tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/solidarite-20350/articlessolidarité – The Conversation2024-01-04T21:57:37Ztag:theconversation.com,2011:article/2191812024-01-04T21:57:37Z2024-01-04T21:57:37ZQuand la musique sert une bonne cause : comment toucher le public sans paraître opportuniste ?<p>Si les appels à la compassion traversent les âges, les dispositifs de communication par lesquels ils passent, eux, varient. Aujourd’hui ils mobilisent souvent des personnalités issues du sport, de la chanson, de la mode, du cinéma, de la littérature qui se présentent comme les porte-parole de « sans-voix », qui parlent « à leur place » et « en leur faveur ». </p>
<p>Chaque année le Téléthon a un « parrain » ou une marraine Mireille Mathieu, Yannick Noah, Garou, Soprano… ; l’appel à la compassion passe aussi par des chansons composées pour la circonstance et destinées à recueillir des fonds : aux U.S.A., la chanson « We are the World » (1985), pour les Africains victimes de la famine, a été interprétée par 45 artistes ; en France, « La chanson des Restos » (1986) a mobilisé des personnalités particulièrement médiatiques (Coluche, Michel Drucker, Yves Montand…).</p>
<p>Mais il n’est pas question ici de porte-parole au sens classique du terme. Ces médiateurs s’appuient en effet non sur un mandat donné par une organisation et sur des procédures bureaucratiques de nomination, mais sur des motivations d’ordre éthique, et souvent même sans que ceux en faveur de qui il parle le leur aient demandé. Leur position se révèle particulièrement délicate : ils doivent rendre audible et recevable la voix de ceux qu’ils défendent, mais non se substituer à elle.</p>
<p>Quand, pour mieux toucher le public, leur message mobilise des ressources esthétiques, cela ne va pas sans soulever des difficultés : peut-on produire des textes ayant une valeur artistique sans sortir du registre de l’appel à la compassion ?</p>
<p>Il ne peut être question de faire œuvre d’art véritable, de détourner au profit des artistes une parole qui se veut au service de ceux qui souffrent même si de fait c’est aussi un moyen de se rendre visibles, d’améliorer leur image, voire de faire leur propre promotion. Il faut donc trouver des solutions de compromis. Je vais en évoquer deux empruntés au domaine de la chanson : le cas des « Sans Voix » et celui des « Enfoirés ».</p>
<h2>Les Sans Voix</h2>
<p>Il existe un groupe de rock, les « Sans Voix », qui se donne pour mission de parler au nom des exclus de la société.</p>
<p>Ce <a href="https://www.sansvoix.fr/presse/">groupe musical varois</a> est né en février 2014 de la volonté de <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/ploermel-56800/la-mennais-pierre-favre-a-raconte-son-parcours-e1938cfe-b91a-11ed-ba5f-4162affd0dc8">Piero Sapu</a>, figure de la scène alternative et chanteur des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/coda-rock-a-l-ail-3-10-les-garcons-bouchers-2-1ere-diffusion-17-03-1988-6353377">Garçons Bouchers</a>, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/coda-rock-a-l-ail-8-10-bb-doc-1ere-diffusion-24-03-1988-5531183">BB Doc</a>, Docteur Destroy. Il se donne pour mission d’amplifier et de porter la parole de tous les « sans », les « oubliés » de notre société.</p>
<p>Le projet est original car une voix du rock francophone a décidé de mettre son talent de parolier et son charisme scénique au service des exclus de la société, devenant ainsi un amplificateur et un porte-voix.</p>
<blockquote>
<p>« Les paroles des morceaux composés par le groupe Sans Voix (une vingtaine de compositions à ce jour) sont les mots des “galériens” de l’existence, recueillis lors d’ateliers d’écriture, dans des livres, ou au gré de rencontres à travers la France. » (présentation du groupe sur son site Internet)</p>
</blockquote>
<p>Ici le groupe des « Sans Voix » est présenté à la fois comme « amplificateur et porte-voix » des « oubliés » et comme la « rencontre » entre un chanteur connu et les « Sans », les « délaissés ». Il y a là un risque de tension puisqu’un chanteur connu peut difficilement être considéré comme un « sans voix ». Mais la biographie et l’apparence du chanteur, Piero Sapu – chauve, tatoué et barbu – correspondent au stéréotype de l’artiste marginal vivant parmi les pauvres, et non à celle de l’artiste consacré qui entrerait en contact avec un monde qui lui est étranger.</p>
<p>En outre, pour ne pas trop s’éloigner des « sans voix », le groupe ne peut pas véritablement s’ancrer dans le champ musical en produisant des textes ou une musique qui seraient très élaborés sur le plan esthétique. Les textes des chansons sont ainsi présentés comme <a href="https://www.sansvoix.fr/album/">produits collectivement</a> et « composés par le groupe Sans Voix », et « recueillis lors d’ateliers d’écriture, dans des livres, ou au gré de rencontres à travers la France ». L’une des chansons phares du groupe, « Rachel », par exemple, est attribuée à « Rachel Boncœur/W. Delgado, L. Gasnier, G. Mas, L. Merle, C. Parel ». Les paroles sont en harmonie avec les conditions dans lesquelles elles sont censées avoir été produites. La première strophe montre un éthos simple, pour mieux évoquer des personnes invisibilisées par la société :</p>
<blockquote>
<p>Ce n’est qu’une voix qu’on ne voit pas qu’on ne regarde pas</p>
<p>Une petite voix une simple voix qui n’existe presque pas</p>
<p>Ce n’est qu’une voix qu’on n’entend pas qu’on n’écoute plus ou pas</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OmRWPPden_k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Enregistrement de la chanson « Rachel » par le groupe « Les Sans Voix », juillet 2015.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ici les paroles légitiment les conditions de leur propre énonciation : elles explicitent le sens même du groupe qui l’interprète, les « sans voix » font entendre « une voix qu’on n’entend pas ».</p>
<p>Si l’élaboration esthétique était poussée plus avant et si les membres du groupe agissaient comme de « vrais professionnels », on basculerait dans le registre de la chanson de variété. C’est d’ailleurs ce qui se passe pour ceux qui se présentent comme appartenant à un monde d’exclus, mais exercent leur activité à l’intérieur du champ proprement musical.</p>
<h2>La chanson des Enfoirés</h2>
<p>Initiative beaucoup plus célèbre, la chanson des « Enfoirés » propose une autre manière de résoudre la tension entre élaboration esthétique et appel à la compassion. En 1985, Coluche lance l’idée des « Restos du Cœur ». Il demande au chanteur Jean-Jacques Goldman, d’écrire une chanson pour diffuser le message. Ce dernier compose « La Chanson des Restos » ; 533 900 exemplaires du disque sont immédiatement vendus au profit de l’association.</p>
<p>Cette chanson, bien qu’écrite par une star, s’efforce de ne pas ressembler à une chanson de variété habituelle, et pas seulement par son contenu. Cela se fait en réduisant au minimum les marques trop visibles de « poéticité » : les auditeurs ne doivent pas se focaliser sur la qualité esthétique du texte, au détriment de l’émotion. Cela peut se faire aussi en modifiant la manière dont elle est interprétée : la chanson ne valorise pas un interprète singulier, elle est assumée par un groupe de personnes réunies pour la circonstance. C’est le cas avec les « Enfoirés ». Le nom même de ce groupe éphémère est antiphrastique : il inverse imaginairement la position haute qu’occupent ses membres dans la société.</p>
<p>Le fait qu’il n’y ait que deux chanteurs parmi les premiers Enfoirés contribue aussi à faire sortir la chanson du registre purement musical : on y trouve des acteurs (Coluche et Nathalie Baye), un chanteur (Jean-Jacques Goldman), un acteur-chanteur (Yves Montand), ainsi qu’un footballeur (Michel Platini), et un animateur de télévision (Michel Drucker).</p>
<p>C’est là une manière de montrer que la visée esthétique n’est pas première, que c’est l’urgence qui contraint à intervenir ceux qui n’ont pas vocation à le faire. D’ailleurs, le texte n’est pas intégralement chanté. Seul le refrain l’est, et par l’ensemble des participants.</p>
<p>Voici, par exemple, le premier couplet :</p>
<blockquote>
<p>Moi je file un rencard à ceux qui n’ont plus rien<br>
Sans idéologie discours ou baratin<br>
On vous promettra pas les toujours du grand soir<br>
Mais juste pour l’hiver à manger et à boire<br>
A tous les recalés de l’âge et du chômage<br>
Les privés du gâteau les exclus du partage<br>
Si nous pensons à vous c’est en fait égoïste<br>
Demain nos noms peut-être grossiront la liste<br>
Da lada da da da da (trois fois, en chœur)</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TjE6i8X3Uf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chanson des Restos du Cœur.</span></figcaption>
</figure>
<p>La chanson mobilise un français standard, voire familier, tant pour le lexique que pour la syntaxe. Les quatre premiers vers sont prononcés par Coluche, les quatre suivants par Yves Montand : personne ne doit s’approprier le texte. Les « Enfoirés » ont beau être célèbres, ils participent à une entreprise qui constitue une parenthèse dans leurs carrières respectives.</p>
<p>Le fait que les couplets soient parlés et non pas chantés se charge d’une valeur morale dans le cadre d’un appel à la compassion : chacun parle avec la voix qu’on lui connaît, déjà bien identifiée dans les médias, avec son humanité, qu’il partage avec les « exclus du partage ».</p>
<p>Les vrais chanteurs que sont Jean-Jacques Goldmann et Yves Montand ne sont pas distingués des autres. Tout est conçu pour éviter une mise en spectacle valorisante de l’interprète. Le chant est réservé au refrain, qui relègue à l’arrière-plan sa dimension esthétique par son caractère collectif, incarnation de la solidarité ; il culmine dans un « Da lada da da da da », pure expression d’un affect.</p>
<p>Pas plus que les « Sans Voix », les « Enfoirés » ne peuvent produire des textes sophistiqués. Un investissement esthétique trop prononcé risquerait à tout moment d’être perçu comme un artifice mensonger, incompatible avec la vérité du cœur, l’authenticité d’une conscience compatissante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219181/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Maingueneau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il existe une tension entre le caractère esthétique et le registre de l’appel à la pitié de certaines productions artistiques.Dominique Maingueneau, Professeur émérite de linguistique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173402023-12-06T17:40:01Z2023-12-06T17:40:01ZInterdiction des distributions alimentaires, quels moyens d’action pour les associations ?<p>Le 10 octobre dernier, journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, a été cyniquement l’occasion pour la Préfecture de Police de Paris de prendre un <a href="https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/sites/default/files/Documents/Arr%C3%AAt%C3%A9%20n%C2%B02023-01196.pdf">arrêté</a> qui a interdit les distributions alimentaires pour une période d’un mois dans certaines zones des X<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> arrondissements, connues pour abriter – à défaut d’accueillir – des lieux de vie informels d’exilés et demandeurs d’asile.</p>
<p>Cette pratique, récente et localisée, n’a été constatée qu’à Paris et Calais. Il n’est pas étonnant que la pratique ait commencé à Calais, <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=16846">« ville-laboratoire »</a> en ce qui concerne la « chasse » aux étrangers.</p>
<p>Le risque qu’elle se répande reste important malgré des <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/jur_ta-lille_2017-03-22_1702397.pdf">annulations prononcées par le juge</a>, surtout que les arrêtés n’ont pas toujours été annulés immédiatement, ce qui donne un signal positif aux autorités qui pourraient reprendre des moyens qui ont pu être, à un moment, acceptés par le juge.</p>
<h2>Les premiers arrêtés calaisiens</h2>
<p>L’historique des interdictions de distribution alimentaire commence à Calais. En réponse aux associations de défense des exilés qui réclamaient l’ouverture d’un lieu pour pouvoir distribuer des repas, la maire – <a href="https://www.europe1.fr/societe/la-maire-de-calais-veut-empecher-la-distribution-de-repas-aux-migrants-2992127">ouvertement hostile aux exilés</a> – a pris <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/arrete_2017-03-02_calais-maire.pdf">deux arrêtés</a> les <a href="https://gisti.org/IMG/pdf/arrete_2007-03-06_calais-maire.pdf">2 et 6 mars</a> 2017. Ils visent les distributions alimentaires en interdisant les « occupations abusives, prolongées et répétées », notamment dans la zone industrielle des Dunes, où, justement, les distributions conduisent quotidiennement à des rassemblements.</p>
<p>Les associations saisissent le 13 mars 2017 le tribunal administratif de Lille afin que l’arrêté soit annulé et que la commune de Calais leur fournisse « les moyens matériels au fonctionnement d’un service de distribution de repas ».</p>
<p>Pour les associations, les décisions attaquées sont en effet en contradiction avec les droits fondamentaux, notamment « à la liberté de réunion, à la liberté de manifester et à la liberté d’aller et venir ; elles violent le principe de dignité humaine posé par la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946">Constitution de 1946</a> et consacré par le Conseil constitutionnel dans <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/la-dignite-de-la-personne-humaine">sa décision Bioéthique du 27 juillet 1994</a> et le principe de prohibition des traitements inhumains et dégradants posé par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme ».</p>
<p>C’est d’ailleurs, pour elles, « d’autant plus grave que l’autorité municipale en est l’auteure ». En effet, en vertu de ses pouvoirs de police, la <a href="https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=RFDA/CHRON/2021/0152">maire est chargée d’assurer l’ordre public</a>, au rang duquel figure la préservation de la dignité de la personne humaine, alors qu’elle fait primer ici, pour des raisons politiques, des <a href="https://shs.hal.science/halshs-03276760">motifs sécuritaires</a>, en empêchant des personnes en situation de dénuement total de satisfaire leurs besoins élémentaires. Pour la municipalité, les distributions entraînent des débordements, rixes, et atteintes à l’hygiène à cause des déchets (à noter que cette même municipalité refuse de mettre à disposition des bennes à ordures).</p>
<p>Néanmoins, le juge annule <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/jur_ta-lille_2017-03-22_1702397.pdf">l’arrêté le 22 mars 2017</a> car la commune ne fait état d’aucun trouble lié aux distributions et que « la maire a porté une atteinte grave et manifestement illégale » aux libertés et droits fondamentaux des associations et exilés.</p>
<h2>Le renouveau à la faveur de la crise sanitaire</h2>
<p>C’est à la faveur de la crise sanitaire que l’interdiction renaîtra par un <a href="https://www.pas-de-calais.gouv.fr/contenu/telechargement/49220/294676/file/RAA%20-%20recueil%20sp%C3%A9cial%20n%C2%B058%20du%2010%20septembre%202020.pdf">arrêté préfectoral du 10 septembre 2020</a> justifié, entre autres par le non-respect des mesures sanitaires au cours des distributions. L’interdiction est accompagnée de sanctions (essentiellement des amendes, d’un montant de 135€).</p>
<p>Cette fois-ci, le juge sera moins protecteur des droits fondamentaux des exilés. En effet, par une <a href="http://lille.tribunal-administratif.fr/Actualites/Communiques/Arrete-interdisant-la-distribution-gratuite-de-denrees-et-boissons-dans-le-centre-ville-de-Calais">ordonnance du 22 septembre 2020</a>, il rejette la demande des associations d’annuler l’arrêté, solution qui sera confirmée par le <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-juge-des-referes-refuse-de-suspendre-en-urgence-l-interdiction-de-la-distribution-de-repas-aux-migrants-dans-le-centre-ville-de-calais">Conseil d’État</a>, et ce, malgré le soutien <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=33970">du Défenseur des droits</a> contre l’arrêté.</p>
<p>Le Conseil d’État n’y voit aucune atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux et considère que l’urgence n’est pas caractérisée : une association mandatée par l’État fait déjà des distributions – bien que manifestement <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20107">insuffisantes</a> selon les requérants – et considère que les exilés peuvent toujours accéder aux distributions, même si « elles sont, il est vrai, distantes de plus de 3 kilomètres » du centre-ville où ils sont installés. Solution qui peut laisser perplexe et qui conduira au renouvellement quasi systématique des interdictions entre septembre 2020 et le 19 septembre 2022.</p>
<p>Elles n’ont, à ce jour, plus repris suite à une <a href="http://lille.tribunal-administratif.fr/Actualites/Communiques/Arrete-interdisant-la-distribution-gratuite-de-denrees-et-boissons-dans-le-centre-ville-de-Calais">décision</a> longtemps attendue du tribunal administratif de Lille du 22 octobre 2022 et qui conduit à l’annulation des arrêtés.</p>
<p>Écartant le motif tiré de la crise sanitaire, le juge considère les arrêtés comme disproportionnés, puisque les « troubles établis à l’ordre public sont épars, ponctuels, sans caractère de gravité et non liés à la distribution » et que par ailleurs, de nombreux exilés « dépendent directement des associations humanitaires requérantes pour leur approvisionnement en nourriture et en eau », les distributions assurées par l’État étant insuffisantes. Ainsi, pour le rapporteur public, les arrêtés ont seulement « pour effet de compliquer l’accès pour ces populations précaires à des biens de première nécessité ».</p>
<h2>La récidive parisienne</h2>
<p>Le 10 octobre dernier, la Préfecture de Police de Paris va suivre les (faux) pas de son homologue du Nord, en interdisant aux associations de distribuer des denrées aux exilés puisqu’elles contribueraient à « stimuler la formation de campements dans le secteur du boulevard de la Villette, où se retrouvent des migrants, des personnes droguées et des sans domicile fixe » selon la Préfecture. Cette dernière met aussi en avant l’aspect sécuritaire pour défendre son arrêté parlant d’« attroupements », de « débordements sur la voirie », de la présence de « toxicomanes » et de « troubles à l’ordre public ».</p>
<p><a href="https://www.ldh-france.org/17-octobre-2023-tribune-collective-interdiction-des-distributions-alimentaires-a-paris-nourrir-lerrance-et-lisolement-publiee-dans-mediapart/">La réaction des associations est immédiate</a>, et le tribunal administratif de Paris rend une <a href="http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/Distribution-de-repas-dans-un-secteur-delimite-des-dixieme-et-dix-neuvieme-arrondissements-de-Paris-l-arrete-du-prefet-de-police-du-9-octobre-2023-l-interdisant-du-10-octobre-au-10-novembre-2023-est-suspendu">ordonnance</a> le 17 octobre qui suspend provisoirement l’arrêté. En effet, il n’apparaît pas que la mesure soit nécessaire car la Préfecture ne prouve la réalité d’aucun trouble à l’ordre public.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ailleurs, « compte tenu de la taille du périmètre d’interdiction et de la saturation des autres dispositifs d’aide alimentaire, cette mesure a pour effet de compliquer pour des centaines de personnes en situation de grande précarité l’accès à une offre alimentaire de première nécessité ».</p>
<p>Cette solution retenue en référé était prévisible (et souhaitable) vu l’arrêt rendu en 2022 par le tribunal de Lille.</p>
<p>Néanmoins, il est probable que des arrêtés similaires soient édictés, à Paris, Calais ou ailleurs. Dans ce cas, les associations et exilés concernés pourraient se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme en se fondant notamment sur les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) et 11 (qui protège la liberté d’association et de réunion) de la <a href="https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Convention_FRA">Convention</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il y a de nombreux demandeurs d’asile parmi les exilés présents dans les zones visées par les interdictions. Or, en vertu de la <a href="https://euaa.europa.eu/sites/default/files/public/reception-FR.pdf">directive européenne dite « Accueil »</a> de 2013, l’État est tenu de leur fournir – outre un hébergement et une allocation – de la nourriture. Il est donc assez ironique qu’il empêche des associations – dont beaucoup ne sont pas subventionnées – de pallier la carence de l’État.</p>
<h2>L’inscription de ces pratiques dans une politique migratoire répressive</h2>
<p>Cette nouvelle pratique s’inscrit dans une politique de criminalisation de la solidarité, comme l’illustre notamment l’amende de 135€ prévue pour les personnes solidaires des exilés qui auraient bravé l’interdiction. Aussi, si les interdictions portent en premier lieu atteinte aux droits fondamentaux des exilés, ils attaquent également le droit des associations de les aider. Or, en vertu <a href="https://blogdroitadministratif.net/2018/08/28/la-liberte-daider-autrui-dans-un-but-humanitaire/">d’une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel</a>, découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire.</p>
<p>D’ailleurs, des députés ont déposé en 2022 une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b5195_proposition-loi#D_Article_1er">proposition de loi</a> visant clairement à interdire les distributions alimentaires aux exilés.</p>
<p>Reste que les pouvoirs publics parviennent quotidiennement à entraver la solidarité, en dehors de textes juridiques. Ils ne manquent pas de créativité pour <a href="https://twitter.com/CalaisFoodCol/status/1570803256506613762/photo/1">gêner les associations</a> : <a href="https://utopia56.org/face-aux-entraves-a-la-solidarite-sur-les-campements-de-loon-plage-mobilisons-nous/">béton</a>, grillages, contrôles des bénévoles, privation des conteneurs d’eau…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1714608954632737199"}"></div></p>
<p>Cette démarche d’entrave à l’aide humanitaire s’inscrit dans le cadre de la « théorie » de l’appel d’air, <a href="https://crde-bearn.fr/appel-dair-un-mythe-venu-de-lextreme-droite/">largement démentie</a> : pour les autorités publiques, offrir des conditions de vie dignes aux exilés risque de les attirer.</p>
<p>Néanmoins ces arrêtés ne parviendront pas à stopper tout aide humanitaire : de façon assez pragmatique, il suffit aux associations de se déplacer de quelques mètres pour sortir de la zone prévue. Si cela complique leur action, ça ne suffira pas à les empêcher. D’ailleurs, à Paris, malgré l’interdiction et la menace de l’amende, les distributions ont repris dès le lendemain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1713617075489460481"}"></div></p>
<p>Finalement, ce n’est qu’une illustration de plus du jeu de chat et de la souris que mènent les pouvoirs publics aux associations et exilés.</p>
<p>À Calais, c’est désormais <a href="https://reporterre.net/A-Calais-la-mairie-empeche-les-refugies-de-boire">« une guerre de l’eau »</a> qui est menée, par le retrait régulier des sources en eau et conteneurs. Tandis qu’à Paris, le « nettoyage social » et l’entrave des associations risque de se poursuivre <a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/les-francais/plus-de-60-associations-alertent-sur-le-risque-de-nettoyage-social-des-rues-de-paris-pour-les-jo-de-2024_6152391.html">au moins jusqu’à la tenue des Jeux olympiques</a>. Reste à savoir qui le prochain tentera d’interdire les distributions alimentaires ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217340/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lilou Abou Mehaya ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les arrêtés pris pour freiner les distributions alimentaires n’ont pas pour le moment porté leurs fruits mais cela envoie un signal fort aux populations visées.Lilou Abou Mehaya, Doctorante en Droit Public - Droit d'asile, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147992023-10-18T17:03:33Z2023-10-18T17:03:33ZProches aidants: comment rebondir professionnellement et socialement<p>Il y a un peu plus d’un an que le projet de loi plein emploi a été présenté en conseil des ministres le 7 septembre 2022 par Olivier Dussopt, ministre du Travail et par Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.</p>
<p><a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2018/06/rapport_gillot_-_tome2-_preserver_nos_aidants-_une_responsabilite_nationale.pdf">Ce projet</a> vise à autoriser « les proches aidants à faire valoir les compétences acquises dans la prise en charge de la dépendance ou de la fin de vie d’un membre de la famille », et prévoit également « la comptabilisation des périodes de mise en situation en milieu professionnel au titre de la durée minimale d’expérience requise pour prétendre à la VAE ». Ce type de déclarations publiques et politiques régulières depuis le Covid montrent qu’il y a un vrai engouement pour les questions de l’aidance en France.</p>
<p>Ainsi, en 2019, après le premier confinement à la suite du Covid, le président de la République évoque les aidants dans son discours du 25 avril 2019 :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons d’abord les [aidants] reconnaître, les nommer, mais aussi dans nos politiques publiques, leur bâtir une place dans notre réforme des retraites, leur construite des droits. »</p>
</blockquote>
<p>Puis, en 2020 le même déclarait sur Twitter (6 octobre 2020)</p>
<blockquote>
<p>« Il est souvent difficile pour les aidants de concilier vie personnelle et professionnelle, de souffler, de trouver un moment de répit, de penser à soi. Chacun a un rôle à jouer pour les soutenir, pour les soulager, pour alléger leur quotidien. La solidarité est à portée de tous. »</p>
</blockquote>
<p>En 2021, la <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/765490/jean-castex-annonce-des-investissements-dans-les-ehpad-et-laide-a-domicile/">déclaration d’intention du premier ministre Jean Castex</a>, accompagné d’Olivier Véran alors ministre de la Santé et de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’Autonomie, souhaitaient renforcer le financement de l’aide à domicile et en institution, avec l’engagement de recrutement de 10 000 soignants supplémentaires d’ici 2025.</p>
<p>Concrètement, ces déclarations conduisent à la Loi n°2019-485 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, au Décret n° 2022-88 du 28 janvier 2022 relatif à l’allocation journalière du proche aidant et à l’allocation journalière de présence parentale et, depuis la rentrée universitaire 2023, la revalorisation de quatre points de bourses pour les étudiants présentant un handicap et à ceux qui aident un <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16754">parent en situation de handicap</a>.</p>
<h2>L’aidance : vers des compétences indiscutables…</h2>
<p>À partir des données recueillies dans le cadre d’un projet de recherche qui vise à faire ressortir le vécu des aidants de malades d’Alzheimer au travers d’entretiens réguliers, on constate que les aidants mobilisent quotidiennement de nombreuses compétences en termes de démarches administratives, de soins et nursing, de vigilance, de soutien psychologique, de communication, d’activité domestiques et d’aménagement du domicile.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/671328529" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entretiens réalisés en 2021.</span></figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>Anatolie [aidante de son père] : « Alors on a demandé aux infirmiers, pour être plus indépendants et pour pouvoir aller se promener avec papa sans se soucier de l’heure de leur passage.., alors on met un bocal dans la boîte aux lettres un petit post-it hop « Merci de mettre les médicaments dans le bocal parce que nous sommes absents » et voilà ça marche comme ça, et ça a changé notre organisation du week-end. »</p>
<p>Valérie [aidante de sa mère] : « Ma mère sortait la nuit alors on la suivait sur son téléphone et à la fin on a mis un détecteur d’ouverture de porte qui nous envoyait des alertes sur nos téléphones et donc les derniers mois je me rappelle à la fin on se relayait avec mes sœurs pour assurer une sorte de permanence la nuit parce il fallait prendre la voiture à trois ou quatre heures du matin pour aller chez elle et le pire c’est qu’elle ouvrait la porte mais elle sortait pas et ça du coup on était bien embêtées parce qu’on s’était déplacée et on a fini, contre vraiment notre volonté, par laisser allumée la webcam de l’ordinateur et comme l’appartement était assez petit, on pouvait voir ce qu’elle faisait. »</p>
</blockquote>
<h2>Des compétences peu (ou pas) valorisées</h2>
<p>Une étude menée en 2023 sur des <a href="https://hal.science/hal-03893834v1/document">profils LinkedIn</a> mentionnant une expérience d’aidance montre que cette dernière est loin d’être une expérience d’emploi comme les autres car elle n’a pas son équivalent en prestige et en revenu, elle est d’ailleurs souvent reléguée au second plan à la rubrique « expérience » et bénévolat et lorsqu’elle est mentionnée dans la rubrique « expérience professionnelle », elle n’est pas autant mise en avant que pourrait l’être une expérience dans le secteur privé.</p>
<p>Dans les profils où cette expérience est mise en avant, c’est pour valoriser le versant humaniste et de <em>care</em> de l’aidant (prise en charge, soin, empathie…) via le recours à l’énumération de savoir-faire et de savoir-être. D’ailleurs, cette expérience <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2022-4.htm">modifie et réoriente</a> parfois les trajectoires professionnelles dans le secteur de la prise en charge ou du soin porté aux autres dans le milieu associatif notamment. Cette expérience, si marquante pour certains, rend parfois difficile d’imaginer de devenir aidant pour autrui après le décès du proche.</p>
<blockquote>
<p>Arthur [aidant de sa grand-mère] : « Ben c’est un truc que j’ai pu faire parce que c’était ma famille parce que ben j’ai pu aider ma famille mais j’en ferais pas mon métier […] je pense qu’il faut avoir quand même du recul, de la maîtrise un minimum de soi parce que ça peut être énervant d’être face à du non-sens […] je pense pas que j’aurais été aussi patient et aussi compréhensif si elle n’avait pas été de ma famille, c’est ça que je veux dire, et j’aurais pas été méchant mais j’aurais pas pu faire la même chose parce qu’il me manquerait une certaine perméabilité, surtout que je suis un hypersensible donc euh ça aide pas les choses. »</p>
<p>Cécile [aidante de sa mère] et reconnue en qualité de travailleuse handicapée (RQTH) : « Pour moi c’est un plaisir [d’aider les autres], ça m’apporte, ça me nourrit, c’est comme les livres […] j’avais eu le projet d’aller vers Jalmalv – fédération <a href="https://www.jalmalv-federation.fr/">« Jusqu’à la mort accompagner la vie »</a> association reconnue d’utilité publique – et j’y suis toujours adhérente, et j’avais entamé une formation initiale qui était celle d’accompagnante et en fait, ma santé s’est dégradée et je m’demande si ça m’a pas rendu service parce que je me suis aperçue que tout compte fait, j’étais incapable de reproduire cela pour quelqu’un d’autre. »</p>
</blockquote>
<h2>Vers une reconnaissance des compétences acquises (VAE) de l’aidant</h2>
<p>Cette expérience, si marquante pour d’autres, conditionne des trajectoires de vie et après le décès du proche, l’aidant peut poursuivre son chemin vers l’aide à la personne en voulant faire reconnaître ses compétences par un parcours de VAE qui permet de valider les acquis de son expérience tout au long de sa vie pour favoriser son insertion ou son évolution professionnelle.</p>
<p>Aux côtés de l’enseignement scolaire et de la formation professionnelle continue, elle constitue un levier d’accès à la certification accessible à tous, sans condition d’âge, de nationalité, de statut, de niveau de formation ou de qualification. Bien qu’elle ne soit pas une formation à proprement parler, la VAE relève du champ de la formation professionnelle continue au même titre que les bilans de compétences.</p>
<blockquote>
<p>Pauline [aidante de sa mère jeune atteinte de la maladie d’Alzheimer] : « Ma mère avait 50 ans et une maison de retraite pour son âge, c’était pas du tout adapté, ça c’était sûr, et puis un pôle Alzheimer ou quelque chose comme ça enfin, il y avait pas là où on habitait, donc je l’ai gardée à la maison pendant 5 ans. […] et puis j’avais plaqué mon travail parce qu’il me plaisait pas pour m’occuper de ma mère et quand elle est morte, j’étais essoufflée, épuisée. Et puis il a bien fallu que je me remette à bosser et c’est là que ça s’corse. J’ai galéré, vous pouvez pas imaginer ! J’aurais bien voulu reprendre des études mais c’était compliqué, j’me voyais pas avec des jeunes de 20 ans. Et puis ben pour bosser dans le privé, j’avais un trou de cinq ans dans le cv donc vous passez pour une grosse fainéante. Donc j’me suis dit pourquoi pas devenir famille d’accueil. »</p>
</blockquote>
<p>Au regard des nombreuses compétences acquises au cours d’une expérience d’aidance et de la très forte tension dans le recrutement dans les métiers en relation à l’aide à la personne (aide à domicile, aide-soignant…), on peut espérer que le politique s’appuie sur ces deux constats pour mettre en place un dispositif qui valoriserait celles et ceux qui s’épanouissent dans l’accompagnement et/ou qui offrirait des possibilités de reconversion professionnelle, à celles ou ceux qui sont peu ou pas diplômés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214799/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Pugniere-Saavedra a reçu des financements de l'Iresp,(Inserm).</span></em></p>Les personnes accompagnant et aidant leurs proches face à des difficultés de santé pourraient faire requalifier leur expérience en compétences professionnelles.Frédéric Pugniere-Saavedra, Maître de conférences en sciences du langage, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2026762023-04-11T14:08:35Z2023-04-11T14:08:35ZL’insécurité alimentaire augmente dans le monde, dans l’indifférence. Voici ce que nous pouvons faire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519686/original/file-20230405-18-a2phag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C6772%2C4566&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De l'eau est distribuée dans un camp de personnes déplacées à la périphérie de Dollow, en Somalie, le 20 septembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jerome Delay)</span></span></figcaption></figure><p>Se nourrir pour survivre, c’est ce que beaucoup d’êtres humains tentent de faire. </p>
