tag:theconversation.com,2011:/au/topics/arnaud-montebourg-20781/articlesArnaud Montebourg – The Conversation2022-04-12T18:27:28Ztag:theconversation.com,2011:article/1811222022-04-12T18:27:28Z2022-04-12T18:27:28ZUn effondrement socialiste qui vient de loin<p>Le score de 1,72 % de <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/10/anne-hidalgo-obtient-le-score-le-plus-bas-de-l-histoire-du-ps-a-l-election-presidentielle_6121504_6059010.html">suffrages exprimés</a> en faveur d’Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste, lors du premier tour de l’élection présidentielle 2022, marque sans ambiguïté l’effondrement de l’une des plus vieilles organisations partisanes de France, <a href="https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/39935">héritière de la Section française de l’Internationale ouvrière</a> (SFIO) fondée en 1905 sous l’impulsion de Jean Jaurès et de Jules Guesde. [Refondé en 1969], le Parti socialiste a pris son essor à la suite du congrès d’Épinay de 1971 qui <a href="https://books.openedition.org/pur/92469?lang=fr">installe François Mitterrand à sa tête</a>.</p>
<p>Si <a href="https://spire.sciencespo.fr/notice/2441/7dae05403o8pmo8nmasehuf0l2">son histoire</a> a connu de nombreux rebondissements, la fin du quinquennat de François Hollande (2012-2017) ouvre des failles profondes qui ne sont toujours pas refermées.</p>
<h2>Les fractures du quinquennat Hollande</h2>
<p>L’élection présidentielle de 2017 met en lumière l’affaiblissement du PS dont témoigne le score déjà historiquement faible réalisé par son candidat <a href="https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-5-chiffres-qui-font-tres-mal-pour-hamon-24-04-2017-6885441.php">Benoît Hamon</a>. La majorité des cadres du parti, de même que ses élites gouvernementales, se rallient à la candidature d’Emmanuel Macron. Au niveau de l’électorat, la logique de « vote utile » joue à plein. Les électeurs reportent massivement leurs voix vers l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande mais aussi, pour une part significative, vers Jean-Luc Mélenchon, qui attire alors 16 % des électeurs ayant voté François Hollande au premier tour en 2012.</p>
<p>Ces résultats soulignent l’accentuation des divisions internes de la famille socialiste sous le quinquennat Hollande. Celles-ci commencent à poindre après le « choc » du 21 avril 2002 et, plus encore, du référendum de 2005 pour une Constitution européenne, où le camp du « non » compte de chauds partisans comme Laurent Fabius ou Henri Emmanuelli. <a href="https://www.nouvelobs.com/election-presidentielle-2012/sources-brutes/20120122.OBS9488/l-integralite-du-discours-de-francois-hollande-au-bourget.html">Le discours du Bourget prononcé par le candidat Hollande en janvier 2012</a>, cristallise un malentendu entre ce dernier et son électorat. </p>
<p>Exaspérés par la politique sécuritaire, le climat de tensions et les affaires de la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), la plupart des électeurs socialistes ne veulent pas voir (ou prendre au sérieux) la modération du programme économique et social de François Hollande. Sa charge contre la finance, qu’il désigne comme son ennemi principal, et son engagement pour un contrôle plus important des <a href="https://www.luipresident.fr/francois-hollande/engagement/mettre-fin-aux-produits-financiers-toxiques-224">produits financiers toxiques</a> relèvent davantage de considérations tactiques que d’une conviction de fond. Les fondements de son programme économique portent sur la compétitivité des PME et le retour à l’équilibre des finances publiques dès la fin du quinquennat. Le président assume d’ailleurs rapidement cette approche « social-libérale » et annonce, en novembre 2012, la mise en place du CICE, un crédit d’impôt sur les bénéfices des entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros par an.</p>
<p>L’approfondissement de cette orientation économique avec la nomination de Manuel Valls à Matignon en mars 2014 conduit quelques mois plus tard à la démission du ministre de l’Économie d’alors, <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/demission-du-gouvernement-valls-montebourg-et-hamon-s-en-vont_1697397.html">Arnaud Montebourg</a>, ainsi qu’à celle de Benoît Hamon, éphémère ministre de l’Éducation nationale. Peu après, une partie du groupe parlementaire socialiste affirme à son tour publiquement son opposition à la voie « social-libérale », personnifiée par le Premier ministre et son nouveau ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Ces députés <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/08/27/les-frondeurs-du-parti-socialiste-traitres-et-heros_5503455_823448.html">« frondeurs »</a> s’opposent au gouvernement jusqu’à la fin du quinquennat, traduisant la faiblesse du leadership du président sur le parti dont il avait longtemps été le premier secrétaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Manuel Valls, septembre 2015.</span></figcaption>
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<p>Si la politique économique de François Hollande fut bien éloignée du discours du Bourget, il est important de noter la continuité de ses positions sur le sujet. <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/francois-hollande-est-il-encore-le-fils-spirituel-de-jacques-delors_1163305.html">Proche de Jacques Delors dans les années 1980</a>, il propose alors de répondre aux défis de la mondialisation et de l’approfondissement de la construction européenne par une politique fondée sur la compétitivité des entreprises et une flexibilité accrue du marché du travail qui serait contrebalancées par la défense de l’État social, une protection plus individualisée des travailleurs et le développement de la formation continue. Sous son quinquennat néanmoins, ses choix politiques sur des sujets économiques, sociaux mais aussi régaliens déstabilise et clive sa famille politique, au premier chef la <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/debat-sur-la-decheance-de-nationalite/">proposition de déchéance de nationalité</a> à la suite des attentats du Bataclan en 2015 puis la loi travail dite <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2016/05/25/projet-de-loi-el-khomri-pas-question-de-revenir-sur-l-article-2-pour-stephane-le-foll_4926225_823448.html">loi El Khomri</a> l’année suivante, qui accroît la flexibilité du marché du travail.</p>
<h2>Des élites socialistes de plus en plus déconnectées de leur électorat</h2>
<p>Comment comprendre ces propositions en décalage avec l’idéologie de la gauche traditionnelle ? Les mutations sociologiques de l’électorat socialiste apportent quelques éléments d’explications. Ce dernier en effet a profondément évolué au cours des dernières décennies.</p>
<p><a href="https://www.lhistoire.fr/10-mai-1981-pourquoi-mitterrand-gagn%C3%A9">En 1981</a>, 72 % des ouvriers et 62 % des employés ont voté pour François Mitterrand au second tour : des chiffres que la gauche n’a jamais retrouvés depuis.</p>
<p>En devenant un parti de gouvernement, les socialistes ont mis en œuvre, surtout après 1984 et la nomination à Matignon de Laurent Fabius, une politique économique privilégiant la modernisation industrielle, la libéralisation financière, et <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2018-2-page-65.htm">l’approfondissement de la construction européenne</a> tout en s’efforçant de défendre l’État social dans un contexte de chômage de masse touchant l’ensemble des sociétés occidentales. Ces choix des socialistes au pouvoir, pas complètement assumés et expliqués, contribuent à <a href="https://revuegerminal.fr/2021/11/14/la-gauche-peut-elle-vraiment-se-passer-des-classes-populaires/">éloigner le PS des classes populaires</a>.</p>
<p>À partir des années 1990, ces électeurs se réfugient dans l’abstention. Une part significative rallie le Front national de Jean-Marie Le Pen tandis qu’une petite minorité opte pour des partis de gauche plus radicaux. Surtout, la gauche n’attire plus les nouvelles générations d’ouvriers et d’employés qui, après 1995, votent majoritairement et sans discontinuer pour <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national%20--%209782724618105-page-323.htm">la droite et l’extrême droite</a>.</p>
<p>Ce divorce avec les couches les plus populaires de l’électorat s’accompagne d’une autre rupture, plus progressive et silencieuse, avec les personnels de l’État, longtemps bastion privilégié du socialisme français. Depuis les années 2000, les <a href="http://www.pub-editions.fr/index.php/ouvrages/socialistes-et-enseignants-le-parti-socialiste-et-la-federation-nationale-de-l-education-de-1971-a-1995.html">enseignants</a> ont par exemple cessé de voter en masse pour le PS, à l'exception notable de l'élection présidentielle de 2012) lui reprochant des prises de positions trop favorables à l’égard de la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-41540-2_13">mondialisation libérale</a> et des politiques éducatives ne répondant pas à leurs attentes.</p>
<p>En dehors de quelques mesures phares impulsées sous les gouvernements de Michel Rocard et Lionel Jospin – [Revenu minimum d’insertion], <a href="https://easynomics.fr/2020/05/03/lionel-jospin-et-les-35-heures/">semaine des 35h</a>, <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/vingt-ans-apres-sa-creation-quel-bilan-pour-la-couverture-maladie-universelle-6706653">couverture maladie universelle</a> – le parti assume en effet une politique de l’offre tournée vers la compétitivité des entreprises et la primauté d’une régulation de l’activité économique par des mécanismes de marché dont la puissance publique doit toutefois <a href="https://www.cairn.info/les-socialistes-francais-et-l-economie%20--%209782724618600.htm">corriger les excès par des politiques sociales ciblées</a>.</p>
<p>Ces orientations politiques creusent les divisions de la gauche et affaiblissent le PS. Si ce dernier s’est appuyé sur des organisations telles que le Parti communiste ou les Verts pour nouer des alliances ponctuelles au gré des scrutins européens ou locaux, il ne parvient plus à créer une dynamique, comme ce fut par exemple <a href="https://theconversation.com/lunion-de-la-gauche-a-t-elle-un-avenir-147058">le cas dans les années 1970</a>.</p>
<p>À partir de 2017, le rejet assumé du <a href="https://theconversation.com/la-gauche-et-la-droite-font-elles-encore-sens-en-france-178181">clivage gauche-droite</a> par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, rejoignant sur ce point la position des leaders du FN qui, dès la fin des années 1990, lui substituent l’opposition entre « mondialistes » et « nationaux », porte un coup dur au PS désormais perçu comme l’une des principales incarnations du « vieux monde » politique.</p>
<h2>La faiblesse des réseaux socialistes</h2>
<p>L’enracinement sociétal de la SFIO puis du PS qui, contrairement aux social-démocraties d’Europe du Nord, furent toujours des partis d’élus et non de masse, est resté faible à l’exception de rares fédérations emblématiques comme celle du Nord. Dans les années 1970 cependant, le décollage du PS s’explique par une capacité de mobilisation au-delà de ses traditionnelles mairies. Le parti trouve des relais dans des syndicats ouvriers (la CFDT) et étudiants (l’UNEF) mais aussi dans les milieux associatifs et coopérateurs. Il est ainsi courant que les militants PS soient également encartés à la CFDT et exercent des fonctions associatives, par exemple dans les fédérations de parents d’élèves. L’influence du PS sur ces réseaux a disparu depuis longtemps et l’épisode de la Loi Travail a achevé de déstabiliser la CFDT, historiquement ouverte à un dialogue (qui ne fut jamais simple) avec le socialisme de gouvernement.</p>
<p>Plus largement, dans la perspective d’une recomposition et d’une réinvention du PS, l’affaiblissement des <a href="https://theconversation.com/debat-macron-et-les-gilets-jaunes-le-miroir-de-la-desintermediation-107635">corps intermédiaires</a>, qui s’est accéléré sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, le prive d’un levier de sortie de crise.</p>
<p>Un autre facteur, plus souterrain, peut également être mobilisé pour comprendre la déconnexion croissante entre les élites socialistes et la société. Il réside dans la relation que cette organisation entretient avec l’État <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/les-socialistes-europeens-et-letat/">depuis les années 1980</a>. Des politistes ont mis en lumière un phénomène de <a href="https://www.theses.fr/084447273">« cartellisation »</a>. En devenant un parti de gouvernement, le PS a accru sa dépendance vis-à-vis de l’État non seulement pour ses finances, de plus en plus dépendantes de l’argent public, mais aussi pour son expertise avec la pénétration massive de hauts fonctionnaires au sommet de l’appareil. Cette mue du PS en une « agence semi-publique centralisée » l’a considérablement éloigné des <a href="https://www.cairn.info/les-systemes-de-partis-dans-les-democraties-occide--978272461055.htm">militants et de la société</a>.</p>
<p>Facteurs de court, moyen et long terme se conjuguent donc pour expliquer le score dérisoire de la candidate socialiste au premier tour de l’élection présidentielle. Depuis 2017, le PS est bien en voie de « pasokisation », vocable passé dans le langage des sciences sociales en référence au Parti socialiste grec (PASOK) qui disparaît presque complètement du paysage politique à la suite de la terrible crise économique et sociale ayant frappé le pays à la fin des années 2000. Pasokisation n’est cependant pas synonyme de disparition. </p>
<p>Comme l’ont montré de nombreux travaux, « les partis meurent longtemps » et disposent d’une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/05/30/les-partis-meurent-longtemps_5135737_823448.html">forte capacité de résilience</a> dont témoigne le regain électoral timide mais réel de certains partis sociaux-démocrates européens. Le PASOK lui-même pourrait offrir un bon exemple de sortie de crise au PS : après une décennie compliquée, cette organisation retrouve des couleurs grâce à la réactivation de réseaux d’élus et de syndicalistes locaux ainsi qu’à l’émergence d’un nouveau leader.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Fulla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le premier tour de l’élection présidentielle 2022 marque l’effondrement de l’une des plus vieilles organisations partisanes de France.Mathieu Fulla, Agrégé et docteur en histoire, membre permanent du Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1738832022-01-02T17:26:28Z2022-01-02T17:26:28Z2022 : un contexte politique original ?<p>À quatre mois du premier scrutin de l’élection présidentielle de 2022, les candidats des principaux partis sont déjà en campagne et le président de la République lui-même, non officiellement candidat, multiplie les interventions publiques pour mettre en valeur son bilan et souligner la nécessité de poursuivre son action, comme ce fut notamment le cas dans <a href="https://www.lci.fr/replay-lci/video-l-instant-pol-du-15-decembre-interview-d-emmanuel-macron-ou-en-etaient-les-autres-presidents-le-15-decembre-avant-leur-candidature-2204697.html">l’entretien télévisé du 15 décembre 2020</a>. Pourtant, la situation politique reste beaucoup plus confuse qu’elle ne pouvait l’être au même moment lors des scrutins antérieurs.</p>
<p>L’élection de 2017 avait été atypique, en permettant la victoire d’un candidat qui n’était issu d’aucun des grands partis qui s’étaient partagé le pouvoir depuis les années 1960. Le scrutin qui s’annonce s’inscrit également dans un contexte politique original, marqué par l’éclatement de l’offre politique, la persistance d’une crise politique structurelle et les incertitudes liées à la crise sanitaire.</p>
<h2>Une offre politique éclatée…</h2>
<p>L’élection présidentielle de 2017 a marqué une rupture majeure dans l’histoire électorale de la V<sup>e</sup> République, <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100505760">façonnée jusqu’alors par le clivage gauche-droite</a>.</p>
<p>Pour la troisième fois seulement, sur dix scrutins de ce type, le second tour n’a pas mis aux prises un candidat de la droite gouvernementale et un représentant de la gauche socialiste : les deux précédents avaient eu lieu en 1969 (avec un second tour opposant le centriste <a href="https://www.elysee.fr/alain-poher">Alain Poher</a> au gaulliste Georges Pompidou) et en 2002 (où Jacques Chirac s’était fait le défenseur de la République face à Jean‑Marie Le Pen).</p>
<p>Mais surtout les deux grands partis de gouvernement, le Parti socialiste (PS) et l’Union pour un mouvement populaire (UMP), se sont alors retrouvés marginalisés en raison de l’éclatement d’une offre politique où les propositions nouvelles (Emmanuel Macron) ou les discours protestataires (Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon) ont été plus attractifs. Cet éclatement explique que, pour la première fois depuis 2002, aucun des deux candidats présents au premier tour n’a dépassé 25 % des voix au premier tour. Or, cet affaiblissement des grands partis qui structuraient la vie politique française depuis les années 1980 a favorisé, lors des élections législatives qui ont suivi, la victoire d’une majorité nouvelle, constituée autour du nouveau président Emmanuel Macron.</p>
<p>Certains observateurs pouvaient alors penser que le paysage politique se réorganiserait autour de cette majorité « <a href="https://www.institutmontaigne.org/blog/macron-et-en-meme-temps-trois-questions-alice-baudry-laurent-bigorgne-et-olivier-duhamel">et de droite et de gauche</a> ».</p>
<h2>… et toujours plus fragmentée</h2>
<p>Cinq ans plus tard, on ne peut que constater qu’il n’en est rien et que l’offre politique proposée aux électeurs s’est encore davantage fragmentée. Au cours de son mandat, le président n’a pas réussi à élargir son socle électoral, qui se situe toujours entre 20 et 25 % des voix : aux élections européennes de juin 2019, la liste qui se réclamait de son action a obtenu 22,5 % ; et en décembre 2021, les instituts de sondage lui attribuent en moyenne 24 % d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/sondages/derniers-sondages-sur-election-presidentielle-2022-en-france-infographies-explorez-les-tendances-visualisez-les-marges-d-erreur-agregateur_4879975.html">intentions de vote</a>. Il a donc simplement consolidé son électorat, en le positionnant davantage au centre-droit, ce qui libère potentiellement un espace à gauche que personne n’est aujourd’hui en mesure de prendre.</p>
<p>La gauche n’a en effet pas réussi à dépasser les divisions qui séparent ses organisations partisanes. Même la gauche contestataire, qui s’était réunie autour de Jean‑Luc Mélenchon en 2012 et 2017, présente aujourd’hui deux candidats, l’un issu de la France insoumise, l’autre du Parti communiste. Et si la droite de gouvernement réussit à présenter une candidature unique (avec Valérie Pécresse), comme cela a été le cas au cours des trois précédents scrutins (avec Nicolas Sarkozy et François Fillon), l’extrême droite est, pour la première fois depuis 2002 (avec la candidature de Brunot Mégret), représentée par deux candidats, Marine Le Pen et Eric Zemmour.</p>
<p>Comme en 2017 ou en 2002, cette dispersion des candidatures rend plus incertain le résultat du scrutin, puisque le seuil d’accès au second tour est réduit. Si le président sortant est seul à occuper l’espace politique qu’il revendique, au centre, sa position est plus inconfortable que celle de ses prédécesseurs qui briguaient une réélection (Nicolas Sarkozy en 2012, Jacques Chirac en 2002, François Mitterrand en 1988 ou même Valéry Giscard d’Estaing en 1981) dans la mesure où il doit subir les attaques des forces politiques gouvernementales de gauche comme de droite. Son statut de favori, que lui octroient les sondages de l’automne 2021, reste donc très fragile.</p>
<h2>Une crise persistante</h2>
<p>Cet éclatement de l’offre politique est un des symptômes d’un mal plus profond qui ronge la démocratie française depuis les années 1980 : la crise de la représentation politique. Les Français se sont peu à peu éloignés de la vie politique telle qu’elle était organisée depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, autour des partis de masse et des élections au suffrage universel. Les militants se font plus rares, les électeurs aussi. Analysée dans un rapport remis en novembre 2021 au président de l’Assemblée nationale par la <a href="https://www.fondapol.org/etude/rapport-pour-lassemblee-nationale/">Fondation pour l’innovation politique</a>, l’abstention progresse à chaque scrutin, même si elle affecte moins les élections présidentielles (en 1981, elle était de 19 % au premier tour ; en 2017, elle s’élevait à 21 %) que les municipales (21 % en 1983, 36 % en 2014) ou, pire encore, les législatives (29 % en 1981, 51 % en 2017).</p>
<p>Plusieurs facteurs expliquent cette crise : la <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/plus-rien-faire-plus-rien-foutre-la-vraie-crise-de-la-democratie">déception de l’opinion</a> face à l’échec des alternances qui se sont succédé depuis 1981 ; les « affaires » qui ont affecté l’image des hommes politiques, suspectés au mieux de ne pas tenir leurs promesses, au pire d’être corrompus ; et <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/notre-histoire-intellectuelle-et-politique-pierre-rosanvallon/9782021351255">l’avènement d’une société individualiste</a>, qui préfère aux mobilisations collectives les engagements individuels et ponctuels.</p>
<h2>La fin de la disruption ?</h2>
<p>L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 était une conséquence de cette crise de la représentation politique traditionnelle. C’est bien parce qu’il apparaissait comme un candidat nouveau, étranger au « système » – notamment à celui des partis – et chantre de la « disruption » qu’il a supplanté les tenants de ce qu’on a alors significativement appelé « l’ancien monde ». Mais son incapacité à restructurer durablement l’offre politique, le discours et les pratiques politiques ont renforcé encore davantage ce sentiment de crise. Le fossé se creuse sans cesse davantage entre le peuple et des élites jugées arrogantes et coupées des <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/une-crise-de-la-representation-politique-plus-forte-que-jamais">réalités du Français</a>. Et Emmanuel Macron est justement considéré comme l’archétype de cette élite.</p>
<p>Comme leurs prédécesseurs, le Président et les membres du gouvernement ont été confrontés à une impopularité durable ; une fois passés les premières semaines de leur mandat, ils ne recueillent que très rarement plus de <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2021/10/117823-Indices-de-popularite-Octobre-2021.pdf">40 % d’opinions favorables</a>.</p>
<p>Le mécontentement qui parcourt la société française s’est également traduit par une succession de mouvements sociaux, qui expriment à la fois le rejet des médiations politiques traditionnelles, l’exaspération face à des décisions politiques jugées déconnectées des attentes des Français anonymes et parfois même la tentation du recours à la violence.</p>
<p>En 2016, François Hollande avait dû faire face au mouvement « Nuit debout » et, plus largement, à une mobilisation de rue contre la « loi Travail ». En novembre-décembre 2018, son successeur a été confronté à un mouvement d’une toute autre ampleur, celui des « gilets jaunes », qui a révélé la fracture entre le pouvoir politique et la « France des ronds-points », celle des territoires périurbains <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-fond-de-l-air-est-jaune-collectif/9782021426205">hantés par le déclassement</a>. Cette contestation l’a poussé à renouer un contact direct avec les Français et à susciter une nouvelle forme de participation citoyenne, par l’organisation d’un « grand débat national » au premier semestre 2019. Mais cette tentative n’a pas eu de réel débouché politique et est restée sans lendemain.</p>
