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biotechnologies – The Conversation
2023-10-11T10:50:23Z
tag:theconversation.com,2011:article/213936
2023-10-11T10:50:23Z
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Reconstruire les jonctions os-tendon-muscle en laboratoire : un défi sportif !
<p>C’est notamment grâce à nos 500 tendons que nous sommes capables de bouger, car ils font le lien entre nos os et nos muscles. Mais comme le célèbre talon d’Achille, ils sont aussi un de nos points faibles : ils peuvent se rompre, et leur cicatrisation est alors très compliquée – tout comme les ligaments, qui font quant à eux le lien entre deux os.</p>
<p>Un gros enjeu pour certains sportifs – environ <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3761855/">40 % des joueurs de tennis sont touchés par des inflammations du tendon du coude</a>, et cela peut doubler chez les joueurs de plus de 40 ans. Une rupture de tendon peut aussi être synonyme de fin de carrière, comme ce fut le cas de Yoann Huget, qui a dû arrêter sa carrière de rugbyman en 2021 après une rupture du tendon d’Achille.</p>
<p>Et cela ne se limite pas aux athlètes ! En effet, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128015902000053">personnes âgées sont aussi atteintes par des ruptures du tendon car avec l’âge ces derniers deviennent plus fragiles et ne se régénèrent plus aussi vite qu’ils se dégradent</a>. Environ <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3761855/">30 % des consultations pour des troubles musculo-squelettiques sont liées à des tendinopathies</a>. Ainsi, avec le vieillissement global de la population, comprendre comment réparer les tendons devient un enjeu majeur de santé publique.</p>
<h2>Faire pousser des tissus artificiels pour remplacer les tendons rompus</h2>
<p>Grâce aux progrès en ingénierie tissulaire et à l’utilisation de biomatériaux, on développe de nouvelles approches pour tenter de réparer les ruptures des tendons. L’idée est de <a href="https://doi.org/10.1098/rsif.2006.0124">cultiver des cellules dans des conditions particulières sur une « matrice » artificielle</a> (appelée <em>scaffold</em> en anglais), qui leur sert de support, un peu comme un échafaudage pour construire une maison. L’objectif est que cet ensemble développe les caractéristiques biologiques et mécaniques d’un tissu humain « naturel ».</p>
<p>Cependant, recréer un tendon neuf ne suffit pas, encore faut-il pouvoir l’implanter efficacement. En effet, comme le tendon se régénère très mal, suturer un substitut sur un tissu dégradé ou rompu n’est pas une solution viable : du fait d’une faible vascularisation locale, il reçoit moins de signaux favorisant la cicatrisation et la réparation… et risque de rompre à la première sollicitation mécanique.</p>
<p>C’est pourquoi, dans le laboratoire <a href="https://bmbi.utc.fr/">CNRS Biomécanique et Bioingénierie BMBI</a> à l’Université de Technologie de Compiègne, nous proposons d’élargir le champ de vision en <a href="https://doi.org/10.3390/ma11071116">associant les deux « voisins » du tendon : l’os et le muscle</a>.</p>
<p>En effet, l’os a une capacité d’autorégénération qui s’appuie sur des mécanismes de renouvellement cellulaire, ce qui explique que les fractures osseuses se réparent naturellement. <a href="https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/regeneration-musculaire-le-couplage-entre-myogenese-et-angiogenese-est-stimule-par-les">Pour les muscles, la régénération passe par les cellules souches myogéniques</a>.</p>
<p>L’idée est donc de fabriquer en laboratoire un tendon avec, à une extrémité, une composante osseuse, et à l’autre, une composante musculaire. Ceci devrait permettre in fine de greffer le continuum os-tendon-muscle artificiel à l’os et au muscle du patient – une greffe qui devrait mieux tenir que les greffes de tendons artificiels sur tendons endommagés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma de la stratégie de recherche" src="https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551402/original/file-20231002-19-o3uqig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Stratégie os-tendon-muscle pour la réparation des tendons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Rivoallan</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Comment orienter le devenir des cellules souches</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cellules-souches-23930">cellules souches</a> sont initialement pluripotentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent encore devenir différents types de cellules. Cette différenciation se fait naturellement in vivo jusqu’à atteindre un type de cellule spécialisée et fonctionnelle dans chaque tissu.</p>
<p>Mais <a href="https://doi.org/10.3390/ijms23010260">il est également possible de guider in vitro la différenciation vers des cellules osseuses (ostéoblastes), tendineuses (ténocytes) ou musculaires (myotubes)</a>, en jouant sur leur environnement, par exemple des facteurs chimiques, des stimulations physiques ou le matériau servant de support.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma de différenciation des cellules souches" src="https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551399/original/file-20231002-19-9uqely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La différenciation des cellules souches aboutit à la formation de différents tissus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Rivoallan</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est une combinaison de ces deux dernières approches que nous avons choisie : en travaillant sur les propriétés du « scaffold » (composition, architecture, propriétés mécaniques…) et en exerçant un étirement cyclique, nous avons démontré que l’<a href="https://doi.org/10.3390/ijms23010260">on peut amorcer la différenciation des cellules souches vers les différents phénotypes d’intérêt (os, tendon ou muscle)</a>.</p>
<p>Le scaffold est fabriqué à partir d’un polymère biocompatible (le polycaprolactone) mis sous forme de nanofils. On obtient ainsi des supports de quelques dizaines de microns d’épaisseur, plus ou moins poreux, et dont la topographie dépend du collecteur qui réceptionne les fibres extrudées.</p>
<p>Par exemple, sur des fibres disposées aléatoirement, les cellules souches ont tendance à évoluer vers un phénotype tendineux (tendon) si on leur impose des cycles d’étirement.</p>
<p>Sur des fibres structurées en forme de nids d’abeille, les cellules deviennent plus aisément de l’os. Enfin, sur des fibres bien alignées, elles fusionnent en myotubes longs et bien droits, comme on en trouve dans le tissu musculaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="microscopies des 3 structures de scaffold" src="https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551429/original/file-20231002-19-svwh5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le support de culture des cellules souches, ou scaffold, est fabriqué à partir d’un polymère biocompatible et nanostructuré. Pour des fibres alignées, les cellules ont tendance à se différencier en un tissu musculaire, pour un scaffold aléatoire en tendon, et pour un support en nid d’abeille, en os.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Rivoallan</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous sommes parvenus à fabriquer d’un seul tenant ce matériau composé de ces différentes structures – nids d’abeille, aléatoire et alignée – pour ensuite cultiver des cellules souches qui deviennent de cellules osseuses, tendineuses ou musculaires suivant leur localisation.</p>
<p>À ce stade, ce sont plutôt des approches innovantes en microfabrication qui sont mobilisées, comme le « gap-spinning », une variante de la technique utilisée pour fabriquer les nanofils, ou encore la fabrication de collecteurs spécifiques par impression 3D ou photolithographie.</p>
<p>Dans un premier temps, on n’envisage pas d’aboutir à une solution implantable chez les patients, mais de proposer un modèle d’étude in vitro des jonctions os-tendon et tendon-muscle, afin de mieux comprendre la formation et la dégradation de ces jonctions, notamment en termes de vieillissement et de réponse aux chocs. Ainsi, nous pourrons évaluer différentes stratégies thérapeutiques pour traiter les pathologies des personnes âgées et des sportifs, sans recourir à l’expérimentation animale.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Rivoallan a reçu des financements du MESRI (demi-allocation), bourse "Exposé-Schorlaship" et "DAAD". </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Legallais a reçu des financements de l'ANR (projet TENORS ANR-21-CE18-0035), du Labex MS2T et de l'Equipex FIGURES.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Timothée Baudequin a reçu des financements de l'ANR, de l'institut INSIS du CNRS et de la Direction à la Recherche de l'Université de Technologie de Compiègne. </span></em></p>
Les ruptures de tendon touchent les sportifs et les personnes âgées. Une nouvelle stratégie pour tenter de les réparer de façon pérenne est en développement.
Nicolas Rivoallan, Doctorant en Biomécanique et Bio-ingénierie, Université de Technologie de Compiègne (UTC)
Cécile Legallais, Directrice de Recherche CNRS en Biomécanique et Bioingénierie, Université de Technologie de Compiègne (UTC)
Timothée Baudequin, Maître de Conférences en Génie Biologique, Université de Technologie de Compiègne (UTC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214276
2023-09-25T16:50:07Z
2023-09-25T16:50:07Z
Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux
<p>Les échanges internationaux de produits de santé ont pris leur essor à partir des années 2000, dans une vague d’ouverture globale amorcée par la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à la fin du cycle d’Uruguay en 1994. C’est dans ce cadre que l’Accord pharmaceutique plurilatéral a été négocié entre pays avancés pour supprimer les droits de douane sur un certain nombre de produits dont la liste a ensuite été élargie au fil des renégociations.</p>
<p>Sur les médicaments par exemple, les droits de douane appliqués sont aujourd’hui très faibles, voire nuls dans les pays avancés, et ont été <a href="https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/who-wipo-wto_2020_f.htm">ramenés de 6,7 % à 2,5 % en moyenne depuis 1994</a> dans les pays en développement. L’ouverture des pays émergents et l’application de normes environnementales, plus ou moins contraignantes selon les zones géographiques, ont aussi eu un impact décisif sur la fabrication des produits de santé qui s’est de plus en plus internationalisée le long des chaînes de valeur. La traçabilité de ces biens essentiels à la vie est dans le même temps devenue plus opaque.</p>
<p>Leur classement insuffisamment détaillé et épars dans les nomenclatures internationales de commerce et de production contribue à cette opacité. On trouve ainsi des produits de santé parmi les produits chimiques, électriques, électroniques ou encore textiles. <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">Mathias Helble</a>, aujourd'hui économiste à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est le premier à avoir regroupé ces produits dans une liste pour apprécier l’importance et l’évolution des importations répondant aux besoins des systèmes de santé nationaux.</p>
<p>Réalisée après la Grande récession de 2008 marquant la fin de l’hypermondialisation, son <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">étude</a> publiée en 2012 s’interrogeait déjà sur les bienfaits du dynamisme des échanges internationaux dans un domaine aussi crucial. En 2020, le choc du Covid-19 a clairement confirmé l’importance de la sécurité sanitaire pour les États et mis en lumière les questions de souveraineté industrielle posées par l’organisation internationale de la production.</p>
<h2>Une production fragmentée</h2>
<p>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (<a href="https://theconversation.com/institutions/cepii-2912">CEPII</a>) a élaboré une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">liste</a> des produits de santé dans la lignée du travail de Helble, et de ceux entrepris par des organisations internationales et nationales pour faire face à la pandémie de Covid-19. Celle-ci tend vers l’exhaustivité et inclut tout produit échangé contribuant au fonctionnement du système de soins. Identifiée pour la première fois dans un périmètre aussi large, cette filière de santé comprend 368 produits de la nomenclature du système harmonisé à six chiffres (version 1996) sur la période 2000-2021.</p>
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<p>Les produits sont répertoriés dans cinq branches regroupant les médicaments et l’ensemble de leurs composants, ainsi que les équipements de technologie médicale et le petit matériel de santé. Ainsi configurée, cette filière pèse lourd dans les échanges : en 2021, elle représente presque 13 % du commerce mondial de biens manufacturés (hors énergie) et se situe au deuxième rang parmi dix filières, après celle des produits électroniques (graphique 1).</p>
<p><iframe id="v50Dg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v50Dg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Elle est aussi celle dont la progression a été la plus forte depuis 2000 (graphique 2). Ce dynamisme doit beaucoup à l’essor des échanges de préparations pharmaceutiques, dans lesquels les traitements issus de biotechnologies prennent une part croissante.</p>
<p><iframe id="0rbsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0rbsW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La fragmentation internationale des processus de production est très marquée dans cette filière : en 2021, plus de la moitié des échanges concerne des biens intermédiaires et les échanges croisés de produits similaires atteignent un niveau record, le plus élevé de toutes les filières (51 % des flux, graphique 3). Celui-ci témoigne de la complexité de la division internationale du travail dans les produits de santé.</p>
<p><iframe id="T4G4y" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T4G4y/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux flux univoques qui portent sur des échanges de produits clairement différents, ce type de commerce consiste en achats et ventes mutuels entre deux pays de produits aux caractéristiques techniques identiques. Autre particularité : c’est dans cette filière que la part des échanges de gamme moyenne de qualité/prix est la plus faible. Une part qui connaît un net recul depuis deux décennies, si bien qu’en 2021, 83 % des flux d’échanges se répartissent équitablement entre le haut et le bas de gamme.</p>
<h2>Le Covid-19, un révélateur de vulnérabilité</h2>
<p>Les pays avancés (selon la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/April/groups-and-aggregates">classification du FMI</a>) sont les principaux acteurs sur le marché international des produits de santé : ils y réalisent près des trois quarts des exportations mondiales, alors que leur part dans l’ensemble des produits manufacturés s’élève à moins de 60 % (graphique 4).</p>
<p><iframe id="yhC3n" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yhC3n/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Leurs échanges mutuels représentent à eux seuls 54 % des exportations mondiales en 2021 (graphique 5). Mais ce commerce intra-zone est marqué par un déclin relatif depuis les années 2000 (-16 points de pourcentage) tandis qu’augmentent les exportations des pays avancés vers les pays émergents et en développement. Ces derniers montent en puissance, essentiellement pour les produits bas de gamme, à la fois dans leurs exportations vers les pays avancés et leurs échanges mutuels.</p>
<p><iframe id="PqZGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PqZGW/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let423.pdf">vulnérabilités créées par ces interdépendances</a> ont été révélées par des pénuries massives lors de la crise du Covid-19. Les autorités publiques de nombreux pays envisagent désormais la survenue d’autres pandémies, notamment celles que le réchauffement climatique pourrait favoriser. Parallèlement, la sécurisation des approvisionnements dans le domaine de la santé, comme dans tant d’autres, relève de plus en plus de la géostratégie à l’instar de la place accordée aux biotechnologies dans la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_184303.htm">politique d’innovation de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN</a>). Enfin, transition écologique oblige, la « décarbonation » est devenue un <a href="https://www.leem.org/presse/transition-ecologique-le-secteur-pharmaceutique-s-engage-sur-une-trajectoire-de">objectif primordial</a> dans la fabrication et les échanges des produits de santé. Tous ces éléments devraient conduire à un repositionnement géographique des entreprises des pays avancés au sein des chaînes de valeur internationales.</p>
<hr>
<p><em>Ce billet reprend des extraits du <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">Panorama du CEPII 2023-03</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le secteur s’est fortement internationalisé depuis le début des années 2000, à la fois en termes de production et de vente. Ces interdépendances ont cependant fragilisé la filière.
Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPII
Aude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSL
Guillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPII
Pierre Cotterlaz, Économiste, CEPII
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203249
2023-04-19T16:55:59Z
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Comment fabriquer de l’ADN et créer de nouveaux génomes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520565/original/file-20230412-14-9ewiq4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1452%2C798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La double hélice d'ADN a été découverte en 1953, il y a 70 ans. Qu'en a-t-on tiré depuis?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/hg3eqrjd">Peter Artymiuk, Wellcome Trust Images</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 70 ans, le 25 avril 1953, trois articles publiés dans la revue <em>Nature</em> ont changé notre vision du monde. La <a href="https://www.nature.com/articles/171737a0">découverte de la structure de la molécule origine de l’hérédité</a>, l’ADN en double hélice, représente l’une des plus grandes découvertes en biologie du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’organisation de la molécule siège de la vie est somme toute assez simple : l’ADN est constitué d’unités répétitives, les nucléotides, qui forment une <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/multimedia/figure/structure-de-ladn">chaîne chimique</a>. Un <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/ue1-ue2_auto/Bases_Biologie_Moleculaire_v2/co/_gc_briques_elementaires.html">nucléotide</a> est une molécule issue de la combinaison de trois composants chimiques : une base azotée, un sucre et de l’acide phosphorique. Quatre types de bases azotées déterminent quatre types de nucléotides, qui se combinent à l’infini dans l’ADN et sont à la base de la diversité du vivant (A : adénosine ; T : thymine ; G : guanine ; C : cytosine). Enfin, dans l’ADN, chaque nucléotide est lié à ses deux voisins par une liaison chimique dite « phosphodiester ». Dans le vivant, ce sont des enzymes, catalyseurs des réactions biochimiques, qui réalisent ces liaisons chimiques.</p>
<p><a href="https://www.senat.fr/rap/r11-378-1/r11-378-115.html">Depuis que cette structure a été élucidée</a>, les humains ont appris à lire l’ADN, de plus en plus vite et des brins de plus en plus longs. Parallèlement, nous avons trouvé comment fabriquer (synthétiser) de l’ADN à partir de bases azotées (1972) – ce qui nous permet aujourd’hui d’aller jusqu’à inventer des ADN comme un écrivain invente un livre à partir de l’alphabet (en respectant quelques règles de grammaire tout de même). Nous savons également « amplifier » de l’ADN (1983), c’est-à-dire cibler une région bien déterminée sur l’ADN et la recopier en milliers d’exemplaires, notamment avec la désormais bien connue PCR. Et bien sûr, nous savons éditer le génome (à partir de 1973 grâce à l’« ADN recombinant », où on combine différents morceaux d’ADN), c’est-à-dire le modifier localement pour en modifier ses fonctions – la technique d’édition du génome la plus connue est désormais celle des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, né en 2012.</p>
<p>Ainsi, depuis 70 ans, l’amélioration des techniques de lecture de l’ADN, puis de fabrication et d’édition, ont conduit à développer notre capacité à comprendre le vivant.</p>
<h2>Pourquoi fabriquer de l’ADN alors qu’il y en a partout dans la nature ?</h2>
<p>Les synthèses à grande échelle et à faible coût sont sources de progrès tant en recherche fondamentale qu’appliquée. Par exemple, la reconstruction de <a href="https://productions-animales.org/article/view/3383#">génomes viraux</a> (c’est-à-dire la re-création en laboratoire de génomes viraux identiques) – virus de la grippe espagnole, VIH, SARS-CoV-2 par exemple – ont permis des avancées spectaculaires, comme l’accélération de la production de vaccins ou la génération de cellules résistantes aux infections liées à ces virus (tomates résistantes aux potyvirus par exemple).</p>
<p>Désormais, nous savons même écrire et concevoir de l’information génétique en nous inspirant du génome naturel, pour le reproduire en partie sur des régions intéressantes, ou bien dans sa globalité en l’optimisant.</p>
<p>Ceci est possible grâce à des progrès technologiques récents, comme les <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/PCR/5/co/puces.html">« puces à ADN »</a>, microdispositifs permettant de manipuler simultanément plusieurs séquences d’ADN, ou encore les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2860119/">technologies microfluidiques</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une puce à ADN avec 37500 tests (et un zoom), permettant d’analyser de grandes quantités de données.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Microarray_analysis_techniques#/media/File:Microarray2.gif">Paphrag/Wikipedia</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, la génomique synthétique a désormais le potentiel de créer de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">nouveaux génomes</a> et aussi des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">cellules rudimentaires</a>, à l’exemple de la bactérie JCVI-syn3.0, une bactérie de synthèse possédant le plus petit génome jamais observé chez un organisme indépendant. Issue de <em>Mycoplasma genitalium</em>, une bactérie sexuellement transmissible, cette bactérie dont le génome a été synthétisé par des scientifiques ne contient que les gènes nécessaires à la vie.</p>
<p>Nous pouvons même créer de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">nouvelles formes de vie artificielle</a> comme les <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-vie-artificielle-chercheurs-creent-premier-robot-dote-metabolisme-53648/">robots ADN</a>, capables de se déplacer et de transporter des « colis » de molécules. Cette dernière technologie est à l’étude pour amener des médicaments vers des cellules ciblées dans le corps humain, telles que les cellules cancéreuses.</p>
<h2>Faire avancer la recherche et la médecine</h2>
<p>La synthèse de génomes permet d’aborder des questions de recherche ouvertes et accélère les avancées dans un large éventail de domaines. Par exemple, il est désormais possible de construire une super cellule immunologique en programmant sa séquence d’ADN. C’est le cas des <a href="https://www.gustaveroussy.fr/fr/les-cellules-car-t">cellules CAR-T</a> (<em>chimeric antigenic receptor-T</em>), des lymphocytes T modifiés génétiquement en 2012 dans le but de détecter et d’éliminer les cellules cancéreuses. D’autres champs d’applications consistent à produire des gènes non défectueux pour la thérapie génique, ou encore à développer un génome minimal avec les gènes essentiels pour aborder les principes de base de la vie, explorer la conception du génome entier et l’ingénierie métabolique.</p>
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<img alt="illustration de l’action des cellules CAR-T dans le traitement de leucémie" src="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration d’un lymphocyte T modifié génétiquement (en bleu) reconnaissant et attaquant une cellule leucémique (en vert). La molécule CAR (en rouge) s’accroche à la protéine CD19 que l’on trouve à la surface des cellules leucémiques. Ceci active le lymphocyte T, qui relâche de la perforine (violet), ce qui rend la membrane cellulaire poreuse et laisse pénétrer des molécules cytotoxiques (granzymes en magenta) qui déclenchent la mort cellulaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pdb101.rcsb.org/motm/214">David Goodsell/Protein Database</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais malgré les améliorations continues des techniques de synthèse, les capacités de lecture de l’ADN restent aujourd’hui très supérieures aux capacités d’écriture (en termes de temps requis par échantillon, nombre d’échantillons étudiés en même temps, analyse des résultats et automatisation).</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">synthèse de l’ADN</a> figure parmi les étapes les plus contraignantes de l’étude du vivant, limitée par les taux d’erreur (qui augmentent avec la taille de l’ADN à synthétiser) et les difficultés d’assemblage des fragments pour la synthèse de génomes complets.</p>
<h2>Comment a-t-on appris à synthétiser de l’ADN</h2>
<p>Suite à la découverte de la structure chimique de l’ADN, les chercheurs se sont intéressés à synthétiser de l’ADN au laboratoire : il s’agit de préparer les nucléotides à partir de leurs ingrédients, puis de les assembler.</p>
<p>La génomique synthétique est née avec le premier « dinucléotide » synthétisé au laboratoire en 1955. Ensuite, en 1963, <a href="https://theconversation.com/har-gobind-khorana-the-chemist-who-cracked-dnas-code-and-made-the-first-artificial-gene-was-born-into-poverty-100-years-ago-in-an-indian-village-178390">H. Gobind Khorana</a> et son équipe ont synthétisé un ADN bicaténaire beaucoup plus long de 77 « paires de bases » (les bases azotées vont par deux : une sur chaque brin de la double hélice).</p>
<p>Les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fbioe.2019.00086/full">techniques de synthèse</a> se sont progressivement améliorées dans les décennies qui ont suivi, mais sont restées limitées en termes de longueur de chaîne, de qualité et de rendement, en raison de réactions instables qui généraient des séquences ramifiées, tronquées ou mutées, c’est-à-dire des molécules non conformes à la structure en double hélice, qui assure que l’ADN est fonctionnel.</p>
<p>Au début des années 80, un étudiant de Khorana, Marvin Caruthers, a introduit des réactifs plus efficaces, les phosphoramidites, et a ainsi révolutionné la synthèse de l’ADN. Cette synthèse comprend quatre étapes et aboutit à l’addition d’un seul nucléotide au brin d’ADN, qui croît en étant fixé à un support solide (du verre ou du polystyrène par exemple). Cette méthode a été encore améliorée grâce à différents supports, puis automatisée, ce qui a permis de réduire le temps de synthèse.</p>
<h2>Comment fabrique-t-on aujourd’hui de l’ADN ?</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses versions modifiées des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-22945-z">phosphoramidites</a> ont vu le jour, avec des propriétés optimisées pour des synthèses d’ADN spécifiques.</p>
<p>La chimie des phosphoramidites reste la méthode de référence pour la fabrication d’ADN, utilisée dans l’industrie depuis près de 40 ans avec une efficacité aujourd’hui supérieure à 99 % et une rapidité de synthèse de quelques minutes. Sa simplicité et sa haute efficacité permettent de synthétiser de grandes longueurs de séquences, jusqu’à 200 paires de bases, dont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">l’assemblage aboutit à la construction d’ADN encore plus grands</a>, pour produire des gènes simples jusqu’à des génomes synthétiques entiers, tel que le génome de la levure de boulanger, <em>Saccharomyces cerevisiae</em>.</p>
<p>Si la chimie des phosphoramidites résiste à l’épreuve du temps, elle a des limites techniques. Par exemple, des erreurs peuvent se produire lors de synthèses successives résultant de réactions secondaires, comme des couplages incomplets, quand la liaison entre nucléotides complémentaires ne se produit pas, ou des incorporations erronées, par exemple un G au lieu d’un A.</p>
<h2>Fabriquer de l’ADN, demain</h2>
<p>Nous devons être conscients que les capacités de synthèse de l’ADN disponibles aujourd’hui ont pris beaucoup de retard par rapport aux progrès réalisés dans le domaine du séquençage de l’ADN. Les technologies actuelles de fabrication de l’ADN ne sont pas suffisamment mûres pour permettre l’ingénierie pratique et économique de génomes de grande taille.</p>
<p>Des efforts interdisciplinaires continus sont déployés pour utiliser de nouvelles chimies et stratégies pour synthétiser de l’ADN et assembler des gènes. De nouvelles stratégies inspirées des systèmes biologiques émergent mais pour l’instant, aucune technologie ne permet d’accéder à des séquences aussi grandes que celles trouvées dans la nature.</p>
<p>Les défis techniques actuels concernent l’assemblage de régions de la chaîne d’ADN qui sont hautement répétitives ou complexes. Quand ces verrous techniques seront surmontés, avec des stratégies de synthèse plus optimales, de nouvelles perspectives s’ouvriront pour résoudre les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés en matière de ressources, d’énergie, de santé et d’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amina Ben Abla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis la découverte de la double hélice, on a appris à lire, modifier et écrire l’ADN – jusqu’à créer des génomes nouveaux.
