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résilience – The Conversation
2024-03-06T16:08:59Z
tag:theconversation.com,2011:article/224797
2024-03-06T16:08:59Z
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S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?
Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSL
Benoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSL
Blanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSL
Sophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSL
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tag:theconversation.com,2011:article/224107
2024-02-22T15:42:21Z
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« En Ukraine, la santé psychique des personnes dépendra beaucoup de l’évolution du conflit »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577078/original/file-20240221-26-j393gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Immeuble détruit après une attaque à la roquette de l’armée russe, district de Pozniaky, Kiev, Ukraine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13476480@N07/51916065022/in/photostream/">Manhhai</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Francis Eustache, neuropsychologue, dirige des recherches au sein de l’unité Inserm « Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine » à l’Université de Caen-Normandie. Il est Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) de Paris. À l’occasion de l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022, il explique comment une forme de trouble de stress post-traumatique (TSPT) dit « complexe » survient chez un nombre important de personnes confrontées à un conflit armé.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Quelle est la définition du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Selon la classification américaine du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK207191/box/part1_ch3.box16/">DSM</a> (pour l’anglais « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », en français « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques ») qui fait consensus, le trouble de stress post-traumatique (TSPT, en anglais PTSD pour <em>post-traumatic stress disorder</em>) survient chez une personne menacée dans son intégrité personnelle parce qu’elle a été exposée à un événement traumatique.</p>
<p>Ce traumatisme est une rencontre entre un événement stressant majeur (catastrophes, guerres, violences faites aux femmes, attentats…), un ressenti subjectif et un moment particulier. Il va d’abord généralement déclencher un stress aigu intense. Si cet état perdure au-delà d’un mois, on va parler de <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/memoire-et-traumatisme">trouble de stress post-traumatique</a> (TSPT).</p>
<p><strong>The Conversation : Quels sont les principaux symptômes du TSPT ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Le TSPT est composé d’un certain nombre de symptômes dont l’élément cardinal est la reviviscence dominée par des intrusions. La personne va avoir l’impression subjective de revivre, comme s’ils étaient à nouveau présents, des éléments sensoriels très émotionnels qui appartiennent à l’événement traumatique comme des images, des bruits, des odeurs disparates…</p>
<p>La personne prend conscience de ces éléments intempestifs, très difficiles à vivre. Pour se protéger en quelque sorte, la personne essaie d’éviter les situations sociales qui peuvent favoriser, selon son analyse, cette réémergence. Ce mécanisme d’évitement va devenir à son tour son symptôme parce qu’il va couper la personne de son environnement et de ses proches qui pourraient l’aider.</p>
<p>Au cœur du TSPT, on trouve donc ce double symptôme d’intrusions dans le présent d’éléments du traumatisme vécu dans le passé, parfois des années auparavant, et d’évitement de ces éléments. Les intrusions peuvent survenir quand la personne est confrontée à des situations qui rappellent le traumatisme (lieux fermés, endroits particuliers dominés par certains bruits…).</p>
<p>On relève également ce que l’on appelle des symptômes neurovégétatifs. En d’autres termes, la personne va avoir tendance à sursauter, être à fleur de peau… On note aussi des altérations de l’humeur, de la cognition, des troubles du sommeil avec des cauchemars…</p>
<p>Par ailleurs, la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782746522336-les-nouveaux-chemins-de-la-memoire-francis-eustache-beatrice-desgranges-endel-tulving/">mémoire du traumatisme peut envahir toute l’autobiographie de la personne</a> qui va avoir tendance à ne se définir que par ce traumatisme qu’elle a vécu.</p>
<p>Les mécanismes cérébraux du TSPT sont maintenant mieux connus. À partir de la cohorte du programme de recherche 13 Novembre, dans une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aay8477%5BVN2">étude</a> publiée dans la revue scientifique <em>Science</em>, notre équipe a montré que ces intrusions d’éléments traumatiques sont liées à un manque de contrôle des régions du cortex préfrontal, sur des régions cérébrales qui régulent les perceptions, les émotions, la mémoire…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/13-novembre-et-traumatisme-la-memoire-collective-influence-profondement-la-memoire-individuelle-150005">13 Novembre et traumatisme : « La mémoire collective influence profondément la mémoire individuelle »</a>
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<p><strong>The Conversation : On distingue un TSPT spécifique lié à des événements traumatiques répétés comme les conflits armés, à l’image de ce qui se passe en Ukraine. De quoi s’agit-il ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : On parle effectivement de TSPT complexe (ou de type 2), quand le trouble se développe à la suite d’événements multiples répétés dans le temps, dont les caractéristiques sont plus proches de ce qui se passe en Ukraine (alors que le TSPT simple ou de type 1 est consécutif à un événement traumatique unique, comme un attentat). <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/grand-livre-du-trauma-complexe-enfant-adulte-fondements-enjeux">Dans le TSPT complexe, en revanche, la situation traumatique est répétée, sur le long cours</a>.</p>
<p>Chez l’adulte, les personnes concernées par un TSPT complexe vont connaître les mêmes symptômes que dans un TSPT simple, associés à d’autres symptômes dominés par ce que l’on appelle les symptômes dissociatifs. Les personnes ont l’impression d’être déconnectées de leurs pensées, de leur corps, de la réalité. On parle parfois de dépersonnalisation. La personne a l’impression d’être en dehors de sa personnalité habituelle, elle est moins réceptive à ce qui se passe autour d’elle.</p>
<p>Cela peut être considéré comme un moyen de défense face à la réalité qui est difficile à supporter. Cela peut aussi conduire à des formes d’amnésie, dite dissociative, car la personne n’enregistre pas ce qu’elle vit quand elle est dans un tel état de conscience.</p>
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<p>Dans le TSPT complexe, les personnes rencontreront des difficultés à réguler leurs émotions, parfois leur colère. Des attitudes autodestructrices sont aussi observées, pouvant aller jusqu’au suicide. Des symptômes corporels peuvent aussi survenir se manifestant, par exemple, par des douleurs chroniques, des atteintes de la sphère cardiorespiratoires…</p>
<p>Les manifestations cliniques du TSPT complexe peuvent être extrêmement diverses du fait de la situation d’insécurité permanente qui modifie la relation de la personne à elle-même et aux autres, davantage que dans le TSPT simple.</p>
<p>À noter que la classification américaine du DSM ne reconnaît pas le TSPT complexe mais évoque des TSPT avec ou sans symptômes dissociatifs. En revanche, la classification internationale des maladies (<a href="https://www.cepidc.inserm.fr/causes-medicales-de-deces/classification-internationale-des-maladies-cim">CIM</a>) de l’Organisation mondiale de la santé reconnaît le TSPT complexe.</p>
<p><strong>The Conversation : Historiquement, la reconnaissance du TSPT est d’ailleurs associée aux guerres. De quelle manière ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Des descriptions assez précises ont été faites sur les champs de bataille, avant la proposition du concept de TSPT. La première guerre mondiale a entraîné beaucoup de descriptions de soldats qui souffraient de troubles psychiques. Leur pathologie n’était pas reconnue. On ne soignait pas ces soldats qui étaient renvoyés au front. Quand ils étaient incapables d’y retourner parce qu’ils souffraient de troubles divers, ils étaient parfois considérés comme des simulateurs ou des déserteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-traumatismes-psychiques-de-la-grande-guerre-105766">Les traumatismes psychiques de la Grande Guerre</a>
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<p>Lors de la seconde guerre mondiale, on a commencé à mieux reconnaître ces troubles sur le plan sémiologique, c’est-à-dire à définir les différents symptômes associés.</p>
<p>Dans les années 60, la guerre du Vietnam constitue un tournant quand les vétérans de cette guerre font reconnaître leurs souffrances : c’est le <em>post-vietnam syndrom</em>. Ces vétérans vont s’organiser et revendiquer auprès des autorités américaines le fait d’être reconnus comme des blessés psychiques.</p>
<p>D’autres mouvements, non liés aux conflits armés, se conjuguent pour renforcer ce concept, à l’image des mouvements féministes post-hippies qui vont mettre sur le devant de la scène les violences faites aux femmes ainsi que des mouvements de protection des enfants, victimes de mauvais traitements et d’abus.</p>
<p>En 1980, le trouble du stress post-traumatique entre dans la classification américaine du DSM. Il devient une entité psychopathologique, avec une reconnaissance internationale.</p>
<p><strong>The Conversation : Les Ukrainiens sont-ils condamnés à souffrir de TSPT parce qu’ils vivent un conflit armé ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Un nombre important de personnes confrontées à des zones de guerre intense seront concernées par un TSPT, que ce soit les soldats de plus en plus épuisés ou les populations civiles exposées aux bombardements répétés. Mais cette pathologie est mouvante et évolue au fil du temps, elle n’est pas forcément définitive.</p>
<p>De plus, le TSPT revêt des aspects individuels et collectifs, et dépend également de l’évolution de la situation générale dans le pays. Il convient également d’établir des distinctions entre les personnes qui sont au front et celles qui en sont éloignées, même si des bombardements peuvent avoir lieu à l’intérieur des villes.</p>
<p>De plus, l’évolution peut être favorable si les personnes concernées par un TSPT bénéficient d’une bonne prise en charge au plan sanitaire et social : elles vont aller mieux si elles retrouvent un environnement sécurisant.</p>
<p>La guerre en Ukraine est difficile à appréhender parce qu’elle se déroule actuellement. On manque de recul et, globalement, la santé psychique des personnes dépendra beaucoup de l’évolution du conflit et de sa résolution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224107/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Eustache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le Programme 13-Novembre.</span></em></p>
Un trouble de stress post-traumatique dit « complexe » peut se développer chez des personnes exposées à des événements multiples répétés dans le temps, comme le conflit qui sévit depuis deux ans en Ukraine.
Francis Eustache, Directeur de l'unité Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine, Inserm, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Université de Caen Normandie, Université de Caen Normandie
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2024-02-18T15:48:08Z
2024-02-18T15:48:08Z
« L’envers des mots » : Résilience
<p>De plus en plus fréquent dans les discours médiatiques et le langage courant, le terme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971"><em>résilience</em></a> aurait été utilisé pour la première fois par <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9298804/">Emmy Werner</a>. Cette psychologue du développement se pencha dans les années 1980-1990 sur les conséquences à long terme du stress survenu au cours des périodes prénatales et périnatales, à partir d’une recherche longitudinale sur 698 personnes de l’île de Kauaï à Hawaii, de leur naissance à l’âge adulte.</p>
<p>Dans cette recherche, ce qui a étonné l’auteure fut qu’un tiers des enfants à risque n’avaient pas connu de problèmes particuliers pendant leur enfance et étaient devenus des adultes heureux et compétents. En outre, bon nombre des enfants ayant connu des problèmes ont été capables de rebondir à l’adolescence et à l’âge adulte. C’est pour qualifier ces sujets « vulnérables, mais invincibles » qu’Emmy Werner a utilisé le mot « résilience ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/psychologie-le-coping-ou-comment-nous-faisons-face-aux-stress-intenses-178833">Psychologie : le « coping », ou comment nous faisons face aux stress intenses</a>
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<p>La définition de la résilience proposée en 2001 par la Fondation de l’Enfance et par le <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-10-page-321.htm">groupe de travail dirigé par Michel Manciaux</a> envisage cette notion comme « … la capacité d’une personne, d’un groupe, à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères ».</p>
<p>Pour la professeure en psychologie <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay?vid=33UDL_INST:UDL&docid=alma991004344399705596">Marie Anaut</a>, la résilience implique « l’adaptation face au danger, le développement normal en dépit des risques et le ressaisissement de soi après un traumatisme ». Retenons également la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychanalyse/vilains-petits-canards_9782738109446.php">définition de Boris Cyrulnik</a> pour qui la résilience est « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative ».</p>
<p>L’importance de la résilience a surtout été mise en évidence dans la littérature relative au développement de l’enfant et de l’adolescent. Elle est souvent définie en fonction des facteurs de protection liés à l’individu lui-même et à son environnement. Des facteurs de résilience ont été relevés chez les personnes décrites comme ayant des ressources personnelles (estime de soi, la <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">confiance en soi</a>, l’autodiscipline, le courage et l’optimisme face à l’adversité) ou encore possédant des capacités cognitives supérieures à la moyenne, un sentiment de compétence, un lieu de contrôle interne, le sens de l’humour, de l’empathie et des compétences sociales.</p>
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<p>D’autres facteurs contribueraient à la protection des individus : l’adaptabilité au changement, l’autonomie, l’indépendance, les habiletés à résoudre les problèmes, la capacité à donner du sens à l’événement et la religion. Le contexte familial semble également jouer un rôle. Le fait d’avoir des parents chaleureux, de bénéficier de leur soutien, l’absence de conflits, la structuration de la vie de famille sont des facteurs propices à une bonne résilience.</p>
<p>Notons enfin que le soutien social des pairs, des professionnels, de la famille élargie, de professeurs et de voisins est également à prendre en compte. Il prend diverses formes comme le fait de bénéficier d’une présence réconfortante, de conseils ou d’informations susceptibles de constituer une aide pour mieux comprendre les événements ou les épreuves auxquels il faut faire face.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-stress-de-lenfance-menacent-ils-notre-coeur-dadulte-158716">Les stress de l’enfance menacent-ils notre cœur d’adulte ?</a>
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<p>La position qui domine actuellement la littérature consiste à aborder la résilience en termes de processus. Celle-ci est alors envisagée dans une perspective développementale, c’est-à-dire qu’elle est fonction du stade de développement dans lequel se trouve le sujet, ce qui conduit à des différences de réactions suivant l’âge, l’évolution, la construction psychique, l’entourage du sujet. Ce n’est pas une qualité « fixe » ou un trait de personnalité de l’individu, elle peut être soumise à des variations conséquentes selon les circonstances. Ainsi, la résilience ne se révèle pas dans le quotidien de la vie, mais dans l’épreuve qui seule est susceptible de mobiliser cette ressource, qu’il convient d’aller puiser au plus profond de soi.</p>
<p>Ainsi, pour mobiliser les processus de résilience, les individus doivent être confrontés à des événements aversifs ou traumatisants, comportant de la violence, une effraction physique ou psychique (par exemple, la perte d’un proche, un accident, une maladie…). Il peut aussi s’agir également d’une accumulation d’événements aversifs ou de carences graves et répétées, comme des négligences affectives.</p>
<p>Les processus de résilience peuvent être mis en œuvre dans des situations variées qui contribuent à rompre l’équilibre de l’individu adapté à son environnement. Certaines expériences suscitant des émotions fortes et négatives (comme la peur, la confusion, la défiance, etc.) pourraient constituer des risques pour le bien-être et l’équilibre mental de l’individu. Ainsi, une grande variété de situations est susceptible de mobiliser les processus de résilience, si tant est tant qu’elle soit alors mobilisable.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/220612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Tarquinio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La résilience, cette capacité à « se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants », est en vogue. Mais est-ce une qualité « fixe » qu’un individu possède ou pas ? Peut-elle se développer ?
Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de Lorraine
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tag:theconversation.com,2011:article/217935
2023-11-26T15:41:03Z
2023-11-26T15:41:03Z
18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561311/original/file-20231123-23-10xms0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte difficile, les jeunes sont plus positifs qu’on ne le pense face aux défis de demain, plus matures aussi et se définissent principalement par les causes qu’ils défendent en privilégiant des modes d’action dans la sphère privée plutôt que dans un espace public qui ne les inspire pas.</p>
<p>Tels sont les principaux enseignements de l’enquête exclusive réalisée en octobre auprès des 18-25 ans pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<hr>
<p>Alors que de nombreux sondages montrent les inquiétudes des parents pour leur progéniture, les jeunes interrogés sont majoritairement optimistes en pensant à l’avenir (71 %) et environ un quart d’entre eux se disent « très optimistes » mais ils envisagent leurs leviers d’action dans un cadre familial ou amical plutôt que collectif.</p>
<p><iframe id="bjzi3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bjzi3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ils se déclarent aussi adultes à 86 % et font de l’autonomie financière une condition primordiale de leur vie future.</p>
<h2>Un engagement qui se matérialise dans la sphère privée</h2>
<p>L’un des faits frappants de l’étude est que la confiance exprimée est ancrée dans l’environnement proche, alors que la famille (à 45 %) et les amis (41 %) sont les éléments qui les rendent « très heureux ».</p>
<p>Les jeunes interrogés déclarent se définir en premier lieu à travers les causes qu’ils soutiennent, principalement d’ordre environnemental et sociétal : gaspillage alimentaire, défense de l’environnement, lutte contre les violences faites aux femmes, combat contre le racisme et les discriminations…</p>
<p>Mais cet engagement, qui est donc au cœur de leur identité, est à la fois un engagement personnel et citoyen.</p>
<p>La mobilisation ou l’appartenance à un parti politique ou à un syndicat ne représentent ainsi pas à leurs yeux des preuves fortes d’engagement. Pas plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition, traduisant un réel fossé entre leurs préoccupations et la possibilité de les exprimer dans le monde qui les entoure.</p>
<p>Plusieurs formes de « dons » sont en fait mises en avant par rapport au fait de s’engager : aider une personne dépendante ou malade (83 %), donner de son temps en général (80 %), faire des dons d’argent (75 %) sont largement cités.</p>
<p><iframe id="oEwS0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oEwS0/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’engagement est à la fois proximal et intime. Il témoigne d’une véritable résilience et prend tout son sens à travers les actions et les gestes du quotidien. Interrogés sur « les personnes dont l’exemple vous donne envie de vous engager, de vous mobiliser », ils citent tout d’abord leurs parents, puis des « gens de leur génération qu’ils ont rencontrés » et en troisième « des membres de leur famille ».</p>
<p>Reste une singularité, même si seulement 16 % d’entre eux estiment que leurs « opinions politiques » contribuent à dire qui ils sont et que l’on connaît les faibles taux de participations des jeunes aux élections, 79 % considèrent toujours le vote comme une preuve d’engagement.</p>
<p>Un élément apparemment contradictoire mais qui semble traduire le décalage entre la représentation politique actuelle et celle que l’on aimerait et qui déclencherait l’envie de participer aux scrutins.</p>
<h2>Une maturité assumée face au contexte économique</h2>
<p>Être autonome financièrement (à 58 %), avoir une situation professionnelle stable (à 46 %), bénéficier d’un logement à soi (à 40 %)… ces trois éléments sont les premiers qui sont pris en considération par les 18-25 ans comme étant constitutifs d’un passage à l’âge adulte.</p>
<p>Une vision qui traduit la réalité d’une génération qui doit aussi faire à une certaine précarité. Il faut noter d’ailleurs que 41 % des 18-25 ans estiment que leur santé mentale et physique est très importante pour comprendre qui ils sont et en font donc une pierre angulaire de leur équilibre.</p>
<p>La question de l’orientation scolaire ou professionnelle montre des divergences. Une majorité des jeunes interrogés (56 %) estiment ainsi avoir le sentiment d’avoir vraiment pu choisir cette orientation mais chez les actifs, c’est le fait d’avoir un métier qui ne correspond pas à leur diplôme qui domine (à 53 %).</p>
<p>Face au travail, les jeunes sont à la fois très raisonnés et très exigeants, projetant une véritable maturité. Parmi les choses considérées comme « très importantes » figurent l’ambiance de travail (51 %), mais aussi la rémunération et les avantages matériels (50 %), le niveau de responsabilité (31 %) et le temps libre (44 %). La possibilité d’évoluer (43 %) est jugée plus importante que les valeurs et engagements de l’entreprise (34 %).</p>
<p><iframe id="rcIHf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rcIHf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autant de constats qui semblent privilégier une approche très pragmatique face au travail, loin des déclarations que l’on peut voir de ci et là sur certaines quêtes de sens priorisées sans grande considération matérielle.</p>
<h2>Une ambiguïté face aux médias</h2>
<p>Parce qu’ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias.</p>
<p>Quand ils décident de s’informer, la priorité n’est pas donnée à la politique ou à l’économie. Ils préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7,05/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (6,63) ou au sport (6,21). Sans surprise par rapport à notre constat sur l’engagement, l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale (5,54) ou internationale (5,38).</p>
<p>Face à l’actualité, ils se disent à la fois inquiets (41 %) et curieux (36 %), fatigués (33 %) et optimistes (24 %). Mais l’angoisse (25 %) et la méfiance (29 %) n’aboutissent pas forcément à de l’indignation (14 %) ou de la mobilisation (10 %).</p>
<p><iframe id="9mYCQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9mYCQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un point à souligner : les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48 % vs 33 %), plus fatiguées (39,5 % vs 26 %), angoissées (31,8 % vs 18 %) ou dépassées (29,6 % vs 19,5 %).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Rousselot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’enquête exclusive de The Conversation France sur les 18-25 ans montre une jeunesse positive et qui s’engage dans la sphère privée pour relever les défis du futur.
Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation France
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tag:theconversation.com,2011:article/209696
2023-07-26T18:16:49Z
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La capacité d’adaptation, un atout des territoires ultrapériphériques face aux crises
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537984/original/file-20230718-15-wrzph0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C0%2C916%2C567&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Mayotte, l’administration s’est réorganisée face à la montée du chômage.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mayotte-mamoudzou-1800x1000-d259bf1d.jpg">Bebetot/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les régions ultrapériphériques (RUP), éparpillées partout dans le monde, se distinguent par leur éloignement des grands centres économiques, leur isolement forcé et leurs singularités culturelles et sociales. Souvent perçus d’abord comme des lieux touristiques « sea, sand and sun », ils sont aussi marqués par des fragilités structurelles qui rendent particulièrement vulnérables face aux crises. Ils se caractérisent souvent à la fois par une superficie réduite et une topographie (montagneuse, volcanique, couverte de forêts denses, etc.) qui ne facilite pas l’exploitation de la surface disponible et le développement de l’économie.</p>
<p>La législation des 27 reconnaît ainsi explicitement ce statut à la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, La Réunion, Mayotte, les Canaries, les Açores et Madère. Reconnu par <a href="https://ue.delegfrance.org/outre-mer-2038">l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne</a> (TFUE), il fait référence à :</p>
<blockquote>
<p>« la situation sociale et économique structurelle des départements français d’outre-mer, des Açores, de Madère et des iles Canaries, aggravée par leur éloignement, leur insularité, leur petite taille, leur topographie et leur climat difficiles, la dépendance économique à quelques produits dont la permanence et la combinaison freiner sévèrement leur développement. »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/100/outermost-regions-ors-">contraintes géographiques</a> sont telles que le texte prévoit un traitement spécifique pour ces territoires structurellement en difficulté.</p>
<h2>Trappes de développement</h2>
<p>La <a href="https://www.senat.fr/rap/r13-710/r13-710_mono.html">pauvreté</a> notamment y reste très nettement supérieure à ce que l’on observe sur le continent. La proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté y est de près de 40 %. Cela concerne même <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4632225">77 % de la population</a> à Mayotte, soit plus de 200 000 personnes. Les RUP ont également un <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=GDP_at_regional_level">PIB par habitant inférieur de 40 % à la moyenne de l’UE</a> et le <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Unemployment_statistics_at_regional_level">taux de chômage y est supérieur de 50 % à la moyenne de l’UE</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537704/original/file-20230717-241692-ycstss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte des régions ultrapériphériques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ue.delegfrance.org/outre-mer-2038">Commission européenne</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La petite taille de ces régions signifie que leur marché de consommation est nécessairement restreint. Nombre de ces régions n’ont pas de frontières terrestres, ce qui leur permettrait d’écouler plus facilement leurs marchandises. Il y est donc plus difficile pour les entreprises d’avoir un marché suffisamment grand pour se développer, à moins qu’elles ne décident d’exporter, ce qui se trouve bien limité par la faiblesse des infrastructures de transports. D’autant que ces économies sont bien souvent davantage connectées avec les métropoles européennes qu’avec leurs voisins géographiques.</p>
<p>Tout ceci conduit de nombreux chercheurs à dire que les RUP sont coincées dans des trappes de développement, autrement dit, des situations où les entraves socio-économiques et structurelles sont telles qu’elles paralysent la croissance économique et le développement. Ces difficultés présentent un caractère systémique qui rend en outre les territoires en question plus vulnérables aux chocs que la moyenne.</p>
<p>Peu diversifiées et fortement dépendantes des <a href="https://oer.spl-horizonreunion.com/economie/cout-dependance-energetique-la-reunion">importations</a> en énergie ou produits industriels, ces économies reposent beaucoup sur le tourisme compte tenu de leurs ressources patrimoniales environnementales et paysagères. Cela peut avoir des effets dramatiques sur l’économie en temps de crise économique, comme ce fut le cas durant la <a href="https://www.unwto.org/fr/news/limpact-de-la-Covid-19-sur-le-tourisme-mondial-apparait-dans-toute-son-ampleur-alors-que-lomt-chiffre-le-cout-du-blocage">pandémie liée au Covid-19</a>.</p>
<p><iframe id="j2kif" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/j2kif/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un <a href="https://rsaiconnect.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/rsp3.12690">travail de recherche récent</a>, nous avons étudié les cas des Açores, de Mayotte et de la Réunion. Il nous a menés à rencontrer une trentaine d’acteurs, du public, du privé ou de la société civile. Des retours d’expérience de syndicats patronaux ont également été sollicités.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Économiquement, ces régions ont souffert au rythme des fermetures de lignes aériennes et maritimes. Isolées, elles ont aussi plus que les autres <a href="https://www.espon.eu/sites/default/files/attachments/A%20brief%20radiography%20of%20the%20social%20and%20territorial%20consequences%20of%20two%20years%20in%20the%20Covid-19%20%20pandemic.pdf">souffert</a> des pénuries et de la hausse des coûts de transport. Les recettes publiques, elles, ont notamment pâti de la chute du tourisme et des revenus qu’elles en tirent grâce aux taxations sur les carburants et le transport maritime. Contrairement à la métropole, celles-ci reviennent essentiellement à l’autorité régionale. Vendeurs de fruits et légumes sur les trottoirs, salariés non déclarés du bâtiment ou de la garde d’enfants, ce sont les acteurs du secteur informel qui semblent avoir connu les plus grandes difficultés.</p>
<h2>Une coopération renforcée</h2>
<p>La crise n’appartient pas partout au passé. À Mayotte, notamment, le chômage continue de grimper fortement : <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6798031">+4 points</a> par rapport à la moyenne 2016-2021 pour atteindre 34 % en 2022.</p>
<p>Malgré les désavantages socio-économiques et géographiques, ces régions ultrapériphériques ont néanmoins su proposer des adaptations, utilisant les atouts locaux pour trouver de nouvelles pistes de développement. Beaucoup d’élus et de responsables des administrations mettent en avant des capacités de résilience, à l’image de ce salarié de la préfecture à Mamoudzou qui mesure les derniers progrès :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons enfin fait la liste des aides ponctuelles d’urgence qui ont été versées aux bénéficiaires du revenu de solidarité active : finalement, c’est pas mal ! »</p>
</blockquote>
<p>Certes, il y a des effets en trompe-l’œil. Si une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6036674">création nette d’emploi</a> apparaît dans les chiffres à la Réunion, c’est pour partie car beaucoup d’entreprises ont commencé à les déclarer afin de toucher les aides.</p>
<p>Néanmoins, la crise a pu apporter son lot de progrès, en créant par exemple de nouveaux liens entre les acteurs du public, du privé ou avec des acteurs de la société civile. C’est un vrai motif de satisfaction pour ce président d’une association solidaire aux Açores :</p>
<blockquote>
<p>« Coopérer comme nous l’avons fait nous a permis d’être efficace et, surtout, de bien comprendre qui s’occupe de quoi. »</p>
</blockquote>
<p>Des responsables, d’instances publiques et socioprofessionnelles de l’ile de La Réunion, ayant pris part en 2020 et 2021, à la gestion de la crise Covid-19, abondent dans le même sens :</p>
<blockquote>
<p>« Il a fallu que l’on attende une crise pour s’assoir autour d’une même table et parler d’une seule voix. Et c’était bien ! »</p>
</blockquote>
<p>Les autorités et les associations ont aussi su lancer des actions de long terme afin d’anticiper les crises à venir, notamment en termes de <a href="https://www.mayottehebdo.com/actualite/entrepreneuriat/la-digitalisation-pour-le-developpement-des-entreprises-locales/">digitalisation</a>. En la matière, en effet, la pandémie a montré des limites en termes d’usage mais aussi d’accessibilité. Un salarié de la préfecture de Mayotte explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons mis en place des <a href="https://www.mayotte.cci.fr/boostez-votre-entreprise-en-participant-a-nos-ateliers-sur-linclusion-et-lacceleration-numerique/">ateliers</a> et des guichets uniques pour lutter contre l’illettrisme digital et aider aussi les gens à effectuer leurs démarches administratives en ligne. »</p>
</blockquote>
<p>L’enjeu pour l’avenir est de mettre en œuvre des politiques basées sur les ressources disponibles localement afin de construire des politiques territoriales toujours plus résilientes. De ce point de vue, l’expérience de la crise du Covid montre, à différents niveaux, qu’il n’y a pas de fatalité pour ces territoires, mais souvent des opportunités à saisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin a reçu des financements de ESPON EGTC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Jean-Pierre a été conseiller technique au Conseil Régional de La Réunion jusqu’à la mi-2020. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Francois Hermet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un travail de recherche montre que les liens de coopération entre acteurs locaux se sont notamment resserrés lors de la pandémie de Covid-19.