<h2>L’abstention, donnée majeure de l’élection à venir</h2>
<p>L’irruption d’une crise sanitaire sans précédent n’a pas enrayé cette crise du politique, même si, sur le long terme, elle a contribué à renforcer la légitimité de l’exécutif. À l’automne 2021, les mouvements d’opposition au passe-sanitaire ont emprunté aux Gilets Jaunes une <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/de-l-essence-au-passe-sanitaire-la-mutation-des-groupes-de-gilets-jaunes-sur-facebook_2162504.html">partie de leur discours et de leur mode de mobilisation</a>.</p>
<p>Et les scrutins qui se sont déroulés au cours de cette période particulière ont été sanctionnés par une <a href="https://theconversation.com/la-democratie-de-labstention-ou-les-defis-demmanuel-macron-163478">abstention sans précédent</a> : plus de 55 % pour les élections municipales de mars-juin 2020, plus de 66 % pour les élections régionales et départementales de juin 2021.</p>
<p>Le niveau de l’abstention est d’ailleurs l’une des clefs de la prochaine élection présidentielle, qui se déroulera dans ce même contexte de crise sanitaire, au cours duquel il est plus difficile de mobiliser directement les militants et les électeurs. Le renforcement des tensions qui parcourent la société française est ainsi l’un des éléments essentiels du contexte de l’élection présidentielle de 2022. Cette crise se traduit, au cours de ces premiers mois de campagne, aussi bien par la multiplication des candidatures qui entendent refuser le « système » (Eric Zemmour, Arnaud Montebourg) que par l’omniprésence des thématiques identitaires dans le débat public.</p>
<p>Mais le renouvellement des idées et des pratiques, qui conditionne la réconciliation d’une majorité de Français avec la politique, reste à ce jour invisible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathias Bernard est président de l'Université Clermont Auvergne.</span></em></p>Le renouvellement des idées et des pratiques, qui conditionne la réconciliation d’une majorité de Français avec la politique, reste à ce jour invisible.Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894722018-01-09T20:27:04Z2018-01-09T20:27:04ZLa relocalisation industrielle en France : un retour vers le futur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200593/original/file-20180102-26163-69j84w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=106%2C46%2C1136%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Oeuvre de Fernand Léger (_Le Transport des forces_) sur les murs du Palais de la Découverte à Paris
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/14791183751/in/photolist-ox3FBv-5D8MmG-r96GRy-7VuTvx-6HykPf-deyWAj-bw6kW4-cc146m-6HugSc-FZf5XH-8mtEj5-877nkY-9QrrY9-anTz24-6JuPxV-qRKWHn-dStYcp-wcgD1F-P4GqDv-i6LEp6-jMmY8x-FNn6Lb-6zWEq8-a9ZeVZ-aa9egt-6HEzKG-FZf4fp-4Q6woh-cC9kfh-e5m8Yn-cF97jW-fGNSdc-5CRAQa-deyVAc-5pgdzS-bw6ksD-eQkey2-n4mXue-fGPjLM-5puxkP-fGNmTD-nTvs5v-gXKTzv-amPrQX-fH6ufN-n4mijt-deyFab-eQwLtb-9uLZE2-eR4mAC">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, on constate un retour en France de plusieurs industries qui s’étaient délocalisées dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est (beaucoup) plus faible. Même si cette tendance reste timide (d’ailleurs très peu de chiffres sont disponibles sur le sujet), plusieurs entreprises de renom ont fait le choix de relocaliser en totalité ou en partie leurs sites de production en France. C’est le cas par exemple du fabricant de skis <em>Rossignol</em> depuis 2010 ou plus récemment du fabricant de thés et infusions <em>Kusmi Tea</em>.</p>
<p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ? Voici quelques clés de compréhension.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dKOwTYilyNY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La colère des ouvrières de Lejaby face à la délocalisation de leur usine en Tunisie (L’Obs/Youtube).</span></figcaption>
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<h2>L’industrie française face à la concurrence étrangère</h2>
<p>Alors qu’au milieu des années 1980, le poids du secteur industriel représentait encore 20 % du PIB français, celui-ci ne représente désormais plus que 12 % aujourd’hui. Ce <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/11/04/alerte-l-industrie-francaise-est-en-train-de-couler_4517794_3232.html">« décrochage industriel »</a> (pour reprendre le titre du livre d’Elie Cohen et de Pierre-André Buigues sorti en 2014) semblerait être un mouvement inéluctable, <a href="http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/11/11/competitivite-le-decrochage-francais-est-il-irreversible_5029377_1656968.html">voire irréversible si l’État ne décidait pas de rendre le pays beaucoup plus compétitif</a>. En effet, après les deux chocs pétroliers des années 1973 et 1979, la baisse du PIB français a coïncidé avec sa désindustrialisation, touchée de plein fouet par la hausse des frais de production (due à l’augmentation sensible du prix du pétrole). Parallèlement, l’économie française s’est sensiblement tertiarisée par une part de plus en plus importante des services marchands, une création massive d’emplois publics ou encore l’émergence d’une économie numérique (en lien avec l’avènement d’Internet).</p>
<p>Par ailleurs, l’émergence de pays en voie de développement a précipité le déclin de l’industrie française par le fait de nombreuses délocalisations dans ces « pays-ateliers » (Asie du Sud-Est, Maghreb, Europe de l’Est…). Le principal coupable désigné reste avant tout leur faible coût de la main-d’œuvre bien sûr, mais aussi – ironiquement – la stabilisation politique et/ou la pacification de ces pays qui ont créé des signaux favorables à l’accueil d’industries étrangères et aux investisseurs. La mondialisation a donc redessiné la géographie mondiale du travail et des innovations à partir des années 1980. Par conséquent, pour la France, l’impression est qu’elle semble avoir regardé venir et n’a pas su investir au moment voulu avec d’importants moyens dans des secteurs-clés, laissant donc filer certains de ses centres de productions à l’étranger.</p>
<p>Ne tirons pas à boulets rouges sur les délocalisations car elles sont parfois le seul moyen pour l’entreprise de pouvoir garder l’activité, d’exister sur le marché et de, pourquoi pas, ensuite revenir sur le territoire national.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La richesse des nations et leur insertion dans la mondialisation : l’un des classements possibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JP Bouron/geotheque.org</span></span>
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<h2>Pourquoi certaines industries décident de se relocaliser en France ?</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent ces mouvements de relocalisation industrielle et des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00517566/file/Grasland_Van_Hamme.pdf">études socio-économiques sur le sujet</a> montrent que ce n’est pas un simple schéma qui détermine la localisation de l’entreprise.</p>
<p>Nous avons parlé des coûts de la main-d’œuvre, mais ils sont désormais à relativiser et n’apparaissent pas comme le facteur numéro un d’une localisation. En effet, la main d’œuvre et son coût sont aujourd’hui englobés dans un format plus vaste qui inclue la formation, la qualification des salariés ou encore l’accessibilité de ceux-ci au bassin d’emplois. Et de ce point de vue, les atouts français en la matière sont intéressants et concourent à repositionner les stratégies d’entreprise qui peuvent bénéficier de l’arsenal de dispositifs pour une main d’œuvre, certes plus chères, mais plus qualifiée et pouvant répondre aux exigences sur les marchés. Par ailleurs, les <a href="https://www.lesechos.fr/03/11/2016/lesechos.fr/0211455369438_cette-nuit-en-asie---l-inexorable-ascension-de-la-classe-moyenne-chinoise.htm">revendications sociales et la récente montée d’une classe moyenne dans certains pays-ateliers comme la Chine</a> ont augmenté leurs coûts salariaux.</p>
<p>L’autre facteur explicatif concerne l’augmentation des coûts de transport due en partie à des prix du pétrole plus volatiles depuis la fin des années 2000. Produire loin de son marché privilégié de distribution et de vente n’est plus aussi rentable pour l’entreprise qui doit faire face à une diminution des gains et marges réalisés sur le coût de la main-d’œuvre. De plus, les crises financières et assurancielles qui ont touché l’ensemble de la planète depuis 2007 ont également entraîné des zones d’incertitudes sur certains marchés (comme en Asie) et sur les investissements à réaliser loin de ses bases.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Arnaud Montebourg chez Renault Cléon en 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Parti socialiste/Flickr</span></span>
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<h2>Et le « Made in France » dans tout ça ?</h2>
<p>Ce sujet des relocalisations a été remis sur le devant de la scène en France lors de la mise en place en 2012 du Ministère du Redressement productif piloté par Arnaud Montebourg sous l’égide du gouvernement Ayrault. On a assisté alors à une communication offensive sur les avantages et les bienfaits du « Made in France », notamment par le <a href="http://lelab.europe1.fr/arnaud-montebourg-s-habille-en-mariniere-pour-louer-le-made-in-france-5283">ministre en question qui n’a pas hésité à faire la une du journal Le Parisien en marinière pour exprimer son soutien en faveur de ce label qui fabrique et conçoit en France</a>. Cette forme de patriotisme économique induit donc qu’il existe des dispositifs et mécanismes pour favoriser la production sur le territoire national et/ou son retour.</p>
<p>Le cas de l’entreprise Paraboot est intéressant de ce point de vue. Principale marque d’un groupe de fabrication de chaussures et de textile, Paraboot décide en 2014 de relocaliser une partie de sa production en Isère alors réalisée au Portugal (le reste est en Espagne et Italie). Dès lors, cette entreprise aspire à profiter un maximum de ce que le « Made in France » peut lui offrir en terme d’image, mais aussi pour reconcentrer du savoir-faire <a href="http://www.paysvoironnais.com/documents/Documents/ECONOMIE/Centr_Alp2.pdf">sur le territoire isérois et dans les ateliers de 11 000 m² flambants neufs du Centr’Alp’2</a>, tout proche des sites historiques de l’entreprise familiale. Cette dernière remarque n’est pas anodine car les industries ayant une longue tradition familiale sur un territoire particulier peuvent être tentées de repositionner leur production ou leur activité près de leur origine géographique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la répartition des pays d’origine des entreprises relocalisées en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France Culture</span></span>
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<h2>La relocalisation ou la revanche des territoires ?</h2>
<p>La question territoriale et plus particulièrement les aménités au développement (cadre de vie, activités culturelles et sportives…) sont souvent sous-estimées dans les facteurs explicatifs des choix de (-re) localisation des entreprises. Dans le cas de <em>Rossignol</em>, nul doute que ce qui a conduit au retour de la marque à Sallanches en Haute-Savoie correspond à des préoccupations d’image, de main-d’œuvre qualifiée pour de tels produits, voire d’accès plus direct au marché limitant les coûts de transports (l’entreprise avait délocalisé sa production à Taïwan). Aux yeux des consommateurs, un ski fabriqué dans les vallées des Alpes est gage de savoir-faire et de qualité, renvoyant à la culture locale de fabrication disposant d’un fort ancrage historique. En effet, le passé industriel des entreprises est un facteur important, surtout lors d’un repositionnement de marché ou des produits fabriqués en fonction des compétences recherchées.</p>
<p>En plus des aspects productifs et organisationnels, l’environnement économique de l’entreprise joue aussi beaucoup désormais. La politique française de soutien aux filières industrielles s’est renforcée depuis le milieu des années 2000 autour de dispositifs et structures tels que les clusters, grappes, pôle de compétitivité, ou encore les clubs d’entreprise, dans le but d’améliorer les liens entre entreprises ou bien l’accès aux financements. Cet environnement d’affaires et les proximités créées entre les entreprises permettent à celles-ci d’envisager des collaborations et des partenariats qui peuvent les conforter, voire les rassurer, dans leur « aventure » productive.</p>
<p>À l’heure actuelle, le phénomène de relocalisation reste très marginal et ne concerne finalement que très peu d’entreprises (92 entreprises relocalisées en France depuis 2008). En revanche, malgré ces signaux faibles, ce mouvement de relocalisation exprime sans aucun doute les recompositions de ce qu’appelle El Mouhoub Mouhoud <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/mondialisation-cartes-rebattues/00060358">« l’hyper-mondialisation »</a>. En effet, les chocs et crises combinés à des ralentissements dans le secteur du commerce mondial ont forcé certaines entreprises à se redéployer, à revoir leurs stratégies et à reconsidérer leur marché et leur périmètre d’action. Dans ce vaste mouvement, si certaines décident de se relocaliser en France, alors encourageons-les à revenir car ce ne sont pas les atouts qui manquent pour les recevoir à bras ouverts… L’emploi français en a besoin !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ?François Raulin, Ingénieur de recherche, Laboratoire Métis EM Normandie, EM NormandieFabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial et Economie régionale, EM Normandie,Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852422017-10-05T22:56:02Z2017-10-05T22:56:02ZAlstom-Siemens : questions pour une fusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188938/original/file-20171005-9802-1gct55z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Centre d'essai d'Alstom à La Rochelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5076082918/7566b589c0/">Thierry Ilansades/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alstom continue à défrayer la chronique des entreprises françaises menacées par la mondialisation et alimente le feuilleton de l’État actionnaire. Après le cas de l’usine de Belfort, et la décision de vendre le groupe à l’allemand Siemens, c’est au tour de sa filiale GE Hydro/Alstom de faire la une des mouvements sociaux.</p>
<p>Comme nous l’exposions dans notre article <a href="https://theconversation.com/alstom-un-echec-de-letat-stratege-65301">« Alstom : un échec de l’État stratège ? »</a>, Alstom, un des fleurons de l’industrie française, a connu au cours des dernières décennies une histoire mouvementée. Aujourd’hui, alors que le groupe a retrouvé une bonne santé financière, l’État a décidé de le vendre à Siemens. Pourquoi et quelles en sont les conséquences ?</p>
<h2>La santé retrouvée d’Alstom</h2>
<p>Pour l’exercice se terminant fin mars 2017, Alstom affichait un chiffre d’affaires de 7,3 milliards d’euros en progression de 6,2 % par rapport à 2016 et de 18,5 % par rapport à l’exercice 2015. Fin mars 2017, l’entreprise retrouvait enfin un résultat opérationnel positif de 358 millions d’euros après des résultats opérationnels négatifs en 2015 et 2016.</p>
<p>Parallèlement à ce redressement de la rentabilité, l’équilibre financier du groupe s’améliore également. Le ratio des dettes financières (courantes et non courantes) rapportées aux capitaux propres passe de 1,23 en mars 2015 à 0,55 en 2017. Enfin, la trésorerie du groupe se maintient à plus de 1,5 milliard d’euros fin mars 2017. Le tableau 1 récapitule ces chiffres clés du redressement d’Alstom.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Le mariage d’Alstom et de Siemens</h2>
<p>Avec les noces annoncées du mariage d’Alstom avec son meilleur ennemi européen, l’allemand Siemens, l’avenir du fleuron industriel français semble bien incertain. Pour certains, et notamment le gouvernement du président Macron, cette fusion permettra de créer un « Airbus du ferroviaire » et de pérenniser les emplois face à la concurrence chinoise. Pour d’autres, et notamment les syndicats et des leaders de la gauche comme Arnaud Montebourg, cette vente signe la démission du gouvernement en matière de politique industrielle. Que ce soit pour la CFDT comme pour la CGT l’inquiétude est forte.</p>
<p>Pour Olivier Kohler, délégué CFDT, « Toute la question est de savoir quelle politique industrielle sera menée. Il y a des fabrications identiques en France et en Allemagne. Il y aura des doublons et il ne faut pas se leurrer, il y aura des suppressions de postes des deux côtés ». Pour Pascal Novelin, délégué CGT, « L’État ne protège pas son industrie, Siemens protégera la sienne. Si on est racheté par Siemens ça va valser sérieux » (Le Monde, 26 septembre 2017).</p>
<p>Mais pour le moment ça valse déjà à Grenoble chez GE Hydro/Alstom (ex Neyrpic) ; cette société intégrée à la branche énergie du groupe Alstom jusqu’à son rachat par General Electric (GE) il y a trois ans. C’est en effet en 2014 que le conglomérat américain avait racheté l’ensemble des activités énergie d’Alstom, dont sa très rentable branche nucléaire pour un montant de 12 milliards d’euros. À l’époque, Arnaud Montebourg, pourtant ministre de l’Économie et du redressement productif, n’avait pu bloquer cette vente faute – selon lui – de volonté politique du président Hollande et de son secrétaire général Emmanuel Macron.</p>
<p>Rappelons que c’est Neyrpic qui a construit la plupart des turbines des centrales hydrauliques des Alpes, celles des premières centrales nucléaires françaises et plus récemment celles du plus grand barrage du monde, celui des Trois-Gorges en Chine. Aujourd’hui le site grenoblois est spécialiste des turbines-pompes de troisième génération qui peuvent produire de l’énergie renouvelable. Inutile de dire la fierté des ingénieurs et des ouvriers de ce fleuron industriel menacé aujourd’hui d’un plan social par GE.</p>
<p>Face à cette situation, les salariés de GE Hydro/Alstom bloquent l’usine de Grenoble depuis le 4 octobre pour dénoncer le « mutisme total » de la direction et du gouvernement du président Macron autour du plan social qui prévoit la suppression de 345 postes sur les 800 que comporte ce site industriel historique de turbines hydroélectriques.</p>
<p>Grenoble (GE Hydro) aujourd’hui, Saint-Nazaire (STX France) cet été, Belfort (Alstom) en 2016 et Florange (Arcelor) en 2012, l’histoire semble se répéter inlassablement. Nos plus emblématiques sites industriels, ceux-là même qui ont fait la gloire de notre technologie et de nos savoirs faire, sont menacés de disparition devant les coups de butoir de la mondialisation. On comprend l’inquiétude des salariés de ces entreprises et leur demande de protection de la part de l’État, d’autant plus que ce dernier, via ses participations, a les moyens d’intervenir.</p>
<h2>La charge d’Arnaud Montebourg et la réponse de Bruno Le Maire</h2>
<p>Grenoble le 2 octobre 2017 : l’ex-ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, affirme devant les salariés menacés par un plan social que le gouvernement « se rendait coupable de détournement de fonds publics par négligence ». Il accuse aussi l’État d’avoir « abandonné Alstom à son sort » et de vouloir poursuivre au pénal ce dossier.</p>
<p>À Grenoble, devant les salariés menacés de GE Hydro/Alstom, Arnaud Montebourg a présenté un scénario qui, à ses yeux, pourrait sauver leur site, un mélange « d’action politique, de lutte syndicale et de menace de poursuites pénales ». « Il reste quinze jours pour que l’État rachète les actions qu’il loue à Bouygues au sein d’Alstom et qu’ensuite il fasse jouer l’option de rachat de GE Renewable », a déclaré l’ancien ministre de l’Économie, qui avait œuvré à la rédaction de l’accord de co-entreprise lors du mariage entre General Electric et la partie énergie d’Alstom en 2014. « Il est impossible que ça ne se fasse pas », a poursuivi M. Montebourg, mettant en avant un risque de poursuites pénales contre M. Le Maire pour « détournement de fonds public par négligence ».</p>
<p>L’intersyndicale du site de GE Hydro/Alstom à Grenoble, menacé par un plan de licenciement de 345 des 800 emplois, a demandé « solennellement » au gouvernement mardi de « prendre ses responsabilités en en exerçant l’option d’achat des actions de Bouygues au sein d’Alstom avant le 17 octobre, date d’expiration de cette option pour l’État ». Pour eux, si l’option de rachat était utilisée, elle permettrait de gagner quelques mois pour envisager – dans le scénario déroulé par M. Montebourg aux salariés – de faire jouer ensuite en 2018 ou 2019 l’option de rachat de GE Renewable.</p>
<p>Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a rejeté mardi 3 octobre les menaces de poursuites pénales brandies la veille par Arnaud Montebourg si l’État ne montait pas au capital d’Alstom avant sa fusion avec l’allemand Siemens.</p>
<p>« Tout ce qui est excessif est insignifiant, Arnaud Montebourg le premier », a affirmé le ministre, qualifiant d’« absurde » la menace de « risque pénal maximal » brandie par son prédécesseur. Bruno Le Maire a également écarté l’idée que l’État entre au capital d’Alstom : « Faire monter l’État au capital d’Alstom pour, mettons 15 %, c’est donner à l’État un strapontin pour observer des décisions auxquelles il ne participera pas ». Pour lui, </p>
<blockquote>
<p>« Le rôle de l’État, c’est de veiller aux engagements de Siemens et d’avoir des commandes publiques qui, elles, sont importantes. Quitte à dépenser 2 ou 3 milliards d’euros, je préfère que ce soit dans des commandes publiques plutôt que dans des strapontins dans des conseils d’administrations. »</p>
</blockquote>
<h2>Une logique financière discutable de la part de l’État</h2>
<p>Une fusion « bonne pour l’emploi, bonne pour l’industrie, bonne pour la France » s’est félicité Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, en déplacement sur le site d’Alstom de Petite-Forêt dans le Nord.</p>
<p>L’État français est actuellement actionnaire d’Alstom via des actions (représentant 20 % du capital) prêtées par le groupe diversifié Bouygues mais il a prévu de mettre fin à ce prêt et ne pas exercer l’option d’achat dont il dispose jusqu’au 17 octobre 2017. En renonçant à exercer auprès de Bouygues les options d’achat dont il dispose, l’État ne fait pas forcément un bon calcul financier.</p>
<p>Bien entendu, l’exercice des options obligerait l’État à décaisser dans un premier temps des sommes importantes. La première, dont le prix d’exercice est de 35 euros/action, qui donne droit à 20 % du capital d’Alstom et qui expire le 5 octobre, coûterait 1,5 milliard d’euros. La deuxième, ouverte entre les 6 et 17 octobre, permettrait d’acquérir 15 % du capital auprès de Bouygues, à une moyenne du cours de bourse sur les deux derniers mois décotée de 2 %, soit environ 880 millions d’euros.</p>
<p>Mais en s’installant au capital d’Alstom, l’État disposerait d’un droit de regard sur la fusion et les engagements sociaux, comme il le fait du reste dans la vente de STX France à l’italien Ficantieri. Il serait également associé à la création de valeur liée à la fusion des deux groupes. Les synergies annuelles espérées de la fusion s’élèvent selon les dirigeants à 470 millions d’euros quatre ans après la finalisation de l’opération. Ce gain espéré se reflète du reste dans les objectifs de cours de six courtiers (Barclays, Deutsche Bank, Exane BNP Paribas, Kepler Chevreux, UBS, Société générale) pour l’action Alstom : 38 euros contre 30 euros avant les premières rumeurs de mariage. L’évolution du cours d’Alstom en bourse (voir graphique) est révélateur du redressement du groupe français.</p>