<p>Au niveau international, il existe une constellation d’organisations ayant comme mission de lutter contre la faim, dont le <a href="https://fr.wfp.org/aidez-nous/histoires/faire-un-don">Programme alimentaire mondial</a> (PAM), l’<a href="https://www.fao.org/home/fr">Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture</a> et le <a href="https://www.ifad.org/fr/">Fonds international de développement agricole</a>.</p>
<p>Mais malgré ces organisations internationales et non gouvernementales (ONG) visant l’élimination de la faim dans le monde, la situation actuelle est dramatique. La faim dans le monde <a href="https://www.fao.org/publications/sofi/2022/fr/">est en constante augmentation pour la sixième année consécutive</a>. </p>
<p>Membre de l’Observatoire des droits de la personne affilié au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (<a href="https://droits-observatoire-cerium.org">CÉRIUM</a>) et étudiant au doctorat en science politique, mes intérêts de recherche portent sur la justice climatique, les droits de la personne et la transition énergétique. </p>
<h2>Des millions d’êtres humains touchés par la famine</h2>
<p>Selon les <a href="https://fr.wfp.org/global-hunger-crisis?_ga=2.138467447.599589881.1680535874-975792406.1680535874&_gac=1.56963160.1680535874.Cj0KCQjw8qmhBhClARIsANAtbocTTjwonoEG-0IAgHDh-IYM_RHscDPmezO3Y7SZ959MgAkkgge2SmcaAovDEALw_wcB">projections du PAM</a>, au moins 345 millions de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire en 2023. C’est le double du nombre enregistré en 2020. À l’heure actuelle, on parle de <a href="https://fr.wfp.org/eliminer-la-faim">43,3 millions de personnes</a> dont la vie est gravement menacée par la famine. Il s’agit d’une croissance dix fois plus rapide qu’il y a cinq ans. </p>
<p>Parmi les pays les plus touchés par la famine, on retrouve l’Afghanistan, dont <a href="https://www.actionagainsthunger.org/the-hunger-crisis/world-hunger-facts/the-worlds-hungriest-countries/">90 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté</a>. Suivent de près l’Éthiopie, le Nigeria, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen. Il ne faut pas non plus oublier Haïti, le Honduras, le Liban et le Sri Lanka. </p>
<p>Plus largement, ce sont <a href="https://fr.wfp.org/eliminer-la-faim">environ 828 millions de personnes</a>, soit près d’une personne sur neuf, qui n’a aucune idée du moment de leur prochain repas. Et les enfants sont loin d’être épargnés par cette crise. L’UNICEF estime qu’au moins <a href="https://www.wfp.org/stories/child-malnutrition-mounts-un-agencies-issue-call-action">40 millions d’entre eux</a> sont mal nourris, et ce, dans 15 pays seulement. Ils ne reçoivent pas le strict minimum d’une alimentation diversifiée nécessaire pour grandir et se développer. De plus, en 2020, près de <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/hunger/">149 millions d’enfants de moins de cinq ans</a> à travers le monde souffraient d’un retard de croissance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="famille mange dans un salon" src="https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519881/original/file-20230406-18-6qjaxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une famille déjeune dans sa maison de l’un des quartiers pauvres de Kaboul, en Afghanistan, le 21 mai 2022. L’ONU a déclaré que l’Afghanistan était confronté à une pauvreté croissante et que 6 millions de personnes étaient menacées de famine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ebrahim Noroozi, File)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les droits de la personne ne sont pas respectés</h2>
<p><a href="https://www.actioncontrelafaim.org/a-la-une/pourquoi-la-faim-dans-le-monde-existe-t-elle-toujours/">Les principales causes de la faim dans le monde sont connues</a>, et la liste des pays les plus affectés le confirme : conflits, inégalités et dérèglements climatiques. La guerre en Ukraine, l’un des principaux pays exportateurs de blé, a aussi mis à mal l’approvisionnement dans de nombreux pays. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1873330/famine-aliment-guerre-ukraine-pam-onu-nourriture-inflation">Les récoltes ont chuté de 50 % en 2022</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il ne fait malheureusement pas de doute que les droits fondamentaux de ces populations sont bafoués. Exactement 75 ans après son adoption, la <a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/"><em>Déclaration universelle des Droits de l’Homme</em></a> n’est pas honorée. L’article 3 stipule, par exemple, que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Or, la faim peut conduire à de graves problèmes de santé, voire à la mort. La liberté des individus qui luttent pour survivre se voit fortement limitée. </p>
<p>Ensuite, l’article 25 énonce que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement […] ». Il ne fait malheureusement aucun doute que des millions de personnes ont un niveau de vie nettement insuffisant pour assurer leur santé globale, parce que leur alimentation est grandement limitée. Ce manque est susceptible d’exacerber plusieurs autres problèmes de santé.</p>
<p>Finalement, en dépit de l’article 28, il est impossible d’affirmer que toute personne profite d’un environnement où règne l’ordre, sur le plan social et sur le plan international, comme les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration.</p>
<p>La <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-development-goals/">communauté internationale s’est pourtant engagée</a> à éradiquer la faim dans le monde d’ici 2030, soit dans moins de huit ans. <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/hunger/">L’objectif principal ne peut être plus clair et précis</a> : garantir l’accès de tous et toutes, notamment des personnes en situation de pauvreté et de vulnérabilité y compris les nourrissons, à une alimentation sécuritaire et suffisante tout au long de l’année. </p>
<p>Cependant, l’aide internationale est actuellement insuffisante pour combler tous les besoins en nourriture. Pendant ce temps, les étalages des supermarchés en Amérique du Nord et en Europe regorgent de nourriture. Alors que le <a href="https://greenly.earth/en-us/blog/ecology-news/global-food-waste-in-2022">tiers de l’ensemble de la nourriture produite</a> sur la Terre est gaspillé ou perdue.</p>
<h2>Des solutions existent</h2>
<p>Dans ce même ordre d’idées, <a href="https://www.actionagainsthunger.org/press-releases/53-percent-shortfall-in-funds-for-hunger-programs-finds-2023-hunger-gap-report/">seulement 47 % du financement de la lutte contre la faim</a> par l’entremise du système humanitaire onusien est comblé. En d’autres mots, moins de la moitié du financement est atteint. <a href="https://www.wfp.org/funding/2022">Ce dernier provient majoritairement</a> des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et du Canada. Les donateurs privés constituent aussi une source majeure de financement. Notons que le PAM est entièrement financé par des dons volontaires, qui totalisaient en 2022 près de <a href="https://www.wfp.org/stories/wfp-glance">14 milliards de dollars</a>. Or, le manque de fonds exacerbe d’autres problématiques comme l’itinérance, la pauvreté, les problèmes de santé majeurs et la malnutrition. </p>
<p>Heureusement, des solutions existent. Outre un réinvestissement massif dans le Programme alimentaire mondial, des sommes devraient être consacrées aux propriétaires de petites exploitations agricoles et maraîchères. Ces dernières fournissent des emplois, des revenus et de la nourriture. Un soutien financier et matériel permettrait ainsi de profiter du plein potentiel de leur culture. De plus, des <a href="https://www.thelancet.com/journals/langas/article/PIIS2468-1253(22)00280-1/fulltext">investissements régionaux ciblés</a> devraient aussi être destinés à la prévention de la dégradation des sols, au soutien à l’agriculture durable et à la résilience des aménagements agricoles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1643532346698678276"}"></div></p>
<p>Ensuite, la mise en place d’un programme universel de repas scolaires devrait être une priorité, alors que <a href="https://www.unicef.org/press-releases/nutrition-crisis-looms-more-39-billion-school-meals-missed-start-pandemic-unicef-and">370 millions d’enfants</a> dans le monde arrivent à l’école le ventre vide. Il serait aussi tout à fait justifié d’imposer une taxe sur les bénéfices des grandes entreprises du G7, comme le suggère <a href="https://oxfam.qc.ca/taxer-les-profits-pandemiques-pour-lutter-contre-la-faim/">Oxfam</a>. Des experts proposent aussi que <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15703-5_1">chaque pays alloue 1 % de leur produit intérieur brut (PIB)</a> au système alimentaire et à la recherche liée à l’alimentation. Les pays en développement pourraient recevoir une aide pour atteindre la cible.</p>
<p>Aujourd’hui, on ne peut que constater l’échec du système international de préserver la dignité des individus et de leur garantir les besoins de base. Les structures dont la communauté internationale s’est dotée pour répondre aux problématiques sont incapables de répondre aux défis actuels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202676/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Félix Bhérer-Magnan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des millions d’êtres humains ont cruellement faim et leurs droits fondamentaux sont bafoués. L’aide alimentaire est nettement insuffisante. Tous les ingrédients sont réunis pour une crise majeure.Félix Bhérer-Magnan, Étudiant au doctorat en science politique, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2018022023-03-15T19:58:51Z2023-03-15T19:58:51ZUkraine, Syrie, « pièces jaunes »… Quand l’arrondi solidaire en caisse agace le consommateur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515151/original/file-20230314-23-jslbby.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=90%2C40%2C1115%2C810&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le microdon en magasin a permis de récolter plus de 50 millions d'euros depuis 2010.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1610102">Pxhere </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Voulez-vous arrondir le montant de vos achats à l’euro supérieur pour soutenir une association ? » Ces dernières semaines, nombreux sont les consommateurs français à avoir dû répondre oui ou non à cette demande effectuée aux caisses des magasins, au profit des Ukrainiens, des sinistrés turcs et syriens ou encore lors de l’opération « pièces jaunes » en faveur des enfants hospitalisés.</p>
<p>Les sommes – quelques centimes d’euros de dons par passage en caisse – semblent dérisoires. Pourtant, le mécanisme de microdonation (ou arrondi en caisse, ou encore <em>checkout charity</em> chez les Anglo-saxons) se diffuse de plus en plus largement au sein de réseaux d’enseignes qui y voient un moyen d’améliorer leur réputation. Cette forme de don a permis de collecter <a href="https://www.larrondi.org/">plus de 50 millions d’euros en France depuis 2010</a>.</p>
<p>Certains consommateurs y trouvent une façon simple et indolore de soutenir une association. Pourtant, nous demander de donner, à chaque passage en caisse, peut finir par agacer. D’une opportunité de se montrer généreux, cela devient parfois source de gêne, de culpabilité, voire d’irritation lorsque l’on doit refuser à voix haute.</p>
<h2>« Moi, la pauvre »</h2>
<p>Si vous ressentez ce type de sentiments lorsque vous êtes sollicités pour un don en caisse, sachez que vous n’êtes pas seul : aux États-Unis, le phénomène est tellement connu que même un personnage du dessin animé <em>South Park</em> le dénonce et les mentions « Stop asking me to donate » (« arrêtez de me demander de donner ») se sont multipliées sur le réseau social Twitter.</p>
<p>Faisant suite à une <a href="https://www.researchgate.net/publication/356681104_Nos_clients_ont_le_don_d%27en_faire_un_quel_role_la_proximite_enseigne-client_joue-t-elle_dans_la_decision_de_faire_un_don_en_caisse">étude</a> suggérant qu’il existe des conditions optimales favorisant le don en caisse (proposer le don via un terminal de paiement électronique plutôt que de vive voix, dans une enseigne spécialisée, particulièrement dans le secteur des loisirs, avec une couverture géographique large), j’ai mené une analyse poussée de ces tweets pour comprendre non pas pourquoi les gens donnent, mais au contraire, pourquoi ils se refusent à donner. Ont ainsi pu être mis en évidence trois facteurs d’agacement liés à la sollicitation au don en caisse.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3KT9IUd_Cnc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait de l’épisode de la série <em>South Park</em> sur l’arrondi solidaire en caisse (en anglais).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le premier facteur d’agacement est la sursollicitation. Du fait de la multiplication des canaux de demandes de dons (emails, téléphone, en personne, courrier, en caisse, etc.) et des lieux de sollicitation (dans la rue, dans la boîte aux lettres, au travail, pendant les courses, etc.), les potentiels donateurs regrettent un manque de ciblage qui les conduit à être submergés de demandes pour des causes qui ne les intéressent que rarement. La demande de don en caisse fait alors figure d’une goutte d’eau supplémentaire au service d’un supplice bien connu qui finit par rendre fou. Un message sur Twitter illustre ce ras-le-bol :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=114&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=114&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=114&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=143&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=143&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515198/original/file-20230314-18-5x77v7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=143&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>« S’il vous plaît, The Guardian et Wikipedia : arrêtez de me demander de donner ! Je le fais déjà, chaque mois. Je ne comprends pas comment vous pouvez m’envoyer des rappels par mail sans savoir cela ».</p>
</blockquote>
<p>Deuxièmement, le manque de réciprocité est très largement dénoncé par les donateurs mécontents : pourquoi donner alors que l’enseigne ne le fait pas ? Dans notre étude, portant sur 706 tweets, les entreprises qui sollicitent des dons pour une association s’y voient attribuées des motivations égoïstes à 61 %, contre 11,8 % si l’association demande elle-même de l’argent :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515199/original/file-20230314-16-6v996v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=291&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>« J’aimerais que les entreprises milliardaires cessent de me demander à moi, la pauvre, de donner 2 dollars. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=113&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=113&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=113&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=142&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=142&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515202/original/file-20230314-2488-y8zp3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=142&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>« Chers WoolWorths et Coles [chaînes de supermarchés en Australie], arrêtez de me demander de donner de l’argent à de multiples causes à chaque passage en caisse. Je ne suis pas celui qui fait des milliards de profits, vous l’êtes ! Si vous ressentez le besoin de faire le bien, que pensez-vous de donner vous-même et en mon nom ? Incroyable. »</p>
</blockquote>
<p>Troisièmement, les donateurs agacés s’interrogent sur la légitimité des enseignes qui lèvent des fonds au profit d’associations. Entre démarche sincère et « socialwashing », les clients ont parfois du mal à y voir clair. Ce qui conduit souvent les consommateurs à se poser la question de savoir où va l’argent donné.</p>
<p>Pourtant, contrairement à certaines idées reçues, les entreprises partenaires de l’arrondi solidaire ne gagnent pas d’argent dans l’opération. Grâce à une solution technique implémentée dans les terminaux de paiement par l’entreprise solidaire MicroDON (ou par des acteurs bancaires qui se lancent dans le microdon <a href="https://www.banquepopulaire.fr/professionnels/gerer-developper-activite/solution-collecte-dons-partenaire-heoh/">tel que la Banque Populaire</a>), l’argent que les consommateurs donnent est fléché de manière transparente <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/consommation-ou-va-l-argent-du-fameux-arrondi-solidaire_4256029.html">vers les associations choisies</a>. En France, au-delà de 5 euros donnés par an et par enseigne, les clients peuvent même faire valoir leur droit à la défiscalisation.</p>
<h2>Chaleur intérieure</h2>
<p>En s’intéressant aux effets négatifs de la sollicitation de don d’argent, cela permet de mieux comprendre comment adapter les campagnes de don afin d’éviter que la générosité des donateurs ne s’érode. En effet, les enseignes et associations devraient prendre en considération ces clients qui ne voient pas l’arrondi solidaire d’un bon œil.</p>
<p>D’un côté, les « consommateurs irrités » peuvent y voir une forme d’illégitimité du fait que l’enseigne de s’associe pas à leur don, ce qui peut dégrader l’image de marque de l’enseigne et l’envie d’y revenir. D’un autre côté, les « donateurs agacés », s’irritent d’être sollicités à tout va, par de multiples moyens, sans ciblage adapté, au risque de fuir devant les demandes des associations.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces recherches menées pour améliorer l’expérience du don peuvent amener à se poser la question suivante : après tout, pourquoi devrions-nous être généreux ? Pourquoi l’arrondi en caisse ne peut-il pas être seulement un outil marketing comme il en existe tant d’autres, imparfait ou efficace selon les enseignes ? Une réponse est que la générosité a beaucoup de vertus, pour la société mais aussi pour soi. En effet, donner permet notamment de ressentir un sentiment de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1938965517704533">chaleur intérieure</a> (« warm glow »), de réduire le stress et le risque d’accident cardiaque, ainsi que, comme le soulignent les promoteurs du don, de <a href="https://infodon.fr/pourquoi-donner/donner-fait-du-bien/">mieux apprécier sa vie</a>. Rien que ça !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Manthé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La sursollicitation ou encore les soupçons de « socialwashing » peuvent rendre contreproductives ces actions caritatives de plus en plus proposées par les enseignes.Elodie Manthé, Maître de Conférences en Sciences de gestion, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017262023-03-14T20:01:01Z2023-03-14T20:01:01ZRetraites : pourquoi de nombreuses pensions resteront inférieures à 1 200 euros malgré la réforme<p>Lors la <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/287799-elisabeth-borne-10012023-reforme-des-retraites">présentation du projet de loi</a> relatif à la réforme des retraites en conférence de presse, projet dont l’examen vient de s’achever au Sénat et examiné en commission mixte paritaire ce mercredi 15 mars, une revalorisation des petites retraites au niveau de 1 200 euros mensuels avait été annoncée par le gouvernement. Élisabeth Borne, première ministre, l’a ainsi formulé :</p>
<blockquote>
<p>« Conformément à notre engagement, les salariés et les indépendants, notamment les artisans et commerçants, qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du smic, partiront désormais avec une pension de 85 % du smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois. C’est près de 1 200 euros par mois dès cette année. »</p>
</blockquote>
<p>Bien des controverses ont ensuite suivi. Qui serait véritablement concerné ? Ce plancher vaudrait-il pour tous ? À côté de l’économiste Michael Zemmour qui, dans les médias, invite à <a href="https://www.liberation.fr/checknews/debat-salamezemmour-les-salaries-ayant-eu-une-carriere-complete-sont-ils-assures-dune-pension-de-1-200-euros-20230208_4WIJVUBVMVC7JFEMJJOAV47WPE/">nuancer fortement</a> l’ampleur de ce progrès et à rejeter le vocable « pension minimum à 1 200 euros », la communication du gouvernement reste confuse. Montant brut, montant net ? Quelles conditions pour en bénéficier ? Tout récemment, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a par exemple <a href="https://www.tf1info.fr/politique/reforme-des-retraites-1200-euros-10-000-a-20-000-personnes-concernees-chaque-annee-au-lieu-des-40-000-annoncees-2249579.html">revu à la baisse</a> le nombre de bénéficiaires estimés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632341916560785409"}"></div></p>
<p>Ce flou semble en grande partie lié à la complexité du système de minima dans le système de retraite français. Coexistent en fait deux mécanismes destinés aux retraités ayant les revenus les plus faibles : les minima de pension et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Les minima renvoient à un mécanisme de calcul de la pension de retraite soumis à condition et ne constituent donc pas un minimum de pension unique (que l’on pourrait par exemple fixer à 1 200 euros). Certaines petites retraites y échappent d’ailleurs. L’Aspa qui garantit un niveau de vie minimum aux retraités, elle, est bien fixe, mais elle répond à une tout autre logique sociale que celle liée au calcul d’une pension de retraite.</p>
<h2>Des assurés non couverts par les minimas</h2>
<p>Les minima de pension ont vocation, comme leur nom l’indique, à garantir un niveau minimum de pension à certains retraités. Ils bénéficient uniquement aux retraités qui partent à la retraite à taux plein et qui auraient touché une pension de retraite inférieure. Le mécanisme le plus connu est celui du « minimum contributif » qui couvre les assurés du régime général, les plus nombreux.</p>
<p>Des dispositifs similaires existent néanmoins dans les autres régimes de retraite « de base », par exemple ceux de la fonction publique. En revanche, dans les régimes « complémentaires », comme l’Agirc-Arrco pour les salariés du secteur privé, ces systèmes n’existent pas : la pension de retraite y dépend uniquement d’un nombre de points acquis par le salarié au cours de sa carrière.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour bénéficier du minimum de pension, il faut partir à la retraite à taux plein. C’est-à-dire qu’il faut soit avoir validé le nombre de trimestres requis, 168 pour un assuré né début 1961, l’équivalent de 42 ans, soit prendre sa retraite à 67 ans ou plus. Le taux plein est également acquis de droit pour les assurés qui sont reconnus invalides ou inaptes au travail.</p>
<p>Ce minimum ne concerne donc pas tout le monde. Pour les personnes qui ont de faibles revenus d’activité, des carrières incomplètes et qui ne peuvent pas prendre leur retraite à taux plein, c’est la triple peine : de petits salaires, une pension calculée avec décote et qui ne sera pas portée au niveau du minimum de pension.</p>
<h2>Il n’existe pas de minimum de pension universel</h2>
<p>Il faut bien avoir en tête qu’il n’y a pas de montant fixe derrière ce dispositif. C’est en fait un calcul qui repose sur un minimum « socle », fixé au 1<sup>er</sup> janvier à <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15522">684 euros</a> mensuels (tous les montants évoqués par la suite sont mensuels). Il est « majoré » à 748 euros pour les assurés ayant validé au moins 120 trimestres au titre de l’emploi. Ne sont ainsi pas pris en compte pour le calcul de ces 120 trimestres, les trimestres validés pour congés maladie, maternité, ou pour les périodes de chômage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632663576165900293"}"></div></p>
<p>Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de trimestres validés par l’assuré et divisé par le nombre de trimestres requis pour le taux plein. Prenons par exemple le cas d’un salarié du secteur privé, né en 1961 qui a validé seulement 100 trimestres sur les 168 requis pour le taux plein. Le calcul se fera sur le « socle » car nous sommes en deçà des 120 trimestres et le minimum de pension qui s’applique est de (100/168) x 684 = 407 euros.</p>
<p>Pour donner un ordre d’idée, en 2016, parmi les nouveaux retraités, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/08-Les_beneficiaires_d-un_minimum_de_pension.pdf">20 % bénéficient d’un minimum de pension</a> selon les données de la Drees. Dans son dernier <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/595">rapport</a>, le Conseil d’orientation des retraites (COR), calcule qu’un assuré de la génération 1960 qui aurait eu une carrière complète au smic et une pension au taux plein n’en bénéficie quasiment pas : sa pension calculée au régime général atteint déjà quasiment les 748 euros du minimum majoré. En y ajoutant la pension servie par le régime complémentaire Agirc-Arrco (environ 380 euros), sa pension totale s’élève à 1130 euros brut soit 1080 euros net.</p>
<p>De nombreux paramètres (notamment les trimestres validés et la pension Agirc-Arrco) entrent donc en ligne de compte pour le calcul des petites pensions et il n’existe donc pas véritablement de pension de retraite minimale « universelle » qui s’appliquerait à tous les retraités. Lorsque le gouvernement propose « une pension minimale à 1 200 euros par mois soit 85 % du smic », de quoi s’agit-il alors exactement ? Comment parvenir à ces chiffres ?</p>
<p>En pratique, cette mesure se traduirait par la revalorisation des deux minima contributifs : le minimum socle serait revalorisé de 25 euros et le contributif majoré de 100 euros. Avec les régimes complémentaires, cela permettra alors, pour un salarié au smic durant une carrière complète, d’atteindre environ 1230 euros brut, 1150 euros net, soit environ 85 % du smic, le niveau annoncé par le gouvernement. Beaucoup de pensions de retraite resteront donc inférieures à 1 200 euros mensuels et la revalorisation s’avèrera surtout significative pour les retraités du secteur privé qui remplissent la condition des 120 trimestres validés au titre de l’emploi.</p>
<h2>Deux mécanismes, deux logiques</h2>
<p>Il ne faut de plus pas confondre les minimas de pensions avec un second mécanisme : l’Aspa, aussi appelée « minimum vieillesse ». Cette allocation garantit aux retraités âgés de plus de 65 ans un montant minimal de revenu de <a href="https://www.lassuranceretraite.fr/portail-info/hors-menu/annexe/salaries/montant-retraite/aspa.html">961 euros</a> pour une personne seule et de 1492 euros pour un couple. Elle vient en complément : une personne seule qui toucherait 700 euros au titre de sa pension de retraite se verrait verser le complément, soit 261 euros au titre de l’Aspa. Les sommes ainsi versées sont récupérées au moment de la succession si le patrimoine laissé par le défunt atteint un certain montant.</p>
<p>L’Aspa a fait l’objet d’une <a href="https://www.legislation.cnav.fr/Pages/bareme.aspx?Nom=aspa_montant_bar">revalorisation significative</a> sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : +160 euros pour une personne seule et +240 euros pour un couple. En 2020, selon la Drees, un peu plus de <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/26%20-%20Les%20allocataires%20du%20minimum%20vieillesse%20et%20les%20montants%20vers%C3%A9s_0.pdf">4 % des personnes de plus de 65 ans</a> la recevaient, soit 635 000 allocataires.</p>
<p>L’Aspa et les minima de pension répondent en fait à des logiques et à des objectifs de politique publique différents. La première est un minimum social dont le fonctionnement est à rapprocher de celui du RSA : elle vise à garantir un niveau de vie minimum aux retraités, quelle que soit leur situation. À l’inverse les seconds doivent être perçus comme une contrepartie minimale offerte à l’assuré pour un effort contributif qu’il a fourni. Il revient à considérer que chaque trimestre validé par l’assuré ne peut pas être valorisé en dessous d’un certain seuil au moment de la retraite. Le minimum de pension peut ainsi être touché quels que soient les autres revenus dont dispose le foyer de l’assuré, en particulier les revenus d’un éventuel conjoint.</p>
<p>Une pension minimale à 1 200 euros, telle qu’on pourrait la discuter dans le cadre d’une réforme des retraites, diffère ainsi d’une Aspa à 1 200 euros, débats aux enjeux connexes mais distincts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201726/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parler de « retraite minimum » est chose complexe : les dispositifs de pension ne couvrent pas tous les assurés et n’octroient pas un montant fixe comme le minimum vieillesse.Henri Martin, Economie, systèmes de retraite, protection sociale, inégalités, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993162023-02-07T19:31:09Z2023-02-07T19:31:09ZMultiplication des caisses de grève : une réponse tactique à la pression financière<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508650/original/file-20230207-27-r0tkni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C62%2C4608%2C3000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Premier jour de manifestation le 19 janvier 2023 à Paris, un homme tient une caisse de grève pour accueillir les dons et soutenir les grévistes précaires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52637280385/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Si une majorité de la population (61 %) <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/sondage-exclusif-le-soutien-des-francais-au-mouvement-contre-les-retraites-reste-eleve-1901601">se déclare opposée au projet de réforme des retraites</a> et que les dernières manifestations ont été massives, combien de salariés iront-ils jusqu’à la grève reconductible ? À en croire l’économiste Mancur Olson, la logique rationnelle pousserait chaque individu à laisser d’autres se battre à sa place pour obtenir des avantages collectifs, ce qui lui permettrait de bénéficier des éventuels acquis sans avoir à partager les coûts de l’action.</p>
<p>C’est en effet ainsi que ce chercheur exposait en 1965 <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1980_num_21_3_5030">son fameux paradoxe</a> du « free rider » (passager gratuit). Sans s’y référer explicitement, c’est bien à ce paradoxe que renvoie le débat sur la <a href="https://www.puf.com/content/Travail_salari%C3%A9_et_conflit_social">« grève par procuration »</a> qui sévit périodiquement en France depuis 1995.</p>
<p>Plutôt que de s’engager dans des grèves interprofessionnelles, un grand nombre de salarié·e·s préféreraient ainsi s’en remettre à d’autres pour se battre à leur place, tout en les soutenant moralement et/ou financièrement.</p>
<p>Selon cette logique, les dons aux caisses de grève pourraient donc jouer un rôle de <a href="https://alencontre.org/europe/france/france-debat-caisse-de-greve-ou-quest-ce-la-greve.html">« dispense de faire grève »</a> et ainsi légitimer la passivité de grévistes potentiels.</p>
<p>Le don à une caisse de grève est-il effectivement assimilable à une démarche de grève par procuration ? À quelle forme d’engagement dans la grève correspond-il de la part des donateurs et donatrices ? Et à quelles modalités d’affrontement répond-il du côté des grévistes et de leurs employeurs ?</p>
<h2>Le don aux caisses de grève : engagement ou délégation ?</h2>
<p>Depuis 1995, le faible nombre de secteurs en grève reconductible contraste régulièrement avec des revendications qui concernent l’ensemble des salariés (comme les retraites), suggérant une forme de délégation de ces derniers envers les secteurs « stratégiques » (transports, énergie…).</p>
<p>Mais comme le note le sociologue Michel Vakaloulis, le don aux caisses de grève constitue une « forme de soutien actif à la mobilisation gréviste », à la différence des simples sondages d’opinion. </p>
<p>Quelque part entre la passivité et l’engagement dans la grève, le don représenterait ainsi une forme de participation minimale. En se penchant plus précisément sur les personnes ayant contribué à la <a href="https://www.caisse-solidarite.fr/">principale caisse de grève de ces dernières années</a>, on se rend effectivement compte que leur implication dépasse le seul don.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508648/original/file-20230207-13-ydnlpg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Caisse de grève en ligne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.caisse-solidarite.fr/">Caisse Solidarité</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon un <a href="https://questionnaire.caisse-de-solidarite.fr">questionnaire</a> rempli par 5 000 personnes (sur un total de 40 000), 58 % se définissent comme militant·e·s, et 66 % déclarent avoir participé à des manifestations ou fêtes de soutien à la grève. Pour la majorité d’entre elles et eux, le don à une caisse de grève semble donc représenter non pas un acte de délégation passive, mais plutôt l’une des facettes d’un engagement multiforme. On peut toutefois se demander pourquoi cet engagement ne prend pas la forme de la grève reconductible, alors que c’est bien le terrain sur lequel se joue la construction d’un mouvement interprofessionnel : un regard sur les caractéristiques socioprofessionnelles de ces donateurs offre de premiers éléments de réponse.</p>
<h2>Un engagement différencié selon la catégorie socioprofessionnelle</h2>
<p>Selon le même questionnaire, une large partie d’entre eux appartient tout d’abord à des catégories pour lesquelles la grève ne fait pas partie des possibilités objectives : 2,5 % sont demandeurs d’emploi, 1,5 % sont artisans, commerçants et chefs d’entreprises, 2,5 % appartiennent aux professions libérales, et surtout 35 % sont retraités.</p>
<p>Plus de 40 % des donateurs soutiennent donc financièrement les grévistes à défaut de pouvoir rejoindre la grève. Après les retraités, la catégorie la plus représentée (32 %) correspond aux cadres et professions intellectuelles supérieures (ingénieurs, enseignants…), puis viennent les professions intermédiaires (techniciens, instituteurs…) avec 17 %, les employés (6 %) et enfin les ouvriers (1 %). Il faut toutefois noter que la méthode de recueil des données (questionnaire en ligne) a pu avoir pour conséquence de sur-représenter certaines catégories. Cette répartition appelle plusieurs remarques.</p>