Amina Ben Abla, Enseignante Chercheure en Biologie Moléculaire, École de Biologie Industrielle (EBI)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/191606
2022-10-09T15:20:25Z
2022-10-09T15:20:25Z
Insuffisance cardiaque avancée : vers de nouvelles solutions
<p>David Bennet, 57 ans, atteint d’insuffisance cardiaque au stade terminal, a <a href="https://www.leparisien.fr/international/david-benett-premier-homme-greffe-avec-un-coeur-de-porc-est-decede-deux-mois-apres-loperation-09-03-2022-WDAZ5XYUVJFDBEVG267J6ELSUU.php">(sur)vécu deux mois début 2022</a> avec un cœur de porc génétiquement modifié. <a href="https://theconversation.com/greffe-dun-coeur-de-porc-chez-un-patient-ce-que-pourraient-changer-les-xenotransplantations-175234">Pour la première fois</a>, une xénogreffe (le greffon est prélevé chez un donneur d’une autre espèce biologique que celle du receveur) du cœur n’était pas immédiatement rejetée.</p>
<p>Cette réussite inédite est porteuse d’espoir car, lorsqu’elle atteint un stade avancé, l’insuffisance cardiaque laisse très peu d’espoir au patient dont le pronostic vital est engagé dans l’année. Quelles pistes et quelles innovations existent aujourd’hui pour faire reculer une maladie qui touche <a href="https://www.ameli.fr/gironde/assure/sante/themes/insuffisance-cardiaque/definition-causes#text_38368">2,3 % de la population adulte française et 10 % des plus de 70 ans</a> ?</p>
<h2>Insuffisance cardiaque (IC) et insuffisance cardiaque avancée (ICA)</h2>
<p>Le cœur est un muscle creux agissant comme une pompe : il se remplit du sang conduit par les veines (relaxation) qu’il éjecte ensuite vers les artères (contraction). Vitale par excellence, sa fonction est d’assurer le débit sanguin nécessaire pour apporter, à l’ensemble des cellules de l’organisme, l’oxygène et les nutriments dont elles ont besoin.</p>
<p>On parle d’<a href="https://theconversation.com/insuffisance-cardiaque-comment-la-prevenir-comment-la-traiter-170822">insuffisance cardiaque</a> lorsque ce débit est trop faible ou obtenu au prix d’une augmentation anormale de la pression de remplissage du cœur. Il en découle un ensemble de symptômes et de signes cliniques particulièrement invalidants. Les principales causes sont la maladie coronarienne (infarctus du myocarde), la myocardiopathie (dite dilatée kynopinétique idiopathique), l’hypertension artérielle et les valvulopathies.</p>
<p>Cette maladie est fréquente : en France, le nombre de patients dépasse le million et les décès sont estimés à 70 000 par an. Du fait du cours évolutif de l’insuffisance cardiaque, les patients nécessitent des hospitalisations fréquentes (environ 150 000 hospitalisations par an en France). Surtout, on ne guérit pas de l’insuffisance cardiaque… Environ 50 % des patients meurent dans les trois années qui suivent le diagnostic.</p>
<p>L’insuffisance cardiaque est qualifiée d’avancée lorsque les symptômes sont tels qu’ils empêchent désormais le patient d’accomplir le moindre effort (s’habiller, faire sa toilette, marcher quelques mètres en terrain plat, etc.). À ce stade, le traitement médicamenteux est mis en échec. Seule solution : la greffe cardiaque ou, faute de mieux, l’implantation d’un dispositif mécanique d’assistance de longue durée. Selon les données de l’agence biomédecine, en France et en 2020, l’âge moyen des patients au moment de leur transplantation était de 46 ans.</p>
<h2>Les limites de la transplantation cardiaque</h2>
<p>La transplantation est aujourd’hui le traitement de référence de l’ICA. On peut considérer que ses <a href="https://academic.oup.com/eurheartj/article/42/36/3599/6358045">résultats sont bons</a>. En effet, la survie à un an après l’opération est d’environ 90 % et la qualité de vie des patients est profondément améliorée. Néanmoins, la possibilité de proposer une greffe cardiaque se heurte à de nombreuses limites.</p>
<p>En premier lieu, la pénurie de greffons. Il y a approximativement, en France, deux patients en attente pour un greffon. <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/organes/03-coeur/synthese.htm">15 % décèdent dans l’année faute de greffons</a>. Autres limites, les comorbidités : certaines maladies pulmonaires, une obésité morbide ou des atteintes sévères d’autres organes comme le foie ou le rein. Toutes augmentent le risque d’échec de la greffe ou d’incompatibilité avec le traitement immunosuppresseur que devra prendre le transplanté.</p>
<p><a href="https://www.jhltonline.org/article/S1053-2498(15)01484-9/fulltext">D’autres facteurs, qui ne vont pas sans poser des questions éthiques</a> très délicates, s’opposent fréquemment à la transplantation : les conduites addictives du receveur (tabagisme actif ou consommation excessive d’alcool par exemple) et les « conditions psychosociales » susceptibles de compromettre un suivi optimal du patient après la transplantation.</p>
<p>Enfin, et de manière très brutale, l’âge entre également en ligne de compte : il est communément accepté, en France, de ne pas transplanter au-delà de l’âge de 65 ou 70 ans. Le greffon cardiaque étant une ressource particulièrement rare, il faut, dans une démarche utilitariste, gérer sa pénurie en favorisant l’accès aux patients les plus graves, les plus stables psychologiquement, les plus disciplinés (on parle de compliance) et dont l’insuffisance cardiaque est, idéalement, le seul problème.</p>
<p>Pallier ces limites et maintenir en vie les patients en attente d’un greffon ont été le moteur de recherches visant à développer les dispositifs médicaux que sont le cœur artificiel total et les dispositifs d’assistance cardiaque de longue durée. Leur finalité ? Remplacer le cœur défaillant ou l’assister « mécaniquement ».</p>
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<h2>Les dispositifs médicaux : une solution « faute de mieux » ?</h2>
<p>En l’état de son développement par la société française CarMat, le cœur artificiel total fait encore face à de <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/carmat-bondit-la-production-de-son-coeur-artificiel-va-reprendre-2009547.php">nombreux aléas quant à sa mise sur le marché</a>. En revanche, les <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-07/rapport_sur_les_dispositifs_dassistance_circulatoire_mecanique.pdf">Dispositifs d’assistance circulatoire mécanique (DACM)</a> longue durée sont une réalité.</p>
<p>À l’heure actuelle, le recours à ces dispositifs n’est envisagé que pour les cas les plus graves lorsqu’aucune autre solution n’est envisageable. Le marché est actuellement dominé par Abbott, avec le <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1800866">HeartMate 3TM</a>, une mini turbine, implantée dans le thorax, qui aspire le sang du ventricule gauche du cœur et l’éjecte dans l’aorte ascendante.</p>
<p>Contrairement au cœur qui génère un débit pulsatile, cette pompe génère un débit « non physiologique » en continu. Sa turbine est connectée, via un câble s’abouchant à la peau de l’abdomen, à un « contrôleur » (permettant d’afficher les paramètres) et à une batterie que le patient porte à la ceinture.</p>
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<img alt="Ces dispositifs sont branchés sur le cœur tout en étant reliés à des dispositifs externes" src="https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un dispositif d’assistance mécanique est une pompe qui assure un débit sanguin continu. Elle est alimentée par une batterie extérieure (les deux étant reliées par un câble).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Madhero88</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Même si les patients appareillés retrouvent une qualité de vie ambulatoire acceptable, ils sont soumis à des contraintes fortes liées à la bonne utilisation des batteries et à des conditions d’hygiène très rigoureuses. Malgré ces précautions, des complications infectieuses surviennent chez 58 % d’entre eux.</p>
<p>Et d’<a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-608/options-therapeutiquesdans-l-insuffisance-cardiaque-avancee-place-de-l-assistance-ventriculaire-gauche-permanente-lvad">autres complications sont susceptibles de survenir dans les deux ans</a> suivant l’implantation : notamment des thromboses liées à la formation de caillots sanguins (15,7 % des patients avec HeartMate 2, 1,1 % pour le HeartMate 3) et saignements digestifs (pour partie conséquence du caractère continu du débit ; 33,1 % des patients équipés d’un HeartMate 3, 39,1 % pour le HeartMate 2).</p>
<p>Globalement toutefois, la vie des patients appareillés est transformée et, deux années après l’implantation, près de 75 % d’entre eux sont vivants et n’ont pas présenté d’accident thromboembolique avec séquelle et/ou de dysfonctionnement de la pompe. Ces résultats sont proches de ceux de la greffe.</p>
<h2>Vers une nouvelle génération de dispositifs médicaux ?</h2>
<p>Le DACM est aujourd’hui une solution acceptable… en partie parce qu’elle est la seule pour les patients non éligibles à la transplantation ou dont la sévérité de la maladie ne leur permet pas d’attendre (risque de mort ou d’altération d’autres organes). Mais il n’est pas pleinement satisfaisant.</p>
<p>La recherche se mobilise pour innover afin d’améliorer la qualité et l’espérance de vie des personnes concernées – on parle de balance bénéfice-risque. Les chiffres l’ont rappelé en introduction, il y a aussi un grand développement possible. Avec des dispositifs moins invasifs et des interventions chirurgicales moins lourdes, on pourrait en effet espérer un élargissement de la patientèle éligible.</p>
<p>De nombreuses start-up travaillent à faire évoluer les dispositifs disponibles. Se débarrasser du câble reliant le dispositif (interne) à la batterie (externe) est l’un des principaux moteurs de cette course à l’innovation. Parmi les avancées majeures ces dernières années, la quête d’un système rechargeable par « TET » (<em>Transcutaneous Energy Transfer</em>). Comprenez un rechargement par induction à travers la peau, donc sans fil, sur laquelle se positionnent des Abbott et Medtronic (leaders sur le marché) mais également des jeunes pousses comme Leviticus (Israël), <a href="https://www.dicardiology.com/article/effectively-treating-heart-failure-new-technology-horizon">FineHeart (start-up française)</a> ou Syntach (Suède).</p>
<p>L’utilisation de la recharge par transfert d’énergie transcutanée requiert cependant de concevoir des dispositifs consommant beaucoup moins d’énergie que le HeartMate 3. Apparaît alors une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31201005/">piste d’amélioration complémentaire</a> explorée par certaines start-up (CorWave et FineHeart en France, Nuheart en Norvège) : préserver l’aspect physiologique (le débit pulsatile) de la pompe.</p>
<p>En effet, le débit pulsatile permettrait de réduire la consommation d’énergie de la pompe, et donc la taille des batteries et des dispositifs. La miniaturisation pourrait en outre avoir un impact positif sur l’éligibilité des patients, le type d’intervention chirurgicale (pas d’ouverture du thorax) et sur le système de chargement car le TET deviendrait une réalité.</p>
<p>Sans compter que réussir à restituer un débit plus naturel permettrait également une réduction des effets indésirables et une forme de rééducation du cœur malade.</p>
<h2>Les biotechs, un nouvel espoir ?</h2>
<p>10 000 transplantations cardiaques ont lieu chaque année dans le monde alors qu’on recense deux millions de personnes atteintes d’ICA rien que pour l’Europe et les États-Unis. L’alternative à la transplantation que représentent les DACM est nécessaire, mais en l’état les solutions proposées ne sont pas encore pleinement satisfaisantes.</p>
<p>Face à la pénurie de greffons, à l’incertitude des xénogreffes et aux limites des DACM, une autre piste semble s’ouvrir, celle des biotechnologies – avec utilisation ou modification de matériaux vivants pour développer des traitements. La thérapie cellulaire consiste par exemple à insérer dans le cœur du patient atteint d’IC des cellules pouvant se différencier en cellules cardiaques afin de compenser le déficit présent.</p>
<p>Les principaux acteurs à l’œuvre sont pour l’heure des organismes publics de recherche. Si la technique est prometteuse, il faudra encore quelques années pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8080540/">trouver une solution optimale visant à régénérer les cellules cardiaques</a>.</p>
<p>Mais à l’avenir, cette approche pourrait révolutionner les traitements de l’ICA : en plus d’augmenter l’éligibilité des patients, cette thérapie pourrait permettre une prise en charge de l’insuffisance cardiaque à des stades plus précoces, évitant l’évolution de la pathologie vers le stade avancé. Certaines start-up (CellProthera, Cardio3 BioScience par exemple) se positionnent d’ores et déjà sur le secteur. Affaire à suivre donc…</p>
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<p><em>Robin Pointet, étudiant du Master Intelligence économique de l’université de Bordeaux, a également contribué à la conception et à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’insuffisance cardiaque touche 2,3 % de la population française et, à un stade avancé, son issue est mortelle. Greffe, dispositif artificiel, biotechnologie… Où en sont les pistes de traitement ?