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<p>Par ailleurs, il faut tenir compte des dividendes qui seront versés : 4 euros avec certitude et plus jusqu’à 4 euros supplémentaires ; ce qui représente selon les options entre 350 et 263 millions d’euros. Le tableau 2 permet de récapituler les gains que l’État pourrait faire, si bien sûr les anticipations des courtiers se réalisent.</p>
<p>Par exemple si on prend l’option 2 (15 % du capital), l’État, contre une mise de 880 millions d’euros, pourrait recueillir 263 millions d’euros de dividendes et faire une plus-value de 368 millions d’euros (différence entre la valeur de son portefeuille et de son coût d’achat).</p>
<p>Même si l’objectif de cours de 38 euros n’était pas atteint, l’État ne serait pas obligé de vendre sa participation aussi rapidement et pourrait attendre que les fruits supposés de la fusion Alstom-Siemens porte ses fruits. Rester au capital du nouveau groupe pourrait s’avérer une excellente opération à long terme sur le plan financier.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Une politique industrielle risquée de la part de l’État</h2>
<p>Dépourvu d’actions, puisque l’État n’exercera pas ses options selon le ministre de l’Économie, l’État ne sera pas présent au conseil d’administration du futur ensemble Siemens-Alstom. Rappelons qu’il est au capital de nombreuses grandes entreprises et qu’il n’a pas hésité dans un passé récent de monter au capital de Peugeot pour sauver et relancer cette entreprise. Il ne pourra donc pas peser sur les orientations stratégiques du nouveau groupe Siemens-Alstom. Certains observateurs font observer que si l’État avait exercé ses options d’achat, la fusion ne se serait pas faite. Cela reste à prouver, tant la chancelière allemande, Angela Merkel, tient à la solidification du couple franco-allemand. Une autre fusion aurait donc pu être envisagée que celle qui nous est présentée.</p>
<p>L’idée avancée que la fusion entre Alstom et Siemens est une bonne opération repose sur le constat, contestable, qu’il s’agit d’une fusion entre égaux. On sait ce qu’il advient de ce type de fusions. Tôt ou tard, l’un des protagonistes prend le pouvoir sur l’autre ; le cas de la fusion Lafarge-Holcim est particulièrement éclairant à ce sujet, comme bien d’autres. Dans le cas Alstom-Siemens, il ne faut pas être grand devin pour prédire que les Allemands prendront les rênes du nouvel ensemble, compte tenu du désengagement de l’État français.</p>
<p>Toute la question revient à se demander si le pari de la construction d’un nouveau champion européen – un « Airbus du ferroviaire » pour reprendre l’expression consacrée – sera un succès et qui en seront les principaux bénéficiaires ? Pour peser sur le nouveau groupe, l’État français compte beaucoup sur les commandes publiques de TER et de TGV. Mais est-ce cela une politique industrielle ? Par ailleurs, rien ne dit que dans le futur nos opérateurs du rail n’iront pas se fournir auprès d’autres constructeurs éventuellement moins chers ? On entend bien les arguments en faveur de cette fusion, comme notamment l’impérieuse nécessité de s’allier entre européens pour contrer la menace chinoise. Il est également vrai qu’aucune entreprise ne peut rester qu’à l’intérieur des frontières de l’hexagone et que toutes doivent s’internationaliser. Il faut aussi se demander si Alstom en l’état aurait été viable à long terme ? La question reste ouverte. Mais fallait-il aller aussi vite dans le désengagement de l’État dans cette affaire ? On peut en douter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse stratégique et financière d’un rapprochement présenté comme une avancée de politique industrielle européenne.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/772212017-05-04T16:57:55Z2017-05-04T16:57:55ZUne agressivité débridée dégrade l’ultime débat présidentiel<p>Ce 3 mai 2017 nous avons pu assister au débat télévisé d’entre-deux-tours qui a opposé Marine Le Pen et Emmanuel Macron devant 15,1 millions de téléspectateurs sur TF1 et France 2. Point d’orgue d’une campagne totalement inédite de bout en bout, ce débat est l’ultime version d’une séquence de communication électorale institutionnalisée.</p>
<p>Depuis la première édition de 1974 (Valéry Giscard d’Estaing–François Mitterrand), il s’agissait du septième débat d’entre-deux-tours qui était organisé. Chaque élection présidentielle, hormis celle de 2002 marquée par le refus de Jacques Chirac d’affronter Jean‑Marie Le Pen, a donc connu ce type d’émission.</p>
<h2>Profusion de débats liée aux primaires</h2>
<p>Si on élargit à tous les débats télévisés électoraux le nombre augmente considérablement puisqu’il faut y ajouter trois débats en 2007 (Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius) à l’occasion de la primaire semi-ouverte des socialistes, plus un débat singulier entre Ségolène Royal et François Bayrou sur BFMTV, trois débats en 2012 (François Hollande, Martine Aubry, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Jean‑Michel Baylet) et un débat d’entre-deux-tours (Hollande-Aubry). Fin 2016, trois débats sont diffusés lors des <a href="https://theconversation.com/debat-des-primaires-la-bataille-pour-le-controle-de-lagenda-67086">primaires de la droite et du centre</a> (François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Lemaire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean‑François Copé, Frédéric Poisson), avant un <a href="https://theconversation.com/debattre-cest-combattre-69443">Fillon/Juppé</a> dans l’entre-deux-tours.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/primaire-a-gauche-ecoutez-la-difference-71290">Trois débats de la Belle Alliance Populaire</a> se sont également tenus en 2017 (Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, François de Rugy Jean‑Luc Benhamias, Sylvie Pinel), avant un <a href="https://theconversation.com/hamon-valls-le-candidat-du-desir-contre-le-candidat-du-realisme-71951">Hamon-Valls</a> dans l’entre-deux-tours.</p>
<p>La campagne de 2017 s’est donc traduite par une augmentation importante du recours aux débats causée par la mise en œuvre de la procédure des primaires à droite et au Parti socialiste, auxquels il faudrait ajouter les débats organisés par les écologistes pour être complet. Il y a là un indicateur de l’impact des primaires sur la médiatisation croissante et mobilisatrice de la vie politique. Il faut aussi rappeler que 2017 a connu, pour la première fois, des débats avant le premier tour réunissant les <a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-cet-inedit-debat-a-cinq-74923">cinq candidats majeurs</a> sur TF1 puis l’ensemble des onze candidats dans une émission exceptionnelle par le nombre de ses participants.</p>
<h2>Plusieurs cibles en même temps</h2>
<p>Quelles sont les principales caractéristiques de ce genre d’émission politique télévisée ? Tout d’abord, il repose sur une communication face à face entre deux candidats (au moins), c’est-à-dire co-présents, qui échangent des discours sous la conduite de journalistes-modérateurs. Cette communication interactive est emboîtée dans une communication unidirectionnelle médiatisée par la télévision qui diffuse en direction d’une audience massive et indéterminée.</p>
<p>Les échanges discursifs sont destinés à ce public massif ou, pour être plus précis, à des segments particuliers de ce public compte tenu des cibles électorales privilégiées par les candidats qui peuvent se recouper ou pas. La difficulté pour les candidats réside dans l’impératif de satisfaire différentes exigences propres aux participants du système de communication : répondre aux questions des journalistes, tout en dialoguant (plus ou moins) avec l’interlocuteur et en adressant des messages aux électeurs dont ils recherchent le vote ou le soutien électoral, le tout en s’efforçant de rassembler.</p>
<p>Comment s’est présenté le débat du 3 mai à ces trois niveaux ? Globalement ce fut un débat violent et brutal entre concurrents qui s’affrontent de façon aveugle sur un agenda incomplet, dans une interaction belliqueuse et avec des attaques frontales.</p>
<h2>Un agenda incomplet</h2>
<p>On sait toute l’importance des questions thématisées posées par les journalistes qui orientent le débat vers des sujets particuliers et forment l’agenda du débat (cf. J. Gerstlé, C. Piar, <em>La communication politique</em>, Colin, 2016). Première source d’insatisfaction, l’agenda du débat fut très incomplet, même si on comprend qu’il est très difficile d’être exhaustif et contradictoire en deux heures de temps seulement.</p>
<p>Il faudra donc se satisfaire du traitement souvent superficiel du chômage, des retraites, des 35 heures, de la fiscalité et du pouvoir d’achat, de la protection sociale, de la sécurité et du terrorisme, de la famille, de l’école, de l’Europe, de la politique étrangère résumée aux relations avec Trump et Poutine et des institutions (nombre de parlementaires et cumul des mandats).</p>
<p>Mais on ne peut que regretter le silence sur l’écologie, la santé, l’aide au développement, la crise des migrants, la défense, l’aménagement du territoire, le logement, les transports, la culture, les autres institutions entre autres. Le déficit « sectoriel » affaiblit considérablement la portée pédagogique du débat et sa capacité à informer les citoyens. La responsabilité est ici partagée entre journalistes et candidats.</p>
<h2>Une interaction belliqueuse</h2>
<p>Une interaction belliqueuse a, d’emblée, été installée par Marine Le Pen qui s’est lancée dans une violente diatribe où elle s’en est pris d’abord au programme de son adversaire :</p>
<blockquote>
<p>« M. Macron est le choix de la mondialisation sauvage, de l’ubérisation, de la précarité, de la guerre de tous contre tous, du saccage économique, notamment de nos grands groupes, du dépeçage de la France, du communautarisme. »</p>
</blockquote>
<p>Elle s’est appuyée sur la manipulation des normes conversationnelles, notamment la norme de la bienséance qui impose le respect de la parole de l’interlocuteur, qu’on doit laisser terminer son propos sans le couper, dont on doit respecter le temps de parole égal au sien, etc. En mettant en cause le comportement de communication de l’adversaire, on met en évidence qu’il ne respecte pas les normes de la communication ordinaire (« Vous m’empêchez de parler depuis 10 minutes » s’exclame ainsi Marine Le Pen).</p>
<p>S’il est incapable de respecter des normes aussi simples, comment pourra-t-il s’accommoder de pratiques de gouvernement beaucoup plus compliquées ? En d’autres termes, il faut montrer qu’on est le patron de l’interaction dans le respect des règles sous peine d’être disqualifié par l’adversaire. La candidate du FN a ainsi contraint Emmanuel Macron a invoqué la « courtoisie » pour avoir la possibilité de continuer à exposer son propos.</p>
<h2>Des attaques frontales</h2>
<p>Au lieu d’envoyer des messages ciblés à travers la présentation des propositions programmatiques ou dans la réfutation des propositions adverses, Marine Le Pen a multiplié les attaques frontales et les <a href="http://lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/05/03/des-intox-du-debat-entre-emmanuel-macron-et-marine-le-pen-verifiees_5121846_4355770.html">intox</a> (19 ont été dénombrées par « Les décodeurs » du journal <em>Le Monde</em>) tout au long du débat, quel que soit le sujet considéré.</p>
<p>Elle induit des réponses cinglantes de Macron, du type :</p>
<blockquote>
<p>« Une grande entreprise ne pourra pas payer en euros d’un côté et payer ses salariés de l’autre en francs. Ça n’a jamais existé, Mme Le Pen. C’est du grand n’importe quoi. »</p>
</blockquote>
<p>Par ses invectives elle a contraint Macron a dénoncé « les bêtises » et les « mensonges » continuels de son adversaire, par exemple sur le niveau du chômage en 1990 ou sur la sortie de l’euro :</p>
<blockquote>
<p>« Vous dites beaucoup de bêtises. »<br>
« Ne mentez pas encore une fois. »<br>
« Vous menez une campagne de mensonges et de falsifications. »</p>
</blockquote>
<p>Elle a cogné de façon aveugle en mettant dans le même sac la critique du programme et la personnalité de l’adversaire pour le réduire à un héritier de François Hollande, par ailleurs « soumis » aux intérêts privés, à Angela Merkel et à l’<a href="http://www.bfmtv.com/politique/l-uoif-l-organisation-musulmane-au-coeur-du-debat-de-l-entre-deux-tours-1156726.html">UOIF</a>. Loin de représenter une « France apaisée », qu’elle a voulu un moment incarnée dans la campagne, Marine Le Pen a retrouvé les accents les plus virulents de son père et a peut-être ruiné en deux heures six années de travail consacré à dédiaboliser le Front national.</p>
<p>Ce débat dans ces conditions a-t-il eu une utilité ? Sur le fond les questions traitées sont toutes légitimes mais restent incomplètes pour évaluer comparativement deux offres électorales. La transmission d’information y a été très limitée s’agissant des programmes. En revanche s’agissant des personnalités, on a pu voir s’exhiber le caractère brutal de la candidate – ce qui n’a probablement pas renforcé sa crédibilité sectorielle (notamment économique et sur l’Europe) et sa présidentialité dans la mesure où la fonction présidentielle n’est traditionnellement pas associée à la violence mais plutôt à la capacité de rassembler et de garantir le fonctionnement des institutions.</p>
<p>Emmanuel Macron l’a bien vu, qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« Vous vivez de la division. Le Front national s’en nourrit. Je refuse l’esprit de haine ».</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/77221/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les électeurs ont assisté à un débat violent et brutal entre concurrents qui s’affrontent de façon aveugle sur un agenda incomplet, dans une interaction belliqueuse et avec des attaques frontales.Jacques Gerstlé, Professeur de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762972017-04-19T19:36:18Z2017-04-19T19:36:18ZLes audaces contrariées de Benoît Hamon<p>Lancée le 16 août 2016 à l’occasion du <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/08/16/25001-20160816ARTFIG00160-2017-hamon-multiplie-les-signaux-en-vue-d-une-candidature.php">20 heures de France 2</a>, la campagne de Benoît Hamon pour les primaires l’avait vu imposer progressivement à ses challengers ses thèmes de campagne (revenu universel, transition écologique, légalisation du cannabis, reconnaissance du <em>burn-out</em>, lutte contre les perturbateurs endocriniens, « taxe-robot », visas humanitaires…)</p>
<p>Celui qui devait quitter le statut de troisième homme – derrière Manuel Valls et Arnaud Montebourg – pour celui de présidentiable générait alors enthousiasme et ferveur auprès d’un électorat plutôt jeune en recherche de solutions pérennes pour affronter les décennies à venir. Large, sa victoire lors des primaires lui permit de s’envoler dans les sondages d’opinion et de se retrouver à près de 17 % des intentions de vote à la mi-février.</p>
<p>Pourtant, à quelques jours du premier tour, cette belle dynamique semble grippée et Hamon pourrait sortir vaincu, mais aussi en partie discrédité, d’une campagne que certains jugent calamiteuse.</p>
<h2>Ralliements, raffinements et morcellements : une stratégie souvent contre‑productive</h2>
<p>Nombreux sont ainsi les observateurs qui ont noté les erreurs de stratégie d’Hamon et de son équipe. Les tentatives de ralliement des écologistes et de la France insoumise ont souvent été perçues comme une perte de temps précieux, à un moment où il était urgent de consolider l’ancrage des thèmes de campagne. Cette perception s’est trouvée renforcée par l’échec d’Hamon à rallier un Jean‑Luc Mélenchon qui résista à la pression <a href="http://www.regards.fr/web/article/une-alliance-entre-melenchon-et-hamon-ils-y-croient-encore">d’une partie de l’électorat de gauche en faveur d’une alliance</a>.</p>
<p>Ce dernier a par ailleurs su tirer profit de ce contexte délicat pour négocier un « pacte de non-agression », privant Hamon et ses proches de la possibilité d’attirer l’attention sur certains points clivants du programme de la France insoumise et du positionnement de son candidat : le rapport à l’Union européenne, la relative bienveillance à l’égard de Poutine et d’Assad, le rapport au protectionnisme et au souverainisme…</p>
<p>Autre erreur stratégique relevée par quelques observateurs : le remodelage de ses principales propositions à l’issue de la primaire. Tandis que certaines – sans doute jugées trop peu consensuelles – passaient à l’arrière-plan de la communication du candidat (légalisation du cannabis, visas humanitaires…), d’autres se voyaient modifiées, repensées, affinées…</p>
<p>Les efforts de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/09/benoit-hamon-rabote-de-nouveau-sa-promesse-de-revenu-universel-pour-les-18-25-ans_5092265_4355770.html">raffinement du chiffrage de sa mesure phare qu’est le revenu universel</a> ont ainsi été perçus et présentés, au mieux comme des tergiversations, au pire comme des reniements. Ces perceptions ont contribué à ternir l’image d’une radicalité réaliste et assumée qu’Hamon avait su imposer lors de la primaire et qui aurait dû en faire le candidat de la rupture avec la gauche de gestion au pouvoir depuis cinq ans.</p>
<p>Les équipes du candidat ont sans doute aussi eu le tort de vouloir annoncer de manière fragmentée les mesures du programme hamoniste. Leur objectif d’occupation de l’espace médiatique s’est heurté à la forte concurrence événementielle des affaires Fillon et Le Pen. De plus, ce morcellement a masqué la cohérence du programme d’Hamon et sa capacité à penser intelligemment l’articulation entre transition démocratique, transition économique et transition écologique.</p>
<p>On peut estimer <em>a posteriori</em> que le candidat aurait eu intérêt à insister sur les vertus du revenu universel ou du 49.3 citoyen et à centrer ses discours sur quelques thématiques de campagne bien hiérarchisées – lutte contre les discriminations ; moralisation de la vie politique ; renforcement des services publics ; construction européenne. Quitte à ne pas chercher à s’adresser à l’ensemble de l’électorat et à provoquer des points de clivage avec ses concurrents.</p>
<h2>Le PS ou le retour de la « machine à perdre »</h2>
<p>Les inclinaisons de la communication du candidat à la suite de sa victoire à la primaire étaient sans doute inévitables. Hamon se trouvait en effet soumis à une <a href="http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-valls-reunit-ses-proches-a-l-assemblee-ce-mardi-soir-28-02-2017-6719046.php">très forte pression</a> du gouvernement et de l’appareil du PS pour raboter son programme et faire rentrer celui-ci dans les clous du logiciel réformiste au sens le plus classique du terme. L’ancien ministre de l’Éducation nationale devait ainsi donner des gages, faire allégeance, obtenir l’adoubement de ceux qui exerçaient alors le pouvoir dans le pays et au sein du Parti.</p>
<p>La marge de manœuvre d’Hamon s’avérait très étroite. S’il est parvenu à proposer assez subtilement son inventaire des cinq ans de pouvoir de François Hollande, il a manifestement laissé beaucoup d’énergie et d’élan dans ses efforts pour donner des gages aux poids lourds du gouvernement, à la direction du PS et à ses anciens adversaires vallsistes.</p>
<p>Encouragé du bout des lèvres par certains (rencontre tiède avec le premier ministre Bernard Cazeneuve ; déclaration ambiguë de Pierre Moscovici…), critiqué plus ou moins ouvertement par d’autres (Michel Sapin, Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Bertrand Delanoë…), à aucun moment les trois groupes suscités n’ont daigné le soutenir massivement et s’incliner devant la décision des électeurs de la primaire. Pire, ils ont tout fait pour parasiter, gêner, troubler la dynamique de sa campagne jusqu’à ces sommets que furent les <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/23/le-ralliement-de-le-drian-a-macron-enieme-indice-du-coup-de-mou_a_22008364/">ralliements de Le Drian, Delanoë et Valls</a> à la candidature d’Emmanuel Macron.</p>
<p>De manière très paradoxale, Benoît Hamon fédérait alors une partie importante des partis de gauche – avec le soutien d’Europe Écologie les Verts et de Yannick Jadot mais aussi du Parti radical de Gauche ou du Mouvement Républicain et Citoyen –, obtenait l’appui de personnalités comme José Bové, Christiane Taubira, Éva Joly, Éric de Montgolfier ou Thomas Piketty mais voyait sa candidature dévaluée par certains des cadres de son propre parti.</p>
<p>Malgré les efforts de Martine Aubry, d’Anne Hidalgo, de Thierry Mandon ou de Najat Vallaud-Belkacem, une fois encore la « machine à perdre » qu’avait pu être le PS dans le passé se mettait en route. Si les rôles de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis doivent être décryptés dans les années à venir, force est d’ores et déjà de constater l’aveuglement des cadres du parti devant l’opportunité de reconstruction véritable du Parti qu’offrait la candidature de Benoît Hamon.</p>
<h2>Des cadrages médiatiques globalement défavorables</h2>
<p>L’évocation d’un troisième type de facteurs, extérieurs au candidat et au Parti, s’avère cruciale pour qui veut comprendre cet échec annoncé.</p>
<p>Tout d’abord, Benoît Hamon n’est jamais parvenu à s’affranchir totalement de son image de <a href="http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/29/benoit-hamon-le-petit-frondeur-devenu-grand_1544933">« frondeur »</a>. Cette image avait le double inconvénient de le replacer au sein de la majorité actuelle tout en en faisant un éternel contestataire refusant de se confronter à la réalité du pouvoir. La position de celui qui critique de l’extérieur ceux qui exercent les responsabilités, l’enfermait d’emblée hors de la sphère du pouvoir.</p>
<p>S’ajoute à ce cadrage, le recours récurrent au champ sémantique du candidat sympathique mais un peu rêveur (le « petit Benoît », le « marchand d’illusion », le « candidat de l’utopie »…) tandis que certaines critiques de Vallsistes se perdaient dans la prose nauséabonde de la dénonciation de l’islamo-gauchisme aux côtés de <em>Valeurs Actuelles</em> et des réseaux d’extrême-droite (affublant par exemple le candidat du surnom « Bilal Hamon »). Parfois en résonance avec les discours d’une partie du gouvernement et de l’appareil du PS, ces stéréotypes ont largement desservi Hamon alors qu’il tentait de renforcer son image de présidentiable et sa stature de chef pour son camp et pour son pays.</p>
<h2>Jusqu’au bout, le pari de l’intelligence</h2>
<p>Plus importante encore semble être l’incapacité des observateurs à percevoir comment le vainqueur de la primaire citoyenne a cherché à rompre assez nettement avec certaines pratiques traditionnelles de la communication politique : usage de la langue de bois, formes de démagogie, recherche permanente du clivage et de la polémique… Jusqu’à ces derniers jours, Benoît Hamon a en effet tenu sa position : faire appel à l’intelligence de ses concitoyens et faire preuve de pédagogie, de clarté et d’honnêteté afin de les convaincre de voter pour un programme susceptible de préparer le pays aux décennies à venir. Aussi a-t-il refusé de travailler à la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/chantal-mouffe-la-gauche-et-le-peuple">construction d’antagonismes profonds</a> entre son camp et celui de ses concurrents et de recourir massivement à l’émotion et aux affects.</p>
<p>Tandis que tous ses principaux adversaires mobilisaient ces stratégies, somme toute classiques, pour fédérer leur camp et passer la barre des 20 % au premier tour, il s’est employé à faire exactement l’inverse :</p>
<ul>
<li><p>produire un discours fédérateur abolissant les frontières entre les différents groupes qui constituent la société française ;</p></li>
<li><p>appeler à voter pour des propositions concrètes sans exagérer les difficultés actuelles de la France et sans se présenter comme l’ultime recours face à une situation de crise ;</p></li>
<li><p>parier sur un engagement qui ne reposerait plus sur les pulsions, sur la peur, le ressentiment ou la colère mais sur la prise en considération des défis collectifs qui attendent la société française et sur les choix les plus efficaces pour y répondre.</p></li>