<p>On constate tout d’abord qu’elle semble inversement proportionnelle à la propension de ces catégories à faire grève. Lors des conflits récents, les effectifs grévistes provenaient en effet très majoritairement des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-3-page-443.htm">catégories ouvriers, employés et professions intermédiaires</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Or, ces catégories les plus grévistes sont aussi les moins représentées parmi les donateurs et donatrices. À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieurs qui sont <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-3-page-443.htm">moins coutumiers de la pratique gréviste</a> sont aussi les principaux contributeurs de la caisse.</p>
<p>Le don aux caisses de grève semble ainsi représenter, non pas une forme de désengagement de la part de catégories davantage impliquées dans les grèves auparavant, mais bien plutôt un engagement accru de la part de catégories traditionnellement éloignées de la pratique gréviste.</p>
<p>D’autre part, parmi ces catégories salariées, la propension à faire un don semble directement proportionnelle aux revenus moyens : les cadres sont les plus nombreux et ont les revenus moyens les plus élevés, puis les professions intermédiaires, et enfin les employés et ouvriers.</p>
<p>C’est ce que confirme la répartition croissante des donateurs par tranches de revenus déclarés : 4 % déclarent gagner moins de 800 euros par mois, 18 % entre 800 et 1 600 euros, 36 % entre 1 600 et 2 400 euros, et 40 % plus de 2 400 euros par mois. Ainsi, le don aux caisses ce grève dépend de manière notable des ressources financières disponibles pour les donateurs.</p>
<h2>Un enjeu de lutte entre grévistes et employeurs</h2>
<p>La contrainte principale qui explique le recours des grévistes aux caisses de grève est également d’ordre financier. Pour gagner le bras de fer engagé avec un patron ou un gouvernement, les grévistes doivent renoncer à tout ou partie de leur salaire, et il s’agit donc pour eux de trouver les ressources suffisantes pour ne pas être forcés de reprendre le travail trop tôt : la caisse de grève est ce qui peut leur permettre de « tenir ».</p>
<p>Or, cette contrainte financière s’est fortement accentuée depuis quelques années, du fait de la remise en cause d’un usage concédé jusque-là pour de nombreuses grèves longues : l’étalement voire le paiement partiel des jours de grève. Dans des entreprises telles que la SNCF, la RATP ou La Poste, les grévistes engagés dans des conflits longs reçoivent désormais des <a href="https://www.dailymotion.com/video/x7rj9hc">fiches de paie nulles</a>, et sont donc immédiatement confrontés à la menace de l’indigence.</p>
<p>En effet, divers <a href="https://www.cairn.info/revue-agone-2013-1-page-33.htm">dispositifs managériaux</a> visent désormais à mettre une pression financière maximale sur les grévistes. En interdisant par exemple aux dirigeants locaux d’établissement de négocier le paiement ou la neutralisation de certaines journées de grève, la SNCF cherche surtout à intimider les grévistes en leur promettant une sanction financière maximale.</p>
<p>En suivant la même logique, elle n’a pas craint d’être dans l’illégalité en effectuant des retenues sur salaires bien supérieures au décompte légal <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/06/21/la-sncf-condamnee-a-payer-les-jours-de-repos-des-grevistes_5318839_3234.html">lors de la grève de 2018</a> : l’important n’était pas d’économiser de l’argent, mais plutôt de démoraliser les grévistes en leur promettant des fins de mois difficiles.</p>
<h2>L’essor des caisses de grève : une réponse aux « budgets contraints »</h2>
<p>Si l’argent est à ce point devenu un enjeu de lutte lors des grèves récentes, c’est parce qu’il se fait de plus en plus rare pour les grévistes. Avant même la vague d’inflation de ces derniers mois, le mouvement des « gilets jaunes » avait déjà mis en évidence la généralisation des fins de mois difficiles. L’amenuisement des « reste-à-vivre » dans les classes populaires est en effet <a href="https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints">largement documenté</a>, témoignant à la fois de l’érosion du pouvoir d’achat, de la diffusion des crédits et de la multiplication des <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/depenses-pre-engagees-pres-dun-tiers-depenses-menages-2017">« dépenses pré-engagées »</a>.</p>
<p>De ce fait, un nombre croissant de salariés risque de s’éloigner de la pratique gréviste pour des raisons principalement financières. Il s’agit d’un défi tout à fait actuel pour le mouvement syndical, comme l’illustrent certaines initiatives lancées en janvier 2023 : plusieurs organisations syndicales – en particulier au sein de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), fortement implantée dans la fonction publique – viennent en effet de lancer des caisses de grève d’un type nouveau.</p>
<p>Plutôt que de chercher à soutenir des salariés engagés dans des grèves longues, ce qui constitue la fonction traditionnelle des caisses de grève, <a href="https://fsu76.fsu.fr/caisse-de-greve-nul-ne-doit-renoncer-a-se-mobiliser/">ces nouveaux dispositifs</a> visaient principalement à permettre à des personnels précaires de participer aux journées de grève des 19 et 31 janvier derniers, contre la réforme des retraites.</p>
<p>Ainsi, si les caisses de grève ont pu acquérir une telle importance ces dernières années, c’est sans doute moins parce qu’un nombre croissant de salariés ne croirait plus à l’investissement dans la grève, et bien plutôt parce que les modalités d’affrontement entre grévistes et employeurs font plus que jamais de l’argent le nerf de la guerre sociale.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Johanna Simeant-Germanos et Sophie Beroud.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabriel Rosenman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre passivité et engagement, le don aux caisses de grève représente une forme de participation minimale. En étudiant les donateurs, on se rend compte que leur implication dépasse le seul don.Gabriel Rosenman, Doctorant, CMH (EHESS - ENS), École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952562022-11-29T18:58:31Z2022-11-29T18:58:31ZComment la société de la consommation génère de nouvelles pratiques solidaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497042/original/file-20221123-16-1y34y1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C28%2C1050%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont s’exprime la solidarité prend aujourd’hui des tournures inédites.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Solidarit%C3%A9.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La solidarité semble être devenue un phénomène à la mode. Une recherche rapide sur le web révèle toute une série d’initiatives qui s’en inspirent. Par exemple, plusieurs villes de France sont engagées dans l’organisation de la prochaine édition de la <a href="https://www.paris.fr/pages/nuit-de-la-solidarite-2022-19971">Nuit de la solidarité</a>, une opération pour dénombrer et analyser la situation des sans-abris ; ou dans la <a href="https://www.coursedeslumieres.com/">Course des lumières</a> pour soutenir la recherche contre le cancer ; ou encore la <a href="https://parrainage.refugies.info/">mobilisation nationale pour l’accueil des Ukrainiens</a> qui fuient la guerre.</p>
<p>Si la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/solidarite-20350">solidarité</a> n’est pas un phénomène nouveau, la façon dont elle s’exprime et le rôle que la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> joue dans son déploiement prennent en revanche des tournures inédites.</p>
<h2>« Caffè sospeso » à la française</h2>
<p>Par exemple, les Restos du cœur permettent à la société française dans son ensemble, depuis leur lancement en 1985, d’exprimer le sentiment de solidarité envers ceux dans le besoin à travers l’aide alimentaire. Dans la même lignée, un autre phénomène, moins institutionnalisé mais pourtant non moins diffusé, semble s’installer dans l’Hexagone depuis quelque temps : celui de la baguette et de la pizza « suspendue ».</p>
<p>Ce phénomène s’inspire de celui du « caffè sospeso », ou « café suspendu », une pratique solidaire importée d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/italie-22616">Italie</a> : dans un bar, on paye deux cafés, un pour soi, l’autre pour une personne dans le besoin. En France, cette pratique trouve aujourd’hui sa déclinaison dans d’autres biens de consommation liés à la culture française <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/compiegne/compiegne-apres-cafes-suspendus-pizzas-suspendues-1573726.html">comme la pizza et la baguette</a>.</p>
<p>Comment expliquer la diffusion grandissante de ces nouvelles pratiques solidaires ? Et, de façon plus générale, comment la solidarité a-t-elle changé dans nos sociétés contemporaines dites de consommation ?</p>
<h2>Deux types de solidarité</h2>
<p>Pour Émile Durkheim, père de la sociologie (avec Max Weber) et pionnier de la recherche sur la solidarité, les sociétés humaines, tout au long de leur histoire, ont développé deux formes de solidarité : la <a href="https://www.education-populaire.fr/solidarite-mecanique-organique/">solidarité mécanique et la solidarité organique</a>.</p>
<p>La solidarité mécanique est propre à toutes les sociétés préindustrielles. Elle repose sur un principe de <em>ressemblance</em> et aide les individus à s’intégrer dans le même groupe, à développer une cohésion sociale et à différencier leur groupe de celui des autres (le Tiers État, le clergé, etc.).</p>
<p>Dans la recherche en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> et sur la consommation, la solidarité mécanique est souvent associée à tout collectif qui s’apparente aux <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/27/4/412/1810411">communautés de marque</a>, aux sous-cultures de consommation ou aux tribus de consommateurs.</p>
<p>Au contraire, la solidarité organique, typique de nos sociétés modernes, fait référence à la <em>différenciation</em> en termes de rôle et de statuts des individus. Cette forme de solidarité aide les différentes parties de ces sociétés complexes – organes, groupes ou fonctions – à se coordonner les unes avec les autres. Selon Durkheim, dans les sociétés modernes, les différentes parties (« organes », tels que les individus, les entités économiques, l’État, etc.) partagent des relations étroites car elles remplissent des fonctions différentes et ne sont pas facilement séparables.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ppFhZiZGEFo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Solidarité organique et solidarité mécanique (Les SES en vidéo, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Étonnement, les études en marketing et consommation se sont peu penchées sur le rôle que la consommation joue aujourd’hui dans le déploiement de la solidarité organique. Ceci, malgré l’essor des réseaux sociaux et des plates-formes digitales qui soutiennent plus que jamais la toile de relations que tissent ensemble des entités différentes.</p>
<h2>Une solidarité « entraînée »</h2>
<p>C’est sur ce point précis que notre récente <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/14705931221137730">étude</a> a permis d’éclairer comment la consommation influence les manifestations de solidarité qui émergent à plusieurs niveaux et à différentes échelles dans la société actuelle.</p>
<p>Nous avons utilisé comme cadre d’analyse la pratique du suspendu (telle que décrite ci-dessus) dans le contexte italien où, pendant la période de distanciation sociale du Covid-19, elle a évolué donnant naissance au projet <a href="https://lab00.org/index.php/cause/spesasospesa/">Spesasospesa.org</a>. Cette initiative regroupe un vaste réseau d’entreprises, d’organisations non gouvernementales (ONG), de célébrités, d’institutions, de professionnels, de consommateurs et d’autres acteurs. Leur objectif : soutenir les familles dans le besoin en optimisant le flux de biens et de services entre producteurs et distributeurs et en rendant ces biens accessibles à moindre coût, ou même gratuitement.</p>
<p>Notre étude apporte deux résultats majeurs. Tout d’abord, la solidarité n’est pas un trait naturel de tous les groupes sociaux, mais plutôt une force qui permet la formation de ces mêmes groupes. En effet, la recherche en marketing et consommation a décrit la solidarité comme une <a href="https://academic.oup.com/jcr/article/48/2/289/6146404">caractéristique intrinsèque à tous les groupes sociaux</a>.</p>
<p>Cependant, notre étude montre comment la solidarité agit plutôt comme une force capable de tisser des liens entre individus, objets et institutions précédemment déconnectés les uns des autres. Ainsi, notre recherche pointe une zone grise dans la formation de la socialité, un espace social qui se trouve entre ce que l’anthropologue britannique Victor Turner appelait « <a href="https://www.britannica.com/topic/rite-of-passage/Victor-Turner-and-anti-structure">l’anti-structure</a> » (l’ensemble des individualités déconnectées) et la structure (groupes sociaux bien formés et organisés).</p>
<p>C’est dans cet espace, dit « proto-structure », qu’une forme de solidarité toute particulière qu’on définit comme « entrainée » agit pour littéralement coller ensemble des entités dispersées dans un réseau de relations sociales structurées.</p>
<p>Ensuite, contrairement aux solidarités mécanique et organique, la solidarité entrainée émerge grâce à l’action d’un (ou plusieurs) attracteur, c’est-à-dire, un acteur (tels que des entrepreneurs, des célébrités médiatiques, etc.) capable d’entrainer un réseau de plus en plus large d’acteurs et d’entités autour d’un projet commun.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Deuxième enseignement de notre étude : la consommation joue un rôle majeur dans l’émergence de cette forme particulière de solidarité. Comme la pratique du « suspendu » le montre bien, c’est la circulation de biens de consommation tels que la pizza, la baguette ou autres produits de consommation courante qui constitue et nourrit les relations entre individus. Ainsi, la solidarité entrainée permet de mieux comprendre comment, dans les sociétés postindustrielles, à mesure que l’autonomie des individus grandit, le besoin de solidarité et d’entraide grandit également.</p>
<h2>Une opposition à l’individualisme</h2>
<p>De manière plus générale, les études antérieures en marketing et consommation ont déjà mis l’accent sur la relation entre consommation et solidarité. Par exemple, le sentiment de solidarité a favorisé <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/33/2/283/1849582">l’émergence des sous-cultures de consommation</a> (des fans de Napster à ceux de Harley-Davidson) en opposition à l’individualisme promu par les sociétés capitalistes.</p>
<p>De même, <a href="https://academic.oup.com/jcr/article/48/2/289/6146404">l’esprit solidaire des citoyens grecs</a> les plus engagés a permis aux mouvements anti-consommation et anticapitalistes de survivre malgré les durs effets de la crise économique qui a frappé le pays par le passé. Toutefois, notre étude montre comme la solidarité entrainée favorise l’émergence de nouveaux réseaux sociaux d’entraide surtout dans des moments de fortes crises économiques et sociales, et à l’aide d’un ou plusieurs attracteurs qui la déclenchent.</p>
<p>De ce fait, il est important pour les acteurs institutionnels ainsi que pour les organisations engagées de savoir détecter les attracteurs qui seront à l’origine de la solidarité entrainée, car ils sont la clé pour comprendre, favoriser et améliorer toutes les initiatives solidaires plus à même de résonner avec le contexte culturel de la société concernée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195256/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’aide aux démunis passe de plus en plus par la fourniture de produits de consommation courante. Son succès, en outre, repose sur la capacité d’un acteur à en entrainer d’autres.Gregorio Fuschillo, Professeur Associé de marketing, Kedge Business SchoolSimona D’Antone, Professeure associée de marketing , Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1949882022-11-20T16:02:17Z2022-11-20T16:02:17ZSolidarité Nord-Sud, financements, débats sur le 1,5 °C, méthane : ce qu’il faut retenir de la COP27<p>Au terme d’âpres négociations, les pays réunis à la conférence climat de Charm el-Cheikh (6-18 novembre 2022) sont parvenus à un accord sur la question des financements climatiques, via la création d’un fonds « pour pertes et dommages ». </p>
<p><a href="https://unfccc.int/documents/621914">Dans sa décision finale</a>, la COP27 ouvre ainsi la perspective d’un élargissement des transferts financiers des pays riches vers les pays moins avancés. </p>
<p>En l’absence de tels transferts, il n’y a pas de chemin praticable vers le 1,5 °C, la cible ultime introduite par l’Accord de Paris. </p>
<p>Avec cette question des financements au centre des négociations, la COP27 de Charm el-Cheikh <a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">promettait un bras de fer entre le Nord et le Sud</a>. Elle n’a pas déjoué les pronostics et l’Afrique, fortement représentée (avec 2,3 fois plus de délégués qu’en 2021), y a donné de la voix.</p>
<p>Cette polarisation des débats entre pays riches et ceux moins avancés ne doit pas toutefois faire oublier le rôle crucial des pays émergents (la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, etc.) pour affronter le réchauffement global. Ce groupe de pays contrôle en effet plus de <a href="https://www.pbl.nl/en/publications/trends-in-global-co2-and-total-greenhouse-gas-emissions-2021-summary-report">60 % des émissions mondiales</a> de gaz à effet de serre. </p>
<p>C’est de lui que dépend au premier chef la décrue de ces émissions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe montrant les émissions de gaz à effet de serre en fonction des groupes de pays (moins avancés, émergents, développés)" src="https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496297/original/file-20221120-22-zrw0ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dynamique des émissions de gaz à effet de serre en fonction de la situation économique des pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données PBL </span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Financements climatiques, un contentieux aux causes multiples</h2>
<p>Sous l’impulsion des États-Unis, les pays développés ont promis en 2009 de transférer au moins 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 vers les pays en développement au titre de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. </p>
<p>En 2015, la promesse a été inscrite dans l’Accord de Paris. En 2020, le compte n’y était pas (83 milliards selon l’<a href="https://www.oecd.org/climate-change/finance-usd-100-billion-goal/">OCDE</a>). Et il ne devrait pas l’être avant 2023, d’après le <a href="https://ukcop26.org/wp-content/uploads/2021/10/Climate-Finance-Delivery-Plan-1.pdf">Climate Finance Delivery Plan</a>.</p>
<p>Une seconde pomme de discorde concerne l’interprétation de l’article 8 de l’Accord de Paris sur l’approche concertée face aux <a href="https://unfccc.int/topics/adaptation-and-resilience/the-big-picture/introduction-to-loss-and-damage">« pertes et dommages »</a> induits par le réchauffement climatique. Les pays moins avancés ou insulaires, lourdement impactés, revendiquent des transferts au titre de ce qu’ils appellent la « dette climatique » des pays riches en se heurtant jusqu’à présent à un front du refus.</p>
<p>Les pays moins avancés n’ont pas accès à des financements parfois conséquents que peuvent obtenir certains pays émergents au titre de la reconversion de leurs infrastructures énergétiques. L’Afrique du Sud et l’Indonésie ont par exemple respectivement obtenu <a href="https://www.climatechangenews.com/2022/06/24/indonesia-is-learning-lessons-from-south-africas-tough-energy-transition-deal-talks/">8,5 et 20 milliards de dollars</a> pour accélérer la sortie du charbon dans le cadre de partenariats avec des pays développés.</p>
<p>Le contentieux est enfin attisé par l’aggravation récente de la précarité énergétique et de l’insécurité alimentaire dans le monde. </p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’année 2022 risque d’être celle du premier recul depuis plusieurs décennies du nombre de personnes ayant <a href="https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2022">accès à l’électricité</a>. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine se conjugue à la récurrence des chocs climatiques pour renchérir les denrées de base qui deviennent inaccessibles pour les plus pauvres et font dramatiquement remonter la <a href="https://www.fao.org/documents/card/en/c/cc0639en">faim dans le monde</a>, effaçant plusieurs décennies de progrès.</p>
<h2>L’élargissement des financements</h2>
<p>Obtenue à l’arrache durant les deux derniers jours de la conférence, la décision finale de la COP27 va élargir les financements climat de trois façons principales.</p>
<p>Primo, la COP27 a entériné le principe d’un mécanisme dédié au financement des pertes et dommages. C’est une victoire, imposée par les pays moins avancés et les États insulaires qui ont rompu le front uni des pays riches. Elle a été facilitée par la médiation de l’Union européenne, plus ouverte que les États-Unis sur la question. </p>
<p>Reste à négocier le détail du dispositif, notamment le périmètre des donateurs (positionnements des pays émergents ?) et les règles conditionnant l’accès à ces nouveaux financements.</p>
<p>Secundo, les pays se sont entendus pour accroître les financements climat traditionnels, notamment ceux au titre de l’adaptation, avec un accent sur l’agriculture pour faire face à l’insécurité alimentaire. Ces financements additionnels doivent permettre de dépasser les 100 milliards promis en 2009.</p>
<p>Tertio, les deux mécanismes de l’article 6 sur les marchés carbone constituent une troisième source de financement. Celui concernant les États (article 6.2) peut déjà être utilisé, des pays comme le Japon et la Suisse étant prêts à financer par ce biais des réductions d’émission dans d’autres pays. </p>
<p>Il faudra attendre 2024 pour que les acteurs privés puissent accéder à ce type de marché (article 6.4), ce qui facilitera la mobilisation des capitaux privés sans laquelle il ne peut y avoir de changement d’échelle des financements climatiques internationaux.</p>
<p>D’autres leviers ont été évoqués sans qu’un consensus permette de les inclure dans les décisions de la COP. Le plus puissant serait la création d’une ressource dédiée, assise sur la taxation des énergies fossiles, ou mieux celle des émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Le mauvais débat sur le 1,5 °C</h2>
<p>L’inscription de l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C relativement à l’ère préindustrielle avait constitué une victoire des pays moins avancés et des petits États insulaires qui en avaient fait, en 2015 à la COP21, une condition de leur adhésion à l’Accord de Paris.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La une du magazine " src="https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=994&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=994&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496299/original/file-20221120-12-xam3br.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=994&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La couverture du magazine britannique pour l’ouverture de la COP27.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.economist.com/">The Economist</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paradoxalement, la question du 1,5 °C est redevenue un objet de débat au moment où ces pays ont obtenu une seconde victoire dans la négociation. Selon certains, le 1,5 °C serait irréaliste, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/11/15/faut-il-declarer-qu-il-n-est-plus-possible-de-limiter-le-rechauffement-climatique-a-1-5-c_6149869_3244.html">au dire même des scientifiques</a>. Un point à clarifier.</p>
<p>Dans tous les scénarios climatiques analysés dans le 6<sup>e</sup> rapport du GIEC paru en 2021-2022, on atteint un réchauffement de 1,5 °C d’ici une à deux décennies, pour être ensuite légèrement dépassé. En aucune manière, cela signifie que l’objectif de 1,5 °C est inatteignable. Cela implique en revanche de prolonger les réductions d’émission une fois la neutralité climatique atteinte, pour passer en régime d’émissions négatives et faire retomber ensuite la hausse du thermomètre à 1,5 °C.</p>
<p>Ce mauvais débat sur le 1,5 °C a pollué les discussions sur les actions d’atténuation. En dépit de l’annonce de quelques pays à Charm el-Cheikh, la COP27 n’a pas apporté d’impulsion nouvelle pour accélérer la baisse des émissions.</p>
<h2>Engager la décrue des émissions mondiales</h2>
<p>Si les nouveaux financements sont au rendez-vous, le déploiement des sources d’énergie décarbonée dans les pays moins avancés va pouvoir s’accélérer, notamment en Afrique subsaharienne où les investissements dans le renouvelable <a href="https://about.bnef.com/blog/africa-clean-energy-investment-sees-no-post-pandemic-rebound/">ont décroché depuis deux ans</a>.</p>
<p>On se situera alors dans le cas de figure où tous les engagements conditionnels pris par les pays peuvent être réalisés. D’après le Secrétariat général de la COP, cela conduirait à dépasser le pic des émissions durant la décennie pour les ramener en 2030 à 3 % en dessous de celles de 2019 (alors qu’il faudrait viser -43 % dans les scénarios les plus ambitieux).</p>
<p>Les engagements complémentaires annoncés durant la conférence, notamment le passage de l’Union européenne de 55 à 57 %, ne changent pas fondamentalement pas la donne.</p>
<p>La clef d’une accélération de la baisse des émissions mondiales d’ici 2030 est détenue par les pays émergents qui ont un peu tendance à se faire oublier quand on discute du partage des responsabilités entre le Nord et le Sud. Plus de 60 % des émissions mondiales sont contrôlées par ce groupe de pays, qui n’appartiennent plus à celui des pays moins avancés sans avoir intégré le club des pays riches.</p>
<p>Or, ces pays n’ont généralement pas aligné leurs objectifs de moyen terme avec la cible de neutralité qu’ils affichent à long terme. Sitôt qu’ils le feront, la baisse des émissions mondiales prendra un élan bien plus rapide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe montrant les objectifs de neutralité de l’UE, de la Chine, des USA, de l’Inde, de l’Indonésie et du Japon" src="https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496298/original/file-20221120-24-lhln7f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les trajectoires d’émission à l’horizon 2030 ne sont pas toujours en phase avec la cible de neutralité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les enjeux de l’action sur le méthane</h2>
<p>Pour le premier anniversaire de <a href="https://www.globalmethanepledge.org/">l’initiative</a> lancée conjointement par les États-Unis et l’Union européenne à la COP de Glasgow (2021) pour réduire d’au moins 30 % les émissions de méthane d’ici 2030, les signaux sont contrastés.</p>
<p>Le <a href="https://www.unep.org/explore-topics/energy/what-we-do/imeo">Programme des Nations unies pour l’environnement</a> va déployer un dispositif de détection en temps réel les rejets de méthane, d’identification des sources et de suivi des actions correctrices. Centré au démarrage sur les grosses installations énergétiques, le dispositif doit s’étendre à l’ensemble des émissions, y compris celles de l’agriculture. Les États-Unis ont simultanément annoncé un renforcement de leur régulation interne, ce qui va dans le bon sens.</p>
<p>Il y a urgence à agir sur les émissions de méthane. <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/encore-une-mauvaise-nouvelle-pour-la-plan%C3%A8te-les-niveaux-de-gaz-%C3%A0-effet">L’Office météorologique mondial</a> alerte sur l’accélération sans précédent de la croissance du stock de méthane dans l’atmosphère en 2020 et 2021.</p>
<p>Cette accélération pourrait provenir d’une rétroaction climatique, les températures plus chaudes et humides amplifiant la fermentation anaérobique dans les zones humides et les rizières. Si c’est le cas, le risque est que la poursuite de la hausse du stock de méthane contrarie les effets de la baisse des émissions de CO<sub>2</sub> et retarde la perspective de neutralité climatique.</p>
<h2>Qu’attendre des prochains rendez-vous climatiques ?</h2>
<p>Si la COP27 n’a pas apporté de changements radicaux, elle a levé un obstacle de taille à l’accélération de l’action climatique en désamorçant les contentieux qui s’accumulaient sur les financements.</p>
<p>Durant les deux prochaines années, le premier bilan quinquennal de l’Accord de Paris sera réalisé. C’est une étape déterminante pour la construction d’un dispositif de monitoring et reporting qui est encore trop lacunaire.</p>
<p>Le prochain rendez-vous en 2024 aux Émirats arabes unis, situés à quelques encablures à l’est de Charm el-Cheikh, sera une excellente occasion d’apprécier à quel rythme doit s’opérer le retrait des énergies fossiles pour rejoindre une trajectoire de 1,5 °C. Une inconnue majeure à cet horizon concerne l’évolution de la guerre en Ukraine qui a dopé à court terme les investissements dans l’extraction et le transport du gaz d’origine fossile.</p>
<p>Le rendez-vous de 2025 pourrait se situer en Amazonie, à l’invitation de Lula, nouvellement élu à la tête du Brésil, qui a affiché l’ambition d’une déforestation zéro tout en maintenant intact le potentiel de production alimentaire de son pays. Un tel rendez-vous permettrait de donner toute sa place à l’agriculture et la forêt et de mieux rattacher la question climatique à celle de la protection de la biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans sa décision finale, la COP27 ouvre la perspective d'un élargissement des transferts financiers des pays riches vers les pays les moins développés économiquement. Une réelle avancée.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935112022-11-06T16:30:53Z2022-11-06T16:30:53ZClimat : l’épineuse question de la responsabilité historique des pays industrialisés<p>Cela ne vous aura pas échappé : la 27<sup>e</sup> Conférence des parties à la Convention climat des Nations unies s’ouvre ce lundi 7 novembre 2022 à <a href="https://cop27.eg/">Charm el-Cheikh, en Égypte</a>. Les discussions, qui s’annoncent âpres, se poursuivront jusqu’au 18 novembre prochain. Ce sera en effet la première <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop-47443">COP</a> où la question des compensations financières pour les dommages subis par les pays en développement figurera en haut de l’ordre du jour.</p>
<p>Cette rencontre au sommet, qui réunit près de 200 pays, promet d’être chahutée par la défiance grandissante du Sud envers le Nord, et par les revendications récurrentes du groupe « pays en développement + Chine », rien moins que <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.POP.TOTL">6,5 milliards d’habitants sur les 8 de la planète</a> !</p>
<h2>La saga des 100 milliards</h2>
<p>Pour comprendre les tensions et débats autour de cette question centrale (qui est responsable du réchauffement, qui devrait payer ?), il faut faire un retour en arrière.</p>
<p>Décembre 2009 : alors que les négociations à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_de_Copenhague_de_2009_sur_les_changements_climatiques">COP15 de Copenhague</a> entrent dans leur dernière ligne droite, le président états-unien Barak Obama propose une enveloppe de <a href="https://unfccc.int/files/meetings/cop_15/application/pdf/cop15_cph_auv.pdf">100 milliards de dollars par an</a>, à mobiliser à partir de 2020 pour le financement des politiques d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement.</p>
<p>Il s’agissait ici moins d’une « solidarité Nord-Sud » que d’une tentative d’arracher un <em>deal</em> : des transferts financiers en provenance des pays industrialisés contre des engagements de réduction des émissions des grands émergents. Tous se refuseront, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2009/dec/22/copenhagen-climate-change-mark-lynas">Chine en tête</a>, à promettre quoi que ce soit.</p>
<p>Treize ans plus tard, selon l’OCDE, les 100 milliards seraient en passe d’être réunis. Mais l’annonce est accueillie avec scepticisme et méfiance par les pays en développement. Cette enveloppe est en effet <a href="https://www.oecd.org/fr/environnement/financement-climatique-fourni-et-mobilise-par-les-pays-developpes-en-2016-2020-6cbb535f-fr.htm">constituée très majoritairement de prêts</a> – qu’il faudra donc rembourser – plutôt que de dons.</p>
<p>Peu transparents quant à leur caractère « nouveau et additionnel » par rapport à l’aide au développement traditionnelle, ces financements échappent presque à tout contrôle des pays du Sud quant à leur affectation.</p>
<p>Le bol d’air qu’avait constitué la promesse des 100 milliards s’est aujourd’hui mué en une profonde frustration.</p>
<h2>Le serpent de mer des « pertes et dommages »</h2>
<p><a href="https://interactive.carbonbrief.org/q-a-should-developed-nations-pay-for-loss-and-damage-from-climate-change/?utm_campaign=Carbon%20Brief%20Weekly%20Briefing&utm_content=20220930&utm_medium=email&utm_source=Revue%20Weekly">Dès 1991</a>, lors des premières négociations pour la Convention climat des Nations unies, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), tous vulnérables à la montée des eaux, proposait déjà un « mécanisme international de compensation financière pour les pertes et dommages associés aux effets négatifs du changement climatique ».</p>
<p>De fait, un <a href="https://unfccc.int/topics/adaptation-and-resilience/workstreams/loss-and-damage/warsaw-international-mechanism">mécanisme international pour pertes et préjudices</a> sera créé en 2013 à la COP19 de Varsovie. Mais, deux ans plus tard, l’Accord de Paris précisait qu’il s’agissait d’un outil de coopération et non de réparation, et qu’il <a href="https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/eng/10a01.pdf">« ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation »</a>.</p>
<p>Un « dialogue sur les pertes et dommages pour les pays les plus vulnérables » aura finalement été engagé à la COP26 de Glasgow (2021) (dit <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma3_auv_2_cover%20decision.pdf">« Pacte climatique de Glasgow »</a>).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces dernières années, les pays du Sud auront mis la pression pour qu’un mécanisme financier de compensation des préjudices puisse être officiellement lancé à la COP27. Mais les États-Unis et l’Europe n’en ont jamais voulu et ils ne soutiendront pas la création d’un nouveau fonds.</p>
<p>À Charm el-Cheikh, pour cette COP27, ils se limiteront donc à proposer – c’est la position officielle de l’UE – de <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/10/24/council-sets-out-eu-position-for-un-climate-summit-in-sharm-el-sheikh-cop27/">renforcer les institutions existantes</a>.</p>
