tag:theconversation.com,2011:/au/topics/accords-dentreprise-43739/articlesaccords d'entreprise – The Conversation2022-04-20T09:57:30Ztag:theconversation.com,2011:article/1812872022-04-20T09:57:30Z2022-04-20T09:57:30ZIl y a cinq ans, les ordonnances Macron instauraient un droit du travail moins favorable aux salariés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458318/original/file-20220415-26-c0ogoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C30%2C1126%2C767&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation de fonctionnaires Paris contre les ordonnances Macron, en octobre 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/37362377850">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000035607388/">ordonnances Macron de 2017</a> ont profondément modifié le droit du travail en renforçant le « dialogue social » à l’échelle de l’entreprise, faisant de celle-ci le lieu central de la production des normes d’emploi.</p>
<p>Ce texte entérinait ainsi un changement inédit de hiérarchie des normes dans le droit du travail, en instaurant la primauté des accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche professionnelle. Cette transformation radicale permet de faire de la loi non plus un outil de protection des travailleurs, mais, avant tout, un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.</p>
<p>Cinq ans plus tard, nous vous proposons de revenir sur l’esprit, les raisons et les répercussions inédites de ces mesures phares qui ont fortement marqué le début du quinquennat du président Emmanuel Macron.</p>
<h2>Portée historique</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que si ces trente dernières années ont été marquées en France par la consécration du « dialogue social » comme <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2009-1-page-125.htm">forme légitime des relations sociales</a> en entreprise, la pratique de la négociation collective à l’échelle des organisations a été, pendant très longtemps, quasi inexistante en France.</p>
<p>En effet, ce sont seulement les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000504206/">lois Auroux de 1982</a> qui ont, pour la première fois, rendu obligatoires les négociations collectives en entreprise. Depuis, de nombreuses réformes législatives se sont succédé, toutes animées par une volonté d’étendre le périmètre et le contenu de ces négociations décentralisées.</p>
<p>Le développement d’un dialogue local est, depuis lors, présenté par le législateur comme une solution privilégiée pour désamorcer les velléités contestataires des syndicats et des salariés, qui reposeraient avant tout sur une incompréhension des réalités économiques et des contraintes managériales auxquelles sont confrontées leurs directions.</p>
<p>Derrière cette promotion d’un idéal démocratique de coopération entre les salariés et leur management, ces transformations de la législation attestent d’une réalité plus sombre. Notamment, ces mesures ont commencé récemment à remettre en question le « principe de faveur » sur lequel le droit du travail français est fondé afin de mieux protéger les travailleurs.</p>
<p>Selon ce principe historiquement ancré, un accord d’entreprise ne pouvait exister que s’il était plus favorable, pour les salariés, aux règles négociées dans la convention collective ou les accords de branche, afin d’éviter une course au « moins-disant » social.</p>
<p>La succession des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000613810/">lois Fillon de 2004</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000019347122/">Bertrand de 2008</a> sont les premières brèches symboliques qui ont ouvert progressivement des possibilités de dérogation aux conventions collectives pour les accords d’entreprise, mais seulement sur certains critères et dans certaines conditions. Plus récemment, les lois <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031046061/">Rebsamen de 2015</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032983213/">El Khomri de 2016</a> puis, surtout, les ordonnances Macron, en 2017, parachèvent cette (r)évolution discrète.</p>
<p>Les ordonnances Macron, tout particulièrement, ont des implications d’une ampleur sans précédent : elles permettent désormais de renégocier complètement les clauses des conventions collectives dans tous les domaines, en actant la primauté aux accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche, y compris en cas d’accords moins favorables pour les travailleurs.</p>
<p>En inversant ainsi la hiérarchie des normes, ces décrets ont alors ouvert, pour la première fois, la possibilité d’une individualisation des négociations collectives à l’échelle des entreprises.</p>
<h2>« Tournant entrepreneurial »</h2>
<p>Si les ordonnances Macron ne défendent donc pas des idées nouvelles, elles actent cependant l’aboutissement concret de plus de trente ans de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2020-1-page-169.htm">« tournant entrepreneurial » du droit du travail</a> : en déconsidérant les notions de classes et de subordination qui en constituaient le fondement, elles interprètent ce droit non plus comme un outil de protection des travailleurs, mais comme un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.</p>
<p>En ce sens, ces multiples réformes ont surtout permis de relayer les doléances patronales, fidèlement reprises dans les ordonnances Macron, qui, en plus de déplafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciements abusifs (hors cas de harcèlement), facilitent par exemple les procédures de licenciements économiques tout en flexibilisant davantage les accords de maintien dans l’emploi.</p>
<p>C’est également dans cette perspective que ces ordonnances viennent bouleverser les modalités des négociations collectives dans de multiples domaines. En particulier, le fonctionnement des instances de représentation du personnel (IRP) a été profondément remanié.</p>
<p>La fusion des trois instances traditionnelles (CE, CHSCT, DP) en une seule (le Comité social et économique, ou « CSE ») est l’une des mesures les plus emblématiques de ces décrets : présentée comme une manière de simplifier le dialogue dans l’entreprise, cette refonte contraint en réalité fortement les représentants des salariés, en diminuant leurs ressources, et en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03358079">limitant la portée réelle de leur prérogatives</a>.</p>
<p>Soulignons en ce sens la réduction du nombre de représentants du personnel - <a href="https://www.infocse.fr/actualites/sociales/cse-nombre-representants-heures-de-delegation">jusqu’à 50 %</a> - pour une <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/rapport_effet_de_la_mise_en_place_des_cse_sur_le_dialogue_social_etude_longitudinale_de_7_grandes_entreprises._universite_paris_est_0.pdf">charge de travail plus importante</a>, ou bien encore le délai raccourci pour les possibilités de recours à des experts extérieurs (dont le financement, jusqu’alors aux frais de l’employeur, doit désormais être pour partie pris en charge sur le budget du CSE).</p>
<p>Notons que la suppression des CHSCT ôte d’ailleurs aux représentants des salariés l’un des dispositifs qui leur était le plus favorable dans le jeu des négociations. Enfin, les modalités même de fonctionnement du CSE peuvent être directement négociées au cas par cas, laissant ainsi toute latitude aux entreprises de <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03358079">définir leurs propres modalités de négociations</a> et faisant dès lors des droits syndicaux eux-mêmes un enjeu (central) de la négociation d’entreprise. C’est ainsi aux représentants des salariés de négocier… leurs propres ressources pour négocier.</p>
<h2>Derrière le dialogue, la domination</h2>
<p>Cette vision contractuelle des relations professionnelles, qui passe complètement sous silence la <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2019-2-page-15.htm">nature asymétrique des liens de subordination</a> propre aux relations hiérarchiques, se trouve en décalage complet avec la réalité des rapports de force que les salariés et leurs représentants peuvent aujourd’hui construire face à leur direction.</p>
<p>La fragilisation des protections collectives confère alors au patronat une position particulièrement favorable pour imposer sans contreparties le contenu et l’issue des négociations. Avec le renversement du « principe de faveur » qui fragilise le droit des salariés, les ordonnances Macron offrent en effet aux équipes de direction des outils supplémentaires d’individualisation et de flexibilisation du travail et des rémunérations, comme l’ont récemment illustré <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete-source/relations-professionnelles-et-negociations-dentreprise-2017">plusieurs enquêtes approfondies</a>.</p>
<p>De façon plus subtile que les anciennes pratiques de répression directe, ces outils du dialogue social peuvent aussi être investis comme des moyens habiles de sélectionner les « bons » représentants des salariés et les « bonnes formes » de contestation, en encourageant notamment un syndicalisme de concertation, plus consensuel et conciliant. À ce titre, les ordonnances Macron consacrent les efforts des représentants du patronat et du législateur pour, comme le soulignait le sociologue Étienne Penissat, « institutionnaliser, légitimer et soutenir un syndicalisme “gestionnaire” <a href="https://www.cairn.info/revue-agone-2013-1-page-7.htm">compatible avec les exigences du capitalisme contemporain</a> », tout en marginalisant, de fait, les postures syndicales contestataires.</p>
<p>Alors que l’esprit de ces réformes tend à discréditer toute notion de conflits et de subordination, ces évolutions nous invitent ainsi, au contraire, à réfléchir aux manières dont les représentants des salariés peuvent continuer à bâtir un rapport de force favorable à la défense des travailleurs, dans un contexte où l’asymétrie sociale avec leur employeur se trouve renforcée par les nouvelles règles de négociations collectives d’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Sanson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les ordonnances votées en début de quinquennat ont ouvert la voie à une individualisation de la négociation, affaiblissant ainsi le rôle des syndicats.David Sanson, Professeur régulier (eq. MCF), Université du Québec à Montréal (UQAM), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740902022-01-05T18:49:29Z2022-01-05T18:49:29ZTélétravail : le Covid a accéléré la mise en place de formules « à la carte »<p>Conséquences cumulées de l’évolution du cadre réglementaire et de la crise sanitaire, le nombre d’accords et de chartes d’entreprises relatifs au télétravail connaît une croissance exponentielle ces dernières années. S’il est difficile d’évaluer précisément le nombre de chartes, <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/teletravail-les-patrons-preferent-signer-une-charte-quun-accord-1354193">préférées à un accord par les PME/TPE</a>, ce sont désormais plus de 7 000 accords télétravail (ou avenants à des accords existants) qui ont été déposés sur le site de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr">Légifrance</a>, dont près de 3500 seulement en 2021, soit deux fois plus qu’en 2020.</p>