</ul>
<p>Si utopie il y a chez Benoît Hamon, c’est sans doute là qu’elle réside, dans la confiance en la maturité suffisante de notre espace public pour qu’une telle démarche politique trouve un écho solidaire et favorable parmi les observateurs, les leaders d’opinion, les journalistes spécialisés.</p>
<p>Gageons que dans quelques années, ces audaces contrariées du candidat seront lues comme un effort profond et salutaire de renouvellement des pratiques politiques et du lien qui unit les dirigeants aux citoyens. Des audaces qui ouvrent très certainement une voie vers ce que devra être la politique dans un futur proche si notre démocratie souhaite ériger des digues solides contre les politiques de haine de l’autre, de repli sur soi et de manipulation des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Robinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le candidat de la « Belle alliance populaire », Benoît Hamon, n’est plus désormais crédité que de 7 à 8 % d’intentions de vote. Comment en est-il arrivé là ?François Robinet, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/717712017-01-23T22:15:03Z2017-01-23T22:15:03ZAu travail, Manuel Valls et Benoît Hamon !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153941/original/image-20170123-8075-ox3iyj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manuel Valls, arrivé second le 22 janvier 2017, au premier tour de la primaire de la gauche.</span> <span class="attribution"><span class="source">Eric Feferberg/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Durant toute la campagne du premier tour de la primaire, il a été beaucoup reproché à Manuel Valls d’avoir parlé de <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/02/16/manuel-valls-trace-une-frontiere-a-l-interieur-d-une-gauche-irreconciliable_1433621">« deux gauches irréconciliables »</a>. C’est le 15 février 2016, lors d’un rassemblement militant dans sa circonscription, que l’ancien Premier ministre avait voulu rappeler qu’il était opposé au principe d’une primaire de toute la gauche pour 2017.</p>
<p>Sa déclaration, lorsqu’on la relit de près, visait d’ailleurs peut-être davantage la gauche du Front de gauche que la gauche des « frondeurs », mais cette déclaration prêtait à interprétation. Manuel Valls disait qu’il y a « des positions irréconciliables à gauche et qu’il faut l’assumer ». Il ajoutait : « Moi, je ne peux gouverner avec ceux qui considèrent que François Hollande c’est pire que Nicolas Sarkozy ou que Manuel Valls c’est pire que Jean-Marie Le Pen. Je ne peux gouverner avec ceux qui font des meetings, des rassemblements avec Tariq Ramadan, c’est-à-dire aux antipodes de ce que nous sommes, ce débat nous devons l’avoir à gauche. »</p>
<p>L’exégèse de cette déclaration fait sans doute débat à gauche et au sein du PS. Si Manuel Valls dramatisait le trait afin de battre en brèche une primaire allant « de Mélenchon à Macron », force est de constater que la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VlAGMloP1fk">déclaration faite hier soir par l’ancien Premier ministre revient vers cette tonalité dramatisante</a> : « Un choix très clair se présente désormais à nous, et à vous. Le choix entre la défaite assurée et la victoire possible, le choix entre des promesses irréalisables et infinançables et une gauche crédible qui assume les responsabilités du pays. »</p>
<h2>La question du travail, miroir des divisions du PS</h2>
<p>On retrouve ici des débats très anciens à gauche sur la double question du rapport à l’économie libérale ouverte et du rapport à l’exercice du pouvoir. <a href="https://theconversation.com/primaire-de-la-gauche-le-geant-endormi-ne-veille-que-dun-il-71390">En analysant le second débat télévisé de la primaire de la Belle Alliance Populaire</a>, nous avions mis en exergue les contradictions et les tensions que l’intégration économique européenne et mondiale faisaient peser aujourd’hui sur la gauche tout entière, mais également au sein du PS. Des questions comme la réduction des déficits publics, les « réformes structurelles » de notre modèle social ou encore les niveaux et bases de l’imposition en France ont, bien entendu, toutes un écho européen. Avec une Commission européenne qui continue d’attendre la France, même si le contexte terroriste et l’ombre de Marine Le Pen font opter pour la patience du côté de Bruxelles.</p>
<p>Le débat difficile auquel nous assisterons mercredi soir fournira une nouvelle illustration que ces questions pèsent d’un poids très lourd sur les différences qui se sont exprimées lors du premier tour de la primaire. Peut-être même seront-elles amplifiées. S’il est sans doute exagéré de parler d’une « guerre des deux gauches » (une expression devenue un peu clichée), on assistera néanmoins à un débat « franc et viril », Manuel Valls n’ayant pas caché sa posture offensive sur le sujet.</p>
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<p>C’est la question du revenu universel – ou revenu de base – qui cristallisera ce clivage. Cette mesure phare du programme de Benoît Hamon capte en effet une grande partie des oppositions qui se sont exprimées au sein du PS et de la gauche pendant le mandat de François Hollande, et plus particulièrement à partir de l’arrivée à Matignon de Manuel Valls : la question de l’avenir des 35 heures, les crispations à propos de la loi Travail, le CICE et ses (non) compensations.</p>
<p>Toutes ces tensions montrent que la question du travail et de sa place occupe une place de choix dans les contradictions de la gauche aujourd’hui. Dans une France marquée par un chômage à un haut niveau, après l’échec de « l’inversion de la courbe » dans les délais que François Hollande s’était lui-même fixés, la question du « logiciel » que la gauche peut proposer vis-à-vis de la justice sociale, de la réduction de la pauvreté et des inégalités et de la redistribution passe, sans doute, par une réflexion sur la place du travail dans la société. La primaire a eu le mérite de faire apparaître des débats et des contradictions sur ces questions de fond.</p>
<h2>Double symbole</h2>
<p>Sans se prononcer ici sur la faisabilité ou la pertinence du revenu de base (on se reportera sur ce point aux analyses très intéressantes de Bruno Palier, spécialiste à Sciences Po de la protection sociale et des transformations de l’État providence), on peut remarquer le double symbole qu’elle envoie en creux à Manuel Valls et plus encore à… François Hollande (que personne ne s’aventurait à citer au soir du premier tour de la primaire) : une mesure qui renoue avec une vision de la gauche comme « laboratoire d’idées » et qui rappelle les promesses de 2012 sur la seconde étape du quinquennat qui était à venir, celle de la justice sociale et de la redistribution une fois les comptes publics « restaurés ». Par ailleurs, la dimension « universelle » de cette proposition pose d’importantes et d’intéressantes questions relatives à la citoyenneté et au modèle de l’intégration républicaine.</p>
<p>Derrière l’opposition entre les deux finalistes sur cette mesure, la question qui va se poser (ou que François Fillon pilonnera sur Benoit Hamon si c’est bien lui qui gagne la primaire) est celle, très délicate, de son financement. Le débat qui viendra sur cette mesure mercredi soir ainsi qu’au cours de la campagne présidentielle (dans l’hypothèse Hamon) viendra à nouveau mettre sur le devant de la scène la question de l’agenda européen.</p>
<p>Benoit Hamon avait un peu « chambré » Arnaud Montebourg au mois d’août sur la posture volontariste de ce dernier qui voulait « casser de la vaisselle à Bruxelles ». L’ancien ministre de l’Éducation, bon connaisseur des questions européennes, avait déclaré qu’il « y a un côté puéril et même un peu exaspérant à penser que l’Europe s’agenouillera devant le nouveau président français et que chaque chef d’État attendra sagement sa feuille de route pour adapter sa politique aux demandes du nouveau locataire de l’Élysée. »</p>
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<p>Il proposait non pas une rupture spectaculaire avec Bruxelles mais un changement de méthode de travail pour la France impliquant de nouvelles alliances. En est-il resté à cette position ? De quelle manière expliquera-t-il mercredi soir que sa proposition phare est compatible avec la réduction de nos déficits publics et la question, sensible dans l’opinion, des impôts et des taxes ?</p>
<h2>Tourmente postélectorale</h2>
<p>Si les deux projets qui restent en lice à l’issue du premier tour de la primaire ne sont peut-être pas « irréconciliables », ils coexistent en tout cas très difficilement au sein du même parti. Le score que réalisera le candidat issu de la primaire au soir du premier tour de la présidentielle dictera sa loi de manière plus forte que tout : un score derrière Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon entraînera dans la tourmente postélectorale la plupart des acteurs de la primaire, peut-être même son vainqueur ; un score devant ne serait-ce que l’un des deux lui permettra de prétendre jouer les premiers rôles dans la recomposition et la refondation du PS et de la gauche.</p>
<p>D’ici là, les deux finalistes de la primaire ne peuvent négliger le formidable discrédit qui frappe dans la France d’aujourd’hui la parole des hommes politiques comme l’a montrée la <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/resultats-1/vague8/">vague 8 du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF</a>. Il s’agit donc pour Benoit Hamon et Manuel Valls d’expliquer aux Français ce que l’on ne fera pas et avec quelles conséquences si leurs principales propositions sont mises en œuvre. Tous les deux ont donné des signes encourageants sur cette voie. Il leur faut prolonger leurs efforts et prendre au sérieux la demande de modestie sur les propositions et de prise en compte de leur faisabilité au sein d’un jeu de contraintes économiques très complexes.</p>
<p>Il faut souhaiter que le débat de mercredi soir permette une confrontation sérieuse et empirique entre deux projets et deux visions de ce que veut dire un gouvernement de gauche aujourd’hui dans le cadre d’une économie globalisée et ouverte sur le monde. Par avance, on les en remercie et on leur dit : « Au travail, messieurs ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les deux projets qui restent en lice à l’issue du premier tour de la primaire ne sont peut-être pas « irréconciliables », ils coexistent en tout cas très difficilement au sein du même parti.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/716962017-01-23T14:05:16Z2017-01-23T14:05:16ZLe Parti socialiste entre la tentation de Corbyn et la victoire à la Pyrrhus<p>Après une refondation idéologique conséquente induite par Tony Blair, manifestée par le changement d’appellation du Parti travailliste, devenu New Labour, et par une politique gouvernementale faisant la part belle à la triangulation (prendre des idées dans le programme de ses adversaires pour brouiller les lignes et pour mieux les déstabiliser), les militants et sympathisants travaillistes britanniques ont souhaité revenir à une orthodoxie idéologique plus forte.</p>
<p>Convaincus que leur parti avait perdu son âme à s’arranger ainsi avec son corps de doctrine historique pour pouvoir gouverner, les militants – singulièrement les jeunes – ont choisi, en 2015, pour diriger le parti un candidat qui incarnait un discours marqué très à gauche : Jeremy Corbyn. Et tant pis si cette offre ne trouve pas de majorité électorale au niveau du pays.</p>
<h2>Être gouvernant ou être opposant, telle est la question</h2>
<p>Les électeurs de la primaire de la gauche semblent rejouer le même scénario. Et c’est un cadrage historique classique en France, entre une gauche qui aspire à gouverner (quitte à laisser de côté certaines espérances irréalisables dans le temps court d’un mandat politique) et une gauche plus idéaliste et plus protestataire qui se ressource dans la lutte contre ceux qu’elle laisse de facto gouverner.</p>
<p>Le désarroi d’une partie de l’électorat de la gauche socialiste et social-démocrate tient à ce dilemme entre une aspiration à gouverner qui contraint à se heurter durement aux principes de réalité et un désir d’avenir idéaliste (voire utopique) qui contraint à se heurter durement au principe de défaite électorale, surtout dans un univers où la protestation trouve des débouchés politiques ailleurs (aux extrêmes de l’échiquier politique).</p>
<p>Face à cela, les animateurs de cette primaire à gauche se rassurent par une rhétorique de la « clarification » idéologique de la ligne du parti. La primaire serait, selon eux, l’occasion de trancher la querelle des aspirants à gouverner <em>versus</em> les bienheureux à rester dans l’opposition. Vincent Peillon, candidat pour rien – il a osé justifier sa candidature par une logique boutiquière d’appareil, arguant que la motion majoritaire du PS au dernier congrès n’aurait pas eu de candidat sans lui –, a senti qu’il fallait essayer de garder un point d’équilibre au sein du PS pour éviter la fracture.</p>
<p>Hélas il a aussi réussi à se convaincre (et des « amis » à lui l’y ont aidé) que c’était sa candidature personnelle qui réglerait le dilemme, qu’il était le seul à incarner le « rassemblement » (moins de 7 % des voix, voilà un beau rassemblement en effet). C’est donc un échec total !</p>
<h2>Le mal est profond</h2>
<p>Échec car la tentation de Corbyn est forte chez une partie des militants et sympathisants. Certains conceptualisent le vote Hamon/Montebourg en se disant qu’il faut accepter de se laisser glisser au fond de la piscine, lesté par des propositions lourdement de gauche, pour toucher le fond et mieux rebondir ensuite, dans cinq voire dix ans, une fois une refondation idéologique aboutie et une « cure d’opposition » qui redonnera de la virginité au parti.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153856/original/image-20170123-8075-1me8m43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jeremy Corbyn (ici en 2014), leader du Parti travailliste britannique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/garryknight/15024926027/in/photolist-oTGF3K-oqyZkk-BQk2m-3iY8XT-3j3y7Y-6i3yqY-GxBxxE-FEr2yA-qKmbh2-Aeycto-5K9gtE-6boMy4-B2VPP-6i3yiC-hE5oza-3Ls1En-GdfuAs-BnLc7z-AYSsrJ-nLBzmg-BTYhJj-4X1et4-AYLcmA-s8dHeh-ek3wHw-gdpYhh-MSk8xY-spmXTX-BufwhN-BWo3HH-BWo4dR-AYS4sX-LpqCmy-qn7XtD-rbLsn-qZwWBD-7zfT8C-AYLdA9-Bu9jmf-AYLd7o-vDRPAe-BTYiD5-Bu9ieA-yaRm1n-bjTLcp-MrExA3-88dRYf-om7TNa-oc4DBp-GxBF1q">Gary Knight/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>D’autres semblent se satisfaire pleinement de ne plus aspirer à gouverner autrement que sur des bases idéologiques pures et sans compromis. Or Charles Péguy rappelait, fort à propos, que « le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »</p>
<p>Manuel Valls s’inscrit en faux contre cette tentation. Il reste au fond blairiste, acceptant l’épreuve de gouverner. Il est prêt aux aggiornamentos idéologiques et programmatiques que les défis du temps présent imposent pour convaincre une majorité du corps électoral. Mais plombé par le bilan de la présidence sortante, il peine à incarner un nouvel élan, comme n’importe quel sortant impopulaire, du reste.</p>
<h2>La faille tectonique sous le PS</h2>
<p>Là où le drame se noue pour le PS, c’est que ce dilemme se dédouble car ce jeu de position s’inscrit dans une tectonique électorale qui fait du PS la ligne de fracture où les séismes naissent.</p>
<p>La posture contestataire est bien occupée à gauche par Jean-Luc Mélenchon. Une partie des déçus de gauche du PS sont déjà partis chez lui. La posture protestataire sociale-démocrate est séduite par l’offre politique qu’incarne Emmanuel Macron, même si elle semble encore floue et en devenir. Cette posture, c’est celle qui estime que les atermoiements de François Hollande sont coupables, qu’à force de vouloir ménager tout le monde, on n’avance pas et pire, on recule ; celle qui estime que le PS s’est abîmé dans des jeux d’appareil et de préservation de positions entre professionnels de la politique ; celle qui estime que l’aggiornamento idéologique n’est pas assez profond pour s’adapter aux mutations profondes de la société contemporaine (individualisation des comportements au détriment des identités collectives, esprit d’entreprendre et aspiration profonde à la défense de l’initiative individuelle, mondialisation, numérisation…).</p>
<h2>Tel le Roi, le PS est nu !</h2>
<p>La vérité est là, cruelle, brutale de simplicité. Le Parti socialiste a perdu toutes les élections depuis 2012. Il a perdu de nombreux élus, donc autant de relais et autant de militants qui gravitent autour des élus qui ont des postes à pourvoir. Il n’incarne aucune dynamique électorale qui en ferait la force centripète avec laquelle il faut négocier en faisant allégeance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153858/original/image-20170123-8085-gvsawo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une partie de l’électorat PS est tentée par le vote Macron.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/23417806279/in/photolist-AvySW-q5uLFj-pqzWiu-q6cmEF-q5BRck-6zNod1-qvgAE9-8nhWxw-rPEzSm-N7zhSQ-Myyd8x-MyycX2-MFVRzg-rCQU6E-rPDtJ9-RsgPqt-Lwpzgd-q5BRd2-pq4Yjy-qmSZmn-GyvYU6-GwdTgQ-FD1zYm-GHQMcc-uk9eMp-BFmnWF-N7zhYm-GpGeLE-GpGgXJ-uBPgtD-BFmmbB-BhtzXx-BhtAuz-C5hdj7-BFmofX-C5heVU-GpGdns-GMzmNJ-M9KLwB-GMzmtL-zypJ6j-GHQUx4-MoM2Ze-GqkkDE-MdNGyo-pqPm6n-pqzMW9-q5vmmC-9JASNu-zumxG">École polytechnique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chacun, sur sa droite comme sur sa gauche, joue sa carte personnelle pour l’enfoncer un peu plus et élargir la fracture. Car chacun sait bien que si Benoît Hamon l’emporte, des électeurs, militants, élus ou sympathisants préférerons se rallier à Emmanuel Macron pour ne pas cautionner une politique qu’ils jugent irréaliste, dispendieuse ou que sais je. Et si Manuel Valls gagne cette primaire (pari difficile) au nom du choix de gouverner (et du prix à payer pour cela), chacun sait que des soutiens de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg préféreront rallier Jean-Luc Mélenchon pour ne pas cautionner une politique qu’il juge autoritaire, droitière ou que sais je.</p>
<p>Le PS est donc condamné à une victoire à la Pyrrhus.</p>
<p>Cette primaire, machine voulue par les uns pour torpiller une nouvelle candidature Hollande (bingo !) et acceptée par les autres en pensant qu’elle se retournerait en procédure pouvant rafraîchir la légitimité si abîmée du Président sortant, aboutit surtout au résultat d’exposer au grand jour la faille tectonique qui fracture le parti.</p>
<p>Et le plus terrible dans toute cette histoire, c’est de voir les efforts pathétiques des leaders du parti pour exposer sur les tribunes et devant les caméras une satisfaction de façade. Ne manqueraient que les violons et on se croirait à bord du Titanic. Il faut (ré)entendre la langue de bois de ceux qui annonçaient que les électeurs déjoueraient les pronostics en venant trois millions voter, en faisant de Vincent Peillon le champion que les sondages ne savaient pas voir, en faisant d’une diminution de plus d’un tiers du nombre d’électeurs mobilisés par rapport à 2011, un franc succès. Entre méthode Coué usée jusqu’à la corde et autisme politique pathétique, les dirigeants du Parti socialiste ajoutent un à un, consciencieusement, des clous à leur cercueil.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que la structure partisane va forcément disparaître, mais elle va connaître des réveils pénibles, écartelée façon puzzle, avec pour juge de paix la Bérézina électorale annoncée des législatives de juin prochain (un peu comme celle de 1993). Mais sans doute le futur vainqueur de la primaire a-t-il de quoi se réjouir, les ruines seront à lui, avec un chantier colossal qui aura de quoi l’occuper longtemps.</p>
<p>Mais pour en faire quoi ? Restaurer des vestiges archéologiques ? Bâtir un bunker électoral juste là où les soutiens persistent ? Ou tenter de reconstruire une maison d’architecte pour les citoyens du XXI<sup>e</sup> siècle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Pour certains, voter Hamon/Montebourg revient à se laisser glisser au fond de la piscine, lesté par des propositions lourdement de gauche, pour toucher le fond et mieux rebondir dans cinq ou dix ans.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/713902017-01-16T17:59:57Z2017-01-16T17:59:57ZPrimaire de la gauche : le géant endormi ne veille que d’un œil<p>Le second débat de la « Belle alliance populaire », qui s’est tenu dimanche soir, a incontestablement permis aux oppositions les plus fondamentales entre les candidats, et notamment aux principaux d’entre eux, de s’exprimer. Que cela soit sur le bilan de François Hollande, l’écologie, la laïcité ou l’exercice du pouvoir, des différences sont apparues qui ne sont pas de simples postures le temps d’une élection.</p>
<p>Un thème a, néanmoins, fait apparaître les différences les plus saillantes : les questions européennes, véritable fil rouge de la soirée. Le traitement de ces questions par le trio de journalistes en charge d’animer la soirée a pu paraître parfois décousu car les candidats étaient amenés à répondre – en parallèle et en quinconce – à deux sous-thèmes européens : la question générale de la direction de l’Europe et des politiques d’austérité, d’une part, et la question plus précise, qui occupa nettement plus de temps, de la politique européenne et nationale vis-à-vis de la crise des réfugiés, d’autre part.</p>
<h2>Deux gauches, deux visions</h2>
<p>Cette séquence, d’un grand intérêt du point de vue de l’analyse sémantique et politique, vit s’opposer très clairement les « deux gauches » dont Manuel Valls dit un jour qu’elles étaient <a href="http://lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/12/06/quand-manuel-valls-assumait-des-positions-irreconciliables-a-gauche_5044355_4854003.html">« irréconciliables »</a>. Sans nous prononcer sur la pertinence, la lucidité ou l’exagération de cet adjectif (car on sait qu’en politique « irréconciliable » est un mot à définition variable), nous avons bien néanmoins assisté, dimanche soir, à l’expression de deux visions.</p>
<p>Sur l’économie et sur les contraintes européennes qui pèsent sur les politiques publiques françaises d’abord : le clivage était net entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg. L’ex-premier ministre a rappelé à plusieurs reprises que la France devait être « réaliste » dans son rapport à l’Europe et qu’elle devrait tenir ses engagements budgétaires, tout en proposant une relance. De son côté, Arnaud Montebourg n’hésita pas à utiliser un vocabulaire guerrier. Pour le champion du « Made in France », il s’agit en effet de « mettre fin à l’austérité », alors que nos pays en sortent « essorés », et de créer avec un bloc de pays « réformateurs » un rapport de force avec Bruxelles et Berlin, et enfin que la France prenne la tête d’un « leadership alternatif », voire « ouvre les hostilités.</p>
<p>Les autres candidats se sont rangés, à des degrés divers, derrière ces deux postures, mais la dynamique du débat penchait plutôt du côté du thème de « l’autre Europe », une rhétorique sans doute trop galvaudée pour avoir été utilisée hier.</p>
<p>Mais c’est, principalement, sur la politique française des dernières années en matière d’accueil des réfugiés et sur les positions de Manuel Valls face à l’Europe et à l’Allemagne sur cette question que le débat prit des couleurs. Et pas qu’un peu. Benoit Hamon, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ne firent pas mystère de leur condamnation ferme de la politique suivie par Manuel Valls, de son manque de « générosité » et de l’isolement dans lequel elle aurait mis la France. Manuel Valls dut se défendre et il le fit avec énergie, s’inscrivant une fois encore dans le registre de la « responsabilité » et du « réel ».</p>
<h2>L’Europe, un monde politique pluridimensionnel</h2>