<p>Ces tensions intenses trouvent leurs racines dans la représentation des « responsabilités historiques », concept qui structure les négociations depuis le début des années 1990.</p>
<h2>Les responsabilités historiques, cette dimension structurante des négociations climat</h2>
<p>Le principe des « responsabilités communes mais différenciées », inscrit dans la Convention climat de 1992, a gravé dans le marbre la division du monde en deux blocs ainsi que le concept de responsabilité historique des seuls pays industrialisés.</p>
<p>Il a jusqu’ici exonéré les pays du Sud, Chine comprise, de toute obligation de réduction des émissions ; puis fait entrer la thématique du financement de l’adaptation ; et enfin, celle des compensations financières pour les dommages subis par les pays du Sud.</p>
<p>C’est, depuis 30 ans, un élément central des négociations climat, exprimant la demande d’une solidarité internationale face aux menaces du réchauffement. Au moins dans les discours, car les difficultés ont été constantes. Ce principe des responsabilités historiques s’est en effet transformé au fil du temps en revendications de plus en plus pressantes, toutes formulées en termes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/justice-climatique-22344">« justice climatique »</a>.</p>
<p>Les États-Unis ont toujours été un <a href="https://openyls.law.yale.edu/bitstream/handle/20.500.13051/6301/28_18YaleJIntlL451_1993_.pdf">opposant tenace</a> à ce principe. Ils ne s’y sont jamais ralliés et ce sera couché sur le papier dès la conférence de Rio (1992). Ce principe ne peut donc être interprété comme une reconnaissance d’obligations internationales de leur part ; encore moins comme <a href="https://digitallibrary.un.org/record/168679?ln=fr">« une diminution des responsabilités des pays en développement »</a>.</p>
<p>Cette position demeure la ligne rouge de la diplomatie climatique de Washington.</p>
<h2>Des responsabilités historiques toutes relatives</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm">L’économiste Olivier Godard</a> a bien souligné que la responsabilité historique des pays industrialisés, qui sous-tend les revendications de compensation pour les pertes et dommages, n’est <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-en-finir-avec-les-idees-recues-sur-la-responsabilite-du-nord-52163">pas aussi simple à établir</a> qu’il n’y paraît, que ce soit en termes de fondements juridiques et moraux, ou même de statistiques.</p>
<p>Mais pour ses défenseurs, représentants des pays émergents ou des pays moins avancés, les choses sont claires. Dès 1991, le <a href="https://www.southcentre.int/about-the-south-centre/">South Centre</a>, un laboratoire d’idées des pays du Sud, indique que les pays industrialisés auraient historiquement préempté l’espace environnemental. Et le simple constat des émissions cumulées relatives suffirait à démontrer cette responsabilité. Il serait alors fondé d’imputer aux États et à leurs populations actuelles les agissements des générations passées. Il leur appartiendrait alors d’assumer des obligations de réparation des dommages produits par les comportements de leurs aïeux.</p>
<p>Qu’en est-il dans les chiffres ? Pour y voir plus clair il faut étudier l’évolution relative des émissions de gaz à effet de serre, annuelles et cumulées, des pays industrialisés (dit groupe Annexe 1 dans la Convention climat) et celle des pays en développement, grands émergents et Chine comprise (groupe Non-Annexe 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493539/original/file-20221104-23-570l42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs, données PRIMAP, PIK (Institut du climat de Postdam)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’examen des émissions annuelles fait apparaître une rupture dans les pays Annexe 1 à partir de 1980 (le second choc pétrolier), avec depuis une décroissance lente. En revanche, pour les pays Non-Annexe 1, elles n’ont cessé d’augmenter, et de manière exponentielle. Résultat : si, en 1980, les émissions des pays industrialisés représentaient deux fois celles du groupe « pays en développement + Chine », cette proportion est aujourd’hui inversée.</p>
<p>Pour les émissions cumulées (celles qui pourraient mesurer la responsabilité historique) jusqu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, avant le plein déploiement de la révolution industrielle au Nord, ce sont les émissions des pays du Sud qui dominent.</p>
<p>Le paysage change ensuite du tout au tout, et cela jusqu’en 1980, date à laquelle la part des pays du Nord atteint son maximum (70 %). Depuis, elle n’a cessé de décroître du fait de la forte croissance économique des pays émergents. Aujourd’hui, elle est encore supérieure à 50 %, mais il ne faudra pas dix ans pour que les émissions cumulées des pays en développement et émergents ne dépassent celles des pays industrialisés. Les responsabilités historiques seront alors partagées de manière égale.</p>
<h2>Une responsabilité morale ?</h2>
<p>D’autre part, avant 1990 les conditions élémentaires pour fonder un argument de responsabilité n’étaient pas réunies. Les générations antérieures n’avaient pas la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm"><em>connaissance préalable</em></a> du fait que les émissions de gaz à effet de serre altéreraient le climat, impossible donc de le leur reprocher et, <em>a fortiori</em>, d’en rendre responsables les générations ultérieures. Et, il va de soi que les générations actuelles n’ont aucune <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2016-2-page-23.htm"><em>capacité d’action</em></a>, aucun moyen d’infléchir les choix énergétiques et de développement des générations passées.</p>
<p>Par ailleurs, c’est à partir des années 1990, que l’accélération de la croissance économique des pays émergents, fondée sur une augmentation massive de leurs consommations d’énergies fossiles, se traduit par une augmentation également massive de leurs émissions. En résultat chaque année depuis vingt ans, leurs émissions dépassent toujours plus celles des pays Annexe 1.</p>
<p>Pour autant, en termes de responsabilité individuelle instantanée, les émissions par tête sont encore beaucoup plus élevées au Nord qu’au Sud, en raison notamment de l’intensité de leur consommation d’énergie. Avec une exception de taille cependant, puisque les émissions par tête de la Chine dépassent maintenant celles de l’Union européenne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe montrant les émissions de GES par habitant" src="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493540/original/file-20221104-10296-z21gmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">SDES, ministère de la transition écologique (Chiffres-clé du climat 2022)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On le voit, il sera impossible de trancher la question de la responsabilité historique. Elle restera indécidable, passionnelle et au plus haut point politique. Aucun chiffre, ni aucune théorie de la justice ne pourra jamais fonder un consensus, et cette question constituera de manière durable un <a href="https://www.cairn.info/revue-sigila-2014-1-page-13.htm">« skandalon »</a>, une pierre d’achoppement, susceptible de faire trébucher la négociation.</p>
<h2>Un conflit insoluble</h2>
<p>Les exigences des pays du Sud ne pourront être pleinement satisfaites à Charm el-Cheikh.</p>
<p>Sur les « pertes et dommages », une étude d’envergure publiée en 2018 les estimait à rien moins que <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-72026-5_14">290-580 milliards de dollars par an d’ici 2030</a>. Avec une intensification du réchauffement, le coût des impacts pourrait excéder <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-72026-5_14">1 000 milliards de dollars chaque année d’ici 2050</a>.</p>
<p>Quelle que soit la fiabilité de ces évaluations, il est irréaliste d’imaginer que les États-Unis et l’Union européenne, se lient à une responsabilité qui les contraindrait à débourser des centaines de milliards de dollars chaque année.</p>
<p>Personne n’a cependant intérêt à ce que la COP27 se solde par un fiasco. Un compromis, insatisfaisant, et au premier chef pour les pays en développement, devra être trouvé. La diplomatie est aussi l’art de masquer les conflits qui ne trouveront jamais de solution.</p>
<hr>
<p><em>Nathalie Rousset – docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan Bleu, aujourd’hui consultante – a contribué au traitement des données et à la rédaction de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bol d’air qu’avait constitué la promesse des 100 milliards de dollars annuels au titre de la solidarité Nord-Sud est aujourd’hui source de frustration pour les pays en développement.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1903582022-09-12T22:47:45Z2022-09-12T22:47:45ZComment la réforme des retraites pourrait bouleverser notre rapport à la solidarité nationale<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> sera-t-elle lancée dès cet automne ? Depuis la rentrée, le gouvernement a envoyé plusieurs signaux qui indiquent que ce sera bien le cas. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a par exemple assuré le 7 septembre dernier sur France Info que la réforme restait une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/retraite/reformes-des-retraites-bien-sur-qu-elle-reste-une-priorite-du-gouvernement-assure-olivier-dussopt_5347183.html">priorité du gouvernement</a>. Quant aux syndicats, ils ont invité l’exécutif, le jeudi 8 septembre lors du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) à <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/cnr-et-reforme-des-retraites-les-syndicats-ont-invite-a-ne-pas-polluer-les-debats-a-venir-929658.html">mettre de côté le projet de report de l’âge légal</a>.</p>
<p>Les prochaines semaines ont donc toutes les chances d’être explosives socialement, d'autant plus que, dans son dernier rapport dévoilé le 12 septembre, le Conseil d'orientation des retraites (COR) estime qu'il n'y a <a href="https://www.bfmtv.com/economie/le-conseil-d-orientation-des-retraites-cor-estime-qu-il-n-y-a-pas-d-urgence-a-reformer-le-systeme_VN-202209130111.html">pas d'urgence à réformer le système</a>. Selon les estimations de cet organisme indépendant, le système de retraite a dégagé <a href="https://www.liberation.fr/economie/en-2022-le-systeme-de-retraites-va-degager-plus-de-3-milliards-deuros-dexcedent-selon-le-cor-20220912_GERMYQPWTZFU7L5HBHZVEIYKNA/">un excédent de 900 millions d’euros en 2021</a> grâce à «la forte reprise de la croissance». Toutefois, ce solde devrait «se dégrader sensiblement» dès 2023 avant de revenir à l'équilibre, dans le meilleur des scénarios, «vers le milieu des années 2030».</p>
<p>Fin 2019 et début 2020, le projet du président <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emmanuel-macron-30514">Emmanuel Macron</a> était à l’origine de plusieurs semaines de grèves. La réforme visait alors à unifier les régimes existants, reposant sur des solidarités de statuts et de professions avec des règles distinctes, en un seul système universel géré par répartition et par points accumulées tout au long de la carrière professionnelle. Le texte adopté mettait fin aux régimes « spéciaux » mais a finalement été abandonné avec la pandémie.</p>
<p>Deux ans plus tard, le nouveau projet semble délaisser cet objectif d’unification des régimes en se concentrant sur l’âge de départ à la retraite à 65 ans, l’indexation des retraites sur l’inflation et un minimum retraite de 1 100 euros pour une carrière complète.</p>
<h2>« Solidarité organique »</h2>
<p>Avec une nouvelle majorité relative à l’Assemblée nationale, l’exécutif doit désormais composer dans un contexte où les partenaires sociaux ne se montrent pas très enclins à discuter. Le gouvernement semble néanmoins déterminé à mettre en œuvre la réforme, promesse de campagne du président réélu, même si certaines analyses montrent que <a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">l’équilibre comptable du régime n’est pas menacé</a>. Mais que traduit cette volonté en termes de vision de notre solidarité sociale après les réformes successives de ces dernières décennies ?</p>
<p>Les sociologues font référence à la notion de <a href="https://www.puf.com/content/De_la_division_du_travail_social">« solidarité organique »</a> telle que développée par Émile Durkheim pour rendre compte d’une forme de solidarité propre aux sociétés modernes. La division de travail social, née de l’industrialisation, diversifie les activités et rend la coopération nécessaire.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">Retraites : la majorité déterminée à mettre en place une réforme explosive … mais inutile comptablement</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le système de retraites français illustre ce type de solidarité. Il est le produit d’une histoire d’octroi et de conquêtes de pensions d’invalidité et de retraite concernant d’abord, des travailleurs partageant un même statut et fonction. Les historiens ont mis en évidence que les <a href="https://www.ammareal.fr/livre/2102432-c-195-653-retraites-une-histoire-des-regimes-speciaux-9782710119470.html">premières retraites en France sont toutes « particulières »</a>. D’abord, parce qu’elles précèdent le régime général, remontant à l’Ancien Régime, avec la création par Colbert de la Caisse des invalides de la marine pour assurer une pension aux navigateurs qui ne sont plus à flot.</p>
<p>Ensuite, parce que l’État n’intervient que tardivement sans mettre en cause ce modèle. D’autres corporations suivent le mouvement, notamment les employés des Fermes et les fonctionnaires d’État. Des retraites, on en parle aussi pendant la Révolution française, puisque le concept émerge en 1791, dans le supplément Finances de l’Encyclopédie méthodique de Diderot et d’Alembert, et les aristocrates, théorisent l’idée d’en bénéficier. Les retraites collectives fondées sur des sociétés de prévoyance ou régimes d’entreprise se développent ensuite au cours du XIX<sup>e</sup> siècle et les professions les mieux organisées <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20100815-avenir-retraites-marc-horwitz">se dotent des caisses de retraite spécifiques</a>.</p>
<h2>Tournant néolibéral</h2>
<p>En matière de retraites, divers travaux de sociologues et d’économistes montrent que l’on découvre cependant les <a href="https://www.letempsdescerises.net/?product=les-retraites">« régimes spéciaux »</a> lors du tournant néolibéral des années 1990. Le néolibéralisme s’accompagne du développement non plus des droits sociaux collectifs mais des droits de l’homme prenant pour valeur l’individu, sa liberté et l’égalité.</p>
<p>Ceci affaiblit le consensus sur les systèmes de retraites assurantiels par répartition, dans lesquels les cotisations des actifs payent les pensions des retraités. En France, le <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/134000051.pdf">livre blanc sur les retraites de 1991</a> met en évidence les difficultés à venir du système de retraites en raison des évolutions démographiques et de l’allongement de l’espérance de vie et ouvre le bal des réformes (Balladur 1993, Fillon 2003, réforme des régimes spéciaux de 2008, réforme Woerth de 2010, Touraine de 2014).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En 2020, la focalisation sur les régimes spéciaux interpelle. Car la première réforme, celle de Balladur, concernait avant tout le régime général, accentuant la distance avec les autres régimes. Elle portait sur trois points : augmentation progressive de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir la retraite à taux plein, la faisant passer de <a href="https://fresques.ina.fr/securite-sociale/fiche-media/Secuso00047/reforme-des-retraites-de-1993-durcissement-des-parametres-de-calcul.html">37,5 à 40 années</a> ; modification du mode de calcul du salaire moyen de référence de 10 meilleures années au 25 meilleures années ; enfin, revalorisation annuelle des pensions, non plus sur l’évolution des salaires, mais indexée sur l’indice d’évolution des prix à la consommation.</p>
<p>Cette évolution traduit un rapport plus individualiste à notre système de solidarité qui pourrait encore être renforcé par la prochaine réforme (même si nous ne savons pas exactement à l’heure actuelle dans quelle mesure).</p>
<h2>Lame de fond</h2>
<p>Nos travaux de recherche sur les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03672210">reformes de retraite en Amérique latine</a> ainsi que dans les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03672311/">pays de l’Est</a> montrent que depuis les années 1990 on assiste à un changement de paradigme dû à une crise de légitimité des modèles d’après-guerre.</p>
<p>Ces années sont marquées par la pression forte des organismes financiers supranationaux, tels que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), pour instaurer, dans les pays endettés et en échange des renégociations des dettes, un système de capitalisation des retraites sous forme de comptes individuels, gérés par des fonds de pension privés.</p>
<p>Nos recherches montrent que ces systèmes se sont avérés coûteux pour la collectivité et injustes socialement, car dans l’incapacité d’affilier les salariés pauvres, et en particulier les travailleuses. Nul besoin de clarifier les droits individuels et d’établir un lien direct entre les contributions et les montants des retraites. Les salariés pauvres, quand ils ne sont pas contraints à l’affiliation à un fond ou une caisse de retraite (c’est le cas de la plupart des autoentrepreneurs en Amérique latine), ne s’affilient simplement pas tant leurs ressources sont faibles.</p>
<p>Dans les pays du Sud, ces systèmes privés ou mixtes ont fait souvent l’objet de contre-réformes et renationalisés. Il reste pourtant de ces expériences, une lame de fond qui progresse lentement dans les pays riches pour faire émerger l’idée que les systèmes de retraite d’après-guerre ne sont plus viables pour demain, s’attachant à noircir les perspectives financières du système de retraites.</p>
<p>Or, selon les chiffres de la commission des comptes de la Sécurité sociale, publiés le 12 juillet 2022, les finances de l’État-providence pourraient être un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/07/12/en-2022-le-deficit-de-la-securite-sociale-pourrait-etre-revu-a-la-baisse_6134442_823448.html">peu moins dégradées que prévu</a> cette année. Les rentrées financières progresseraient plus vite que les dépenses. Par ailleurs, l’Insee et le COR ont des <a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">fortes incertitudes sur l’incidence de la croissance démographique</a> sur les ressources et dépenses du système.</p>
<p>Nous devons alors faire l’hypothèse qu’une telle réforme est avant tout cognitive, une forme parmi tant d’autres d’appréhender la réalité en la construisant. Cette doxa s’appuie sur l’idée que la vie active est davantage flexible, mobile, faite de choix individuels rationnels et non plus standardisés et synchronisés comme un cycle de vie dont la retraite est le corolaire. Se pose alors la question des conséquences de la désintermédiation sociale et de la forme de régulation sociale nécessaire à cette gestion de carrières hyper individualisée.</p>
<p>La très grande flexibilité des travailleurs, si elle se confirme, nécessite une solide solidarité sociale collective. Au lieu de céder à une rengaine hypothétique, il convient de se demander comment garantir collectivement des retraites dignes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roxana Eleta de Filippis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les années 1990, les réformes des retraites mises en place dans plusieurs pays ont d'abord pénalisé les salariés les plus pauvres.Roxana Eleta de Filippis, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818082022-05-12T19:02:07Z2022-05-12T19:02:07ZLa « société écologique », le modèle pour réunir les Français ?<p>Et si le malaise qui saisit les sociétés occidentales avait à voir avec un manque d’idéaux, un déficit d’objectifs collectifs à atteindre, une panne du désir d’avenir ?</p>
<p>L’utopie moderne, du « progrès » par la libération des forces de la raison, a globalement tenu ses promesses et on en perçoit aujourd’hui surtout les limites. Le désintérêt croissant pour la politique n’est-il pas à rapprocher de la difficulté qu’a le personnel politique d’aller au-delà d’un discours technique pour inscrire leur action ou leurs propositions d’action dans une perspective de long terme plus ou moins utopique ?</p>
<p>Mais est-il encore possible, dans des sociétés fragmentées, travaillées par l’hyperindividualisme, d’imaginer un modèle de société idéale qui pourrait constituer un horizon désirable par le plus grand nombre ?</p>
<p>C’est pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question que nous avons à l’ObSoCo lancé en 2019 un <a href="https://lobsoco.com/lobservatoire-des-perspectives-utopiques/"><em>Observatoire des perspectives utopiques</em></a>. Depuis, nous avons traversé une crise sanitaire qui selon certains devait initier un « monde d’après ».</p>
<p>Qu’en est-il, la sidération passée, des effets de cette crise sur les idéaux des Français ? <a href="https://lobsoco.com/perspectives-utopiques-vague-3/">Une nouvelle vague de l’enquête</a> a été lancée auprès de 4 000 personnes en février 2022 (avant le début de la guerre en Ukraine).</p>
<h2>Trois modèles de société</h2>
<p>Comme en 2019, trois « systèmes utopiques », trois modèles de société, ont été soumis à l’évaluation d’un échantillon représentatif de Français. Ces trois « sociétés idéales » sont celles que nous avions définies avec nos partenaires (Ademe, BPIFrance, chaire ESCP-E.Leclerc), sur la base ce qui nous semblait être porté par des mouvements sociaux, des leaders d’opinion, voire des courants politiques :</p>
<ul>
<li><p>L’utopie <em>écologique</em> évoque une organisation de l’économie et de la société tendue vers l’équilibre et la sobriété. Répondant en premier lieu à l’impératif écologique, elle s’accompagne de modes de vie et de consommation que l’on pourrait résumer par la formule « moins, mais mieux ».</p></li>
<li><p>L’utopie <em>identitaire-sécuritaire</em> campe quant à elle une société nostalgique d’un passé révolu, soucieuse de préserver son identité et sa singularité face aux influences étrangères, qu’elles viennent d’une mondialisation économique ou de l’arrivée de nouvelles populations. Ici, clairement, la difficulté à se projeter dans l’avenir favorise la recherche d’idéaux dans un passé réinventé, un supposé âge d’or qui prend alors les traits d’une utopie.</p></li>
<li><p>L’utopie <em>techno-libérale</em> enfin qui, s’inscrivant dans une trajectoire hypermoderne, décrit une société dans laquelle priment les valeurs individualistes et la reconnaissance des droits individuels, bénéficiant d’une croissance forte (mais génératrice d’inégalités) grâce à la vigueur d’un progrès technique allant jusqu’au augmenter l’humain, dans une perspective transhumaniste.</p></li>
</ul>
<h2>Sur la base de 15 propositions</h2>
<p>Chacun de ces trois systèmes utopiques, sans être nommé, a été présenté sous la forme d’une quinzaine de propositions qui en décrivaient les différentes facettes (économiques, politiques, relatives aux modes de vie…), en tentant d’équilibrer les points pouvant être perçus comme positifs par des contreparties négatives.</p>
<p>La question était formulée de la manière suivante : « Voici la description d’une société idéale. Veuillez noter de -5 à +5 chacune de ses caractéristiques (les 15 propositions apparaissant une à une à l’écran selon un ordre aléatoire) en fonction de votre degré d’adhésion (-5 = vous rejetez radicalement le point concerné. +5 vous adhérez totalement au point concerné. Les notes intermédiaires vous permettent de nuancer votre jugement (0 = neutre). Attention, il ne s’agit pas de porter un jugement sur la crédibilité des propositions, mais sur la mesure dans laquelle elles correspondent à ce que vous souhaitez pour l’avenir ».</p>
<h2>Une nette préférence pour la « société écologique »</h2>
<p>C’est clairement la société écologique qui l’emporte. Sur la base de la moyenne des notes données aux 15 propositions décrivant chacune des trois sociétés idéales, elle apparaît comme le modèle de société préféré de 51 % des Français interrogés.</p>
<p>Elle est suivie par l’utopie identitaire-sécuritaire, avec 39 %. Loin derrière, l’utopie techno-libérale ferme la marche avec 11 %.</p>
<p>La comparaison avec les préférences exprimées en 2019 révèle une étonnante stabilité, les variations de ces parts s’inscrivant dans la marge d’erreur statistique. La comparaison de la moyenne des notes données par les répondants à l’issue de la présentation de chacune des sociétés utopiques conduit à la même hiérarchie, l’utopie techno-libérale étant associée à une moyenne négative.</p>
<h2>Un large consensus autour des modes de vie</h2>
<p>Cette manière de présenter les résultats peut donner le sentiment de préférences tranchées, exclusives, suggérant des oppositions marquées au sein de la population quant aux orientations souhaitables. En réalité, l’observation des résultats détaillés donne une image très différente.</p>
<p>Tout d’abord, peu de partisans des utopies techno-libérale et identitaire-sécuritaire manifestent une franche hostilité à l’égard de l’utopie écologique. Mieux, ils sont nombreux à l’avoir évalué favorablement puisque, au final, 69 % des Français interrogés lui ont donné une note globale positive.</p>
<p>Ensuite, la manière dont les répondants ont évalué les différentes facettes des trois systèmes utopiques révèle une adhésion très générale à plusieurs dimensions de l’utopie écologique, et en particulier celles relatives aux modes de vie et de consommation.</p>
<p>Ainsi, produire et consommer local, consommer moins, mais mieux, faire davantage par soi-même, développer la consommation collaborative (mutualisation d’équipements et de ressources), mais aussi vivre dans des villes petites ou moyennes, réduire sa mobilité et privilégier les mobilités douces… apparaissent comme des dimensions consensuelles de la manière dont chacun imagine sa société idéale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=114%2C73%2C2892%2C1917&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330395/original/file-20200424-163067-13kgw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un Français sur deux affirme avoir déjà réparé lui-même un objet électronique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/PZLgTUAhxMM">Kilian/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’adhésion à l’utopie écologique doit au moins autant à l’attrait exercé par les modes de vie que lui sont associés que la conscience de la gravité de la crise environnementale.</p>
<h2>Ordre et sécurité</h2>
<p>Autre point marquant : on compte également peu d’adversaires farouches de l’utopie identitaire-sécuritaire (63 % de notes globales positives, dont 32 % de notes supérieures ou égales à +3).</p>
<p>L’examen de détail de l’évaluation de ses différentes dimensions montre qu’elle pâtit de ses orientations xénophobes et homophobes ; ses dimensions sécuritaires font, elles, l’objet d’un relatif consensus.</p>
<p>À croire que les Français aspirent à une société écologique où règnent l’ordre et la sécurité.</p>
<p>L’ancrage dans le local est également une dimension consensuelle, prisée tout à la fois (mais sans doute pour des raisons différentes) par les partisans de l’utopie écologique et ceux de l’utopie identitaire-sécuritaire.</p>
<p>Dans l’ensemble, la comparaison avec les résultats de 2019 semble indiquer le renforcement d’un désir de recentrage, de repli sur soi, de l’échelle nationale (poussée souverainiste) jusqu’au niveau personnel (aspiration au ralentissement, à l’épanouissement personnel).</p>
<p>On ne peut qu’être frappé par l’écart entre l’intensité de l’adhésion à un modèle de société écologique et son écho somme doute modeste dans les orientations politiques des Français. N’oublions pas que l’enquête visait à recueillir des idéaux ; il peut y avoir une importante distance entre l’adhésion à des perspectives lointaines et l’acceptation des conséquences immédiates de leur mise en œuvre.</p>
<p>Peut-être aussi l’écologie politique n’a-t-elle pas encore réussi à associer à son propos la mise en avant de modes de vie désirables.</p>
<h2>Divisions dans le « rapport à l’autre »</h2>
<p>Les résultats généraux de l’enquête mettent en lumière d’autres éléments de consensus au sein de la population française : l’exigence de liberté, le souci de l’égalité, la tolérance et le respect des droits individuels, la volonté de faire entendre sa voix (dans l’entreprise, dans les décisions politiques) ; mais aussi le rejet de l’augmentation de l’humain par la technologie, l’appétence pour les petites échelles, et, sur un plus personnel, un objectif d’autonomie et de réalisation de soi conjugué au désir de renforcement d’un lien social choisi…</p>
<p>Autant d’éléments dont le niveau d’adhésion a généralement progressé par rapport à 2019.</p>
<p>Les éléments de consensus ne doivent cependant pas masquer d’autres dimensions autour desquelles les Français se divisent, voire s’opposent.</p>
<p>La principale ligne de fracture semble résider dans le rapport à « l’autre », qui s’incarne dans les attitudes à l’égard de la mondialisation économique, mais aussi du cosmopolitisme et de l’« étranger ».</p>
<p>Comme si le pessimisme, largement partagé, s’incarnait chez certains par une volonté d’ouverture et de changement et chez d’autres par une posture nostalgique de repli s’accompagnant d’une attente de sécurité et de protection, voire de la restauration d’un certain ordre moral.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux décrits dans cet article ont bénéficié du soutien de l’Ademe, de BPIFrance et de la chaire ESCP-E.Leclerc. </span></em></p>Selon les derniers résultats de l’Observatoire des perspectives utopiques, les Français affirment rêver d’une société sobre et respectueuse de l’impératif écologique.Philippe Moati, Professeur en sciences économiques, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820882022-05-05T19:02:25Z2022-05-05T19:02:25ZLes podcasts « Jeunes de quartier » : leur quotidien raconté par eux-mêmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/461545/original/file-20220505-1367-y6s8h0.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C1595%2C1164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des jeunes habitants de Saint-Denis (93) qui ont participé à la recherche participative Pop-Art.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Banlieues, quartiers, cités. En France ces mots ont trop souvent une connotation négative. Ce que l’État français nomme depuis 2018 les quartiers prioritaires de la politique de la ville regroupe 5,4 millions d’habitants dont 40 % ont moins de 25 ans. Mais qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? Des jeunes et des chercheurs membres de la <a href="https://jeunesdequartier.fr/">recherche participative Pop-Part</a>, conduite dans dix villes ou quartiers de l’Île-de-France, et portée notamment par l’Université Paris Nanterre, parlent de leur vécu au micro de Cléa Chakraverty et Nils Buchsbaum.</em></p>
<hr>
<p><br></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran du film documentaire « Admire ma peau noire » (2021)" src="https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461532/original/file-20220505-22-oi1qal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du film documentaire « Admire ma peau noire » (2021), réalisé par Hachimia Ibouroi dans le cadre de Pop-Part.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-regarde-moi-178674">« Regarde-moi »</a></h2>
<p>Le regard médiatique porté sur les quartiers populaires enchaîne les clichés. De la beurette des années 80 à la femme voilée puis aux jeunes à capuches ou aux bandes violentes, les représentations sont souvent biaisées si ce n’est parfois ouvertement racistes. Pourtant de nombreuses voix émergent, notamment aujourd’hui pour se réapproprier l’image de ces quartiers.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/623c3c20a5a8270014beccb4" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><br></p>
<h2><br></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran du court-métrage « La Fontaine » réalisé dans le cadre de Pop-Part et tourné à Pantin" src="https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461534/original/file-20220505-22-4n8mua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « La Fontaine » réalisé dans le cadre de Pop-Part et tourné à Pantin.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-ou-tout-le-monde-se-croise-179794">« Là où tout le monde se croise »</a></h2>
<p>Comme beaucoup de communes limitrophes de Paris, Pantin connaît des transformations urbaines de grande ampleur. De nouveaux immeubles de bureaux et d’habitations sortent de terre, de nouveaux cafés ouvrent, de grandes entreprises y établissent leur siège social, des friches industrielles sont utilisées par des théâtres, la jeunesse parisienne vient y faire la fête. Mais certains habitants s’interrogent : pourront-ils continuer à vivre dans le lieu où ils ont grandi ?</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/623c4afeece6b600122b3561" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<hr>
<p><br>
<br></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461535/original/file-20220505-21-cwjpk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Maraudes avec les jeunes de quartiers dans le les Hauts-de-Seine (92).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pop Part/Jeunes de Quartier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-politique-elle-se-fait-a-cote-179811">« La politique elle se fait à côté »</a></h2>
<p>Les jeunes des quartiers populaires s’engagent de multiples façons. À l’échelle locale comme à l’échelle internationale. Sur des enjeux de solidarité, d’accueil de justice. S’ils expriment un éloignement vis-à-vis de la politique institutionnelle, cela ne les empêche pas de prendre la parole, y compris en se présentant aux élections locales ?</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/62611096201c9e001404b4de" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<hr>
<p><br>
<br></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-2005-ca-a-marque-lhistoire-179799">« 2005 ça a marqué l’histoire »</a></h2>
<p>En 2005, Nawufal Mohammed était adolescent lorsque sont survenues les révoltes en réaction à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois et qui ont gagnent rapidement l’ensemble du pays. Rapports avec la police, avec la politique, avec les instituions : les choses ont-elles changé depuis ?</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/624d448e811d6d00129502ad" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<hr>