Marie Coris, Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire GREThA, Université de Bordeaux
Pierre Dos Santos, Professeur des Universités en physiologie à l'Université de Bordeaux et Praticien Hospitalier en Cardiologie au CHU, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/153262
2021-07-25T16:39:02Z
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Bioplastiques, alimentaire, cosmétiques ou médicaments – les 1001 ressources des algues
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408665/original/file-20210628-23-aay94g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C30%2C5113%2C3825&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Culture et collecte d’algues en Corée du Sud.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les végétaux, terrestres ou marins, captent le gaz carbonique et accumulent des réserves d’énergie sous forme d’huiles et de sucres pour assurer leur survie dans toutes les situations. La biotechnologie permet aujourd’hui d’accéder et exploiter ces réserves, dites « biomasses », pour pallier à la problématique de la diminution des réserves fossiles et leurs transformations par l’industrie chimique. Parmi ces réserves, la biomasse algale représente un potentiel largement sous-exploité dans le monde.</p>
<p>Les grandes algues marines que l’on retrouve sur nos côtes sont appelées macroalgues, par opposition aux micro-algues, invisibles à l’œil nu, qui ne sont constituées que d’une cellule. L’exploitation de ces macroalgues ne date pas d’aujourd’hui. Les premières consommations d’algues datent de près de 17 000 ans, <a href="https://www.researchgate.net/publication/5383160_Monte_Verde_Seaweed_Food_Medicine_and_the_Peopling_of_South_America">selon des fouilles archéologiques</a>.</p>
<p>Les macroalgues sont cultivées en Asie et sont plutôt collectées en Europe, plus particulièrement en Bretagne, Irlande et Norvège. Depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle et l’ère de l’industrialisation, des grands groupes, comme Cargill Food Ingredients, Dupont/Danisco ou CP Kelco, relayés aujourd’hui par des PME, mettent en place l’extraction des fibres d’algues, les polysaccharides. Ces grosses molécules sont les gélifiants des macroalgues, et sont à la base de nombreux ingrédients texturants, aussi appelés hydro-colloïdes, et utilisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi, nos yaourts, flans et dentifrices, ainsi que de centaines d’autres produits contiennent des sels d’alginate (E401-405) ou des carraghénanes (E407), qui créent ou améliorent leur consistance. Dans ces procédés d’extraction chimique, seuls 30 à 40 % de la masse sèche de l’algue sont extraits et utilisés, le reste est très peu valorisé ou part à la poubelle.</p>
<h2>Des points communs avec les composants de la peau et des muqueuses</h2>
<p>Brune, rouge ou verte, les fibres présentes dans ces différentes familles de macroalgues, avec des compositions et structures chimiques originales et très variées, présentent bien d’autres vertus que leur caractère gélifiant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture de Saccharina latissima, ou kombu royal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est leur caractéristique d’être hautement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sulfate">sulfatées</a> qui les rend particulièrement intéressantes, car elles ont ce point commun avec les composantes glucidiques des animaux, par exemple ceux trouvés dans les muqueuses ou dans la peau. Les groupements sulfates sur les polysaccharides leur confèrent une résistance à des environnements riches en sels, et leur permettent de mieux capter et retenir de l’eau et des ions.</p>
<p>Cette propriété est évidemment recherchée en cosmétique. Mais les molécules sulfatées jouent également un rôle clé dans de nombreux processus de défense (l’attaque par un pathogène) ou de signalisation (donner le « mot d’ordre » de communication de cellule à cellule). Ainsi, la similitude avec des molécules donnant des signaux d’alerte chez les animaux, mais également chez les plantes, fait des polysaccharides sulfatés des molécules intéressantes pour stimuler les réactions de défense. Par exemple la laminarine, polysaccharide de stockage chez les algues brunes, est commercialisée sous le nom de « Iodus 40 », utilisable en plein champ, et qui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC59202/">peut remplacer</a> une partie des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC527195/">traitements par des insecticides</a>.</p>
<h2>Mangez des algues pour leur valeur nutritionnelle</h2>
<p>Les algues sont extrêmement diverses : il en existe plus de 72 000 espèces, réparties dans 3 lignées différentes. Leur composition biochimique peut ainsi varier énormément d’une espèce à l’autre. Certaines algues sont très riches en protéines et ont ainsi la vertu de remplacer et apporter les protéines nutritives de viandes. Cette richesse en protéines permet potentiellement aussi la disponibilité de <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf502420h">« peptides bioactifs »</a> – de petits morceaux de protéines pouvant être bénéfiques pour la santé animale et humaine, dû à leur activité antimicrobienne, par exemple. D’autres algues regorgent d’oligo-éléments comme le zinc, le sélénium, ou encore de vitamines essentielles, comme la vitamine B12 que l’on se procure aussi par la <a href="https://ciqual.anses.fr/">consommation de viande</a>. Toutes sont particulièrement riches en minéraux et d’autres éléments rares comme l’iode, mais aussi en fibres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rayon de supermarché en Corée du Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces fibres sont en fait composées des gélifiants alimentaires mentionnés plus haut ainsi que d’autres chaînes de sucres complexes, qui composent la majorité du poids sec des algues et en particulier de leur paroi cellulaire. Seule une infime partie de ces « sucres » ou polysaccharides <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2010/09/medsci20102610p811/medsci20102610p811.html">est réellement digérée</a>. Les algues sont donc une source intéressante de fibres alimentaires, mais aussi de <a href="https://www.mdpi.com/2076-3921/8/9/406/htm">composés prébiotiques</a>, issus de ces fibres, qui favorisent un bon équilibre du microbiote intestinal – ce que l’on appelait auparavant la « flore intestinale ».</p>
<p>Pas tellement riches en lipides, elles sont en général constituées de « bon gras », c’est-à-dire notamment des acides gras mono – et polyinsaturés, comme les fameux oméga-3 et -6, par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">Acides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?</a>
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<p>Les algues sont aussi des organismes photosynthétiques : comme les plantes terrestres, elles utilisent l’énergie du soleil pour leur croissance. Pour cela elles ont besoin de molécules spéciales, les pigments, dont la chlorophylle fait partie. Les algues contiennent donc de la chlorophylle, mais également d’autres types de pigments, comme la phycoérythrine que l’on trouve chez les algues rouges, ou la fucoxanthine chez les algues brunes. Ces pigments, ainsi que certains composés phénoliques, qui sont des composés algaux proches des <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/les-gouts-et-les-couleurs-du-monde">tannins, comme ceux trouvés dans le vin ou le thé</a>, sont des <a href="https://www.mdpi.com/1660-3397/18/8/384/htm">antioxydants avérés</a>.</p>
<p>Les algues représentent ainsi des alternatives intéressantes pour apporter de nombreux éléments essentiels pour notre santé, sans pour autant apporter trop de sucres, en dépit de leur composition majoritairement constituée de ces derniers.</p>
<h2>Comment extraire ces molécules des algues ?</h2>
<p>Dans le domaine des macroalgues, la biotechnologie permet d’avoir accès à des molécules difficiles à extraire ou à produire. En effet, les cellules d’algues sont protégées par une paroi épaisse constituée de plusieurs types de molécules complexes, qui représentent une réserve de carbone, la biomasse.</p>
<p>Les enzymes, de petits ciseaux moléculaires que l’on peut produire par la biotechnologie permettent de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25136767/">découper spécifiquement certains composants de la paroi des algues</a>. En effet, les microorganismes, bactéries et champignons, vivant en association avec les macroalgues en tirent leur besoin en carbone pour la génération d’énergie. Pour ce faire, ils sont équipés d’outils spécifiques, les enzymes, permettant de décomposer les chaînes de sucres complexes en briques unitaires (l’hydrolyse enzymatique), sans pour autant en détruire leur spécificité ou originalité, et qui sont facilement assimilables par les microorganismes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LuPncHturjc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Hydrolyse des glucides. Source : Dave Bélanger, Cégeps.</span></figcaption>
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<p>Appliquée à la biotechnologie, l’utilisation des mêmes outils, les enzymes, permettra d’améliorer l’extraction de certaines molécules d’intérêt, et aussi d’obtenir des fragments originaires des gros polymères, plus actifs, car plus assimilable par les organismes. Ces molécules d’intérêt seront également plus faciles à produire de manière standardisée, grâce aux « ciseaux spécifiques » que sont les enzymes, et en contraste avec le découpage hasardeux en extraction chimique, comme cela est nécessaire pour l’industrie pharmaceutique par exemple.</p>
<p>Coûteuse, car nécessitant également la production des enzymes, l’hydrolyse enzymatique présente cependant une façon proche du naturel de <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/agrocarburants-biocarburants-recherche-enzyme-12515.php4">décomposer cette biomasse précieuse et riche en éléments exploitables</a>. En effet, l’hydrolyse enzymatique se fait en milieu neutre et à température ambiante. De plus, une enzyme spécifique ne dégrade qu’une composante en laissant intacte tous les autres, et ceux-ci peuvent ainsi également être valorisés, avec des étapes successives – c’est le principe de la « biorafinerie »). Enfin, l’utilisation d’une enzyme dégradant une composante peut faciliter l’extraction d’une deuxième composante de façon plus efficace ou plus rentable.</p>
<p>Ainsi, des chercheurs de l’Académie des Sciences de Chine ont récemment publié des travaux démontrant l’action de petits sucres extraits d’algues brunes, et de l’alginate en particulier, <a href="https://www.nature.com/articles/s41422-019-0216-x">sur les stades précoces de la maladie d’Alzheimer chez la souris</a>. D’après cette étude, des sucres issus des algues rééquilibrent des désordres du microbiote intestinal (dérèglement maladif, appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dysbiose">« dysbiose »</a>), ce qui a pour effet de diminuer la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27814521/">neuroinflammation subie dans le cerveau</a> et impliquée dans le déclenchement de la maladie.</p>
<h2>Les algues regorgent de composants intéressants pour les matériaux de demain</h2>
<p>Souples et solides à la fois, les algues ont parfois un aspect qui rappelle celui du plastique. De fait, les composants de leur paroi ont bien des points communs, mécaniquement parlant, avec le plastique. À Saint-Malo, l’entreprise Algopack a conçu un matériau plastique fabriqué à 100 % à base d’algues, une première mondiale. Pour sa production, les déchets de l’industrie des algues peuvent être utilisés, ainsi que des algues cultivées localement. Mais cela fonctionne également avec la biomasse constituée par les algues prolifératives qui envahissent les côtes caraïbéennes par exemple. En fin de vie, les objets fabriqués avec ce plastique sont compostables : enfouis directement dans le jardin, ils pourront fertiliser le potager.</p>
<p>Enfin, les algues vertes comme la laitue de mer (algue appartenant au genre Ulva et à la base des marées vertes) produisent une petite molécule, l’« acide acrylique », bien connue des fabricants de plastiques, vernis, peintures et colles. À l’heure actuelle, l’acide acrylique est un dérivé de pétrole. Bien que les quantités produites par les algues soient pour le moment beaucoup trop faibles pour répondre aux besoins croissants du marché (<a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cargill-ifpen-et-axens-sassocient-domaine-chimie-biosourcee#">plus de 6 millions de tonnes en 2020</a>), les techniques d’extraction pourraient s’améliorer avec l’utilisation des enzymes, et les mécanismes qu’utilise l’algue pour le produire (la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biosynth%C3%A8se">« biosynthèse »</a>) commencent à être décryptés. Ces avancées pourraient dans le futur ouvrir la voie à des procédés propres de synthèse de l’acide acrylique grâce à la biotechnologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les macroalgues sont une fantastique ressource, très versatile et largement sous-exploitée. D’où viennent leurs propriétés et comment les utilise-t-on ?
Mirjam Czjzek, Directrice de recherche CNRS, équipe de glycobiologie marine, Station biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Diane Jouanneau, Ingénieure de recherche CNRS, Station Biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Philippe Potin, Directeur de recherche CNRS, Station biologique de Roscoff, Sorbonne Université
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2021-06-02T18:10:33Z
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L’avenir de la créativité musicale sera-t-il artificiel ?
<p>Au sein de nos sociétés profondément impactées par les avancées technologiques, il semble que l’espace créatif tende également à se développer en harmonie avec ces progrès. Plus particulièrement, l’exploitation de l’intelligence artificielle s’intensifie et son utilisation s’immisce dans toutes les sphères artistiques. Et pourtant, bien que l’IA soit par définition un algorithme capable de résoudre des tâches relevant de l’intelligence humaine, le succès de son utilisation – quel que soit son domaine d’étude – repose sur une formalisation rigoureuse du problème traité ainsi qu’une définition claire des objectifs.</p>
<p>À ce titre, il semble légitime de se demander dans quelle mesure il est possible de <a href="https://arxiv.org/pdf/2008.05959.pdf">conjuguer créativité et intelligence artificielle</a>. Peut-on élaborer une forme de créativité artificielle ? Si oui, quelles en sont ses limites ? Face à l’automatisation massive qui n’épargne aucun domaine des arts, quelle place conserve l’originalité ? Dans le secteur de la musique, quels outils futurs reposant sur l’IA peut-on concevoir ? Quels pourraient alors être les instruments de demain ?</p>
<h2>La place de l’intelligence artificielle à l’ère de l’art digital</h2>
<p>L’émergence de l’intelligence artificielle dans le domaine artistique est considérablement corrélée au développement des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=G06dEcZ-QTg">modèles génératifs</a> : ceux-ci sont capables de synthétiser de nouvelles données grâce à l’apprentissage de régularités qui se manifestent au sein d’un ensemble de données.</p>
<p>Par exemple, dans le domaine de l’image, une IA est aujourd’hui capable de créer un visage artificiel en apprenant toutes les caractéristiques nécessaires à sa construction réaliste, des éléments majeurs – tels que le nez ou la bouche – <a href="https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?tp=&arnumber=8667290">aux détails les plus infimes</a> comme les irrégularités de la peau. La performance de génération obtenue est aujourd’hui telle qu’il devient difficile de pouvoir <a href="https://www.whichfaceisreal.com/">distinguer un vrai visage, d’un autre généré artificiellement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lia-prend-la-parole-des-prouesses-aux-dangers-153495">Quand l’IA prend la parole : des prouesses aux dangers</a>
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<p>Outre la prouesse d’un résultat prodigieusement réaliste, <a href="https://www.christies.com/features/A-collaboration-between-two-artists-one-human-one-a-machine-9332-1.aspx">certains artistes</a> se sont empressés de qualifier les productions de ces modèles génératifs d’« œuvres », poussant l’idée jusqu’à sa commercialisation. Le domaine de la musique est également touché par ce mouvement : la <a href="https://magenta.tensorflow.org/music-transformer">génération de contenu musical par une IA</a> est possible dans tous les genres musicaux et elle est largement <a href="https://www.aiva.ai/">exploitée</a> par les artistes.</p>
<h2>Quelle est alors la contribution de l’artiste dans ce genre processus créatif ?</h2>
<p>La notion de créativité demeure intrinsèquement liée à notre nature humaine et elle en est même une composante essentielle pour notre développement. Bien que ces algorithmes soient capables de générer un résultat qualifié de « créatif », peut-on pour autant leur attribuer cette qualité ?</p>
<p>D’une part, en considérant que l’IA s’appuie sur des données existantes, la notion de nouveauté de l’œuvre est largement restreinte. Ce biais cantonne d’ailleurs l’IA à produire des résultats normés représentatifs des bases de données utilisées, <a href="https://fr.unesco.org/artificial-intelligence/ethics/cas">parfois initiateurs de conflits éthiques</a>. Les algorithmes de reconnaissance faciale, par exemple, sont souvent accusés de biais raciaux, sexistes ou culturels en fonction des majorités prédominantes dans la base de données.</p>
<p>D’autre part, l’IA est entièrement dépourvue d’une capacité de jugement, et son incapacité à apprécier qualitativement un résultat artistique, et notamment ses propres créations, la relègue inévitablement à une condition d’outil.</p>
<p>La puissance et la rapidité de calcul d’une IA ne sont pas suffisantes pour supplanter l’humanité dans toutes les formes de tâches cognitives, et notamment concernant certains pans indissociables de la créativité. L’homme reste <em>de facto</em> indispensable.</p>
<p>C’est dans cette perspective que la réflexion se porte davantage sur une instrumentalisation de l’IA : plutôt que la génération d’un résultat inévitablement limité, ne pourrait-elle pas être un outil puissant au service du processus créatif ? S’engager dans la voie d’une co-créativité, à travers le développement d’instruments intelligents et de nouvelles manières de créer, présage vraisemblablement d’une évolution intéressante de la créativité, encore inexplorée, mais néanmoins respectueuse de l’expression artistique.</p>
<h2>Conception d’outils créatifs intelligents</h2>
<p>L’essence des travaux effectués au sein du laboratoire <a href="https://acids.ircam.fr/">ACIDS</a> (Artificial Creative Intelligence and Data Science) de l’<a href="https://www.ircam.fr/">Ircam</a> consiste à imaginer et concevoir de nouveaux outils et instruments de musique grâce à l’utilisation d’une IA créative. Ils permettraient notamment d’aider le musicien dans <a href="https://www.lepoint.fr/culture/au-festival-de-l-ircam-les-robots-peuvent-vous-surprendre-06-06-2018-2224540_3.php">ses compositions</a> ou <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/3022635">ses improvisations</a> en lui fournissant de nouveaux moyens d’expression et une manière novatrice de penser la musique. Si les <a href="https://www.izotope.com/en/products/ozone.html">logiciels de musique</a> ou <a href="https://acids-ircam.github.io/flow_synthesizer/">autres outils informatiques</a> d’aide à la création utilisant l’IA sont nombreux, la lutherie numérique basée sur celle-ci, elle, est rare.</p>
<p>Pourtant, le développement d’instruments matériels est une composante essentielle de la créativité : l’inscription corporelle joue un rôle majeur dans le processus cognitif, notamment lors de l’improvisation ou lors de la coordination pendant des actions collectives.</p>
<h2>Les obstacles au développement d’une l’IA musicale</h2>
<p>Malheureusement, l’inconvénient incontestable des modèles d’IA se trouve dans leur complexité extrême, qui occasionne d’énormes coûts de calcul et un temps de génération important. Cette voracité en ressources entraîne la nécessité d’utiliser un matériel informatique particulier, tels que des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Processeur_graphique">processeurs graphiques</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403554/original/file-20210531-27-dmkt06.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Synthétiseur modulaire analogique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/aVOACNd1cc0">Ryunosuke Kikuno/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par conséquent, de nombreuses perspectives sont encore inaccessibles et en particulier dans le domaine de l’audio. Cette énorme consommation et le traitement de données colossal sont un obstacle majeur à l’utilisation de ces modèles génératifs en temps réel à l’image des instruments traditionnels. Ces mêmes limites affectent également le déploiement sur une architecture à mémoire contrainte comme les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raspberry_Pi">nano-ordinateurs</a>, qui sont largement utilisés dans la construction des instruments de musique électronique.</p>
<p>La problématique actuelle consiste donc à réduire la complexité des algorithmes d’IA pour qu’ils soient en capacité de fonctionner sur des instruments « stand alone », c’est-à-dire indépendamment de la puissance d’un ordinateur. Si de nombreuses techniques de réduction existent, seule l’une d’entre elles a réellement porté ses fruits dans le <a href="https://arxiv.org/abs/2007.16170">cadre d’une application musicale</a> et elle nécessite encore de nombreux perfectionnements.</p>
<p>Le premier objectif atteint a permis de suffisamment réduire la complexité des algorithmes d’IA sans pour autant leur faire perdre en qualité de génération musicale. Une fois cette étape passée, il s’agit ensuite de s’attaquer à la notion de contrôle et de jouabilité de l’instrument, notamment à travers la construction d’une interface adéquate. Pour l’instant, notre équipe s’intéresse au développement d’un module de synthèse répondant à la norme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Eurorack">Eurorack</a>, ce qui permettrait à notre « instrument intelligent » d’être inséré dans tous les synthétiseurs modulaires et d’interagir avec les autres modules existants des musiciens.</p>
<p>Les possibilités qu’offre la génération musicale grâce à l’IA sont vastes : nouveaux timbres et sonorités, contrôles musicaux inédits, procédés de compositions encore inexplorés. Si la commercialisation de tels instruments n’est pas encore envisageable, il est quand même probable qu’ils incarnent un jour le renouveau de la créativité musicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157443/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ninon Devis a reçu des financements de SCAI (Sorbonne Center for Artificial Intelligence). </span></em></p>
L’IA pourrait-elle jouer un rôle dans la créativité des musiciens, en leur fournissant par exemple des instruments de musique issus d’une « lutherie numérique » ?
