tag:theconversation.com,2011:/africa/topics/transport-21575/articlestransport – The Conversation2024-03-11T16:12:18Ztag:theconversation.com,2011:article/2242142024-03-11T16:12:18Z2024-03-11T16:12:18ZDes incitations douces pour une mobilité plus douce ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577420/original/file-20240222-26-th29s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2048%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’après une expérience, il existe des moyens simples et peu onéreux pour inciter les travailleurs à se tourner vers des formes douces de mobilité.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rda Suisse / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Selon les données du GIEC publiées le 4 avril 2022, le secteur des <a href="https://theconversation.com/topics/transport-21575">transports</a> pèse pour <a href="https://www.carbone4.com/decryptage-giec-transports">15 % des émissions mondiales</a> de gaz à effet de serre, un chiffre qui ne tient pas compte des émissions indirectes liées à la production des énergies qui les font avancer. En France, les <a href="https://theconversation.com/topics/automobile-20801">voitures particulières</a> constituent le principal contributeur du secteur qui représente <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759#tableau-figure1">32 % des émissions totales du pays</a>.</p>
<p>Elles demeurent encore le <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Passenger_mobility_statistics">mode de déplacement dominant</a>. Dans l’Hexagone, les trajets ainsi effectués représentaient <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/80_AMN/84_MOB">72 % de la mobilité domicile-travail</a> en 2020, dernières données de l’Insee disponibles, tandis que les transports en commun ne comptaient que pour 15 %. Les sondages ne donnent pas des <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/trajet-domicile-travail-la-voiture-encore-massivement-utilisee-par-les-francais-2031288">chiffres</a> très différents pour 2023. La voiture reste le moyen privilégié, même sur des distances très courtes et inférieures à cinq kilomètres.</p>
<p>Les investissements dans le secteur vont croissants en Europe, bien que la modernisation des infrastructures, ferroviaires notamment, reste <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284492-mobilites-et-transports-bilan-et-perspectives-dinvestissements">en retard en France</a>. Même à un niveau plus satisfaisant, ces efforts ne suffiraient pas sans des changements comportementaux significatifs dans la mobilité individuelle. Les décideurs publics peuvent-ils aussi concevoir des instruments incitant à se déplacer autrement ? Dans un <a href="https://bordeauxeconomicswp.u-bordeaux.fr/2023/2023-09.pdf">article récent</a>, nous montrons que l’utilisation de <a href="https://theconversation.com/topics/nudges-52967">« nudges »</a>, de petits « coups de pouce », peut permettre de réduire significativement l’utilisation de la voiture particulière dans les trajets domicile-travail des Français.</p>
<h2>Tout n’est pas qu’affaire de contrainte financière</h2>
<p>Des <em>nudges</em> plutôt que des taxes ou subventions ? L’efficacité de pareilles incitations monétaires pour orienter les comportements fait aujourd’hui débat. En théorie, ces instruments peuvent guider les individus rationnels vers un comportement moins polluant grâce à des « signaux de prix ». Cependant, dans la pratique, de nombreux gouvernements n’ont pas réussi à mettre en œuvre des instruments monétaires tels que la taxe carbone en raison d’un manque d’acceptabilité publique de ces politiques.</p>
<p>L’économie comportementale remet elle aussi en question l’efficacité de ces mécanismes. Elle souligne notamment la puissance des motivations intrinsèques des individus au-delà de simples considérations financières : adopter un comportement car on lui donne du sens.</p>
<p>Il faut enfin composer avec les biais cognitifs identifiés par les psychologues Daniel Kahneman (« Nobel » d’économie en 2002) et Amos Tversky à la fin des années 1970. <a href="https://www.jstor.org/stable/1914185">Leurs travaux</a> décrivent le décalage entre les informations entrant dans le cerveau humain et leur interprétation, ainsi que leur transformation en comportement. Ils expliquent pourquoi l’individu n’adopte pas systématiquement un comportement rationnel bien qu’il soit, par exemple, conscient des risques pour sa santé liés à la pollution. Ces biais empêchent les individus d’opter pour des comportements optimaux et réfléchis, et appellent des instruments afin de rectifier le cadre de prise de décision.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces interventions comportementales sont connues sous le nom de « <em>nudges</em> », traduits par « coups de pouce », une action extérieure qui modifie la perception des individus, ayant pour conséquence de les inciter à changer leurs comportements ou à faire certains choix attendus par le concepteur. Et ce sans les mettre sous contrainte, obligation ni menace de sanction. Ce sont d’autres « Nobel » d’économie, Richar Thaler et Cass Sunstein qui les ont mis en avant dans un <a href="https://books.google.fr/books/about/Nudge.html?id=dSJQn8egXvUC&redir_esc=yChromeHTML.EJJUB6PHQURGJM7JL3QUC4KTKAShellOpenCommand">ouvrage</a> de 2008 désormais célèbre.</p>
<p>Un <em>nudge</em> peut également viser à activer les normes sociales de comportement, en informant les individus de ce que la plupart des autres personnes choisissent dans la même situation. Il pourrait également être une manière de communiquer aux individus ce que la majorité approuve ou désapprouve.</p>
<h2>Une application test</h2>
<p>Puisant dans toute cette littérature, nous avons mené une expérimentation de terrain auprès de 845 employés de 89 entreprises dans la région Hauts-de-France sur une période d’un an, entre octobre 2020 et octobre 2021. Nous avons créé une application permettant aux salariés de renseigner de manière quotidienne leur mode de déplacement domicile-travail grâce à laquelle six instruments ont été testés.</p>
<p>Premier instrument, les employés au sein d’une entreprise pouvaient se lancer des défis, via l’application, en matière de mobilité. À la fin de chaque semaine, chaque participant recevait son classement individuel par rapport à ses collègues. Un autre consistait en un changement de présentation sur la disponibilité des transports au sein de chaque entreprise à l’aide d’installations visuelles graphiques. Un troisième instrument impliquait une incitation financière de 20 euros pour les individus qui modifiaient leur comportement. </p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Un autre encore visait à mettre évidence les risques en termes de santé, de temps ou d’argent associés à la poursuite du comportement des individus. Il pouvait aussi s’agir d’activer des normes morales en mettant en avant les effets négatifs de l’utilisation de véhicules polluants sur le réchauffement climatique. Pour ces deux instruments, un message et un visuel étaient envoyés, via l’application, chaque lundi. Enfin, une combinaison des deux précédents a aussi été testée.</p>
<p>Le tout s’est fait de manière aléatoire. Un groupe de contrôle, ne recevant aucune intervention, a également été suivi.</p>
<h2>Des effets rapides et persistants</h2>
<p>Comparaison sociale, changement de présentation, incitation financière, risque de perte, appel moral… Sur quelle corde s’avère-t-il plus efficace de jouer ?</p>
<p>Il semble qu’il s’agisse de celle mettant en avant les risques pour la santé et le temps liés au mode de transport. Ce type d’incitation réduit significativement la proportion de véhicules polluants dans les déplacements hebdomadaires des actifs, encourageant ainsi un changement modal en faveur du vélo et des transports en commun. L’effet du <em>nudge</em> est rapide, observable dès deux semaines, et persistant dans le temps. Un an après le début de l’expérience et deux mois après l’arrêt de la réception des messages, les individus ne sont pas revenus à leur mode de transport initial. Le <em>nudge</em> « appel moral » s’est aussi avéré pertinent mais favorise exclusivement le déplacement à vélo.</p>
<p>Voilà de quoi aiguiller les décideurs publics vers ce type d’incitations, d’autant qu’elles sont faciles à mettre en place et peu coûteuses.</p>
<p>L’effet des différents instruments reste néanmoins fortement influencé par la distance. Dans notre étude, lorsque la distance entre le domicile et le lieu de travail dépasse 12 kilomètres, l’impact des <em>nudges</em> semble diminuer de manière significative. Or, la distance moyenne entre le domicile des employés et leur lieu de travail en France est de 13,3 km selon une <a href="https://www.1kmapied.com/post/trajets-domicile-travail">enquête</a> menée en 2019 par le service statistique du ministère en charge du logement.</p>
<p>Les incitations de type aversion au risque et appel moral restent ainsi susceptibles d’influencer de manière significative une part importante de la population française. Toutefois, au-delà de ce seuil, il sera opportun pour les décideurs publics de considérer d’autres instruments complémentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail a été financé par le dispositif "Stimule" de la Région Hauts-de-France.
Nous remercions Noémie Rogeau de 2R Aventure et Lucile Janssoone de Réseau Alliances, les partenaires du projet, toutes deux spécialistes des questions de mobilité. Ce travail de recherche n’aurait pas été possible sans leur implication.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nabila Arfaoui et Raphaël Chiappini ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Pour les trajets de courtes distances, une expérience montre qu’il existe des moyens simples et peu coûteux pour inciter à se rendre au travail à vélo ou en transport en commun plutôt qu’en voiture.Ankinée Kirakozian, Chercheuse associée au BETA, Université de LorraineNabila Arfaoui, Maître de conférences en économie, ESDES Lyon Business School, Université catholique de Lyon (UCLy)Raphaël Chiappini, Maître de conférences en économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250382024-03-06T16:09:48Z2024-03-06T16:09:48ZVoici ce que la faillite de Lynx Air nous dit sur la situation de l’industrie aérienne canadienne<p>Lynx Air <a href="https://globalnews.ca/news/10319776/lynx-air-shutdown-low-cost-airline-failures/">est la dernière d’une longue série de compagnies aériennes</a> à bas prix à faire faillite au Canada. Le transporteur a cessé ses activités le 26 février, quatre jours après avoir annoncé s’être placé <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-24/en-defaut-de-paiement-a-montreal-trudeau/lynx-air-ne-payait-plus-les-aeroports.php">sous la protection de ses créanciers</a>.</p>
<p>Ce scénario n’est pas nouveau dans l’aviation commerciale canadienne : le pays a vu son lot de faillites de transporteurs à bas prix en raison d’une mauvaise santé financière.</p>
<p>Au cours des 30 dernières années, des compagnies telles que <a href="https://www.cbc.ca/news/business/canada-3000-timeline-1.298111">Canada 3000</a>, <a href="https://simpleflying.com/nationair-canada-what-happened/">Nationair</a>, <a href="https://www.travelweekly.com/Travel-News/Airline-News/Greyhound-Air-to-Shut-Down">Greyhound Air</a>, <a href="https://www.ctvnews.ca/business/remember-roots-airline-a-list-of-canadian-discount-airlines-that-have-left-the-skies-1.6785045">Roots Air</a> et <a href="https://www.lesaffaires.com/secteurs/aeronautique-et-aerospatiale/skyservice-airlines-fait-faillite/512504">SkyService</a> ont succombé à des difficultés financières et ont disparu de la scène du transport à rabais canadien.</p>
<p>La fin de Lynx nous offre l’occasion de faire le point sur la situation du transport aérien commercial au Canada et d’identifier les défis et les possibilités qui s’offrent pour maintenir, voire améliorer, la durabilité du secteur.</p>
<h2>Pourquoi Lynx a-t-il échoué ?</h2>
<p>Pendant plusieurs semaines, au début de l’année, les <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2024-02-14/transporteurs-aeriens-a-bas-couts/flair-airlines-et-lynx-air-envisagent-un-mariage.php">spéculations allaient bon train sur une fusion imminente entre Flair Airlines et Lynx</a>. Cela aurait signifié que les voyageurs à la recherche de bas prix seraient devant un avenir incertain, avec la disparition d’un transporteur.</p>
<p>Aucun des deux transporteurs n’a reconnu publiquement l’existence d’un tel accord, se contentant de déclarer qu’ils <a href="https://www.aerotime.aero/articles/ynx-air-flair-airlines-merger-talks">ne feraient pas de commentaires sur ces spéculations</a>.</p>
<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2052654/lynx-dette-flair-creanciers">difficultés financières de Lynx</a> — une société privée qui n’est pas tenue de rendre publics ses résultats d’exploitation financiers — ont été citées comme le principal facteur à l’origine de la situation actuelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Comptoirs d’enregistrement de Flair Airlines" src="https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comptoirs d’enregistrement de Flair Airlines à l’aéroport international d’Edmonton en mars 2020. Au début de l’année 2024, il a été question d’une fusion entre Flair et Lynx.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On s’attendrait à ce que l’entreprise susceptible d’acquérir Lynx soit en mesure de répondre à toutes les questions financières liées à la fusion. Mais Flair semblait avoir ses propres problèmes, qu’il s’agisse de la <a href="https://www.thestar.com/business/ceo-says-flair-has-resolved-foreign-ownership-issue-mostly-amid-regulatory-probe/article_2643890f-051d-5f4f-8627-a147681560f4.html">gouvernance d’entreprise</a> ou de ses <a href="https://www.ledevoir.com/economie/806202/flair-airlines-doit-67m-impots-impayes-ottawa">finances</a>.</p>
<p>La fusion n’a pas été conclue, de nombreuses allégations contenues dans les documents judiciaires de Lynx faisant état de la <a href="https://globalnews.ca/news/10321582/lynx-air-debt-flair-airlines-purchase/">nécessité de rembourser la dette d’un de ses actionnaires</a>.</p>
<p>En bref, il s’agissait de deux compagnies aériennes fragiles sur le plan financier qui tentaient de fusionner, sans qu’aucune d’elles ne dispose de la solidité nécessaire. Lynx a préparé rapidement son dépôt de bilan.</p>
<h2>Pourquoi les compagnies aériennes n’ont-elles pas tiré de leçons de tous ces échecs ?</h2>
<p>Les entrepreneurs qui lancent des compagnies aériennes à bas prix sont convaincus que le succès de leur compagnie repose sur leur capacité à attirer un grand nombre de passagers. Elles visent à hausser la demande et à <a href="https://aeroxplorer.com/articles/a-quick-reference-guide-to-starting-your-own-airline.php">maintenir leur position concurrentielle sur les marchés qu’elles desservent</a>.</p>
<p>La plupart de ces compagnies aériennes à vocation entrepreneuriale ont pour point commun d’utiliser la tarification comme une <a href="https://www.cnn.com/travel/article/airline-pricing-secrets/index.html">tactique de base pour stimuler et conquérir le marché</a>.</p>
<p>Pendant une bonne partie de l’année 2022 et au début de 2023, <a href="https://globalnews.ca/news/8973662/how-to-find-cheaper-flights-canada-airfare/">Lynx et Flair ont été les leaders en matière de prix en Amérique du Nord, parfois avec des écarts importants</a>. Ces deux compagnies se sont principalement fait concurrence en introduisant de nouveaux services partout au Canada et aux États-Unis, permettant ainsi aux Canadiens de <a href="https://www.theglobeandmail.com/investing/personal-finance/household-finances/article-price-of-flights-fall-2022-travel/">réaliser des économies sur les tarifs aériens et engendrant de la demande</a>.</p>
<p>Cette concurrence basée sur le prix n’a toutefois pas généré suffisamment de recettes pour assurer une rentabilité, même minime. Le duopole de compagnies aériennes établies au Canada — Air Canada et WestJet — n’a pas réagi activement à cette guerre de prix, car ces compagnies <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1836052/passagers-voyages-departs-pandemie-tourisme">étaient occupées à reconstituer leur capacité à la suite des licenciements liés à Covid</a>.</p>
<p>À l’automne 2023, après l’assimilation de Swoop et de Sunwing à WestJet, Air Canada et WestJet ont pris un certain nombre de mesures tarifaires. Elles ont proposé des liaisons concurrentielles avec celles de Flair et de Lynx, ce qui a permis de <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-airlines-ramp-up-growth-plans-amid-increased-competition-setting-stage/">réduire l’écart de prix entre les transporteurs canadiens</a>.</p>
<p>Le compte à rebours a alors commencé pour les transporteurs à bas prix. Lynx a manqué de temps et d’argent en février 2024 et le temps de Flair est probablement compté.</p>
<h2>Le duopole est-il à blâmer ?</h2>
<p>Les décisions tarifaires prises à l’automne 2023 semblent indiquer des initiatives visant à diminuer l’attrait des transporteurs au rabais, en particulier pour les clients de WestJet et d’Air Canada.</p>
<p>Malgré le succès des programmes de récompense pour grands voyageurs et l’inclusion d’éléments de voyage considérés comme secondaires dans les offres des transporteurs à bas prix, la <a href="https://globalnews.ca/news/8983216/canada-recession-inflation-leger-poll/">crainte d’une récession a réduit de façon importante la demande de transport aérien</a> au Canada. Des décisions tarifaires s’en sont suivies.</p>
<p>L’attrait tarifaire des compagnies aériennes à bas prix s’est rapidement dissipé et les a contraints à diminuer davantage les tarifs pour <a href="https://globalnews.ca/news/10282017/flair-airlines-2024-travel-forecast/">conserver leur position sur le marché</a>.</p>
<p>Le gouvernement canadien a maintenu son point de vue quant au fait que le marché du transport aérien devait être libre de toute surveillance gouvernementale et que les voyageurs étaient les mieux placés pour <a href="https://globalnews.ca/news/9409483/poilievre-conservatives-safety-inflation-travel/">juger de la capacité de survie des transporteurs</a>.</p>
<h2>Changer de voie</h2>
<p>Le moment est peut-être venu d’envisager un nouveau modèle pour gérer le comportement tarifaire des compagnies aériennes qui fixent des prix inférieurs au niveau de rentabilité. Il convient également de se pencher sur les pratiques de WestJet et d’Air Canada, qui ont adopté des mesures tarifaires agressives destinées à compromettre la viabilité des transporteurs à bas prix.</p>
<p>Un grand nombre de modifications à apporter au modèle canadien de transport aérien commercial ont été proposées, en particulier celles qui visent la création d’une agence de l’aviation civile similaire à la <a href="https://www.faa.gov/about">Federal Aviation Administration aux États-Unis</a> et à la <a href="https://www.gov.uk/government/organisations/civil-aviation-authority">Civil Aviation Authority au Royaume-Uni</a>. Cela permettrait de séparer la surveillance commerciale des mesures de réglementation, qui sont actuellement toutes deux administrées par Transports Canada.</p>
<p>Une autre possibilité consisterait à instaurer une réglementation des tarifs aériens qui établirait un prix plancher pour les transporteurs à bas prix, ainsi que des limites de prix pour les grands transporteurs qui sont en concurrence avec les transporteurs à bas prix. Ces derniers pourraient ainsi disposer d’une marge de manœuvre pour proposer des tarifs sans être menacés par des mesures agressives.</p>
<p>Il est important de tirer des leçons de l’échec des transporteurs à bas prix, de tenir compte de l’angoisse ressentie par les voyageurs et le personnel des compagnies aériennes et de prendre les mesures qui s’imposent pour modifier la situation. La réputation du marché canadien du transport aérien mérite qu’on se penche là-dessus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225038/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Gradek ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fermeture de Lynx est un moment opportun pour faire le point sur l’état du transport aérien commercial au Canada et pour identifier les défis et les possibilités qui s’offrent.John Gradek, Faculty Lecturer and Academic Program Co-ordinator, Supply Network and Aviation Management, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196912024-01-17T14:46:59Z2024-01-17T14:46:59ZComment un simple vélo peut changer la vie des jeunes en milieu défavorisé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568465/original/file-20240109-19-24agn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C989%2C717&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo!.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre état de santé dépend en partie de nos modes de déplacement. Le temps que l’on consacre à nos trajets en vélo, en voiture ou en transport en commun peut en effet avoir un effet positif ou négatif sur notre santé physique et mentale.</p>
<p>Or, l’organisation de notre quartier favorise certains modes de transport plus que d’autres.</p>
<p>C’est le <a href="https://urbanisme.umontreal.ca/fileadmin/amenagement/URB/Realisations-etudiantes/Expo-des-finissants/EFFA-2012/Analyser/SICG.pdf">cas du quartier Saint-Michel à Montréal</a>, dont la planification urbaine est centrée sur la voiture. De plus, il s’agit de l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec. Ainsi, les personnes qui ne possèdent pas de voiture dépendent des transports publics, ce qui leur impose des trajets plus longs et plus éprouvants.</p>
<p>En raison d’une circulation mal adaptée et dangereuse pour les déplacements actifs, le vélo est le grand absent des modes de transport dans Saint-Michel. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants, puisque ce mode de transport favorise la participation sociale et présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.</p>
<p>C’est dans cette visée que l’organisme <a href="https://cyclonordsud.org/">Cyclo Nord-Sud</a> a mis sur pied, en 2023, le projet pilote <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8WP3JOv963g"><em>Construis ton vélo !</em></a>, lauréat de l’Incubateur civique de la <a href="https://www.mis.quebec/">Maison de l’innovation sociale</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un programme parascolaire offert aux jeunes d’une école secondaire du quartier Saint-Michel, encadré par des bénévoles responsables, soit leur professeur d’éducation physique et un coach en mécanique. Les élèves ont été amenés à construire leur vélo de A à Z en binôme pendant 18 semaines. Ils ont donc terminé le programme avec, en poche, un vélo assemblé et de multiples connaissances pratiques en mécanique vélo.</p>
<p>Notre équipe de chercheurs en kinésiologie du <a href="https://sap.uqam.ca/">département des sciences de l’activité physique</a> de l’UQAM a collaboré avec Cyclo Nord-Sud pour comprendre les effets du projet du point de vue des participants. Concrètement, nous avons mené des groupes de discussion avec les élèves et analysé ce qui a été exprimé. Ce travail a d’ailleurs fait l’objet d’une <a href="https://osf.io/preprints/osf/vys83">publication académique</a> dans la revue <em>Santé Publique</em>.</p>
<h2>L’approche humaine et le sentiment d’accomplissement</h2>
<p>Une retombée importante du programme est le sentiment de fierté et d’accomplissement. Ces sentiments, nourris par les relations que les jeunes ont entretenues avec les bénévoles encadrants, ont permis d’instaurer un climat d’apprentissage agréable non seulement entre les élèves, mais aussi avec le coach mécanique et l’enseignant.</p>
<p>Par exemple, un des jeunes exprimait avoir ressenti de la fierté lors des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Tout ce que je fais ici j’étais fier […] t’es tout le temps en train d’avancer et j’étais tout le temps près de finir mon vélo, j’étais fier de ça.</p>
</blockquote>
<h2>Un environnement d’apprentissage bienveillant</h2>
<p>Les jeunes ont souvent évoqué la différence entre être dans une salle de classe ou à l’école en général. L’ambiance plus libre des ateliers s’opposait ainsi à l’atmosphère scolaire plus rigide.</p>
<p>Ils ont également souligné l’effet relaxant des ateliers, et son rôle parfois thérapeutique. Le fait que ce soit une activité parascolaire pourrait expliquer le sentiment de bien-être exprimé par les jeunes.</p>
<p>Un participant exprimait d’ailleurs l’effet positif de l’attitude des bénévoles encadrants :</p>
<blockquote>
<p>Ce que j’apprécie aussi, c’est qu’il (l’enseignant) était là pour nous soutenir […] tu te sens pas inférieur et il est là pour t’aider, mais en même temps il est là pour apprendre avec toi, c’est ça que je trouvais très important.</p>
</blockquote>
<h2>Faire les choses pour soi, pas pour un vélo</h2>
<p>Les jeunes ont soulevé qu’avant de débuter le programme, leur motivation principale à y participer était d’avoir un vélo gratuit.</p>
<p>Or, leur motivation à se présenter aux ateliers a évolué au fil du temps : au-delà du vélo, l’ambiance agréable leur donnait envie de revenir chaque semaine.</p>
<p>Un jeune témoigne d’ailleurs qu’il revenait chaque semaine, car il avait toujours du plaisir pendant des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Moi, je dirais au début, c’était compliqué […] on savait pas beaucoup de choses […] mais y’avait la plupart de nos amis qui étaient là […] et ça veut dire que je savais que quand j’allais arriver ici, j’allais rigoler et m’amuser.</p>
</blockquote>
<h2>Être plus autonome pour bouger</h2>
<p>Plusieurs jeunes ont soulevé certaines difficultés à se déplacer en transport en commun, souvent dû au fait qu’ils habitent loin des lieux fréquentés.</p>
<p>En effet, les participants ont rapporté que les horaires d’autobus du quartier sont complexes et que les trajets sont longs.</p>
<p>Leur nouveau vélo est alors devenu un élément essentiel qui contribue positivement à leur autonomie de déplacement. Ils ont aussi identifié le vélo comme étant un moyen de favoriser leur participation sociale et leurs opportunités de participer à diverses activités.</p>
<p>À la question <em>Qu’allez-vous faire de votre vélo maintenant ?</em>, l’un des jeunes a répondu :</p>
<blockquote>
<p>Je sais que ça va m’être utile parce que je travaille pas loin, et ça peut me permettre de m’y rendre pendant l’été, de me prendre moins de temps, ou même d’aller au parc si j’ai envie, c’est utile dans la vie de tous les jours.</p>
</blockquote>
<p>Le programme <em>Construis ton vélo</em> désire se développer à plus grande échelle au Québec (sous réserve de financements) et s’améliorer.</p>
<p>À travers cette initiative, le vélo permet de réunit l’éducation et la santé. Et les participants gagnent en autonomie ainsi qu’en compétences.</p>
<p>Gageons que ce genre de programme, combiné à davantage d’infrastructures cyclables agréables et sécuritaires, pourrait contribuer à la santé et au bien-être de tout un chacun.</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/219691/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Célia Kingsbury a reçu des financements des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle travaille en collaboration avec l'organisme Cyclo Nord-Sud. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paquito Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet article explore les retombées d’un projet pilote offert à des élèves en milieu défavorisé par l’organisme Cyclo Nord-Sud visant à promouvoir l’utilisation du vélo comme mode de transport.Célia Kingsbury, Candidate au doctorat en promotion de la santé, Université de MontréalPaquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200612024-01-09T18:10:21Z2024-01-09T18:10:21ZTransporter les colis par le fleuve, solution décarbonée pour livrer en centre-ville ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566620/original/file-20231219-21-26h3zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La photographie prise en juin 2023 montre des salariés de Fluidis chargeant des colis et les vélos électriques permettant leur livraison sur une barge quai d'Austerlitz à Paris (France).</span> <span class="attribution"><span class="source">Anicia Jaegler (auteur)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’année 2023, la plus chaude jamais enregistrée, s’est achevée par la COP28 pendant laquelle États, entreprises et ONG se sont réunis afin de débattre des solutions pour respecter les accords de Paris. En France, 31 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au transport <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports">dont 41 % de transport routier</a>.</p>
<p>Dans le même temps, le <a href="https://theconversation.com/e-commerce-et-empreinte-carbone-du-dernier-kilometre-le-velo-cargo-solution-ideale-174052">e-commerce</a> continue de progresser avec des livraisons en centre-ville. À l’heure du déploiement des <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-en-france-des-zones-a-faibles-emissions-efficaces-mais-inegalitaires-202919">zones urbaines à faibles émissions</a> (ZFE), quelles alternatives au transport routier ? En 2020, le transport de marchandises représentait 364 milliards de tonnes-kilomètres en Europe. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277912?sommaire=4318291">76 % sont acheminées par la route, 16 % par le rail et 6 % par voie navigable</a>.</p>
<p>Avec des fleuves qui traversent ses 22 métropoles, la France possède le plus long réseau européen de voies navigables. Ce n’est pas nouveau : l’Aude et la Garonne permettaient un trafic entre la Méditerranée et l’Océan Atlantique au 1<sup>er</sup> siècle av. J.-C. jusqu’au Moyen-Âge et une crue <a href="https://theconversation.com/le-port-de-narbonne-plaque-tournante-du-commerce-antique-215643">déviant le cours de l’Aude</a>.</p>
<p>Pour l’instant, les vracs liquides et solides sont les principales marchandises transportées. Le fleuve peut-il aussi jouer un rôle dans le <a href="https://theconversation.com/villes-et-livraisons-le-desserrement-logistique-augmente-t-il-la-pollution-191224">transport décarboné de colis en centre-ville</a> ?</p>
<h2>Le transport fluvial, crédible en ville ?</h2>
<p>Pour limiter l’impact environnemental du transport dans les villes urbaines, chercheurs et décideurs ont commencé à étudier la possibilité d’utiliser le transport fluvial pour la livraison de colis en milieu urbain. Ce transport est l’un des <a href="https://www.ppmc-transport.org/global-macro-roadmap/">modes de transport les plus économes</a> en énergie, car il émet moins de CO<sub>2</sub> équivalent que la route ou le rail.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Il n’est toutefois pas toujours utilisable en raison du manque d’infrastructures fluviales et d’installations connexes, ainsi que des variations du niveau de l’eau dues aux impacts du changement climatique. Ce manque d’infrastructures, associé aux coûts fixes élevés impliqués, pourrait imposer une rigidité substantielle aux services du transport fluvial, limitant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136192091930149X">sa viabilité économique et sa compétitivité</a>.</p>
<p>Malgré ces défis, les expériences récentes dans plusieurs villes urbaines ont montré que le transport fluvial pouvait être économiquement viable et compétitif pour le transport de marchandises à plus petite échelle dans des zones urbaines denses, <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">dans les bonnes conditions</a>. À savoir la disponibilité des infrastructures, la taille et l’âge des péniches, la consommation de carburant et la connectivité directe <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/BIJ-11-2016-0175/full/html">entre les origines et les destinations des colis</a>.</p>
<h2>Les obstacles à la logistique fluviale urbaine</h2>
<p>Ainsi, un cadre d’évaluation de la performance des mesures politiques actuelles et potentielles concernant les opérations intermodales <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12544-011-0062-5">a été développé</a>. Il met l’accent sur les aspects économiques et environnementaux de l’élaboration des politiques de transport intermodal et permet d’évaluer le coût total du transport intermodal de porte à porte entre une origine et une destination données. L’analyse était centrée sur l’implantation d’un nouveau terminal fluvial intermodal en Belgique.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/16258312.2014.11517355">D’autres chercheurs</a> ont analysé les chaînes de transport de barges à conteneurs existantes dans les grandes villes de France en utilisant une approche économique des coûts de transaction. Ils ont constaté deux principaux obstacles entravant l’utilisation de la <a href="https://theconversation.com/video-la-logistique-cle-de-comprehension-du-monde-128397">logistique</a> fluviale urbaine.</p>
<ul>
<li><p>Le premier est la complexité des chaînes due aux ruptures de charge, au nombre d’acteurs, aux infrastructures inexistantes ou à partager, à la disponibilité des barges, etc.</p></li>
<li><p>Le second est le niveau de spécificité des acteurs impliqués. Les acteurs sont privés ou publics. Ils sont différents selon les portions du fleuve.</p></li>
</ul>
<p>Un constat <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352146516306688">confirmé</a> par des travaux sur les opportunités de développement d’activités logistiques des ports fluviaux en Pologne (le long de la basse Vistule). L’étude a révélé que le principal défi pour le transport intermodal en Pologne était la restauration des voies navigables intérieures en assurant des fonds suffisants pour les investissements dans les infrastructures de transport et en garantissant leur efficacité.</p>
<h2>Le rôle des infrastructures</h2>
<p>Les expériences de l’industrie dans le domaine de la navigation intérieure pour la logistique urbaine en Europe <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">montrent que</a> l’utilisation des voies navigables intérieures pourrait être une alternative viable pour le transport de marchandises à plus petite échelle, y compris le transport de marchandises palettisées, de marchandises en conteneurs, de livraisons de colis aux commerces locaux et restaurants, du transport de déchets et de matériaux recyclés, et des déplacements de service.</p>