<p><br>
<br></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461536/original/file-20220505-19-g51din.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « La frontière » réalisé dans le cadre de la recherche participative Pop-Part (2021).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-jai-toujours-fait-attention-179804">« J’ai toujours fait attention »</a></h2>
<p>La vie au quartier est aussi faite de vie ordinaire, de microrésistances, de stratégies permettant, lorsque l’on est une femme en particulier, de ne pas rester enfermé dans les clichés.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/625683e456bf0f001460528c" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<hr>
<p><br>
<br></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Capture d’écran du court-métrage « A l’ouest » issu du projet Pop-Part" src="https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461537/original/file-20220505-19-kqevjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « A l’ouest » issu du projet Pop-Part.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-etre-un-grand-cest-etre-une-reference-les-jeunes-choisissent-les-leurs-179807">« Être un grand c’est être une référence, les jeunes choisissent les leurs »</a></h2>
<p>Dans les quartiers populaires, les notions de « petits » et de « grands » revêtent un sens particulier. La figure du grand est polysémique. Il est à la fois un modèle, un protecteur, un garant de l’histoire du quartier, mais aussi un supérieur auquel les petits doivent le respect voire l’obéissance. Dans le pire des cas, le grand peut même jouer un rôle négatif et orienter les plus jeunes vers la violence ou la drogue. Entre petits et grands c’est le concept de transmission qui est central.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/6266568f633a350015383565" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><br>
<strong>Générique :</strong><br></p>
<h2>● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kxh4S2A8Q4U">« Broke for free »</a>, Something Elated, 2011.<br></h2>
<p><em>Crédits, Conception et Animation Cléa Chakraverty & Nils Buchsbaum, Réalisation Romain Pollet, Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? La recherche participative Pop-Part, conduite dans dix villes ou quartiers de l’Île-de-France, s’est associée à 120 jeunes pour se saisir du sujet.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceNils Buchsbaum, Journaliste éditeur rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809162022-04-18T15:49:01Z2022-04-18T15:49:01ZL’adolescence, un âge d’or pour l’économie du partage ?<p>Coworking, coliving, habitat participatif, covoiturage, jardin communautaire… le collaboratif est dans l’air du temps. Deux français sur trois ont déjà expérimenté l’économie collaborative, et 65 % sont prêts à échanger des objets qu’ils utilisent, d’après une <a href="https://www.toute-la-franchise.com/vie-de-la-franchise-A31171-collaboratif-economie-consommation.html">enquête réalisée par Odoxa</a> pour AlloVoisins auprès d’un échantillon de plus de 1000 Français âgés de plus de 18 ans.</p>
<p>Un style de vie qui se prépare à travers certaines pratiques de l’adolescence ? A cette période de la vie, les échanges de vêtements entre amis sont importants et très fréquents, en particulier chez les filles : une veste que se partagent deux amies, un débardeur qu’elles s’envoient par la poste pendant leurs vacances d’été pour maintenir le lien entre copines issues d’un même groupe… Plus de 50 % des filles, à cet âge, <a href="https://www.acrwebsite.org/volumes/1021387/volumes/v44/NA-44">échangent régulièrement</a> des petits hauts avec leurs copines (contre 20 % pour les garçons) et 56 % d’entre elles échangent régulièrement des accessoires de mode (écharpes, gants, bonnets…) (contre 20 % pour les garçons). Le phénomène s’éteint à la fin de l’adolescence.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/twitter-snapchat-tiktok-brut-une-nouvelle-facon-de-sinformer-pour-les-jeunes-171226">Twitter, Snapchat, TikTok, Brut… une nouvelle façon de s’informer pour les jeunes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le fait que ces pratiques soient plus systématiques chez les filles que chez les garçons peut s’expliquer par le fait que les amitiés se fonderaient plus sur la compétition ou la prise de pouvoir chez les garçons, et plutôt sur l’échange et la discussion du côté des filles. A cela s’ajoutent l’importance de l’apparence physique et du désir de plaire dans leur construction identitaire.</p>
<h2>Apprentissage du marché</h2>
<p>Nombre d’adolescentes participent à des <a href="https://www.wedemain.fr/ma-maison-demain/video-la-free-troc-party-une-brocante-friperie-ou-tout-est-gratuit/">« Free Troc Party »</a>. Cherchent-elles à sortir du jeu économique (elles y rentreront plus tard) pour apprendre de nouveaux modes d’échanges ? Ou, plus que sur leur rapport au marché, ces échanges nous renseignent-ils sur la socialisation à cet âge ? Quelles sont les règles qui régissent ces échanges vestimentaires et quelles sont les motivations des adolescentes à s’engager dans de telles pratiques d’échanges ?</p>
<p>En vue de répondre à ces questions, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cb.1460">étude qualitative</a> mêlant phase d’observations et entretiens a été menée auprès d’une vingtaine d’adolescentes âgées de 14 à 18 ans.</p>
<p>On peut d’abord penser que les adolescentes échangent des vêtements avec leurs copines pour des motivations d’ordre économiques : se procurer des vêtements différents à coût nul ou faible. Cette motivation est incontestable certes, mais elle est loin d’épuiser le sujet. D’autres motivations plutôt symboliques sous-tendent ces échanges de vêtements pouvant répondre à un besoin d’intégration dans un groupe.</p>
<p>Les formes d’échanges de vêtements diffèrent selon le degré de proximité : les camarades d’école, la meilleure amie ou les « bonnes copines ». Tous les lieux sont ouverts aux échanges, que ce soit au collège ou au lycée (périodes de récré, intercours, pause déjeuner, entrée ou sortie du collège/lycée) ou à la maison (en général, la chambre de l’adolescente et/ou de la copine en question).</p>
<p>Il y a emprunts et prêts ponctuels de vêtements avec des règles précises entre camarades de classe. L’adolescente réinvente un autre marché, non monétaire, dans le cadre de l’école, où elle apprend à appliquer les règles établies par l’institution : on ne prête qu’avec une contrepartie immédiate, l’échange est souvent court, limité à quelques jours, les conditions sont fixées dès le départ entre les deux copines…</p>
<p>« On s’échange des sweats avec des copines de classe mais je ne prête jamais sans rien en retour, c’est donnant donnant, on fixe les règles du jeu », déclare Pauline, 15 ans. Le système est rodé. L’échange avec les camarades de classe s’apparente plutôt à un échange économique, l’équivalence étant le moteur de l’échange économique et la transaction le support. Il s’agit en quelque sorte d’un apprentissage du marché : on est dans le domaine de la comptabilité avec un système de valeur – contre-valeur de nature différente que le système monétaire. La relation au sein des échanges marchands n’a pas besoin d’intimité ni de liens personnels entre les individus pour se maintenir.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-adolescents-construisent-ils-leur-identite-avec-youtube-169503">Comment les adolescents construisent-ils leur identité avec YouTube ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les adolescentes peuvent aussi échanger des vêtements avec des « bonnes copines » (voisines, copines d’activités extrascolaires). Les règles sont alors plus flexibles, comme le raconte Morgane, 14 ans : « Je n’échange qu’avec Kenza ma voisine. Comme nous habitons juste à côté, c’est plus facile pour récupérer mes affaires. Si elle a quelque chose que je voulais mettre, je peux aller lui chercher et en 5 minutes. On ne fixe pas de durée à l’échange, c’est flexible. »</p>
<h2>Symboliques relationnelles</h2>
<p>On parle de partage, et non plus d’échange, quand il s’agit de « meilleures amies ». Dans le domaine vestimentaire, ces relations intimes se concrétisent dans le partage des espaces – le <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/36/5/715/1786743?redirectedFrom=fulltext&login=false">« partage » au sens de Belk</a>, comme la cabine d’essayage : « On essaie à deux dans la même cabine. On n’a jamais eu de complexes, on rentre, on sort, on essaie ensemble. Quand on dort chez l’une chez l’autre, on se prépare ensemble dans la même salle de bain avant de sortir et on se donne des conseils, raconte Chloé, 16 ans.</p>
<p>Le « vêtement pour deux » est une autre manifestation de cette logique fusionnelle. Cette fusion peut aller jusqu’à la (con)fusion des corps, gommant la notion même de propriété : « on achète une veste pour deux et on se la partage », note Corentine, 17 ans. Avec la meilleure amie, des adolescentes sont prêtes à tout partager sans condition, même des maillots de bain.</p>
<p>La meilleure amie sert en quelque sorte de substitut à la famille. C’est ainsi que Julie (16 ans) partage un tee-shirt pendant les grandes vacances avec sa meilleure amie : « Nous avons acheté un tee-shirt que nous nous envoyons par la poste pendant les grandes vacances, afin de se le partager pour maintenir le lien social entre nous malgré la distance physique ». Quand l’échange économique repose sur le transfert de possession individuelle (« Ce qui est à moi devient à toi »), le partage, quant à lui, est une possession commune (« L’objet partagé est le nôtre, et non le mien ou le tien »).</p>
<p>Contrairement aux idées préconçues, les adolescents ne sont <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-46183-001">pas si matérialistes</a> qu’on peut le penser : ils échangent, prêtent, empruntent, partagent. L’échange n’est pas le moyen de nier le marché mais plutôt le moyen d’inventer une autre forme de lien plus collaboratif et intime avec le groupe d’amis.</p>
<p>Ces échanges ont lieu directement entre les consommateurs adolescents et échappent ainsi au marché traditionnel. Cette « désintermédiation » a un impact non négligeable sur le <a href="https://www.editionsmardaga.com/products/les-business-models-de-demain">« business model »</a> des distributeurs. Conscientes de l’essor considérable des échanges entre consommateurs, de plus en plus d’entreprises, ciblant les jeunes, cherchent à mieux connaître ce phénomène et commencent à intégrer ces pratiques de consommation collaborative à leur activité, à travers les plates-formes d’échange de vêtements en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les adolescents, particulièrement les filles, s’échangent beaucoup de vêtements. Une façon d’être à la mode sans trop dépenser ? Mais aussi de s’inscrire dans un groupe.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810882022-04-12T18:27:54Z2022-04-12T18:27:54ZLes entreprises familiales ukrainiennes, au cœur de la résistance en temps de guerre<p>À l’heure où les combats font encore rage, les entreprises familiales ukrainiennes affichent une capacité de résistance, d’organisation, et un esprit de solidarité puisés dans leur culture de la résilience sans cesse renouvelée, voire renforcée à travers l’histoire.</p>
<p>Selon la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52015IE0722">définition</a> retenue au niveau de la Commission européenne, une entreprise, quelle que soit sa taille, est une entreprise familiale si la majorité des droits décisionnels (directs ou indirects) appartiennent au(x) membre(s) de la famille qui a ou ont créé ou acquis le capital de l’entreprise, avec au moins un représentant de la famille formellement impliqué dans la gouvernance de l’entreprise.</p>
<p>Après avoir étudié les dynamiques de <a href="https://theconversation.com/lentreprise-familiale-un-modele-de-resilience-en-temps-de-crise-146141">résilience des entreprises familiales</a>, notamment ukrainiennes, pendant la crise du Covid-19 pour un travail de recherche (prochainement présenté à l’<a href="https://ifera.org">International Family Entreprise Research Academy Conference</a>), je me suis livrée à une première analyse de leurs comportements et de leurs perspectives au cours des premières semaines endurées au sein d’une nation en état de guerre.</p>
<p>En Ukraine, les entreprises familiales, généralement dirigées par la première et/ou la deuxième génération en raison de l’histoire socialiste du pays, jouent un rôle prédominant dans l’économie. Selon une <a href="https://lvbs.com.ua/wp-content/uploads/2019/12/simeinyi-biznes.pdf">étude de Lviv Business School</a> (en ukrainien), leurs dirigeants estiment que les valeurs et les objectifs stratégiques priment sur les facteurs matériels et financiers. La notion de la responsabilité envers des objectifs communs se retrouve notamment au cœur de leurs pratiques.</p>
<p>Ma collecte de données a été articulée autour de trois grandes questions. Comment ces entreprises contribuent-elles à l’effort de résistance ? Comment leur gouvernance favorise-t-elle le redéploiement de leurs activités ? De quel soutien ont-elles besoin pour perdurer ?</p>
<h2>« Ukrainian spirit »…</h2>
<p>La force d’un véritable « ukrainian spirit » semble ressurgir au cours de cette crise. Inscrit dans l’ADN d’une population dont les générations successives ont traversé des crises majeures au cours des dernières décennies, il s’incarne aujourd’hui dans la volonté des familles ukrainiennes à la tête des entreprises familiales de poursuivre leur activité économique et de continuer à croître en dépit de tous les défis.</p>
<p>Comme l’illustre Rostyslav Vovk, le co-dirigeant de l’entreprise Kormotech, fabricant de produits alimentaires pour chats et chiens, au cours de la troisième semaine du conflit « Nous avons eu hier une réunion stratégique. Nous devons être prêts pour le futur ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lentreprise-familiale-un-modele-de-resilience-en-temps-de-crise-146141">L’entreprise familiale, un modèle de résilience en temps de crise</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cet esprit s’articule autour d’un « rêve commun », expression reprise par les dirigeants que j’ai interviewés, autour d’une nation florissante et indépendante portée par ses familles et ses entreprises. À la clé, une résilience significative qui les anime et qui se renforce à travers les épreuves et les aléas de la guerre.</p>
<p>La résilience d’une entreprise familiale se définit comme un processus dynamique déclenché lors de l’avènement d’une adversité qui est perçue comme un défi par les membres de la famille parce que représentant une menace pour l’homéostasie (ou l’équilibre) du système, ce qui est le cas de la guerre en Ukraine aux yeux des familles entrepreneuriales ukrainiennes.</p>
<p>Ce processus de résilience se développe à travers une adaptation progressive à l’adversité qui est facilitée par les capacités de l’entreprise familiale en termes d’absorption (ressources), de renouvellement (orientation entrepreneuriale), d’appropriation (récits et valeurs historiques) et de capital social (voir mon article à ce sujet publié au Japon dans l’ouvrage <em>The Family Business Yearbook 2022</em> chez Hakutou Shobou Editions).</p>
<h2>Cercles de loyautés mutuelles</h2>
<p>Cet « esprit ukrainien » est porté par les loyautés fortes qu’entretiennent les membres des familles dirigeantes de ces entreprises entre eux et avec les parties prenantes et inversement.</p>
<p>Ces entreprises familiales ont, en effet, tissé au cours de leur histoire des relations intra-, inter-générationnelles, et partenariales qui trouvent dans cette crise leur véritable sens. Au centre, la famille représente un noyau dur autour duquel gravite et s’organise un réseau de solidarités très fort. Et cela se vérifie sur le terrain.</p>
<p>L’entreprise Kormotech révèle ainsi que leurs partenaires se sont très rapidement manifestés en apportant leur soutien. Selon son dirigeant :</p>
<blockquote>
<p>« Ils ne nous ont pas simplement demandé comme nous allions mais d’emblée comment pouvons-nous vous aider ? »</p>
</blockquote>
<p>Les organisations auxquelles ces entreprises sont affiliées se mobilisent également en soutien. The Family Business Network International, le plus grand réseau d’entreprises familiales au monde présent dans 65 pays, s’est <a href="https://www.fbn-france.fr/help-ukraine/">positionné publiquement</a> en soutien aux entreprises familiales ukrainiennes. Les membres du réseau se sont mobilisés pour participer aux efforts humanitaires à la hauteur de leur expertise et de leurs secteurs d’activités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1498328194411339778"}"></div></p>
<p>À titre d’exemple, l’entreprise familiale <a href="https://www.linkedin.com/posts/daylewispharmacy_standwithukraine-daylewispharmacy-notjustapharmacy-activity-6904402023723466752-l9YV">Day Lewis Pharmacy</a> au Royaume-Uni est venue à la rescousse dès la première semaine de guerre, contribuant à la collecte de médicaments, des équipements médicaux et de produits de première nécessité. Des réunions régulières permettent de tenir les membres du réseau informés, de partager les meilleures pratiques, et ainsi poursuivre cet effort de solidarité en temps de guerre.</p>
<p>Les dirigeants familiaux, quant à eux, sont très vite venus en soutien à leurs employés. D’une part, ils les ont aidés à s’organiser au niveau de leurs déplacements pour venir travailler dans l’entreprise familiale tout en veillant à leur sécurité et, d’autre part, ont contribué à l’organisation des déplacements et de l’hébergement des familles de leurs employés qui quittent le pays vers les pays limitrophes. Ils ont également mis leur hébergement à disposition des proches fuyant les autres régions plus impactées par la guerre.</p>
<p>Les entreprises familiales ukrainiennes ont par ailleurs poursuivi leurs actions sur le terrain patriotique en participant à la création et la promotion de fonds destinés à soutenir l’armée dans son effort de guerre mais aussi à apporter de l’aide aux populations affectées.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GYMB234KsD4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Intervention de Rania Labaki lors du 9e Congrès international du family business (27 mars 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, l’ensemble des parties prenantes de ses entreprises familiales font bloc : le distinguo actionnaires, dirigeants, clients, fournisseurs, collaborateurs, communautés, gouvernement, disparaît. L’unité voire la fusion de tous ces cercles est de mise pour s’entraider et défendre leurs principes en vue de retrouver une homéostasie semblable à celle de l’avant-guerre, ou une nouvelle homéostasie, qui puisse leur permettre de réaliser le rêve commun.</p>
<h2>« Business as usual »</h2>
<p>L’agilité au cœur du modèle économique caractérise ces entreprises familiales faisant face aux enjeux de la guerre avec à la clé la gouvernance comme facilitateur. Elle permet de véhiculer les valeurs familiales de long terme, de promouvoir le capital patient et d’apporter des compétences clés notamment en matière de gestion des risques, nécessaire en période de crise.</p>
<p>Spécialisée dans la production alimentaire à base de viande de porc, l’entreprise familiale <a href="https://issuu.com/millla_millla/docs/presentation_rk_en_compressed">Barcom LLC</a> située près de Lviv avec une chaîne de magasins à travers le pays, l’illustre bien. Dès les premières semaines de guerre, l’entreprise a été confrontée à des difficultés à la fois financières et d’approvisionnement : nourrir les animaux et payer les marchandises dans le contexte d’un système financier international et de crédit très perturbé.</p>
<p>Comme la majorité des entreprises familiales ukrainiennes, Barcom est une structure jeune et agile. Quoique récente, son expérience en matière de gouvernance lui a permis de rebondir de manière efficace lorsque l’invasion de l’Ukraine a été déclenchée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=210&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=264&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=264&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457380/original/file-20220411-26-y2ylgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=264&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de la plaquette du groupe Barcom LLC.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’explique son dirigeant, Oleg Baran, l’entreprise a rapidement développé son dispositif de gestion des risques, initié lors de la pandémie du Covid-19, en l’adaptant à la crise actuelle. La cartographie des risques, élargie et affinée, a donné lieu à des actions stratégiques à mettre en œuvre selon différents scénarios, du plus pessimiste au plus optimiste en termes d’impact. L’entreprise poursuit son activité en l’adaptant graduellement en fonction de l’évolution du contexte grâce à cette matrice de gestion des risques.</p>
<p>L’entreprise a été ainsi capable de revoir rapidement son business model, au niveau des partenaires clés en matière de ressources financières et autres sources d’approvisionnement, en vue de remédier aux difficultés liées au paiement et au financement et au maintien de l’activité de production.</p>
<p>L’entreprise Kormotech a également poursuivi son activité en revisitant son modèle économique. Elle a contribué à la création de <a href="https://bit.ly/35M1oBW">Save Pets of Ukraine</a> qui vise à sauver les chiens et les chats qui souffrent de la guerre. En seulement deux semaines, elle a livré plus de 93 tonnes de nourriture pour les animaux dans le besoin. Plus de 200 refuges ou volontaires ont reçu une aide humanitaire. En capitalisant sur les donations étrangères à travers la fondation, l’entreprise alloue les produits nécessaires à la fondation qui lui permet de mener à bien sa mission. Ainsi, d’une part l’activité de l’entreprise familiale se maintient et d’autre part, elle permet de sauver des vies dans le monde animal.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506021835795836930"}"></div></p>
<p>L’élan de solidarité avec l’Ukraine a été également perceptible dans d’autres entreprises familiales européennes, et ce dès les deux premières semaines de guerre. Certaines, comme <a href="https://www.linkedin.com/posts/hermes-group_deeply-concerned-by-the-situation-in-europe-activity-6905436687229419520-Jo9s">Hermès</a>, <a href="https://www.linkedin.com/posts/ikea_ikea-pauses-operations-in-russia-and-belarus-activity-6905104717064613888-rvX9">Ikea</a> et <a href="https://www.linkedin.com/posts/swarovski_activity-6906304914784677888-qbsO">Swarovski</a>, ont très vite affiché publiquement leur soutien aux Ukrainiens et pris des décisions arrêtant – du moins temporairement – leurs activités de vente et/ou de production en Russie tout en affichant un soutien permanent à leurs équipes locales.</p>
<p>Les entreprises parfois moins exposées en Ukraine et en Russie, contribuent autrement. Par exemple, la banque anglaise <a href="https://www.hoaresbank.co.uk/crisis_in_Ukraine">C. Hoare & Co</a>. a dressé une liste d’organisations philanthropiques de confiance auxquels leurs clients peuvent avoir recours pour apporter de l’aide aux Ukrainiens. Des entreprises familiales de taille intermédiaire ont aussi montré l’exemple, comme <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1147688/article/2022-03-03/l-elan-de-solidarite-de-la-pevele-se-trouve-un-allie-de-poids-avec-la-societe">Heppner</a> où les collaborateurs ont initié une mobilisation solidaire et spontanée mettant à disposition le dispositif de transports logistiques pour acheminer l’aide en Ukraine.</p>
<p>D’autres organisations européennes dédiées aux entreprises familiales ont été également mobilisées. L’Institut des entreprises familiales en Pologne a réuni les entreprises familiales lors d’une <a href="https://kongresfirmrodzinnych.pl/">conférence annuelle</a> les 28-29 mars derniers et a invité des experts dont je fais partie à transmettre leurs connaissances pour les aider à faire face à ces temps d’hostilités et de guerre.</p>
<p>En attendant, un peu moins de deux mois depuis le début de la guerre, ces entreprises continuent à montrer l’exemple en tant qu’organisations résilientes avec leur business modèle agile et imbriqué autour de loyautés développées et en développement au service des parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rania Labaki ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de deux mois après le début de l’invasion russe, les dirigeants affichent des capacités de résilience nourries par un réseau de solidarité qui dépasse les frontières du pays.Rania Labaki, Directrice de l’EDHEC Family Business Centre, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1793842022-03-17T19:26:39Z2022-03-17T19:26:39ZProscrits, déplacés, réfugiés : ce que révèle le vocabulaire de la migration contrainte<p><em>Émigrés</em> et <em>proscrits</em>, <em>migrants</em> et <em>exilés</em>, <em>demandeurs d’asile</em> et <em>réfugiés</em>. Le vocabulaire utilisé pour désigner celles et ceux qui subissent les migrations contraintes est révélateur des représentations contrastées qui leur sont attachées.</p>
<p>Si les médias ont beaucoup usé du terme <a href="https://theconversation.com/voyons-nous-les-migrants-comme-etrangers-a-lhumanite-176176"><em>migrants</em></a> pour désigner les personnes fuyant sous la contrainte le sud de la Méditerranée et la corne de l’Afrique vers l’Union européenne au cours des années 2010, le mot n’est quasiment jamais appliqué aux millions d’exilés ukrainiens auxquels l’Union européenne accorde à si juste titre la protection temporaire.</p>
<p>Un détour par l’histoire montre tout l’intérêt qu’il y a d’étudier les phénomènes d’exil en <a href="https://journals.openedition.org/hommesmigrations/4130#xd_co_f=ZjMxNmY0OWYtOGJlZi00YjI2LTlkNzgtNDhmNDU5ZmQ0MGU1%7E">tenant compte du vocabulaire qui leur est appliqué</a>. C’est l’un des fils directeurs de mon ouvrage <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/En-exil"><em>En exil. Les réfugiés en Europe de la fin du XVIIIᵉ siècle à nos jours</em></a>, qui se propose de remettre en perspective l’histoire européenne et contemporaine de l’exil.</p>
<p>Ce terme renvoie à la fois à un arrachement à sa patrie, à une situation forcée d’attente, et à une position depuis laquelle peuvent s’affirmer de nouvelles formes de mobilisation et d’engagement.</p>
<h2>« Exilés » et « proscrits » après les guerres napoléoniennes</h2>
<p>L’acte final du <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/congres-de-vienne-en-bref/">Congrès de Vienne</a>, en 1815, a mis un terme aux guerres napoléoniennes. Il s’agissait pour les monarques européens de redécouper le continent et d’y assurer la paix.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452762/original/file-20220317-15-pnf4qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Congrès de Vienne par Jean Godefroy d’après l’œuvre de Jean‑Baptiste Isabey.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CC BY-SA 3.0</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le nombre d’opposants alors chassés de leur pays pour des motifs politiques a augmenté et ceux-ci ont été de plus en plus fréquemment qualifiés en français d’« exilés » ou de « proscrits ».</p>
<p>Comme l’écrivit plus tard Victor Hugo dans les <a href="https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Hugo-travailleurs.pdf"><em>Travailleurs de la mer</em></a>, le vocabulaire lui-même contribuait alors à distinguer les exils de patriotes et de libéraux – les « proscriptions » – des mouvements migratoires qui avaient affecté les contre-révolutionnaires durant la Révolution française – les « émigrations ».</p>
<p>Au début des années 1820, dans l’Europe des Restaurations monarchiques, alors même que Napoléon Bonaparte terminait sa vie banni sur l’île de Sainte-Hélène, les révolutions survenues en Europe méridionale ont <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100872050">jeté sur les routes de l’exil Grecs, Italiens et Espagnols</a>.</p>
<p>Au cours de la décennie suivante, les révolutions réprimées <a href="https://www.herodote.net/29_novembre_1830-evenement-18301129.php">à Varsovie</a> et en Italie centrale en 1831 ont encore amplifié ces mouvements. C’est dans un contexte où les <a href="https://asileurope.huma-num.fr/ressources-iconographiques/jean-baptiste-madou-souvenirs-demigration-polonaise-1834">patriotes polonais</a> fuyant la répression russe arrivaient par milliers en France – 7 000 d’entre eux étaient secourus par le gouvernement en 1832 – que la monarchie de Juillet a adopté une première loi sur les « étrangers réfugiés ».</p>
<p>Ce texte d’avril 1832, encore flou sur la façon de les définir, a été complété par une abondante réglementation ministérielle qui a précisé les contours de ce groupe particulièrement contrôlé (voir le corpus de circulaires ministérielles rassemblé sur le <a href="https://asileurope.huma-num.fr/circulaires-sur-les-refugies">site du programme ANR AsileuropeXIX)</a>.</p>
<p>Le « réfugié » s’imposait alors en Europe occidentale comme une nouvelle catégorie administrative, ce qui n’empêchait pas les personnes parties sous la contrainte de revendiquer d’autres appellations : celle d’exilé en français, <em>exile</em> en anglais ou <em>esule</em> en italien (voir <a href="https://asileurope.huma-num.fr/le-vocabulaire-de-lexil">l’ébauche de lexique européen de l’exil et de l’asile pour le XIXᵉ siècle</a> proposé par le site du programme ANR AsileuropeXIX).</p>
<h2>L’exilé politique mal accueilli à la fin du XIXᵉ siècle</h2>
<p>Le dernier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle a marqué un nouveau point de bascule dans la façon dont les personnes contraintes de quitter leur pays pour leurs idées étaient considérées et traitées à travers le continent européen.</p>
<p>Ainsi, les milliers d’hommes et de femmes partis à cause de la répression de la <a href="https://communards-1871.fr/index.php">Commune de Paris au printemps 1871</a> ont été particulièrement mal accueillis dans les pays d’asile qui se contentaient de les tolérer – Grande-Bretagne, Suisse, notamment – et où ils se voyaient parfois dénoncés comme étant de potentiels terroristes.</p>
<p>Ce mouvement s’est confirmé à la fin du siècle, avec <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/l%E2%80%99europe-politique/les-mod%C3%A8les-politiques-pour-faire-l%27europe/les-mouvements-anarchistes-europ%C3%A9ens-fin-XIXe-d%C3%A9but-XXe-si%C3%A8cle">l’intensification des circulations transnationales d’anarchistes</a> : l’exilé politique était de moins en moins le bienvenu et se trouvait plus fréquemment assimilé à la figure du criminel qu’à celle du héros.</p>
<p>Avec les <a href="https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2012-3-page-1.htm">deux guerres balkaniques (1912-1913)</a> puis les deux guerres mondiales, le XX<sup>e</sup> siècle a fait entrer le continent dans une ère où, plus que les répressions d’insurrections et de révolutions, les conflits armés sont devenus la principale cause de départ forcé à l’étranger.</p>
<p>L’exil ne concernait plus seulement les opposants politiques, mais des groupes entiers de civils visés par la progression de combats ou par des politiques de déportation de masse.</p>
<h2>Les « personnes déplacées » de l’après Seconde Guerre mondiale</h2>
<p>En 1945, la crise migratoire provoquée par la Seconde Guerre mondiale fut loin d’avoir été interrompue par l’armistice. En Europe de l’Ouest, l’exil, entendu comme arrachement à son foyer, représentait une expérience de masse, subie dans les années d’après-guerre par des millions de « personnes déplacées » (<em>displaced persons</em>).</p>
<p>Cette catégorie forgée par les Alliés leur permettait de désigner tous les individus en situation de déracinement au lendemain de la guerre : rescapés des camps de concentration en transit, anciens travailleurs forcés, prisonniers de guerre libérés, mais aussi expulsés des territoires de l’Est.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452824/original/file-20220317-27-1mog02g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des personnes déplacées allemandes attendent dans la gare d’Anhalter à Berlin en 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Everett Collection</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi ces personnes dites « déplacées », se trouvaient aussi des groupes entiers qui, pour des raisons politiques, refusaient de rentrer dans leur patrie, comme ce fut le cas de nombreux réfractaires au retour en URSS.</p>
<p>Alors que l’immédiat après-guerre avait vu cette catégorie des « personnes déplacées » s’imposer, la création par les Nations unies du « Haut-Commissariat aux réfugiés » en 1950, puis la signature de la convention de Genève l’année suivante, allaient contribuer à placer de nouveau le « réfugié » sur le devant de la scène.</p>
<p>Cette convention de 1951 était la première à proposer une définition juridique et internationalement reconnue de ce statut, en se fondant sur le critère de la persécution individuelle.</p>
<p>Si son attribution a été généreuse en Europe occidentale au temps des Trente Glorieuses, sans toujours tenir compte en pratique de ce critère de la persécution individuelle, les années 1980 ont marqué un tournant en la matière.</p>
<p>Dans tous les pays grands pays d’asile européens, le taux d’accord du statut de réfugié a alors baissé drastiquement.</p>
<h2>Les « exilés » et « migrants » des « Printemps arabes »</h2>
<p>Avant même l’année 1989, tournant géopolitique majeur avec la chute du mur de Berlin, les pays d’Europe refermaient leurs frontières aux « demandeurs d’asile ».</p>
<p>De manière significative, cette expression était alors de plus en plus fréquemment employée pour renvoyer à celles et ceux qui sollicitaient le statut de réfugiés, sans être désormais certains de l’obtenir. La chercheuse Karen Akoka évoque dans son livre, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_asile_et_l_exil-9782707198792"><em>L’Asile et l’exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants</em></a>, l’entrée dans « le régime des demandeurs d’asile » avec les années 1980.</p>
<p>C’est bien plus tard, à la faveur des nouveaux exils Sud-Nord produits par les « Printemps arabes » et par les guerres civiles dans la corne de l’Afrique, que le mot « migrant » s’est imposé.</p>
<p>Il permettait de désigner les personnes en situation d’exil cherchant à trouver refuge en Europe mais aussi ailleurs, puisque le continent n’était pas, de loin, le premier à les accueillir.</p>
