tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/senat-33831/articlessénat – The Conversation2023-12-17T15:42:19Ztag:theconversation.com,2011:article/2199202023-12-17T15:42:19Z2023-12-17T15:42:19ZCe que la loi immigration dit de l’impasse dans laquelle se trouve Emmanuel Macron<p>Quoiqu’il advienne du projet de loi sur l’immigration à l’issue de la CMP qui se réunira ce lundi, restera l’image de cet étrange rigodon dansé par les oppositions réunies à l’Assemblée nationale, ce 11 décembre 2023. Pour la seconde fois de son deuxième mandat, Emmanuel Macron échoue à constituer cette majorité de projets qu’il appelait de ses vœux <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/24/reforme-des-retraites-ecole-sante-les-chantiers-prioritaires-d-emmanuel-macron-s-il-est-reelu_6123441_6059010.html">au soir des élections législatives de 2022</a>. Ce disant, il se limitait alors à traduire en termes opérationnels le vote des Français qui, en ne lui accordant qu’une majorité relative, mandataient sans ambiguïté les différents partis pour travailler ensemble à des compromis dans l’intérêt général.</p>
<p>D’où ce résultat en forme de scrutin proportionnel, bien qu’acquis au scrutin majoritaire. Visiblement, seul le camp présidentiel semble avoir entendu le message : les oppositions rejetant systématiquement la main tendue par la majorité présidentielle quand il s’agit d’un texte à forte résonance politique. Ce déni de compromis, à rebours du message électoral, fait que le Parlement marche désormais à l’amble rompu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-65-ans-la-v-republique-devrait-elle-partir-a-la-retraite-203431">À 65 ans, la Vᵉ République devrait-elle partir à la retraite ?</a>
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<h2>Incommunication politique</h2>
<p>Les choses qui se répètent ne plaisent donc pas toujours. La réforme des retraites, portée par Elisabeth Borne s’était échouée contre le <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-la-forte-et-persistante-revolte-contre-la-reforme-des-retraites-202798">récif des boucliers du refus</a>, bien qu’allégée par rapport à la précédente tentative. <a href="https://theconversation.com/article-49.3-et-reformes-sociales-une-histoire-francaise-202172">L’article 49.3</a> était alors venu pallier l’incapacité d’obtenir une majorité plurielle. Scénario réitéré, mais en plus grave pour le projet de loi immigration, à la suite d’une manière <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-lelection-demmanuel-macron-que-reste-t-il-de-la-macronie-203629">d’opéra-bouffe</a> qui se termine dans un véritable guet-apens par un grave échec du gouvernement.</p>
<p>Pourtant, si une question se prêtait pleinement à un « en même temps », c’était bien celle de l’immigration sur laquelle droite et gauche s’usent les dents depuis plus de trente ans sans parvenir à une solution durable à laquelle pourtant aspirent <a href="https://elabe.fr/loi-immigration-motion-rejet/">près de 70 % des Français</a> : la gauche par irréalisme, la droite par obsession sécuritaire. La tentative du gouvernement d’équilibrer humanité et sécurité a fait long feu pour l’heure, étouffée dans une véritable partie de poker menteur.</p>
<p>Voici la droite sénatoriale qui adopte un texte fortement durci, le rendant inacceptable par la gauche, mais aussi par une partie de la majorité présidentielle. Voilà la commission des lois de l’Assemblée nationale qui rééquilibre l’ensemble à une très confortable majorité. Voici le Rassemblement national qui laisse croire à sa volonté de débattre du texte. Voilà LR qui se lance, un peu pour la forme, dans une motion de rejet… quitte à ne pas défendre le texte sénatorial.</p>
<p>Enfin la majorité présidentielle semble sous-estimer le danger et laisse s’absenter certains de ses membres. Et pour la première fois depuis 25 ans (c’était en octobre <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2012/10/22/en-1998-le-fiasco-du-vote-sur-le-pacs-humilie-la-gauche_1779095_823448.html">1998 à propos du PACS</a>), à la surprise générale après une semaine de dupes, la motion de rejet est adoptée, le RN ayant abattu ses cartes au dernier moment pour profiter de l’occasion de tailler une croupière au président tout en s’abritant sous le parapluie des autres opposants. Pour être hasardeux, le coup n’en est pas moins rude : en fermant la porte préalablement à toute discussion, on franchit un cran dans le refus de communication entre les minorités coalisées et la majorité présidentielle. Pas de débat, mais l’exigence d’un parti, LR, que sa seule position soit reconnue par les autres.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-travail-de-lassemblee-nationale-sest-invite-dans-le-quotidien-207071">Comment le travail de l’Assemblée nationale s’est invité dans le quotidien</a>
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<h2>Des perdants, un gagnant</h2>
<p>Le vote de lundi ferme donc sans doute définitivement la porte à une <a href="https://www.lepoint.fr/debats/le-compromis-politique-est-absent-de-la-culture-francaise-22-06-2022-2480637_2.php">culture du compromis</a> avec un Parlement où les vieux appareils politiques sont d’abord préoccupés par la manière de revenir sur le devant de la scène en réduisant le moment Macron à une parenthèse sans lendemain.</p>
<p>Qui perd à ce jeu partisan ? <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/direct-loi-immigration-jusqu-ou-ira-gerald-darmanin_6244458.html">Gérald Darmanin</a>, bien sûr, qui, après avoir goulûment endossé le rôle de Don Quichotte, s’est vu sèchement remis en place par ses anciens amis qu’il s’était pourtant fait fort de convaincre.</p>
<p>Le gouvernement également, qui, une nouvelle fois voit son action réformatrice entravée. Surtout, Emmanuel Macron, dont l’autorité politique ressort affaiblie par <a href="https://www.cairn.info/l-entreprise-macron--9782706142635.htm">cette paralysie réformatrice</a> alors qu’il lui reste trois ans et demi de mandat à accomplir.</p>
<p>Qui gagne, en revanche ? LR et la Nupes, semble-t-il, puisqu’ils ont obtenu le rejet du texte. Victoire à la Pyrrhus cependant : une fois de plus, ces deux forces ont fait la démonstration qu’elles ne constituaient pas une majorité alternative, et qu’elles ne parvenaient à s’imposer qu’avec le puissant renfort du RN.</p>
<p>Et pour LR, le constat d’un comportement étrangement pusillanime qui les amène à renoncer à un texte incorporant pourtant nombre de leurs revendications depuis 15 ans. Seul gagnant sans ombre au tableau : le RN, dont la position sur l’immigration est suffisamment connue pour ne pas être rappelée, et qui, placé en embuscade derrière LR et la Nupes, peut avoir le triomphe modeste. Et plus que jamais constituer selon l’heureuse expression de Luc Rouban, le <a href="https://theconversation.com/le-rn-trou-noir-du-paysage-politique-francais-219757">« trou noir » de notre galaxie politique</a>.</p>
<h2>Vraie ou fausse sortie</h2>
<p>Qu’Emmanuel Macron pense avoir tout intérêt à limiter les choses à un accident de parcours en même temps qu’il affirme vouloir poursuivre la procédure législative, on peut le comprendre. Il a donc écarté tout recours à la dissolution et toute utilisation de 49.3, tout en invitant le gouvernement à mettre en œuvre la commission mixte paritaire : composée de 7 sénateurs et de 7 députés, la CMP est majoritairement du côté des oppositions. On pousse les feux et la CMP se réunira dès lundi prochain. La Première ministre, qui pris la main sur les discussions, a d’ores et déjà réuni les responsables de LR et laissé entendre que la piste d’accord pourrait se dessiner.</p>
<p>Et ensuite ? Soit on parvient à un texte de compromis, qui risquerait dans ce contexte de droitiser encore le projet initial, quitte à heurter une partie de la majorité présidentielle. Ce texte serait ensuite soumis au vote des deux chambres. Soit la CMP ne parvient pas à concilier les points de vue, et les choses en restent là. A charge pour la majorité présidentielle de dénoncer devant l’opinion le blocage entretenu par une opposition autiste.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, il s’agira plus d’une sortie de secours que d’une sortie de crise. Si elle répond éventuellement à court terme à la question d’un projet de loi particulier, elle ne saurait suffire à corriger l’onde de choc produite par le 11 décembre.</p>
<p>Au-delà des personnes et des acteurs politiques, ce sont les institutions mêmes qui sortent affaiblies de cette tempête sous le crâne parlementaire.</p>
<p>Ce n’est plus seulement la légitimité présidentielle qui se voit mise en question : n’est-ce pas l’image même du fonctionnement et du rôle du Parlement qui est affectée ? N’est-ce pas l’essence du régime parlementaire reposant sur la collaboration des pouvoirs qui se voit compromise ?</p>
<p>Notre système politique a besoin d’un choc pour sortir de la torpeur entretenue où il baigne. En ce sens, Emmanuel Macron n’aurait-il pas eu tort d’écarter la possibilité d’une dissolution ? De toute manière, il devra y recourir tôt ou tard, la démonstration étant faite qu’il se verra empêché d’avancer sur le terrain des réformes dans les 42 mois qui lui restent à accomplir. Le blocage qu’on lui impose ne serait-il pas le moment opportun, puisqu’il permet d’éclairer le refus systématique des partis de jouer le jeu d’une concertation constructive dans l’intérêt général ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les oppositions rejettent systématiquement la main tendue par la majorité présidentielle quand il s’agit d’un texte à forte résonance politique, un déni de compromis à rebours du message électoral.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171412023-11-15T21:15:37Z2023-11-15T21:15:37ZComment le travail des étrangers sert les agendas politiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559363/original/file-20231114-21-gdvid2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2592%2C1940&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les secteurs en tension, comme le BTP ont particulièrement recours au travail des étrangers, parfois sans papiers. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/900155">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Le texte du projet de loi « Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », et son article 3 proposant la création d’un titre de séjour <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/claire-rodier/immigration-questions-pose-titre-metiers-tension/00106025">« Métiers en tension »</a>, divise depuis de nombreux mois très fortement la classe politique. Supprimé dans la nuit du 8 au 9 novembre 2023 par le Sénat, le vote de l’article 3 a pourtant été posé dès les débuts comme un enjeu fort pour la majorité.</p>
<p>L’article proposait d’inscrire dans la loi une voie d’accès juridique à la régularisation du séjour par le travail pour les personnes sans-papiers, c’est-à-dire démunies d’un titre de séjour en règle. Il s’agissait en partie pour les ministres de l’Intérieur et du Travail – Gérald Darmanin et Olivier Dussopt – d’assouplir l’application de la <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/circ_norintk1229185c.pdf">circulaire du 28 novembre 2012</a>, dite aussi circulaire Valls.</p>
<p>D’abord, en rendant le droit à la régularisation par le travail opposable, c’est-à-dire qu’en cas de refus de délivrance du titre de séjour demandé, il aurait été possible de déposer un recours devant les tribunaux. En l’espèce, la circulaire Valls est une circulaire non impérative, elle n’est pas attaquable juridiquement. Ensuite, si cette circulaire laisse une partie du pouvoir de régularisation aux entreprises en leur demandant de fournir les documents employeurs (la promesse d’embauche dite « CERFA », et le certificat de concordance dans le cas de travail sous un autre nom), le nouvel article aurait permis aux travailleuses et travailleurs d’introduire leur demande sans l’aval d’un employeur.</p>
<h2>Une vision utilitariste de l’immigration</h2>
<p>Pourtant, l’article 3 présentait aussi une <a href="https://www.cairn.info/revue-vacarme-2001-1-page-56.htm">vision utilitariste de l’immigration</a>, dénoncée par une partie de la gauche et de l’extrême gauche, car indexant la délivrance du titre de séjour aux besoins économiques. En récusant la réduction de l’immigration à sa dimension purement économique, ces élus ont pointé le fait que la régularisation, par définition, n’est pas qu’un geste économique : elle accorde aussi des droits sociaux.</p>
<p>Bien qu’il ne saurait racheter ou justifier la face répressive du projet, la création de ce titre constituait toutefois une <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/titre-de-sejour-metiers-en-tension-c-est-une-avancee-car-un-grand-nombre-de-travailleurs-sans-papiers-font-vivre-l-economie-estime-la-cgt_5454070.html">avancée sur le plan de la reconnaissance juridique du travail des sans-papiers</a>.</p>
<p>Pour des élus de droite et d’extrême droite, rejetant en bloc l’article 3, la création de ce titre aurait permis de légitimer les situations de séjour illégal, de « récompenser la fraude », pire encore, de provoquer un « appel d’air », concept tenant jusque-là plus de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/11/immigration-le-mythe-de-l-appel-d-air_6157358_3232.html?fbclid=IwAR387rGn57HwJ58bj7jfHm3s_WTB2KSpT2cFN1FB8mlWAINn7zKYimiounA">mythologie que d’une réalité jamais démontrée</a>.</p>
<p>À l’heure où le ton se durcit considérablement sur la question de la <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/immigration-le-senat-supprime-larticle-3-sur-la-regularisation-des-sans-papiers-dans-les-metiers-en-tension">régularisation des travailleurs sans-papiers</a>, sans doute convient-il de revenir sur les manières dont en France les politiques migratoires ont pensé le travail des étrangers, et celui des sans-papiers en particulier.</p>
<h2>Une vieille histoire</h2>
<p>En France, le recours à une main-d’œuvre étrangère s’enracine dans le processus d’industrialisation de l’économie française dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Durant le XX<sup>e</sup> siècle, les besoins de reconstruction et de rattrapage de croissance économique suscitent la création de l’Office National d’Immigration, censé organiser le recrutement d’une main-d’œuvre, d’abord issue des colonies, puis étrangère. Dans les années 1950, la France signe différentes conventions bilatérales pour encourager la migration de travail.</p>
<p>Cependant la crise économique liée au choc pétrolier de 1973 marque un tournant. Le 3 juillet 1974, le Conseil des ministres <a href="https://www.histoire-immigration.fr/les-50-ans-de-la-revue-hommes-migrations/juillet-1974-suspension-des-entrees-de-travailleurs-immigres-permanents">suspend officiellement l’immigration des travailleurs et de leurs familles</a>, remisant la question du travail des étrangers devenu par la suite angle mort des politiques migratoires.</p>
<p>Déclinée et soumise à conditions, elle réapparaît néanmoins dans le contexte des années 2000 : d’abord à travers <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2010-1-page-149.htm?contenu=article">l’opposition entre une immigration « choisie » (de travail et hautement qualifiée) opposée à l’immigration dite « subie »</a> (laquelle reste pourtant légale, qu’elle soit familiale, étudiante…), introduite par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000266495">loi Sarkozy II</a> du 24 juillet 2006.</p>
<h2>Une immigration utile et jetable ?</h2>
<p>Alors qu’elle cherche à limiter les flux d’immigration légale, la loi du 24 juillet 2006 réintroduit les cartes de séjour liées au travail. Si la volonté première est d’attirer les talents du monde entier par la création d’une carte « compétence et talents » (remplacée en 2016 par la carte « passeport talent »), la création de titres de séjour pour le travail renoue plus largement avec l’idée d’une immigration de travail.</p>
<p>Les travailleurs étrangers munis d’un contrat de travail peuvent désormais se voir délivrer une carte de séjour portant la mention « salarié » ou portant la mention de « travailleur temporaire ».</p>
<p>Organisant une immigration de travail en fonction des besoins économiques, cette loi soutient une <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2004-2-page-2.htm?contenu=article">conception utilitariste de l’immigration</a>. Les cartes de séjour mentionnent la région d’exercice et le métier occupé et sont délivrées pour une durée d’un an renouvelable ; ce que dénonceront par la suite des associations réunies sous le collectif Uni·e·s contre une immigration jetable.</p>
<h2>Le tournant 2006-2007</h2>
<p>Exclus de la nouvelle législation, les travailleurs sans-papiers, qui occupent pourtant des emplois déclarés par les employeurs, saisissent là le moyen de s’organiser.</p>
<p>En octobre 2006 et au printemps-été 2007, de premières grèves du travail éclatent. Sous la pression de ces grèves, la loi suivante sur l’immigration du 20 novembre 2007, dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000524004">loi Hortefeux</a>, introduit par son article 40 la possibilité d’une régularisation par le travail.</p>
<p>Dans le même temps, considérant les besoins des marchés du travail français, le 20 décembre 2007 est publiée une <a href="https://gisti.org/IMG/pdf/norimin0700011c.pdf">circulaire</a> visant à encourager la migration de travailleurs, d’abord européens.</p>
<p>Cette circulaire définit <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/norimin0700011c.pdf">deux listes de métiers en tension</a> pour lesquels la situation d’emploi n’est pas opposable. La première concerne 150 métiers peu qualifiés pour les ressortissants des nouveaux membres de l’Union européenne (UE) ; la deuxième est une liste de 30 métiers en tension établie par zone géographique pour les non-ressortissants de l’UE, mais ne recoupe pas les emplois occupés par la plupart des travailleurs étrangers. Ces deux listes seront traduites dans deux arrêtés en janvier 2008.</p>
<p>En parallèle, l’article 40 ne suffit pas à régulariser les travailleurs sans-papiers. Le dispositif est à la fois flou et complexe : aucun critère de régularisation n’est clairement défini.</p>
<p>De nouvelles grèves du travail éclatent. Entre 2008 et 2009, ils sont des <a href="https://www.cairn.info/histoire-des-mouvements-sociaux-en-france--9782707169853-page-724.htm">milliers de sans-papiers à faire la grève du travail</a> et à revendiquer la régularisation de leur séjour.</p>
<p>En novembre 2012 paraît la circulaire Valls qui permet une régularisation du séjour sans opposabilité de l’emploi et sans référence à la liste des métiers en tension pour les non-ressortissants de l’UE.</p>
<h2>La reprise d’un discours récurrent sur l’étranger « indésirable »</h2>
<p>Après 2015, dans un contexte post <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2019-4-page-121.htm">« crise migratoire »</a> et post-attentat, le discours politique se durcit à l’encontre des étrangers, et notamment des travailleurs sans-papiers et réactive un discours de <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2006-2-page-4.htm">tri des étrangers</a>.</p>
<p>En novembre 2018, lors d’une cérémonie au fort de Douaumont, le président Emmanuel Macron répond à un ancien combattant <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/video-on-va-continuer-le-travail-emmanuel-macron-repond-a-un-ancien-combattant-lui-demandant-d-expulser-les-sans-papiers_3024013.html">qui l’interpelle</a> au sujet du renvoi des personnes sans-papiers :</p>
<blockquote>
<p>« Ceux qui fuient leur pays, parce que c’est leur liberté [sic], il faut les protéger. Mais ceux qui viennent alors qu’ils peuvent vivre librement dans leur pays, il faut les raccompagner ».</p>
</blockquote>
<p>Opposant dans son discours différents types de migration, Emmanuel Macron souligne qu’il y aurait donc des raisons plus légitimes que d’autres à migrer ; certaines pourraient être même frauduleuses. Il propose ainsi de distinguer les « vrais » réfugiés des autres.</p>
<p>Les personnes étrangères, et sans-papiers en particulier, sont ainsi stigmatisées, rendues au rang de populations indésirables. La loi Collomb du 10 septembre 2018 renforce cette appréhension notamment en facilitant la procédure d’expulsion pour les personnes déboutées du droit d’asile.</p>
<h2>« On veut ceux qui bossent, pas ceux qui rapinent »</h2>
<p>C’est cette fois-ci dans une nouvelle ligne d’opposition que Gérald Darmanin <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/video-le-projet-de-loi-immigration-vise-a-mieux-integrer-et-mieux-expulser-selon-gerald-darmanin_5526795.html">déclarait</a> le 6 décembre 2022 : « On veut ceux qui bossent, pas ceux qui rapinent ».</p>
<p>Défendant la proposition d’un article de loi destiné à privilégier une immigration pour soulager les secteurs en tension, le ministre de l’Intérieur affirme qu’il s’agit d’une mesure pour mieux intégrer ceux qui travaillent. Pour autant, comme ses prédécesseurs, le ministre apparaît instrumentaliser l’immigration en reprenant à son compte un discours sur les « indésirables ».</p>
<p>Difficilement conciliables, les positions qui s’opposent autour de l’article 3 s’entrecroisent pourtant. D’un côté, le recours à une conception utilitariste justifierait une immigration mesurée, quand de l’autre, la réactivation de <a href="https://www.cairn.info/revue-memoires-2022-1-page-14.htm">vieilles peurs et antiennes sur l’étranger</a> légitimerait les faces les plus répressives du projet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emeline ZOUGBEDE est fellow de l'Institut Convergences Migrations et affiliée au Centre de recherches sur les liens sociaux (CERLIS, UMR 8070).</span></em></p>Le durcissement des dispositions prévues sur la loi immigration par le Sénat illustre aussi la façon dont les politiques migratoires ont pensé le travail des étrangers.Emeline Zougbede, Chercheuse post-doctorale CNRS_IC-Migrations, Collège de France, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855542022-06-22T21:04:33Z2022-06-22T21:04:33ZAprès le bouleversement des législatives, quelle place pour le Sénat ?<p>Anomalie démocratique, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2004-0-page-33.htm">« assemblée du seigle et de la châtaigne »</a>, réunion de notables ou de privilégiés, les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/dimanche-et-apres/les-senateurs-indispensables-ou-depasses-9704730">qualificatifs négatifs</a> ne manquent pas pour désigner le Sénat, seconde chambre méconnue du Parlement.</p>
<p>Cette image, peu flatteuse, est liée à son <a href="http://www.senat.fr/role/senate.html">mode d’élection</a>. Les 348 sénateurs du Palais du Luxembourg sont en effet élus au suffrage universel indirect par un collège électoral composé essentiellement de délégués des conseils municipaux, ce qui explique, pour partie, sa composition politique majoritairement à droite et qu’il soit qualifié de « Grand conseil des communes de France ».</p>
<p>Or, au vu de la crise politique que traverse la France, l’attention politique pourrait bien désormais se porter sur les sénateurs de droite, qui, pour certains observateurs seraient les <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19507-quest-ce-quun-senateur-quel-est-le-role-dun-senateur">grands gagnants</a> de cette élection législative.</p>
<p>Au vu des défis qui s’annoncent pour le prochain quinquennat, il est important de revenir sur les prérogatives du Sénat ainsi que sur son rôle qui pourrait bien être renforcé et, dans le même temps et de façon inédite, affaiblir la verticalité du pouvoir.</p>
<h2>Deux principales missions</h2>
<p>Classiquement, le Sénat dispose de deux principales attributions : le contrôle du gouvernement et le vote de la loi. Celles-ci lui permettent d’être une chambre d’opposition, de modération et de contre-pouvoir.</p>
<p>Tout d’abord, la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19582-revision-du-23-juillet-2008-un-changement-de-republique">révision constitutionnelle du 23 juillet 2008</a> de modernisation des institutions attribue expressément au Parlement les fonctions de contrôle du gouvernement et d’évaluation des politiques (art. 24). Ce contrôle sur le gouvernement s’effectue en séance notamment par le biais des questions (orales ou écrites) posées aux membres du gouvernement.</p>
<p>D’ailleurs, les sénateurs n’hésitent à poser des questions écrites, orales ou d’actualité (leur nombre a été en forte augmentation avec <a href="https://www.senat.fr/dossiers-legislatifs/depots/depots-2020.html">580 questions</a> pour la session 2020-2021) pour contrôler l’action gouvernementale mais également alerter l’opinion publique.</p>
<p>Par exemple, les sénateurs et sénatrices ont posé des questions sur la <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ200717281.html">surpopulation carcérale</a>, la <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210623378.html">transparence des prix des médicaments</a> ou encore sur le dispositif <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ21111932S.html">Parcoursup</a>.</p>
<p>Cette mission de contrôle s’exerce aussi par le biais des délégations ou commissions. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs eu un fort retentissement médiatique. On se souvient sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron de la « mission d’information sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements », dites <a href="https://www.senat.fr/rap/r18-324/r18-3240.html">« commission Benalla »</a> qui a fait couler beaucoup d’encre et élevé à leur paroxysme les tensions entre <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/200219/affaire-benalla-le-rapport-du-senat-met-directement-en-cause-l-elysee">l’Élysée et le Sénat en 2018</a>.</p>
<p>Cette commission d’enquête a eu des répercussions importantes tant sur le plan politique que juridique. En mettant en lumière de nombreux dysfonctionnements, cette commission a indirectement <a href="https://blog.juspoliticum.com/2018/09/23/laffaire-benalla-et-la-constitution-le-senat-organe-de-controle-politique-de-lexecutif/">remis en cause</a> la responsabilité du Président de la République et a permis la création de la Direction de la sécurité de la présidence de la République l’année suivante.</p>
<p>Plus récemment, les sénateurs ont enquêté sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés et autres acteurs du secteur privé sur les politiques publiques (<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/04/06/affaire-mckinsey-le-parquet-national-financier-a-ouvert-une-enquete-preliminaire-pour-blanchiment-aggrave-de-fraude-fiscale_6120839_823448.html">qui a donné lieu à l’« affaire McKinsey »</a>) et suscité des interrogations relatives à la gestion par le gouvernement de la crise du Covid-19. Ces différentes initiatives attestent que le rôle du Sénat est important pour contrôler l’action du gouvernement et mettre à jour, à la manière d’un lanceur d’alerte, certains manquements.</p>
<h2>Un pouvoir législatif non négligeable</h2>
<p>Ensuite, le Sénat dispose du pouvoir législatif et, à ce titre, il vote et peut être à l’initiative des lois. Dans ce domaine, la Haute chambre joue également un rôle très important puisqu’il intervient, le plus souvent (sauf pour certains textes où le Sénat doit obligatoirement être saisi prioritairement à l’instar des lois visant les collectivités territoriales en application de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241026">l’article 39</a> de la Constitution) en seconde lecture.</p>
<p>Étant saisi en second dans le cadre de la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19521-quelles-sont-les-etapes-du-vote-dune-loi">navette parlementaire</a> (transmission et examen des projets et propositions de loi), les sénateurs et sénatrices voient arriver un texte déjà discuté, qu’ils peuvent perfectionner, amender.</p>
<p>C’est d’ailleurs une des qualités unanimement reconnues à la Haute chambre, celle de participer à l’amélioration de la loi. Chambre de réflexion, le Sénat, ne joue d’ailleurs pas toujours un rôle de simple opposant politique.</p>
<p>Sur la période 2020-2021, on peut s’apercevoir que trois textes sur quatre ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux chambres. Cependant, il peut également se révéler être un contre-pouvoir offensif en refusant, même après la réunion d’une commission mixte paritaire, l’adoption de certains textes comme la loi relative à la bioéthique ou le projet de loi relatif au système universel de retraite, adopté grâce à l’utilisation de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale mais qui a ensuite été abandonné.</p>
<p>Ce dernier exemple montre que le gouvernement peut neutraliser la seconde chambre en donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale ce qui n’est pas le cas dans le cadre des révisions constitutionnelles.</p>
<h2>Un pouvoir absolu de blocage</h2>
<p>Le Sénat dispose, en effet, d’un pouvoir absolu de blocage en cas de désaccord concernant une révision constitutionnelle alors même qu’il ne peut être atteint par une dissolution, l’exécutif ne disposant de cette arme que face à l’Assemblée nationale en application de l’article 12 de la Constitution.</p>
<p>Inscrite à l’article 89 de la Constitution, la <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/la-revision-de-la-constitution">procédure de révision</a> comprend trois phases : l’initiative, l’adoption et l’adoption définitive. S’agissant de l’initiative, elle relève soit de l’exécutif (le Premier ministre propose un projet de révision au Président de la République) soit des parlementaires (il s’agira alors d’une proposition de révision).</p>
<p>Ensuite, chaque assemblée doit adopter, le projet ou la proposition, en termes identiques. A ce stade, il faut bien souligner que contrairement au vote classique de la loi, le gouvernement ne peut ni utiliser l’article 49.3 ni donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. On comprend dès lors que le Sénat a la possibilité, dès cette seconde phase, d’empêcher une révision constitutionnelle.</p>
<p>Si le vœu de révision est adopté en termes identiques, le référendum est la seule voie possible d’adoption définitive concernant les propositions de révision. S’il s’agit d’un projet, le Président peut le soumettre également au référendum ou contourner la voie de la démocratie directe en réunissant les deux assemblées en Congrès qui devront l’adopter à la majorité des 3/5<sup>e</sup> des suffrages exprimés soit un minimum de 555 votes favorables.</p>
<p>Cette procédure permet donc au Sénat de bloquer les révisions constitutionnelles ce qu’il a encore fait récemment en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/06/climat-dans-la-constitution-le-senat-persiste-a-refuser-le-terme-garantit_6087154_823448.html">réécrivant</a> le projet de révision de l’article 1<sup>er</sup> de la Constitution qui avait pour objet d’introduire la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique au rang des principes républicains ou encore en refusant en 2016 le projet présidentiel de la <a href="https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201602/inscrire_letat_durgence_et_la_decheance_de_nationalite_dans_la_constitution.html">déchéance de nationalité</a>.</p>
