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Anatomie du maquillage : les yeux

La pratique du maquillage est certainement la façon la plus ancienne qu’ont trouvée hommes et femmes pour mettre leur corps en valeur. Utilisant les matériaux à leur disposition, ils optent d’abord pour des ornements temporaires – les peintures corporelles réalisées à base d’argile – afin de marquer l’appartenance à un clan. Le premier germe d’un souci esthétique vient de faire son apparition. Il ne lâchera plus l’humanité qui, au fil du temps, va optimiser la qualité des produits utilisés.

De la simple argile puisée à même le sol, aux actifs issus des biotechnologies, les techniques utilisées se raffinent… la finalité reste pourtant la même : atteindre les critères de beauté en vigueur. Dès l’Antiquité, les cosmétiques à disposition se déclinent en fonction de leur destination ; on trouve ainsi des produits destinés au maquillage des yeux (le kohol ou mesdemet des Égyptiens), des lèvres ou bien du visage.

Embellir et soigner

Pour les yeux, chaque civilisation et chaque époque voient la mise au point de formules spécifiques adaptées au mieux à cette zone sensible. Les cosmétiques les plus anciens jouent également un rôle thérapeutique, car ils permettent la plupart du temps, outre un embellissement de l’œil, la prévention ou le traitement de diverses pathologies oculaires.

Chez les Égyptiens, le maquillage accompagne aussi bien les vivants que les morts, tous sexes confondus. On a retrouvé des traces de khôl dans des tombes très anciennes, datant de plus de 1 500 ans avant notre ère. Celui-ci était conservé dans des coquilles, des roseaux creux ou des vases. De très jolies cuillers à fard en bois sculpté ont également pu être utilisées pour présenter ce type de cosmétique. Des hiéroglyphes retrouvés sur des emballages de collyres vantent à la manière de nos publicités modernes les vertus du cosmétique en question : « Le khôl qui élimine l’eau coulant des yeux est excellent » !

D’un point de vue composition, il s’agit d’un mélange de poudres minérales (sels de plomb, d’antimoine, malachite) de couleur noire ou verte selon l’époque considérée. Cette poudre est humectée avec de l’eau de rose par exemple, afin d’obtenir une pâte qui viendra enduire les paupières et étirer l’œil, parfois jusqu’à l’oreille. Selon les ingrédients utilisés, on lui reconnaît des propriétés anti-œdémateuses, parasiticides…

Petit pot à khôl et son bâton, Égypte, 1315-1201 avant J.C. collections.lacma.org

Végétaux, os d’animaux, œufs de fourmis…

Au IVe siècle avant notre ère, les Grecs mettent au point des collyres (kollurion), cousins germains du khôl égyptien. Il s’agit de préparations solides transformées extemporanément en liquide ou en pâte par ajout d’un solvant approprié. Les Romaines y ajoutent de l’atropine (issue de la belladone) pour dilater leurs pupilles et acquérir un œil de braise. Le rapprochement des sourcils est considéré comme un signe de beauté. On s’applique donc à les rejoindre à l’aide d’un trait noir réalisé au moyen de préparations aux compositions des plus variées. Noir de fumée obtenu par combustion de végétaux ou d’os d’animaux, œufs de fourmis et de mouches sont mélangés à des corps gras (huiles végétales ou graisses animales) ou même à de la salive pour faciliter l’application et augmenter l’adhérence à la peau. Ce fard est également appliqué sur le pourtour de l’œil permettant ainsi de le rendre charbonneux à souhait.

Durant la Renaissance, les critères de beauté restent les mêmes. On recherche toujours un contraste marqué entre la blancheur du visage, témoin d’une haute naissance et la noirceur des yeux, des sourcils et des paupières, éléments anatomiques permettant le langage muet de la séduction. Pierre de Bourdeille dans son ouvrage Vie des dames galantes reprend à son compte une énumération de critères à respecter pour toute femme qui souhaite s’imposer par sa beauté.

Un attribut social

Si le maquillage des femmes est un caractère constant au fil de l’histoire, celui des hommes le sera de façon beaucoup plus sporadique. La constante, c’est qu’il reste l’apanage, toute époque confondue, des classes aisées. Selon le caractère des rois qui se succéderont, le maquillage sera prôné et même parfois utilisé à l’excès ou bien au contraire totalement abandonné et laissé aux seules et uniques femmes.

Henri III et ses mignons, Louis XIV, le Roi le plus doux fleurant, et sa cour servile sont brocardés respectivement pour leur manque de virilité et pour leur absolutisme forcené. Louis XIV, non content de s’identifier à l’État, impose ses goûts en matière d’esthétisme mettant à l’honneur un maquillage outrancier digne du Japon médiéval. La peau recouverte d’une épaisse couche de fard blanc ne laisse plus transparaître ni la moindre ride ni la moindre émotion. Lèvres rouges et sourcils noircis viennent compléter ce masque du parfait courtisan.

Quel que soit l’âge ou le sexe, chaque visage est à l’image du maître, démultipliant dans la galerie des Glaces de Versailles une cour fidèle au point de ne plus faire qu’un. Louis XVI laissera, quant à lui, les excentricités vestimentaires et cosmétiques à sa femme, Marie-Antoinette. La Révolution française met un coup de frein à l’usage des cosmétiques. La consommation reprendra de plus belle par la suite. Les aristocrates ayant échappé aux massacres oublieront les horreurs endurées à coups de parfums capiteux et de cosmétiques luxueux.

Le mascara. Shutterstock

A l’heure de l’industrialisation

Le XIXe siècle voit le début de l’industrialisation d’un commerce qui était jusqu’alors artisanal et la naissance des premiers instituts de beauté. Le mascara est inventé en France par Rimmel et aux États-Unis par Maybelline. Il s’agit d’un savon coloré (ou cake) à appliquer au niveau des cils à l’aide d’une brossette après avoir humidifié le produit. Celui-ci craquelle (comme tout savon en manque d’eau), s’effrite… bref, il vieillit mal. Il convient de modifier la formule. C’est ce que feront Maybelline et Helena Rubinstein, en 1957, avec la mise sur le marché d’un mascara proche de celui que nous connaissons actuellement. L’émulsion colorée est placée dans un étui qui renferme une petite brosse. Il ne reste plus qu’un seul geste à faire.

Le maquillage des yeux reste, de nos jours, un geste très féminin si l’on met à part quelques excentricités gothiques. Olivier Steiff, candidat emblématique de l’émission Top Chef, en est un bon exemple.

Cet article s’appuie sur l’ouvrage publié par les auteurs : Beauté, mon beau souci – Histoire de la beauté et des cosmétiques.

Retrouvez le second volet de cette série sur le maquillage.

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