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réseaux des tweets des français liés à la politique des 17 et 18 avril.</span> <span class="attribution"><span class="source">P. Latouche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Emmanuel Macron vient d’être élu à la présidence de la République sur un programme dont une des priorités est la recomposition de la vie politique. La période que nous traversons, entre les deux tours des législatives, est donc sujette à de fortes interrogations quant à la réorganisation à venir des partis politiques.</p>
<p>Afin d’apporter un éclairage sur ce point, nous avons étudié pendant les semaines qui ont précédé le second tour de l’élection présidentielle les mouvements et transferts entre les partis, avec un prisme particulier, celui du web social. Grâce à notre plateforme <a href="https://linkage.fr">Linkage</a>, nous avons analysé en partenariat avec l’entreprise <a href="https://linkfluence.com/fr/">Linkfluence</a> la recomposition des partis sur Twitter, suite au premier tour.</p>
<h2>Étude du web social</h2>
<p>À partir de tous les tweets des Français liés à la politique, extraits et formatés par Linkfluence, nous nous sommes concentrés sur deux périodes : 17-18 avril et 24-25 avril 2017, c’est-à-dire quelques jours avant, et juste après le premier tour de la présidentielle. La plupart des outils permettant d’analyser ce type de données perçoivent les tweets comme un ensemble de documents : ils ont donc pour objectif d’étudier le choix des mots, les thèmes de discussion majoritaires, et les sentiments relayés par ces messages de 140 signes.</p>
<p>Et pourtant, les tweets sont par nature des données plus riches que de simples documents puisqu’ils caractérisent des interactions entre des individus. Par exemple, un individu A interagit avec B s’il retweete un message de B ou s’il écrit un message faisant référence à B. Un ensemble de tweets est alors vu comme un graphe ou réseau (Figure 1, en tête de cet article). Malheureusement, les outils d’analyse de réseaux sont eux aussi limités et ne peuvent pour l’essentiel gérer que des interactions binaires (interagit ou n’interagit pas) entre les individus.</p>
<p>L’analyse des réseaux est un domaine de recherche particulièrement actif dont un des objectifs est l’extraction automatique d’informations pertinentes au regard des interactions observées entre des individus. Alors que les premiers développements ont été réalisés en sciences sociales dès les années 30, l’immense majorité des outils ont, depuis, été proposés par des physiciens et informaticiens afin de maximiser un critère bien particulier, la modularité.</p>
<p>Ce critère vise à identifier des groupes d’individus ayant plus de connexions entre eux qu’avec des individus d’autres groupes. C’est le principe de la communauté. Nous observons des communautés dans les réseaux sociaux vérifiant le principe de transitivité, c’est-à-dire : l’ami de mon ami est mon ami. Malheureusement, les réseaux en général et sociaux en particulier sont souvent construits à partir d’autres types de groupes. Il existe par exemple des individus ayant une forte influence sur les avis/comportements des autres. On parle alors de groupes d’influenceurs et d’influencés. De la même manière, nous trouvons également régulièrement des structures inversées où il existe plus de connexions entre des individus de groupes différents qu’entre des individus d’un même groupe.</p>
<p>La recherche en mathématiques, et en particulier en statistique, a fourni ces quinze dernières années plusieurs solutions permettant de pallier les limites des outils existants. Ces approches permettent en particulier d’identifier des individus organisés en communautés, mais également en d’autres types d’organisations sociales. La recherche française en statistique a largement contribué aux avancées théoriques et méthodologiques dans ce domaine.</p>
<h2>Modèle statistique</h2>
<p>Dans le cadre d’une collaboration entre les laboratoires de Mathématiques des universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris Descartes, nous avons proposé un nouveau modèle statistique et une méthode d’estimation associée permettant de réaliser une analyse conjointe d’un réseau et d’un ensemble de textes. Le réseau social à analyser n’est alors plus vu comme un objet binaire. Un individu A interagit avec un individu B sur un texte donné. L’individu A peut par exemple envoyer plusieurs emails à B. Dans ce cas, l’interaction de A vers B est caractérisée par cet ensemble d’emails.</p>
<p>Pour des données de type tweet, une interaction de A vers B rassemble tous les tweets écrits par A faisant directement ou indirectement (retweet) référence à B. L’analyse de ce réseau social permet alors d’identifier des groupes d’individus en fonction de à qui ils s’adressent et de quoi ils parlent. La méthode détermine les thèmes de discussion propres aux échanges entre les groupes. Elle permet ainsi de dire : le groupe A identifié discute beaucoup avec le groupe B, sur le sujet C identifié.</p>
<h2>Recomposition politique</h2>
<p>La méthode a ainsi été appliquée sur les deux réseaux construits à partir des tweets des 17- 18 avril et 24-25 avril. Elle a identifié cinq thèmes de discussion et dix groupes d’individus, dans les deux cas.</p>
<p></p>
<p>Pour la 1ère période (17-18 avril), quatre des thèmes trouvés correspondent aux tweets des Français à propos des principaux candidats. Il est particulièrement intéressant de constater que le cinquième thème rassemble uniquement les tweets critiquant le système politique en général. Ce thème, au cœur de la campagne, est relayé par tous les partis politiques. Un examen des comptes présents dans chacun des groupes identifiés par la méthode nous a également permis d’étiqueter chaque groupe vis-à-vis de sa tendance politique. Contrairement à tous les partis, le Parti socialiste se retrouve isolé et n’interagit pas ou peu avec le groupe central en gris sur la Figure 2, rassemblant les comptes Twitter des candidats et des principaux médias.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173255/original/file-20170610-4796-ur1rta.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 2 : représentation agrégée de la Twittosphère politique française des 17 et 18 avril. Chaque nœud caractérise un groupe et sa taille est proportionnelle au nombre d’individus qu’il contient. La couleur des flèches indique les thèmes majoritaires de discussion : Insoumis (bleu), FN (orange), Critique du système (vert), EM (rouge).</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Latouche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De manière surprenante, les poids des partis que nous avons identifiés se sont avérés proches du vote des Français (figure 3, ci-dessous). 24,1 % des comptes analysés ont ainsi été classés dans le groupe EM. Pour rappel, Emmanuel Macron a obtenu 24,01 % des voix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173256/original/file-20170610-4800-jb6nif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 3 : poids des partis politiques sur Twitter les 17 et 18 avril.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Latouche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Nous avons réalisé une analyse similaire sur la période des 24-25 avril 2017, entre les deux tours de l’élection présidentielle, afin notamment d’observer la recomposition du paysage politique sur le réseau Twitter après les résultats du 1<sup>er</sup> tour (Figure 4, ci-dessous). Deux thèmes sont associés à EM. Un est uniquement dédié à EM alors qu’un autre rassemble des discussions mentionnant à la fois EM et les Insoumis. Un thème correspond au FN et nous retrouvons deux thèmes de critique dont un de rejet du système politique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173257/original/file-20170610-5133-1bb63q4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 4 : représentation agrégée de la Twittosphère politique française des 24 et 25 avril. Chaque nœud caractérise un groupe et sa taille est proportionnelle au nombre d’individus qu’il contient. La couleur des flèches indique les thèmes majoritaires de discussion : FN (rouge), EM-Insoumis (vert), EM (bleu), Critique du système (orange), Critique (violet).</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Latouche</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme pour le premier tour, nous avons pu identifier le poids des partis sur Twitter. Les résultats bruts donnent 66 % pour EM et 34 % pour le FN. Au vu des résultats du second tour, cette estimation du poids des partis sur le web social est bien sûr troublante. Il est néanmoins important de garder à l’esprit que le web social ne peut pas être directement utilisé aujourd’hui comme source pour le sondage, tout simplement par ce qu’une grande partie de la population française n’est pas présente sur ces réseaux !</p>
<p>Fait rare, notre étude nous a permis de suivre les changements de comportement des comptes entre les deux tours. En utilisant les résultats des analyses sur les deux périodes, il nous a ainsi été possible d’estimer la recomposition du paysage politique à l’issue du 1<sup>er</sup> tour. Nous avons communiqué ces résultats avant le second tour :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"860471570220929024"}"></div></p>
<p>Il nous paraissait important de montrer que, sur le web social, les Insoumis semblaient finalement se tourner vers EM. Ainsi, sur Twitter, plus de 79 % des Insoumis identifiés ont été classés EM après le premier tour. Nous voulions également témoigner de la fracture que nous avions observée à droite. Une part importante des comptes actifs et proches de François Fillon a en effet été classée FN. Contrairement au groupe identifié à droite qui est passé à hauteur de 17 % au FN, le groupe associé à François Fillon est passé à plus de 53 % au FN. Les autres comptes de droite et issus de LR sont allés majoritairement vers EM.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En cette période de législatives, retour sur… L’analyse du web social lors de la présidentielle et ce qu’elle nous apprend sur la recomposition politique en cours.Pierre Latouche, Maître de conférences en Mathématiques Appliquées, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneCharles Bouveyron, Professeur des Universités en Mathématiques Appliquées, , Université Paris CitéDamien Marié, Ingénieur, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneGuilhem Fouetillou, Professeur associé Sciences Po Paris, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792982017-06-12T17:37:48Z2017-06-12T17:37:48ZForte dynamique présidentielle malgré la déferlante abstentionniste<p>En vertu de leurs connaissances de la sociologie électorale, la plupart des observateurs pensaient qu’Emmanuel Macron ne réussirait pas à conquérir le pouvoir, étant donné sa jeunesse et l’absence d’une force politique importante pour le soutenir. Pourtant, après avoir gagné l’élection présidentielle, il est en passe de dominer très largement les législatives, ce qui lui permettra d’appliquer sa politique.</p>
<p>Le premier tour des élections législatives amplifie les recompositions qui s’étaient déjà manifestées lors de la présidentielle, avec plusieurs résultats particulièrement saillants : un record d’abstention, un niveau élevé des candidats de La République en marche, un effondrement des socialistes et de leurs alliés, un affaiblissement des Républicains et du Front national, et enfin une France insoumise qui ne confirme pas son score de la présidentielle.</p>
<h2>Une abstention record : calendrier électoral et perte de confiance</h2>
<p>51,3 % des électeurs inscrits ne sont pas allés voter dimanche 11 juin, contre 42,8 % en 2012 – ce qui constituait le précédent record. De ce fait, il ne peut y avoir qu’une seule triangulaire dans la première circonscription de l’Aube (Troyes) alors qu’il y en avait 34 en 2012. Dans les duels, le candidat En marche sera presque toujours présent, opposé à une seule force d’opposition. Les reports de voix entre droite et extrême droite, gauche radicale et FN, mais aussi entre socialistes et France insoumise joueront évidemment fortement sur les résultats définitifs. Et ces reports de voix dépendront, en partie, de ce que vont dire cette semaine les responsables politiques.</p>
<p>Les explications de cet accroissement de 8,5 points d’abstention sont multiples. Cette progression est constante depuis la réforme de 2002 qui situe les législatives <a href="https://theconversation.com/presidentielle-pourquoi-les-tirs-au-but-devraient-etre-tires-avant-la-prolongation-76299">dans la suite immédiate de la présidentielle</a>. On est passé d’une abstention de 32 % en 1997, dernière élection détachée de la présidentielle à 51,3 % aujourd’hui. Tout se passe comme si, pour beaucoup d’électeurs, il fallait laisser le Président appliquer son programme, que l’on soit ou non d’accord avec lui. <a href="http://www.ipsos.fr/sites/default/files/doc_associe/sondage_ipsos_sopra_steria_11_juin_20h_comprendre_le_vote_des_francais.pdf">Selon un sondage Ipsos</a> réalisé à la veille du premier tour, 24 % souhaitaient clairement qu’Emmanuel Macron ait une majorité à l’Assemblée mais 28 %, sans être forcément d’accord avec lui, jugent aussi préférable qu’il dispose de la majorité.</p>
<p>C’est ce qui explique l’importance de l’abstention alors que, contrairement au second tour de la présidentielle, les <a href="https://theconversation.com/votes-blancs-le-bucher-des-voix-perdues-77413">votes blancs et nuls sont restés très faibles</a>.</p>