Ninon Devis, Doctorante à l'IRCAM et au Sorbonne Center for Artificial Intelligence, Sorbonne Université
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tag:theconversation.com,2011:article/159758
2021-05-04T17:36:28Z
2021-05-04T17:36:28Z
Les « Big Pharma », les start-up et l’innovation : pourquoi Sanofi a perdu la course au vaccin
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397126/original/file-20210426-21-133vql8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C1155%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le groupe Sanofi, 7<sup>e</sup> mondial en termes de revenus annuels en 2019, fait partie des grands laboratoires pharmaceutiques qui n’ont pas encore réussi à mettre au point son propre vaccin.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Joël Saget / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Quelques mois auront suffi pour que le sentiment national en France, la patrie de Pasteur, passe de l’espoir à la fierté, puis à la déception et à l’amertume quant à la découverte d’un vaccin contre la Covid-19. Au printemps 2020, le président de la République Emmanuel Macron <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/macron-arrive-chez-sanofi-lyon-pour-soutenir-la-production-de-vaccins-6870642">comptait publiquement sur Sanofi</a>, première entreprise pharmaceutique française, pour relever le défi.</p>
<p>Presque un an plus tard, ce vaccin n’a toujours pas vu le jour, le développement ayant pris <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/france/emmanuel-macron-le-vaccin-francais-de-sanofi-est-en-train-d-avancer_AV-202104090208.html">plusieurs mois de retard</a>. Le groupe espère désormais pouvoir le lancer à la fin 2021.</p>
<p>En parallèle, des vaccins développés par certaines biotechs, ou start-up du secteur de la santé, ont reçu l’homologation et sont aujourd’hui commercialisés. C’est le cas de celui du laboratoire allemand BioNTech, en collaboration avec le géant Pfizer, ou encore celui de la société américaine Moderna.</p>
<p>En France, notons également les avancées de Valneva, jeune pousse de Saint-Herblain, près de Nantes. Le vaccin est actuellement en phase III, dernière étape avant une demande de mise sur le marché. Les doses devraient d’ailleurs être <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20210203-covid-19-le-royaume-uni-premier-client-du-vaccin-de-la-start-up-fran%C3%A7aise-valneva">réservées au Royaume-Uni</a>, qui a contribué à financer le développement.</p>
<p>Expliquer le retard de Sanofi par une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/01/11/covid-19-le-destin-contrarie-du-vaccin-de-sanofi_6065825_3234.html">erreur opérationnelle lors des essais cliniques</a> de phase II (un dosage insuffisant des antigènes) reste cependant largement insuffisant. L’incapacité de la société face à la Covid a des racines plus profondes. En effet, depuis le début des années 2000 et le <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/directions_services/secteurs-professionnels/etudes/etude-pharma.pdf">déclin du rendement des activités de recherche</a> – notamment sous la pression aussi des actionnaires exigeant davantage de dividendes –, les grands laboratoires pharmaceutiques ont progressivement délégué l’innovation à des entreprises plus petites. Ce qui est en cause, c’est donc le raisonnement stratégique qui domine parmi les « Big Pharma » depuis des années.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397128/original/file-20210426-21-vqav34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait du bilan économique des Entreprises du médicament (LEEM), Édition 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.leem.org/sites/default/files/2020-09/BilanEco2020correc.pdf">Leem.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce raisonnement n’est en effet pas propre à Sanofi : le groupe n’est que <a href="https://www.pharmaceutical-technology.com/features/top-ten-pharma-companies-in-2020/">numéro 7 mondial du secteur</a> en termes de chiffre d’affaires en 2019 avec plus de 40 milliards de dollars, et un seul de ses devanciers, Pfizer (4<sup>e</sup> avec plus de 46 milliards de dollars), a réussi indirectement à se positionner, via sa collaboration avec le laboratoire BioNTech, sur le vaccin anti-Covid. Celui du leader mondial du secteur, l’américain Johnson & Johnson (53,5 milliards de revenus) n’aura rejoint la liste des vaccins homologués qu’en avril, plusieurs mois après le début de la campagne de vaccination mondiale. À titre de comparaison, BioNTech n’avait réalisé que <a href="https://investors.biontech.de/news-releases/news-release-details/biontech-announces-full-year-2020-financial-results-and">108 millions d’euros de chiffre d’affaires</a> en 2019, soit presque 500 fois moins !</p>
<h2>Création et capture de valeur</h2>
<p>Comment expliquer ce raisonnement stratégique qui a conduit à déléguer l’innovation ? Pour le décortiquer, il est nécessaire de modéliser les décisions structurantes d’entreprise à l’aide de deux concepts complémentaires, la <a href="http://tpayne.ba.ttu.edu/Graduate/MGT5391/Lepak2007.pdf"><em>création de valeur</em> et la <em>capture de valeur</em></a>. Une entreprise <em>crée</em> de la valeur lorsqu’elle offre un produit ou un service que des clients achètent. La création de valeur se mesure par ses ventes, son chiffre d’affaires. L’entreprise <em>capture</em> de la valeur lorsque la valeur créée est supérieure aux coûts encourus. La capture de valeur se mesure par le bénéfice de l’entreprise.</p>
<p>Examinons d’abord la création de valeur dans le cas de Sanofi et des Big Pharma confrontées à l’opportunité de développer un vaccin au tout début de l’épidémie il y a un an.</p>
<p>La création de valeur se représente par une équation simple : c’est le nombre de clients multiplié par le nombre de produits vendus à chaque client, multiplié par le prix unitaire de chaque produit, et multiplié par un coefficient de risque.</p>
<blockquote>
<p>Création de valeur = nombre de clients x achats/client x prix unitaire x (1–risque)</p>
</blockquote>
<p>Certes, le premier terme de l’équation était prometteur – virtuellement toute l’humanité adulte. En revanche, les trois autres termes étaient défavorables. Le vaccin contre la Covid ne serait pas un traitement au long cours – deux doses au mieux ; le prix, qui se négocie avec les autorités sanitaires, serait certainement sous pression au nom de l’urgence humanitaire ; le risque, enfin, était élevé : le Covid pouvait régresser spontanément comme le SARS en 2004, finalement sans opportunité d’affaires pour les Big pharma.</p>
<p>La capture de valeur se représente également comme une équation : de la valeur créée à l’étape précédente on soustrait les coûts variables d’une part, les coûts fixes d’autre part, les deux catégories étant affectées d’un coefficient qui correspond au contrôle que l’entreprise peut espérer exercer in fine.</p>
<blockquote>
<p>Capture de valeur = valeur créée – (coûts fixes + coûts variables) x degré de contrôle</p>
</blockquote>
<p>Les coûts variables, ceux associés à la production de chaque vaccin, pouvaient être estimés comme relativement bas. À l’opposé, les coûts fixes étaient nécessairement élevés. Il fallait, pour Sanofi et les autres Big pharma, faire aboutir les recherches en accéléré.</p>
<p>Surtout, le coefficient de contrôle était faible. Les laboratoires pharmaceutiques pouvaient difficilement déterminer a priori si elles disposaient de l’expertise nécessaire, et avaient du mal à savoir comment chiffrer l’investissement. En admettant même qu’elles trouvent une solution cliniquement efficace, la production des vaccins pouvait réserver de nombreuses surprises.</p>
<p>Ces deux équations stratégiques expliquent non seulement pourquoi Sanofi n’a pas encore développé de vaccin, mais aussi la bonne place des start-up dans la course aux vaccins par rapport aux grands laboratoires.</p>
<h2>Quand la start-up devient le produit</h2>
<p>Ces derniers diffèrent largement de l’idée qu’en a le grand public – des firmes qui cherchent et trouvent puis produisent et vendent des médicaments. En réalité, les Big Pharma se concentrent sur la dernière étape, la vente. La production, on le voit avec la Covid, est désormais externalisée dans des pays à faibles salaires.</p>
<p>Quant à la recherche, les labos historiques comme Sanofi n’en font que dans quelques domaines précis, ceux qui promettent le plus de capture de valeur à court terme. Depuis plus de 20 ans, ils n’y investissent que sous une forme indirecte, en l’occurrence le rachat de biotechs.</p>
<p>Le retrait des labos a en effet découvert un champ sur lequel fleurissent de jeunes pousses biotech lancées par des scientifiques, biologistes ou médecins avec parfois le soutien de leurs universités.</p>
<p>Dans ce paysage, les mêmes équations stratégiques de base sont utilisées mais avec des paramètres totalement différents. En particulier, la création et la capture de valeur ne sont pas calculées par les start-up qui cherchent de nouveaux traitements, mais par leurs financiers.</p>
<p>Pour ces fonds de capital-risque qui investissent dans la biotech, le produit n’est pas le médicament, mais la start-up elle-même. Le seul terme important dans l’équation de création de valeur, c’est le prix auquel les financiers pourront la revendre… à une Big Pharma.</p>
<p>Comme leur nom l’indique, les fonds de capital-risque font leur affaire du coefficient de risque ou d’incertitude dans l’équation. Ils orientent les directions de recherche des start-up en fonction des ouvertures dans le portefeuille stratégique de ces clients finaux et n’hésitent pas à fermer les start-up qui ne trouveront pas d’acquéreur.</p>
<p>Les Big Pharma comme Sanofi sous-traitent l’essentiel de leur recherche médicale en entretenant une relation plus ou moins formelle, plus ou moins soutenue, avec un réseau de start-up, dans la perspective d’un rachat éventuel. Dans ce réseautage permanent, il y a des rencontres fortuites et des mariages décidés soudainement sous la pression de l’entourage, comme ceux de BioNTech avec Pfizer, et d’AstraZeneca avec l’Université d’Oxford. Sanofi, pas plus que GSK et Merck, ne se trouvait dans la bonne salle de bal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Giolito ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La stratégie des grands laboratoires pharmaceutiques consistant à déléguer la recherche aux biotechs depuis le début des années 2000 explique notamment leur retard actuel.