<p>Au regard de ses <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2016-4-page-5.htm">pouvoirs cités plus haut</a>, de sa composition politique et des résultats des législatives, le Sénat aura sans doute un rôle nettement décisif.</p>
<p>Si les LR perdent de nombreux sièges à l’Assemblée nationale, ils n’en sont pas moins courtisés par la majorité présidentielle comme l’a démontrée la sortie médiatique de Bruno Rétailleau. La Haute chambre, avec ses 146 sénateurs et sénatrices et son président Gérard Larcher pourrait très bien être amené à jouer un <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/legislatives/la-presidence-de-la-commission-des-finances-doit-revenir-au-rn-larcher-defend-le-respect-pour-les-elus-de-le-pen_AN-202206220138.html">rôle clef</a> dans les négociations à suivre.</p>
<p>Dès lors, s’ouvre pour le Sénat une nouvelle période au sein de laquelle sa qualification de point d’équilibre des institutions prend, à nouveau, tout son sens.</p>
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<p><em>A paraître, <a href="https://credespo.u-bourgogne.fr/toute-lactualite/808-le-senat-acteur-meprise-de-la-5e-republique.html">Le Sénat de la Vᵉ République, acteur méprisé ? Actes du colloque</a> qui s’est tenu au Palais du Luxembourg, les 21 et 22 octobre 2022, Dir. Nathalie Droin et Aurore Granero, à paraître aux éditions IFJD, Coll. Colloques et essais.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Granero est membre de l'Observatoire de l'éthique publique. </span></em></p>Si l’actualité politique se focalise sur l’Assemblée nationale, une autre partie pourrait se jouer à la seconde chambre du Parlement, le Sénat.Aurore Granero, Maître de conférence HDR en droit public, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1826892022-05-12T19:06:18Z2022-05-12T19:06:18ZLégislatives 2022 : un regain d’intérêt pour le Parlement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462430/original/file-20220511-11-nm7mue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C4944%2C3308&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les élections législatives ont lieu les 12 et 19 juin 2022 afin d'élire les 577 députés qui siégeront à l'Assemblée nationale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Lopez / AFP</span></span></figcaption></figure><p>La formation d’une alliance historique de la gauche française et son objectif d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale redonnent un caractère central aux élections législatives.</p>
<p>Cependant, peut-on véritablement parler d’un regain d’intérêt pour le Parlement en France ?</p>
<p>L’érosion régulière de la <a href="https://theconversation.com/les-elections-legislatives-servent-elles-vraiment-a-quelque-chose-180610">mobilisation électorale depuis le début de la Vᵉ République</a>, passant d’environ 80 % dans les années 1970 à presque 40 %, souligne le peu d’intérêt pour cette institution.</p>
<h2>Une mobilisation politique et médiatique</h2>
<p>D’un point de vue politique et médiatique, l’élection présidentielle une fois terminée, c’est vers les élections législatives que se porte toute l’attention. Dès le soir du second tour de l’élection présidentielle, les perdants de cette course ont appelé à se tourner vers ce qu’ils appellent le <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220424-pr%C3%A9sidentielle-le-pen-et-m%C3%A9lenchon-d%C3%A9j%C3%A0-tourn%C3%A9s-vers-le-troisi%C3%A8me-tour-des-l%C3%A9gislatives">« troisième tour »</a>.</p>
<p>La campagne des législatives ouvre une nouvelle séquence politique. A gauche, l’enjeu est de créer une véritable <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-2022-ce-que-contient-l-accord-conclu-entre-la-france-insoumise-et-europe-ecologie-les-verts_5114314.html">union</a> pour une majorité parlementaire.</p>
<p>Les tractations entre la France insoumise, le PCF, EELV et le PS rythment quotidiennement l’actualité entre les <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/accord-entre-lfi-et-le-ps-de-l-europe-aux-circonscriptions-ce-qui-coince-encore_2172848.html">accords programmatiques et les fractures idéologiques</a>.</p>
<p>Pour La République en Marche (renommée « Renaissance »), l’enjeu est de transformer l’essai de la présidentielle en remportant une majorité à l’Assemblée nationale. Alors que les premières projections <a href="http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2022/05/NTRDVTE-L34.pdf">donnent une course serrée entre la macronie et la gauche unie</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/info-franceinfo-legislatives-2022-emmanuel-macron-valide-toutes-les-investitures-lrem-apres-les-avoir-passees-au-crible_5115151.html">Emmanuel Macron</a> s’investit même personnellement dans chaque investiture des législatives de juin prochain. Pour le parti présidentiel et ses alliés aussi, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-2022-la-majorite-presidentielle-annonce-la-creation-de-la-confederation-ensemble-avec-notamment-lrem-le-modem-et-horizons_5120449.html">logique de l’union</a> a pris le pas, non sans difficultés sur la répartition des <a href="https://www.leparisien.fr/politique/tensions-avec-edouard-philippe-bataille-des-investitures-dans-la-majorite-la-guerre-des-clans-a-commence-02-05-2022-PKEBAFMJIVB67NUBRFM4IGP43I.php">candidatures</a>, en formant la bannière « Ensemble » pour la majorité présidentielle.</p>
<h2>Un regain d’intérêt pour les élections législatives ?</h2>
<p>Sans nul doute, une fois élu, un président de la République a besoin d’une majorité au Parlement, a minima à l’Assemblée nationale, pour transformer son programme électoral en action législative.</p>
<p>Même si la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000571356/">Constitution de 1958</a> dispose que le gouvernement « détermine et conduit la politique de la Nation » (art. 20 C) et que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement » (art. 21 C), n’oublions pas que lorsque « le gouvernement est subordonné au président de la République, il lui cède, volontiers ou non, son pouvoir de déterminer la politique de la Nation » comme le <a href="https://www.lgdj.fr/la-constitution-9782757879764.html">rappelait</a> le constitutionnaliste Guy Carcassonne. En résumé, hors cas de cohabitation, le chef du gouvernement n’est que le <a href="https://www.lemonde.fr/gouvernement-philippe/article/2017/09/03/le-premier-ministre-revient-sur-l-equilibre-du-couple-executif-et-ses-prochains-chantiers_5180219_5129180.html">« chef d’orchestre »</a> jouant la partition rédigée par le président de la République.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-elections-legislatives-servent-elles-vraiment-a-quelque-chose-180610">Les élections législatives servent-elles vraiment à quelque chose ?</a>
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<p>Mais les électeurs s’investissent-ils dans le scrutin des législatives ? Si l’on en croit les chiffres de l’abstention, pas tellement. Depuis 1993, le taux d’abstention ne fait que s’accroître entre chaque élection législative et <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Legislatives/elecresult__legislatives-2017/(path)/legislatives-2017/FE.html">dépasse même les 50 % en 2017</a>.</p>
<h2>Un Parlement marginalisé dans la structure institutionnelle</h2>
<p>Une analyse des institutions de la V<sup>e</sup> République peut expliquer ce désintérêt du Parlement. Il n’aura échappé à personne que la V<sup>e</sup> République se structure par un parlementarisme rationalisé, c’est-à-dire <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/38013-comment-caracteriser-le-regime-politique-de-la-ve-republique#:%7E:text=La%20Constitution%20de%201958%20ne,avec%20le%20r%C3%A9gime%20d%E2%80%99assembl%C3%A9e.">l’ensemble des dispositions</a> définies par la Constitution de 1958 ayant pour but d’encadrer les pouvoirs du Parlement afin d’accroître les capacités d’action du gouvernement.</p>
<p>Concrètement, une définition restrictive du domaine de la loi (c’est-à-dire que le constituant a listé précisément les domaines dans lequel le Parlement peut légiférer, le reste relevant directement du pouvoir réglementaire du gouvernement, art. 34 C et 37 C) ; le vote bloqué (le gouvernement soumet à un vote unique tous les amendements qu’il a sélectionnés, art. 44.3 C) ; adoption d’une loi sans passer devant le Parlement, sous couvert de l’engagement de responsabilité gouvernementale, sauf en cas de motion de censure (le célèbre article 49 alinéa 3 de la Constitution).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image montrant la Constitution française avec le sceau de la République Française" src="https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462736/original/file-20220512-17-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le rôle du Parlement est défini par la Constitution.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1958, un nouvel acteur encadre aussi le travail parlementaire, le Conseil constitutionnel, chargé notamment du contrôle de constitutionnalité des lois (art. 61 al. 2 C) est qualifié de « canon braqué vers le Parlement » <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/le-parlement-et-la-qpc">selon l’expression du professeur Charles Eisenmann</a>.</p>
<p>L’autonomie parlementaire est également touchée par le contrôle des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat (art. 61 al 1 C). Dès lors, les assemblées sont passées du statut de « souverain assuré de l’immunité de juridiction à celle de justiciables » en <a href="https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Quand+les+assembl%C3%A9es+parlementaires+ont+des+juges.+Quelques+r%C3%A9flexions+sur+l%27%C3%A9quilibre+constitutionnel+de+1959%2C+Dalloz%2C+1959%2C+Chronique+XXXVIII%2C+p.+253-260.&btnG=">jugeait le politiste Léo Hamon en 1959</a>.</p>
<p>En définitive, le Parlement français a connu un <a href="https://www.jstor.org/stable/43118499">abaissement de son rôle</a> à partir de 1958. La logique présidentielle s’est également renforcée avec l’élection au suffrage direct du président de la République lui octroyant une forte légitimité ; mais aussi par l’inversion du calendrier électoral en 2000, où l’élection présidentielle précède les élections législatives, <a href="https://www.cairn.info/institutions-elections-opinion--9782724616101-page-119.htm">maximisant au président élu ses chances d’obtenir une majorité parlementaire</a>.</p>
<h2>Le Parlement, un « angle mort » de la science politique française</h2>
<p>Les études parlementaires sont un champ réunissant principalement trois disciplines centrales (l’histoire, le droit et la science politique). Parmi ces disciplines, la science politique s’est longtemps détournée de l’étude des assemblées parlementaires et de leurs élus comme le soulignaient <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2009-3-page-397.htm?contenu=article">Olivier Rozenberg et Eric Kerrouche</a>. Les deux politistes français constatent « le réel désinvestissement de la science politique française vis-à-vis de cet objet » à partir des années 1980.</p>
<p>Olivier Nay, spécialiste de la sociologie des institutions, donnait plusieurs raisons à ce <a href="https://journals.openedition.org/sdt/32508">délaissement du champ de recherche</a> : les assemblées législatives françaises ont fait face à la transformation des échanges dans l’espace public entre la décentralisation (création d’assemblées locales), la construction européenne (création d’un parlement supranational) et le tournant néolibéral multipliant les acteurs de délibération et de décision.</p>
<p>Dès lors, l’éloignement de la science politique française a laissé l’étude de ce champ au droit (constitutionnel). Bien que la discipline étudie les relations entre les différents pouvoirs et institutions, elle n’a pas repris le fer de lance des études parlementaires françaises et s’est bornée à décrire les pouvoirs du Parlement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462739/original/file-20220512-22-qfu2bi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue panoramique de l’hémicycle où se réunissent les députés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Assemblée nationale</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a une autre explication propre à la discipline de la science politique française. Son tournant sociologique des années 1970-1980 a installé « une plus grande méfiance à l’égard des explications traditionnelles, juridiques ou philosophiques, qui portent une attention soutenue aux institutions formelles et aux projets normatifs qui les légitimes » <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/j.1662-6370.2003.tb00421.x">explique O. Nay</a>. Epistémologiquement, cette tradition française accorde une place importante aux travaux empiriques et s’intéresse aux acteurs. Méthodologiquement, les chercheurs privilégient les approches qualitatives avec des entretiens semi-directif, à la description biographique des acteurs et aux observations de terrain.</p>
<p>Cette tradition française diverge des <em>legislatives studies</em> anglo-saxonnes (<em>congressional studies</em> aux États-Unis) s’inspirant d’analyses néo-institutionnalistes ou de la théorie du choix rationnel ; et ayant recourt aux méthodes d’enquêtes davantage quantitatives. Cela n’a pas pour autant empêché d’avoir quelques ouvrages aux approches <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33292574.texteImage">comportementales dans les années 1980</a> ou <a href="https://www.cambridge.org/ca/academic/subjects/politics-international-relations/comparative-politics/rationalizing-parliament-legislative-institutions-and-party-politics-france?format=PB">rationnelles dans les années 1990</a> sur le Parlement français.</p>
<h2>Retrouver le parlement</h2>
<p>La science politique française renoue son intérêt pour les études parlementaires depuis les années 1990 en diversifiant les niveaux d’analyses : <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/6ggbvnr6munghes9oe9sh4kj9#_ga=2.57002794.1228269702.1651959192-1213286376.1650821519">comportement électoral des députés</a>, <a href="https://journals.openedition.org/lectures/22656">sociologie des élus</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2001-1-page-237.htm">genre</a>, <a href="https://www.routledge.com/Parliamentary-Representation-in-France/Costa/p/book/9781138953499">conception de la représentation</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-4-page-611.htm">efficacité des législatures</a>.</p>
<p>Finalement, le Parlement demeure central dans notre société politique. D’un côté, le Parlement constitue un instrument de contrôle du pouvoir exécutif et de tribune pour les opposants. Le dernier quinquennat d’Emmanuel Macron le montre bien : l’affaire Benalla a été la <a href="https://www.la-croix.com/France/Politique/Laffaire-Benalla-bouscule-reforme-constitutionnelle-2018-07-25-1200957640">raison du blocage</a> de la réforme constitutionnelle à l’été 2018 et le Sénat s’est montré actif avec ses commissions d’enquête (<a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-324-2-notice.html">affaire Benalla</a> et <a href="http://www.senat.fr/commission/enquete/2021_influence_des_cabinets_de_conseil_prives.html">affaire McKinsey</a>). De l’autre, il reste un objet d’analyse produisant des masses de données exploitables pour les chercheurs. Il est alors fort probable que les études parlementaires augmenteront dans les années à venir dans la <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199669691.001.0001/oxfordhb-9780199669691-e-10">science politique française</a>.</p>
<p>Côté électeurs, la perspective d’un « troisième tour » de l’élection présidentielle articulée à la <a href="https://www.la-croix.com/France/Presidentielle-2022-France-trois-blocs-2022-04-11-1201209909">tripartition de la vie politique française</a> et à l’union de la gauche suscitera peut-être un regain d’intérêt pour le Parlement. Réponse les 12 et 19 juin prochain.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Robin a reçu des financements du département de science politique de l'Université de Montréal.
Il est membre du centre de recherche Jean Monnet de Montréal.</span></em></p>La formation d’une alliance de la gauche française redonne un caractère central aux élections législatives. Mais peut-on véritablement parler d’un regain d’intérêt pour le Parlement en France ?Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801022022-03-29T19:31:43Z2022-03-29T19:31:43ZPourquoi les États (et les entreprises) dépensent-ils autant pour des prestations de conseil ?<p>En 2021, l’État français a dépensé plus d’un milliard d’euros pour financer des prestations de conseil. Ce chiffre a plus que doublé en cinq ans… Depuis les révélations du livre <a href="https://allary-editions.fr/products/matthieu-aron-et-caroline-michel-aguirre-les-infiltres"><em>Les Infiltrés</em></a> de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre (Éditions Allary, 2022) et la récente publication du <a href="http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr21-111.html">rapport du Sénat</a> intitulé « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », les consultants sont sous le feu des projecteurs, d’autant plus que les sénateurs reprochent au cabinet McKinsey de ne pas avoir payé d’impôt sur les sociétés en France depuis plusieurs années.</p>
<p>Le sujet du « McKinsey Gate » s’est même immiscé dans la campagne présidentielle. À deux semaines du premier tour, le président-candidat Emmanuel Macron a ainsi mis au défi les accusateurs : « s’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », a-t-il ainsi lancé lors d’une émission sur France 3.</p>
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<figcaption><span class="caption">McKinsey : « Qu’ils aillent au pénal », lance Macron à ses accusateurs (<em>Le Point</em>, 27 mars 2022).</span></figcaption>
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<p>Au-delà de cette polémique, ces révélations interrogent : pourquoi les pouvoirs publics, comme les entreprises, dépensent-ils autant pour des prestations de conseil ? Pour répondre à cette question, nous avons étudié le <a href="https://www.researchgate.net/publication/334258693_The_Impact_of_Economic_Development_and_National_Culture_on_Management_Consulting_Expenditures_Evidence_from_Europe_and_North_America">marché du conseil en management</a> dans 21 pays européens et nord-américains sur les 20 dernières années.</p>
<p>Notre première constatation est que la France n’est pas le pays qui fait le plus appel aux consultants. D’après les données les plus récentes de la FEACO (Fédération européenne des associations de conseil en organisation), elle se situe dans la moyenne européenne, avec des dépenses de conseil qui s’élèvent à 0,31 % du PIB.</p>
<h2>Des prestations… quand tout va bien !</h2>
<p>Sans surprise, notre étude a également montré que ces écarts s’expliquent en partie par le niveau de développement économique. Les grandes entreprises sont les principaux clients des cabinets de conseil. Comme elles sont plus nombreuses dans les pays les plus développés, les dépenses de conseil y sont également plus élevées.</p>
<p>Autre constatation : les dépenses de conseil sont fortement influencées par la conjoncture économique. Les consultants aiment se présenter comme des médecins à qui les entreprises font appel lorsqu’elles vont mal. En vérité, c’est plutôt le contraire. Les entreprises sont plus susceptibles de faire appel aux consultants lorsqu’elles vont bien. L’explication : elles ont plus d’argent à dépenser en prestations de conseil que lorsqu’elles vont mal !</p>
<p>Outre le développement économique, nous nous sommes intéressés à l’impact de la culture nationale sur les dépenses de conseil. La première dimension culturelle que nous avons prise en compte est la valorisation de la performance (c’est-à-dire la mesure dans laquelle l’amélioration de la performance et l’excellence sont valorisées dans un pays).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1501863330637570052"}"></div></p>
<p>Le recours aux consultants est souvent justifié par leur capacité à accroître la performance de leurs clients. Leur principal atout serait leur capacité à extraire les « meilleures pratiques » des entreprises les plus performantes et à les transférer à leurs clients. Leur regard extérieur leur donnerait également un avantage par rapport aux salariés des entreprises pour qui ils travaillent. Nous nous attendions donc à ce que les dépenses de conseil soient plus élevées dans les pays qui valorisent plus la performance. Contre toute attente, nos résultats montrent qu’il n’y a aucun lien entre ces deux variables.</p>
<h2>Maîtrise de l’incertitude</h2>
<p>Si les entreprises et les pouvoirs publics ne font pas appel aux consultants pour améliorer leur performance, quelle est leur véritable motivation ? Nos résultats suggèrent que les dépenses de conseil dépendent fortement d’une autre dimension culturelle appelée « maîtrise de l’incertitude » (c’est-à-dire la mesure dans laquelle on cherche à réduire l’incertitude dans un pays). Les dépenses de conseil sont ainsi beaucoup plus élevées dans les pays où la volonté de maîtriser l’incertitude est forte, comme l’Allemagne ou l’Autriche, que dans les pays où elle est faible, comme l’Italie ou le Portugal. La France se situe entre ces extrêmes.</p>
<p>En bref, les dirigeants font plus appel aux consultants pour se rassurer que pour résoudre des problèmes qui pourraient souvent être réglés sans aucune aide extérieure. Comme l’a bien résumé un consultant dans la revue <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/hidden-flaws-in-strategy"><em>McKinsey Quarterly</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pour la plupart des dirigeants, une seule chose est pire que faire une erreur : être le seul à la commettre. »</p>
</blockquote>
<p>Cette soif de « réassurance » semble également expliquer la popularité des consultants auprès de l’État français. D’après l’ancienne déléguée interministérielle à l’intelligence économique, Claude Revel, citée dans <em>Les Infiltrés</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Les fonctionnaires ont depuis longtemps perdu confiance en eux, en leurs compétences. Ils se sentent obligés d’ouvrir 50 parapluies, de commander 50 000 rapports pour se protéger en cas d’erreur… Quand j’entends un ministre dire que c’est difficile de décider avec un risque pénal au-dessus de la tête, je suis choquée. Ils ont été choisis normalement pour leur capacité de décision. »</p>
</blockquote>
<p>Pour conclure, on peut noter que l’un des articles de recherche les plus connus sur les consultants s’intitule <a href="https://www.researchgate.net/profile/Andrew-Sturdy/publication/227375211_The_Consultancy_Process_-_An_Insecure_Business/links/00b7d529c4fd773961000000/The-Consultancy-Process-An-Insecure-Business">« Le conseil : une activité peu rassurante ? »</a> Quand on y réfléchit, faire appel à des consultants pour se rassurer n’est pas très rationnel. Dans certains cas, ils n’en savent pas plus que leurs clients… et ce sont plutôt eux qui auraient besoin d’être rassurés !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Barthélemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, le recours à des cabinets comme McKinsey, qui embarrasse la campagne du président-candidat Emmanuel Macron, vise d’abord à rassurer le décideur face au risque de commettre une erreur.Jérôme Barthélemy, Professeur et Directeur Général Adjoint, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1753782022-01-27T19:21:24Z2022-01-27T19:21:24ZLanceurs d’alerte : quelle protection prévue par la loi ?<p>« Don’t shoot the messenger ! » Cette expression, inspirée de la tragédie <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qHFGnT4cskU">Antoine & Cléopâtre</a> de Shakespeare, prend ses racines dans l’Antiquité grecque. Elle résume à elle seule le caractère tragique du lanceur d’alerte tant <a href="https://www.ouvroir.com/biberfeld/trad_grec/antigon.pdf">« le porteur de mauvaises nouvelles »</a> (Sophocle) les transmet souvent à ses dépens.</p>
<p>Cependant, œuvrer à réduire le développement, ou l’influence, du lanceur d’alerte est inutile et presque impossible. Parce que nous sommes entrés dans une ère de la révélation, où les <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/la-desinformation-les-armes-du-faux">secrets</a> ont vocation à être publiés, le lanceur d’alerte est devenu le révélateur de toutes les déviances, individuelles, organisationnelles ou étatiques. La question de sa protection est par conséquent cruciale à l’heure de l’examen d’une <a href="http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202112/protection_des_lanceurs_dalerte.html">proposition de loi</a> qui vise à compléter l’arsenal législatif actuel.</p>
<p>Jusqu’à récemment, les lanceurs d’alerte n’avaient pas véritablement de <a href="https://www.asso-sherpa.org/les-lanceurs-dalerte-en-mal-de-statut">statut légal en France</a>. Pourtant, les révélations à répétition de scandales (comme celui de <a href="https://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/05/29/23787-lamiante-recit-dun-scandale-sanitaire">l’amiante</a>) mais aussi la <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/alertes-et-lanceurs-dalerte">recherche académique</a> encouragent depuis longtemps à les considérer à leur juste valeur.</p>
<h2>La loi Sapin II</h2>
<p>Il a fallu attendre octobre 2016 pour que la loi dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033558528">Sapin II</a> propose un cadre général à ces <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-2008-34-page-31.htm">« vigies de l’éthique »</a>. Nous ne reviendrons pas ici sur les détails de la loi abordés dans une précédente <a href="https://management-aims.com/index.php/mgmt/article/view/3840">étude</a>. Nous rappellerons seulement le type de protection dont les lanceurs d’alerte peuvent bénéficier ainsi que les limites de la loi actuelle.</p>
<p>L’article 6 définit officiellement le lanceur d’alerte comme une « personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit ; une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ; d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ; ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».</p>
<p>Dans les détails, le lanceur d’alerte est déclaré irresponsable « dès lors que la divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause » (article 7). Il faut cependant indiquer que la loi précise les mesures prises à l’encontre de ceux qui abusent de ces signalements, comme de ceux qui font pression sur les lanceurs d’alerte afin d’étouffer leurs actions.</p>
<p>L’article 10 protège le lanceur d’alerte contre toute discrimination et stipule en même temps que la mauvaise foi ou l’intention de nuire contre lui est sanctionnée des peines prévues par le code pénal.</p>
<p>L’article 11 permet la réintégration de « toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation » du fait d’un lancement d’alerte. De même, l’article 12 permet le recours aux prud’hommes.</p>
<p>L’article 13 indique, lui, en même temps que : toute « personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement […] est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende » et qu’un lanceur d’alerte attaqué pour diffamation est susceptible d’une amende de 30 000 €.</p>
<p>Si la loi laisse ainsi ouverte la question de la responsabilité civile et le fait qu’un lanceur d’alerte puisse être poursuivi pour diffamation, toute organisation connait dorénavant les limites de son action juridique contre le lanceur d’alerte.</p>
<h2>Des procédures internes pour recueillir les signalements</h2>
<p>Pour autant, quelle autre protection, en interne et surtout en amont, de l’alerte la loi apporte-t-elle ? Jusqu’à présent, l’article 8 indique que toute organisation publique ou privée « d’au moins 50 salariés » doit mettre en place des « procédures appropriées de recueil des signalements » afin de canaliser l’alerte potentielle. Il est à noter que les syndicats n’apparaissent pas dans la loi et n’ont donc aucun pouvoir… hors celui d’influence.</p>
<p>Concernant le circuit de la divulgation, le même article stipule que l’alerte doit être transmise obligatoirement au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, qui doit « dans un délai raisonnable » vérifier la recevabilité du signalement et y répondre.</p>
<p>En cas de non-traitement ou d’un délai supérieur à trois mois, le lanceur d’alerte peut informer l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou tout ordre professionnel et en informer le public, d’autant plus lorsqu’il s’agit « de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles » (article 8).</p>
<h2>Confidentialité sacrée</h2>
<p>Enfin, en matière de protection du lanceur d’alerte, la confidentialité est de rigueur sous peine d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros, qu’il s’agisse du lanceur d’alerte, des personnes visées par l’alerte ou des informations recueillies. L’autorité judiciaire elle-même ne peut lever cette confidentialité qu’avec le consentement du lanceur d’alerte (article 9).</p>
<p>Le détail des dispositifs comme les mesures qui permettent d’assurer la confidentialité de l’alerte en interne ne sont pas précisés dans la loi, ce qui continue à représenter un problème. Il appartient aux entreprises de les créer, en même temps que de les tester pour éviter tout problème de conformité avec la loi. Ceci passe évidemment par la formation des équipes des services de ressources humaines en particulier et de l’ensemble des cadres et salariés en général.</p>
<p>Comme on le voit, la protection qu’offre la loi française est réelle, mais laisse volontairement imprécis certains éléments.</p>
<h2>Un rapport pointe les manques</h2>
<p>À l’été 2021, les députés Raphaël Gauvain (LRM) et Olivier Marleix (LR) ont remis un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4325_rapport-information.pdf">rapport</a> à la commission des lois sur l’évaluation de l’impact de la loi Sapin II. Concernant les limites, le critère du désintéressement comme celui de la bonne foi sont épinglés comme trop vagues.</p>
<p>En outre, il est proposé d’assouplir « la hiérarchie des canaux d’information en permettant de saisir directement les autorités publiques sans procédure interne préalable ». Pour ce faire, la mise en place de plates-formes départementales de recueil des alertes en préfecture est proposée, de même que la reconnaissance d’un véritable statut de lanceur d’alerte au moyen d’une certification par le Défenseur des droits.</p>