<p>Parmi les électeurs du premier tour de la présidentielle, 57 % des frontistes, 53 % des mélenchonistes, 43 % des hamonistes, 38 % des fillonistes et des macronistes n’ont pas voté au premier tour législatif, <a href="http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2017-06-11-1er-tour-legislatives-2017-sociologie-electorats-et-profil-abstentionnistes">toujours selon Ipsos</a>. Les électorats des forces extrêmes sont particulièrement démobilisés. Alors que les partisans de François Fillon et d’Emmanuel Macron semblent mieux résister que les autres camps à la déferlante abstentionniste. Cependant, toutes les forces politiques ont des réserves de voix pour le second tour parmi les non-votants du premier.</p>
<p>Les sondages montrent aussi que la déception à l’égard de la classe politique reste très forte. La multiplication des candidatures et l’émergence de nouvelles forces politiques – principalement La République en marche et La France insoumise – n’ont pas été suffisantes pour convaincre ces déçus de venir voter pour une entreprise nouvelle. <a href="http://www.ouest-france.fr/elections/legislatives/legislatives-les-raisons-d-une-abstention-record-5055547">Les caractéristiques sociologiques des abstentionnistes restent les mêmes</a> : l’abstention affecte toujours plus fortement les jeunes (64 % des 18-34 ans n’ont pas voté contre environ 35 % des 60 ans et plus), les électeurs issus de milieu populaire (61 % des employés et 66 % des ouvriers n’ont pas voté), avec de faibles revenus et faiblement diplômés.</p>
<h2>Le camp du Président, en forte progression</h2>
<p>Le camp du président recueille 32,3 % des suffrages exprimés – 28,2 % pour La république en marche, 4,1 % pour le MoDem –, soit 8,3 points de plus qu’au premier tour de la présidentielle. Alors que beaucoup de candidats LREM étaient des hommes neufs, peu implantés et peu connus dans leur circonscription, ils obtiennent presque partout d’excellents résultats, <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/06/12/le-premier-tour-des-legislatives-en-cartes-les-partis-qui-gagnent-les-partis-qui-perdent_5142951_4355770.html">comme le montre la carte LREM par circonscription</a>. Ce qui montre que, comme lors des législatives précédentes, en 2012, ce premier tour a fonctionné comme une confirmation de la présidentielle. Le camp du Président est moins démobilisé que les autres et il attire même de nouveaux électeurs : 21 % de l’électorat Fillon, 17 % de l’électorat Hamon, 14 % de l’électorat Mélenchon (toujours selon Ipsos). Il gagne beaucoup plus d’électeurs qu’il n’en perd.</p>
<p>Les stratégies suivies depuis le 7 mai – nomination d’un premier ministre venu de la droite, ministres choisis à gauche et à droite en fonction de leur profil « macron-compatible », annonces des premières réformes, présence sur la scène internationale – ont été payantes. 58 % des Français se déclarent satisfaits de l’action du président, satisfaction qui n’est faible que dans les électorats du Front national et de La France insoumise.</p>
<p>Une brise d’optimisme souffle pour la première fois depuis longtemps sur l’opinion publique : plus de deux tiers des Français jugent que l’action du Président aura des effets positifs sur la place de la France dans le monde, sur le poids de la France dans l’Europe, sur l’éducation, sur la compétitivité des entreprises françaises. Mais concernant le pouvoir d’achat et la réduction des inégalités, l’opinion reste plus sceptique ; environ 40 % seulement jugent qu’il y aura des effets positifs dans ce domaine.</p>
<h2>Effondrement des socialistes, affaiblissement des Républicains</h2>
<p>Alors que les socialistes, le PRG et les divers gauche totalisaient 34,4 % des exprimés au premier tour des législatives de 2012, les mêmes forces ne recueillent aujourd’hui que 9,5 %. C’est un véritable tsunami ! Le poids des personnalités bien implantées du Parti socialiste n’ont pas permis de redresser le score calamiteux de la présidentielle (6,4 % pour Benoît Hamon). Au contraire, ces personnalités sont très souvent sévèrement éjectées de la compétition finale. Les jugements très négatifs portés sur le quinquennat Hollande et la division interne entre une tendance prête à soutenir partiellement le président de la République et une autre, issue des frondeurs, regardant plutôt vers la gauche radicale, explique largement ce résultat.</p>
<p>Si le Parti socialiste, au pouvoir depuis 2012, s’effondre, victime de ses divisions, Les Républicains résistent mieux. Avec l’UDI et les divers droite, ils totalisent 21,6 % contre environ 32 % en 2012, perdant une dizaine de points. Ils font à peine mieux que François Fillon à la présidentielle (20 %). Pour eux aussi, les divisions passées entre une droite identitaire et une droite plus modérée, tout comme les divisions actuelles entre ceux qui veulent un parti moins extrême, soutenant certaines réformes portées par l’exécutif, et un parti clairement oppositionnel, expliquent la démobilisation de leur électorat et leur échec à imposer une cohabitation au Président élu ou au moins à limiter le succès des candidats LREM.</p>
<h2>Recul du Front national, repli de la France insoumise</h2>
<p>Alors que Marine Le Pen avait obtenu 21,3 % des suffrages au premier tour de la présidentielle du 23 avril dernier, les candidats du Front national n’en obtiennent que 13,2 %, contre 13,6 % en 2012. Toute la progression du FN depuis cinq ans, en lien avec les efforts de dédiabolisation menés par ce parti, semble anéantis. Là encore, les divisions internes concernant la future ligne politique du parti, ses positions sur l’euro et sur l’Europe, ont probablement joué, conduisant beaucoup de frontistes à s’abstenir.</p>
<p>L’entreprise lancée par Jean‑Luc Mélenchon en 2017 avait bénéficié du désaveu socialiste à la présidentielle et d’un vote utile d’électeurs de gauche. Le tribun de la France insoumise, qui atteignait 19,6 % des suffrages au premier tour présidentiel, est en repli puisque ses candidats ne totalisent que 11 %, auxquels on peut ajouter 2,7 % d’électeurs communistes. La stratégie adoptée d’isolement et de rejet d’une alliance avec les communistes expliquent, en partie, ce score. Il faut y ajouter la faible notoriété d’une partie importante des candidats présentés. En même temps, par rapport à 2012, les partisans de la gauche radicale sont en progression (le Front de gauche, PCF compris, y obtenait 6,9 %) et tendent, comme ils le voulaient, à dominer la gauche modérée.</p>
<h2>Deux scénarios possibles</h2>
<p>Au terme de ce premier tour législatif, le paysage politique est très différent de celui qu’on observait au soir du premier tour présidentiel. Au lieu de quatre forces politiques presque égales, entre 20 et 24 % des suffrages, on a une force dominante au centre, une famille conséquente mais affaiblie à droite, une extrême droite stoppée dans sa progression, une gauche divisée et qui n’a jamais été aussi faible. Avec la moitié des électeurs restés dans l’expectative.</p>
<p>Deux scénarios peuvent être anticipés pour le 18 juin. On peut supposer que le second tour confirmera le premier et donnera une très large majorité au Président, du fait du mode de scrutin majoritaire. Mais on peut aussi imaginer une atténuation de la dynamique présidentielle, les oppositions réussissant à sauver un peu plus de sièges que prévu.</p>
<p>La semaine en cours et le tour décisif de dimanche prochain peuvent encore réserver quelques surprises, au terme d’une très longue séquence électorale qui aura bouleversé le système partisan français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout se passe comme si, pour beaucoup d’électeurs, il fallait laisser le Président appliquer son programme, que l’on soit ou non d’accord avec lui.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792862017-06-12T15:12:43Z2017-06-12T15:12:43ZLa proportionnelle, dernière étape de la stratégie d’Emmanuel Macron ?<p>La « recomposition politique » conduite par Emmanuel Macron va trouver avec des futures législatives à la proportionnelle et la réduction du nombre de députés son troisième temps, celui d’une valse politique qui aura emporté tout un système partisan. Après la campagne présidentielle d’En marche faite « à droite et à gauche », après la nomination du républicain Édouard Philippe au poste de premier ministre, voici donc la <a href="http://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/video-legislatives-la-proportionnelle-est-un-debat-qui-va-s-ouvrir-assure-benjamin-griveaux_2233171.html">réforme institutionnelle</a>.</p>
<p>N’est-ce pas un paradoxe d’introduire une réforme qui promet de lui donner moins de voix ? En réalité, nul sacrifice ici. Certes, si ces législatives avaient eu lieu <a href="http://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-a-quoi-ressemblerait-l-assemblee-nationale-si-elle-etait-designee-a-la-proportionnelle_2233093.html">à la proportionnelle intégrale</a>, la République en marche ! n’aurait obtenu que 185 sièges, Les Républicains et l’UDI 124 sièges, le Front national 80 sièges, la France insoumise 63 sièges, le Parti socialiste et ses alliés 58 sièges, le Parti communiste 18 sièges, EELV 19 sièges, Debout la France 5 sièges, l’extrême-gauche 5 sièges. Mais demain, lorsque le bilan du président Macron sera jugé, qu’en sera-t-il ? Les mouvements de balancier propres au scrutin majoritaire ne risquent-ils pas de laminer ses listes ? C’est pourquoi l’initiative vise à stabiliser l’offre électorale issue du scrutin des 23 avril et 7 mai derniers. Elle doit se lire comme une stratégie délibérée de rebâtir l’échiquier partisan né au début des années 1980. Ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir ?</p>
<h2>Favoriser un nouvel échiquier partisan</h2>
<p>L’enjeu de ce nouveau coup politique est d’achever le réalignement et donc de solder définitivement l’ancien ordonnancement des partis. La réforme annoncée va notamment finir de détacher la partie humaniste, européenne et libérale du parti des Républicains de son socle conservateur. Une condition impérative pour unifier, ces cinq prochaines années, une majorité parlementaire favorable à l’action du gouvernement.</p>
<p>Cette majorité a pour fonction de marginaliser l’opposition des anciens partis de gouvernement. Elle doit aussi dessiner un arc de soutien allant des « progressistes » de l’ancien PS au centre droit. Une stratégie qui vise clairement à remplacer la bipolarisation droite-gauche par un regroupement <em>pro</em> versus <em>anti</em>-Europe.</p>
<p>Ce nouveau clivage n’est guère compatible avec le scrutin majoritaire à deux tours. D’où l’entorse faite à l’<a href="http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2001-4-page-101.htm">orthodoxie de la Vᵉ République</a>. Celle-ci n’avait connu de proportionnelle que lors du scrutin législatif de 1986. Désormais, le temps de la reforme est venu.</p>
<p>Du fait de l’attente de renouvellement qu’expriment les Français, en raison aussi de la « déprise » électorale des partis qui ont alterné au pouvoir depuis trente-cinq ans. Hier capables de réunir jusqu’90 % des suffrages exprimés (ce fut le cas en juin 1981), ces derniers ne mobilisent plus qu’un Français sur quatre au premier tour des législatives du 11 juin 2017. C’est dans ce cadre que le Président Macron a lancé son offensive.</p>
<h2>Des précédents… sans lendemain</h2>
<p>Emmanuel Macron n’est pas le premier à annoncer une réforme du mode de scrutin lors de sa campagne présidentielle. <a href="http://www.lepoint.fr/politique/francois-hollande-renonce-a-la-proportionnelle-17-12-2015-2003312_20.php">Son prédécesseur</a> s’était, lui aussi, engagé en faveur d’une part de proportionnelle. Quant à Nicolas Sarkozy, il l’avait envisagée publiquement. Sauf que l’un comme l’autre avait dû y renoncer.</p>
<p>En 2017, tout plaide pour que la réforme soit bel et bien mise en œuvre. La France n’est-elle pas, après le départ du Royaume-Uni à la suite du Brexit, le dernier pays de l’UE, à résister <a href="http://www.revuepolitique.fr/la-proportionnelle-majoritaire-en-europe/">aux sirènes de la proportionnelle pour ses législatives</a> ? Beaucoup ajoutent que ce serait la meilleure manière de combattre l’abstention ou la montée des bulletins blancs et nuls.</p>
<p>Même la lutte contre les illégalismes s’en revendique : « proportionnaliser » le scrutin, c’est le rapprocher de celui des députés européens. Et, partant, limiter la tentation pour les partis mal représentés au palais Bourbon de détourner les moyens qu’offre Bruxelles en matière de travail parlementaire. Arguments en trompe-l’œil.</p>
<p>La réalité, c’est que le changement de mode de scrutin sert d’abord les vues du nouveau locataire de l’Élysée. En atomisant les formations traditionnelles, Emmanuel Macron peut faire de La République en marche ! l’axe central et durable de la vie politique. Reste à fixer les modalités du scrutin proportionnel.</p>
<h2>Les enjeux du débat à venir</h2>