<p>Au-delà de leur nombre, c’est le contenu des accords augurant le télétravail volontaire « post-Covid » qui a fortement évolué ces dernières années. S’ils proposent le plus souvent du <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/le-teletravail-partiel-se-generalise-90428/">télétravail partiel</a>, reposant sur une organisation du travail en mode hybride, définie par l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) comme « un <a href="https://www.andrh.fr/article/L-entreprise-en-mode-hybride-mode-d-emploi">savant mélange</a> de travail à distance et de présentiel », et limitent majoritairement à 2 ou 3 jours par semaine le recours au télétravail, les derniers accords offrent désormais des possibilités de choix étendues à leurs salariés. Le terme de « télétravail à la carte » fait même son apparition dans quelques accords, par exemple <a href="https://www.droits-salaries.com/542070958-lubrizol-france/54207095800021-siege/T07621005419-accord-relatif-au-teletravail-teletravail.shtml">chez l’industriel de la chimie Lubrizol France</a>.</p>
<h2>Assouplissement des règles</h2>
<p>Chez le fabricant de pneumatiques Michelin, le télétravail a pour la première fois été intégré à la politique de ressources humaines en 2009 avec la signature d’un premier accord d’entreprise. Au-delà des conditions d’éligibilité, la préoccupation majeure des premiers accords télétravail concernait alors le cadrage des jours et des lieux autorisés. C’est ainsi que, chez Michelin, les deux premiers accords signés entre 2009 et 2013 limitaient le télétravail à du télétravail régulier, réalisé exclusivement au domicile du salarié et au maximum 2 jours par semaine définis à l’avance dans un avenant au contrat de travail, et sous réserve de l’accord du manager.</p>
<p>Le troisième accord introduit un premier assouplissement. Signé en 2014, il organise le télétravail sur une base mensuelle et non plus hebdomadaire. Le nombre de jours télétravaillés doit alors être compris entre 2 et 10 par mois, définis d’un commun accord avec le responsable hiérarchique comme des jours de télétravail « de préférence » pouvant être modifiés en fonction des besoins du service. L’accord de 2017 rajoute à son tour la possibilité de recourir au télétravail occasionnel pour répondre à un besoin particulier et temporaire. Mis en place sans avenant, ce télétravail ponctuel requiert un simple accord écrit du manager.</p>
<p>Afin de faire un bilan sur ces dix premières années de mise en œuvre du télétravail et en vue de la négociation en 2021 d’un nouvel accord, le cinquième, avec les partenaires sociaux, le groupe Michelin nous a confié en 2019-2020 la réalisation d’une enquête qui nous a permis de recueillir les perceptions de 1250 collaborateurs du groupe. Concernant le contenu de l’accord de 2017 en vigueur au moment de notre enquête, les <a href="https://hal.uca.fr/hal-02478717">résultats de notre étude</a> faisaient apparaître un souhait de davantage de flexibilité vis-à-vis du télétravail régulier et, inversement, un manque d’information et d’encadrement du télétravail occasionnel, notamment concernant la procédure de demande et d’acceptation. Notre étude a également permis de tirer <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2020-3-page-79.htm">quelques enseignements de la période de télétravail généralisé</a> pendant le confinement afin de proposer les bases d’un « télétravail post-pandémie ».</p>
<p>Ce cinquième accord Michelin, signé le 2 décembre dernier, assouplit encore les règles de recours au télétravail. Notamment, il peut désormais être réalisé dans tous lieux en France métropolitaine compatibles avec le télétravail, et l’accord de principe du manager n’est plus nécessaire pour l’accès au télétravail régulier pour les salariés remplissant les critères d’éligibilité. Mais surtout, il propose désormais 3 formules de télétravail :</p>
<ul>
<li><p>régulier, avec un maximum de 3 jours définis « de préférence » par semaine ;</p></li>
<li><p>occasionnel pour répondre à un besoin professionnel ou personnel ponctuel, sans plafonnement de nombre de jours et cumulable avec le télétravail régulier ;</p></li>
<li><p>et adapté, qui permet de télétravailler à 100 %, « dans certaines situations individuelles et métiers spécifiques ».</p></li>
</ul>
<p>D’autres modalités de télétravail à la carte sont proposées dans divers accords d’entreprise. Par exemple, pionnière dans le domaine, la SNCF signait déjà en 2017 un accord ouvrant aux salariés la possibilité de choisir entre, d’une part, 1 à 3 jours de télétravail par semaine ou <a href="https://www.droits-salaries.com/572150977-sncf-participations/57215097701839-siege/T09318000471-accord-collectif-relatif-au-teletravail-conditions-travail.shtml">36 journées « à la carte » par an</a>.</p>
<p>Même principe à la banque LCL, où les salariés ont le choix entre le télétravail régulier un ou deux jours fixes dans la semaine et l’attribution d’un <a href="https://www.droits-salaries.com/954509741-lcl-le-credit-lyonnais-credit-lyonnais/95450974138037-lcl-credit-lyonnais/T09419003926-accord-relatif-au-teletravail-teletravail.shtml">quota de dix jours par trimestre</a>.</p>
<p>Au sein du cabinet de conseil Capgemini, le salarié détermine chaque mois son volume de télétravail qui doit être compris <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/acco/id/ACCOTEXT000044157038?page=1&pageSize=10&query=capgemini&searchField=RAISON_SOCIALE&searchType=ALL&siret=capgemini&sortValue=PERTINENCE&tab_selection=acco&theme=yDGL3w%3D%3D&typePagination=DEFAULT">entre 20 % et 70 % de son temps de travail</a>.</p>
<p>À France Télévisions, le télétravail peut représenter <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/acco/id/ACCOTEXT000043262936?page=1&pageSize=10&query=france+television&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=PERTINENCE&tab_selection=acco&theme=yDGL3w%3D%3D&typePagination=DEFAULT">jusqu’à 100 jours par an</a>, qui peuvent être planifiés sur le mois ou sur le trimestre, sur des jours fixes ou mobiles. L’accord précise qu’« un salarié peut télétravailler 5 jours sur une semaine pour boucler un projet, puis être sur site la semaine suivant 5 jours d’affilée parce que l’organisation du service l’exige ».</p>
<p>Chez Renault, les salariés peuvent choisir d’adhérer à un dispositif collectif ; ils bénéficient alors de 2 à 3 jours de télétravail par semaine auxquels s’ajoute une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/acco/id/ACCOTEXT000043705803?page=1&pageSize=10&query=renault&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=PERTINENCE&tab_selection=acco&theme=yDGL3w%3D%3D&typePagination=DEFAULT">enveloppe « open bar » de 35 jours par an</a>. Ceux qui n’adhèrent pas au dispositif collectif disposent d’une enveloppe de 15 jours par an. Les salariés Renault jouissent également de la possibilité de télétravailler hors de France dans la limite de 30 jours par an.</p>
<h2>Les bénéfices de l’entreprise à la carte</h2>
<p>En ouvrant un nouvel espace de choix, le télétravail remet à l’ordre du jour le concept de l’entreprise à la carte, d’abord appliqué au domaine de la rémunération dans les années 80 aux États-Unis. Les « plans cafeteria », qui connaissent actuellement un <a href="https://www.focusrh.com/remuneration/pratiques-salariales-et-paie/remuneration-regain-d-interet-pour-le-plan-cafeteria-33147.html">regain d’intérêt en France</a>, permettent à chaque salarié de choisir son « package » de rémunération dans le cadre d’une enveloppe définie, par exemple entre part fixe et variable, en argent ou en nature, etc. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10138429/">Les travaux réalisés dans les années 1990</a> ont montré que ces systèmes augmentaient la satisfaction au travail, notamment en donnant aux salariés un fort sentiment de contrôle de leur situation de travail.</p>
<p>En France, le concept d’entreprise à la carte a été introduit en 1995 par le <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/organisation-le-cjd-plaide-pour-l-entreprise-a-la-carte.N76636">Centre des jeunes dirigeants d’entreprise</a>. Les possibilités de choix concernaient alors principalement le domaine de la protection sociale avec la mise en œuvre de <a href="http://www.theses.fr/1997TOU10009">plans de prévoyance flexibles</a>. En impliquant les salariés dans le choix de leurs prestations, ces dispositifs ont montré leur capacité à accroître la satisfaction des salariés grâce à la perception d’une meilleure justice distributive (relative à l’équité des résultats) et procédurale (relative au processus de décision) et à davantage de communication entraînant une meilleure compréhension du sujet. Dans les <a href="https://www.researchgate.net/publication/278806555_La_fidelisation_des_salaries_par_l%27entreprise_a_la_carte">recherches</a> menées dans les années 2000, le concept d’entreprise à la carte a ensuite été élargi aux choix offerts en matière d’aménagement des temps de travail, d’organisation du travail et de formation.</p>
<p>Ainsi et sans minimiser les inconvénients généralement attribués au télétravail, notamment relativement à l’isolement et au manque d’interactions sociales, nous pensons qu’introduire une part de choix dans le domaine du recours au télétravail peut réduire ces inconvénients, en permettant au salarié de choisir la formule qui correspond le mieux à ses besoins professionnels et personnels.</p>
<p>En outre, face aux <a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">difficultés de recrutement</a> que connaissent actuellement les entreprises, le télétravail semble constituer un <a href="https://corporate.apec.fr/home/nos-etudes/toutes-nos-etudes/le-teletravail-des-cadres-en-tem.html">facteur d’attractivité</a>, notamment auprès des jeunes cadres, ce qui <a href="https://www.digitalrecruiters.com/blog/le-teletravail-a-t-il-un-impact-sur-la-marque-employeur">valorise la marque employeur</a>, d’autant plus s’il est proposé « à la carte ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">Le mystère de la « Grande démission » : comment expliquer les difficultés actuelles de recrutement en France ?</a>
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<p>Il est désormais quasiment certain que le recours au télétravail va se poursuivre et probablement <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/le-teletravail-a-change-radicalement-de-statut-il-est-devenu-un-moyen-pour-les-organisations-de-relever-un-defi-existentiel_6041179_3232.html">s’intensifier au-delà de la crise sanitaire</a> et, même si des <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/barometre-annuel-teletravail-2021-de-malakoff-humanis-db57-63a59.html">entreprises restent réticentes</a>, d’autres ont déjà fait le <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/flexibilite-au-travail/deconfinement-ces-entreprises-qui-disent-adieu-a-leurs-bureaux-pour-rester-en-teletravail-1206519">choix du télétravail intégral</a>.</p>
<p>Certaines inversent aussi la logique dans l’organisation du travail en mode hybride, comme chez le constructeur PSA où le <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/psa-fait-du-teletravail-la-regle-pas-lexception-1201054">télétravail devient la norme</a> et le retour en entreprise l’exception, les salariés dont les activités ne sont pas liées directement à la production pouvant travailler à distance jusqu’à 3 semaines par mois. L’accord télétravail organise alors le retour ponctuel en présentiel et la gestion des espaces de travail au sein de bureaux partagés.</p>