<p>Enfin, étant donné que le problème majeur reste l’ostracisation que subissent les lanceurs d’alerte, les rapporteurs mettent en avant la nécessité de créer un fond <em>ad hoc</em> (à l’instar du fonds de garantie des victimes de terrorisme – <a href="https://www.fondsdegarantie.fr">FGTI</a> – ou de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions – CIVI) pour les soutenir financièrement tout en accentuant les sanctions vis-à-vis des « procédures « bâillons » engagées » contre les lanceurs d’alerte.</p>
<p>La liste est en effet longue des lanceurs d’alerte qui ont subi de multiples représailles pendant et après l’alerte sans recevoir aucune aide et très peu de soutien : <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/02/21/henri-pezerat-chercheur-au-cnrs_1158645_3382.html">Henri Pézerat</a> (amiante), <a href="https://www.franceinter.fr/personnes/irene-frachon">Irène Frachon</a> (Médiator), <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/stephanie-gibaud-l-elan-d-une-lanceuse-d-alerte-249316">Stéphanie Gibaud</a> (UBS), <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/antoine-deltour-un-discret-comptable-francais-a-l-origine-des-luxleaks_2162537.html">Antoine Deltour</a> (LuxLeaks), etc.</p>
<p>Actuellement débattue au Parlement, la nouvelle <a href="http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202112/protection_des_lanceurs_dalerte.html">proposition de loi</a> cherche à compléter la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L1937">directive européenne</a> de 2019 sur les <em>whistleblowers</em> en assurant une meilleure protection de celles et ceux qui sont des rouages essentiels de nos démocraties mais aussi du <a href="https://www.futuribles.com/fr/revue/432/le-lanceur-dalerte-la-chance-du-capitalisme/">capitalisme</a>.</p>
<p>Après un vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale pour le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/18/vers-une-bataille-au-senat-sur-les-lanceurs-d-alerte_6110006_3224.html">projet de loi</a> porté par Sylvain Waserman, député du MoDem, les sénateurs sont revenus sur certains points et ont voté un texte avec d’importants <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/786163/le-senat-ferme-en-partie-la-porte-aux-lanceurs-dalerte/">« verrouillages »</a>, selon les associations, qui pourraient limiter les alertes.</p>
<h2>Et dans les autres pays ?</h2>
<p>À l’étranger, de rares pays ont apporté une solution au défi de la protection des lanceurs d’alerte.</p>
<p>Aux États-Unis, la procédure du <a href="https://www.law.cornell.edu/wex/qui_tam_action"><em>qui-tam</em></a> permet aux lanceurs d’alerte de percevoir une partie de l’argent, comme <a href="https://journals.openedition.org/revdh/2383">récompense</a> (ou <em>bounty</em> en anglais) de leur signalement, obtenu par l’État fédéral après sanction (amende ou redressement fiscal) des organisations, publiques ou privées, reconnues coupables.</p>
<p>Cette procédure a inspiré le législateur français au travers des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP). Si la douzaine de CJIP signées jusqu’ici constitue un indéniable bon début, les montants collectés devront progresser pour être véritablement dissuasifs.</p>
<p>De l’autre côté de l’Atlantique, les <em>qui tam cases</em> ont en effet rapporté 1,6 milliard de dollars en <a href="https://whistleblowersblog.org/false-claims-qui-tam-news/standout-false-claims-act-cases-from-2021/">2021</a> à l’État fédéral. Au-delà du cas particulier d’<a href="https://thegentlewoman.co.uk/library/erin-brokovich">Erin Brockovich</a> popularisé au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Erin_Brockovich,_seule_contre_tous">cinéma</a>, certains lanceurs d’alerte perçoivent des <em>bounties</em> comme en témoignent les <a href="https://www.sec.gov/news/press-release/2020-266">communiqués de presse</a> réguliers de la SEC (le gendarme de la bourse américaine) qui conservent l’anonymat des bénéficiaires. Clairement, l’État américain et ses organisations para-publiques y trouvent leur intérêt depuis longtemps. Toutefois, dans le cas contraire (lorsque l’État fédéral est lui-même mis en cause, par exemple par <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/journal-de-22h/journal-de-22h00-par-diane-berger-du-vendredi-10-decembre-2021">Wikileaks</a>), la question de la protection des lanceurs d’alerte demeure, là-bas comme ailleurs, entière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Cailleba est membre du Think Tank, Institut Sapiens. </span></em></p>Piliers de nos démocraties, les lanceuses et lanceurs d’alertes sont régulièrement mis en avant, mais rarement protégés. Leur nécessaire protection fait l’objet d’une nouvelle proposition de loi.Patrice Cailleba, Professeur de Management, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553522021-02-16T18:01:16Z2021-02-16T18:01:16ZAcquittement de Trump : un échec constitutionnel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/384511/original/file-20210216-21-15klyex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C24%2C5472%2C3596&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le procès de mise en accusation montre que la démocratie américaine est en bien mauvais état. </span> <span class="attribution"><span class="source">Chip Somodevilla/Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>La décision du Sénat d’acquitter l’ancien président Donald Trump dans <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1770579/reprise-proces-trump-temoins-verdict-trump">son second procès pour destitution</a> a peut-être été une victoire pour Trump, mais c’est un signal clair que la démocratie aux États-Unis est en bien mauvais état.</p>
<p>En tant que <a href="http://jfinn.faculty.wesleyan.edu/">spécialiste des questions constitutionnelles</a>, je pense que les États-Unis – la première démocratie constitutionnelle au monde – sont dans un état de dérive constitutionnelle.</p>
<p>Dans une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_constitutionnelle">démocratie constitutionnelle</a>, le pouvoir de la majorité de gouverner est limité par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_de_droit">l’État de droit</a> et par un ensemble de règles et de principes juridiques énoncés dans la Constitution.</p>
<p>Les règles constitutionnelles et l’État de droit devraient nous protéger de dérives constitutionnelles mais la réalité est toute autre. Lorsque ce dysfonctionnement s’installe, les fonctionnaires et le public ignorent ou contournent régulièrement ces règles, tout en se déclarant moralement fidèles à celles-ci.</p>
<p>La dérive constitutionnelle n’est pas seulement un échec du droit constitutionnel – c’est un échec de la démocratie constitutionnelle.</p>
<h2>Les apparences sont trompeuses</h2>
<p>Parmi les principes d’une démocratie constitutionnelle, on retrouve un gouvernement au pouvoir limité, la séparation des pouvoirs, la règle de la majorité lors d’élections justes et libres, le respect des libertés des minorités et des individus, et un gouvernement responsable. Ces principes ont été énoncés dans <a href="https://avalon.law.yale.edu/18th_century/fed01.asp">Le Fédéraliste</a>, un essai d’Alexander Hamilton :</p>
<blockquote>
<p>Il semblait réservé à l’Amérique de décider cette importante question : si les hommes sont capables de se donner un bon gouvernement par réflexion ou par choix, ou s’ils sont condamnés à recevoir toujours leur constitution politique du hasard et de la force.</p>
</blockquote>
<p>Dans mon livre <a href="https://kansaspress.ku.edu/978-0-7006-1962-7.html">« Peopling the Constitution »</a>, j’ai demandé à des citoyens d’imaginer un scénario où leurs représentants ou eux-mêmes ne seraient pas tenus de respecter les règles et valeurs constitutionnelles fondamentales.</p>
<p>Ce phénomène peut se produire quand la fidélité à ces valeurs est contrebalancée par un autre objectif, comme la sécurité ou le maintien au pouvoir. Il est souvent motivé par la peur.</p>
<p>Une autre raison pourrait être que le peuple ne tient pas ses représentants ou ne se tient pas lui-même responsable parce qu’il ne connaît pas ces valeurs ou la raison pour laquelle elles sont menacées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran du décompte des votes de destitution du Sénat, 57-43" src="https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384097/original/file-20210213-15-1furhx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans cette image tirée de la vidéo du procès en destitution, le total des votes de 57-43 signifie que l’ancien président Donald Trump est acquitté, car une condamnation requiert un vote à la majorité des deux tiers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/APTOPIXTrumpImpeachment/7a6cb9fad80e47759ed2a500a7481652/photo?Query=impeachment%20AND%20vote&mediaType=photo&sortBy=arrivaldatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=2488&currentItemNo=3">Senate Television via AP</a></span>
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<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/elections-americaines-2020">L’élection de 2020 et tout ce qui a suivi</a>, incluant cette <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1762831/congres-etats-unis-vote-proces-destitution-chambre-representants-senat">deuxième mise en accusation de Trump</a>, envoient un signal clair et indéniable du piètre état dans lequel se trouve la démocratie constitutionnelle.</p>
<p>Trump et plusieurs de ses partisans républicains <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/01/06/trump-pousse-a-linsurrection">ont déclenché une insurrection</a> et incité à la violence à l’encontre du Congrès, alors que cette branche du gouvernement <a href="https://www.archives.gov/files/electoral-college/state-officials/presidential-election-brochure.pdf">s’acquittait de l’une de ses responsabilités constitutionnelles les plus fondamentales</a> : confirmer les résultats de l’élection présidentielle.</p>
<p>Ce qui s’est soldé, le 6 janvier 2021, par une attaque contre les représentants du peuple <a href="https://abcnews.go.com/US/visual-timeline-attack-capitol-hill-unfolded/story ?id=75112066">avait commencé des mois plus tôt</a> par une attaque contre le processus électoral.</p>
<p>Trump et ses alliés ont justifié ces deux attaques comme étant l’œuvre de véritables <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/09/us/capitol-rioters.html">patriotes</a> qui voulaient sauver la République d’une fraude électorale imaginaire.</p>
<h2>Élections : la base</h2>
<p><a href="https://aceproject.org/main/francais/lf/lf22.htm">Des élections libres et équitables</a> sont au cœur de la démocratie constitutionnelle. C’est pourquoi les élections sont un bon marqueur de sa dérive potentielle.</p>
<p>Une démocratie constitutionnelle qui ne peut pas organiser des élections libres et équitables, dont la légitimité et la validité sont reconnues par les gagnants et les perdants, ne peut pas se qualifier de démocratie.</p>
<p>Tout aussi importanta : la <a href="https://millercenter.org/election-2020-and-its-aftermath">perception et l’anticipation de l’équité sont essentielles à la légitimité électorale</a> et à la confiance du public dans le processus et le résultat. Les attaques injustifiées et sans fondement contre la légitimité des résultats électoraux <a href="https://www.brookings.edu/blog/fixgov/2018/04/13/trumps-lies-corrode-democracy/">causent des dommages insidieux et à long terme</a> au tissu même de la démocratie constitutionnelle.</p>
<p>L’élection de 2020, évaluée par des fonctionnaires électoraux professionnels et non partisans, des experts politiques et des universitaires, <a href="https://www.cisa.gov/news/2020/11/12/joint-statement-elections-infrastructure-government-coordinating-council-election">a été l’une des plus surveillées de l’histoire américaine</a>. Considérez un fait simple et accablant : Trump et ses alliés ont intenté plus de <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/presidentielle-americaine-2020/trump-senglue-dans-ses-accusations-de-fraude-electorale-bebd9b658fb02dba277ac0fe5dc0b58a">60 procès pour tenter d’annuler l’élection présidentielle</a> devant les tribunaux fédéraux et les ont tous perdus, sauf dans un cas.</p>
<p>Dans bon nombre de ces causes, les juges – <a href="https://apnews.com/article/donald-trump-courts-election-results-e1297d874f45d2b14bc99c403abd0457">dont beaucoup ont été nommés par Trump – ont émis des opinions fermes</a> concernant la frivolité des poursuites.</p>
<p>Et pourtant, Trump et nombre de ses compatriotes républicains, plutôt que de reconnaître la défaite, ont décidé de délégitimer l’élection.</p>
<p>Les dirigeants républicains, dont beaucoup savaient les allégations de Trump sans fondement, ont eu un comportement cynique et profondément destructeur à l’égard de la démocratie, en <a href="https://news.berkeley.edu/2020/11/23/with-democracy-under-threat-gop-silence-draws-scrutiny-and-censure/">ne lui disant rien, voire en l’encourageant</a>. Le 6 janvier, <a href="https://ballotpedia.org/Certification_of_electoral_votes_">121 représentants républicains ont voté contre les résultats de l’Arizona et 138 ont voté contre les résultats de la Pennsylvanie</a>.</p>
<p>Mais l’événement du 6 janvier n’est pas le seul indice de la dérive constitutionnelle. Le président s’est appuyé sur une <a href="https://www.npr.org/2021/02/08/965342252/timeline-what-trump-told-supporters-for-months-before-they-attacked">série de mensonges</a> en préparation depuis des mois, voire des années, pour encourager ses partisans à marcher sur la colline du Capitole, avec les conséquences tragiques que l’on connaît.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La police lutte contre une foule" src="https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384089/original/file-20210213-13-xq1pcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La police tente de repousser une foule pro-Trump qui tente de prendre d’assaut le Capitole américain à la suite d'un rassemblement avec Trump le 6 janvier 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/police-officers-attempt-to-push-back-a-pro-trump-mob-trying-news-photo/1230456565?adppopup=true">Samuel Corum/Getty Images</a></span>
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<h2>La dérive constitutionnelle est-elle irréversible ?</h2>
<p>Les coutumes et les règles constitutionnelles qui régissent les élections <a href="https://constitutioncenter.org/interactive-constitution/interpretation/article-i/clauses/750">exigent des fonctionnaires et des citoyens qu’ils les appliquent et les fassent respecter</a>. Dans le cas contraire, il s’agit de formalités inutiles.</p>
<p>En fin de compte, une démocratie constitutionnelle sûre et saine dépend des fonctionnaires élus et des citoyens éclairés qui valorisent les principes de la démocratie constitutionnelle plus que le pouvoir politique et la politique partisane.</p>
<p>C’est pourquoi l’échec du Sénat à condamner Trump doit être considéré comme une preuve incontournable de la profondeur de la crise constitutionnelle.</p>
<p>Au fur et à mesure que la nation avance, surmonter une telle crise exige des élus qu'ils aient le courage de dire la vérité et de défendre la Constitution. C’est particulièrement le cas lorsque la menace vient de l’un des leurs. L’acquittement de Donald Trump au Sénat nous montre à quel point ces élus sont peu nombreux à avoir à cœur le bien commun.</p>
<p>Le pays a la chance que de nombreux juges, et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1769362/georgie-enquete-appel-trump-raffensperger">certains fonctionnaires, comme le secrétaire d’État géorgien Brad Raffensperger</a>, aient honoré leur serment.</p>
<p>L’échec du Sénat à condamner Trump est un échec constitutionnel non seulement « en termes juridiques, mais aussi en termes civiques – un <a href="https://thebulwark.com/impeachment-and-constitutional-rot/">échec non pas principalement des institutions politiques, mais des attitudes civiques</a> », comme l’a récemment écrit le spécialiste des questions constitutionnelles, George Thomas.</p>
<p>Vaincre la crise reposerait également sur une base de citoyens compétents en matière constitutionnelle, qui insistent sur le respect des valeurs constitutionnelles fondamentales.</p>
<p>Il n’y a aucune garantie que des citoyens responsables respecteront toujours les valeurs constitutionnelles, mais le meilleur remède contre leur remise en question est l’éducation civique. Les citoyens n’obligeront pas leurs représentants – ou eux-mêmes – à respecter des principes constitutionnels qu’ils ne connaissent pas ou ne comprennent pas.</p>
<p>Comme l’a conseillé <a href="https://founders.archives.gov/documents/Jefferson/98-01-02-1540">Thomas Jefferson</a> : « Si nous croyons que les citoyens ne sont pas suffisamment éclairés pour exercer leur pouvoir avec discernement, le remède n’est pas de leur enlever ce pouvoir, mais de leur apprendre par l’éducation ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155352/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John E. Finn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’acquittement de l’ancien président Trump, mis en accusation pour avoir incité à l’attaque du Capitole est un symptôme du déclin du système constitutionnel américain qui est rongé de l’intérieur.John E. Finn, Professor Emeritus of Government, Wesleyan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1540102021-02-08T20:14:24Z2021-02-08T20:14:24ZLes parlementaires face au changement climatique : quelles convergences avec les Français ?<p>De l’avis de nombreux scientifiques et philosophes, le temps du changement climatique et le temps politique ne concordent pas. Même si elles se manifestent dès aujourd’hui, les évolutions climatiques annoncées ne produiront leurs effets catastrophiques qu’à l’échelle de dizaines ou de centaines d’années. Le temps politique à l’inverse se compte en durée de mandats politiques, cinq à six ans dans le cas français. </p>
<p>La relative lenteur des politiques publiques face à l’urgence climatique, dénoncée par une partie de l’opinion, traduit-elle un défaut de sensibilité de la classe politique, à l’inverse du public qui, beaucoup d’enquêtes le montrent, a peu à peu pris conscience de la gravité de la situation et de l’urgence de politiques publiques ambitieuses ?</p>
<p>Chaque année depuis 2000, une enquête par sondage est réalisée pour le compte de l’Agence de la transition écologique (Ademe) <a href="https://www.ademe.fr/representations-sociales-changement-climatique-21-eme-vague">auprès d’un échantillon représentatif de la population française</a>. Ces enquêtes mesurent périodiquement les attitudes du public à l’égard du changement climatique : degré d’information sur le changement climatique, dispositions à soutenir des politiques publiques, propension à adopter soi-même des comportements vertueux en matière de consommation, etc.</p>
<p>Ces mêmes questions ont été posées à trois reprises <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/cahier52.cevipof.pdf">(en 2003, en 2010 et en juillet 2020)</a>, à des échantillons de parlementaires (députés et sénateurs). </p>
<p>Ces enquêtes offrent l’opportunité de vérifier l’hypothèse d’un divorce entre le public et ses représentants sur le thème du changement climatique et des moyens à mobiliser pour y faire face.</p>
<h2>Des parlementaires plus sensibles</h2>
<p>Premier indice d’un changement de perspectives, leur regard sur l’origine des désordres climatiques a très sensiblement évolué : en 2003, seuls 21 % des parlementaires interrogés estimaient que « Les désordres du climat (tels que les tempêtes ou les inondations en France) sont causés par l’effet de serre » alors que 60 % étaient d’avis que « personne ne peut dire avec certitude les vraies raisons du désordre du climat ». 18 % attribuaient quant à eux ces désordres à « des phénomènes naturels comme il y en a toujours eu ».</p>
<p>Aujourd’hui, ces conceptions ont profondément changé. 77 % des parlementaires attribuent en 2020 ces désordres à l’effet de serre, contre 65 % au sein du grand public : ils se montrent donc plus fréquemment convaincus que le reste de la société de cette causalité de l’effet de serre sur le dérèglement du climat. 15 % des parlementaires estiment quant à eux que l’on n’en connaît pas « les vraies raisons » et 8 % lui associent encore une cause naturelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1298969089121988608"}"></div></p>
<p>Sur le point de savoir si « le réchauffement de l’atmosphère terrestre dû à l’augmentation de l’effet de serre » est ou non « une certitude pour la plupart des scientifiques », les parlementaires interrogés font preuve là aussi d’une conviction plus ferme que le public : 79 % contre 66 %.</p>
<p>En mesurant le degré de conviction sur la réalité du changement climatique et de ses origines anthropiques à partir de quatre questions, on compte 64 % de parlementaires « convaincus » contre 48 % du public.</p>
<p>Plus convaincus de la réalité des causes des désordres climatiques, les parlementaires se montrent en second lieu plus optimistes que le public quant à la possibilité de parvenir à en limiter efficacement les effets. En effet, interrogés sur le point de savoir si « le changement climatique sera limité à des niveaux raisonnables d’ici à la fin du siècle », plus de la moitié des parlementaires (54 %) répondent positivement contre seulement 39 % du public.</p>
<p>Une proportion relativement plus importante du public exprime qu’il faudra avant tout « modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique » (respectivement 59 % contre 44 %). Les politiques interrogés expriment une plus forte confiance relative vis-à-vis du progrès technique : 31 % d’entre eux considèrent que « le progrès technique permettra de trouver des solutions pour limiter le changement climatique », contre seulement 14 % du public.</p>
<p>Les uns et les autres se rejoignent pour penser que, si des changements dans nos modes de vie s’avéraient nécessaires, il faudrait d’abord « qu’ils soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société » (42 % des parlementaires, 46 % du public).</p>
<h2>Réglementation et fiscalité</h2>
<p>Si la sensibilité des parlementaires au sujet de l’environnement et du changement climatique a nettement évolué depuis 2003, les outils de politiques publiques qu’ils privilégient pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre ont également changé de nature : en 2003 les sondés plaçaient au premier rang « les démarches volontaires » (36 %), en 2010 « la fiscalité » (39 %) et en 2020 « la réglementation » (42 %).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1237592641375592450"}"></div></p>
<p>Dans la dernière vague d’enquête, la réglementation et la fiscalité sont considérées comme les outils les plus efficaces par plus des deux tiers des parlementaires. Des mesures contraignantes ou coûteuses sont jugées souhaitables par une majorité d’entre eux pour lutter contre l’effet de serre : « développer les énergies renouvelables même si dans certains cas les coûts de production sont plus élevés » (91 %), « obliger les propriétaires à rénover et à isoler les logements lors d’une vente ou d’une location » (80 %), « taxer davantage les véhicules les plus émetteurs » (76 %) ou le transport aérien (64 %), « augmenter la taxe carbone » (58 %). </p>
<p>Il semblerait que les parlementaires, comme le grand public, aient dépassé le clivage factice <a href="https://theconversation.com/ecologie-positive-ou-punitive-les-francais-ont-depasse-le-clivage-132283">entre écologie punitive et écologie positive</a>, pour privilégier désormais des mesures efficaces dans la lutte contre le changement climatique. Ces réponses ne sont probablement pas sans lien avec le fait que 61 % des parlementaires pensent que les actions mises en œuvre dans notre pays depuis l’accord de Paris en 2015 ne sont pas à la hauteur de l’objectif de neutralité carbone au milieu du siècle.</p>
<h2>Un sujet de clivages politiques</h2>
<p>Il reste que malgré ces orientations en matière d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, les parlementaires ne semblent pas questionner notre modèle de développement au regard de la crise actuelle. Une majorité d’entre eux (62 %) estime que les racines de l’épidémie de coronavirus ne sont pas dues pour l’essentiel à « une exploitation imprudente de la nature », alors que le public considère au contraire (58 %) comme certaine ou probable l’hypothèse d’une causalité entre les deux.</p>
<p>La crise économique se conjuguant à la crise sanitaire, la priorité du gouvernement devrait être de « relancer l’économie par tous les moyens afin de renouer au plus vite avec l’activité » pour 72 % des parlementaires. À l’inverse, le grand public demande à 57 % de « réorienter en profondeur notre économie en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale ». Si le rapprochement entre les Français et leurs représentants est réel en matière de sensibilité au changement climatique, la volonté de changer de paradigme économique n’est quant à elle pas (encore ?) partagée à ce stade.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1111860112099106816"}"></div></p>
<p>Retenons pour finir que si les attitudes des parlementaires penchent beaucoup plus qu’il y a quelques années en faveur de l’environnement, elles n’en demeurent pas moins très variables selon les appartenances partisanes. Un seul exemple témoigne de ces écarts : en fonction de la typologie d’attitudes vis-à-vis du changement climatique mentionnée plus haut, on trouve 92 % de « convaincus » à gauche, 84 % dans la majorité présidentielle et 28 % à droite. </p>
<p>Il apparaît donc clairement que les questions d’environnement et de changement climatique restent un sujet de clivage fort au sein de la classe politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154010/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête menée en 2020 révèle que le regard des parlementaires sur le changement climatique a considérablement évolué depuis le début du siècle.Patrick Jolivet, Directeur des études socio-économiques, Ademe (Agence de la transition écologique)Daniel Boy, Directeur de recherches émérite, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525392020-12-28T18:56:57Z2020-12-28T18:56:57ZFact check US : L’élection sénatoriale en Géorgie va-t-elle déterminer la présidence Biden ?<p>Toute l'Amérique a les yeux tournés vers la Géorgie. Ce week end, le <a href="https://www.washingtonpost.com/"><em>Washington Post</em></a> a révélé que Donald Trump avait tenté de faire pression sur le secrétaire d’État Brad Raffensperger afin de modifier le résultat du scrutin du 3 novembre 2020 et de lui «trouver 11 780 voix». L'affaire fait scandale Outre-Atlantique. </p>
<p>Et ce mardi 5 janvier, des élections décisives ont donc lieu en Géorgie. Elles détermineront la majorité au Sénat pour les années à venir. Si la victoire de Joe Biden et de Kamala Harris est actée au scrutin présidentiel et si les démocrates sont assurés de garder leur majorité à la Chambre des représentants, la bataille n'est en effet pas tout à fait terminée au Sénat. </p>
<p>Lors des élections de novembre, sur les 100 sièges de sénateurs, les républicains en ont remporté 50 et les démocrates 48, deux sièges de l’État de Géorgie restant à pourvoir. Cette situation, pour le moins inhabituelle, vient du fait qu’aucun candidat en Géorgie n’avait obtenu plus de 50 % des voix. La loi électorale géorgienne, <a href="https://theconversation.com/a-brief-history-of-georgias-runoff-voting-and-its-racist-roots-150356">legs de la résistance à la déségrégation</a> des années 1960, prévoit un second tour avec les deux candidats en tête dans chaque course.</p>
<p>Dans l’hypothèse où les démocrates gagnent ces deux sièges au Sénat, ils atteindront alors l’égalité des voix (50). Mais ils auront effectivement la majorité, puisqu’en cas d’égalité des votes, le vice-président, en la personne de Kamala D. Harris, a le droit de vote.</p>
<p>L’enjeu est donc de taille. Mais cette élection peut-elle, à elle seule, également déterminer la capacité de Joe Biden et des démocrates à gouverner ?</p>
<p>C’est l’impression que donne la couverture médiatique de ce nouveau scrutin. Le <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/20/us/politics/georgia-senate-runoffs-ads.html"><em>New York Times</em></a> la qualifie ainsi d’« élection spéciale la plus exceptionnelle de l’histoire de l’Amérique ». La réalité est plus complexe et nuancée : le fonctionnement institutionnel des États-Unis laisse une marge de manœuvre, certes étroite mais réelle, au président, avec ou sans majorité parlementaire, et donne un rôle non négligeable à la minorité au Sénat.</p>
<p>Pour le comprendre, il faut regarder de plus près le pouvoir très particulier du Sénat américain. La Constitution américaine, basée sur le principe de la séparation des pouvoirs, définit un système fédéraliste de freins et contrepoids qui donne au Sénat un rôle majeur. En plus de sa fonction législative, il a ainsi le pouvoir de donner (ou non) son « consentement » aux nominations par le président des membres de son cabinet (postes ministériels, secrétaires adjoints, ou sous-secrétaires) ou des juges fédéraux (<a href="https://www.senate.gov/reference/reference_index_subjects/Judicial_Branch_vrd.htm">à la Cour suprême, dans les cours d’appel et dans les tribunaux de district</a>.)</p>
<h2>La confirmation des candidats aux postes ministériels</h2>
<p>Historiquement, les candidats aux postes les plus importants de la branche exécutive du gouvernement fédéral, du cabinet ou de la haute administration sont très majoritairement approuvés par le Sénat au début du premier mandat d’un président, avec un <a href="https://www.politifact.com/article/2020/dec/14/how-hard-will-it-be-joe-biden-get-his-cabinet-conf/">taux de confirmation de 95 % au cours des 28 dernières années</a>. Il y a, toutefois, peu de précédents historiques à un premier mandat présidentiel avec un Sénat dominé par l’autre parti. Pour cela, il faut remonter à 1989 avec l’élection de George H. Bush où, pour la première fois, un <a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Nominations.htm">candidat au cabinet d’un futur président a été rejeté</a>. Or nous sommes, désormais, dans un contexte hyperpartisan.</p>
<p>D’ores et déjà, certains républicains ont exprimé leur <a href="https://www.npr.org/sections/biden-transition-updates/2020/12/03/941597232/why-biden-budget-pick-neera-tanden-already-faces-republican-opposition">opposition à certaines nominations</a>. Cependant, un simple vote majoritaire suffit à confirmer un candidat et le chef des républicains, Mitch McConnell, a envoyé <a href="https://www.politico.com/news/2020/12/22/mitch-mcconnell-biden-cabinet-nominees-449805">quelques signaux positifs</a>. On peut penser que même s’ils conservent le contrôle du Sénat, la plupart des sénateurs républicains ne s’opposeront qu’aux candidats qu’ils jugent réellement répréhensibles. Et, dans le pire des scénarios, Joe Biden pourrait éventuellement suivre l’exemple de Donald Trump et installer des membres de cabinet « intérimaires » (<em>acting secretaries</em>) qui n’ont pas besoin de confirmation.</p>