<p>Plusieurs facteurs <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">contribuent</a> au succès de ces entreprises, notamment les conditions environnementales externes : par exemple, une forte densité de voies navigables intérieures, la position des expéditeurs et des plates-formes le long des voies navigables, et l’accessibilité dans les zones de service.</p>
<p>Celles-ci dépendent de l’infrastructure urbaine, de la densité de la circulation, de la congestion, des restrictions d’accès, et des contraintes politiques telles que les plages horaires et les zones environnementales.</p>
<p>L’utilisation de navires et d’équipements spécialisés pourrait également faciliter considérablement les opérations de transbordement.</p>
<h2>Les spécificités du transport de colis urbain</h2>
<p>Mais le cas du transport fluvial intérieur dans le contexte spécifique de la livraison de colis a fait l’objet de peu d’études. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2210539516300992">Seuls</a> deux <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/13/12/7259">travaux de recherche</a>, à notre connaissance, présentent un modèle de calcul de coûts conçu pour aider les opérateurs à estimer avec précision les coûts associés au transport fluvial intérieur pour les envois de colis.</p>
<p>Ils soulignent la nécessité de mener d’autres recherches pour améliorer le réalisme des résultats en prenant en compte des facteurs de coûts supplémentaires. S’appuyant sur ces travaux, un modèle complet de logistique fluviale a été élaboré, avec des coûts fixes et variables pour les barges, les quais et les derniers cent mètres (vélo cargo ou VUL) à partir d’un quai en dehors de la ville.</p>
<p>À partir de ce modèle, un outil d’aide à la décision simulé avec 2688 scénarios et testé avec six métropoles françaises (Paris, Bordeaux, Lyon, Nantes, Strasbourg, Toulouse) a été proposé.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Conditions de viabilité de la livraison de colis en zones urbaines par le fleuve.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>300 à 100 000 colis par jour</h2>
<p>La livraison de colis par le fleuve impose aussi des ruptures de charge pour atteindre le client final. Le premier échelon concerne le transport par barge de l’extérieur vers l’intérieur de la ville ; le second échelon concerne le transport du port vers le destinataire en vélo-cargo ou véhicule utilitaire léger.</p>
<p>Les hypothèses prises à partir d’une revue de littérature et d’entretiens auprès de 16 experts acteurs de la logistique fluviale sont les suivantes : deux types de barges différents, 3 rotations possibles par jour au maximum, 4 quais maximum, 3 types de colis (1,5 kg, 4,5 kg, 7,5 kg), de 300 à 100 000 colis (représentant la quantité minimale identifiée et la quantité maximale, pic de Noël par exemple).</p>
<p>Grâce à l’intégration de cet outil, les décideurs peuvent obtenir des informations précieuses et optimiser leurs stratégies pour des systèmes de transport efficaces et respectueux de l’environnement. En connaissant la typologie des colis, leur nombre et la configuration du port et de l’infrastructure routière, l’outil fournit une première décision à un niveau macro pour les décideurs et les parties prenantes de l’industrie de la logistique urbaine.</p>
<p>Chaque ville possédant des caractéristiques uniques, des études plus ciblées sont ensuite nécessaires pour avoir des chiffres précis adaptés à des contextes individuels.</p>
<h2>Des conditions et des limitations</h2>
<p>Ainsi, pour atténuer les impacts économiques et environnementaux, le transport fluvial exige une optimisation du chargement des barges. Pour cela, favoriser la collaboration entre les parties prenantes est impératif pour optimiser le volume de colis transportés. La taille des paquets limite aussi la quantité de colis dans les barges, tandis que le poids est moins contraignant. Une réflexion est également à mener sur l’emballage le plus efficient lors des transbordements (sac, palettes, etc.).</p>
<p>En revanche, la capacité du deuxième mode de transport – principalement des vélos – est limitée par le poids et la taille. En outre, charger un nombre substantiel de colis dans des barges va de pair avec un certain nombre de contraintes. Le modèle suppose trois rotations par jour, ce qui nécessite déjà des horaires de livraison différents par rapport au système actuel.</p>
<p>Augmenter la quantité de barges disponibles est aussi une option, mais cela pose une contrainte supplémentaire : la capacité de la rivière. Au deuxième échelon, un volume élevé de colis correspond à un nombre significatif de vélos de livraison, ce qui pourrait <a href="https://theconversation.com/e-commerce-et-empreinte-carbone-du-dernier-kilometre-le-velo-cargo-solution-ideale-174052">saturer les pistes cyclables existantes</a>.</p>
<p>Par conséquent, les autorités locales doivent intégrer l’infrastructure de vélos de livraison dans les plans de développement du centre-ville. Il faut par ailleurs prendre en compte, dans un contexte de changement climatique, que l’utilisation de la rivière peut être compromise lors d’événements extrêmes <a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">tels que les sécheresses ou les inondations</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anicia Jaegler a reçu des financements de Géoposte. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laingo Randrianarisoa a reçu des financements de Géoposte. </span></em></p>Alors que les livraisons de colis sont à 76 % transportées par la route, certaines villes remettent en place le transport de colis par le fleuve.Anicia Jaegler, Senior Professeure et Doyenne associée à l'inclusivité, Kedge Business SchoolLaingo RANDRIANARISOA, Assistant professor, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195092024-01-04T21:57:00Z2024-01-04T21:57:00ZLe vélo, meilleur atout pour réduire la pollution et les temps de trajet - L'exemple de l'Île de France<p>Marginal et en déclin partout en France au début des années 1990, le vélo a fait un retour remarqué à Paris. Entre 2018 et 2022, la fréquentation des aménagements cyclables y <a href="https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072">a été multipliée par 2,7</a> et a encore doublé <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">entre octobre 2022 et octobre 2023</a>. Aux heures de pointe y circulent maintenant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">plus de vélos que de voitures</a>.</p>
<p>Pour autant, Paris <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">n’est pas la France</a>, et pas même l’Île-de-France où la part du vélo reste bien inférieure à celle des transports en commun ou de la voiture. En 2018, dernière année pour laquelle on dispose de données, seuls 1,9 % des déplacements ont été effectués à vélo dans la région francilienne. Bien que ce chiffre ait certainement augmenté depuis, on part de très loin.</p>
<p>Certes, les transports en commun y ont une place nettement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237">plus importante que dans les autres régions</a>. Reste qu’environ la moitié des déplacements y sont faits en voiture individuelle, avec les <a href="https://theconversation.com/nous-sous-estimons-les-effets-negatifs-de-la-voiture-sur-la-sante-206911">nuisances</a> bien connues qu’elle entraîne : changement climatique, pollution de l’air, bruit, congestion, accidents, consommation d’espace…</p>
<p>De nombreuses pistes sont défendues pour réduire ces nuisances : développement des transports en commun, <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">du vélo</a>, télétravail, électrification des véhicules… Pourtant, il existe peu de quantification de leur potentiel, qui varie bien sûr entre les régions. Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107951">article récent</a>, nous avons donc tenté de le faire – en nous concentrant sur le cas de l’Île-de-France.</p>
<h2>Quelle substitution à la voiture ?</h2>
<p>Pour cela, nous avons utilisé la dernière enquête représentative sur les transports, l’<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-fiches-de-lenquete-globale-transport/">enquête globale des transports 2010</a>, qui couvre 45 000 déplacements en voiture géolocalisés effectués dans la région.</p>
<p>Grâce aux informations fournies par l’enquête sur les véhicules, nous avons estimé les émissions de CO<sub>2</sub> (le principal gaz à effet de serre anthropique), NO<sub>X</sub> et PM<sub>2.5</sub> (deux polluants atmosphériques importants) de chaque déplacement.</p>
<p>Bien que la voiture ne soit utilisée que pour la moitié des déplacements au sein de la région, elle entraîne 79 % des émissions de PM<sub>2.5</sub>, 86 % des émissions de CO<sub>2</sub> et 93 % des émissions de NO<sub>X</sub> dus aux transports.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour tous ces déplacements en voiture, nous avons ensuite étudié s’ils pourraient être effectués à vélo – y compris vélo à assistance électrique – ou en transports en commun, en fonction du temps que prendrait alors chaque déplacement, d’après un simulateur d’itinéraires et en fonction des informations dont nous disposons sur ces déplacements.</p>
<p>Nous distinguons ainsi trois scénarios, qui présentent des contraintes de plus en plus strictes sur le type de déplacement en voiture « substituables ».</p>
<ul>
<li><p>Le scénario 1 suppose tous les déplacements substituables, sauf ceux réalisés par les plus de 70 ans.</p></li>
<li><p>Le scénario 2 exclut de plus les déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux (considérant qu’ils impliquent le transport de charges importantes) ainsi que les tournées professionnelles comme celles des artisans, plombiers, etc.</p></li>
<li><p>Le scénario 3 exclut en outre les trajets avec plus d’une personne par voiture.</p></li>
</ul>
<h2>Vélo ou transports en commun ?</h2>
<p>Nous avons ainsi calculé le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun (axe vertical) dans le cas d’une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à X minutes (axe horizontal).</p>
<p>La conclusion est la suivante : pour les scénarios 1 et 2, environ 25 % des automobilistes gagneraient du temps en utilisant l’un de ces types de mobilités – beaucoup moins dans le scénario 3.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur l’axe vertical, le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun. Sur l’axe horizontal, la hausse du temps de trajet quotidien maximale à laquelle cela correspondrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leroutier, M., & Quirion, P. (2023). Tackling car emissions in urban areas : Shift, Avoid, Improve. Ecological Economics, 213, 107951</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il des baisses d’émissions polluantes ? Dans les scénarios 1 et 2, elles diminuent d’environ 8 % si le temps de trajet quotidien est contraint de ne pas progresser – chiffre quasiment identique pour chacun des trois polluants étudiés. Ce pourcentage est inférieur aux 25 % mentionnés précédemment, car les déplacements substituables sont de courte distance. La baisse d’émissions atteint 15 % pour une augmentation du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, et 20 % pour une hausse inférieure à 20 minutes.</p>
<p>Nous pouvons attribuer une valeur monétaire aux nuisances générées par ces émissions en utilisant les recommandations officielles en France (85 euros par tonne de CO<sub>2</sub>) et en Europe (28 euros par kg de NO<sub>X</sub> et 419 euros par kg de PM<sub>2.5</sub>). Pour une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, les bénéfices sanitaires et climatiques du report modal atteignent entre 70 et 142 millions d’euros par an, selon les scénarios.</p>
<p>Il est intéressant de noter que c’est le vélo qui permet l’essentiel du transfert modal et des réductions d’émissions, alors que les transports publics existants ont peu de potentiel. Toutefois, notre méthode ne permet pas de tester l’effet de nouvelles lignes de transports publics, ni de l’augmentation de la fréquence sur les lignes en place.</p>
<h2>Qui dépend le plus de sa voiture ?</h2>
<p>Selon nos calculs, 59 % des individus ne peuvent pas abandonner leur voiture dans le scénario 2 si l’on fixe un seuil limite de 10 minutes de temps supplémentaire passé à se déplacer par jour.</p>
<p>Par rapport au reste de la population d’Île-de-France, statistiquement, ces personnes ont de plus longs déplacements quotidiens (35 km en moyenne contre 9 pour les non-dépendants). Elles vivent davantage en grande couronne, loin d’un arrêt de transport en commun ferré, ont un revenu élevé, et sont plus souvent des hommes.</p>
<p>Concernant ceux de ces individus qui ont un emploi, travailler en horaires atypiques accroît la probabilité d’être « dépendant de la voiture », comme l’est le fait d’aller de banlieue à banlieue pour les trajets domicile-travail. Beaucoup de ces caractéristiques sont corrélées avec le fait de parcourir des distances plus importantes et d’être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988322001189">parmi les 20 % des individus contribuant le plus aux émissions</a>.</p>
<h2>La place du télétravail et de la voiture électrique</h2>
<p>Nous avons ensuite étudié dans quelle mesure les individus « dépendants de la voiture » pourraient réduire leurs émissions en télétravaillant. En considérant que c’est impossible pour les artisans, patrons, agriculteurs, vendeurs et travailleurs manuels, un passage au télétravail deux jours de plus par semaine pour les autres professions amènerait une baisse d’environ 5 % d’émissions, en plus de ce que permet le report modal.</p>
<p>Pour réduire davantage les émissions, il est nécessaire de rendre moins polluants les véhicules, en particulier par le passage aux véhicules électriques. Nos données n’apportent qu’un éclairage partiel sur le potentiel de cette option, mais elles indiquent tout de même que l’accès à la recharge et l’autonomie ne semblent pas être des contraintes importantes : 76 % des ménages dépendants de la voiture ont une place de parking privée, où une borne de recharge pourrait donc être installée, et parmi les autres, 23 % avaient accès à une borne de recharge à moins de 500 mètres de leur domicile en 2020.</p>
<p>Ce chiffre va augmenter rapidement car la région Île-de-France a annoncé le triplement du nombre de bornes entre 2020 et fin 2023. L’autonomie ne constitue pas non plus un obstacle pour les déplacements internes à la région puisque moins de 0,5 % des personnes y roulent plus de 200 km par jour.</p>
<h2>Le vélo, levier le plus efficace</h2>
<p>Soulignons que la généralisation des véhicules électriques prendra du temps puisque des véhicules thermiques neufs continueront à être vendus jusqu’en 2035, et donc à être utilisés jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ces véhicules ne résolvent par ailleurs qu’une partie des problèmes générés par la voiture : des émissions de particules importantes subsistent, dues à l’usure des freins, des pneus et des routes. Ni la congestion routière, ni le <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">manque d’activité physique lié à la voiture</a> ne sont atténués.</p>
<p>Lever les obstacles à l’adoption du vélo partout dans la région devrait donc être une priorité. Le <a href="https://fifteen.eu/fr/resources/guides/velo-en-ile-de-france-resultats-de-l-etude-opinion-way-x-fifteen">premier facteur cité par les Franciliens</a> parmi les solutions pour accroître les déplacements quotidiens en vélo serait un meilleur aménagement de la voie publique, comprenant la mise en place de plus de pistes sécurisées et d’espaces de stationnement.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0001">ANR- 17-EURE-0001</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Leroutier a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (France) et de la Fondation Mistra (Suède) pour ce projet de recherche.</span></em></p>Des chercheurs ont quantifié la possibilité de substituer le vélo et les transports en commun à la voiture dans la région et les effets que cela aurait sur la pollution.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Marion Leroutier, Postdoc Fellow, Institute for Fiscal StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187512023-12-06T17:44:46Z2023-12-06T17:44:46ZTransport aérien, croisières… La piste des « passeports carbone » pour limiter l’impact du tourisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562156/original/file-20231031-15-1auro3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=64%2C0%2C7128%2C4748&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/woman-carries-luggage-airport-terminal-403443151">Shine Nucha/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’été 2023 a marqué un tournant pour l’industrie du voyage. À la fin du mois de juillet, les arrivées de touristes internationaux dans le monde <a href="https://www.unwto.org/news/international-tourism-swiftly-overcoming-pandemic-downturn">ont atteint 84 % des niveaux d’avant la pandémie</a>. Dans <a href="https://joint-research-centre.ec.europa.eu/jrc-news-and-updates/eu-tourism-almost-full-recovery-pre-pandemic-levels-2023-10-23_en">certains pays européens</a>, comme la France, le Danemark et l’Irlande, la demande touristique a même dépassé son niveau prépandémique.</p>
<p>C’est peut-être une excellente nouvelle <a href="https://skift.com/insight/state-of-travel/">sur le plan économique</a>, mais il est à craindre que ce retour au <em>statu quo</em> n’ait déjà des conséquences désastreuses sur les plans environnemental et social.</p>
<p>L’été 2023 a été marqué par des vagues de chaleur record dans de nombreuses régions du monde. Les gens ont dû fuir les <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/24/greece-wildfires-corfu-evia-rhodes-heatwave-northern-hemisphere-extreme-weather-temperatures-europe">incendies de forêt en Grèce</a> et <a href="https://www.independent.co.uk/climate-change/news/hawaii-fires-update-biden-b2393188.html">à Hawaï</a>, tandis que des <a href="https://www.manchestereveningnews.co.uk/news/world-news/foreign-office-issues-spain-weather-27339111">alertes météorologiques</a> extrêmes ont été émises dans de nombreuses destinations de vacances populaires telles que le Portugal, l’Espagne et la Turquie. Les experts <a href="https://theconversation.com/european-heatwave-whats-causing-it-and-is-climate-change-to-blame-209653">ont conclu à la responsabilité du changement climatique dans ces conditions météorologiques extrêmes</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-risques-de-temperatures-extremes-en-europe-de-louest-sont-sous-estimes-213015">Les risques de températures extrêmes en Europe de l’Ouest sont sous-estimés</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le tourisme fait partie du problème. Le secteur du tourisme génère <a href="https://wttc.org/Portals/0/Documents/Reports/2021/WTTC_Net_Zero_Roadmap.pdf">environ 10 %</a> des émissions de gaz à effet de serre à l’origine de la crise climatique.</p>
<p>Les effets négatifs du tourisme sur l’environnement sont devenus si graves que certains suggèrent que des changements radicaux dans nos habitudes de voyage sont inévitables. Dans un <a href="https://www.intrepidtravel.com/sites/intrepid/files/basic_page/files/A%20Sustainable%20Future%20For%20Travel%20From%20Crisis%20To%20Transformation-231016-02.pdf">rapport</a> de 2023 sur l’avenir des voyages durables, le voyagiste Intrepid Travel a proposé l’idée de « passeports carbone » pour aider l’industrie du tourisme à survivre.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un passeport carbone ?</h2>
<p>L’idée du passeport carbone repose sur l’attribution à chaque voyageur d’un quota annuel de carbone qu’il ne peut pas dépasser. Ces quotas permettent ensuite de « rationner » les déplacements.</p>
<p>Ce concept peut sembler extrême. Mais l’idée de quotas de carbone personnels n’est pas nouvelle. Un <a href="https://publications.parliament.uk/pa/cm200708/cmselect/cmenvaud/565/565.pdf">concept similaire</a> – appelé « échange personnel de droits d’émission de carbone » – a été discuté à la Chambre des communes du Royaume-Uni en 2008, avant d’être abandonné en raison de sa complexité apparente et de la possibilité d’une résistance de l’opinion publique.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p><a href="https://www.nature.org/en-us/get-involved/how-to-help/carbon-footprint-calculator/">L’empreinte carbone annuelle moyenne</a> d’une personne aux États-Unis est de 16 tonnes, l’un des taux les plus élevés au monde. Au Royaume-Uni, ce chiffre s’élève à 11,7 tonnes, soit plus de cinq fois le chiffre recommandé par l’<a href="https://www.openaccessgovernment.org/the-average-british-carbon-footprint-is-five-times-over-paris-agreement-recommendations/152669/">accord de Paris</a> pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en deçà de 1,5 °C. (<em>En France, celle-ci est <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/en_SNBC-2_summary.pdf">du même ordre de grandeur</a>, ndlt</em>)</p>
<p>Au niveau mondial, l’empreinte carbone annuelle moyenne d’une personne est plus proche de quatre tonnes. Mais pour avoir les meilleures chances d’empêcher la hausse des températures de dépasser les 2 °C, l’empreinte carbone mondiale moyenne <a href="https://www.nature.org/en-us/get-involved/how-to-help/carbon-footprint-calculator/">doit baisser</a> à moins de deux tonnes d’ici à 2050. Ce chiffre équivaut à environ <a href="https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2019/jul/19/carbon-calculator-how-taking-one-flight-emits-as-much-as-many-people-do-in-a-year">deux vols aller-retour</a> entre Londres et New York.</p>
<p>Le rapport d’Intrepid Travel prévoit que les passeports carbone seront utilisés d’ici 2040. Cependant, <a href="https://www.politico.eu/article/travel-short-haul-flights-europe-under-fire-climate-change-cop26/">plusieurs lois et restrictions</a> ont été mises en place au cours de l’année écoulée, ce qui suggère que nos habitudes de voyage sont peut-être déjà sur le point de changer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Boeing 777 avec Manhattan en arrière-plan à l’aéroport JFK de New York." src="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un vol Londres-New York génère un peu moins d’une tonne de CO₂ par passager.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/new-york-january-2-boeing-777-93592174">Eliyahu Yosef Parypa/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pourquoi cibler le transport aérien</h2>
<p>Entre 2013 et 2018, la quantité de CO<sub>2</sub> émise par les vols commerciaux dans le monde <a href="https://theicct.org/sites/default/files/publications/ICCT_CO2-commercl-aviation-2018_20190918.pdf">a augmenté de 32 %</a>. Certes, les améliorations en matière d’efficacité énergétique réduisent lentement les émissions par passager. Mais une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1352231014004889">étude</a> de 2014 a révélé que, quels que soient les efforts déployés par l’industrie pour réduire ses émissions de carbone, ils seront contrebalancés par la croissance du trafic aérien.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pour que les réductions d’émissions aient un effet significatif, les prix des billets devraient augmenter de 1,4 % par an, ceci afin de décourager certaines personnes de prendre l’avion. Or, en réalité, les <a href="https://www.climatecentral.org/news/increase-in-flights-will-outweigh-carbon-cuts-17875">prix des billets sont en baisse</a>.</p>
<p>Certains pays européens commencent à prendre des mesures pour réduire les voyages en avion. En Belgique, depuis le 1<sup>er</sup> avril 2023, les passagers des vols court-courriers et des avions les plus anciens sont <a href="https://www.euronews.com/green/2022/12/12/private-jets-and-short-haul-flights-face-pollution-busting-tax-increases-in-belgium">soumis à des taxes plus élevées</a> afin d’encourager d’autres formes de voyage.</p>
<p>Moins de deux mois plus tard, la France a interdit les <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-65687665">vols intérieurs court-courriers</a> lorsque le même trajet peut être effectué en train en deux heures et demie ou moins. <a href="https://businesstravelerusa.com/news/spain-to-follow-frances-lead-plans-to-ban-short-haul-domestic-flights/">On s’attend à ce que l’Espagne</a> fasse de même prochainement.</p>
<p>Un projet similaire pourrait également voir le jour en Allemagne. En 2021, un <a href="https://www.cleanenergywire.org/news/seventy-percent-germans-favour-banning-short-haul-flights-survey">sondage YouGov</a> a révélé que 70 % des Allemands soutiendraient de telles mesures pour lutter contre le changement climatique si des parcours alternatifs par train ou par bateau étaient disponibles.</p>
<h2>Des croisières qui polluent</h2>
<p>Le transport aérien n’est pas le seul à être sous le feu des critiques. Une <a href="https://www.transportenvironment.org/wp-content/uploads/2023/06/The-return-of-the-cruise-June-2023.pdf">enquête</a> menée en 2023 par la Fédération européenne pour le transport et l’environnement a révélé que les navires de croisière rejettent quatre fois plus de gaz sulfuriques – dont il est prouvé qu’ils provoquent des pluies acides et <a href="https://www.forbes.com/sites/jamesellsmoor/2019/04/26/cruise-ship-pollution-is-causing-serious-health-and-environmental-problems/">plusieurs affections respiratoires</a> – dans l’atmosphère que l’ensemble des 291 millions de voitures en circulation en Europe.</p>
<p>De telles statistiques ont contraint les destinations touristiques européennes à <a href="https://www.ft.com/content/8727387d-590d-43bd-a305-b5ec208a4dfe">prendre des mesures</a> contre l’industrie des croisières. En juillet, le conseil municipal d’Amsterdam a <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-66264226">interdit aux bateaux de croisière</a> d’accoster dans le centre-ville afin de réduire aussi bien le tourisme que la pollution, une initiative qui a fait ses preuves ailleurs.</p>
<p>En 2019, Venise était le port européen le plus pollué, en raison du grand nombre de bateaux de croisière. Mais elle est tombée à la 41<sup>e</sup> place en 2022 après l’interdiction faite aux grands navires de croisière d’entrer dans les eaux de la ville, <a href="https://www.transportenvironment.org/discover/europes-luxury-cruise-ships-emit-as-much-toxic-sulphur-as-1bn-cars-study/">ce qui a permis de réduire de 80 % la pollution atmosphérique à Venise provenant des navires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gondoles au premier plan d’un énorme bateau de croisière à Venise." src="https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En 2022, Venise a interdit aux grands navires de croisière d’accoster dans ses eaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/gondolas-on-background-huge-cruise-ship-243221659">Ugis Riba/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Changer de destination</h2>
<p>Le rapport d’Intrepid Travel souligne également que le changement climatique aura bientôt un impact non seulement sur la façon dont nous voyageons, mais aussi sur <a href="https://joint-research-centre.ec.europa.eu/jrc-news-and-updates/global-warming-reshuffle-europes-tourism-demand-particularly-coastal-areas-2023-07-28_en">là où nous voyageons</a>. Les températures brûlantes diminueront probablement l’attrait des destinations balnéaires traditionnelles, incitant les touristes européens à rechercher des destinations plus fraîches pour leurs vacances d’été, telles que la Belgique, la Slovénie et la Pologne.</p>
<p><a href="https://www.travelweekly.com/Travel-News/Tour-Operators/Travelers-seek-cooler-destinations-this-summer">Plusieurs agences de voyages</a> ont signalé une augmentation sensible des réservations de vacances vers des destinations européennes plus fraîches comme la Scandinavie, l’Irlande et le Royaume-Uni pendant la saison haute de l’été 2023.</p>
<p>Quelle que soit la solution, changer nos habitudes de voyage semble inévitable. Des destinations du monde entier, de <a href="https://www.theneweuropean.co.uk/barcelonas-war-on-tourism-ada-colau/">Barcelone</a> à la <a href="https://www.dw.com/en/italy-tourism-bans-controls-fees-restrictions/a-66453047">Riviera italienne</a> en passant par <a href="https://theconversation.com/death-on-everest-the-boom-in-climbing-tourism-is-dangerous-and-unsustainable-114033">l’Everest</a>, appellent déjà à limiter le nombre de touristes pour lutter contre la foule et la pollution.</p>
<p>Les vacanciers doivent se préparer à modifier leurs habitudes de voyage dès maintenant, avant que ce changement ne leur soit imposé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ross Bennett-Cook ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si rien n’est fait pour changer nos habitudes de voyage, le temps de l’industrie du tourisme pourrait être compté. Des « passeports carbone » pourraient-ils faire partie de la solution ?Ross Bennett-Cook, Visiting Lecturer, School of Architecture + Cities, University of WestminsterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096162023-08-23T20:44:44Z2023-08-23T20:44:44ZLe retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?<p>Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/comment-les-trains-de-nuit-ont-ete-effaces-de-la-carte-de-france-avant-un-nouveau-depart_4051851.html">suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit</a>. La principale raison invoquée était l’absence de <a href="https://theconversation.com/topics/rentabilite-53035">rentabilité</a>. Sur fond de <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">préoccupations environnementales</a>, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre</a> et c'est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023. </p>
<p>Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20TET%20v18052021.pdf">dizaine d’ouvertures de lignes</a> est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lignes intérieures de nuit envisagées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">ecologie.gouv.fr/train-nuit</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-11-juin-2023-6230911">retour très médiatisé</a>, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des <a href="https://www.lindependant.fr/2023/05/31/pyrenees-orientales-le-train-de-nuit-paris-latour-de-carol-menace-un-collectif-alerte-11232346.php">dysfonctionnements réguliers</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">train</a> de <a href="https://theconversation.com/topics/nuit-35575">nuit</a> reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2023-3-page-5.htm">recherches</a>, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.</p>
<h2>Un saut de nuit</h2>
<p>Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20h51 et Crest dans la Drôme à 4h45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8h26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.</p>
<p>Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">transfert de compétences</a> aux régions ou à l’État.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1586312136929656833"}"></div></p>
<p>Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.</p>
<h2>Victime d’un manque d’investissement</h2>
<p>La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.</p>
<p>En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. Les voitures ne servent de plus qu'une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement. </p>
<p>Un rapport public de 2015 intitulé <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/34859-tet-agir-pour-lavenir">« Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir »</a> jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">manque de stratégies et de moyens</a> sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1546757463394979841"}"></div></p>
<p>Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits « Macron » ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.</p>
<h2>Une relance contrariée</h2>
<p>Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.</p>
<p>L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet">29 % des émissions de gaz à effet de serre</a>. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »</p>
</blockquote>
<p>Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2h30, même si les effets en sont limités.</p>
<p>Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du <em>Crime de l’Orient-Express</em> d’Agatha Christie, du roman plus récent <em>Paris-Briançon</em> publié en 2022 par Philippe Besson ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la <a href="https://www.sncf-connect.com/article/5-destinations-desservies-par-le-train-de-nuit">communication de la SNCF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au petit matin (8h35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506511417893179396"}"></div></p>
<p>Enfin, en réponse à un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-trains-intercites-Tome-2.pdf">rapport de la Cour des comptes</a> en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne <a href="https://www.nightjet.com/fr/reiseziele">Nightjet</a>, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d'ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s'ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l'Autriche. </p>
<p>Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances <em>low cost</em>. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des <a href="https://www.sncf.com/fr/reseau-expertises/reseau-ferroviaire/sncf-reseau/modernisation-reseau">travaux de grande ampleur</a>, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/02/le-train-de-nuit-attend-encore-son-grand-soir_6180246_3234.html">rénovation du matériel existant ne suffit pas</a> pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Carrouet a reçu des financements d'organismes publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Mimeur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle de desserte atypique des trains de nuit, à mi-chemin entre train grande ligne et TER, implique un mode de gestion assez ambigu.Guillaume Carrouet, Maître de conférences en Géographie, Université de PerpignanChristophe Mimeur, Maître de conférences en Géographie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100752023-08-21T15:47:27Z2023-08-21T15:47:27ZUne petite histoire de la « Suge » ou comment le service de sécurité de la SNCF s’est tourné vers le marché<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538309/original/file-20230719-21-4i9jfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C51%2C1312%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jusque dans les années 1990, les agents de la Suge étaient, du fait de la nature de leurs missions, bien plus discrets qu'aujourd'hui.</span> <span class="attribution"><span class="source">cqfd2/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous les avez peut-être croisés au moment de partir en vacances : 2 800 agents patrouillent dans les gares et les <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">trains</a>, prêtent assistance lors d’opérations de contrôle des billets, enquêtent sur les vols de métaux, les tags qui ont lieu dans les emprises ferroviaires, ou les pratiques organisées de fraude de titres de transport. La <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> est une des seules entités publiques, avec la RATP, à posséder son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032285804#:%7E:text=Les%20services%20internes%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9,au%20bon%20fonctionnement%20du%20service.">propre service de sécurité</a>. On le nomme « Service de Surveillance générale de la SNCF » ou plus communément la « Suge ».</p>