Vincent Giolito, Professeur, EM Lyon Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/148687
2020-10-26T22:16:54Z
2020-10-26T22:16:54Z
Covid-19 : une course au vaccin aux lourds enjeux financiers
<p>La course au vaccin fait rage dans le monde et deux sociétés américaines, la société pharmaceutique Pfizer et la société de biotechnologies Moderna, ont annoncé qu’elles pourraient <a href="https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-apres-moderna-pfizer-prepare-aussi-son-vaccin-pour-fin-novembre-16-10-2020-8403531.php">être prêtes</a> pour la fin du mois de novembre 2020.</p>
<p>Le processus de développement d’un vaccin est long et aléatoire. De nombreuses sociétés pharmaceutiques <a href="https://theconversation.com/un-vaccin-contre-la-covid-19-pour-debut-2021-cest-possible-148383">se sont lancées sur cette piste</a> à partir de techniques variées. Plusieurs gouvernements comme celui des États-Unis, de l’Union européenne ou du Japon ont passé de volumineuses précommandes à la fois pour s’assurer de la disponibilité de doses en quantités importantes – dès lors que leur efficacité serait prouvée – et pour en financer le développement et la production accélérés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318654487968534531"}"></div></p>
<p>Si de grandes entreprises pharmaceutiques se sont logiquement <a href="https://www.infovac.ch/fr/les-vaccins/par-maladie/coronavirus-covid-19">positionnées dans la course</a> comme AstraZeneca, Sanofi, GlaxoSmithKline (GSK), Johnson & Johnson ou encore des établissements publics en Chine ou en Russie, certains vaccins sont développés par des sociétés de taille plus réduites s’apparentant à des start-up de biotechnologies, seules ou en collaboration avec des institutions publiques comme des centres de recherche universitaires ou des sociétés pharmaceutiques traditionnelles.</p>
<p>Notre attention s’est portée sur des entreprises de biotechnologies cotées en bourse avec des vaccins en <a href="https://www.aider-recherche-clinique.fr/actualites/quelles-sont-les-differentes-phases-dun-essai-clinique.html">phase 2 ou 3 d’essais cliniques</a> pour apprécier leur situation financière actuelle et les prévisions des analystes.</p>
<p>Nous avons retenu à ce titre : Moderna (États-Unis, en collaboration avec le National Institute of Allergy and Infectious Diseases), Novavax (États-Unis), BioNTech (Allemagne, en collaboration avec Pfizer) CanSino Biologics (Chine en collaboration avec l’École militaire des sciences médicales), Inovio Pharmaceuticals (États-Unis, la seule en phase 2, les autres étant en phase 3).</p>
<h2>Une croissance exponentielle</h2>
<p>Même si ces entreprises existaient avant la pandémie et développaient d’autres activités pharmaceutiques, force est de constater que les analystes prévoient des croissances impressionnantes pour les années à venir et que la Covid-19 leur a offert une opportunité exceptionnelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365169/original/file-20201023-14-uj9knb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1 : Prévisions du chiffre d’affaires (en millions d’euros) des différents entreprises de biotechnologies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simply Wall Street</span></span>
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</figure>
<p>Pour toutes, leur activité était balbutiante avant qu’elles ne se lancent dans la course avec des chiffres d’affaires très réduits. On remarque également que les deux qui semblent le plus proches d’aboutir (Moderna et BioNTech) et les trois qui ont reçu le support du gouvernement américain (les deux précédentes plus Novavax) sont également celles qui ont les prévisions de croissance les plus soutenues.</p>
<h2>Des bénéfices prévisionnels qui explosent</h2>
<p>Alors que toutes ces sociétés perdaient de l’argent avant d’entreprendre leur recherche d’un vaccin, leurs prévisions de résultat sont beaucoup plus optimistes. Elles sont attendues comme bénéficiaires en 2020 pour Novavax, en 2021 pour Moderna, BioN Tech et CanSino et seulement en 2023 pour Inovio (mais avec un vaccin seulement en phase 2 aujourd’hui, ce qui démontre qu’il s’agit bien d’une course).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365194/original/file-20201023-13-18ik7bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Prévisions du résultat net (en millions d’euros) des différents entreprises de biotechnologies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simply Wall Street</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les montants de ces bénéfices prévisionnels restent par ailleurs impressionnants, avec par exemple pour Novavax en 2021 un résultat net prévu de 1,5 milliard de dollars pour un chiffre d’affaires de 2,7 milliards (à comparer pour 2019 à un résultat net négatif de 132,7 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 18,7 millions).</p>
<h2>Des cours boursiers au sommet</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365199/original/file-20201023-23-jmlsql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Variation du cour boursier du 1ᵉʳ janvier 2020 au 21 octobre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boursorama</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De façon logique, les cours boursiers de ces sociétés ont intégré les prévisions et se distinguent par des hausses extrêmement élevées notamment au regard de l’indice S&P 500.</p>
<p>On pourrait certes considérer que cette bonne fortune est malvenue au regard de la situation sanitaire actuelle et des difficultés économiques généralisées à la plupart des pays. Pour autant, c’est grâce à ces perspectives de gain que la recherche peut se développer avec autant d’intensité à travers le monde et que nous pouvons entrevoir une issue favorable et relativement rapide à la crise qui nous frappe.</p>
<p>Cela demeure la force du système capitaliste et il n’est guère étonnant que 3 entreprises de notre échantillon soient américaines (voire 4 si l’on prend en compte que la société allemande BioNTech collabore avec la société américaine Pfizer).</p>
<p>Si l’on se place au niveau des entreprises, toutes n’auront sans doute pas la chance de parvenir à développer à temps un vaccin efficace et la désillusion sera à la hauteur des attentes de ces sociétés et de leurs actionnaires.</p>
<p>Mais en finance comme dans beaucoup d’autres domaines, la réussite va de pair avec la prise de risque. Comme le disait Robert Fitzgerald Kennedy « Seuls ceux qui prennent le risque d’échouer spectaculairement réussiront brillamment ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148687/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est délégué général de la FNEGE ( Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises)</span></em></p>
Pour les sociétés de biotechnologies actuellement lancées à la recherche d’un moyen d’endiguer l’épidémie, un échec décevrait les espoirs des investisseurs et compliquerait leur situation post-Covid.
Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/143488
2020-08-03T15:45:19Z
2020-08-03T15:45:19Z
L’espoir des anticorps antiviraux dans la lutte contre le Covid-19
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/350859/original/file-20200803-24-1sr1m3t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2560%2C1766&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image de microscope électronique à balayage montrant le SARS-CoV-2 (orange) émergeant de la surface de cellules (vertes) cultivées en laboratoire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/niaid/49531042907/in/photostream/">NIAID / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la pandémie du Covid-19 due au virus SARS-CoV-2 progresse dans de nombreux pays et resurgit dans d’autres, nous ne disposons d’aucun traitement capable d’endiguer la multiplication du virus. Les vaccins représentent-ils la seule planche de salut ? Pas si sûr alors que de nombreuses questions se posent sur le degré de leur <a href="https://jamanetwork.com/searchresults?q=warp%20speed&allSites=1&SearchSourceType=1&exPrm_qqq=%7B!payloadDisMaxQParser%20pf=Tags%20qf=Tags0.0000001%20payloadFields=Tags%20bf=%7D%22warp%20speed%22&exPrm_hl.q=warp%20speed">efficacité à prévenir l’infection</a>, leur <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2768156">sécurité</a> et leur <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2020926">acceptabilité par les populations</a>.</p>
<p>Il est donc important d’explorer d’autres armes qui pourraient contribuer au contrôle de l’infection et de ses conséquences. L’immunothérapie s’avère particulièrement prometteuse à cet égard, en particulier celle qui repose sur les anticorps monoclonaux, <a href="http://www.technobio.fr/article-17887488.html">ces armes ultra-spécifiques issues de la biotechnologie</a>.</p>
<h2>Les anticorps anti-SARS-CoV-2 pour neutraliser le virus</h2>
<p>Le concept d’immunothérapie pour combattre les maladies infectieuses n’est pas neuf : il date de près de cent ans. <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2009/12/medsci20092512p999/medsci20092512p999.html">Emile Roux en France et Emil von Behring en Allemagne en ont été les pionniers</a>. Il reposait à l’époque sur l’injection de sérum préparé à partir du sang d’animaux immunisés contre le microbe.</p>
<p>Des milliers d’enfants ont ainsi été sauvés de la diphtérie parce que l’on a longtemps appelé la sérothérapie. Elle a aussi permis à <a href="https://theconversation.com/immunotherapie-100-ans-apres-son-prix-nobel-lheritage-de-jules-bordet-125602">Jules Bordet de mettre fin à l’épidémie de peste bovine survenue à la même période en Afrique du Sud</a>.</p>
<p>La sérothérapie a évolué vers l’injection d’anticorps purifiés à partir du plasma de sujets immunisés (immunoglobulines hyperimmunes) puis d’anticorps monoclonaux obtenus grâce au génie génétique. Ces derniers sont apparus dès la fin des années 1990 dans la lutte contre les maladies infectieuses, avec une première indication dans la <a href="https://www.cps.ca/fr/documents/position/prevenir-les-hospitalisations-pour-infection-par-le-vrs">prévention de la bronchiolite du nouveau-né causée par le virus respiratoire syncitial</a>.</p>
<p>Depuis l’épidémie de SRAS de 2003 liée au virus SARS-CoV-1 – cousin germain du virus SARS-CoV-2 – ils sont considérés comme des armes potentielles pour vaincre les épidémies causées par les virus les plus agressifs. Ainsi, un cocktail d’anticorps monoclonaux s’est révélé très efficace pour <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1910993">combattre le virus Ebola</a>. Il devrait être approuvé cet automne par la <em>Food and Drug Administration</em> aux États-Unis.</p>
<p><a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2767383">Plusieurs observations</a> suggèrent que des anticorps monoclonaux dirigés contre le virus SARS-CoV-2 devraient permettre de lutter contre la pandémie actuelle. La guérison d’une infection par ce virus est associée à la production d’anticorps neutralisants dans les 6 à 10 jours suivant l’infection.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2571-7">Expérimentalement</a>, des macaques infectés par le virus SARS-CoV-2 résistent à une infection ultérieure grâce à des anticorps de ce type. Et au cours de l’<a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.02.12.20021386v1">épidémie de SRAS en 2003 les personnes infectées par le virus SARS-CoV-1 ont développé une immunité protectrice</a>.</p>
<p>Ces observations conduisent aujourd’hui au développement d’anticorps monoclonaux dirigés spécifiquement contre la protéine Spike du virus SARS-CoV2. Cette protéine membranaire permet au virus de pénétrer dans les cellules humaines en se liant à son récepteur ACE2. En fait, une course au développement industriel de ces anticorps se déroule parallèlement à la course aux vaccins. On y retrouve dans le peloton de tête la multinationale <em>AstraZeneca</em> et la firme <em>Regeneron</em> qui vient d’obtenir une aide de 450 millions de dollars du gouvernement américain lui permettant d’entamer des <a href="https://www.asl-hsp-france.org/images/pdf/phases-essai-clinique.pdf">essais cliniques de phase III</a> à large échelle.</p>
<p>Si certains anticorps neutralisent effectivement le virus et conduisent à son élimination de l’organisme, d’autres vont contribuer à aggraver les dommages qu’il cause, notamment en alimentant la surproduction de cytokines. Les avancées de la biotechnologie permettent aujourd’hui de sélectionner les seuls anticorps bénéfiques et de les produire en laboratoire pour en faire des médicaments capables d’une action antivirale immédiate dès l’infection identifiée.</p>
<p>Ainsi, non seulement ont-ils les meilleures chances d’être efficaces mais aussi d’être bien tolérés sur la base de leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0021915013001068#:%7E:text=Although%20generally%20well%20tolerated%2C%20mAbs,are%20observed%20with%20many%20antibodies.">profil de sécurité dans d’autres indications comme les maladies auto-immunes</a>.</p>
<h2>Les indications de l’immunothérapie par les anticorps anti-SARS-CoV-2</h2>
<p>Ces indications sont potentiellement nombreuses et seront affinées au fur et à mesure des résultats qui proviendront des essais cliniques.</p>
<p>Les anticorps monoclonaux pourront être utilisés comme des agents antiviraux dans le traitement des formes sévères de la Covid-19 ou à une phase plus précoce de la maladie pour prévenir son aggravation ultérieure en réduisant la charge virale dans l’organisme de la personne traitée.</p>
<p>Les anticorps monoclonaux pourront également être utilisés en prévention de l’infection après une exposition au virus, par exemple, parmi les personnels soignants ou les personnes vulnérables.</p>
<h2>L’immunothérapie en complément de la vaccination</h2>
<p>Par rapport aux vaccins, les anticorps ont l’avantage d’une action antivirale immédiate qui ne dépend pas de la mobilisation du système immunitaire. Il faut d’ores et déjà s’attendre à ce que les vaccins n’aient pas la même efficacité chez tous les individus. Une des grandes questions actuelles, est de savoir si les vaccins agiront de la même manière chez les seniors que chez les sujets plus jeunes. Le vieillissement touche aussi le système immunitaire. Une étude récente montre que l’un des candidats-vaccins induit une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31605-6/fulltext">réponse moindre chez les sujets de plus de 55 ans</a>. Or ce sont eux qui sont les principales victimes des formes sévères du Covid-19. En fait, par rapport aux vaccins, les anticorps ont l’avantage d’une action antivirale immédiate qui ne dépend pas de la mobilisation du système immunitaire et l’immunothérapie pourrait donc s’avérer particulièrement intéressante dans la population plus âgée et venir ainsi en complémentarité du vaccin.</p>
<h2>Les obstacles qui restent à franchir</h2>
<p>Ils sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, les anticorps n’agiront que pour une période relativement brève. D’où les efforts actuels pour augmenter leur durée de vie dans l’organisme. Se pose surtout la question des capacités de production industrielle pour faire face aux demandes puisque des dizaines de millions de personnes pourraient en bénéficier. Et enfin, les prix auxquels ces produits seront commercialisés risquent d’entraver leur accès. Comme pour les vaccins, les négociations entre les gouvernements, la communauté internationale qui s’est engagée dans l’accès universel à la santé et les sociétés pharmaceutiques promettent d’être serrées…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Goldman is a consultant for Fundplus, a company investing in biotechs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Kazatchkine est conseiller spécial de l'ONUSIDA.</span></em></p>
En attendant un potentiel vaccin, la recherche continue pour traiter efficacement le Covid-19. Utiliser des anticorps bloquant spécifiquement le virus pourrait s’avérer efficace.