<p>En français, ce terme avait déjà été employé dans les années 1960 <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2005-4-page-26.htm">pour désigner les Algériens venus en France</a> après l’indépendance de leur pays, mais il se trouvait ainsi chargé de nouvelles significations et placé au centre de l’attention médiatique.</p>
<p>Dans le même temps, le terme <em>migrant</em> était aussi utilisé dans les médias anglophones, mais son usage a fait l’objet à partir de l’été 2015 de vives critiques.</p>
<p>Plusieurs voix – celles de journalistes, de chercheurs, de politiques – se sont élevées contre l’usage de ce mot qui véhiculait une vision déshumanisante des étrangers tentant au péril de leur vie la traversée de la Méditerranée. Outre cette connotation négative et presque animale, le terme « migrant », en français comme en anglais, les enfermait dans une forme de mouvement perpétuel. Il tendait enfin à les disqualifier dans leurs efforts pour demander l’asile et pour obtenir le statut de réfugiés.</p>
<p>À travers l’histoire européenne de l’exil, on comprend donc que les termes utilisés pour désigner les personnes contraintes au départ ne sont ni évidents, ni neutres. Ils proposent une certaine vision, et parfois même supposent une explication, une légitimation ou au contraire un rejet de ces mouvements migratoires générés par la répression et par la guerre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Diaz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Constamment en Europe, des personnes ont dû fuir, pour échapper à la guerre ou chercher une vie meilleure. Mais la manière de les désigner n’a cessé de varier, au gré des représentations véhiculées.Delphine Diaz, Maîtresse de conférences en histoire, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788032022-03-17T19:26:22Z2022-03-17T19:26:22ZComment les politiques migratoires influencent notre sentiment d’empathie envers les réfugiés<p>L’exode d’une partie de la population ukrainienne après l’agression russe suscite une énorme vague d’émotion et une mobilisation sans précédent pour leur accueil. En France les élus de tous bords, la <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1145972/article/2022-02-27/accueil-de-refugies-ukrainiens-lille-martine-aubry-lance-un-appel-aux-habitants">maire socialiste de Lille</a> aussi bien que le maire RN de <a href="https://actu.fr/occitanie/perpignan_66136/louis-aliot-pret-a-accueillir-les-refugies-ukrainiens-qui-choisiraient-perpignan-comme-terre-d-accueil_49027468.html">Perpignan</a>, ont mis en place des dispositifs d’accueil et appellent leurs administrés à la solidarité.</p>
<p>Dans tous les pays d’Europe, les dispositions favorables à l’accueil des réfugiés, y compris par des pays et des villes qui y sont généralement hostiles, sont largement soutenues par les populations.</p>
<p>L’engagement au niveau individuel ou associatif dans des actions de solidarité (don, hébergement) avec les Ukrainiens est sans commune mesure avec celui dont ont pu bénéficier les migrants irakiens, syriens, afghans, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/crise-des-migrants-a-la-frontiere-pologne-bielorussie/migrants-aux-frontieres-de-l-union-europeenne-la-bielorussie-peut-elle-vraiment-couper-le-gaz-a-l-europe_4842283.html">bloqués à la frontière</a> entre la Biélorussie et la Pologne à la fin de l’automne dernier.</p>
<p>En dépit d’images insoutenables d’enfants souffrant de faim et de froid, leur situation tragique n’a suscité qu’une compassion limitée dans les pays européens. Si l’épisode a été largement commenté dans les médias, l’indignation a surtout porté sur le comportement scandaleux de la Biélorussie poussant les migrants vers la Pologne, ce qui a été ressenti comme une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/crise-des-migrants-a-la-frontiere-pologne-bielorussie/">agression envers l’UE</a>.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.leparisien.fr/societe/ukrainiens-syriens-afghans-laccueil-des-refugies-en-france-est-il-a-geometrie-variable-02-03-2022-7PVBP3FS3FEZDNNU3OO3IYJJLQ.php">observateurs, journalistes</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/02/guerre-en-ukraine-le-contraste-est-frappant-avec-l-accueil-des-refugies-venant-des-pays-anciennement-colonises-qui-restent-indesirables-quels-que-soient-les-drames-qu-ils-vivent_6115889_3210.html">chercheurs</a>, acteurs du <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-laccueil-des-refugies-ukrainiens-contraste-tres-durement-avec-le-sort-reserve-aux-refugies-afghans-et-syriens-deplore-rony-brauman_5000187.html">monde humanitaire</a>, militants <a href="https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/deux-poids-deux-mesures-le-militant-cedric-herrou-denonce-la-difference-d-accueil-des-refugies_AV-202203100234.html">associatifs</a> ont souligné la forte différence de traitement face à des situations de détresse pourtant très semblables et intervenant de façon très rapprochée.</p>
<h2>Un changement notable dans les mots utilisés</h2>
<p>Dans les discours politiques et médiatiques, ce contraste dans la prise en charge des populations se traduit par un changement notable dans les mots utilisés pour configurer les situations d’afflux de personnes en exil. Certains ne sont plus de mise, comme le terme de crise migratoire, pourtant devenu depuis 2015 un lieu commun des discours sur les migrations ou celui d’invasion qui, en dépit des flux annoncés de plusieurs millions d’Ukrainiens fuyant la guerre, a disparu des rhétoriques politiques.</p>
<p>D’autres sont employés dans un sens différent. Par exemple le mot <em>solidarité</em> qui était principalement évoqué pour inciter les pays membres de l’UE au « partage du fardeau » de <a href="https://www.france-terre-asile.org/veille-europe-articles-archives/du-1er-au-15-d%C3%A9cembre-2020/pacte-sur-la-migration-et-l-asile-l-equilibre-entre-responsabilite-et-solidarite-au-c-ur-des-negociations">l’accueil des réfugiés</a> est désormais plus volontiers employé en direction des réfugiés <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20220304IPR24785/les-deputes-saluent-la-solidarite-sans-faille-avec-les-refugies-ukrainiens">eux-mêmes</a>.</p>
<p>Plusieurs explications ont été avancées pour rendre compte de ce <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/04/face-aux-refugies-ukrainiens-les-europeens-retrouvent-le-sens-de-l-accueil_6116067_3210.html">« changement de paradigme »</a></p>
<h2>Facteurs d’empathie et d’identification</h2>
<p>Outre les raisons <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/moldavie-georgie-pays-baltes-finlande-pourquoi-ces-pays-s-inquietent-ils-des-ambitions-russes-en-europe_4989204.html">géopolitiques</a>, la plupart font référence à l’empathie qu’autorise la proximité avec les Ukrainiens : proximité géographique d’un pays en guerre « aux portes de l’Europe », proximité socio-économique avec des gens qui, selon les termes d’un commentateur sur BFM TV « partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures », proximité culturelle favorisant <a href="https://mronline.org/2022/03/02/were-europeans-christians-whites">l’identification</a> à des gens « qui nous ressemblent ».</p>
<p>S’il est vrai que la similitude des positions et des conditions sociales favorise l’empathie (ressentir les émotions de l’autre), l’identification mutuelle (reconnaître alter comme un ego) et la réciprocité des perspectives (se mettre à la place de l’autre), on sait aussi que les sentiments empathiques ou hostiles attachés à des catégories de personnes sont relatifs et varient selon les périodes historiques.</p>
<p>Les Italiens en France, objet d’une grande hostilité <a href="https://www.nationalgeographic.fr/histoire/ao%C3%BBt-1893-le-massacre-des-italiens-a-aigues-mortes">à la fin du XIXᵉ siècle</a> ont été rétrospectivement considérés comme des proches facilement intégrés par contraste avec les migrations ultérieures, musulmanes ou africaines.</p>
<p>Le regard porté sur les flux migratoires et leurs protagonistes est aussi l’objet de fluctuations et de retournements au gré des évènements. La mort d’un petit garçon kurde a pour un temps <a href="https://www.liberation.fr/france/2015/09/03/migrants-reunion-de-tous-les-ministres-concernes-a-l-elysee_1374936/">soulevé une forte émotion</a> et suscité la compassion à l’égard des migrants naufragés en mer, retombés depuis dans une relative indifférence.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XaWl_7F84S0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La mort d’Aylan Kurdi avait ému toute l’Europe en 2015, TF1.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Quand les politiques publiques formatent les sentiments</h2>
<p>Pour rendre compte des dispositions accueillantes ou hostiles à l’égard des exilés dans la période contemporaine, un autre facteur, moins commenté, doit être pris en compte. Il s’agit de prendre la mesure de ce que les attitudes d’empathie, de méfiance, d’animosité envers les exilés doivent en propre au cadrage des flux migratoires qui s’est imposé dans les débats publics depuis ladite « crise migratoire » de <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2018-1-page-13.htm">2015</a>.</p>
<p>L’omniprésence dans les discours politiques de la différenciation entre réfugiés et immigrés, la mise en place de dispositif de triage entre ces deux catégories (les hot-spots), ont conforté l’idée qu’il y avait des « bons » à considérer avec bienveillance et des « mauvais » à considérer avec suspicion.</p>
<p>Les effets de ce cadrage sur les attitudes à l’égard des exilés n’avaient pas échappé au Défenseur des Droits Jacques Toubon qui, dès 2016, alertait sur les dangers de la distinction entre réfugiés et migrants économiques, ce dernier terme servant de fait, disait-il, à <a href="https://www.europe1.fr/societe/migrants-refugies-attention-aux-termes-employes-dit-jacques-toubon-2740606">disqualifier les personnes</a>.</p>
<p>L’étiquette « migrant » agit comme un <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Stigmate-2092-1-1-0-1.html">stigmate</a>, un attribut discréditant qui s’impose à l’attention, au détriment des autres caractéristiques d’un individu, et qui instaure une frontière entre lui et nous.</p>
<p>À la disqualification du migrant, considéré comme un acteur économique indésirable, répond en miroir la valorisation du réfugié, considéré quant à lui sous un angle moral et politique. Plus que la différence entre des mouvements migratoires qui seraient objectivement différents, c’est le préjugement sur la valeur des personnes (le vrai réfugié, le faux réfugié, le migrant économique) qui oriente vers des attitudes accueillantes ou méfiantes.</p>
<h2>Réfugiés ou immigrés ?</h2>
<p>Les Ukrainiens correspondent de deux façons à la figure du <a href="http://www.gisti.org/spip.php?article2441">« bon » réfugié</a>, celui qui a de « bonnes » raisons de s’exiler : fuir la guerre plutôt que la misère, être poussé à l’exil par la nécessité de la sécurité physique plus que par la recherche d’une vie meilleure. C’est aussi celui qui est porteur de valeurs au-delà de sa situation personnelle : la défense de la démocratie, la lutte pour la liberté, la défense de la patrie menacée.</p>
<p>Cette qualité essentielle de réfugié d’emblée accordée aux Ukrainiens – attestée par l’octroi par l’UE de la <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/ukraine-la-commission-propose-une-protection-temporaire-pour-les-personnes-fuyant-la-guerre-en-2022-03-02_fr">protection temporaire automatique</a> – est celle-là même qu’on avait refusé d’accorder aux Syriens en 2011, en dépit de conditions très similaires (la violence subie par les situations de guerre, l’oppression exercée par des puissances intérieures ou extérieures).</p>
<p>Les exilés africains, syriens ou afghans peuvent se voir accorder le <a href="http://www.espoirdasile.org/artc/Chiffres_de_l_asile_dans_l_UE/1157/fr/article/">droit d’asile</a>, ils restent néanmoins saisis sous le prisme de l’immigration, et de ce fait toujours discréditables. L’été dernier, la sympathie à l’égard des Afghans, considérés comme victimes du régime honni des talibans s’est rapidement retournée en méfiance face à la crainte d’une invasion et à « la nécessité de se protéger contre des flux irréguliers » (selon les <a href="https://www.franceinter.fr/societe/nous-proteger-des-flux-migratoires-irreguliers-la-petite-phrase-de-macron-qui-ne-passe-pas">termes</a> du président Macron).</p>
<h2>Les valeurs associées à des types sociaux racialisés</h2>
<p>Les considérations politiques ou économiques, morales ou utilitaristes peuvent se mélanger et on peut s’y référer alternativement pour porter des jugements sur l’une ou l’autre population migrante : on l’a vu récemment avec la déclaration (fortement et unanimement dénoncée) d’un député se félicitant de la valeur économique des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/bourlanges-lie-immigration-de-qualite-et-guerre-en-ukraine-et-fait-lunanimite-contre-lui_fr_6218e935e4b0ef74d72f1493">exilés ukrainiens</a>.</p>
<p>Dans l’autre sens, on a pu voir avec l’ouverture des frontières allemandes décidée par Angela Merkel en 2015 que des exilés qui étaient principalement syriens, irakiens ou afghans pouvaient (provisoirement il est vrai) échapper au stigmate du migrant économique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/61d-uo_67yI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Angela Merkel défend les réfugiés syriens, France 24, 2015.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il n’en reste pas moins que les valeurs associées à des statuts migratoires (réfugié/migrant économique, immigré régulier/irrégulier) sont fortement articulées à des types sociaux racialisés.</p>
<p>Les réfugiés sont d’autant plus valorisés qu’ils sont perçus comme blancs/européens comme le sont les Ukrainiens, et les migrants sont d’autant plus stigmatisés qu’ils sont perçus comme africains/noirs. Cette racialisation est en grande partie un effet de la politique européenne des visas qui contraint les migrants africains à la clandestinité.</p>
<p>Comme le souligne <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2018-8-page-1.htm">François Héran</a>, la solution désespérée et coûteuse du passage clandestin confère aux migrants subsahariens « une visibilité médiatique sans comparaison avec la délivrance discrète de titres de séjour aux migrants d’autres continents ».</p>
<p>Les récits de discrimination et de racisme par les forces de l’ordre en Ukraine et en Pologne à l’égard des étrangers noirs, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/01/guerre-en-ukraine-le-difficile-exode-des-etudiants-africains_6115635_3212.html">étudiants pour la plupart</a> montrent bien que la reconnaissance symbolique du statut de réfugié a partie liée avec la racialisation des personnes. Renvoyés au statut de migrants indésirables, les étudiants nigérians se heurtent aux mêmes barbelés que les demandeurs d’asile syriens, irakiens ou afghans.</p>
<p>Au-delà des indignations et des dénonciations du racisme dans les pays d’Europe orientale, les images des personnes d’origine africaine errant dans des zones de no man’s land aux frontières de l’Europe agissent comme un révélateur de la permanence de la ligne de couleur qui structure les discours politiques et les pratiques gestionnaires des flux migratoires. Elles amènent à s’interroger de façon plus générale sur les problèmes éthiques et politiques que pose la discrimination entre des catégories d’exilés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jocelyne Streff Fenart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le préjugement sur la valeur des personnes (le vrai réfugié, le faux réfugié, le migrant économique) oriente vers des attitudes accueillantes ou méfiantes.Jocelyne Streff Fenart, Sociologue, Directrice de recherche émerite au CNRS,, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767722022-03-15T18:37:18Z2022-03-15T18:37:18ZLa solidarité internationale dans la campagne présidentielle française<p>Malgré une <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2022/01/WIR_2022_FullReport.pdf">augmentation des inégalités au niveau mondial</a>, <a href="https://www.franceinter.fr/economie/inegalites-dans-le-monde-trois-enseignements-du-dernier-rapport-du-world-inequality-lab">accentuées par les effets de la Covid-19</a>, les programmes des principaux candidates et candidats déclarés à la présidentielle négligent les enjeux de solidarité internationale. Ceci au profit d’enjeux internationaux marqués au contraire par la concurrence et la compétition comme la défense, la sécurité et le commerce. Et au détriment de l’opportunité de positionner la France comme leader de la solidarité et de la coopération internationales pour construire un monde plus juste.</p>
<p>La lecture des programmes révèle cependant des différences et des nuances parmi les minces propositions. Tandis que la droite aborde très succinctement l’aide publique au développement et se concentre quasi exclusivement sur la thématique migratoire sous un prisme sécuritaire, la gauche formule des propositions plus détaillées et plus holistiques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IZXcSDl6Egs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>À droite, l’aide pour contrer l’immigration et aider… la France</h2>
<p>À l’extrême droite, les programmes de <a href="https://mlafrance.fr/programme">Marine Le Pen</a> et d’<a href="https://programme.zemmour2022.fr/">Éric Zemmour</a> n’abordent pas explicitement la solidarité et l’aide internationales. Ils se concentrent sur les questions de sécurité et d’immigration en matière internationale. Éric Zemmour a notamment proposé de conditionner l’aide française aux pays « en développement » à l’acceptation par ces pays du renvoi des personnes immigrées clandestines en France vers leurs pays d’origine. Il va plus loin en affirmant vouloir bloquer « les transferts de Western Union (transferts d’argent) et les visas, y compris ceux des dirigeants africains ».</p>
<p>Cette proposition est aussi clairement énoncée dans le programme de <a href="https://republicains.fr/wp-content/uploads/2021/10/2021-10-25-lR-notre-projet-pour-la-france.pdf">Les Républicains</a> qui n’aborde nulle part la solidarité internationale, sauf pour traiter d’immigration. Valérie Pécresse porte ainsi le projet de « lancer un plan de codéveloppement des pays du Sud en conditionnant les aides au développement que nous accordons au retour des immigrés illégaux dans leur pays d’origine (délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais utiles) ». Elle souhaite une aide « géostratégique » et « liée », c’est-à-dire profitable pour la France et les entreprises françaises.</p>
<p>Or ces logiques apparaissent infantilisantes et inefficaces, voire néocoloniales. Les pays récipiendaires d’aide sont les mieux placés pour savoir quelles solutions concevoir et comment les mettre en œuvre, ce qui est rappelé dans plusieurs <a href="https://www.effectivecooperation.org/landing-page/effectiveness-principles">engagements</a> internationaux soutenus par la France. Une telle approche est contraire au respect des droits humains des personnes qui fuient des situations insoutenables, ce qu’assume d’ailleurs Éric Zemmour qui « ne définit pas sa politique étrangère par rapport aux droits de l’Homme ». Il est d’ailleurs en défaveur de l’accueil des personnes réfugiées ukrainiennes alors que les autres candidates et candidats de tous bords <a href="https://www.marianne.net/politique/refugies-ukrainiens-tous-les-candidats-a-lelysee-sauf-zemmour-favorables-a-un-accueil">affichent</a> leur soutien.</p>
<p>De plus, <a href="https://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/normes-financement-developpement/What-is-ODA-FR.pdf">l’aide</a> doit être donnée avec le but de promouvoir de développement économique et social d’un pays en fonction des besoins, et non pas en fonction d’un gain politique et financier pour le pays donateur. Restreindre les transferts d’argent des diasporas des pays en développement serait dommageable, tandis que ces <a href="https://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/normes-financement-developpement/au-dela-apd-envois-de-fonds.htm">flux</a> sont l’une des plus importantes sources de financement pour le développement.</p>
<p>Dans la même veine, la priorité de Marine Le Pen est de restreindre drastiquement l’immigration, de renvoyer les personnes immigrées clandestinement dans leurs pays d’origine, mais aussi de réprimer toute personne aidant ces personnes sur le territoire français. Si contrairement à ses opposants de droite, le RN aborde les <em>causes</em> des migrations, un véritable défi du développement international au-delà des symptômes, c’est seulement pour prôner une politique migratoire violente, excluante, stérile et dénuée de solidarité par la France.</p>
<h2>À gauche, s’attaquer aux causes et faire preuve de cohérence</h2>
<p>La gauche prend globalement le contrepied de cette approche. Contrairement à la droite elle se <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/01/23/vaccination-des-enfants-levee-des-brevets-obligation-vaccinale-ce-que-disent-les-candidats-a-la-presidentielle_6110623_4355770.html">prononce</a> plutôt en faveur de la levée des brevets entourant les vaccins contre la Covid-19, première étape vers l’équité vaccinale mondiale.</p>
<p>Le <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/2022avechidalgo/pages/208/attachments/original/1642600770/AH_PROGRAMME_A4_V6_Sommaire_.pdf">Parti socialiste</a> (PS) et le <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">Parti communiste</a> (PCF) sont les seuls parmi les « programmes » observés à mentionner la crise de la Covid-19 au niveau global, en s’engageant notamment pour une levée des brevets et une meilleure distribution dans les pays en développement.</p>
<p>En outre, le programme socialiste partage avec celui d’<a href="https://www.eelv.fr/files/2021/10/Projet-2022-11.07.21-NP-1.pdf">Europe-Ecologie-Les Verts</a> et du PCF la défense d’une certaine cohérence pour le développement. Essentielle, elle consiste pour un pays à harmoniser ses politiques, notamment économique et commerciale, avec les objectifs de l’aide au développement pour qu’elles ne nuisent pas aux pays plus pauvres. Les socialistes et les écologistes partagent également leur engagement envers l’Europe et le multilatéralisme pour faire progresser les droits humains dans le monde.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DeukKbKv8xM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Mais les propositions portées par Anne Hidalgo et les manières d’y parvenir restent parfois imprécises ou absentes – contrairement par exemple à l’engagement de La France insoumise et du PCF de consacrer 0,7 % du PIB français à l’aide publique au développement, une promesse de la France depuis les années 70 <a href="https://www.globalcitizen.org/fr/content/la-france-va-enfin-tenir-sa-promesse-daider-les-pa/">réaffirmée</a> par Emmanuel Macron. Par ailleurs, si les points 65 et 66 du programme du PS contiennent l’aide au développement dans leurs titres… ils la réduisent aux questions d’immigration, suivant l’écueil de la droite. Ailleurs, le PS a prôné la coopération décentralisée et l’arrêt de l’aide au développement à la Chine, elle-même fournisseuse d’assistance.</p>
<h2>Inspirations décoloniales</h2>
<p>Sans prendre d’engagements financiers précis, les écologistes emmenés par Yannick Jadot proposent explicitement un projet inspiré du mouvement décolonial et en faveur d’organisations féministes en matière d’aide internationale. Ce projet serait basé sur l’expertise dans les pays récipiendaires et voué au renforcement des gouvernances locales. EELV indique notamment vouloir « rompre avec une vision verticale et condescendante des rapports Nord-Sud » et « soutenir les sociétés civiles et les expertises locales ». Ce fonctionnement, aujourd’hui porté par <a href="https://alternatives-humanitaires.org/fr/2020/07/23/localisation-de-laide-situation-actuelle-du-debat-et-possibles-impacts-de-la-crise-de-la-covid-19/">l’appel</a> à la « localisation » de l’aide, permettrait de délivrer une aide plus adaptée, plus appropriée et plus efficace.</p>
<p>Serait favorisée également l’aide sous forme de dons plutôt que de prêts, critiqués pour contribuer à la charge de la dette et dont la France fait encore beaucoup usage. Enfin, l’<a href="https://www.afd.fr/fr">Agence française de développement</a> serait réformée, la fragmentation du dispositif institutionnel autour de l’aide et la complexité des procédures de l’agence ayant été relevées lors d’<a href="https://www.oecd.org/fr/cad/examens-pairs/examens-de-l-ocde-sur-la-co-operation-au-developpement-france-2018-9789264302716-fr.htm">évaluations</a> de la France en tant que bailleur, ce qui nuirait ultimement à la transparence et à la délivrance de l’aide.</p>
<p>La <a href="https://laec.fr/sommaire">France insoumise</a> de Jean-Luc Mélenchon propose d’augmenter les moyens de l’aide et d’accentuer le codéveloppement dans tous les domaines, notamment scientifique. Au-delà, le parti souhaite « en finir avec la Françafrique : respecter l’indépendance des États africains et la souveraineté des peuples en s’interdisant de se mêler des élections et en réprimant les corrupteurs ». Cela rejoint les propos écologistes sur un rééquilibrage des rapports internationaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1492092184107048961"}"></div></p>
<p>De plus, le parti propose « la mise en œuvre d’un mécanisme de restructuration des dettes souveraines dans le cadre de l’ONU ». Cet enjeu est pressant tandis que de nombreux pays en développement souffrent d’une crise de la dette qui tend à <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/20/les-pays-pauvres-font-face-au-spectre-d-une-nouvelle-crise-de-la-dette_6110189_3234.html">s’accentuer</a> sous le poids des effets de la Covid-19. Enfin, plus loin que les symptômes que la droite cherche souvent à « traiter », La France Insoumise a le mérite d’aborder les <em>causes</em> des migrations dont le changement climatique, ce qu’avancent aussi les écologistes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aide-au-developpement-que-fait-la-france-174086">Aide au développement : que fait la France ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Emmanuel Macron dans sa propre continuité ?</h2>
<p>Sans véritable programme à un mois de l’élection, on peut supposer que l’approche d’Emmanuel Macron sera similaire à celle du mandat actuel : une défense de l’Europe et du multilatéralisme, une augmentation de l’aide au développement, mais une focalisation sur le rayonnement économique et culturel de la France au détriment du financement des services de base et de l’utilisation des <a href="https://theconversation.com/une-aide-internationale-aux-pays-les-plus-pauvres-encore-insuffisante-malgre-des-montants-historiques-159845">dons</a>. La <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/277797-loi-4-ao%C3%BBt-2021-programmation-aide-publique-developpement-solidaire">loi</a> de programmation relative au développement solidaire de 2021 doit encore être pleinement appliquée.</p>
<p>Enfin, le conflit ukrainien risque de mobiliser encore davantage le soutien de l’Union européenne, premier <a href="https://public.tableau.com/views/OECDDACAidataglancebyrecipient_new/Recipients?:embed=y&:display_count=yes&:showTabs=y&:toolbar=no?&:showVizHome=no">bailleur</a> du pays en 2018-2019. L’Ukraine <a href="https://www.oecd.org/dac/financing-sustainable-development/development-finance-topics/Europe-Development-Aid-at-a-Glance-2021.pdf">était</a> déjà de loin le premier bénéficiaire européen d’aide publique au développement en 2019.</p>
<p>Au niveau français, le gouvernement actuel a <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ukraine/evenements/article/ukraine-la-france-se-mobilise-et-achemine-une-aide-medicale-d-urgence-en-faveur">assigné</a> début mars 100 millions d’euros à l’aide d’urgence pour les populations civiles.</p>
<p>Ainsi, malgré deux ans de crise sanitaire et d’appels à la solidarité internationale notamment par la société civile et les organisations multilatérales, le débat français en particulier à droite se cristallise autour de la sécurité et de la défense – et c’était le cas même avant le début de la guerre en Ukraine. Les propositions devront aussi être plus ambitieuses à gauche. Et les candidates et candidats devront se souvenir qu’en matière sanitaire aussi bien qu’écologique, « nous ne sommes pas en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgane Rosier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur les propositions des candidats de droite et de gauche sur la solidarité internationale.Morgane Rosier, Etudiante au doctorat à l'Ecole de développement international et mondialisation, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784412022-03-03T19:55:27Z2022-03-03T19:55:27ZLa démocratie en santé fête ses 20 ans : le temps de la refondation ?<p>La loi dite de <a href="https://www.doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006072665/articles/LEGIARTI000006685741">« démocratie sanitaire » du 4 mars 2002</a> a 20 ans. Si le préambule de la Constitution du 17 octobre 1946 précise que la nation garantit « la protection de la santé », ce texte de loi affirme que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». Il s’agit d’une évolution significative, qui traduit une politisation des enjeux de santé, de la protection à la reconnaissance de droits fondamentaux.</p>
<p>En cette date anniversaire, dans ce moment politique si particulier que nous nous partageons, l’occasion nous est donnée de réfléchir à la place de la démocratie en santé. </p>
<p>Alors que s’impose le concept global <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">« <em>One Heath</em> »</a> - qui donne à comprendre la santé du point de vue des interrelations entre l’homme, la nature et son environnement - et dans un contexte international exposé au cumul de tensions, de dérégulations et de crise des légitimités, la démocratie en santé pourrait proposer un nouveau modèle de gouvernance. </p>
<p>Au-delà des considérations de santé publique, cette démarche démocratique responsable et participative se réfère en effet aux valeurs de dignité, de respect, de loyauté, de justice, de bienveillance et de solidarité dont nous éprouvons l’urgent besoin.</p>
<h2>Qu’est-ce que la démocratie en santé ?</h2>
<p>C’est dans la dynamique des « années sida » qu’a émergé le concept de démocratie sanitaire institué et formalisé dans le cadre de la loi du 4 mars 2002. L’irruption sur la scène publique de la parole des personnes malades a en effet politisé le champ de la santé publique compris en termes de revendications démocratiques. Les États généraux du sida, en 1990, suivis quelques années plus tard par les États généraux de la santé, en 1998, ont permis aux personnes malades de témoigner publiquement de l’indignité et de l’irrespect de leur condition, et de revendiquer la reconnaissance de leurs droits. </p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037950426#:%7E:text=Toute%20personne%20qui%20s%E2%80%99estime,saisine%20vaut%20d%C3%A9p%C3%B4t%20de%20plainte.">dans son article 3</a>, la loi affirmera : « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins ».</p>
<p>La loi « démocratie sanitaire » de 2002 propose une nouvelle philosophie du soin, dans le cadre d’un partenariat attentif à la personne malade reconnue dans son expérience, son expertise et sa capacité de discernement dans l’arbitrage des décisions qui la concernent. </p>
<p>Le « paternalisme médical » souvent assimilé au pouvoir discrétionnaire de celui « qui sait », est confronté à la contre-culture de « l’autonomie » de la personne malade. Car il s’agit bien d’intégrer aux pratiques des principes inconditionnels tels que le respect du consentement, la loyauté dans l’information, la protection de la personne contre tout risque indu, ou encore la limitation des souffrances dans le cadre d’une intervention compétente et justifiée.</p>
<p>Appliquée à l’exercice médical et à la relation soignante, il convient d’observer que cette loi transpose certains des critères formulés en août 1947 dans le <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-codenuremberg-tradamiel.pdf">Code de Nuremberg</a>, rédigé pour fonder une éthique de la recherche médicale à la suite des exactions commises pas des scientifiques dans les camps de concentration nazis. </p>
<p>55 ans après la rédaction du premier Code de déontologie médicale, en juin 1947, une loi de la République conférait à la personne malade des droits inédits, assortis de responsabilités jamais caractérisées en des termes d’une telle portée : <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006685748/2016-01-28#:%7E:text=Toute%20personne%20a%20le%20droit,digne%20jusqu%E2%80%99%C3%A0%20la%20mort.">« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort »</a>. Ne s’agit-il pas aussi d’une socialisation des questions de santé dont ont constatait d’autres expressions dès juillet 1994 avec le vote des premières lois relatives à la bioéthique ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loi-de-bioethique-les-apports-dune-revision-majeure-pour-la-biomedecine-164254">Loi de bioéthique : les apports d’une révision majeure pour la biomédecine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La pandémie a souligné la nécessité d’une refondation de la démocratie en santé</h2>
<p>Depuis le début de la pandémie du SARS-CoV-2, la société civile n’a pas été associée au processus décisionnel, instruit au sein de dispositifs de gouvernance peu attentifs aux règles de la démocratie en santé et à la consultation de ses instances représentatives que sont la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/acteurs/instances-rattachees/conference-nationale-de-sante/">Conférence nationale de santé</a>, les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/acteurs/instances-rattachees/conference-nationale-de-sante/en-regions-les-conferences-regionales-de-la-sante-et-de-l-autonomie-crsa/">Conférences régionales de la santé</a> et de l’autonomie, ou la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-de-sante-vos-droits/recours-des-usagers/article/a-quoi-sert-la-commission-des-usagers-cdu">Commission des usagers</a>.</p>
<p>Il convient dès lors de constater que les droits relatifs à la démocratie en santé justifieraient l’analyse de leur effectivité, que ce soit du point de vue des conditions de respect du consentement et de la confidentialité (ne serait-ce que dans le cadre de la stratégie de vaccination), des droits des personnes vulnérables en établissement ou à domicile, des priorisations en réanimation, des déprogrammations, d’interdiction de la présence des familles y compris en fin de vie, des conditions d’obsèques, ou encore de la souffrance des soignants, etc.