<p>La réforme qui s’annonce donnera lieu, à n’en pas douter, à des litanies sur les vertus propres de chaque mode de scrutin : « justice », « moralité », « équité », « transparence », « stabilité »… L’objectif n’est, pourtant, que d’organiser un traitement comptable des voix exprimées, un traitement dont puisse tirer bénéfice le ou les partis appelé(s) à gouverner. Cette plus-value n’est donc pas morale mais politique. Elle consiste en une série d’avantages en matière de décompte des voix et de conversion en sièges. N’ayant jamais été constitutionnalisé, le mode de scrutin est en France un enjeu… du jeu politique lui-même. Rien d’étonnant à ce qu’il ait tant changé : <a href="https://ateliers.revues.org/8525">neuf fois entre 1871 et 1986</a>, soit en moyenne une fois tous les treize ans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173328/original/file-20170612-10202-1wp4wpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand en meeting à Caen en avril 1981. Il introduisit un dose de proportionnelle pour les législatives de 1986.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Meeting_Fran%C3%A7ois_MITTERRAND_Caen_1981.jpg">Jacques Paillette/Wikimédias</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Annoncée par le Président Mitterrand en janvier 1985 (il s’agissait d’« instiller une dose de proportionnelle »), la dernière réforme en date devait mettre un terme aux injustices des circonscriptions découpées en 1958. Dans les faits, c’est surtout le refus communiste d’appliquer le système d’alliances traditionnel (la « discipline républicaine »), manifeste lors des cantonales de mars 1985, qui menaçait le chef de l’État. C’est pourquoi la décision fut prise d’introduire le scrutin proportionnel de liste départementale, sans panachage, ni vote préférentiel.</p>
<p>Reste que si la réforme électorale a offert des chances de sièges aux grands comme aux petits partis (voire aux courants de chaque structure partisane encouragés à courir, tels les mouvements barriste et rocardien, sous leur propre drapeau), elle n’a nullement supprimé les inégalités de représentation. Tout juste, les a-t-elle redistribués selon d’autres critères.</p>
<p>Le ratio qui mesure la prise en compte parlementaire des voix ( % des sièges sur % des voix) le fait voir clairement : le RPR et l’UDF ont été crédités en 1986 de 291 sièges (soit la majorité plus deux) pour un total de 45 % des voix exprimées. <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/12/21/vous-reprendrez-bien-une-dose-de-proportionnelle_1536320">De façon générale</a>, les partis de gouvernement (PS-RPR-UDF) ont obtenu lors de ce scrutin 84 % des sièges pour 72 % des voix. En revanche, les organisations comme le PCF, le FN, les divers-droites et l’extrême-gauche ont été largement défavorisés mais dans une moindre mesure qu’avec le scrutin majoritaire.</p>
<h2>Trois leçons sur la proportionnelle</h2>
<p>L’effet de la proportionnelle apparaît clair sur au moins trois points.</p>
<ul>
<li><p>Premier élément : lorsqu’il est appliqué à des circonscriptions réduites comme un département, ce mode de scrutin conserve une logique majoritaire. La raison en est simple : plus le nombre de sièges par circonscription s’avère faible, moins sa capacité distributive peut se déployer. À l’inverse, s’il est mis en œuvre à l’échelle des grandes régions ou – mieux – sur le plan national, ce mode de scrutin favorise les petits partis. Sauf si le nombre de sièges est réduit ou si un seuil est établi pour être admis à la représentation. En Israël, le seuil est de 1,5 %, alors qu’en Allemagne, il est de 5 %.</p></li>
<li><p>Deuxième élément : en cassant toute dimension bipolaire, la proportionnelle redistribue les cartes en matière d’alliances entre partis. Elle permet, selon les formules, des majorités à géométrie variable dont l’ampleur dépendra directement de l’indice de proportionnalité qui aura été aménagé. Un schéma qui peut être contrebalancé par une prime accordée à la liste arrivée en tête.</p></li>
<li><p>Dernier élément : les <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RFHIP_038_0367">contraintes pesant sur la structure partisane</a>. L’incitation au regroupement ne varie pas seulement entre les partis mais à l’intérieur de chacun d’entre eux. Il incite alors certains courants à tenter leur chance sous leurs propres couleurs. Ce qui multiplierait le nombre de partis et fragmenterait un peu plus l’expression des sensibilités politiques.</p></li>
</ul>
<p>On le devine : si le scrutin uninominal majoritaire à un tour sanctionne l’état de concentration maximale, la représentation proportionnelle nationale, sans nombre de sièges fixé a priori, sans seuil ni restes mais avec des listes pouvant être panachées, occasionne la dispersion la plus forte. Plus on se rapproche de ces modèles extrêmes, plus les polarités s’inversent.</p>
<p>En tout cas, soyons-en sûr : c’est à partir de ces règles de base que les experts du Président vont concocter leur formule de proportionnelle pour les prochaines législatives. Rappelons-leur alors qu’en matière de réforme de mode de scrutin, rien n’est jamais sûr. L’histoire électorale apprend surtout à être prudent.</p>
<h2>Les enseignements de l’histoire</h2>
<p>Il n’est en effet que de se pencher sur le sort des précédentes réformes pour en être définitivement assuré. Les intentions initiales ont presque toujours été contredites. Qu’il suffise de rappeler les élections de février 1871 (scrutin de liste multiple dans le cadre départemental). Au lieu de favoriser les formations déjà bien organisées de la gauche républicaine, elles ont amené au pouvoir une majorité monarchiste. Celle-ci, soucieuse de pérenniser l’avantage acquis, décida contre toute attente de revenir au scrutin uninominal cher au Second Empire, pensant asseoir son autorité sur les notabilités conservatrices. C’est en réalité les candidats républicains qui allaient en profiter. À leur tour, les républicains voulurent consolider leur audience dans le pays. Mais le scrutin de liste départementale de 1885 allait encore leur faire faux-bond : il conforta les positions monarchistes et bonapartistes.</p>
<p>Nouvelle déconvenue en 1919, avec un scrutin de liste départementale qui intégrait un élément plus net de proportionnelle : ses initiateurs socialistes et radicaux en furent les premières victimes. En août 1945, le Général de Gaulle, pour combattre le localisme de la République défunte, institua la représentation proportionnelle. Six mois plus tard, il devait quitter le pouvoir, poussé hors de l’arène politique par le « régime des partis », celui-là même qu’il avait contribué à remettre en selle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173333/original/file-20170612-10232-tjfdnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le General de Gaulle lors d’un déplacement dans la Marne en 1963.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:General_charles_de_gaulle_visite_isles_sur_suippe_1963.jpg">Gnotype/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revenant aux affaires en 1958, il prit cette fois fait et cause pour le scrutin uninominal à deux tours, espérant consolider l’influence des notables de la droite modérée. Au lieu de cela, la machine gaulliste allait se construire comme une organisation dépendant plus des ressources gouvernementales que de ses assises locales. C’est le temps de la république des fonctionnaires, non plus celui des grands notables. Des résultats qui devraient inviter à la modestie. <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RFHIP_038_0367">L’histoire est une école de la sagesse.</a></p>
<p>D’autant que le raz-de-marée attendu pour le soir du 18 juin 2017 risque fort de laisser l’assemblée orpheline de pluralisme et de débats. Or, on le sait, ce type de situation a toujours encouragé l’expression directe de la rue. Lorsque le territoire de l’action politique ne peut plus être l’hémicycle, c’est le répertoire même de la démocratie qui change. Et du tout au tout.</p>
<hr>
<p><em>Dernier ouvrage paru : « Une histoire de la représentation », Paris, éd. du Croquant, 2016.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Ihl ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En atomisant les formations traditionnelles, Emmanuel Macron peut faire de La République en marche ! un axe central et durable de la vie politique, et rebâtir ainsi durablement l’échiquier partisan.Olivier Ihl, Professeur de sociologie historique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/785692017-06-08T20:42:04Z2017-06-08T20:42:04ZEn France, quelles dynamiques pour les élections législatives ?<p>Le sens des élections législatives a évolué au fil du temps. Jusqu’en 1962, elles constituaient l’élection reine du système politique français, dont découlait le pouvoir exécutif. Elles sont concurrencées depuis 1965 par l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, chacune de ces élections ayant son autonomie et son calendrier, tous les sept ans pour la présidentielle, tous les cinq ans pour les législatives.</p>
<p>Jusqu’en 1981, cette concurrence n’avait pas donné lieu à des cohabitations : chacune de ces élections amenait au pouvoir le même camp politique. Mais l’expérience de trois cohabitations (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002) a conduit à chercher à les faire disparaître. Dans ce but, le mandat présidentiel a été réduit à cinq ans et le calendrier électoral a été agencé pour que les législatives viennent cinq ou six semaines après la présidentielle. C’est le cas depuis 2002. Avec ce calendrier, le président a de fortes chances d’avoir une majorité parlementaire, dans la dynamique de la première élection qui porte le camp du Président, presque toujours issu d’un grand parti de gouvernement.</p>
<p>Son électorat est mobilisé alors que ceux des oppositions, sous le coup de la défaite présidentielle, ressassent leur échec et règlent des comptes à l’intérieur de leur camp. Certains électeurs, modérément opposés au nouveau président, estiment néanmoins que l’élection fondamentale a eu lieu et qu’il faut laisser le président mettre en œuvre son programme.</p>
<p>Dès lors, les législatives ne semblent plus fonctionner que comme des élections de confirmation ; elles perdent pour beaucoup de citoyens une partie de leur intérêt – ce qui explique largement la montée des abstentions à ces élections : de 32 % au premier tour de 1997 à 42,8 % à celui de 2012.</p>
<h2>Le poids des enjeux locaux et des personnalités</h2>
<p>Les législatives des 11 et 18 juin 2017 vont-elles connaître l’habituel effet de dynamique présidentielle ? On pourrait en douter, a priori, parce que, pour la première fois depuis les réformes institutionnelles de 2002, le Président élu n’est pas soutenu par un grand parti de gouvernement mais par une force nouvelle, encore en construction.</p>
<p>Les élections législatives sont organisées dans le cadre de 577 circonscriptions. Du fait de l’évolution de sens de ces élections vers des élections de confirmation, la campagne nationale est réduite, il n’y pas de grand débat télévisé, les médias nationaux parlent actuellement surtout de possibles affaires visant un nouveau ministre, des divisions des partis de gouvernement traditionnels et d’une possible recomposition politique, mais peu des programmes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IJDSYCwuido?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les législatives dépendent désormais beaucoup des enjeux locaux et du poids des personnalités en compétition dans chaque lieu. Des candidats dits de la société civile risquent souvent de ne pas être assez connus pour attirer les électeurs, sauf si la dynamique nationale présidentielle se révèle la plus forte.</p>
<p>Le nouveau Président aura-t-il une majorité parlementaire stable ? Ou le Président et le premier ministre devront-ils la trouver sur chaque projet avec une dose de compréhension de la part d’oppositions constructives ou de soutiens critiques ? Ou encore aurons-nous une cohabitation ? C’est tout l’enjeu de ces élections, très ouvertes.</p>
<h2>La résistible féminisation des candidatures</h2>
<p>Avec 7 882 candidats, presque autant qu’en 2002 (avec un chiffre record de 8 444 prétendants), il y aura 13,7 candidats par circonscription : 911 écologistes, 664 extrême gauche, 571 FN, 567 divers droite, 556 France insoumise, 480 Républicains, 461 LREM et 461 PCF, 388 Debout la France, 374 divers gauche, 182 extrême droite, 149 Régionalistes, 148 UDI, 76 Modem, 62 PRG.</p>
<p>La division de certaines familles politiques en plusieurs tendances conduit à multiplier les candidatures. C’est particulièrement le cas pour les écologistes et l’extrême gauche, familles très divisées mais nourries par un dynamisme militant prêt à s’investir dans des campagnes électorales.</p>
<p>L’afflux de vocations politiques en 2017 est dû pour partie au renouvellement du système partisan, avec des partis et des candidats nouveaux critiquant le « vieux monde ». Jouent aussi les règles sur le financement public de la vie politique. Reçoivent des subsides pour financer leur fonctionnement tous les partis qui ont obtenu au moins 1 % des suffrages dans 50 circonscriptions. Ce seuil bas favorise la présentation de nombreux candidats.</p>
<p>Ces derniers sont à 42 % des femmes, contre 39 % en 2002, 41,6 % en 2007, 40 % en 2012. La féminisation des candidatures ne progresse pratiquement pas. Le PS et Les Républicains ont un taux de féminisation assez faible – comparé à celui des petits partis ou de LREM – parce qu’ils ont de nombreux députés sortants – souvent des hommes – et qu’il est toujours difficile de ne pas réinvestir un sortant bien implanté. Rappelons aussi que les femmes étant jusque-là souvent investies dans les circonscriptions difficiles à gagner pour leur parti, elles sont très sous-représentées à l’assemblée : il n’y avait que 27 % de femmes dans l’Assemblée élue en 2012.</p>
<h2>Une dynamique présidentielle en marche</h2>