Sebastien Bourdin, Professeur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM Normandie
Francois Hermet, Maitre de Conférences en Sciences Economiques, Université de la Réunion
Philippe Jean-Pierre, Full professor, IAE de La Réunion - Saint-Denis, Université de la Réunion
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tag:theconversation.com,2011:article/205090
2023-07-11T14:48:11Z
2023-07-11T14:48:11Z
Course à pied, fabrication de pain : traverser la pandémie grâce à de nouvelles passions
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526903/original/file-20230517-18592-xkares.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C995%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors de périodes de vie difficiles, avoir une passion peut aider les personnes à rebondir des épreuves et à surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Au cœur de la pandémie, alors que de nombreuses personnes ont développé une nouvelle passion pour la course à pied et la fabrication du pain, d’autres ont dû mettre de côté leur amour du voyage. </p>
<p>Chercheuses en psychologie, nous avons mené avec notre équipe de recherche <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S019188692300140X">trois études durant la pandémie de Covid-19</a> afin d’examiner les bienfaits reliés au développement de nouvelles passions en contexte d’adversité. </p>
<p>Nous avons trouvé que les personnes ayant développé une passion harmonieuse ont vécu des émotions agréables et ont réussi à se désengager d’une activité passionnante irréalisable, ce qui les a amenés à ressentir du bien-être psychologique. </p>
<p>Les personnes ayant développé une passion obsessive, quant à elles, ont vécu un peu de bien-être, mais majoritairement des émotions désagréables et du mal-être (symptômes anxieux et dépressifs). </p>
<h2>Les passions ne sont pas toutes égales</h2>
<p>Prenons l’exemple d’Alex et de Charlie, deux personnages fictifs, afin d’illustrer les différents types de passion. Durant la pandémie, Alex a développé une passion pour la cuisine. Chaque soir, il adorait préparer une nouvelle recette et passer du temps en famille autour de bons repas. Dans la ville voisine, Charlie a quant à elle développé une passion pour le ski. Souhaitant participer à des compétitions, elle s’entraînait sur une base régulière et elle se sentait coupable les jours où elle ne skiait pas. Elle négligeait également ses études afin d’optimiser sa performance et se sentir fière d’elle dans son sport favori.</p>
<p>Alex et Charlie ont tous deux développé une passion pour une nouvelle activité, c’est-à-dire que cette activité aimée est devenue une partie de leur identité et ils y ont investi beaucoup de temps et d’énergie. Toutefois, ils ne se sont pas engagés dans cette activité de la même manière, ce qui a affecté différemment leur santé mentale. En effet, il existe <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0022-3514.85.4.756">deux types de passion</a>. </p>
<p>La <a href="https://academic.oup.com/book/12063?login=false">passion harmonieuse</a> est bien intégrée aux autres sphères de vie des individus. Ainsi, elle interfère peu avec leur travail, leurs loisirs ou leurs relations interpersonnelles. C’est le cas d’Alex, qui passe du temps en famille tout en poursuivant sa passion pour la cuisine. De plus, les personnes ayant une passion harmonieuse sont en mesure de se désengager de leur activité passionnante au besoin, par exemple lors d’un confinement qui les empêche de la pratiquer. </p>
<p>Au contraire, la <a href="https://academic.oup.com/book/12063?login=false">passion obsessive</a> est caractérisée par un besoin incontrôlable de pratiquer l’activité aimée. Les personnes ayant une passion obsessive basent souvent leur estime de soi sur leur performance dans leur activité passionnante, comme Charlie qui ne peut s’empêcher de skier.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne debout sur une piste de ski" src="https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528060/original/file-20230524-22-wrjmsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Durant la pandémie, les personnes ayant développé une passion obsessive ont vécu un peu de bien-être, mais majoritairement des émotions désagréables et du mal-être.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Le rôle des émotions agréables et désagréables</h2>
<p>Alors que la passion harmonieuse d’Alex risque de lui procurer de nombreux bienfaits, la passion obsessive de Charlie pourrait engendrer des conséquences négatives sur sa santé mentale. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S019188692300140X">Nos études</a> ont montré que les liens entre les types de passion et la santé psychologique peuvent être partiellement expliqués par la présence d’émotions agréables et désagréables. </p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780124072367000012">émotions agréables</a> permettent d’ouvrir ses horizons et de développer des ressources personnelles (p. ex., la présence attentive, qui réfère à la capacité d’être conscient de ses états internes et de son environnement) qui pourront être utilisées pour faire face aux situations stressantes. Les émotions désagréables ont également leurs fonctions. Par exemple, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0749597818305193">culpabilité</a> nous permet de reconnaître des comportements immoraux. Cependant, elles peuvent être associées à un repli sur soi et à des problèmes de santé psychologique.</p>
<p>Nos résultats indiquent que les personnes qui ont poursuivi une passion harmonieuse préexistante durant la pandémie et ceux qui en ont développé une nouvelle vivaient davantage d’émotions agréables, ce qui menait à un bien-être psychologique accru (satisfaction de vie, bonheur et trouver un sens à son existence). Au contraire, les personnes qui ont poursuivi une passion obsessive (préexistante et nouvelle) vivaient un peu de bien-être, mais surtout des émotions désagréables et des symptômes anxieux et dépressifs. </p>
<h2>Développer sa capacité à se désengager d’une passion</h2>
<p>La capacité à se désengager d’une passion est importante pour la santé mentale. Durant la pandémie, les personnes qui se désengageaient plus facilement de leur passion irréalisable, comme le voyage ou l’entraînement en salle, vivaient moins de symptômes d’anxiété et de dépression. </p>
<p>Nos résultats indiquent que le développement d’une nouvelle passion harmonieuse pourrait faciliter le désengagement face à une ancienne passion irréalisable qu’il est nécessaire de délaisser.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme assise dans un avion" src="https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528064/original/file-20230524-22-sasd9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au cœur de la pandémie, alors que de nombreuses personnes ont développé une nouvelle passion pour la course à pied et la fabrication du pain, d’autres ont dû mettre de côté leur amour du voyage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Favoriser la résilience grâce à la passion</h2>
<p>Il est important de souligner que les passions peuvent être des facteurs de résilience. Lors de périodes de vie difficiles, avoir une passion peut aider les personnes à rebondir des épreuves et à surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées. Pendant la pandémie, le développement de nouvelles passions (surtout harmonieuses) était un facteur de protection important pour la santé mentale. </p>
<p>Cela appuie les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jopy.12774">résultats d’autres études récentes</a> portant sur l’importance des passions harmonieuses pour promouvoir la résilience. En période de stress, il est donc bénéfique de prioriser les activités que l’on aime et de développer de nouveaux intérêts pour promouvoir sa santé mentale tout en veillant à ce que ces activités passionnantes soient intégrées de façon harmonieuse aux autres sphères de vie.</p>
<p>Bien que nos recherches ne se soient pas poursuivies après les confinements reliés à la pandémie, d’autres études ont montré que les passions harmonieuses ont tendance <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10902-018-0059-z">à perdurer dans le temps</a>. Ainsi, il est fort probable que les passions harmonieuses développées durant la pandémie se maintiennent et continuent d’être bénéfiques à la santé psychologique encore aujourd’hui !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205090/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Cimon-Paquet a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et des Fonds de recherche du Québec - Société et culture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Holding a reçu des financements de Canadian Social Sciences and Research Council.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Virginie Paquette ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Durant la pandémie, de nombreuses personnes ont développé une passion alors que d’autres ont dû abandonner une activité passionnante. Ces passions ont joué un rôle dans la santé psychologique.
Catherine Cimon-Paquet, Candidate au doctorat, conférencière et chargée de cours, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Anne Holding, Chercheuse postdoctorale en motivation humaine, New York University
Virginie Paquette, Stagiaire postdoctorale en psychologie organisationnelle/industrielle, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208620
2023-06-28T20:07:39Z
2023-06-28T20:07:39Z
Cyberattaques dans les hôpitaux, universités, administrations… Comment mieux résister ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534356/original/file-20230627-23-ievjpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C1014%2C684&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis mi-2021, une cybermenace sur 4 dans le monde environ concerne directement un organisme public.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/hacker-la-cyber-sécurité-matrice-8033977/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Collectivités territoriales, administrations publiques, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/hopital-23258">hôpitaux</a>, écoles et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/universites-20604">universités</a>, aucune de ces organisations publiques n’est à l’abri des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cyber-attaques-36559">cyberattaques</a>, que la Défense française définit comme :</p>
<blockquote>
<p>« (toute) action volontaire, offensive et malveillante, menée au travers du cyberespace et destinée à provoquer un dommage (en disponibilité, intégrité ou confidentialité) aux informations ou aux systèmes qui les traitent, pouvant ainsi nuire aux activités dont ils sont le support. »</p>
</blockquote>
<p>Selon l’Agence de l’Union européenne pour la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cybersecurite-31367">cybersécurité</a>, 24,21 % des cybermenaces recensées depuis juillet 2021 à travers le monde <a href="https://www.enisa.europa.eu/publications/enisa-threat-landscape-2022">visaient spécifiquement des administrations publiques</a>.</p>
<p>Cependant, ce risque reste largement sous-estimé en France, comme le soulignait en 2020 une <a href="https://clusif.fr/newspaper/le-risque-associe-aux-rancongiciels-demeure-sous-evalue-dans-les-collectivites-territoriales-clusif/">étude</a> du Clusif, l’association de référence de la sécurité du numérique, menée auprès de collectivités territoriales – malgré le fait que près de 30 % d’entre elles ont subi des attaques par rançongiciel en 2019.</p>
<h2>Des organismes plus vulnérables</h2>
<p>En effet, contrairement aux entreprises privées qui peuvent investir fortement en cybersécurité, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/administration-27868">administrations</a> publiques ont généralement des moyens plus restreints. En conséquence, leur capacité à recruter des experts dans ce domaine, attirés par les salaires plus élevés du secteur privé, reste limitée. Ces contraintes renforcent leur vulnérabilité face aux cyberattaques, qui ont connu une <a href="https://theconversation.com/cyberattaques-et-kidnapping-des-donnees-comment-proteger-les-organisations-des-rancongiciels-155384">augmentation considérable</a> depuis la crise du Covid-19.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années, les hôpitaux français étaient déjà des cibles privilégiées.</p>
<p>Encore très récemment, le 7 juin 2023, Aix-Marseille Université a connu une cyberattaque qui a eu pour effet le blocage total et temporaire de l’ensemble de ses services numériques pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels administratifs. La direction du numérique de l’établissement ayant très rapidement isolé son réseau, cette mise hors d’accès a permis de préserver l’intégrité du système informatique, d’éviter des dégâts potentiellement importants et d’assurer un retour rapide à la normale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1666437434358284296"}"></div></p>
<p>Si un niveau élevé de sécurité permet de contrecarrer et résorber la plupart des tentatives d’intrusion, ces phénomènes posent néanmoins de sérieux défis en matière de résilience technologique et organisationnelle. En effet, comment assurer la continuité des services publics tout en protégeant les systèmes d’information et les données personnelles des utilisateurs (personnels et usagers) ?</p>
<h2>Des mesures techniques et organisationnelles</h2>
<p>La notion de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilience</a> renvoie de manière générique à une capacité à résister, absorber et/ou rebondir face à un choc traumatisant, que cela soit à un niveau individuel, organisationnel, territorial voire sociétal. Sur le plan organisationnel, la résilience implique des capacités dynamiques visant à anticiper, résister, s’adapter ou encore <a href="https://econpapers.repec.org/paper/haljournl/hal-03083051.htm">se transformer, se réinventer</a>.</p>
<p>Appliquée au domaine des technologies du numérique, la résilience implique à la fois des mesures de sauvegarde, de protection des données, mais aussi de maintien de l’activité. Selon une <a href="https://www.oracle.com/security/cloud-threat-report/">étude</a> conjointe du cabinet de consulting KPMG et l’entreprise informatique Oracle, il convient de définir ces mesures de manière préventive afin qu’elles puissent être déployées efficacement et rapidement le cas échéant.</p>
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<p>Plusieurs méthodes peuvent être mobilisées. Sur le plan technique, le <strong>principe du moindre privilège</strong>, selon lequel même les communications internes sont considérées non sécurisées, peut notamment être appliqué. De même, des <strong>systèmes de gestion de l’information</strong> et des événements de sécurité (SIEM) analysent les informations en temps réel pour détecter d’éventuelles anomalies. Enfin, rappelons qu’une bonne compréhension de la <strong>configuration du réseau</strong> est cruciale pour anticiper et prévenir les attaques.</p>
<p>Sur le plan organisationnel, obtenir une <strong>certification</strong> d’une autorité compétente peut aider à prouver que le système a atteint un certain niveau de sécurité. Une <strong>cartographie claire du système d’information</strong>, même s’il est complexe, reste également essentielle pour identifier les failles potentielles. La <strong>communication de crise</strong> auprès des usagers doit aussi être prête en cas de crise. Enfin, la <strong>formation du personnel</strong> doit permettre aux équipes de reconnaître les tentatives d’hameçonnage.</p>
<p>Le cas de l’entreprise GitHub, même s’il ne met pas en scène une administration publique, constitue une illustration de l’efficacité de ces principes. En 2018, ce site de développement collaboratif de logiciel a été victime de ce qui a été qualifié de <a href="https://siecledigital.fr/2018/03/02/github-grosse-attaque-ddos/">plus importante cyberattaque de l’histoire</a>, ce qui ne l’a pas empêché de maintenir son service grâce à une organisation bien pensée (réplication de données, existence de serveurs alternatifs) et une préparation préalable à ce genre d’attaque. Cet épisode montre que les solutions résident dans une approche qui combine des mesures techniques et organisationnelles.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cyberattaques-des-hopitaux-que-veulent-les-hackers-192407">Cyberattaques des hôpitaux : que veulent les hackers ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/208620/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les organismes publics constituent des cibles privilégiées pour les hackers qui ont multiplié leurs offensives depuis la crise du Covid-19.
Mohammed Chergui Darif, Doctorant contractuel en science de gestion à l'Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale (IMGPT) / CERGAM, Aix-Marseille Université (AMU)
Bruno Tiberghien, Maître de conférences HDR en sciences de gestion à l’Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale (IMPGT) d’Aix-en-Provence, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196715
2023-05-24T13:42:12Z
2023-05-24T13:42:12Z
Un avenir très incertain pour les dernières vieilles forêts boréales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510897/original/file-20230217-20-mwbasv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3870%2C2590&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vieille forêt d'épinettes et de sapins, âgée de plus de 300 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En parcourant la route Transcanadienne, on peut avoir l’impression que notre pays regorge de forêts, alors qu’épinettes, trembles, sapins et bouleaux défilent presque à l’infini. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Même si on peut voir quelques coupes forestières et traces de feux çà et là, l’idée que ces forêts puissent disparaître de nos paysages nous traverse rarement l’esprit. Mais la réalité pourrait bien être toute autre. </p>
<p>L’enjeu ne concerne pas tout à fait la perte des forêts, mais plutôt la perte des forêts intactes, soit des forêts où n’ont jamais eu lieu d’activités de récolte. Il s’agit d’un enjeu majeur, encore <a href="https://www.cbd.int/conferences/2021-2022/cop-15/documents">souligné</a> par la conférence sur la biodiversité de l’ONU, qui s’est tenue à Montréal en 2022. Le Canada se retrouve d’ailleurs au <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/773621/biodiversite-le-canada-decrie-pour-la-gestion-de-ses-forets">3ᵉ rang mondial</a> pour la perte de ses forêts intactes. Un classement peu glorieux.</p>
<p>Les recherches que nous avons réalisées ces dernières années sur l’écologie des forêts boréales, ainsi que sur l’impact de l’aménagement forestier, démontrent toutefois qu’une attention toute particulière doit être apportée à la protection des vieilles forêts au sein des forêts intactes. </p>
<h2>Vieilles forêts, une règle ignorée au profit de l’exception</h2>
<p>Les feux sont la principale perturbation naturelle en forêt boréale. Bien qu’ils soient impressionnants, d’un point de vue relatif à l’immensité de ces territoires, leur impact n’est que modéré. Une grande partie des paysages boréaux intacts du Canada étaient, avant la révolution industrielle, dominés par des forêts <a href="https://doi.org/10.14214/sf.72">n’ayant pas brûlé depuis des siècles</a>. On appelle souvent ces dernières les « vieilles forêts ». L’adjectif « vieille » cause toutefois un biais, puisqu’il laisse croire qu’elles sont mourantes ou en déclin. Mais c’est loin d’être le cas : les vieilles forêts boréales restent généralement très dynamiques et résilientes <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2699.2010.02332.x">au cours des siècles</a>. Une vieille forêt n’est ainsi pas plus fatiguée ou fragile qu’une forêt que l’on qualifierait de « jeune » ou « mature ». Gare à l’anthropomorphisme donc !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="forêt de conifères" src="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vieille forêt d’épinette, âgée de 200 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour le forestier, dont l’une des principales tâches est de récolter du bois, laisser vieillir une forêt est en revanche perçu comme une perte de bois. Il est plus efficace de couper une forêt tôt et souvent pour profiter de la forte croissance des jeunes arbres. Depuis le début de l’ère industrielle, la majorité des récoltes réalisées au sein des forêts boréales intactes ont ainsi <a href="https://doi.org/10.1186/s40663-018-0148-9">visé les vieilles forêts</a>, pour les remplacer par des forêts plus jeunes, réduisant drastiquement leurs surfaces et leur connectivité. Ainsi, alors qu’elles formaient initialement de vastes massifs continus, les vieilles forêts résiduelles dans les territoires aménagés forment désormais des petits agglomérats séparés les uns des autres.</p>
<h2>Une dégradation massive des paysages forestiers, et non une déforestation</h2>
<p>Récolter régulièrement des forêts jeunes est pertinent dans des forêts déjà aménagées (soit des forêts qui ont été modifiées par de précédentes coupes), afin d’optimiser la récolte du bois, matériau aux <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2016.09.107">multiples bénéfices</a>. Réaliser des coupes dans les forêts intactes mène au contraire à une dégradation des paysages via la perte des vieilles forêts. Ces dernières offrent des habitats et des services écologiques très différents des forêts jeunes et aménagées. Le bois mort est par exemple un <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139025843">habitat essentiel</a> pour de très nombreuses espèces forestières. Or, c’est dans les vieilles forêts qu’il est le <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">plus abondant et diversifié</a> en termes de dimensions ou de stades de dégradation. </p>
<p>En Suède, la disparition des vieilles forêts a ainsi mené à <a href="https://doi.org/10.1046/j.1523-1739.1994.08030718.x">l’effondrement des populations</a> de nombreuses espèces forestières. Au Canada, le déclin du Caribou forestier est considéré comme le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1876097/sauver-caribou-forestier-biologiste">« canari dans la mine »</a>, soit un signal avant-coureur d’une crise écologique bien plus vaste, résultant en partie de la perte des vieilles forêts. </p>
<p>Parler de déforestation pour les forêts boréales est toutefois inexact, car la forêt repousse après la coupe. On observe au contraire une <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/779861/environnement-consommer-ici-entraine-la-perte-de-forets-intactes-ailleurs">dégradation</a>. En remplaçant les vieilles forêts par des forêts plus jeunes qu’on ne laissera pas vieillir, nous dégradons les habitats forestiers. </p>
<p>Présenter le faible taux de déforestation des forêts boréales canadiennes est ainsi souvent un moyen d’éviter de parler de leur dégradation, pourtant largement <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/774114/environnement-nos-forets-agees-sont-en-peril">documentée</a> depuis des décennies. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="souche d’arbre mort" src="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le bois mort est un habitat essentiel pour de nombreuses espèces.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Savons-nous ce que nous sommes en train de perdre ?</h2>
<p>Arrêter la dégradation des vieilles forêts boréales est un enjeu environnemental majeur du Canada, ce à quoi doit s’ajouter une politique de restauration des paysages déjà dégradés. Heureusement, ces objectifs ne sont pas <a href="http://www.cef-cfr.ca/uploads/Actualit%e9/MemoireCEF_CC.pdf">incompatibles</a> avec la production de bois. Cette dernière devant se centrer sur des forêts aménagées dans cet objectif, plutôt que sur des forêts intactes. </p>
<p>Nous devons néanmoins reconnaître notre manque de connaissances vis-à-vis des vieilles forêts et des enjeux qui en découlent. Ces forêts montrent une forte hétérogénéité <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">d’histoires, de dynamiques et d’habitats</a>, qu’il est très difficile d’identifier et de <a href="https://doi.org/10.1139/cjfr-2019-0177">cartographier</a>. Encore aujourd’hui, il semble impossible de proposer un portrait satisfaisant des vieilles forêts du Canada. </p>
<p>La biodiversité boréale est elle aussi encore méconnue, en partie parce qu’elle est dominée par des espèces peu visibles et bien moins attrayantes qu’un grand mammifère comme le caribou, telles des <a href="https://doi.org/10.14214/sf.82">mousses</a>, lichens, insectes, champignons ou même bactéries. </p>
<p>Une politique de conservation efficace doit être tant quantitative que qualitative, protégeant les habitats naturels dans toute leur diversité. Les cibles de protection actuelles sont toutefois essentiellement quantitatives. Elles sont, par exemple, basées sur des pourcentages de surfaces à protéger. Pourtant, les coupes forestières se concentrent surtout sur les vieilles forêts <a href="https://doi.org/10.3389/ffgc.2021.639397">plus riches en bois</a>. </p>
<p>Plus globalement, le choix récent de la province du Québec d’annuler <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/595022/environnement-l-industrie-avant-la-protection-du-territoire">83 projets d’aires protégées</a> dans la forêt commerciale, pour les remplacer par des zones situées au nord sans impact sur l’industrie forestière, démontre le risque des critères purement comptables à l’efficacité écologique limitée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="coupe forestière" src="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coupe forestière au sein d’une forêt boréale pluricentenaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La lumière mise sur l’urgence de protéger les dernières forêts intactes est donc une bonne nouvelle, mais il conviendra de rester prudent et critique afin de s’assurer de l’efficacité réelle de toute politique de conservation. Au Québec, un taux de dégradation de 75 % des vieilles forêts commerciales reste, par exemple, malheureusement « <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwisiuao5pz9AhU8FVkFHS3YCkkQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Fcdn-contenu.quebec.ca%2Fcdn-contenu%2Fforets%2Fdocuments%2Fplanification%2FAbitibi-Temiscamingue%2FPL_PAFIT_Abitibi_UA082-51_MFFP.pdf&usg=AOvVaw0S9feRbECqSLBqK2eJhOXd">acceptable</a> ». </p>
<p>Face à l’urgence climatique et environnementale actuelle, nous pouvons certainement mieux faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196715/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxence Martin a reçu des financements du Fonds de Recherche du Québec, de l'Université du Québec à Chicoutimi et de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicole Fenton a reçu des financements de la Conseil de Recherche sur les Sciences Naturelles et de Génie du Canada (CRSNG), la Fonds de recherche du Québec- Nature et Technologies (FRQNT), le Plan Nord du Québec, Environnement Canada, en découverte et en partenariat avec des compagnies forestiers et minières. </span></em></p>
L’éloignement et les dimensions modestes des arbres des vieilles forêts boréales ne doivent pas nous faire oublier leur haute importance écologique, ainsi que les nombreuses menaces pesant sur elles.
Maxence Martin, Écologie et aménagement forestiers, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Nicole Fenton, Professor, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204579
2023-05-09T10:33:28Z
2023-05-09T10:33:28Z
Logistique : sur quels critères les entreprises choisissent-elles leurs prestataires ?
<p>Depuis plusieurs décennies, de nombreuses entreprises ont <a href="http://www.journaldunet.com/management/dossiers/0309externalisation/ernst.shtml">externalisé leurs activités logistiques</a> aux prestataires des services logistiques (PSL). Ces opérations leur permettent de se concentrer sur leur cœur de métier et bénéficier des avantages que ces partenaires leur offrent en termes de réduction des coûts, de gains de productivité, et de l’amélioration des performances.</p>
<p>Ces prestataires jouent des rôles essentiels en tant qu’orchestrateurs des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaines-dapprovisionnement-85385">chaînes d’approvisionnement</a> (« supplys chains », ou SCs), reliant les entreprises à leurs fournisseurs et aux marchés de plus en plus mondialisés. La plupart des PSL comme Geodis, Kuehne & Nagel, ID Logistics, XPO Logistics et Stef, ont étendu leurs services de base liés au transport et à l’entreposage, à des services innovants et à valeur ajoutée tels que : tracing/tracking, cross-docking, co-packing, co-manufacturing, transport au dernier kilomètre, dédouanement, et gestion des retours.</p>
<p>Les PSL sont garants de la bonne coordination des flux physiques et informationnels le long des SCs, et leur performance conditionne à la fois leur avantage concurrentiel et celui de leurs clients (chargeurs), et plus largement celui des SCs.</p>
<h2>Décision stratégique</h2>
<p>La sélection des PSL représente de fait une décision stratégique majeure pour le donneur d’ordre. C’est un processus complexe car, d’une part, il est multifonctionnel, devant impliquer plusieurs acteurs et ressources du chargeur (achats, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/logistique-27386">logistique</a>, dirigeants, business units). D’autre part, il est multicritère, devant tenir compte de divers critères quantitatifs et qualitatifs tels que le coût, la qualité du service, la livraison dans les délais, la technologie mobilisée, la flexibilité, et l’expertise.</p>
<p>Avec l’émergence de SCs durables, la gestion des retours de produits et des déchets est généralement externalisée aux PSL disposant d’infrastructures et d’équipements spécialisés, du personnel qualifié et des capacités d’entreposage adéquates.</p>
<p><a href="https://dx.doi.org/10.1016/j.omega.2014.05.009">Notre première analyse</a> détaillée sur le problème de la sélection des PSL ainsi qu’un autre <a href="https://doi.org/10.1080/12507970.2019.1580619">travail de recherche</a> ont permis d’identifier 13 principaux critères et qui sont : technologies d’information et de communication (TIC), relations, qualité, coût, actifs physiques, services, situation financière, livraison, professionnalisme, flexibilité, réputation, localisation et durabilité. De plus, les critères portant sur l’innovation et les risques ont récemment été intégrés dans ce processus. Au total, 15 critères sont utilisés par le chargeur dans son processus de sélection des PSL. Chaque critère est décrit par un ensemble de sous-critères.</p>
<p>Le critère lié aux <strong>TIC</strong> est le plus important de nos jours suite à la digitalisation des SCs globales. Il se rapporte aux systèmes comme WMS (Warehouse Management System), TMS (Transport Management System), ERP (Entreprise Resource Planning), e-commerce, RFID, drones, géolocalisation, et intelligence artificielle. Grâce aux TIC, les PSL peuvent gérer efficacement leurs opérations logistiques (transport, entreposage, préparation des commandes, etc.), et échanger rapidement avec leurs chargeurs de plus en plus éloignés géographiquement. Cet échange d’informations facilite la réactivité dans les relations chargeur/PSL, ce qui permet aux deux partenaires de réagir aux changements environnementaux ou aux nouveaux développements du marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-grands-defis-de-la-digitalisation-de-la-supply-chain-197559">Les grands défis de la digitalisation de la supply chain</a>
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<p>Le critère de <strong>coût</strong> est relativement moins important que par le passé. En fait, le partenariat chargeur/PSL permet de réduire les coûts logistiques grâce, par exemple, à la mise en place de la démarche de gestion mutualisée des approvisionnements (GMA). Cette démarche conduit aussi à la réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, à l’amélioration du taux de service et des échanges d’informations le long des SCs. Cependant, dans le contexte actuel de la crise économique et énergétique, le <a href="https://www.supplychaininfo.eu/multiplication-du-prix-du-transport-les-raisons-de-la-hausse/">coût logistique a subi une forte augmentation</a> au niveau du transport, de l’entreposage et de l’emballage.</p>
<p>Quant au critère de <strong>durabilité</strong>, il est devenu un enjeu majeur pour la plupart des chargeurs en raison de l’augmentation des flux de retour de produits, des préoccupations environnementales, de la législation et de la RSE. Le rôle des PSL dans la mise en œuvre de la gestion des opérations de logistique inverse et verte est de plus en plus crucial. Pour la proximité des marchés géographiques, elle n’apparaît pas comme un critère déterminant, d’autant plus que les TIC permettent aux partenaires de travailler à distance.</p>
<p><strong>L’innovation</strong> apparaît en outre de plus en plus importante pour améliorer les opérations logistiques et fait référence aux nouveaux développements dans les technologies, les services, les processus, les idées et les solutions. Les services innovants sont essentiels pour renforcer la relation chargeur/PSL et distinguer ces prestataires de leurs concurrents. À l’ère de la transformation numérique et digitale (industrie 4.0, supply chain 4.0), la capacité d’innovation logistique contribue davantage à l’atténuation des risques dans les SCs. Ces risques sont de type endogène comme les risques opérationnels et de collaboration, mais aussi de type exogène tels que les catastrophes naturelles, les crises sanitaires (cas de Covid-19), les conflits géopolitiques, et la crise énergétique actuelle. Comme le PSL joue un rôle primordial dans la régulation des flux dans ces SCs, il est ainsi confronté à ces types de risques lors de l’exécution de ses activités logistiques d’entreposage, de transport et de picking.</p>
<h2>Interdépendances</h2>
<p>Ces différents critères impliqués dans le processus de sélection des PSL sont interdépendants. En effet, la relation entre un chargeur et son PSL, basée sur la confiance et l’engagement, influe sur la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité des services et de la flexibilité, et la gestion des risques.</p>
<p>Enfin, la liste des critères dépend du secteur d’activité du chargeur et des activités logistiques externalisées. Dans le cas de la sélection des transporteurs par exemple, le coût, la livraison dans les délais et la capacité des véhicules sont les critères les plus importants. Par ailleurs, en logistique inverse, la capacité du PSL à traiter les retours de produits, son expérience, sa localisation et sa qualité de service sont les critères les plus considérés par le chargeur.</p>
<p>Hausse des prix d’énergie, changement climatique, conflits géopolitiques, ou encore transformation numérique sont autant de facteurs qui ont déstabilisé les SCs à l’échelle mondiale. Acteurs primordiaux dans ces SCs, les PSL sont amenés à demeurer <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilients</a> pour survivre !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aguezzoul Aicha ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Au-delà des coûts et des services proposés, les entreprises apparaissent de plus en plus sensibles au potentiel d’innovation et à la manière dont leurs partenaires gèrent les risques.