Michel Goldman, Chair professor, Université Libre de Bruxelles (ULB)
Michel Kazatchkine, Médecin et immunologiste, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/133471
2020-04-14T17:13:59Z
2020-04-14T17:13:59Z
Les organes sur puce : vers une médecine personnalisable
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325243/original/file-20200403-74235-26gmah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">IMG</span> </figcaption></figure><p>Nous sommes actuellement confrontés à un défi mondial pour la santé : la façon dont nous découvrons et développons de nouveaux médicaments est trop coûteuse et trop longue. Les organes sur puce pourraient permettre de répondre à ces difficultés et pourraient à l’avenir ouvrir la possibilité de faire des tests personnalisés pour chaque individu.</p>
<h2>Le développement de médicaments : un enjeu de santé mondial</h2>
<p>L’engouement des dernières années pour les organes sur puce réside dans une inquiétante réalité : le <a href="https://www.leem.org/recherche-et-developpement">modèle de développement de nouveaux médicaments est dans une impasse</a>. Cela signifie que des patients qui ont besoin de nouvelles thérapies ne les reçoivent pas et que des maladies ne sont pas traitées. Les chercheurs ont décrit ironiquement cette situation par une loi baptisée <a href="https://new.pharmacelera.com/publications/what-is-erooms-law/">loi d’Eroom</a> (Moore écrit à l’envers) stipulant que le développement d’un nouveau médicament est de plus en plus cher et de plus en plus long au fil du temps.</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique est face à un modèle qui ne fonctionne plus car pour dix mille molécules testées, une seule finira chez le patient, notamment à cause de l’inadéquation des modèles utilisés »</p>
</blockquote>
<p>Xavier Gidrol, directeur du <a href="http://www.bge-lab.fr/Biomics">laboratoire Biomics</a> au CEA Grenoble.</p>
<p>Chaque molécule candidate doit en effet suivre un <a href="https://www.ansm.sante.fr/Activites/Essais-cliniques/Qu-est-ce-qu-un-essai-clinique/(offset)/4">long parcours</a> en vue d’être approuvée sur le marché. Bien qu’une efficacité de la molécule puisse être décelée lors des premiers tests sur des cultures 2D <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2009/01/medsci2009251p105/medsci2009251p105.html">in vitro</a> et sur des <a href="https://www.sante-sur-le-net.com/les-animaux-de-laboratoire-qui-testent-nos-medicaments/">animaux</a>, ces modèles éloignés de la réalité physiologique du corps humain <a href="https://peh-med.biomedcentral.com/articles/10.1186/1747-5341-4-2">ne prédisent que très mal l’efficacité de la molécule sur l’homme</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326549/original/file-20200408-16182-1u1cwvp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La façon dont nous découvrons et développons de nouveaux médicaments connaît trois difficultés majeures : elle est trop coûteuse, prend beaucoup trop de temps et échoue plus souvent qu’elle ne réussit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clément Quintard, CEA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Se dresse alors un mur quasi infranchissable : les phases d’essais cliniques sur les humains. Ce sont ces phases d’essai très longues et très coûteuses qui mettent à mal les entreprises pharmaceutiques, qui, n’osant rêver de résultats spectaculaires, adoptent le sinistre mantra : <a href="https://www.amplion.com/the-first-ever-blood-biomarker-for-multiple-sclerosis-discovered/">« échouer plus vite et moins cher »</a>.</p>
<h2>Créer des répliques d’organes sur des puces de plastique pour accélérer les tests</h2>
<p>C’est là que les organes sur puce entrent en jeu. Un organe sur puce est un système miniaturisé dans lequel sont creusés des canaux <a href="https://www.institut-pgg.fr/Comprendre-la-microfluidique_65.html">microfluidiques</a> selon une architecture appropriée. Le squelette de ce système, typiquement de la taille d’une carte de crédit, est appelé « puce ». Cette puce permet de reproduire une fonctionnalité d’un organe, par exemple la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/un-poumon-sur-une-puce.N135373">respiration au niveau des alvéoles pulmonaires</a>. La mise en culture des cellules se fait dans les canaux microfluidiques qui peuvent être compartimentés afin d’accueillir différents types de cellules, d’où la dénomination d’« organe sur puce ». La microfluidique permet d’entretenir les cellules en laissant s’écouler le milieu de culture (qui délivre aux cellules tous les nutriments dont elles ont besoin) durant plusieurs semaines.</p>
<p>Les organes sur puce sont ainsi la résultante d’un lien inextricable entre une partie puce, gouvernée par la microfluidique, et une partie biologie. En proposant des architectures tridimensionnelles et dynamiques, plus proches de la réalité humaine que les standards 2D, ils surpassent les modèles classiques in vitro. Grâce à l’utilisation de cellules humaines, ils devancent le modèle animal. Ces organes sur puce pourraient ainsi <a href="https://www.maxisciences.com/organe/les-organes-sur-puce-la-future-generation-de-cobayes-de-laboratoire_art38392.html">se substituer aux tests précliniques</a> et détecter l’inefficacité ou la toxicité sur l’homme de certains composés sans avoir recours à des phases d’essais cliniques : ce serait un gain de temps et d’argent.</p>
<p>Au-delà des atouts économiques évidents, les organes sur puce offrent d’autres perspectives. D’abord, ils constituent un excellent modèle pour la recherche fondamentale. La puce, faite d’un matériau transparent – silicone ou plastique – peut être observée au microscope. Les différents mécanismes biologiques modélisés dans les canaux microfluidiques peuvent ainsi être étudiés dans une configuration aussi représentative que possible du corps humain, y compris avec des cellules modèles de différentes pathologies, par exemple des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-019-11178-w">cellules portant une mutation du gène CFTR</a>, propre aux cellules de patients atteints de la mucoviscidose.</p>
<p><a href="https://www.elveflow.com/archives-fr/organes-sur-puce-2016/">Nombre d’organes</a> ont été étudiés au cours des dernières années. Aujourd’hui, des recherches visant à améliorer notre compréhension du corps humain sont menées sur des <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2012/LC/c2lc40074j#!divAbstract">intestins sur puce</a>, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0945053X19301490">pancréas sur puce</a>, des <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2013/lc/c3lc50350j/unauth#!divAbstract">cœurs sur puce</a> ou encore des <a href="https://pubs.rsc.org/--/content/articlelanding/2016/lc/c6lc00946h/unauth#!divAbstract">cerveaux sur puce</a>. On peut aussi par exemple développer un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/091974-000-A/nos-organes-sur-une-puce/">système vasculaire sur puce</a> afin de mieux comprendre la formation des vaisseaux sanguins, qui joue un rôle essentiel dans le développement des cancers.</p>
<h2>Vers une médecine personnalisée</h2>
<p>Voyons plus loin encore. S’il est possible d’étudier dans une puce microfluidique des cellules humaines, pourquoi ne pas focaliser l’étude sur un groupe de personnes donné ? En faisant s’écouler différents médicaments dans la puce, des tests thérapeutiques pourraient être réalisés sur des cellules de femmes enceintes, d’enfants ou de toute autre population dont on souhaiterait connaître la réponse physiologique spécifique. Cette alternative est même parfois la seule façon de procéder. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’étudier <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304383515007235?via%3Dihub">l’impact des radiations sur l’homme</a>, mieux vaut que les essais soient réalisés sur des cellules déportées dans une puce !</p>
<p>Poussons désormais ce concept à l’extrême. S’il est possible d’étudier dans une puce microfluidique les cellules d’une population donnée, on pourrait envisager d’étudier les cellules et organes sur puce correspondant à un individu en particulier. C’est le but visé par la <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/7117/2013_14_22.html">médecine personnalisée</a>. Chaque patient pourrait ainsi bénéficier d’un traitement adapté à ses maux, dont l’efficacité aurait été préalablement évaluée dans « son » organe sur puce. Nous sommes en effet tous <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/2007/12/29/01008-20071229ARTFIG00455-un-genome-humain-identique-mais-different-pour-chacun.php">génétiquement différents</a>, et la réponse au même médicament peut-être <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pharmacocin%C3%A9tique#Variabilit%C3%A9_Pharmacocin%C3%A9tique">très variable dans la population</a>. Ainsi en moyenne, <a href="https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Les-immunotherapies-specifiques-dans-le-traitement-des-cancers-Rapport">seulement un patient sur trois répond au traitement anticancéreux qui lui est proposé</a>. Disposer d’organes sur puce individualisés, qui contiendraient par exemple les cellules cancéreuses des patients à soigner, permettrait de tester rapidement une multitude de traitements afin de savoir lequel est le plus efficace pour combattre la tumeur d’un patient donné.</p>
<p>Toutefois, il demeure encore bien des défis à relever avant que les organes sur puce s’imposent chez les industriels et dans les hôpitaux. Il faut encore confirmer sur le plan scientifique leur pertinence par rapport aux modèles animaux employés à l’heure actuelle. De plus, les organes sur puce et la microfluidique en général sont encore trop souvent difficiles d’utilisation. Des efforts doivent être faits pour <a href="http://www.leti-cea.fr/cea-tech/leti/Pages/actualites/News/Leti-BIG-planchent-sur-les-organes-sur-puce-de-demain.aspx">simplifier l’instrumentation</a> de tels systèmes afin de proposer, au personnel hospitalier par exemple, des outils plus simples d’utilisation.</p>
<p>Yves Fouillet, du <a href="http://www.leti-cea.fr/cea-tech/leti">Laboratoire des systèmes microfluidiques et bio-ingénierie du CEA Grenoble</a>, explique : « Les outils microfluidiques sont parfaitement adaptés à la problématique, mais il est nécessaire de les repenser pour répondre aux contraintes d’utilisation de la culture cellulaire. L’enjeu est de faciliter la dissémination des organes sur puce dans différents laboratoires, académiques ou non ». Bien qu’un gros travail pour la simplification des systèmes microfluidiques reste à mener, il est satisfaisant d’observer l’émergence de <a href="https://www.elveflow.com/archives-fr/entreprises-start-up-microfluidique-travaillent-sur-les-organes-sur-puces/">nombreuses entreprises</a> liées aux organes sur puce ces dernières années. Le marché des organes sur puce, en <a href="https://www.thebusinessresearchcompany.com/report/organ-on-chip-market">augmentation de 70 % par rapport à 2015</a>, laisse présager un avenir radieux pour les industriels. Le <a href="https://wyss.harvard.edu/">Wyss Institute</a>, institut de recherche rattaché à l’université Harvard et pionnier dans le domaine des organes sur puce, fut lui-même fondé sur la devise suivante : « Une grande découverte ne peut pas changer le monde si elle ne sort pas du labo ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Quintard a reçu un financement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le cadre de sa thèse.</span></em></p>
En cultivant des cellules d’organes spécifiques sur des dispositifs de la taille d’une carte à jouer, on peut tester leurs réactions à de nouveaux médicaments.
Clément Quintard, Doctorant en microfluidique pour applications biomédicales, CEA-Leti, Grenoble, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
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tag:theconversation.com,2011:article/127530
2019-11-21T20:51:24Z
2019-11-21T20:51:24Z
Foodtech : la France s’organise pour combler son retard
<p>La France, pays de la gastronomie, s’affiche comme aussi une « start-up » nation, mais accuse paradoxalement un retard sur les autres pays en matière de foodtech. Ce terme est apparu au début des années 2010 aux États-Unis, pour se diffuser en France au milieu de la décennie. Il désigne « l’<a href="http://foodtech-mag.com/">alliance</a> entre les nouvelles technologies d’une part et les secteurs de l’alimentation et de la restauration d’autre part ».</p>
<p>Avec 2,6 % des investissements mondiaux, la France se situe aujourd’hui loin des États-Unis, qui représentaient 80 % des investissements dans la foodtech avant 2016. Elle est encore derrière les leaders européens que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui représentent <a href="https://www.alliancy.fr/a-laffiche/start-up/2018/11/08/infographie-la-foodtech-en-europe">63 % des montants investis en Europe</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=792&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302864/original/file-20191121-547-13kmsn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=995&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La foodtech en Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.alliancy.fr/a-laffiche/start-up/2018/11/08/infographie-la-foodtech-en-europe">Alliancy.fr</a></span>
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</figure>
<p>Les investissements récents (227 millions d’euros en 2018) sont toutefois un signe que la France est en train de combler ce retard et pourrait même devenir un <a href="https://www.digitalfoodlab.com/reports/2019-france-january-extract/download">leader européen à terme</a>. Le pays compte déjà un certain nombre de sociétés innovantes combinant technologie, numérique et alimentation. Parmi elles se trouvent des start-up en plein essor telles qu’Ynsect, ChefClub et Frichti.</p>
<h2>Nombreuses opportunités</h2>
<p><a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/jura/dole/dole-producteur-proteines-ynsect-leve-125-millions-dollars-1627407.html">Ynsect</a> développe depuis 2014 une technologie de pointe dans le domaine de l’élevage d’insectes destinés à l’alimentation animale et aux engrais organiques, en vue de répondre aux enjeux de pénurie des ressources naturelles. Implantée dans le Jura, à Dole elle a pu, suite à des levées de fonds successives (dont la dernière de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/ynsect-le-specialiste-des-proteines-d-insectes-leve-125-millions-de-dollars.N744599">110 millions d’euros</a>), construire la plus grande ferme d’insectes du monde avec un nouveau site à Poulainville dans la Somme.</p>
<p>ChefClub, start-up parisienne créée par trois frères en 2016, propose via les réseaux sociaux des vidéos de « recettes extraordinaires avec des ingrédients ordinaires ». Elle affiche aujourd’hui plus de <a href="https://www.chefclub.tv/fr/story">70 millions d’abonnés dans le monde</a>, une équipe de 32 personnes et déploie une boutique à Paris.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1098580692827623424"}"></div></p>
<p>La start-up Frichti, lancée en 2015 à Paris, est un traiteur qui propose des plats cuisinés sur mesure avec des produits frais de qualité et livrés rapidement. Les commandes se font via un site Internet ou une application. L’entreprise s’est développée très rapidement grâce à des levées de fonds (<a href="https://www.maddyness.com/2017/05/23/foodtech-frichti-leve-30-millions-euros/">43 millions d’euros</a> depuis sa création) et peut prétendre aujourd’hui concurrencer les leaders internationaux bien connus que sont Deliveroo ou Uber Eats par exemple.</p>
<p>Comme le montrent ces exemples, les opportunités et champs à investir sont nombreux. La <a href="https://www.lesechos.fr/2018/03/la-foodtech-tricolore-prend-ses-marques-969312">foodtech française</a> se divise en effet en différentes sous-catégories qui recouvrent les grands domaines de la production, transformation, distribution et consommation alimentaires : « agtech » (élevage ou culture agricole assistée par les outils numériques), « food science » (transformation alimentaire, création de produits nouveaux), « food service » (restauration et plats préparés), « retail & delivery » (livraison à domicile), « coaching alimentaire » et « media ». Elle englobe donc ce qui part du champ pour arriver dans l’assiette en allant jusqu’à la lutte contre le gaspillage alimentaire.</p>
<h2>Des entreprises d’origines diverses</h2>
<p>La foodtech est susceptible de se trouver au cœur de la transformation de l’appareil productif français, en intégrant le numérique dans les secteurs traditionnels forts – mais en <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/agroalimentaire-la-france-perd-la-main-en-europe-1035838">perte de vitesse</a> – de l’économie française que sont l’agriculture et l’agroalimentaire. Sous certaines conditions, elle peut contribuer à clore 30 ans de déclin industriel par l’investissement, la conception et le développement de technologies et activités créatrices de valeur, d’emplois non-délocalisables et donc génératrices de revenus bénéficiant à la population sur l’ensemble du territoire national. Pour reprendre les termes du président de la République Emmanuel Macron dans son <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/268532-emmanuel-macron-25042019-grand-debat-national">discours</a> du 25 avril 2019, elle est à la jonction d’un « nouveau pacte productif » visant à renforcer la base productive nationale et d’un « nouveau pacte territorial » articulant métropoles, villes moyennes et espaces ruraux.</p>