<p>Enfin, et par souci d’équité, une prochaine évolution des accords télétravail, qui concernent actuellement principalement les métiers du tertiaire, pourrait bien être l’élargissement aux métiers « peu » télétravaillables. Tandis que Michelin va lancer une étude sur la faisabilité du télétravail dans certains métiers de la production, Renault a d’ores et déjà acté dans son dernier accord du 10 juin 2021 l’attribution d’une enveloppe de 35 jours par an pour les postes dans le « manufacturing » ayant quelques activités télétravaillables. Dans les prochaines années, les accords télétravail pourraient ainsi intégrer toujours plus de flexibilité et de modularité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Michelin, LCL, Capgemini… La crise sanitaire a incité les entreprises à davantage assouplir les règles afin de proposer différentes possibilités de travail à distance à leurs salariés.Janique Soulié, Maître de conférences en GRH - Laboratoire ClerMa, Université Clermont Auvergne (UCA)Pierre Mathieu, Directeur de l'Institut Lettres, Langues, Sciences Humaines et Sociales, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1615082021-05-30T20:42:56Z2021-05-30T20:42:56ZDans les banques, les accords d’entreprise limitent en partie les risques liés au télétravail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402836/original/file-20210526-17-ths595.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2041%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la majorité des cas, un accord d’entreprise ou une charte d’employeur précise les modalités du recours au télétravail.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/49813817742">Flickr / École polytechnique - J.Barande</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2019, une étude de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) montrait que, <a href="https://www.andrh.fr/actualites/886/le-teletravail-1-an-apres-les-ordonnances-le-benchmark-andrh">dans la majorité des cas</a>, le recours au télétravail était formalisé soit par un accord de groupe ou d’entreprise, soit par une charte d’employeur. Parmi ces sociétés, on retrouve de nombreuses banques, l’un des secteurs <a href="https://www.clesdusocial.com/concertation-entre-le-patronat-et-les-syndicats-sur-le-teletravail">où cette pratique se concentre</a> particulièrement.</p>
<p>Dans le cadre de nos recherches (menées fin 2019), nous avons évalué l’efficacité de tels accords dans 5 grandes banques contre trois types de risques liés au télétravail : la surconnexion, la surcharge de travail, et une mauvaise articulation entre le contrôle et l’autonomie du télétravailleur. Il ressort de notre <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-organisation-responsable-2021-1-page-25.htm?contenu=article">étude</a>, publiée dans <em>la Revue de l’organisation responsable</em>, que les accords d’entreprise permettent effectivement de réduire les deux premiers types de risques, mais leur portée reste limitée pour gérer le troisième enjeu.</p>
<h2>Une surcharge de travail limitée</h2>
<p>En ce qui concerne le <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14652">droit à la déconnexion</a>, les accords d’entreprise reprennent les dispositifs introduits dans le Code du travail en 2017. La possibilité d’être connecté 24 heures sur 24 rend en effet le télétravailleur disponible et induit parfois une situation de connexion subie. L’organisation doit donc anticiper la perméabilité de la frontière entre vie privée et professionnelle.</p>
<p>Dans l’une des banques étudiées, l’accord prévoit explicitement que :</p>
<blockquote>
<p>« Aucun courriel ne sera adressé avant 8 h le matin et après 19 h 30 le soir ; aucun courriel ne sera adressé durant les week-ends et jours fériés sauf en cas de manifestations commerciales de type foires et salons auxquelles participerait le salarié nomade ».</p>
</blockquote>
<p>Même si certains salariés reconnaissent des « difficultés à déconnecter » ou encore « consulter souvent les messages via le smartphone », ils déclarent globalement respecter la séparation vie privée – vie professionnelle, évoquant notamment l’efficacité en ce sens d’un cadrage lié à une connexion à distance qui s’interrompt par module de 4 heures.</p>
<p>Pour ce qui est de la charge du travail du salarié, en pratique, la mise en place du télétravail ne devrait pas avoir d’effet. Dans le cas des banques étudiées, le respect des horaires semble être prévu par les accords et les directions s’attachent à respecter la loi.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403152/original/file-20210527-19-x3pd81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pour le télétravailleur, difficile de totalement déconnecter…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/smartphone-t%C3%A9l%C3%A9phone-appel-message-2212963/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Or, nos observations terrain, comme <a href="https://theconversation.com/confinement-des-teletravailleurs-surcharges-mais-globalement-satisfaits-139494">d’autres travaux</a> de recherche, révèlent une tendance à l’augmentation de la charge de travail lorsque celui-ci est réalisé à distance. Il semble s’agir d’initiatives des salariés qui témoignent avoir des difficultés à « poser des limites », comme l’un d’entre eux nous l’a confié.</p>
<p>Les accords permettent toutefois de contenir le phénomène. Dans une caisse régionale étudiée, la règle selon laquelle le télétravailleur doit rester joignable aux horaires habituels de l’équipe, ou encore la définition stricte des horaires « 8h30 – 12h30/13h30 – 18 h », constituent par exemple des mesures appréciées de certains, qui se disent même « plus performants ». La limitation à un jour de télétravail par semaine permet en outre de laisser la charge de travail quasi inchangée.</p>
<h2>Du contrôle à l’« autocontrôle »</h2>
<p>Lorsqu’on l’interroge sur une éventuelle surcharge de travail, un répondant reconnaît l’apparition d’une plus grande amplitude horaire, mais aussi d’« une souplesse appréciable ». Ce témoignage illustre bien la nécessité d’un management différent du travail à distance, qui doit prendre en compte les bouleversements en termes de contrôle, d’autonomie et de confiance dans l’organisation. D’autant plus que l’autonomie gagnée <a href="https://theconversation.com/face-au-scepticisme-des-employeurs-les-teletravailleurs-se-rendent-plus-disponibles-pour-signaler-leur-engagement-154431">rend le collaborateur redevable</a>, parfois tenté de prouver son engagement et sa loyauté.</p>
<p>Dans une situation de télétravail, le collaborateur doit en effet s’adapter à des situations inédites, en l’absence de manager, définissant alors par lui-même un mode de fonctionnement. De son côté, le manager peut être tenté de recourir au contrôle technologique du travail effectué, ce qui peut donner lieu à <a href="https://theconversation.com/votre-patron-a-t-il-le-droit-de-vous-espionner-lorsque-vous-teletravaillez-146850">certaines dérives</a>.</p>
<p>Dans tous les accords étudiés, signés au sein de 5 banques, l’accès au télétravail est fondé sur la capacité du salarié à travailler en autonomie et à distance, et concerne les collaborateurs ne nécessitant pas de soutien managérial physique rapproché. L’accord d’une banque précise par exemple que :</p>
<blockquote>
<p>« Une autonomie d’organisation du temps de travail est reconnue aux salariés nomades ».</p>
</blockquote>
<p>D’autres accords prévoient une commission de suivi ou définissent encore le cadre hebdomadaire, par exemple « à raison d’un jour par semaine, fixé en concertation avec le manager ».</p>
<p>En revanche, la notion de contrôle n’apparaît pas systématiquement. Aucun des collaborateurs ou managers interrogés dans l’étude n’a évoqué de mise en place de logiciel spécifique de surveillance. Tous les managers disent accorder toute leur confiance aux collaborateurs. Ils n’ont pas la sensation de suivre de façon particulièrement étroite les télétravailleurs.</p>
<p>Cependant, le reporting est systématiquement évoqué, à l’image du témoignage de cet interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Je contrôle au moins une fois par mois qu’elle réponde au téléphone le jour du télétravail, je regarde de temps en temps s’il est connecté et je lui demande un reporting le soir ».</p>
</blockquote>
<p>L’autonomie et la délégation peuvent donc devenir un moyen de transférer la responsabilité des objectifs sur les collaborateurs. Autrement dit, une forme d’« autocontrôle » succède au contrôle qui repose désormais sur une auto-évaluation davantage que sur un lien hiérarchique entre manager et managé.</p>
<p>Autrement dit, la perception mouvante d’autonomie et de contrôle dépend autant de la relation managériale que de l’application de l’accord d’entreprise. Sur les risques liés à ce bouleversement dans le lien hiérarchique, l’accord d’entreprise – dans les banques mais sans doute également dans d’autres secteurs tertiaires – semble donc une réponse plus incomplète qu’il ne peut l’être concernant la surconnexion ou la surcharge de travail.</p>
<p>Dans un récent <a href="https://theconversation.com/laccord-national-interprofessionnel-de-2020-un-outil-efficace-pour-gerer-les-risques-en-teletravail-153893">article</a> publié dans The Conversation, nous avions d’ailleurs plus largement regretté l’absence de prise en compte de ces risques dans l’Accord national interprofessionnel (ANI) « pour une mise en œuvre réussie du télétravail » conclu par les partenaires sociaux, le 26 novembre 2020. C’est donc probablement sur ce point-là que les négociations, à tous les échelons et dans bon nombre de secteurs, devraient évoluer ces prochaines années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161508/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La formalisation du travail à distance favorise le respect du droit à la déconnexion mais répond peu à l’enjeu managériale de bien fixer le curseur entre autonomie et contrôle.Caroline Diard, Professeur associé en management des RH et droit, EDC Paris Business School / Enseignant-chercheur (vacataire), ICN Business SchoolNicolas Dufour, Professeur affilié, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1538932021-01-27T18:32:07Z2021-01-27T18:32:07ZL’Accord national interprofessionnel de 2020, un outil efficace pour gérer les risques en télétravail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380697/original/file-20210126-19-196033i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C14%2C982%2C643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les partenaires sociaux ont signé fin novembre un projet d’accord qui met l’accent sur les risques pour le télétravailleur, comme l’isolement ou la perte de lien social.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Goffkein.pro / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Après quelques semaines seulement de négociation, les partenaires sociaux ont abouti, le 26 novembre 2020, à la conclusion d’un nouveau projet d’<a href="https://www.actualitesdudroit.fr/browse/social/sante-securite-et-temps-de-travail/29994/teletravail-ce-que-prevoit-le-nouvel-accord-national-interprofessionnel">Accord national interprofessionnel (ANI) « pour une mise en œuvre réussie du télétravail</a> ».</p>
<p>Ce projet de texte, déclenché par l’essor du télétravail lié à la pandémie mondiale de Covid-19, se distingue des précédents accords sur le sujet (ANI de 2005 et <a href="https://web.lexisnexis.fr/LexisActu/ani-28-fevrier-2020.pdf">ANI « encadrement » de février 2020</a>) par l’accent mis sur les risques pour le télétravailleur : isolement, perte de lien social, charge de travail, hyperconnectivité, etc. Il s’agit là de préserver la relation de travail en insistant sur la prévention du risque d’isolement des télétravailleurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1332026376052883456"}"></div></p>
<p>Autre élément notable, l’ANI s’intéresse à la relation managériale : formation, accompagnement et développement des compétences, etc. Le manager joue en effet un <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2020-4-page-107.htm">rôle essentiel</a> dans la mise en œuvre opérationnelle du télétravail. C’est pourquoi le texte insiste sur la nécessité d’assurer la montée en compétences des salariés comme des managers face aux évolutions engendrées par le télétravail.</p>
<h2>Une avancée</h2>
<p>Pour certains, malgré ce cadre de mise en place et les éléments de réflexion présents dans le texte, l’ANI <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/l-accord-national-sur-le-teletravail-est-il-une-mascarade-866807.html">reste peu novateur</a> car il s’apparenterait d’abord à un « guide de bonnes pratiques » pour l’entreprise.</p>