Aguezzoul Aicha, MCF-HDR, IAE Metz, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176095
2023-03-13T13:52:10Z
2023-03-13T13:52:10Z
Les services publics et culturels jouent un rôle essentiel dans la résilience des villes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452286/original/file-20220315-19-9pzvcc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C0%2C4191%2C2819&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les villes dotées de services culturels et publics dynamiques ont tendance à mieux résister aux fermetures d’usines et aux licenciements massifs que les communautés qui en sont dépourvues et, après les fermetures d’usines, des jeunes s’y installent ou y demeurent.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson </span></span></figcaption></figure><p>Les fermetures et les congédiements massifs qui frappent les grandes entreprises manufacturières – que ce soit en raison de la <a href="https://news.mit.edu/2021/david-autor-china-shock-persists-1206">concurrence de pays à faibles salaires</a> ou de <a href="https://news.mit.edu/2020/robots-help-firms-workers-struggle-0505">l’automatisation</a> – ont évidemment de lourdes conséquences pour les travailleurs licenciés.</p>
<p>Cependant, les villes qui abritent ces entreprises en souffrent gravement aussi. Quels facteurs renforcent la résilience des villes à la suite des fermetures ou des licenciements massifs ?</p>
<p><a href="https://cirano.qc.ca/en/summaries/2021s-41">Dans notre étude sur les impacts des fermetures et des réductions d’effectifs des grandes usines</a>, nous avons constaté qu’au cours des 20 dernières années, les villes canadiennes les plus durement affectées par ces événements ont connu un ralentissement de la croissance démographique, en particulier chez les jeunes et les personnes en âge de travailler.</p>
<p>Ces effets ont toutefois été limités dans les villes où les services publics et culturels sont un aspect établi et vital de la culture de la communauté. Les services publics et culturels semblent donc contribuer à la résilience des villes.</p>
<h2>Effets boule de neige des licenciements massifs</h2>
<p>Depuis le début des années 1990, des économistes ont étudié l’impact des fermetures de grandes usines et des licenciements massifs sur les travailleurs congédiés. Les résultats montrent que ces chocs économiques <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2020/10/20/tackling-the-impact-of-job-displacement-through-public-policies">nuisent aux personnes concernées</a> dans presque tous les aspects de leur vie : ils engendrent une baisse de revenu pour eux et pour leurs enfants lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, une hausse de la probabilité d'être au chômage, un allongement des périodes de chômage, une baisse de la fécondité et une hausse du taux de divorce.</p>
<p>Mais l’impact des licenciements massifs et des fermetures de grandes usines sur l’économie des villes est plus débattu.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/jeea/jvy045">Selon certaines études</a>, les pertes d’emplois globales sont plus importantes que le nombre d’emplois initialement supprimés. Cela s’explique par l’effet boule de neige : les fermetures de grosses usines entraînent la faillite de fournisseurs locaux ou d’autres entreprises qui dépendent d'elles.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/jeg/lbx026">Selon d’autres études</a>, une partie des pertes d’emplois est compensée par ceux créés dans des entreprises locales déjà en place ou nouvelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des maisons abandonnées et placardées dans la ville de Windsor, en Ontario, l’une des communautés ontariennes les plus touchées par la récession de 2008-2009.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans notre récente étude sur les villes canadiennes, nous avons constaté que sur les quelque 53 000 établissements manufacturiers actifs en 2003, près de 4 000 de ceux qui comptaient plus de 50 employés avaient disparu en 2017.</p>
<p>En outre, 1 200 d’entre eux avaient licencié au moins 30 % de leur main-d’œuvre. Au total, près d’un tiers des emplois manufacturiers de 2003 avaient disparu en 2017, et beaucoup d’entre eux n’avaient pas été remplacés.</p>
<p>La situation varie selon les provinces canadiennes. Le Québec, l’Ontario et les provinces de l’Atlantique ont été beaucoup plus durement touchés que les provinces de l’Ouest. Et il existe aussi des différences entre les villes d’une même province.</p>
<p>Nous avons comparé les changements démographiques dans les villes où le secteur manufacturier a connu beaucoup de pertes d’emplois à ce qui s’est produit dans les villes où il n’y a eu que peu de pertes. Nous avons également tenu compte de caractéristiques qui varient fortement entre les villes, comme leur taille initiale, leur proportion initiale de jeunes résidents, leur climat et leur emplacement au Canada.</p>
<h2>Les fermetures d’usines entraînent un vieillissement de la population</h2>
<p>Nous avons constaté que les fermetures de grandes usines et les licenciements massifs freinent la croissance démographique des villes les plus durement touchées. Les effets négatifs se concentrent chez les personnes en âge de travailler (20-54 ans) et les jeunes (0-19 ans).</p>
<p>En d’autres termes, une ville qui se désindustrialise devient une ville dont la population vieillit. En effet, les personnes en âge de travailler sont plus susceptibles de partir après des licenciements massifs pour chercher des emplois ailleurs, et elles partent avec leurs enfants lorsqu'elles en ont.</p>
<p>Les immigrants et les célibataires sont également plus susceptibles de quitter les villes touchées par des chocs sur le marché du travail. Cela s’explique par le fait que les immigrants ont l’habitude de recommencer à zéro, tandis que les célibataires n’ont pas à craindre de perturber la vie scolaire ou sociale de leurs enfants.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="On voit des gens quitter une usine d’assemblage automobile avec une rangée de voitures colorées au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En septembre 2011, des employés quittent l’usine d’assemblage Ford au moment où la production prend fin à St-Thomas, en Ontario. L’usine de la petite ville du sud-ouest de l’Ontario a fermé après quatre décennies d’activités, et 1 200 travailleurs se sont retrouvés au chômage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Dave Chidley</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, nous avons observé que les villes avec une plus forte part de la population initialement employée dans les secteurs de l’éducation, des soins de santé et de l’assistance sociale ont subi un déclin démographique moindre à la suite de la fermeture et des licenciements massifs dans les grandes entreprises manufacturières. Il en va de même de celles avec une forte présence initiale de services culturels.</p>
<p>Les services publics et culturels renforcent la résilience des villes en rendant moins lourdes les conséquences des fermetures. Nos recherches en cours ne permettent pas d’en déterminer les raisons, et le phénomène n’est <a href="http://espace.inrs.ca/id/eprint/9265/">pas encore bien compris</a>. Mais les premiers résultats montrent que les services d’éducation, de santé et d’assistance sociale sont particulièrement efficaces pour retenir les travailleurs étrangers, tandis que les activités culturelles retiennent plus particulièrement les personnes en âge de travailler, notamment les diplômés universitaires.</p>
<p>Cela donne à penser que ces services répondent aux besoins de différents types de citoyens, et que les villes qui en sont bien dotées ont plus de chances de conserver ces derniers s’ils perdent leur emploi. À l’heure où les services publics et culturels sont soumis à de fortes pressions en raison de la Covid-19, leur préservation pourrait être l’un des éléments qui permettent aux villes de résister à des crises futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176095/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Mayneris a reçu des financements du CRSH. Il est affilié au Center for Economic Policy Research. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kristian Behrens a reçu des financements du CRSH. Il est affilié au Centre for Policy Research (Londres, Royaume-Uni) et au Center for Market Studies and Spatial Economics (CMSSE ; HSE, Fédération de Russie).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manasse Drabo a reçu des financements pour sa bourse de doctorat du CRSH, du FRQSC et d'Hydro Québec.</span></em></p>
Des recherches préliminaires suggèrent que les services culturels et sociaux retiennent ou attirent les employés durement touchés par les fermetures d’usines dans d’autres communautés.
Florian Mayneris, Professor, Urban Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Kristian Behrens, Economics Professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Manassé Drabo, PhD Candidate, Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196517
2022-12-20T15:57:39Z
2022-12-20T15:57:39Z
Les achats « inclusifs », un levier de résilience pour les entreprises
<p>Ces dernières années, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/Covid-19-82467">crise du Covid-19</a> suivie par le conflit russo-ukrainien ont mis en évidence la fragilité de nos systèmes économiques et sociaux. Ces crises mettent à rude épreuve les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaines-dapprovisionnement-85385">chaînes d’approvisionnement</a> internationales (ou supply chains). Ruptures à tous les échelons, augmentation des coûts des matières premières, difficultés à prévoir une demande toujours plus volatile, complexité et interconnexion des supply chains à l’international… Face à cela, le concept de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilience</a>, qui désigne la capacité à faire face à des perturbations, a été largement mis en avant dès le début de la crise pandémique.</p>
<p>Une supply chain résiliente est capable de continuer à fonctionner de manière efficace malgré les problèmes de transports ou de matériel, en adaptant rapidement ses processus et en utilisant des stratégies de contournement pour maintenir la continuité de ses opérations. Néanmoins, développer une telle capacité n’est ni aisé (par où commencer ?), ni même bon marché pour les entreprises.</p>
<p>Dans le même temps, les crises actuelles ont renforcé l’attrait de nombreuses entreprises pour les questions de « durabilité sociale » (au-delà de la « durabilité environnementale »), car certaines réalisent que leur succès à long terme dépend de la capacité de notre société à faire face aux défis économiques, sociaux et environnementaux.</p>
<p>Ainsi, ces crises ont mis en lumière la nécessité de créer et gérer des supply chains à la fois plus résilientes et plus durables, capables de faire face à des perturbations inattendues.</p>
<h2>Prendre en compte les personnes marginalisées</h2>
<p>Dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S147840922200022X">recherches</a>, nous avons identifié qu’il existe déjà une manière de développer la résilience et la durabilité sociale de sa supply chain en s’appuyant sur des dépenses déjà existantes dans les entreprises : il s’agit des achats. Les entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, procèdent en effet toutes à des achats.</p>
<p>Ces achats peuvent être qualifiés de directs ou d’indirects. Les achats directs sont les achats d’une entreprise pour les biens et services dont elle a un besoin immédiat pour produire ses propres produits ou services. Ils peuvent inclure des matières premières, des composants, des équipements et du personnel. Les achats indirects, en revanche, sont les achats d’une entreprise pour les biens et services dont elle a besoin pour son fonctionnement général, mais qui ne sont pas directement liés à la production de ses produits ou services. Ils peuvent inclure des fournitures de bureau, des services de nettoyage, des assurances et des services de télécommunications. Dans tous les cas, la manière dont les entreprises effectuent leurs dépenses d’achats peut contribuer à l’objectif de résilience et de durabilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-fonction-achats-qui-priorise-lecologie-dans-ses-indicateurs-dynamise-la-performance-economique-de-lentreprise-158087">Une fonction achats qui priorise l’écologie dans ses indicateurs dynamise la performance économique de l’entreprise</a>
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<p>Pour cela, elles peuvent mettre en place des achats dits « inclusifs ». Les achats inclusifs constituent une approche axée sur l’égalité des chances dans les processus d’achat. Cela implique de prendre en compte les besoins et les perspectives de tous les groupes de personnes dans la société, y compris ceux qui sont souvent marginalisés ou discriminés, lors de la sélection des fournisseurs et des biens ou services à acheter. L’objectif est de s’assurer que les personnes marginalisées aient une chance égale de participer à l’économie et de bénéficier des opportunités économiques que les achats peuvent offrir. Les achats inclusifs peuvent donc être développés tant pour les achats directs qu’indirects.</p>
<p>Fin 2020, sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 40 multinationales ont créé une coalition nommée Business for Inclusive Growth (B4IG) afin de <a href="http://www.b4ig.org/wp-content/uploads/2020/11/B4IG_Board-Meeting-Press-Release_FR.pdf">contribuer à une « relance inclusive »</a>. L’un des objectifs est notamment de renforcer les pratiques d’achats inclusifs et de les diffuser dans l’écosystème. Par exemple, il est possible, dans les appels d’offres, de réserver des lots à des entreprises ou des organisations inclusives qui emploient des personnes en situation de handicap ou encore des profils dits « éloignés de l’emploi ».</p>
<h2>Resserrer les liens</h2>
<p>Les résultats de nos recherches menées pendant la crise du Covid-19 montrent que, grâce aux achats inclusifs, il existe un renforcement drastique des liens entre l’entreprise acheteuse et ses fournisseurs afin de suivre le développement des moyens et si les objectifs d’inclusion sociale sont bien atteints.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-la-transition-verte-une-entreprise-a-tout-interet-a-jouer-la-carte-du-long-terme-avec-ses-fournisseurs-169917">Avec la transition verte, une entreprise a tout intérêt à jouer la carte du long terme avec ses fournisseurs</a>
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<p>Ce resserrement des liens permet aussi, par rebond, l’amplification de quatre capacités opérationnelles de résilience de la supply chain : il s’agit de la « visibilité », l’« adaptabilité », la « collaboration » et la « solidité financière de l’entreprise ». En outre, les achats inclusifs permettent une capacité nommée « autonomisation » (ou empowerment) qui contribue également à une forme de résilience chez les fournisseurs, et donc dans l’ensemble de la supply chain, puisque l’éradication des ruptures en amont évite qu’un effet ricochet se produise vers l’aval.</p>
<p>Nous avons observé concrètement ce cercle vertueux entre une multinationale du secteur de la cosmétique qui a lancé son programme d’achats inclusifs depuis plus de dix ans et ses fournisseurs situés à travers le monde. Une responsable des achats durables témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis très heureuse et fière parce que nous avons augmenté notre impact social malgré la crise, ce qui est un peu une surprise, pour être honnête avec vous. […] parce que nous travaillons beaucoup avec des fournisseurs à long terme, nous avons réussi ensemble, en maintenant et même en augmentant notre engagement. »</p>
</blockquote>
<p>Bien sûr, la multinationale s’est appuyée sur des reins solides pour soutenir financièrement ses fournisseurs engagés dans l’inclusion sociale :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons dit à certains fournisseurs du programme : “pour l’instant, nous n’avons plus besoin de votre produit, il n’y a plus de demande. On ne peut pas le vendre, donc on ne l’achètera pas, mais on compensera”. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre acheteur que nous avons interrogé souligne l’intérêt d’une telle démarche d’inscription du partenariat dans un temps long :</p>
<blockquote>
<p>« Nous partageons les bonnes pratiques [avec les fournisseurs] et ils partagent les leurs avec nous. Cela contribue à avoir une supply chain résiliente. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, alors que les recherches montrent que les entreprises qui ont des supply chains durables ont été mieux préparées à faire face aux crises et sont en meilleure mesure de maintenir une continuité des opérations, nos travaux montrent que grâce aux achats « inclusifs » en particulier, d’autres entreprises avec des moyens plus limités peuvent aussi espérer atteindre une plus grande durabilité sociale et résilience : il s’agit pour elle de choisir une manière inclusive de dépenser.</p>
<p>L’enjeu devient aujourd’hui d’autant plus crucial du côté des organisations publiques. En effet, le Code de la commande publique exigera que 100 % des achats prennent en compte de tels critères <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/achats-publics-durables">dès 2025</a>. Nul doute que par effet de mimétisme, les entreprises du privé leur emboîteront le pas…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Lorsque la fonction achats adopte une démarche d’égalité et prend en compte les besoins de tous les groupes dans la société, l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement se renforce face aux crises.
Salomée Ruel, Professeure associée en Supply Chain Management et Management des Systèmes d'Information, Kedge Business School
Minelle Silva, Professeur associé en Supply Chain Sustainability, pôle supply chain, purchasing, project management, Excelia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178833
2022-12-15T18:19:10Z
2022-12-15T18:19:10Z
Psychologie : le « coping », ou comment nous faisons face aux stress intenses
<p>La guerre trace, dans la vie des individus qui y sont confrontés, une frontière nette entre l’« avant » et l’« après ». Cette épreuve singulière ne signe pas, comme on le croit souvent, une impossibilité de vivre, mais oblige généralement à vivre de façon très différente. L’ébranlement du processus vital qui résulte de cette situation engendre des bouleversements auxquels chaque individu fait face en mobilisant ses capacités d’adaptation. Mais tout le monde ne réagit pas de la même façon.</p>
<p>Pour décrire les mécanismes à l’œuvre, les psychologues de la santé ont forgé le concept de « coping », souvent traduit dans la littérature spécialisée par le terme français « ajustement ». Intimement lié à la notion d’adaptation, le coping désigne notre façon de « faire face » à ce qui nous arrive. Or, selon que notre réaction s’oriente vers les actions à entreprendre pour agir sur la situation, ou qu’elle se centre sur la gestion des états émotionnels qui en résultent, les conséquences ne sont pas les mêmes.</p>
<h2>Le coping, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Au sens large, ce concept désigne la manière dont on fait face à une situation difficile grâce à diverses formes d’ajustement.</p>
<p>Le terme « coping » apparaît pour la première fois en 1966. Il désigne alors un ensemble de stratégies mises en œuvre pour affronter des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1966-35050-000">situations difficiles ou des événements stressants</a>. Ultérieurement, ce terme a fait l’objet d’une <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">conceptualisation plus spécifique</a>, désignant</p>
<blockquote>
<p>« l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux constamment changeants, destinés à maîtriser, réduire ou tolérer des impératifs spécifiques internes ou externes qui sont perçus comme menaçant ou dépassant les ressources d’un individu ».</p>
</blockquote>
<p>Cette définition marque un changement dans la façon d’aborder la réaction des individus confrontés à des problèmes : d’une part, leur réponse est envisagée en termes de processus changeants, et d’autre part, leur comportement face à la situation n’est pas purement passif mais actif.</p>
<h2>Coping et stress</h2>
<p>La notion de coping est très fortement liée à la notion d’adaptation. Ce processus dynamique de changement concerne tous les êtres vivants. Schématiquement, il s’agit de la capacité à réagir aux stimulations externes et/ou internes, aux contraintes et aux conflits, en cherchant à réduire ou à éliminer leurs conséquences défavorables par des ajustements divers. La finalité est la survie, et la création d’un nouvel équilibre compatible avec cette survie.</p>
<p>Le stress constitue une telle stimulation externe. Il s’agit de la condition qui émerge quand les transactions personne-environnement amènent l’individu à percevoir une opposition – réelle ou imaginée – entre les exigences de la situation et ses propres ressources, qu’elles soient biologiques, psychologiques ou sociales.</p>
<p>Cette condition de stress implique généralement un processus d’évaluation cognitive qui s’effectue à partir de deux facteurs : l’évaluation primaire, qui évalue si la demande de l’environnement menace l’adaptation de la personne, et l’évaluation secondaire, qui évalue si les ressources disponibles sont suffisantes pour répondre à la demande.</p>
<p>Dans une telle situation, le coping est considéré comme un modérateur des processus qui affectent la relation entre l’événement stressant et les ressources dont dispose un individu pour lui faire face.</p>
<h2>Les formes et styles de coping</h2>
<p>Dans le cadre d’une étude, des scientifiques ont demandé à 100 adultes, chaque mois, pendant un an, de noter un fait récent qui les avait perturbés et leurs réactions face à cette situation, en répondant à un questionnaire, l’échelle <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_222">« Ways of Coping Checklist »</a>). Les résultats obtenus ont révélé qu’il existe deux formes principales de coping : le <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion</a>.</p>
<p>Le coping « centré sur le problème » désigne l’ensemble des efforts comportementaux et cognitifs que fait un individu afin de modifier la situation dans laquelle il se trouve. Cette forme comporte deux aspects essentiels : la confrontation à l’événement, qui se traduit par les efforts pour changer la situation, et la résolution du problème, qui se traduit par la recherche d’un ensemble de moyens – informations, aide – permettant d’y parvenir. La personne fait alors face directement et ouvertement à son problème. Elle agit <a href="https://www.puf.com/content/Stress_et_coping">activement et concrètement, afin de</a></p>
<blockquote>
<p>« modifier directement les termes mêmes de la relation personne-environnement par la mise en place d’efforts comportementaux actifs, consistant à affronter le problème pour le résoudre ».</p>
</blockquote>
<p>Le coping centré sur l’émotion renvoie quant à lui à l’ensemble des efforts visant à atténuer et à supporter les états émotionnels déclenchés par la situation stressante. Il existe de nombreuses expressions de cette forme de coping, dont la plupart consistent en des processus orientés vers l’action intrapsychique : évitement (on ne pense plus au problème), distraction, déni, dramatisation, etc.</p>
<p>La personne qui cherche à réduire son stress et ses émotions négatives en utilisant un coping évitant essaie de détourner son attention de la source de stress. Cela peut se traduire par la mise en œuvre d’activités positives pour y parvenir, telles que le sport ou la relaxation. Mais parfois, cela génère des comportements négatifs visant à fuir la détresse émotionnelle, comme la prise d’alcool ou de médicaments.</p>
<p>Coping centré sur le problème et coping centré sur l’émotion ne sont pas deux processus parfaitement séparés : dans une situation donnée, on peut utiliser tantôt l’un, tantôt l’autre, ou les deux ensembles. Par ailleurs, ces deux grandes formes de coping correspondent aux stratégies généralement mises en œuvre, mais il en existe également qui sont plus spécifiques et qui varient d’un individu et d’une situation à l’autre.</p>
<p>Certains auteurs ont proposé de classer le coping actif et/ou évitant selon les stratégies utilisées pour faire face. Ce faisant, on peut distinguer <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-97397-012">quatre catégories de base</a> :</p>
<ul>
<li><p>Le coping actif/cognitif qui se traduit par une analyse logique et un recadrage positif ;</p></li>
<li><p>Le coping actif/comportemental correspondant à une recherche de soutien et à la mise en œuvre d’une action pour résoudre le problème ;</p></li>
<li><p>Le coping évitant/cognitif, se traduisant par l’évitement cognitif et l’acceptation résignée ;</p></li>
<li><p>Le coping évitant/comportemental, qui correspond à la recherche d’autres activités et la décharge émotionnelle.</p></li>
</ul>
<h2>Le coping émotionnel est davantage lié aux troubles de stress post-traumatique</h2>
<p>Plusieurs études ont montré que les adultes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique étaient nettement plus enclins que les autres à s’engager dans une démarche d’évitement ou de fuite, et donc de <a href="https://doi.org/10.1521/psyc.2012.75.2.135">non-résolution de problème</a>. En 2007, une méta-analyse avait par ailleurs révélé que l’évitement était un prédicteur du risque de survenue de <a href="https://doi.org/10.1002/jts.20276">trouble de stress post-traumatique, de dépression et de détresse</a>. Rappelons que le trouble de stress post-traumatique est la forme la plus commune du psychotraumatisme. Elle se caractérise notamment par la présence de symptômes intrusifs (<em>le trouble de stress post-traumatique se caractérise notamment par l’intrusion de souvenirs persistants qui surviennent de façon incontrôlable, envahissant leur conscience de la victime qui les vit comme de nouveaux événements surgissant dans son présent, ndlr</em>), de comportements d’évitement ou encore de troubles du sommeil.</p>
<p>L’analyse du vécu de victimes d’accident de la circulation a permis de poser un constat similaire. Les sujets qui présentaient un coping orienté vers l’évitement manifestaient <a href="https://doi.org/10.1016/0005-7967(94)00093-Y">plus de symptômes intrusifs</a> que les autres. Une étude réalisée auprès des victimes de la <a href="https://doi.org/10.1080/10615806.2010.500722">fusillade de l’université Virginia Tech</a>, survenue en 2007 à Blacksburg, aux États-Unis, est parvenue aux mêmes conclusions, de même que des travaux de recherche <a href="https://doi.org/10.1080/10615800500392732">menés auprès de victimes du terrorisme</a>.</p>
<p>Dans le même ordre d’idée, il a été observé que les symptômes de trouble de stress post-traumatique étaient plus sévères chez des soldats israéliens qui avaient utilisé des <a href="https://doi.org/10.1002/per.2410030404">stratégies émotionnelles pendant la guerre israélo-palestinienne</a>. D’autres travaux portant sur une cohorte de sujets suivie pendant un an ont montré que, parmi les participants ayant subi le plus d’événements stressants pendant cette période, ceux qui ont utilisé préférentiellement des stratégies évitantes avaient beaucoup plus de symptômes psychosomatiques à la fin de l’étude (maux de tête, maux d’estomac) que ceux qui ont utilisé des <a href="https://doi.org/10.1037//0022-3514.52.5.946">stratégies actives</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des auteurs se sont penchés sur la valeur prédictive du devenir du trouble de stress aigu chez les victimes de crimes violents. On considère généralement qu’un trouble de stress aigu dont les manifestations cliniques (reviviscence répétitive des évènements, évitement, troubles de l’humeur, hypervigilance, irritabilité, difficultés de concentration, troubles du sommeil…) durent plus d’un mois doit amener à poser un diagnostic de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/troubles-stress-post-traumatique/">trouble de stress post-traumatique</a>. Les résultats obtenus ont montré que le type de coping était un facteur à intégrer pour expliquer pourquoi le trouble de stress aigu ne se transforme pas systématiquement en <a href="https://www.intechopen.com/books/5272">trouble de stress post-traumatique</a>.</p>
<p>Tout se passe donc comme si les victimes de traumatisme qui adoptent une stratégie de coping orientée vers l’évitement (ou une stratégie de coping peu orienté sur les problèmes) sont plus à risque de manifester au fil du temps un trouble de stress post-traumatique.</p>
<p>À l’inverse, les recherches récentes ont montré qu’un coping centré sur le problème réduit la tension subie par l’individu en éliminant (ou en atténuant) le stresseur. Les personnes qui ont recours à cette stratégie semblent moins susceptibles d’être sujettes à <a href="https://doi.org/10.1037//0022-3514.66.5.895">l’anxiété et la dépression</a>.</p>
<p>Pourtant, tout n’est pas si simple, car l’efficacité d’une stratégie de coping dépend aussi des caractéristiques de la situation, et notamment de sa durée, ou de la contrôlabilité du stresseur.</p>
<h2>L’importance de la contrôlabilité de la situation et du délai de réaction</h2>
<p>Dans des situations contrôlables (ou perçues comme telles) un coping centré sur le problème apparait comme <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">plus efficace contrôlable</a> qu’un coping centré sur l’émotion, car il est associé à une faible détresse ultérieure. Un tel effet s’inverse en revanche dans les situations incontrôlables. En effet, face à un événement incontrôlable, les efforts répétés du sujet pour maîtriser la situation sont inutiles et épuisants.</p>
<p>Dans ce cas, une stratégie émotionnelle évitante peut s’avérer plus adaptée, en particulier à court terme. Elle évite en effet d’être trop stressé et permet un travail psychique permettant progressivement d’évaluer la situation de façon plus réaliste et de mettre en place des stratégies d’affrontement. Elle protège l’estime de soi et permet de ne pas être submergé par la détresse.</p>
<p>L’efficacité relative des stratégies de coping semble aussi varier en fonction du temps qui s’écoule après l’événement stressant ou traumatique. Un coping émotionnel n’est protecteur qu’immédiatement après cet événement.</p>
<p>Il n’existe donc pas de stratégie de coping efficace en elle-même. L’efficacité de la stratégie mise en place dépend de certaines caractéristiques propres aux individus (capacités d’évaluation) et aux situations (durée, contrôlabilité). En outre, l’efficacité d’une stratégie de coping varie selon le critère considéré (bien-être émotionnel, santé physique…). Tout ceci illustre bien le fait que le coping est un processus transactionnel entre la personne et son environnement.</p>
<h2>Réussir à adopter la stratégie de coping la plus adaptée</h2>
<p>En définitive, de nombreux travaux ont montré que les stratégies de coping pouvaient amortir les <a href="https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2008.07121939">impacts psychiques d’une exposition traumatique</a>. Cette capacité de résilience et de maintien d’un certain équilibre psychologique et physique, suite à la confrontation à des événements traumatiques ou indésirables, semble se potentialiser chez les sujets capables de « jongler » sur l’ensemble du registre cognitif et affectif du coping. Les personnes capables d’utiliser différentes stratégies de coping s’adapteraient mieux aux situations qui mettent leur vie en danger.</p>
<p>La nature des stratégies de coping mises en œuvre peut être un indicateur à prendre en compte pour mieux comprendre pourquoi un stress ou un trouble de stress post-traumatique va avoir un impact plus ou moins grand selon les individus. Toutefois, il convient de ne pas en rester là, et de trouver ensuite des moyens de se défaire de ces états cliniques.</p>
<p>Pour faire face au stress, on peut se tourner vers des méthodes de gestion des émotions, l’activité physique, la méditation, la cohérence cardiaque, une approche basée <a href="https://observatoireprevention.org/2017/08/02/la-coherence-cardiaque/">sur le contrôle de la respiration</a>. En ce qui concerne le trouble de stress aigu ou le trouble de stress post-traumatique, il faudra plutôt se tourner vers la psychothérapie, qui est plus à même d’apporter des réponses efficaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178833/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Tarquinio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Agression, guerre, catastrophe… Face aux événements violents, des mécanismes psychologiques se mettent en place. Ils varient d’une personne à l’autre, ce qui peut avoir des effets à long terme.
Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de Lorraine
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2022-12-04T17:44:59Z
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Comment les saints des derniers jours influencent le management mondial
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498225/original/file-20221130-19-jctfjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C21%2C1144%2C822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les valeurs religieuses caractéristiques de L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours ont modelé la Harvard Business School (Photo), dirigée par l’un de ses membres, Kim B. Clark, de 1995 à 2005.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:HBSWinter.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>C’est en 1830 aux États-Unis que <a href="https://www.churchofjesuschrist.org/?lang=fra">L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours</a> a été fondée, à la suite du <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/486787">Second Grand Réveil</a>, par <a href="https://www.churchofjesuschrist.org/study/manual/true-to-the-faith/joseph-smith?lang=fra">Joseph Smith</a> (1805-1844) qui affirmât, avoir reçu plusieurs révélations dans ce but. Cette Église, qui se revendique comme la restauration de celle que le Christ lui-même avait établie sur la terre, est plus connue sous le surnom d’« Église mormone ». Celui-ci découle du <a href="https://www.churchofjesuschrist.org/study/scriptures/bofm?lang=fra">Livre de Mormon</a>, un des ouvrages considérés comme sacrés au même titre que la Bible, recueil d’écrits de plusieurs prophètes anciens dont <a href="https://www.churchofjesuschrist.org/study/scriptures/gs/mormon-nephite-prophet?lang=fra">Mormon</a> qui les a compilés.</p>
<p>L’influence des « saints des derniers jours », nom des membres de cette église, sur le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/management-20496">management</a>, aux États-Unis et plus largement dans le monde, peut être considérée comme une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14759550903558136">sorte de « miracle »</a>, d’autant plus qu’ils ne représentent que 2 % de la population américaine et 0,2 % de la population mondiale. Une surprenante proportion d’entre eux deviennent en effet des <a href="https://www.businessinsider.com/mormon-business-leaders-2011-7?r=US&IR=T">leaders managériaux ou politiques</a> en plus d’être des leaders religieux. Le <a href="https://www.deseret.com/utah/2022/8/14/23305423/mitt-romney-mormon-strayed-faith-values-latter-day-saint-washington-dc-temple-dedication-senate">sénateur Mitt Romney</a> est l’exemple le plus connu à avoir accumulé plusieurs fonctions de dirigeant dans ces trois domaines.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le leadership selon Mitt Romney, conférence à la Stanford Graduate School of Business (2015, en anglais).</span></figcaption>
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<p>Que ce soit dans le monde académique ou dans celui des affaires, les principes managériaux des saints des derniers jours semblent avoir un retentissement hors norme et leur permettre d’obtenir des résultats remarquables. <a href="https://www.google.fr/books/edition/The_Mormon_Way_of_Doing_Business/Vao3AQAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0">Les écrits</a> soulignent que leurs managers ont un talent particulier pour les affaires. Notre <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/jmsr/rmsr20/2022/00000019/00000004/art00005">travail de recherche</a> confirme qu’<a href="https://hbr.org/2012/10/how-mormons-have-shaped-modern">ils ont façonné le management moderne</a> et caractérise <a href="https://www.inc.com/suzanne-lucas/mormon-leaders-guide-to-success.html">leur discours</a> ainsi que leurs pratiques.</p>
<h2>Une influence sur le monde académique</h2>
<p>Les valeurs religieuses caractéristiques de L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours ont <a href="https://www.washingtonpost.com/national/on-leadership/if-harvard-business-school-were-a-religion-it-could-be-mormonism/2012/05/11/gIQA04biIU_story.html">modelé la Harvard Business School</a>, dirigée par un de ses membres, Kim B. Clark, de 1995 à 2005. Son décanat est caractérisé par des attributs tels que la <a href="https://www.google.fr/books/edition/Remember_Who_You_Are/yI-oBQAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0">compassion, l’intégrité et l’honnêteté</a>. Clark a également réorienté la stratégie de l’école vers un enseignement basé sur des <a href="https://www.hbrfrance.fr/magazine/2020/03/29401-lheritage-de-clayton-christensen/">études de cas et un apprentissage par l’action, ainsi que les paraboles</a> et les jeux de rôle souvent pratiqués dans l’Église.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/ce-que-nous-devons-a-clayton-christensen-theoricien-majeur-du-management-130707">Clayton M. Christensen</a> (1952-2020), un autre saint des derniers jours, a ensuite été titulaire de la Chaire « Kim B. Clark en administration des affaires » de Harvard. Comme Clark, Christensen est l’auteur de plusieurs <em>best-sellers</em> et a inventé, en 1997, le concept d’« innovation disruptive » dans son ouvrage <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-dilemme-de-l-innovateur-9782361170431/"><em>Le dilemme de l’innovateur</em></a>. Classé <a href="https://thinkers50.com/biographies/clayton-christensen/">4 fois dans le top 3 des penseurs en management</a> entre 2011 et 2017, dont 2 fois premier, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/clayton-christensen-laisse-une-puissante-pensee-disruptive-en-heritage-1244647">ce gourou de l’innovation aurait influencé l’emblématique patron d’Apple Steve Jobs</a>, le cofondateur de Netflix Reed Hastings et celui d’Intel Andrew Grove.</p>
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<figcaption><span class="caption">Clayton M. Christensen, le père de la disruption (Xerfi Canal, 2016).</span></figcaption>
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<p>Selon l’<a href="https://stephenmansfield.tv/">historien Stephen Mansfield</a>, les saints des derniers jours ont atteint « des <a href="https://arrowhead.parable.com/product/9781683972884">sommets inattendus dans la société américaine</a> » parce que leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/religion-20867">religion</a>, une de celles dont la croissance est la plus rapide, « peut être appelée avec bienveillance une “machine mormone”, un système de responsabilisation individuelle, d’investissement familial » qui repose sur « une communauté inclusive ». Pour lui, l’Église aide ses membres « à prospérer dans les systèmes administratifs et les hiérarchies, une clé essentielle du succès dans le monde moderne ».</p>
<h2>Deux siècles de saga managériale</h2>
<p>L’approche managériale des saints des derniers jours est le fruit de leur histoire, faite à la fois de persécutions et d’extraordinaires « success stories ». Il s’agit d’une <a href="https://www.theses.fr/2013BOR30054">véritable « saga » au sens stratégique</a> du terme. Les persécutions leur firent vivre leur religion avec davantage d’intensité, en développant l’esprit de labeur et de cohésion ainsi qu’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilience</a> hors du commun face à l’adversité. Les saints des derniers jours ont en outre un <a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/mat_0769-3206_2004_num_75_1_995.pdf">héritage de bâtisseurs</a>, ayant fondé de nombreuses grandes villes de l’ouest des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>.</p>
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<p>Abraham O. Smoot est l’un des premiers saints des derniers jours <a href="https://archive.org/details/popularhistoryof00whi/page/84/mode/2up">qui a eu beaucoup de succès dans les affaires</a>. Baptisé à 20 ans, en 1835, il rejoint Salt Lake City dans l’Utah en 1847 et en devient le deuxième maire de 1857 à 1866. Puis, à la demande du président de l’Église, il s’installe dans la ville voisine de Provo dont il devient également maire de 1868 à 1880. Il y dirige plusieurs entreprises et crée deux banques. Il finance la construction de routes, de voies de chemin de fer, de bâtiments religieux, ainsi que la <a href="https://magazine.byu.edu/article/the-legacy-of-abraham-smoot/">première université de l’Utah, The Brigham Young Academy</a>, qui deviendra Brigham Young University.</p>
<p>John Moses Browning est né en 1855 dans une dynastie de pionniers saints des derniers jours. Dès ses six ans, <a href="https://fr.browning.eu/innovation.html">John travaille dans l’atelier de son père</a>, armurier du Tennessee converti en 1842. À 22 ans, il crée la Browning Arms Company où il conçoit presque toutes les armes utilisées par les soldats américains durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le pistolet 9 mm semi-automatique hi-power utilisé par la police dans le monde entier. Il vendra plus de 120 brevets, <a href="https://www.lalibre.be/2003/03/22/la-dynastie-des-browning-est-en-deuil-la-fn-de-herstal-aussi-JJO27C4SZJDT5JWK2V3QXP22UE/">d’abord à l’armurier américain Winchester, puis à la Fabrique Nationale Herstal</a> à Liège en Belgique.</p>
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<figcaption><span class="caption">John Moses Browning, le plus brillant et prolifique inventeur d’armes de tous les temps (Comando Chanel, 2019, en anglais).</span></figcaption>
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<p>Au cours de leurs aventures entrepreneuriales, les Browning s’associent avec les Eccles, autre grande dynastie de saints des derniers jours dont est issu le banquier Marriner Stoddard Eccles. <a href="https://fraser.stlouisfed.org/author/eccles-marriner-s-marriner-stoddard-1890-1977">Contemporain et précurseur de John Meynard Keynes</a>, il concevra le volet économique du New Deal de Franklin. D. Roosevelt. Il est à l’origine de la philosophie qui sous-tend le fonctionnement et l’indépendance de la <a href="https://www.federalreservehistory.org/people/marriner-s-eccles">Réserve fédérale (Fed) dont il est le Chairman</a> (gouverneur général) de 1934 à 1948. À ce titre, en 1944, il représente les États-Unis à la Conférence de Bretton Woods qui donne naissance au système monétaire international incarné par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p>En 1927, John Williard Marriott Senior a fondé le groupe Marriott Corporation, devenu Marriott International en 1993. Fils de berger ayant connu l’extrême pauvreté, il s’est lancé dans <a href="https://www.entrepreneur.com/growing-a-business/j-willard-marriott/197668">l’entrepreneuriat en créant un stand de boisson</a> et a ensuite développé son entreprise pour en faire une chaîne de restauration et d’hôtellerie. Sa recherche de la perfection lui a permis de léguer en 1985 à son fils Bill la gestion de 1400 restaurants, 143 hôtels et deux parcs d’attractions, en plus d’une <a href="https://www.ktchnrebel.com/legends-marriott/">aura légendaire typique de l’<em>American Dream</em></a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Leçons de leadership par Bill Marriott (Marriott International, 2014, en anglais).</span></figcaption>
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<p>Sous la direction de son fils Bill Marriott, le groupe poursuit sa croissance, devenant le <a href="https://ceoworld.biz/2022/01/03/top-10-major-hotel-companies-in-the-world-for-2022/">plus grand groupe hôtelier</a> du monde avec un chiffre d’affaires de 21 milliards de dollars en 2019, grâce à 1,48 million de chambres dans 8000 propriétés de 30 marques présentes dans 139 pays. Marriott International représente 7 % des hôtels dans le monde et 22 % des constructions.</p>
<h2>Aujourd’hui, la saga continue…</h2>
<p>En plus de Mitt Romney, co-fondateur de la société de gestion d’actifs Bain Capital, qui a fait de lui un multimillionnaire, devenu mondialement célèbre pour s’être <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/il-etait-une-fois-en-amerique/il-etait-une-fois-en-amerique-2012-mitt-romney-et-les-47-pourcents_4045409.html">présenté à la présidence des États-Unis</a> en 2012 face à Barack Obama, de nombreuses figures managériales issues de l’Église de Jésus-Christ ont eu un succès extraordinaire au cours des dernières décennies.</p>
<p><a href="https://www.ingentaconnect.com/content/jmsr/rmsr20/2022/00000019/00000004/art00005">Notre travail de recherche</a> s’attarde particulièrement sur Jon Huntsman, Sr., fondateur du groupe pétrochimique <a href="https://www.huntsman.com/">Huntsman Corporation</a> devenu milliardaire grâce à des dizaines d’inventions dont de nouveaux types d’emballages. Ce philanthrope a également créé l’<a href="https://healthcare.utah.edu/huntsmancancerinstitute/">Institut du cancer de l’Université de l’Utah</a> qui porte son nom.</p>
<p>Président du Conseil d’administration de Huntsman Corporation pendant de nombreuses années, Nolan D. Archibald, est <a href="https://news.svu.edu/2011/elder-nolan-d-archibald-encourages-class-of-2011-to-set-goals/">devenu, à 42 ans, le président-directeur général du géant américain de l’outillage Black & Decker</a> et le plus jeune dirigeant d’une des 500 plus grandes entreprises américaines (Fortune 500). Il restera à ce poste pendant 24 ans. On citera également Edwin Catmull, génie des effets spéciaux et de l’animation graphique 3D, <a href="https://www.disneyphile.fr/ed-catmull-pixar-retraite/">co-fondateur et président de Pixar et de Walt Disney Animation Studios</a> de 2006 à 2019.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ed Catmull, co-fondateur de Pixar, raconte l’évolution du leadership de Steve Jobs (97th Floor, 2014, en anglais).</span></figcaption>
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<p>David Neeleman est un <a href="https://www.rightattitudes.com/2021/11/08/how-to-embrace-your-weaknesses/">serial entrepreneur américano-brésilien</a> fondateur de cinq compagnies aériennes : (1) JetBlue, une des plus grandes compagnies aériennes nord-américaines low cost ; (2) WestJet, deuxième compagnie aérienne canadienne derrière Air Canada ; (3) Morris Air, compagnie low cost vendue à Southwest Airlines en 1993 ; (4) Azul Brazilian Airlines, plus grande compagnie aérienne brésilienne en nombre de vols ; et (5) <a href="https://www.inc.com/magazine/2021006/bill-saporito/david-neeleman-jetblue-breeze-airline-serial-entrepreneur.html">Breeze Airways, lancée en mai 2021, en pleine pandémie</a>, qui connecte des aéroports américains secondaires peu desservis. David Neeleman rappelle souvent qu’en plus de son activité professionnelle intense, il est le père de dix enfants qui sont sa priorité.</p>
<p>Si ces succès peuvent paraître exceptionnels, l’Utah, dont 55 % de la population adulte est membre de l’Église de Jésus-Christ, est le premier état des États-Unis en termes de création d’emplois en 2022, avec 3,5 % d’emplois créés sur une année et un <a href="https://tradingeconomics.com/united-states/unemployment-rate-in-utah-percent-m-sa-fed-data.html">taux de chômage à 2,1 % en septembre 2022</a>, pour une moyenne nationale à 3,7 %. Les secteurs les plus dynamiques sont la vente, la construction, les services publics, les transports et surtout les <a href="https://issuu.com/go-utah/docs/go-utah-2022-annual-report">technologies digitales avec la fintech, la biotech ou l’aérospatiale</a>. Les créations d’entreprises dans tous les secteurs y sont particulièrement nombreuses. L’Utah est aussi de très loin <a href="https://www.wsj.com/articles/states-of-Covid-performance-economic-schools-study-working-paper-lockdowns-11649621806">l’état américain qui a le mieux géré la pandémie de Covid-19</a> selon le <em>Wall Street Journal</em>, preuve de résilience face aux crises.</p>
<h2>Foi, révélation, bienveillance, unité et famille</h2>
<p>L’élément le plus important pour comprendre les pratiques managériales des saints des derniers jours est la puissance de leur foi, qui pour eux à réellement le pouvoir de déplacer des montagnes, c’est-à-dire métaphoriquement de <a href="https://www.deseret.com/2016/3/31/20585713/what-s-new-president-nelson-shares-insight-on-relying-on-god-to-do-more-in-accomplishing-the-impossi">leur permettre de réaliser l’impossible</a>. Le pouvoir de la foi permet aussi de surmonter les épreuves, et même de les considérer comme des bénédictions car elles stimulent la progression et l’acquisition de nouvelles compétences.</p>
<p>Les saints des derniers jours <a href="https://academic.oup.com/book/542/chapter-abstract/135287544 ?redirectedFrom=fulltext&login=false">croient en la révélation continue</a> et ils communiquent avec Dieu grâce à plusieurs prières quotidiennes. Tous les <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/jmsr/rmsr20/2022/00000019/00000004/art00005">managers interrogés dans notre étude</a> ont indiqué qu’ils avaient besoin de consulter Dieu pour les aider à faire certains choix professionnels.</p>
<p>Quand ils rencontrent le succès, les <a href="https://books.google.fr/books ?hl=fr&lr=&id=PhfEDwAAQBAJ">saints des derniers jours l’attribuent à la main de Dieu</a> qui les a guidés. Ils affirment qu’ils peuvent même aller contre leurs raisonnements pour suivre les conseils divins et leur intuition.</p>
<p>Les managers saints des derniers jours <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/vie-entreprise/les-gentils-peuvent-ils-reussir-comme-les-autres-1315910">revendiquent une certaine bienveillance</a> envers leurs collaborateurs, leurs clients et la société en générale, ainsi que la volonté d’exercer une influence positive sur le monde. Si les managers interrogés sont conscients que l’on peut abuser de leur gentillesse et qu’elle peut être prise pour de la faiblesse, ils ne la conditionnent pas à une forme de réciprocité. Si cette bienveillance implique la patience et le pardon, celle-ci ne tolère pas la mise en péril de l’entreprise et <a href="https://carpentierblogrh.wordpress.com/2020/09/30/quand-la-bienveillance-au-travail-engendre-des-risques-psychosociaux-que-faire/">ne doit pas se transformer en laxisme</a>.</p>
<p>Une autre clé pour comprendre les pratiques managériales des saints des derniers jours est la place essentielle de la famille dans leur vie. Beaucoup d’entre eux <a href="https://hbr.org/2015/04/leadership-lessons-from-great-family-businesses">travaillent en famille</a>, avec leur conjoint, leurs enfants, leurs frères et sœurs ou des personnes plus éloignées. Les managers interrogés tentent aussi de créer un esprit de famille dans leur entreprise. Ils accordent à leurs collaborateurs une flexibilité exceptionnelle afin de privilégier leur vie personnelle par rapport à leur vie professionnelle.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi0591/1015807ar/abstract/">diversité</a> sous toutes ses formes est extrêmement importante. Les saints des derniers jours n’hésitent pas à recruter des personnes complètement étrangères à leur communauté, mais qui partagent un même socle de principes professionnels. Par leur comportement, ces leaders éthiques parviennent à susciter la reconnaissance, la confiance, la loyauté et la fidélité de leurs collaborateurs qui en retour cultivent autonomie, engagement, solidarité et unité au travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193561/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La saga managériale et la représentation des saints des derniers jours dans les réseaux académiques expliquent la capacité de cette Église à influencer les théories et les pratiques.
Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194264
2022-11-13T16:38:37Z
2022-11-13T16:38:37Z
Entrepreneuriat : les « success stories » ne sont pas qu’une question d’argent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494395/original/file-20221109-23-oeqabb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C28%2C1164%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Frédéric Mazzella (photo), l’un des créateurs de BlaBlaCar, «&nbsp;accorde une grande importance à l’éducation&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/friendsofeurope/44555501894">Friends of Europe/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/entrepreneuriat-25460">entrepreneuriat</a> est au cœur des préoccupations actuelles, comme vecteur d’emploi, d’inclusion et de transition, en France et dans le monde. Les pouvoirs publics encouragent fortement la dynamique entrepreneuriale, avec un certain succès : la croissance du nombre de <a href="https://bpifrance-creation.fr/institutionnel/observatoire-de-bpifrance-creation">créations d’entreprises en France en 2021 est de 17 %</a>.</p>
<p>Néanmoins, le monde de l’entrepreneuriat est polymorphe, avec une palette de réalité allant des animaux fantastiques convoités – licornes (pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-up</a> valorisées à plus d’un milliard de dollars US) et gazelles (jeunes entreprises en croissance rapide) –, jusqu’aux <a href="https://theconversation.com/le-mirage-de-lentrepreneuriat-pour-tous-125313">entrepreneurs par nécessité</a>, sachant que <a href="https://bpifrance-creation.fr/system/files/OCE_FicheStat_France_2021_0.pdf">64 %</a> des organisations créées sont des micro-entreprises : il s'agit de micro-entrepreneurs, c'est-à-dire d'auto-entrepreneur ou entrepreneur individuel.</p>
<p>De nombreux mythes entourent également l’entrepreneuriat : en particulier, monde académique et économique se rejoignent, sans succès pour l’heure, afin de tenter d’identifier des <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:176018">traits propres aux entrepreneurs</a> qui réussissent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mirage-de-lentrepreneuriat-pour-tous-125313">Le mirage de l’entrepreneuriat pour tous</a>
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<p>L’objectif de cet article, présenté au colloque en ligne Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME (<a href="https://airepme.org/actes-cifepme/">CIFEPME</a>) 2020, est d’offrir un décentrage, en proposant une approche par les ressources : nous décrivons le capital entrepreneurial comme somme de déterminants, humain, culturel, social, économique, financier, symbolique, physique et psychologique, qui alimentent le processus entrepreneurial et représentent des éléments fondamentaux d’appréciation d’un projet de création d’entreprise.</p>
<h2>« L’argent n’est pas un problème »</h2>
<p>Cette démarche permet d’apporter un éclairage complémentaire au seul capital financier, pour identifier <a href="https://www.researchgate.net/publication/313101101_The_role_of_social_and_human_capital_among_nascent_entrepreneurs">d’autres formes de ressources mobilisables</a> dans le processus entrepreneurial. Par ailleurs, cette vision dynamique permet de souligner que chaque forme de capital peut être évaluée, accumulée, développée, dépréciée ou convertie, en fonction du contexte social.</p>
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<p>Quand on parle capital, la première définition qui vient à l’esprit est celle du capital économique et financier, aisément mesurable et représentant l’agrégation de multiples sortes de richesses, comme les outils de production, les valeurs mobilières, les biens immobiliers et tout autre patrimoine. La littérature lui reconnaît un rôle prépondérant dans le succès et la pérennité d’une entreprise : la probabilité de succès des entreprises nouvellement créées et leur performance initiale dépendent de leurs ressources financières initiales, et ce quels que soient l’environnement et l’organisation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494391/original/file-20221109-25-yjmdqj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différents capitaux constituant le capital entrepreneurial.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On notera qu’il est plus facile de mobiliser des fonds supplémentaires quand l’apport initial est élevé, le capital engendrant alors un cercle vertueux, comme l’indique un cadre supérieur quinqua repreneur d’entreprises :</p>
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<p>« L’argent n’est pas un problème. Plus c’est gros, plus c’est facile d’emprunter. Un apport de 50 000 euros en gage de crédibilité pour une boîte valorisée à 10 millions d’euros, ça ne pose pas de problème. »</p>
</blockquote>
<p>Par ailleurs, le capital social ou humain peut être considéré comme convertible en capital financier, les réseaux pouvant être mobilisés pour lever des fonds ; le diplôme ou l’emploi du créateur peut aussi rassurer les banques, plus enclines à prêter. Une dynamique s’enclenche alors, positive dans le cas d’un individu déjà doté d’autres formes de capitaux, négative dans le cas contraire.</p>
<h2>« N’abandonne jamais »</h2>
<p>Au capital physique, décrit comme la santé, premier actif immatériel du créateur d’entreprise, s’ajoutent le capital psychologie, l’auto-efficacité, l’espoir, l’optimisme ou encore la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilience</a> comme ressources internes de l’entrepreneur : le capital psychologique est lié à de meilleures performances, à une réduction du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a> perçu, à des attitudes positives, à une meilleure satisfaction au travail et un plus fort engagement.</p>
<p>Ces compétences sont particulièrement nécessaires à l’entrepreneur par nécessité, comme en atteste le <a href="https://www.theses.fr/2015GREAG002">témoignage</a> d’Héléna :</p>
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<p>« J’ai une espèce de tigre à l’intérieur de moi ; est-ce que je serais aussi combative si je n’avais pas eu ce destin ? J’ai une vraie détermination, une grande force de caractère : je veux quitter le monde de l’entreprise où les femmes sont tout le temps prises en otage et je décide de monter mon propre business… on m’a mise au chômage je ne sais pas combien de fois, et à chaque fois, j’essayais de rebondir, de me dire “il y a toujours une solution"… ma devise : quoiqu’il arrive, n’abandonne jamais. »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/capital-humain-40964">capital humain</a> et culturel peut lui s’acquérir par l’éducation, la formation et l’expérience professionnelle : c’est l’ensemble des aptitudes, physiques comme intellectuelles – connaissances et savoirs, compétences, aptitudes-. Les recherches montrent que des études supérieures et une expérience en management sont par exemple des éléments clefs de réussite d’un projet de création d’entreprise, tout comme le fait d’avoir une expérience entrepreneuriale préalable, permettant de construire sa confiance en soi (auto-efficacité), de repérer de nouvelles opportunités, de maîtriser les réseaux nécessaires.</p>
<p>Le parcours de <a href="https://bpifrance-creation.fr/boiteaoutils/interview-frederic-mazzella-fondateur-blablacar">Frédéric Mazzella</a> est sans faute à ce titre. Le futur créateur de BlaBlaCar, bon élève, intègre Normale Sup, puis part à Stanford étudier l’informatique et revient avec une certitude, il lancera sa propre entreprise :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’avais aucune connaissance en business. De façon générale, j’accorde une grande importance à l’éducation. Je ne me voyais pas me lancer dans quelque chose, <em>a fortiori</em> l’entrepreneuriat, sans y avoir été préalablement formé. »</p>
</blockquote>
<p>La <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1995_num_36_4_4424">théorie du capital social</a> fait référence, elle, à la capacité des acteurs de retirer des bénéfices des structures sociales, réseaux professionnels, structures familiales et diverses autres sphères auxquelles ils appartiennent. Les recherches soulignent l’importance d’intégrer des parties prenantes au projet entrepreneurial et d’exploiter ses réseaux, à commencer par les structures d’accompagnement : Chambre de Commerce, Rotary club, Business Angels, Pepite, etc.</p>
<h2>Méta-capital</h2>
<p>Les deux créatrices de MÊME, ligne de cosmétiques pour femmes atteintes de cancer, en <a href="https://bpifrance-creation.fr/boiteaoutils/a-25-ans-elles-creent-ligne-cosmetiques-femmes-malades-du-cancer">témoignent</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons intégré l’incubateur de HEC, puis celui de Sciences Po. Chacun nous a apporté des compétences particulières, des contacts utiles et, à Sciences Po, nous avons trouvé des bureaux. Discuter avec les autres fondateurs de start-up et les responsables d’incubateurs nous permettait de prendre du recul et d’organiser nos actions ».</p>
</blockquote>
<p>Elles rejoignent également Cancer Campus, l’incubateur de l’Institut Gustave-Roussy, premier centre de cancérologie européen, qui leur apporte le soutien scientifique dont elles ont besoin. L’impact incitatif d’avoir un parent ou un ami proche entrepreneur est également très fort : ce dernier peut compenser des restrictions en capital humain (compétences managériales) ou financier et offrir un soutien émotionnel précieux (capital psychologique).</p>
<p>Enfin, le capital symbolique est une sorte de méta-capital qui naît d’un autre capital (économique, social, culturel) quand ce dernier reçoit une reconnaissance publique. Il se manifeste sous forme matérielle : nom de famille, cursus, lieu de villégiature, tenue vestimentaire, pratiques sportive et culturelle, langage, et s’appuie sur la perception dans un groupe des autres formes de capitaux possédées : autorité, savoir, prestige, réputation, diplômes, titres honorifiques, etc.</p>
<p>Un fort capital symbolique permet à l’entrepreneur, même sans expertise ou ressource financière, de bénéficier de la confiance, sur la base de son nom, sa réputation, son visage. Il s’agit donc d’une sorte d’alchimie des différentes formes matérielles de capital, financier, humain, social, qui les transcende en un puissant capital immatériel et relationnel, dont la conversion se fait dans les deux sens.</p>
<p>De ce capital naissent les « success stories » de « serial entrepreneurs » comme Xavier Niel, patron de Free ou <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/financer-sa-creation/0611775907322-fairmat-leve-8-6-millions-pour-recycler-la-fibre-carbone-composite-345242.php">Benjamin Saada</a>, fondateur d’Expliseat et Fairmat, visionnaire, bardé de diplômes, 15 brevets à son actif et coqueluche de la « deep tech » (entreprises développant des techniques innovantes), qui peut lever la coquette somme de 8,6 millions d’euros en phase d’amorçage : des « entrepreneurs augmentés » en quelque sorte.</p>
<p>L’entrepreneuriat n’est donc pas qu’une question de motivation ou d’argent : une évaluation, dans toute sa diversité, du capital entrepreneurial de l’entrepreneur est un élément fondamental d’appréciation de sa capacité à mener à bien son projet, qui permet d’apporter des outils solides aux structures d’accompagnement en particulier, véritable baromètre dynamique et exhaustif. Ce capital s’entretient, s’échange, se développe et nécessite des <a href="https://effectuation.org/hubfs/Journal%20Articles/2017/06/Life-course-pathways-to-business-start-up-1.pdf">arbitrages</a> : investir du capital financier pour le convertir en capital humain, par exemple, est complexe, nécessite du temps mais peut se révéler profitable pour un entrepreneur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christel Tessier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le capital entrepreneurial se définit comme une somme de déterminants économiques et financiers mais aussi humains, culturels, sociaux, symboliques, physiques et psychologiques.