<h2>La confirmation des juges</h2>
<p>En revanche, un Sénat majoritairement républicain réduirait considérablement la marge de manœuvre pour la confirmation des juges. Au mieux, quelques juges modérés dans les tribunaux inférieurs pourraient alors être nommés. Cela ne permettrait donc pas de contrebalancer les nombreuses <a href="https://projects.propublica.org/trump-young-judges/">nominations de juges</a> effectuées par Donald Trump (près d’un <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/07/15/how-trump-compares-with-other-recent-presidents-in-appointing-federal-judges/">quart de tous les juges fédéraux en activité</a> et trois juges à la Cour suprême), souvent <a href="https://www.ft.com/content/032b3101-9b8b-4566-ace4-67b86f42370b">jeunes et très conservateurs</a>. Or le système de freins et contrepoids confère un grand pouvoir aux tribunaux fédéraux et à la Cour suprême.</p>
<p>Ainsi, quelle que soit la majorité au Sénat, la capacité des démocrates à mettre en œuvre des lois dans certains domaines (réglementation électorale, contrôle des armes à feu, extension des soins de santé, changement climatique, voire les mesures sanitaires contre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1752506/etats-unis-liberte-culte-juge-barrett-andrew-cuomo">coronavirus</a>), risque d’être sérieusement contrainte par ces juges conservateurs. Même avec une majorité démocrate au Sénat, les démocrates seront limités dans leur capacité de nomination de juges par le fait même qu’il y a beaucoup moins de postes de juges vacants.</p>
<p>Par ailleurs, une <a href="https://www.politico.com/news/2020/10/22/joe-biden-court-packing-judicial-reforms-commission-431157">réforme judiciaire d’ampleur</a> est peu susceptible de voir le jour faute, pour le président, d’un soutien de démocrates centristes, <a href="https://www.rollcall.com/2020/11/09/joe-manchin-kills-dreams-of-expanding-supreme-court-eliminating-the-filibuster/">comme Joe Manchin</a>, qui n’y seront pas favorables. Et, bien évidemment, si le contrôle du Sénat revient aux républicains, aucune réforme ne saurait être envisagée.</p>
<h2>Gouverner avec un Sénat du même bord politique</h2>
<p>Du point de vue législatif, une simple majorité de 51 voix suffit, en théorie, pour faire adopter une loi par le Sénat et le chef de la majorité a le pouvoir de décider si la Chambre se saisit d'une question ou d'un projet de loi. En réalité, en dehors de quelques législations spécifiques liées aux règles budgétaires, tout sénateur peut bloquer une loi en faisant de l’obstruction (<a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Filibuster_Cloture.htm"><em>filibuster</em></a>). Il faut alors un vote de motion dit de « clôture » avec une super majorité de 60 voix pour lever cette obstruction, une procédure <a href="https://www.brookings.edu/policy2020/votervital/what-is-the-senate-filibuster-and-what-would-it-take-to-eliminate-it/">largement utilisée dans les dernières décennies</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La forte augmentation des méthodes d’obstruction parlementaire, empêchant le passage de lois au Sénat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brookings Institution</span></span>
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<p>Les règles procédurales du Sénat peuvent être modifiées par une majorité simple, comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2017-2-page-235.htm">2013 et 2017</a>. Mais, avec un président démocrate, les républicains n’auront aucun intérêt à la faire et certains sénateurs démocrates plus conservateurs, tels que le sénateur <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/30/us/politics/joe-manchin-interview.html">Joe Manchin</a>, ont déjà annoncé leur opposition à un vote mettant fin à l’obstruction parlementaire, même en cas de majorité démocrate.</p>
<p>Quelle que soit la majorité au Sénat, l’ambition affichée des démocrates pendant la campagne devra donc être revue à la baisse. Ils devront tenir compte d’un certain nombre de membres conservateurs dans leur propre camp, comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Joe_Manchin">Joe Manchin</a> ou la sénatrice <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kyrsten_Sinema">Kyrsten Sinema</a>. D’un autre côté, ce sont ces mêmes sénateurs qui seront plus à même de coopérer avec les républicains les plus modérés. Le système législatif américain fait qu’en réalité très peu de lois sont adoptées sans le soutien des deux partis. <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/L/bo51795068.html">L’analyse de deux chercheurs américains</a> en sciences politiques, James M. Curry and Frances E. Lee, remet en cause l’idée reçue selon laquelle une <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/18/opinion/joe-biden-mitch-mcconnell-congress.html">majorité au Sénat est cruciale pour gouverner</a>.</p>
<h2>Le duo Mitch et Joe</h2>
<p>Comme souvent en politique, les relations interpersonnelles jouent un rôle majeur. La longue et bonne relation, <a href="https://www.npr.org/2020/11/08/932744275/how-biden-and-mcconnell-will-work-together">souvent qualifiée d’amitié</a>, qu’entretiennent Joe Biden et Mitch McConnell, est de bon augure pour que des compromis aient lieu sur un certain nombre de sujets, comme l’immigration (sur la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/11/comprendre-la-situation-des-dreamers-jeunes-immigres-aux-etats-unis_5240502_4355770.html">régularisation des Dreamers</a> notamment). Mais il ne faut pas oublier que McConnell est déterminé à maintenir l’influence des républicains : il sera d’autant plus enclin à faire des compromis s’il ne contrôle pas le Sénat et n'a pas la majorité dans les puissantes commissions sénatoriales.</p>
<p>Tout ce que nous avons évoqué ici pourrait être suspendu au pouvoir de nuisance de Donald Trump. Si, en général, les présidents perdent rapidement leur influence lorsqu’ils quittent leurs fonctions, Trump est atypique. Il est impossible de savoir ce qu’il en sera après le 20 janvier, surtout s’il laisse planer l’idée qu’il se représentera en 2024 (et ce même s’il y a peu de chances qu’il se concentre sur les procédures législatives).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les élections du 5 janvier en Géorgie seront un premier test : gagner les deux sièges dans cet État, qui demeure <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/interactive/2020/georgia-senate-runoff-guide/">conservateur malgré une démographie changeante</a>, est un défi pour les démocrates mais pas impossible à atteindre. En effet, les fausses affirmations de Trump selon lesquelles l’élection a été truquée pourraient <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/14/etats-unis-comprendre-les-elections-en-georgie-qui-pourraient-faire-basculer-le-senat_6063273_3210.html">dissuader certains républicains de voter</a>, et ce d’autant qu’il tire à boulets rouges sur le gouverneur et le secrétaire d’État de Géorgie, tous deux républicains.</p>
<p>Mais Donald Trump est avant tout focalisé sur la confirmation officielle du résultat des élections du Collège électoral par les deux chambres du Congrès le 6 janvier, jusqu’ici une simple formalité. Si l’élection est contestée par des membres des deux Chambres, il faut en effet procéder à un nouveau vote dans chacune d’entre elles. Et c'est la voie que semblent vouloir emprunter certains élus républicains : quelques dizaines de représentants (jusqu’à <a href="https://edition.cnn.com/2020/12/31/politics/electoral-college-house-republicans/index.html">140 selon CNN</a>) et <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/senators-challenge-election/2021/01/02/81a4e5c4-4c7d-11eb-a9d9-1e3ec4a928b9_story.html">une douzaine de sénateurs, dont les très ambitieux Ted Cruz et Josh Hawley</a>. Ils n’auront pas la majorité pour remettre en cause le résultat final. Mais ce vote forcera chaque élu républicain à se positionner. Cela pourrait diviser et affaiblir le parti, ce que ne voulait pas McConnell.</p>
<p>Pour Donald Trump, c’est un véritable <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/13/us/politics/trump-allies-election-overturn-congress-pence.html">test de loyauté</a>, y compris pour son vice-président <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/02/us/politics/gop-senators-josh-hawley-election.html">Mike Pence</a> qui doit faire l’annonce officielle des résultats de chaque État. Le président n’hésite pas à menacer publiquement de <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1341547750710800385">mettre fin à la carrière politique</a> des membres de son parti qui ont déjà reconnu le résultat de l’élection présidentielle, en leur opposant d’autres candidats aux prochaines primaires en 2022. Il <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1340185773220515840?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1340185773220515840%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.thetrumparchive.com%2F%3Fsearchbox%3D22wild22">en appelle même à la rue</a>, en demandant à ses partisans de venir manifester à Washington DC. Certains groupes extrémistes, comme <a href="https://www.washingtonpost.com/local/for-dc-protests-proud-boys-settle-in-at-citys-oldest-hotel-and-its-bar/2020/12/27/0eb6afcc-3fb0-11eb-8bc0-ae155bee4aff_story.html">les Proud Boys</a>, ont promis d’être présents et d’aucuns <a href="https://www.washingtonpost.com/local/washington-dc-protests/2021/01/01/da743c20-4a68-11eb-839a-cf4ba7b7c48c_story.html">craignent des violences</a>. Reste à savoir si les républicains se déplaceront en masse.</p>
<p>La difficulté principale pour Joe Biden pourrait ne pas venir de la couleur de la majorité au Sénat, mais plutôt de la remise en cause du processus démocratique par le président sortant. Une bonne partie des américains verront l’administration Biden comme illégitime : <a href="https://www.npr.org/2020/12/09/944385798/poll-just-a-quarter-of-republicans-accept-election-outcome">trois quarts des républicains, soit 60 millions d’Américains</a>, continuent de croire que les élections ont été truquées ou leur ont été volées.</p>
<hr>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On lit souvent que la capacité de Joe Biden à gouverner dépendra de l’issue de la double élection à venir en Géorgie, qui déterminera la couleur politique du Sénat. La réalité est plus nuancée.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293302020-01-06T18:32:19Z2020-01-06T18:32:19ZUn vote d’impeachment contre Donald Trump : pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308517/original/file-20200105-11951-660eqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C9%2C984%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, le président de la Commission de la Chambre sur le pouvoir judiciaire Jerry Nadler (à gauche) et le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre Eliot Engel, lors d'une conférence de presse suivant le vote d'impeachment de Donald Trump, Wahington, le 18 décembre 2019. </span> <span class="attribution"><span class="source">Sarah Silbiger/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP</span></span></figcaption></figure><p>La campagne électorale de 2020 a débuté par un éclat le 18 décembre 2019 au soir, bien en amont du coup d’envoi habituel que représente le <a href="https://theconversation.com/why-the-race-for-the-presidency-begins-with-the-iowa-caucus-127173">caucus de l’Iowa</a>, prévu cette année le 3 février. Ce jour-là, la Chambre des Représentants, à majorité démocrate, a mis en accusation le président Donald Trump au double titre d’abus de pouvoir et d’obstruction à la justice, ce qui ouvre théoriquement la voie à sa destitution. Celle-ci n’aura cependant lieu qu’à la condition que le Sénat, à majorité républicaine, vote à une majorité des deux tiers en faveur de l’impeachment – une perspective qui semble inimaginable.</p>
<p>Alors que la date du procès de Donald Trump au Sénat n’est toujours pas connue, les raisons pour lesquelles les Démocrates de la Chambre basse se sont lancés dans une telle aventure ne cessent d’interroger : pourquoi donc tenter de destituer Trump sachant que peu de sénateurs républicains se risqueront à voter contre lui en l’absence d’une nouvelle bévue présidentielle ou d’un nouvel élément déterminant ?</p>
<h2>Les Républicains font bloc autour du président</h2>
<p>Le raid militaire américain qui vient d’éliminer le général iranien Ghassem Soleimani ne fournira pas une telle occasion. Au contraire, cette opération a resserré les rangs républicains. Seules quelques voix dissidentes au sein du Grand Old Party se sont fait entendre, dont celle du sénateur du Kentucky <a href="https://www.businessinsider.fr/us/rand-paul-there-will-be-war-iran-after-soleimani-killing-2020-1">Rand Paul</a>. Le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham est plus représentatif de la réaction républicaine. <a href="https://edition.cnn.com/2020/01/03/politics/lindsey-graham-suleimani-drone-strike/index.html">Prévenu personnellement en amont de l’attaque</a>, il se félicite aujourd’hui de la fermeté dont fait preuve Donald Trump. Pourtant violent adversaire de ce dernier lors des primaires de 2016, il s’est mué en défenseur acharné de l’actuelle administration depuis lors. </p>
<p>La <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201912/23/01-5254760-decryptage-lindsey-graham-traiter-trump-descroc-puis-le-defendre.php">volte-face de Lindsey Graham</a> est un exemple patent du soutien que le parti de l’éléphant offre désormais au locataire de la Maison Blanche. Discipline de parti oblige. Il n’en faut pas plus pour qu’Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts et candidate aux primaires démocrates, <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2020/01/05/soleimani-killed-iran-trump-impeachment-elizabeth-warren-sot-sotu-vpx.cnn">soupçonne</a> Trump d’avoir voulu faire diversion en donnant l’ordre de l’opération militaire iranienne. Le stratagème ne serait pas nouveau : les détracteurs de Bill Clinton <a href="https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/library/world/europe/041899kosovo-recap1.html">l’accusaient en son temps</a> de calculs similaires.</p>
<p>Trump avait déjà réagi de façon martiale en dégainant sur Twitter le 18 décembre, dès le résultat du vote de la Chambre connu, par le biais d’un portrait le mettant en scène avec le message suivant : « They’re not after me, they’re after you. » Que voulait-il dire ? Et que peuvent espérer les Démocrates dans toute cette affaire ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1207508280207011841"}"></div></p>
<h2>Une brève histoire de l’impeachment</h2>
<p>Lorsque les Pères fondateurs mirent en place la procédure, ils ignoraient l’esprit de parti si prégnant aujourd’hui. Exprimé en 1788 par la plume de l’un d’entre eux, Alexander Hamilton, le sens commun de l’époque voulait que le Sénat agisse comme la conscience morale de la République et s’élève au-dessus des « factions » – comprendre, de nos jours, les considérations partisanes – afin de juger l’accusé de façon impartiale. Il s’agissait en effet d’établir les fautes politiques de l’accusé, à savoir, comme l’expliquait Hamilton, celles qui <a href="https://avalon.law.yale.edu/18th_century/fed65.asp">font du tort à la société elle-même</a>.</p>
<p>L’impeachment ne vise pas seulement à condamner des crimes – c’est là le rôle des tribunaux réguliers –, mais à statuer sur une faute qui met en danger la collectivité dans son ensemble. Hormis des cas flagrants telle la haute trahison ou sur lesquels un consensus peut s’établir (Nixon et le Watergate en 1974), la définition d’une faute politique peut être considérée comme dépendante des considérations partisanes : les excès d’un parti sont les audaces de l’autre. En l’occurrence, aux accusations démocrates répondent les dénonciations de coup d’État qui proviennent du camp républicain. Mais si l’impeachment est ainsi dénaturé, à quoi bon s’en servir ?</p>
<h2>Une manœuvre politicienne en prévision de la présidentielle de novembre 2020</h2>
<p>La procédure visant Donald Trump intervient dans un contexte inhabituel pour le XX<sup>e</sup> siècle : elle est lancée contre un président en cours de premier mandat. Ce n’était le cas ni de Richard Nixon, ni de Bill Clinton qui, lors de leur mise en accusation, exerçaient leur second mandat et n’avaient donc pas comme horizon la perspective d’une nouvelle campagne présidentielle, mais plutôt celle de leur place dans l’Histoire. À l’inverse, la configuration actuelle a des conséquences directes sur la présidentielle à venir, ce qui n’a échappé ni à la majorité démocrate, ni à Trump.</p>
<p>L’impeachment est une arme électorale qui présente plusieurs avantages. Il permet d’abord d’informer le public qui, bombardé d’informations politiques en permanence, bénéficie avec l’impeachment d’un forum qui concentre, voire simplifie, les éléments du débat. Sans surprise, l’impeachment est aussi un stigmate qui fait adhérer Trump à un club bien exclusif (seuls trois présidents avant lui ont été ainsi mis en accusation), mais peu flatteur aux yeux de l’opinion. Dans un <a href="https://foreignpolicy.com/2019/12/19/impeachment-2020-election-inside-democrats-strategy/">article</a> publié par <em>Foreign Policy</em>, Michael Hirsh expliquait d’ailleurs que les stratèges démocrates pensent au précédent de Clinton : même s’il avait été déclaré innocent par le Sénat, la procédure de destitution avait suffisamment dégradé son image pour que les Démocrates dans leur ensemble soient handicapés pendant la décennie suivante.</p>
<p>Les Démocrates font maintenant un pari identique : en sapant suffisamment la réputation de Trump et de ses alliés – qui risquent d’être perçus comme privilégiant leur survie électorale à l’intérêt général –, ils cherchent à se positionner de la manière la plus favorable dans la course présidentielle.</p>
<p>En votant en faveur de la destitution du président, les Démocrates de la Chambre appellent donc d’abord les électeurs, et non pas leurs collègues du Sénat, à juger Donald Trump. La nature électoraliste du calcul démocrate fait ainsi écho à l’origine du scandale elle-même : le 25 juillet 2019, lors de sa conversation téléphonique avec le président ukrainien Vladimir Zelenski, Trump avait <a href="https://edition.cnn.com/2019/09/25/politics/donald-trump-ukraine-transcript-call/index.html">explicitement déclaré</a> que la poursuite de l’aide militaire américaine à l’Ukraine dépendait du déclenchement d’une enquête ukrainienne sur le fils de son probable adversaire, Joe Biden.</p>
<h2>La procédure d’impeachment, un outil de mobilisation de l’électorat</h2>
<p>Concrètement, les deux camps font maintenant le pari de la capacité mobilisatrice de l’impeachment. Trump est convaincu que la procédure va l’avantager en générant une vague de sympathie à son égard dans les rangs républicains. Les Démocrates, pour leur part, voient dans la polarisation liée à l’impeachment une carte à jouer pour mobiliser davantage leur électorat, sociologiquement plus volatil que celui des républicains : les jeunes et les minorités forment en effet un contingent important de la coalition démocrate, mais leur taux de participation est inférieur à celui des classes moyennes blanches, d’autant plus favorables aux Républicains qu’elles sont aisées.</p>
<p>Pour savoir qui aura le dernier mot, il nous faudra attendre les prochaines semaines, voire les prochains mois, par-delà le vote attendu au Sénat. Ce dernier est en fait secondaire : la mise en accusation ne prendra tout son sens qu’en novembre 2020, lors de la présidentielle. La balle est donc dans le camp des électeurs et les hostilités sont ouvertes. C’est le sens de l’image utilisée par Trump dans son tweet du 18 décembre. En se mettant en scène dans une posture qui mime celle de l’oncle Sam dans la célèbre affiche réalisée en 1917 peu après l’entrée en guerre des États-Unis <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7e/I_want_you_for_U.S._Army_3b48465u_original.jpg">(« I Want You for the U.S. Army »)</a> et en jouant sur le registre complotiste, il tente de galvaniser les électeurs par un appel guerrier à peine déguisé. Le président cherche ainsi à imposer son rythme et son style à la campagne à venir. La lutte promet donc d’être acharnée et violente ; surtout, elle montre à quel point l’esprit partisan défigure la vie politique américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vergniolle de Chantal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Démocrates savent parfaitement qu’ils n’ont aucune chance d’obtenir l’impeachment de Donald Trump. Leur objectif est de mobiliser leur électorat en vue de la présidentielle de novembre.François Vergniolle de Chantal, Professeur de civilisation américaine à l'Université de Paris (LARCA - CNRS/UMR 8225)., Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1288262019-12-12T17:48:46Z2019-12-12T17:48:46ZRégimes spéciaux : quel coût pour l’État ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/306681/original/file-20191212-85367-v3jwtj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C15%2C1005%2C665&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les droits spécifiques comme la possibilité de partir en retraite plus tôt coûteraient entre 2 et 3&nbsp;milliards d’euros par an au contribuable.</span> <span class="attribution"><span class="source">Christophe Archambault / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, si 80 % des actifs dépendent du régime général des salariés du privé, il existe encore d’autres grands types de régimes des retraites : le régime de la fonction publique subdivisé en fonction publique d’État, fonction publique territoriale et hospitalière ; les 11 régimes des indépendants ; et enfin une vingtaine de régimes spéciaux propres à un métier ou à un secteur d’activité qui ne relève ni de la fonction publique ni des indépendants.</p>
<p>Si ces derniers offrent tous des retraites plus avantageuses (la palme revenant de loin aux sénateurs, puisqu’un euro cotisé leur assure sur fonds publics 6 euros de prestation, contre 1,5 euro dans le régime général), ils restent numériquement anecdotiques, à l’image de celui de l’Opéra de Paris et de la Comédie française, ou en voie d’extinction comme le régime des mineurs.</p>
<p>Les enjeux de financement public ne concernent vraiment que trois régimes : celui des industries électriques et gazières (IEG) qui regroupe 158 entreprises comme EDF et Engie, celui de la SNCF et celui de la RATP.</p>
<h2>Des avantages toujours importants</h2>
<p>Les pensions des régimes spéciaux sont aujourd’hui plus élevées que dans la fonction publique, elles-mêmes supérieures au secteur privé. Ainsi pour les nouveaux retraités de 2017, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète s’élève à 3 592 euros pour les IEG, à 2 636 euros à la SNCF et à 3 705 euros à la RATP contre 2 206 euros pour les fonctionnaires civils de l’État.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306672/original/file-20191212-85428-1g0rfbo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Cour des comptes, selon les données des régimes.</a></span>
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<p>Ces écarts, qui s’expliquent en partie par des écarts de qualification, se sont accrus depuis 2010. Selon la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Cour des comptes</a>, les écarts sont significatifs puisque les retraités ayant accompli une carrière complète nés entre 1940 et 1946 perçoivent, à la RATP et de la SNCF une pension supérieure de 24 % de celle des anciens salariés du secteur privé des transports.</p>
<p>Quant à la pension de réversion, versée au conjoint ou à la conjointe en cas de décès, elle est, comme dans la fonction publique, versée sans condition d’âge ou de ressources.</p>
<p>Autre différence majeure, l’âge conjoncturel moyen de départ à la retraite est toujours plus bas : en 2017 il est de 57,7 ans pour les IEG, 56,9 ans pour la SNCF et 55,7 ans pour la RATP, contre 61 ans dans la fonction publique civile d’État et la fonction publique territoriale, et 63 ans dans le régime général. Si l’on constate en 10 ans une élévation de un à deux ans pour l’ensemble des régimes, l’écart avec la fonction publique ne se réduit pas, l’âge conjoncturel de départ ayant même augmenté plus vite dans la fonction publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306673/original/file-20191212-85422-5uqy5y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Cour des comptes, selon les estimations par les régimes des âges conjoncturels de départ à la retraite</a></span>
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<p>Il faut toutefois noter qu’il n’y a pas de différence dans l’espérance de vie à 60 ans des hommes entre ces régimes : celle des retraités du privé estimée en 2010 à 22,9 ans dans les IEG, 22,1 ans à la SNCF, 22,0 ans à la RATP et, selon l’Insee, à 22,4 ans au sein de la population française, il en est de même quand on compare des catégories professionnelles proches (cadres, employés, ouvriers).</p>
<h2>Financements publics en hausse</h2>
<p>Si les cotisations salariales et patronales qui assurent l’équilibre du régime général ne permettent pas aux trois régimes d’être financés, il existe des différences notables entre eux. Ainsi, l’ensemble de ces cotisations représentent 68 % de pensions de retraite pour les IEG, mais seulement 36 % à la SNCF et 41 % à la RATP.</p>
<p>Dans le détail, les salariés cotisent à hauteur de 12,73 % de leur salaire dans les IEG, à 9,06 % à la SNCF et à 12,95 % à la RATP, contre 11,31 % dans le régime général du secteur privé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306675/original/file-20191212-85376-5z8gbh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Comptes de la CRP RATP, de la CPRP SNCF et de la CNIEG.</a></span>
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<p>Chez les employeurs, les entreprises des IEG versent des cotisations supérieures de 70 % de celles des employeurs du privé et la SNCF de 30 %, la RATP versant des cotisations équivalentes aux employeurs privés. Pour les trois régimes, l’équilibre du système est toujours assuré in fine sur fonds publics.</p>
<h2>Subvention démographique</h2>
<p>Selon les dernières données concernant l’année 2017, ces financements publics s’élevaient au total à 5,5 milliards d’euros, soit 28 % des retraites dans le cas des IEG, 62 % à la SNCF et 59 % à la RATP, en hausse au cours de la dernière décennie (+8 points pour le régime de la RATP, +5 points pour le régime de la SNCF et +2 points pour celui des IEG). `</p>
<p>Pour les IEG, le financement public passe par la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) une taxe affectée payée par tous les consommateurs (à l’exception des personnels et des retraités des IEG), représentant plus d’1,5 milliard d’euros en 2017. Pour la SNCF et la RATP il s’agit d’une dotation annuelle de l’État, respectivement de 3 280 et 681 millions d’euros, pour ce total de financement public d’équilibre de 5,5 milliards d’euros.</p>
<p>Une part importante du financement public compense le déficit démographique de ces régimes, car leur ratio nombre de cotisants/retraités est plus dégradé que la moyenne nationale ce qui implique, dans un régime par répartition, une subvention dite démographique. En effet, le régime général concerne 18 millions d’actifs pour 15 millions de pensionnés, mais les trois régimes comptent tous plus de retraités que de cotisants.</p>
<p>Ainsi les IEG versent 175 000 pensions (dont environ 135 000 de droits directs et 40 000 réversions) pour 140 000 salariés, la SNCF 261 000 pensions (dont 177 000 de droit direct) pour 143 000 cotisants et la RATP 46 000 pensions (dont 35 000 de droit direct) pour 42 000 cotisants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=145&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=145&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=145&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306678/original/file-20191212-85367-1dd2jjh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-07/20190716-rapport-regimes-speciaux-retraite.pdf">Cour des comptes, d’après les données des régimes.</a></span>
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</figure>
<p>La subvention publique s’explique donc en partie par cette subvention démographique qui représente en 2017 environ 60 % du total des financements publics (2,2 milliards d’euros) à la SNCF, un tiers chez les IEG, (800 millions d’euros), mais seulement 10 % des financements publics à la RATP (80 millions d’euros au plus). Au total, pour les trois régimes, on peut estimer la subvention démographique à un peu plus de moitié des financements publics (environ 3 milliards d’euros).</p>
<h2>Droits spécifiques</h2>
<p>Connaissant le coût du financement public pour chacun des trois régimes à savoir 1,5 milliard pour l’IEG, 3,3 milliards pour la SNCF et 700 millions pour la RATP, ainsi que le coût de la compensation démographique, il est aisé d’en déduire le coût des avantages catégoriels octroyés par les trois régimes pour les contribuables, comme la possibilité de partir plus tôt à la retraite.</p>
<p>Toujours en 2017, il est au total de 2,5 milliards, soit 700 millions pour l’IEG, 1,1 milliard pour la SNCF et 700 millions pour la RATP. Il représente environ 55 % des droits spécifiques des régimes IEG et SNCF et même 100 % des droits spécifiques versés par le régime de la RATP (au moins 260 millions d’euros).</p>
<p>Les <a href="https://www.ladepeche.fr/2019/12/11/retraites-edouard-philippe-detaille-la-reforme-voici-ce-qui-nous-attend,8597253.php">grandes lignes</a> de la réforme des retraites annoncées le 11 décembre par le premier ministre Édouard Philippe prévoient une lente convergence des régimes de retraite vers un régime universel à points qui ne s’appliquera vraiment que <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/reforme-des-retraites-voici-le-calendrier-de-janvier-2020-a-2066_fr_5df12933e4b0b75fb5368407">dans plusieurs années</a>.</p>
<p>D’ici là les avantages catégoriels de ces trois grands régimes spéciaux salariés resteront financés par les contribuables à hauteur de 2 à 3 milliards d’euros par an.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2017, 5,5 milliards d’euros ont été dépensés par l’État pour financer le déséquilibre démographique et les droits catégoriels des trois grands régimes spéciaux de retraite.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1191352019-06-23T20:21:00Z2019-06-23T20:21:00ZRéforme des institutions : mais qu’allait faire Macron dans cette galère ?<p>Mais pourquoi s’était-il engagé dans cette manœuvre délicate ? Le président Macron avait mis l’accent, le 3 juillet 2017, sur cet objectif lors de son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/07/03/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres">discours-fleuve devant le Congrès</a> : je veux changer les institutions. Remodeler les règles de fonctionnement de la V<sup>e</sup> République, quoi de plus tentant pour un président qui voulait redonner sa stature au nouveau locataire de l’Élysée ? <a href="https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">Il s’y était engagé durant la campagne</a>.</p>