À moins que l’on ne considère ces droits comme inapplicables dans un contexte d’urgence sanitaire…</p>
<p>Dans la perspective d’une refondation nécessaire et donc d’une révision de la loi du 4 mars 2002, différentes pistes de réflexion pourraient être éclairées par des travaux parlementaires, dès la prochaine législature.</p>
<p>Il importe en particulier de renforcer l’effectivité de la reconnaissance des droits de la personne malade, de permettre l’appropriation de ces droits dans un contexte de fragilisation du système de santé. Une meilleure information et une capacité d’alerte plus efficace renforceraient le respect de ces droits inconditionnels.</p>
<p>Il est nécessaire également d’envisager l’adaptation et l’application de la loi à un contexte socioculturel, biomédical et technologique qui diffère profondément de celui des « années sida ». À cet effet, il faut intégrer de nouveaux enjeux :</p>
<ul>
<li><p>Une source d’informations publiques fiables et accessibles s’impose. En effet, à la complexité du parcours dans le champ de la santé s’ajoute l’accès paradoxal à des sources d’informations diversifiées et parfois contradictoires, dont la légitimité peut s’avérer discutable (telles que les réseaux sociaux), ainsi que la critique de l’expertise médico-scientifique à l’origine de défiances ;</p></li>
<li><p>Les innovations thérapeutiques, la prédictivité et les possibilités d’anticipations (avec entre autres enjeux le coût discriminatoire des traitements innovants) bouleversent notre rapport à la prévention et peuvent affecter la justice dans l’accès aux traitements. En conséquence, selon quels critères et en associant quelles expertises, arbitrer des choix et des priorités justifiés, loyaux et transparents ? ;</p></li>
<li><p>La numérisation des dispositifs de santé a un impact tant dans la relation de soin (espace de santé numérisé, algorithmes décisionnels) que du point de vue des enjeux éthiques relatifs, par exemple, au respect de la confidentialité dans le traitement des données de masse. Cela transforme notre rapport au savoir médical et aux pratiques biomédicales. Comment assurer une approche démocratique des mutations technologiques, les accompagner, les rendre accessibles, les contrôler afin de prévenir les discriminations et les stigmatisations ? ;</p></li>
<li><p>Les expertises et les savoirs expérientiels partagés, l’émergence de la figure du « patient expert » et le développement de « l’éducation thérapeutique du patient » modifient les facultés d’autonomisation de la personne dans le suivi de sa santé. Les organes représentatifs de la démocratie en santé doivent bénéficier d’une reconnaissance qui leur permette de passer du témoignage et du plaidoyer au statut d’instances associées à la décision et au suivi de sa mise en œuvre ;</p></li>
<li><p>Vivre la maladie au quotidien et en société n’est possible qu’avec des politiques de santé favorisant une meilleure prise en compte d’un parcours dans sa durée, son évolutivité et ses contraintes. La personne malade doit pouvoir bénéficier d’un environnement favorable à son autonomie sociale (y compris dans la continuité de sa vie socioprofessionnelle) ;</p></li>
<li><p>Les vulnérabilités (qu’elles soient visibles ou non), les situations de limitation de l’autonomie, de dépendance, le grand âge, la vie dans la cité ou en établissement de personnes fragilisées par le handicap (qu’il soit mental ou physique), la maladie et la vieillesse, justifient une nouvelle approche en matière de démocratie en santé. Il importe de développer des innovations marquées par le souci de bienveillance et la mobilisation de compétences adaptées, notamment du point de vue de la sensibilisation de la société aux enjeux de la démocratie en santé et de la formation des acteurs professionnels et associatifs ;</p></li>
</ul>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ehpad-et-maltraitance-comment-sortir-de-la-crise-176045">Ehpad et maltraitance : comment sortir de la crise ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<ul>
<li>Certaines évolutions sociétales des plus sensibles pourraient être discutées dans le cadre d’une refondation de la loi « démocratie en santé ». Ce serait notamment le cas en ce qui concerne le parcours des personnes adultes et des enfants en fin de vie. Certaines évolutions seraient-elles de nature à surmonter des dilemmes relevant d’expériences et de considérations personnelles ? De tels enjeux ne devraient plus relever d’une loi spécifique aux droits des malades en fin de vie.</li>
</ul>
<h2>Reconquérir un espace de démocratie</h2>
<p>Depuis 20 ans les avancées de la « démocratie en santé » ont contribué à des évolutions dans l’éthique du soin, dans cette reconnaissance de la personne malade au « cœur du soin ». Il n’est pas certain que cette exigence partagée avec les professionnels engagés au quotidien pour défendre les valeurs humanistes auxquels ils témoignent tant d’attachement, soit compatible avec des choix politiques et institutionnels privilégiant d’autres rationnels dans leurs arbitrages. </p>
<p>L’individualisme du consumérisme médical est en rupture avec la dynamique de responsabilisation pour soi comme au regard de nos solidarités inspirées par les « années sida ». Il nous faut donc reconquérir cet espace de démocratie, le refonder dans le cadre d’une concertation qui concerne le renouveau de la vie démocratique, une nouvelle pensée du bien commun. Repenser les valeurs de la démocratie, notre attachement au dit bien commun, au souci de l’autre dans un projet de refondation de la démocratie en santé relève d’une exigence politique et éthique qui nous concerne tous, au plan national comme dans une visée universelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vingt ans après le vote de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, le temps est probablement venu de refonder la démocratie en santé.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1726502022-02-13T19:59:00Z2022-02-13T19:59:00ZLe manque de reconnaissance des « jeunes aidants »<p>En France, ils sont les grands invisibles, notamment des services de santé. Pourtant, ces enfants et ces adolescents apportent une aide significative et régulière à un proche avec une maladie ou en situation de handicap. Ils soutiennent le plus souvent un parent, un frère ou une sœur, ou un grand-parent.</p>
<p>Au-delà du fait de préparer les repas ou de faire le ménage ou les courses, ces jeunes vont aussi soutenir le proche aidé directement, en lui apportant un soutien moral, mais aussi parfois en l’accompagnant à l’hôpital, en l’aidant à s’habiller ou à faire des soins.</p>
<p>Les jeunes aidants ont un rôle essentiel dans l’accompagnement des malades mais restent méconnus dans l’hexagone. Or ce rôle peut avoir de nombreuses conséquences sur leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1269176319300276">santé physique et mentale</a>, pesant sur leurs activités sociales, engendrant plus d’isolement et de difficultés scolaires.</p>
<h2>Des jeunes trop invisibles</h2>
<p>Imaginez que, quelque part en France, vous interrogiez un adulte dans la rue pour lui demander ce qu’est un jeune aidant. Il est fort probable qu’il soit incapable de vous dire ce dont il s’agit. Posez la même question <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13676261.2022.2027899">au Royaume-Uni</a>, vous aurez une réponse complète.</p>
<p>Pourquoi ? Parce que là-bas, cette situation est largement connue et reconnue. Cela fait plus de 20 ans que des recherches y sont menées à ce sujet, donnant lieu à la création de services dédiés à ces jeunes sur le plan local et national (soutien, séjours de répit, accompagnement scolaire…). Cela a également permis le développement de politiques publiques avec des droits spécifiques liés aux besoins de ces jeunes (bourses scolaires…).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KgM36duPS0I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Teaser Plus Grand Que Soi, documentaire de François Chilowicz diffusé en 2021.</span></figcaption>
</figure>
<p>À l’heure actuelle, le Royaume-Uni est le pays le mieux placé sur l’échelle de la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13676261.2022.2027899">reconnaissance des jeunes aidants</a>, mais d’autres pays sont également bien avancés comme l’Australie, la Norvège ou la Suède. Ces pays n’ont pas de droits spécifiques pour les jeunes aidants, mais les professionnels qui prennent en charge les patients présentant des maladies chroniques ou mentales, ou un handicap, adoptent une approche familiale des situations, favorisant ainsi l’identification et le soutien des jeunes aidants.</p>
<p>En France, la prise en charge médicale est encore trop souvent centrée exclusivement sur le patient, et ne permet pas de repérer les situations d’aidance des jeunes. Souvent, les professionnels ne savent même pas qui habite avec leur patient et apporte de l’aide informelle.</p>
<p>En 2019, pour la première fois, les jeunes aidants ont été reconnus par le gouvernement français à travers la stratégie de mobilisation et de soutien <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp-_strategie_de_mobilisation_et_de_soutien_en_faveur_des_aidants.pdf">« Agir pour les aidants »</a>. Une des priorités de cette stratégie proposait deux mesures :</p>
<ul>
<li><p>la sensibilisation des personnels de l’éducation nationale pour repérer et orienter les jeunes aidants ;</p></li>
<li><p>l’aménagement des rythmes d’études pour les étudiants aidants.</p></li>
</ul>
<p>Avant 2019, seule l’association nationale <a href="https://jeunes-aidants.com/">Jeunes aidants ensemble</a> (JADE) travaillait à favoriser la reconnaissance des jeunes aidants et le développement de réponses à leurs besoins, notamment à travers les <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2020-4-page-60.htm">ateliers cinéma-répit</a>.</p>
<h2>Premières données</h2>
<p>Depuis 2020, la prise de conscience du phénomène progresse et quelques structures – associations, fondations, plates-formes d’aide aux aidants – ont mis en place des soutiens spécifiques. Malheureusement, ces services restent très limités géographiquement et sont à élargir à travers l’ensemble du territoire.</p>
<p>A l’étranger, la recherche a largement contribué à faire avancer la reconnaissance des jeunes aidants et à permettre de construire des accompagnements spécifiques et adaptés à leurs besoins. En France, de premières données ont été diffusées en 2017, grâce à <a href="https://www.aidants.fr/sites/default/files/fichiers_attaches/ipsos_pour_novartis-qui_sont_les_jeunes_aidants-rapport_detudes_vf.pdf">l’enquête Novartis – Ipsos</a> « Qui sont les jeunes aidants aujourd’hui en France ? » Elles ont permis de mettre en lumière la situation de ces jeunes, jusque-là largement invisibles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485875027492974593"}"></div></p>
<p>En parallèle, le <a href="https://jaid.recherche.parisdescartes.fr/">programme de recherche JAID</a> (Recherches sur les Jeunes AIDants), mené au sein du Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS, UR 4057) de l’université de Paris, a permis de développer plusieurs études directement auprès des jeunes, mais aussi auprès des professionnels pour explorer leurs connaissances et pratiques.</p>
<p>Ces travaux ont notamment permis de montrer, sur un échantillon de plus de 4000 lycéens, que 43 % des jeunes avaient un proche malade <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jan.15162">et que 14,3 % étaient en situation d’aidance</a>, soit 3 à 4 jeunes par classe ! Les résultats montrent également qu’il s’agit majoritairement de filles (3 jeunes aidants sur 4), le proche malade étant le plus souvent un parent (30 % des mères, et 31 % des pères), avec une maladie grave ou chronique dans 70 % des cas (diabète, cancer, maladie cardiaque ou neurodégénérative…). Près de 40 % des jeunes aidants ont plusieurs proches malades dans leur entourage.</p>
<p>Concernant les personnels de l’Éducation nationale, une étude menée auprès d’un échantillon de 33 professionnels a montré que, si la majorité n’a jamais entendu parler du terme « jeune aidant », <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/pits.22510">plus de la moitié en a déjà rencontré</a>. Ce sont les professionnels médico-sociaux et les conseillers principaux d’éducation qui les identifient le mieux. Toutefois, ils ne mettent en place que peu d’actions pour aider ces jeunes, principalement par manque de temps et de connaissance du phénomène.</p>
<p>En ce qui concerne les professionnels de santé, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0738399122000398">étude menée en oncologie</a> montre des résultats très proches et souligne qu’il est difficile pour les professionnels d’imaginer qu’un enfant ou un adolescent puisse avoir un rôle d’aidant, et ce d’autant plus que cet enfant est jeune. Pourtant, des travaux internationaux ont clairement montré des situations d’aidance dès l’âge de 5 ans.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/v50wHezNiDo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qui sont les jeunes aidants au lycée ? Résultats de l’étude ADOCARE (janvier 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces premières données françaises rejoignent en partie celles observées dans d’autres pays. Elles soulignent l’importance de cette situation et la nécessité de la rendre plus visible. A l’école comme à l’hôpital, chaque professionnel peut avoir un rôle clé dans le repérage des jeunes aidants. C’est cette augmentation de la capacité à identifier ces jeunes qui permettra de leur proposer des soutiens adaptés.</p>
<p>À l’heure actuelle, un premier programme de sensibilisation des personnels de l’éducation nationale à la jeune aidance est en cours d’expérimentation dans quatre régions. Si les résultats sont concluants, il sera indispensable de l’étendre à l’ensemble du territoire et de conduire une réflexion approfondie sur le soutien à apporter aux jeunes aidants tout au long de leur scolarité.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reconnaitre-la-contribution-essentielle-mais-invisible-des-proches-aidants-137629">Reconnaître la contribution essentielle mais invisible des proches aidants</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ce type de sensibilisation sera également à développer auprès des professionnels hospitaliers travaillant auprès des proches aidés par les jeunes, mais aussi des structures spécialisées dans l’accompagnement des enfants et des adolescents (espace santé jeunes, maison des adolescents…).</p>
<p>Si les jeunes aidants ont été longtemps ignorés en France, probablement par peur de lever un tabou sur une population vulnérable, et pour laquelle il existe peu de solutions d’accompagnement adaptées, les premières données dont on dispose incitent à l’action. La stratégie gouvernementale est un premier pas, mais beaucoup reste à faire, et chacun peut y prendre part en commençant par reconnaître que ces jeunes aidants existent, et qu’eux aussi peuvent avoir besoin d’aide.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Untas a reçu des financements de : Université Paris Descartes (contrat doctoral) - IdEx Université de Paris, Emergence en Recherche - KLESIA ARGIC ARCO - AG2R la Mondiale - Association Nationale Jeunes AiDants Ensemble - Malakoff-Médéric - Crédit Agricole Assurance </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Géraldine Dorard a reçu des financements de :
- Université Paris Descartes (contrat doctoral)
- IdEx Université de Paris, Emergence en Recherche
- KLESIA ARGIC ARCO
- AG2R la Mondiale
- Association Nationale Jeunes AiDants Ensemble
- Malakoff-Médéric
- Crédit Agricole Assurance </span></em></p>Environ 14 % des lycéens seraient investis d’un rôle d’aidant auprès d’un parent ou proche malade. Une situation pesante mais trop souvent invisible socialement.Aurélie Untas, Professeure de psychopathologie, Université Paris CitéGéraldine Dorard, Maîtresse de conférences en psychologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1760452022-02-01T19:10:52Z2022-02-01T19:10:52ZEhpad et maltraitance : comment sortir de la crise ?<p>En publiant un livre au titre on ne peut plus explicite, « Les Fossoyeurs », le journaliste Victor Castanet entend dénoncer le « système » mis en place selon lui par Orpea, l’un des géants de la gestion d’Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) lucrative. Si l’on en croit son enquête, la politique de réduction des coûts menée au sein de ce grand groupe privé entraînerait des situations de maltraitance des résidents et du personnel. </p>
<p>La publication de l’ouvrage a mené au <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/30/ehpad-orpea-limoge-son-directeur-general-et-nomme-un-nouveau-pdg_6111625_3234.html">remplacement du directeur général d’Orpéa</a>, et a entraîné l’ouverture d’une inspection par l’Agence régionale de santé d’Île-de-France. Si les faits relatés dans cet ouvrage sont avérés, ils sont effrayants et indignes de notre nation. Mais ce n’est cependant pas la première fois qu’est dénoncée la façon dont nos aînés sont pris en charge dans le monde opaque et feutré des Ehpad.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? Quelles mesures permettront d’améliorer la situation ? Les réponses existent : les constats ont été faits, les propositions ont été formulées. Elles sont à la fois chiffrées et inventives. Rappel des faits.</p>
<h2>Aux origines de la crise</h2>
<p>Ce l’on nomme aujourd’hui « le scandale des Ehpad » a éclaté à l’été 2017 : leurs personnels ont lancé deux grèves nationales, afin de dénoncer leurs conditions de travail. Ce travail est non valorisé à la hauteur des missions qui leurs sont confiées est vécu « à la chaîne » : vingt toilettes pour une <a href="https://www.charentelibre.fr/charente/maltraitance-inevitable-7-minutes-par-toilette-burn-out-les-temoignages-de-soignants-des-ehpad-charentais-6079080.php">aide-soignante (7 minutes par personne âgée dépendante</a> et font perdre le sens du soin. Les causes profondes du malaise tiennent <a href="https://www.charentelibre.fr/charente/maltraitance-inevitable-7-minutes-par-toilette-burn-out-les-temoignages-de-soignants-des-ehpad-charentais-6079080.php">aux nouveaux modes d’organisation du travail effectué par les infirmiers, aides-soignants, auxiliaires et agents spécialisés auprès des résidents</a> </p>
<p>La France est en effet engagée dans un vaste mouvement de « modernisation » des soins aux personnes âgées dépendantes, qui s’aligne sur les standards d’un nouveau management public en vigueur dans un nombre croissant de pays, le même qui fait tant souffrir les hôpitaux, car la culture du chiffre, de l’évaluation, des protocoles, de la standardisation des soins les déshumanise. Les besoins des résidents sont désormais évalués selon une grille baptisée <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/perte-d-autonomie-evaluation-et-droits/comment-fonctionne-la-grille-aggir">« Autonomie gérontologique et groupes iso-ressources »</a> (AGGIR). Cet outil vise à mieux ajuster les ressources des Ehpad aux besoins, mais il ne reflète pas les besoins réels, qui ne sont pas uniquement fonctionnels, mais aussi – et surtout – relationnels. Les soignants ne s’y trompent pas : ils demandent du temps et des moyens humains. </p>
<h2>Un constat alarmant</h2>
<p>En septembre 2017 une <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/CAffSoc/Mission_flash_Ehpad_communication_rapporteure_20170913.pdf">mission « flash »</a> a été lancée par Agnès Buzin, alors ministre de la Santé. Déjà le rapport des députées Monique Iborra et Caroline Fiat sur les conditions de travail dans les Ehpad dressait un constat alarmant. </p>
<p>Loin de se présenter comme des lieux d’accueil de personnes âgées, les quelque 7 000 établissements concernés font face à des personnes à 83 % très dépendantes, dont un tiers est atteint de maladies de type Alzheimer. Le sous-effectif est généralisé, avec trois personnes soignantes pour dix malades, quand le rapport indique qu’il en faudrait au minimum le double. </p>
<p>Résultat : une prise en charge dégradée, un taux d’accident du travail de 9,4 % (plus élevé que dans le bâtiment), un taux d’absentéisme élevé (10 %) et une incapacité à recruter sur ces métiers précaires, mal payés et aux conditions de travail difficiles. </p>
<p>Le rapport propose un « ratio opposable de personnel par résident » que chaque établissement devrait respecter aujourd’hui nous sommes à 0,6 soignants par résidents. La défenseure des droits <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rap-Ehpad-num-29.04.21.pdf">Claire Hedon</a>, dans son rapport du 4 mai 2021 en réclame 0,8 et nous, soignants, nous en souhaiterions 1/1. </p>
<p>Les rapporteuses proposent également le concept <a href="https://www.weka.fr/action-sociale/dossier-pratique/interventions-sociales-et-medico-sociales-a-domicile-dt19/les-Ehpad-hors-les-murs-nouvel-outil-pour-garantir-le-maintien-a-domicile-13493/">d’Ehpad hors les murs</a> et des nouveaux modèles d’hébergement et d’habitat partagés. Le gouvernement affiche de son côté une volonté d’améliorer la situation dans les Ehpad. <a href="https://www.cnsa.fr/actualites-agenda/actualites/les-resultats-de-letude-nationale-de-couts-2018-des-Ehpad-confirment-les-effets-de-la-reforme-du-financement">Les moyens ont été renforcés de 100 millions d’euros en 2018</a>, et déployés lors d’un plan annoncé par la ministre de la santé pour l’horizon 2019-2021, mais la pandémie de Covid-19, n’a pas permis d’en ressentir les effets sur le terrain. Cette situation de crise vient en écho avec celle vécue à l’hôpital, où les personnels perdent le sens du soin, se sentent « robotisés » et proches de la maltraitance.</p>
<p>Durement <a href="https://www.caissedesdepots.fr/blog/article/les-impacts-de-la-crise-covid-19-en-Ehpad">impactés par la Covid-19</a>, les Ehpad ont payé le prix fort de cette situation antérieure : manque de moyens humains et de protection, de tests, aboutissant à parfois plus de <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/sante-et-pharmacie/coronavirus-la-verite-sur-la-vague-de-deces-dans-les-ehpad-korian_713186">30 % de décès </a>, laissant ces structures exsangues, les familles endeuillées et en colère… Ces structures peinent plus que jamais à recruter, à cause des conditions de travail, du manque de reconnaissance, des bas salaires, et de la surcharge de travail. Et la situation ne s’arrangera pas dans les années à venir, aggravée par le vieillissement de la population française.</p>
<h2>En 2060, deux fois plus de personnes âgées dépendantes en France</h2>
<p>D’après les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488">projections de l’Insee</a>, le nombre des plus de 85 ans passera dans notre pays de 1,4 million à ce jour à 5 millions en 2060. Notre société vieillit, ce qui peut être considéré comme véritable chance si l’on vieillit sans dépendance et en bonne santé. </p>
<p>Mais pour 15 % des plus de 85 ans, les pertes d’autonomie, que l’on mesure à l’aide de la <a href="https://www.ehpad.fr/grille-aggir/">grille AGGIR</a>,ne permettent plus le maintien au domicile. Un accueil en Ehpad s’impose alors, le plus souvent en urgence et sans le consentement de la personne concernée. Depuis le début des années 2000, ces structures ont remplacé les maisons de retraite. </p>
<p>Peu médicalisées, elles ont une double vocation : accueillir des personnes « dépendantes » (GIR 4-3) voire « très dépendantes » (GIR 1-2) et les accompagner dans tous les actes de la vie quotidienne (toilette, prise de médicament, repas, etc.). On en dénombre 41 % dans nos Ehpad, une proportion bien au-dessus de la moyenne européenne (32 %). Or, d’ici à 2060, on s’attend à un doublement du nombre des personnes âgées dépendantes. Il faudra faire appel à des financements particuliers de la dépendance. </p>
<p>En 2019 ce coût était de 30 milliards d’euros, dont 24 milliards pris en charge par la dépense publique (pour rémunérer les personnels, et le forfait soins), mais le reste à charge pour les personnes concernées et les familles est encore très important précise <a href="https://www.pwc.fr/fr/decryptages/humain/financement-Ehpad-enjeux-et-strategies.html">Thierry Beaudet</a> président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF). Derrière ces chiffres se cachent des enjeux éthiques, sociétaux et politiques dont il faut encore s’emparer.</p>
<p>Des enjeux éthiques, car seules 5 à 15 % des personnes qui sont accueillies en EHAPD le sont de leur plein gré, alors que l’on ne déploie pas assez de structures intermédiaires ni de solution pour un maintien au domicile le plus longtemps possible. Cette situation, connue depuis longtemps, n’est plus abordée que par le prisme du scandale, alors que les familles, les résidents, les soignants sont en grande souffrance quand leurs voix ne sont plus entendues. </p>
<p>Des enjeux sociétaux, car c’est ensemble qu’il faut œuvrer à changer le regard de notre société et de nos décideurs sur le grand âge avec dépendances, pour poser les bases d’une société bienveillante et inclusive. </p>
<p>Enfin, des enjeux politiques, car chaque candidat à l’investiture suprême devrait inscrire la thématique du grand âge et de la perte d’autonomie au cœur de ses préoccupations, et s’engager à produire des résultats sur ses cinq années de mandature. </p>
<p>Mais avant tout, il est probablement indispensable de se poser une question essentielle : les Ehpad constituent-ils une réponse adéquate à la grande dépendance ?</p>
<h2>Exclusion et ghettoïsation</h2>
<p>Le CCNE (comité consultatif national d’éthique) avait été sollicité sur la question « Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergement ? ». Son <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne_avis_128.pdf">avis n°128</a>, publié en février 2018, dénonce la concentration, l’institutionnalisation forcée (qui se passe du consentement des personnes concernées), la ghettoïsation et l’indignité de la condition des personnes âgées en France. </p>
<p>Exclues de la société, reléguées dans ses marges, ces personnes éprouvent un sentiment d’indignité et se sentent « de trop ». D’ailleurs, dans les institutions gériatriques, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/CNBD_Prevention_du_suicide_Propositions_081013.pdf">40 % des résidents présentent un syndrome dépressif et 11 % ont des idées suicidaires</a>.</p>
<p>Le CCNE invite aussi à revoir l’organisation des Ehpad pour sortir de cet univers « concentrationniste », en favorisant les alternatives (habitat intergénérationnel, autogéré, les résidences autonomie, etc.) et en réfléchissant à « l’Ehpad hors les murs », dans de petites structures intégrées dans le tissu urbain de proximité. Il est nécessaire d’assouplir les normes qui, au nom du principe de précaution, entravent la liberté d’aller et venir et brident les activités du quotidien. </p>
<p>Plus récemment, le 28 mars 2019, Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, a remis son <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/consultation-place-des-personnes-agees/concertation-grand-age-et-autonomie/article/rapport-de-la-concertation-grand-age-et-autonomie">rapport récapitulatif de la concertation « Grand âge et autonomie</a>“, lancée en septembre 2018. </p>
<p>Parmi les 175 propositions pour « passer de la gestion de la dépendance au soutien à l’autonomie », on trouve un plan national pour les métiers du grand âge. Celui-ci propose :</p>
<ul>
<li><p>une hausse des effectifs ;</p></li>
<li><p>une transformation des modes de management ;</p></li>
<li><p>la prévention des risques professionnels ;</p></li>
<li><p>la montée en compétences à travers une politique de formation ambitieuse ;</p></li>
<li><p>le développement de perspectives de carrière en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge et d’une meilleure structuration de la filière ;</p></li>
<li><p>un soutien financier de 550 millions d’euros pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, afin d’améliorer le service rendu à la personne âgée et de revaloriser les salaires des professionnels. </p></li>
</ul>
<p>Une hausse de 25 % du taux d’encadrement en EHAPD d’ici 2024 par rapport à 2015 est proposée, soit 80 000 postes supplémentaires auprès de la personne âgée, pour une dépense supplémentaire de 1,2 milliard d’euros. </p>
<p>Ces propositions ont suscité beaucoup d’attentes. Et beaucoup d’espoirs déçus, car la loi « grand âge », annoncée en septembre 2021, a été depuis reportée <em>sine die</em>. </p>
<p>Aujourd’hui pour sortir du constat alarmant de l’existence d’une maltraitance systémique en matière de prise en charge dans certains Ehpad, il faudra beaucoup plus qu’une nième enquête flash proposée hier par l’actuel <a href="https://www.bfmtv.com/sante/soupcons-de-maltraitances-en-Ehpad-veran-n-exclut-pas-de-diligenter-une-enquete_AV-202201250389.html">ministre de la Santé et des Solidarités</a>… Si notre société devait être jugée à l’aune du soin qu’elle porte à ses aînés, la sentence serait certainement peu enviable… Il faut de toute urgence réveiller les consciences en proposant de nouvelles formes de solidarités !</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : « Vieillir n’est pas un crime, pour en finir avec l’âgisme », Éditions du Rocher, septembre 2021.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176045/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un nouveau scandale frappe le secteur de la prise en charge des personnes âgées. Une fois de plus se posent les questions des moyens alloués et de notre attitude face à ces aînés trop invisibilisés.Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt (Université Paris-Est Créteil), co-directeur du département de recherche Éthique biomédicale du Collège des Bernardins, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1730112022-01-13T19:58:40Z2022-01-13T19:58:40ZQuand l’archéologie raconte les grands faits et les petits gestes de notre histoire commune<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/436410/original/file-20211208-142574-b3t4yr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C35%2C5802%2C3763&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Vénus de Renancourt, découverte à Amiens, datée de 23 000 ans.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphane Lancelot, Inrap.</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>« Nous fouillons, c’est votre histoire » : ce slogan s’affiche avec audace sur nombre de palissades protégeant les chantiers archéologiques de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). En ville comme à la campagne, la collaboration entre aménageurs, urbanistes et archéologues se déploie sur le territoire depuis qu’en 1995, la <a href="https://www.coe.int/fr/web/culture-and-heritage/valletta-convention">convention européenne de Malte</a> a énoncé les fondements de la protection juridique du patrimoine. C’est une histoire de France plurielle qui se révèle désormais au plus lointain que le récit des hommes puisse l’écrire, en exhumant les archives du sol.</p>
<h2>Un frêle bras gauche</h2>
<p>L’un des préambules de ce long récit est un frêle bras gauche, celui du jeune Néandertalien, vieux de 200 000 ans, récemment mis au jour en Seine-Maritime. Il est notre vestige fondateur. Quelques milliers de générations plus tard, d’une chronologie inégalement documentée, surgit dans la Somme la silhouette d’une femme ronde, hâtivement esquissée dans le calcaire il y a 23 000 ans avant notre ère. Ils sont, « en vrai » comme en image, les premiers ancrages d’une histoire partagée, bien avant la lecture improprement revisitée d’un royal baptême mérovingien : ces vieux « ancêtres » donnent l’impulsion et signent l’amplitude d’une narration commune.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436415/original/file-20211208-19-1n7jonm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les os du bras gauche d’un pré-Néandertalien, daté de 200 000 ans, retrouvé sur le site de Tourville-la-Rivière, en Seine-Maritime, en regard d’un bras moderne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Denis Gliksman/Inrap</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque parcelle de terre diagnostiquée, chaque hectare fouillé, chaque ancien humain étudié, au plus intime de ses os comme dans ses comportements, est le maillon, prestigieux ou très modeste, de cette longue chaîne d’histoires, de la grande comme de l’anecdotique, qui fabrique à mesure qu’elle la dévoile, la trame d’une mémoire vive. Forte de ses acquis, de quelques suppositions comme de ses certitudes, l’archéologie préventive s’invite à la table des débats contemporains, pour mieux déconstruire l’écueil des raccourcis, et pour relater la trame plurimillénaire, affranchie de toute propagande, d’un territoire en mouvement perpétuel. Le tempo des hommes et des femmes, des savoir-faire et des idées.</p>
<p>De grands mouvements de populations, des itinéraires singuliers et quelques invasions ont modelé une terre aux contours fluctuants. Bien plus que les habitats, chacun des morts a scandé les paysages en y imprégnant son attachement au sol : ainsi la commémoration monumentalisée du prince de Lavau, dans l’Aube, au V<sup>e</sup> siècle avant notre ère, revendique-t-elle l’ostentation immuable des élites quand les tombes hâtives et dépouillées des esclaves, Gallo-Romains ou Ultramarins au XVIII<sup>e</sup> siècle, renforcent l’invisibilité des pauvres. L’effacement des vulnérables et des sans-grade.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436417/original/file-20211208-21-1026gg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le prince de Lavau, allongé sur son char, était accompagné d’un riche dépôt de vaisselle méditerranéenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Denis Gliksman/Inrap</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Raconter les liens tissés entre les humains</h2>
<p>Les données issues de la terre sont imparables et sans filtre. Matérielles et souvent fragmentées, elles savent aussi relater les liens tissés entre les humains ; elles révèlent l’acceptation, les soins et le partage. La solidarité, parfois ! Sans artifice, elles déroulent l’aventure des humbles et des mal lotis. Ceux qu’on a oubliés, éliminés, voire effacés du récit. Leur lecture fait sens avec nos débats contemporains, avec les questionnements d’un siècle aux ambitions inclusives et bienveillantes.</p>