<p>Cette très longue passe d’armes sur l’Europe, les politiques d’austérité, les frontières et les réfugiés, prend tout son sens si on la renvoie aux effets profondément perturbateurs de l’intégration européenne dans les vies politiques européennes, et pas seulement en France. Les spécialistes de l’analyse politique européenne (notamment Cees Van der Eijk et Mark N. Franklin ou encore Catherine De Vries) parlent souvent, à propos de l’Europe, d’un « géant endormi ».</p>
<p>Les auteurs qui ont développé ce concept ont constaté que les électeurs expriment un large éventail de préférences concernant l’intégration européenne, et que celles-ci traduisent des attitudes politiques structurées. Ces mêmes auteurs observent, en effet, qu’il n’y a pas de corrélation claire entre les positions des électeurs sur l’Europe et leurs positions sur l’axe gauche-droite. Selon ces analyses, si les citoyens ont bien des vues différentes sur l’Europe, celles-ci ne peuvent être décrites par la seule dimension économique gauche-droite. Le monde de la politique en Europe serait ainsi devenu pluridimensionnel sous l’influence des questions européennes <a href="https://theconversation.com/2017-lannee-de-la-politique-en-n-dimensions-70799">comme nous l’analysions dans une précédente chronique</a>.</p>
<p>C’est la politique en « n-dimensions » et parfois cette pluridimensionalité éclate au grand jour : lors des élections européennes malgré la faible participation, mais beaucoup plus fortement lors des référendums sur l’Europe. Ainsi, de temps en temps le « géant endormi » se réveillerait et, selon l’humeur de celui-ci au réveil (contexte économique morose ou gouvernement national impopulaire par exemple), les dommages collatéraux pourraient être plus ou moins importants…</p>
<h2>Européens de cœur, Européens de raison</h2>
<p>L’un de ces dommages collatéraux les plus intéressants du point de vue de l’analyse politique est la capacité du thème européen à perturber le paysage d’un monde politique coupé traditionnellement en deux, entre la gauche et la droite. Cette perturbation exerce de puissantes forces centrifuges et centripètes, mettant une pression considérable à l’extérieur de cette politique des deux blocs pour lui substituer une <a href="https://theconversation.com/des-regions-en-trompe-l-il-52460">politique de la « tripartition »</a> : le FN s’est en effet très solidement et durablement installé dans le paysage politique. Elle exerce, par ailleurs, une pression non moins importante en interne sur chacun de deux blocs de la gauche et de la droite.</p>
<p>Ainsi, lors de la primaire de la droite (et du centre), on avait déjà pu apercevoir que l’Europe dont rêvait Alain Juppé n’était pas la même que celle de Nicolas Sarkozy ni de François Fillon, qui avait rappelé d’ailleurs sa filiation « souverainiste-séguiniste ». Européen de cœur et Européen de raison montraient des différences, tout en partageant certaines données inhérentes au fait de vouloir être président de la République, adoptant une position globalement pro-européenne.</p>
<p>Le thème des frontières et de la reprise en main, à défaut d’un nouveau Schengen, du contrôle de celles-ci introduisait néanmoins plus que des nuances entre ces deux tendances de la droite, sans compter le gap considérable qui sépare l’agenda politique de la droite et du FN sur les questions européennes.</p>
<h2>Douze ans en arrière…</h2>
<p>Dimanche soir, les effets perturbateurs de l’Europe sur la gauche et sur le PS sont apparus avec une intensité inégalée depuis le référendum de 2005, lorsque la France rejeta le projet de Constitution européenne. Le PS avait alors connu de profondes divisions alors que François Hollande en était le Premier secrétaire et que Laurent Fabius (numéro 2 du parti alors) prenait le leadership du « non » de gauche.</p>
<p>Aujourd’hui, il est intéressant de revenir près de douze ans en arrière. Laurent Fabius proposait alors quatre orientations : réviser le pacte de stabilité pour mieux coordonner l’action de l’Europe pour l’emploi ; l’accroissement du budget européen dans les domaines de la recherche ; l’harmonisation des systèmes fiscaux pour lutter contre les délocalisations ; la défense au « service public à la française ».</p>
<p>Sans être un retour vers 2005 (car depuis le contexte a vraiment beaucoup changé), les thèmes abordés dimanche soir sur l’Europe avaient une force de rappel intéressante. Rappelons qu’à l’époque Arnaud Montebourg était partisan du « non », comme Benoit Hamon, tandis que Manuel Valls également membre de cette jeune génération voulant renouveler le PS avait finalement fait le choix du « oui ».</p>
<p>Ce qui s’est passé dimanche soir est clairement un signe supplémentaire que le géant ne veille que d’un œil dans le paysage de la politique française, en l’occurrence de la gauche. La question économique n’est plus la seule à faire débat à gauche sur l’Europe ; la question des frontières et de l’accueil des réfugiés a introduit de fortes lignes de différences également. Pendant ce temps, le géant a également un œil sur Emmanuel Macron qui, la veille, a consacré plusieurs passages de son meeting à Lille à un vigoureux plaidoyer en faveur de plus d’Europe, de plus d’ouverture et de la relation franco-allemande.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un thème a fait apparaître, dimanche soir, les différences les plus saillantes entre les candidats de gauche : les questions européennes.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712902017-01-13T14:43:25Z2017-01-13T14:43:25ZPrimaire à gauche : écoutez la différence !<p>Au départ, ils sont sept que tous les efforts de l’organisation du débat tendent à présenter comme à égalité : tirage au sort pour les prises de parole, partage d’un espace physique comme partage du temps de parole disponible, au point que chacun n’aura pas davantage que 17 minutes pour faire valoir son offre.</p>
<p>Et pourtant que de différences entre ces candidats ! Elles sont résumées par la notion de capital politique, c’est-à-dire l’ensemble des ressources que chaque candidat peut utiliser pour faire prévaloir son point de vue. Il s’agit d’« une forme de capital symbolique fondé sur d’innombrables opérations de crédit », pour reprendre les <a href="http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_13_1_3493">termes de Pierre Bourdieu</a>. Ils se distinguent par leur capital politique personnel de notoriété et de popularité, et par leur capital politique délégué par une organisation politique.</p>
<p>Cette organisation a accepté de les voir concourir. Soit pour briguer le droit de la représenter dans la compétition finale s’agissant des quatre socialistes : Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Vincent Peillon – tous anciens ministres de François Hollande. Soit pour la représenter pour la présidente du Parti radical de gauche et ex-ministre (Sylvia Pinel), pour le président du Front démocrate, candidat de l’Union des Démocrates et Ecologistes et ex-député européen (Jean-Luc Bennhamias), et pour le député et président du Parti écologiste (François de Rugy).</p>
<p>Ce qui est en cause est donc l’éligibilité des candidats socialistes versus la viabilité politique des trois autres candidats, c’est-à-dire leur capacité à franchir le cap de la primaire.</p>
<h2>L’atout du capital politique</h2>
<p>Avant même qu’un seul mot ne soit prononcé, les sept candidats sont très hiérarchisés par leur degré de notoriété et de popularité – quelle que soit la compétence politique du téléspectateur considéré. En dehors de leur prétention à concourir pour représenter le PS et la gauche dans la compétition présidentielle, qu’y a-t-il de commun entre Manuel Valls et François de Rugy, ou Jean-Luc Bennhamias, en termes de capital politique ? On aurait même tendance à dire que le poids du capital politique varie en raison inverse de cette compétence politique.</p>
<p>Tout porte, en effet, à expliquer le succès de François Fillon à la primaire de la droite par l’existence première de son capital politique, certes bien entretenu par une très longue campagne. Mais c’est bien grâce à lui qu’il a pu s’engouffrer dans la fenêtre d’opportunité ouverte par la critique de Nicolas Sarkozy à l’encontre d’Alain Juppé comme porteur d’une « alternance molle » dans un climat d’opinion marqué par un antisarkozysme très développé. C’est bien parce qu’il fut premier ministre, donc chef de la majorité sortante et le plus précocement déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2017, qu’il bénéficie d’une très forte notoriété et d’une forte popularité chez les électeurs de la droite et du centre.</p>
<p>Et, cependant, les sept candidats en présence dans cette primaire de la gauche vont tous faire comme si ce capital politique était sans effet alors qu’ils n’ont de cesse d’assumer leurs responsabilités, de renvoyer à leurs rôles dans la vie politique récente et de tirer les leçons de leur expérience politique antérieure dans un débat contradictoire où chacun va mettre en œuvre une stratégie relationnelle et une stratégie substantielle.</p>
<h2>Refrain consensuel contre le « candidat brutal »</h2>
<p>Côté relationnel, il s’agit de présenter une position dans un espace concurrentiel. Il fallait bien sûr s’attendre au refrain consensuel sur l’impérieuse nécessité du rassemblement de la gauche face aux adversaires clairement identifiés comme étant l’extrême droite de Marine Le Pen et la droite ultralibérale de François Fillon. Tous les candidats, à des moments différents, stigmatisent Fillon, « candidat brutal » comme le rappelle Arnaud Montebourg.</p>
<p>Plus délicat devient la présentation de l’ensemble de la gauche qui intègre potentiellement Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron (alias « Monsieur X », c’est-à-dire l’inconnu, selon Arnaud Montebourg) et encore plus délicat s’avère la présentation des candidats de la Belle Alliance Populaire dont sont absents le PCF, EELV, le Parti de gauche et le MRC (Mouvement républicain et citoyen) dont nul ne parlera.</p>
<p>De temps à autre les candidats s’interpellent comme Valls qui déclare : « Je veux dire très sincèrement qu’ici je n’ai pas d’adversaire, encore moins d’ennemi, que nous sommes venus débattre devant les Français, pour les convaincre que la gauche est toujours utile ». Ou comme Arnaud Montebourg qui invoque « (ses) amis, Vincent, Benoît et d’autres » en fin de débat. Un débat sans acrimonie mais où les divergences sont bien apparues.</p>
<p>Pour se distinguer les uns des autres, rien de tel que des propositions substantielles en forme de programme discriminant. Le consensus est total sur le caractère inacceptable des projets de la droite et de l’extrême droite, très rapidement cloués au pilori. Lorsqu’il s’agit de savoir si on est prêt à s’effacer devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg indique qu’il prendra « contact » avec le second alors que Benoît Hamon et Vincent Peillon considèrent d’emblée que la discussion avec eux est possible au nom du rassemblement, mais seulement en position de force.</p>
<p>Sur ce chapitre, on notera que la question de leur effacement respectif au profit du vainqueur de la primaire de la gauche ne leur a pas été posée, à la différence des candidats de la droite et du centre.</p>
<h2>Divergences économiques prononcées</h2>
<p>Les thématiques prévues pour l’animation de ce premier débat portaient sur le traitement successif des problèmes économiques et sociaux, du terrorisme et de la sécurité enfin de la République et la laïcité.</p>
<p>Sur le terrain économique et social, autant le consensus s’est imposé <a href="https://theconversation.com/primaires-le-programme-commun-de-la-droite-67089">lors du premier débat de la droite</a>, autant les divergences ont pu s’exprimer à gauche. Dés sa présentation, Benoît Hamon évoque son projet de <a href="https://theconversation.com/le-revenu-universel-une-idee-liberale-59440">revenu universel</a> pour faire face aux « bouleversements inédits » du monde qui va voir le travail se raréfier. En forme d’introduction au débat, le jugement porté sur le bilan du quinquennat de François Hollande est sans appel pour Arnaud Montebourg (« difficile à défendre »), pour Benoît Hamon (« inachevé »), plus nuancé pour Vincent Peillon (« une incompréhension parfois injuste »), alors qu’il suscite la « fierté » chez Manuel Valls et la satisfaction (« beaucoup de réformes ») chez Sylvia Pinel.
« Peut mieux faire » : telle est l’évaluation de Jean-Luc Bennhamias, et « contrasté » celle de François de Rugy.</p>
<p>Manuel Valls assume les résultats économiques même s’il ne s’en contente pas et Benoît Hamon fustige un « rendez-vous raté ». Vincent Peillon dit son hostilité au revenu universel soutenu par Jean-Luc Bennhamias et Benoît Hamon qui en présente la mise en œuvre sous forme d’étapes en rappelant que la Sécurité sociale, en son temps, fut aussi considérée comme irréalisable. Quant à Manuel Valls il préconise un « revenu décent » obtenu par la fusion de dix minima sociaux existants et délivré sous condition de ressources.</p>
<p>Alors qu’Arnaud Montebourg et Vincent Peillon (en faveur d’un « bouclier fiscal pour les plus modestes ») s’accordent sur une baisse de la CSG, Manuel Valls plaide pour le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires. Comme Benoît Hamon pour les entreprises du CAC 40 et les grands groupes mondiaux, Arnaud Montebourg est en faveur d’une augmentation des impôts sur les banques et les superprofits. Taxer les robots, comme le préconise Benoît Hamon n’est pas la solution pour Vincent Peillon qui rappelle, comme Manuel Valls, qu’en matière de protection les Français sont attachés à la Sécurité sociale.</p>
<p>Enfin, alors que Manuel Valls défend la loi El Khomry et ses apports en termes de négociation dans l’entreprise, compte pénibilité, compte personnel d’activité, garantie « jeunes », de même que Sylvia Pinel et François de Rugy, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg se prononcent pour son abrogation dès leur entrée en fonction pour défaut de légitimité démocratique et de facilitation du licenciement.</p>
<h2>Tous ensemble sur les valeurs républicaines</h2>
<p>Le consensus se retrouve en matière de lutte contre le terrorisme qui donne l’occasion de féliciter François Hollande pour sa conduite, hormis l’initiative de la déchéance de nationalité. Tous s’accordent à désigner l’islamisme radical comme l’ennemi à combattre et donne l’occasion à Manuel Valls de déclarer <a href="https://theconversation.com/les-manifestations-charlie-hebdo-etaient-elles-anti-musulmans-70933">« Je suis Charlie »</a>. Tous s’accordent sur les valeurs républicaines, et en particulier sur le rôle central de l’école, facteur de mixité sociale et instrument de lutte contre la reproduction sociale. Et certains évoquent trop rapidement les réformes institutionnelles qu’une VI<sup>e</sup> République imposerait : 49.3 citoyen pour Benoît Hamon, proportionnelle intégrale pour Vincent Peillon, référendum constitutionnel pour Arnaud Montebourg.</p>
<p>En conclusion, Benoît Hamon souhaite une gauche nombreuse, compacte et imaginative pour lui donner la force. Arnaud Montebourg, comme l’avait fait Manuel Valls au début du débat, rappelle que « rien n’est écrit d’avance » et que « nous pouvons l’emporter dans quatre mois ». De son côté, Manuel Valls demande aux électeurs de lui donner « la force » de rassembler la gauche et les Français pour une « République forte et une France juste ». Vincent Peillon propose le redressement républicain qui « augmente le patrimoine démocratique » d’un pays qui a besoin d’espérance. Quant à Jean-Luc Bennhamias, il suggère une grande alliance, un arc progressiste et écologiste pour défendre l’intérêt général alors que Sylvia Pinel invoque un
« nouveau chemin pour incarner l’espoir ». De Rugy nous invite enfin à être « libre » et « engagé », à lutter contre le conformisme et à choisir entre les projets présentés.</p>
<p>…Et pendant ce temps-là leur capital politique respectif plaide nécessairement en faveur de Manuel Valls et Arnaud Montebourg.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rassemblés dans leur rejet de la droite et de l’extrême droite, unis sur les valeurs républicaines, les candidats à la primaire de la gauche ont marqué leurs divergences sur le terrain économique.Jacques Gerstlé, Professeur émérite de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/710872017-01-12T19:55:45Z2017-01-12T19:55:45ZLa social-démocratie désarmée face aux « populismes »<p>Au jeu des sept différences, les candidats de la « primaire citoyenne » tentent de se positionner idéologiquement. Ainsi, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg se disputent la gauche du Parti socialiste (PS), tandis que Vincent Peillon et Manuel Valls rivalisent à sa droite. Par ailleurs, Sylvia Pinel représente le radicalisme, François de Rugy l’écologisme et Jean-Luc Bennahmias un progressisme de centre-gauche.</p>
<p>En dépit de ces nuances avec lesquelles les candidats comptent bien se démarquer, les uns et les autres ont pour modèle la social-démocratie. Mais, à l’inverse de la droite dont le gaullisme historique a facilité le truchement idéologique vers le conservatisme, la « primaire citoyenne » tend à démontrer la faible capacité de résilience de la gauche de gouvernement face aux populismes de son propre camp.</p>
<p>En effet, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron – bien que taxés de « populistes » – aiguillent le débat à gauche, et ce après qu’ils aient refusé de participer à ladite primaire.</p>
<h2>L’accusation de populisme, une arme politique</h2>
<p>Dans son célèbre ouvrage <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Mannheim_karl/ideologie_utopie/Ideologie_utopie.pdf"><em>Idéologie et Utopie</em> (1929)</a>, le sociologue Karl Mannheim relevait que qualifier une idéologie d’« utopique » vise davantage à discréditer l’adversaire qui s’en réclame plutôt que jauger l’efficience de cette même idéologie. De la sorte, désigner une personnalité politique de « populiste » permet d’attaquer à la fois son message et son intégrité.</p>
<p>Bien souvent, la distinction entre une personnalité « populaire » et une personnalité « populiste » tient plus à la monopolisation du discours qu’aux propos énoncés. Dès lors, qu’importe le degré réel ou fantasmé de populisme de Jean-Luc Mélenchon ou d’Emmanuel Macron, la social-démocratie s’ingénie à délégitimer les adversaires aux extrémités de son espace politique aussi certainement que ses adversaires critiquent son bilan.</p>
<p>La petite ritournelle du populisme ne date donc pas du Brexit ou de l’élection de Donald Trump, quoiqu’elle ait des raisons distinctes selon la personnalité taxée de « populiste ».</p>
<h2>Le « populisme traditionnel » d’extrême gauche</h2>
<p>À l’égard de Jean-Luc Mélenchon, les accusations de « populisme » relèvent de l’opposition classique entre la gauche de gouvernement et de la gauche radicale – cette dernière étant souvent accusée par la première de violence verbale à l’encontre des élites économiques, politiques ou sociales et de critique irraisonnée des institutions démocratiques lorsqu’elle prétend s’adresser au peuple. Toutefois, et bien que <a href="http://melenchon.fr/2016/11/02/debat-sur-le-populisme/">Jean-Luc Mélenchon ne récuse pas son populisme</a> – revendiquant alors une inspiration de la gauche sud-américaine –, le mettre à l’index peut se révéler hasardeux.</p>
<p>En effet, le PS et ses alliés devraient craindre le précédent grec. Pour rappel, le mépris du Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) à l’égard de la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) dans sa gestion de la crise économique s’est retourné contre lui. Résultat, le PASOK majoritaire en 2009 a dégringolé à 12 % en 2012, puis à 6 % en 2015.</p>
<p>Dans des contextes plus proches de celui de la France, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) concède de plus en plus de terrain à Podemos, de même que le Parti démocrate italien face au Mouvement 5 étoiles. Un peu partout en Europe, la <a href="http://www.humanite.fr/assiste-t-lecroulement-de-la-social-democratie-en-europe-629810">social-démocratie s’essouffle face à la gauche radicale</a>. Il n’est donc pas certain qu’un électorat déçu du tournant social-libéral du PS s’indigne encore du « populisme » de Jean-Luc Mélenchon.</p>
<h2>Le « nouveau populisme » d’extrême centre</h2>
<p>C’est, d’ailleurs, ce tournant social-libéral qui est responsable du déclin de la culture de gauche au sein de la social-démocratie française et de son manque de résilience face à l’idéologie managériale incarnée par Emmanuel Macron.</p>
<p>Par « culture de gauche », j’entends les représentations et les pratiques qui relèvent à la fois des institutions et des expériences collectives qui structurent les références communes. S’il existe probablement plusieurs gauches, et donc plusieurs cultures, persistent certaines références qui se retrouvent dans l’ensemble des formations dites de gauche. <a href="http://www.humanite.fr/node/392108">L’abandon des références marxistes en 2008 dans la Charte de principes du PS</a> et l’absence de profils issus du mouvement social dans les instances dirigeantes des formations engagées dans la primaire, ceci participe au déclin de la culture de gauche.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout, la culture de gauche est surtout menacée par l’idéologie managériale popularisée au sein de la social-démocratie par l’action gouvernementale. Cette idéologie repose sur la compréhension qu’une bonne gestion publique – à savoir, une gestion efficace et stable – outrepasse les passions politiques et les déterminismes sociaux, lesquels peuvent se greffer dans le processus de décision politique.</p>
<p>Car Emmanuel Macron incarne parfaitement cette idéologie managériale qui se veut ni de gauche ni de droite, d’extrême-centre en quelque sorte, tout en reprenant à son compte un progressisme devenu a-culturel et donc susceptible de convaincre les électeurs de droite, <a href="http://lelab.europe1.fr/manuel-valls-accuse-emmanuel-macron-de-populisme-light-2847694">il en devient indubitablement « populiste » pour Manuel Valls</a>. En effet, l’ancien Premier ministre cherche à le concurrencer sur cet espace politique laissé vacant par la droite, et ce après la nomination d’un François Fillon réputé conservateur.</p>
<p>Que ce soit contre ce « nouveau populisme » d’extrême centre ou contre le « populisme traditionnel » d’extrême gauche, la social-démocratie française reproduit ainsi la même erreur que celle commise par Hillary Clinton face à Donald Trump : celle de croire que des idées raisonnables suffisent pour gagner la guerre idéologique. Le candidat qui sortira victorieux de la primaire citoyenne ferait bien de s’inspirer d’un <a href="http://www.nytimes.com/2016/03/27/magazine/how-can-donald-trump-and-bernie-sanders-both-be-populist.html">Bernie Sanders, social-démocrate déclaré et « populiste » à bien des égards</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71087/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Schmitt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bien que taxés de « populistes », Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron aiguillent le débat à gauche, même s’ils ont refusé de participer à ladite primaire.Etienne Schmitt, Docteur en science politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/706752016-12-22T19:28:57Z2016-12-22T19:28:57ZBal tragique à Solférino<h2>Manolo</h2>
<p><em>(Seul à la tribune, s’adressant à une salle bondée d’une bonne cinquantaine de militants)</em></p>
<p>J’avais tort, avouons, les frondeurs ont raison :<br>
J’ai là dans le panneau donné comme un oison.<br>
Pressé par l’Élysée, et Myriam empêtrée,<br>
Je me suis bonnement lancé tête baissée<br>
Vers une procédure à mon sens désuète :<br>
Du quarante-neuf trois j’ai tiré la gâchette.<br>
Il n’y faut plus penser, j’en ai la conviction.<br>