<p>Mais depuis, ce projet de réforme l’encombre inutilement et le discours de politique générale de son premier ministre, le 12 juin dernier, s’il maintient un certain nombre d’éléments, vient liquider provisoirement l’opération :</p>
<blockquote>
<p>« Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut-être ne viendra qu’après le renouvellement de la Haute Chambre en 2020 ».</p>
</blockquote>
<p>D’ici là…</p>
<h2>La bataille des effectifs parlementaires</h2>
<p>La réduction du nombre de parlementaires vise moins à réaliser des économies (peu à la mesure des enjeux) qu’à redéployer celles-ci en faveur d’un travail « de contrôle et d’évaluation des politiques publiques ». Un tel discours est cohérent avec celui voyant dans la haute administration l’origine de tous les maux.</p>
<p>Mais elle ne devrait pas améliorer l’efficacité des assemblées. Au contraire, si l’on considère que, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le centre de gravité est descendu dans les commissions de l’Assemblée nationale – à tel point <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2018-3-page-563.htm">que les postes de rapporteur sont désormais prisés</a> –, il est préférable que celles-ci demeurent bien garnies.</p>
<p>C’est d’ailleurs dans l’essor de ces commissions et le <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-3-page-71.htm">plein recours aux possibilités qui s’offrent</a> à elles que le vrai contrôle parlementaire peut s’exercer. Encore faudrait-il qu’elles se voient affecter de vrais moyens humains (à l’instar du parlement britannique ou du Congrès américain) et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/18/amelie-de-montchalin-nous-n-avons-pas-les-moyens-d-une-veritable-evaluation_5216899_823448.html">qu’elle puisse contraindre l’administration</a> à fournir les données et <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2018-3-page-69.htm">ouvrir ses archives</a>. Or rien n’a été véritablement envisagé en ce sens.</p>
<p>Le président a depuis abaissé son projet de réduction du nombre de parlementaires de 30 à 25 %, mais les exigences de Gérard Larcher – qu’après la réforme le nombre de départements tombant à un député et un sénateur ne dépasse pas la vingtaine – <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/06/04/reforme-constitutionnelle-la-majorite-fait-semblant-d-y-croire_1731695">limiteraient la baisse à 12 ou 13 %</a>. Difficile de compenser en réduisant davantage les effectifs des départements les plus peuplés, donc urbains sans risque de constitutionnalité (rupture d’égalité dans la représentation des citoyens).</p>
<p>Ajoutons que cette surreprésentation des territoires ruraux n’enthousiasme pas les responsables d’En marche, mouvement essentiellement urbain, alors que l’accroissement de la taille des circonscriptions (par réduction du nombre de députés élus au scrutin uninominal) tendrait à privilégier les mouvements politiques les plus importants.</p>
<p>Enfin, la France ne <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/04/04/reforme-des-institutions-les-parlementaires-francais-seront-parmi-les-moins-nombreux-d-europe_5280714_4355770.html">se caractérise pas par un nombre pléthorique de parlementaires</a> au regard de sa population et si l’on maintient le principe de la démocratie représentative, il faut garder un rapport raisonnable entre le député et le nombre de citoyens qui peuvent le saisir – ce que la <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/5q2irsnng980qqdr3uuhp5cc04/resources/wp-75-ehrhard-rozenberg.pdf">réforme mettrait en danger</a>.</p>
<h2>La proportionnelle, une dose pour rien ?</h2>
<p>Le recours à la proportionnelle, quant à lui, a été plaidé par divers projets de réformes : le comité Balladur sur la modernisation des institutions en 2007, la commission Jospin sur la rénovation de la vie publique en 2012, et le groupe de travail de Claude Bartolone et Michel Winock sur l’avenir des institutions en 2015. Il est désiré par des partis nouant difficilement des alliances (Rassemblement national, France insoumise).</p>
<p>Le scrutin proportionnel reflète plus honnêtement la réalité des préférences politiques de nos concitoyens et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/29/la-proportionnelle-pour-quoi-faire_5153129_3232.html">peut se traduire par un regain possible de participation</a>. Il a été <a href="https://en-marche.fr/articles/discours/meeting-macron-strasbourg-discours">présenté comme tel par le candidat Macron</a>.</p>
<p>Toutefois, une <a href="http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/540/original/Terra-Nova_Modes-de-scrutin_190318.pdf?1521457070">étude du think tank Terra Nova</a> montre qu’en dessous d’une dose de 25 %, l’impact est assez secondaire sur la formation d’une majorité. Or, la dose proposée par le projet est de 15 %.</p>
<p>Enfin, notons la limitation (à trois) dans le temps du nombre des mandats de parlementaires et de présidents d’exécutif : les assouplissements en cours de préparation ont finalement permis d’établir un consensus avec le Sénat.</p>
<h2>La tentation de la procédure accélérée</h2>
<p>L’exécutif souhaite d’abord accélérer l’élaboration des textes en reprenant la maîtrise de l’agenda parlementaire, dont le partage avait été rééquilibré à son détriment par la réforme de 2008 (deux semaines sur quatre à l’initiative des députés). Le projet de loi redonne à l’exécutif une de ces deux semaines. Mais la <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-3-page-37.">pratique depuis 2008 voyait déjà cette semaine</a> concédée aux projets de loi gouvernementaux.</p>
<p>Ensuite, le recours plus systématique à la procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre) ne fait que confirmer une dérive déjà constatée dans la pratique ces dernières années.</p>
<p>Enfin, pour accélérer le processus de navette à l’issue de la commission mixte paritaire, le gouvernement désirait pouvoir demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur le dernier texte qu’elle avait voté après une dernière lecture au Sénat.</p>
<p>Une telle modification, peu substantielle et confortée par l’<a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/projet-de-loi-constitutionnelle-pour-une-democratie-plus-representative-responsable-et-efficace">avis du Conseil d’État</a> sur le projet déposé en mai 2018, nécessite néanmoins une loi constitutionnelle, entérinée par un vote à la majorité dans les deux assemblées – et donc avec les voix de la droite sénatoriale –, puis par les 3/5<sup>e</sup> du Parlement réuni en Congrès ou par référendum.</p>
<h2>Le droit d’amendement préservé</h2>
<p>Le droit d’amendement, que le projet gouvernemental voulait sérieusement réduire, n’est en fait pas véritablement entamé. Il s’agissait d’empêcher que la multiplication abusive de ceux-ci ne masque une volonté d’obstruction. En fait, la mise en place du temps législatif programmé (TLP) à l’Assemblée nationale permet déjà de fixer à l’avance la durée de l’examen d’un texte en séance, évitant ainsi cet écueil.</p>
<p>Avec la réforme auraient été désormais irrecevables les « propositions ou amendements qui ne sont pas du domaine de la loi », qui sont « sans lien direct avec le texte » ou sont « dépourvus de portée normative ». Le gouvernement peut déjà largement déclarer l’irrecevabilité des amendements sans lien avec le texte en discussion.</p>
<p>Les deux autres items sont bienvenus, et la jurisprudence du <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-normativite-de-la-loi-une-exigence-democratique">Conseil constitutionnel censure les textes incantatoires</a>, et devrait, au fil des saisines, préciser ce concept encore flottant qu’est la normativité d’un texte.</p>
<h2>Le RIP plutôt que le RIC</h2>
<p>Dévoilé dans ses grandes lignes dans l’<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/05/31/macron-relance-sa-reforme-constitutionnelle_5469737_823448.html">édition du Monde du 31 mai</a>, le projet de réforme des institutions, remanié après le grand débat national et confirmé dans le discours de politique générale du premier ministre prendrait acte de l’évolution de l’humeur et du contexte en renvoyant aux assemblées le soin de décider de l’évolution de leur procédure.</p>
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<p>Il aborderait, en revanche la question du référendum en renforçant les possibilités de recours au référendum d’origine présidentielle (article 11 C) et en assouplissant les modalités de déclenchement du référendum d’initiative partagée (excuse pour enterrer l’autrement plus dangereux référendum d’initiative citoyenne) : si celui-ci est facilité en abaissant le seuil de déclenchement tant du côté du nombre des citoyens que de parlementaires soutenant l’initiative, son effet serait encadré.</p>
<p>En effet, il ne pourra pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition promulguée « depuis moins de trois ans », au lieu d’un an dans la rédaction actuelle, ni d’« une disposition en cours de discussion au Parlement ». L’exécutif tire les leçons de la surprise créée par l’initiative de parlementaires de gauche et de droite désireux d’empêcher la privatisation d’Aéroports de Paris, dont le RIP <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/20191RIP.htm">a reçu le feu vert du Conseil constitutionnel</a>.</p>
<h2>Une réforme pas si urgente</h2>
<p>Le Président a également concédé un renforcement de la décentralisation (dont seul le droit à la différenciation dans l’application des normes et la spécificité corse nécessitent une révision constitutionnelle) et a précisé la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-economique-social-et-environnemental-une-institution-meconnue-meprisee-et-precieuse-115093">transformation du CSE</a> comme une chambre de la démocratie participative pouvant recourir à des consultations de citoyens tirés au sort.</p>
<p>Dans son discours de politique générale, Édouard Philippe attribue implicitement le report de la réforme à la résistance du Sénat. Rien n’interdit pourtant de faire voter l’introduction de la proportionnelle par la loi ordinaire, ni la réduction du nombre de parlementaires par la loi organique. Pour cette dernière, un vote identique ne pouvant être acquis, il reviendrait à l’exécutif de prendre le risque de recourir au référendum, dont le sujet passionnerait peu, sauf à se transformer en plébiscite pour ou contre le gouvernement.</p>
<p>Au fond, le rythme élevé des réformes mené par l’actuel gouvernement semble prouver que… la réforme n’est pas si urgente. Car l’impensé des réformes permet de faire l’économie de l’élément clé : le fait majoritaire qui, si la discipline des partis perdure – et les députés d’En marche ont répondu aux attentes de l’exécutif en la matière – rend un peu vaine toute sophistication des procédures de contrôle parlementaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Prost est secrétaire général de l'association «Services Publics».</span></em></p>Remodeler les règles de fonctionnement de la Vᵉ République, quoi de plus tentant pour un président qui voulait redonner sa stature au nouveau locataire de l’Élysée ?Yannick Prost, enseignant en relations internationales (Sciences Po) - responsable de l'unité d'enseignement "aire juridique et administrative'" (Master Lisi, UFR EILA, Université Paris VII Denis DIderot), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1155132019-06-05T20:47:17Z2019-06-05T20:47:17ZSénégal : des mutuelles mieux adaptées pour les travailleurs du secteur informel<blockquote>
<p>« Tous les jours quand je me réveille je prie pour que ni moi, ni mes parents ne tombions malades parce que je n’aurai pas les moyens de me soigner. » (M.T., couturière, 44 ans, mère de 2 enfants)</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase est assez classique dans le discours des travailleurs du secteur informel au Sénégal. Une <a href="http://www.aho.afro.who.int/sites/default/files/ahm/reports/661/ahm1711.pdf">étude</a> sur les dépenses catastrophiques de santé montre qu’en 2011, la contribution des ménages au financement de la santé était toujours élevée au Sénégal, notamment en raison de dépenses majeures en médicaments.</p>
<p>Cette étude révélait que 2,59 % des ménages avaient effectué des dépenses catastrophiques et 1,78 % des ménages étaient tombés dans la pauvreté en 2011, alors que ce taux était de 0,96 % en 2005.</p>
<p>En 2015, le taux de croissance du Sénégal, a tout de même <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal/overview">atteint</a> 6,5 % (le taux le plus haut depuis 2003), un chiffre qui semble s’être maintenu durant les années 2016 et 2017. Dans ce contexte de croissance comment expliquer que les travailleurs soient toujours aussi vulnérables ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Fatoumata Hane, maîtresse de conférence en anthropologie à l'université Ziguinchor au Sénégal (AFD).</span></figcaption>
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<h2>De nombreuses initiatives dont l’efficacité reste mitigée</h2>
<p>Certes différentes initiatives ou mécanismes ont été instaurées pour faciliter l’accès aux soins de santé des plus pauvres ou « indigents ».</p>
<p>Parmi les <a href="https://www.jstor.org/stable/90013898">nombreux dispositifs</a>, citons la loi n°62-29 sur les certificats d’indigence permettant une <a href="http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/demarche/1/856">aide financière ponctuelle</a>, la ligne budgétaire de secours aux nécessiteux des communes, les services sociaux des hôpitaux ou encore les interventions ponctuelles de la Caisse de Sécurité Sociale et la prise en charge d’indigents par les <a href="https://journals.openedition.org/economiepublique/8820?file=1">mutuelles de santé</a>.</p>
<p>Cependant, comme l’indique le sociologue Eric Baumann, ces dispositifs interviennent « dans des proportion extrêmement réduites » et <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/39836120.pdf">restent souvent méconnus</a> de la population cible.</p>
<h2>Un secteur informel largement exclu</h2>
<p>Par ailleurs, le système de santé basé sur le paiement direct exclut de l’accès aux soins une large part de la population, à savoir les travailleurs du secteur informel.</p>
<p>En effet, si l’économie sénégalaise repose principalement sur l’agriculture, pilier des politiques économiques et sociales, la dernière enquête nationale <a href="http://www.ansd.sn/ressources/rapports/Rapport-final-ENSIS.pdf">sur le secteur informel</a> indique ce dernier emploie 48,8 de la population active.</p>
<p>Comme le montre une <a href="http://www.dpee.sn/IMG/pdf/etude_secteur_informel.pdf">étude</a> le secteur informel est largement dominé par le commerce qui réalise 64 % du chiffre d’affaire et 37 % de la valeur ajoutée. En outre, l’ensemble des services créent environ 72 % de la valeur ajoutée du secteur informel suivi par le secondaire avec 27,4 %.</p>
<p>Ce dernier est dominé par les industries alimentaires et le BTP qui ont créé respectivement 35,4 % et 34,6 % de la valeur ajoutée du secteur. Concernant les industries alimentaires informelles, leurs activités sont dominées par la transformation des produits halieutiques et la fabrication de glace. Pour ce qui est du BTP, la présence de l’informel se fait ressentir dans toute la chaine des activités de construction.</p>
<h2>Un manque de protection</h2>
<p>Cependant ces travailleurs du secteur informel sont exclus des systèmes de protection sociale institutionnalisés comme le montre le tableau suivant, dont les données datent de 2007.</p>
<p>Il présente les régimes de protection contre le risque maladie. Comme le montre le tableau, seules les personnes salariées ou ayant souscrit des assurances privées sont couvertes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>C’est donc pour répondre à ce manque de protection contre le risque maladie des travailleurs du secteur informel que sont nées, dès la fin des années 80’, des mutuelles de santé.</p>
<h2>Une culture mutualiste pour les travailleurs informels</h2>
<p>Trois phases marquent le développement des mutuelles de santé au Sénégal : la phase de naissance (avant 1994), la phase de diffusion (1994-98) et la <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">phase d’engagement, depuis 1998</a>.</p>
<p>La mutuelle de Fandène, dans la région de Thiès, créée en 1988 et première mutuelle de santé du Sénégal fait office de pionnière.</p>
<p>Ancrée au sein des communautés et forte de son succès (taux de pénétration élevé) ainsi que de sa pérennité, elle constitue une référence dans le pays. Encore aujourd’hui elle régulièrement invoquée comme preuve d’une culture mutualiste au Sénégal et du potentiel des mutuelles communautaires à protéger efficacement les travailleurs du secteur informel et rural contre le risque maladie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mutuelle de Sante au Sénégal : la mutuelle pionnière est celle de Fandène dans la région de Thiès.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.laviesenegalaise.com/couverture-maladie-universelle-660-mutuelles-de-sante-mises-place-senegal">Laviesénégalaise</a></span>
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</figure>
<p>En 2015, une étude expliquait le « fondement de la résilience et de la pérennité » de la mutuelle de Fandène par « les conditions de sa création, les caractéristiques de sa population cible, la réciprocité élargie, la gouvernance, la confiance et la conscience critique des membres ainsi que la qualité des soins ». Cette recherche mettait cependant en avant la <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">difficulté</a> pour des mutuelles de petite taille et à adhésion volontaire de contribuer à la couverture universelle.</p>
<h2>Un modèle soutenu progressivement par l’État</h2>
<p>Le modèle mutualiste s’est rapidement diffusé dans d’autres régions du pays. En 1997, le Sénégal comptait 19 mutuelles. Dix ans plus tard, on en dénombrait 129. Les mutuelles de santé ont obtenu l’appui de nombreuses organisations nationales et internationales. L’Etat s’est aussi progressivement impliqué dans la promotion et l’appui aux mutuelles de santé.</p>
<p>En 1998, la Cellule d’Appui aux Mutuelles de santé, IPM et comités de santé (CAMICS) est créée au sein du Ministère de la Santé. Enfin, un Plan Stratégique de Développement des Mutuelles de Santé au Sénégal est élaboré en 2004.</p>
<p>Outre la communication auprès des publics cibles, l’État soutient notamment le développement des capacités d’implantation, d’organisation et d’extension des mutuelles de santé (communautaires et socio-professionnelles).</p>
<h2>La couverture santé universelle : une réflexion plus longue</h2>
<p>La réflexion sur la Couverture Santé Universelle (CSU), l <a href="https://www.afro.who.int/fr/news/lancement-officielle-de-la-couverture-maladie-universelle-au-senegal">ancée officiellement à Dakar en 2013</a>, n’a été initiée qu’ en 2008. Elle se base sur deux constats.</p>
<p>D’une part, les réformes initiées durant les « années 90 », à savoir le recouvrement des coûts et la réforme hospitalière, ont eu un impact négatif sur l’accessibilité financière aux soins de santé. D’autre part, les différents programmes visant à faciliter l’accès aux soins de santé pour les plus pauvres et les groupes vulnérables se sont révélés inefficaces et ne concernaient qu’une faible proportion de la population concernée.</p>
<h2>Un nouveau programme centré sur les mutuelles</h2>
<p>C’est dans ce cadre que s’inscrit le programme Décentralisation de l’Assurance Maladie (DECAM) financé par l’USAID et qui repose sur l’<a href="https://pdfs.semanticscholar.org/2f4c/7601df7c4d9c4b092043cf7b7621f7221f6d.pdf">appui au développement de mutuelles de santé communautaires</a> dans chaque collectivité territoriale. Ce régime s’adresse donc à l’ensemble des résidents des collectivités territoriales, à l’exception de ceux qui bénéficient déjà d’une couverture maladie basée sur l’emploi.</p>
<p>Le DECAM couvre un paquet minimum de bénéfices qui est harmonisé (comprenant les services des postes et centres de santé) ainsi qu’un paquet complémentaire (comprenant les services des hôpitaux).</p>
<p>Ces services sont pris en charge à 80 %, et à 50 % pour les médicaments de spécialités vendus dans les officines privées ayant signé une convention avec la mutuelle de santé. Les maladies chroniques ne sont pas prises en charge dans le paquet de soins. Le paquet de base est géré par la mutuelle de santé, alors que le paquet complémentaire, financé par la subvention de l’État, est géré par l’union départementale des mutuelles.</p>
<h2>Des enjeux exigeant des dispositifs de financement innovants</h2>
<p>L’adhésion aux mutuelles de santé est organisée sur une base familiale ou de groupe (l’adhésion individuelle est prévue comme « l’exception »). Elle coûte 1000 FCFA (1,52 euros) et la cotisation annuelle est fixée à 7000 FCFA (10,61 euros) par bénéficiaire. Cependant, cette cotisation est subventionnée à 50 % par l’État.</p>
<p>En 2019, le taux d’enrôlement dans les mutuelles de santé est <a href="https://fr.allafrica.com/stories/201801260358.html">estimé à 47 %</a> alors que l’objectif pour le taux de couverture en 2021 est fixé à 80 %, mais il intègre les <a href="https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/226717/1/Les%20mutuelles%20de%20sant%C3%A9%20subventionn%C3%A9es%20comme%20instruments%20de%20la%20CMU%20au%20S%C3%A9n%C3%A9gal.pdf">bénéficiaires des différents programmes</a> de gratuité et les bénéficiaires du programme Bourse Sécurité Familiale (BSF), ce qui cache mal la faible adhésion aux mutuelles qui tourne autour de 17 %. Ce qui montre l’enjeu autour de la politique des chiffres.</p>
<p>Aujourd’hui, les enjeux autour du financement de la CSU restent un défi majeur pour sa pérennité au Sénégal d’où la réflexion en cours sur la mobilisation de financements innovants comme la taxe sur les <a href="http://www.loggos.fr/2015/08/08/la-taxation-des-appels-entrants/">appels téléphoniques entrants</a>, une Couverture Maladie Universelle <a href="https://cio-mag.com/senegal-la-cmu-va-mettre-en-ligne-une-plateforme-pour-financer-lacces-a-la-sante/">impliquant la diaspora</a> ou le financement de la CSU par les ressources minières, s’alignant sur une <a href="https://afro.who.int/node/8825">proposition togolaise</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans une série d’articles consacrée au travail informel et ses défis dans le monde.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fatoumata Hane a présenté une communication lors d'un colloque sur le travail informel à l'AFD en avril 2019, dont cet article est issu. </span></em></p>Au Sénégal, les travailleurs du secteur informel sont particulièrement désavantagés dans l’accès aux soins. Mais ils s’organisent grâce à un système de mutuelles en plein essor.Fatoumata Hane, Socio-anthropologue, Université Assane Seck de ZiguinchorLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179432019-06-03T20:03:29Z2019-06-03T20:03:29Z80 km/h : game over ?<p>Il avait ouvert le jeu <a href="https://theconversation.com/baisse-des-limitations-de-vitesse-a-80-km-h-une-mesure-de-bon-sens-politique-89611">par un tweet en décembre 2017</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis favorable aux 80 km/h sur les routes bidirectionnelles nationales et départementales : deux tiers des accidents se concentrent sur ces tronçons de route. »</p>
</blockquote>
<p>En mai 2019, il a semblé acter la fin de la partie d’une phrase :</p>
<blockquote>
<p>« Si les présidents des conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n’y vois aucun inconvénient. »</p>
</blockquote>
<p>Moins d’un an après l’application du 80 km/h, le premier ministre dépose les armes. Se disant jusque-là prêt à assumer l’impopularité de la mesure, Édouard Philippe s’est renié, au plus mauvais moment, à la veille d’une élection. Ceux qui voyaient dans la mesure l’expression « du courage en politique » regardent avec sidération celle-ci se muer en déroute à visée électoraliste, quelques jours à peine avant la confirmation <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/29/la-mortalite-routiere-atteint-son-plus-bas-historique-en-2018_5469262_3224.html">des résultats « historiques » de l’année 2018</a>. Comment en est-on arrivé là ?</p>
<h2>Un choix politique initial adossé à des études scientifiques</h2>
<p>L’adoption de cette mesure, en janvier 2018, a surpris l’opinion publique. Elle s’explique pourtant aisément au regard d’une conception rationnelle – certains diront technocratique – de l’action publique. La mobilisation des savoirs experts et des données probantes est placée au cœur de la prise de décision.</p>
<p>Pour l’exécutif, le problème est clairement défini : il faut inverser la courbe de l’accidentalité, <a href="https://theconversation.com/securite-routiere-une-politique-au-point-mort-82852">mettre rapidement un terme aux résultats décevants du quinquennat précédent</a> et réaffirmer le pilotage de cette politique par l’exécutif, auquel l’opinion publique impute les résultats.</p>
<p>Depuis de nombreuses années, des travaux scientifiques internationaux établissent une corrélation entre la baisse des vitesses de circulation, celle du nombre des accidents et des tués. Cet abaissement à 80 km/h est réclamé par le comité des experts du <a href="https://www.lemonde.fr/securite-routiere/article/2015/03/17/demission-de-deux-experts-de-la-securite-routiere_4595271_1655513.html">Conseil national de la sécurité routière</a> (CNSR) depuis 2013 et soutenu par des associations mobilisées. Bernard Cazeneuve a lancé des expérimentations en 2015. Des chiffres peuvent être mis en avant : 300 à 400 vies seront épargnées. La mesure est également accompagnée d’une évaluation au bout de deux années.</p>
<p>Cette réorientation politique répond à l’échec des autres outils en vigueur. L’efficacité des dispositifs automatisés de contrôle des vitesses est mise à mal par les plates-formes collaboratives et les détecteurs de radars. Il faut renouveler la boîte à outils de la sécurité routière.</p>
<p>Quant à la méthode, elle s’inspire de celle suivie par le gouvernement de Jacques Chirac en 2002 : une responsabilité de la réforme fermement assumée au sommet de l’État – ce qui avait alors fait taire les oppositions, notamment de ministres – et une mise en œuvre rapide permettant de ne pas entrer en discussion avec les nombreuses parties prenantes, en particulier les collectivités territoriales concernées.</p>
<h2>Une politisation de la politique de sécurité routière</h2>
<p>Cette vision dépolitisée de l’action publique, reposant sur des données probantes et l’adoption de ce qui marche ailleurs, apparaît à l’automne 2017 pleinement en phase avec l’alternance politique qui vient d’avoir lieu et l’état d’esprit d’un nouveau gouvernement qui entend promouvoir une action qui soit « et de droite et de gauche ».</p>
<p>Elle s’oppose cependant à une autre vision de la fabrique des politiques publiques, qui accepte les présupposés idéologiques, prête l’oreille aux groupes de pression et s’applique à surfer sur les vagues de l’opinion publique. On utiliserait, aujourd’hui, le terme d’acceptabilité sociale. C’est ce mode, plus classique, de fabrique de l’action publique qui a fini par s’imposer ici du fait d’une politisation de la politique de sécurité routière sans doute mal anticipée par le gouvernement.</p>
<p>Cette politisation de la politique de sécurité routière se voit d’abord dans le fait que des acteurs et des groupes politiques, ici essentiellement situés à droite de l’échiquier politique, réinscrivent la sécurité routière à leur agenda. Il s’agit notamment des <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/80-kmh-comment-les-republicains-veulent-profiter-de-la-mobilisation-contre-la-mesure-3597467">Républicains</a> et du <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2018/06/10/2814837-le-rassemblement-national-au-chevet-de-la-securite-routiere.html">Rassemblement national</a>.</p>
<p>Ces investissements partisans contribuent à diffuser pêle-mêle l’idée d’une mesure témoignant du paternalisme et de l’autoritarisme de l’État central ou encore du caractère liberticide et de la visée punitive des politiques menées. Ils nient même l’ambition de sécurité routière des mesures gouvernementales pour n’y voir qu’une opportunité supplémentaire de levée fiscale.</p>
<h2>L’enjeu de la sécurité routière relégué au second plan</h2>
<p>Cette politisation de la sécurité routière est aussi visible dans la mobilisation des élus. Des sénateurs, porte-voix traditionnel des élus locaux et départementaux, se sont plus particulièrement emparés du dossier : la création d’une commission chargée de faire des propositions au gouvernement en témoigne, comme l’expression médiatique de membres du Sénat et le <a href="http://www.leparisien.fr/politique/le-senat-donne-la-possibilite-aux-departements-de-revenir-sur-les-80-km-h-27-03-2019-8040831.php">vote de mesures</a>.</p>
<p>Enfin, les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/dijon/cote-90-routes-departementales-vont-repasser-90-kmh-annonce-francois-sauvadet-1670407.html">présidents des Conseils départementaux ont pris la parole</a>, sur cette question, au nom du « bon sens », de leur responsabilité et de leur connaissance particulière des routes et des usagers de leur département.</p>
<p>Cette phase de politisation opère une redéfinition du problème et une relégation de l’enjeu de la sécurité routière et des réponses scientifiques. Les acteurs politiques ont ainsi promu des problématiques plus larges et usé d’argumentaires qui relèguent l’enjeu de sécurité routière au second plan.</p>
<p>Ils se mobilisent contre le mépris de l’exécutif et « le parisianisme » de la mesure, mettent l’accent sur la dégradation des infrastructures routières et le respect par l’État des compétences qu’il a abandonnées aux territoires ou encore la faiblesse du nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics situés aux différents échelons. Bref, la tentation technocratique issue de l’alternance se heurte au retour du politique.</p>
<h2>Six mois de préparation, et de controverses</h2>
<p>Le retour du politique se lit aussi dans les mobilisations qui se développent tout au long des six mois qui précèdent la mise en œuvre en juillet 2018. Le long semestre dévolu à la préparation de l’installation des nouveaux panneaux a autorisé la mobilisation des différents porteurs d’enjeux concernés. Ce sont six mois de mise en controverse de la mesure. Ils ont autant servi que desservi le gouvernement et ses soutiens au sein de la société. Ils leur ont ainsi permis de communiquer et de <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/departements-par-departements-les-cartes-des-routes-ou-la-mortalite-est-la-plus-elevee-en-france-3684296">construire un discours scientifiquement argumenté</a>.</p>