<p>Pour l’instant, une dynamique présidentielle semble se manifester depuis le 7 mai :</p>
<ul>
<li><p>Emmanuel Macron a nommé un premier ministre issu de la droite, ce qui contribue à la diviser ;</p></li>
<li><p>la gauche est complètement éclatée ;</p></li>
<li><p>les <a href="http://www.ouest-france.fr/elections/legislatives/sondage-legislatives-la-republique-en-marche-recule-mais-reste-en-tete-5043044">sondages indiquent cette dynamique</a> : les intentions de vote législatif en faveur de La République en marche sont en progression depuis le 7 mai. Aujourd’hui, les instituts enregistrent en sa faveur environ 29-31 % des intentions pour le 1<sup>er</sup> tour, beaucoup plus que pour les autres partis : LR/UDI autour de 20-23, FN autour de 17-19 %, France insoumise à 12-15 et PS/EELV à 9-12 %. Une telle répartition des suffrages peut donner une majorité absolue de députés LREM comme l’annoncent certains instituts de sondage, mais tout reste ouvert.</p></li>
</ul>
<p>Notons encore que les premiers sondages faits en mai 2017 ont été réalisés sans connaître les noms des candidats dans chaque circonscription. On peut depuis le début de la campagne officielle poser une question plus précise d’intention de vote, avec non seulement la liste nationale des partis mais aussi celle des candidats de la circonscription. Cela ne semble pas avoir beaucoup fait varier les sondages, indiquant une tendance à voter davantage selon la ligne politique des candidats que de leur notoriété ou personnalité.</p>
<p>Au moment du second tour de la présidentielle, <a href="http://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-61-des-francais-ne-souhaitent-pas-qu-emmanuel-macron-dispose-d-une-majorite-absolue-a-l-assemblee-selon-un-sondage-ipsos-sopra-steria_2180021.html">61 % disaient ne pas souhaiter que le Président dispose d’une majorité absolue de députés</a> à l’issue des législatives. Ce qui signifie que les Français étaient nombreux à ne pas vouloir donner au même homme tous les pouvoirs. Cela ne présageait pas du vote des individus qui peuvent à la fois ne pas vouloir une majorité absolue pour le Président et voter pour un candidat de La République en marche.</p>
<h2>Des suffrages exprimés au résultat en sièges, une alchimie très difficile à prévoir</h2>
<p>Si les intentions de vote sont mesurables, le résultat en sièges qui concerne l’essentiel – la composition politique de l’Assemblée – reste très imprévisible car la plupart des sièges sont attribués au second tour. Pour se maintenir, il faut avoir obtenu au moins 12,5 % des inscrits, soit souvent plus de 20 % des suffrages exprimés, du fait d’abstention très haute ces dernières années. D’où l’importance de la participation électorale. Si celle-ci est très forte le 11 juin, il pourra y avoir davantage de triangulaires, voire quelques quadrangulaires au second tour.</p>
<p>Pour 2017, on ne sait pas très bien si les législatives seront, ou non, mobilisatrices. Dans les sondages, l’intérêt pour les législatives semble décliner depuis le 7 mai (selon le <a href="http://opinionlab.opinion-way.com/opinionlab/850/645/legitrack.html">sondage légitrack d’Opinionway</a>). Tout se passe comme si la fièvre présidentielle retombait alors que la campagne législative se déroule de plus en plus dans les circonscriptions.</p>
<p>Outre la possibilité ou non de se maintenir au tour décisif, le résultat final dépendra beaucoup des reports de voix entre forces politiques, du fait de l’atomisation du corps électoral. Notre mode de scrutin majoritaire à deux tours favorise non seulement la ou les forces politiques les plus importantes mais aussi celles qui bénéficient d’accords de désistement. L’isolement du FN et de La France insoumise limitera beaucoup le nombre de députés que ces deux forces pourront faire élire.</p>
<h2>Renouvellement à tous les étages</h2>
<p>On doit s’attendre à beaucoup de renouvellement dans l’assemblée puisqu’environ 215 députés sortants ne se représentent pas, pour des motifs variés :</p>
<ul>
<li><p>certains se sentent trop vieux et/ou pensent avoir fait trop de mandats successifs ;</p></li>
<li><p>d’autres sont atteints par la loi sur le non-cumul ;</p></li>
<li><p>d’autres encore, bien que jeunes, se disent déçus par leur mandat ;</p></li>
<li><p>enfin, certains jugent qu’ils n’ont que peu de chances d’être réélus dans la conjoncture du moment.</p></li>
</ul>
<p>Les sortants qui sont obligés d’abandonner un mandat en raison de la nouvelle loi sur le non-cumul – elle interdit d’être député et en même temps maire, adjoint au maire, président ou vice-président d’une intercommunalité, d’un département ou d’une région – renoncent souvent à leur mandat de député au profit de celui de maire ou de responsable d’exécutif, jugés plus intéressants et gratifiants.</p>
<h2>La politique du gouvernement et ses effets électoraux</h2>
<p>Normalement, pendant le mois de gouvernement « intérimaire » – après la présidentielle et avant l’élection de l’Assemblée –, le pouvoir met en avant dans les médias des thématiques qui peuvent rapporter des voix. C’est le cas d’une <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/01/loi-bayrou-ce-que-contiennent-les-textes-pour-la-moralisation-d_a_22121092/">loi sur la moralisation de la vie politique</a>, c’est aussi le cas avec une préparation de la rentrée scolaire avec des classes de CP et CE1 à 12 dans les zones difficiles.</p>
<p>Le Président a aussi utilisé au service de sa communication politique et de la campagne législative ses interventions diplomatiques : il a cherché à montrer son activisme sur tous les grands dossiers internationaux pour conforter son image de leader mondial, doté d’une autorité forte dans le concert des nations, qu’il s’agisse de la construction européenne, des relations avec les États-Unis et la Russie, ou de l’<a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/macron-trump-nous-ne-negocierons-pas-un-accord-moins-ambitieux-accord-de-paris-7788804284">accord de Paris sur le climat</a>.</p>
<p>Par contre, le lancement des escarmouches <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/la-procedure-legislative">sur une ordonnance</a> de dérégulation du contrat de travail est à haut risque. De même qu’une augmentation annoncée de 1,7 point de CSG (sauf pour les petits revenus) pour diminuer les cotisations sociales sur les emplois.</p>
<p>Rappelons le précédent de l’entre-deux-tours législatif de 2007 où le premier ministre, François Fillon, et son ministre de l’Économie, Jean‑Louis Borloo, laissaient entendre que le gouvernement pourrait augmenter la TVA (François Fillon évoquait même une augmentation de 5 points) pour faire baisser les charges sociales qui pèsent sur les emplois. La droite avait quand même gagné la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_l%C3%A9gislatives_fran%C3%A7aises_de_2007">majorité absolue</a>, mais celle-ci ne fut pas aussi forte qu’espéré au soir du premier tour.</p>
<p>Une dynamique présidentielle semble donc se manifester actuellement et pouvoir déboucher sur une majorité – absolue ou relative – pour gouverner. Mais beaucoup d’éléments peuvent encore intervenir, susceptibles de modifier le résultat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2002, les législatives suivent la présidentielle de quelques semaines. Dans ce contexte, le président a en effet de fortes chances d’avoir une majorité parlementaire.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/785592017-05-31T21:02:09Z2017-05-31T21:02:09ZComment photographier un président « jupitérien » ?<p>La confection de l’image officielle d’Emmanuel Macron est maintenant lancée. Dans quelques jours, le vingt-cinquième président de la République aura son portrait. Un cliché de 50 X 65 cm qui ne dira rien sur l’homme lui-même. Un cliché qui fera même oublier le candidat d’En marche. Mais un cliché qui, en s’offrant au regard dans les mairies, commissariats, préfectures, ambassades, devra désormais solenniser une <a href="http://www.academia.edu/5307890/Les_effigies_de_la_souverainet%C3%A9._Du_roi_au_pr%C3%A9sident">figure d’État</a>. Et de fait, l’affiche officielle sera tirée à plus de 55 000 exemplaires. Elle fixera pour cinq ans l’image du « président jupitérien », celle que les cérémonies s’évertuent à composer depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Élysée.</p>
<p>Retrouvailles du vainqueur avec ses électeurs, célébration du 8 mai, cérémonie d’investiture, réception diplomatique : les premières mises en scène le font entrevoir. Une majesté bien singulière est revendiquée par le locataire de l’<a href="http://www.elysee.fr/videos/ceremonie-d-investiture">Élysée</a>. François Hollande avait confié à Raymond Depardon, le photographe des gens simples, le soin de <a href="http://www.liberation.fr/france/2012/06/04/des-portraitistes-jugent-la-photo-officielle-de-hollande_823527">dresser son portrait</a>. En arrière-plan, la façade du Palais sur laquelle flottaient les drapeaux français et européen. Un cliché de format carré censé banaliser les mystères propres aux « sommets de l’État ». De la Cour Napoléon du Louvre au château de Versailles, de l’Arc de triomphe aux jardins de l’Élysée, Emmanuel Macron mobilise une toute autre culture visuelle pour « faire président »</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171574/original/file-20170531-25664-53hb0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait officiel de François Hollande par Raymond Depardon (2012).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.europe1.fr/politique/portrait-de-hollande-une-fausse-simplicite-1113713">Élysée</a></span>
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</figure>
<h2>Une déférence d’État</h2>
<p>« Enfin » : c’est le mot qu’ajoutent généralement les commentateurs en décrivant les rituels qui, ces dernières semaines, ont transmué le candidat en chef des armées et tête de l’exécutif. Expression à peine voilée d’un soulagement qui, après les critiques sur les années Hollande, <a href="https://actu.fr/politique/paroles-delecteurs-antoinette-espere-president-sera-enfin-respecte-respectable_828605.html">encourage à décrire le « style »</a> du nouveau Président. Le qualificatif de « jupitérien » a été avancé en octobre dernier. Une formule répétée depuis à l’envi. Comme si, par quelques postures, le chef de l’État avait déjà réussi à se démarquer de ses deux prédécesseurs. Restaurer l’esprit originel de la V<sup>e</sup> République, trouver de la verticalité, nourrir une certaine distance à l’égard des médias ou l’activité quotidienne du gouvernement : telles seraient les caractéristiques de la manière dont <a href="http://www.bfmtv.com/politique/ce-que-signifie-le-president-jupiterien-que-souhaite-incarner-macron-1166014.html">Emmanuel Macron incorpore ses nouvelles fonctions</a>.</p>
<p>« L’hyper présidence » de Nicolas Sarkozy tout autant que « la présidence normale » de François Hollande furent deux façons décriées d’habiter la magistrature suprême. Certains vont même jusqu’à affirmer qu’elles auraient provoqué l’affaiblissement de notre démocratie et contribué <a href="http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Les-annees-Hollande-autopsie-de-l-echec-1049848">à une détérioration de l’image</a> de la France dans le monde. Pourtant, ces manières de faire avaient été acclamées en leur temps. Et la photographie officielle de chacun de ces chefs d’État saluée en tant quel telle. Illusion d’optique ? En tout cas, la question se pose : qu’en sera-t-il demain avec la figure, et donc la fiction, qu’incarne Emmanuel Macron ?</p>
<p>On ne peut qu’en appeler à la prudence. Il faut se garder d’associer un style de conduite à des choix esthétiques ou symboliques. Cela n’est pas suffisant pour comprendre ce qui fait un Président. Les gestes et les rites qu’il accomplit ne relèvent pas seulement de l’ornement ou la de communication. Faire bonne figure pour un Président, c’est bien autre chose. C’est rendre visible, dans le cadre d’un protocole établi, un fonctionnement cohérent de l’État. Une représentation qui peut même devenir grandeur si son tenant lieu incarne une forme d’exemplarité. C’est tout l’enjeu de l’autorité de la pose que fixe chaque photographe. Elle n’est véritablement efficace qu’en parvenant à instituer une <a href="http://www.academia.edu/5307907/Deux_figures_de_l_universel._La_R%C3%A9publique_et_le_sacr%C3%A9.">relation de respect entre les Français et l’État</a>.</p>
<h2>Le portrait à venir</h2>
<p>La photographie officielle du nouveau Président parviendra-t-elle à remplir cet objectif ? Le défi n’est pas mince. Louis XIV déjà le répétait : « La nation ne fait pas corps en France ». C’est pourquoi il ajoutait qu’elle réside « toute entière dans la personne du roi ». Mais qu’en est-il sous la V<sup>e</sup> République ? Sous ce régime, le Parlement peine à disputer au Président une telle prérogative. Car le chef de l’État, élu au suffrage universel direct, « tient lieu » de tête de la nation. Une présence substituée qui évidemment n’est pas sans péril. L’histoire l’a montré. Donner un visage au peuple proclamé souverain, c’est prendre le risque de trop personnaliser le pouvoir. Avec pour effet d’élever des monuments à l’orgueil ou de céder aux <a href="http://www.liberation.fr/france/2015/09/24/la-democratie-n-a-pas-besoin-du-cesarisme_1390137">courtisaneries comme aux préjugés</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171575/original/file-20170531-25684-og2l3a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portraits officiels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurence Houor-Remy</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’où la méfiance d’un Léon Gambetta lors de son discours d’Albertville, le 25 septembre 1872 :</p>