Christel Tessier, Enseignant-chercheur, Institut polytechnique de Grenoble, chercheur associé en entrepreneuriat et stratégie, Université Grenoble Alpes (UGA)
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tag:theconversation.com,2011:article/189607
2022-09-04T15:24:10Z
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Syndrome de la « seconde victime » : quand les erreurs de soins impactent les soignants
<p>Soigner comporte en soi un paradoxe. Le serment d’Hippocrate le rappelle : « surtout ne pas nuire »… mais l’activité de soin censée être bénéfique n’est pas dénuée de risques pour le patient. De nombreux facteurs contribuent à les majorer : le turn-over des personnels, les interruptions de tâches (comme répondre à une urgence), l’intensification de l’activité, le manque de communication entre les équipes, les prises en charge complexes, les traitements agressifs, la population vieillissante…</p>
<p>Les erreurs sont donc, malheureusement, une réalité incontournable de cette activité professionnelle. Soigner peut ainsi entraîner des « évènements indésirables graves associés aux soins » (EIGS), préjudiciables pour le patient qui en est victime. Les conséquences peuvent aller de la survenue d’un déficit fonctionnel permanent à la mise en jeu du pronostic vital voire au décès.</p>
<p>Un EIGS est un évènement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne. Les plus fréquents découlent de l’administration de médicaments, des erreurs d’identités, des chutes, des infections associées aux soins. Leurs causes étant multiples et systémiques (liés à l’organisation de travail, aux compétences…), tous les soignants (médecins, personnels paramédicaux ou administratifs) peuvent être impliqués.</p>
<p>En 2019, la <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3232022/fr/rapport-annuel-d-activite-2019-sur-les-evenements-indesirables-graves-associes-a-des-soins-eigs">HAS a enregistré 1187 EIGS dont 51 % ont conduit au décès du patient</a>, 33 % à une mise en jeu du pronostic vital et 16 % à un probable déficit fonctionnel permanent. Bien entendu, lorsqu’un tel évènement survient, la première victime est le patient. Mais il est une catégorie de victimes généralement insoupçonnée : le professionnel de santé qui a réalisé l’acte engendrant une complication, et qui est dans certains cas qualifié de « seconde victime ».</p>
<p>Dans ce rapport annuel, la HAS montre en effet que, loin du déni parfois affiché ou ressenti par les patients, dans 48 % des déclarations, l’EIGS a eu des conséquences (principalement psychologiques) pour les professionnels.</p>
<p>Et ces données sont en deçà de la réalité. Selon l’enquête nationale sur les évènements indésirables liés aux soins (ENEIS) de 2019, le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/incidence-des-evenements-indesirables-graves-associes-aux-soins-dans-les-etablissements-de-sante-eneis-3-quelle-evolution-dix-ans-apres">nombre d’évènements indésirables estimé serait compris entre 160 000 et 375 000 par an</a>. Ces chiffres sont plus élevés car l’enquête prend ici en compte l’ensemble des évènements indésirables associés aux soins, quelles que soient les conséquences pour le patient.</p>
<p>Le risque pour un professionnel de santé d’être impliqué dans un EIGS à un moment donné de sa carrière est donc réel. Et ce d’autant plus cette expérience est traumatisante pour le soignant mais également pour toute son équipe et l’encadrement.</p>
<h2>« Syndrome de la seconde victime », de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>On parle de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19812092/">seconde victime</a> pour qualifier le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22976126/">soignant impliqué dans la survenue d’un EIGS, d’une erreur, d’un accident</a>. Plusieurs définitions du terme existent, mais nous pouvons retenir que le soignant devient une victime quand il est traumatisé par cet évènement : ce sont les conséquences pour lui qui rendent compte de ce « statut » de seconde victime.</p>
<p>La <a href="https://journals.lww.com/journalpatientsafety/fulltext/2020/06000/psychological_and_psychosomatic_symptoms_of_second.12.aspx">nature de ces conséquences est variée</a>. Le soignant peut ainsi présenter des troubles du stress post-traumatique (TSPT) qui surviennent après l’évènement traumatisant et se traduisent par une souffrance morale ainsi que des complications physiques qui altèrent profondément sa vie personnelle, sociale et professionnelle.</p>
<p>Plusieurs troubles coexistent :</p>
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<li><p>La <strong>culpabilité</strong>. Le soignant se sent coupable de la faute. L’erreur met à mal l’image et la valeur du soin, et cet écart est difficile à gérer. Elle est liée au regard du patient et de sa famille, des collègues, de l’équipe en fonction des conséquences et de la gravité.</p></li>
<li><p>La <strong>honte</strong>, également liée au regard du patient, de ses proches, des collègues, de l’équipe. Ce qui peut pousser le soignant à un repli sur soi, et entrave les relations sociales. Certains symptômes accompagnent ce sentiment et vont de la simple amertume à la colère, contre soi ou les autres – ce qui peut être la source d’un ressentiment.</p></li>
<li><p>L’<strong>anxiété</strong>, qui peut nuire secondairement à la qualité des soins du fait de vérifications désormais excessives, de comportements de contrôle inappropriés mais aussi par une altération de la communication entre les membres de l’équipe. La peur des erreurs futures, la perte de confiance en soi peut alors être source d’un nouvel évènement indésirable (la « troisième victime »), d’autant plus que des attitudes défensives vont altérer la communication au sein de l’équipe de professionnels de santé.</p></li>
<li><p>Les <strong>perturbations physiques</strong>, comme des troubles du sommeil, de la concentration, de la fatigue, des troubles musculo-squelettiques, la perte d’appétit.</p></li>
</ul>
<p>Soulignons que tous les soignants peuvent être exposés, indépendamment du lieu d’exercice ou de la nature de leur activité. Si les risques peuvent être plus importants dans certains services, les conséquences sur le soignant sont les mêmes quel que soit le service – et pour certaines spécialités considérées comme moins porteuses de risque, un évènement sera particulièrement traumatisant.</p>
<p>Malgré ces symptômes graves pour la seconde victime et l’organisation des soins, 32 % des soignants impliqués dans un EIGS seulement ont bénéficié de soutien institutionnel pour les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22976126/">aider à gérer ce syndrome post-traumatique</a>.</p>
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<h2>Que deviennent les « secondes victimes »</h2>
<p>Certaines, du fait de l’épuisement professionnel provoqué notamment par l’anxiété, se reconvertissent. Cette <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27679402/">reconversion est liée à des réactions chroniques de stress post-traumatique mal gérées</a> chez un soignant laissé seul face à sa culpabilité. En France, les données manquent et la part des départs en lien avec le statut de seconde victime reste inconnue.</p>
<p>D’autres « survivent », c’est-à-dire restent dans leur service ou dans leur institution malgré le stress et leur incapacité à laisser l’évènement traumatique derrière eux. Ils doivent composer avec des sentiments continus de culpabilité, voire de honte, et avec des pensées envahissantes et un état dépressif persistant.</p>
<p>La <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22976126/">troisième voie est celle de la résilience</a>, où le traumatisme aura alors un effet constructif. Le soignant et l’équipe deviennent capables de porter un nouveau regard sur la pratique puisque l’analyse de l’EIGS aura permis de tirer des enseignements et de grandir de cette expérience.</p>
<p>Cette transformation n’est possible que si une assistance psychologique spécifique (ou <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9782294071447500117?via%3Dihub">débriefing émotionnel, débriefing post-traumatique</a>) est mise rapidement en place. Ainsi, la seconde victime et plus largement les membres de l’équipe sont pris en charge immédiatement par une cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) dans les premières heures de l’évènement et sur le lieu même où il s’est déroulé.</p>
<p>Ce soutien immédiat permet d’informer le soignant impliqué et l’équipe des symptômes susceptibles de survenir, mais aussi de l’orienter vers un accompagnement adapté – qu’il soit psychologique, social voire juridique.</p>
<p>En 2009, l’University of Missouri Health Care a créé un <a href="https://www.muhealth.org/about-us/quality-care-patient-safety/office-of-clinical-effectiveness/foryou">dispositif « forYOU »</a> pour <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20480757/">offrir un soutien émotionnel</a> aux secondes victimes. Ce programme comprend plusieurs niveaux allant du soutien immédiat au suivi par des pairs formés à ce type de soutien et à la détection des signes de détresse, voire à l’accès à un psychologue si les souffrances perdurent.</p>
<p>Ce type de programme de prise en charge n’existe pas de manière aussi formalisée au sein des hôpitaux français, même si des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22649864/">guides spécifiques</a> sont disponibles. Dans l'Hexagone, les ressources sont externes, et le site <a href="https://www.soutien-seconde-victime.fr/service-2nde-victime-161">« Accompagnement Soignant Seconde Victime »</a> est un outil essentiel pour la communauté des soignants.</p>
<h2>La nécessité d’une prise de conscience</h2>
<p>L’enjeu majeur repose sur la prise de conscience que l’activité de soins contient en elle-même une part de risque. Le soignant doit apprendre à déconstruire le mythe des « héros en blouse blanche » qui ne doivent pas faillir et identifier les risques. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut se pencher sur ses processus de prévention, et de traitement quand ils surviennent.</p>
<p>Les hôpitaux ont une politique de gestion de prévention et de détection des risques. Ceux en lien avec l’activité de soins sont identifiés a priori, permettant la mise en place d’actions de prévention quels que soient les services.</p>
<p>Quand l’EIGS survient, il est nécessaire alors d’en analyser les causes collectivement : l’équipe doit comprendre ce qui s’est passé, analyser les éléments contributifs à la survenue de l’erreur, réfléchir ensemble aux actions à mener et donner du sens à ce qui s’est produit. Cette analyse, appelé Revue de Morbi-mortalité (RMM), permet de tirer des leçons de l’évènement indésirable grave pour le transformer en apprentissage et ainsi capitaliser de l’expérience. L’organisation devient résiliente par sa capacité d’appropriation et de dépassement de l’évènement.</p>
<p>De plus, il est démontré que <a href="https://www.elsevier-masson.fr/soins-infirmiers-et-gestion-des-risques-soins-educatifs-et-preventifs-qualite-des-soins-et-evaluation-des-pratiques-9782294757693.html">plus on agit sur les incidents mineurs, plus le risque de connaître un accident grave diminue</a>. D’où l’importance de la déclaration des « presqu’accidents », même s’ils ne portent pas à conséquence. Soulignons que les soignants sont soumis à une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033479591#:%7E:text=Dans%20les%20r%C3%A9sum%C3%A9s-,D%C3%A9cret%20n%C2%B0%202016%2D1606%20du%2025%20novembre%202016%20relatif,%C3%A0%20la%20s%C3%A9curit%C3%A9%20des%20patients">obligation légale de déclarer la survenue des évènements indésirables graves</a>.</p>
<p>Ces démarches sont source d’apprentissage et ont l’avantage de traiter des risques en amont pour éviter la survenue de l’EIGS – et donc le phénomène de seconde victime.</p>
<p>Si le phénomène est bien documenté dans les systèmes de soins anglo-saxons, il reste méconnu dans le contexte français. Des études visant à mieux caractériser les conséquences sur les professionnels et les équipes sont en cours… et prennent tout leur sens dans un contexte de crise conjoncturelle (liée au Covid-19) et structurelle (environnement de travail dégradé).</p>
<p>Selon la Fédération hospitalière de France, tous les hôpitaux sont touchés par des pénuries de personnel : 2 à 5 % des postes seraient vacants. Les raisons sont multifactorielles et ne sont malheureusement pas étudiées. Impossible, dès lors, de connaître l’ampleur de l’impact du syndrome sur des effectifs durement éprouvés.</p>
<hr>
<p><em>Titulaire d’un master en santé publique spécialité Qualité des soins, Stéphanie Joyeux est chargée d’enseignement Santé publique à l’Institut de Formation des Cadres de Santé de l’AP-HP. Elle a co-écrit ce texte avec David Naudin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Naudin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La première victime d’une erreur médicale est bien sûr le patient. Mais le choc peut aussi être dévastateur pour les soignants impliqués, parfois qualifiés de « secondes victimes ». De quoi s’agit-il ?
David Naudin, Coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD - Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, Université Sorbonne Paris Nord
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2022-07-19T18:06:01Z
Comment les forêts de Yellowstone se sont régénérées après les terribles feux de 1988
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474909/original/file-20220719-10270-i9ertz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2016 dans le parc du Yellowstone, l’incendie Maple a brûlé les jeunes arbres qui avaient poussé après les feux de 1988 (photo prise en 2017). </span> <span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Aux États-Unis, de juin à novembre 1988, des brasiers massifs ont ravagé le <a href="https://www.nps.gov/yell/learn/nature/1988fires.htm">parc national de Yellowstone</a>, dans le Wyoming, touchant à peu près 500 000 hectares du parc et ses alentours. Faisant l’objet d’une forte couverture médiatique, la taille et l’intensité des feux avaient surpris les scientifiques, les gestionnaires du parc et le public. Plusieurs médias avaient proclamé la destruction totale du parc, ce qui était totalement faux.</p>
<p>J’étais là durant les feux et suis revenue juste après pour constater les dégâts.</p>
<p>Des forêts brûlées s’étendaient à des kilomètres, les troncs d’arbres noircis donnaient l’impression d’un paysage de désolation. En observant le parc d’un hélicoptère, nous étions cependant surpris de voir une mosaïque de parcelles brûlées mais aussi intactes.</p>
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<span class="caption">Mosaïque d’arbres brûlés et non brûlés à Yellowstone, en octobre 1988.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>J’ai étudié la régénération des forêts de Yellowstone depuis 1989, observant des paysages d’arbres carbonisés se transformer en jeunes forêts abondantes. Les feux jouent un rôle écologique important dans plusieurs écosystèmes et le parc de Yellowstone n’est pas une exception. La faune et la flore locales du site sont bien adaptées à ces <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-011-9470-6">cycles historiques de destruction et de régénération</a>. Aujourd’hui, le paysage brûlé est dominé par de <a href="https://doi.org/10.1890/15-1585.1">jeunes pins tordus</a>.</p>
<p>De tels feux se sont majoritairement produits dans des parcs nationaux ou des zones sauvages, où la gestion post-incendie était minimale. Cela nous a beaucoup appris sur les réactions naturelles des <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo25126049.html">écosystèmes à de tels événements</a>.</p>
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<p>Les forêts de Yellowstone étant <a href="https://doi.org/10.1890/10-0097.1">remarquablement résistantes</a>, les incendies de 1988 n’ont pas constitué une catastrophe écologique. Aujourd’hui cependant, le changement climatique et la fréquence des feux pourraient pousser les forêts au-delà de leurs limites.</p>
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<span class="caption">Forêts de pins tordus à Yellowstone, photo prise en 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Chaleur, sécheresse et vents puissants</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/x92-005">Des conditions météorologiques extrêmes</a> ont été à l’origine des incendies de 1988 et sont responsables de beaucoup de feux aujourd’hui. L’été de 1988, exceptionnellement sec par rapport aux étés habituels à Yellowstone, est pointé du doigt comme cause principale.</p>
<p>En effet, cette année-là, les quantités de matières combustibles présentes (bûches, aiguilles de pin, arbres flammables) étaient habituelles. Les feux n’ont pu être causés que par de hautes températures, une sécheresse et des vents forts.</p>
<p>Des rafales de plus de 100 km/h m’avaient empêché de survoler les feux début juillet, bien avant le pic de l’incendie. Les routes, les rivières et même les canyons n’ont pas pu stopper les flammes qui ont continué à s’étendre lorsqu’il y avait du vent. Des bourrasques puissantes ont porté des branches enflammées, propageant l’incendie. Les feux ont aussi continué de brûler la nuit.</p>
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<span class="caption">Feu de cime à Grant Village, au parc national de Yellowstone, le 23 juillet 1988.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ground_fire_at_Grant_Village_2.jpg">National Park Service/Jeff Henry</a></span>
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<h2>Comment les forêts récupèrent</h2>
<p>Durant les 10 000 dernières années, des incendies se sont produits à Yellowstone, à des <a href="http://apcg.uoregon.edu/envchange/figures/millspaugh-etal-geology-2000-figs/millspaugh.pdf">intervalles de 100 à 300 ans</a>. Les « feux de cimes » brûlent la canopée, tuant les arbres tout en provoquant une poussée de végétation neuve. De tels feux sont habituels à <a href="https://doi.org/10.2307/1311000">Yellowstone</a>, dans d’autres <a href="https://doi.org/10.1007/BF00135079">forêts à haute altitude et dans le Nord</a>.</p>
<p>L’écorce fine des pins tordus est rapidement brûlée, mais les pommes de pin sont adaptées aux feux. Lorsqu’elles chauffent, elles sécrètent de grandes quantités de graines, permettant à la forêt de se régénérer à la suite des incendies. De plus, les feux créent des sols riches en minéraux et sont suivis d’une météo ensoleillée, conditions idéales pour la croissance.</p>
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<span class="caption">Des fleurs sauvages poussent trois ans après un incendie à l’est du Yellowstone, en 2008.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>À Yellowstone, des herbes et fleurs sauvages ont pu pousser à partir de racines survivantes, car les terres n’avaient pas brûlé en profondeur et avaient conservé des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0700180104">nutriments essentiels</a> à leur croissance. Les <a href="https://doi.org/10.1002/ecm.1220">plantes natives</a> ont également poussé à nouveau.</p>
<p>Des peupliers trembles ont aussi pu s’établir à partir des graines semées à travers les forêts de pins brûlés, à plusieurs kilomètres des trembles matures les plus proches. Ces arbres se portent bien à de <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2015.12.012">plus hautes altitudes qu’avant les feux</a>.</p>
<p>Les écosystèmes forestiers de Yellowstone se sont régénérés rapidement, sans intervention humaine. Je pense que les visiteurs ne voient plus la trace des incendies de 1988 et admirent le paysage, la faune et la flore. Des mécanismes de régénération similaires ont été observés aux parcs nationaux des Rocheuses (Colorado), Glacier (Montana) et Grand Teton (Wyoming), qui ont également évolué avec des feux pendant des millénaires. Historiquement, des incendies de grande intensité tuent des arbres, mais ne détruisent pas la forêt.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">La montagne Huckleberry au parc national de Glacier, après un feu, le 30 juillet 1935 (haut) et le 9 juillet 2009 (bas).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nps.gov/fire/wildland-fire/learning-center/panoramic-lookout-photographs/photo-gallery/change-over-time.cfm">National Park Service</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Changement climatique et incendies</h2>
<p>Les feux de 1988 ont inauguré une nouvelle ère de <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1130370">feux de forêt majeurs</a> ; ils brûlent de plus en plus de forêts chaque année. Du fait du réchauffement climatique, la météo chaude et sèche, responsable de feux importants, n’est <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2015.0178">plus si rare</a>. La neige fond de plus en plus tôt, les combustibles s’assèchent de plus en plus vite, la température bat des records et la saison des feux se prolonge. Récemment, des feux ont eu lieu dans plusieurs parcs nationaux, dont <a href="https://www.nps.gov/band/index.htm">Bandelier</a>, les <a href="https://www.nps.gov/romo/index.htm">Rocheuses</a>, <a href="https://www.nps.gov/glac/index.htm">Glacier</a> et <a href="https://www.nps.gov/yose/index.htm">Yosemite</a>.</p>
<p>Un climat plus chaud et plus sec aggrave la sécheresse dans des endroits déjà chauds et secs. Dans l’ouest des États-Unis, le changement climatique a asséché des combustibles et <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1607171113">quasiment doublé la surface incendiée</a> entre 1984 à 2015.</p>
<p>Bien que la foudre soit responsable de la plupart des feux dans les Rocheuses, les feux de source humaine <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1617394114">allongent les saisons de feux</a> dans les zones peuplées. Même dans les forêts humides des Appalaches du Sud, la sécheresse a permis à un incendie d’origine humaine de s’étendre du parc national des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/2016_Great_Smoky_Mountains_wildfires">Great Smoky Mountains à Gatlinburg dans le Tennessee</a>, couvrant une surface de 72 km<sup>2</sup>.</p>
<h2>Ce que l’avenir nous réserve</h2>
<p>Dans un monde qui se réchauffe, même les forêts bien adaptées à de larges incendies ne sont plus à l’abri. À la fin du XXI<sup>e</sup> siècle, un climat chaud et sec comme l’été de 1988 pourrait devenir la règle à Yellowstone.</p>
<p>La fréquence des mégafeux va avoir tendance à <a href="http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1110199108">augmenter</a>. De tels feux ont déjà commencé à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/ecy.1439">rebrûler des forêts</a> bien avant qu’elles n’aient eu le temps de se régénérer. À Yellowstone et Grand Teton, des incendies en 2016 ont brûlé des forêts jeunes qui avaient déjà brûlé en 1988 et 2000. Nos études sur ces feux récents ont montré que les feux étaient plus intenses et les arbustes nés après l’incendie, moins nombreux. De plus, la survie de ces jeunes arbres dans un climat plus chaud n’est pas garantie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dD8VLS5F2Xo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les méga-feux sont de plus en plus fréquents et pourraient menacer les capacités de regénération des forêts.</span></figcaption>
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<p>Les parcs nationaux représentent les derniers paysages intacts des États-Unis, et nos meilleurs laboratoires pour comprendre les bouleversements que subit l’environnement. La recherche sur les feux de 1988 est devenue une référence pour évaluer les effets des incendies aujourd’hui. Yellowstone maintiendra sa beauté, ses espèces natives et sa capacité à nous inspirer. Cependant, seul le temps nous dira si ses forêts garderont leur <a href="https://doi.org/10.1002/fee.1311">résilience face aux incendies</a> dans les futures décennies.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit par Malik Habchi</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187312/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monica G. Turner a reçu des financements de National Science Foundation, Joint Fire Science Program, US National Park Service Reserve Funds, Wisconsin Alumni Research Foundation (UW2020 Initiative) et University of Wisconsin Vilas Trust.</span></em></p>
Les feux de l’été 1988 ont brûlé un tiers du parc de Yellowstone aux États-Unis. Depuis, le parc a constitué un laboratoire précieux pour étudier comment les forêts se remettent des incendies.
Monica G. Turner, Professor of Ecology, University of Wisconsin-Madison
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/184129
2022-06-06T13:55:46Z
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Ce que l’épilepsie nous enseigne sur la diversité et la résilience
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466382/original/file-20220531-26-x3evvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épilepsie se caractéristique principalement par la présence apparemment spontanée et récurrente de crises, souvent déclenchées par le stress ou un stimuli visuel.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>De nos jours, on reconnaît de plus en plus l’importance de l’équité, de la diversité et de l’inclusion au sein de la société et de ses institutions. Les organisations de pointe les plus progressistes considèrent que la diversité des personnes est essentielle au <a href="https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/corporate/reports/building-diverse-inclusive-public-service-final-report-joint-union-management-task-force-diversity-inclusion.html">succès, à la croissance, à la capacité d’innovation et au développement d’une société</a>.</p>
<p>Les avantages liés à la diversité sont toutefois bien loin d’être exclusifs aux organisations humaines ; l’hétérogénéité et la variabilité sont les principes de conception centraux à tous les systèmes naturels complexes, qu’il s’agisse de <a href="https://doi.org/10.1155/2018/3421529">réseaux écologiques, cellulaires ou génétiques</a>.</p>
<p>Qu’on parle d’un écosystème, de la société ou du cerveau, quel est le lien qui relie cette diversité au fonctionnement et à la stabilité d’un système complexe ?</p>
<p>En tant que chercheurs en neurosciences, nos recherches interdisciplinaires et nos travaux cliniques nous ont poussés vers l’incroyable complexité et la richesse du cerveau humain et des systèmes naturels. Nous cherchons non seulement à mieux comprendre le fonctionnement des circuits du cerveau, mais aussi à développer de nouveaux traitements pour les maladies neurologiques telles que l’épilepsie.</p>
<h2>Diversité rime avec résilience</h2>
<p>Ayant d’abord été élaboré <a href="https://tile.loc.gov/storage-services/service/rbc/rbctos/2017gen17473/2017gen17473.pdf">par Darwin</a>, le concept à l’effet que la diversité engendre la stabilité et la survie a été débattu par des scientifiques issus de nombreuses disciplines <a href="https://doi.org/10.1155/2018/3421529">depuis plus d’un siècle</a>. La capacité des systèmes naturels à résister face aux changements est une caractéristique que l’on appelle la résilience. Cette caractéristique fondamentale émerge des interactions entre les membres d’un même système (par exemple, les espèces d’un écosystème, les individus d’un groupe, les cellules d’un organisme) et lui permet de maintenir ses fonctions au fil du temps.</p>
<p>Le changement met à l’épreuve la résilience. Certains écosystèmes peuvent s’adapter à l’extinction d’espèces spécifiques ou à la sécheresse. Certaines communautés virtuelles ou réseaux sociaux peuvent résister à des cyberattaques. Certaines organisations peuvent poursuivre leurs activités à la suite de conflits, guerres, révolutions politiques ou… pandémies. À la lumière de ces exemples courants et de nombreux autres liés aux sciences sociales ou naturelles, il est aujourd’hui plus important que jamais de comprendre le rôle joué par la diversité dans le maintien de la résilience des systèmes complexes.</p>
<p>Et si des pistes de réponse se trouvaient dans les circuits du cerveau, plus spécifiquement dans un cerveau atteint d’épilepsie ?</p>
<h2>Basculer dans une tempête électrique</h2>
<p>Afin de mieux comprendre, remontons un peu en arrière… Depuis plusieurs années, notre équipe interdisciplinaire étudie l’épilepsie, le <a href="https://doi.org/10.1046/j.1528-1157.43.s.6.1.x">désordre neurologique grave le plus fréquent</a>. L’épilepsie se caractéristique principalement par la présence apparemment spontanée et récurrente de crises, souvent déclenchées par le stress ou un stimulus visuel (comme des <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.03.067">lumières clignotantes ou des images spécifiques</a>). Des recherches récentes ont aussi démontré que la fréquence de ces crises pouvait varier avec le <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-017-02577-y">moment du jour ou du mois</a>, en fonction du rythme circadien (cycle éveil-sommeil), par exemple.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme se tient contre un mur d’une main et se tient la tête de l’autre alors qu’elle semble avoir un malaise" src="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’épilepsie représente le désordre neurologique grave le plus fréquent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Sous cet angle, un cerveau atteint d’épilepsie peut être vu comme fragile et peu résilient, basculant régulièrement dans une tempête électrique. Ainsi, plutôt que de s’adapter normalement aux changements, les neurones deviennent disproportionnellement actifs et synchrones, et l’activité électrique intense qui en résulte se propage en perturbant les fonctions cérébrales.</p>
<h2>Des neurones moins diversifiés</h2>
<p>En raison des conséquences importantes de ces crises sur les patients et leurs familles, notre équipe a étudié sans relâche les circuits responsables de leur déclenchement et explore des moyens susceptibles de les prévenir.</p>
<p>Quel rapport y a-t-il entre la diversité et l’épilepsie ? Notre équipe a récemment mesuré l’activité des neurones chez des personnes souffrant d’épilepsie. Nous avons alors remarqué que les neurones situés dans les régions du cerveau responsables du déclenchement des crises d’épilepsie étaient <a href="https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.110863">beaucoup moins diversifiés que ceux des régions non responsables de celles-ci</a>. Ces neurones étaient étrangement similaires les uns aux autres, présentant des caractéristiques et des réponses hautement semblables.</p>
<p>Cette absence de diversité pourrait-elle expliquer pourquoi les cerveaux sujets aux crises sont moins résilients ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529117822298775553"}"></div></p>
<h2>Des modèles mathématiques à la rescousse</h2>
<p>Afin de répondre à cette question complexe, nous nous sommes tournés vers les mathématiques. Et si, par l’entremise de modèles mathématiques des circuits cérébraux, nous pouvions comprendre comment la diversité des neurones (ou l’absence de celle-ci) prédispose le cerveau aux crises ? Pourrions-nous déterminer si la diversité neuronale accroît la résilience dans le cerveau ? Ces modèles de réseaux de neurones nous permettent non seulement de simuler des crises et étudier leur fonctionnement, mais aussi de varier le niveau de diversité exprimé par nos neurones simulés. Ces équations représentent donc un outil irremplaçable pour mieux comprendre le rôle le la diversité cellulaire dans le fonctionnement du cerveau.</p>
<p>Ces équations ont révélé que lorsque la diversité est <a href="https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.110863">trop faible ou absente</a>, une forme d’activité rappelant des crises d’épilepsie apparaît spontanément, sujette à des changements soudains de synchronisation, rappelant ce que l’on observe lors de crises. Ces résultats sont sans équivoque : un niveau réduit de diversité fragilise ces circuits neuronaux, les rendant peu résilients et incapables de maintenir le type d’activité nécessaire au maintien des fonctions cérébrales.</p>
<p>Que peut-on conclure de ces résultats ? Ils aident à clarifier le rôle joué par la diversité et les différents types de neurones dans le maintien des fonctions cérébrales. Ils nous apportent un regard nouveau sur les maladies neurologiques telles que l’épilepsie, pavant potentiellement la voie à de nouvelles avenues de traitement de ces maladies.</p>
<p>L’utilisation des mathématiques nous permet aussi d’approfondir certaines questions demeurant sans réponse : y a-t-il un niveau optimal de diversité ? Quels sont les différents types de diversité (types de neurones, pluralité d’agencements parmi les connexions qui les relient) et quel est leur rôle dans l’activité du cerveau ? Pourrions-nous augmenter la résilience du cerveau en promouvant la diversité cellulaire, au moyen de la neurostimulation, par exemple ?</p>
<p>Avant tout, nos résultats constituent un rappel frappant du rôle primordial que joue la diversité dans la solidité des systèmes naturels face au changement ; cette vérité ne s’applique pas qu’aux neurones et aux circuits neuronaux, mais aussi aux humains et aux collectivités.</p>
<p>Comme quoi, la diversité est le sel de la vie.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Catherine Barrette pour la traduction de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184129/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémie Lefebvre a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Genie du Canada (CRNSG) ainsi que des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Taufik A. Valiante a reçu des financements de Krembil Brain Institute, et Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (NSERC)</span></em></p>
Les neurones situés dans les régions du cerveau responsables du déclenchement des crises d’épilepsie sont beaucoup moins diversifiés que les neurones des régions non responsables de celles-ci.