<p>Cette archéologie raconte l’histoire de l’interminable et invisible cohorte d’infirmes, d’estropiés, de miséreux et de mendiants, que leur vulnérabilité ou leur handicap a rendu si dépendants et que leurs proches ont pris en charge, dans la dignité de la compensation. Au III<sup>e</sup> siècle avant notre ère, une vieille Gauloise a bénéficié d’un appareillage, ingénieux système de maintien et de transport, en métal, en cuir et rembourré de paille confortable. L’entraide, rudimentaire mais efficace, valide ici l’idée du « care » ancestral, espéré par les philosophes et les sociologues. La solidarité se déploie au bénéfice des non autonomes. Une recherche sociétale émerge peu à peu.</p>
<p>Cette archéologie interroge les inégalités sociales de ce temps d’avant, pas si lointain, où selon que l’on était riche ou miséreux, la terre consacrée n’ensevelissait pas toujours les morts dans une égale éternité. Ainsi sur les lieux d’inhumation des paroissiens du couvent des Jacobins, à Rennes, entre le XV<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle, les autorités ecclésiastiques ont-elles inventorié et dispersé les morts selon leur statut socio-économique : aux plus pauvres le cimetière dépouillé des hôpitaux, aux plus riches le faste feutré des sols d’églises.</p>
<h2>Partager une même terre</h2>
<p>Pour le Moyen Âge, cette archéologie identifie même, avec aplomb, la présence, très ancienne, des « autres », les membres de ces communautés culturelles et religieuses, certes minoritaires, qui partagèrent, avec autant de sérénité que de fracas, une même terre d’accueil. Un rien suffit, parfois, comme ces trois sépultures du VIII<sup>e</sup> siècle, dans les faubourgs de Nîmes, n’obéissant pas aux préconisations liturgiques en vigueur. Le rite, ici discordant, est largement déployé par ailleurs, dans la péninsule ibérique, en Sicile ou au Maghreb. L’analyse de leur ADN trace l’origine nord-africaine, sans doute berbère, de ces « étrangers » abrités dans un cimetière mixte et que des officiants ont su enterrer selon leurs propres rites mortuaires. Au milieu des tombes chrétiennes. Souvent diabolisée ou invisibilisée, la présence musulmane, si ténue dans les sources écrites, s’affirme ainsi avec force. Un nouveau chapitre, un maillon non négociable de la fabrique collective.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436418/original/file-20211208-23-jdfwnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une des trois tombes musulmanes du VIIᵉ siècle mises au jour à Nîmes. La position du corps, la tête orientée en direction de la Mecque et le dépôt direct dans une fosse sont des caractéristiques évoquant des pratiques funéraires musulmanes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patrice Pliskine/Inrap</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette archéologie de l’altérité contextualise aussi l’implantation ancienne des juifs en France, leur vie souvent paisible avec les chrétiens, inscrite jusque dans la juxtaposition des édifices de culte et des lieux de vie. Les inscriptions hébraïques d’un monument de Rouen au XII<sup>e</sup> siècle, le mikvé (bain rituel) de Montpellier au XIII<sup>e</sup> siècle ou le cimetière juif de Châteauroux des XII<sup>e</sup>-XIV<sup>e</sup> siècles sont autant de traits d’union, d’épisodes pacifiques, patiemment fondés sur la complexité des origines communes que la tragédie des expulsions royales des XII<sup>e</sup>, XIV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles a abîmés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436419/original/file-20211208-159504-y9uh9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">5Creusées dans un substrat calcaire, ces tombes du cimetière juif de Châteauroux datent des XIᵉ-XIVᵉ siècles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Blanchard/Inrap</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parfois, nul besoin d’étudier un squelette pour célébrer le vivant. Un petit récipient de cuivre, maintes fois rafistolé, bouleverse et révolte : c’est la volonté farouche, l’instinct de survie des esclaves malgaches abandonnés, toute honte bue par l’équipage d’un bateau de la Compagnie française des Indes orientales sur l’îlot de Tromelin, dans l’océan indien, à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, qui jaillit (FIG.6). Sans les fards trompeurs de la dissimulation officielle.</p>
<p>La matérialité de l’archéologie assume les grands faits et révèle les petits gestes. Les élans dignes comme les pires compromissions. Elle restitue l’authenticité du rapport à l’autre. On répète souvent que l’archéologue feuillette un livre dont il arrache les pages sitôt lues. C’est une encyclopédie à ciel ouvert, sans subjectivité ni appropriation culturelle, qui sait contourner les pièges nauséabonds de l’instrumentalisation pour parler à chacun d’entre nous, de chacun d’entre nous. De nos diversités, nos zones d’ombre, nos vulnérabilités et nos différences. Cet ouvrage aux pages mouvantes n’occulte aucun chapitre, aucun paragraphe délaissé et transmet les données dans la crudité d’un demi-oubli.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436420/original/file-20211208-23-17u93sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Récipient en cuivre fabriqué sur l’île de Tromelin par les naufragés après le départ des Français le 27 septembre 1761. Il porte de nombreuses réparations rivetées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Max Guérout/GRAN</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’archéologie, inlassablement pratiquée sur le territoire, grâce aux lois patrimoniales et à l’engagement des chercheurs, fabrique une France, jamais racornie, qui relie chaque homme et chaque femme, d’où qu’ils viennent, quoiqu’ils fassent et pensent, en déroulant mille et un détours, au si lointain bras gauche du jeune Néandertalien de Normandie.</p>
<hr>
<p><em>À lire : <a href="https://editions.flammarion.com/la-fabrique-de-la-france/9782080234704">« La fabrique de la France, 20 ans d’archéologie préventive »</a>, sous la direction de Dominique Garcia, Flammarion, Inrap, 2021.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173011/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les données issues de la terre sont imparables et sans filtre. Elles racontent des histoires d’entraide, de partage, et aussi de violences entre les êtres humains.Valérie Delattre, Archéo-anthropologue, INRAP, Université de Bourgogne – UBFCDominique Garcia, Professeur d'Archéologie, Président de l'INRAP, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1741312022-01-09T17:11:03Z2022-01-09T17:11:03ZLittérature et indignation : vous avez dit « swiftien » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438659/original/file-20211221-13-os6lys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C2142%2C1616&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants - un typhon approche, 1840. Musée des Beaux-Arts de Boston. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_N%C3%A9grier#/media/Fichier:Slave-ship.jpg">Wikipédia. </a></span></figcaption></figure><p>Il en va des polémistes comme de la langue d’Esope. Ils sont la pire des choses, quand ils portent le venin dans la plume. A contrario, quand l’humeur belliqueuse qu’ils affichent dans leurs écrits – on l’oublie, mais un polémiste a toujours la guerre en tête – se révèle pour ce qu’elle est : un puissant antidote aux agents de corruption à l’œuvre sur les esprits comme sur la langue, la postérité leur réserve le meilleur de ce qu’elle peut leur offrir.</p>
<p>L’homme d’église mais aussi de plume que fut Jonathan Swift (1667-1745) aura jeté toutes ses forces dans les combats de son temps : querelle des Anciens et des Modernes (<em>La Bataille des livres</em>, 1704), mais aussi conflits à répétition entre Lilliputiens (Anglais) et Bflefusciens (Français).</p>
<p>Mais qu’on n’aille pas croire que ces batailles appartiennent à un passé révolu. Deux événements récents, à propos desquels l’opinion continue de s’écharper, à savoir le Brexit et la crise migratoire, ont vu resurgir des traits swiftiens dans le traitement littéraire et fictionnel qui leur a été réservé. Sans prétendre égaler le maître, Ian McEwan, dans <em>Le Cafard</em>, et Éric Fottorino, avec sa nouvelle intitulée <a href="https://le1hebdo.fr/journal/migrants-sommes-nous-encore-humains/377/article/la-pche-du-jour-5044.html">« La Pêche du jour »</a>, n’ambitionnent pas moins de rendre à César, en l’occurrence à Swift, ce qui lui revient. D’où la question : y aurait-il une actualité Swift ? Et si oui, quels seraient les traits définitoires du génie swiftien ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1471247446072180736"}"></div></p>
<p>Reconnaissons d’emblée que, transparente pour un lectorat anglophone, l’appellation « swiftien » ne parle guère au public français. Et ce, alors que d’autres adjectifs formés sur le même modèle, comme kafkaïen ou ubuesque, sont passés, eux, dans le langage commun, pour désigner des situations assez comparables, où l’absurde le dispute à l’intolérable.</p>
<p>À l’évidence, <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Les-noms-d-epoque">à la bourse des noms d’époque</a> ou d’auteurs, la cote de Jonathan Swift ne brille pas du même éclat que celle de Kafka ou d’Alfred Jarry, l’auteur de l’impayable <em>Ubu Roi</em>.</p>
<h2>Une réception biaisée et tronquée</h2>
<p>Pourtant, Swift n’est pas le premier venu. Il est vrai que sa réception, en France, est un cas d’école en matière de réception culturelle biaisée ou tronquée. De lui, on retient une formule, « Nul homme n’est une île », prononcée en chaire, à la Cathédrale St Patrick de Dublin, ainsi qu’un personnage de fiction, Lemuel Gulliver (littéralement Lemuel le Pigeon, ou le Jobard). C’est beaucoup… et c’est peu.</p>
<p>Très tôt traduit en français, par l’abbé Desfontaines en 1727, <em>Les Voyages de Gulliver</em> a laissé dans l’ombre ses pamphlets, dont la nature il est vrai topique, liée au contexte intellectuel et idéologique de l’époque, ne facilite pas leur compréhension immédiate. De surcroît, si la figure de Gulliver est devenue populaire urbi et orbi, sa perception, en France, demeure celle d’un personnage de la littérature pour la jeunesse. Or, le <em>Voyage</em> se veut avant tout un conte philosophique pour adultes avertis, ce que montre en particulier le quatrième et dernier périple, accompli au pays des chevaux dotés de raison. À son retour, car tout dans ce type de littérature de voyage est affaire, non de départ mais bien de retour, <a href="https://www.presses.ens.fr/465-offshore-revenir-devenir-gulliverou-l-autre-voyage.html">comme l’a compris Jean Viviès</a>, Gulliver se mue en un personnage atrabilaire et misanthrope, vomissant la race humaine et reniant femme et enfants pour trouver refuge auprès des chevaux de son écurie. Pour un peu, au risque de brouiller les pistes, on qualifierait volontiers le récit de voltairien, tant un lecteur francophone y trouverait des traces de l’ironie présidant à l’écriture de <em>Candide</em> ou de <em>Zadig</em>.</p>
<h2>Un maître du pamphlet</h2>
<p>Objectivement, toutefois, le qualificatif de voltairien ne fait pas beaucoup avancer la compréhension du phénomène. Ce qu’il y a de plus swiftien, chez Swift, c’est sa veine polémiste, alimentée par les querelles, principalement religieuses et politiques, de l’époque. Ainsi, avec son <em>Argument contre l’abolition du christianisme</em>, ou son <em>Conte du Tonneau</em>, Swift s’y prend si bien, ou si mal, c’est selon, qu’il se met à dos tous les belligérants, anglicans, dissidents, catholiques. C’est clairement dans ce sillage-là que s’inscrit <em>Le Cafard</em> de Ian McEwan. Rendu amer par le succès du Brexit dans les urnes, le fabuliste contemporain se plaît à camper Boris Johnson et la classe britannique anglaise sous les traits de repoussants cafards, ourdissant sous les feux de la rampe l’absurde scénario du « Reversalisme ». S’il paraît donner des gages à Kafka, l’auteur de la <em>Métamorphose</em>, la filiation demeure swiftienne, tant le furieux débat entre partisans et adversaires de la sortie du Royaume-Uni n’a rien à envier, en matière de bêtise et de pulsion suicidaire, eu égard à ce que sont les véritables enjeux géopolitiques, aux vaines querelles entre « petis boutiens » et « gros boutiens ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1051&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1051&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1051&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1321&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1321&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438660/original/file-20211221-27-1wmg0l1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1321&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Modeste proposition… » de Swift, édition de 1729.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Modeste_Proposition#/media/Fichier:A_Modest_Proposal_1729_Cover.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1729, Swift, toujours lui, ferraillait cette fois contre les Anglais et leur politique du pire en terre irlandaise. À preuve, sa <em>Modeste Proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public</em>, au titre trop explicite pour être honnête. Un physiocrate de l’époque – on parlerait aujourd’hui d’un technocrate –, y prend la plume, censément pour se fendre d’une proposition à même de régler le problème récurrent de la pauvreté et de la famine sévissant en Irlande, terre natale de Swift, patriote sourcilleux, répétons-le.</p>
<p>Mais <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-archives-de-lete/lhumour-noir-de-jonathan-swift">l’ironie du propos</a> réside justement dans la dissociation ménagée entre la figure de l’économiste et celle de l’auteur. Le premier prévoit d’ôter aux parents impécunieux leurs nourrissons et de les confier à des nourrices entretenues sur des fonds privés. Une fois engraissés, ces innombrables enfants de sujets catholiques seront vendus aux riches propriétaires terriens, Anglais dans leur immense majorité, qui les consommeront sous forme de ragoût ou de fricassée à déguster toutes affaires cessantes. Quand le cannibalisme se pare de vertus philanthropiques ! À condition de passer par pertes et profits le préalable indispensable à la réalisation d’un projet aussi monstrueux : l’interdit qui pèse sur la chair humaine, qu’on ne saurait manger sans enfreindre un tabou majeur et constitutif de l’idée même de famille et de société humaine. Sous ses apparences de provocation « hénaurme » (adjectif, pour le coup, rabelaisien), l’insensibilité du physiocrate, à rebours de l’empathie de Swift, vise à changer la nature de l’indignation qui gagne à la lecture du traité.</p>
<p>Rejeter la « proposition » en poussant des cris d’orfraie, c’est se tromper de cible. Le vrai scandale est ailleurs, dans la réalité d’une île livrée sans défense à la colonisation britannique, rien moins qu’authentiquement cannibale, pour le coup. Il aura donc fallu en passer par les pouvoirs de l’horreur pour réveiller les consciences…</p>
<p>En conséquence de quoi sera décrété swiftien tout énoncé à la fois dérangeant et éveillant, apte à laisser un goût amer en bouche, car procédant à grand renfort d’humour noir, ou de paradoxes insoutenables, et n’hésitant pas à piétiner, le plus allègrement du monde, les codes du bon goût et de la décence.</p>
<h2>Consentements au meurtre</h2>
<p>« La pêche du jour », par Éric Fottorino, remonte tout cela dans ses filets, et bien plus encore. Un dialogue s’y engage entre un pêcheur et un client potentiel, attiré par la promesse de poisson frais. En matière de fraîcheur, le pêcheur ne craint personne : sur son étal trônent, à côté de la bonite et du requin, « du » Malien », « du » Somalien, ou bien encore « de » l’Erythréen. Les cadavres de migrants naufragés lors de leur tentative de traversée de la Méditerranée constituent en effet l’essentiel de sa pêche miraculeuse. Son salut économique en dépend, à lui l’ancien professeur d’humanités gréco-latines ( !), désormais réduit à se faire pêcheur au lendemain de la crise de la dette publique grecque. Et de vanter les mérites d’une denrée ô combien nourrissante, allant même jusqu’à reprocher aux navires humanitaires, type Aquarius, de lui ôter le pain de la bouche, en sauvant de la noyade les malheureux dont il se fait, lui, le « nettoyeur » anthropophage. En son temps, déjà, Montaigne faisait observer, sur le mode non de la fiction mais de l’argumentation, que les soi-disant « Cannibales » n’étaient pas ceux qu’on croyait, et qu’en Occident « nous les surpassons en toute sorte de torture ».</p>
<p>Ce que Fottorino réunit, c’est à la fois une précision extrême dans le rendu d’une situation historique, qui est aussi un naufrage de l’humanité tout entière, et une déconnexion totale d’avec ce qui fait l’ordinaire d’une poissonnerie, bien sûr, mais surtout l’ordinaire des réactions émotionnelles. En lieu et place du sentiment d’horreur attendu, priment, au pire, le cynisme, au mieux l’indifférence polie. Et Fottorino de stigmatiser, de la plus rude, mais salutaire des façons, nos trop fréquents « consentements au meurtre », <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/7924/le-consentement-meurtrier">pour parler comme Marc Crépon</a>. Notre coupable renoncement à l’humain, d’un mot.</p>
<h2>Cogner fort pour faire réagir</h2>
<p>Non content de rappeler la macabre scène d’ouverture de <em>Our Mutual Friend</em> (<em>L’Ami commun</em>, 1865), de Charles Dickens, dans lequel le personnage de Jesse Hexam récupère les cadavres flottant sur la Tamise à l’aide de sa gaffe, pour leur faire les poches, Fottorino va jusqu’à exhumer l’écho lointain d’une controverse historique, qui avait beaucoup agité en son temps l’opinion publique, britannique en l’occurrence.</p>
<p>En 1781, en route pour la Jamaïque, le capitaine du négrier Zong avait donné l’ordre de jeter par-dessus bord 142 esclaves en piètre état sanitaire, de façon à pouvoir prétendre toucher la prime d’assurances pour « pertes en mer ». Rendue publique, l’affaire avait ulcéré les consciences, et ce durablement, au point qu’en 1840, le peintre J.M.W. Turner avait représenté la scène, dans un tableau devenu célèbre, <em>Le Négrier jetant par-dessus bord les morts et les mourants</em> – un typhon approche, prêtant ainsi main forte à la cause abolitionniste.</p>
<p>De même, « La Pêche du jour » fend-elle à grands coups de hache les eaux glacées et désespérantes de l’égoïsme, imposant, entre autres traits swiftiens, l’animalisation de l’humain, le cynisme comme principe de dévoilement, ou bien encore l’aptitude à énoncer l’intolérable, voire l’innommable, sans en paraître le moins du monde affecté. Il faut avoir l’estomac bien accroché pour pousser aussi loin le compagnonnage avec l’atroce :</p>
<blockquote>
<p>« La chair des enfants est un must. Nous avons parfois un bébé mort-né dans le ventre de sa mère. On ouvre. Une viande très appréciée. J’ai un client d’origine brésilienne. Tous les deux ou trois jours, il me demande si j’ai ce qu’il veut. Il prétend que, sous la dent, le fœtus est aussi tendre que la bosse du zébu. […]
Il arrive aussi qu’une femme sur le point d’accoucher perde les eaux en pleine mer. Un sens aigu de l’à-propos, vous ne trouvez pas ? »</p>
</blockquote>
<p>Rien de plus nécessaire, pourtant, si l’on veut que swiftien, au même titre que sadien, devienne le plus astringent des ferments, le plus actif des révulsifs. Et rime, même imparfaitement, avec contemporain. Swift, plus que jamais notre contemporain, chaque fois que, face à la vulnérabilité et à la mortalité d’autrui, le secours et la sollicitude attendus font défaut. Et que s’impose, sans complaisance aucune, la nécessité d’un prompt (<em>swift</em>, en anglais) retour aux fondamentaux de l’humanité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Porée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Transparente pour un lectorat anglophone, l’appellation « swifitien », en littérature, ne va forcément de soi pour le public français.Marc Porée, Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715602021-11-30T18:57:58Z2021-11-30T18:57:58ZQuand la crise sanitaire rebat les cartes entre les acteurs de la solidarité nationale et internationale<p>Alors que la France est officiellement entrée dans la cinquième vague de la crise sanitaire, on peut raisonnablement s’interroger sur les impacts durables de la pandémie liée au Covid sur l’organisation des acteurs de la solidarité.</p>
<p>Le champ de la solidarité a pendant longtemps été marqué en France par une définition nette des rôles entre, d’un côté, les grands <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-8-page-83.htm">acteurs de la solidarité internationale</a> qui opèrent dans les pays des Suds (regroupés sous le terme d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_ong-9782707182081">ONG</a>), et de l’autre, les acteurs de la solidarité nationale (souvent approchés sous le qualificatif d’<a href="https://www.decitre.fr/livres/l-association-9782818503119.html">associations</a>).</p>
<p>Dans ce contexte, la collaboration entre ONG et associations était loin d’être évidente tant les différences semblaient prégnantes : celle des lieux d’intervention, celle des cultures organisationnelles ou celle des processus organisationnels. À grands traits, les ONG internationales étaient perçues comme des organisations dotées de nombreuses expertises et de moyens financiers importants, quand les associations nationales étaient réputées pour leur connaissance des territoires et leur capacité à mobiliser de larges équipes de bénévoles.</p>
<p>La crise du Covid et la fermeture des frontières qu’elle a engendrée ont cependant rebattu les cartes en contraignant temporairement les ONG à <a href="https://www.urd.org/wp-content/uploads/2020/07/Note11_Covid-19-et-solutions-locales-1.pdf">redéfinir leur champ d’action au niveau national</a>. Ces acteurs ont ainsi initié ou développé leurs missions en France.</p>
<p><a href="https://www.actioncontrelafaim.org">Action contre la faim</a> a, par exemple, démarré fin 2019 une <a href="https://www.actioncontrelafaim.org/missions/france/">mission de sécurité alimentaire des populations précaires</a> vivant en Île-de-France et à Marseille. De son côté, l’ONG <a href="https://www.solidarites.org/fr/">Solidarités International</a> spécialisée dans les opérations d’eau et assainissement à l’international (la majorité de ses missions sont en Afrique), a ouvert en 2020 une mission d’assainissement et de <a href="https://www.solidarites.org/fr/missions/france/">raccordement à l’eau potable de plusieurs bidonvilles</a> en Île-de-France et dans les métropoles de Nantes et Toulouse.</p>
<p>Les deux années passées ont été l’occasion pour ONG et associations nationales de travailler ensemble en recherchant des synergies nouvelles afin de bénéficier d’un maillage terrain et d’un réseau fort à l’échelle des territoires. Pour ses missions en France, ACF a ainsi travaillé en étroite collaboration avec l’Armée du Salut, tandis que Solidarités International s’est entouré de plusieurs organisations comme Médecins du monde France ou la Fondation Veolia.</p>
<p>Il paraît légitime de se demander si ce type de rapprochements entre monde associatif et ONG relève de la conjoncture ou d’une tendance de fond. Nous penchons clairement pour la seconde option. Le travail sur des terrains partagés a révélé de nombreuses complémentarités : les associations sont capables d’impulser des solutions innovantes avec peu de moyens tandis que les ONG savent associer un grand savoir-faire opérationnel à une réactivité importante. Ces compétences plurielles permettent d’ouvrir de <a href="https://www.coordinationsud.org/document-ressource/lancrage-en-france-des-ong-francaises-un-contiguum-des-solidarites-ici-et-la-bas/">nouvelles perspectives de collaboration</a> et de croiser les regards (par exemple sur <a href="https://www.coordinationsud.org/nos-appuis-aux-ong/integrer-genre-organisation/">l’approche « genre », sur laquelle certaines ONG sont pionnières</a>).</p>
<p>Au-delà des valeurs et des causes semblables, ONG internationales et associations nationales partagent d’autres points communs dans l’évolution de leurs métiers et du financement de leurs activités.</p>
<h2>La coopération en réponse à la mise en concurrence</h2>
<p>Depuis plusieurs années, les acteurs de la solidarité internationale sont mis en concurrence pour l’obtention de fonds institutionnels (européens et internationaux). En particulier, le <a href="https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/synthese-etude-localisation-aide.pdf">principe de localisation de l’aide</a>, poussé depuis 2016 par les bailleurs internationaux (non sans <a href="https://cdn.odi.org/media/documents/C19__localisation_diary_methods_WEB.pdf">difficultés</a>), interroge la place des ONG françaises dans l’architecture de l’aide internationale, et questionne leurs territoires d’intervention.</p>
<p>La structuration croissante des sociétés civiles au Sud ainsi que la globalisation des enjeux permettent de faire émerger de nouvelles logiques de solidarité entre territoires, davantage fondées sur la résolution de problèmes communs que sur des relations d’aide asymétriques.</p>
<p>Les associations nationales se retrouvent, de leur côté, en concurrence pour bénéficier des fonds nationaux. ONG et associations se voient donc contraintes de répondre à des enjeux communs en matière de légitimité, de recherche de financements, de gestion de leurs membres et de rationalisation de leurs activités.</p>
<p>La coopération permet à ces acteurs de répondre à leurs enjeux respectifs en mutualisant leurs ressources et en bénéficiant des expertises de chacun. En ce sens, la collaboration est devenue un moyen de répondre aux pressions institutionnelles mais aussi de développer des synergies.</p>
<p>Le partage d’enjeux communs et la mise en œuvre d’activités collectives ont par ailleurs engendré une meilleure intercompréhension de ces organisations. Elles ont construit et affiné des logiques multi-acteurs afin de mieux coordonner leurs intérêts respectifs et ceux de leurs parties prenantes (bailleurs, bénéficiaires, acteurs publics locaux, etc.) avec qui elles interagissent.</p>
<p>La régulation concurrentielle a été, en ce sens, un catalyseur de la collaboration entre organisations de la solidarité, en les amenant à trouver les moyens de mutualiser leurs ressources et de travailler en commun.</p>
<p>La crise sanitaire a contribué à ce rapprochement (comme le montrent les exemples cités plus haut). Cependant ce travail de coopération a été initié bien en amont par des acteurs que l’on peut qualifier d’hybrides, à savoir capables de <a href="https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/ancrage_france_web_16.06.20.pdf">conjuguer intrinsèquement des compétences</a> d’ONG internationales et d’associations nationales.</p>
<p>Il en est ainsi pour Médecins du Monde ou pour la Croix Rouge qui ont su habilement conjuguer les talents et font aujourd’hui figure de précurseurs. Moins connues, des initiatives comme <a href="https://www.cfsi.asso.fr/programme/cooperer-autrement/">« coopérer autrement en acteurs du changement »</a> du Comité français pour la solidarité internationale expérimentent déjà depuis 2014 les coopérations de territoire à territoire.</p>
<p>Ces organisations intègrent la dimension multi-acteurs propre à ces nouvelles coopérations, privilégiant ainsi des collaborations plurielles entre acteurs associatifs, chercheurs, acteurs publics et entrepreneurs, à la fois au Sud et au Nord.</p>
<p>La crise sanitaire n’a fait, finalement, que révéler – et sans doute accélérer – une tendance de fond de rapprochement des acteurs de la solidarité œuvrant aux niveaux national et international, dans la lignée des enjeux de localisation cités. Si les effets de ces nouvelles logiques sont encore à apprécier, ces pratiques font primer la demande (à l’opposé des approches par l’offre).</p>
<p>Dès lors, les logiques d’intervention des ONG et des acteurs associatifs sont moins guidées par les opportunités de financement que par les demandes et besoins de communautés d’usagers et d’usagères inscrites dans une pluralité de territoires. Une <a href="https://www.pantheonsorbonne.fr/page-perso/e2397005716">thèse de doctorat est actuellement engagée</a> à <a href="http://www.iae-paris.com/fr">l’IAE Paris</a> en partenariat avec <a href="https://www.coordinationsud.org">Coordination Sud</a> pour collecter des données sur ces questions.</p>
<h2>De nouveaux rapprochements pour de nouvelles solidarités</h2>
<p>Ce rapprochement entre niveaux d’action constitue par ailleurs une réponse aux grands défis à venir pour la solidarité. La crise de l’accueil de migrants a montré que les sujets de la solidarité internationale sont aussi ceux de la solidarité nationale.</p>
<p>Pour y répondre, les ONG sont contraintes de mobiliser une pluralité de territoires d’intervention (au Nord et au Sud) et d’acteurs (associations, groupements de citoyens et institutions nationales et internationales). Elles construisent alors des stratégies d’intervention qui allient à la fois lutte contre le réchauffement climatique (par des actions d’atténuation et d’adaptation) et lutte contre la pauvreté et les inégalités (par des actions médico-sociales, d’urgence ou encore d’éducation), en pleine adéquation avec la logique de l’<a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/globalpartnerships/">objectif de développement durable 17</a> qui consiste à nouer des partenariats efficaces et inclusifs.</p>
<p>De même, les enjeux environnementaux font peser des menaces communes à toutes les populations du globe conduisant à la diffusion de problématiques sanitaires sur de nouveaux terrains autrefois épargnés. Il en est ainsi avec des maladies ou des espèces invasives qui suivent l’évolution des courbes de température et entraînent une évolution des pathologies dans les pays du Nord (l’arrivée sur le territoire français du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">moustique tigre</a> en étant l’exemple le plus connu).</p>
<p>La coopération entre ONG internationales et associations nationales est donc un enjeu majeur que ce soit au Nord comme au Sud. Elle est à même de déboucher sur des pistes essentielles pour définir le chemin étroit de la transition écologique et sociale. Les missions communes déjà engagées sont prometteuses et ont abouti à de belles réussites. L’action française de Solidarités International a d’ores et déjà touché près de 6 000 personnes. Et Oxfam et les trois ONG réunies au sein de l’<a href="https://laffairedusiecle.net/qui-sommes-nous/">« Affaire du siècle »</a> ont réussi, en 2021, à faire reconnaître la faute de l’État en matière de lutte contre le réchauffement climatique par le tribunal administratif de Paris, avec injonction à agir.</p>
<p>Il est maintenant souhaitable qu’elles perdurent dans le temps. Cela passe par une prise de conscience de ces enjeux par les décideurs politiques et les bailleurs nationaux et internationaux mais aussi par une sollicitation plus systématique des acteurs des Suds, encore trop souvent cantonnés à un rôle de bénéficiaires et non de producteurs de savoirs et d’expertises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Pradier travaille actuellement en tant que chargé d'études et d'analyses, et en tant que doctorant en CIFRE en sciences de gestion à l'IAE de Paris 1, pour Coordination SUD, la plate-forme des ONG françaises de solidarité internationale. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Garbe et Philippe Eynaud ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Depuis la crise sanitaire, de nombreuses associations et ONG conjuguent leurs compétences et leurs réseaux afin de développer de nouvelles synergies.Philippe Eynaud, Professeur en sciences de gestion, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolEmmanuelle Garbe, Maîtresse de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneVincent Pradier, Doctorant en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1727972021-11-30T18:57:26Z2021-11-30T18:57:26Z« Dis-moi, pourquoi les racistes ne sont pas racistes entre eux ? »<iframe src="https://embed.acast.com/616d319f6b128c0018f49c05/61a4af6e4caabf0012cc93c0" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les préjugés racistes supposent qu’un groupe est supérieur à un autre, voire à tous les autres. Rappelons que dans l’espèce humaine, il n’existe pas de race. Le raciste va alors créer des différences imaginaires, et reprocher à l’autre non pas ce qu’il fait, mais ce qu’il est. Pour lutter contre ces préjugés, l’éducation peut être la clé, en apprenant à distinguer l’autre en tant que personne individuelle, et non par un groupe d’appartenance.</p>
<hr>
<p><em>Les enfants posent naturellement beaucoup de questions, ce qui correspond à un besoin essentiel de comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent. Depuis 2019, notre média propose des articles de vulgarisation scientifique à destination des plus petits et de leurs parents. Réalisés avec des chercheurs, ils répondent à des questions posées par les enfants et apportent des explications claires et ludiques à leurs interrogations. Retrouvez l’ensemble des réponses à ces questions dans « Dis-moi, pourquoi… ? » Le podcast qui répond simplement aux questions des enfants.</em></p>
<p><em>Crédits : Une production Making Noise par Making Waves et The Conversation France. Conception, Benoît Tonson et Fabrice Rousselot. Direction artistique, Alexandre Plank. Coordination, Hervé Marchon. Réalisation, Romain Masson assisté de Rodrigue Dibanzila et Momar Fall. Musique, Emma Esdourrubailh. Mixage, Martin Delafosse.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Policar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les racistes ont la phobie du métissage, car ils ont peur de l’autre, généralement parce qu’ils craignent ceux qu’ils ne connaissent pas.Alain Policar, Chercheur associé en science politique (Cevipof), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.