On doit en supprimer la forte tentation,<br>
L’effacer désormais de la Constitution…<br>
Hier du ministère encore avais les rênes,<br>
Et dans l’adversité gardais visage amène.<br>
À peine mon menton, si fermement pointé,<br>
Rappelait à chacun ma grande autorité.<br>
Me voici devant vous dans le simple appareil<br>
D’un pauvre militant sans or et sans vermeil.<br>
Un seul poste vous manque et tout est transformé.<br>
Voyez, chers camarades, à quel point j’ai changé :<br>
Bien loin de diviser, j’appelle à l’unisson<br>
Pour retrouver ensemble, à la belle saison,<br>
La France réunie autour du grand projet<br>
Que depuis des années je mûris en secret…</p>
<p><em>(Longs applaudissements et cris : « Manolo Président ! »)<br></em></p>
<h2>Manolo<br></h2>
<p><em>(Apaisant la salle de sa main gauche)</em></p>
<p>Patience, mes amis, car à deux pas d’ici<br>
Se prépare à entrer sans grand catimini<br>
Un clan d’usurpateurs rêvant de me noyer<br>
Dans l’eau de leur moulin à promesses éventées.</p>
<p><em>(Hou ! hou ! crie la salle)</em></p>
<p>J’ai su sans barguigner avaler les couleuvres<br>
Venues d’un chef d’État dont j’étais le hors d’œuvre.<br>
Avec le bel éclat de mon autorité<br>
Les baigneuses aie-je fait vite se rhabiller.<br>
Et quand il a fallu, pour le bien de nous tous,<br>
Amener Président à nous déclarer pouce,<br>
Qui fut à la manœuvre à part moi, Manolo ?</p>
<p><em>(Tohu-bohu quand entrent dans la salle six candidats escortés par une foule de militants enfiévrés)</em></p>
<h2>Monsieur de Brandebourg</h2>
<p><em>(Criant du fond de la salle)</em></p>
<p>Silence ! Manolo, tu en dis déjà trop !<br>
Ne nous rends pas complice en si odieux forfait !<br>
L’heure est à rassembler et à tirer un trait<br>
Sur le triste bilan dont tu es le portrait !<br>
Comment peux-tu prétendre avec autant d’audace<br>
Infliger à la Gauche telle sinistre farce<br>
Où tu joues un pompier éteignant l’incendie<br>
Dont tu as de toi-même allumé les bougies !</p>
<p><em>(Sourds grondements de la foule qui montre à Manolo la porte ouverte)</em><br></p>
<h2>Les six candidats ensemble</h2>
<p><em>(Psalmodiant)</em></p>
<p>Unité ! Unité ! Dans le rassemblement<br>
Autour de nos valeurs et de notre parti !<br>
Lui seul peut impulser sans de lourds compromis<br>
Ce message social qu’attendent les Français,<br>
Et qu’avant d’oublier, François leur promettait.<br></p>
<h2>Manolo</h2>
<p><em>(Goguenard)</em></p>
<p>Belle unanimité, que je crois partager !<br>
Moi non plus, soyez sûr, je ne peux tolérer<br>
Que par la division nous soyons écartés<br>
D’une compétition qui en serait biaisée.<br>
Mais à trop désirer de me voir déserter<br>
Vous semblez oublier de vous départager.<br>
Il vous faudra choisir celui d’entre vous six<br>
Qui pourra sur le trône imposer son coccyx !<br></p>
<h2>Brandebourg</h2>
<p><em>(S’avançant à la tribune)</em></p>
<p>Mais l’affaire est tranchée, et notre réunion<br>
N’a pour unique but qu’en forcer l’opinion.<br>
Je suis celui qui suis. J’incarne changement,<br>
Sachant tant m’adapter au murmure du temps.<br>
À bataille d’Évry, nous préférons Ivry,<br>
Ou mon panache blanc apparaîtra fleuri, <br>
Comme l'a si bien dit notre bon roi Henry.</p>
<p><em>(Applaudissements d’une part de l’auditoire)</em><br></p>
<h2>Hamonius</h2>
<p><em>(S’emparant du micro)</em></p>
<p>Sans enlever de poids aux mérites insignes<br>
De notre camarade, nous n’avons pas sa ligne.<br>
On peut fort désirer cuvée du changement,<br>
Encor faut-il avoir le poids des arguments ;<br>
Vrai <em>made in socialism</em>, j’offre la garantie<br>
D’un respect des valeurs de notre cher parti.<br>
Seul je peux rassembler sur un projet solide<br>
Ceux que le désespoir a rendus invalides.<br>
Orphelins de l’espoir, ralliez-vous à moi !<br>
À la vieille maison, redonnons son vrai toit !<br></p>
<p><em>(Applaudissements sur la gauche de l’auditoire)</em><br></p>
<h2>Vicente</h2>
<p><em>(Écartant sèchement Hamonius du micro)</em></p>
<p>Mais quels sont ces serpents qui sifflent dans vos têtes ?<br>
Qui peut croire un instant, à moins d’être assez bête,<br>
Que vous disposerez pour le rassemblement<br>
Des atouts nécessaires à l’urgence des temps !<br>
Le danger a un nom, c’est celui du bilan<br>
Dont ledit Manolo est le porteur vivant.<br>
Unissons nos efforts afin de l’écarter,<br>
Et cela je suis seul à pouvoir l’assurer.<br>
Je ne puis garantir l’originalité<br>
Mais loin d’être faiblesse, j’y trouve qualité.<br>
Il faut savoir tirer de son obscurité<br>
La force d’emprunter aux autres leurs idées.<br>
C’est affaire de rythme, et j’ai su en donner<br>
À notre pauvre École emberlificotée.<br>
De la gauche en lambeaux je ferai calicot.<br>
Cessons donc vainement de contourner le pot !<br>
Vicente candidat, la République est là !<br></p>
<p><em>(Silence gêné dans la salle)</em><br></p>
<h2>Cambadéliès</h2>
<p><em>(Entrant à pas lents et majestueux dans la salle)</em></p>
<p>Mais voulez-vous vraiment que le parti trépasse,<br>
À tant nous enfermer dans une horrible impasse ?<br>
Chacun dedans son coin veut le rassemblement<br>
Pourvu qu’il n’en subisse aucun désagrément !<br>
Entendons pour finir, les petits candidats<br>
Qui nous feront sortir de ce fort mauvais pas.<br></p>
<h2>Les trois petits candidats</h2>
<p><em>(Ensemble)</em></p>
<p>Nous nous tenons bien loin de tout ce falbala.<br>
C’est qu’à dire tout vrai, nous ne sommes pas là<br>
Pour disputer la place aux autres postulants.<br>
On nous a demandé de jouer figurants<br>
Et donner à la scène un peu de majesté :<br>
Il fallait une femme et quelques isolés.<br>
On a su nous convaincre en faisant miroiter<br>
De futurs maroquins, à élection gagnée.<br>
Aussi pour nos partis, bien des investitures,<br>
Afin de la défaite, éviter la froidure<br>
Et d’ainsi protéger nos modestes masures.<br></p>
<h2>Cambadéliès</h2>
<p><em>(Tombant effondré sur son siège)</em></p>
<p>Alors tout est perdu, il est déjà si tard,<br>
Avec tous nos rivaux nous piquant de leurs dards.<br>
Plus que de cavalier, la France veut changer<br>
De cheval pour gagner la bataille engagée.<br></p>
<p><em>(Surgissent par deux portes opposées deux diables rouges avec un grand M sur la poitrine, répandant dans la salle des gaz anesthésiants)</em></p>
<h2>Les candidats avant de sombrer dans l’inconscience</h2>
<p>Quels grands artistes la France va perdre !<br> <br></p>
<h2>Épilogue</h2>
<p><em>Une foule d’électeurs de gauche rassemblés dans la nuit</em></p>
<h2>Un anonyme</h2>
<p>Vous connaissez le drame, ils sont sans candidat !<br>
La primaire a fini dans un grand branlebas !<br>
Nous voilà orphelins, sans espoir de demain.<br></p>
<h2>Une voix dans la foule</h2>
<p>Avons-nous tant péché, pour être condamné<br>
À l’Extrême pain sec, ou bien au bénitier ?<br>
Pourtant, il y a peu, nous votions changement,<br>
Et nous avions élu un nouveau Mitterrand.<br></p>
<h2>Une autre voix</h2>
<p>Nous nous sommes trompés, et plutôt que pécheurs<br>
C’est du péché d’autrui qu’on nous porte rigueur.<br></p>
<h2>Une autre voix encore</h2>
<p>Aucun des postulants, à croire les sondages<br>
N’aurait eu le pouvoir d’échapper au carnage !<br>
Ne pleurons pas en vain. Et scrutons dans la nuit<br>
L’étoile du berger qui a toujours conduit<br>
Le peuple des élus aux portes du salut.<br></p>
<h2>Un cri dans la foule</h2>
<p>Je sens, je crois, je sais, la voici à ma vue !<br>
Mon cœur de joie bondit au mitan de la nuit.<br>
Voyez ce feu follet qui tout là-haut reluit<br>
Éclairant doucement le toit de cette étable !<br></p>
<h2>Des voix qui reprennent</h2>
<p>La scène qu’on y voit, on dirait un retable :<br>
Dans cette humble demeure, il y a un enfant<br>
Sur lequel sont penchés des anges consolants.<br>
L’innocence se lit sur son visage frais<br>
Et d’un réformateur, on reconnaît les traits !<br></p>
<h2>Tous ensemble</h2>
<p>Chantons, chantons enfin, nous l’avons retrouvé !<br>
Le chemin nous attend, qui mène à l’Élysée !<br>
Ensemble rendons-nous, pareils à des rois mages<br>
Afin de toutes voix lui apporter l’hommage !<br></p>
<p><em>(Pendant que sonnent les douze coups de minuit à l’horloge du village, une foule immense monte le chemin qui gagne la bergerie, en murmurant des cantiques.)</em></p>
<p><em>(Le rideau bleu, couvert d’étoiles, tombe devant la scène.)</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Drame comique en un acte, pour conte de Noël.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/689042016-11-17T22:20:49Z2016-11-17T22:20:49ZLe mythe du « made in France »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146353/original/image-20161117-18142-1693a80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Made in France » série documentaire de Public Sénat qui veut répondre à la question : « Peut-on encore produire en France ? »</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://vimeo.com/142280730">Public Sénat/Vimeo</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la campagne présidentielle française monte en puissance, de nombreux candidats de tous bords positionnent le « made in France » comme un moyen important de relancer la croissance et l’emploi. Si Arnaud Montebourg, ancien <a href="http://www.arnaudmontebourg.fr/category/redressement-productif/made-in-france/">ministre du Redressement productif</a> et candidat proclamé apparaît comme le chantre du modèle, d’autres insistent aussi sur les avantages du consommer « français ».</p>
<p>La société civile n’est pas en reste et des sites comme <a href="http://www.madine-france.com/fr/">madine-france.com</a> proposent un annuaire des achats « made in France » à destination du consommateur et revendique 3000 visiteurs par jour. Quant au Salon MIF Expo à Paris du 18 au 20 novembre 2016, il fête sa 5<sup>e</sup> édition et il est soutenu par de nombreux partenaires institutionnels apportant leur caution au concept.</p>
<h2>Des emplois français ?</h2>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/142280730" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Outre la dimension politique voire symbolique du « MIF » dont on peut percevoir la portée aux frontières du populisme, le raisonnement économique sous-jacent et implicite est de considérer qu’un produit fabriqué en France fait appel à des emplois français. L’ensemble entraînant un cercle vertueux selon lequel production et travail sollicités « localement » soutiennent la croissance nationale et permettent de lutter contre le chômage. À l’opposé, un produit « made in USA, Germany ou China » serait lui improductif en France et non générateur d’emplois.</p>
<p>Ainsi il serait préférable d’acheter par exemple des voitures françaises (Renault ou Peugeot) plutôt que des voitures allemandes (Volkswagen) ou américaines (Ford) si on veut être un bon citoyen économique français.</p>
<p>En dépit de l’apparente simplicité du message, force est de constater que ce raisonnement est sans fondement en terme de sciences économiques. Il est dommage pourtant que tout se passe comme si on l’ignorait… En réalité, économie et nationalité ont des contours très complexes et très flous rendant leur identification tout simplement inopérante. Plusieurs éléments permettent de le démontrer comme nous allons le voir.</p>
<h2>Complexité des processus de production</h2>
<p>Un produit considéré comme fabriqué en France est le résultat d’une multitude d’opérations de production faisant appel à des consommations intermédiaires telles que des matières premières, des produits semi-finis, des outils, des machines, des fluides, des liquides, etc. Chacune des composantes de ce processus peut venir de pays très différents. Le consommateur final, ne voit pas ce processus de production.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146354/original/image-20161117-18104-v4ndio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Renault Laguna « assemblée » à Sandouville.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Renault_Laguna">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On lui « vend » par exemple d’acheter français une voiture tout droit sortie des usines de Poissy ou de Sandouville. Or, si l’assemblage final est bien réalisé physiquement en ces lieux, le moteur, la carrosserie, les pneus, le pare-brise, les joints viennent d’ailleurs, souvent de l’étranger. Le fabricant du moteur a lui-même assemblé un carburateur, des soupapes, des filtres qui viennent eux-mêmes de plusieurs pays. Le fabricant du carburateur a lui-même assemblé une cuve, une pompe, des vis venant de divers endroits, etc.</p>
<p>Pour poursuivre dans cet exemple du secteur automobile, on peut dérouler le raisonnement en se demandant si une Toyota de Valenciennes est moins « française » qu’une Renault de Pologne. Que dire d’une Ford « made in Detroit » et sous-traitant de nombreuses pièces à Faurecia, Valeo, Michelin ou Plastic Omnium, grands équipementiers français ?</p>
<p>Ce qui est vrai pour l’automobile l’est pour toute forme de production à des degrés de complexité plus ou moins divers, mais systématiquement. Un pur produit du terroir comme le vin symbole absolu du savoir-faire français n’échappe pas à la règle. Du liège du bouchon en passant par le papier de l’étiquette, du bois du fût, du verre de la bouteille et jusqu’aux outils et machines de récoltes, le processus est global avant d’être purement local.</p>
<h2>Production, distribution et consommation</h2>
<p>Un autre argument de cette difficulté à identifier la nationalité dans l’économie réside dans la confusion entretenue entre production, distribution et consommation. La perception habituelle est de considérer la production, au sens de fabriquer un produit, comme l’acte noble, complexe quand sa distribution (sa vente) est considérée comme un acte pauvre, mercantile et simple. Produire français et vendre en France c’est bien mais produire à l’étranger et vendre en France ce serait bien moins bien. Cette vision oublie encore le Ba-ba du fonctionnement de l’économie.</p>
<p>La sacro-sainte « croissance » n’est pas le fruit de la production mais de la valeur ajoutée. Et seule la valeur ajoutée est source de la croissance. En d’autres termes plus l’écart entre le prix de vente et le coût de production est élevé et plus il y a de croissance donc de dynamisme économique donc d’emplois. Produire en France pour 100 et vendre en France pour 110 est moins générateur de PIB et d’emplois que produire à l’étranger pour 50 et vendre en France pour 150.</p>
<p>Faut-il également rappeler que vendre c’est produire puisque de nombreux emplois et autre valeur ajoutée de l’économie contemporaine sont tournés vers les métiers de la vente, de la distribution, du commerce, du marketing… Pas seulement chez les grands distributeurs ou l’agro-alimentaire ; les industries créatives et tous les services aux entreprises ou aux particuliers ont des commerciaux, des vendeurs, des communicants, des marketeurs.</p>
<p>Même l’industrie n’est pas « épargnée ». Ce <a href="http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=if39">rapport de l’Insee en 2015</a> souligne que la moitié des emplois directs de l’industrie manufacturière sont des emplois de service… Encore une fois : produire n’a aucune valeur en terme de croissance si on ne vend pas…</p>
<p>Si la vente est bien une activité productive en tant que telle, n’oublions pas non plus que transporter, gardienner, nettoyer, conseiller, programmer, maintenir sont des activités parfaitement productives et bien souvent non délocalisables par nature. À titre d’illustration, L’Insee estime que sur les 25,8 millions d’actifs que compte la France, 75,8 % sont des emplois occupés dans le tertiaire.</p>
<p>C’est donc bien là que se joue la capacité de notre économie à gagner la bataille de l’emploi et de la croissance. Les « sold in France », « served in France » ou « designed in France » devraient être tout autant populaires que le « made »…</p>
<h2>Nationalité d’une entreprise et réalité de son activité économique</h2>
<p>Une dernière source d’étonnement de l’économiste face au « Made in France » concerne la nationalité même des entreprises. Le critère universel retenu est l’adresse du siège social. Les champions du CAC40 ont bien tous leur siège en France, source évidemment de croissance, de richesses et d’emploi pour notre pays. Pour autant, l’activité économique de ces entreprises est loin, très loin même d’être française.</p>
<p>Par exemple, pour le groupe Total, un des champions des champions du CAC, les chiffres clés de l’entreprise dévoilent que sur les 100 307 collaborateurs du groupe, 67,8 % ne sont pas des Français, seulement 27,9 % du capital est détenu par des actionnaires français ou encore 22 % du chiffre d’affaires est réalisé en France.</p>
<p>Le champion du monde, Apple, symbole lui du « made in USA » réalise selon son dernier rapport annuel 35 % de son CA dans son pays d’origine et donc 65 % en dehors. Cela est bien entendu le plus visible dans les multinationales mais les PME surfent sur les mêmes tendances. Fournisseurs, clients, actionnaires, collaborateurs : qui peut prétendre fonctionner avec des acteurs 100 % nationaux de nos jours ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146357/original/image-20161117-18131-8ktjrt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Ici c’est Paris », mais le PSG est largement un club multinational.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/psgmag/3588203677/in/photolist-6t5tWD-6d16LW-74ZhXf-64kNa4-64q24f-64q2fY-kHpGY-64q3zL-u2tgho-64kMCM-67HxCV-7EM3jo-67Hiea-iXvsTj-6t5Rmc-8RHzQM-7rauEa-7rerzw-67NCCp-czrkBs-7nMSgJ-82xfvV-82AnvJ-7GCAWE-67NDmX-7SWf1d-5EX8c2-5nU14b-6dP9SK-64kQ8i-6gzyDa-6hQQux-6gzyeT-iXxfLS-71jYWU-6dUi7p-67NAZV-5nTZof-7SSZ1k-71jVvJ-64kPxM-6cVWWe-6t9wfy-82v1k3-6t9WVj-6qNvRJ-7BtJVn-71g1m6-6t5NFz-64j6Z4">Psgmag.net/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Au final c’est peut-être dans la métaphore d’une équipe de football de haut niveau qu’il faut regarder ce qu’est l’économie d’aujourd’hui. Manchester United, le Real Madrid ou le PSG clubs made in « England », « Spain » ou « France » sont des clubs historiques, fondés sur des valeurs locales fortes, faisant rêver des milliers de supporters locaux et soutenant l’économie locale.</p>
<p>Mais pour être compétitifs dans leur domaine, ils composent des équipes de joueurs multiculturels, entraînés par des « étrangers », soutenus par des équipementiers, des investisseurs et des sponsors internationaux, entretenant des réseaux de millions de supporters dans le monde entier. À méditer pour « jouer » avec le mythe du « made in France » plutôt que de l’ériger en idéologie contre-productive…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Hauguel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse économique des faux-semblants et des réalités derrière l’injonction d’acheter « made in France ».Jean-Christophe Hauguel, Directeur Général Adjoint - Docteur en économie, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/653012016-09-14T04:41:02Z2016-09-14T04:41:02ZAlstom : un échec de l’État stratège ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/137580/original/image-20160913-4942-1xwhe9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le train Xtrapolis d’Alstom à Valparaiso, au Chili.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maurotren/23470337379/in/photolist-BKZBBi-r4yQNR-reefh2-rtodE8-rcKfqa-qMi2sF-gUg23p-r7e79q-qsAXX3-AepAr4-skaciM-sk7KVT-BK3EcS-qMi2oT-qMgeaK-r4Daq7-zRzzbC-AETwWs-Bbhedh-zesHh5-CsSqGg-rSmubj-BJxeLD-rXEcYp-qP31jZ-t3nrGn-B9UymX-z7xwR6-wu2fni-sjnakW-syDqyS-sjtWpR-uUcQvy-sjuct8-uz7nZg-AYubZT-BwS4Hz-ygGj91-xkG3Ek-BwA41L-jZk1A8-qKsbJq-svbSbJ-jZk564-vQVmyH-zK24fQ-wvbewU-tsgqPD-sdDQDW-C388f7">Mauricio Toro/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le groupe Alstom a annoncé le 7 septembre 2016 aux représentants des syndicats la fin de la production de locomotives dans son usine de Belfort qui très symboliquement avait fabriqué la première motrice de TGV, un des fleurons de la technologie ferroviaire à la française. Ne resteraient que des activités de maintenance sur le site ce qui entraînerait la suppression de 400 des 480 postes de l’usine de Belfort.</p>
<p>Aussitôt, le PDG du groupe industriel a été convoqué le 8 septembre par le ministre des Finances et de l’Économie Michel Sapin. Le fait que les tous les salariés concernés se verront proposer un transfert vers une autre usine du groupe, notamment celle de Reichshoffen, ne change rien au choc ressenti par les employés d’Alstom qui se sentent trahis une fois de plus. Afin de montrer que l’État suit le dossier et s’active, une réunion interministérielle spécialement dédiée à la situation d’Alstom, présidée par le Président François Hollande, a été organisée dans l’urgence dès le lundi 12 septembre à 8h30 à l’Élysée.</p>
<p>Ce faisant, l’État fait davantage penser à un pompier qu’à un acteur stratège de long terme. Mais comment peut-il faire autrement à quelque mois d’une élection présidentielle et ce d’autant plus qu’il est, avec 20 % du capital, le principal actionnaire de la société ? Une fois de plus l’actualité économique s’invite dans le débat politique. Le cas d’Alstom pose une fois de plus la question de l’utilité de la présence de l’État au capital d’entreprises industrielles et sa capacité à infléchir leurs stratégies. La question n’est malheureusement pas nouvelle.</p>
<h2>Alstom : une histoire industrielle riche et mouvementée</h2>
<p>L’industrie n’est pas un long fleuve tranquille et seuls ceux qui ne la connaissent pas peuvent croire que les entreprises peuvent rester en l’état et ne pas bouger. Bref, pour faire court, qu’Alstom à Belfort a produit et produira pour toujours des locomotives. Malheureusement il n’en est rien.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Locomotive Alsthom BB 20210 construite en 1969, au musée de Mulhouse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/camperdown/5729597373/in/photolist-fQzu1h-jXuJGg-oJPwSw-7JKHVK-a8co8P-9JiFFB-4yBRTu-fTzedn-dpfU7s-dpfKyt-dpfQ7S-dhpCqU-dhpBFK-68v6A3-66ss4c-68vz8y-9J6YiB-68qTnc-9J9Qa9-68rkM2-66ssoH-66f63q-d1pa5-d1q1C-d1pRg">Hugh Llewelyn/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La société Als-Thom (Als pour « Alsace » et Thom pour « Thomson ») est le résultat d’une <a href="http://www.fo-alstom.com/info/alstom-l-histoire/">fusion réalisée en 1928</a> d’une partie de la Société alsacienne de construction mécanique (SACM) spécialiste de la construction de locomotives, basée à Belfort, et d’une société franco-américaine (Thomson-Houston) spécialiste des équipements de traction électrique ferroviaire. Depuis sa création, Alsthom a connu de très nombreux changements de statut, avec des allers-retours privé-public, et de périmètres d’activités. L’<a href="http://www.usinenouvelle.com/article/1928-2014-l-histoire-d-alstom-de-general-electric-a-general-electric.N257764">histoire industrielle de ce groupe</a> est telle qu’il est hors de propos de pouvoir l’exposer ici. Signalons cependant le fait qu’en 1969 la CGE (Compagnie générale d’électricité) prend son contrôle, qu’en 1976 Alsthom acquiert les Chantiers de l’Atlantique et prend le nom d’Alsthom Atlantique, et qu’en 1982 elle est nationalisée comme du reste la CGE dans le cadre de l’application de programme commun de la gauche sous la présidence de François Mitterrand.</p>
<p>En 1998, 52 % du capital de GEC Alsthom est introduit en bourse. La nouvelle société indépendante décide alors de prendre le nom d’Alstom sans « h » laissant de côté ses origines historiques. En 2003, le groupe, pénalisé par les difficultés de ses turbines de grande puissance, connaît une grave crise financière. Cette crise est surmontée grâce à deux augmentations de capital successives et l’intervention de l’État grâce à l’intervention de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.</p>
<p>Par la suite de nombreuses cessions auront lieu, notamment la vente à Areva du secteur Transmission et Distribution en 2004 et la vente des chantiers navals en 2006 pour ne citer que les plus emblématiques.