<p>Il faut aussi souligner que le contenu de l’ANI 2020, qui s’ajoute aux règles issues du Code du travail, ne s’imposera pas par rapport aux accords collectifs de branche ou d’entreprise. Ces derniers pourront donc contenir des règles différentes de celles contenues dans l’ANI, sous réserve du respect des dispositions du Code du travail d’ordre public. Ce futur accord n’est ainsi ni normatif, ni prescriptif. En outre, le thème de la qualité de vie au travail (QVT) est déjà discuté chaque année lors des négociations obligatoires. Le télétravail peut alors faire partie des sujets négociés.</p>
<p>Les conclusions de nos récents travaux permettent néanmoins de nuancer ce point de vue et d’affirmer qu’il constitue globalement une avancée, notamment en matière de prévention des risques. En effet, nous avions déjà souligné dans un précédent article publié dans The Conversation l’importance de prévoir les conditions d’exercice du télétravail <a href="https://theconversation.com/faut-il-un-nouvel-accord-syndicat-patronat-sur-le-teletravail-145735">dans le champ de la négociation collective</a>. Dans un contexte d’évolutions législatives permettant la mise en œuvre du télétravail « par tout moyen » pour raisons sanitaires, le dialogue social apparaît toujours comme une forme de garantie des droits des télétravailleurs qui limite les possibilités offertes aux employeurs de décider unilatéralement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faut-il-un-nouvel-accord-syndicat-patronat-sur-le-teletravail-145735">Faut-il un nouvel accord syndicat-patronat sur le télétravail ?</a>
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<p>En outre, l’un de nos récents travaux de recherche (avec Nicolas Dufour, à paraître) montre que la création d’un cadre permet de rassurer les collaborateurs en affirmant leurs droits et leurs devoirs, notamment grâce à la mise en œuvre d’une prévention des risques liés au télétravail (surconnexion ou surcharge de travail). C’est l’un des enseignements de notre étude, qui porte sur plusieurs accords d’entreprise en en examinant les clauses et en en comparant les préambules.</p>
<p>L’ANI de 2020 se présente justement comme un outil de prévention de ces risques. En effet, les signataires soulignent l’importance de la prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risque <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000035640828/">visée par le Code du travail</a>. Il faut dire que la surcharge de travail, <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2020/11/24/people-are-working-longer-hours-during-the-pandemic">l’augmentation des horaires</a>, moins de pauses, les difficultés à distinguer la frontière vie professionnelle – vie privée impactent désormais considérablement le quotidien des télétravailleurs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380690/original/file-20210126-19-wgu1fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mailoop.com/post/d%C3%A9connexion-et-risques-psychosociaux-en-t%C3%A9l%C3%A9travail-forc%C3%A9">Extrait de l’étude Mailoop (avril 2020).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, le droit à la déconnexion reste relativement peu respecté : selon une enquête réalisée au mois d’avril 2020 par Mailoop, société qui propose des solutions visant à réduire l’usage de l’email, 30 % des collaborateurs continuaient à travailler et recevaient des mails <a href="https://www.mailoop.com/post/d%C3%A9connexion-et-risques-psychosociaux-en-t%C3%A9l%C3%A9travail-forc%C3%A9">hors des horaires de travail</a>.</p>
<p>Les télétravailleurs ont en effet tendance à accroître leurs promesses envers l’organisation car leurs attentes, en termes d’autonomie en particulier, ont <a href="https://theconversation.com/confinement-des-teletravailleurs-surcharges-mais-globalement-satisfaits-139494">souvent été dépassées</a> par la mise en œuvre du télétravail. En conséquence, on assiste à une évolution profonde des modes managériaux, basés sur l’autonomie des équipes, mais accompagnés d’obligations de résultats.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268759247136927745"}"></div></p>
<p>C’est ce que cherche aujourd’hui à accompagner l’ANI 2020. En effet, le chapitre 5 est consacré à préservation de la relation de travail avec le salarié (prévention de l’isolement, maintien du lien social, etc.), et le chapitre 4 est consacré à l’accompagnement des managers et des collaborateurs (adaptation des pratiques managériales, formation, etc.)</p>
<h2>Le contrôle : un questionnement central</h2>
<p>En situation de télétravail, la relation managériale apparaît bouleversée dans trois aspects : l’autonomie, la confiance et le contrôle. Or, sur ce dernier point, le texte de l’ANI 2020 apporte moins de réponses aux enjeux. On pourra en effet regretter que la notion de contrôle ne soit uniquement évoquée en termes de contrôle du temps de travail, dans le chapitre 3 du projet d’accord consacré à l’organisation du travail.</p>
<p>L’accord insiste sur le contrôle du temps de travail, le respect du droit à la déconnexion et de la vie privée : l’employeur fixe, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter. Le texte vise ainsi à favoriser une relation de confiance entre un responsable et chaque télétravailleur avant tout sur la base de deux aptitudes complémentaires : l’autonomie et la responsabilité nécessaires au télétravail.</p>
<p>Cet angle mort confirme l’existence d’une forme d’autocontrôle chez les télétravailleurs, une fois les conditions de confiance et d’autonomie réunies. Nos observations menées dans le cadre de nos recherches nous ont d’ailleurs permis de constater que, dans le secteur bancaire, l’accès au télétravail se fonde encore sur la capacité du salarié à travailler en autonomie et à distance, et concerne les collaborateurs ne nécessitant pas de soutien managérial physique rapproché. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) soulignait d’ailleurs dans un <a href="https://www.anact.fr/10-questions-sur-le-teletravail">rapport</a> de 2017 qu’il fallait « profiter du projet de télétravail pour faire progresser le management vers moins de contrôle et de présentéisme et plus d’autonomie et de confiance ».</p>
<p>Nous avons en outre relevé, dans le cadre d’un autre travail de recherche (avec Virginie Hachard, à paraitre) que l’autonomie avait tendance à se muer en contrôle informel, renforcé par une co-construction de nouvelles normes de fonctionnement, parfois informelles là encore, dans l’équipe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1314427867472769024"}"></div></p>
<p>On voit bien que la question du contrôle dépasse largement la question du temps de travail, dans un contexte où l’explosion des <a href="https://theconversation.com/votre-patron-a-t-il-le-droit-de-vous-espionner-lorsque-vous-teletravaillez-146850">ventes des logiciels de surveillance de l’activité</a>, pose par exemple question. Si l’ANI 2020 semble constituer une avancée dans ce sens, il semble donc que les négociations entre les partenaires sociaux sont appelées à se poursuivre rapidement sur des enjeux aujourd’hui encore émergents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Diard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le dialogue social favorise globalement la prévention, le dernier projet de texte des partenaires sociaux cantonne cependant la notion de contrôle au temps de travail à distance.Caroline Diard, Professeur associé en management des RH et droit, EDC Paris Business School / Enseignant-chercheur (vacataire), ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/834452017-11-13T20:14:40Z2017-11-13T20:14:40ZLa réforme du dialogue social et le fantasme de l’exception française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193840/original/file-20171108-14177-5zich0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vision traditionnelle du dialogue social : le défilé du 1er mai.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/blandinelc/7456154618/in/photolist-cmSJZY-rgRkCE-fNXmmt-rf6rCB-rzQsAJ-EcqdD-9Vyu33-rgQo53-gMMTJN-YrVu16-hkV95y-8dcK4P-8NZAHd-rf6rsB-qXRVCh-dYa3tv-fNNZuo-Ecqd2-cmSTe1-EcpZQ-9jT1Fi-cmSZXs-rgXHG6-hkW9p8-9VygYE-ryjdXY-7iLTRn-fNwpAP-e1pu9Q-8H9SQA-8NWtiZ-a21Bnq-dYfHK5-naPi8m-8NWqU6-dYa4gn-ryjcVY-fFJwiC-rgRmeQ-ryiUjK-4ZxLL4-ryjdqq-rgQoay-dYa37g-cmT47d-ryiUTa-9VvtGp-grYBbU-dT9nFH-fFJkS7">Blandine Le Cain/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On le dit irréformable, trop éloigné des entreprises, trop soumis au pouvoir écrasant des syndicats. Et si les traits que l’on prête bien volontiers au dialogue social en France et qui servent en grande partie de justification à la réforme actuelle du code du travail correspondaient davantage à une image fantasmée qu’à la réalité ?</p>
<p>Une synthèse de travaux comparatifs internationaux nous aide en effet à dessiner les contours d’un paysage français bien différent de l’image d’Épinal qu’on aime à entretenir.</p>
<p>Ces travaux tendent tout d’abord à souligner que via la succession de réformes menées depuis 35 ans, le dialogue social en France s’est déjà très largement transformé. Ils démontrent également que l’entreprise est devenue un niveau central du dialogue social dans l’hexagone. Ils mettent enfin en évidence que les représentants des salariés dans les entreprises sont bien moins puissants en France que dans les pays où la cogestion est une réalité (pays germaniques et nordiques). Au point que plusieurs spécialistes considéraient – dès avant sa réforme par ordonnances – que le dialogue social en France était déjà l’un des plus décentralisé et les plus libéralisé de l’OCDE.</p>
<h2>Un dialogue social irréformable ?</h2>
<p>La méthode des ordonnances employée par le <a href="http://bit.ly/2gBKc50">gouvernement</a> se justifierait tout d’abord par l’urgence qu’il y aurait à faire changer la France, une société souvent perçue comme « bloquée », voire même carrément figée lorsqu’il s’agit de dialogue social.</p>
<p>Néanmoins, l’analyse de l’évolution de notre système de dialogue social fait apparaître une capacité de réforme bien plus importante qu’il n’y paraît. La France est en effet loin d’être imperméable au mouvement de libéralisation du dialogue social qui concerne la quasi-totalité des pays de l’OCDE depuis la fin des années 1970, mouvement encouragé et soutenu par les associations d’employeurs de ces différents pays.</p>
<p>Après le changement de paradigme initié par les lois Auroux en 1982, la France a ainsi connu de nombreuses réformes (notamment 1999, 2004, 2008, 2010, 2013, 2015) qui, de manière incrémentale, ont fini par profondément modifié le dialogue social. Et <a href="http://bit.ly/2zHzc1X">Baccarro et Howell</a> (2016 :157) de suggérer :</p>
<blockquote>
<p>« Contrairement à l’image de la France véhiculée à l’international d’une société figée, incapable de se réformer, les récentes années ont vu à l’œuvre des remarquables transformations néo-libérales du marché du travail et des institutions de régulation des relations professionnelles. »</p>
</blockquote>
<h2>Un dialogue social trop centralisé ?</h2>
<p>La France a ainsi connu de nombreuses réformes au cours des 30 dernières années. Mais nous pourrions penser que notre pays part de tellement loin qu’un effort supplémentaire – notamment pour décentraliser le dialogue social – ne serait pas superflu.</p>