<p>C’est à son histoire que nous nous sommes intéressés dans nos <a href="https://www.cairn.info/la-sncf-a-l-epreuve-du-xxi-e-si%C3%A8cle--9782365123136-page-127.htm">travaux</a>. La Suge d’aujourd’hui ne ressemble plus aux agents en civil que l’on peut voir dans la bande dessinée <a href="https://www.furet.com/livres/la-brigade-du-rail-tome-1-le-tueur-du-lyon-geneve-frederic-marniquet-9782361181369.html"><em>La brigade du rail</em></a> de Frédéric Marniquet, Olivier Jolivet et Sylvaine Scomazzon. Dès les années 1970, un mouvement de transformations du service s’enclenche pour se concrétiser pleinement au tournant des années 1990, les dernières réformes ferroviaires parachevant un « agencement marchand » du service de sûreté.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, à l’instar d’autres services de la SNCF, la Suge s’est lentement éloignée d’une régulation de nature « civique » pour adopter une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/909">régulation de nature « marchande »</a>. La sûreté va être progressivement conceptualisée et gérée comme un bien échangeable sur un marché, au point même que la Direction de la Sûreté de la SNCF peut aujourd’hui vendre ses services à une société concurrente telle que Trenitalia, Renfe ou Transdev.</p>
<p>Cette évolution, nous avons pu la retracer grâce à l’exploration de fonds d’archives inédits conservés au Centre national des archives historiques de la SNCF situé au Mans. Ils ont été éclairés par des entretiens menés auprès de chefs d’équipes et d’agents.</p>
<h2>À l’origine, la protection des marchandises</h2>
<p>La Suge puise ses origines dans les « polices spéciales » mises en place au lendemain de la Première Guerre mondiale par les premières compagnies privées de chemin de fer, insatisfaites de l’action policière des forces publiques. Elle voit officiellement le jour en 1937 lors de la naissance de la SNCF. Ses agents ont longtemps exercé en civil, avec pour mission principale de lutter contre les vols de marchandises remises à la SNCF, commis en partie par des cheminots. Est alors explicitement exclue de leur mission la prévention des « actes de malveillance ou tentatives criminelles ».</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une du magazine Stop Police du 5 décembre 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Progressivement, leur mission s’élargit aux vols de biens appartenant à la SNCF et aux voyageurs, ainsi qu’aux délits spécifiquement cheminots (vols de caisse et trafic de titres de transport notamment). Pendant près d’un demi-siècle, les tâches des agents de la Suge consistent ainsi essentiellement en des filatures, planques, enquêtes et fouilles de placards des employés de la SNCF. Ils étaient alors naturellement peu appréciés de leurs collègues. La Surveillance générale va jusqu’à tenir un « fichier des indésirables » où sont inscrits les employés renvoyés pour vols répétés et autres fautes, afin d’éviter leur éventuelle réembauche.</p>
<p>Ces missions historiques vont néanmoins se trouver érodées par deux évolutions majeures des années 1970 et 1980 : la baisse tendancielle du transport de marchandises et la montée des préoccupations sécuritaires à l’échelle nationale.</p>
<p>À partir de 1984, en effet, le transport de voyageurs devance le fret en matière de recettes. Les services de la SNCF se tournent alors rationnellement vers leur nouveau client principal. D’autant que, en parallèle, les <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1954">gares se transforment</a> : d’un lieu dont l’entrée et la sortie étaient strictement contrôlées, avec des gères-files et des salles d’attente qui pouvaient être fermées à clef avant accès au train, elles deviennent de <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1950">véritables lieux de vie</a>, avec restaurants, marchands de journaux et autres services de la vie quotidienne.</p>
<p>Si la Suge n’est pas dissoute avec le déclin des convois de marchandises mais réorientée vers les voyageurs, c’est également parce que, dans le même temps, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_france_a_peur-9782707165039">délinquance</a> en général et celle dans les transports publics en particulier acquièrent une place de plus en plus importante dans l’agenda des autorités publiques. Au cours des années 1990, la SNCF procède ainsi à une grande reconfiguration du service, préfigurant une conception marchande de la sûreté ferroviaire.</p>
<h2>Donner de la visibilité à la sûreté</h2>
<p>En 1981, déjà, la Surveillance générale n’est plus sous la tutelle de la Direction du Transport mais de la Direction juridique, témoignant d’une attention plus grande aux questions de droit et de légalité. L’année suivante, des « dispositifs d’alerte automatique » font leur apparition dans certaines gares. Ils visent à la fois à obtenir l’intervention de la Police ou de la Gendarmerie et à « dissuader les malfaiteurs par le déclenchement d’une alarme sonore et puissante ».</p>
<p>Les choses s’accélèrent au tournant des années 1990, quand les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont cherché à faire émerger les questions de sûreté comme « un objectif stratégique fondamental » des entreprises publiques. Le commissaire divisionnaire Guy Pochon est, dans ce cadre, détaché à la SNCF en 1989. Sa mission est d’étudier et de proposer des pistes à la Suge afin d’améliorer son action de protection des usagers et des agents. Il y importe ses savoir-faire policiers.</p>
<p>Pour l’entreprise, il s’agit désormais de mettre en visibilité son action en matière de sûreté auprès de ses clients voyageurs, de « montrer du bleu ». La sûreté n’est ainsi plus définie comme un enjeu de propriété privée (lutter contre le vol de marchandise), mais de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2016-1-page-44.htm?ref=doi">maintien de l’ordre</a> (s’assurer du bon écoulement des flux et du bon déroulement des activités commerciales extra-ferroviaires).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les agents de la Suge se rendent aujourd’hui bien visibles, comme ici en gare de Houilles – Carrières-sur-Seine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire#/media/Fichier:SUGE_-_S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire_Houilles_-_Carri%C3%A8res-sur-Seine_(2020).jpg">Kevin B/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il apparaît clairement que la sûreté est aujourd’hui pour la SNCF un argument de vente : garantir la sûreté est un préalable, une condition de possibilité du développement de l’activité de transport et des activités commerciales extraferroviaires. Cette fonction de support, les responsables de la Suge l’ont pleinement intégrée, comme nous l’indique un directeur :</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de protéger les agents de la SNCF, c’est aussi un gage pour nous, pour faire venir la clientèle dans les trains. »</p>
</blockquote>
<p>L’utilisation récurrente du terme « client » pour désigner le voyageur est assez révélatrice de l’intégration par les agents Suge, de la portée commerciale de leur mission.</p>
<h2>Des uniformes et des contrats</h2>
<p>Deux éléments en particulier matérialisent ces évolutions. Le plus visible, sans doute, est le passage à l’uniforme dans les années 1990, changement qui a pu être <a href="https://www.theses.fr/2017PESC1052">mal vécu par certains agents</a>. Exit l’investigation policière en civil, les filatures et les enquêtes et l’impression valorisante de passer pour un inspecteur de police et d’inspirer la méfiance ; désormais, c’est la polyvalence qui est mise en avant. Aider un parent avec sa poussette, demander aux personnes d’enlever leurs pieds des sièges, intimer aux voyageurs d’arrêter de fumer, disperser un groupe de jeunes jugé trop bruyant, renseigner et orienter des usagers sur les quais, établir une <a href="https://www.theses.fr/2022UPSLD055">contravention pour outrage sexiste</a>, intervenir en cas de violence, contacter les forces de l’ordre si besoin, voilà ce qu’attend un directeur de zone sûreté :</p>
<blockquote>
<p>« La posture du métier a complètement changé. On est beaucoup plus sur une posture de prévention et de visibilité, de service aux clients. Quand on est en civil et armé, on se fiche bien de donner un horaire à quelqu’un qui vous le demande dans une gare : il ne sait pas que vous êtes de l’entreprise. Quand on a “SNCF” dans le dos, l’attitude n’est pas la même : elle se rapproche des autres métiers de l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>L’autre grande évolution concerne le fonctionnement interne dans la mesure où la direction de la sûreté se met à entretenir des relations contractuelles avec les autres entités de la SNCF. Chaque année, des contrats sont établis au niveau national puis déclinés dans les entités territoriales du groupe, à partir d’un catalogue de prestations : enquête, contrôle, diagnostic, sécurisation des trains et des gares, lutte antifraude, expertise. La sûreté devient ainsi un service consommable qui s’échange sur un marché interne à l’entreprise ferroviaire en fonction du prix des prestations et des ressources humaines et matérielles dont dispose la Suge.</p>
<p>Des évaluations différentielles des priorités en matière de sûreté peuvent alors avoir lieu entre ces différents acteurs. Au moment de notre enquête à la gare du Nord, par exemple, les responsables de l’activité « Voyages » demandaient systématiquement que des agents soient présents au départ voire à l’intérieur du dernier TGV de la journée. Le personnel de la Suge avait, lui, l’impression que cette mission n’était plus prioritaire, comme l’a souligné un agent interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde sait que le dernier train est sécurisé, il ne se passe donc jamais rien : on préférerait être du côté Transilien où les enjeux sont plus importants. »</p>
</blockquote>
<p>Ces relations contractuelles obligent également la direction de la sûreté à soigner sa légitimité : la base de données Cézar répertoriant les faits de sûreté a été mise en place, de même que des procédures de <em>reporting</em>. Ensemble, ils permettent d’avoir une représentation des évènements ayant lieu dans les emprises ferroviaires et un suivi serré de l’activité des agents Suge. Ce fonctionnement est porteur <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1157?lang=en">d’une représentation comptable du travail de la Suge</a> : le bon chef d’équipe est celui qui remplit le nombre d’heures prévues.</p>
<h2>Une marchandisation en question</h2>
<p>On est là en plein dans ce que le sociologue Michel Callon nomme <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/sociologie-des-agencements-marchands/">« agencement marchand »</a>. Ce processus se caractérise entre autres par la « passivation d’un bien », c’est-à-dire, un cadrage qui fait de ce bien un objet d’échange, et par l’« activation d’agences qualculatrices », c’est-à-dire, la formalisation de prestations et leur valuation. C’est bien ce qu’il advient à la sûreté ferroviaire, d’autant plus que les réformes de 2015 et de 2018 autorisent la SNCF à vendre ses prestations de sûreté aux entreprises ferroviaires concurrentes, ainsi qu’aux gestionnaires d’infrastructures et aux autorités organisatrices de transport.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cet agencement marchand de la sûreté pose alors aux moins deux questions. La première est celle de la légitimité des priorisations, avec un risque de surfocalisation sur les usagers et comportements qui « gênent » l’activité commerciale (notamment <a href="https://journals.openedition.org/sdt/19923">vers les SDF</a> et les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520304413/adventure-capital">groupes de jeunes racisés</a>) sans représenter un véritable risque du point de vue de la sûreté. La seconde est celle de l’arbitrage entre les différents commanditaires : les contrats d’une autorité organisatrice de transport seront-ils, par exemple, prioritaires sur les demandes des entreprises ferroviaires ? Comment garantir une équité entre les différents territoires ?</p>
<p>Ces questions paraissent d’autant plus importantes alors qu’il est régulièrement question d’élargir les pouvoirs des agents de la Suge (et du service homologue de la RATP). Ils peuvent désormais, par endroit, <a href="https://actu.fr/societe/contre-le-terrorisme-et-les-violences-la-sncf-peut-desormais-vous-fouiller-en-seine-maritime_39103722.html">fouiller les bagages de n’importe quel voyageur ou procéder à une palpation de sécurité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Castagnino a reçu des financements d'Université Paris-Est, de l'association Rail&Histoire, et de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Les transformations du service de sécurité de la SNCF reflètent largement l’histoire de l’entreprise ferroviaire, du déclin du fret jusqu’à l’ouverture à la concurrence.Florent Castagnino, Enseignant chercheur en sociologie, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100722023-08-02T18:07:10Z2023-08-02T18:07:10ZDébat : Décarbonation, quotas… que faire de l’avion, privilège d’une minorité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538285/original/file-20230719-27-7s7ch7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C1722%2C1120&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien qu’il soit réservé à une poignée d’individus, au niveau mondial, l’aérien représente en 2015 environ 11 % des émissions de CO₂ des transports, soit 1,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/qK6HAkB91Yc"> Marco López / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le président Emmanuel Macron a récemment affirmé sa volonté d’investir plusieurs milliards d’euros dans la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/16/le-plan-de-macron-pour-developper-un-avion-moins-polluant_6177895_3234.html">décarbonation de l’aviation</a>. Plusieurs voix se sont fait entendre pour souligner le caractère risqué, voire illusoire, de cette ambition et rappeler l’urgence d’une <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">réduction du trafic aérien</a>.</p>
<p>Quelques semaines auparavant, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-30-mai-2023-5670062">l’ingénieur Jean-Marc Jancovici</a> proposait de limiter à quatre le nombre de vols au cours d’une vie, suscitant un débat agité sur la réduction de l’usage de l’avion par les individus.</p>
<p>Ces polémiques éludent toutefois une dimension centrale du <a href="https://theconversation.com/transport-aerien-et-environnement-comment-poser-le-probleme-193672">problème</a> : prendre l’avion est un privilège qui entretient notamment les rapports de domination entre les pays et en leur sein.</p>
<h2>L’avion, un privilège du Nord global</h2>
<p>Le discours d’Emmanuel Macron, la proposition de Jean-Marc Jancovici et la plupart des réactions qu’elles suscitent reposent sur un présupposé : l’avion est un moyen de transport incontournable, le problème est qu’il soit polluant. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">entre 80 et 90 % des humains n’ont jamais pris l’avion de leur vie</a>. Au cours de l’année 2018, seuls 4 % de la population mondiale a effectué un <a href="https://theconversation.com/le-kerosene-ne-sera-pas-taxe-mais-pensez-a-bien-fermer-votre-robinet-119420">vol international</a>.</p>
<p>Cette minorité à qui il arrive de voyager en avion <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">n’est pas également répartie sur la planète</a> : elle vit dans les pays riches. Ainsi, environ 40 % des habitants des pays les plus aisés ont pris l’avion au moins une fois dans l’année, contre moins de 1 % des habitants des pays les plus pauvres. </p>
<p>Si l'on rapporte les distances parcourues par les avions au départ d'un continent à sa population, cette distance par tête s'élève à 3000 km en Europe contre 100 km en Afrique. La plupart des <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/11761">lignes aériennes relient entre eux des pays du Nord global</a>. Elles servent à faire circuler les individus entre ces pays, pour leurs loisirs mais aussi pour alimenter le commerce et les échanges économiques.</p>
<p>L’avion est donc un mode de transport qui soutient une domination économique et politique des pays du Nord et participe en leur sein à une domination de classe.</p>
<p><strong>Nombre de kilomètres par tête parcourus en moyenne par les avions au départ de:</strong> </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rapportée à la population vivant sur le continent africain, la distance parcourue par les vols au départ de ce continent s'élève à 123 kms.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">Traitements réalises à partir des résultats présentés dans Gössling et Humpe 2020.</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Socialisation des élites</h2>
<p>Prenons l’exemple de la France : <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2019-2-page-131.htm">voyager en avion</a> est loin d’être une pratique commune, elle demeure l’apanage des plus aisés et des plus diplômés. Ainsi, plus de la moitié des 10 % des Françaises et des Français les plus riches prend l’avion au moins une fois par an, contre 13 % des 50 % les plus pauvres. C’est le cas d’un tiers des personnes diplômées de l’enseignement supérieur, contre 10 % des moins diplômées.</p>
<p>Depuis longtemps, les voyages ont une place <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2007-5-page-58.htm?contenu=article">importante dans la socialisation des élites</a>. Séjours culturels ou d’études à l’étranger, ils contribuent à les préparer à l’occupation de positions dominantes. Plus tard, ils permettent l’entretien d’un style de vie ou d’une carrière cosmopolite qui indique leur appartenance de classe.</p>
<p>Prendre l’avion est donc un privilège qui permet l’accumulation de ressources durables – ou capitaux – de plusieurs sortes : sociales, culturelles, économiques. De ce fait, les trajectoires sociales des membres des classes dominantes sont marquées par une quantité importante de vols en avion.</p>
<p>Pourtant, la forte sélectivité sociale du voyage aérien est peu visible dans le débat public. C’est que les personnes qui y interviennent, dirigeantes et dirigeants économiques ou politiques, scientifiques, journalistes, parlent depuis leur position de classe.</p>
<p>Pour elles, l’avion est familier, quand bien même <a href="https://journals.plos.org/climate/article?id=10.1371/journal.pclm.0000070">elles considèrent aujourd’hui que cette pratique pose problème</a> ou y ont renoncé. Cela les conduit à diffuser l’idée – fausse – qu’un quota de vols est une limitation pour tout le monde. Sans voir qu’elle l’est principalement lorsque l’avion est capital pour entretenir une position dominante ou la transmettre à ses enfants. Jean-Marc Jancovici peut ainsi généraliser :</p>
<blockquote>
<p>« Quatre vols dans une vie, c’est pas zéro, on pourrait très bien instaurer un système dans lequel, quand on est jeune, on a deux des quatre vols pour aller découvrir le monde. »</p>
</blockquote>
<p><strong>Taux de recours à l’avion (%) sur une année selon le niveau de vie et le niveau de diplôme</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">33 % des diplômés du supérieur ont pris l’avion au moins une fois dans l’année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2019-2-page-131.htm">Eurobaromètre 2014, Enquête nationale transports 2008, Demoli et Subtil, 2019</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La question de l’empreinte carbone</h2>
<p>Marqueur de la domination de classe, l’avion est excessivement émetteur de gaz à effet de serre (GES), <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">bien plus que n’importe quel autre moyen de transport</a>.</p>
<p>Chaque année, en moyenne, une personne des classes supérieures émet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800922003470">plusieurs tonnes de GES en voyageant en avion</a>. De ce seul fait, l’empreinte carbone de sa trajectoire sociale est sans commune mesure avec celle de la plupart des individus, qui n’ont jamais pris l’avion de leur vie ou ne l’ont pris qu’exceptionnellement.</p>
<p>Ainsi, les ressources durables qu’elle a accumulées grâce à ces voyages ont eu un coût écologique très élevé. Que cette personne ait ou non arrêté de prendre l’avion ces dernières années ne change qu’à la marge le coût de son privilège.</p>
<p>Dans le débat sur l’avenir de l’avion, il est donc avant tout question de l’empreinte écologique des positions sociales dominantes, et non de comportements individuels universels qu’il faudrait corriger.</p>
<h2>Les quotas, une proposition ambivalente</h2>
<p>Depuis cette perspective, comment interpréter l’idée d’un quota de quatre vols en avion dans la vie d’une personne ?</p>
<p>Une première interprétation est progressiste. On peut considérer qu’étendre le privilège de prendre l’avion quatre fois à l’ensemble de la société permettrait à tous les jeunes, sans distinction, d’aller « découvrir le monde ». Une interprétation toutefois écologiquement extrêmement coûteuse.</p>
<p>Car faire voler chaque personne quatre fois dans sa vie consommerait une part très importante du budget carbone qu’il reste à l’humanité. Pour donner un ordre de grandeur, offrir à chaque Française et Français quatre allers-retours Paris–New York dans sa vie consommerait l’équivalent de 6 % du budget carbone <a href="https://bonpote.com/la-france-ignore-la-science-pour-ses-objectifs-climatiques/">pourtant largement surestimé</a> que la Stratégie nationale bas carbone alloue aux transports à la fin de la décennie 2020.</p>
<p>Cela pèserait d’autant plus au fil des années, le budget carbone diminuant : ces vols équivaudraient à 5 à 10 % du budget carbone <em>total</em> de la France en 2050.</p>
<p><strong>Émissions carbone annuelles si l’ensemble des Français•es réalisaient dans leur vie</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Détails du calcul : Un aller-retour : 2 tonnes (ordre de grandeur d’un Paris–New York). Cohorte de 18 ans en 2023 : 800 000 individus. Budget carbone de la France en 2030 selon la Stratégie nationale bas carbone : 300 millions de tonnes au total, 94 millions de tonnes pour les transports.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette interprétation progressiste est peu concevable. Une autre, probablement plus conforme à ce qu’envisage Jean-Marc Jancovici, consisterait à ne pas encourager à voler la population qui ne vole pas, mais à limiter celle qui vole.</p>
<p>Cela signifie, <em>in fine</em>, permettre aux membres des classes supérieures des pays du Nord de bénéficier encore du privilège de prendre un petit peu l’avion. C’est donc bien sur leurs privilèges que devrait porter le débat, comme celui qui émerge autour de la décarbonation de l’aviation.</p>
<h2>Décarboner pour une minorité ?</h2>
<p>Si l’on veut contenir au maximum le réchauffement climatique, continuer à faire voler des avions implique leur décarbonation rapide. C’est le cas même si l’on décide de limiter les vols des classes supérieures des pays les plus riches.</p>
<p>Or, à court terme, il n’y a pas de solution permettant de voler autant sans émettre de GES. Emmanuel Macron a donc proposé un investissement de 8,5 milliards d’euros d’ici 2027 pour développer un « avion ultrasobre » et des carburants durables.</p>
<p>L’ambition <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/06/24/l-aeronautique-fait-rever-les-jeunes-ingenieurs-qui-veulent-inventer-l-avion-de-demain_6179071_4401467.html">séduit le monde des ingénieurs</a>, dont les propriétés entrent en affinité à la fois avec la norme de l’avion <a href="https://www.environmentandsociety.org/perspectives/2017/4/article/excuse-us-while-we-fix-sky-weird-supermen-and-climate-engineering">et avec ce type de raisonnement technologique</a>. Elle provoque également quantité d’oppositions : l’aviation ultrasobre n’existera pas dans un futur proche et elle demanderait quoiqu’il en soit une <a href="https://blogs.mediapart.fr/atelier-decologie-politique-de-toulouse/blog/290920/avion-hydrogene-quelques-elements-de-desenfumage">quantité très importante de surfaces de cultures ou d’électricité bas carbone</a>.</p>
<p>Or, la question n’est pas seulement de savoir si c’est possible, mais si c’est désirable. Avant de décider si un secteur mérite un tel investissement, remettons au cœur du débat des éléments plus épineux que la faisabilité technologique : à qui donne-t-on la possibilité de consommer une part si importante du budget carbone restant à l’humanité ? Dans quels buts collectifs ?</p>
<p><strong>Part des personnes croyant en la possibilité future d’un avion plus écologique</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Gauche : Pourcentage d’individus ayant répondu « Oui, tout à fait » à la question : Croyez-vous à la possibilité qu’il existe un jour un avion plus écologique, moins émetteur de CO₂ ? (Source : IFOP-Fondation jean Jaurès, 2022). Droite : Pourcentage d’individus déclarant être très ou assez favorables l’interdiction des vols entre deux villes européennes dès 2026 pour réduire les émissions de carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/06/Enquete_Avions.pdf">ELABE et BFMlV, 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un nécessaire débat démocratique</h2>
<p>Poser ces questions permettrait d’aborder une dimension centrale de la catastrophe écologique : elle est d’abord le fait des fractions les plus privilégiées de la planète, en termes de classes mais aussi de <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315886572-34/welcome-white-anthropocene-giovanna-di-chiro">genre et de race</a>.</p>
<p>Un tel débat aiderait à rendre plus acceptable la réduction nécessaire de l’activité d’un secteur qui, s’il est un symbole de l’industrie française, est aussi un des plus injustes et des plus carbonés de son histoire récente.</p>
<p>De la rendre plus acceptable, y compris aux yeux des personnes qui en pâtiront le plus : <a href="https://atecopol.hypotheses.org/4062">celles qui y travaillent</a>. Cela serait un exercice démocratique intéressant, qui devrait être suivi de nombreux autres.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Elsa Favier, Héloïse Prévost, Julian Carrey et Odin Marc pour leurs commentaires.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gros est membre de l'Atelier d'écologie politique de Toulouse (Atécopol).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yoann Demoli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les débats sur l’avenir du trafic aérien occultent que le recours à l’avion demeure réservé à une minorité.Yoann Demoli, Maître de conférences en sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Julien Gros, Chargé de recherche CNRS, affilié au LISST (Université Toulouse Jean-Jaurès), Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095532023-07-30T15:05:24Z2023-07-30T15:05:24ZLa face cachée des retours produit d’Amazon<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537003/original/file-20230712-22-4x8cqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C4243%2C2660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le centre de traitement des commandes d'Amazon, d'une superficie 93 000 m², à Fife, en Écosse. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/scottishgovernment/6352123451/">Gouvernement d'Écosse, photo de Christ Watt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Si le commerce électronique peut faciliter les achats, il possède également un côté obscur que la plupart des consommateurs ne voient jamais.</p>
<p>Supposons que vous profitiez d’une promotion pour commander une brosse à dents électrique et deux chemises sur Amazon. Vous déballez votre commande et découvrez que la brosse à dents électrique ne se recharge pas et qu’une seule des deux chemises vous convient. Vous décidez donc de renvoyer la chemise à la mauvaise taille et la brosse à dents électrique.</p>
<p>Les retours de ce type peuvent sembler simples, et ils sont souvent gratuits pour le consommateur. Mais leur gestion peut s’avérer si coûteuse pour les détaillants que de nombreux articles retournés sont tout simplement jetés.</p>
<p>En 2022, les retours ont représenté <a href="https://nrf.com/research/2022-consumer-returns-retail-industry">743 milliards d’euros</a> de ventes perdues aux revendeurs, rien qu’aux États-Unis. C’est presque autant que l’<a href="https://nces.ed.gov/fastfacts/display.asp?id=66">argent public</a> alloué aux écoles et collèges publics et c’est quasi <a href="https://nrf.com/research/customer-returns-retail-industry">deux fois</a> le coût des retours en 2020. Le processus de retour, avec le <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-20738-4">transport et l’emballage</a>, a également généré en 2022 environ <a href="https://4771362.fs1.hubspotusercontent-na1.net/hubfs/4771362/2022%20Impact%20Report/Optoro_2022%20Impact%20Report.pdf">24 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone</a> réchauffant plus encore l’atmosphère.</p>
<p><iframe id="dmnnN" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dmnnN/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces coûts comme ces émissions créent un problème de durabilité pour les détaillants et la planète.</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=fbARgoUAAAAJ&hl=en&oi=ao">chercheuse en gestion de la chaîne d’approvisionnement</a>, je suis de près l’évolution de la logistique du commerce de détail. Voici ce que l’on trouve lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore des retours de produits.</p>
<h2>Les retours commencent par des kilomètres de transport</h2>
<p>Vous avez donc remballé la chemise et la brosse à dents électrique dont vous ne voulez plus et vous les renvoyez gratuitement grâce aux accords passés entre Amazon et les transporteurs (UPS aux États-Unis). Et maintenant ?</p>
<p>Vos articles sont acheminés <a href="https://www.mwpvl.com/html/amazon_com.html">vers les entrepôts d’Amazon</a> dédiés au traitement des retours. Cette seule étape du processus coûte de l’argent au détaillant – <a href="https://www.cbre.com/insights/viewpoints/reverse-logistics-tis-the-stressful-season-for-holiday-gift-returns">66 % du coût d’un article de 50 dollars selon une estimation</a> – et émet du dioxyde de carbone car les camions et les avions transportent les articles sur des centaines de kilomètres. Le plastique, le papier ou le carton de l’emballage de retour deviennent également des déchets.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Avion de l’entreprise DHL sur le tarmac d’un aéroport allemand" src="https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537034/original/file-20230712-15-gnfy1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les colis renvoyés peuvent parcourir des centaines de kilomètres depuis les mains du client, vers un centre de retour, et parfois jusqu’au fabricant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/schkeuditz-germany-29th-may-2022-many-2165816297">Gorloff-KV/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le traitement d’un retour prend <a href="https://www.shopify.com/enterprise/reverse-logistics">deux à trois fois plus de temps</a> que l’expédition initiale de l’article car celui-ci doit alors être déballé, inspecté, réemballé et réacheminé. Ces opérations augmentent encore plus le coût pour Amazon, en particulier dans un marché du travail tendu. Les employés doivent ouvrir manuellement les colis, les étudier et, en fonction de la raison du retour, décider de la suite des opérations.</p>
<p>Si un magasinier décide que la chemise trop grande pour vous peut être revendue, elle sera alors remballée et renvoyée dans un autre entrepôt.</p>
<p>Lorsqu’un autre consommateur commandera la chemise, celle-ci sera prête à être emballée et expédiée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Tapis roulants sur lesquels défilent des cartons" src="https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538240/original/file-20230719-27-946n5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les entrepôts de vente au détail sont souvent de vastes bâtiments équipés de tapis roulants et de piles de produits et de matériaux d’emballage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cardboard-boxes-on-conveyor-belt-distribution-148488479">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Remise à neuf, si la réparation coûte moins cher que le produit</h2>
<p>Si l’article est défectueux, comme la brosse à dents électrique de notre exemple, le magasinier peut la retourner au fabricant pour qu’il la répare et le remette à neuf. L’article est alors remballé et chargé dans un camion, voire un avion, pour être renvoyé au fabricant, ce qui entraîne davantage d’émissions de dioxyde de carbone.</p>
<p>Si la brosse à dents électrique peut être réparée, le produit remis à neuf est prêt à être vendu à nouveau sur le marché de la consommation, <a href="https://www.nytimes.com/wirecutter/money/buying-refurbished-products/">souvent à un prix inférieur</a></p>
<p>.</p>
<p>La remise à neuf des produits retournés permet de mettre en place une chaîne d’approvisionnement en boucle fermée dans laquelle les produits sont réutilisés au lieu d’être éliminés comme des déchets, ce qui rend le processus plus durable que l’achat d’un nouvel article.</p>
