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Au-delà du contrôle : une autre façon d’aborder les changements climatiques

À la COP23, le 8 novembre 2017. Patrik Stollarz/AFP

Ce texte est publié en partenariat avec la revue numérique « La pensée écologique », dirigée par Dominique Bourg. Il s’agit d’un extrait d’un texte consacré à la gouvernance mondiale des changements climatiques.


Les participants aux conférences annuelles sur le climat (les COP), dont la 23e se tient actuellement à Bonn, sont animés du sentiment que leur volonté et les moyens déployés permettront de contrôler l’augmentation de la température mondiale. La récente proposition d’un Pacte mondial pour l’environnement va dans le même sens.

Plus largement, les circulations produites dans tous les domaines de l’activité humaine reposent sur cette idée de contrôle : parce qu’il est à leur origine, l’homme pense qu’il lui suffit de stopper son action, de « débrancher la machine », pour que cette circulation cesse. De très nombreux dispositifs – qu’ils portent sur les déchets, les données, les capitaux, les populations – ont été construits autour de cette idée de contrôle.

Cette idée est toutefois une illusion. Et les acteurs (États, entreprises, individus notamment) sont de plus en plus fréquemment dépassés par les mouvements de circulation qu’ils ont eux-mêmes provoqués.

Le dérèglement climatique

Les émissions de gaz à effet de serre constituent un exemple majeur de cette perte de contrôle : une fois libérées dans l’atmosphère, ces émissions échappent au contrôle de l’homme, s’accumulant et circulant tout autour de la planète.

Dans le cadre des négociations climatiques, comme les COP, l’action des parties prenantes vise, à la fois, à attendre que le temps (très long) fasse son office de dissipation des gaz existants et à engager une réduction des émissions actuelles et futures.

Mais ce dernier point, qui semble dépendre de la seule volonté des négociateurs, demeure très fortement contraint. Car il ne suffit pas qu’un pays, une entreprise ou un individu se montre exemplaire en termes de réduction des émissions. C’est l’ensemble de tous les acteurs qui doit se mobiliser en ce sens pour produire les effets globaux escomptés.

Ce « scénario d’échappement » invite à poser l’hypothèse d’une « circulation totale au-delà du contrôle » et de sa gouvernance.

Dans le domaine du changement climatique, cette perspective milite en faveur de l’ouverture d’un nouvel espace global de discussions et de négociations fondée sur la perte de contrôle.

Un espace inédit de débats

Dans les négociations climatiques, les efforts se concentrent sur les mesures de politique publique et citoyenne à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ; de telles mesures devraient permettre de conserver un réchauffement planétaire en deçà d’un certain seuil : 1,5 °C, avec une limite fixée à 2 °C maximum, pour 2030. D’ici là, il s’agit d’aider les lieux menacés par les effets de ces émissions (comme les risques liés à la montée des eaux, par exemple) à s’adapter.

La proposition, qui s’appuie sur le scénario d’échappement, consiste à ouvrir au sein des COP un second grand volet de discussions et de négociations.

Cette seconde enceinte aurait pour objectif de répondre à la question suivante : comment anticiper les hypothèses pour lesquelles la circulation planétaire des gaz à effet de serre atteindrait des niveaux incontrôlés, c’est-à-dire supérieurs à ceux actuellement escomptés ? Dans ce cadre, personne ne fait plus semblant de croire que le phénomène peut être contenu dans ses causes et/ou ses effets. La dimension totale et incontrôlable du phénomène est abordée de front.

Une nécessaire utopie

Cette approche présente de multiples intérêts. Nous en citerons trois.

Tout d’abord, la question ainsi envisagée serait posée « à froid », c’est-à-dire très en amont de la gestion des situations de crise provoquées par le dépassement de seuils considérés comme fatidiques.

Cette nouvelle approche aurait également le mérite de ne plus occulter ces risques extrêmes. Car s’il est évidemment impossible de déterminer précisément à l’avance comment et quand se réalise ce type de scénario, on peut toutefois les observer et, dans une certaine proportion, mesurer leurs manifestations.

Enfin, cette analyse de la perte de contrôle serait l’occasion dé réfléchir à comment faire face aux violences qui résulteront du dépassement des seuils. On pourrait ainsi débattre de la nécessité d’adopter par anticipation des mesures draconiennes comme l’interdiction mondiale du recours à certaines énergies ou encore une taxation mondiale telle sur ces énergies qu’elle provoquerait la remise des modèles économiques qui les soutiennent.

Ces perspectives paraîtront sans doute utopiques. Ce qui compte toutefois, c’est de réfléchir dès à présent sur ces scénarios de traitement extrême afin de mettre chacun des acteurs face à ses responsabilités.


Découvrez l’intégralité du texte de Jean‑Sylvestre Bergé sur le site de « La pensée écologique ».

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