<blockquote>
<p>« La République n’a pas besoin d’un homme ; elle peut et doit savoir s’en passer. La République a besoin de tous et de chacun (…). C’est précisément l’honneur de la République, en face de tous les autres régimes, en face de toutes les autres combinaisons de gouvernement, de pouvoir se passer d’un homme et d’une famille. »</p>
</blockquote>
<p>En république, la souveraineté a toujours un visage mais il est <a href="http://culturebox.francetvinfo.fr/arts/photo/tous-les-portraits-officiels-des-presidents-depuis-le-general-de-gaulle-100207">allégorique</a>. C’est celui d’un fondé de pouvoir qui doit mettre en majesté la seule volonté de la nation. La photographie officielle du chef de l’État en livre une représentation codifiée. Avec pour seul « sceptre » la rosette de grand-croix de la Légion d’honneur.</p>
<p>D’autres agencements sont névralgiques. Parc de l’Élysée ou bibliothèque ? Cadrage de trois-quarts ou plan rapproché ? Lumière de plein air ou d’intérieur ? Drapeau uniquement tricolore ou associé à celui de l’Union européenne ? Regard direct ou hors-champ ? C’est à ces questions que devra répondre le cahier des charges propre de ce nouveau cliché. On parle de <a href="http://www.soazigdelamoissonniere.com/">Soazig de la Moissonnière</a>, la photographe du candidat de la campagne d’En Marche, pour le mettre en œuvre. Mais l’expectative demeure quant aux règles de composition qui seront finalement retenues.</p>
<h2>Restaurer ou renouveler ?</h2>
<p>Chaque Président s’est efforcé d’« habiter » ce cliché officiel. À sa manière et selon son époque. Adolphe Thiers l’a fait, au début des années 1870, en grande tenue de la Légion d’honneur et la main sur un substitut de sceptre ; Mac Mahon, son successeur, en renouant avec la tradition du buste militaire, avec épaulette et plastron recouvert de médailles ; Jules Grévy, le premier Président républicain, en demandant à Pierre Petit, photographe de l’épiscopat, un portrait austère : en redingote de bure, sans décorum ni grand-cordon ; Sadi-Carnot en renouant avec le plan rapproché et une symbolique républicanisée de la Légion d’honneur.</p>
<p>Sous la V<sup>e</sup> République, de Gaulle a imposé, lui, l’image du secret et du sacré, la main sur trois livres. Un modèle qui s’appuyait sur l’aura de l’appel du 18 juin. D’où le port ostensible du collier de l’ordre de la Libération et la tenue d’officier général. Georges Pompidou s’est drapé, de son côté, de l’écharpe de soie rouge moirée du Grand Maître de l’ordre de la Légion d’honneur. Un insigne depuis tombé en désuétude.</p>
<p>De quelle importance – et surtout de quelle nature – seront les ruptures de la scénographie macronienne ? Impossible, bien sûr, de renouer avec la majesté de l’âge classique, celle qu’affectionnait François Mitterrand, le premier président à s’asseoir devant l’objectif. ll avait demandé à Giselle Freund, la photographe des grands écrivains des années 1930, de le saisir surpris dans sa lecture des essais de Montaigne. 1974 : Giscard d’Estaing créa un autre coup de force visuel. Âgé de 48 ans, il voulait symboliser la « jeunesse » et la « réforme ». Aussi abandonna-t-il le frac pour le complet veston et le traditionnel papillon blanc pour une cravate. L’opérateur fut Jacques-Henri Lartigue, le photographe de la bourgeoisie de la Belle Époque. D’où l’usage du plein air, avec un cadre horizontal resserré sur un visage, alerte et décidé, le tout se découpant sur la couleur blanche du drapeau national.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171578/original/file-20170531-25656-jrswh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Président Giscard d’Estaing en 1974 par Jacques-Henri Lartigue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/search?q=photo+Elys%C3%A9e@Jacques-Henri+Lartigue&tbm=isch&imgil=JD3EimaTF5CQtM%253A%253BW5W7oJdbWTwvUM%253Bhttp%25253A%25252F%25252Fwww.linternaute.com%25252Factualite%25252Fpolitique%25252Fpresident-de-la-republique%25252Fles-photo">Élysée</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>« Casser les codes » : la formule est à la mode. Mais encore faut-il savoir de quels codes il s’agit. Première option : sont visés ceux nés au début des années 2000 lorsqu’avec l’introduction du quinquennat, le régime s’est transformé. Dans ce cas, le réformisme d’Emmanuel Macron se positionne clairement comme une entreprise de restauration. Une façon de réhabiliter une légitimité perdue, certains diront avec malice de faire du vieux avec du neuf.</p>
<p>En revanche, seconde option, si la cible en est les codes de la « monarchie républicaine » chère au général de Gaulle ou confortée par François Mitterrand. Là, une voie nouvelle s’ouvre. Une voie conforme au projet que le chef de l’État s’est engagé à conduire en matière législative : instiller une représentation proportionnelle, réduire le nombre de députés, <a href="http://www.lemonde.fr/personnalite/emmanuel-macron/programme">moraliser la vie publique</a>. En un mot, un nouveau cap est fixé. La photographie officielle du président Macron serait alors un moment de vérité. En plein réalignement partisan, elle plaiderait pour moderniser mais aussi pour démocratiser des institutions que les électeurs avaient jugées, il y a moins d’un mois, à bout de souffle.</p>
<p>Soyons-en donc sûrs : un tel portrait sera scruté à la loupe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78559/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Ihl ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’affiche officielle fixe pour cinq ans l’image du « président jupitérien », celle que les cérémonies s’évertuent à composer depuis l’élection d’Emmanuel Macron.Olivier Ihl, Professeur de sociologie historique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/781032017-05-22T18:57:08Z2017-05-22T18:57:08ZLa marche confirmée de la gauche vers sa gentrification<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170283/original/file-20170522-25041-hgs2qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans une rue de Paris, à la veille du second tour de la présidentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number7cloud/34472525615/in/photolist-UwdGRV-UoFseZ-UmRu6N-nf4S38-UCYNag-qnz3kH-TXmNM9-qnvA5j-Td8vUC-q6a7Bz-qnvAT3-q62hJC-pqPm6n-UBou9v-qnvAjh-UxoyDB-qkhYVG-pqRzf4-TW2e8R-q629vJ-qkhZdA-UkVNhV-qkhQgN-qnvA7y-UBorfV-q6a7Sz-q62hvm-pqPchR-pqCa3U-qkhZ4Y-q61FEY-pqzW3Q-q6cmEF-pqzWiu-TmzjCa-TiUqhB-qnz3za-q629DE-UwxPkj-UxfWer-Myyd8x-MFVRzg-MyycX2-rpYeWo-Tnrhap-qvgAE9-TywaV6-TAaD9j-BFmnWF-TjztbW">Lorie Shaull/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La gentrification est un terme habituellement utilisé pour désigner la métamorphose sociologique de quartiers populaires en quartiers plus bourgeois, peuplés par de nouveaux arrivants tels que des professionnels de l’information, des arts et des spectacles, mais aussi des ingénieurs et des cadres du privé, et enfin des cadres et professions intellectuelles supérieures.</p>
<p>C’est ce que l’on peut constater dans certains quartiers de Paris qui est peu à peu devenue une <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Paris_sans_le_peuple-9782707171283.html">« ville sans peuple »</a>.</p>
<p>Cette métamorphose s’observe de façon tout aussi évidente dans la vie politique et notamment au sein de la gauche française socialiste ou plutôt sociale-démocrate. Cette gauche française qui aura fini sa mue en portant Emmanuel Macron au pouvoir, celui qui pose là le libéralisme économique, tout aussi bien qu’une forme certes timide mais réelle du libéralisme culturel.</p>
<h2>Au bon endroit et au bon moment</h2>
<p>Car en effet, c’est bien cette gauche-là qui porte majoritairement ce nouveau Président au pouvoir, parachevant sa gentrification.</p>
<p>En tout premier lieu, <a href="http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2017/04/Rapport-Harris-Sondage-Jour-du-Vote-1er-tour-de-lelection-presidentielle-M6.pdf">45 % des électeurs</a> qui avaient voté pour François Hollande en 2012 ont soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour – pour des raisons diverses et variées : vote utile, stratégique, perplexité face à Benoît Hamon, campagne médiatique complexe…</p>
<p>En second lieu, certains groupes de réflexion de gauche, à l’instar de la <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/comprendre-en-deux-graphiques-le-succes-d-emmanuel-macron">Fondation Jean Jaurès</a>, ont livré des notes démontrant combien Macron était la bonne personne, au bon endroit, au bon moment ; son Président comptait d’ailleurs parmi les invités d’Emmanuel Macron lors de sa prise de fonction, le 14 mai. De même, Terra Nova, traditionnel think-tank de la gauche, n’est pas pour rien non plus dans cette élection et certains ouvrages émanant de ces milieux ont pu influencer la <a href="http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Comment-est-nee-l-ambition-d-Emmanuel-Macron-1119539">matrice du Président actuel</a>, ainsi que certaines réunions à Bercy-même avec les responsables de ces groupes de réflexion.</p>
<p>Enfin, au sommet de la pyramide, de nombreux ministres et autres figures de proue de cette gauche dite socialiste voire écologiste ont peu soutenu Benoît Hamon pour préférer se tourner vers Emmanuel Macron.</p>
<p>Finalement, une grande partie de la base, les corps intermédiaires mais aussi le top du pouvoir socialiste ont largement migré pour aller marcher avec lui.</p>
<h2>Changer de <em>working class</em></h2>
<p>Nous disons ici que ce mouvement correspond à une sorte de gentrification de cette gauche, à son embourgeoisement et à sa coupure visible, voire assumée avec les classes populaires.</p>
<p>Depuis deux décennies on sait combien une <a href="http://www.cevipof.com/fichier/p_publication/931/publication_pdf_notemichelat.1.pdf">partie de classes populaires</a> s’est détournée de cette gauche-là pour aller vers le FN.</p>
<p>Mais cette année marque un pas de plus : c’est comme si la présidence Macron avait cristallisé cette coupure, ce fait électoral et sociologique. Rappelons-nous du rapport de Terra Nova rédigé pour la précédente présidentielle <a href="http://tnova.fr/rapports/gauche-quelle-majorite-electorale-pour-2012">« Gauche quelle majorité électorale pour 2012 ? »</a>.</p>
<p>Que disait ce rapport pour rappel ?</p>
<p>Il préconisait pour la gauche de changer de soubassement électoral et, grosso modo, de changer de <em>working class</em>. La principale recommandation de ce rapport était de se détourner de la classe ouvrière pour se tourner vers un électorat représentant « la France de demain » : « plus jeune, plus diverse, plus féminisée, plus diplômée et plus progressiste sur le plan culturel. »</p>
<p>Le monde ouvrier ne paraissait plus être une cible pertinente pour plusieurs raisons : d’une part parce qu’il se rétrécissait démographiquement, d’autre part car il votait de moins à moins à gauche et enfin parce que, selon les auteurs, ses valeurs étaient par trop structurées autour des « réactions de repli », et qu’il n’était donc « plus en phase avec ses valeurs ». Dans ce rapport, les électorats des classes moyennes et populaires étaient uniquement considérés comme des « compléments stratégiques ».</p>
<h2>Une mue libérale parachevée</h2>
<p>L’élection de Macron pose la pierre finale à cette mue sociologique et politique. Elle laisse un <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-22-mai-2017">Parti socialiste exsangue</a> et franchit le dernier pas de cette métamorphose à savoir : ajouter à cette France que d’aucuns qualifieraient de « bobo » – féminine, urbanisée, diverse – la France de la <a href="http://lemonde.fr/campus/article/2016/02/08/l-impitoyable-univers-de-l-ivy-league-americaine_4861200_4401467.html"><em>Ivy League</em></a> – cadres du privé, ingénieurs – et celle de la Silicon Valley – start-upeurs. C’est exactement, trait pour trait le processus de gentrification que peut connaître Paris (« Paris sans le peuple », déjà cité) ou d’autres grandes villes, et qui se traduit ici du point de vue d’un mouvement politique, se cristallisant dans le mouvement « En Marche ! »</p>
<p>Un mouvement qui parle de libéralisme, d’empowerment, de liberté, de gouvernement de soi-même, pour ne pas dire de « self-start-up ».</p>
<p>Aujourd’hui, cette mue libérale, cette migration électorale est achevée, voire dépassée : la France gentrifiée a laissé la gauche canal historique-socialiste exsangue, les classes populaires ont été en partie récupérées par Jean‑Luc Mélenchon et sont encore largement fidèles à Marine Le Pen. Quant aux libéralismes, ils se sont réconciliés au cœur d’un <a href="http://www.humanite.fr/emmanuel-macron-incarne-la-reunification-de-la-bourgeoisie-636080">bloc élitaire venant de la droite et de la gauche</a>. On peut voir d’ailleurs combien ce qu’il est convenu d’appeler les <a href="https://theconversation.com/deux-populismes-valent-mieux-quun-77666">populismes ne s’additionnent pas</a>, contrairement à cesdits libéralismes.</p>