<p>Il arrive cependant que les réparations coûtent plus cher que le prix de revente du produit. Lorsqu’il est plus coûteux de réapprovisionner ou de remettre à neuf un produit, il peut être plus économique pour le détaillant de jeter l’article.</p>
<h2>Les décharges : une destination courante des retours</h2>
<p>Si l’entreprise ne peut pas revendre la chemise ou remettre à neuf la brosse à dents électrique de manière rentable, les perspectives s’amenuisent pour ces articles. Certains sont vendus en <a href="https://fr.news.yahoo.com/jai-%C3%A9t%C3%A9-lentrep%C3%B4t-vend-retours-122000206.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAANpfljEP9yQSJu_c6x1x5YEJYA7iuAxBD7PdRQjZVnMAQN0lna3mOuy8SqJFcXCjiq06wKhwmsE6VmQzJQXUYFcm2pV2c2iUvIVr-9-COSmk_Fgu-K5_utGtNhxcS8pvYHb-cwFkQFdrMjUEYtkl0s_4LWNCWPdkSCb1nz617W4M">vrac</a> à des magasins discount. Souvent, les produits renvoyés finissent tout simplement dans des décharges, parfois à l’étranger.</p>
<p>En 2019, plus de <a href="https://info.optoro.com/hubfs/Optoro%202019%20Impact%20Report.pdf">deux milliards de kilos</a> de déchets provenant des retours ont ainsi atterri dans des décharges, selon une estimation de la plate-forme technologique de retour Optoro. En 2022, ces déchets estimés auraient presque doublé <a href="https://4771362.fs1.hubspotusercontent-na1.net/hubfs/4771362/2022%20Impact%20Report/Optoro_2022%20Impact%20Report.pdf">pour atteindre environ 4 milliards de kilos</a>.</p>
<h2>La fin de l’ère des retours gratuits ?</h2>
<p>Il y a quelques années, les clients qui souhaitaient renvoyer des articles par la poste devaient souvent le faire à leurs propres frais. Cette situation a changé quand qu’Amazon a commencé à offrir des retours gratuits et à mettre à disposition des points de dépôt faciles à utiliser dans les magasins UPS ou Kohl’s. D’autres détaillants ont alors emboîté le pas pour faire face à la concurrence, en considérant que ces retours gratuits étaient un <a href="https://info.optoro.com/report-the-anatomy-of-returns">moyen de fidéliser les clients</a>. Faire incomber au client la tâche de retourner lui-même un colis en se rendant dans un magasin physique permet certes de réduire les coûts de transport et d’entreposage, mais cette option n’est pas toujours considérée comme pratique pour le consommateur. De ce fait, <a href="https://nrf.com/research/2022-consumer-returns-retail-industry">seul un quart environ</a> des achats en ligne sont retournés en personne au magasin.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des ouvriers Amazon du centre de logistique de Velizy trient des colis" src="https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538277/original/file-20230719-27-vhqr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La gestion des retours demande plus de travail que l’exécution de la commande initiale, en partie parce qu’elle implique l’inspection de l’article et son réemballage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/france-sept-23th-2019-logistics-activity-1514808617">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ce temps est peut-être en passe <a href="https://www.cbsnews.com/miami/news/retailers-cracking-down-online-returns-charging-fees/">d’être résolu</a>, avec un pourcentage de détaillants facturant l’expédition des retours passé de <a href="https://corp.narvar.com/resources/2022-returns-policy-benchmark">33 % à 41 % en 2022</a>.</p>
<p>Les détaillants essaient plusieurs autres techniques pour réduire le taux de retour, les déchets et les pertes, qui reviennent finalement aux consommateurs sous la forme de prix plus élevés.</p>
<p>Certains détaillants ont raccourci la fenêtre de retour, limité les retours fréquents ou cessé d’offrir des retours gratuits. D’autres stratégies incluent des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/00222437231154871">cabines d’essayage virtuelles</a> et des guides d’essayage plus clairs, qui peuvent contribuer à réduire les retours de vêtements, tout comme des photos et des vidéos de haute qualité qui reflètent fidèlement la taille et la couleur. Si les consommateurs utilisent ces outils et font attention à la taille, ils peuvent contribuer à réduire l’empreinte climatique croissante du commerce de détail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone Peinkofer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La promesse des retours gratuits du géant Amazon a un coût financier et environnemental colossal. Par souci d’économie, un nombre croissant de colis renvoyés finissent à la décharge.Simone Peinkofer, Assistant Professor of Supply Chain Management, Michigan State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091512023-07-19T19:20:27Z2023-07-19T19:20:27ZDes TER plus performants ? La mise en concurrence ne pourra pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535823/original/file-20230705-7761-ajdex1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C1211%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le réseau TER de la Bretagne, la SNCF semble se montrer plutôt efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gio2N_n%C2%B0080C_%C3%A0_Laval_%282%29_par_Cramos.JPG">Cramos/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les <a href="https://theconversation.com/topics/transport-ferroviaire-51912">services TER</a>, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les <a href="https://theconversation.com/topics/regions-30878">régions</a> auront l’obligation de <a href="https://www.sncf.com/fr/groupe/notre-strategie/ouverture-concurrence#:%7E:text=%C3%80%20partir%20de%202020%2C%20les,ans%20(bloc%20horizontal%20bleu)">lancer des appels d’offres</a> à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF Voyageurs</a>, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> est offerte depuis décembre 2019.</p>
<p>Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-sncf-perd-officiellement-l-exploitation-d-une-ligne-ter-en-paca-une-premiere-en-france-28-10-2021-2449721_23.php">Transdev</a> qui s’occupera de 10 % des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice.</p>
<p>Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">travaux</a> ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?</p>
<h2>L’enjeu, maîtriser les coûts</h2>
<p>Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/subventions-24952">contributions publiques</a> totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 Md€. Cela correspond à une augmentation de 70 % en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6 %.</p>
<p>Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7 % des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8 % sur les années 2010-2017.</p>
<p><iframe id="pzJfu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pzJfu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.</p>
<p>La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.</p>
<p><iframe id="s7GRt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s7GRt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire</a>. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.</p>
<h2>Qui est responsable de quoi ?</h2>
<p>L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, <a href="https://trimis.ec.europa.eu/sites/default/files/project/documents/20060811_113046_02524_ATLET_Final_Report.pdf">tout n’incombe pas au transporteur</a> qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">fortement d’un territoire à un autre</a>. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">taux d’incivilité</a> ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.</p>
<p>En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">Cour des Comptes</a> ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/publication-du-bilan-du-marche-du-transport-ferroviaire-en-2019/">bilan annuel</a> s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">étude</a> s’est attelée.</p>
<h2>La SNCF, à 82 % de ses capacités</h2>
<p>Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.</p>
<p>Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.</p>
<p>Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Avant la réforme territoriale, la région Haute-Normandie était celle avec la plus importante marge de progression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Skililipappa/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.</p>
<p>Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.</p>
<p>Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.</p>
<h2>Quels leviers ?</h2>
<p>L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.</p>
<p>La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-de-la-sncf">gestion du facteur travail</a> puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.</p>
<p>Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">respect de l’ordre social</a>, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.</p>
<p>L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673954925363986432"}"></div></p>
<p>On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">modes de gouvernance</a> faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.</p>
<h2>Et aujourd’hui ?</h2>
<p>La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.</p>
<p>Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.</p>
<p>L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses. A médite</p>
<hr>
<p><em>Une clause de confidentialité nous amène à ne pas pouvoir citer nommément les performances exactes pour chaque région.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a notamment bénéficié d'une mise à disposition de données de la part de Régions de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.</span></em></p>État des infrastructures, exigences des régions… La qualité de service d’un réseau TER ne dépend pas seulement du transporteur qui fait rouler les trains. Une étude tente de faire la part des choses.Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091502023-07-11T19:20:56Z2023-07-11T19:20:56ZDix ans après le drame de Brétigny-sur-Orge, la maintenance ferroviaire reste en crise<p>Il y a 10 ans, le 12 juillet 2013, le train reliant Paris à Limoges déraillait en gare de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. L’accident a causé 7 morts et 70 blessés. En octobre 2022, le tribunal d’Évry a condamné la SNCF à 300 000 euros dans cette affaire. Après plusieurs semaines de débats techniques, la présidente du tribunal a notamment souligné une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/26/catastrophe-de-bretigny-la-sncf-reconnue-coupable-d-homicides-et-blessures-involontaires_6147388_3224.html">« négligence »</a> dans le suivi d’une avarie détectée cinq ans plus tôt.</p>
<p>Trois articles (consultables <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-03.pdf">ici</a>, <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">ici</a> ou <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-05.pdf">là</a>) publiés simultanément dans la série <em>Gérer et comprendre des annales des Mines</em> par Léna Masson, Anne Dietrich, Pierre Messulam, Michel Villette et Christophe Deshayes, proposent un diagnostic plus complet et plus global des problèmes de maintenance rencontrés actuellement en France par de grandes organisations industrielles publiques et, en particulier, celles qui sont en charge du transport ferroviaire et de la fourniture d’électricité.</p>
<p>La maintenance est une activité plus complexe qu’il n’y parait. Elle vise à maintenir dans le temps ou à remettre en état des matériels variés afin « qu’ils continuent à fonctionner comme avant ». Elle comporte des opérations préventives (entretien, réglage, remplacement des pièces usées) et des opérations curatives d’analyse et de résolution des pannes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un technicien devant le train qui a déraillé à Brétigny-sur-Orge (Essonne), en juillet 2013" src="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le 12 juillet 2013, le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne) faisait 7 morts et 70 blessés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gare-de-Br%C3%A9tigny-sur-Orge_-_2013-07-13_A_-_IMG_9920.jpg">Poudou99/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les organisations à risque comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-nucleaire-115966">nucléaire</a>, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/aeronautique-30518">aéronautique</a> ou le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-ferroviaire-51912">transport ferroviaire</a>, le maintien de la fiabilité des installations reste crucial. La littérature internationale en sociologie du travail, en gestion et en ergonomie souligne le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2003-2-page-161.htm">rôle bénéfique du collectif de travail</a>, ainsi que le <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-2-page-129.htm">rôle primordial de l’expérience pratique</a> des agents de maintenance, en particulier pour le repérage et le signalement des anomalies.</p>
<p>La transmission de connaissances tacites aux nouveaux embauchés et l’entraide entre les plus expérimentés et les débutants constituent un facteur clef d’une bonne maintenance, de même qu’un équilibre entre les contrôles et prescriptions imposées par la hiérarchie et la part d’initiative laissée aux gens de métier qui sont au contact direct des installations.</p>
<h2>Les sept facteurs de la crise</h2>
<p>Les trois articles publiés dans les <em>Annales des Mines</em> convergent vers un diagnostic inquiétant : en 2023, en France, la maintenance des installations industrielles à risque traverse une crise que l’on espère temporaire, ce qui suppose un important effort d’autocritique des organisations concernées, un changement de conception de la maintenance, et des investissements dans le matériel, l’organisation du travail et la formation du personnel.</p>
<p>Cette crise s’est développée depuis plus de 20 ans sous l’effet combiné de sept facteurs :</p>
<ul>
<li>La lutte contre les déficits publics ainsi que des processus plus ou moins avortés de privatisation ont entrainé des coupes budgétaires en vue d’attirer de nouveaux actionnaires.</li>
</ul>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Âge des caténaires 1500V (réseaux Sud-Est et Sud-Ouest de la SNCF). LGV : ligne à grande vitesse ; UIC 2 à 4 : grandes lignes nationales ; 5 et 6 : lignes intercités régionales ; 7 à 9 : petites lignes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">Auteur</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Les entreprises en voie de privatisation ont cessé d’investir et les équipements sont devenus peu à peu vétustes. Les installations sont maintenant utilisées bien au-delà de la date initialement prévue pour leur remplacement. C’est le cas des centrales nucléaires, mais aussi des installations du chemin de fer. Par exemple, une majorité des caténaires 1500V sur les réseaux Sud-Ouest et Sud-Est ont plus de 80 ans !</p></li>
<li><p>Des tentatives répétées pour réduire les coûts de maintenance ont entrainé une réduction des effectifs et le recours massif à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sous-traitance-70429">sous-traitance</a>. On a souvent réduit la fréquence des inspections, alors même que la vétusté des installations demanderait au contraire une surveillance renforcée.</p></li>
<li><p>Les anciennes générations de techniciens et de contremaitres familiers des installations et capables de détecter les moindres anomalies sont parties à la retraite prématurément, sans pouvoir transmettre leur savoir aux jeunes générations.</p></li>
<li><p>Les nouveaux embauchés sont plus habiles devant un écran d’ordinateur que dans la confrontation directe avec les installations industrielles. Leur formation scolaire ne les a pas toujours bien préparés à comprendre le comportement des systèmes techniques, à observer et à se poser les questions pertinentes.</p></li>
<li><p>On accorde une confiance immodérée aux dispositifs de contrôle digitalisés et à distance, qui malheureusement n’enregistrent et ne mesurent que les pannes et les usures que l’on sait modéliser. Les détériorations insidieuses de systèmes techniques vieillissants passent inaperçues, car seuls des professionnels expérimentés et présents sur le terrain, au contact direct des installations, auraient pu les déceler.</p></li>
<li><p>Ce sont les services achats qui établissent les cahiers de charges que devront respecter les sous-traitants chargés de la maintenance. Or, ces services n’ont souvent plus une connaissance technique suffisante des installations à maintenir. Le cahier des charges qu’ils rédigent peu donc être incomplet, ou inadapté. Pourtant, le sous-traitant doit le respecter à la lettre sous peine de pénalités financières et autres sanctions. Dans la peur de perdre son client, le sous-traitant fait ce qu’on lui a demandé et rien que ce qu’on lui a demandé, même si ce n’est pas la maintenance qu’il faudrait ! Faute d’interlocuteurs techniquement compétents et disponibles du côté du donneur d’ordre, il ne parvient plus à établir le nécessaire dialogue et la nécessaire coopération autour d’objets techniques fragiles, qu’il s’agit de bien connaitre, d’entretenir, de préserver et même « d’aimer » comme le disaient les cheminots d’autrefois, parlant de leurs locomotives.</p></li>
</ul>
<p>La combinaison de ces sept facteurs se traduit par une multiplication des incidents, des pannes, et des arrêts de production. En France, le nombre d’accidents recensés par Eurostat est ainsi reparti à la hausse en 2021 dans le secteur ferroviaire, tranchant avec la décrue observée chez certains de nos voisins.</p>
<p><iframe id="nipP7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nipP7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>« Toujours moins d’interventions humaines »</h2>
<p>Comme le souligne Pierre Messulam, ancien directeur délégué pour la gestion des risques et la sécurité à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a>, il est a craindre que les directions des entreprises concernées placent une confiance excessive dans le recours aux experts en système d’information et dans la digitalisation, comme solution à tous les problèmes de la maintenance.</p>
<p>Interrogé dans le cadre de nos recherches, il affirme :</p>
<blockquote>
<p>« Les solutions actuellement préconisées sont largement l’expression du point de vue des financiers et des experts en systèmes d’information. Toujours plus de capteurs pour mesurer l’état des installations, toujours plus de données quantifiées, toujours moins d’interventions humaines. Le traitement statistique des big data est supposé fournir une solution à la fois plus précise, plus efficace, et moins coûteuse que la maintenance classique à base de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/savoir-faire-79473">savoir-faire</a> humain. Non seulement on met des capteurs partout, mais l’on croit n’avoir plus besoin de faire autant d’observations directes ni de s’interroger sur ce qu’il convient de mesurer. Le big data et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle</a> seraient la solution. Les corrélations calculées sont censées fournir automatiquement la liste des mesures à prendre, en enjambant l’étape de l’observation et de la modélisation. »</p>
</blockquote>
<p>Or, les outils de métrologie et de modélisation saisissent imparfaitement le réel. Les écrans d’ordinateur ne montrent que des corrélations entre des données. Et un cahier des charges, même très précis, ne peut pas dire tout ce qu’il faut faire pour que ça marche. Seule l’intelligence collective d’équipes de professionnels stables et bien formés est, et restera le secret d’une maintenance réussie.</p>
<p>Au bilan, la conjonction de transitions économiques, démographiques et techniques mal anticipées et mal gérées, aussi bien par le système éducatif que par les services publics de transport et d’énergie, ont conduit à une perte de savoir-faire. En même temps, un nouveau type d’éducation des jeunes générations apparaît, qui ne les prédisposerait guère à comprendre des réalités industrielles qui supposent un engagement sur le terrain et un contact direct avec la matière.</p>
<p>Les vieux agents de maitrise et techniciens partis à la retraite, il existerait une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2016-4-page-74.htm">rupture entre générations aux lourdes conséquences</a> sur l’efficacité du travail comme a pu le constaté la chercheuse Nathalie Jeannerod-Dumouchel en 2016 dans sa thèse sur les changements de générations à ERDF, structure en charge du réseau électrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Villette ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le recours de plus en plus important à la sous-traitance, l’automatisation, les coupes budgétaires ou encore le vieillissement du matériel multiplie aujourd’hui le risque d’accident ferroviaire.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091172023-07-05T16:29:32Z2023-07-05T16:29:32ZDix ans après la catastrophe de Lac-Mégantic, qu’est-ce qui a changé ?<p>Dans la nuit du 6 juillet 2013, <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/rapports-reports/rail/2013/r13d0054/r13d0054-r-es.html">un train fou transportant 72 wagons-citernes remplis d’un pétrole très volatile déraille à Lac-Mégantic</a>, une petite ville du sud-est du Québec. L’explosion, qui incinère le centre-ville, tue 47 personnes et fait 26 orphelins, en plus de déverser sur la ville six millions de litres de pétrole.</p>
<p>« <a href="https://echodefrontenac.com/2013-07-08/2419-la-ville-des-ames-en-peine">Les explosions en chaîne et un bruit sifflant de gaz qui s’échappent de partout donnent à la scène des allures de fin du monde. Au centre-ville, l’enfer recrache toutes ses entrailles </a>», écrivait le rédacteur en chef de L’Écho de Frontenac au surlendemain de la pire catastrophe ferroviaire depuis plus d’un siècle.</p>
<p>Comme je l’explique dans mon livre, <a href="https://editionsfides.com/products/enquete-sur-la-catastrophe-de-lac-megantic"><em>Enquête sur la catastrophe de Lac-Mégantic : quand les pouvoirs publics déraillent</em></a>, cette tragédie découle de quatre décennies de déréglementation, de privatisation, de réductions d’impôts et de mesures d’austérité qui ont érodé la sécurité des transports. Par un processus dit de « captation réglementaire », les compagnies ferroviaires ont renforcé leur pouvoir.</p>
<p>Par euphémisme, on parlait de ce transfert de responsabilité vers les compagnies comme d’un processus de « corégulation » ou de « partenariat », mais il s’agissait en fait d’autorégulation.</p>
<h2>Le pétrole par rail</h2>
<p><a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/rail/2014/rail_2.html">Entre 2009 et 2013, le transport de pétrole par rail au Canada est passé de 500 wagons-citernes par an à 160 000.</a> Mais malgré ce danger croissant, les capacités de contrôle du <a href="https://tc.canada.ca/fr/marchandises-dangereuses/transport-marchandises-dangereuses-canada">Programme de transport des marchandises dangereuses</a> du gouvernement fédéral n’ont pas suivi. Ainsi, sur la même période, le nombre de wagons-citernes par inspecteur a augmenté de 14 à 4 500.</p>
<p>Le lobby ferroviaire et ses alliés du secteur pétrolier ont convaincu le législateur que des règles de sécurité supplémentaires étaient superflues. Malgré une forte opposition, notamment chez Transports Canada, ils ont même obtenu que les trains des marchandises dangereuses puissent circuler avec <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2014/04/04/lacmgantic_disaster_railways_oneman_crew_documents_kept_secret.html">un seul membre d’équipage</a>.</p>
<p>La <a href="https://montrealgazette.com/news/local-news/mma-workers-feared-a-catastrophe-document-shows">Montreal, Maine & Atlantic (MMA)</a> a été la première compagnie ferroviaire à s’en prévaloir. Cette entreprise, dont le bilan de sécurité était médiocre, pouvait traverser Lac-Mégantic avec d’énormes volumes de pétrole de schiste. Et l’équipage minimaliste conduisait des locomotives en mauvais état roulant sur des voies mal entretenues.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un gilet de sécurité orange regarde la locomotive d'un train rouge, blanc et bleu portant l'inscription MMA sur son flanc." src="https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un conducteur de la Montreal, Maine & Atlantic inspectant sa locomotive à Farnham, au Québec quelques jours après la catastrophe.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qui plus est, la MMA utilisait des wagons-citernes DOT-111 <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/danger-tracks-unsafe-rail-cars-carry-oil-through-us-towns-flna8c11082948">conçus à l’origine pour transporter de l’huile de maïs</a>. Or, depuis des années, les agences canadienne et américaine de sécurité des transports levaient le drapeau rouge contre l’utilisation ce type de wagon-citerne pour le transport pétrolier.</p>
<p>Devant cette combinaison de manquements réglementaires et de négligence corporative, tout était en place pour une tempête parfaite.</p>
<h2>Qui sont les responsables ?</h2>
<p>Suite à la catastrophe de Lac-Mégantic, trois cheminots ont <a href="https://www.ledevoir.com/societe/518053/lac-megantic-non-coupables-tranche-le-jury">été inculpés criminellement puis acquittés</a>, mais aucun haut fonctionnaire, ni politicien, ni dirigeant d’entreprise, ni administrateur, ni propriétaire n’a été inquiété par la justice. Et malgré les demandes de la communauté, aucun gouvernement n’a tenu une <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rgd/2018-v48-rgd03744/1047375ar/">commission d’enquête indépendante</a>.</p>
<p>Les poursuites civiles, y compris une action collective intentée au nom des habitants de la ville, ont abouti en 2015 à un règlement hors cour. Les 24 défendeurs, y compris le gouvernement fédéral, ont constitué <a href="https://www.journaldequebec.com/2015/12/22/lac-megantic-460-millions--dans-le-fonds-de-reglement-1">un fonds d’indemnisation de 460 millions de dollars</a>. Cette entente les protège désormais contre tout autre recours.</p>
<p>Un seul défendeur, le Canadien Pacifique – qui avait organisé le transport de la cargaison fatale entre le Dakota du Nord et le Nouveau-Brunswick – a refusé de participer à ce règlement.</p>
<p>Finalement, en décembre 2022, la Cour supérieure du Québec a statué que cette compagnie ferroviaire <a href="https://theconversation.com/accidents-ferroviaires-la-securite-du-public-victime-de-la-dereglementation-200808">ne pouvait être tenue responsable</a> – une décision actuellement en appel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois hommes menottés marchent en file indienne" src="https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois employés de la MMA avant leur comparution au tribunal de Lac-Mégantic en mai 2014. Le jury les a blanchis en janvier 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les contrecoups de la catastrophe</h2>
<p>La crainte d’un nouveau déraillement continue d’inquiéter les habitants de cette communauté. Ils vivent avec les répercussions économiques, sanitaires et environnementales de la catastrophe, alors que rien n’a changé.</p>
<p>De jour comme de nuit, les trains de marchandises dangereuses grondent encore à travers la ville. Toujours plus longs et plus lourds, ils continuent d’emprunter le virage serré au pied de la pente abrupte, là où le train fatidique avait déraillé. Et ils emploient toujours les mêmes vieux wagons-citernes DOT-111, ou des versions légèrement améliorées.</p>
<p>Seule concession : les trains traversant la ville ne peuvent plus transporter uniquement du pétrole.</p>
<p>Mais malgré la <a href="https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/782417/la-population-de-frontenac-aurait-rejete-le-projet-de-voie-de-contournement-de-lac-megantic">promesse d’une voie de contournement</a> propriété du Canadien Pacifique et financée par le gouvernement fédéral, la construction n’a toujours pas commencé en raison <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-01-07/le-projet-de-voie-de-contournement-de-lac-megantic-divise.php">des divisions quant au tracé</a>.</p>
<p>Il s’en faudra certainement de plusieurs années encore, car les futurs expropriés du nouveau tracé se considèrent comme les dernières victimes du désastre.</p>
<p>Entre-temps, une catastrophe similaire demeure possible, car les organismes de réglementation et de surveillance manquent toujours cruellement de moyens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Les pompiers regardent les nuages de fumée noire et l'arrière d'un wagon au milieu de la route." src="https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3058%2C2227&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une fumée opaque s’élève des wagons qui transportaient du pétrole brut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des problèmes de sécurité persistants</h2>
<p>C’est ainsi que les <a href="https://unioncte.ca/transportation-safety-management-systems-still-not-right/">systèmes de gestion de la sécurité (SGS)</a> de Transports Canada continuent de figurer sur la Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports (BST). Cette Liste signale « les principaux enjeux de sécurité posant les plus grands risques pour le système de transport canadien ».</p>
<p>La dernière <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/multi-modal/2018/multimodal-01.html">Liste de surveillance, en 2022,</a> notait que les SGS des compagnies ferroviaires « ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques ».</p>
<p>De plus, le gouvernement fédéral peine à percer le « secret commercial » qui voile les activités des entreprises. Sur ce plan, les lois canadiennes sur l’accès à l’information et la protection des dénonciateurs <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2018/09/28/canada-places-55th-in-global-freedom-of-information-law-rankings.html">sont particulièrement inefficaces à l’échelle internationale</a>.</p>
<p>La Liste de surveillance 2022 du BST conclut que les <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/rail/2022/rail-02.html">mouvements non planifiés ou non contrôlés de matériel ferroviaire</a>, y compris les trains hors de contrôle, continuent d’« engendrer des situations très risquées aux conséquences potentiellement catastrophiques ».</p>
<p>Ainsi, Transports Canada n’a toujours pas rendu obligatoire l’installation de <a href="https://www.desmog.com/2023/03/08/railroad-industry-ecp-brakes-safety-derailment-ntsb-fra-east-palestine-ohio/">systèmes de freinage modernes</a> susceptibles de prévenir les trains fous – une dépense que les compagnies ferroviaires refusent d’engager.</p>
<p>Et alors que la <a href="https://www.bst-tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/index.html">fatigue au travail figure clairement sur la Liste de surveillance du BST</a>, les employeurs résistent toujours à la mise en place d’horaires de travail et de périodes de repos conformes aux données probantes.</p>
<h2>L’occasion d’un changement</h2>
<p>Lac-Mégantic hante toujours le transport ferroviaire sur le continent.</p>
<p>Un rapport sur le transport des marchandises dangereuses publié en 2020 par le <a href="https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_cesd_202010_01_f_43641.html">commissaire à l’environnement du Bureau du vérificateur général</a> faisait cette mise en garde : « La possibilité qu’une catastrophe semblable à celle de Lac-Mégantic se reproduise existe toujours. »</p>
<p>Seule une <a href="https://lorimer.ca/adults/product/corporate-rules-the-real-world-of-business-regulation-in-canada/">réglementation plus stricte et mieux appliquée</a> peut réduire ce risque.</p>
<p>Pour paraphraser le philosophe italien Antonio Gramsci, devant l’immense pouvoir d’inertie du statu quo, la seule chose à faire est de ne pas renoncer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209117/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruce Campbell est affilié à plusieurs organisations non gouvernementales : le Centre canadien pour les politiques alternatives, l'Institut Rideau pour les affaires internationales, le Groupe des 78</span></em></p>Peu de choses ont changé en matière de sécurité ferroviaire depuis la catastrophe de Lac-Mégantic, dans la campagne québécoise, il y a dix ans.Bruce Campbell, Adjunct Professor, Faculty of Environmental and Urban Change, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2080692023-06-20T17:39:40Z2023-06-20T17:39:40ZClimat : le casse-tête de la « stratégie nationale bas carbone »<p>Le 22 mai dernier, la Première ministre Élisabeth Borne annonçait que la « stratégie nationale bas carbone » (SNBC), la feuille de route fixant les trajectoires d’émission du pays d’ici 2050, était en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/23/planification-ecologique-elisabeth-borne-affiche-son-volontarisme-malgre-un-plan-sans-mesures-concretes_6174414_823448.html">cours de révision</a>. L’actuelle feuille de route, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf">« SNBC-2 »</a> pour les initiés, arrive en effet à expiration en décembre 2023. La « SNBC-3 » doit désormais s’aligner sur nos engagements européens : en décembre 2020, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne (UE)</a> avait porté son objectif de réduction d’émission de gaz à effet de serre <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/ajustement-lobjectif-55-conseil-adopte-des-orientations-generales-relatives-aux-reductions">à 55 % entre 1990 et 2030</a>, contre 40 % antérieurement.</p>
<p>Une sacrée marche d’escalier à franchir en 7 ans seulement.</p>
<h2>Multiplier par trois le rythme de baisse des émissions</h2>
<p>L’objectif de 55 % s’applique à l’ensemble des gaz à effet de serre, transports internationaux inclus. Il concerne les émissions nettes des absorptions de CO<sub>2</sub> par les changements d’usage des terres, mesurées par les <a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">inventaires nationaux. Il</a> doit être atteint sans utilisation de crédits carbone internationaux.</p>
<p>La contrainte porte donc sur les émissions brutes qui doivent être réduites et sur la capacité d’absorption du carbone atmosphérique qui doit être renforcée. Commençons par l’examen des émissions brutes.</p>
<p>Depuis 1990, ces émissions ont reculé d’un quart. La totalité de la baisse a été obtenue entre 2005 et 2022. D’une année à l’autre, ces émissions subissent des fluctuations pouvant être importantes. Sur la période 2005-2022, elles suivent une tendance, robuste au plan statistique, et indépendante des alternances politiques : une baisse annuelle de 1,8 %, ou encore de 8,5 mégatonnes (Mt) d’équivalent CO<sub>2</sub> par an.</p>