<p>Ils ont également permis au premier ministre de réaffirmer la solidité de ses convictions face à une opinion publique défavorable et ainsi de s’en tenir à son refus d’amender la mesure ou de faire des élus territoriaux des interlocuteurs incontournables sur ce sujet.</p>
<p>Mais, en six mois, les opposants à la décision ont aussi pu développer les enjeux politiques du débat et échafauder à partir de là une coalition d’opposants à la mesure, allant bien au-delà des acteurs de la sécurité routière : la mise en scène de l’opposition entre Paris et la province, la dénonciation du mépris des élus locaux et de l’aveuglement technocratique, la défense des spécificités de la mobilité dans les espaces ruraux et péri-urbains ont été les thèmes mobilisés par les associations hostiles et les lobbies pro-vitesses. Ils ont touché l’opinion publique et ont été repris <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/14/80-km-h-une-decision-qui-ignore-les-territoires-ruraux_5298469_3232.html">par des élus nationaux et les exécutifs départementaux</a>.</p>
<h2>L’irruption des « gilets jaunes</h2>
<p>Le deuxième semestre de 2018 a vu l’application effective de la mesure. Il a certes permis au premier ministre de vérifier la réussite de la mesure et de défendre sa fermeté face aux oppositions croissantes. Début 2019, il peut ainsi revenir en Seine-et-Marne présenter l’année 2018 <a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/securite-routiere-edouard-philippe-droit-dans-80km/h-176053">comme une année historique pour la sécurité routière au regard du nombre des tués</a>.</p>
<p>Mais, ces six mois sont aussi ceux de la mobilisation des gilets jaunes. Celle-ci, partie des problématiques et de symboles immédiatement liés à la route – les ronds-points, les gilets jaunes et les taxes sur les carburants, par exemple ! – a notamment débouché sur une <a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">dégradation massive des radars automatiques</a> et sur la <a href="https://www.arretsurimages.net/articles/grand-debat-national-les-anti-80km-h-squattent-le-site">tenue du grand débat national</a>. Ces deux conséquences de la mobilisation des gilets jaunes ont non seulement relancé mais aussi déplacé la discussion.</p>
<h2>Le poids de l’absence du chef de l’État</h2>
<p>À côté de la mobilisation collective et de son impact sur l’opinion publique et la mise à l’agenda médiatique de la question, on ne peut ignorer le rôle déterminant des institutions politiques dans le déroulement de cette séquence.</p>
<p>En premier lieu, l’<a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/80km-h-une-loi-portee-par-edouard-philippe-et-enterree-par-emmanuel-macron-7797641579">absence d’engagement du président de la République en faveur de la mesure a lourdement pesé sur son échec</a>. A la différence du modèle offert par la séquence de réformes ouvertes en 2002, la réorientation voulue de la politique de sécurité routière n’a, à aucun moment, été portée au sommet de l’État. Le premier ministre s’est donc retrouvé seul, face à ses opposants et face à certains de ses ministres aussi. Il n’y a guère de doutes, dans le cadre institutionnel de la V<sup>e</sup> République : l’innovation politique reste fragile lorsqu’elle n’est pas portée explicitement par le chef de l’État.</p>
<p>Plus original, peut-être, est la relative faiblesse de la légitimité du premier ministre dans sa confrontation au pouvoir législatif. Bien entendu, il a pu compter sur sa majorité à l’Assemblée nationale, et les règles de fonctionnement des institutions. Une récente illustration est offerte par l’<a href="https://www.marianne.net/politique/limitation-80-kmh-les-deputes-refilent-aux-presidents-de-departements-le-levier-de-vitesse">amendement du groupe LREM à l’Assemblée nationale</a>. : les préfets, et à travers eux l’exécutif, n’assumeront pas la responsabilité de la modulation des limitations de vitesse sur les routes départementales.</p>
<p>En revanche, le <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/80-kmh-le-senat-met-la-pression-sur-le-gouvernement-3881255">Sénat et la majorité sénatoriale ont pu jouer un rôle majeur tout au long de la séquence politique</a>. Au printemps 2018, ils ont mis en place une commission ad hoc, remis des propositions au gouvernement en juin de la même année, utilisé les tribunes offertes par les médias et apporté leur soutien aux élus locaux. Bien entendu, le contexte politique s’y prêtait. L’opposition réside, au cours de cette première partie de la mandature, au Sénat et dans les territoires.</p>
<p>Bref, au-delà de la mobilisation de la rue, du travail de lobbying mené auprès de l’exécutif et des médias, une des principales clés de compréhension du devenir du projet de relance de la politique de sécurité routière tient à la solidité de nos institutions politiques nationales et territoriales.</p>
<h2>Le retour du gouvernement à distance de la sécurité routière ?</h2>
<p>Faut-il en tirer des leçons de bonne gouvernance ? C’est difficile à dire. Bien entendu, les spécialistes de l’action publique peuvent dénoncer, aujourd’hui, la naïveté d’un gouvernement de technocrates qui a pensé se passer de la discussion nécessaire, dans un État décentralisé, avec les représentants des exécutifs territoriaux.</p>
<p>Mais, face aux enjeux propres de la sécurité routière, à l’automne 2017, pouvait-il raisonnablement se lancer dans une longue et difficile négociation avec les porte-parole des territoires ? Plus encore, pouvait-il envisager l’ampleur, la durée et les conséquences, pour le dispositif de contrôle automatisé, du mouvement des gilets jaunes ou même que la réponse de l’Élysée à la grogne se ferait sous la forme de débats dans les territoires ?</p>
<p>Quelles conséquences en tirer pour l’action publique de sécurité routière ? L’objectif de redonner de l’efficacité à la politique de sécurité routière semble s’éloigner ; la volonté de faire du premier ministre le garant de cette politique interministérielle paraît aussi mise à mal.</p>
<p>Pour autant, le jeu n’est pas terminé et, paradoxalement, c’est peut-être encore par l’expertise qu’il va reprendre. C’est à travers l’exigence du « plus haut niveau de sécurité routière » – autrement dit par les modalités d’encadrement des modulations de vitesses sur les routes départementales – que le gouvernement peut peser sur le devenir de la réforme voulue.</p>
<p>C’est alors bien à travers une forme de gouvernement à distance qu’il pourrait vouloir jouer la prochaine partie. « Game over… Same player shoots again ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Hamelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Moins d’un an après l’application du 80 km/h, le premier ministre Édouard Philippe dépose les armes. Comment en est-on arrivé là ?Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1089502018-12-21T00:00:14Z2018-12-21T00:00:14ZPouvoir d’achat : et si la solution venait du Sénat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251733/original/file-20181220-45408-83xpdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C5%2C986%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
De nombreux «&nbsp;gilets jaunes&nbsp;» demandent la suppression du Sénat, qui a pourtant encore les cartes en main pour faire évoluer la loi Pacte. </span> <span class="attribution"><span class="source">Photoshooter2015/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Avec les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a>, la France connaît une crise sociale sans précédent. Parmi ses aspects inédits figure notamment le fait que le mouvement est animé en partie par des travailleurs qui se réunissent le samedi et retournent travailler le reste de la semaine pour défendre toute une série de revendications hétéroclites qui concernent, entre autres, la hausse du pouvoir d’achat. Les revendications sur un meilleur partage des richesses s’expriment donc en dehors des lieux de travail. Or, s’il y a une institution qui est chargée de créer et répartir les richesses dans notre société actuelle, c’est bien l’entreprise.</p>
<p>Voilà sans doute pourquoi le président de la République, Emmanuel Macron, a tenté d’apaiser la colère en mobilisant, le 10 décembre, les entreprises. Il a notamment demandé « à tous les employeurs qui le peuvent » de verser <a href="https://www.france24.com/fr/20181210-direct-emmanuel-macron-crise-gilets-jaunes-allocution-annonces">« une prime de fin d’année »</a> à leurs salariés, qui sera défiscalisée.</p>
<p>Cette invitation à partager les profits s’inscrit en réalité dans une longue tradition française. En effet, dès la fin de la seconde guerre mondiale, le général de Gaulle avait souhaitait une meilleure <a href="https://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00320/fete-du-1er-mai-a-bagatelle.html">association entre le capital et le travail</a> de crainte de voir leur opposition disloquer la cohésion nationale. Son projet – inachevé en raison de sa défaite au référendum de 1969 – prévoyait déjà la participation des salariés aux profits.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=916&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=916&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=916&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251710/original/file-20181220-45413-m5qz04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Dans les années 1960, le consultant Marcel Loichot proposait plusieurs modèles de partage des profits dans son livre <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3337873z.texteImage">« La réforme pancapitaliste »</a>. Ce texte contribuera à déboucher sur des réformes importantes comme celles relatives à l’intéressement (1959) et la participation (1967) à la suite de l’action de différents gaullistes « de gauche » (Capitant, Vallon). De Gaulle écrit à Loichot en 1966 pour lui dire qu’il a été <a href="https://books.google.fr/books?id=SCEOBQAAQBAJ&pg=PT191&lpg=PT191&dq=Lettre+%C3%A0+Marcel+Loichot,+le+lundi+de+P%C3%A2ques+11+avril+1966&source=bl&ots=vMBB8Q8TYo&sig=Ld6eIcG9eLji8daip7qgKH46mDY&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiM2Ie_tqffAhURqXEKHc9RAnQQ6AEwAXoECAkQAQ#v=onepage&q=Lettre%20%C3%A0%20Marcel%20Loichot%2C%20le%20lundi%20de%20P%C3%A2ques%2011%20avril%201966&f=false">« fort impressionné »</a> par cet ouvrage. Loichot pensait que la seule façon de désaliéner le travail humain et de mettre fin à la lutte des classes était que tous les salariés deviennent des capitalistes, en bénéficiant d’une part plus équitable des profits. Le départ de Charles de Gaulle en 1969, combiné à l’opposition du patronat et des syndicats ont eu raison des idées de Loichot, ce qui a considérablement freiné le développement des formules de partage de profits.</p>
<h2>La loi Pacte incite les entreprises à aller plus loin</h2>
<p>Des années 1960 à 2018, plusieurs lois sur la participation des travailleurs se sont succédé. Certaines ont mis l’accent sur la participation aux décisions, d’autres sur la participation au capital et aux profits des entreprises. Les deux facettes de la participation ont le plus souvent été traitées séparément jusqu’à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/loi-pacte-49810">loi Pacte</a> (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), actuellement en discussion au Parlement, qui peut réconcilier les deux.</p>
<p>En 2016, les sommes versées au titre du partage des profits (participation, intéressement et abondement dans les plans d’épargne salariale) atteignaient un montant annuel moyen par salarié de 2 369 euros, soit l’<a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2018-040.pdf">équivalent de deux mois de smic</a>, un montant en augmentation constante. Aujourd’hui, les entreprises sont incitées à aller plus loin grâce aux futures dispositions de la <a href="https://www.economie.gouv.fr/plan-entreprises-pacte">loi Pacte</a>. Le texte propose en effet d’étendre la participation des salariés au capital et aux profits de l’entreprise. Il allège la fiscalité de l’épargne salariale et l’annule pour les petites entreprises de moins de 50 et 250 salariés. Si elle était déjà en vigueur, cette loi permettrait à ces entreprises de verser des primes d’intéressement et de participation avec exonérations de charges dont ne bénéficieront pas les grandes entreprises grâce aux taux différents du forfait social (<a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1088.asp">article 57</a>).</p>
<p>Ce traitement fiscal différencié répondrait à la crainte d’un traitement privilégié des salariés des grandes entreprises pour la prime réclamée par le président de la République. Surtout, les mesures de la loi Pacte permettront le développement d’un actionnariat salarié plus stable et de long terme grâce à une fiscalité divisée par deux pour les abondements aux salariés en actions de l’entreprise.</p>
<h2>Ironie du sort</h2>
<p>Mais ces mesures ne sont peut-être pas assez ambitieuses. Les différents <a href="https://www.economie.gouv.fr/mission-entreprise-et-interet-general-rapport-jean-dominique-senard-nicole-notat">rapports</a> ou consultations préalables à la loi Pacte, ainsi que certains amendements de l’Assemblée nationale proposaient d’aller encore plus loin. Parmi les propositions phares, le retour à une fiscalité de l’épargne salariale neutre, qui avait été remplacée par un forfait social créé en 2009 pour financer le déficit de la Sécurité sociale.</p>
<p>Le vote de ces mesures est encore possible puisque le texte de la loi Pacte, <a href="https://www.economie.gouv.fr/plan-entreprises-pacte">votée par l’Assemblée nationale</a>, sera débattu au Sénat en janvier 2019. Cependant, elles ont peu de chances de figurer dans le texte final en raison de l’opposition d’une partie du patronat et de leur impact négatif sur les comptes publics.</p>
<p>Ironie du sort, il appartient donc aujourd’hui au Sénat, la chambre haute dont beaucoup de « gilets jaunes » demandent la <a href="http://www.leparisien.fr/economie/taxes-emploi-gouvernance-ce-que-reclament-les-gilets-jaunes-28-11-2018-7955988.php">suppression</a>, de concrétiser l’ambition exprimée par le général de Gaulle de faire de la participation la <a href="http://www.charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/06/Cahier-n%C2%B05.pdf">« grande réforme de notre siècle »</a>. Depuis 2009, et le fameux <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000213.pdf">rapport Cotis</a> sur la répartition des profits, les salariés ne touchent en effet qu’une portion congrue des profits (moins de 10 %). Or, des profits mieux répartis, c’est plus de pouvoir d’achat pour les ménages et donc potentiellement un impact positif sur la consommation, <a href="http://www.economiematin.fr/news-consommation-impact-pib-france-monde-stocks-investissemetn-croissance-ocde">principal moteur</a> de la croissance française. Presque une solution idéale tant il en va de l’intérêt des entreprises et de la société française <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/14/cac-40-un-partage-desequilibre-des-profits_5298636_3232.html">dans son ensemble</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les dispositions visant à favoriser la participation des salariés aux bénéfices qui figurent dans la loi Pacte seront débattues à la Haute assemblée en janvier.Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolNicolas Aubert, Professeur des Universités en Finances, IAE, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1089022018-12-19T23:39:08Z2018-12-19T23:39:08ZDébat : Faut-il payer les parlementaires au smic ?<p>Un élément revient sans cesse dans les revendications des « gilets jaunes », et plus largement dans les commentaires sur nos institutions politiques : la remise en cause des avantages extravagants dont sont supposés jouir les parlementaires. La critique n’est pas nouvelle.</p>
<p>Certains semblent regretter l’époque où l’engagement politique était une activité bénévole – mais de fait réservée aux citoyens aisés. D’autres font référence à une époque révolue, où les parlementaires cumulaient massivement les mandats, les indemnités et les avantages. D’autres, encore, considèrent qu’il conviendrait pour tous les élus de vivre chichement, afin de mieux comprendre le quotidien des classes laborieuses.</p>
<p>Cette revendication pose trois problèmes.</p>
<h2>Sur les réseaux sociaux, des informations erronées</h2>
<p>Tout d’abord, la plupart des informations qui circulent sur le sujet, notamment sur les réseaux sociaux, sont obsolètes, erronées ou fantaisistes. Le statut et la rémunération des parlementaires français ont beaucoup évolué ces dernières années, avec l’interdiction du cumul des mandats, l’alignement de leur système de retraite sur le régime commun, le contrôle de l’utilisation des frais de mandat, la suppression d’avantages divers, l’<a href="https://www.ouest-france.fr/societe/justice/il-detournait-des-fonds-publics-pour-payer-sa-fille-l-ex-depute-lr-alain-marsaud-condamne-6137595">interdiction de l’emploi des proches</a>…</p>
<p>Aujourd’hui, on ne peut plus considérer qu’ils disposent de revenus substantiels.</p>
<ul>
<li><p>Un député français gagne 5 300 euros par mois, imposables et soumis à la CSG ;</p></li>
<li><p>Il dispose d’une enveloppe mensuelle de 10 500 euros pour payer ses collaborateurs ; cet argent ne lui revient pas en propre ;</p></li>
<li><p>Il bénéficie, enfin, d’une avance pour couvrir ses frais de mandat de 5 300 euros par mois, qui est versée sur un compte spécifique et soumise à justificatifs. Cette somme permet à l’élu de louer une permanence électorale, de payer les déplacements de ses collaborateurs, de s’équiper en bureautique et de contribuer à l’organisation d’événements publics, notamment en circonscription, mais elle ne constitue pas un revenu dont il dispose à sa guise.</p></li>
</ul>
<p>Certes, le fonctionnement des assemblées françaises n’est pas exempt de reproches. Il y a encore des progrès à faire en termes de contrôle de l’utilisation des fonds, de transparence des activités annexes des élus, de limitation des conflits d’intérêts, mais la question de la rémunération et des avantages des parlementaires semble être un faux problème.</p>
<h2>Une question d’équité</h2>
<p>En second lieu, on ne voit pas au nom de quoi on accepterait qu’un médecin, un directeur commercial ou un avocat gagne bien sa vie, tout en tenant à ce qu’un député vive modestement. La plupart d’entre eux pourraient prétendre à des fonctions bien mieux rémunérées s’ils travaillaient dans le secteur privé, ou même dans le secteur public.</p>
<p>Rappelons que le salaire moyen d’un cadre ou d’un buraliste est du même ordre que l’indemnité d’un député (respectivement 5 564 et 5 180 euros brut par mois en 2015, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303417?sommaire=3353488">selon l’Insee</a>)et que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les administrateurs sont bien mieux payés que les élus.</p>
<h2>Le risque d’une chambre purement symbolique</h2>
<p>En troisième lieu, s’il est bon qu’il y ait une certaine diversité socio-professionnelle à l’Assemblée nationale, et pas uniquement des hauts fonctionnaires ou des avocats, il est démagogique de considérer qu’être parlementaire ne réclame aucune compétence particulière, et que seul un chômeur ou un agriculteur peut veiller aux intérêts des chômeurs ou des agriculteurs.</p>
<p>Il n’est certes pas nécessaire d’avoir fait l’ENA pour être parlementaire, et certains élus ont développé des compétences au fil de leur carrière professionnelle, de leurs mandats locaux ou d’engagements politiques, syndicaux ou associatifs. Mais il n’en reste pas moins que, pour être un élu efficace – et pas juste un aboyeur de tribune – il convient de connaître les institutions, de maîtriser la manière dont on fait les lois et les politiques, et d’avoir quelque expérience d’un aspect de l’action publique.</p>
<p>On pourrait tirer au sort une partie des députés sur les listes électorales : ces citoyens viendraient enrichir les débats, en apportant leur propre expérience professionnelle et personnelle, et limiteraient la tendance des politiciens de carrière à se focaliser sur des problématiques qui leur sont propres.</p>
<p>Mais l’Assemblée nationale ne pourrait se passer, par ailleurs, d’élus ayant une certaine connaissance de la chose publique. À défaut, elle deviendrait une chambre purement symbolique, incapable de remplir ses fonctions législatives, budgétaires et de contrôle. Rédiger ou amender une loi, passer en revue l’action du gouvernement et de l’administration, examiner les traités internationaux soumis à ratification, adopter le budget du pays, analyser les propositions de normes européennes, faire remonter les demandes qui s’expriment dans les territoires sont autant de tâches qui requièrent des compétences spécifiques et un investissement à temps plein des élus. Et ce savoir et cette disponibilité ont un prix.</p>
<h2>Les conséquences néfastes d’une baisse des salaires</h2>
<p>Il n’est donc pas certain que la démocratie gagnerait à ce que les députés soient payés au smic ou au salaire médian. Quelles seraient les conséquences d’une telle réforme ?</p>
<p>D’abord, les plus compétents et les plus impliqués cesseraient sans doute d’être candidats. On peut aimer la chose publique et vouloir en même temps assurer des conditions de vie décentes à sa famille. Par ailleurs, alors que l’on dénonce déjà la <a href="https://www.entempsreel.com/portfolio-item/cahier-les-deputes-connaissent-ils-lentreprise/">surreprésentation de certaines catégories socioprofessionnelles à l’Assemblée nationale</a>, réduire drastiquement l’indemnité des élus reviendrait à chasser les rares représentants du secteur privé qui y siègent.</p>
<p>De fait, avec une indemnité massivement réduite, l’Assemblée nationale présenterait sans doute un piètre visage. Elle serait principalement composée que de cinq types d’élus – qui constituent déjà une fraction pas toujours glorieuse de la représentation nationale :</p>
<ul>
<li><p>Il y aurait d’abord des députés disposant d’une fortune personnelle, souvent peu au fait des conditions de vie du commun des mortels, ou ayant choisi de se faire élire pour le seul bénéfice de leurs sociétés, notamment lorsqu’elles vivent de la commande publique ;</p></li>
<li><p>L’Assemblée attirerait aussi des retraités, qui pourraient cumuler indemnité et pension, et contribueraient par leur présence à accroître encore la représentation des citoyens les plus âgés ;</p></li>
<li><p>Il y aurait sans doute davantage d’élus complaisants, prêts à se mettre au service d’intérêts privés afin de bénéficier de rémunérations ou d’avantages complémentaires à leur indemnité ;</p></li>
<li><p>Siégeraient aussi des députés qui consacreraient leur temps à d’autres activités professionnelles, et dont le mandat ne serait qu’un loisir ;</p></li>
<li><p>Enfin, puisqu’une indemnité très réduite serait de nature à dissuader les citoyens les plus compétents de faire de la politique, on assisterait sans doute à l’arrivée massive de parlementaires qui n’auraient pas la moindre expérience à faire valoir, et pour lesquels cette rémunération modeste constituerait une opportunité financière déjà appréciable.</p></li>
</ul>
<h2>Une représentation nationale plus à l’écoute du pays</h2>
<p>Le fonctionnement des assemblées parlementaires françaises mérite sans aucun doute d’être réformé davantage. Le statut des élus a déjà été <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/la-situation-materielle-du-depute">révisé en profondeur</a>, mais la recherche de la solennité et de l’autorité symbolique, qui a été au cœur de l’histoire de l’Assemblée nationale et du Sénat – la pompe, les ors, le protocole –, n’est plus d’en phase avec les attentes des citoyens.</p>
<p>Comme on l’a vu avec le mouvement des gilets jaunes, ceux-ci aspirent à une représentation nationale plus à l’écoute du pays et plus en prise avec les réalités économiques et sociales du pays. La grandiloquence qui marque les activités du Parlement français n’engendre plus l’allégeance et le respect, mais le rejet et l’incompréhension.</p>
<p>Il reste que priver les parlementaires d’une rémunération décente ou des moyens de travailler efficacement à l’Assemblée et en circonscription n’est pas le meilleur moyen de rénover la démocratie française. Dans un pays où l’exécutif concentre l’essentiel des pouvoirs et où les hauts fonctionnaires et les conseillers jouent un rôle central dans l’action publique, il faut au contraire faire de sorte que nos élus soient compétents et impliqués, et leur donner les moyens de faire entendre la voix des citoyens et des territoires qu’ils représentent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Costa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Priver les parlementaires d’une rémunération décente ou des moyens de travailler efficacement à l’Assemblée et en circonscription n’est pas le meilleur moyen de rénover la démocratie française.Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe –, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1055492018-10-28T20:26:11Z2018-10-28T20:26:11ZMid-terms : la démocratie américaine contrariée<p>Les élections mid-terms du 6 novembre aux États-Unis suscitent de nombreux espoirs chez les démocrates. Rappelons qu’il s’agit de renouveler en totalité la Chambre des représentants : 435 députés (qui représentent la population de façon plus ou moins proportionnelle) et un tiers du Sénat (où 33 sièges de sénateurs sont à renouveler). D’autre part, de nombreux scrutins auront lieu à cette même date, notamment l’élection de 36 gouverneurs d’État.</p>
<p>Bien évidemment, les médias s’interrogent pour savoir si ces élections fonctionneront comme un référendum sur la présidence Trump, deux ans après l’élection de ce dernier qui a surpris la quasi-totalité des observateurs politiques. L’immense majorité des médias et des intellectuels avait pris position contre Trump et les sondages semblaient prédire une victoire plutôt facile à sa rivale Clinton.</p>
<p>Ce raté de 2016 induit une certaine méfiance ou réserve à l’endroit des sondages actuels qui indiquent une victoire des démocrates à la Chambre des représentants, mais aussi une bonne capacité de résistance des républicains abusivement appelés « conservateurs » tant ils se sont déportés vers la droite. Ils correspondent souvent à ce qu’en Europe on appelle l’extrême droite. Les démocrates, pour leur part, se sont également déportés vers la droite sur le plan économique.</p>
<p>On peut comprendre que divers groupes, comme les Noirs ou le mouvement LGBT, soient particulièrement mobilisés contre Trump et une proportion significative des femmes. Le président américain instrumentalise la <a href="https://www.jacobinmag.com/2018/10/honduras-migrants-caravan-trump">colonne de migrants en provenance du Honduras</a> pour mobiliser sa base en jouant sur la peur et il continue à favoriser la destruction de l’environnement sans que ceci soit un thème de campagne important.</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/us-news/2018/oct/25/trump-insults-bombs-targets-democrats">L’affaire des colis piégés</a> envoyés aux opposants démocrates de Trump, y compris l’acteur Robert de Niro, n’est pas élucidée, même si un suspect, ardent supporter de Trump, a été arrêté. Elle permet au président américain de reprendre ses attaques contre les médias.</p>
<p>Quant au massacre commis dans une synagogue à Pittsburgh (au moins 11 morts), le samedi 27 octobre, il souligne une nouvelle fois que les lois sur le port d’armes conduisent à des morts évitables. Trump, qui depuis Charlottesville en 2017, ne cesse d’attiser les haines, le racisme et l’antisémitisme, ne fait rien pour régler ce problème, bien au contraire. Il est un facteur important dans la brutalisation des États-Unis – ce qui conduit certains, <a href="http://www.jason-stanley.com/">comme Jason Stanley</a>, professeur à Yale à parler de « fascisme ».</p>
<p>Il ne s’agit cependant pas, ici, d’ajouter aux commentaires politiques quant aux résultats attendus de ces mid-terms, mais d’appréhender ces élections dans le contexte des institutions.</p>
<h2>La terrible injustice des institutions américaines</h2>
<p>En dépit, ou peut-être à cause, des déclarations outrancières de Trump, celui-ci a vu sa popularité grimper dans les derniers mois, mais sans jamais atteindre une majorité. Il a enregistré une victoire aux conséquences énormes lorsque le juge Kavanaugh a été confirmé à la Cour suprême par le Sénat américain. Ce juge qui était un proche de George W. Bush qui, du reste, l’a soutenu dans le processus de confirmation, est non seulement opposé à l’avortement et a été accusé de harcèlement sexuel, mais il est aussi opposé aux lois protégeant les travailleurs ou l’environnement. Un réactionnaire sur les plans social et sociétal.</p>
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<p>Cette victoire de Trump indique que lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts de classe, celle que Sanders appelle « la classe des milliardaires », les républicains de toute obédience, qu’ils aient déclaré s’opposer à Trump ou le soutenir, savent mieux retenir la leçon d’Antonio Gramsci sur l’hégémonie que les démocrates : ils ont fait bloc pour soutenir Kavanaugh, comme ils font bloc pour faire baisser les impôts des plus favorisés ou augmenter les crédits militaires, avec l’aide d’un bon nombre de démocrates sur ce dernier point.</p>
<p>Cette victoire républicaine au Sénat n’a été possible que grâce à la terrible injustice des institutions américaines. Étant donné que chaque État fédéré a le même nombre de sénateurs, la Californie avec ses presque 40 millions d’habitants a deux voix au Sénat pour confirmer les juges, tout comme le Wyoming qui ne compte qu’un peu plus de 500 000 habitants. Dans un cas, un sénateur représente environ 20 millions d’électeurs, dans l’autre moins de 250 000. La Californie a plus d’habitants que 13 petits États combinés, mais le rapport de voix au Sénat est de 26 contre deux.</p>
<p>Ces petits États sont moins divers sur le plan ethno-racial et, en général, plus conservateurs que la Californie. Il n’est donc pas faux de dire que Kavanaugh doit sa nomination à la Cour suprême aux ultra-réactionnaires autour de Trump et de Bush avant lui, mais aussi, et surtout, à la terrible iniquité du système politique américain.</p>
<p>Les progressistes ont donc toujours un obstacle structurel à franchir pour s’imposer dans les batailles qui se déroulent au Sénat. Trump lui-même doit son élection à l’injustice des institutions américaines puisqu’il a été élu, tout à fait légalement, avec presque trois millions de voix de moins que sa rivale. Dans trois États clés, il n’a devancé Clinton que d’environ 80 000 voix, mais a empoché les grands électeurs du collège électoral. Cette injustice inscrite dans la loi est souvent oubliée dans les commentaires qui se focalisent sur les personnalités ou déclarations des candidats.</p>