Jérémie Lefebvre, Professeur agrégé de neurosciences computationnelles et neurophysiologie, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Taufik A. Valiante, Neurosurgeon/neuroscientist, University of Toronto
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183316
2022-06-02T17:38:41Z
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Bonnes feuilles : « Traverser l’épreuve en pleine conscience. Six étapes pour se reconstruire »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463975/original/file-20220518-25-2z9tki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1894%2C1247&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vécue avec conscience, une épreuve peut devenir initiation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Hassas_Arts / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est composé d’extraits du livre de Catherine Pourquier</em> Traverser l’épreuve en pleine conscience. 6 étapes pour se reconstruire, <em>reproduits avec l’aimable autorisation des éditions Jouvence, paru en février 2022.</em></p>
<p><em>L’ouvrage propose un cheminement personnel grâce à 54 défis et des feuilles de route individuelles. Il offre des éclairages sur l’ensemble du processus de deuil notamment dans ses aspects émotionnels ainsi que des outils concrets pour pacifier l’épreuve rencontrée et (re)trouver une sérénité intérieure.</em></p>
<hr>
<p>Les formes de l’épreuve sont multiples : la perte d’un être cher, d’un amour, d’un travail, d’un espoir, de la santé, de la jeunesse… Si ces manifestations sont diverses, l’expérience est universelle. Incompréhensible, inacceptable, incontrôlable, l’épreuve est un défi qui nous met en mouvement malgré nous. L’enjeu est d’être présent·e, malgré tout ; d’oser, d’avoir le courage d’être là.</p>
<p>L’épreuve traversée nous rend plus vivant·e·s. Vécue avec conscience, l’épreuve devient initiation. De nombreux mythes évoquent la traversée 3, elle est en lien avec le voyage, la promesse d’un ailleurs. […]</p>
<p><a href="https://www.decitre.fr/livres/les-derniers-instants-de-la-vie-9782830900965.html">Elisabeth Kübler-Ross</a> a étudié de très près le « grand voyage », elle est à l’origine de la création des unités de soins palliatifs. Elle a mis en évidence des étapes dans le processus de deuil. L’épreuve ultime, la mort d’un proche ou sa propre mort, impose à la psyché « un apprivoisement » du réel qui passe par un processus émotionnel universel et profondément humain.</p>
<p>L’universalité du processus permet selon moi de l’appliquer à toute épreuve dès lors qu’elle opère une nécessité de changement radical dans notre vie. Les étapes du processus de deuil décrit par E. Kübler-Ross sont les suivantes par ordre chronologique : le choc, le déni, le marchandage, la colère, la dépression et l’acceptation.</p>
<h2>1. Le choc, ou la surprise blessante</h2>
<p>Le choc émotionnel (ou psychologique) résulte d’un événement traumatisant qui submerge la faculté que possède un individu à faire face aux émotions qu’il ressent lorsque celui-ci survient (perte d’un être cher, perte d’un amour, maladie, accident, handicap, perte d’un travail, perte d’un espoir, perte de la jeunesse, etc.) Lorsque le choc n’est pas pris en charge, il peut entraîner un traumatisme psychique. Ce dernier se caractérise par des symptômes qui perdurent dans le temps (anxiété, troubles obsessionnels).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il n’y a pas toujours de rapport entre la gravité objective d’un événement et ses conséquences sur l’équilibre psychique d’une personne. Ce qui compte, ce n’est pas tant ce qu’il s’est effectivement passé que la manière dont l’a vécu et ressenti l’individu.</p>
<p>Comprendre ses émotions, c’est se donner les moyens de traverser l’épreuve. La particularité du choc est qu’il concentre une très forte intensité émotionnelle. Les émotions sont à la fois denses et mélangées. Les <a href="https://www.nature.com/articles/nri1571">études</a> ont montré depuis longtemps le lien entre les émotions « désagréables et le déclenchement des maladies ».</p>
<p>La conscience de soi une [composante de l’intelligence émotionnelle] étend la compréhension et le savoir d’une personne. Elle permet notamment à un individu de connaître ses valeurs et ses buts à atteindre : l’individu sait ce qu’il veut, ce qu’il ressent, ce qu’il souhaite. Une personne qui a conscience d’elle – même est axée sur le « sens de sa vie ».</p>
<h2>2. Le déni, ou la peur refoulée</h2>
<p>Le déni est un mécanisme de défense, il est « <a href="https://www.cairn.info/figures-du-deni--2749201780.htm">suspension du jugement subjectif</a> ». Ce refus du réel se caractérise par des stratégies d’évitement ; le refoulement inconscient fait ainsi suite à une émotion forte que la personne ne parvient pas à intégrer. C’est le cas notamment lors de l’annonce d’une maladie grave à un patient ou à la suite du décès soudain d’un conjoint ou d’un enfant. La conscience se réfugie alors dans le déni, ce qui permet de refuser la perception de la réalité et de rejeter ce qui est ressenti comme intolérable.</p>
<p>Le déni engendre à l’intérieur de soi une sensation diffuse et permanente de stress, de danger. Il entraîne aussi en compensation des comportements rigides et défensifs, qu’il est important de savoir identifier. L’émotion au cœur du déni est la peur.</p>
<p>Toute la question réside dans l’adéquation entre la situation réelle vécue et le mécanisme de défense mis en œuvre. Si le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-2006-28-page-57.htm">cerveau reptilien</a> est là pour assurer notre survie, il peut aussi contribuer en fonctionnant à l’excès à nous mettre sur le qui-vive en permanence. Ceci est d’autant plus vrai que nous développons tous des mécanismes de défense qui font un écran à la prise de conscience de nos peurs.</p>
<p>Pourtant, travailler sur ses peurs peut être intéressant, voire essentiel, en fonction de son chemin de vie. Il existe des méthodes qui vont travailler directement sur des souvenirs traumatiques (telles que l’<a href="https://www.decitre.fr/auteur/399959/Francine+Shapiro">EMDR 38</a> ou bien l’<a href="https://www.decitre.fr/auteur/1480349/Gary+Craig">EFT 39</a>). Ces approches par la désensibilisation permettent « d’effacer » dans le cerveau la charge émotionnelle. Elles sont particulièrement efficaces pour les chocs traumatiques, les situations à répétition et les phobies.</p>
<h2>3. Le marchandage, ou la ronde des jeux</h2>
<p>Dans cette étape du marchandage, il y a une colère contre la situation, contre l’épreuve. La personne n’accepte pas la réalité, et en même temps, elle ne peut plus l’ignorer totalement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cela peut être une colère contre celui ou celle qui nous « abandonne » (rupture sentimentale, licenciement, mort d’un proche). Ce face-à-face avec le réel crée des frustrations. Une culpabilité corrélée à la colère et à la tristesse est souvent présente aussi dans cette phase du marchandage : « Qu’aurais-je pu ou dû faire pour éviter le drame ? »</p>
<p>Quant à la peur, elle est également présente, de façon diffuse et parfois de façon plus aiguë lorsque le réel devient plus confrontant.</p>
<p>Le marchandage est une étape très importante, car nous marchandons beaucoup avec la vie. Nous marchandons chaque fois que nous ne l’acceptons pas telle qu’elle est. Lorsque la vie nous envoie ou plutôt lorsque nous nous créons des expériences agréables, il est facile de les accepter, comme un dû ou comme un cadeau (là est la différence).</p>
<p>Mais le plus souvent, lorsqu’il nous arrive des expériences désagréables, nous ne voyons plus du tout les choses de la même manière. L’expérience désagréable est vécue comme un manque de chance, une injustice, une agression, une erreur. Notre premier réflexe est d’envisager l’expérience désagréable comme quelque chose qui n’aurait pas dû arriver.</p>
<p>Pratiquer la pleine conscience, c’est justement prendre l’expérience comme elle est et faire un avec elle. La possibilité de changement et la liberté qui l’accompagnent sont à cette condition.</p>
<h2>4. La révolte, ou la colère intense</h2>
<p>Quel que soit le nom qu’on lui donne, « révolte » ou « rébellion », le refus face à ce qui est perçu et vécu comme inadmissible met en œuvre une très grande énergie de vie. L’enjeu est de parvenir à canaliser cette énergie de façon constructive. C’est ainsi que de nombreuses associations sont créées à la suite d’une épreuve personnelle (perte d’un enfant ou d’un proche, maladie, handicap, endettement, addictions, illettrisme, etc.) afin d’aider d’autres dans la même situation.</p>
<p>La colère est une émotion de réparation face à un préjudice. Elle est ainsi une incroyable source d’énergie vitale et savoir la canaliser permet d’en faire une alliée très appréciable dans sa vie.</p>
<p>Dans une approche de pleine conscience, voir ses agacements permet d’identifier les zones d’inconfort que j’ai avec le réel. Il s’agit d’une écoute subtile de mes états intérieurs et de mes gestes corporels. En effet, le corps sait exprimer l’agacement, notamment par des mouvements d’agitation (pieds, mains…) ou par un changement d’intonation de la voix.</p>
<p>Le chemin pour accueillir mon agacement est de développer mon écoute intérieure. Plus je suis à l’écoute de ce qui se passe en moi, moins je suis agacé·e car cette écoute permet un recentrage qui fait disparaître l’état d’agacement.</p>
<h2>5. La dépression, ou la tristesse enfouie</h2>
<p>Quelle que soit la forme que la souffrance prenne, physique ou psychique, deux attitudes sont possibles : la résistance ou le lâcher-prise. Résister veut dire, selon moi, tenir le coup, se contracter, tenir bon. Cette attitude est possible un certain temps, et dépend largement du mental. Elle a des limites qui sont celles du corps et du psychisme qui peuvent lâcher d’un seul coup.</p>
<p>Lâcher prise suppose d’accepter pleinement la situation dans l’instant présent qui est libérateur, car il enlève les émotions liées au passé et au futur.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vivre l’instant présent pour sortir d’une tristesse enfouie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">HolgersFotografie/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tout comme la nostalgie, l’anticipation empêche d’accueillir le moment présent et de faire un avec ce qui m’arrive, la douleur de mon corps, de mon esprit, de mon cœur, toutes mes fragilités. C’est la raison pour laquelle, selon moi, la pratique de l’instant présent est la seule qui puisse vraiment me libérer.</p>
<p>Si j’accepte d’être complètement là dans l’instant présent, mon corps (en dépit des douleurs liées à la maladie, à la perte d’un être cher, ou à toute autre forme de perte ou de manque) va se détendre. Cette détente est due au fait que je cesse d’avoir des attentes, d’être sur le qui-vive de « quelque chose qui va arriver », de « quelque chose qui aurait dû arriver » ou bien dans la rumination de « quelque chose qui n’aurait pas dû arriver ». Je suis juste « là ».</p>
<p>Dans cet espace particulier, je peux accueillir tous les possibles de ma vie.</p>
<h2>6. L’acceptation, ou la joie retrouvée</h2>
<p>Accepter ce qui est suppose de regarder sa vie en face, telle qu’elle est. En lâchant la résistance, le contrôle et la pression, un espace se crée entre ma réalité et moi-même. Dans cet espace libéré, la conscience peut surgir. Cette pleine conscience devient alors lieu de guérison, de transmutation, de libération.</p>
<p>Avant d’envisager l’acceptation, il est important de comprendre ce qu’est la non-acceptation. Elle est en effet plus facile à appréhender quand l’étape de l’acceptation n’a pas encore été franchie.</p>
<p>La non-acceptation est un état de résistance au réel qui crée un mal-être, voire une violence, à l’intérieur de moi-même. Si je n’accepte pas une situation, un état de fait, je me coupe de la vie. J’entre dans une communication violente (et réactive) avec moi-même et avec mon environnement.</p>
<h2>S’en remettre à plus grand que soi</h2>
<p>Il y a des événements qui ne sont pas compréhensibles sur le plan de la conscience ordinaire. Comment comprendre la mort d’un enfant, cet arrêt brutal d’une vie en marche ? Comment comprendre le suicide d’un proche, ce choix d’arrêter le cours de sa propre vie ? C’est incompréhensible, révoltant et culpabilisant.</p>
<p>Comment comprendre la violence faite aux enfants et à tous les êtres faibles ? Là aussi, cela dépasse l’entendement.</p>
<p>Face à cette impossibilité à comprendre, deux possibilités nous sont offertes.</p>
<p>La première consiste à se révolter et à en vouloir aux autres, à la vie et en premier lieu à soi-même. La colère est une étape importante dans le processus de deuil et elle doit être vécue pour renaître. Mais elle n’est qu’une étape. Rester coincé·e dans la colère toute une vie, voire sur plusieurs générations, n’est pas la solution.</p>
<p>La seconde attitude consiste à accueillir les émotions du processus de deuil vécues dans l’épreuve, et à un moment, à faire un grand saut. Sauter dans l’inconnu, l’incompréhensible, l’incontrôlable et dire à la vie : « Je ne sais pas et je te fais confiance. C’est toi qui conduis ma vie. Montre-moi le chemin. Aide-moi à avancer vers ce qui est juste pour moi et pour le monde. »</p>
<p>Il s’agit de s’en remettre à plus grand que soi. Peu importe son nom. Ce qui compte, c’est la liberté donnée par cet abandon et la capacité à se laisser guider par ce qui nous dépasse.</p>
<p>C’est ainsi que l’épreuve peut être entièrement traversée. Dans cet accueil de ce qui est dans l’instant présent, tout est possible, parce que c’est la vie qui œuvre et qu’elle est illimitée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pourquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un ouvrage récemment publié propose de faire de l’épreuve un moment de croissance qui nous rend plus vivant·e.
Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181405
2022-04-26T19:47:08Z
2022-04-26T19:47:08Z
Être hypersensible : un avantage ou un inconvénient ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459593/original/file-20220425-31598-tsuy3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=621%2C15%2C4268%2C3512&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'hypersensibilité est souvent associé à une vulnérabilité. Mais elle peut aussi être une force.</span> <span class="attribution"><span class="source">Veja/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La sensibilité est un terme qui revient souvent autour de nous – et souvent pour désigner des choses différentes. On peut parler de la sensibilité relative aux sensations, c’est-à-dire une aptitude à éprouver des perceptions. On peut également parler d’une susceptibilité à être affecté par la moindre action ou agression extérieure, etc.</p>
<p>Et au-delà de la simple sensibilité, certaines personnes sont décrites comme « hypersensibles ». Il s’agit cette fois de suggérer qu’elles sont particulièrement émotives, pleurent facilement devant des films romantiques ou sur des chansons tristes par exemple.</p>
<p>Ce terme d’<em>hypersensibilité</em>, <a href="https://trends.google.fr/trends/explore?date=all&geo=FR&q=hypersensibilit%C3%A9">répandu progressivement dans le grand public depuis plusieurs années</a>, renvoie généralement – de manière partiellement erronée – à l’hyperesthésie (au sens « d’avoir les sens en ébullition facilement ») et des émotions intenses anormalement fréquentes. Nous préférerons ici les termes de « sensibilité élevée » qui s’affranchissent de la connotation péjorative d’excès.</p>
<p>La manifestation de la sensibilité peut être interne, avec une réactivité physiologique ou une émotion, ou externe, avec un geste de recul par exemple. Elle est toujours liée à un élément déclencheur, interne (une pensée) ou externe (de l’environnement…) appelé stimulus.</p>
<p>Ces stimuli peuvent être de différentes natures : sociaux (appel d’un ami, collègue qui vient nous parler, inconnu qui nous interpelle dans la rue), émotionnels (souvenir d’une personne chère, câlin de notre animal de compagnie…), physiologiques (ventre qui gargouille, rythme cardiaque qui accélère…) ou sensoriels (auditifs, olfactifs, visuels…).</p>
<p>Quels qu’ils soient, nous y sommes exposés au quotidien et de manière continue. L’humain, reposant sur des ressources environnementales pour survivre, doit être capable de capter, d’intégrer et de traiter tous ces stimuli pour s’adapter.</p>
<p>Mais à un stimulus donné, nous ne réagissons pas tous de manière identique…</p>
<h2>Différences de sensibilité : de quoi s’agit-il ?</h2>
<p>La plupart des gens réagissent plus ou moins de manière identique aux mêmes stimuli, ceux qui réagissent plus fortement sont dits plus sensibles. Diverses théories ont tenté de décrire ces différences et elles ont été regroupées en 2016 sous le concept global de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2015-18508-001">« sensibilité environnementale »</a>.</p>
<p>Ce dernier inclut notamment le concept de sensibilité au traitement sensoriel (<a href="https://hsperson.com/test/highly-sensitive-test/">SPS, mesurée par le questionnaire d’auto-évaluation HSPS</a>), qui se rapproche le plus, d’un point de vue théorique, de ce que l’on appelle l’hypersensibilité dans le langage courant. Il est introduit en 1997 par Elaine et Arthur Aron et suggère que la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1997-05290-010">sensibilité est un trait de personnalité</a> caractérisé par :</p>
<ul>
<li><p>une plus grande profondeur du traitement de l’information,</p></li>
<li><p>une réactivité émotionnelle et une empathie accrues,</p></li>
<li><p>une plus grande conscience des subtilités environnementales,</p></li>
<li><p>une facilité à être surstimulé.</p></li>
</ul>
<p>Ce concept de sensibilité environnementale se veut également être un méta-trait, c’est-à-dire une dimension de la personnalité d’ordre supérieur, capturant et expliquant en partie les concepts psychologiques existants tels que l’introversion, la timidité, l’inhibition comportementale ou encore le tempérament réactif.</p>
<p>Cela a des implications fortes notamment concernant les thérapies, le diagnostic clinique de pathologies mentales ou encore la recherche de l’origine de certains troubles mentaux.</p>
<h2>La sensibilité élevée souvent associée à des effets négatifs</h2>
<p>Historiquement, la recherche sur la sensibilité environnementale s’est majoritairement intéressée aux vulnérabilités des individus. Ces vulnérabilités sont liées à de nombreux facteurs (génétiques, psychologiques ou physiologiques) et vont entraîner une sensibilité plus élevée à différents stimuli.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue d’artiste d’une double hélice d’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459596/original/file-20220425-26-qdefzq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le niveau de sensibilité est lié à de nombreux facteurs, notamment environnementaux, psychologiques et physiologiques mais aussi génétiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MiniStocker/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En d’autres termes, nos caractéristiques internes propres jouent sur l’effet que l’environnement va avoir sur nous. Par exemple, si un individu possède une certaine version d’un gène <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15654286/">associé à une expression réduite de la molécule du transporteur de sérotonine</a> (dite hormone du bonheur), il est plus susceptible, lors d’événements stressants, de <a href="https://ajp.psychiatryonline.org/doi/full/10.1176/ajp.2006.163.9.1588">développer des symptômes dépressifs</a>. Un facteur génétique couplé à des stimuli négatifs peut donc avoir des conséquences néfastes.</p>
<p>Mais on a constaté un biais dans les études menées. Étant donné la prépondérance de la recherche associant les vulnérabilités et sensibilité élevée, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19883141/">écrasante majorité des études</a> décrit des associations entre environnements négatifs (maltraitance infantile, insensibilité des parents, événements de vie négatifs…), sensibilité élevée et conséquences néfastes de cette dernière (prédisposition aux troubles mentaux ou encore faible qualité de vie).</p>
<p>On associe donc habituellement la sensibilité élevée à une forme de vulnérabilité, n’apportant que très peu de bénéfices au quotidien et favorisant l’apparition de complications dans les contextes négatifs. On peut notamment citer des liens entre sensibilité élevée et <a href="https://www.researchgate.net/publication/11029804_Behavioural_inhibition_and_symptoms_of_anxiety_and_depression_Is_there_a_specific_relationship_with_social_phobia">phobie sociale</a>, <a href="https://www.researchgate.net/publication/230777339_Sensory_Sensitivity_Attachment_Experiences_and_Rejection_Responses_Among_Adults_with_Borderline_and_Avoidant_Features">trouble de la personnalité évitante</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886905001911">anxiété et dépression</a>, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-03378-010">stress auto-perçu</a>, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-13420-006">agoraphobie</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886908001281">alexithymie et trouble du spectre de l’autisme</a> ou encore <a href="https://www.researchgate.net/publication/270516287_Is_the_relationship_between_sensory-processing_sensitivity_and_negative_affect_mediated_by_emotional_regulation">difficulté de régulation des émotions</a>.</p>
<p>Mais est-on réellement prédisposé à ces conséquences néfastes si on a une sensibilité élevée ?</p>
<h2>Un avantage adaptatif</h2>
<p>Des <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-020-0783-8">recherches sur l’hérédité de la sensibilité révèlent que les influences génétiques expliquent 47 % de sa variance</a>, les 53 % restants sont dus aux influences environnementales. Ce qui indique que la sensibilité est un trait héritable. Or si elle est héritable, elle doit présenter un avantage adaptatif, même mineur (ou au moins, ne pas être invalidante), pour être conservée au fil des générations par la sélection naturelle.</p>
<p>Ce trait pourrait même être conservé par l’évolution depuis très longtemps, car il est également présent chez d’autres espèces de mammifères (une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0177616">mesure valide de la sensibilité chez les chiens est parue en 2017</a>).</p>
<p>Des <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0805473105">simulations numériques et des recherches empiriques suggèrent en parallèle que la sensibilité élevée serait avantageuse si elle est présente dans 15 à 20 % de la population</a>, ce qui en fait un trait dépendant d’une fréquence basse. Cela reflète, au sein d’un groupe, le fait que les individus qui le composent peuvent opter pour diverses stratégies, notamment grâce à leurs différences de sensibilité, afin de mieux s’adapter aux variations de leur environnement et d’être plus attentifs.</p>
<h2>Vers de potentiels bénéfices</h2>
<p>Depuis plus d’une dizaine d’années, les effets positifs des environnements bénéfiques sur les individus dotés d’une sensibilité élevée sont plus étudiés.</p>
<p>En 2015, une <a href="https://www.researchgate.net/publication/273789708_Sensory-Processing_Sensitivity_predicts_treatment_response_to_a_school-based_depression_prevention_program_Evidence_of_Vantage_Sensitivity">étude portant sur le lien entre sensibilité élevée et réponse à un programme de prévention de la dépression</a> mené auprès d’adolescentes a montré que les personnes sensibles étaient plus réceptives à l’aide proposée. Mieux : les changements étaient significativement plus élevés pour les individus hautement sensibles.</p>
<p>En 2018, une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2167702618782194">autre étude a révélé un lien entre sensibilité élevée et réponse à un programme d’intervention scolaire anti-harcèlement</a>. Non seulement le harcèlement a significativement baissé, mais les individus hautement sensibles ont presque exclusivement contribué à ce phénomène.</p>
<p>Ces études suggèrent donc que les individus hautement sensibles ont une meilleure capacité d’intégration de soi par rapport aux autres, de pensée réflexive ou encore d’apprentissage et de conscience.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des enfants souriants font du découpage à la maternelle" src="https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459599/original/file-20220425-95080-hw4jm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un environnement et une enfance positive sont des clés importantes pour permettre aux hypersensibles de développer tout leur potentiel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces résultats sont en cohérence avec une <a href="https://www.researchgate.net/publication/322402052_Sensory_processing_sensitivity_and_childhood_quality%27s_effects_on_neural_responses_to_emotional_stimuli">étude d’imagerie cérébrale qui montre que les individus hautement sensibles, face à des stimuli émotionnels positifs ou négatifs, ont une activité cérébrale accrue</a> des régions liées à ces capacités (hippocampe, zone pariétale/frontale, cortex préfrontal…).</p>
<p>De plus, si on leur présente des images positives (s’ils ont eu une enfance positive), ils montrent une activation accrue des zones du calme, du traitement d’autrui (cortex insulaire) et de la réponse à la récompense (zone tegmentale ventrale, locus niger et noyau caudal) – cette dernière servant de motivation de base pour la survie et qui <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/7854_2015_387">peut être utilisée pour le plaisir y compris avec les substances addictives</a>.</p>
<p>Si on leur donne des images négatives, ce sont les régions liées au self-control (cortex préfrontal médian) et à l’autorégulation cognitive et émotionnelle qui sont suractivées.</p>
<h2>Tirer le meilleur parti de l’hypersensibilité</h2>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/nrn3119">Des recherches en addiction et troubles de l’humeur</a> ont montré le rôle du cortex préfrontal médian dans le self-control, et le contrôle accru de l’impulsion en réponse aux stimuli positifs est <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1369-1600.2009.00193.x">associé à la réduction de la prise de risque et d’addiction</a>.</p>
<p>Ce qui suggère que la haute sensibilité couplée à un environnement de développement favorable serait un facteur protecteur face aux addictions : les individus hautement sensibles seraient ainsi moins susceptibles d’avoir des comportements excessifs et problématiques (en lien avec Internet, les jeux en ligne ou d’argent…) ou de devenir dépendants après la consommation de stupéfiants.</p>
<p>Toutes ces études s’accordent sur le rôle clé que joue la qualité de l’enfance et de l’environnement. Les facteurs environnementaux contribuant à environ la moitié de la variance de sensibilité, limiter les expériences négatives (ou modérer les effets délétères) qui sont exacerbées par le trait de sensibilité est nécessaire.</p>
<p>Bien identifier le niveau de sensibilité des individus pourrait être utile pour estimer la réussite ou non des thérapies et programmes d’intervention – cette dernière étant un facteur de réussite, au point que la <a href="https://www.researchgate.net/publication/51819108_Therapygenetics_Moving_towards_personalized_psychotherapy_treatment">recherche en thérapie génétique</a> s’intéresse désormais à la psychothérapie personnalisée.</p>
<h2>Aider à l’épanouissement des hypersensibles</h2>
<p>Les études de la sensibilité environnementale contribuent ainsi déjà à expliquer les différences individuelles de développement dans certains contextes et pour les vulnérabilités à certaines psychopathologies. Elles peuvent également permettre une intervention précoce pour prévenir les développements anormaux d’individus hautement sensibles tout en les aidant à s’épanouir dans une société moderne, source de stimuli difficiles à gérer.</p>
<p>Elles permettront demain de mieux éclairer ce trait, tant au niveau des mécanismes neuronaux impliqués qu’au niveau de son origine ou de son association avec d’autres troubles.</p>
<p>La sensibilité élevée, ou hypersensibilité, peut donc être un atout précieux ! Loin d’être un trouble mental, elle est un trait dont le rôle dans les mécanismes d’adaptation à l’environnement est primordial. La richesse de ses implications évolutives, médicales, sociales s’esquisse ainsi dans les nombreux travaux en cours, en psychologie, biologie génétique et en neurosciences – de quoi déjà permettre aux individus concernés de passer outre les jugements souvent négatifs dont ils sont encore trop souvent l’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evan Giret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le terme est souvent péjoratif : être hypersensible, c’est pleurer pour un rien, « trop » ressentir les choses, etc. Mais on comprend désormais que ce trait a de vrais avantages évolutifs et sociaux.