<p>La prolongation de cette tendance conduirait à des émissions de 340 Mt d’équivalents CO<sub>2</sub> en 2030. Or, la cellule de planification écologique rattachée à la Première ministre estime qu’il faudrait <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/06/70271d2b861fd93577b32511f41998aa6f1b8e19.pdf">viser 270 Mt pour être en phase avec l’objectif européen</a> du -55 %. Pour combler l’écart en 7 ans, il faut donc, non pas doubler comme cela est souvent affirmé, mais tripler le rythme de l’effort : passer d’une baisse annuelle de 1,8 % à 5 % ou encore de 8,5 Mt à 17,5 Mt par an.</p>
<p><iframe id="k4EqC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/k4EqC/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la France n’émet plus que 270 Mt d’équivalent CO<sub>2</sub> en 2030, elle n’aura pas réduit ses émissions de 55 % mais de 48 % relativement à 1990. La transposition nationale de l’objectif européen s’effectue en effet via un double mécanisme.</p>
<p>La grande majorité des émissions de l’industrie et du secteur de l’énergie sont directement régulées par le système européen d’échange des quotas de CO<sub>2</sub>. Pour cette catégorie d’émission, la contrainte est mutualisée au niveau européen et il n’y a pas d’obligations nationales spécifiques.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour les autres émissions, principalement localisées dans les secteurs du transport, de l’agriculture, des bâtiments et des déchets, le passage de l’objectif européen aux objectifs nationaux s’effectue via un règlement dit du « partage de l’effort ». Au titre de ce partage, la France doit réduire de 47,5 % les émissions de ces secteurs <a href="https://theconversation.com/climat-le-quinquennat-de-la-bifurcation-ecologique-184517">d’ici 2030</a>, relativement à 2005. L’un des plus gros travaux de la SNBC consiste à répartir cet objectif de réduction par secteur et par agent économique.</p>
<h2>Qui réduit quoi ?</h2>
<p>Une façon de hiérarchiser les actions à engager consisterait à utiliser le critère du coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée : s’il en coûte 20 euros de réduire les émissions par l’action A et 100 euros par l’action B, on abat avec la même mise initiale cinq fois plus d’émissions en retenant l’action A plutôt que l’action B. Il serait dommage de s’en priver.</p>
<p>Conduit sous l’autorité de l’économiste <a href="https://theconversation.com/profiles/patrick-criqui-214642">Patrick Criqui</a>, un <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2023-note_de_synthese-les_couts_abattement_en_france-mai_2023.pdf">travail</a> important a été réalisé pour cerner ces coûts par secteur d’activité. Cette boite à outils semble relativement peu utilisée dans les arbitrages proposés par la cellule de planification écologique de Matignon. Les potentiels de réduction sont estimés par des méthodes technico-économiques s’adaptant aux caractéristiques propres à chaque secteur.</p>
<p>Représentant à lui seul un tiers des émissions nationales, le secteur des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-21575">transports</a> cristallise bien le casse-tête de la réévaluation de la SNBC. En 2022, les émissions du transport ont été supérieures de 5 % à leur niveau de 1990, à comparer à une baisse d’un tiers dans l’ensemble des autres secteurs. Le projet de SNBC-3, préparé à Matignon, vise une baisse de 30 % entre 2022 et 2030. Comment y parvenir ?</p>
<p><iframe id="s8ZjE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s8ZjE/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les deux leviers principaux identifiés sont l’électrification des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-routier-23711">transports routiers</a> et le transfert modal vers le <a href="https://theconversation.com/au/topics/rail-51871">rail</a>. Ils exigent l’un et l’autre des investissements conséquents qui n’auront qu’un effet limité d’ici 2030 : il faut du temps pour électrifier les parcs existants de véhicules et encore plus pour réaliser les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">infrastructures ferroviaires</a> permettant de reprendre du trafic à la route.</p>
<p>Pour viser une baisse de 30 % d’ici 2030, il convient donc d’agir simultanément sur la demande en actionnant des leviers qui ont un impact plus rapide sur les émissions : réduire les déplacements superflus, élargir la pratique du co-voiturage, favoriser les transports en commun et la mobilité douce, limiter la vitesse des déplacements sur route et autoroute.</p>
<p>Ces leviers, dits de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sobriete-35704">« sobriété »</a>, renvoient aux usages que font les citoyens des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/infrastructure-22982">infrastructures</a> existantes. Ces usages sont impactés par les prix et les contraintes budgétaires des ménages, mais pas seulement. En 2022, le gouvernement a subventionné les prix de l’énergie avec le fameux <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6524161">« bouclier tarifaire »</a>. Les effets ont été bien différents sur la consommation d’électricité et de gaz des ménages pour lesquels les messages de sobriété ont été entendus et sur les carburants dont la consommation a nettement progressé en l’absence de tels messages.</p>
<h2>Équation économique</h2>
<p>Ce partage entre actions sur la demande et sur l’offre est important pour l’évaluation des impacts économiques de la feuille de route climatique. Dans leur <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf">rapport</a> remis à la Première ministre sur la question, les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz retiennent l’hypothèse que 15 % des réductions d’émission sont obtenues grâce à la sobriété. <a href="https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese-scenario-negawatt-2022.pdf">D’autres scénarios</a>, comme celui élaboré par l’association Negawatt, misent plutôt sur 33 %.</p>
<p>Cette hypothèse est cruciale pour le calcul des investissements requis pour mettre en œuvre la SNBC. Une partie des réductions d’émission résultant de la sobriété n’exige en effet pas ou peu d’investissements additionnels. Mais la sobriété ne se décrète pas. Elle implique une adhésion citoyenne, difficile à obtenir quand le contexte social est dégradé.</p>
<p>Un enseignement important du rapport est que le supplément d’investissement requis par la transition, estimé à un peu plus de 2 % du PIB, ne va pas doper la croissance. Il va se traduire par une baisse de la productivité apparente du capital. Ce point est essentiel : ce qui réduit les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emissions-de-co2-63765">émissions de CO₂</a>, ce n’est pas d’investir dans des sources décarbonées. C’est de désinvestir des sources fossiles en retirant ou reconvertissant le capital lié à la production ou l’utilisation de l’énergie fossile. La capacité productive n’est donc pas accrue par l’investissement bas carbone et il faut financer le désinvestissement en assurant les reconversions industrielles et professionnelles.</p>
<h2>Attention, carbone vivant !</h2>
<p>Pour viser la neutralité climat, il ne suffit pas d’opérer la transition énergétique en s’affranchissant de la dépendance à l’énergie fossile. Il faut opérer une seconde transformation systémique concernant les activités travaillant le « carbone vivant » : l’agriculture, la forêt, la gestion des déchets organiques. Nous y sommes très mal préparés.</p>
<p>Dans le projet de SNBC-3, la baisse attendue des <a href="https://theconversation.com/faut-il-demander-aux-agriculteurs-de-compenser-leurs-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-135220">émissions agricoles</a>, deuxième secteur émetteur après le transport, est bien plus modeste que celles visées dans les autres secteurs. Elle résulte plus d’aménagements incrémentaux que de l’amorce d’une transition systémique conduisant à basculer vers des modèles agricoles reposant sur la diversité du vivant pour produire de façon résiliente et intensive à l’hectare. Or, c’est bien d’un changement de système dont a besoin l’agriculture pour réduire ses émissions spécifiques et contribuer à la protection du puits de carbone national en protégeant ses sols vivants pour stocker du CO<sub>2</sub>.</p>
<p><iframe id="1lvq7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1lvq7/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Car l’évolution la plus inquiétante des dix dernières années ne concerne pas l’insuffisance de la baisse des émissions, mais la perte de capacité de stockage du CO<sub>2</sub> atmosphérique par le milieu naturel. Si la superficie forestière continue d’augmenter, la croissance des arbres subit les effets conjugués des sécheresses, des intempéries, des incendies et de la remontée des maladies et des parasites. Résultat : la capacité du puits de carbone national a été divisée par trois depuis 2005.</p>
<p>La récente régulation européenne assigne à la France l’objectif d’absorber 34 Mt de CO<sub>2</sub> atmosphérique en 2030, alors que seulement 17 Mt l’ont été en 2022. Ce sera le principal casse-tête de la prochaine SNBC : comment multiplier par deux la capacité d’absorption du puits de carbone national alors que nous l’avons divisée par trois sur les quinze dernières années ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne, la France doit notamment tripler ses efforts en matière de réductions des émissions de CO₂ d’ici 2030.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044972023-06-11T16:17:24Z2023-06-11T16:17:24ZMobilité : les papy-boomers dans une impasse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530103/original/file-20230605-27-ef72ll.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C6526%2C4288&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La génération des 'baby-boomers' s'est habituée à la voiture comme mode de déplacement privilégié au risque d'en devenir complètement dépendant, au détriment de transports collectifs, dont l'usage, avec le tout numérique, est devenu parfois trop complexe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-voiture-vehicule-senior-6647024/">rdne stock project/pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les mêmes raisons démographiques qui ont fait de la France un pays jeune au sortir de la guerre en font mécaniquement un pays vieux jusqu’en 2045. Un Français sur quatre a aujourd’hui plus de 60 ans ; <a href="https://www.mobiliteinclusive.com/wp-content/uploads/2020/07/Article-RF-familles-face-au-grand-%C3%A2ge-Dreyfuss-003.pdf">ils seront un tiers en 2060</a>. L’année 2014 a été marquée par un tournant symbolique où les personnes de plus de 60 ans, en France métropolitaine, sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/3353488/TEF2018.pdf">devenues plus nombreuses</a> que les moins de 20 ans. Sans nier la persistance de situations de pauvreté, ces désormais « papy-boomers » qu’on qualifie parfois aussi « d’enfants gâtés des trente glorieuses », ont bénéficié d’une mobilité sociale ascendante dans l’ensemble. Mais qu’en est-il de leur mobilité quotidienne ?</p>
<h2>Une méconnaissance des alternatives à la voiture</h2>
<p>Les premiers résultats d’une <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/mobilite-personnes-agees-territoire-metropole-lille-cerema">enquête longitudinale</a> sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées. Notre enquête pointe une méconnaissance des alternatives à la voiture dont la maîtrise pourrait pourtant s’avérer utile dans un avenir proche. Comment mieux accompagner les seniors dans l’anticipation de leurs mobilités quotidiennes sans voiture ?</p>
<p>On distingue en sociologie les notions de strate d’âge et de groupe d’âge de celle de génération. La première permet de différencier la succession des étapes physiologiques qui constituent un parcours de vie ; la seconde désigne l’ensemble des personnes appartenant à une même tranche d’âge à un instant T. Quant à la <a href="https://www.puf.com/content/Vieillir_apr%C3%A8s_la_retraite">notion de génération</a>, elle <a href="https://journals.openedition.org/lectures/612">« met davantage l’accent sur le partage d’une même vision du monde du fait d’une socialisation commune »</a> au sein d’une cohorte. </p>
<p>Pour les personnes qui font partie de la génération du baby-boom, la liberté individuelle est placée haut dans la <a href="https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211">hiérarchie des valeurs</a>. Ainsi, l’automobile, conduite par toutes et tous, largement démocratisée après-guerre, a-t-elle tenu lieu d’emblème pour cette génération.</p>
<p>Les enquêtés le formulent en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« À l’époque [dans les années 60] c’était LA voiture. Ça donnait l’espace de liberté, ça nous permettait aussi d’élargir notre champ d’action… ce que font les jeunes aujourd’hui avec les avions. Moi, je faisais des rallyes. J’ai pratiquement fait 1 million de kilomètres en voiture, à raison de 50 000 km par an. J’ai eu pas mal de véhicules. » (M. A., 78 ans, Lille)</p>
<p>« Les années 60 étaient des années exceptionnelles, c’était quand même autre chose par rapport à la liberté, l’insouciance. Je plains les jeunes d’aujourd’hui. Déjà mes filles c’était déjà plus pareil. La voiture, c’est vraiment : faire ce que je veux, quand je veux, aller où j’ai envie, pas de contrainte. » (Mme B, 75 ans, Lille)</p>
<p>« Notre génération c’était en plein… la découverte de la voiture. Nos parents n’ont pas connu cette explosion. On est en plein dedans. L’utilisation de l’automobile nous a permis d’être très indépendants, très libres par rapport aux générations antérieures. » (Mme E., 75 ans, Roncq)</p>
</blockquote>
<h2>Le piège de l’indépendance à tout prix</h2>
<p>L’ascension sociale des « papy boomers » a permis à plusieurs d’entre eux d’accéder à la propriété et d’assouvir leurs rêves pavillonnaires, parfois isolés dans des territoires périurbains exclusivement accessibles en voiture. Mais, à trop espérer continuer à conduire, les baby-boomers se fourvoient-ils dans une impasse qu’ils contribuent eux-mêmes à refermer ?</p>
<p>Sur la métropole lilloise, <a href="https://data.progedo.fr/studies/doi/10.13144/lil-1152">nos données</a> montrent qu’entre 2006 et 2016, la baisse de la mobilité à pied, avec transfert vers la voiture, est nette chez les seniors, y compris pour des déplacements courts.</p>
<p>En 2016, les métropolitains âgés de 55 ans et plus (près de 300 000 personnes) réalisent chaque jour 120 000 déplacements en voiture de plus qu’en 2006 (+ 30 % d’augmentation). Cela s’expliquerait par le poids démographique plus important des « 55 ans et plus » (+ 9 %), leur mobilité en augmentation (+ 6 %) et leur utilisation plus forte de la voiture (dont la part modale gagne 11 %). Ils réalisent plus de 6 déplacements sur 10 en voiture (62 %), c’est au-delà de la <a href="https://participation.lillemetropole.fr/processes/concertationplandemobilite">moyenne des métropolitains (57 %)</a>. La perspective d’une politique publique de mobilité durable ciblant explicitement les seniors justifie notre enquête.</p>
<h2>Les personnes âgées captives de la voiture</h2>
<p>L’image d’Épinal de personnes âgées « captives » de la marche et des transports en commun est surannée sinon trompeuse. Les nouvelles personnes âgées sont plutôt devenues « captives » de leurs déplacements en voiture.</p>
<p>Certaines personnes sont évidemment adeptes – plus ou moins souvent – de la marche et des transports en commun. Notamment, des femmes n’ayant pas le permis ou ayant définitivement laissé le volant à leur conjoint. Mais nous constatons que plusieurs personnes refusent d’envisager des alternatives à la voiture aussi longtemps que leurs capacités de conduire le leur permettent.</p>
<p>Pour beaucoup, les transports en commun sont en effet synonyme d’âgisme : sentir le regard des autres sur son rythme de marche plus lent, à la moindre hésitation face à un automate ou en cas d’incapacité à rester debout longtemps. Elle se double d’un sentiment général d’insécurité largement suscité par le manque de propreté du métro et le risque de bousculades.</p>
<h2>Réapprendre à se déplacer sans voiture</h2>
<p>Nous faisons ainsi face à une impréparation des seniors à se tourner vers les transports en commun quand ils ne les prennent plus depuis longtemps. Cela supposerait d’en réapprendre les rudiments de fonctionnement. Or, les compétences requises pour prendre les transports en commun ont fortement évolué.</p>
<p>Certains de nos enquêtés regrettent qu’il faille désormais disposer d’un smartphone et de l’application en ligne pour consulter le plan du réseau, être informé d’un retard ou d’une déviation de ligne ; ils regrettent le temps des tickets en cartons qu’il suffisait de compter contrairement à la carte magnétique qui ne « dit » pas facilement combien de titres elle contient encore ni leur date de validité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Jour de grève RER A" src="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Retards sur les lignes, grèves, usage de billets électronique, sentiment d’insécurité, foule : de nombreux facteurs découragent les plus âgés à prendre les transports en commun.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/4193632442">Jean-Pierre Dalbéra/WIkimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils expliquent ne pas bien faire la différence entre « abonnement » et « carte individuelle » et leurs propos trahissent leur perplexité face aux <a href="https://www.ilevia.fr/fr/18-les-offres-65-ans-et-">10 tarifs d’abonnement différents proposés rien qu’aux 65 ans et + par Ilévia</a> (le délégataire du service public de transport sur la métropole lilloise).</p>
<h2>Des ateliers dédiés</h2>
<p>Des ateliers de réapprentissage des transports en commun à destination de seniors faisant un usage exclusif de leur voiture voient le jour pour faire face à ce nouveau phénomène. Ils demeurent cependant peu nombreux. L’association <a href="https://compagnons.com/">Les Compagnons du voyage</a>, à Paris, ou <a href="https://www.ate-ge.ch/">ATE</a>, à Genève, offrent par exemple ce genre de services. À Lille, un organisme comme <a href="https://www.admr.org/aide-et-accompagnement-domicile">l’association ADMR</a> pourrait se montrer compétent également.</p>
<p>La pratique de la marche est très liée à la préférence pour les transports en commun (qui y invite) ou pour la voiture (qui la décourage). Chez les seniors, nous constatons que la marche reste valorisée, à défaut d’être pratiquée. Pour les personnes valides, elle s’envisage y compris sur des distances relativement longues (de l’ordre du kilomètre) pour garder la santé.</p>
<p>Il y aurait matière à innover en créant de vastes réseaux de trottoirs larges et aménagés de bancs qui relieraient villes, bourgs et villages, jusque dans les territoires périurbains. L’impréparation des seniors à remplacer leur mobilité automobile par la marche est surtout remarquable en ce qui concerne le transport de charges lourdes. Malheureusement, à moins qu’elles en aient fait l’acquisition tôt, plus les personnes vieillissent, plus elles renâclent à se doter de chariots à roulettes qu’elles jugent souvent stigmatisants.</p>
<h2>Valoriser l’autopartage et le covoiturage</h2>
<p>L’impréparation aux alternatives à la voiture solo concerne aussi l’autopartage. Déjà largement possesseurs de véhicules, les seniors interrogés ne voient pas quel pourrait être leur intérêt de s’impliquer dans un système d’autopartage.</p>
<p>C’est pourtant une excellente façon de réduire progressivement son usage de la voiture. L’autopartage convient en effet aux personnes qui parcourent peu de kilomètres, qui ont peu d’occasions d’utiliser la voiture, pour qui l’amortissement et l’assurance d’un véhicule deviennent démesurés ; des personnes qui accordent de l’importance à rouler avec des véhicules bien entretenus et pour qui la garantie du stationnement gratuit (en station) est un plus. Si les seniors répondent tout à fait à ce profil d’usager, ils en méconnaissent souvent l’existence et admettent accorder de l’importance à la propriété de leur véhicule.</p>
<p>Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a mis un coup d’arrêt aux mobilités collaboratives en général, au covoiturage en particulier. Le covoiturage suscite une opinion positive chez les baby-boomers à qui elle rappelle le stop, dont certains parlent avec nostalgie, favorables à l’idée d’un service qui vient en aide à des personnes non motorisées et plus jeunes.</p>
<p>Aux États-Unis, L’<a href="https://www.itnamerica.org/about">Independent Transportation Network</a>) (ITN) est un réseau fédéral de conducteurs volontaires pour les personnes âgées et malvoyantes basé sur un système de crédits cumulables et s’appuyant sur la solidarité intergénérationnelle entre 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> âge. Il contribue à l’anticipation par les seniors d’un avenir moins autonome, le conducteur d’hier se préparant sans difficulté à devenir le passager de demain. En France, il conviendrait sans doute d’imaginer aussi des systèmes de covoiturage d’entraide entre jeunes seniors (encore actifs) et personnes du quatrième âge (plus dépendantes) éventuellement selon les principes des <a href="https://www.jstor.org/stable/40989995">systèmes d’échanges locaux</a>).</p>
<h2>Tenir compte du handicap</h2>
<p>L’impréparation la plus flagrante, enfin, concerne la mobilité en situation de handicap. En France, on utilise encore volontiers la voiture quand, à l’étranger, on adopte des véhicules adaptés à situation de handicap équivalente. En Grande-Bretagne et de façon générale <a href="https://www.neurotech.org.nz/resources/publications/85/Sullivan_The_New_Zealand_Medical_Journal_2014.pdf">dans le monde anglo-saxon,</a> les chercheurs constatent l’essor des fauteuils roulants électrique (ou scooters) pour personnes âgées, appropriés pour des déplacements de quelques centaines de mètres quand on ne peut plus marcher.</p>
<blockquote>
<p>« Mon épouse a du mal à marcher. Même pour aller à 300 mètres, elle est trop essoufflée. Elle a fait un AVC il y a 15 ans et elle n’a plus beaucoup de résistance. Mais elle a toujours sa voiture. On a deux voitures ! Elle conduit au moins toutes les semaines, elle va faire une séance de kiné.
A-t-elle envisagé un fauteuil ? Non, elle se déplace avec sa canne… Et puis sinon, c’est moi qui suis chauffeur. » (M. M., 83 ans, Bondues).</p>
<p>« En France, il y a un remboursement de base pour le fauteuil électrique mais très vite, la Sécurité sociale considère que votre besoin relève du luxe. » (M. Ü, 69 ans, Marcq-en-Baroeul)</p>
</blockquote>
<p>Nos interlocuteurs méconnaissent ou renâclent à se déplacer en fauteuil ou tricycles (motorisés ou non) alors que ces véhicules pourraient pourtant répondre à certaines de leurs attentes. Étant donné <a href="https://www.google.com/search?client=firefox-b-e&q=scooter+for+elderly">leur prix</a>, sans doute qu’une meilleure prise en charge par la Sécurité sociale pourrait changer la donne.</p>
<h2>Anticiper devient une urgence</h2>
<p>Quant aux pratiques des deux-roues motorisés, du vélo et des trottinettes en ville, elles sont très largement impopulaires, jugées dangereuses tant pour soi que pour autrui et catégoriquement exclues. Militants mis à part, ces modes de déplacement sortent des champs du possible et ne constituent aucunement une alternative à l’usage de la voiture aux yeux des seniors.</p>
<p>Les processus de démotorisation liés à l’avancée en âge continuent – heureusement pour la sécurité routière – de se produire. Enfants et médecins sont autant de prescripteurs précieux pour convaincre et accompagner les personnes concernées. Mais l’arrivée des représentants de la génération du baby-boom dans les strates d’âges les plus élevées augure de difficultés supplémentaires. Si l’anticipation n’est pas suffisante, les ruptures de mobilité seront brutales et potentiellement douloureuses pour les personnes concernées.</p>
<hr>
<p><em>Pour le compte de la Métropole européenne de Lille, nous réalisons actuellement une enquête longitudinale sur la mobilité des seniors et ses évolutions sur la période 2020-2024. Cette enquête comporte un volet par quota (échantillon annuel de 1000 seniors de 65 ans et plus) ; un volet autoadministré auprès d’un panel de 243 personnes ; et un volet qualitatif par entretiens compréhensifs semi-directifs annuellement répétés auprès d’un panel diversifié de 27 ménages de plus de 65 ans.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Meissonnier n'a reçu aucun financement à titre personnel. La recherche à laquelle il contribue a tiré parti des données d'une étude co-financée par le CEREMA et la Métropole Européenne de Lille.</span></em></p>Les premiers résultats d’une enquête sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées, trop dépendantes à la voiture.Joël Meissonnier, Chargé de recherche en sociologie des transports et des pratiques de mobilité, CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062292023-06-06T19:54:48Z2023-06-06T19:54:48ZVéhicule autonome : l’essayer, ce n’est pas vraiment l’adopter…<p>Mercedes EQS, Tesla, Waymo (Google cars), les <a href="https://theconversation.com/topics/voiture-autonome-23710">véhicules autonomes</a> deviennent progressivement une alternative crédible aux véhicules que l’on connaît depuis toujours et augurent une transformation des <a href="https://theconversation.com/topics/mobilite-34776">mobilités</a>. Certes, ils sont encore loin d’être à la portée financière de tout le monde ; certes, la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/voitures-autonomes-la-conduite-sans-les-mains-autorisee-en-france-mais-extremement-encadree-5914962">réglementation</a> pose (encore ?) des restrictions à leur usage. Néanmoins, le stade d’avancement des projets et les perspectives d’avenir de ce mode de <a href="https://theconversation.com/topics/transport-21575">transport</a> suscitent un intérêt croissant de chercheurs issus de tous horizons : quelques <a href="https://www.scholars.northwestern.edu/en/publications/what-do-we-not-know-about-our-future-with-automated-vehicles">22 890 publications académiques</a> ont été recensées à ce sujet entre 2011 et juillet 2020.</p>
<p>Outre les travaux de sciences de l’ingénieur, les économistes ont interrogé leur effet sur la <a href="https://doi.org/10.1016/j.trc.2022.103641">valeur que l’on accorde au temps</a> ou la <a href="https://doi.org/10.1016/j.trc.2022.103641">propension à payer</a> pour voyager ainsi. D’autres, encore, ont posé un point de vue éthique à partir du <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/notre-epoque/20180622.OBS8582/dilemme-du-tramway-allez-vous-tuer-un-homme-pour-en-sauver-cinq.html">dilemme du tramway</a> qui questionne les comportements à suivre lorsque l’on doit choisir entre un drame ou un autre.</p>
<p>Cependant, peu d’<a href="https://theconversation.com/topics/experimentation-21976">approches expérimentales</a> ont été, à notre connaissance, adoptées. Notre idée a été d’observer comment 30 participants adultes aux profils variés se représentent l’objet avant et après l’avoir essayé. Ils se sont assis sur le siège traditionnellement dévolu au conducteur pour un trajet de 5 kilomètres sur une boucle d’environ un kilomètre sur le campus de l’École Centrale de Nantes, dans une Renault Zoé automatique. Le parcours a été dessiné sur route ouverte, partagée donc avec d’autres utilisateurs, et non sur un circuit test. La vitesse maximale était de 25 km/h. Ils ont pris place à bord avec un pilote de sécurité pouvant reprendre le contrôle à tout moment sur le siège passager (c’est une obligation légale en France) et un membre de l’équipe de recherche à l’arrière.</p>
<p>Que fait-on de son trajet lorsqu’il n’y a plus de volant à tenir ? Quelle est notre attitude vis-à-vis du véhicule ? Les réponses à ces questions, qu’a tenté d’apporter notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/03611981231155905">étude</a>, sont riches en indications quant à l’acceptation que peut trouver dans la société ce moyen de transport. Beaucoup de participants étaient, avant de monter à bord, plutôt excités, en confiance, peu stressés. Le tableau à la descente n’était plus tout à fait le même…</p>
<h2>Pas plus rassuré à l’arrivée qu’au départ, au contraire…</h2>
<p>Nous nous sommes tout d’abord intéressés au ressenti général des individus. Avant l’essai, l’attitude des participants pouvait être qualifiée globalement de positive. Sans doute y a-t-il un biais à ce niveau, dans la mesure où celles et ceux qui ont participé à l’expérience, volontaires, en avaient largement envie. Cette envie et cette excitation demeurent à l’arrivée malgré une hausse substantielle du stress et de la peur. En outre, 62 % des individus se disaient confiants au départ contre seulement 13 % après l’expérience. Ils sont également plus de deux fois plus à ressentir un stress en descendant qu’en montant.</p>
<p><iframe id="Lvdqu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Lvdqu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette baisse de la confiance se traduit par un rapport au véhicule bien plus hésitant. Non seulement il semble que l’on prend moins de plaisir à se laisser conduire par ces véhicules, mais encore on semble moins disposé à y embarquer des proches avec soi. Avant l’expérience, seulement 7 % des participants disaient ne pas être prêts à faire voyager leur famille par ce moyen quand 45 % l’étaient et 48 % hésitaient. Passé le trajet, les rapports s’inversent : moins de 7 % de personnes prêtes, 40 % d’hésitants et 53 % qui s’y refusent.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si l’expérience permet de convaincre que les véhicules autonomes représentent l’avenir (on passe de 10 % à 90 % de convaincus), elle fait diminuer la croyance en les capacités de ce nouveau moyen de transport : non, on ne pense pas qu’il solutionnera les problèmes de congestion ; non, on ne pense pas qu’il permette d’être plus productif. Du moins, ces résultats s’appliquent-ils au niveau de technologie utilisé dans notre expérience en 2021 dans un contexte qui évolue très vite.</p>
<p><iframe id="LZ0fl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LZ0fl/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Que fait-on à bord d’un véhicule autonome ?</h2>
<p>Beaucoup d’individus ont ainsi revu leurs occupations durant le trajet. Plus stressés, ils ont été bien plus à regarder la route ou par la fenêtre par rapport à ce qu’ils envisageaient de le faire. Nous demandions pourtant aux participants de se comporter comme s’ils étaient sur un trajet quotidien entre domicile et travail.</p>
<p><iframe id="D8o8M" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/D8o8M/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nos résultats suggèrent ainsi que les participants voient dans la voiture autonome quelque chose de plus proche d’une voiture standard que d’un train dans lequel on peut se livrer à d’autres activités.</p>
<p>Certes, ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1369847818304327#:%7E:text=These%20respondents%20reported%20that%20the,roads%20at%20a%20regular%20speed.">différences entre des attentes idéalisées et la réalité</a> mériteraient d’être documentées par un échantillon plus large. Ces premières tendances soulignent néanmoins qu’une attention mérite d’être accordée au développement d’expériences in situ. Elles seules permettent d’obtenir une véritable connaissance de l’acceptation par la société de ces nouveaux véhicules et, par la même, d’anticiper les effets de l’automatisation sur les comportements de mobilité.</p>
<p>C’est là l’objet du <a href="https://perso.liris.cnrs.fr/carlos.crispim-junior/aura_autobehave2019.html">projet Aura AutoBehave</a> dans lequel s’inscrit cette étude. Elle en constitue le volet « économique » en attendant des résultats des méthodes issues d’autres disciplines (sciences cognitives, intelligence artificielle…) qui sont en train d’être analysés et seront publiés bientôt.</p>
<p>Le projet AutoBehave est porté par le laboratoire Liris et vise à étudier ce qui se passe à l’intérieur des véhicules autonomes : que fera le conducteur s’il ne conduit pas ? Comment les nouvelles activités impactent-elles le confort à l’intérieur de la voiture ? Quels seront les impacts économiques de ces nouvelles activités ? Quels aménagements intérieurs seraient alors adaptés à ces activités pour un meilleur confort de vie à bord ? Pour apporter des éléments de réponses, le consortium du projet AutoBehave allie les compétences d’informaticiens (Liris), d’ergonomes physiciens et de biomécaniciens (LBMC), d’économistes (Laet), de psychologues (Lescot) à celles de l’entreprise DEMS, bureau d’étude spécialisé dans le design industriel en particulier celui des véhicules.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206229/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Souche-Le Corvec a reçu des financements de la Région Auvergne Rhône Alpes dans le cadre du "Pack Ambition Recherche 2019"</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carlos Crispim Junior est porteur du projet AutoBehave qui a été financé par la Région Auvergne Rhône Alpes dans le cadre du "Pack Ambition Recherche 2019"</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche a reçu des financements de la Région Auvergne Rhône Alpes dans le cadre du "Pack Ambition Recherche 2019". </span></em></p>Des chercheurs ont proposé à des individus un trajet en véhicule sans conducteur : ceux-ci étaient bien plus stressés à l’arrivée qu’au départ et ont surtout regardé la route durant le trajet.Stéphanie Souche-Le Corvec, Professor in economics, Université Lumière Lyon 2 Carlos Crispim Junior, Associate professor in electrical engineering, Université Lumière Lyon 2 Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056622023-05-31T16:20:51Z2023-05-31T16:20:51ZAvez-vous changé votre manière de vous déplacer depuis la pandémie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526507/original/file-20230516-21-m0hs5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=331%2C42%2C3751%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y'a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » concernant les mobilités ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bqUX5QhlQUM">Overade Company / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Début mai 2023, le gouvernement a présenté son nouveau <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/20/le-plan-velo-sera-dote-de-250-millions-d-euros-en-2023-annonce-matignon_6142361_3234.html">plan vélo</a> et mobilités actives pour 2023-2027. Celui-ci acte un doublement des investissements de l’État en faveur du développement de la pratique du vélo, qui complète les investissements déjà très conséquents engagés récemment par les collectivités locales.</p>