<h2>Le poids de « la fraude de la fraude »</h2>
<p>Autre facteur déterminant dans l’élection présidentielle de 2016, et qui le reste pour ces élections de mi-mandat : « la fraude de la fraude ». Un grand nombre d’électeurs ou d’électeurs potentiels sont éliminés des listes électorales par le GOP, le parti républicain, au nom – précisément – de la lutte contre la fraude.</p>
<p>En réalité, la fraude est du côté des soi-disant combattants anti-fraude : il s’agit d’éliminer un grand nombre d’électeurs des minorités, surtout noirs, en arguant du fait qu’ils seraient inscrits plusieurs fois sur les listes électorales. Les radiations sont opérées sur la base d’un même nom alors qu’il n’est pas rare que diverses personnes aient le même prénom et le même nom.</p>
<p>On peut en effet trouver un Paul Johnson dans plusieurs États ou même plusieurs personnes qui ont ce même nom. C’est la raison pour laquelle aux États-Unis on demande d’ajouter l’initiale du deuxième prénom pour éviter les confusions. Or, en ne prenant pas en compte cette initiale, les soi-disant combattants anti-fraude s’assurent qu’ils excluent du vote des citoyens qui en aucun cas ne fraudent.</p>
<p>Les patronymes le plus souvent portés par des Noirs, des Hispaniques ou des citoyens d’origine asiatique sont le plus fréquemment concernés par les radiations. Ce système a été déterminant dans la victoire de Trump car les citoyens radiés dans les États de « la ceinture de la rouille » (<em>rust belt</em> ou États industriels) qu’il a gagnés de peu étaient surtout des Noirs qui auraient majoritairement voté pour Clinton. Ce système de radiation raciste, qui se présente comme une lutte, contre la fraude est particulièrement fréquent dans certains États du Sud <a href="https://www.democracynow.org/2018/10/24/greg_palast_sues_georgias_brian_kemp">comme la Géorgie</a>. Il accorde un autre avantage substantiel aux républicains.</p>
<h2>Charcutage électoral</h2>
<p>Aux États-Unis, chaque État fédéré est responsable de la carte électorale qui redessine les circonscriptions en fonction des changements démographiques. Les États dirigés par le GOP – une majorité – ont pratiqué diverses formes de charcutage électoral (<em>gerrymandering</em>) qui permet à ce parti de dominer les assemblées même lorsqu’il est minoritaire en nombre de voix. Le cas de la Pennsylvanie est le plus souvent cité car les effets du charcutage électoral y sont les plus marqués.</p>
<p>Les élections américaines, par ailleurs, ont lieu un mardi, ce qui empêche un certain nombre de travailleurs d’y participer, et il est courant d’utiliser des machines à voter. Or ces machines à voter sont souvent peu fiables et peuvent être facilement hackées. L’absence de fiabilité du mode de vote par machine a été démontrée lors de l’élection de 2000 en Floride. Il n’est pas totalement erroné de penser que George W. Bush doit son élection à la fraude facilitée par des machines à voter et la décision de la Cour suprême. Le système traditionnel des urnes et bulletins papier est bien <a href="https://uanews.arizona.edu/calendar/16112-mark-crispin-miller-fooled-again-real-case-electoral-reform">plus fiable que le vote électronique</a>.</p>
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<p>Il est significatif qu’une <a href="https://www.thenation.com/article/common-ground-for-secure-elections-and-true-national-security/">lettre-pétition publiée par <em>The Nation</em></a> et signée par de grands noms de l’intelligentsia américaine appelant à des réformes visant à sécuriser le vote en le protégeant du hacking n’ait pas été présentée et discutée dans la plupart des médias. Les auteurs y appellent à une lutte contre la fraude venant de l’étranger, mais aussi des États-Unis eux-mêmes, ce qui devrait préoccuper tous les citoyens américains.</p>
<h2>La couleur de l’argent</h2>
<p><em>Last but not least</em>, il faut parler du rôle de l’argent dans les élections et dans le fonctionnement de la démocratie américaine. La Cour suprême américaine a favorisé l’influence de l’argent dans la politique par divers arrêts dont le plus connu est <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Citizens_United_v._Federal_Election_Commission">« Citizens United »</a> en 2010 qui vient après la décision de 1976 connue sous le nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Buckley_v._Valeo">« Buckley v Valeo »</a>. Deux chercheures françaises ont particulièrement bien étudié ce rôle de l’argent, <a href="https://journals.openedition.org/ideas/1421">Anne Deysine</a> qui a publié un ouvrage sur la Cour suprême et Julia Cagé qui s’est intéressée au <a href="https://theconversation.com/debat-vous-avez-dit-philanthropie-face-a-la-privatisation-de-la-democratie-il-est-urgent-douvrir-les-yeux-103750">« prix de la démocratie »</a>, notamment aux États-Unis.</p>
<p>Les élections de mi-mandat n’échappent pas à la règle et le titre du livre de Greg Palast, publié en 2002 reste pertinent pour toutes les élections : <em>The Best Democracy Money Can Buy</em>. <a href="https://thebestdemocracymoneycanbuy.com/">Palast a réalisé un film</a> portant le même titre après l’élection de Trump. Il y reprend une déclaration du candidat affirmant que le système politique américain est truqué (« the system is rigged ») pour ajouter qu’effectivement le système est bien truqué… mais par Trump lui-même et ses soutiens.</p>
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<p>Le Parti démocrate, qui avait déjà dépensé plus que le GOP en 2016, n’a pas retenu la leçon de Sanders qui avait montré que l’on pouvait faire campagne dans de bonnes conditions en collectant de petites sommes d’argent auprès de citoyens ordinaires. Il est resté proche de la classe des donateurs pour ces élections de 2018 (<a href="https://www.opensecrets.org/overview/topindivs.php">voir ici le tableau des donateurs par somme et préférence idéologique</a>).</p>
<p>L’argent corrompt la démocratie, à tel point que des chercheurs s’interrogent quant à l’existence même de la démocratie. Benjamin Page et Martin Gilens ont publié un ouvrage au titre explicite qui fait écho à celui bien connu de Tocqueville : <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/D/bo27316263.html"><em>Democracy in America ?</em></a> Les élections de mi-mandat sont « à vendre » comme les présidentielles. Mais cette fois encore, comme avec Sanders lors des primaires de 2016, des exemples de contournement des puissances d’argent existent.</p>
<p>Ainsi au Texas, un État traditionnellement « rouge », c’est-à-dire républicain, Beto O’Rourke, le candidat démocrate a refusé le financement par des PAC (Political Action Committees), c’est-à-dire des gros donateurs institutionnels, privilégiant des petits dons émanant des citoyens ordinaires. Il a, face à lui, le sénateur Cruz un réactionnaire autrefois anti-Trump mais rallié à sa cause.</p>
<p>Même s’il perd, O’Rourke aura montré, à la suite de Sanders, qu’il est possible pour les démocrates de briser la dépendance vis-à-vis du monde des affaires. Les dons du monde du business sont toujours <a href="https://www.nytimes.com/2016/01/24/books/review/dark-money-by-jane-mayer.html">des investissements dans les décisions politiques à venir</a>.</p>
<h2>L’abstention, un signe de dysfonctionnement majeur</h2>
<p>Les mid-terms ne mettront pas fin à la crise de la démocratie qui affecte toutes les démocraties occidentales, et plus particulièrement les États-Unis, et qui se lit dans les taux d’abstention. Si environ 60 % des Américains participent à l’élection présidentielle, ils et elles ne sont plus que 40 % pour les élections de mi-mandat.</p>
<p>L’abstention est bien évidemment un signe de dysfonctionnement majeur dans n’importe quelle démocratie. Les citoyens qui ne participent pas, ou plus, au processus de choix des politiques sont souvent désabusés vis-à-vis d’un système qui ne prend pas en compte leurs problèmes ou leurs souhaits politiques, comme l’établissent magistralement <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/D/bo27316263.html">Page et Gilens</a>.</p>
<p>La désaffection conduit à l’abstention mais aussi à des choix qui se portent sur des démagogues, comme en 2016 aux États-Unis, ou des comportements hors du champ politique qui sont soit violents, comme on l’a vu avec les manifestations de l’alt-right (extrême droite) à Charlottesville en 2017, soit un repli dans la drogue et l’apathie.</p>
<p>Il n’est pas certain que les élections de mi-mandat conduisent à une déroute ou même une défaite de Trump, quasi-unanimement haï ou honni par les intellectuels. Mais il est déjà très clair que les mid-terms, comme les élections précédentes, sont sous l’emprise de la « fraude de la fraude », de l’argent qui sert les régimes ploutocratiques et du refus de changer institutions et technologies qui entravent l’expression démocratique des citoyens américains.</p>
<p>La démocratie est toujours invoquée aux États-Unis, mais elle n’y a pas que des amis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Guerlain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Listes électorales tronquées, poids de l’argent, charcutage électoral : la démocratie est toujours invoquée aux États-Unis, mais elle n’y a pas que des amis.Pierre Guerlain, Professeur émérite de civilisation américaine, politique étrangère des Etats-Unis, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/935932018-03-21T00:30:49Z2018-03-21T00:30:49ZRéforme constitutionnelle : le macronisme, horizontal en campagne et vertical au pouvoir<p>La réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement a pour objet de rationaliser, une fois de plus, le fonctionnement de la V<sup>e</sup> République en se focalisant uniquement sur le Parlement. C’est donc bien la démocratie représentative dans sa fonction législative et délibérative qui est jugée malade.</p>
<p>On en connaît les principaux ressorts : réduction du nombre de parlementaires, interdiction de cumuler plus de trois mandats dans le temps, simplification de la procédure législative pouvant aller jusqu’à restreindre le droit d’amendement en fonction de la taille des groupes politique, introduction d’une <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">dose – pour l’instant indéterminée – de proportionnelle</a> afin d’équilibrer la représentation des diverses sensibilités politiques, notamment celle du FN, dont la candidate (Marine Le Pen) a obtenu plus de 10 millions de voix au second tour de l’élection présidentielle et qui se retrouve avec 7 députés seulement.</p>
<p>Au-delà du flou des propositions dont le contour exact n’est toujours pas déterminé et fait l’objet de négociations musclées avec le président du Sénat, cette réforme s’inscrit dans un renforcement sans précédent de la fonction présidentielle. Le seul contrepoids à cette évolution est de supposer que la réduction du nombre de parlementaires et l’augmentation de leurs moyens techniques devraient permettre un meilleur contrôle des politiques publiques – ce qui reste à prouver. Comme il reste à prouver que le contrôle <em>a posteriori</em> peut remplacer la fonction délibérative <em>a priori</em>.</p>
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<p>On assiste donc à un véritable retournement du macronisme. Ce dernier, dans une posture presque gaullienne, s’était construit en 2016 contre les oligarchies partisanes sur la base de réseaux militants pratiquant avec fierté la participation high-tech. Il s’agissait d’inventer une nouvelle façon de faire de la politique, une méthode réticulaire regroupant tous les « Marcheurs » de bonne volonté suffisamment diplômés pour utiliser les réseaux sociaux et s’engageant dans des délibérations permettant de faire remonter les demandes du terrain.</p>
<p>Deux ans plus tard, ce même macronisme produit une série de réformes peu ou pas négociées avec les partenaires sociaux, <a href="https://theconversation.com/reforme-la-sncf-des-tensions-grandissantes-entre-puissance-publique-et-democratie-sociale-92817">notamment celle de la SNCF</a>, et une réforme constitutionnelle devant réduire la part de parlementarisme au sein de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Pour comprendre ce qui se joue dans la vie politique française, on peut faire l’hypothèse qu’un nouveau clivage est né, opposant les tenants du pouvoir vertical aux partisans du pouvoir horizontal.</p>
<h2>Les deux représentations du pouvoir</h2>
<p>L’aspiration à la délibération et à la participation citoyenne a sans doute été l’un des marqueurs de l’élection présidentielle de 2017. Elle s’est exprimée, bien que de manière malheureuse et caricaturale, dans l’organisation des primaires à gauche comme à droite, mais aussi dans les programmes de la plupart des candidats, à la notable exception de celui de François Fillon.</p>
<p>Il est indéniable qu’une transformation du paysage politique français s’est opérée depuis quelques années, sous l’influence notamment d’expériences participatives locales ou de tentatives de relancer la démocratie directe en créant de nouveaux lieux de rencontres où la parole politique puisse se construire et se libérer, comme l’a illustré l’aventure de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nuit-debout-26696">Nuit debout</a>.</p>
<p>La <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/">vague 9 du Baromètre de la confiance politique du Cevipof</a>, dont le terrain a été réalisé en décembre 2017, nous apprend que la confiance dans les institutions politiques, loin de s’améliorer avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, s’est au contraire tassée de manière spectaculaire : la confiance dans la plupart des catégories d’élus, y compris les élus locaux, a perdu environ une dizaine de points par rapport aux résultats engrangés une année avant, alors que François Hollande faisait l’objet de toutes les réprobations.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/4e57f59e-63d9-462d-a719-6845b74608b9?src=embed" title="Niveau de confiance" width="100%" height="690" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Comme le macronisme s’est (aussi) présenté en tant que mouvement réformateur ne voulant plus s’embarrasser de tergiversations ou de débats, on s’est interrogé sur ce qui faisait aux yeux des enquêtés un « bon » responsable politique au début de l’année 2018. S’agit-il de quelqu’un qui sait s’entourer d’experts compétents, prendre ses décisions sans tenir compte des critiques (indicateurs de pouvoir vertical) ou bien de quelqu’un qui prend l’avis du plus grand nombre avant de décider et qui sait passer des compromis pour éviter les conflits (indicateurs de pouvoir horizontal) ?</p>
<h2>Le macronisme : libéralisme culturel, tolérance sociétale et pratique verticale du pouvoir</h2>
<p>Ces caractéristiques ont été présentées sous la forme de deux questions permettant aux enquêtés de dire ce qu’ils plaçaient en première et seconde position. Le regroupement des réponses, en tenant compte de la priorité donnée à chaque item, montre que les enquêtés se répartissent en <a href="http://www.cevipof.com/rtefiles/File/noterech-08/Confiance2018_ROUBAN.pdf">deux groupes égaux</a> puisque 50 % choisissent le pouvoir vertical, 47 % le pouvoir horizontal et 3 % ne savent pas.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/2a4aa764-18c3-4496-b539-79bac4ceacb1?src=embed" title="Modèle de pouvoir d'un homme politique que préfèrent les enquêtés" width="100%" height="532" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>L’analyse montre, tout d’abord, que les partisans du pouvoir vertical se rencontrent surtout chez les électeurs d’Emmanuel Macron (64 %) et de François Fillon (68 %) au premier tour de l’élection présidentielle. En revanche, ceux de Benoît Hamon sont bien plus partagés (54 %), alors que ceux de Jean‑Luc Mélenchon le rejettent (38 %), comme ceux de Marine Le Pen (34 %). Dans l’esprit de ses électeurs, et non pas de ses militants, le macronisme n’est donc pas assimilé à un pouvoir participatif horizontal mais bien à une volonté d’appliquer de manière assez unilatérale le programme de réformes.</p>
<p>Le second résultat contre-intuitif de l’enquête est de montrer que si les catégories supérieures et diplômées se caractérisent par un haut niveau de libéralisme culturel et de tolérance sociétale, elles se distinguent également par leur défense du pouvoir vertical. Comme quoi le libéralisme culturel ne préjuge pas du type de pouvoir ou de démocratie que les enquêtés défendent.</p>
<p>C’est ainsi que 38 % de ceux ayant un niveau CAP-BEP défendent la vision verticale contre 47 % de ceux ayant le niveau du bac et 58 % ayant au moins une licence. Le niveau de libéralisme culturel (tel qu’on peut le mesurer sur la base de questions portant sur le rétablissement de la peine de mort, le nombre jugé excessif ou non d’immigrés et la suppression de la loi autorisant le mariage homosexuel) et la représentation du « bon élu » sont donc relativement déconnectés.</p>
<p>On est ici au cœur de l’ambivalence du managérialisme qui renforce le pouvoir hiérarchique en le couvrant d’un masque de libre communication et de culture soixante-huitarde. Cela montre aussi que les électeurs (et non pas les militants) des mouvements « populistes » qui sont, en l’espèce, défenseurs du pouvoir horizontal, ne sont pas nécessairement à la recherche d’un modèle autoritaire, et ne sont pas nécessairement caractérisés par une « personnalité autoritaire ». L’autoritarisme a peut-être pris d’autres chemins aujourd’hui.</p>
<h2>Pouvoir vertical et libéralisme économique sont associés</h2>
<p>En revanche, la défense du pouvoir vertical s’intensifie avec le degré de libéralisme économique. On a créé un indice sur la base de trois questions (il faut réduire le nombre de fonctionnaires, faire confiance aux entreprises pour sortir de la crise économique, ne pas prendre aux riches pour donner aux pauvres afin d’assurer la justice sociale) et allant donc de 0 à 3 en fonction du nombre de réponses positives. On voit alors que les enquêtés au niveau 0 du libéralisme économique choisissent le pouvoir vertical à concurrence de 32 % contre 42 % de ceux qui se situent au niveau 1 puis 54 % de ceux qui sont au niveau 2 et 67 % de ceux de niveau 3. La proportion de ceux qui préfèrent le pouvoir horizontal varie de manière inverse.</p>
<p>On peut mesurer ici le fait que la dimension « managériale » du macronisme ne signifie nullement une perspective de pouvoir horizontal ou participatif, comme pourraient le laisser croire les métaphores entrepreneuriales utilisées lors de la campagne. De fait, 22 % des électeurs d’Emmanuel Macron se situent au niveau 3 de l’indice de libéralisme économique contre il est vrai 62 % de ceux de François Fillon mais 15 % de ceux de Marine Le Pen, 4 % de ceux de Jean‑Luc Mélenchon et 3 % de ceux de Benoît Hamon.</p>
<p>Cette association entre les représentations de la démocratie et le niveau de libéralisme économique renvoie à l’appartenance sociale des enquêtés. Les deux représentations de la démocratie se retrouvent dans la distribution en grandes classes sociales, construites sur la base des occupations professionnelles selon la grille de lecture retenue pour les travaux précédents.</p>
<h2>Le sens de la révision constitutionnelle</h2>
<p>Le clivage entre pouvoir vertical et pouvoir horizontal détermine le niveau de la confiance placée dans les institutions. Les enquêtés préférant le pouvoir horizontal ont moins confiance dans les institutions politiques, nationales ou locales, que ceux qui préfèrent le pouvoir vertical.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tous derrière et lui devant : le Président Macron, lors des cérémonies du 14 juillet 2017.</span>
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</figure>
<p>De la même façon, la critique des élus est plus forte chez les partisans du pouvoir horizontal : 74 % d’entre eux contre 52 % des tenants du pouvoir vertical estiment que la plupart des responsables politiques ne se soucient que des riches et des puissants et 63 % des premiers contre 37 % des seconds pensent que c’est le peuple et non les responsables politiques qui devrait prendre les décisions les plus importantes.</p>
<p>La révision constitutionnelle actuelle s’appuie donc sur la dénonciation assez générale des élus (ils sont trop nombreux, plutôt corrompus et ne travaillent pas beaucoup) développée chez les partisans du pouvoir horizontal pour renforcer le pouvoir vertical associé au macronisme.</p>
<p>Au-delà de son élitisme, confirmé par le profil des nouveaux députés de la République en Marche, le macronisme se présente comme un moment politique où se joue une confrontation non seulement entre deux visions de la démocratie mais aussi entre deux anthropologies du pouvoir. La réforme constitutionnelle en cours doit venir séparer encore un peu plus le personnel politique national et le personnel politique local.</p>
<h2>Une attente de proximité</h2>
<p>L’agrandissement mécanique des circonscriptions lié à la réduction du nombre d’élus va rendre plus difficile le contact avec les électeurs. Or c’est bien la proximité physique et sociale des électeurs et des élus qui reste au sein de la relation de confiance politique, qui est elle-même <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ouvrages/9782111455146-la-democratie-representative-est-elle-en-crise">au cœur de la démocratie représentative</a>. Et c’est bien cette attente de proximité qui nourrit la vision d’un pouvoir horizontal participatif.</p>
<p>La révision constitutionnelle, telle qu’elle est actuellement proposée, entend dissocier le national du local et rendre le national encore plus lointain et abstrait en laissant le local se confronter aux difficultés quotidiennes. Comment peut-on penser que cette réforme puisse améliorer la confiance politique dans les institutions ?</p>
<p>De plus, l’<a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">instauration d’une dose de proportionnelle</a> va contribuer à relancer les manœuvres au sein des partis politiques, comme on le voit déjà lors des élections régionales. La plupart des réformes nées d’une ingénierie institutionnelle hasardeuse comme le quinquennat ou les primaires n’ont fait qu’aggraver les problèmes.</p>
<p>La révision constitutionnelle actuelle, tout comme les conflits sociaux qui secouent le secteur public, partagent des structures communes dans le sens où l’on voit s’affronter dans chaque cas une revendication de terrain – soucieuse de la réalité vécue par les élus et les agents – à une norme juridique ou financière devant décliner un modèle de pouvoir désincarné et impalpable.</p>
<p>À travers l’opposition entre pouvoir vertical et pouvoir horizontal se joue donc une opposition entre deux modes d’interaction politique, l’un virtuel et numérique, l’autre physique et humain.</p>
<hr>
<p><em>Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On assiste à un véritable retournement du macronisme : construit en 2016 contre les oligarchies partisanes sur la base de réseaux militants, il produit une série de réformes peu ou pas négociées.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/863602017-10-25T19:47:18Z2017-10-25T19:47:18ZAvant de nettoyer le bourbier de Washington, Trump a lessivé le Parti républicain<p>Tout le monde avait compris qu’après une campagne menée clairement contre lui par de très nombreuses personnalités de son propre camp, il était primordial pour Donald Trump de prendre le contrôle de la machine électorale indispensable que représente le Parti républicain. Sa stratégie d’une prise de contrôle est maintenant bien connue : il commence toujours par <a href="https://theconversation.com/les-hommes-du-president-trump-68721">consolider sa base la plus proche</a>. À partir de là, il s’attaque aux maillons les plus faibles, un par un, en les isolant et en ne lâchant plus sa proie.</p>
<p>Pour soumettre le parti, il a ainsi commencé par appeler auprès de lui celui qui en était le dirigeant pendant la campagne, <a href="https://www.challenges.fr/monde/etats-unis/qui-est-reince-priebus-nouveau-secretaire-general-de-la-maison-blanche_438291">Reince Priebus</a>. Alors, ayant le champ libre et fort de l’aura de la victoire, il l’a remplacé par quelqu’un qui partageait totalement ses idées et qui surtout lui avait été loyal : <a href="http://www.washingtontimes.com/news/2017/jun/11/ronna-romney-mcdaniel-rnc-chair-rnc-will-defend-pr/">Ronna Romney McDaniel</a> a hérité de la difficile mission de resserrer les rangs autour du Président.</p>
<p>Le Parti républicain, sonné par une campagne au cours de laquelle tous ses champions ont été terrassés les uns après les autres, n’a plus été en capacité de s’opposer à la mise sous tutelle. <em>L’establishment</em>, maintes fois brocardé par le vainqueur de l’élection, a disparu du devant de la scène à Washington et les factions les plus conservatrices ont eu une parole plus libre et des coudées plus franches.</p>
<h2>Que reste-t-il du parti ?</h2>
<p>Mais alors, que reste-t-il du Parti républicain plus traditionnel, de celui qui a porté à la Maison-Blanche tous les prédécesseurs de Donald Trump issus de ce camp-là ? Beaucoup se demandent, en effet, s’il existe encore et, si tel est le cas, s’il pourra survivre à cette présidence. Car voilà bien l’enjeu aujourd’hui.</p>
<p>L’annonce de la retraite parlementaire du sénateur de l’Arizona <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Jeff_Flake">Jeff Flake</a>, qui intervient quelques semaines à peine après celle de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bob_Corker">Bob Corker</a>, le sénateur du Tennessee et puissant président de la Commission des Affaires étrangères pendant de longues années, ne rend que plus critique le danger qui plane sur ce parti. Ce dernier paraît n’être plus qu’une carcasse, après avoir été brutalement abattu le 8 novembre dernier, par l’élection de Trump.</p>
<p>Jeff Flake, en cowboy courageux, avait voulu faire vivre ce Parti devenu un vestige du passé, et il s’est dressé sur la route du bouillant candidat, osant l’affronter, le critiquer et n’hésitant pas à consigner ses réflexions les plus désagréables dans un livre, <a href="https://books.google.fr/books?id=r6QrDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=jeff+flake&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiT8v3h74vXAhXJa1AKHeikB2YQ6AEIJjAA#v=onepage&q=jeff%20flake&f=false">paru au début de l’été</a>. Cela devait sonner le rassemblement, pensait-il, de tous les autres intrépides qui voudraient bien se joindre à lui pour reconstruire le bateau républicain et repartir de plus belle.</p>
<h2>Tous sur la sellette !</h2>
<p>Oui, mais voilà, ses collègues sont peut-être des braves, mais peu d’entre eux se révèlent téméraires. Flake ne peut que constater, aujourd’hui, qu’il a donc négligé un adage pourtant très sage qui dit qu’en politique il ne faut porter un coup que lorsqu’on est en position de force.</p>
<p>Or ce n’était pas son cas, loin s’en faut, ni celui de bon nombre de ses amis susceptibles de lui prêter main-forte : en novembre 2018, un tiers du Sénat et la totalité des représentants <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_de_mi-mandat_aux_%C3%89tats-Unis">reprendront le chemin des campagnes</a> afin d’aller chercher une réélection qui, désormais, n’est plus acquise d’avance, comme c’était le cas traditionnellement. Celui qui est fort aujourd’hui, c’est le Président, ce Trump que Corker et Flake avaient tenté d’arrêter pendant la dernière campagne présidentielle avec un slogan tout aussi incantatoire qu’inoffensif : « Never Trump », « Jamais Trump ».</p>
<p>S’attaquer à lui, on le sait bien maintenant, c’est assurément s’exposer à un retour de bâton, car Donald Trump, plus que tout autre, aime se battre. Et il dit souvent, également, qu’il n’oublie jamais le tort qui lui a été causé.</p>
<h2>Compromis par le populisme</h2>
<p>Jeff Flake, encore plus qu’un autre, courait sans doute à sa perte en novembre 2018 : Donald Trump avait juré de le faire battre et avait annoncé qu’il mettrait dix millions de son propre argent pour y arriver. Steve Bannon, qui semble toujours être le conseiller le plus proche du Président, même s’il a quitté la Maison-Blanche l’été dernier, avait assuré la campagne de celle qui sera très certainement sa remplaçante, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kelli_Ward">Kelli Ward</a>, une trumpiste pur jus. Les électeurs conservateurs de l’Arizona l’ont d’ailleurs déjà adoptée, si on en croit les sondages, qui la donnent tous gagnante dans un an avec près de 70 % des voix.</p>
<p>Le constat n’en a été que plus cruel pour Flake : le Parti républicain de l’Arizona n’est plus celui de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_McCain">John McCain</a> et de Jeff Flake, mais bien celui de Donald Trump.</p>
<p>Jeff Flake a ainsi <a href="https://the1a.org/shows/2017-09-13/jeff-flake">tristement constaté</a> :</p>
<blockquote>
<p>« En 1960, <a href="http://www.washingtonpost.com/wp-srv/politics/daily/may98/goldwater30.htm">Barry Goldwater</a> estimait que le New Deal avait compromis le mouvement conservateur et le Parti républicain. 57 ans plus tard, je crois que le mouvement conservateur et le Parti républicain sont compromis par le populisme. »</p>
</blockquote>
<p>Et d’ajouter :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’y a peut-être pas de place pour un républicain comme moi dans le climat républicain actuel ou le Parti républicain actuel. »</p>
</blockquote>
<p>À son tour, il a tenté une dernière dénonciation dans une prise de parole au sénat qui lui a permis de dire que ce Président est dangereux pour la démocratie. Mais qui l’aura écouté ?</p>
<h2>La machine est lancée</h2>
<p>En réalité, le jeu politique évolue rapidement et tous les acteurs jouent un rôle à leur place : sur <a href="http://www.foxnews.com/politics/2017/10/24/gop-sen-jeff-flake-says-wont-seek-re-election-in-2018.html">Fox News</a> (chaîne très conservatrice), les commentateurs ont presque plaint ce pauvre sénateur qui s’est mis hors jeu, d’après eux, et n’a pas su soutenir le Président choisi par le peuple. On a aussi rappelé que Bob Corker n’a pas reçu le soutien de Trump pour les prochaines élections et qu’il est donc amer. Corker a bien tenté de nier cette version, mais comme le président l’a tweeté, cela ne peut être que vrai…</p>
<p>Après son coup d’éclat, Jeff Flake a reçu le soutien des démocrates, heureux de l’aubaine, mais cela a fini de le décrédibiliser. Les autres sénateurs ont compris qu’il leur fallait faire le moins de vagues possible. Pendant ce temps, l’ancien candidat à la présidentielle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lindsey_Graham">Lindsey Graham</a>, pourtant bien prompt jusque-là à affronter Donald Trump, a vanté au contraire les mérites de ce Président qui est en bien meilleure posture que Bush et Obama pour réaliser la réforme des impôts dont le pays a besoin.</p>