<p>Or, là encore, les comparaisons internationales contredisent le poncif voulant que le dialogue social en France soit trop éloigné de la réalité des entreprises. La France figure en effet déjà parmi les pays où l’entreprise est dans une large mesure le barycentre du dialogue entre partenaires sociaux, comme le démontre – entre autres – l’indice élaboré par <a href="http://bit.ly/2zHzc1X">Baccaro et Howell</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193816/original/file-20171108-14202-1pt8oyl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Indice de centralisation du dialogue social.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baccaro et Howell, 2016</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La France figure donc en « bonne place » dans le mouvement de libéralisation et de décentralisation du dialogue social qui, depuis une trentaine d’années, concernent l’essentiel des pays de l’OCDE.</p>
<p>Mais la France possède une autre spécificité pour le moins paradoxale qui tend à brouiller l’image du dialogue social « à la française ».</p>
<h2>Un dialogue social soumis à la toute-puissance des syndicats et représentants du personnel ?</h2>
<p>La toute-puissance syndicale en France est un troisième thème que les médias et commentateurs aiment à invoquer. Le nombre de jours de grève moyen par salarié est, dans cette optique, le chiffre le plus souvent agité pour prouver – et dénoncer – le pouvoir des syndicats et représentants des salariés en France.</p>
<p>Certes, les salariés français tiennent effectivement le haut du pavé lorsqu’il s’agit de le battre. Mais cette tendance à la mobilisation des syndicats français pourrait davantage être perçue comme un aveu de faiblesse de leur part que comme un signe de leur force en entreprises. En d’autres termes, ce que le cadre institutionnel ou le rapport de force ne leur permet d’obtenir par le dialogue, les syndicats tenteraient de le conquérir dans la rue.</p>
<p>Car ici encore, les comparaisons internationales tendent toutes à converger pour souligner la relative faiblesse des syndicats et représentants des salariés dans les entreprises françaises (<a href="http://bit.ly/2m58NFd">Gazier et Boylaud, 2015</a>). Le cadre institutionnel du dialogue social ne leur attribue en réalité que peu de prise sur la marche globale de l’entreprise, notamment quand on le compare à celui des pays nordiques et germaniques (<a href="http://bit.ly/2yi5ooe">Vitols, 2010</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=198&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193817/original/file-20171108-14177-dhbqfh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Indice de participation des salariés aux décisions de l’entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vitols, 2010</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que la nouvelle <a href="http://bit.ly/2gBKc50">« loi travail »</a> vise à libérer de toute urgence le dialogue social de sa sclérose structurelle, une analyse historique et comparative montre que le système de relations professionnelles français est sans doute bien plus facilement réformable, plus décentralisé et bien moins noyauté par de puissants syndicats que la représentation qu’on en fait communément. Dans cette perspective, alors que le gouvernement entend via ces réformes construire <a href="http://bit.ly/2gU7bwe">« une véritable codécision à la française »</a>, il semble plus probable que celles-ci nous éloignent encore un peu plus des pays où la cogestion est une réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Pasquier est en actuellement en disponibilité d'un cabinet d'experts auprès des instances représentatives du personnel. </span></em></p>Le système de relations professionnelles français est plus facilement réformable, plus décentralisé et bien moins noyauté par de puissants syndicats que la représentation qu’on en fait communément.Vincent Pasquier, Doctorant, Sciences de Gestion, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/850372017-10-10T19:28:30Z2017-10-10T19:28:30ZAprès les ordonnances travail, vers quel « dialogue social » dans les entreprises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189433/original/file-20171009-6979-1ytvgh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quel dialogue, dans quel cadre ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/3488/interior-of-modern-conference-room/"> Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La réforme en cours du code du travail donne une place prépondérante aux accords collectifs signés au niveau des entreprises. Cette réforme, comme des précédentes, est focalisée sur l’<a href="http://bit.ly/2xsNUJo">articulation des normes</a> ; cependant, elle accorde trop peu d’intérêt au processus de négociation. Le droit interne apparaît ainsi inachevé avec :</p>
<ul>
<li><p>un droit des accords collectifs très (trop) développé (le contenu des accords, leurs articulations complexes, etc.),</p></li>
<li><p>un droit de la négociation très (trop) limité (les modalités concrètes de la négociation).</p></li>
</ul>
<p>Pourtant, le processus de négociation collective d’entreprise mériterait de retenir bien davantage l’attention. <strong>Le processus de négociation collective entraîne des effets sensibles sur le contenu de l’accord d’entreprise.</strong> Une négociation déséquilibrée nuit à la prise en compte équilibrée, dans l’accord conclu, des intérêts légitimes des différents protagonistes.</p>
<p>Pour favoriser une négociation authentique, « à armes égales », la jurisprudence en se fondant sur le principe civiliste de « bonne foi » pose une exigence de loyauté, impliquant des comportements concrets à adopter. Cette question <a href="http://bit.ly/2yTK4Fg">n'est pas nouvelle</a> ; elle devient cruciale au moment où l’accord d’entreprise est promu comme une source essentielle du droit du travail interne (avec la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, sauf exception, et parfois sur le contrat de travail, y compris quand il n’est pas plus favorable aux salariés). Quand la force normative et l’autonomie de l’accord d’entreprise s’intensifient, l’exigence de l’authenticité de la négociation doit progresser. Le Législateur se réfère parfois à cette exigence de loyauté ; cependant, il n’en tire pas toutes les conséquences.</p>
<p>La négociation ne doit pas être un processus abandonné aux seuls « rapports de forces », où une partie impose son point de vue à une autre. Il en est ainsi pour les négociations dans tous les domaines (commerce, consommation, etc.). Il est significatif que le code civil dans sa nouvelle version prévoit que « […] le déroulement […] des négociations précontractuelles » doit « impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. » (<a href="http://bit.ly/1S6ZEyJ">art. 1112, ordonnance du 10 février 2016</a>).</p>
<p>Le code du travail favorise-t-il un processus loyal de négociation dans l’entreprise, permettant une négociation authentique entre les acteurs sociaux ? Quel est l’état du droit positif après les ordonnances ?</p>
<p>Deux grands régimes juridiques apparaissent suivant la présence ou non d’une organisation syndicale de salariés représentative au sein de l’entreprise. En voici quelques éléments essentiels.</p>
<h2>Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives</h2>
<p><strong>A. Dispositions minimales pour les négociations</strong></p>
<p>Un accord collectif, entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives, « peut définir la méthode permettant à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties » (en précisant la nature des informations partagées, les principales étapes du déroulement des négociations, etc.). Ou bien les modalités de négociation (calendrier et lieux des réunions ; informations que l’employeur remet aux négociateurs) sont précisées lors de la 1<sup>re</sup> réunion.</p>
<p>Pour certains thèmes de négociation existent des dispositions légales plus précises. Ainsi, « l’engagement sérieux et loyal des négociations » portant sur la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes « implique » que l’employeur doit également avoir communiqué aux délégations syndicales « les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause » et « avoir répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales. »</p>
<p>Il serait souhaitable que ces précisions soient étendues à toutes les négociations, notamment celles qui revêtent un caractère obligatoire.</p>
<p><strong>B. Absence de certaines dispositions</strong></p>
<p>La loi ne prévoit pas certaines dispositions qui seraient de nature à favoriser une négociation authentique. Il en est ainsi notamment pour :</p>
<ul>
<li><p>l’accès aux informations pertinentes. Cette absence dans le code du travail est curieuse alors que le code civil affirme que la partie « qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer » (article 1112-1) ; certaines négociations peuvent s’appuyer sur des données mentionnées dans le code du travail, cependant, par accord d’entreprise, il sera possible d’y déroger ;</p></li>
<li><p>l’élaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs. En effet, la co-construction de l’accord d’entreprise est nécessaire (parfois la négociation se limite à la proposition par la partie patronale d’un projet suivi de tentatives des délégations pour l’amender).</p></li>
</ul>
<p><strong>C. Mise à l’écart des Institutions représentatives du personnel</strong></p>
<p>Alors que la jurisprudence prévoyait la consultation du Comité d’entreprise sur le projet d’accord, en cours de négociation dans l’entreprise, cette articulation entre négociation et consultation, de nature à rendre plus pertinent l’accord notamment dans les grandes entreprises, a été supprimée (loi du 17 août 2015).</p>
<p><strong>D. Mise à l’écart du garant</strong></p>
<p>La loi prévoit des dispositions pour favoriser la loyauté de la négociation (supra accord collectif définissant la méthode de négociation, etc.). Cependant, curieusement, le Législateur écarte « en même temps » la sanction de la violation de ces règles par le juge (<a href="http://bit.ly/2i2uan1">loi du 8 août 2016</a>).</p>
<p>La réforme en cours réduit fortement, à deux mois, le délai pour saisir le juge d’une contestation de la validité d’un accord d’entreprise. Alors que l’accord d’entreprise bénéficie largement de la primauté sur l’accord de branche et peut plus facilement s’imposer aux contrats de travail, des accords d’entreprises contenant des clauses illicites pourront ainsi, passé ce bref délai, produire leurs effets juridiques.</p>
<p>Ces évolutions continues de la loi traduisent une méfiance à l’égard du juge et une méfiance à l’égard du droit. Évolutions curieuses et bien peu satisfaisantes dans un État de droit, mais explicables au regard de l’objectif d’« auto-réglementation de l’entreprise » (<a href="http://bit.ly/2yaudVH">Alain Supiot</a>).</p>
<p>Et ces évolutions oublient que le contrat (individuel ou collectif) est une construction ternaire, pas binaire. Des agents autonomes contractent ; un garant hétéronome peut intervenir notamment pour faire respecter la légalité. Ce garant, ici le juge judiciaire, participe à l’équilibre du montage contractuel.</p>
<h2>Dans les entreprises dépourvues de sections syndicales d’organisations représentatives</h2>
<p>Depuis 1995, les pouvoirs publics cherchent à répondre à une question : comment permettre aux employeurs des entreprises où aucune organisation syndicale de salariés n’est présente de conclure des accords d’entreprise, notamment des « accords dérogatoires » (en matière d’aménagement du temps de travail en particulier) ? Pour ce faire les gouvernements « bricolent » lors des réformes successives de la négociation collective des procédés dérogatoires de conclusion des accords d’entreprise avec, selon différentes modalités, des salariés mandatés, des élus mandatés, des élus non mandatés… La réforme actuelle s’inscrit dans cette démarche.</p>