C’est en 2014 que le dossier Alstom revient sur la table de « l’État stratège » avec le rachat par General Electric des activités énergétiques du groupe industriel. Cette vente fera l’objet de vives controverses car elle revient pour certains observateurs, dont Jean-Michel Quatrepoint <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2015/01/05/31007-20150105ARTFIG00339-vente-d-alstom-les-dessous-des-cartes-par-jean-michel-quatrepoint.php">(Le Figaro, 7 janvier 2015)</a>, à placer sous la coupe de la firme américaine les turbines produites par Alstom et la maintenance des centrales nucléaires françaises. Une situation contraire aux promesses du ministre de l’Industrie Arnaud Montebourg mais validée par la suite par Emmanuel Macron, son successeur.</p>
<p>C’est dans ce contexte déjà très chargé politiquement, que l’annonce par les dirigeants d’Alstom de fermer le site de Belfort et la production de locomotives a fait l’objet d’une bombe à retardement. Pour le premier ministre Manuel Valls « la méthode employée par Alstom est inacceptable. Nous l’avons dit cette semaine aux dirigeants d’Alstom », entreprise dont l’État est actionnaire minoritaire (<a href="http://www.europe1.fr/politique/ce-quil-faut-retenir-de-lintervention-de-manuel-valls-sur-europe-1-2843608">« Grand rendez-vous » Europe 1, iTélé, <em>Les Echos</em></a>). Pour Nathalie Kosciusko-Morizet (candidate à la primaire de la droite), « L’État se réveille bien tardivement parce qu’en fait, cela fait des années que ça dérive. […] Il y a eu une opération de sauvetage réussie grâce à Nicolas Sarkozy en 2004 sur Alstom. Et depuis, il y a eu un enchaînement de difficultés, des errements de l’État et du management », (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=kBzegUcinf8">Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI</a>). Bref, la machine politico-médiatique est lancée.</p>
<h2>Alstom : une entreprise en difficulté ?</h2>
<p>Mais quelle est aujourd’hui la situation financière du groupe Alstom ? Recentré sur les transports, le groupe vient d’annoncer un bénéfice net de 3 milliards d’euros pour son exercice annuel clos le 31 mars 2016 alors qu’en 2015 il affichait une perte de 701 millions d’euros. Le groupe qui a <a href="http://www.alstom.com/fr/ge-alstom-transaction/">finalisé le 2 novembre 2015</a> la cession de son pôle énergie au groupe américain General Electric (GE) pour un montant de <a href="http://www.lesechos.fr/13/01/2016/lesechos.fr/021616712957_ge-veut-supprimer-6-500-postes-dans-l-ex-pole-energie-d-alstom.htm">9,7 milliards d’euros</a> est aujourd’hui totalement recentré sur le ferroviaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Train à grande vitesse ED250 en Pologne (fabriqués par Alstom en Italie).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/philstephenrichards/26800348530/in/photolist-GQfMUE-He3Wk6-Hg7X1p-khhViY-FSvfjB-FRuzzE-EYkXtw-JxrMRd-H8piF9-HCSFMb-FY9vrT-HfXPxN-E1VGR2-EDhwDQ-HviNMX-H6RXnC-CRMeRD-EggNN4-EDhwhC-E839tz-EnCBJU-Jc5H4i-HLtkCb-GWmd65-J3axvS-Jc5HSH-J4jEnM-J1iREh-EDhvK5-FKBzTd-HUkmGW-Ec8GyY-E28TN6-D1T5BS-C8xQ8K-E28Ua8-Hg82bt-HfXQGS-EtgbUW-L4UMMR-LXWyQ5-LzkEVN-LTQCEk-LTQCtP-LRhPo1-M1XKDZ-LNH2KP-LNH2ui-LFEw6v-LNH2cK">Phil Richards/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le chiffre d’affaires ressort en hausse de 12 % sur un an, ce qui dans le contexte actuel de faible croissance est très satisfaisant. Le résultat d’exploitation est en progression de 23 % sur un an, faisant ressortir une marge d’exploitation de 5,3 %, ce qui témoigne d’une amélioration sensible de sa rentabilité. Le bilan est désormais solide. Avec des fonds propres qui s’élèvent à 3,3 milliards d’euros au 31 mars 2016 et une dette financière (courante et non-courante) de 2,4 milliards, le groupe affiche un équilibre financier satisfaisant surtout si on remarque que sa trésorerie (et équivalents) se monte à presque 2 milliards d’euros (1 961 millions).</p>
<p>Lors de la prochaine assemblée générale, le conseil d’administration proposera de ne pas distribuer de dividende, après la distribution aux actionnaires de 3,2 milliards d’euros issus de la vente du pôle énergie à travers une offre publique de rachat d’actions. La direction du groupe a confirmé ses objectifs pour 2020 : une croissance organique du chiffre d’affaires de 5 % par an et une marge d’exploitation ajustée d’environ 7 %. Avec des prises de commandes de 10,6 milliards d’euros (+6 %), le carnet de commandes s’établit à 30,4 milliards d’euros (+7 %).</p>
<p>Avec de tels chiffres, on ne peut pas dire qu’Alstom soit une entreprise en difficulté, contrairement à certaines déclarations de personnalités politiques. Mais loin de favoriser un débat serein, cette relative bonne situation financière pose un problème car elle renvoie à la question des licenciements boursiers, c’est-à-dire aux décisions de restructurations prises pour optimiser la rentabilité d’un groupe.</p>
<h2>Quelle stratégie pour l’État actionnaire ?</h2>
<p>Alors que le groupe Alstom emploie 30 970 salariés sur 105 sites implantés dans 60 pays, la polémique engagée, suite à l’annonce de la direction, fait que dans le débat public l’entreprise semble se résumer au seul le site de Belfort qui ne compte que 480 salariés. Il faut dire qu’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie avait déclaré dans l’usine en question au printemps 2015 :</p>
<blockquote>
<p>« Notre objectif c’est zéro licenciement chez Alstom Transport. L’État sera aux côtés d’Alstom. Nous aurons des administrateurs au conseil d’administration et nous saurons peser. Nous aurons même la capacité de monter au capital ».</p>
</blockquote>
<p>Avec de telles déclarations, on peut comprendre la déception des ouvriers de Belfort qui ont pris pour argent comptant les paroles du jeune ministre. Pourtant, la direction n’a pas annoncé des licenciements puisqu’il est prévu de transférer sa production de locomotives de Belfort à Reichshoffen (commune française du Bas-Rhin) d’ici 2018 et de reclasser le personnel. Mais rien n’y fait : il faudrait que Belfort continue à produire des locomotives même si les commandes se font plus rares. Et en la matière, l’État, via la SNCF, n’est pas en reste puisqu’une de ses filiales (Akiem) a passé commande récemment de 44 locomotives de manœuvre au constructeur allemand Vosslow plutôt qu’à Alstom. Où est passé le patriotisme économique cher à Arnaud Montebourg et bien d’autres dirigeants politiques français ?</p>
<p>De façon moins anecdotique, le cas de la fermeture du site d’Alstom à Belfort révèle l’insoutenable légèreté de l’État actionnaire et son manque de vision stratégique à long terme alors qu’il est lui-même premier actionnaire de l’entreprise. Pour Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS :</p>
<blockquote>
<p>« Plus qu’un signe de l’abandon de la fonction stratégique de l’État, c’est surtout le signe d’une incohérence à la fois politique (que l’on mesure à l’aune des promesses contradictoires et des engagements réels) mais aussi temporelle de l’État. Ce dernier cherche à suivre simultanément une logique de court terme et de long terme. Or, la définition d’un « État stratège » implique en réalité que les fonctions de long terme de l’<a href="http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2016/09/08/31007-20160908ARTFIG00196-jacques-sapir-la-fermeture-de-l-usine-alstomde-belfortou-la-faillite-de-l-etat-stratege.php">État soient clairement sécurisées</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Si nous pouvons souscrire à ce propos, il nous paraît un peu rapide et fort contestable de profiter du cas d’Alstom pour faire le procès de la financiarisation des entreprises</p>
<blockquote>
<p>« parce que les rythmes imposés par la financiarisation aux entreprises sont en réalité incompatibles avec les rythmes de la production et du développement des activités, en particulier dans les secteurs où les externalités positives, les effets induits et non directement visibles de ces activités, sont les plus importants ».</p>
</blockquote>
<p>Outre que de telles affirmations ne sont pas démontrées et placent le débat à un niveau très éloigné de la fabrication de locomotives, le redressement commercial et financier d’Alstom et l’annonce de la vente de 28 futurs TGV aux États-Unis sont là pour démentir cette analyse.</p>
<p>En fait, l’analyse de la situation d’Alstom doit être replacée dans le cadre de la gouvernance des entreprises dont l’État est actionnaire et valide ce que <a href="https://theconversation.com/edf-ou-les-deboires-de-letat-actionnaire-56397">nous écrivions à propos d’EDF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’État, contrairement à un actionnaire privé, poursuit des objectifs, non seulement économiques, mais également politiques au sens le plus large. Ces derniers sont aussi nombreux et variés qu’est l’action politique qui va des questions économiques et sociales aux relations internationales. De plus, l’horizon de gestion d’un président de la République et de ses ministres est celui de leur mandat ce qui paradoxalement fait que l’actionnaire public a un horizon bien plus court (celui des élections) que celui des actionnaires privés qui doivent se préoccuper de la valorisation à long terme de leur capital, même si le marché leur assure une parfaite liquidité ».</p>
</blockquote>
<p>En effet, même si ces derniers veulent revendre leurs actions à plus ou moins court terme il faut qu’ils se posent la question de savoir qui voudra racheter leur position et à quel prix ? Donc, qu’ils se préoccupent in fine de la valorisation à long terme de l’entreprise. Le graphique des cours d’Alstom sur les 5 dernières années comparé au CAC 40 montre que les actionnaires d’Alstom sont loin d’avoir surperformé le marché et sont bien patients : alors que le CAC 40 a progressé de 50 % sur la période (2011-2016), l’action Alstom a fait du surplace (avec une forte volatilité) et la reprise se fait attendre pour les actionnaires malgré les bons résultats 2016. Tyrannie des marchés financiers avez-vous dit ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alstom en bourse.</span>
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<p>Dans le passé, l’État sous la houlette du Général de Gaulle et de ses successeurs a su jouer son rôle stratégique pour faire de l’industrie française un champion mondial. Citons notamment le nucléaire, le TGV, l’aéronautique et l’espace. C’était un autre monde. Mais aujourd’hui, dans une économie mondialisée dans laquelle ce sont les entreprises qui sont en première ligne, quels sont son bilan et ses marges de manœuvre ? Celles d’un stratège à long terme ou celles d’un pompier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cas de la fermeture d’Alstom à Belfort révèle l’insupportable légèreté de l’État actionnaire et son manque de vision à long terme. Analyse d’un groupe qui affiche pourtant des résultats corrects.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/612962016-06-21T04:29:25Z2016-06-21T04:29:25ZPrimaire, soyons constructifs !<p>Au début du mois de janvier dernier, François Hollande confiait à un de ses interlocuteurs, qui me l’a raconté, qu’il n’accepterait pas une primaire socialiste, mais qu’il serait moins réticent à l’idée d’une primaire ouverte à toute la gauche. Au même moment, avec quelques amis, nous avons lancé dans <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/01/10/pour-une-primaire-a-gauche_1425509"><em>Libération</em></a> notre appel pour une primaire des gauches et des écologistes, avec le souci de marcher sur deux jambes. D’un côté, initier une logique proprement politique, doter la gauche tout entière d’un candidat légitimé par cette procédure. Et d’un autre côté, ouvrir dans toute la France une <a href="https://theconversation.com/le-lieu-geometrique-de-la-gauche-54711">phase de débats citoyens</a> d’où pourraient sortir une vision clarifiée des enjeux autour desquels s’affronteraient les candidats à la primaire.</p>
<h2>D’autres chats à fouetter</h2>
<p>Au départ, l’establishment politico-médiatique a considéré notre initiative avec le plus grand scepticisme. De quoi se mêlait cette bande de copains – Dany Cohn-Bendit, Yannick Jadot et la poignée d’intellectuels – réunie autour d’un couscous dans un restaurant au beau nom, La Baraka ? De quelle compétence, de quelle légitimité se permettait-elle de se réclamer pour ainsi rentrer perturber le débat institutionnel et politique des acteurs et commentateurs les plus sérieux, les plus aguerris ?</p>
<p>L’Élysée disait non, <a href="http://lelab.europe1.fr/jean-marie-le-guen-conseille-a-ceux-qui-veulent-relancer-le-debat-dune-primaire-a-gauche-de-consulter-2644037">Jean-Marie le Guen</a> déclarait que ceux qui croient qu’il y aura une primaire à gauche feraient bien de « consulter » (un médecin)… Les ministres argumentaient : le Président n’a pas de temps à consacrer à une primaire, il a d’autres chats bien plus importants à fouetter ; il est le « candidat naturel » ; ce serait abaisser la fonction présidentielle que d’envisager de l’inviter à concourir à une telle initiative, etc.</p>
<p>Mais très vite, les <a href="http://www.bfmtv.com/politique/7-francais-sur-10-favorables-a-une-primaire-a-gauche-964847.html">sondages</a> ont indiqué que le peuple de gauche dans sa grande majorité souhaite une primaire, alors que Jean-Luc Mélenchon faisait comprendre qu’il serait candidat à la présidentielle sans passer par cette étape.</p>
<h2>Sous la menace d’un Congrès exceptionnel</h2>
<p>Notre petit groupe a alors rencontré les partis politiques susceptibles d’être impliqués. Pierre Laurent, pour le PCF, s’est dit favorable : il a du faire ensuite machine arrière, sous la pression d’une base hostile à une primaire à laquelle François Hollande pourrait participer. <a href="https://theconversation.com/le-pari-risque-des-verts-61108">EELV</a>, en bien mauvaise passe, a aussi mis ses conditions rendant improbable notre primaire.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, a tenu parole.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/229145749/in/photolist-mfr3M-nbbdpc-ndkZCk-ndnZHY-ndm25Z-nbiiLm-cXUCDb-njFuuW-eP5U3e-nauki5-ePNg8g-ndnZtE-nb7uTh-nmqfxe-pchVxA-peif73-oWLeq7-ndaugV-pe47GR-nb7REN-nb7n4z-oVK1QA-ndceXb-pdXLkZ-nasrai-navz6V-oWHUp4-nautqC-nhwpTo-nauPN1-pe4g1p-pdXAAt-pchM5U-pejRb2-oWJpd6-oWR1zN-pefmCP-njAc8S-pdWmR6-oWQPza-peeJ84-oWK424-oWJh4t-oWR9KL-oWJxzu-pcXDMK-pbcxWq-pcdrJY-pefeti-oWKgZX">Philippe Grangeaud/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Par contre, quand nous avons rencontré Jean-Christophe Cambadélis et une brochette de dirigeants du PS, il nous a été dit qu’on n’y verrait vraiment clair qu’en juin, et que la direction du parti était favorable à cette primaire, demandée énergiquement par les « frondeurs », mais pas seulement. Résultat : effectivement, <a href="http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0211041943962-cambadelis-va-proposer-au-ps-une-primaire-de-la-gauche-de-gouvernement-2007512.php">Jean-Christophe Cambadélis</a>, soutenu ici par un parti unanime, et avec l’accord de François Hollande, a pu annoncer qu’une primaire « de la gauche de gouvernement » serait organisée en janvier prochain.</p>
<p>Le chef de l’État s’est finalement rendu à la raison : vu son bas niveau dans les sondages, vu la pression de militants risquant – faute de primaire – d’imposer un Congrès exceptionnel du parti qui serait encore pire pour lui, vu les bons résultats de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, et la perspective d’une candidature d’Arnaud Montebourg, il valait mieux qu’il accepte le principe d’une primaire. Ses ministres, <a href="http://www.lepoint.fr/politique/primaire-de-la-gauche-valls-retourne-encore-sa-veste-20-06-2016-2048083_20.php">Manuel Valls en tête</a>, n’avaient plus qu’à expliquer le contraire de ce qu’ils justifiaient quelques mois plus tôt, en espérant que leur crédibilité n’aurait pas trop à pâtir de ce revirement.</p>
<p>Le premier secrétaire du PS a donc fait progresser notre idée d’une primaire. Il a obtenu l’accord unanime du Conseil national de son parti pour sa stratégie : « frondeurs », « aubrystes » et autres ont tous voté pour sa proposition d’une primaire de la « gauche de gouvernement ». Il a tenu parole.</p>
<h2>Encore un effort, camarades !</h2>
<p>Est-ce à dire que les amis de La Baraka ont obtenu satisfaction ? Oui, mais un pas ou deux restent encore à faire.</p>
<p>Nous voulions une primaire des gauches et des écologistes, il ne faudrait pas que nous nous retrouvions avec une primaire du Parti socialiste et de vagues partis-croupion. Nous voulions des débats citoyens, une mobilisation de bas en haut, nous ne pourrons pas nous contenter de l’Université d’été du PS, avec ses jeux politiciens et ses petites phrases dont raffolent les médias.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Luc Mélenchon se ralliera-t-il à une primaire des gauches ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierre-selim/8913153167/in/photolist-brjotf-ezFsCQ-eav1WX-ezCouT-ezFD85-ezCeUB-btJ4f5-btJ4Ys-bGCRZn-bGCUap-btJ5d9-bT92Jk-btJ3Ju-bMLijK-bMLgPz-bGCT6P-bGCTep-bGCTGk-btJ5QG-e3MotB-btJ5oC-byRBqy-bE4xaH-bGCSVr-bGCTop-c9xYp5-btJ6No-btJ6qo-byRFhG-bCcQT6-btJ6YQ-btJ6d7-bGCULg-bGCR7r-bEiW3e-bGCTxx-byRHeN-btJ3wW-byRG8y-byRDEf-bT8YgF-bGCSsV-byRJM7-bMLmg4-byRFMJ-btJ4Gd-byRDSj-bs4vfp-bmJ8df-byRDgh">Pierre-Selim/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le vote unanime du PS en faveur d’une primaire constitue une ouverture considérable, à partir de laquelle d’autres progrès peuvent être envisagés. Le plus urgent concerne l’objectif politique initial : que la gauche, dans sa diversité, affronte les prochaines élections – présidentielle plus législatives – en ayant fait preuve d’un sens aigu de la responsabilité ; que ceux qui se sont éloignés de tout projet d’intégration ou de convergence se ressaisissent, à l’image de François Hollande, et jouent la carte d’une primaire. Que <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/01/12/25002-20160112ARTFIG00120-primaire-des-gauches-jean-luc-melenchon-refuse-cecile-duflot-accepte.php">Jean-Luc Mélenchon</a>, le PCF et EELV annoncent qu’ils en acceptent maintenant le principe. Que d’éventuels candidats, comme Nicolas Hulot, fassent comprendre qu’ils en feront autant le cas échéant. Que le PS fasse savoir que les résultats d’une primaire des gauches et des écologistes pourront servir de base pour les investitures aux législatives.</p>
<p>Et non moins urgent, il faudrait que les débats citoyens se relancent et se démultiplient dans toute la France, dans la perspective d’alimenter la primaire, et de dessiner les grands axes autour desquels le candidat retenu devra proposer un projet présidentiel.