<p>Ces financements s’inscrivent en continuité d’une intégration graduelle du cyclisme dans les politiques de mobilité depuis une dizaine d’années. Ceux-ci visent également à répondre à l’augmentation de la pratique du vélo accélérée par la crise du Covid-19. Mais, au-delà de cet engouement pour la petite reine, comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la pandémie ?</p>
<p>Si la modification des mobilités pendant la crise est <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/13661/confinement">attestée</a> (diminution des déplacements en transports collectifs et en voiture, augmentation des <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">déplacements à pied et à vélo</a>, valorisation de la proximité spatiale), il apparaît plus difficile de caractériser une inflexion des pratiques après la pandémie.</p>
<p>Peu d’enquêtes sont disponibles pour documenter ces évolutions. L’Île-de-France fait office de précieuse exception : <a href="https://omnil.fr/spip.php?article262">8 enquêtes</a> y ont été menées entre 2020 et 2022 par l’Observatoire des Mobilités. Celles-ci soulignent une amplification des tendances existantes et infirment l’hypothèse d’« un monde d’après » radicalement différent. Cinq informations principales ressortent de ces études.</p>
<p>La première souligne une réduction du nombre de déplacements par jour, avec une baisse de 10 % (de 43 millions avant la crise sanitaire à 39 millions de déplacements en juin 2022). La seconde indique une augmentation du <a href="https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196">télétravail</a> avec une part des actifs télétravaillant au moins un jour par semaine en hausse (34 % en juin 2022 contre 29 % en juin 2021). La troisième information mesure une diminution de la fréquentation des <a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">transports collectifs</a> (-21 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018) et de l’usage de la voiture (-22 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018). La quatrième confirme la croissance de la marche comme premier mode de déplacement (17 millions de déplacements par jour) et de l’usage du vélo, même si sa part dans le total de déplacements reste faible (1,2 million de déplacements par jour). Enfin, la cinquième atteste du renforcement des logiques de proximité, déjà majoritaires dans la période pré-crise (49 % des déplacements dans la commune de résidence et 12 % dans une commune limitrophe en 2018), mais s’accentuant (62 % des déplacements dans la commune de résidence en juin 2022 et 13 % dans une commune limitrophe).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/To5oXucDWL8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ces enquêtes apportent des informations sur les déplacements mais également leur sociologie et leur géographie. Elles montrent par exemple que le développement du télétravail est réel, mais concerne principalement les cadres et les professions intermédiaires. Enfin, si ces enquêtes ne traitent pas de la mobilité des marchandises (4,3 millions de mouvements logistiques en Île-de-France en 2018), le chiffre d’affaires du commerce en ligne en France a connu une hausse importante (<a href="https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-2020-les-ventes-sur-internet-atteignent-112-milliards-deuros-grace-a-la-digitalisation-acceleree-du-commerce-de-detail/">+37 % en 2020</a>). L’impact de cette croissance sur la réorganisation des circuits logistiques (livraison à domicile, drives, dark stores…) est <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/1er-octobre-e-commerce-metropole-grand-paris">considérable</a>. Elle implique des enjeux nouveaux de régulation.</p>
<h2>Une inflexion des politiques de mobilité ?</h2>
<p>Cette amplification des tendances préexistantes à la pandémie s’est-elle accompagnée d’une évolution des politiques de mobilité ? Ces politiques sont marquées depuis les années 2000 par des <a href="https://shs.hal.science/tel-01261303">objectifs de réduction des impacts environnementaux</a> associés à une boîte à outils standard (développement du transport collectif, réduction de la place de l’automobile, soutien aux modes actifs que sont la marche et le vélo, densification urbaine).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À la fin du premier confinement, les collectivités locales ont eu recours à un urbanisme « tactique » pour aménager des espaces dédiés au vélo et aux piétons pour organiser la distanciation spatiale, fluidifier la circulation et décongestionner les transports publics. En Île-de-France, <a href="https://observatoire-coronapistes.velo-iledefrance.fr/">158 km de pistes temporaires</a> ont ainsi été aménagés durant la crise sanitaire, dont un tiers à Paris. Ces aménagements ont pris des formes différentes : pistes, espaces pacifiés, voies sur chaussée ou sur trottoir, etc. La pandémie a eu également un effet immédiat sur l’aménagement des espaces publics piétons de façon à organiser la distanciation sociale (extension des zones à priorité piétonne, réservation de rues aux modes actifs, création d’espaces d’attente et traversées piétonnes).</p>
<p>Une partie de ces aménagements temporaires a été ou est en cours de pérennisation, en lien avec des incitations de l’État, des appuis financiers de la Région et des revendications d’associations. La crise liée au Covid-19 a eu ainsi des effets sur l’intensification des politiques vélo, à l’échelle régionale (avec la consolidation du <a href="https://rerv.fr/">projet de RER vélo</a> engagé en 2020), métropolitaine (<a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/plan-velo-metropolitain">Plan vélo métropolitain</a> soutenu par la métropole du Grand Paris) et locale, de manière différenciée – comme le souligne la <a href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">carte ci-dessous</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Les aménagements cyclables d’Île-de-France" src="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les aménagements cyclables d’Île-de-France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">Collectif Vélo Ile-de-France, Métropole du Grand Paris, OSM France</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour des communes déjà engagées en faveur du vélo, comme à <a href="https://www.paris.fr/pages/un-nouveau-plan-velo-pour-une-ville-100-cyclable-19554">Paris</a>, à <a href="https://www.montreuil.fr/vie-citoyenne/la-municipalite/espace-presse/detail/barometre-de-la-pratique-du-velo-la-politique-ambitieuse-de-montreuil-en-matiere-de-pistes-cyclables-et-de-stationnement-velo-placent-montreuil-dans-lesvilles-cyclables-en-plus-forte-progression-ces-deux-dernieres-annees">Montreuil</a> ou <a href="https://www.sevres.fr/dossiers/le-velo-a-sevres/">Sèvres</a>, la crise a conforté leurs actions. Pour d’autres, elle a accéléré la concrétisation d’une politique vélo en émergence (comme au Kremlin-Bicêtre autour du projet de <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rd-7-requalifiee-en-boulevard-urbain.1120704">requalification de la RD 7</a>).</p>
<p>Pour d’autres, la pandémie n’a rien changé. Certaines communes, telles qu’Argenteuil ou Puteaux, ont en effet <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2020/06/03/ces-villes-qui-suppriment-des-pistes-cyclables-temporaires/">supprimé des aménagements cyclables temporaires</a>, pour ne pas contraindre la fluidité automobile. Ces exemples illustrent alors le caractère controversé de ces aménagements cyclables, comme l’illustrent les conflits médiatisés autour des voies cyclables de l’avenue de Saint-Ouen ou de l’avenue Michelet à <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/vegetalisation-mobilites-douces-stationnements-a-saint-ouen-le-reamenagement-de-lavenue-michelet-prend-forme-07-07-2022-F6JAGPXFGJGULCOEABEJBAS3W4.php">Saint-Ouen</a> – ou des aménagements temporaires à Drancy ou <a href="https://actu.fr/ile-de-france/noisy-le-grand_93051/seine-saint-denis-petition-et-manifestation-contre-les-nouvelles-pistes-cyclables-de-noisy-le-grand_35442191.html">Noisy-le-Grand</a>.</p>
<p>Au-delà de la question des modes « actifs », la crise liée au Covid-19 a également interpellé les politiques de mobilité sur d’autres points. Elle a révélé la fragilité du système de transport collectif en Île-de-France. En effet, le niveau de service peine à revenir à ces niveaux antérieurs, du fait du cumul de différents problèmes (recrutement de chauffeurs et conducteurs, retard dans des chantiers, <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/financement-de-lexploitation-des-transports-collectifs-en-ile-de-france/">difficultés de financements de l’exploitation</a>). Les effets du télétravail sur la fréquentation du transport collectif (<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/des-heures-de-pointe-aux-jours-de-pointe-effets-de-la-pandemie-sur-le-mass-transit-en-ile-de-france/">avec l’apparition de jours de pointe</a>) soulèvent également de nouvelles questions pour l’autorité organisatrice (Île-de-France Mobilités) et les exploitants.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">Développer le réseau de transports en commun bénéficie-t-il vraiment aux plus pauvres ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La crise sanitaire, combinée au surcoût de l’énergie en raison de la reprise de l’activité post-pandémie puis de la guerre en Ukraine, a creusé le déficit des transports franciliens que l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités peine à combler sans appui de l’État. Au plus fort de la pandémie, la perte de recettes d’Île-de-France Mobilités était estimée à <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">1,4 milliard en 2020</a>. Cela pose la question controversée d’une augmentation de la contribution des usagers au financement des transports.</p>
<h2>Tout bouge, rien ne change ?</h2>
<p>Si l’hypothèse d’une évolution radicale des mobilités a pu être avancée au plus fort de la crise, les tendances en cours indiquent plutôt une inflexion relative des pratiques. On constate une baisse mesurée des déplacements, un renforcement des logiques de proximité, une croissance de la marche et du vélo, une fragilisation des transports collectifs et une inflexion de la mobilité automobile.</p>
<p>Cette évolution participe d’une modification des politiques publiques en particulier en faveur du vélo. Il sera intéressant d’en suivre la pérennité. Le monde « d’après » semble néanmoins ressembler beaucoup au monde « d’avant », car si cette pandémie a modifié pour un temps les conditions de mobilité, les modes de vie restent peu bousculés en sortie de crise. À l’exception de quelques ménages plus libres de leurs mouvements, la majorité reste dépendante de conditions de mobilité <a href="https://shs.hal.science/halshs-01230217">contraintes à l’échelle francilienne</a>. Les <a href="https://www.omnil.fr/IMG/pdf/20220802_resultats_Covid_juin_2022_p8_vf.pdf">inégalités sociales et spatiales persistent</a>, posant la question d’une évolution des politiques de mobilité pour mieux prendre en compte ces enjeux.</p>
<hr>
<p><em>Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du programme <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/mama/">Du Monde d’avant au monde d’après</a> (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</span></em></p>Comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la crise de Covid-19 ? Y a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » ? Étude du cas francilien.Jean Debrie, Professeur des Universités, Urbanisme et Aménagement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneJuliette Maulat, Maître de conférence en urbanisme et en aménagement , Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020652023-03-21T17:49:55Z2023-03-21T17:49:55ZPénurie de main-d’œuvre : mais où sont donc passés les conducteurs de bus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516106/original/file-20230317-20-dtrtr2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1270%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les transports parisiens ont connu un automne relativement sombres, notamment sur les réseaux de bus, ce qui donne lieu à une campagne de remboursement partiel du pass Navigo.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andrzej Otrębski / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>C’est un automne 2022 noir qu’ont connu les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-21575">transports</a> parisiens. Délais d’attente plus longs qu’à l’accoutumée, trains supprimés et même un quart des missions de bus non assurées justifient une campagne exceptionnelle de <a href="https://www.iledefrance-mobilites.fr/dedommagement">remboursement des passes Navigo</a>, à hauteur d’un demi-mois et même davantage pour les usagers des lignes de RER B et D. Lancée le 14 mars, la plate-forme sera ouverte jusqu’au 14 avril.</p>
<p>La <a href="https://www.france.tv/france-3/paris-ile-de-france/parigo/4563616-parigo-le-grand-debat-transports-publics-comment-sortir-de-la-crise.html">raison principale</a>, invoquée par l’autorité organisatrice comme par les opérateurs, est le manque de personnel, qu’il s’agisse de machinistes, de conducteurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-en-commun-64187">bus et métro</a> ou d’agents de maintenance. Rémunérations insuffisantes, pénibilité, manque d’attractivité, craintes quant à l’ouverture à la concurrence ou compétition avec les entreprises de la logistique pour recruter les titulaires d’un permis D sont autant d’éléments d’explication qui ont été portés au débat.</p>
<p>Pour Transilien, « c’est un effet du Covid », se défendait Sylvie Charles, directrice de cette entité de la SNCF, dans l’émission <a href="https://www.france.tv/france-3/paris-ile-de-france/parigo/4563616-parigo-le-grand-debat-transports-publics-comment-sortir-de-la-crise.html"><em>Parigo, le grand débat</em></a> au mois de janvier. </p>
<blockquote>
<p>« En 2020 et 2021, nous n’avons pas pu faire toutes les formations qui étaient prévues car ces métiers ne s’apprennent pas en visioconférence ».</p>
</blockquote>
<p>Côté RATP, le climat social a aussi été invoqué, motivant au début de l’année la conclusion d’un <a href="https://www.ratp.fr/groupe-ratp/newsroom/bus/la-ratp-signe-un-accord-avec-les-organisations-syndicales-modifiant-les">accord syndical</a>. Le transporteur a par ailleurs lancé une vaste <a href="https://www.liberation.fr/economie/transports/la-ratp-lance-une-campagne-de-recrutement-sans-precedent-dans-la-perspective-de-paris-2024-20230220_74VW6CXMHFC5NERINK7HRR3B24/">campagne de recrutement</a> afin de répondre aux pénuries et d’anticiper les besoins supplémentaires engendrés par la coupe du monde de rugby qui se tient à l’automne puis par les Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2024. 6 600 postes sont à pourvoir tous métiers confondus dont 2 700 pour les seuls chauffeurs de bus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1590309505786556417"}"></div></p>
<p>En province, des pénuries de personnel sévissent tout autant. La rentrée scolaire de septembre avait, pour mémoire, suscité de nombreuses craintes quant à un <a href="https://www.la-croix.com/Famille/Devant-penurie-transports-scolaires-familles-sorganisent-rentree-2022-08-23-1201229820">manque de conducteurs pour les cars scolaires</a>. Une des raisons avancées alors pour expliquer le manque de personnel était la faible attractivité des conditions d’emploi, l’intervalle de temps entre les tournées du matin et du soir s’avérant trop étroit pour d’autres activités, pourtant nécessaires pour compléter ses revenus.</p>
<p>Au-delà des problématiques de l’attractivité de certains postes, peut-être s’y prend-on également mal pour recruter. C’est en tout cas ce que suggèrent nos recherches.</p>
<h2>Une pénurie de candidatures plus que de candidats</h2>
<p>Les propos tenus sur la pénurie de conducteurs de bus sont typiques des analyses spontanées de la crise du recrutement que connaît la France. Premier argument : nous manquerions de <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/face-a-la-penurie-de-personnel-la-sncf-forme-ses-nouveaux-conducteurs-du-nord-7900213472">candidats formés</a> et de talents employables. Second argument : le confinement et le télétravail auraient catalysé des mutations dans le comportement des individus et auraient fait éclore une <a href="https://www.contrepoints.org/2023/02/06/449917-la-valeur-travail-a-perdu-de-sa-valeur">perte de la « valeur travail »</a>.</p>
<p>Le manque de conducteurs reste avant tout quantifié par le volume des intentions de recrutement et leur difficulté perçue. Pour 2022, <a href="https://statistiques.pole-emploi.org/bmo/bmo?fe=J3Z41&la=0&pp=2022&ss=1">17 000 projets d’embauche de conducteurs</a> étaient anticipés par Pôle emploi ; 80 % paraissaient difficiles du fait, principalement, du manque de candidats.</p>
<p>Ce chiffre témoigne davantage des inquiétudes des entreprises qu’il ne quantifie la difficulté réelle. D’autant que les PME des territoires enclavés ne sont sans doute pas confrontées au même volume de CV que les sièges sociaux franciliens. Il faudrait, pour objectiver la difficulté, examiner le volume de demandeurs d’emploi qualifiés disponible pour chaque offre.</p>
<p>Pour les conducteurs, Pôle emploi recense en moyenne <a href="https://recrutement.pole-emploi.fr/marche-du-travail/informationssurunmetier?codeMetier=12874&codeZoneGeographique=11&typeZoneGeographique=REGION">cinq fois plus de demandeurs d’emploi que d’offres</a>. Dit autrement, cinq candidats compétents et à la recherche active d’un emploi sont disponibles pour chaque poste à pourvoir. En outre, ces chiffres ne tiennent compte ni des personnes en formation, ni des actifs déjà en poste qui pourraient avoir envie de changer d’emploi. Il existe donc bien un stock de candidats qualifiés correspondant aux offres à pourvoir. La perception de pénurie concerne plutôt les candidatures que les candidats. Et la différence n’est pas qu’une nuance rhétorique. </p>
<h2>Un travail empêché ?</h2>
<p>Il est intellectuellement simple, mais empiriquement faux, de considérer que les individus vont préférentiellement et exclusivement rechercher des emplois correspondant à leur niveau de qualification. Si les demandeurs d’emploi qualifiés ne manquent pas mais que les candidats font défaut, il faut s’interroger sur les processus par lesquels les individus choisissent une offre et y répondent.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une des réalités méconnues du marché du travail est la baisse du nombre de candidats retrouvant un emploi dans leur domaine de qualification. La chaire Compétences, employabilité et décision RH de l’EM Normandie s’applique à collecter des données pour suivre le phénomène. 200 000 actifs représentatifs de la population active sont interrogés au moins deux fois par an pour analyser leur parcours. Les éléments recueillis permettent, notamment, de faire apparaître les écarts entre qualification et emploi retrouvé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1636685090200727553"}"></div></p>
<p>Le taux de candidats retrouvant un emploi dans leur domaine de qualification était de 87 % en 2015. En 2022, il est de 81 % en moyenne, mais il descend jusqu’à 78 % dans le cas des diplômés de bac à bac+3. Une part significative des actifs se détourne des postes pour lesquels ils sont qualifiés et employables. La plupart d’entre eux semble s’orienter vers des emplois moins qualifiés après deux ou trois expériences similaires liées à leur formation. Cela s’explique souvent par le rejet des conditions dans lesquelles les compétences sont utilisées par les entreprises.</p>
<p>Ce n’est pas par hasard si ces individus, qui se détournent de leur métier, appartiennent au groupe des techniciens et des techniciens supérieurs. Cette population est sans doute celle qui est le plus confrontée à la mise en <em>process</em> du travail. Ces pratiques, qui entendent encadrer les tâches afin de simplifier l’organisation, de garantir la qualité des prestations et, peut-être, de stimuler des performances qui sinon ne seraient pas présentes, <a href="https://journals.openedition.org/pistes/3419">créent du travail empêché</a>.</p>
<p>Elles interdisent cette part d’effort qu’on aimerait fournir pour bien faire et créent une pénibilité invisible mais bien réelle. <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4618/ethique-et-travail-collectif">L’éthique productive</a>, ou l’idée de ce qu’est le travail bien fait, est spontanément au cœur des préoccupations de chacun. Et ces idées débordent un peu, beaucoup ou passionnément du cadre imposé par l’organisation prescrite du travail. C’est, finalement, l’idée que l’entreprise et ses <em>process</em> ne permettront pas de travailler à la hauteur de son éthique professionnelle qui crée une évaporation de candidats qualifiés. On les retrouve alors dans des emplois purement alimentaires où, pensent-ils, ils ne seront pas déçus puisqu’ils n’auront rien espéré.</p>
<h2>Postuler, c’est prendre un risque</h2>
<p>Pour quelle raison un individu postulerait-il ? Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11301-022-00290-9">recherches</a> ont souvent mobilisé l’idée de « <em>fit</em> » (la proximité, l’adéquation) entre le poste décrit par l’annonce et les caractéristiques du candidat. Le <em>fit</em> élevé d’un candidat avec une offre illustrerait sa grande proximité avec les attendus du poste. Il déclencherait l’acte de postuler.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1635553299712602115"}"></div></p>
<p>Pour le <a href="https://blog.ecole-management-normandie.fr/fr/entreprises-ressources-humaines/should-i-stay-or-should-i-apply-pourquoi-repond-on-a-une-offre-demploi/">vérifer</a>, nous avons confronté 165 actifs, tous en recherche d’emploi, à de vraies annonces choisies pour correspondre à leurs compétences et à leurs lieux de résidence. Ils devaient décider de postuler ou non, puis décrire les causes de leur choix. Les sujets étaient de compétences et d’anciennetés équivalentes, mais de parcours très différents : très linéaires pour certains, très marqués par des étapes de chômage pour d’autres.</p>
<p>Seuls 46 % des sujets ont choisi de postuler. Dans tous les cas, l’estimation des chances de succès est la première cause de la décision, loin devant l’affinité avec le poste ou avec l’entreprise. A compétences égales, cette estimation est directement liée aux différences de parcours. Les candidats aux carrières les moins linéaires s’auto-éliminent majoritairement. </p>
<p>Pourquoi ? L’expérience de la candidature est celle de l’ascenseur émotionnel : l’enthousiasme de l’opportunité, l’inconfort de l’attente, la frustration de la réponse négative et parfois la colère du sentiment d’injustice. La joie de la réponse positive est possible, évidemment. Mais ne pas postuler, c’est aussi s’éviter des émotions négatives certaines.</p>
<h2>Donner une place centrale au travail</h2>
<p>Les discours mobilisés semblent aussi parfois en décalage avec les attentes des candidats. Jean Castex, PDG de la RATP, ou Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités, croient attirer des candidats en vantant les perspectives de carrière au sein des opérateurs ; ces discours séduisent en fait un public de cadres mais rebutent les autres et peuvent les conduire à s’auto-éliminer.</p>
<p>Les quelques chiffres présentés dans ce texte, rassemblés autour du cas des conducteurs d’autocars, n’entendent pas nier la difficulté du recrutement. Ils veulent avant tout éclairer deux ou trois angles morts des analyses portés régulièrement pour remédier au problème. En clair : les candidats ne sont pas rares, mais les candidatures se raréfient. Deux phénomènes semblent expliquer ce décalage. Le premier pourrait être la désaffection pour les conditions dans lesquelles les métiers s’exercent. Le second, les pratiques de recrutement sont vraisemblablement perçues comme des obstacles à l’accès aux emplois mais, aussi, à la juste reconnaissance des compétences.</p>
<p>Tout se passe comme si la définition du travail bien fait devait être extérieure aux travailleurs. Celui-ci, qui devrait être l’objectif partagé des candidats, des recruteurs et des entreprises, semble comme escamoté par les pratiques de management et de sélection. La raréfaction des candidats ne serait ainsi pas imputable à un rejet de la valeur travail : c’est même exactement l’inverse qui s’observe. Donner au travail une place centrale dans le recrutement et le faire savoir pourrait être un levier puissant pour réengager les individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Pralong est membre de l'Association de Gestion des Ressources Humaines, de l'Academy of Management et d"Egos</span></em></p>Les pénuries s’expliqueraient plus par un manque de candidatures que par un manque de candidats. En cause, les conditions d’exercice et l’image des techniques de recrutement mobilisées.Jean Pralong, Professeur de Gestion des Ressources Humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970002022-12-22T19:18:40Z2022-12-22T19:18:40ZGrève à la SNCF pendant les fêtes : une erreur stratégique ?<p>La SNCF se voit contrainte d’annuler plus d’un tiers de ses trains les <a href="https://www.lefigaro.fr/social/greve-a-la-sncf-seulement-deux-trains-sur-trois-rouleront-le-week-end-de-noel-20221220">23, 24 et 25 décembre</a> à la suite d’un nouveau débrayage d’une partie des contrôleurs, qui réclament <a href="https://www.tf1info.fr/societe/trafic-tgv-previsions-sncf-pourquoi-les-controleurs-sont-ils-en-greve-pendant-le-week-end-de-noel-2242579.html">« une meilleure reconnaissance des spécificités de leur métier »</a>. Soit des augmentations de salaire et des mesures liées à la gestion de leur carrière. Environ 200 000 personnes ont vu leur train annulé et certaines <a href="https://www.lefigaro.fr/social/on-est-degoutes-les-francais-desempares-face-a-une-enieme-greve-a-la-sncf-pour-noel-20221220">n’ont pas de solution de repli</a>, les trains restant étant complets, tout comme les cars et les loueurs de voitures.</p>
<p>En dialogue social, peut-être plus que dans toute autre forme de négociation, plane sur les échanges le spectre d’un conflit ouvert. Les syndicats à l’attitude compétitive (parfois taxés de « révolutionnaires » telle la CGT, en contraste avec les syndicats dits « réformistes » comme la CFDT) n’hésitent pas à utiliser leur capacité d’organiser l’arrêt du travail pour tenter d’obtenir ce qu’ils exigent de leur hiérarchie.</p>
<p>Les experts <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay/alma991004309279705596/33UDL_INST:UDL">Hubert Landier et Daniel Labbé</a> démontrent bien que, dans certains secteurs vitaux de l’économie (tels que les transports, l’éducation, l’énergie et l’agriculture), les syndicats bénéficient de la plus grande capacité de « nuire », car, en perturbant l’organisation qui les emploie, ils impactent le pays tout entier.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/76GhOaOOXf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Grève SNCF des 23, 24 et 25 décembre 2022, TFI.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est ce dont nous sommes témoins, en France, ces derniers mois : après les raffineries (l’approvisionnement en essence), les hôpitaux (l’accès aux soins), c’est une nouvelle fois, en cette fin d’année, que fleurissent dans les transports les préavis de grève. Selon l’IFRAP, il s’agit d’une tradition récurrente, puisqu’il y a eu des grèves en décembre à la SNCF <a href="https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/en-20-ans-deja-la-14e-greve-de-decembre-la-sncf">sur 14 des 20 dernières années</a> (quoiqu’il est rare qu’elles se prolongent jusqu’aux fêtes). Même si nous nous intéressons ici aux <a href="https://theconversation.com/les-syndicats-peuvent-ils-encore-peser-dans-les-mouvements-sociaux-190802">stratégies syndicales</a>, il faut rappeler que le conflit social relève de la responsabilité de toutes les <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">parties à la négociation</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-syndicats-sauront-ils-peser-dans-le-second-quinquennat-demmanuel-macron-175667">Les syndicats sauront-ils peser dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>À la table des négociations</h2>
<p>En négociation, on n’est pas obligé de menacer l’autre partie de conséquences néfastes pour obtenir ce que l’on souhaite. Négocier, ce n’est pas exercer un chantage. Si le chantage fait partie de l’arsenal du négociateur, il n’est pas obligé d’y recourir. Une majorité des organisations publiques et privées ont un dialogue social serein, dans lequel les échanges se font de manière apaisée.</p>
<p>Si nous résumons la <a href="https://www.amazon.fr/N%C3%A9gociation-Jacques-Rojot/dp/2711743977/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1KXOL7NM2NCZT&keywords=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuibert&qid=1671705658&s=books&sprefix=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuiber%2Cstripbooks%2C212&sr=1-1">pensée du professeur en sciences de gestion Jacques Rojot</a>, l’influence qu’occupe une partie en négociation dépend de sa capacité de construire comme de sa capacité de nuire. On entend par capacité de construire la capacité de proposer des solutions et/ou d’apporter des ressources permettant de répondre aux intérêts de l’autre partie. Par capacité de nuire, il faut comprendre le pouvoir de porter atteinte aux intérêts de l’autre partie en cas d’absence d’accord et ainsi lui mettre la pression pour qu’il se montre conciliant à la table.</p>
<p>La simple évocation de notre capacité de nuire servira de <a href="https://www.amazon.fr/G%C3%A9rer-ing%C3%A9rables-n%C3%A9gociation-relations-durables/dp/2710132559/ref=sr_1_3?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1SEEXCUWQZ0GS&keywords=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables&qid=1671706104&s=books&sprefix=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables%2Cstripbooks%2C177&sr=1-3">menace</a> visant à se rapprocher d’un accord qui nous serait particulièrement profitable.</p>
<p>Le problème avec la menace en négociation, c’est qu’elle ne peut servir de bluff : il faut être prêt à l’activer. Si on menace de faire grève au plus mauvais moment de l’année, alors si nos revendications ne sont pas entendues, il faudra la déclencher.</p>
<h2>Les syndicats en campagne permanente</h2>
<p>Pour un syndicat, la <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">capacité de nuire</a> dépend de sa capacité à mobiliser, qui elle-même dépend des revendications avancées, du nombre d’adhérents et de sympathisants et du contexte.</p>
<p>Rappelons qu’en France il n’est pas nécessaire d’être syndiqué pour suivre les consignes syndicales. On note d’ailleurs que la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">baisse continue du taux de syndicalisation</a> ne s’est pas accompagnée d’un appauvrissement de la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-greves-en-2020">capacité de nuire des syndicats</a>, beaucoup d’agents et salariés suivant les consignes syndicales sans adhérer formellement aux syndicats eux-mêmes.</p>
<p>Le chercheur Christian Thuderoz <a href="https://pmb.cereq.fr/index.php?lvl=notice_display&id=66821">compte trois acteurs</a> dans tout dialogue social : les syndicats, la direction et les salariés. Les syndicats sont en campagne permanente pour gagner en influence et en adhérents parmi les salariés.</p>
<p>Ils doivent donc, et de manière constante, montrer qu’ils ont un impact sur les conditions de travail. Si les contrôleurs SNCF se disent insatisfaits de leur rémunération – via un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/menaces-de-greve-a-noel-qui-est-ce-collectif-de-controleurs-sncf-qui-inquiete-la-direction_AV-202212070056.html">collectif Facebook</a> -, alors ils doivent porter leurs revendications auprès de la direction. En face, la direction doit tout mettre en œuvre pour avoir un dialogue social de qualité, ce qui s’avère aujourd’hui particulièrement complexe, les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-cinq-ans-les-ordonnances-macron-instauraient-un-droit-du-travail-moins-favorable-aux-salaries-181287">ordonnances de 2017 ayant conduit à considérablement limiter les moyens syndicaux</a>.</p>
<h2>Un quatrième acteur : l’opinion publique</h2>
<p>Dans certains secteurs, le nombre de personnes potentiellement impactées par une grève est si important qu’il se confond avec l’opinion publique. C’est le cas des secteurs-clés de l’économie, à savoir le transport routier et l’agriculture (du fait de leur capacité à bloquer les routes), les écoles (du fait qu’une école fermée, ce sont souvent des parents qui ne peuvent travailler), le transport ferroviaire et le raffinage des carburants.</p>
<p>Dès lors, l’opinion publique devient une « partie prenante non-invitée », c’est-à-dire une partie qui impacte la négociation sans y prendre part. Cet impact se fait par deux mécanismes : le degré d’acceptabilité du mouvement (dans quelle mesure les citoyens soutiennent les grévistes) et l’impact du mouvement sur les personnes (dans quelle mesure le mouvement porte-t-il atteinte aux citoyens dans leur vie quotidienne).</p>
<p>Tels les deux plateaux de la balance, l’opinion publique est ballottée entre soutien et opposition, draguée par les propos publics tenus par le patronat, voire les <a href="https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/une-greve-injustifiable-christian-estrosi-reclame-la-requisition-des-personnels-de-la-sncf-pour-les-fetes_AN-202212210456.html">hommes politiques</a> d’une part, par les syndicats d’autre part. Ainsi, les grèves dans les raffineries à l’automne ont d’abord été massivement soutenues par l’opinion publique, avant que celle-ci ne se retourne, lorsque les pénuries de carburant ont été telles que des secteurs entiers d’emploi se sont trouvés menacés.</p>