<p>Concernant le processus de négociation, la loi prévoit quelques moyens (des heures de délégation pour les négociateurs salariés), ainsi que quelques dispositions, notamment l’élaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs et la concertation avec les salariés, mais sans prévoir les modalités concrètes de leur mise en œuvre.</p>
<p>Concernant l’accès aux informations pertinentes, élément essentiel pour une négociation réelle, la loi prévoit que les informations à remettre aux négociateurs salariés « préalablement à la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur. » Disposition bien peu satisfaisante qui ne fait pas peser sur la partie qui détient l’information l’obligation de la communiquer à l’autre partie (supra <a href="http://bit.ly/2g3CfsS">code civil, art. 1112-1</a>).</p>
<p>Cependant, la réforme actuelle du code du travail va plus loin. Dans les entreprises de mois de 11 salariés et celles de moins de 20 salariés sans Comité social et économique, la loi prévoit la « ratification » des projets d’accord de l’employeur, directement par un vote des salariés, sans procédure de négociation. Cette situation est ici emblématique de l’évolution de la loi : il ne s’agit pas tant de développer le dialogue social dans les entreprises, que de permettre la conclusion d’accords d’entreprise, pouvant primer sur les accords de branche.</p>
<h2>Une occasion manquée</h2>
<p>Bien entendu, il convient de ne pas confondre la règle et l’usage de la règle. Suivant les entreprises, ces règles ont donné et donneront des résultats fort différents, en fonction de différents paramètres socio-économiques et culturels.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont une nouvelle fois perdus une opportunité de donner toute sa place à un authentique dialogue social au sein des entreprises, facteur de performance socio-économique. L’omission d’autres lieux de négociation nécessaires, en particulier les réseaux d’entreprises et les territoires, est également dommageable.</p>
<p>La loi ne garantit pas de façon satisfaisante l’authenticité du dialogue social, la loyauté de la négociation collective dans les entreprises. Pour progresser, il serait notamment souhaitable que la France procède à la ratification de la Convention de l’Organisation internationale du travail n° 154 de 1981 concernant la <a href="http://bit.ly/2hWIFL5">promotion de la négociation collective</a>. Cette Convention prévoit notamment la prise de mesures par les États pour « que la négociation collective ne soit pas entravée par suite de l’inexistence de règles régissant son déroulement ou de l’insuffisance ou du caractère inapproprié de ces règles ». Elle est complétée par la Recommandation n° 163 qui propose d <a href="http://bit.ly/2xsMwqa">es éléments concrets pour favoriser cette négociation</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85037/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Miné est membre du Réseau Académique pour la Charte Sociale Européenne (RACSE).</span></em></p>Que prévoient réellement les ordonnances à ce sujet, alors que l’accord d’entreprise est promu ? Le droit prévoit-il des dispositions pour favoriser une négociation authentique ?Michel Miné, Professeur du Cnam, titulaire de la chaire droit du travail et droits de la personne, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/844232017-09-26T22:01:24Z2017-09-26T22:01:24ZFusion CE-CHSCT-DP : la fin d’une époque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/187272/original/file-20170924-15786-1ahpyvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fusionner les IRP : quel intérêt réel ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/timdorr/3946708876/in/photolist-71KV3L-oDumJ9-oVWW8u-qNtQE-oVX9ud-6orVGo-oVXbhw-fXTF9S-oTWWjh-888AD2-oDuCuM-oVHtMZ-6aJKtg-6YXBkT-ei4vLx-dpv9hC-fXTLeG-fXTDSJ-5U2YhL-fXUrcv-oTWXGN-5psBYC-88bMVC-6onJe8-fhiqR8-oDujBd-cjGpAj-aWpxzz-6orVKm-fUVttD-88bMDm-dCcGdp-2C5XVC-dqSdfA-oDuxw1-2PGZPW-6orVLN-7QcDdY-4Hzn8a-dD2GLf-cwDYum-88bMSh-oVXh5J-Wix67a-XsTog1-fhxBuf-fXU4t1-kq8SuH-dqSdFw-dqS52P">Tim Dorr/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La réforme du code du travail proposée par Emmanuel Macron prévoit la mise en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés d’un <em>comité social et économique</em> (CSE) exerçant toutes les attributions auparavant dévolues aux délégués du personnel (DP), au comité d’entreprise (CE) et au Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT). Par ailleurs et sous réserve qu’un accord soit signé entre les partenaires sociaux, la réforme envisage d’aller plus loin en instituant un <em>conseil d’entreprise</em> exerçant l’ensemble des compétences du CSE auquel s’ajoutera la possibilité de négocier et de conclure des accords d’entreprise, autrement dit des attributions jusque-là réservées aux délégués syndicaux. </p>
<p>Cette réforme marque la fin d’une époque où coexistaient plusieurs instances représentatives du personnel (IRP) dans les entreprises. Mais quel est l’intérêt de cette réforme ? Est-ce vraiment une si bonne idée de fusionner les IRP ? </p>
<h2>La fusion des IRP n’est pas une idée neuve</h2>
<p>De nombreux groupes de travail ont produit ces dernières années des rapports (rapport de la <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000041.pdf">commission Attali</a>, rapport <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000364.pdf">Hadas-Lebel</a>, rapport du <a href="http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/088.pdf">CAE de Jacques Barthélemy et Gilbert Cette</a>, rapport de <a href="http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/rapport_dialogue_social.pdf">l’Institut Montaigne</a>…) insistant sur la nécessité de simplifier la représentation du personnel dans les entreprises françaises. La fusion des IRP n’est donc pas une idée neuve sortie de nulle part. D’ailleurs, depuis 2015 et la loi Rebsamen, les entreprises de moins de 300 salariés peuvent déjà regrouper les DP, CE et CHSCT au sein d’une délégation unique du personnel (DUP) et celles de plus de 300 salariés faire de même, à la condition d’avoir obtenu l’accord majoritaire des organisations syndicales.</p>
<h2>Qu’est-ce qui justifie une telle mesure ?</h2>
<p>Le premier argument justifiant la fusion des IRP est que les entreprises hésiteraient à franchir certains seuils d’effectifs, limitant de fait les embauches. Une étude déjà ancienne de <a href="http://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/19480/1/estat_1985_173_1.pdf">Gérard Lang et Claude Thélot (1985)</a> a montré que le nombre d’entreprises de 10 salariés passant à 11 salariés au bout de trois ans étaient « trop rares » comparées à celles qui passaient de 9 à 10 salariés, suggérant une hésitation des employeurs à passer à 11 salariés. Par ailleurs, les auteurs observent également une cassure dans l’évolution des effectifs à 50 salariés qu’ils interprètent comme une réticence des employeurs à franchir ce deuxième palier d’effectifs. Cette prudence s’expliquerait par les obligations financières et sociales générées par le franchissement de ces seuils et en particulier l’obligation de mettre en place des IRP (DP pour les entreprises de plus de 10 salariés et CE, CHSCT pour celles d’au moins 50 salariés).</p>
<p>Un deuxième argument souvent évoqué est que les règles de fonctionnement des IRP sont complexes. Plus de 460 textes législatifs portent sur la représentation du personnel sans compter l’ensemble des décisions de justice qu’ont rendu les tribunaux sur ces questions. Le droit collectif du travail est donc particulièrement dense et parfois obscur. Cet argument est régulièrement retenu pour justifier des mesures visant à simplifier le code du travail réputé trop contraignant par les employeurs. </p>
<p>Le coût de la représentation du personnel est un autre argument avancé par les partisans de cette réforme. En effet, l’ensemble des coûts directs (organisation des élections, heures de délégation payées, local mis à disposition…) et indirects (contentieux, délits d’entrave…) liés à la mise en place des IRP pourrait représenter jusqu’à 4 % de la masse salariale pour une entreprise passant de 49 à 50 salariés, selon le rapport de la commission Attali (2008).</p>
<p>Enfin, on peut ajouter une autre raison souvent négligée par les experts : de nombreux représentants du personnel cumulent déjà des mandats de DP, de membre du CE, de membre du CHSCT ou encore de DS. Selon la dernière enquête REPONSE de la DARES (ministère du Travail), environ 35 % des représentants du personnel exercent déjà deux mandats et près de 19 % vont même jusqu’à cumuler 3 mandats (<a href="https://www.parisschoolofeconomics.eu/fr/actualites/les-representants-du-personnel-thomas-breda-mars-2016/">Breda, 2016</a>). Seul 1 salarié sur 5 s’engageant au sein des IRP n’exercerait qu’un seul mandat ! </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187194/original/file-20170922-13425-nl3jq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DARES (Enquête REPONSE 2010-2011, volet « représentants du personnel »), calculé par Thomas Breda (2016, page 42)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Figure 1. Nombre et type de mandats occupés par les RP de l’instance la plus représentative de leur établissement.</em></p>
<p>Dès lors, l’idée de limiter le nombre d’IRP dans les entreprises répond, d’une part, à la demande récurrente du patronat de réduire le nombre d’IRP afin de simplifier grandement la tâche des employeurs et, d’autre part, à un constat qu’il existe déjà des élus qui multiplient les mandats et participent à l’animation de plusieurs instances dont les attributions sont différentes.</p>
<h2>Est-ce vraiment une bonne idée de fusionner les IRP ?</h2>
<p>Si le cumul des mandats des élus peut à lui seul justifier une telle mesure, les autres arguments avancés par les partisans de cette ordonnance sont fallacieux et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est peu probable que ces mesures stimulent la croissance des entreprises. En effet, les études les plus sérieuses consacrées aux effets de seuil sur l’emploi constatent un effet marginal sur la dynamique de croissance des entreprises (<a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000092.pdf">Cahuc et Kramarz, 2004</a> ; <a href="http://www.persee.fr/docAsPDF/estat_0336-1454_2010_num_437_1_9585.pdf">Ceci-Renaud et Chevalier, 2010</a>). </p>
<p>Ensuite, l’idée qu’il faudrait simplifier les règles de fonctionnement des IRP, en particulier pour les PME, ne résiste pas à l’épreuve des faits : les PME sont le plus souvent dépourvues de représentants du personnel. À peine plus de la moitié des établissements de 50 à 200 salariés disposent d’un délégué du personnel et ils ne sont que 42 % à disposer d’un CE, autant dire que la fusion des IRP ne va pas changer la donne pour une majorité de PME. De surcroît, la loi offre, depuis plusieurs années, la possibilité aux PME de mettre en place une DUP, comme nous l’avons déjà évoqué.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187198/original/file-20170922-17262-66jixf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête REPONSE 2010-2011 (DARES)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Figure 2. Présence des IRP dans les établissements de plus de 10 salariés selon leur taille.</em></p>
<p>Enfin, insister sur le coût que représenterait le fonctionnement des IRP pour l’entreprise relève de la posture idéologique. Pourquoi ne pourrait-on pas considérer tout simplement les moyens alloués aux IRP comme des investissements ? Après tout, la présence d’IRP peut être bénéfique aux entreprises. </p>
<p>Le seul argument vraiment recevable est donc celui relevant de la mise en place d’une instance unique dans les PME où les élus ne sont pas suffisamment nombreux pour faire vivre le dialogue social dans les conditions actuelles. Pour les grandes entreprises, il est plus difficile de justifier l’intérêt d’une instance unique. </p>