Bref : encore un effort camarades !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Après avoir récusé l’idée d’une primaire, le camp présidentiel vient de s’y rallier. Sa réussite passe par la participation de toutes les gauches, et au-delà de leurs sympathisants.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/583692016-04-27T04:39:21Z2016-04-27T04:39:21ZUne gauche se meurt, vive la gauche !<p>Dans certaines familles, les prétendants à l’héritage se disputent la succession d’un mourant qui respire encore : l’image s’impose ici, pour qui considère la gauche française, dont la décomposition est avancée, mais qui pourtant existe encore.</p>
<h2>La curée qui s’annonce</h2>
<p>Au sommet, le chef de l’État est un cadavre politique en sursis. Il ne peut pas ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle, ce serait admettre son échec de façon irrémédiable ; or s’il est candidat à sa propre succession, les sondages lui promettent qu’il sera battu sur un score déshonorant.</p>
<p>En dessous, c’est carrément la curée qui s’annonce, sur fond de décomposition accélérée du Parti socialiste, où les départs de militants se démultiplient. Effectivement, que faire dans un tel parti, dont la direction veut croire encore au caractère « naturel » d’une candidature de François Hollande tout en disant vouloir une primaire ouverte, pour en réalité mieux la torpiller ?</p>
<p>Emmanuel Macron a déjà affiché clairement <a href="https://theconversation.com/le-ministre-et-son-double-ou-letrange-marche-de-monsieur-macron-57953">ses ambitions</a>, et fourbit ses armes tout en clamant sa fidélité au chef de l’État – qui le croit ? Manuel Valls vient de réunir ses soutiens pour voir comment se préparer, lui aussi. Les amis de Martine Aubry ne sont pas passifs, même si leur tête de file a clairement indiqué qu’elle ne serait pas candidate – ils réfléchissent en fait surtout aux élections législatives qui suivront la présidentielle, et pour lesquelles, comme tous les membres du PS, ils ont bien raison de s’inquiéter. Benoit Hamon et Arnaud Montebourg se préparent eux aussi, et Jean-Luc Mélenchon est en campagne.</p>
<p>Chez les Verts ? EELV était déjà en bien mauvaise forme quand François Hollande lui a porté le coup de grâce <a href="https://theconversation.com/le-ministre-et-son-double-ou-letrange-marche-de-monsieur-macron-57953">avec le remaniement récent</a> faisant bonne place non pas aux orientations de l’écologie politique, mais à des dirigeants du parti qui se sont discrédités en même temps qu’ils discréditaient leur propre formation. Daniel Cohn-Bendit, tenant désormais pour impossible la <a href="https://theconversation.com/le-lieu-geometrique-de-la-gauche-54711">primaire à gauche</a> qu’il a appelée de ses vœux pendant trois mois, souhaite une candidature de Nicolas Hulot, en faveur de qui circule une pétition – des dizaines de milliers des signatures ont déjà été recueillies pour l’inviter à se présenter lui aussi, ce à quoi il se prépare à l’évidence.</p>
<h2>Démultiplication des initiatives citoyennes</h2>
<p>Ainsi, dans les décombres des appareils, des candidats à la présidentielle s’échauffent, ou se lancent – et nous n’avons ici que signalé certains d’entre eux. Cette curée est révélatrice de la mort d’une gauche.</p>
<p>En même temps, un autre phénomène retient nécessairement l’attention : la démultiplication des initiatives citoyennes. La crise du pouvoir, sa droitisation, aussi bien identitaire (avec le discours de la guerre, les mesures d’exception, l’état d’urgence, la déchéance de nationalité) qu’économique (avec la première version de la loi El Khomri et les orientations d’Emmanuel Macron comme de Manuel Valls en la matière) a libéré un immense désir de prendre la parole, de débattre, d’exprimer des idées, de mettre fin à l’arrogance de tous ceux qui, dans la bulle médiatico-médiatique, disent d’en haut aux citoyens comment et quand penser.</p>
<p>En attestent les diverses initiatives pour des primaires à gauche, ou au centre, surtout lorsqu’elles s’accompagnent de l’organisation de rencontres où l’on discute du fond ; le succès de films comme « Demain » ; et bien sûr le <a href="https://theconversation.com/nuitdebout-le-retour-des-indignes-57183">mouvement « Nuit debout »</a>, dont les faiblesses ou les fautes ne doivent pas masquer l’essentiel : la naissance en France d’une contestation démocratique, à forte charge culturelle, tournée vers l’avenir et non pas vers le passé comme dans les diverses pensées réactionnaires ou déclinistes qui plaisent tant aux médias. Tout ceci donne l’image de fortes attentes bien en peine, en tous cas aujourd’hui, de déboucher sur des perspectives politiques.</p>
<h2>Des univers disjoints</h2>
<p>Le discrédit du pouvoir et de son parti est sans retour en arrière possible. La curée a commencé et ne risque pas de s’arrêter de sitôt, ne serait-ce que parce que François Hollande n’a pas le choix : <a href="http://lemonde.fr/politique/article/2016/04/25/avec-he-oh-la-gauche-les-soutiens-de-francois-hollande-se-mobilisent-pour-defendre-le-bilan-du-quinquennat_4908126_823448.html">il doit mobiliser ce qui reste du PS</a> pour essayer de maintenir contre toute évidence l’image d’un homme capable d’incarner la gauche – ce qui interdit à son parti la moindre relance, la moindre initiative novatrice.</p>
<p>Et l’agitation politicienne que suscite la perspective de la prochaine présidentielle s’opère loin de la mobilisation citoyenne et intellectuelle née dans le même contexte. Les deux univers sont disjoints, sauf à la marge, quand Jean-Luc Mélenchon ou Olivier Besancenot espèrent pouvoir récupérer Nuit debout. Manuel Valls a parlé de <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/02/16/manuel-valls-trace-une-frontiere-a-l-interieur-d-une-gauche-irreconciliable_1433621">deux gauches « irréconciliables »</a>, évoquant deux types d’orientations : il y a surtout en réalité un espace fracturé, dans lequel les demandes politiques sont fort éloignées de l’offre, et le débat citoyen sans lien avec la vie partisane.</p>
<p>Pour qu’une articulation soit possible autrement que sur un mode gauchiste, il faudrait ou bien qu’un grand parti puisse légitimement assurer le traitement politique des attentes et des idées qui surgissent au sein de la société civile, ou bien que de celle-ci jaillisse une expression politique, <a href="https://theconversation.com/au-dela-de-lespagne-la-crise-bouscule-les-systemes-partisans-deurope-du-sud-52602">comme Podemos en Espagne</a> – même s’il ne faut pas pousser trop loin la comparaison entre Nuit debout et les <em>Indignados</em>.</p>
<h2>Le moment approche</h2>
<p>Il est vrai que la critique de la forme-parti elle-même est vive au sein de la mobilisation citoyenne actuelle. Mais il n’est pas exclu que de la décomposition du PS et d’EELV, et avec d’autres que des orphelins de ces partis, naisse une organisation politique qui saurait éviter les travers du passé, se doter de principes de fonctionnement démocratiques et neufs, réfléchir à une vision ouverte de l’avenir, s’alimenter de ce qu’apporte le mouvement de la société, comme celui des idées, redonner vie au projet européen, afficher des valeurs comme celles de la solidarité, et les transcrire concrètement, <a href="https://theconversation.com/grande-synthe-miroir-des-incoherences-de-letat-57019">par exemple à propos des migrants</a>.</p>
<p>Ne rêvons pas d’un leader providentiel, surgi d’on ne sait où, et qui saurait à lui seul, avec un programme éventuellement, redonner dynamisme et pertinence à la politique : une telle rêverie entérine un autre aspect du bourbier dans lequel est enfoncé notre pays, le présidentialisme actuel, et le système qui fait de la fonction présidentielle l’alpha et l’oméga de toute notre vie politique, son horizon. Nous avons besoin de profonds changements institutionnels, d’une VI<sup>e</sup> République peut-être, qui faciliteraient la reconstruction d’un système politique.</p>
<p>Un cycle s’achève. La gauche semble revenue ou presque à la fin des années 60, avant le Congrès d’Epinay (1971), qui a inauguré un processus dont l’aboutissement fut l’élection de François Mitterrand en 1981. Elle touche le fond, s’il s’agit de ses formes organisées, et ce ne sont pas les misérables propositions lancées actuellement par le gouvernement ou le PS, les « Hé oh, la gauche » de Stéphane le Foll ou la « Belle alliance populaire » de Jean-Christophe Cambadélis pour soutenir François Hollande qui l’aideront à se relancer.</p>
<p>Le moment approche, où il faudra bien construire. Cela ne se fera qu’à l’écoute des mouvements et débats citoyens qui commencent à s’exprimer, et avec eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Manuel Valls a parlé de deux gauches « irréconciliables » : il y a surtout un espace fracturé, dans lequel le débat citoyen se retrouve sans lien avec la vie partisane.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/547112016-02-17T05:41:01Z2016-02-17T05:41:01ZLe lieu géométrique de la gauche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/111464/original/image-20160215-22563-1pt3tqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les candidats à la primaire socialiste en août 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/webstern/6214271766/in/photolist-at8LuE-nkMVHL-oP27qV-9ZMA5A-nwGiRh-at5Y4g-9Kdmk7-np4zU3-oNTtzo-9Kgjeq-oyNw4Y-oPyC9m-oP2qRy-oKDKTS-9GjMqG-9YQ8bY-p2VQJj-p3NgcB-oNQG1o-9ZMacQ-9ZJk7F-p3wXdv-npwo8B-oNSFd6-nsyDQ2-oLzn5h-oPyCpG-oSnJ7p-nfcdhb-oP2VX7-p2QCMB-nnxngd-oKo5kz-nf4icX-npte9k-oy3F8L-p2RcNH-p74m3K-oNTubJ-9JBiGi-oKCmVi-nkNJdQ-fbHjBK-nwktid-p6iqJU-gmZgut-oLhUL6-npwoED-oR1ftR-oRggEj">Webstern Socialiste/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Les commentateurs politiques les plus écoutés parlent de la gauche en termes totalement contradictoires. À les suivre, en effet, d’un côté, elle existe, mais dans l’<a href="https://theconversation.com/le-tripartisme-et-apres-53262">espace inédite du tripartisme</a>, et non plus dans le cadre de la seule opposition centrale gauche/droite. Et d’un autre côté, la gauche est fragmentée, voire pulvérisée, en miettes, sans unité, elle n’existe plus.</p>
<p>Quant aux instituts de sondage, ils font preuve d’une absence totale d’imagination, et leurs catégories sont celles de la situation passée, à peine présente, bien plus que celles qui pourraient naître des processus politiques en cours, à commencer par celui qu’a déclenché l’appel (dont je suis un des initiateurs) pour une primaire des gauches et des écologistes. Où est le sondage, par exemple, qui ferait entrer dans les questions sur les intentions de vote en 2017 des personnalités neuves, ou fraîches ?</p>
<p>Abordons par conséquent ces enjeux autrement que dans les termes que nous imposent les débats convenus au sein de la sphère médiatico-politique. Et demandons-nous s’il existe ou non la <a href="https://theconversation.com/ou-est-passee-la-gauche-les-deux-lecons-dun-remaniement-en-trompe-l-il-54678">possibilité qu’une gauche réapparaisse</a>, capable de développer une vision cohérente tournée vers l’avenir, et de redonner sens à l’action politique d’acteurs qui en incarneraient les valeurs, les idées ou les projets.</p>
<h2>La synthèse façon Hollande</h2>
<p>Il y a là un défi électoral qui ne se limite pas à la seule élection présidentielle. Si les partis actuels de gauche souhaitent éviter le pire aux prochaines législatives, s’ils veulent conserver quelque espoir de réussite, alors, il leur faudra bien se présenter devant les électeurs avec un minimum d’unité, et, mieux encore, en montrant qu’ils sont inscrits dans une dynamique vertueuse, et avec des propositions claires, fortes et bien comprises de l’opinion.</p>
<p>On voit bien ici les difficultés. Quoi de commun, entre un Jean-Luc Mélenchon au ton souverainiste vigoureusement anticapitaliste, et un Emmanuel Macron, ouvert à l’Europe et à une économie de marché ? Entre un Manuel Valls martial, et convaincu de l’utilité de mesures d’urgence ou de l’état d’exception, et un Yannick Jadot ou un Dany Cohn-Bendit qui n’auraient assurément pas voté comme la majorité des députés le projet de loi sur la <a href="https://theconversation.com/ce-que-signifie-vraiment-la-decheance-de-nationalite-54081">déchéance de la nationalité</a> ?</p>
<p>Il y a au moins deux façons d’aborder les prochaines échéances électorales en tentant de conjoindre des orientations aussi disparates. La première est celle que semble avoir choisie le chef de l’État. La logique est ici institutionnelle et politicienne. Il s’agit, pour François Hollande, de tenter d’incarner la seule synthèse de gauche possible, au sommet, face à la droite et à l’extrême droite. Cela implique des appareils politiques de gauche suffisamment dociles pour ne pas entraver une telle démarche – il est vrai que, de ce point de vue, le PS mais aussi EELV ne posent aucun problème tant ils donnent l’image de l’affaiblissement.</p>
<p>Cela exige aussi qu’aucun débat de fond ne puisse se développer à gauche, la seule personne du chef de l’État devant suffire à incarner un camp unifié sans avoir réfléchi à ses propres contradictions. Et cela peut s’avérer très dangereux pour le PS : comment choisir un candidat convainquant si, à l’automne 2016, le Président décide de ne pas se représenter ?</p>
<h2>Des débats d’idées et une primaire</h2>
<p>Une deuxième possibilité existe, qui oblige à regarder en bas, et non en haut. Elle correspond aux attentes massives des électeurs de gauche, qui disent à 80 % dans les sondages souhaiter une <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/02/09/a-gauche-la-primaire-fait-ecole_1432263">primaire de leur camp</a>. Dans cette logique démocratique et citoyenne, l’intégration (qui ne veut pas dire nécessairement la fusion) d’orientations plus ou moins contradictoires au début passe par le débat d’idées, la mobilisation associative et politique, le retour des intellectuels. Elle est le résultat, et l’enjeu, d’un processus qui impose aux acteurs politiques de gauche d’en finir avec la soumission au pouvoir, tels des godillots, ou au mieux de se contenter de le critiquer sans rompre réellement avec ses injonctions.</p>
<p>Un espace immense sépare aujourd’hui les figures politiques de gauche les plus visibles, celles dont on parle sans imagination pour d’éventuelles candidatures en dehors de François Hollande : les Hervé Hamon, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Emmanuel Macron, Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon. Si le lieu géométrique où leurs orientations peuvent trouver à négocier et composer existe, il n’apparaîtra qu’au fil de discussions qui ne peuvent pas être le fait des partis entre eux, et encore moins des sommets de l’État.</p>
<p>Il apparaîtra, il se dessinera d’autant mieux que des simples citoyens auront eu l’<a href="https://theconversation.com/tous-perdants-pourrons-nous-re-enchanter-la-politique-52276">occasion de débattre</a> entre eux, et avec des acteurs associatifs, syndicaux ou politiques, avec aussi des intellectuels, et notamment des chercheurs. Quand aura été dressé le bilan de l’expérience s’achevant en 2017, et qu’il aura été possible de se projeter vers l’avenir. Quand auront été avancées des idées, soupesés les avantages et les inconvénients des propositions disponibles face à tous les grands problèmes du moment. Et quand une primaire à gauche aura permis aux candidats de se situer en tenant compte de tous ces débats, de toutes ces idées.</p>
<p>Restera à savoir qui pourra incarner ce lieu géométrique, ce qui est un autre défi : cela peut-il être une des figures actuelles parmi les plus en vues, s’agira-t-il d’un nouveau venu sorti du monde politique, ou en provenance de la société civile ?</p>
<p>Ce deuxième scénario ne sera assurément pas un long fleuve tranquille. Mais il est le seul qui pourra permettre à l’idée de gauche de se reconstruire et de s’incarner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Pour permettre à l’idée de gauche de se reconstruire et de s’incarner, il faut promouvoir le débat et organiser une primaire plutôt que de se soumettre au bon vouloir du pouvoir.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/479782015-09-24T15:56:08Z2015-09-24T15:56:08ZLes douze travaux de la gauche française<p>La victoire d’Alexis Tsipras en Grèce lors du scrutin du 20 septembre dernier, l’ascension de Podemos en Espagne ou l’élection récente de Jeremy Corbin à la tête du Labour Party britannique : face à la crise, les forces politiques contestant l’austérité connaissent un succès grandissant et rencontrent un fort écho dans la population en Europe. En Europe, mais tel ne semble pas être le cas en France.</p>
<p>Pour tenter d’expliquer cet état de fait, il convient d’abord de souligner la diversité des situations politiques et des contextes économiques à travers le continent : en Espagne, mais bien plus encore en Grèce, <a href="http://www.letemps.ch/Page/Uuid/1e363cf6-1928-11e5-9d4e-1dfb5906ea79/Gr%C3%A8ce_et_Espagne_in%C3%A9gales_face_%C3%A0_laust%C3%A9rit%C3%A9_impos%C3%A9e">l’austérité</a> frappe de plein fouet des pays qui connaissaient déjà de fortes disparités et inégalités. Par ailleurs, le sentiment d’une perte de souveraineté sans précédent et d’une mise sous tutelle humiliante a joué un grand rôle en Grèce.</p>
<p>Au Royaume-Uni, le phénomène <a href="http://temoignagechretien.fr/articles/politique/jeremy-corbyn-lantitribun">Jeremy Corbin</a>, dont on verra comment il s’accorde avec les députés du Parti travailliste, vient lui aussi de plus loin. Sa nomination à la tête du Labour est liée à la fois à l’épineuse question du legs blairiste au sein du travaillisme anglais et aux défaites électorales en 2010, notamment à celle de grande ampleur de 2015. Rappelons qu’<a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/08/ed-miliband-demissionne-laissant-les-travaillistes-a-genoux_4630265_3214.html">Ed Miliband</a> a conduit le Parti travailliste à sa pire défaite depuis 1987.</p>
<p>En ce qui concerne la France, l’atonie évoquée par les médias est relative : Jean-Luc Mélenchon a réuni 11,1 % des suffrages exprimés lors de la présidentielle de 2012 – ce qui, certes, ne représente que la totalisation des voix communistes et d’extrême gauche de la présidentielle de 2007 mais le place tout de même en quatrième position. Le Front de gauche a eu des fortunes variables selon les élections, souvent loin des espoirs que le PCF ou de Parti de gauche avaient placés dans cette alliance. Et il semble, aujourd’hui, dans une passe difficile tant dans son organisation interne que pour son leadership ou ses orientations.</p>
<h2>Social-démocratie en crise</h2>
<p>Pour autant, on ne devrait pas assister à une disparition de la « gauche radicale » en France lors des prochaines grandes échéances électorales, malgré les appels à l’unité du côté du PS et le « <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/01/13/21-avril-2002-le-jour-ou-la-gauche-a-disparu-des-ecrans_1291296_823448.html">syndrome du 21 avril 2002</a> » qui continue de marquer de nombreux électeurs et de responsables de la gauche. Cette donnée rend la situation française particulière par rapport aux contextes espagnol ou grec : en France, la perspective du Front national présent au second tour de la présidentielle de 2017 est loin d’être une hypothèse d’école.</p>
<p>Au-delà des différences entre situations nationales et aléas politiques de court terme, ces partis de la « gauche de la gauche » et les contradictions internes à la gauche en Europe traduisent une très profonde crise de la social-démocratie : celle-ci est confrontée à l’immense « grande transformation » historique de la globalisation.</p>
<p>Le rouleau compresseur de l’économie libérale, ouverte et internationalisée, et toutes les transformations ou remises en cause qui lui sont liées, recomposent en profondeur les alliances politiques héritées de la révolution industrielle. Pour les chercheurs spécialistes de ces questions, cette recomposition oppose les intérêts et les valeurs des « gagnants » et des « perdants » de la globalisation. Les mêmes y voient un important vecteur de changement de la matrice politique gauche-droite héritée du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Le message brouillé des frondeurs</h2>
<p>Une majorité des sympathisants du PS voudraient certes un parti plus à gauche, mais cette opinion globale cache d’importantes divergences. En effet, cette demande ne touche pas tous les secteurs de l’action publique et il convient de relever aussi les significations différentes du terme « être plus à gauche » chez ces militants. Par ailleurs, notons que ces derniers soutiennent davantage Manuel Valls ou Emmanuel Macron que d’autres leaders socialistes réputés plus à gauche.</p>
<p>Les Français perçoivent bien les points de vue différents chez les frondeurs, voire divergents au sein du PS, et identifient Arnaud Montebourg du fait de sa personnalité, de ses combats politiques et de son éviction du gouvernement. Mais deux ou trois problèmes stratégiques continuent de brouiller le message des <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/politique/ps/ps-les-frondeurs-doivent-ils-partir-ou-rester_1693301.html">« frondeurs »</a>. Ils n’ont pas de leader clairement identifié : alors que Martine Aubry n’est pas devenue ce leader, Arnaud Montebourg est-il en voie de le devenir ? Les « frondeurs » le veulent-ils seulement ? Ils restent au sein du PS, même si leurs prises de positions ou abstentions sur plusieurs textes importants du gouvernement Valls indiquent bien leur opposition. Et ils ont clairement échoué à renverser la situation lors du dernier congrès du PS.</p>
<p>Par ailleurs, leur message ne fait pas assez apparaître une ou deux propositions phares : il faut être assez informé et intéressé par la politique pour savoir qu’ils veulent une réorientation des pactes de compétitivité en donnant moins aux entreprises et plus de soutien aux ménages et à la consommation.</p>
<h2>Une image terrifiante de la politique</h2>
<p>L’affirmation et la consolidation des résultats électoraux du FN, mais plus encore la sociologie de son électorat – avec des franges des classes populaires votant pour ce parti ou s’abstenant – sont des phénomènes qui posent à la gauche, radicale ou pas, des questions fondamentales. Si une <a href="http://www.lesinrocks.com/2014/02/27/actualite/le-fn-parti-des-ouvriers-11481399/">majorité des ouvriers</a> a voté François Hollande au second tour de 2012, un tiers d’entre eux avait voté Marine Le Pen au premier. Bien sûr, les profils sociologiques de ces milieux sociaux n’est pas exactement le même, et cela ne veut pas forcément dire que des électeurs ont voté Le Pen au premier tour et Hollande au second. Mais cela ne l’exclut pas non plus.</p>
<p>A cet égard, la fameuse <a href="http://www.issp-france.fr/enquete/identite-nationale-2013/">« droitisation »</a> est davantage une « droitisation » de l’électorat de droite. Mais celle-ci a indéniablement des conséquences sur les termes du débat public sur certains thèmes et enjeux. Enfin, il est tout à fait certain que l’ampleur de la défiance des Français dans la politique et dans les hommes ou femmes politiques joue un rôle : dans un tel contexte, il est moins facile d’en appeler à des mobilisations, au changement radical.</p>
<p>Les enquêtes réalisées par le CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences-Po), notamment le <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/resultats-1/vague6/vague6bis/">Baromètre de la confiance politique</a>, ont dressé un constat terrifiant sur l’image que les Français ont de la politique. L’insatisfaction est grande vis-à-vis du fonctionnement du système, y compris du système démocratique, et les partis politiques ne sont pas perçus comme ceux qui peuvent apporter des solutions. La question de la réforme démocratique de notre pays devrait être davantage posée.</p>
<h2>Une normalisation inéluctable ?</h2>
<p>Il existe un prisme du gouvernement et du rapport à la réalité de l’action politique qui semble broyer, de manière inéluctable, les discours des campagnes électorales, et pas seulement ceux de la gauche radicale ou de la « gauche de gauche ». Il s’agit d’un paradoxe, plus large, sur lequel les partis politiques devraient engager de vraies réflexions : comment éviter l’effet de ciseaux entre les promesses et les discours de changement et la réalité de l’exercice du pouvoir ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/96051/original/image-20150924-17100-rrvslp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alexis Tsipras, le chantre de l’autre gauche, bientôt normalisé ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lorenzogdnz/14258602413/in/photolist-nHZ4JD-ekoQzo-ekoNk1-dLNxK3-eki4Jg-ekoXfU-ekoU5s-c3B9xh-c3B9Bo-c3AZjY-nG14hL-eki2nn-ekhLM2-vfEsCf-nDBurf-nFEbxv-vtD3ph-vwGhym-vwGhdS-c3B9ab-nHrArp-f2r58r-c3AZcS-c3AZgw-c3AZnG-dvmxLZ-nnA7WN-nkw6HN-nkwaks-nkvze1-npjB3B-npjyF2-nngCgz-npjA2Z-nnxUPM-nngkAv-nkvBob-c3B9cU-c3B9go-c3B9sm-c3B8Zh-c3B96Y-c3B9m9-c3B9EN-c3B93w-4YsfeT-qE4LZJ-nkvepb-nkvTdC-nnyBJc">Lorenzo Gaudenzi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Ce paradoxe tient en partie au fait que les partis gagnent les élections grâce à la majorité d’électeurs qui les ont choisis, mais ne peuvent ensuite gouverner pour leurs seuls électeurs. Dans le cas grec, il ne faut pas oublier qu’Alexis Tsipras n’avait le choix qu’entre la posture de meilleur négociateur possible pour éviter plus de souffrances aux Grecs et la démission à la veille de l’accord sur le dernier <a href="http://www.capital.fr/a-la-une/politique-economique/tsipras-reelu-en-grece-pour-mener-a-bien-le-plan-de-sauvetage-1071272">« plan de sauvetage »</a>. Enfin, par définition les coalitions amènent les partenaires à rechercher des points d’équilibre et des compromis. Sauf à ce que la coalition ne devienne un chemin de croix.</p>
<p>La crise actuelle, combinée aux effets de plus long terme de l’intégration économique et culturelle liés à la globalisation, sont des phénomènes qui mettent toutes les familles politiques face à d’importantes contradictions et tensions. La radicalité de la contestation politique face à la globalisation repose sur des bases différentes à gauche et à droite ; mais dans les deux camps, le centre de gravité idéologique est travaillé en profondeur par l’adhésion ou par le rejet des contraintes externes. Nous ne sommes qu’au début d’un processus historique de transformation de grande ampleur de la politique dans nos « vieux » pays européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/47978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès a reçu des financements du CNRS, de Sciences Po, de l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et de la Commission européenne (financements de contrats de recherche européens)</span></em></p>Contrastant avec les succès de Syriza en Grèce et la montée en puissance de Podemos en Espagne, la gauche radicale paraît atone en France. En réalité, le malaise va bien au-delà de cette frange.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.