Evan Giret, Doctorant en psychologie au 2LPN (EA 7489), Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181358
2022-04-20T18:14:19Z
2022-04-20T18:14:19Z
Depuis 30 ans, les crises successives font diverger les trajectoires économiques des territoires
<p>Les périodes de ralentissement économique de 1993, de 2008 ou bien encore de 2020 ont eu des impacts territoriaux différenciés, que ce soit aux échelles nationales ou locales. Même si les facteurs explicatifs de chacune de ces crises sont très différents, elles ont contribué à une <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2020-12/Localtis-Mag-numero-1.pdf">recomposition des trajectoires de développement local</a>.</p>
<p>Face à ces chocs et aux incertitudes pour les années à venir, la notion de la <a href="https://theconversation.com/sadapter-ou-se-transformer-quelle-resilience-souhaitons-nous-137358">résilience</a> s’est peu à peu imposée dans les analyses économiques pour désigner la capacité d’un système à faire face à un choc passé, présent ou à venir. Elle se mesure en termes de cycle, afin de prendre en compte les variations des emplois ou des revenus, mais également la durée des phases de déclin, de rebond ou de récupération.</p>
<p>Analysée au prisme de ces cycles, l’étude de la résilience des intercommunalités françaises sur le temps long, qui fait l’objet de notre récent <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-361.htm">article</a> de recherche publié dans la <em>Revue d’économie régionale & urbaine</em>, révèle trois résultats majeurs. Tout d’abord, certains espaces subissent depuis près de trente ans chaque crise de façon plus aiguë que les autres. Ensuite, en matière de résilience, les métropoles ne sont pas nécessairement plus efficaces que les autres territoires. Enfin, la crise de 2020 révèle la fragilité des dynamiques de spécialisation sectorielle.</p>
<h2>Plus de résilience à l’Ouest et au Sud</h2>
<p>L’analyse des variations de l’emploi observées depuis le début des années 1990 nous permet de mesurer l’impact des crises sur le temps long. Cinq types de trajectoires se distinguent à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) :</p>
<ul>
<li><p>les EPCI en croissance continue de 1993 à 2020 ;</p></li>
<li><p>les EPCI contracycliques, c’est-à-dire en déclin sauf en période de crise ;</p></li>
<li><p>les EPCI sensibles aux crises, mais qui parviennent à rebondir ;</p></li>
<li><p>les EPCI sensibles aux crises, qui ne connaissent pas de rebond ;</p></li>
<li><p>et les EPCI en déclin continu de 1993 à 2020.</p></li>
</ul>
<p>15 % des intercommunalités françaises ont connu une croissance continue de l’emploi pendant près de 30 ans (de 1993 à 2019). Si l’on intègre le choc de 2020, ce ne sont plus que 6 % des EPCI qui restent insensibles aux crises, quelles qu’elles soient.</p>
<p>Globalement situés dans les régions au sud du pays, ces territoires profitent des dynamiques de redistribution publique, cumulées à des mécanismes d’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2019622">attractivité résidentielle et touristique</a>. Pour l’instant, ces territoires tirent un avantage de leur faible exposition aux chocs externes et bénéficient des revenus de transfert issus de la solidarité nationale.</p>
<p>Sans être totalement épargnées, 44 % des intercommunalités apparaissent plutôt résilientes aux crises. Elles sont principalement situées dans l’ouest et le sud du pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=680&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=680&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458312/original/file-20220415-18-3sr05z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=680&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trajectoire de résilience des intercommunalités françaises sur le temps long (1993-2020).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À côté de cette France plutôt épargnée par les crises passées se déploie un vaste espace d’intercommunalités beaucoup plus fragilisées. Par exemple, 41 % des EPCI ne s’étaient toujours pas remis de la crise de 2008 quand la pandémie est arrivée début 2020. Cumulées sur l’ensemble de la période, ce sont au final 30 %, soit près d’une intercommunalité sur trois (et où réside 20 % de la population française), qui voit ses emplois salariés privés diminuer depuis près de trente ans !</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/les-territoires-oublies-de-lelection-presidentielle-174817">espaces fragilisés</a> par la globalisation des échanges et les processus de métropolisation sont majoritairement situés dans les régions au nord du pays, dans des espaces de tradition industrielle ainsi que dans ce que les géographes appellent la diagonale du vide, s’étendant du Nord-Est au Sud-Ouest et désignant des espaces de faibles densités.</p>
<h2>Les métropoles ne sont pas nécessairement plus résilientes</h2>
<p>Les grandes villes sont-elles plus résilientes que leurs périphéries ? Certaines métropoles ont été extrêmement résistantes à la crise de 2008, comme Toulouse, Montpellier, Aix-Marseille et Toulon, ou à une autre échelle Lyon et Paris qui ont su rebondir rapidement. Grenoble, Saint-Étienne ou Strasbourg ont, inversement, eu beaucoup plus de mal à récupérer de la crise. La métropole de Grenoble, par exemple, a perdu beaucoup d’emplois et a mis près de 10 ans à retrouver son niveau d’emploi salarié d’avant la crise. Rouen enfin n’a, pour l’instant, toujours pas récupéré de ces chocs passés majeurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458313/original/file-20220415-16-zfa4jr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capacité de résilience des intercommunalités françaises face à la crise de 2008.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans les travaux récents que nous avons réalisés, nous mettons en évidence l’importance des contextes régionaux, bien plus qu’une fracture entre métropoles et reste du pays. Ainsi, les disparités de résilience sont plus marquées entre les grandes régions françaises, qu’entre les grandes agglomérations et leur périphérie.</p>
<p>Cependant, au sein des régions les plus durement touchées par la crise, l’écart « métropole-hinterland » existe et s’intensifie sur le long terme. Cette situation s’observe notamment dans le quart nord-nord-est de la France, notamment dans les territoires durablement affectés par les crises comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent.</p>
<h2>Le Covid révèle les fragilités sectorielles</h2>
<p>La crise socio-économique liée au Covid-19 est évidemment très différente de celle de 2008, déjà très différente de celle de 1993. Les premiers chiffres nationaux et infranationaux disponibles montrent que les secteurs les plus touchés sont liés à la baisse de la demande des ménages : commerces et services marchands, tourisme, loisir, transport de voyageurs. Ces secteurs étant présents dans la plupart des territoires français, la régionalisation du choc observée est beaucoup plus diffuse que celle observée en 2008. Notons néanmoins que certains secteurs productifs ont également souffert, à l’image de l’<a href="https://theconversation.com/le-transport-aerien-engage-dans-une-course-de-survie-financiere-156664">aéronautique</a>.</p>
<p>Ce que nous apprend cette crise, c’est le fait que des territoires jusque-là spécialisés dans des activités dynamiques, systématiquement épargnées par les crises précédentes, se sont retrouvés touchés de plein fouet par l’arrêt de nos modes de vie et le fort ralentissement des échanges globaux. Les petites villes spécialisées dans une industrie particulière, comme l’aéronautique ou le tourisme, ont été épargnées en 2008, mais ont payé un lourd tribut en 2020.</p>
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<span class="caption">Impact de la pandémie sur l’emploi salarié privé en 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ainsi, des secteurs qui aujourd’hui peuvent paraître hors de danger de tout choc conjoncturel (l’<a href="https://theconversation.com/y-aura-t-il-des-semi-conducteurs-pour-noel-172635">électronique</a> par exemple), peuvent très bien être affectés demain par une guerre, par des aléas naturels majeurs, par la raréfaction d’une ressource telle que l’eau, etc. Dans le monde d’incertitude où nous vivons, les stratégies d’hyper-spécialisation qui ont prévalu dans le passé apparaissent pour le moins risquées, sinon totalement dépassées.</p>
<p>La résilience est un enjeu de long terme et les périodes de reprise, puis de récupération sont tout aussi fondamentales que les réponses apportées au moment du choc. Les analyses géoéconomiques développées dans nos travaux permettent de mettre en lumière les territoires blessés par les décennies passées. Dans ces espaces, l’État doit <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10113-021-01845-4">intensifier et adapter des politiques nationales de relance</a> – notamment industrielle – en fonction des besoins de la population, des spécificités territoriales et des défis environnementaux qui nous attendent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yatina Calixte est en thèse Cifre à l'Agence d'urbanisme de la région grenobloise. Ce dispositif est financé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Magali Talandier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si environ une intercommunalité sur deux en France peut être qualifiée de résiliente, le nord du pays et les espaces à faibles densités de population sont de plus en plus fragilisés.
Magali Talandier, Professeure des universités en études urbaines, Université Grenoble Alpes (UGA)
Yatina Calixte, Doctorante, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181088
2022-04-12T18:27:54Z
2022-04-12T18:27:54Z
Les entreprises familiales ukrainiennes, au cœur de la résistance en temps de guerre
<p>À l’heure où les combats font encore rage, les entreprises familiales ukrainiennes affichent une capacité de résistance, d’organisation, et un esprit de solidarité puisés dans leur culture de la résilience sans cesse renouvelée, voire renforcée à travers l’histoire.</p>
<p>Selon la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52015IE0722">définition</a> retenue au niveau de la Commission européenne, une entreprise, quelle que soit sa taille, est une entreprise familiale si la majorité des droits décisionnels (directs ou indirects) appartiennent au(x) membre(s) de la famille qui a ou ont créé ou acquis le capital de l’entreprise, avec au moins un représentant de la famille formellement impliqué dans la gouvernance de l’entreprise.</p>
<p>Après avoir étudié les dynamiques de <a href="https://theconversation.com/lentreprise-familiale-un-modele-de-resilience-en-temps-de-crise-146141">résilience des entreprises familiales</a>, notamment ukrainiennes, pendant la crise du Covid-19 pour un travail de recherche (prochainement présenté à l’<a href="https://ifera.org">International Family Entreprise Research Academy Conference</a>), je me suis livrée à une première analyse de leurs comportements et de leurs perspectives au cours des premières semaines endurées au sein d’une nation en état de guerre.</p>
<p>En Ukraine, les entreprises familiales, généralement dirigées par la première et/ou la deuxième génération en raison de l’histoire socialiste du pays, jouent un rôle prédominant dans l’économie. Selon une <a href="https://lvbs.com.ua/wp-content/uploads/2019/12/simeinyi-biznes.pdf">étude de Lviv Business School</a> (en ukrainien), leurs dirigeants estiment que les valeurs et les objectifs stratégiques priment sur les facteurs matériels et financiers. La notion de la responsabilité envers des objectifs communs se retrouve notamment au cœur de leurs pratiques.</p>
<p>Ma collecte de données a été articulée autour de trois grandes questions. Comment ces entreprises contribuent-elles à l’effort de résistance ? Comment leur gouvernance favorise-t-elle le redéploiement de leurs activités ? De quel soutien ont-elles besoin pour perdurer ?</p>
<h2>« Ukrainian spirit »…</h2>
<p>La force d’un véritable « ukrainian spirit » semble ressurgir au cours de cette crise. Inscrit dans l’ADN d’une population dont les générations successives ont traversé des crises majeures au cours des dernières décennies, il s’incarne aujourd’hui dans la volonté des familles ukrainiennes à la tête des entreprises familiales de poursuivre leur activité économique et de continuer à croître en dépit de tous les défis.</p>
<p>Comme l’illustre Rostyslav Vovk, le co-dirigeant de l’entreprise Kormotech, fabricant de produits alimentaires pour chats et chiens, au cours de la troisième semaine du conflit « Nous avons eu hier une réunion stratégique. Nous devons être prêts pour le futur ».</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lentreprise-familiale-un-modele-de-resilience-en-temps-de-crise-146141">L’entreprise familiale, un modèle de résilience en temps de crise</a>
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<hr>
<p>Cet esprit s’articule autour d’un « rêve commun », expression reprise par les dirigeants que j’ai interviewés, autour d’une nation florissante et indépendante portée par ses familles et ses entreprises. À la clé, une résilience significative qui les anime et qui se renforce à travers les épreuves et les aléas de la guerre.</p>
<p>La résilience d’une entreprise familiale se définit comme un processus dynamique déclenché lors de l’avènement d’une adversité qui est perçue comme un défi par les membres de la famille parce que représentant une menace pour l’homéostasie (ou l’équilibre) du système, ce qui est le cas de la guerre en Ukraine aux yeux des familles entrepreneuriales ukrainiennes.</p>
<p>Ce processus de résilience se développe à travers une adaptation progressive à l’adversité qui est facilitée par les capacités de l’entreprise familiale en termes d’absorption (ressources), de renouvellement (orientation entrepreneuriale), d’appropriation (récits et valeurs historiques) et de capital social (voir mon article à ce sujet publié au Japon dans l’ouvrage <em>The Family Business Yearbook 2022</em> chez Hakutou Shobou Editions).</p>
<h2>Cercles de loyautés mutuelles</h2>
<p>Cet « esprit ukrainien » est porté par les loyautés fortes qu’entretiennent les membres des familles dirigeantes de ces entreprises entre eux et avec les parties prenantes et inversement.</p>
<p>Ces entreprises familiales ont, en effet, tissé au cours de leur histoire des relations intra-, inter-générationnelles, et partenariales qui trouvent dans cette crise leur véritable sens. Au centre, la famille représente un noyau dur autour duquel gravite et s’organise un réseau de solidarités très fort. Et cela se vérifie sur le terrain.</p>
<p>L’entreprise Kormotech révèle ainsi que leurs partenaires se sont très rapidement manifestés en apportant leur soutien. Selon son dirigeant :</p>
<blockquote>
<p>« Ils ne nous ont pas simplement demandé comme nous allions mais d’emblée comment pouvons-nous vous aider ? »</p>
</blockquote>
<p>Les organisations auxquelles ces entreprises sont affiliées se mobilisent également en soutien. The Family Business Network International, le plus grand réseau d’entreprises familiales au monde présent dans 65 pays, s’est <a href="https://www.fbn-france.fr/help-ukraine/">positionné publiquement</a> en soutien aux entreprises familiales ukrainiennes. Les membres du réseau se sont mobilisés pour participer aux efforts humanitaires à la hauteur de leur expertise et de leurs secteurs d’activités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1498328194411339778"}"></div></p>
<p>À titre d’exemple, l’entreprise familiale <a href="https://www.linkedin.com/posts/daylewispharmacy_standwithukraine-daylewispharmacy-notjustapharmacy-activity-6904402023723466752-l9YV">Day Lewis Pharmacy</a> au Royaume-Uni est venue à la rescousse dès la première semaine de guerre, contribuant à la collecte de médicaments, des équipements médicaux et de produits de première nécessité. Des réunions régulières permettent de tenir les membres du réseau informés, de partager les meilleures pratiques, et ainsi poursuivre cet effort de solidarité en temps de guerre.</p>
<p>Les dirigeants familiaux, quant à eux, sont très vite venus en soutien à leurs employés. D’une part, ils les ont aidés à s’organiser au niveau de leurs déplacements pour venir travailler dans l’entreprise familiale tout en veillant à leur sécurité et, d’autre part, ont contribué à l’organisation des déplacements et de l’hébergement des familles de leurs employés qui quittent le pays vers les pays limitrophes. Ils ont également mis leur hébergement à disposition des proches fuyant les autres régions plus impactées par la guerre.</p>
<p>Les entreprises familiales ukrainiennes ont par ailleurs poursuivi leurs actions sur le terrain patriotique en participant à la création et la promotion de fonds destinés à soutenir l’armée dans son effort de guerre mais aussi à apporter de l’aide aux populations affectées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GYMB234KsD4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Intervention de Rania Labaki lors du 9e Congrès international du family business (27 mars 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, l’ensemble des parties prenantes de ses entreprises familiales font bloc : le distinguo actionnaires, dirigeants, clients, fournisseurs, collaborateurs, communautés, gouvernement, disparaît. L’unité voire la fusion de tous ces cercles est de mise pour s’entraider et défendre leurs principes en vue de retrouver une homéostasie semblable à celle de l’avant-guerre, ou une nouvelle homéostasie, qui puisse leur permettre de réaliser le rêve commun.</p>
<h2>« Business as usual »</h2>
<p>L’agilité au cœur du modèle économique caractérise ces entreprises familiales faisant face aux enjeux de la guerre avec à la clé la gouvernance comme facilitateur. Elle permet de véhiculer les valeurs familiales de long terme, de promouvoir le capital patient et d’apporter des compétences clés notamment en matière de gestion des risques, nécessaire en période de crise.</p>
<p>Spécialisée dans la production alimentaire à base de viande de porc, l’entreprise familiale <a href="https://issuu.com/millla_millla/docs/presentation_rk_en_compressed">Barcom LLC</a> située près de Lviv avec une chaîne de magasins à travers le pays, l’illustre bien. Dès les premières semaines de guerre, l’entreprise a été confrontée à des difficultés à la fois financières et d’approvisionnement : nourrir les animaux et payer les marchandises dans le contexte d’un système financier international et de crédit très perturbé.</p>
<p>Comme la majorité des entreprises familiales ukrainiennes, Barcom est une structure jeune et agile. Quoique récente, son expérience en matière de gouvernance lui a permis de rebondir de manière efficace lorsque l’invasion de l’Ukraine a été déclenchée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Extrait de la plaquette du groupe Barcom LLC.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’explique son dirigeant, Oleg Baran, l’entreprise a rapidement développé son dispositif de gestion des risques, initié lors de la pandémie du Covid-19, en l’adaptant à la crise actuelle. La cartographie des risques, élargie et affinée, a donné lieu à des actions stratégiques à mettre en œuvre selon différents scénarios, du plus pessimiste au plus optimiste en termes d’impact. L’entreprise poursuit son activité en l’adaptant graduellement en fonction de l’évolution du contexte grâce à cette matrice de gestion des risques.</p>
<p>L’entreprise a été ainsi capable de revoir rapidement son business model, au niveau des partenaires clés en matière de ressources financières et autres sources d’approvisionnement, en vue de remédier aux difficultés liées au paiement et au financement et au maintien de l’activité de production.</p>
<p>L’entreprise Kormotech a également poursuivi son activité en revisitant son modèle économique. Elle a contribué à la création de <a href="https://bit.ly/35M1oBW">Save Pets of Ukraine</a> qui vise à sauver les chiens et les chats qui souffrent de la guerre. En seulement deux semaines, elle a livré plus de 93 tonnes de nourriture pour les animaux dans le besoin. Plus de 200 refuges ou volontaires ont reçu une aide humanitaire. En capitalisant sur les donations étrangères à travers la fondation, l’entreprise alloue les produits nécessaires à la fondation qui lui permet de mener à bien sa mission. Ainsi, d’une part l’activité de l’entreprise familiale se maintient et d’autre part, elle permet de sauver des vies dans le monde animal.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506021835795836930"}"></div></p>
<p>L’élan de solidarité avec l’Ukraine a été également perceptible dans d’autres entreprises familiales européennes, et ce dès les deux premières semaines de guerre. Certaines, comme <a href="https://www.linkedin.com/posts/hermes-group_deeply-concerned-by-the-situation-in-europe-activity-6905436687229419520-Jo9s">Hermès</a>, <a href="https://www.linkedin.com/posts/ikea_ikea-pauses-operations-in-russia-and-belarus-activity-6905104717064613888-rvX9">Ikea</a> et <a href="https://www.linkedin.com/posts/swarovski_activity-6906304914784677888-qbsO">Swarovski</a>, ont très vite affiché publiquement leur soutien aux Ukrainiens et pris des décisions arrêtant – du moins temporairement – leurs activités de vente et/ou de production en Russie tout en affichant un soutien permanent à leurs équipes locales.</p>
<p>Les entreprises parfois moins exposées en Ukraine et en Russie, contribuent autrement. Par exemple, la banque anglaise <a href="https://www.hoaresbank.co.uk/crisis_in_Ukraine">C. Hoare & Co</a>. a dressé une liste d’organisations philanthropiques de confiance auxquels leurs clients peuvent avoir recours pour apporter de l’aide aux Ukrainiens. Des entreprises familiales de taille intermédiaire ont aussi montré l’exemple, comme <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1147688/article/2022-03-03/l-elan-de-solidarite-de-la-pevele-se-trouve-un-allie-de-poids-avec-la-societe">Heppner</a> où les collaborateurs ont initié une mobilisation solidaire et spontanée mettant à disposition le dispositif de transports logistiques pour acheminer l’aide en Ukraine.</p>
<p>D’autres organisations européennes dédiées aux entreprises familiales ont été également mobilisées. L’Institut des entreprises familiales en Pologne a réuni les entreprises familiales lors d’une <a href="https://kongresfirmrodzinnych.pl/">conférence annuelle</a> les 28-29 mars derniers et a invité des experts dont je fais partie à transmettre leurs connaissances pour les aider à faire face à ces temps d’hostilités et de guerre.</p>
<p>En attendant, un peu moins de deux mois depuis le début de la guerre, ces entreprises continuent à montrer l’exemple en tant qu’organisations résilientes avec leur business modèle agile et imbriqué autour de loyautés développées et en développement au service des parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rania Labaki ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Près de deux mois après le début de l’invasion russe, les dirigeants affichent des capacités de résilience nourries par un réseau de solidarité qui dépasse les frontières du pays.
Rania Labaki, Directrice de l’EDHEC Family Business Centre, EDHEC Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/174081
2022-01-28T14:25:32Z
2022-01-28T14:25:32Z
Attentat de la mosquée de Québec, 5 ans plus tard : comment les traumas affectent les enfants et les ados
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441755/original/file-20220120-9469-wro8wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C0%2C5917%2C3992&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une famille allume des bougies alors qu'elle assiste à une vigile à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le lundi 30 janvier 2017, pour les victimes de la fusillade de la mosquée de Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Darren Calabrese</span></span></figcaption></figure><p>Il y a cinq ans, le 29 janvier 2017, six hommes sont tués par un tireur dans la grande mosquée de Québec. L’attentat <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1014243/grande-mosquee-rouvre-ses-postes-fideles-apres-attentat-de-quebec">a aussi fait huit blessés et laissé 17 orphelins et orphelines</a>. Des enfants étaient également <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1013909/le-fil-des-evenements-de-lattentat-de-quebec">présents sur place au moment de l’évènement</a>, au deuxième étage de la mosquée.</p>
<p>Comment les jeunes victimes d’un tel acte survivent-elles ? Comment s’adaptent-elles après le choc et le trauma ?</p>
<p><a href="https://www.ledevoir.com/societe/664194/tuerie-de-la-mosquee-de-quebec-nous-n-oublierons-jamais">Un témoignage récent de deux jeunes</a> nous en donne un aperçu. Membre et ami de la communauté musulmane de Québec, ils racontent qu’ils n’oublieront jamais. Alors que la peur qu’un tel événement se reproduise plane toujours, ils affirment garder le cap grâce au soutien et à la solidarité de la communauté.</p>
<p>Il est essentiel de consulter les jeunes victimes pour répondre directement aux questions précédentes. Professeure à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval et co-chercheure du <a href="https://www.traumaconsortium.com/en/">Consortium canadien sur le trauma chez les enfants et les adolescents</a>, la commémoration de l’attentat de la grande mosquée me donne cependant l’occasion d’examiner la littérature scientifique sur les traumas et la résilience.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un trauma ?</h2>
<p>Un <a href="https://www.apa.org/topics/trauma">trauma</a> est une expérience de vie très difficile (aussi appelée expérience d’adversité) qui cause une réaction physique et psychologique extrême et que plusieurs personnes ont du mal à surmonter.</p>
<p>Dans mes recherches, je m’intéresse davantage aux <a href="https://www.inspq.qc.ca/securite-et-prevention-des-traumatismes/prevention-de-la-violence-interpersonnelle">traumas interpersonnels</a> chez les enfants et les adolescents. Ces traumas se distinguent d’autres expériences d’adversité, tels qu’un accident ou une catastrophe naturelle, parce qu’ils ont ceci de particulier : les actes sont commis (ou omis) par une ou des personnes et dirigés vers autrui, un groupe ou une communauté. L’évènement de la grande mosquée de Québec présente ainsi des caractéristiques des traumas interpersonnels puisque les actes ont été dirigés vers une communauté.</p>
<p>Les traumas interpersonnels peuvent être associés à une myriade de conséquences, surtout lorsqu’ils surviennent lors de périodes sensibles du développement, telles que l’enfance et l’adolescence.</p>
<h2>Un cerveau plus sensible aux expériences vécues</h2>
<p>On dit que l’enfance et l’adolescence sont des périodes sensibles du développement, car la plasticité cérébrale (c’est-à-dire la capacité du cerveau à se modifier) y est accrue. Le cerveau se développe et s’organise rapidement, et ce, jusqu’à l’âge <a href="https://n.neurology.org/content/80/11_Supplement_3/S54.long">d’environ 25 ans</a>.</p>
<p>À la manière d’une éponge qui absorbe tout, cette <a href="https://46y5eh11fhgw3ve3ytpwxt9r-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2007/05/Timing_Quality_Early_Experiences-1.pdf">plasticité cérébrale</a> rend le cerveau plus sensible aux expériences vécues, que celles-ci soient positives (apprentissage, relations interpersonnelles bienveillantes) ou négatives, comme les traumas interpersonnels. C’est à la fois ce potentiel et cette vulnérabilité qui m’intéressent dans le développement des enfants et des adolescents qui vivent des traumas.</p>
<p>C’est aussi cette vulnérabilité qui contribue à ce que les traumas interpersonnels puissent induire des <a href="https://www.nctsn.org/what-is-child-trauma/trauma-types/complex-trauma/effects">conséquences multiples et complexes</a> et ce, tout au long de la vie. Il est important de savoir que celles-ci dépassent largement les symptômes classiques du trouble de stress post-traumatique (la reviviscence, l’évitement, les altérations des pensées, de l’humeur, de l’éveil et de la réactivité). Elles incluent des problèmes relationnels et d’attachement, des altérations de l’identité et de la compréhension du monde (une vision négative de soi et des autres), des symptômes physiques (maux de ventre), des difficultés dans la régulation des émotions et des comportements (peur et anxiété, colère et impulsivité), ainsi que des problèmes cognitifs et d’apprentissage (maintenir son attention et apprendre de nouvelles choses à l’école).</p>
<p>Bien qu’il soit possible que de telles conséquences s’observent chez les jeunes victimes de l’attentat, il faut savoir qu’il existe des différences individuelles importantes entre les jeunes. Ce ne sont pas tous ceux exposés à un trauma qui présenteront une ou plusieurs de ces conséquences.</p>
<p>Ce sont, entre autres, ces différences individuelles dans les trajectoires développementales des jeunes qui m’intéressent dans mes recherches : qu’est-ce qui fait en sorte qu’un jeune aura un développement et un fonctionnement adéquats en dépit de l’adversité vécue ? Bref, qu’est-ce qui explique la résilience ?</p>
<h2>Bien comprendre le processus de résilience</h2>
<p>Face un évènement tel que celui de la grande mosquée de Québec, ou encore l’actuelle pandémie de Covid-19, le terme résilience est sur toutes les lèvres. Mais qu’en est-il exactement ?</p>
<p>Les définitions varient, mais la <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1469-7610.2012.02615.x">résilience</a> est généralement définie comme le processus dynamique par lequel une personne s’adapte face à l’adversité. Bien comprendre ce processus est nécessaire pour prévenir l’émergence et le maintien de difficultés d’adaptation chez les jeunes exposés à des traumas.</p>
<p>D’abord, on sait que plusieurs facteurs et mécanismes sont associés à la résilience. Ceux-ci peuvent opérer en amont des expériences d’adversité, afin de soutenir la résilience par la suite. Ces facteurs incluent notamment de bonnes <a href="https://documentcloud.adobe.com/link/review?uri=urn%3Aaaid%3Ascds%3AUS%3Ad88e9a8c-5cb5-427c-84d7-b245874843e9&fbclid=IwAR1F5c16gx_blQHl_-oPKJQW5vjHR_a6JBQRQQAYtY1a4wnM2dKg2x7wmL4#pageNum=1">fonctions exécutives</a> (la capacité à s’adapter à des situations nouvelles, résoudre des problèmes complexes et réguler ses émotions et ses comportements), des relations interpersonnelles chaleureuses et bienveillantes (avec une figure parentale, un réseau de soutien) ou des stratégies d’adaptation adéquates pour faire face au stress.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10567-019-00293-1">méta-analyse</a> de 118 études incluant, au total, plus de 100 000 participants a montré les effets protecteurs du soutien social et des capacités de régulation chez les enfants victimes de violence interpersonnelle.</p>
<h2>Se concentrer sur les forces et les ressources des jeunes</h2>
<p>Les facteurs et mécanismes associés à la résilience peuvent aussi se déployer après les expériences d’adversité, afin de favoriser le rétablissement et la réadaptation. Ceux-ci comprennent, entre autres, les opportunités d’apprentissage et de guérison, possibles dans le cadre de relations interpersonnelles bienveillantes et chaleureuses, ainsi que les interventions psychosociales.</p>
<p>De nombreuses recherches montrent effectivement que les interventions psychosociales (par exemple, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32318168/">thérapies cognitivo-comportementales</a> ou les <a href="https://doi.org/10.1016/j.chiabu.2021.105296">approches sensibles au trauma</a>) sont associées à une diminution des symptômes post-traumatiques et à une amélioration du fonctionnement des jeunes.</p>
<p>Les jeunes peuvent même développer des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691617693054">forces</a>, ou des habiletés qui sont utiles et adaptées en contexte d’adversité, par exemple être vigilant ou diviser son attention.</p>
<p>Ensemble, ces facteurs et mécanismes associés à la résilience constituent des leviers de changement pour aider les jeunes exposés à des traumas, en se concentrant sur leurs ressources et leurs forces plutôt que sur leurs difficultés.</p>
<h2>Guérir et retrouver un sentiment de sécurité</h2>
<p>Vivre un trauma pendant l’enfance ou l’adolescence peut avoir des conséquences multiples et complexes, mais pas toujours – il y a place pour la résilience et la guérison, surtout lorsque le jeune profite de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20331672/">l’effet protecteur</a> d’une figure parentale ou d’un réseau de soutien qui contribuent à ce qu’il retrouve un sentiment de sécurité.</p>
<p>Même si cet aperçu de la littérature scientifique sur les traumas interpersonnels offre des pistes de réponse quant aux conséquences qu’a pu avoir l’attentat de la grande mosquée de Québec chez les jeunes victimes, elle ne peut entièrement refléter leur expérience.</p>
<p>Néanmoins, c’est avec ce regard <a href="https://ncsacw.samhsa.gov/userfiles/files/SAMHSA_Trauma.pdf">sensible aux traumas</a> que je nous invite, collectivement, à réaliser et à reconnaître les conséquences potentielles des traumas interpersonnels chez les personnes, les familles, les communautés et dans la société, mais, aussi, les possibilités de résilience et de guérison.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Matte-Landry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La littérature scientifique sur les traumas interpersonnels peut nous aider à mieux comprendre l’impact d’une tragédie, tout particulièrement chez les enfants et les ados.