<h2>Vers un appauvrissement des débats ?</h2>
<p>Les syndicats redoutent que les discussions ne tournent plus qu’autour des problématiques économiques et laissent de côté celles qui concernent les conditions de travail des salariés, allant jusqu’à évoquer le retour aux <a href="https://hal.inria.fr/halshs-00256587/document">« comités sociaux d’établissements » créés en 1941 par Pétain</a> (les fameux « comités patates »).</p>
<p>Si ce risque est certainement exagéré, il n’en demeure pas moins que la diminution du nombre d’IRP risque d’appauvrir les débats et peut avoir des conséquences sur la qualité du dialogue social dans les grandes entreprises. En effet, les élus au CSE devront aborder des sujets beaucoup plus larges et plus complexes qu’auparavant, nécessitant un certain niveau d’expertise. <a href="https://theconversation.com/fusion-ce-chsct-dp-quelles-consequences-sur-la-sante-au-travail-83981">Gregor Bouville</a> a montré par exemple que la dilution des compétences du CHSCT au sein du CSE entraînera certainement une régression de la prise en charge des problèmes de santé au travail. Une crainte partagée par d’autres experts qui dressent d’ailleurs un premier bilan mitigé de l’instance unique issue de la loi Rebsamen <a href="http://www.ires-fr.org/etudes-recherches-ouvrages/eclairages/item/5351-eclairages-006">(IRES)</a>. </p>
<p>En définitive, si la mise en place d’une instance unique peut se justifier dans les PME, il est beaucoup plus difficile de trouver des raisons valables pour introduire un tel dispositif dans les grandes entreprises. En effet, l’enjeu pour les entreprises n’est pas de réduire les moyens accordés aux représentants du personnel mais plutôt de favoriser les échanges, de multiplier les lieux de rencontres, de former les élus avec l’idée sous-jacente que les représentants du personnel peuvent apporter leur éclairage, être forces de propositions et contribuer à la dynamique de croissance des entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Laroche a reçu des financements de la Chaire "Dialogue social et compétitivité des entreprises" d'ESCP Europe Il est professeur affilié à ESCP Europe et président du comité scientifique de la Chaire "Dialogue social et compétitivité des entreprises" d'ESCP Europe. </span></em></p>Quel est l’intérêt réel de la réforme des instantes représentatives du personnel (IRP) ? Est-ce vraiment une si bonne idée de fusionner les IRP ?Patrice Laroche, Professeur des Universités en sciences de gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/845482017-09-26T22:01:23Z2017-09-26T22:01:23ZDroit du travail : la hiérarchie des normes est-elle inversée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/187270/original/file-20170924-25406-1dh6w37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation du 12 septembre 2017 contre les ordonnances travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/37049322191/in/photolist-YrVsH6-cyNqNJ-d1Pg8S-pQUnwT-ErmLBG-GCfwAZ-F9CWTw-EeyUvi-F9CWUd-HxML78-d1PdnU-GCfxBg-W7Tnuh-axxifN-agtiFS-avEU8r-azsrBn-aqSUow-HUd4Hc-deUvCE-amzvCS-avETXg-arG544-agtiQo-azv7xQ-azv7kC-d1Pei7-avETEH-d1Peqf-aYL2nz-d1P7U7-d1Pg3h-dEWyjZ-GCfvQk-d1Pemu-d1P3jj-HxMKMR-aMHoBZ-gjMjBM-arJJY5-agtiMm-anbrUN-agtiHw-azadm4-avETzZ-agqxtH-asRmkD-aCZu1C-aBdTpY-d1PfRj">Jeanne Menjoulet / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Loi, convention collective et accord de branche, accord d’entreprise, usages, contrat de travail… Les normes du droit du travail sont nombreuses et variées.</p>
<p>Au cœur de la réforme actuelle du droit du travail figure cette question complexe et stratégique : comment s’articulent les normes du droit du travail dans la nouvelle configuration après les ordonnances ?</p>
<h2>Le principe de faveur</h2>
<p>Habituellement en droit, c’est le texte le plus élevé dans la hiérarchie des normes qui reçoit application (la loi s’impose au décret, un texte de droit public s’impose à un accord de droit privé, etc.).</p>
<p>En droit du travail, une règle d’articulation différente a été posée par la jurisprudence : en cas de conflit de normes, c’est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application.</p>
<p>Cette règle, inspirée de dispositions éparses du code du travail, ne figure pas explicitement dans le code du travail. Elle a été instituée et mise en œuvre progressivement à partir de 1936 et surtout de 1946.</p>
<p>Cette règle est appelée « principe de faveur ». Ce principe « constitue un principe fondamental du droit du travail », d’une certaine façon « l’âme du droit du travail ».</p>
<p>Ce principe de faveur organise donc l’articulation, la hiérarchie, des normes en droit du travail : « l’ordre public social ».</p>
<h2>Les exceptions</h2>
<p>Ce principe de faveur a une valeur légale ; cependant, il ne s’est pas vu reconnaître une valeur constitutionnelle. Par conséquent, son application peut être écartée par le Législateur.</p>
<p>Ainsi, des exceptions ont été prévues à l’application du principe de faveur. Des normes peuvent « déroger » à d’autres normes dans un sens qui n’est pas plus favorable aux salariés, voire dans un sens défavorable, et ce sont ces normes qui vont s’appliquer. Cependant, cette dérogation est encadrée par la loi : la dérogation n’est possible que dans certains cas, à certaines conditions et dans certaines limites.</p>
<p>Plusieurs réformes législatives successives ont écarté l’application du principe de faveur :</p>
<ul>
<li><p>L’ordonnance du 16 janvier 1982 et surtout deux lois de 1986-1987 autorisent des accords collectifs (de branche puis d’entreprise) à déroger à des dispositions législatives en matière de temps de travail (modulation-annualisation, etc.) ;</p></li>
<li><p>La loi du 4 mai 2004 autorise un accord d’entreprise à déroger à un accord de branche ; cependant, des verrous sont posés : les signataires de l’accord de branche peuvent décider que les dispositions de cet accord constituent un plancher auquel un accord d’entreprise ne pourra pas déroger ;</p></li>
<li><p>En 2012 puis en 2013 et 2015, des lois prévoient que dans certains cas (aménagement du temps de travail, emploi,), un accord d’entreprise s’imposera au contrat de travail même si l’accord n’est pas plus favorable au salarié que son contrat ;</p></li>
<li><p>La loi du 8 août 2016 donne priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de durée du travail et de congés (le temps de travail est le laboratoire des évolutions du droit du travail) ; les signataires de l’accord de branche ne peuvent plus décider que les dispositions de cet accord en matière de durée du travail constituent un plancher auquel un accord d’entreprise ne pourra pas déroger.</p></li>
</ul>
<p>Une nouvelle architecture du code du travail se dessine en matière de durée du travail et de congés :</p>
<ul>
<li><p>la loi fixe des principes du droit du travail, mais n’en donne plus le contenu,</p></li>
<li><p>l’accord d’entreprise ou, à défaut, l’accord de branche fixe le contenu,</p></li>
<li><p>à défaut d’accord (d’entreprise et de branche), une disposition supplétive fixe le contenu (un décret ou une décision de l’employeur).</p></li>
</ul>
<p>Un exemple emblématique : le taux de majoration des heures supplémentaires est fixé par accord collectif (d’entreprise ou, à défaut, de branche), à défaut par un décret supplétif.</p>
<h2>Le nouveau paysage juridique</h2>
<p>La nouvelle situation résulte des évolutions législatives de ces dernières années et, dans le prolongement, des apports de la nouvelle ordonnance n° 2017-1385 « relative au renforcement de la négociation collective » du 22 septembre 2017.</p>
<p>Voici ce nouveau paysage des articulations entre les principales sources du droit du travail : loi – accords collectifs, de branche et d’entreprise – contrat de travail. Un tableau pointilliste à la Seurat et à la Signac.</p>
<p><strong>Relations entre la loi et les accords collectifs (accord de branche et accord d’entreprise)</strong></p>
<p>En application du principe de faveur, un accord collectif, de branche ou d’entreprise, peut prévoir des dispositions plus favorables que la loi. L’ordre public social s’applique ici pleinement. Exemple emblématique : un accord collectif, de branche ou d’entreprise, peut prévoir un niveau de salaire supérieur au smic.</p>
<p>En revanche, un accord collectif, de branche ou d’entreprise, ne peut prévoir de dispositions moins favorables que la loi. L’ordre public social doit être respecté. Exemple : un accord collectif ne peut pas prévoir une durée de travail effectif hebdomadaire supérieure à 48 heures.</p>
<p>Cependant, quand la loi l’autorise explicitement un accord collectif peut prévoir des dispositions moins favorables que les dispositions législatives. Cette dérogation est, suivant les cas, ouverte aux seuls accords de branche ou également ouverte aux accords d’entreprise.</p>
<p>Ainsi, des accords de branche peuvent prévoir des durées de période d’essai plus longue que les durées légales.</p>
<p>La nouvelle législation, issue de l’ordonnance, permet à un accord de branche de déroger à des dispositions légales, notamment en matière de contrat à durée déterminée et de contrat de travail temporaire (durées maximales, périodes de carence, etc.) et de contrat à durée indéterminée de chantier.</p>
<p>Dans certains cas, la loi prévoit que l’accord d’entreprise, comme l’accord de branche, peut déroger aux dispositions législatives. Exemple : le salarié en CDD a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat égale à 10 % ; un accord d’entreprise, comme un accord de branche, peut prévoir de limiter le montant de cette indemnité à 6 %.</p>
<p>Dans le domaine de la durée du travail et des congés, la loi est supplétive et ne s’applique qu’en l’absence de dispositions conventionnelles de branche et d’entreprise (exemple : le régime juridique des heures supplémentaires – taux de majoration et volume d’heures par salarié et par an).</p>
<p><strong>Relations entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche</strong></p>
<p>Un accord de branche peut prévoir des dispositions favorables aux salariés qui vont s’appliquer.</p>
<p>Mais, selon la nouvelle ordonnance, <strong>en règle générale, l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche</strong>.</p>
<p>Il en est ainsi quelque soit la date de conclusion de l’accord d’entreprise (antérieure ou postérieure à la conclusion de l’accord de branche).</p>
<p>Et surtout l’accord d’entreprise a la primauté sur l’accord de branche quelque soit le niveau de son contenu : l’accord d’entreprise s’applique qu’il soit, pour le salarié, plus favorable que l’accord de branche ou qu’il soit moins favorable que l’accord de branche (la promotion de l’accord d’entreprise s’accompagne de la mise à l’écart du principe de faveur).</p>
<p>Cependant, quelques exceptions existent. Dans certains domaines, un accord d’entreprise ne peut déroger à un accord de branche. Les dispositions de l’accord de branche constituent le plancher.</p>
<p>Il s’agit en particulier :</p>
<ul>
<li><p>des salaires minimas hiérarchiques ;</p></li>
<li><p>des grilles de classification ;</p></li>
<li><p>de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;</p></li>
<li><p>des garanties collectives complémentaires (mutuelle, prévoyance).</p></li>
</ul>
<p>Et dans quelques autres domaines, un accord d’entreprise ne peut déroger à un accord de branche si celui-ci l’a prévu. Il s’agit :</p>
<ul>
<li><p>de la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels – pénibilité ;</p></li>
<li><p>de l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;</p></li>
<li><p>de l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ;</p></li>
<li><p>des primes pour travaux dangereux ou insalubres.</p></li>
</ul>