<p>Aujourd’hui, même si les Français sont <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/12/Tableau-de-bord-politique-Decembre-2022.pdf">plutôt en désaccord avec la politique sociale du gouvernement</a> (ce qui pourrait les amener à soutenir les revendications des grévistes), les « années Covid » amènent la plupart à placer une grande importance à passer les fêtes 2022 en famille. La grève est donc pour eux un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/sncf-un-remboursement-de-200-accorde-aux-voyageurs-dont-les-trains-sont-annules_AN-202212210123.html">coût bien trop important</a> pour être contrebalancé par les dédommagements et les excuses de l’entreprise.</p>
<p>La menace ultime d’une grève pendant les fêtes a été activée. À court terme, les agents pourraient y gagner (sur leur fiche de paie) et la grève aura coûté des millions d’euros. À plus long terme, les coûts seront potentiellement catastrophiques : désintérêt croissant pour les syndicats (en l’espèce dépassés par un collectif informel né sur Facebook), défiance face à l’action des corps intermédiaires, mauvaise publicité pour la SNCF.</p>
<p>En face, le gain pourrait être récolté par les concurrents de la SNCF (tels que <a href="https://theconversation.com/tgv-paris-lyon-un-an-apres-larrivee-de-trenitalia-rime-t-elle-effectivement-avec-prix-plus-bas-192876">Trenitalia entre Paris et Lyon</a>) qui ne devraient pas manquer d’en profiter pour grignoter les parts de marché de l’opérateur historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement de grève des contrôleurs de la SNCF au moment des fêtes de fin d’année montre aussi une forme d’échec du dialogue social.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922042022-11-17T17:24:50Z2022-11-17T17:24:50ZLe Mobiliscope : un outil libre sur les rythmes quotidiens des territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489778/original/file-20221014-21-k8flsa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C23%2C5306%2C3502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Mobiliscope permet de savoir si la mobilité quotidienne a tendance à mélanger les groupes sociaux durant la journée ou si, au contraire, elle a tendance à les ségréger encore plus qu'ils ne le sont dans l'espace résidentiel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr">Mobiliscope</a> est un outil de géovisualisation librement et gratuitement accessible en ligne qui permet d’explorer les rythmes quotidiens des territoires et leur mixité sociale. Quels sont les quartiers les plus attractifs d’une ville ? Qui fréquente tel quartier ? Quels modes de transports sont utilisés pour s’y rendre ? Quelle est l’ampleur de la ségrégation spatiale des cadres ? Des ouvriers ? À toutes ces questions, le Mobiliscope apporte des réponses qui peuvent varier selon les heures de la journée au gré des déplacements quotidiens des populations.</p>
<p>La ségrégation sociale (c’est-à-dire la séparation des groupes sociaux dans l’espace géographique) est bien documentée pour ce qui concerne <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/evolution-de-segregation-residentielle-france">l’espace résidentiel</a> mais largement moins connue pour les espaces fréquentés la journée dans le cadre du travail, des études, des loisirs, etc. Le Mobiliscope permet ainsi de savoir si la mobilité quotidienne des individus conduit les groupes sociaux à se mélanger durant la journée ou si, au contraire, la ségrégation sociale augmente le jour par rapport à la nuit.</p>
<p>L’interface du Mobiliscope propose tout un ensemble de cartes et de graphiques interactifs pour suivre l’évolution de la population présente dans les territoires au cours des 24 heures de la journée selon le profil des individus, la nature de leurs activités et le mode de transport utilisé. Il permet ainsi d’étudier, au fil des heures, les changements de composition des quartiers et l’évolution de la ségrégation sociale.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">Marche, vélo : les gains sanitaires et économiques du développement des transports actifs en France</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La ségrégation sociale varie en journée</h2>
<p>Conçu et développé depuis 2017 au sein du <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/">laboratoire Géographie-cités</a> avec le soutien de différents partenaires (principalement le <a href="https://www.cnrs.fr/fr/page-daccueil">CNRS</a>, l’<a href="https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/">ANCT</a>, l’<a href="https://www.ined.fr/">Ined</a> et le <a href="https://www.cerema.fr/fr">Cerema</a>), cet outil d’abord centré sur l’Île-de-France, s’est progressivement enrichi de nouvelles villes.</p>
<p>La dernière version mise en ligne en avril 2022 regroupe 49 villes-régions françaises (10 000 communes), six canadiennes et trois latino-américaines. Les données sont issues de grandes enquêtes publiques sur les déplacements quotidiens produites entre 2009 pour les plus anciennes et 2019 pour les plus récentes. Ces <a href="https://www.cerema.fr/fr/activites/mobilites/connaissance-modelisation-evaluation-mobilite/observation-analyse-mobilite/enquetes-mobilite-emc2">enquêtes</a>, représentatives de la population d’une ville et de sa périphérie (dont le périmètre est défini par les collectivités locales en charge de l’enquête), collectent des informations spatiales et temporelles précises sur tous les déplacements réalisés par les personnes enquêtées sur 24 heures un jour de semaine, sur les motifs et les modes de transport de chaque déplacement, ainsi que le lieu de résidence des personnes enquêtées et leurs caractéristiques individuelles telles que le sexe, l’âge, la profession et le niveau d’éducation.</p>
<p>Ces données sont transformées par l’équipe du Mobiliscope pour dénombrer et qualifier les populations présentes (âgées de 16 ans et plus) dans les différents territoires à chaque heure de la journée.</p>
<p>À l’origine du Mobiliscope, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966692316305105">travail de recherche</a> sur l’Île-de-France montre que la ségrégation spatiale des classes sociales est moins forte au cours de la journée que pendant la nuit en raison des déplacements quotidiens et que la concentration spatiale des classes supérieures est – quelle que soit l’heure de la journée – plus élévée que celles des classes populaires.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/info/about/publications">D’autres publications</a> ont suivi, incluant dans l’analyse davantage de villes et de caractéristiques, telles que le sexe et l’âge. Il a ainsi été montré que les proportions d’hommes et de femmes dans les territoires sont bien moins équilibrées le jour que la nuit, avec des zones qui deviennent en journée majoritairement féminines et d’autres majoritairement masculines.</p>
<h2>Un outil libre destiné au plus grand nombre</h2>
<p>Le Mobiliscope s’inscrit dans une démarche de science ouverte en s’attachant à respecter les principes FAIR (« Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables »). Les données des populations présentes dans les différents territoires par heure et par catégorie (sexe, groupes d’âge, groupes socioprofessionnels, etc.) sont ainsi proposées au téléchargement sous des formats et licences libres.</p>
<p>Face aux solutions commerciales proposées notamment par les opérateurs de téléphonie, le Mobiliscope constitue ainsi une alternative libre et gratuite permettant d’accéder aux données et aux protocoles d’analyses sur l’attractivité quotidienne des territoires.</p>
<p>Le Mobiliscope s’adresse à un public plus large que la seule communauté des chercheurs. Il peut être un support ludique pour les enseignants afin d’aborder les thèmes de la mobilité, de la ségrégation, des modes de transports ou encore des inégalités. Les acteurs de la ville, de l’aménagement et des mobilités peuvent également utiliser l’outil pour affiner leurs diagnostics territoriaux et pour accompagner la mise en place de politiques publiques adaptées aux temporalités quotidiennes des populations et des territoires.</p>
<h2>Zoom sur trois villes</h2>
<p>Pour donner une idée plus concrète de ce que le Mobiliscope apporte à la compréhension des territoires, arrêtons-nous dans un premier temps à <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/santiago?m1=3&m2=1&m3=1&m4=nb&t=12&s=497">Santiago du Chili</a>, une ville connue pour avoir une ségrégation sociale très élevée lorsqu’on analyse les lieux de résidence des différents groupes sociaux. Grâce au Mobiliscope, on observe que la concentration de riches dans le cône nord-est de la ville (une zone favorisée bien connue par les <a href="https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0250-71612016000300007&lng=en&nrm=iso&tlng=en">travaux sur la ségrégation résidentielle</a>) est plus faible en journée que la nuit. Cette diminution résulte essentiellement de l’arrivée d’autres catégories de population dans le cône nord-est de la ville.</p>
<p>Le secteur de Leones (sélectionné sur la carte ci-dessous) est un bon exemple de ces quartiers aisés où existent de nombreux magasins et établissements scolaires et qui accueillent en journée des populations avec un profil social diversifié. Le graphique en haut à droite montre en effet que ce secteur, occupé quasi exclusivement la nuit par des populations à hauts niveaux de revenus, voit sa population tripler en journée avec l’arrivée de populations avec des niveaux de revenus bien plus diversifiés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la carte centrale du Mobiliscope" src="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer que la concentration de riches dans le cône nord-est de la ville (une zone favorisée bien connue par les travaux sur la ségrégation résidentielle) est plus faible en journée que la nuit.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Arrêtons-nous à présent sur la ville de <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/montreal?m1=1&m2=1&m3=1&m4=flow&t=14&s=101">Montréal</a> au Canada. Sans surprise, le centre-ville s’avère être un secteur très attractif à l’échelle de la région : à 14h plus de 230 000 personnes y sont présentes alors qu’elles n’y résident pas. Au survol de la souris sur ce secteur, apparaît son aire d’attractivité jusque dans les périphéries lointaines, symbolisé par des liens, plus ou moins épais selon les effectifs concernés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la carte des principaux lieux de résidence des personnes présentes à 14h dans le centre-ville de Montréal" src="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cartographie de principaux lieux de résidence des personnes présentes à 14h dans le centre-ville de Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’observation des activités réalisées par les populations présentes dans le centre-ville de Montréal montre que l’activité « travail » est largement majoritaire en journée (et ne s’arrête d’ailleurs pas la nuit) et se trouve dépassée en soirée par l’activité « loisirs ». Ainsi, à 22h, tandis que près d’une personne sur trois présente dans le centre-ville pratique des activités récréatives, près d’une personne sur quatre travaille.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran d’un graphique du Mobiliscope permettant d’observer le volume de la population présente dans le centre-ville de Montréal selon l’activité réalisée" src="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer le volume de la population présente dans le centre-ville de Montréal selon l’activité réalisée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Terminons ce survol du Mobiliscope avec la ville de <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/toulouse?m1=1&m2=2&m3=2&m4=part&t=16&s=027">Toulouse</a> pour discuter de l’attractivité quotidienne du secteur de La Reynerie situé au sud-ouest de la ville et qui est majoritairement classé comme Quartier prioritaire en politique de la ville (QPV). Alors que le volume de la population présente dans ce secteur demeure un peu près stable tout au long de la journée (entre 10 000 et 12 0000 personnes), on observe un changement dans la composition de la population présente au fil des heures : entre 4h du matin et 16h, la part des personnes présentes avec un niveau de diplôme supérieur au baccalauréat passe de 10 % à 20 % et la part des personnes présentes âgées de 35 à 64 ans augmente de 51 % à 66 %. Ces variations s’expliquent par l’importance des flux quotidiens (40 % de la population présente dans ce secteur à 16h n’y réside pas) et par les différences de profil sociodémographique des populations « entrantes » et « sortantes ».</p>
<p>Ces analyses rendues possibles par le Mobiliscope viennent ainsi mettre en lumière la diversité des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03801117">rythmes quotidiens des quartiers prioritaires</a> et nuancer l’idée selon laquelle les QPV seraient systématiquement des territoires non attractifs dont les populations résidentes seraient captives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran du Mobiliscope permettant d’observer la composition sociale et démographique de la population présente au fil des heures dans le quartier de La Reynerie à Toulouse" src="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer la composition sociale et démographique de la population présente au fil des heures dans le quartier de La Reynerie à Toulouse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Perspectives</h2>
<p>Concluons cette présentation du Mobiliscope par des perspectives. Cet outil libre est ouvert aux propositions et contributions extérieures qui permettraient de continuer à l’enrichir. De nouveaux développements sont ainsi à l’étude avec l’idée d’intégrer des données de déplacements plus récentes et « post-Covid », de donner une plus grande autonomie à l’utilisateur « expert », et enfin de déployer de nouveaux champs de recherche, notamment celui de la transition écologique.</p>
<p>Si cet outil continue à se développer et à éveiller l’intérêt d’utilisateurs de plus en plus nombreux, sa pérennité n’est néanmoins pas garantie : celle-ci est largement dépendante des opportunités de financement (le projet n’a pas de source de financement pérenne) et repose en grande partie sur des personnes en contrat précaire.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Vallée a reçu des financements de divers organismes publics pour ses travaux de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Le Roux a reçu des financements de divers organismes publics pour ses travaux de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélie Douet et Hadrien Commenges ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quels sont les quartiers les plus attractifs d’une ville ? Comment évolue leur mixité sociale au cours de la journée ? Un outil en ligne permet de répondre à ces questions.Julie Vallée, Géographe - Directrice de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Aurélie Douet, Ingénieure d'étude CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Guillaume Le Roux, Chercheur en géographie et démographie, Institut National d'Études Démographiques (INED)Hadrien Commenges, Maitre de conférences en géographie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1936722022-11-15T16:51:07Z2022-11-15T16:51:07ZTransport aérien et environnement : comment poser le problème ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494470/original/file-20221109-2910-ppvblz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1769%2C1180&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déjà en 2005, pour rendre compte du trafic quotidien, un artiste s’était posté une journée à l’aéroport d’Hanovre, en Allemagne, et avait superposé les images des tous les décollages.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/irisheyes/438936558">Ho Yeol Ryu via Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/avion-56375">transport aérien</a> nourrit nombre de controverses environnementales comme le montre l’actualité en France de ces dernières années. Il y a bien entendu eu le projet nantais d’aéroport de <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/notre-dame-des-landes-il-y-a-quatre-ans-le-9-avril-2018-l-expulsion-dans-la-zad-debutait-7867e9c2-b75a-11ec-91b4-4cb12076d3f2">Notre-Dame-des-Landes</a> auquel le gouvernement a renoncé en 2018, mais aussi l’arrêt du projet de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/11/07/emmanuel-macron-annonce-l-abandon-du-megacomplexe-europacity-au-nord-de-paris_6018357_3234.html">mégacentre de loisirs EuropaCity</a> en 2019, envisagé aux abords de l’aéroport de Roissy, puis l’abandon du <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/11/le-gouvernement-annonce-l-abandon-du-projet-de-nouveau-terminal-a-l-aeroport-de-roissy_6069552_3244.html">Terminal 4</a> en 2021, qui devait augmenter de 50 % sa capacité.</p>
<p>Entre-temps, la question de la privatisation d’Aéroports de Paris s’est invitée durant les débats sur le projet de loi Pacte. À cette occasion, près de 250 parlementaires se sont mobilisés, demandant un référendum d’initiative populaire relatif au maintien du <a href="https://metropolitiques.eu/Aeroports-de-Paris-un-levier-strategique-pour-l-%C3%89tat.html">statut public</a> de l’autorité. Si la requête n’a pu réunir le quorum exigé par la loi, le projet de privatisation s’est vu retarder alors que la pandémie liée au coronavirus mettait à l’arrêt les aéroports.</p>
<p>Cible récurrente du débat public, le développement de l’aviation fait surgir d’autres questions encore : celle d’une sécession des élites qui s’affranchiraient des contingences terrestres (souvenons-nous de la polémique sur les jets privés) ou celle des crises énergétiques qui mettent à jour les obstacles techno-politiques à la sortie des énergies fossiles.</p>
<p>Pourtant, comme l’ont montré nos <a href="https://hal-enpc.archives-ouvertes.fr/hal-00763109/document">travaux</a>, les devenirs du transport aérien ne peuvent être saisis seulement à partir de « crises » dont les « problèmes » nécessiteraient d’être « résolus ». Si des controverses ont permis d’approfondir les enjeux à l’œuvre, en offrant une arène pour le débat public, d’autres sont restées au stade de la polémique. Pour poser le problème dans son ensemble, <a href="https://fr.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">trois questions</a> paraissent cruciales : la mesure des effets du transport aérien, l’empreinte de son infrastructure et le temps de sa transition.</p>
<h2>Des chiffres incomplets</h2>
<p>Pour comprendre le rôle de la mobilité aérienne dans les désordres environnementaux, il convient d’abord d’en mesurer les effets globaux. La tâche n’est cependant pas aisée du fait du caractère mondial des données nécessaires et du mode d’élaboration des indicateurs destinés à apprécier la grandeur du problème. Que compte-t-on dans les sources, les volumes, les natures et les impacts des émissions ?</p>
<p>La contribution du transport aérien au changement climatique est actuellement calculée sous la forme d’un pourcentage estimé autour de 4 % selon les dernières études scientifiques de référence (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1352231020305689">Atmospheric Environment</a>, <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac286e/meta">Environmental Research</a>, <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/06/2020-05-27_Pr%C3%A9parer-lavenir-de-laviation_Propositions-de-contreparties.._.pdf">The Shift Project</a>). Sa mesure intègre les émissions de dioxyde de carbone mais aussi celles des autres gaz à effet de serre comme les oxydes d’azote, l’ozone ou le méthane. Sont également considérés les effets des cirrus, ces nuages issus des traînées de condensation qui aggravent le forçage radiatif.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les efforts demandés au secteur aérien pour rester dans la limite d’un réchauffement global de 1.5 °C se heurtent néanmoins à la partialité des chiffres sur lesquels sont fondés les accords internationaux climatiques. D’une part, seules les émissions de CO<sub>2</sub> sont prises en compte et non les émissions hors CO<sub>2</sub> qui sont <a href="https://www.letemps.ch/sciences/meme-emissions-co2-laviation-contribuerait-significativement-rechauffement-climatique">significatives</a>.</p>
<p>D’autre part, le <a href="https://www.sami.eco/blog/les-angles-morts-nos-objectifs-climatiques">trafic aérien international</a> est exclu des objectifs fixés pour les États, qu’il s’agisse du protocole de Kyoto ou des accords de Paris. Les chiffres sont là pour montrer l'ampleur des écarts entre ce qui est pris en compte et ce qui compte. En France, la Direction générale de l’aviation civile a mis au point un outil de mesure nommé <a href="https://eco-calculateur.dta.aviation-civile.gouv.fr/comment-ca-marche">Tarmaac</a> (pour Traitements et analyses des rejets émis dans l’atmosphère par l’aviation civile) qui estime les émissions des vols intérieurs (Métropole et Outre-mer) ainsi que celles des vols internationaux touchant la France (chaque vol étant compté pour moitié de ses émissions). Si les émissions liées aux déplacements intérieurs ont tendance à baisser, celles du trafic international, qui représentent <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/12/TSP_AVIATION_RAPPORT_211116.pdf">80% du volume total</a>, ont augmenté de <a href="https://eco-calculateur.dta.aviation-civile.gouv.fr/les-chiffres-cles">40%</a> entre 2000 et 2019.</p>
<p>La réception des chiffres est quant à elle contrastée. Les uns relativisent l’importance du transport aérien au regard des secteurs de la <a href="https://www.rtbf.be/article/cop26-quel-est-limpact-du-secteur-de-la-construction-sur-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-10868512">construction</a> ou des <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports#:%7E:text=Le%20transport%20est%20l%E2%80%99activit%C3%A9,transports%20ont%20augment%C3%A9%20de%209%20%25.">transports terrestres</a>, bien plus émetteurs en volumes globaux. Mais la comparaison vaut-elle entre le déplacement dans les airs, non démocratisé car non vital, et l’habiter sur terre qui concerne tout un chacun ? D’autres au contraire soulignent l’importance de ce chiffre, privilégiant sa valeur absolue mise en regard de la question des <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=yiq7DQAAQBAJ">limites planétaires</a>.</p>
<p>Un autre indicateur est parfois utilisé : le <a href="https://bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/presentation/siGras/0">taux d’émission par passager par kilomètre parcouru</a>. Comparé au train, l’avion est très émetteur ; avec l’automobile, il est à égalité. La mesure par kilomètre pose toutefois la question de l’impact écologique de l’accélération, car on ne franchit pas les mêmes distances en automobile et en avion.</p>
<p>Comme le soulignent l’économiste des transports <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03192824/document">Yves Crozet</a> et le sociologue <a href="https://www.revue-projet.com/articles/2016-11-rosa-la-logique-de-croissance-et-d-acceleration-s-empare-de-notre-esprit-et-de-notre-corps/8179">Hartmut Rosa</a>, l’augmentation des vitesses de transport a produit, non pas un « gain » de temps pour les usagers, mais un allongement des distances parcourues. Il serait donc plus juste de comptabiliser le facteur du temps de transport pour mesurer les effets comparés des modes de déplacement. C’est ce que propose l’économiste de l’environnement <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">Aurélien Bigo</a>, dont les calculs font grimper l’aviation en haut des transports les plus émetteurs.</p>
<h2>Infrastructure, territoire et culture</h2>
<p>Toutes ces analyses, en outre, ne tiennent compte que d’une partie du problème car elles ne mesurent que les impacts des vols stricto sensu, oubliant les infrastructures aéroportuaires et la construction aéronautique sans lesquelles les avions ne pourraient pas voler. Comment mesurer la globalité des empreintes du transport aérien, qui comprend les cycles de vie des aéronefs, l’impact des aéroports et l’environnement des vols ?</p>
<p>Scruter la contribution de la mobilité aérienne aux changements globaux suppose de mettre à jour ses « moteurs immobiles » comme l’énonçait <a href="https://books.openedition.org/pur/102123?lang=fr">Bruno Latour</a>. Avec le transport aérien, la construction aéronautique et l’infrastructure aéroportuaire forment les piliers d’un <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/76097?lang=fr">macro-système</a> au sein duquel opèrent des entreprises qui agissent sur la scène globale des groupes mondiaux. Désir de mouvement, globalisation des flux, accélération des vitesses, épreuves du risque ont aussi produit une longue traîne d’influences et d’expériences, façonnant une <a href="https://hal-enpc.archives-ouvertes.fr/hal-03107968/document">culture aérienne</a> qui a <a href="https://hal-enpc.archives-ouvertes.fr/hal-03396649/document">métamorphosé nos relations</a> aux territoires, leur espace, leur histoire, leurs échelles.</p>
<p>Ainsi, l’emprise de l’infrastructure aérienne est ample et diffuse. Elle ne saurait être réduite aux seules plates-formes sur lesquelles atterrissent les aéronefs. Il faut aussi compter les sites et leurs dépendances, les clôtures et leurs rives, les voies d’accès qui l’irriguent, les routes aériennes et les territoires qu’elles survolent, les institutions qui la soutiennent, les produits et les dérivés qui l’alimentent.</p>
<p>Dès lors, matérialiser son empreinte permet de comprendre ce qui se joue dans les divergences d’intérêt dont font l’objet les grands projets contestés, d’envisager les alternatives aussi, et les réversibilités.</p>
<h2>Penser le temps de la transition</h2>
<p>Si comprendre les impacts du transport aérien est difficile à mesurer, appréhender ses futurs l’est tout autant. Sa <a href="https://theconversation.com/trafic-aerien-mondial-une-croissance-fulgurante-pas-prete-de-sarreter-116107">croissance</a> mondiale s’annonce florissante, autour de 5 % par an, soit un doublement de son niveau en 15 ans. L’Organisation de l’aviation civile internationale prévoit quant à elle une <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/06/2020-05-27_Pr%C3%A9parer-lavenir-de-laviation_Propositions-de-contreparties.._.pdf">multiplication par quatre</a> des volumes d’émissions d’ici 2050.</p>
<p>À ces trajectoires qui divergent de l’impératif climatique, tentent de répondre les prospectives qui parient sur l’innovation technologique et énergétique. Pourtant, si nous considérons la seule question énergétique, la recherche sur des alternatives non fossiles – biocarburants et carburants de synthèse, électricité et hydrogène – soulève tout un ensemble de questions sur les possibilités d’y parvenir, sur les ressources mobilisables (eau, énergie, cultures intensives), sur l’adéquation des flottes existantes ou sur la durée des amortissements des investissements. L’actualité de la crise, en Europe et en France, montre par ailleurs la persistance d’un « mix » qui agrège les énergies fossiles et renouvelables, modifiant et renforçant en même temps les structures économiques et politiques qui les soutiennent.</p>
<p>Du temps est nécessaire comme le montre le cas de l’automobile dont le modèle électrique est pourtant possible sur le plan technologique. En effet, la <a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">pertinence</a> d’une transition massive soulève bien des questions sur le plan écologique, par ailleurs en butte à maints obstacles : poids des batteries, disponibilité des métaux rares, volumes d’énergie, coûts sociaux… Ces paris incertains ne peuvent donc être exclusifs d’autres options que sont la sobriété, la réduction et la régulation.</p>
<p>Omniprésent et ambigu, le terme de transition est souvent entendu comme un temps linéaire et défini à l’issue duquel seraient surmontées les crises, nous projetant dans un « monde d’après » dont nous peinons peut-être à comprendre <a href="https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/120420/stephane-audoin-rouzeau-nous-ne-reverrons-jamais-le-monde-que-nous-avons-quitte-il-y-un-mois">qu’il ne ressemblera à rien du monde d’avant</a>.</p>
<p>Confrontés à la question de son (in)habitabilité, les citoyens de la terre gagneraient à être mieux éclairés sur notre présent, ce « plasma dans lequel baignent les phénomènes et comme le lieu de leur intelligibilité » nous disait l’historien Marc Bloch. Forte de son histoire pluriséculaire, l’économie aérienne peut-elle y parvenir ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193672/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Roseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des controverses, il s'agit de poser le problème à travers la mesure de ses effets, l’empreinte de son infrastructure et le temps de sa transition.Nathalie Roseau, Professeure d’urbanisme, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898062022-10-04T17:53:37Z2022-10-04T17:53:37ZÀ Marseille, les transports maritimes polluent les quartiers parmi les plus pauvres de la ville<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484053/original/file-20220912-20-j1pjnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C173%2C6831%2C4826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paquebot de croisière d’une capacité de 5 200 passagers, dans le port de Marseille en 2021. La pollution générée par les activités de ce type de navire affecte tout particulièrement les quartiers pauvres de la ville.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c6/20211113.Ports_of_Marseille.-026.jpg">Bybbisch94, Christian Gebhardt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 19 juillet 2022, la municipalité de Marseille a initié une pétition pour interdire, lors des périodes de pics de pollution à l’ozone, l’accueil des bateaux de croisière les <a href="https://marsactu.fr/avec-sa-petition-contre-la-pollution-marseille-veut-peser-sur-la-regulation-des-croisieres/">plus polluants</a>.</p>
<p>Intitulée « Stop à la pollution maritime en Méditerranée », elle a été signée, à ce jour, par environ 50 000 personnes et s’accompagne d’une vidéo du maire de la ville, Benoît Payan qui introduit <a href="https://www.marseille.fr/mairie/stop-pollution">son propos par ces termes</a> : « Marseille suffoque. On sent, on voit, on respire la pollution ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1564672296748347392"}"></div></p>
<p>La photographie, accompagnant la pétition, montre un panache noir issu d’un navire, masquant le panorama habituel de la ville. Cette pétition s’inscrit dans une dynamique, datant d’une dizaine d’années, de <a href="https://reporterre.net/A-Marseille-vent-de-fronde-contre-les-bateaux-de-croisiere">mobilisations</a> au sujet de la présence des paquebots de croisière dans la ville et de leurs impacts sur la qualité de l’air et de l’environnement, en général.</p>
<h2>38 % des émissions d’oxyde d’azote proviennent des navires</h2>
<p>Le 14 juin 2022, le collectif Stop Croisières et Extinction Rebellion ont empêché, durant quelques heures, l’entrée d’un des plus grands paquebots américains dans le port. L’association Cap au Nord, rassemblant des habitant·e·s des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> arrondissements, œuvre à la prise en compte de la pollution atmosphérique dans leurs quartiers.</p>
<p>Cette pollution que l’on « sent, voit et respire » fait l’objet de mesures scientifiques, afin de l’objectiver, menées par l’<a href="https://www.atmosud.org/article/atmosud">observatoire de la qualité de l’air en région Sud-PACA</a> (AtmoSud) en collaboration avec des laboratoires de recherche d’Aix-Marseille Université, tels que le laboratoire de Chimie de l’Environnement (LCE) <a href="https://www.scipper-project.eu">(voir par exemple le projet en cours SCIPPER)</a>.</p>
<p>Les médias locaux ont largement repris les données des associations. D’après une estimation du collectif Stop Croisières concernant la zone portuaire des bassins est de la ville, <a href="https://marsactu.fr/avec-sa-petition-contre-la-pollution-marseille-veut-peser-sur-la-regulation-des-croisieres/">38 % des émissions</a> d’oxyde d’azote proviennent des navires (un taux quasi équivalent à celui du <a href="https://theconversation.com/pauline-pourquoi-lessence-des-voitures-et-des-avions-pollue-184111">trafic routier</a>) et <a href="https://marsactu.fr/les-cheminees-flottantes-font-tousser-marseille/">10 % des PM<sub>10</sub> ou particules fines</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les campagnes de mesures menées par Atmosud mettent en évidence <a href="https://www.atmosud.org/publications/quelle-qualite-de-lair-pour-les-riverains-des-ports-de-nice-et-marseille">deux autres résultats majeurs</a>. Le premier montre une pollution dite « de panache », impactant certains quartiers selon les vents dominants, durant une durée déterminée. Le second souligne que les polluants mesurés (dioxyde de soufre SO<sub>2</sub> ; oxyde d’azote NO<sub>x</sub> et les particules fines, PM 10) ne se retrouvent pas, de manière continue, en quantité supérieure aux normes en vigueur en milieu urbain. Les auteurs du rapport notent également que d’autres sources polluantes s’ajoutent à celles maritimes, relatives aux transports et aux activités urbains.</p>
<p>L’impact de ces pollutions maritimes sur la santé reste difficile à appréhender car il s’inscrit dans le contexte d’une mauvaise qualité de l’air en général. Celle-ci, quelle que soit sa source, peut impacter, de la même manière, les individus (pathologies respiratoires, maladies cardiovasculaires, cancers…). Les organisations mondiales de la santé alertent, depuis longtemps, sur les effets néfastes de la pollution de l’air en <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/10558?lang=fr">termes de mortalité et de morbidité</a>.</p>
<p>Les impacts sanitaires résultent d’effets cumulés, <a href="https://www.liberation.fr/sciences/2015/09/03/une-etude-revele-la-dangerosite-de-l-effet-cocktail-des-molecules_1374910/">appelés effet-cocktail en ce qui concerne les polluants chimiques</a> qui articulent des polluants d’origines diverses et dont la mesure reste complexe à réaliser.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-en-ville-cartographie-microcapteurs-et-sciences-participatives-152276">Pollution de l’air en ville : cartographie, microcapteurs et sciences participatives</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un problème de santé environnementale</h2>