<p>C’est le parachèvement de cette mue que raconte l’élection d’Emmanuel Macron, c’est une sorte de remake du vote au référendum de 2005, c’est la France de la façade atlantique et des villes contre la France de la façade européenne, c’est la France des insiders contre celle des outsiders. Finalement, la nature – et la politique – ayant horreur du vide, l’effacement du clivage gauche-droite s’est mué en clivage de classe. Une sorte de retour vers le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est vice-présidente du think tank Different. </span></em></p>La gauche française a fini sa gentrification, sa mue en portant Emmanuel Macron au pouvoir celui qui pose là le libéralisme économique tout aussi bien qu’une forme du libéralisme culturel.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/779652017-05-22T18:56:00Z2017-05-22T18:56:00ZLe vote blanc et nul, un porte-voix à faible résonance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170323/original/file-20170522-25027-v17kwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C636%2C401&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un bureau de vote, à Bordeaux, le 23 avril 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/xavier-buaillon/34085525251/in/photolist-TW2e8R-QR5oF9-S8yWXe-RU1Dso-TbDbJd-TscVn5-QTyjRr-U8A1Kr-Tnrhap-SwKqFo-J3GtnF-RB6QvQ-S4Zunf-S4ZcuC-RU1a8h-RbNmCG-HPpdHc-U1XTu7-TjztbW-U1XEAm-UB3UkX-HXXnHf-S4YMvW-R7faqZ-Pcpxk1-RxZt2y-Q6DaVj-RxZw6Q-Q45bjR-Q6GwLb-Jtw5UG-LvWYSQ-Q4fxj5-QJr23A-JUo4Yp-JMse7e-RffTtU-S4Yv2J-Uq3nEp-RxYPUN-RU1e43-RffSfm-HXXznC-RiLu8B-RxZ4iw-N5Lce3-MCxcCX-QDuMz7-UmQtcf-Q1ETdb">Xavier Buaillon/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au regard de cette élection pour le moins atypique et mouvementée, tant dans sa campagne – marquée par une succession de rebondissements aux effets domino – que dans son issue – disqualification des partis traditionnels, arrivée au pouvoir d’un nouveau mouvement politique, préfigurant une recomposition du paysage politique –, l’attention portée aux votes blancs et nuls (VBN) peut sembler décalée.</p>
<p>Cependant, avec plus de 4 millions de bulletins blancs ou nuls glissés dans les urnes, ce phénomène ne constitue pas un élément si anecdotique que cela dans ce scrutin. Pour la première fois, les chiffres relatifs au vote blanc et nul ont été très rapidement intégrés aux commentaires de la soirée électorale ; pour la première fois aussi, ils ont été annoncés peu après le taux d’abstention, venant ainsi compléter le tour d’horizon de la (non)participation électorale.</p>
<h2>Sorti de l’ombre</h2>
<p>Plusieurs éléments concourent à expliquer pourquoi le VBN est <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/09/presidentielle-2017-l-explosion-du-vote-blanc-ou-nul-est-spectaculaire_5124535_4854003.html">sorti de l’ombre de l’abstention</a>. Il y a tout d’abord un caractère conjoncturel. L’appel au vote blanc, ou en tout cas les discussions dans certains partis- mouvements politiques suite à leur élimination au premier tour, a rappelé que le vote blanc pouvait constituer une <a href="https://theconversation.com/votes-blancs-le-bucher-des-voix-perdues-77413">alternative</a>, et ce même lorsque le second candidat qualifié appartient au Front national. Alternative confirmée, ou du moins choisie, par bon nombre d’électeurs, comme en témoigne le taux record enregistré le 7 mai en dépit d’une intense campagne pendant l’entre-deux-tours incitant les électeurs à « bien » utiliser leur bulletin et à barrer la route à l’extrême droite.</p>
<p>Ensuite, pour important qu’ait été le pourcentage de VBN lors de ce second tour, la thématique du vote blanc bénéficiait déjà d’une exposition médiatique, quoique très modeste. Depuis la loi du 21 février 2014 conduisant au décompte séparé des bulletins blancs et des bulletins nuls, quelques articles ont porté sur la question de sa véritable reconnaissance (afin qu’ils soient considérés comme des suffrages exprimés et pèsent dans le calcul des scores des candidats), alimentés par une réflexion plus générale basée sur les travaux de <a href="https://univ-evry.academia.edu/J%C3%A9r%C3%A9mieMoualek">Jérémie Moualek</a>.</p>
<p>Mais c’est la première fois que, pour comprendre ce qui s’est joué lors de ce second tour, le vote blanc et nul semble à ce point devoir être pris en compte, à côté de l’abstention et des autres choix électoraux. Si l’offre électorale, au premier et <em>a fortiori</em> au deuxième tour, peut en grande partie expliquer le volume atteint par les VBN, les motivations ainsi que les significations du vote blanc restent relativement méconnues.</p>
<p>L’objet du projet de recherche en cours, intitulé « l’électeur ignoré : le votant blanc et nul », visant à dresser de manière quantitative une sociologie de ces votants, et dont nous présentons brièvement ici quelques résultats, est précisément de lever le voile sur ces éléments.</p>
<p>Pour l’heure, la présentation de trois questions issues du sondage réalisé après le premier tour par Respondi permet déjà de faire ressortir quelques éléments sur la façon dont le vote blanc et le vote nul sont perçus par les « électeurs » interrogés ci-dessous. En dépit des précautions méthodologiques prises, les résultats présentés ne sont pas représentatifs de la population française dans la mesure où n’ont été interrogés que des panélistes inscrits sur les listes électorales et ayant voté au premier tour. Échappent ainsi à notre enquête notamment les abstentionnistes du premier tour. Cela reste néanmoins actuellement le seul moyen pour saisir ces électeurs et plus globalement recueillir des données sur le VBN.</p>
<h2>Le vote blanc, un moyen d’expression…</h2>
<p>Quel(s) sens donner aux bulletins blancs ? Et aux bulletins nuls ? Si l’insatisfaction semble évidente, voire la contestation, comment affiner l’analyse ? Comment se positionnent-ils par rapport aux autres formes de comportement électoral ?</p>
<p>Pour le savoir, deux questions distinctes ont été posées à des panélistes. La première est à connotation plutôt positive :</p>
<blockquote>
<p>« Quel est, pour vous, le meilleur moyen pour faire comprendre aux élus vos attentes en matière de changement ? »</p>
</blockquote>
<p>L’autre au contraire plutôt négative :</p>
<blockquote>
<p>« Et pour exprimer votre ras le bol ? Quel est le meilleur moyen ? »</p>
</blockquote>
<p>Afin de ne pas orienter les réponses, des précautions ont été prises sur l’ordre et la formulation des questions et des réponses. Sur l’ordre tout d’abord : les questions présentées ci-dessous sont les premières évoquant, à travers les réponses possibles, le vote blanc et le vote nul ; et elles apparaissent après des questions sur la campagne et une plus classique sur le vote. Une attention particulière a également été portée à l’énonciation des questions : elles proviennent de <em>verbatim</em>, c’est-à-dire de phrases formulées par d’autres enquêtés lors d’une précédente étude.</p>
<p>Le même souci a guidé le choix des réponses proposées : d’une part, le vote blanc et le vote nul ont été séparés afin d’évaluer leur importance respective ; d’autre part, ils figuraient au milieu d’autres propositions telles que « voter pour un petit candidat », « s’abstenir », « vous ne souhaitez pas de changement/vous n’éprouvez pas de ras le bol ».</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, le vote blanc est la modalité qui arrive en tête (tableau 1 ci-dessous). Il éclipse même l’abstention et le vote pour l’extrême droite. Pour faire comprendre aux élus leurs attentes en matière de changement, les enquêtés ont majoritairement désigné le vote blanc (24,9 %), puis le vote pour un petit candidat (20,3 %) et le vote pour l’extrême droite (17,9 %) – ce qui représente en tout près des deux-tiers des réponses. La catégorie « autre », souvent choisie également, a été retravaillée grâce aux précisions demandées aux panélistes.</p>
<p>Regroupées dans un second temps dans ces sous-thèmes, les réponses qualitatives font ressortir l’attachement, exprimé spontanément, à l’acte de vote (pour 53 % de ceux ayant répondu « autre »), ainsi qu’au fait de voter pour le candidat de leur nuance politique (12,2 %). S’agissant du changement, celui-ci semblerait donc davantage être perçu comme passant par le chemin des urnes – que ce soit pour glisser un bulletin, blanc, en faveur d’un petit candidat, de son camp politique ou de l’extrême droite. En effet, l’abstention, pour ces enquêtés votant, n’apparaît pas comme le moyen de faire passer ce message.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/170330/original/file-20170522-25082-uwm89g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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</figure>
<p>En revanche, pour exprimer leur ras-le-bol aux élus, le trio « vote blanc/vote pour l’extrême-droite/vote » pour un petit candidat est quelque peu bousculé. Le vote blanc continue de se détacher très nettement des autres propositions, mais cette fois-ci c’est le vote pour l’extrême droite qui se hisse à la seconde position. Arrivent ensuite, plus lointainement, le fait de voter pour un petit candidat et l’abstention.</p>
<p>Le différentiel entre l’expression du changement et celle du ras-le-bol bouscule les lignes pour ces modalités-là : le vote pour les petits candidats perd plusieurs points tandis que l’abstention en gagne. Même la proposition « autre » diminue (- 5 points) ; l’acte de vote – quelle que soit sa forme – étant moins souvent spontanément mentionné par les « autre » que précédemment. Les panélistes ayant choisi la réponse cette réponse ne sont plus que 50,8 % à faire référence au vote.</p>
<p>En revanche, ils sont, toute proportion gardée, plus nombreux à opter pour une expression plus directe et moins conventionnelle (dialogue avec les élus, manifestation, révolution, etc.). Enfin, près de 10 % de ces « autre » expriment une forme de défaitisme avec des réponses telles qu’« aucun », « ils ne nous comprennent pas », « je ne vois pas comment faire » ou prônant une abstention généralisée.</p>
<h2>… pourtant peu entendu</h2>
<p>Si, pour les enquêtés, le vote blanc apparaît comme la principale voie pour faire comprendre leurs attentes en matière de changement ou leur exaspération, il n’est cependant pas perçu comme étant audible par les élus. Posée juste après, la question « qu’est-ce qui, selon vous, a le plus de portée auprès des politiques ? » enregistre de fortes variations. Ainsi, pour plus d’un quart des panélistes, c’est le vote pour l’extrême droite qui a le plus d’audience auprès des élus, suivi par la modalité « rien ». L’abstention, jusqu’alors assez basse – probablement en raison du recrutement des enquêtés, des votants au premier tour –, augmente tandis que le vote blanc se retrouve relégué en cinquième position, derrière les manifestations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/170331/original/file-20170522-25076-19ysi9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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</figure>
<p>Une fois encore, le vote pour l’extrême gauche et surtout le vote nul arrivent loin dans les réponses enregistrées. Étonnamment, le vote blanc supplante totalement le vote nul. Ce dernier ne parvient pas vraiment à s’imposer à côté du vote blanc, malgré sa dimension contestataire plus affirmée (que ce soit dans le rayage ou dans les annotations dont il est parfois l’objet). S’il connaît une légère augmentation à la question sur le ras-le-bol, le vote nul n’a cependant pour les enquêtés pratiquement aucune audience après des élus (1,9 %). Plus canalisé, plus conforme aux attendus démocratiques, le vote blanc paraît davantage, aux yeux des répondants, légitime à exprimer leurs attentes sur les deux dimensions testées.</p>
<p>Autre enseignement issu de ces premiers résultats : le vote pour des petits candidats. En ces temps d’appel au vote utile, ces « petits » bulletins, pratiquement jamais étudiés non plus, sont considérés, par les enquêtés, comme un moyen de faire passer un message. Or, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, les voix disséminées entre Jean Lassalle, Jacques Cheminade et François Asselineau étaient près 830 000… soit presque autant que le VBN, sans campagne (950 000).</p>
<p>Tous ces éléments plaident pour un élargissement de la focale à partir de laquelle le comportement électoral est appréhendé. Si par leur importance et leur enjeu, l’abstention et le vote frontiste doivent évidemment continuer d’occuper une place centrale dans les analyses, les autres comportements – et particulièrement le vote blanc – méritent que l’on s’y intéresse également. D’une part, pour mieux saisir les différentes nuances de contestation du système politique et voir les éventuels passages d’une forme à une autre. D’autre part, pour nourrir le débat, de plus en plus récurrent, sur la reconnaissance du vote blanc.</p>
<hr>