<p>De façon générale, pour évier l’encadrement des accords d’entreprises par des accords de branche, les dispositifs légaux prévoyant le « verrouillage » des accords de branche, par les signataires de ces accords, pour éviter les accords d’entreprises dérogatoires (loi du 4 mai 2004) sont supprimés.</p>
<p>Pour les accords de branche qui prévoient actuellement des clauses faisant obstacle à des clauses dérogatoires (moins favorables pour les salariés) de conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement, ces clauses de « verrouillage » (imposant l’application du principe de faveur) continueront de produire effet si les parties signataires les confirment, avant le 1<sup>er</sup> janvier 2019.</p>
<p><strong>Relation entre l’accord d’entreprise et le contrat de travail</strong></p>
<p>De manière générale, c’est le principe de faveur qui s’applique :</p>
<ul>
<li><p>un contrat de travail peut prévoir des dispositions plus favorables que la loi, l’accord de branche et l’accord d’entreprise (exemple : le contrat de travail peut prévoir un salaire plus élevé que le smic, que les minimas conventionnels de branche et que les salaires pratiqués dans l’entreprise) ;</p></li>
<li><p>si un accord collectif est signé et qu’il est plus favorable que le contrat de travail, les nouvelles dispositions conventionnelles s’appliquent (exemple : un accord d’entreprise prévoyant un salaire plus élevé que le contrat de travail bénéficie automatiquement au salarié).</p></li>
</ul>
<p>Cependant, dans certains cas, un accord d’entreprise peut s’imposer au contrat de travail alors qu’il prévoit des dispositions moins favorables pour le salarié. Il en est ainsi, pour “répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi”, en matière d’aménagement du temps de travail, d’aménagement de la rémunération et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise (dispositifs reformulés par la nouvelle ordonnance).</p>
<h2>Ne pas confondre les niveaux</h2>
<p>Ainsi, c’est toujours la loi qui détermine l’ordonnancement des sources du droit du travail, la hiérarchie des normes. Cependant, <strong>le contenu substantiel du droit est déplacé de la norme légale vers la norme conventionnelle et surtout en particulier maintenant vers l’accord d’entreprise</strong>.</p>
<p>Pour éviter les confusions, il convient de ne pas confondre les niveaux :</p>
<ul>
<li><p>les domaines où un accord collectif peut déroger à la loi,</p></li>
<li><p>les domaines où un accord d’entreprise a primauté sur un accord de branche, et,</p></li>
<li><p>les domaines où le contrat de travail ne s’applique plus face à un accord d’entreprise moins favorable.</p></li>
</ul>
<p>Autre point essentiel à toujours garder à l’esprit : ne pas confondre la règle (posée par le Législateur) et l’usage qui sera fait de cette règle par les acteurs sociaux (employeurs, organisations patronales et organisations syndicales de salariés). La législation propose des outils : les acteurs s’en serviront ou pas, différemment suivant les branches d’activité en fonctions de différents paramètres socio-économiques. Le jeu des acteurs est essentiel dans la mise en œuvre du droit.</p>
<h2>Et le droit international et européen ?</h2>
<p>Les normes de droit interne doivent respecter les normes du droit international et les normes du droit de l’Union européenne. Il en est ainsi bien entendu en droit du travail.</p>
<p>Les nouvelles dispositions du code du travail doivent être en conformité avec les sources internationales et européennes, notamment avec les dispositions des Conventions de l’Organisation internationale du travail, de la Charte sociale européenne révisée et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe et des directives de l’Union européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Miné est membre du Réseau Académique pour la Charte Sociale Européenne (RACSE). </span></em></p>Analyse juridique d’un des points clés des ordonnances de réforme du code du travail : quelles sont les nouvelles articulations des normes du droit du travail ?Michel Miné, Professeur du Cnam, titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841932017-09-21T09:14:40Z2017-09-21T09:14:40ZDialogue social : TPE et grands groupes logés à la même enseigne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186968/original/file-20170921-8188-1ui9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation contre les «ordonnances travail» à Paris le 12 septembre 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/37191554995/in/photolist-YEuryP-dN5Gjv-XowzfE-8NJfqD-SyxA3v-YrVufe-WksVNp-YEurVF-YEus3e-Xqyrun-YrVv3r-Xqys5a-YnGbJN-cyNqNJ-YnGbwU-YEurdt-XowxnG-XqyrxD-XqyrQx-XqyrBM-YnGc2b-YEurGe-Y4kUcG-YrVv6x-Xqyrw6-YEurBe-YnGbTA-S7ztqU-YrVxYX-G7FcpK-FHMkej-JbZC6U-EW7CSR-FP5n8L-8mjCBS-HF3s8i-E8iwza-FQBXaJ-bwaY92-nyj9Qs-FLo9Z4-YpiTSu-Jav6RN-fCV5Aw-YnphoC-YEaCdn-EUcmLU-fMXEdm-fMXEhN-FgfYxo">Jeanne Menjoulet / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où les révolutions semblent se faire virtuellement entre un Smartphone et une tablette, nous assistons malgré tout à une mobilisation bien réelle contre les <a href="http://bit.ly/2wDrOib">modifications du code du travail</a>.</p>
<p>Il ne s’agit pas (encore ?) d’une fronde mais ce grondement sourd de l’opinion mérite notre attention. Pourquoi ce 21 septembre les partenaires sociaux ont appelé à une mobilisation contre une réforme qui est censée valoriser le dialogue social ?</p>
<h2>Et si pour une fois, on envisageait les choses du bon côté ?</h2>
<p>Tout d’abord, la réforme par ordonnances est <a href="http://bit.ly/2xx4kiT">loin d’être une nouveauté</a>. Le procédé avait déjà été utilisé par le gouvernement Juppé en 1995 pour réformer la sécurité sociale. Entre 2008 et 2011, ce sont <a href="https://www.senat.fr/role/ordonnances/etude_ordonnances0.html">130 ordonnances qui sont prises</a>. Le gouvernement Hollande n’est pas en reste avec, en 2013, la réforme du logement dont certaines mesures sont prises par ordonnances.</p>
<p>Le gouvernement Macron l’avait promis. Il l’a fait. Le 31 août dernier, le contenu de 5 ordonnances est présenté. Les principaux thèmes concernent la négociation collective et le dialogue social et la sécurisation de la relation de travail.</p>
<p>Parmi ces thèmes, le dialogue social est particulièrement important. Les propositions vont dans le sens des précédentes réformes de 2015 et 2016 (Loi Rebsamen n° 2015-994 du 17/08/2015 et Loi El Khomri n°2016-1088 du 08/08/2016). En effet, la <a href="http://bit.ly/2xjNz8H">fusion des instances représentatives du personnel</a> n’est qu’une forme de généralisation de la DUP (délégation unique du personnel, déjà réformée en 2015 par la loi Rebsamen.</p>
<p>Par cette loi, davantage d’entreprises peuvent recourir à la DUP (entreprises de moins de 300 salariés contre 200 précédemment), qui intègre désormais le CHSCT (Comité d’Hygiène Sécurité Conditions de Travail). En revanche dans les entreprises d’au moins 300 salariés, il n’est toujours pas possible de mettre en place la DUP mais il possible de conclure un accord pour regrouper les instances. La réforme de 2017 poursuit donc l’idée d’une fusion généralisée de toutes les instances. Cette fusion devrait concerner au moins trois des quatre instances de représentation des salariés (comité d’entreprise, CHSCT, délégués du personnel et délégués syndicaux). La représentation des salariés sera désormais assurée par un « Comité social et économique » (CSE). Rien de vraiment nouveau, donc.</p>
<h2>La révolution est bien là !</h2>
<p>Par contre, le VRAI changement concerne les TPE qui représentent 9 entreprises sur 10 et plus de 50 % des salariés en France. Ces salariés des petites entreprises sont cependant souvent oubliés des syndicats car considérés comme peu représentatifs, donc peu représentés. La réforme prévoit</p>
<blockquote>
<p>« une négociation simple et accessible pour les entreprises de moins de 50 salariés, grâce à la possibilité de négocier directement avec un élu du personnel sur tous les sujets ».</p>
</blockquote>
<p>Les entreprises de moins de 50 salariés pourront négocier avec un salarié non élu et non mandaté par un syndicat. Lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise (c’est le cas de 96 % des PME), le représentant du personnel, élu par les salariés, pourra conclure un accord collectif. Les TPE de moins de 20 salariés pourront <a href="http://bit.ly/2jGuZUT">consulter par référendum</a>. (C’est déjà le cas aujourd’hui pour la mise en place d’un plan d’intéressement par exemple). Les TPE bénéficieront ainsi des mêmes possibilités de négociation que les grandes entreprises : rémunération, temps de travail, organisation du travail, tout cela pourra être directement négocié par le <a href="http://bit.ly/2euyHiC">chef d’entreprise avec ses salariés</a>.</p>
<p>Actuellement, les salariés des entreprises de plus de 50 salariés peuvent bénéficier de 4 instances représentatives du personnel : les délégués syndicaux, délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail.</p>
<p>Les entreprises entre 11 et 5O peuvent élire des délégués du personnel. En dessous de 11, aucune représentation n’est prévue. Cette problématique du franchissement de seuil conduit d’ailleurs souvent les patrons de PME à ne plus embaucher ou à utiliser des contrats spécifiques qui ne sont pas comptabilisés dans les effectifs (contrats de professionnalisation, contrats en alternance, contrats aidés).</p>
<p>Le dialogue social fonctionne actuellement sur deux facteurs : l’ancienneté des salariés et l’effectif de l’entreprise. Ainsi, tout salarié de plus de 16 ans ayant plus de 3 mois d’ancienneté peut voter aux élections du personnel. Le salarié ne doit pas avoir fait l’objet d’une interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques. (Article L2314-15 du code du travail). Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et ayant travaillé dans l’entreprise depuis un an au moins (article L2314-16 du code du travail).</p>
<p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2017 les accords sont signés par des syndicats ayant recueilli plus de 50 % des suffrages ou, à défaut, validés par une majorité de salariés.La réforme prévoit de faciliter la conclusion de ces accords.</p>
<p>Tous les salariés de France seront désormais traités de la même façon en matière de dialogue social, quelle que soit la taille de l’organisation à laquelle ils appartiennent.</p>
<p>Le gouvernement Macron s’est semble-t-il véritablement jeté à l’eau sur le sujet. Mais c’est la réforme engagée par la <a href="http://bit.ly/29yBUen">loi Rebsamen du 17 août 2015</a> qui se poursuit donc.</p>
<h2>Alors pourquoi tant d’agitation ?</h2>
<p>Le gouvernement a communiqué sur certains points de la réforme qui ne figurent par dans les ordonnances. C’est le cas par exemple de la majoration de 25 % des indemnités de licenciement. Rien n’est écrit dans ce sens dans l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail qui en revanche prévoit en son article 42 que l’indemnité légale de licenciement serait accordée au salarié justifiant d’au moins 8 mois d’ancienneté, au lieu d’un an actuellement. (Le premier alinéa de l’article L.1234-9 du code du travail serait alors modifié).</p>
<p>La communication sur la réforme mélange donc promesses et textes officiels ! La confusion est inévitable. Aussi cela paraît paradoxal de voir défiler les partenaires sociaux alors même que l’on veut faciliter le dialogue social !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84193/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La réforme de 2017 poursuit l’idée d’une fusion généralisée de toutes les instances lancée par les lois Rebsamen et El Khomri. Le vrai changement concerne les très petites entreprises.Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit - Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.