Alexandra Matte-Landry, Professeure adjointe en criminologie, travaillant sur l'adversité et la résilience chez les enfants et les adolescents, Université Laval
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tag:theconversation.com,2011:article/165277
2021-09-07T15:19:50Z
2021-09-07T15:19:50Z
Les nombreux avantages d'apprendre les arts du cirque à l'école
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/414427/original/file-20210803-13-v10u07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2477%2C1657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chercheurs ont constaté que les activités de cirque améliorent les compétences en matière de mouvement, la confiance et la motivation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(© Marie-Andrée Lemire, École nationale de cirque, 2019)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.winnipegfreepress.com/local/cirque-de-lecole-574439002.html">À Winnipeg, douze écoles publiques ont actuellement incorporé un programme de cirque dans leurs cours d'éducation physique.</a> </p>
<p>Les arts du cirque gagnent en popularité dans les écoles du monde entier. Au Québec, par exemple, quelques écoles secondaires les ont intégrés comme option dans leur programme, <a href="https://ecolelaseigneurie.com/programmes/sport-etudes-specialisations-sportives/arts-du-cirque/">comme l'école La Seigneurie</a>, dans la région de Québec. L'École nationale du cirque <a href="https://ecolenationaledecirque.ca/fr/programmes/enseigner-le-cirque?gclid=CjwKCAjw0qOIBhBhEiwAyvVcf83w_u06TbjfsrA37aCGB9Qto1XfGzt97VczKOZSRa5nBSvMBkbgXhoCSCoQAvD_BwE">offre aussi des formations aux enseignants des niveaux primaires et secondaires</a>. Ajoutés aux programmes d'éducation physique, les arts du cirque ne motivent pas seulement les enfants à faire de l'exercice, mais leur permettent également de développer d'autres capacités, au-delà des capacités physiques. </p>
<p>Mon équipe de recherche au <a href="https://ecolenationaledecirque.ca/fr/lecole/critac">Centre de recherche, d'innovation et de transfert en arts du cirque (CRITAC)</a> a mesuré <a href="https://doi.org/10.1123/jtpe.2018-0269">la résilience et la littératie physique chez les étudiants qui ont commencé des activités de cirque en éducation physique.</a> La littératie physique ou « savoir-faire physique » est la capacité, la confiance et la connaissance d'être actif pour la vie. </p>
<h2>Pourquoi la littératie physique est importante pour les enfants</h2>
<p>J.J. Ross, coordinateur d'éducation physique et de santé à la division scolaire de St.James Assiniboia, a aidé à implémenter les activités de cirque dans quatre écoles au Canada, rejoignant ainsi 160 étudiants. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=p6Xfxbn-7ac&ab_channel=J.J.Ross">Il explique que le plus grand bénéfice qu'il ait remarqué chez les jeunes</a> est dans leur gain en motivation et confiance en eux. Car les arts du cirque ne concernent pas que la littératie physique, il s'agit aussi de performer. Il ajoute:</p>
<blockquote>
<p>Je suis ce qu'on appellerait un ‘gars de sport’, et tout ce que j'ai fait dans ma vie avait pour objectif d'être en compétition avec une ou plusieurs personnes. L'objectif ici est de se divertir, pas d'être en compétition. Cela permet ainsi à d'autres enfants de faire du sport différemment et d'être actif pour la vie. </p>
</blockquote>
<p>L'initiative mise en place à la division scolaire de St.James Assiniboia faisait partie d'un projet de recherche dans lequel des activités de cirque étaient implémentées dans le cursus d'écoles canadiennes dans des classes de niveau 4-6 (âge de 9 à 12 ans). Les activités comprenaient la jonglerie avec balles et foulards, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_4pC9SRZc38&ab_channel=Juggleboy">le bâton-fleur</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pcaw8myrmpo&ab_channel=CircusVideoLibrary">le rola bola</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Zxm9s5fd5oU&t=50s&ab_channel=KumaFilms">le diabolo</a>, les échasses, le monocycle, la trampoline, le trapèze, la corde lisse, les cerceaux, le fil de fer et la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=G_NNLCfJzvo&ab_channel=KumaFilms">roue allemande</a>. <a href="https://doi.org/10.1123/jtpe.2018-0269">Mon équipe de recherche a comparé la littératie physique</a> entre ces étudiants et ceux ayant reçu des cours standards d'éducation physique. </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p6Xfxbn-7ac?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La division scolaire de St. James Assiniboia a pris part à un projet de recherche implémentant les arts du cirque dans le cursus scolaire au Canada dans les classes de niveau 4-6.</span></figcaption>
</figure>
<p>Nous avons découvert que le cirque améliore <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2019.00346">les habiletés motrices, la confiance et la motivation</a>. Ils ont également découvert un fait nouveau et marquant: le cirque réduit l'écart entre les garçons et les filles, avec des avantages psychologiques positifs pour les filles, potentiellement en lien avec la nature <a href="https://doi.org/10.1016/j.sbspro.2012.12.084">inclusive et participative du cirque</a>. </p>
<p>Le cirque, dans ses formes variées, alterne entre pratique individuelle et collective. Il s’agit d’une activité non compétitive qui encourage à développer des mouvements artistiques et personnels. Ces aspects motivent les étudiants à participer aux activités physiques, particulièrement les filles, et offrent un défi pour tous les niveaux. Ils permettent de répondre aux différents intérêts de chacun. </p>
<p>L'enseignement des arts du cirque est fort prometteur, car il contribue à casser le cycle de <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/services/reports-publications/health-promotion-chronic-disease-prevention-canada-research-policy-practice/vol-37-no-8-2017/at-a-glance-physical-activity-sedentary-behaviour-sleep-indicator-framework.html">l'inactivité physique qui prévaut</a> dans notre société aujourd'hui. De plus, le concept englobe beaucoup plus que des habiletés physiques, puisque les arts du cirque ont aussi un effet psychologique et émotionnel bénéfique. </p>
<h2>Les bénéfices psychologiques et émotionnels</h2>
<p>Les résultats montrent que l'apprentissage des arts du cirque permet de développer ses compétences sociales,<br>
<a href="https://www.americancircuseducators.org/wp-content/uploads/2019/10/McCutcheon-Thesis-2003-Identity-thru-Risk.pdf">d'améliorer son jugement face à la prise de risque,</a> <a href="https://www.wesleyschool.org/uploaded/faculty/Mr_Funt/Why_Circus_Works.pdf">d'aligner son image de soi projetée et réelle</a> et enfin d'améliorer <a href="http://doi.org/10.1111/j.1440-1630.2007.00713.x">sa créativité, son estime de soi</a>, sa persévérance et <a href="https://www.proquest.com/docview/2336259591?pq-origsite=gscholar&fromopenview=true">sa capacité à résoudre des problèmes</a>. </p>
<p>Une composante importante du cirque est la « recherche de sens » ou la « création artistique » par le mouvement. Les étudiants étendent leur compréhension de leurs propres expériences et de leur environnement en créant du sens ou de l'art. </p>
<p>Les scientifiques ont découvert un lien évident entre la <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2019.00346">résilience et la littératie physique</a> à travers l'enseignement des arts du cirque au Canada. La résilience signifie l'habileté à surmonter, à s'adapter et à résister à l'adversité. Une autre étude à plus petite échelle a montré que le cirque <a href="https://doi.org/10.1093/jrs/fez091">permet aux réfugiés d’améliorer leur résilience. </a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Deux enfants pratiquant les arts du cirque: un tissu aérien et un cerceau aérien" src="https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412302/original/file-20210720-27-168130o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les arts du cirque promeut la santé physique et ainsi un style de vie plus sain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">( © Marie-Andrée Lemire, École nationale de cirque, 2019)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le cirque social</h2>
<p>Ainsi, le cirque social se définit par l'utilisation des arts du cirque comme un support pour améliorer la justice sociale ou le bien social. L'objectif est de favoriser le développement psychologique et social de jeunes qui sont marginalisés ou à risque personnel ou social. </p>
<p>Par exemple, <a href="https://www.cirquedusoleil.com/citizenship/community">Cirque du Monde, le programme de cirque social du Cirque du Soleil</a>, opère dans plus de 80 communautés et 25 pays à travers le monde. Le programme promeut la santé physique et ainsi un mode de vie plus sain. Il aide à <a href="https://www.cfp.ca/content/60/11/e548.long">construire l'estime de soi et à développer des compétences dans les communautés</a>. </p>
<p>Il a été démontré que le cirque social non seulement promeut la santé mais aussi l'équité en santé et les changements sociaux qui permettent d'en assurer la pérennité. <a href="https://doi.org/10.1093/cdj/bsx015">Les chercheuses Jennifer Spiegel et Stephanie Parent ont étudié le cirque social auprès de jeunes marginalisés au Québec</a>. Elles ont trouvé que l'épanouissement personnel était lié à l'inclusion sociale et au développement communautaire. </p>
<p><a href="https://doi.org/10.1080/17533015.2014.932292">Spiegel et d'autres collègues du Canada et d'Équateur ont aussi étudié des projets de cirque social en Équateur.</a>. Ils ont analysé comment et pourquoi le cirque est déployé comme un « art pour le changement social », ainsi que ses impacts. Ils ont trouvé que les programmes de cirque non seulement contribuent au bien-être personnel, mais aussi promeuvent l'aide sociale et l'inclusion. Ces programmes aident à établir les <a href="https://doi.org/10.1080/17441692.2018.1504102">futures politiques et institutions qui contribuent au développement social</a>. </p>
<p>Beaucoup de personnes et de chercheurs et chercheuses à travers le monde commencent à réaliser le potentiel inimaginable des arts du cirque. Permettre aux jeunes d'y accéder et étudier les bénéfices qu'ils en retirent sont deux axes majeurs dans l'exploration de ce potentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165277/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Cossin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L'enseignement des arts du cirque dans les cours d'éducation physique a augmenté le savoir-faire physique, la résilience et la participation des enfants, avec une plus grande équité entre les sexes.
Marion Cossin, Étudiante au doctorat et ingénieure de recherche en cirque au Centre de recherche d’innovation et de transfert en Art du Cirque (CRITAC), Université de Montréal
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2021-06-22T19:16:07Z
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L’hôpital à l’épreuve des chocs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406556/original/file-20210615-3862-1w1920i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/la-chirurgie-h%C3%B4pital-1807541/">Sasin Tipchai / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise du Covid-19 a mis durablement le système de santé sous tension, en France comme ailleurs dans le monde. Le personnel hospitalier a ainsi fait face à des afflux croissants de patients, souvent dans des conditions matérielles difficiles : pénurie de masques et de matériel de protection dans un premier temps, manque de respirateurs et de produits anesthésiants ensuite, saturation des services de réanimation pour accueillir les patients plus récemment.</p>
<p>À ces difficultés, sont venus s’ajouter des problèmes logistiques qui n’ont fait qu’<a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/05/30124-pourquoi-la-logistique-est-au-coeur-de-la-crise-du-coronavirus/">accroître les problèmes de pénuries</a>. Dans ces conditions extrêmes d’activité, et malgré toutes les difficultés, le système hospitalier a tenu et a absorbé le choc de la crise : « L’hôpital n’a pas craqué » pour <a href="https://i3.cnrs.fr/evenement/lhopital-na-pas-craque-etienne-minvielle-et-herve-dumez-sur-xerfi-canal/">reprendre les termes d’Étienne Minvielle et de Hervé Dumez</a>, coauteurs <a href="https://i3.cnrs.fr/wp-content/uploads/2020/07/Le-syste%CC%80me-hospitalier-franc%CC%A7ais-dans-la-crise.pdf">d’un rapport</a> sur le système de management hospitalier français dans la crise Covid-19.</p>
<p>Si l’on peut se demander jusqu’à quand une telle prouesse est possible, et <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/suicides-dinternes-en-medecine-un-hommage-pour-denoncer-la-souffrance-des-ces-soldats-du-front-20210417_LGFDHFGMUREORCTSGXUQZPYCZU/">à quel prix</a>, on peut également s’interroger sur la résilience et la fiabilité du système de santé. En d’autres termes, comment une capacité de soin peut-elle se maintenir à qualité constante, dans un contexte de pression extrême sur son organisation ?</p>
<p>C’est ce que nous avons cherché à comprendre, dans une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00187267211007786">étude menée pendant 14 mois, hors période Covid</a>, auprès des acteurs du <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-12/fiche_pedagogique_urgence_vitale.pdf">service d’urgences vitales</a> d’un centre hospitalier universitaire.</p>
<h2>Des organisations de haute fiabilité</h2>
<p>Les concepts de résilience et de fiabilité, devenus à la mode avec la crise actuelle, font depuis une trentaine d’années l’objet de nombreuses recherches en sciences des organisations – plus particulièrement celles portant sur les organisations de haute fiabilité – en anglais High Reliability Organizations (HRO).</p>
<p>Ces recherches mettent en lumière les mécanismes et les facteurs permettant à des systèmes sociotechniques complexes de maintenir une sûreté et une qualité de service constante – bien que des risques de défaillance restent possibles, avec d’importantes conséquences.</p>
<p>L’exemple type de HRO est le porte-avions. On sait que la déférence à l’expertise et aux compétences dans le groupe de travail, les routines d’apprentissage permanent, ou encore l’entraînement expliquent <a href="https://books.google.fr/books/about/Managing_the_Unexpected.html?id=GU55MJOp1OcC&redir_esc=y">qu’il puisse assurer sa mission première dans la durée</a>. Mais on sait moins, en revanche, comment les acteurs gèrent les ressources nécessaires à leur activité, et en quoi cette gestion influence la résilience et la fiabilité.</p>
<h2>Deux types de situations</h2>
<p>Dans un service d’urgences vitales, l’activité est continue, mais irrégulière, tant quantitativement que qualitativement. Certaines journées se déroulent calmement, avec un nombre de patients peu élevé, des pathologies classiques, et une prise en charge qui ne révèle pas de difficultés particulières. Les risques de dégradation de la santé des patients sont bien sûr toujours là, mais restent sous contrôle. Ce contexte est celui qui est le plus fréquemment observé : 80 des 92 situations d’intervention retranscrites et analysées dans notre recherche s’y rattachent.</p>
<p>Cependant, il arrive aussi que l’activité soit perturbée de façon importante par un afflux brutal de patients (par exemple, suite à un grave accident de la route), ou par l’évolution rapide et soudaine de l’état de santé d’un patient. La tension devient alors palpable dans l’unité, les gestes se font plus rapides et précis, les échanges verbaux entre soignants sont brefs et centrés sur ce qui est en train de se dérouler.</p>
<p>Dans l’un et l’autre cas, les observations effectuées montrent une gestion différenciée des ressources, qu’elles soient humaines, techniques ou spatiales. Pour comprendre ces écarts, il faut faire appel à un concept ancien des théories des organisations : le <em>slack</em> organisationnel, mis en lumière <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=qqZ_FDFoDcMC">dès 1963 par Richard Cyert et James March</a>.</p>
<h2>Du <em>slack</em> pour les chocs</h2>
<p>Ce concept, important dans l’étude des organisations, se définit par des ressources en excès par rapport à un fonctionnement optimal. Les organisations ou leurs membres accumulent ce <em>slack</em> pour faire face à de multiples demandes, parfois contradictoires.</p>
<p>La vie des organisations offre une multitude d’occasions de produire et d’utiliser le <em>slack</em>. Il s’agit, par exemple, des réserves financières qu’une entreprise garde par-devers soi « au cas où… », des stocks de sécurité qu’un responsable de la production constitue, de la redondance de certaines fonctions ou fournisseurs, des quelques jours supplémentaires que l’on s’accorde pour un projet, des budgets surdimensionnés négociés par un gestionnaire afin de remplir ses objectifs de fin d’année, etc.</p>
<p>Toutes ces pratiques, assez courantes dans les organisations, participent de deux façons à la résilience.</p>
<p>En premier lieu, elles permettent en effet d’éviter les chocs imprévisibles, tels que la défaillance d’un sous-traitant, l’arrêt maladie d’un salarié, un imprévu dans un projet ou une panne de machine. De plus, en situation de risques, elles s’opposent à la disruption du système sociotechnique en le maintenant dans un environnement non dégradé.</p>
<p>En second lieu, ces pratiques ont pour intérêt d’absorber les conséquences négatives de chocs, lorsque ces derniers surviennent de façon inattendue – qu’il s’agisse d’une grève ou de l’arrivée soudaine de patients dans un service d’urgence.</p>
<h2>Qu’en est-il à l’hôpital ?</h2>
<p>Constatons d’abord que dans un service d’urgences vitales, les acteurs produisent et utilisent le <em>slack</em> en permanence. Il provient en effet des négociations que la cheffe de service mène auprès de son administration, pour obtenir et défendre les espaces et le personnel nécessaires au meilleur fonctionnement possible de son unité. Ces négociations sont loin de l’activité quotidienne de soin, mais sont vitales pour le bon fonctionnement de l’organisation.</p>
<p>Au niveau opérationnel, les soignants libèrent également rapidement des ressources, notamment en matière de lits vacants, pour pouvoir accueillir de nouveaux patients arrivant de façon impromptue. Le système de gestion de l’ordre de priorité des patients et de leur transfert est un moyen utilisé communément pour toujours disposer d’un excès de ressources disponibles.</p>
<p>Dans la plupart des cas, ces pratiques de négociation et de rotation rapide des ressources permettent de faire face aux situations rencontrées durant l’activité de l’unité. Il arrive cependant que, de par la nature même de l’activité, ces pratiques ne soient pas suffisantes. Comment se débrouillent alors les soignants ?</p>
<h2>Jonglage permanent</h2>
<p>Nos observations montrent que d’autres pratiques viennent contrebalancer des ressources temporairement insuffisantes.</p>
<p>Il peut s’agir d’appeler des collègues de jour comme de nuit dans le service, ou hors de celui-ci, pour donner un « coup de main ». Ou bien, de reconfigurer l’espace pour créer un lit supplémentaire avec l’appareillage technique nécessaire. Ou encore, de négocier un transfert rapide des patients vers d’autres services.</p>
<p>C’est au prix de ce jonglage permanent que les soignants font face aux situations d’urgence pouvant les dépasser et mettre la vie des patients en danger. Il s’agit pour eux d’utiliser au mieux les ressources dont ils disposent, mais également d’en produire localement et temporairement quand la situation d’urgence le requiert.</p>
<h2>Tous les coûts sont-ils permis ?</h2>
<p>L’existence du <em>slack</em> pose un problème fondamental aux organisations – notamment celles dont l’activité nécessite d’être résiliente afin d’assurer un haut degré de fiabilité. Conserver des ressources inutilisées « au cas où… », c’est en effet s’opposer à une logique gestionnaire cherchant à optimiser l’utilisation des ressources, qu’elles soient humaines, financières ou matérielles – comme le veut le <em>New Public Management</em> depuis les années 1980, avec l’intention de faire baisser les coûts dans les services publics.</p>
<p>Cette logique a clairement impacté le système de santé, et en particulier le système hospitalier français depuis une vingtaine d’années. Et l’épisode récent des problèmes de stocks stratégiques de masques, au début de la pandémie de Covid, en a été la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/30/les-vulnerabilites-du-commerce-mondial-mises-en-lumiere-par-le-blocage-du-canal-de-suez_6074908_3234.html">malheureuse illustration</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-detat-134371">La France en pénurie de masques : aux origines des décisions d’État</a>
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<p>Au-delà de l’hôpital, des experts militaires <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-investissement-dans-la-defense-rapporte-plus-que-ce-qu-il-coute-846190.html">ont récemment fait le même constat</a>, en notant que « la préoccupation économique en matière de défense, disons l’efficience, est une idée très récente », qui « s’oppose aux notions militaires de “réserve”, de “redondance” et de capacité de “remontée de puissance”, indispensables à l’efficacité opérationnelle et à ce que l’on appelle aujourd’hui la résilience ».</p>
<p>Naturellement, cette recherche d’optimisation ne touche pas que les organisations publiques. Or, elle va souvent de pair avec une plus grande vulnérabilité des systèmes sociotechniques concernés. C’est en tout cas le constat que l’on a pu tirer pendant cette crise sanitaire, au regard de l’optimisation mise en place au niveau mondial pour réduire les coûts dans les chaînes logistiques des entreprises.</p>
<p>Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer le récent échouage de l’Ever Given. Bloqué pendant une semaine dans le canal de Suez, ce porte-conteneur géant a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/30/les-vulnerabilites-du-commerce-mondial-mises-en-lumiere-par-le-blocage-du-canal-de-suez_6074908_3234.html">paralysé 10 % du commerce mondial pendant une semaine</a>. Quels enseignements doit-on en tirer ?</p>
<h2>Dans les urgences, un phénomène rendu invisible</h2>
<p>Tout d’abord, il importe pour les organisations visant la haute fiabilité de garder à l’esprit que maintenir un <em>slack</em> a un coût, et qu’il est donc nécessaire d’identifier les systèmes ou sous-systèmes pour lesquels la résilience doit être absolument assurée. Entre un <em>slack</em> synonyme de gaspillage de ressources et un <em>slack</em> permettant la résilience, la marge de manœuvre est étroite.</p>
<p>Assumer ce coût requiert par ailleurs un exercice de pédagogie, afin qu’il puisse être non seulement accepté en pleine connaissance de cause par toutes les parties prenantes, mais aussi justifié et défendu.</p>
<p>Enfin, l’étude que nous avons menée dans un service d’urgences vitales a pu montrer que si le <em>slack</em> est produit pour une part dans l’action, il disparaît une fois la situation stabilisée.</p>
<p>Ce phénomène est ainsi rendu largement invisible pour les gestionnaires des structures hospitalières. Or, si ces micropratiques ne sont pas mesurées par les indicateurs traditionnels de performance, elles y participent pourtant de manière considérable : la leçon n’est pas forcément nouvelle, mais elle vaut d’être répétée pour ne pas être oubliée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Comment une capacité de soins peut-elle se maintenir à qualité constante, dans un contexte de pression sur son organisation ? Une étude menée dans un service d’urgence esquisse une réponse.
Benoît Demil, Professeur de management stratégique, Université de Lille - initiative d'excellence
Geoffrey Leuridan, Enseignant chercheur, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom
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tag:theconversation.com,2011:article/161720
2021-06-01T19:20:09Z
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L’engouement pour la résilience implique désormais une évolution des paradigmes comptables
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403580/original/file-20210531-17-yaumi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il ne s’agit pas uniquement, pour les entreprises, de savoir faire face à leur environnement…
</span> </figcaption></figure><p>L’idée de « résilience » ne remonte pas à 2020. À l’origine, ce terme <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/la-resilience-9782091912875/">provient de la science physique</a> et de l’ingénierie et faisait référence à la capacité d’un objet <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/fr/2009-v22-n1-2-fr3943/045021ar/">à résister à une perturbation</a> et à encaisser un choc avant de retrouver sa forme initiale.</p>
<p>Depuis peu, le concept se trouve mobilisé dans différents champs disciplinaires : psychologie, géographie, physique ou encore écologie. La crise sanitaire liée au Covid-19 l’a même fortement médiatisé.</p>
<p>Si l’on s’en remet au dictionnaire, la résilience renvoie à la capacité d’une personne à ne pas se laisser abattre. Mais au-delà de cette vision individualiste, elle peut être pensée à une échelle systémique comme le propose le <a href="https://www.stockholmresilience.org">Stockholm Resilience Center</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La résilience est la capacité d’un système, qu’il s’agisse d’un individu, d’une forêt, d’une ville ou d’une économie, à composer avec un changement et à continuer de se développer. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un contexte de crise économique a ainsi pu émerger la notion de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-1-page-127.htm">« résilience organisationnelle »</a>, mobilisée pour désigner la capacité d’une entreprise à <a href="https://doi.org/10.1177/0149206305279367">s’adapter à un environnement</a> en perpétuel changement. Cela correspond désormais à une norme ISO.</p>
<p>L’engouement pour ce concept irrigue l’ensemble de la société. Sa mesure dans des dispositifs comptables mérite cependant d’être questionnée.</p>
<h2>Une comptabilité à sens unique ?</h2>
<p>La définition donnée de la résilience organisationnelle semble mobiliser l’attention sur les aspects économiques et financiers de la performance. On considère l’entreprise dans ses limites classiques et les ressources environnementales et sociales sont ainsi prises en compte à sens unique.</p>
<p>Cela apparaît, par exemple, lorsque les actionnaires des majors pétrolières exigent des dirigeants une <a href="https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Recent-SEC-Decision-Could-Spark-Investment-In-Big-Oil.html">meilleure prise en compte du changement climatique</a>. Il s’agit avant tout de questionner la résilience financière de ces organisations face à l’anthropocène, c’est-à-dire l’ère qui se caractérise par le rôle prépondérant de l’homme dans la modification de son environnement.</p>
<p>C’est dans ce même sens que le G7 a constitué un groupe de travail, la <em>Task force on climate-related financial disclosures</em> (TCFD). Le <a href="https://www.fsb-tcfd.org/publications/">rapport</a> de ce groupe de travail, rendu en juin 2017, préconise aux organisations de rendre compte des effets qu’aurait le réchauffement climatique sur leurs activités et les stratégies retenues pour en limiter l’influence négative.</p>
<p>Cette vision de l’extérieur vers l’intérieur trouve cependant ses limites. Puisque flexibilité et adaptabilité, dans un environnement dynamique et incertain, sont des qualités clés pour parvenir à la résilience, des entreprises ont intégré leur dépendance à un écosystème multidimensionnel mais ont aussi modifié leurs outils de contrôle pour rendre compte des conséquences de leurs activités sur leur écosystème.</p>
<p>C’est le cas notamment des approches IR et capitals coalition. Elles œuvrent à l’émergence d’une comptabilité multi-capitaux dont l’objet est de piloter l’évolution de la valeur des capitaux dont elle dépend. Ainsi, une connexion entre les concepts de résilience et de responsabilité sociale des entreprises peut-elle être créée.</p>
<h2>Changer de cap</h2>
<p>Des chercheurs démontrent néanmoins qu’il peut exister une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/036136829290042Q">déconnection</a> entre les actions d’une entreprise et sa communication en RSE. Volontairement ou involontairement, les entreprises se concentrent sur des facteurs qui leur semblent fondamentaux, délaissant certains aspects essentiels pour d’autres communautés ou ignorant le caractère connecté et global des systèmes sociaux et environnementaux que la crise actuelle a remis en lumière.</p>
<p>En complément de la vision extérieur-intérieur, les organisations doivent également adopter une vision inverse : intérieur-extérieur. Il semble souhaitable que la comptabilité intègre des indicateurs de la contribution des organisations pour la résilience d’un système traversé par des crises multiples.</p>
<p>L’exercice ne se limite plus à la poursuite de la résilience de l’organisation, mais bien à celle de son système. Ce changement de cap est nécessaire afin que les entreprises puissent faire face aux défis et enjeux de plus en plus importants de l’anthropocène.</p>
<p>Cela s’accompagne d’un changement de paradigme : en intégrant les contraintes du système où elle s’inscrit, l’organisation passe alors d’une comptabilité de sa résilience à une comptabilité pour la résilience du système socio-environnemental.</p>
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<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les indicateurs ne prennent aujourd’hui en compte que l’impact sur les organisations de leur environnement, en occultant le rapport inverse.
Quentin Arnaud, Doctorant en Comptabilité, Université de Montpellier
Amel Ben Rhouma, Maître de conférences en Sciences de gestion, Université Paris Cité
Clément Carn, ATER en sciences de gestion, IAE de Poitiers
Souâd Taïbi, Enseignante-chercheur en comptabilité du développement durable, Audencia
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