<p><em>Note méthodologique : L’enquête a été réalisée en partenariat avec <a href="https://www.respondi.com/FR/">Respondi</a> (merci à J. Ruiz qui m’a offert cet accès au terrain et à l’équipe de Respondi) qui a diffusé les questionnaires auprès de ses panelistes online (sur les 4 706 personnes interrogées, 4 424, inscrites sur les listes retenues, ont été retenues). Le sondage du premier tour a été administré entre le 3 et le 6 mai 2017 afin d’obtenir suffisamment de votants blancs et nuls (151 pour le scrutin du 23 avril). Le recrutement des autres enquêtés a ensuite été fait en proportion, de manière à s’approcher autant que possible des résultats du 1<sup>er</sup> tour. Vote au 1<sup>er</sup> tour : blanc/nuls : 3,4 % (+0,9 par rapport aux résultats officiels) ; Emmanuel Macron : 21,1 % (-2,3) ; Marine Le Pen : 19,3 % (-1,4) ; François Fillon : 13,9 % (-5,6) ; Jean‑Luc Mélenchon : 19,6 % (0,5) ; Benoît Hamon : 7,1 % (0,9) ; Nicolas Dupont-Aignan : 5,0 % (0,5) ; Petits candidats : 4,5 % (0,5).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélia Troupel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jamais le vote blanc et nul n’aura été autant évoqué lors d’une présidentielle, et pourtant il est peu entendu. Présentation d’une étude inédite menée au lendemain du premier tour.Aurélia Troupel, Maître de conférences en Science Politique, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/775972017-05-22T18:55:44Z2017-05-22T18:55:44ZPodcast : la fonction publique au cœur des présidentielles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169004/original/file-20170511-32613-1ws6jtf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conty Mairie</span> </figcaption></figure><p>The Conversation France s’associe aux étudiants de la Licence Information-communication de l’Université Paris 13 (pilotés par leur enseignante Judith Mayer) pour une série de cinq podcasts autour des relations entre médias et société. Dans ce quatrième podcast, Luc Rouban s’exprime sur le thème de la fonction publique et sur le rôle qu'il a joué pendant la campagne présidentielle. Cette série d’émissions sera également diffusée sur la webradio des étudiants, <a href="http://webradio.univ-paris13.fr/">Treizièm’onde</a>.</p>
<p><strong>Conception et montage</strong> : Laurent Dominique Haba et Basil Burte / <strong>Interview</strong> : Laurent Dominique Haba</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ce podcast, Luc Rouban s’exprime sur le thème de la fonction publique et sur le rôle qu'il a joué pendant la campagne présidentielle.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/777392017-05-17T20:23:55Z2017-05-17T20:23:55ZMasculinité hégémonique en politique : le cas Macron<p>Le 7 mai 2017 a été élu 8<sup>e</sup> président de la V<sup>e</sup> République un homme de 39 ans à qui les médias – quasi unanimes – reconnaissent une audace stratégique, un sens aigu des opportunités, un courage affirmé dans la prise de risque, une ardeur et une ténacité sans failles, une croyance insolente en son destin, une combinaison entre la fougue de jeunesse et une maturité sage… toutes qualités mobilisées vers un seul objectif : la conquête et la pratique volontaire du pouvoir.</p>
<p>Si objectivement ce portrait médiatique reprend toutes les figures et les critères du masculin, et en particulier du masculin hégémonique, d’autres tentatives médiatiques qui entendent soulever les « failles » de cette virilité, témoignent d’une sorte d’inconscient patriarcal encore bien vivace.</p>
<h2>Figures et critères du masculin hégémonique</h2>
<p>Selon l’analyse de la sociologue australienne Raewynn Connell, auteure de <a href="https://dissidences.hypotheses.org/5043"><em>Masculinités, enjeux sociaux de l’hégémonie</em></a>, la masculinité hégémonique est un agencement de représentations associées au masculin, mêlant des capacités et des compétences en terme de classe, de race, de sexe, d’âge, représentations qui sont toujours valorisées… De ce point de vue, à l’occasion de cette élection présidentielle, à travers Emmanuel Macron, à travers la figure de l’homme politique consacré par le suffrage universel, les médias ont présenté un concentré de valeurs constituant une telle masculinité hégémonique.</p>
<p>Dans leur <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01344006"><em>Introduction aux études sur le genre</em></a>, Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait et Anne Revillard décrivent « les qualités et compétences qui sont requises d’un « homme politique » (qui) sont celles qui ont été traditionnellement monopolisées par les hommes : charisme, disponibilité, aisance oratoire, combativité, maîtrise technique… Les compétences et le style corporel associés à l’image légitime de « l’homme politique » correspondent à une forme située de masculinité : il s’agit le plus souvent d’une virilité bourgeoise, hétérosexuelle et blanche, donc d’un modèle de masculinité hégémonique ».</p>
<h2>Les failles « subliminales » d’une virilité contestée</h2>
<p>Les travaux de Raewynn Connell sur la masculinité hégémonique ont aussi montré que celle-ci ne peut se déployer et se maintenir que par l’existence d’autres formes de masculinités à la fois faire-valoir et/ou repoussoir. Elles se présentent schématiquement ainsi : d’une part, les masculinités « complices » qui participent d’une masculinité hégémonique par bien des aspects, mais sans y contribuer pleinement, ni sans bénéficier de tous ses privilèges.</p>
<p>Ce sont des masculinités aussi diverses que les masculinités ouvrières, celles des colonisateurs, celles du management… D’autre part, les masculinités « marginalisées » qui sont exclues, a priori, des masculinités hégémoniques sur des critères bien définis de race ou de handicap par exemple, et qui n’adviennent, qui ne sont tolérées, officialisées ou promues dans l’espace public que par l’autorisation donnée par la masculinité du groupe dominant (tels les boxeurs, les basketteurs et les rappeurs noirs), et enfin, les masculinités « subordonnées » qui servent de contre-modèles marginalisés (mais non éliminés) car elles véhiculent des valeurs et des caractéristiques autres que celles des masculinités hégémoniques, et de citer en premier les homosexuels puis d’autres formes « dévirilisées » que sont les intellectuels, les artistes…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169572/original/file-20170516-11941-gnofk2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Arnold Schwarzenegger, une image hypervirile du pouvoir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Governor_Arnold_Schwarzenegger.jpg">Nate Mandos/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>C’est précisément cet espace des masculinités marginalisées qui sert de cadre, conscient ou non, à des contre-discours fabriqués ou relayés par ces mêmes médias et qui ont pour effet subliminal de contrebalancer le discours de la virilité confirmée et du même coup, dévaloriser l’homme à la fois en tant que personne privée et que figure politique.</p>
<p>Cette dévirilisation repose sur l’idée d’une double incomplétude : (a) ne pas être un homme vraiment adulte (infantilisation) et (b) être trop proche de valeurs et de comportements considérés comme liés au féminin (féminisation).</p>
<h2>Toujours fils et jamais père</h2>
<p>Une vidéo de <em>Closer</em> (qui reprend un extrait du documentaire de TF1) montre Emmanuel Macron, dans un self-service, choisir un cordon bleu qui est son plat favori (« le Président veut manger un <a href="http://www.slate.fr/story/145326/macron-cordon-bleu">cordon bleu</a> dans le menu enfant »). Alors que ce plat se trouve être uniquement dans le menu enfant (ce qu’Emmanuel Macron n’a manifestement pas remarqué), il est signifié qu’il veut un cordon-bleu précisément parce qu’il est dans le menu enfant.</p>
<p>En échappant très jeune à l’autorité de ses parents pour vivre, puis se marier avec une femme de 24 ans plus âgée, Emmanuel Macron ne perd en fait jamais son statut de mineur perpétuel. Cela ne rend que plus frappant le traitement genré/sexiste des différences d’âge dans les couples, car comme le souligne Forbes « quand un homme a une femme plus jeune, cela semble être un avantage, alors que l’inverse ouvre la porte aux insultes, au blagues et aux critiques ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1066&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1066&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1066&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169569/original/file-20170516-11952-69qdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Donald et Melania Trump, 24 ans d’écart.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Donald_and_Melania_Trump_(3).jpg">Marc Nozell</a></span>
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<p>De plus, en perdant ainsi toute occasion de devenir père à son tour (c’est à dire père de ses enfants « à lui »), il refuse l’injonction réelle et symbolique d’une paternité responsable qui représente l’un des moments forts de l’expérience virile conventionnelle.</p>
<h2>Le rituel de la conscription</h2>
<p>Certains ont aussi noté que pour la première fois dans l’histoire de la République, le Président n’a pas effectué son service militaire alors <a href="http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/emmanuel-macron-premier-president-qui-n-a-pas-fait-service-militaire-126336">qu’il commandera aux Armées</a>. Là encore, ce n’est pas tant l’aptitude au commandement qui est directement mise en cause, mais plutôt l’absence symbolique de ce qui, il y a peu, constituait le rite de passage obligé pour l’entrée effective dans le monde des hommes.</p>
<p>Au-delà de l’infantilisation, il y a une forme plus largement partagée par les médias dans leur ensemble : la dévirilisation par osmose aux stéréotypes du féminin et à l’homosexualité supposée.</p>
<h2>Un homme sensible, sous (forcément mauvaise) influence</h2>
<p>Pianiste doué et mélomane revendiqué, amateur passionné de théâtre, fanatique d’opéra, les médias délivrent avec insistance qu’Emmanuel Macron a toujours investi depuis sa jeunesse des activités culturelles qui le font « tomber » du côté de la sensibilité, vertu féminine s’il en est, participant du même coup d’une virilité en quelque sorte « périphérique ».</p>
<p>Par ailleurs, sa liaison puis son mariage ont soi-disant mis E. Macron sous l’influence d’une femme qui, <a href="http://madame.lefigaro.fr/societe/brigitte-macron-entre-fascination-et-aversion-100517-132185">« entre fascination et aversion »</a>, au-delà de sa personne, le maintient symboliquement et physiquement dans une domination du féminin, forcément émolliente. Une domination aux limites de l’envoûtement et de la sorcellerie que les représentations liées au terme « cougar », réactivé par les réseaux sociaux, ont <a href="https://www.franceculture.fr/societe/brigitte-macron-cougar-ce-que-cache-la-metaphore-de-lanimal-predateur">remis au goût du jour</a>.</p>
<h2>Homosexuel, vraiment ?</h2>
<p>Cette domination du féminin comme expression de la dévirilisation a trouvé une forme d’apogée médiatique dans la campagne de rumeurs autour de l’homosexualité d’E. Macron. Quelle que soit son origine (puissance étrangère et/ou adversaires politiques), cette tentative extrême de dévalorisation de l’homme et du candidat s’est même vue opposer un contre-feu « militant » par le magasine LGBT <em>Garçon</em> qui a fait sa couverture d’un <a href="http://www.leparisien.fr/politique/quand-un-magazine-lgbt-met-macron-torse-nu-en-couverture-28-04-2017-6899544.php">E. Macron en icône gay !</a></p>
<p>Cette campagne présidentielle aura confirmé, si besoin était, que, dans le débat politique, les traitements médiatiques témoignent de la persistance de représentations et de valeurs patriarcales délibérément revendiquées ou critiquées, entre résistances à peine voilées et injonctions subliminales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77739/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les portraits médiatiques du nouveau président, qu’ils soient élogieux ou critiques, témoignent d’une sorte d’inconscient patriarcal encore bien vivace.Serge Rabier, Chercheur associé en socio-démographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774882017-05-15T19:08:54Z2017-05-15T19:08:54Z« MacronLeaks » : stratégies du mensonge sous une pluie de données<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169213/original/file-20170514-3675-15h0khk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fuite de données.</span> </figcaption></figure><p>Un <em>PoliticsLeaks</em>, qu’est-ce que c’est ? C’est par exemple le tout récent #MacronLeaks, c’est-à-dire la mise en ligne de données piratées (vraies et fausses) en lien avec une campagne électorale en train de se dérouler, en l’occurrence celle de l’élection présidentielle française. Son objectif est de ternir ou de détruire l’image d’un candidat puis d’influencer le vote des électeurs.</p>
<p>Déroulons le film de récents scrutins. La campagne électorale américaine de 2016 a été polluée par le piratage informatique et le vol de données personnelles et de mails de l’équipe des Démocrates. Depuis, plusieurs sociétés et cabinets de cybersécurité ont mené des études techniques sur ce que l’on a appelé les <em>DataLeaks</em> pour en comprendre les mécanismes, l’origine et les commanditaires. Cette opération qui a contribué à la défaite d’Hillary Clinton a été <a href="https://www.us-cert.gov/sites/default/files/publications/JAR_16-20296A_GRIZZLY%20STEPPE-2016-1229.pdf">attribuée</a> à la <a href="https://labs.bitdefender.com/2017/02/new-xagent-mac-malware-linked-with-the-apt28/">célèbre cellule de hacking APT28–APT29</a>, probablement liée aux services de renseignements russes.</p>
<h2>« Whodunit » ?</h2>
<p>Une telle attribution reste toujours extrêmement complexe à formuler. En toute rigueur, il faudrait d’ailleurs se limiter à évoquer une forte probabilité d’attribution de l’attaque à telle ou telle entité. En matière de cybersécurité, la certitude dans l’attribution n’a guère de sens même lorsque l’attaque témoigne d’un faible niveau de complexité. L’attaquant cherche parfois à orienter une future attribution vers un tiers strictement étranger à l’opération. La prolifération des structures de données fictives, parfois non discernables des données légitimes, doit contraindre les analystes, les journalistes et les commentateurs à la plus grande prudence.</p>