<p>John McCain a repris ses dernières critiques sur les réformés de l’armée à l’époque de la guerre du Vietnam, lorsqu’il assurait que certains étaient alors assez riches pour se payer les services d’un médecin qui leur trouvait une maladie : <a href="http://www.latimes.com/politics/washington/la-na-pol-essential-washington-updates-mccain-issues-veiled-criticism-of-1508760526-htmlstory.html">« Cela n’avait aucun rapport avec Donald Trump »</a>, a-t-il assuré.</p>
<p>Avec ces deux défections d’importance, Trump n’a plus besoin de menacer qui que ce soit. Tout est clair. Alors le parti se met gentiment en ordre de marche pour les prochaines élections de mi-mandat, en novembre 2018. La priorité est maintenant de gagner le plus de sièges possible. Pour le reste, on verra plus tard. Peut-être.</p>
<hr>
<p><em>Jean‑Éric Branaa vient de publier « Trumpland : portrait d’une Amérique divisée », éditions Privat.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86360/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Que reste‑t‑il du Parti républicain qui a porté au pouvoir les prédécesseurs de Donald Trump issu de ce camp ? Beaucoup se demandent s’il existe encore ou s’il pourra survivre à cette présidence.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/848812017-09-29T14:32:19Z2017-09-29T14:32:19ZÉlections sénatoriales du 24 septembre 2017 : la République en panne<p>Les résultats des sénatoriales ont été présentés à raison par les commentateurs comme un sévère échec des partisans du Président de la République. La principale raison de cet échec réside dans les objectifs extravagants que s’étaient publiquement fixés les responsables de La République en Marche, confortés par les projections farfelues publiées dans la presse (notamment celles du <em>Monde</em> du 25 juillet 2017, accordant de 74 à 79 sièges à LREM !).</p>
<p>Sur les 348 sièges que compte le Sénat, 171 ont été renouvelés, le 24 septembre dernier : en dehors d’une élection partielle en Savoie, 170 appartenaient à la série renouvelable (celle-ci inclut les départements de 37 à 66, l’ensemble des départements de la région parisienne ainsi que 14 sièges d’outre-mer et 6 des Français de l’étranger). Elle avait été renouvelée précédemment en 2011, l’autre série l’ayant été en 2014.</p>
<p>Sur ces 171 sièges, 35 étaient désignés au scrutin majoritaire à deux tours (dans 16 départements renouvelables à deux sièges et deux à un siège, ainsi que la partielle en Savoie) et 136 au scrutin proportionnel (130 dans 26 départements à 3 sièges et plus, et les 6 sièges des Français de l’étranger. Les 8 départements à 3 sièges avaient, quant à eux, voté au scrutin majoritaire en 2011.)</p>
<h2>Victoire attendue mais en demi-teinte de la droite</h2>
<p>L’essentiel du corps électoral sénatorial étant composé par les délégués des municipalités, la très large victoire de la droite LR-UDI aux municipales de mars 2014 laissait présager qu’elle allait bénéficier d’une forte progression en voix et en sièges. C’est effectivement ce qui s’est produit.</p>
<p>La droite LR-UDI a progressé en suffrages dans les deux tiers des 38 départements métropolitains et a gagné au total 25 sièges, passant de 73 à 98 sur les 171 renouvelables. Mais, au vu des résultats des municipales de 2014, ces résultats auraient pu être encore meilleurs, et il est probable qu’une petite fraction de son électorat potentiel est passée sur les listes de LREM ou du MoDem, comme on peut le voir dans le Maine-et-Loire, où la droite LR-UDI recule en voix par rapport à 2011 alors qu’elle a gagné la mairie d’Angers en 2014.</p>
<p>On doit également remarquer une très forte dispersion de voix (et de sièges) sur des listes dissidentes, ce qui illustre le discrédit des directions partisanes de droite (en particulier de LR) auprès de leurs grands électeurs. Parmi ces élus, nouveaux ou sortants, tous ne sont pas opposés à la politique du nouveau Président, en particulier à l’UDI qui bénéficie de gains appréciables.</p>
<h2>Lourde défaite de la gauche</h2>
<p>À gauche, la défaite est lourde. Par rapport à 2011, le recul en suffrages de la gauche est général. Le recul est de 20 points (et plus) dans 17 des 38 départements renouvelables en France métropolitaine, entre 10 et 20 points dans 17 départements et de moins de 10 points dans seulement 4 départements.</p>
<p>Cette hémorragie de suffrages correspond aux pertes de municipalités en 2014, mais aussi à des pertes importantes d’implantation du PS vers LREM. Le PS, qui avait eu 62 élus dans cette série en 2011 et n’en avait plus que 46 après les défections vers LREM, n’en a retrouvé que 32 le 24 septembre. Le Parti communiste, qui recule en voix par rapport à 2011 dans 9 des 12 départements où la comparaison était possible, perd encore 6 sièges passant de 16 à 10 dans cette série.</p>
<p>Les écologistes ne sauvent que 4 sièges (contre 10 en 2011) sur les 7 sortants. Au final, sur les 171 sièges renouvelés, la gauche (avec le PRG et les divers gauche) passe de 95 sièges en 2011 à 55 en 2017. Elle en avait encore 73 à la veille du scrutin, 22 de ses élus étant passés à LREM (21) et au MoDem (1).</p>
<h2>LREM, des résultats décevants mais pas catastrophiques</h2>
<p>Les résultats de La République en Marche, même s’ils sont loin des objectifs annoncés par ses responsables, ne sont pas pour autant désastreux. Tous ses sénateurs renouvelables avaient été initialement élus comme socialistes, divers gauche, ou écologistes. La base électorale de départ de LREM au Sénat provenait uniquement de la gauche de 2011. De ce fait, elle devait, elle aussi, subir pleinement les conséquences de la lourde défaite de la gauche aux municipales de 2014. De plus, la majorité de ses sortants ne s’est pas représentée. Ajoutons que tous les observateurs ont noté les effets négatifs des annonces gouvernementales sur les élus locaux (contrats aidés, taxe d’habitation).</p>
<p>Au final, LREM n’a pas non plus été épargnée par une certaine dispersion de suffrages, car, outre la concurrence avec le MoDem dans quatre départements, des candidats non investis ont mené des listes concurrentes (souvent classées divers gauche) aux listes officielles dans 6 départements (Indre-et-Loire, Morbihan, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Essonne (la liste vallsiste), Val-d’Oise).</p>
<p>En tenant compte de ces listes et de celles du MoDem, on observe que sur les 38 départements métropolitains renouvelables, la majorité présidentielle a réalisé plus de 20 % des suffrages dans 14 départements, entre 10 et 20 % dans 18 départements et moins de 10 % dans seulement 6 – ce qui n’est pas rien pour une force nouvelle. En termes de sièges, LREM (avec les DVG proches) en a obtenu 15 et le MoDem 3 (stable sur 2011). On doit observer que ce recul de 6 sièges pour LREM (15 contre 21 renouvelables) représente une perte de même proportion (29 %) que celle du PS sur ses sièges sortants (30 %, 14 sur 46).</p>
<p>Ainsi, si les résultats de LREM sont très loin de la percée annoncée, ils ne sont nullement catastrophiques. LREM, qui avait un socle de départ venant de la gauche de 2011, a subi les effets de la victoire de la droite aux municipales de 2014, mais a confirmé qu’elle a emporté une fraction significative de l’implantation socialiste traditionnelle tout en s’élargissant un peu à des grands électeurs de centre droit.</p>
<p>Les commentateurs qui ont spéculé à partir de ces résultats sur un retour du vieux monde politique, paraissant mettre en doute la pérennité du bouleversement partisan de la présidentielle et des législatives de 2017, devraient se rappeler qu’à l’issue des sénatoriales de septembre 1968, au bout de dix années de domination politique nationale, les gaullistes n’étaient toujours que le quatrième groupe au Sénat avec 12,7 % des sièges.</p>
<h2>Bilan nul pour le Front national</h2>
<p>Comme en 2011, le Front national n’a obtenu aucun siège, bien qu’il ait présenté des candidats dans les 38 départements métropolitains renouvelables. Il a, cependant, confirmé la progression de son implantation locale lors des municipales de 2014. Il a ainsi gagné des suffrages sur 2011 dans 30 départements sur 38, a reculé dans 6 d’entre eux et s’est stabilisé dans 2.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188125/original/file-20170929-1442-1wxljgz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue sur l’hémicycle du Palais Luxembourg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3f/Palais_Luxembourg-_Senat2.JPG/640px-Palais_Luxembourg-_Senat2.JPG">FLLL/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On doit remarquer que 4 de ces reculs ou stagnations se sont produits dans les 7 départements à trois sièges qui sont passés du scrutin majoritaire en 2011 à la proportionnelle en 2017. Dans ces départements, en ne présentant qu’un candidat en 2011, le FN pouvait ajouter à ses électeurs de base quelques votes de panachage venant d’électeurs de droite, ce qui n’était plus possible à la proportionnelle. En ne prenant en compte que les départements où le mode de scrutin (majoritaire ou proportionnel) n’a pas changé depuis 2011, le FN progresse dans 9 cas sur 10 (27 sur 31)). Avec des maximums dans la Haute-Marne (6,9 %) et le Pas-de-Calais (6,7 %), il a dépassé les 4 % dans 7 départements contre un seul en 2011 (la Haute-Marne).</p>
<h2>Des réformes constitutionnelles plus aléatoires</h2>
<p>Au final, ces élections ont confirmé la domination de la majorité sénatoriale LR-UDI derrière son Président Gérard Larcher (LR). Elle dispose maintenant de 210 sièges (+25) sur 348, contre 107 pour la gauche (72 PS, 12 PC, 7 PRG, 4 EELV, 12 DVG), 28 pour la majorité présidentielle (23 LREM, 3 MoDem et 2 DVG), 2 FN et 1 divers.</p>
<p>La faiblesse de la majorité présidentielle ne signifie cependant pas que le gouvernement ne pourra pas trouver une majorité au Sénat pour faire voter ses projets. La grande majorité des élus de l’UDI lui est favorable ainsi que le PRG, une fraction importante des élus socialistes (comme l’indique la réélection dès le premier tour de Didier Guillaume à la présidence du groupe socialiste) et des divers gauche, ainsi qu’une minorité significative des élus LR, dont certains envisagent la création d’un groupe parlementaire « constructif » progouvernemental au Sénat.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que ces résultats rendent plus aléatoire la voie parlementaire pour les réformes constitutionnelles annoncées par le Président de la République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les résultats de LREM sont très loin de la percée annoncée, ils ne sont nullement catastrophiques. Elle a emporté une fraction significative de l’implantation socialiste traditionnelle.Pierre Martin, Politologue au CNRS (PACTE), Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/799272017-06-25T19:20:02Z2017-06-25T19:20:02ZGrande lessive à l’Assemblée nationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175170/original/file-20170622-11964-1jz7ean.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Palais Bourbon (ici en 2006).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tamf/84496700/in/photolist-8t4VE-dt8ZN1-ntzRef-7kj97T-dCK24f-nKTQhW-nKTTPq-emNCC-8UBCPi-bN9nRD-91QqrM-q5c43-8V6XDJ-tqmuT-8yYRo-8BfuED-ntzzhe-nMRLxV-ntA9EV-dCK1Fd-8PHxFk-8Z5Y5w-2QHAQS-5VxeSC-nJ2NEs-bDD5xs-ez9FDi-pqSJft-e1iN3t-bhsvut-dpPHoh-akE8SK-ox99pC-9uv9VA-6a26Jz-6JuEj4-4aujZi-8FCc4w-hzU272-fiQTqS-pJPof8-pJKY5x-e9L9So-MqvoM-tqmtL-9us8qZ-J1W2T-tqmst-4auj9a-6yfK27">tamadhanaval/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse et j’ventile. »</p>
</blockquote>
<p>Cette célèbre réplique de Bernard Blier dans <em>Les Tontons flingueurs</em> pourrait s’appliquer à l’<a href="http://www.assemblee-nationale.fr%5B">Assemblée nationale élue en 2012</a>. Les électeurs viennent en effet de la renouveler profondément, et même comme jamais ils ne l’avaient fait sous la V<sup>e</sup> République, pas même en 1958 lors du retour au pouvoir du général de Gaulle qui avait tourné la page d’une IV<sup>e</sup> République engluée dans la guerre d’Algérie et paralysée institutionnellement.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/T9hDBtX7t8s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Un taux de survie extrêmement bas</h2>
<p>Cette Assemblée de 2012, dominée par le PS et, à l’origine, glaive d’un président – François Hollande – qui s’était donné pour ennemi la finance, s’est en effet volatilisée au soir des 11 et 18 juin 2017. Seuls 148 sortants sur 569 ont conservé leur siège (l’Assemblée comptant 577 sièges mais 8 sièges étaient vacants au moment du scrutin).</p>
<p>Cela signifie que le taux de survie des députés sortants n’a pas dépassé 26 % contre 57 % pour les élus de 2007 ou ceux de 2002, 52 % en 1997 et 1993, 67 % en 1988, en dépit d’alternances récurrentes. Soit un taux de survie qui a été plus que divisé par 2 et permet de prendre la mesure du « dégagisme » selon un terme et un processus qui a caractérisé les élections de 2017.</p>
<p>Dès lors, on n’a jamais compté autant de nouveaux députés au Palais Bourbon : 422 (si on s’en tient strictement aux sortants) ou 415 officiellement (puisque parmi les nouveaux, on compte des anciens qui, le plus souvent devenus ministres, ne siégeaient plus sur les bancs parlementaires). Or, aucune Assemblée de la V<sup>e</sup> République n’a jamais connu autant de novices.</p>
<p>Pour trouver un précédent record, il faut remonter <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2006-1-page-69.htm">aux origines du régime, en 1958</a> : 310 nouveaux députés sur 579. Soit encore une bonne centaine de moins qu’en 2017. Suivent les alternances de 1993 puis de 1981 (voir le document ci-dessous). Cela tend presque à relativiser le renouvellement parlementaire qui avait suivi l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, première alternance sous la V<sup>e</sup> République. Il avait affecté 44 % des députés alors que celui qui a suivi l’élection d’Emmanuel Macron en concerne 72 %.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175168/original/file-20170622-11964-1177276.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Proportion de nouveaux députés par rapport au nombre de sièges de l’Assemblée nationale (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cevipof, Assemblée nationale, D. Andolfatto</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ceci dit, comment expliquer qu’une très grande partie des députés de la 14<sup>e</sup> législature (2012-2017) se soient volatilisés ?</p>
<h2>Valse de sièges</h2>
<p>Si les élections législatives servent à pourvoir 577 sièges à l’Assemblée nationale, ce sont quelque 643 parlementaires qui, en réalité, se sont succédé au cours de la mandature 2012-2017. Un certain nombre de députés, au cours de cette période, sont en effet entrés au gouvernement et ont laissé leur siège à leur suppléant avant, parfois, de le récupérer en cas de démission de leurs fonctions ministérielles, puisque la révision constitutionnelle de 2008 le permet désormais.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175179/original/file-20170622-11964-19717y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bernard Cazeneuve, ex-premier ministre et député pour quatre jours…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/8006470492/in/photolist-dcvfJG-bkA21B-SojReP-gia8cP-cXQ3vu-SojQSM-w1RTZz-cXUzmq-nyYg9o-b85u64-aXWVge-g8WsPp-psqjEJ-gUjAxV-gUjwEc-fAMzF5-pWw4dE-pubctR-bkA5cF-g8Wz4t-qTry3G-gianNf-pcYiNF-SojR62-dcv5dc-Sj9QkV-Qfd9AD-bkA4XF-Svn9oH-SvnGKX-SvpgNt-bkA5ve-dcvbYe-bkA1H6-Qfdab6-RtVUQp-bkA39R-bkA4fD-QUt6Q7-bkA3Rn-bkA4Ek-Rfx1mA-QcnWTu-RtVVb4-RtVVme-QUt78b-Rfx2m1-QUt89u-TkSToz-QUt74y">Parti socialiste/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, on a pu observer que Bernard Cazeneuve, qui a quitté Matignon à la mi-mai 2017, a récupéré son siège de député un mois plus tard pour ne l’occuper que 4 jours, puisque son mandat a pris fin le 20 juin. Ce retour de l’ancien Premier ministre à l’Assemblée paraît donc curieux puisque celle-ci ne siégeait plus et que Bernard Cazeneuve ne se représentait pas. Peut-être cela s’explique-t-il pour des raisons pécuniaires, l’Assemblée nationale servant des indemnités de chômage généreuses à ses membres sortants non réélus et sans travail. Mais cela ne reste qu’une hypothèse.</p>
<p>Plus largement, le nombre de 643 députés au cours de la période 2012-2017 s’explique surtout par des démissions et quelques décès (voir le tableau ci-dessous). Au total, 5 députés sont morts en cours de mandat (Olivier Ferrand, Sylvie Dessus, Anne Grommerch, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175482/original/file-20170625-13456-1lh33.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Que sont devenus les députés de 2012-2017 ? (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Andolfatto</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus d’une vingtaine ont démissionné pour diverses raisons : à la suite d’affaires judiciaires et de condamnations (Sylvie Andrieux, Jérôme Cahuzac), pour des raisons de santé (Jean‑Louis Borloo, Armand Jung), pour privilégier des fonctions exécutives locales, surtout après les élections régionales de 2015 (Xavier Bertrand, Gérard Darmanin, Chistian Estrosi, Hervé Morin, Valérie Pécresse). Mais la plupart des démissions font suite à des nominations au gouvernement puis, concernant Laurent Fabius et Pierre Moscovici, au Conseil constitutionnel et à la Commission européenne.</p>
<p>Quelques députés ont été nommés à la tête d’institutions diverses. François Brottes, député PS, spécialisé dans les questions énergétiques et ancien président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, a pris la direction de Réseau de transport d’électricité (RTE). Bernard Roman a été nommé à la tête de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).</p>
<p>Si ce dernier n’avait pas de compétences particulières dans ce domaine, cela devait permettre de libérer son siège de député pour favoriser l’installation à Lille de François Lamy et sa réélection au Parlement, en attendant la succession de Martine Aubry… Mais l’ex-député de l’Essonne et ex-ministre délégué à la Ville a été défait dès le premier tour aux dernières élections. Enfin, Christophe Caresche, député PS de Paris, a quitté le parlement pour la direction de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM).</p>
<p>Trois autres députés, dont François Baroin, ont été élus au Sénat. Enfin, deux députées se sont vus confier des missions de plus de six mois et ont donc dû céder leur siège à leur suppléant. Cela a, par exemple, permis à <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/08/29/la-deputee-sandrine-hurel-cede-son-siege-a-sa-belle-fille_4739977_823448.html">Sandrine Hurel</a>, épouse d’un sénateur, d’être remplacée au Palais Bourbon par sa belle-fille, Marie Le Vern.</p>
<h2>Député, une expérience mitigée</h2>
<p>Mais le fort renouvellement de l’Assemblée en 2017 s’explique surtout parce qu’un grand nombre de sortants (224) ont décidé de ne pas se représenter. Au moins quatre raisons l’expliquent et peuvent, parfois, se combiner :</p>
<ul>
<li><p>la mise en œuvre de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi_organique/2014/2/14/INTX1302979L/jo">loi du 14 février 2014</a> interdisant à compter de juillet 2017 le cumul entre le mandat de député et une fonction exécutive locale ;</p></li>
<li><p>l’âge et la volonté de favoriser le renouveau ;</p></li>
<li><p>la crainte de la défaite dans un contexte très défavorable au PS (or, une majorité des sortants lui appartenaient) ;</p></li>
<li><p>une lassitude et le choix d’une réorientation de carrière.</p></li>
</ul>
<p>En réalité, seul le premier cas de figure est réellement quantifiable. On peut l’estimer à plus de 100 cas : choix de la présidence de conseils régionaux, de conseils départementaux, d’intercommunalités ou de la fonction de maire (voir tableau ci-dessous).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175175/original/file-20170622-12049-1e9fnyz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les principaux mandats locaux préférés à celui de député.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Andolfatto</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, s’agissant souvent de petites villes, on peut se demander si la crainte de l’échec ne l’a pas emporté, comme dans le <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/vallee-du-rhone/drome/deputee-du-coin-nathalie-nieson-raconte-son-mandat-one-shot-1095543.html">cas de Nathalie Nieson</a>, maire de Bourg-de-Péage (Drôme), qui a livré un témoignage assez mitigé sur son expérience de député (<em>La députée du coin</em>, Seuil, 2016). De fait, il faut compter avec quelques députés plus ou moins déçus par rapport au métier parlementaire et ayant décidé de se réorienter vers le monde de l’entreprise ou des activités sans doute plus rétributrices, tant en rémunération qu’en pouvoir : Luc Chatel, <a href="http://www.lejdd.fr/politique/laurent-grandguillaume-la-vie-dapres-3362456">Laurent Grandguillaume</a>, Marion Marechal-Le Pen… Enfin, quelques sortants, pris dans l’étau d’affaires diverses ont dû s’effacer : <a href="https://theconversation.com/les-verts-face-a-laffaire-denis-baupin-feminisme-sexisme-et-loyaute-60669?sr=1">Denis Baupin</a>, Nicolas Bays, Paul Giacobbi, Bruno Le Roux, Thomas Thévenoud…</p>
<p>Reste le grand nombre de sortants qui ont été battus, dès le premier tour (118) puis au second tour (79). Le fait qu’une cinquantaine de ceux qui se représentaient aient obtenu le label « La République en Marche » ou ne se soient pas vu opposer un candidat de cette formation nouvelle a évité que le nombre de sortants battus ne soit plus important encore. Mais, parfois, cette martingale n’a pas suffi comme <a href="http://www.europe1.fr/politique/second-tour-des-legislatives-marisol-touraine-annonce-sa-defaite-dans-la-3eme-circonscription-dindre-et-loire-3364652">dans le cas de Marisol Touraine</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Andolfatto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les électeurs viennent de la renouveler profondément, et même comme jamais ils ne l’avaient fait sous la Vᵉ République, pas même en 1958 lors du retour au pouvoir du général de Gaulle.Dominique Andolfatto, Professeur des Universités en science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/696492016-12-02T00:56:22Z2016-12-02T00:56:22ZRéférendum en Italie : le quitte ou double de Matteo Renzi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/148158/original/image-20161130-17056-sejh9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Matteo Renzi, l'homme à abattre pour une opposition hétéroclite.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/palazzochigi/16249645848/in/photolist-qKVFzJ-qaUitz-pe1qaa-d9ATjN-r3oaHX-pG7XCQ-oJB5s2-nxq61V-mgCQBF-Hx9jDr-s8jCEf-nxwqLw-qKWZrf-r3mtmx-mgC4cz-kKU8tP-p737q9-qKVFD1-kKU8An-nxwqNq-nTwPbL-r3inNf-moJ3PB-qLYYcj-r164N7-qL3U8g-nxq5vg-oxdD1r-vpQEB6-r3inEj-powkTM-q8L2MA-pe2wZP-wmHANR-oKf5L4-nghNyb-qKXmnR-pDX9Zo-r3e8Lz-nK6Trp-nHjpFT-qKPDrj-nVwFnq-r4pTuF-qKPDtJ-rYvKTL-q8Sb54-rj6z27-moSVRF-nfVeP2">Palazzo Chigi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les Italiens sont appelés aux urnes le dimanche 4 décembre pour décider s’ils approuvent ou rejettent une série de réformes institutionnelles voulues par le gouvernement de Matteo Renzi.</p>
<h2>La réforme du sénat au cœur de la consultation</h2>
<p>Parmi les dispositions contenues dans la loi adoptée par le Parlement le 12 avril dernier, la plus spectaculaire et importante concerne le Sénat. Jusqu’ici celui-ci était élu au suffrage universel pour 5 ans par les citoyens âgés de plus de 25 ans, contre 18 pour la Chambre des députés, et disposait du même pouvoir que l’autre assemblée. La réforme portée surtout par la ministre pour les Réformes constitutionnelles et des relations avec le Parlement, Maria-Elena Boschi, à l’issue de longs mois de débats et de multiples amendements vise à rompre avec le bicaméralisme intégral instauré en 1948.</p>
<p>Le Sénat aurait pour vocation principale de représenter les institutions territoriales. Au lieu des 315 membres actuels, il serait composé de 74 conseillers régionaux et 21 maires élus par les conseils régionaux auxquels viendraient s’ajouter 5 personnalités nommées, non plus à vie comme actuellement, mais pour un mandat de 7 ans non renouvelable par le président de la République. Aucun d’entre eux ne toucherait une indemnité. Il légiférerait sur les réformes et les lois constitutionnelles, les traités concernant l’Union européenne, les lois concernant les régions et les grandes métropoles ou encore celles concernant les référendums. Il pourrait examiner la loi de finances mais la Chambre pourrait rejeter à la majorité simple ses éventuelles modifications. Il ne pourrait plus donner ou retirer sa confiance au Président du Conseil.</p>
<p>Par ailleurs, un mois plus tard, le gouvernement a fait adopter une nouvelle loi électorale baptisée <em>l’Italicum</em>, non soumise au vote mais qui est au cœur également de la campagne référendaire. Elle stipule qu’un parti qui obtient 40 % des voix raflera automatiquement 55 % de députés, le reste se répartissant entre les partis ayant eu plus de 3 % des suffrages. Si aucun parti n’atteint les 40 %, un deuxième tour est organisé entre les deux partis arrivés en tête, le vainqueur se voyant là aussi attribuer 55 % des sièges.</p>
<h2>Stabilité versus spectre du césarisme</h2>
<p>Les défenseurs de la réforme en chantent les vertus et les mérites. Elle permettrait, selon eux, de sortir du profond climat de défiance politique qui existe en Italie car elle assurerait une majorité parlementaire claire, une stabilité réelle – l’Italie a connu 63 gouvernements en 70 ans de République – et donc une gouvernabilité du pays, en mesure d’agir vite sans perdre du temps avec les navettes incessantes et exténuantes entre les deux Chambres. Et en plus en réduisant les coûts de la politique.</p>
<p>Ses adversaires les plus modérés dénoncent les imperfections techniques de la réforme et déplorent qu’elle divise le pays au lieu de créer un nouveau consensus. Les plus radicaux expliquent qu’on ne peut toucher à l’une des Constitutions les plus démocratiques du monde et s’alarment, surtout avec <em>l’Italicum</em>, d’un risque de césarisme (on dirait en France de bonapartisme) soit dès maintenant avec Matteo Renzi, soit à l’avenir.</p>
<h2>Matteo Renzi, l’homme à abattre</h2>
<p>Mais à ces controverses qui opposent durement des constitutionnalistes et des politologues viennent se mêler des considérations plus politiques, au demeurant pas toujours absentes des débats entre experts. Matteo Renzi a reconnu avoir commis une erreur en personnalisant au début ce scrutin, expliquant qu’en cas d’échec, il renoncerait à la politique. Le Florentin a depuis mis de l’eau dans son chianti et il a cherché à diviser ses adversaires en acceptant de revoir la loi électorale. Mais il ne peut empêcher que le vote du 4 décembre prenne les allures d’un plébiscite.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148159/original/image-20161130-17044-18u2s43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jeune président du Conseil a pris le risque de transformer ce référendum en plébiscite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/palazzochigi/15426983441/in/photolist-pvejH8-pvvCtF-omLaHk-pe1KXC-nPWE3q-rji1Wa-rWLBGX-rYDwjX-rYvoC9-qKVyBr-rWLBvV-sg3Usp-pvtSEs-rj6yR7-pcP8Sk-sg6Kgg-nD6DKg-sg3UaF-pe1KWW-pvejwM-moSPBg-p5mwHT-o78XFp-qgEAvM-rYvoi1-rWLBFz-rYvot1-oXUWnD-qKXmv6-oxe36y-sg6Kr6-rWLByR-q6uVqy-qKNkKs-sg6KC8-pvvCqe-rYvofA-ntKune-oVAJDT-nD63x5-moTuwt-sg6KqV-r1dpMG-kKWMv5-r3qHsS-moyMpp-nD5MeN-moyMUc-moULK9-pDX9VW">Palazzo Chigi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Qu’il aborde difficilement en dépit de son plein engagement dans la campagne. Car Renzi est assez isolé. Il peut compter sur la majorité de son parti, le Parti démocrate (PD), quelques centristes, des personnalités dont l’ancien président de la République Giorgio Napolitano et diverses organisations d’intérêt comme la Confindustria (le Medef italien). Contre lui s’est formée une coalition totalement hétérogène regroupant la Ligue Nord, la plus grande partie de <em>Forza Italia</em> de Silvio Berlusconi, <em>Fratelli d’Italia</em> (extrême droite), divers regroupements centristes, le Mouvement 5 étoiles, la gauche de la gauche et la minorité de son propre parti.</p>
<p>Tous recourent à des arguments juridiques mais sur le fond, ils ne sont mus que par une ambition : affaiblir Matteo Renzi, voire le bouter hors de la compétition politique quand bien même eux sont divisés sur tout et de ce fait incapables de gouverner ensemble. Matteo Renzi est l’homme à abattre. Il faut donc attendre le 4 décembre au soir pour voir si leur objectif est atteint.</p>
<h2>Un résultat attendu avec impatience en Europe</h2>
<p>Si le oui gagne, cela sera non pas une victoire, mais presque un triomphe pour Matteo Renzi. Il pourra régler ses comptes dans son parti, y asseoir plus que jamais son autorité et profiter de la déconfiture de ses adversaires. Jusqu’à demander au président de la République de dissoudre les chambres pour des élections anticipées ? C’est à voir.</p>
<p>Si en revanche, le non l’emporte, Matteo Renzi serait vraisemblablement obligé de présenter sa démission au Président de la République. Lequel pourrait lui demander d’abord d’aller se présenter devant les Chambres pour vérifier s’il a encore ou pas la confiance du Parlement. Renzi, déjà affaibli, acceptera-t-il de le faire et si oui obtiendrait-il une nouvelle confiance ? Le président de la République a de toute façon une autre carte : tenter de trouver une personnalité apte à former un gouvernement (on parle beaucoup du Président du Sénat), refaire une loi électorale puis aller aux élections soit de manière anticipée au cours de l’année prochaine soit à la fin de la législature en 2018. Enfin en cas de blocage, la seule solution restante serait celle de la dissolution des Chambres mais après avoir trouvé une nouvelle loi électorale car l’actuelle a été déclarée en partie inconstitutionnelle.</p>
<p>On comprend dans ce contexte que le résultat de dimanche est attendu avec impatience en Italie mais aussi en Europe. Car, surtout en cas de rejet de la réforme, la période d’incertitude qui s’ouvrirait dans un des pays majeurs de l’Union européenne mais dont la fragilité économique et bancaire est réelle, fait craindre le pire aux chancelleries et aux marchés financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69649/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Lazar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le résultat de dimanche est attendu avec impatience en Italie et en Europe. En cas de rejet, la période d’incertitude qui s’ouvrirait fait craindre le pire aux chancelleries et aux marchés financiers.Marc Lazar, Directeur du Centre d’Histoire de Sciences Po et Président de la School of government de l’Université Luiss (Rome), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.