<p>Face à ces impacts négatifs, les acteurs économiques développent un certain nombre de réponses. À l’échelle locale, le Grand Port autonome de Marseille collabore, en partie, à l’élaboration des mesures, développe des branchements électriques et d’autres technologies moins polluantes et incite, <a href="https://marsactu.fr/pollution-de-lair-costa-croisieres-veut-se-racheter-une-conduite-a-marseille/">par des exonérations de taxes portuaires</a>, à l’accueil des compagnies qui ont des pratiques jugées respectueuses de l’environnement.</p>
<p>À l’échelle internationale, l’Organisation maritime internationale a approuvé très récemment, le 10 juin 2022, la création pour l’ensemble de la Méditerranée, d’une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/creation-dune-zone-faibles-emissions-soufre-en-mediterranee">zone de contrôle</a> des émissions d’oxydes de soufre et de particules (<a href="https://mer.gouv.fr/accord-trouve-pour-la-zone-de-controle-des-emissions-doxydes-de-soufre-seca-pour-la-mediterranee">zone dite Seca</a>). Le combustible utilisé doit avoir une teneur en soufre qui ne dépasse pas les 0,1 % en masse.</p>
<h2>Une configuration classique</h2>
<p>Ces réponses, de la part des acteurs économiques, <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-00518428">sont récurrentes</a> dans le cadre des problèmes de santé environnementale. Très souvent, la solution technique est priorisée, telle que le raccordement électrique ou l’installation de <a href="https://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/shipping/le-nombre-de-navires-equipes-de-scrubbers-a-double-en-un-an">« scrubbers »</a>, hottes mobiles captant les émanations lorsque les bateaux sont à quai.</p>
<p>La seconde réponse est de mettre en place des procédures de certification dites « environnementales » qui émanent des <a href="https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-sociologies-pratiques-2005-1-page-97.htm">acteurs économiques eux-mêmes</a>, justifiant de leur engagement.</p>
<p>Enfin, une troisième stratégie consiste à discuter des mesures scientifiques, à émettre des doutes sur les méthodologies employées et <a href="https://www.cairn.info/revue-mots-2021-3-page-9.htm">à entretenir une controverse</a> sur les alertes sanitaires tout en initiant des concertations avec les acteurs locaux, à l’instar d’une charte Ville-Port dans le <a href="https://www.marseille-port.fr/index.php/charte-ville-port">cas marseillais</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-9-lobbys-a-tout-prix-173275">« Moi, président·e » : Règle n°9, lobbys à tout prix</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>L’imaginaire économique d’une ville</h2>
<p>En effet, le port est historiquement le poumon économique de la ville et s’est orienté au début des années 2000, en accueil de bateaux de croisière. En 2018, 1,8 million de voyageurs auraient fait escale à Marseille, pour des retombées économiques estimées à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/marseille_en_resistances-9782348042270">310 millions d’euros pour la même année</a>.</p>
<p>Ce poids économique repose sur une nouvelle construction symbolique de la ville, longtemps en déprise économique et jouissant d’une « mauvaise » réputation, notamment en ce qui concernait le <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/lhistoire-portuaire-marseillaise-chantier">fonctionnement même de son port</a>. Aujourd’hui, le club des croisiéristes marseillais présente Marseille, comme une ville « dynamique, moderne et réinventée » en lien avec le front de mer réaménagé en zone touristique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue sur le quai des Belges depuis la grande roue (Marseille, France)" src="https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484061/original/file-20220912-20-1i28ua.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue sur le quai des Belges depuis la grande roue, Marseille, 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marseille_20160813_08.jpg">Georges Seguin (Okki)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La croisière, une activité au cœur du renouvellement urbain</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/venise-au-pic-de-la-crise-comment-sortir-de-lultra-dependance-au-tourisme-135210">L’activité croisiériste</a> s’inscrit dans un secteur de la ville soumis à un un important programme de renouvellement urbain, <a href="https://euromediterranee.fr/">l’opération d’intérêt national Euromed</a>, œuvrant <a href="https://www.editionsparentheses.com/IMG/pdf/p225_marseille_euromediterranee.pdf">depuis 1995</a> à développer l’économie locale en construisant un vaste parc immobilier d’affaires, des structures commerciales, des logements et des espaces publics.</p>
<p>La partie est du domaine portuaire s’articule aux projets d’Euroméditerranée avec l’installation de zones commerciales et d’équipements culturels. L’essor du port de croisières a accompagné, et réciproquement, le renouvellement urbain des quartiers arrière-port, qui sont historiquement des <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1997_num_52_5_279624_t1_1195_0000_001">quartiers populaires</a>.</p>
<p>Ce renouvellement génère des transformations socio-démographiques au profit de catégories sociales plus aisées et diplômées. En 2018, au sein du II<sup>e</sup> arrondissement, la part des cadres et professions intellectuelles supérieures (20 %) et des professions intermédiaires (24 %) se rapproche de celle des <a href="https://www.agam.org/wp-content/uploads/2022/04/13002-Marseille-par-quartier.pdf">employés et ouvriers (49 %)</a>. Les deux autres arrondissements, potentiellement impactés par la pollution maritime, sont les XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> arrondissements. Si le XVI<sup>e</sup> présente une sociographie équivalente à celle du second (où l’augmentation des cadres s’est faite plus précocement), le XV<sup>e</sup> reste le plus pauvre (comprenant 67 % d’employés et d’ouvriers).</p>
<h2>Des aménagements urbains et un arrière-port responsables de nuisances</h2>
<p>Ces situations sociales contrastées s’expriment dans les formes urbaines, entre nouveaux logements, logements rénovés et habitats dégradés ; entre des zones industrielles plus ou moins entretenues et actives. Dans le cadre <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/18162">d’une enquête</a> menée en 2016 auprès d’habitant·e·s de ces quartiers, Brigitte Bertoncello et Zoé Hagel ont mis en évidence l’expression de nuisances essentiellement liées aux infrastructures « d’arrière-port » et d’aménagements urbains : passages en continu des camions, présence d’anciens et nouveaux sites pollués, zones d’emplacements pour les containers et les déchets des BTP… Les autrices parlent ainsi d’un front de mer « recomposé présenté comme une vitrine » reléguant « plus loin populations et activités disqualifiées ».</p>
<p>On peut supposer, sans études sanitaires précises à ce jour, que les nuisances provenant de ces activités de logistique s’ajoutent à la mauvaise qualité de l’air ponctuelle émanant des navires, impactant, entre autres, des populations pauvres, dont on sait que les conditions de vie et d’habitat affectent, plus fortement, leurs <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280972">morbidité et espérance de vie</a>.</p>
<h2>Un panache de fumée sur les inégalités</h2>
<p>Les pollutions maritimes, telles qu’éprouvées à Marseille, ne sont pas seulement caractéristiques d’un problème d’orientation économique. Elles sont également révélatrices de ce que l’économiste Ignacy Sachs appelait, dans les années 1990, un <a href="https://theconversation.com/lecodeveloppement-le-developpement-durable-autrement-114377">« mal développement »</a> que l’on pourrait désigner de « mal développement urbain ».</p>
<p>D’un côté, le paquebot symbolise la vitrine de la ville « méditerranéenne durable de demain » et de l’autre, il occulte avec son panache de fumée, les dysfonctionnements de cette économie qui relègue, plus loin, à l’abri de la carte postale, ses externalités négatives.</p>
<p>Celles-ci ont pourtant des effets sur la santé des habitant·e·s et sur l’habitabilité de leur lieu de vie. Les injonctions environnementales, les mobilisations mais aussi les formes de résistance de ces quartiers qui restent, en partie, populaires laissent présager de futurs compromis qu’il va falloir trouver et qui ne semblent pas encore dessiner une ville totalement « réinventée ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189806/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Barthélémy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pollution maritime relève d’un problème de santé environnementale. Décryptage à Marseille.Carole Barthélémy, Maîtresse de conférences en sociologie de l'environnement, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1908632022-09-25T15:39:19Z2022-09-25T15:39:19ZLes autosolistes sont-ils prêts à se mettre au covoiturage pour les trajets du quotidien ?<p>Les embouteillages restent un problème majeur dans les grandes villes françaises : selon les <a href="https://inrix.com/scorecard/">données INRIX</a>, les automobilistes à Paris, Lyon, Marseille, Grenoble et Strasbourg ont respectivement perdu en moyenne 140, 102, 78, 71 et 64 heures dans les embouteillages routiers en 2021, et ce malgré l’essor du télétravail.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/se-deplacer-en-voiture-seul-plusieurs-ou-en-covoiturage-0?rubrique=60&dossier=1345">dernières données Insee</a> disponibles, 88 % des déplacements en voiture pour motif professionnel se font sans passager. On parle, dans ce cas, d’« autosolisme ». 9 % n’en transportent qu’un seul. En Île-de-France, à peine plus de <a href="https://e.infogram.com/978cf630-658f-447f-b041-f7fb959c2cd7?src=embed">7 000 trajets</a> quotidiens entre son domicile et son travail ont été répertoriés via les plates-formes dédiées par l’Institut Paris région. Les statistiques montrent une lente progression depuis mars 2021, mais les chiffres restent bien loin du pic de 20 000 atteint lors des grèves de 2019.</p>
<p>Avec tous ces sièges vides dans les automobiles, une grande capacité de transport reste inutilisée. Le covoiturage est donc souvent considéré comme une solution à moindre coût aux problèmes de congestion routière mais aussi de pollution. Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, défendait encore récemment cet outil pour progresser en termes de sobriété énergétique et de pouvoir d’achat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1553058040781447168"}"></div></p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666777">L’article 35</a> de la loi d’orientation des mobilités (dite loi LOM), votée fin 2019, visait à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementation-en-vigueur">favoriser les expérimentations</a> de voies réservées aux véhicules transportant au moins deux personnes et la plupart des villes précitées (mais aussi d’autres comme <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/3148579-20211015-nantes-voies-reservees-bus-covoiturage-vont-multiplier-grands-axes">Nantes</a> ou <a href="https://www.permismag.com/arrete-du-18-ao%C3%BBt-2022-relatif-a-lexperimentation-dune-signalisation-routiere-de-voie-reservee-a-certaines-categories-de-vehicules-sur-les-routes-departementales-1508-et-3508-sur-les-communes-de/">Annecy</a>) s’y sont employées. L’idée, que les gains de temps qu’elles offriraient car elles seraient moins bouchonnées, motive des individus aujourd’hui dans des véhicules séparés à effectuer leurs trajets ensemble.</p>
<p>À <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/controle-du-covoiturage-les-premiers-radars-en-test-sur-le-peripherique-14-03-2021-8428456.php">Paris</a>, des radars ont été posés Porte de Montreuil pour compter le nombre de passagers par véhicules sur le Boulevard Périphérique, préfigurant peut-être la mise en place d’une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/peripherique-et-si-la-voie-de-gauche-etait-reservee-au-covoiturage-17-01-2019-7990983.php">voie réservée</a> après les Jeux Olympiques et Paralympiques. À Strasbourg, la mise en place de l’autoroute de contournement par l’ouest s’est accompagnée de la mise en place de voies réservées aux covoitureurs sur l’axe historique, la A35. Neuf mois après l’inauguration, les élus se montrent <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">mitigés</a> à leur sujet.</p>
<p>Les métropoles de Lyon et Grenoble expérimentent aussi depuis 2020 des voies pour covoitureurs sur des axes majeurs, indiqués par un <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/c-est-quoi-ce-panneau-ou-un-losange-apparait-sur-la-m6-et-la-m7-aux-entrees-de-lyon_53179366.html">panneau en forme de losange</a>. C’est le cas de la M7, par exemple, à Lyon, la voie qui longe le Rhône et le traverse devant le musée des Confluences avant de rejoindre la gare Perrache et le tunnel de Fourvière. Le gain de temps y était estimé entre 5 et 15 minutes.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>C’est à la capitale des Gaules que nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0967070X21002833?via%3Dihub">travaux</a> se sont intéressés. Quelles leçons attendre de ces expérimentations ? Pourquoi des premiers retours assez <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">prudents</a> ? Le projet de recherche Covoit’Aura a pour objectif d’étudier les changements potentiels de choix de mode de transport et de comprendre dans quelles conditions les autosolistes seraient prêts à covoiturer pour leurs déplacements quotidiens. Il montre que beaucoup le sont, mais à condition de garder le volant, ce qui n’est pas sans conséquence pour les politiques publiques.</p>
<h2>Prêt à plus pour s’éviter le covoiturage</h2>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3141/2021-13">Indépendance et flexibilité</a>. Tels sont les arguments souvent avancés par les autosolistes pour expliquer leur choix de mode de transport. Les covoitureurs, eux, déclarent <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/dossiers/806-ademe-developpement-covoiturage-regulier.pdf">apprécier la sociabilité et valoriser l’écologie</a>. Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965856419305920">critère économique</a> importe également.</p>
<p>Une des mesures de première importance pour analyser le choix d’un mode de transport est ainsi la <a href="https://eprints.whiterose.ac.uk/104595/1/European%20meta%20paper%20final%20accepted%20for%20publication.pdf">valeur du temps</a>, que les économistes appellent aussi « coût d’opportunité » du temps. L’idée est de mesurer combien chacun est prêt à payer pour diminuer son temps de déplacement. D’un individu à l’autre, les réponses restent très hétérogènes, de même qu’entre les moyens de transport. Une minute dans un véhicule bondé sera, par exemple, appréciée différemment d’une minute dans un véhicule vide.</p>
<p><iframe id="8Dd1o" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8Dd1o/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous avons donc mené une enquête auprès de 1556 individus qui effectuent leurs déplacements domicile-travail seuls dans leur voiture sur l’aire urbaine de Lyon. Un questionnaire proposant diverses options de trajet, avec différents temps, différents modes, différents niveaux de fiabilité et de sécurité et différents coûts, leur a été soumis. Il comprenait également des questions sur leurs positionnements face aux enjeux d’écologie. Les individus participant à l’enquête ont été confrontés à une succession de scénarios dans lesquels ils doivent effectuer un choix parmi plusieurs modes de transport.</p>
<p>Ce sont ces choix qui nous permettent d’extraire de l’information sur leurs préférences. Il s’agissait de mesurer la valeur du temps liée au covoiturage en tant que conducteur et en tant que passager pour la comparer avec celle d’un déplacement en tant qu’autosoliste. Les résultats ont été utilisés dans différents modèles dont nous avons retenu les plus performants.</p>
<p>Un premier résultat qui a retenu notre attention est que les individus de notre échantillon, lorsqu’ils se déplacent respectivement comme conducteur et passager d’un trajet en covoiturage, sont prêts à dépenser en moyenne respectivement 30 et 28€ pour s’épargner une heure de trajet. Lorsqu’ils se déplacent en tant qu’autosoliste, ce montant moyen ne dépasse pas 20 euros. On semble ainsi prêt à payer bien plus pour s’éviter une heure de covoiturage : ces valeurs suggèrent donc une forte préférence pour une conduite seul dans son véhicule.</p>
<h2>D’où viendraient les passagers ?</h2>
<p>Néanmoins, on remarque au-delà une forte hétérogénéité entre les individus. Une analyse plus poussée nous a permis d’identifier quatre profils types parmi les conductrices et conducteurs actuels : 20 % s’avèrent réticents à abandonner l’autosolisme, 35 % pourraient basculer sur un autre mode si l’offre était disponible, 12 % seulement préféreraient utiliser les transports en commun et 32 % se disent prêts à covoiturer mais seulement sur le siège conducteur.</p>
<p>Qu’est-ce à dire du point de vue des politiques publiques ? Nos simulations suggèrent que les potentiels passagers en covoiturage semblent une ressource rare parmi les autosolistes. Or, il est peu intéressant qu’ils proviennent d’autres moyens de transport car, dans ce cas, la mise en place de la voie de covoiturage n’entraînerait pas une diminution du nombre de véhicules. Pour que le covoiturage réduise les embouteillages et la pollution, il faut qu’il induise une diminution du nombre de véhicules sur le réseau et donc que ce soient des conductrices et conducteurs actuels qui acceptent de devenir passagers.</p>
<p><iframe id="CVKGo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVKGo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette étude empirique est dite de « préférences déclarées », au sens où sont analysées des déclarations récoltées lors d’enquête, et non pas des comportements réellement observés. On parlerait alors de « préférences révélées ». Ainsi, les résultats obtenus demandent à être vérifiés par les données issues de l’expérimentation de la voie réservée menée à Lyon. Les <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/01/20211216ctt_ce_vr2m6m7_lduffy.pdf">premières évaluations</a> du dispositif produites par le CEREMA montrent une absence de report modal significatif en dépit du gain de temps permis par la voie réservée, confirmant la difficulté pour les autosolistes à devenir passager d’un covoiturage.</p>
<p>Les autorités publiques se doivent donc d’être vigilantes sur l’origine modale des passagers de covoiturage. Si des incitations, telles que des voies réservées, sont mises en place, elles devront rendre le covoiturage passager aussi attrayant que possible auprès d’actuels conductrices et conducteurs. Des études complémentaires seront alors nécessaires pour activer les leviers spécifiques aux catégories ciblées.</p>
<hr>
<p><em>Ont également contribué à ce projet de recherche Charles Raux (CNRS, LAET) et Martin Koning (Université Gustave Eiffel, SPLOTT)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190863/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Cette recherche a été financée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes (Pack ambition recherche 2018 : Projet Covoit’AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Alix le Goff a été financée par la région Auvegne Rhône Alpes (Projet Covoit'AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête.</span></em></p>La réponse est plutôt oui, mais en majorité à condition qu’ils restent conducteurs du véhicule, d’après une étude. La ressource rare semble ainsi être les passagers.Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Alix le Goff, Doctorant en économie des transports, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898232022-09-08T19:20:53Z2022-09-08T19:20:53ZLa grande pagaille de l’été dans l’aérien s’explique (aussi) par la domination du modèle low cost<p>Le secteur du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-aerien-29163">transport aérien</a> est révélateur des chocs subis par les entreprises depuis plus de deux ans. Elles ont dû s’ajuster en permanence, dans un environnement particulièrement incertain, et les cycles d’activité ont été particulièrement marqués pour les compagnies. Souvenons-nous, par exemple, des images de l’aéroport parisien d’Orly, désert durant les premiers mois de pandémie.</p>
<p>L’été 2022 a, lui, été caractérisé par une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2022-releases/2022-08-04-01/">reprise très forte du trafic</a>, notamment en Europe, sur le court et le moyen-courrier. Une reprise jusqu’à présent synonyme de <a href="http://www.slate.fr/story/231626/transport-aerien-chaos-aeroports-voyage-chaos-bagages-trafic-avions-retards-annulations">chaos</a> avec des passagers qui ont souvent découvert que leur vol était annulé au moment d’embarquer. Le fossé entre demande de transport et capacité des transporteurs était bien visible. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/compagnies-aeriennes-56376">compagnies aériennes</a> n’ont pu cacher leur absence d’une ressource matérielle clé : le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/la-penurie-de-main-doeuvre-menace-le-trafic-aerien-1437654">personnel navigant</a>.</p>
<p>Entre embauches gelées et départs en retraite non compensés, celui-ci a progressivement disparu ces deux dernières années. Les directions de nombreuses compagnies aériennes ont fait pression sur leurs pilotes, hôtesses, stewards et agents au sol en leur demandant plus d’effort dans les moments difficiles qu’elles ont traversés. Amener de nouvelles recrues à être opérationnelles demande par ailleurs un temps certain. La tension actuelle peut être ainsi perçue comme momentanée.</p>
<p>Rien ne dit cependant que le déficit de ressources va être comblé. Cette pagaille, nous pouvons l’interpréter à partir de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-7-page-33.htm?contenu=resume">travaux</a> sur les bouleversements provoqués ces dernières années par le développement des compagnies <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a>. Nous en avons montré deux caractéristiques qui ont été particulièrement pénalisantes dans l’environnement incertain de la pandémie : l’absence de ressources excédentaires et la spécialisation des activités.</p>
<h2>Plus de réserves</h2>
<p>L’Association du transport aérien international, qui unit la plupart des grosses compagnies, alertait dès 2007 sur un <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2007-releases/2007-29-11-01/">vieillissement de la profession</a> de pilote et sur des départs non remplacés, faute de candidats. Du côté des stewards et hôtesses ou du personnel au sol des compagnies, les métiers ne font pas rêver. Les réductions d’effectifs parfois massives opérées par les compagnies sur 2020 et 2021 ne seront peut-être jamais compensées.</p>
<p>En gestion, on parle dans ce cas d’un problème de « slack ». Le « slack », c’est la réserve de ressources, du matériel, du personnel ou même du temps qu’une entreprise a de côté. C’est ce qui lui permet de répondre à l’imprévu.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les compagnies aériennes font partie de ces entreprises qui, traditionnellement, ont une exigence de fiabilité et qui se doivent de créer du <em>slack</em> pour parer à toute modification, même forte, de l’environnement. Comment alors expliquer que les transporteurs n’y aient pas davantage pris garde ?</p>
<p>Les causes peuvent aussi bien être conjoncturelles, s’adapter à la pandémie, que plus profondes. Le paradigme historique est en effet remis en cause par l’émergence des modèles à bas coût. L’organisation de Ryanair et EasyJet, les deux leaders de l’aérien en Europe, repose sur une approche éliminant toute ressource excédentaire. On utilise l’adjectif anglais <em>lean</em> en gestion pour la désigner.</p>
<h2>Copier-coller</h2>
<p>Une autre caractéristique de ces modèles est l’externalisation des activités qui ne sont pas le cœur de métier, ou bien qui ne sont pas vues essentielles. La spécialisation dont on parle ici concerne bien les activités, pas le personnel qui est souvent très polyvalent (il suffit de regarder travailler un steward ou une hôtesse à bord pour s’en convaincre).</p>
<p>Celle-ci a, certes, amené une performance remarquable pour ces entreprises, avec des économies d’échelle très importantes. Cette logique ne fonctionne cependant que dans un environnement stable.</p>
<p>Ce n’est pas une découverte : on connaît l’importance de ce principe depuis, au moins, les années 1980. En environnement instable, l’entreprise généraliste est <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/256460">mieux armée</a> par rapport à l’entreprise ultra spécialisée. Elle est plus à même d’explorer de nouveaux terrains, d’innover et de trouver les réponses appropriées aux défis de l’incertitude.</p>
<p>Or, comme nous l’avons montré, les compagnies traditionnelles ont assez vite copié ce modèle à l’exception peut-être d’Air France. Beaucoup ont créé leur propre filiale à bas coût et même intégré directement dans la compagnie d’origine une bonne partie des composantes de ce type de fonctionnement.</p>
<h2>Suppression et entêtement</h2>
<p>Quelles sont alors les pistes de solution pour ces entreprises dépourvues de réserves pour répondre à l’augmentation rapide de la demande côté client ? Cela se joue à plusieurs niveaux. Anticiper les évolutions de l’environnement est clé mais ne suffit pas : ce qui est aussi nécessaire ici, c’est la qualité de décision une fois que les informations sont traitées.</p>
<p>Sur ce point, on a d’ailleurs vu des situations très différentes : British Airways repérait dès mars 2022 une remontée très forte de la demande pour l’été et a rapidement décidé de réduire sa capacité de vol. La compagnie annonçait d’ailleurs récemment <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/british-airways-supprime-10-000-vols-dans-la-foulee-des-limites-instaurees-a-heathrow-20220822">supprimer de nouveaux vols</a> depuis Londres. De son côté, <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/manque-de-personnel-navigant-easyjet-pourrait-annuler-massivement-ses-vols-cet-ete-921692.html">EasyJet</a> s’est entêté pour finalement annuler 10 000 vols quelques mois plus tard.</p>
<p>Une autre piste, assurément plus délicate pour les entreprises, serait d’oser parler aux investisseurs et actionnaires d’une révision de l’objectif global puisque le modèle à bas coût semble en cause. Il s’agirait de revoir les ambitions et d’investir durablement en ressources humaines, quantitativement mais aussi sur les conditions de travail, pour retrouver un point d’équilibre.</p>
<p>Le low cost était d’abord une niche : il est devenu dominant aujourd’hui. La conjoncture actuelle semble ouvrir une fenêtre d’opportunité pour amender son modèle originel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Gagne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’élimination des ressources excédentaires et la recherche de spécialisation, deux pratiques qui se sont imposées dans le secteur aérien, pénalisent les compagnies face aux crises.Jean-François Gagne, Responsable Programme MBA, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900942022-09-08T19:20:50Z2022-09-08T19:20:50ZPourquoi la reprise d’ITA par un fonds américain serait un fait d’armes majeur pour Air France-KLM<p>On pouvait imaginer que le géant italo-suisse MSC et son alliée allemande Lufthansa resteraient favoris dans la course à la reprise d’ITA Airways, créée fin 2020 pour sauver Alitalia de la faillite. Son propriétaire à 100 %, l’État italien, a pourtant choisi à la fin du mois d’août d’entamer des négociations exclusives avec un consortium pour une entrée au capital du fonds d’investissement américain Certarès. On parle d’une cession de <a href="https://information.tv5monde.com/info/rachat-d-ita-airways-rome-choisit-l-offre-de-certares-et-air-france-klm-469779">56 % des parts</a> pour environ 600 millions d’euros.</p>
<p>Certarès s’est présenté avec pour partenaires Delta Airlines et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/air-france-klm-120089">Air-France-KLM</a>. Le groupe franco-néerlandais possédait, en 2013, 25 % du capital d’Alitalia avant de s’en dégager progressivement. Désormais, il n’exclut pas de reprendre à terme une « participation minoritaire » dans ITA. Une telle entrée au capital ne pourrait d’ailleurs pas dépasser 10 %, car elle reste contrainte par la Commission européenne en contrepartie de l’aide publique reçue pour surmonter la crise du Covid-19.</p>
<p>En attendant, même comme simples « partenaires commerciaux et opérationnels », la présence de ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/air-france-klm-120089">compagnies aériennes</a> dans le dossier reste hautement stratégique et dépasse le simple jeu des acquisitions dans le secteur du <a href="https://theconversation.com/drafts/190015/edit">transport aérien</a>. Comme nous l’expliquions lors du colloque des 4èmes Rencontres Francophones Transport Mobilité, ce qui se cache derrière cette reprise, c’est une bataille à laquelle se livrent les trois méga-alliances internationales. Bataille dans laquelle ITA s’avère un pion important.</p>
<h2>Peu importe la couleur du métal</h2>
<p>Aujourd’hui, parmi les nombreux transporteurs qui existent dans le monde, 57 font partie de l’une des trois méga-alliances internationales. Skyteam en regroupe 18, Oneworld 13 et StarAlliance 26. Elles représentent plus de 60 % du trafic international mondial, transportant en 2019 plus de deux milliards de passagers.</p>
<p>En recrutant des compagnies majeures aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Amérique du Sud ainsi que plusieurs compagnies « secondaires » partout dans le monde, une alliance globale peut offrir au passager la possibilité de se déplacer jusqu’à n’importe quel point du globe. En optimisant les correspondances, elle est à même d’offrir un vol « sans discontinuité » mais aussi d’harmoniser les programmes de fidélisation. Skyteam, c’est ainsi <a href="https://applications.skyteam.com/routemapper/#/flightInput">15 500 vols par jour</a> à travers 170 pays.</p>
<p>Reste que, depuis quelques années, la forte concurrence à laquelle se livrent les trois rivales s’exerce moins par le biais de nouvelles adhésions, qui renforceraient la puissance de leurs réseaux, que par la création de partenariats d’un nouveau type.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trois Metal Neutral Joint-Ventures se partagent les deux côtés de l'Atlantique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au sein d’une même méga-alliance, certaines compagnies ont en effet décidé d’aller encore plus loin dans leur coopération et de créer ce que l’on appelle dans le jargon de l’aérien des « Metal Neutral Joint-Venture » (MNJV) ou « quasi-fusion ».</p>
<p>Dans un périmètre donné de destinations (un « <em>bundle</em> ») sur lesquelles ils étaient rivaux, les partenaires vont désormais se comporter comme s’ils ne formaient qu’une seule et même compagnie. Selon des règles très clairement établies dans le contrat, ils vont partager leurs revenus, leurs profits et/ou leurs coûts, de sorte que l’identité du métal, c’est-à-dire de l’avion qui va effectuer le vol, importe peu.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Au sein des trois méga-alliances, il existe désormais plus d’une vingtaine de MNJV à la puissance colossale, en particulier sur le juteux marché aérien transatlantique, entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Il s’agit alors d’être stratèges et ne pas laisser un des siens passer dans l’équipe adverse.</p>
<h2>La stratégie qu’il fallait jouer</h2>
<p>Avant de faire faillite en 2021, Alitalia était une partenaire privilégiée du tandem Air France-KLM-Delta : non seulement elle était, elle aussi, membre de Skyteam depuis 2001, mais elle avait rejoint en 2010 sa joint-venture transatlantique. Dès la création de sa remplaçante ITA, Skyteam se devait de la récupérer. ITA avait, à ce moment, hésité (pas longtemps certes) à aller voir du côté de StarAlliance. Lufthansa, une des compagnies leaders de cette dernière, la voulait absolument et avait pesé de tout son poids pour la convaincre de les rejoindre. ITA était finalement allée renforcer les rangs de sa rivale Skyteam.</p>
<p>Aussi, lorsque l’État italien a annoncé la privatisation d’ITA, StarAlliance a rapidement vu l’opportunité de prendre sa revanche. Une compagnie aérienne ne peut faire partie que d’une seule alliance et une fois qu’elle en est un membre, il lui est difficile d’en changer. Les rares fois où cela est arrivé, c’était plutôt à la suite d’une fusion, d’acquisition ou de rachat entre compagnies d’alliances rivales.</p>
<p>ITA entre les mains de Lufthansa n’aurait plus eu d’autre choix que de plier bagage et de rejoindre l’équipe de StarAlliance. Cela aurait représenté une énorme perte pour Skyteam et surtout pour sa MNJV transatlantique. En 2020, celle-ci s’était renforcée en « fusionnant » les deux MNJV transatlantiques qu’elle avait (Air France-KLM-Delta et Delta-Virgin, Virgin ne fait pas partie de Skyteam mais est détenue par Delta à 49 %) et reste aujourd’hui très ouverte à y intégrer de nouveaux partenaires. ITA pourrait très bien prendre la place vacante de l’ex-Alitalia.</p>
<p>Voici pourquoi prendre le pas sur Lufthansa dans la reprise d’ITA est un brillant fait d’armes pour le tandem formé par Air France-KLM et Delta. Bien sûr, les négociations ne sont pas terminées et la situation financière d’ITA est loin d’être bonne. Mais à ce stade, c’était, semble-t-il, à coup sûr la stratégie qu’il fallait jouer pour empêcher leurs concurrentes de les amputer d’un atout important. C’était mettre toutes les chances de leur côté pour maintenir leur force sur le marché transatlantique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gézia Damergy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rachat de la compagnie détenue par l’État italien constitue un enjeu hautement stratégique dans la lutte à laquelle se livrent trois méga-alliances sur le marché mondial du transport aérien.Gézia Damergy, Maître de Conférences, Réseaux /Transport aérien, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.