<p>L’élection présidentielle française n’a pas échappé à cette nouvelle thermodynamique de l’information brassant les fausses données avec les vraies pour influencer le choix de l’électeur dans l’isoloir. Le <a href="http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/05/06/macronleaks-debut-d-un-long-et-fastidieux-travail-d-enquete_5123577_4408996.html">« MacronLeaks »</a> illustre parfaitement ce qui devient la norme d’une campagne électorale avec son lot de désinformation plus ou moins subtile, plus ou moins crédible. Ainsi, on a vu apparaître le 6 mai vers 21 heures des messages pointant vers des contenus piratés de cinq collaborateurs de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron. Représentant près de 9 gigaoctets de données sous forme de mails et de pièces jointes, ces contenus étaient disponibles au téléchargement sur le site de stockage Pastebin sous le titre évocateur « EMLeaks ».</p>
<p>L’équipe de campagne d’En Marche chargée du numérique a alors immédiatement inspecté les contenus fuités et produit un communiqué de presse confirmant les tentatives de cyberattaques subies depuis plusieurs semaines tout en précisant que certaines données mises en ligne étaient grossièrement fausses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169214/original/file-20170514-3664-vb2wdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Emmanuel Macron et la French Tech.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/leweb3/15809396320">Official Leweb Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres sources ont prouvé la présence d’un grand nombre de <em>fakes</em> injectés dans un corpus de mails authentiques. Le responsable numérique de la campagne, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mounir_Mahjoubi">Mounir Mahjoubi</a> a déclaré que les données d’EMLeaks mises en ligne comportaient certainement « des choses qui ne sont pas très agréables à montrer de l’extérieur, comme les grilles de salaires des collaborateurs, des blagues de potaches mais que le <em>leaks</em> ne contenait aucun secret et aucune révélation à haute valeur informationnelle ». Il a également affirmé que les discussions plus sensibles passaient par d’autres messageries non concernées/impactées par le piratage.</p>
<p>La presse française dans son ensemble est restée heureusement très prudente face aux doutes sur la véracité des données d’« EMLeaks » et s’est abstenue de toute surenchère. On doit saluer cette attitude responsable qui se démarque de celle de certains supports étrangers qui n’ont pas hésité à republier une série de données à très faible niveau de crédibilité…</p>
<p>Pour mieux comprendre la puissance potentielle des structures de données fictives, il suffit d’observer les dernières opérations de <a href="http://theconversation.com/hoaxcrash-manipulations-fausses-infos-et-gros-profits-71319">HoaxCrash</a> construites sur la <a href="https://www.chaire-cyber.fr/IMG/pdf/article_hoaxcrash_revise_-_t_berthier_-_chaire_saint-cyr.pdf">publication de faux messages à fort impact boursier</a>. Le niveau d’expertise d’une cellule de <em>hacking</em> à l’origine d’un <em>PoliticsLeaks</em> avec injection de fausses données conditionne grandement ses effets. Plus ce niveau est élevé, plus la cellule prendra des précautions pour noyer les structures de données fictives dans l’ensemble des vraies données piratées et pour les rendre indiscernables.</p>
<h2>Amateurisme</h2>
<p>Dans le cas de l’EMLeaks, l’injection de données fictives semble avoir été réalisée dans l’urgence sans vérification de cohérence et de vraisemblance. La société de cybersécurité japonaise Trend Micro évoquait samedi la piste d’APT28-APT29 pour lui attribuer l’EMLeaks_. Il s’agit effectivement d’une hypothèse à envisager concernant la phase d’ingénierie sociale et de pénétration des comptes qui a permis de prendre possession des données de messagerie des cinq collaborateurs d’En Marche.</p>
<p>On peut par contre fortement douter de l’implication directe d’APT28 dans l’injection de fausses données car l’opération a été menée avec beaucoup d’amateurisme. La piètre qualité des fausses données injectées les rend facilement identifiables et révèle des contradictions avec le contexte fourni par les données ouvertes vérifiables. En un mot, les faux messages sont grossièrement faux tout comme le faux document ayant circulé sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/4chan">forum 4Chan</a> relatif à un compte bancaire caché (mal) signé de son prétendu détenteur. D’une manière générale, plus le faux est facilement détectable, plus il est dangereux de l’utiliser contre sa cible, y compris lors d’un <a href="https://theconversation.com/une-agressivite-debridee-degrade-lultime-debat-presidentiel-77221">débat de second tour d’élection présidentielle</a>…</p>
<h2>Comment construire une structure de données fictives efficace</h2>
<p>Plaçons-nous à présent dans le rôle de l’attaquant. Nous souhaitons créer une structure de données fictives susceptible de nuire à l’image d’un candidat à une élection présidentielle. Nous supposons que cette élection est normalement relayée par les médias d’un État démocratique. Nous cherchons à instrumentaliser ces médias afin qu’ils diffusent le plus largement nos futures données fictives avant le scrutin, ni trop tôt, ni trop tard. Il faut donc fixer un planning prévisionnel de l’attaque qui optimise la temporalité du <em>PoliticsLeaks</em>.</p>
<p>Nous commençons par passer commande auprès d’une cellule de <em>hacking</em> réputée : nous voulons une cyberattaque sur les comptes de messagerie de membres de l’équipe de campagne du candidat ciblé. Nous pouvons également utiliser nos propres cellules de <em>hacking</em> si nous agissons dans le cadre d’une opération étatique clandestine.</p>
<p>La phase initiale d’ingénierie sociale pouvant prendre plusieurs mois, il est préférable de se laisser du temps et de passer notre commande au moins douze mois avant la date de l’élection. Une fois cette campagne planifiée, nous attendons les premiers retours de données collectées. Plus le volume du <em>leaks</em> obtenu est important et meilleur sera le contexte d’injection de fausses données.</p>
<p>Notre cellule de <em>hacking</em> sous-traitante du vol des données nous transmet (après rémunération ou simple remerciement) les contenus collectés sous forme de mails et de pièces jointes (documents écrits, photos, vidéos…). Nous examinons les contenus collectés et constatons sans surprise qu’ils ne contiennent que des données à faible valeur informationnelle. L’équipe de campagne du candidat ciblé a été « briefée » depuis des mois par les services de sécurité locaux des dangers associés aux compromissions des boîtes de messageries. Sensibilisé aux risques de piratage, chaque collaborateur n’utilise sa messagerie que dans le cadre d’échanges « non critiques ».</p>
<p>Dans l’attente des données piratées, nous avons construit une structure de données fictives qu’il faut désormais incorporer au corpus de données réelles. C’est là que surgit la complexité de l’opération.</p>
<p>Si nous choisissons d’ajouter un seul faux message <em>F1</em>, nous devons nous assurer qu’il est non contradictoire avec les <em>n</em> messages légitimes collectés { <em>M1, M2… Mn</em> } et avec le contexte <em>C</em> formé des données ouvertes disponibles à l’instant de la mise en ligne du <em>leaks</em>.</p>
<p>Si nous optons pour l’injection de deux messages <em>F1, F2</em> (chacun ayant un objectif de déstabilisation bien défini), il faut alors s’assurer de la cohérence et de la non-contradiction de l’ensemble { <em>F1, F2</em> } avec <em>C</em> et avec l’ensemble des n messages légitimes issus du piratage.</p>
<p>Enfin, si nous choisissons d’injecter un ensemble de <em>k</em> faux messages { <em>F1, F2… Fk</em> }, il faut en premier lieu s’assurer de la non-contradiction de ces <em>k</em> messages fictifs, soit formellement <em>2 k - k - 1</em> opérations à réaliser manuellement ou informatiquement. Il faut ensuite veiller à ce que ces faux messages ne soient pas contradictoires avec le contexte <em>C</em> à l’instant de la mise en ligne du <em>leaks</em> et non-contradictoires avec les <em>n</em> messages légitimes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169215/original/file-20170514-3664-107x2uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Hacking.</span>
<span class="attribution"><span class="source">HypnoArt/Pixabay</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On comprend que la complexité de vérification de cohérence de la structure fictive injectée est exponentielle au regard de sa taille. En terme probabiliste, plus le volume de faux messages injectés est important et plus il est probable de faire apparaître involontairement une ou plusieurs contradictions dans l’ensemble du <em>leaks</em>, détruisant ainsi sa crédibilité.</p>
<p>En vertu de ce principe, nous avons intérêt à limiter le nombre de faux messages à injecter pour limiter ce risque. Ceux-ci doivent être à la fois crédibles, et destructeurs concernant l’image de la cible auprès des électeurs. On peut par exemple choisir de confirmer (par une preuve construite de toutes pièces sous forme de faux mail) une rumeur installée depuis plusieurs semaines et circulant sur les réseaux sociaux. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_de_confirmation">biais cognitif de confirmation</a> agissant, nous pouvons ainsi espérer que le faux message sera perçu comme une preuve irréfutable d’une information incertaine.</p>
<p>Une fois nos données fictives incorporées aux messages légitimes, nous transmettons l’ensemble du <em>leaks</em> à une seconde cellule de <em>hacking</em> chargée de sa mise en ligne en lui présentant l’ensemble comme des données brutes non exploitées issues d’un <em>leaks</em> à fort potentiel. Une mise en ligne sur un site de stockage comme Pastbin suffit à valider le caractère « brut de piratage » du corpus de données. Il suffit alors d’annoncer le <em>leaks</em> et rendre public le lien de téléchargement sur les réseaux sociaux pour boucler notre opération. Les messages compromettants seront rapidement détectés et exploités même s’ils semblent noyés dans plusieurs téraoctets de données.</p>
<h2>Un seul faux message…</h2>
<p>Les moyens numériques actuels permettent de créer de faux messages accompagnés de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tadonn%C3%A9e">métadonnées</a> totalement compatibles avec un ensemble de messages authentiques. Seul l’expéditeur légitime du faux message sait qu’il n’en est pas l’auteur et que son identité a été usurpée, mais il lui est souvent très difficile de répudier le faux message sans éveiller les doutes. Ce principe informationnel lié aux biais cognitifs humains doit nous tenir en alerte permanente face à un déluge de données globalement légitimes. Comme souvent, une loi de puissance probabiliste agit et fait qu’un seul faux message peut avoir plus d’effets que mille messages légitimes. </p>
<p>Dans ce contexte, l’intelligence artificielle devient un outil puissant à la fois pour l’attaquant lorsqu’il cherche à vérifier la cohérence de sa structure de données fictives et pour la défense lorsqu’il s’agit de contrôler la véracité de données transmises. Pour toutes ces raisons, la valeur informationnelle d’un PoliticLeaks demeure nulle. Comme le disait Édouard Herriot, « une vérité est un mensonge qui a longtemps servi ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Berthier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les #MacronLeaks ? De faux messages, grossièrement faux ! Mais la mise en œuvre de structure de données fictives par des hackers liés ou pas à des services de renseignement est une menace réelle.Thierry Berthier, Maitre de conférences en mathématiques, cybersécurité et cyberdéfense, chaire de cyberdéfense Saint-Cyr, Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774262017-05-15T19:07:07Z2017-05-15T19:07:07ZPodcast : quel est l’impact des médias sur les élections?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168776/original/file-20170510-21593-52phge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A voté!</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mairie-orly.fr/Citoyennete-democratie/Vos-demarches-administratives/Elections">Site de la mairie d'Orly</a></span></figcaption></figure><p>The Conversation France s’associe aux étudiants de la Licence Information-communication de l’Université Paris 13 (pilotés par leur enseignante Judith Mayer) pour une série de cinq podcasts autour des relations entre médias et société. Dans ce troisième podcast, Jacques Gerstlé s’exprime sur l'impact potentiel des médias sur les élections. Cette série d’émissions sera également diffusée sur la webradio des étudiants, <a href="http://webradio.univ-paris13.fr/">Treizièm’onde</a>.</p>
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<p><em><strong>Conception et montage</strong> : Norman Ben Moussa et Arinieva Razanamasy<br> <strong>Interview</strong> : Norman Ben Moussa et Arinieva Razanamasy.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77426/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ce troisième podcast, Jacques Gerstlé s’exprime sur l'impact potentiel des médias sur les élections.Jacques Gerstlé, Professeur de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.