<p>En quelques années, la foodtech est en conséquence devenue un enjeu de politique publique. En 2013, Fleur Pellerin, alors ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique, avait lancé une première vague de labellisation « FrenchTech » pour distinguer les métropoles françaises investissant dans le numérique. Puis, en 2015, Axelle Lemaire, alors secrétaire d’État chargée de la numérique annonce une deuxième vague de labellisation concernant des écosystèmes dynamiques et matures et des réseaux thématiques, tels que medtech en Alsace, culturetech à Avignon, designtech à Saint-Étienne, ou encore IoT-tech (Internet des objets) à Angers.</p>
<p>Les régions se mobilisent elles aussi à leur niveau. En Bourgogne Franche-Comté, une association loi de 1901 « Foodtech Dijon-Bourgogne-Franche-Comté » a été créée pour répondre à une deuxième vague de labellisation thématique, qu’elle obtiendra en juillet 2016. L’ambition de ce réseau est « <a href="https://lafoodtech.fr/">devenir la référence</a> pour le développement de start-up en Europe, sur une thématique où la France, Dijon et sa grande Région Bourgogne-Franche-Comté, ont une légitimité, un savoir-faire et une attractivité forte ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1195399405127512067"}"></div></p>
<p>Ses membres affichés sont d’origines <a href="https://lafoodtech.fr/ecosysteme/">extrêmement diverses</a> : on y trouve des start-up, essentiellement dans le domaine du « food service », des TPE ou PME souvent liées à la restauration, des PME innovantes, ainsi que des grands groupes agroalimentaires, industriels et de services. Les organismes d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que les collectivités locales, sont eux aussi présents.</p>
<p>Un grand groupe comme Seb ambitionne de ne pas seulement être un leader du petit électroménager, mais aussi de répondre à la question « qu’est-ce que je mange ce soir ? ». Être un acteur fédérateur de cet écosystème est un enjeu vital comme le souligne Xavier Boidevezi, secrétaire national du réseau foodtech et vice-président digital du Groupe Seb :</p>
<blockquote>
<p>« C’est bien en fédérant un écosystème d’acteurs qu’on arrivera tous ensemble à répondre à cette question. Seb a du coup l’ambition d’être un acteur de cet écosystème plutôt que de laisser les autres le faire à sa place ».</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"939259121118871552"}"></div></p>
<p>Pour une start-up, appartenir au réseau permet d’échanger, de s’ouvrir, d’être mis en avant sur des technologies et de faire connaître ses besoins. De son côté, l’entreprise va contribuer à dynamiser l’écosystème. Les collectivités locales attendent quant à elles de ce réseau qu’il développe une « capacité à être le spécialiste de la transversalité numérique appliquée à l’alimentation » et soit un levier d’attractivité et de promotion du territoire rapporte Madame Riamon, chargée de la filière agroalimentaire de Dijon métropole.</p>
<h2>Le pari des écosystèmes</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302869/original/file-20191121-467-1mfdv3q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’écosystème de la foodtech française.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://lafoodtech.fr/ecosysteme/">lafoodtech.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce réseau est toutefois encore jeune et doit faire face à certaines limites, dont le manque et de moyens propres et une portée internationale encore trop réduite pour permettre aux entreprises de la filière agroalimentaire française d’améliorer significativement leur positionnement concurrentiel face à leurs concurrents internationaux, au premier rang desquels les entreprises américaines et chinoises.</p>
<p>Mais, cette première tentative de structuration illustre bien le fait que l’innovation et la compétitivité ne sont plus de nos jours l’affaire d’entreprises isolées, mais le fruit de la coopération au sein de communautés, ou « écosystèmes », comprenant des grandes entreprises et des start-up, des universités, des capital-risqueurs et les pouvoirs publics. Les entreprises y tissent des relations de coopération-concurrence complexes, favorisant le développement de ressources et compétences communes dans un contexte d’<a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-1.htm">innovation ouverte</a>, sources d’avantages concurrentiels durables.</p>
<p>Si les start-up sont les acteurs les plus visibles de la foodtech, il s’en crée une par jour en Europe, elles doivent compter avec les grands groupes industriels (agroalimentaire, électroménager) ou de services (énergie, télécommunications, distribution, restauration), qui peuvent leur <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/coca-cola-european-partners-prend-25-du-capital-de-la-start-up-francaise-kol_681193">apporter des financements</a>, de l’accompagnement, de la visibilité, voire des marchés. L’innovation naît de ces écosystèmes, qui deviennent indispensables pour rattraper le retard français en matière de foodtech.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les pouvoirs publics cherchent aujourd’hui à structurer le secteur des entreprises qui allient technologies et alimentaire pour rattraper les pays anglo-saxons ou encore l’Allemagne.
Jean-Guillaume Ditter, Professeur permanent, Burgundy School of Business
Sonia Lequin, ingénieur de recherche, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/125966
2019-10-30T19:03:17Z
2019-10-30T19:03:17Z
Comment décide-t-on de financer via crowdfunding ? L’exemple des biotechs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298970/original/file-20191028-114005-1iglbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C17%2C991%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'information disponible sur les plates-formes ne suffit pas à forger la décision d'un investisseur.
</span> <span class="attribution"><span class="source">nmedia / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Comment les investisseurs décident-ils d’investir ou non dans tel projet innovant proposé sur une plate-forme de crowdfunding (financement participatif par la « foule » ? Sont-ils seuls à faire leur choix ou les investisseurs déjà présents influencent-ils cette prise de décision ?</p>
<p>La particularité du financement de l’innovation repose sur le contexte d’incertitude l’entourant, qui se définit par un manque notoire d’informations vraies ou objectives sur le potentiel de valeur des projets d’innovation précisément en amorçage. Ceci est particulièrement vrai dans le secteur des <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/biotechnologie/9475">biotechnologies</a> qui fait l’objet de nos recherches.</p>
<h2>De l’apport de la foule dans la décision</h2>
<p>La littérature met en évidence que la décision individuelle d’investissement dans ce contexte particulier repose notamment sur une faculté de jugement du financeur puisque celui-ci va chercher à créer une interprétation susceptible d’orienter sa décision d’investissement. Cette interprétation étant fondée sur des éléments subjectifs et partant incertains, il est nécessaire pour l’investisseur de conforter son jugement et sécuriser sa décision en recherchant tout moyen de les objectiver.</p>
<p>À mesure que l’incertitude augmente autour des projets entrepreneuriaux, un <a href="https://www.deepdyve.com/lp/elsevier/not-just-an-ego-trip-exploring-backers-motivation-for-funding-in-gFuAMimaDm">comportement grégaire</a> peut également se développer comme stratégie d’investissement. Les acteurs se réfèrent alors aux comportements des autres afin d’en <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/AMBPP.2018.16013abstract">déduire ses chances de performance</a> Face à un important volume d’informations difficilement compréhensibles et utilisables par les individus, les premiers participants dans une campagne de crowdfunding <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1111/etap.12118">rassurent les autres</a> contributeurs potentiels.</p>
<p>De surcroît, la foule <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0929119916302450">distingue</a> efficacement les premières contributions faites par les amis et la famille des contributions faites par des investisseurs plus professionnels et experts. Le comportement grégaire est ainsi plus important quand le signal – nombre de contributeurs et importance des sommes individuelles – vient des <em>business angels</em>, des capital-risqueurs ou d’autres catégories d’investisseurs qualifiés.</p>
<h2>L’information quantitative insuffisante</h2>
<p>Nous avons mené une étude exploratoire (à paraître) afin de vérifier le rôle que la foule peut effectivement jouer auprès de l’investisseur individuel. Ont été réalisées une netnographie, c’est-à-dire une analyse exhaustive des sites des plates-formes, et une série d’entretiens auprès d’une quinzaine d’investisseurs qui ont déjà participé à une campagne de financement participatif dans les biotechs santé, un secteur qui se prête bien au crowdfunding notamment car d’autres motivations que le strict retour sur investissement peuvent entrer en jeu.</p>
<p>Les plates-formes proposent une accessibilité différenciée aux informations selon les profils des récepteurs (sans/avec identification, avec un profil investisseur conforme aux exigences réglementaires). Celles-ci permettent de satisfaire à certaines dimensions de l’évaluation du projet. La foule émet en effet des informations via des éléments de validation externe du projet et en mobilisant toutes les formes d’interactions possibles sur les plates-formes (à destination des trois parties prenantes – foule, plate-forme, porteur de projet – par des témoignages, questions, commentaires, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1151236309824000000"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, la foule produit plusieurs catégories d’informations d’ordre quantitatif ou qualitatif. Pour les premières, on y trouve une gradation du marqueur de l’engagement de la foule allant des votes exprimés en phase de pré-soumission du projet sur la plate-forme jusqu’au niveau de la jauge en passant par le nombre de mentions j’aime, les personnes intéressées, les réservations effectuées et le nombre d’investisseurs.</p>
<p>Ceci concourt à une validation basique de l’intérêt du projet, qui constitue une première aide au jugement. Cependant, la seule information quantitative exprimée sur une plate-forme n’est pas un outil suffisant de fabrique de la décision d’investissement dans la mesure où les contributeurs en question sont la <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2014-8-page-117.htm">plupart du temps des proches</a>.</p>
<h2>Le rôle perfectible des plates-formes</h2>
<p>Les secondes, d’ordre qualitatif, peuvent prendre notamment la forme d’interactions plus ou moins poussées. Elles se manifestent par le biais de forums permettant que la foule, le porteur de projet et/ou la plate-forme répondent à des questions posées par la foule elle-même. Elle peut aussi prendre la forme de rencontres terrains.</p>
<p>Bien qu’elle soit largement proposée sur l’ensemble des plates-formes, elle peut néanmoins être limitée. D’une part, toutes les réponses aux questions posées ne sont pas nécessairement publiques. D’autre part, les plates-formes jouent un rôle de modérateur en masquant certains commentaires qui auraient pu constituer une aide collective à la décision individuelle d’investissement.</p>
<p>Les résultats confirment que la foule intervient dans la prise de décision individuelle. Ils soulignent néanmoins que les plates-formes pourraient mieux mobiliser les informations créées. Les outils mis à disposition par les plates-formes ne permettent pas suffisamment d’optimiser la production d’information qualitative par la foule et pour la foule. L’incertitude inhérente aux projets biotechs, frein à l’investissement, ne peut être totalement levée dans ce système qui privilégie la non-identification de la foule émettrice.</p>
<p>La cocréation d’informations n’est ainsi pas optimisée malgré la dynamique collaborative propre aux plates-formes de financement participatif. Cette situation est à déplorer dans le cadre du financement de ces start-up très innovantes contraintes par un faible nombre d’investisseurs et une forte technicité. Les plates-formes pourraient pourtant augmenter le vivier de financeurs potentiels en favorisant la mobilisation de la ressource sociale incarnée par la foule.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Une étude exploratoire souligne l’enjeu de la cocréation d’informations au sein de la foule sur les plates-formes de CF afin d’influencer la prise de décision individuelle des investisseurs potentiels.
Laurence Attuel-Mendes, Enseignant-chercheur en droit et financement participatif, Burgundy School of Business
Céline Soulas, Enseignant-chercheur en sciences économiques, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/123941
2019-10-03T17:44:13Z
2019-10-03T17:44:13Z
Paralysie cérébrale : les cellules souches, un remède plausible pour réparer le cerveau ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295452/original/file-20191003-52796-w47na5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C29%2C6495%2C4336&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’utilisation des cellules souches en thérapie est complexe à mettre en œuvre, mais porteuse d’espoir.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Médecins et chercheurs explorent depuis plusieurs années les vertus thérapeutiques potentielles des cellules souches, qui ont la capacité de pouvoir se transformer en différentes sortes de cellules présentes dans le corps humain. L’idée initiale était d’utiliser ces cellules très particulières pour remplacer les cellules d’un patient, soient parce qu’elles avaient été détruites, soit parce que leur fonctionnement était imparfait.</p>
<p>Cette approche génère de nombreux espoirs pour soigner différentes maladies pour lesquelles il n’existe pas de thérapie efficace. On pourrait en particulier imaginer utiliser les cellules souches pour traiter un cerveau fonctionnellement défaillant, comme dans le cas de la <a href="https://youtu.be/MN_hgEOpWh0">paralysie cérébrale</a>, première cause de handicap moteur de l’enfant.</p>
<p>Mais si cette idée séduisante est toujours d’actualité, ses modalités de mise en œuvre ont quelque peu évolué. Au fil des études, les chercheurs se sont en effet rendus compte que l’utilisation thérapeutique des cellules souches se heurte à plusieurs difficultés. Explications.</p>
<h2>Que sont les cellules souches ?</h2>
<p>On distingue diverses catégories de cellules souches, en fonction de leur origine et de leur capacité à donner naissance, en présence des stimuli chimiques adéquats, à une variété plus ou moins grande de types de cellules : neurones, cellules cardiaques, cellules rénales, etc. Par exemple, les cellules souches embryonnaires sont capables de donner naissance à toutes les sortes de cellules qui composent un organisme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TBvgGrXuqcY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les cellules souches les plus étudiées actuellement sont les cellules souches mésenchymateuses (MSC étant l’abréviation classique en anglais) qu’on peut retrouver par exemple dans le cordon ombilical, le liquide amniotique, la moelle osseuse ou encore le tissu adipeux. Elles peuvent donner naissance à de nombreuses catégories de cellules, y compris des cellules présentes dans le cerveau.</p>
<h2>Comment fonctionnent-elles ?</h2>
<p>Un grand nombre de cellules souches sont capables de se transformer en cellules du cerveau. Cependant, les études expérimentales ont clairement montré que la majorité des cellules souches, une fois dans le cerveau, ne vont survivre que durant une très courte période (quelques jours en général). Seule une infime proportion de ces cellules va devenir des neurones qui vont s’intégrer dans des réseaux fonctionnels. Dans ce contexte, le remplacement de neurones cérébraux détruits ou non fonctionnels par administration de cellules souches n’est plus un objectif réaliste.</p>
<p>Cela ne signifie toutefois pas que l’administration de cellules souches soit inutile. En effet, des travaux menés dans chez des animaux modèles pour la paralysie cérébrale ont montré que les cellules souches peuvent apporter un bénéfice certain. Capables de migrer jusqu’au site de la lésion dans le cerveau, grâce à la reconnaissance de molécules libérées par les cellules cérébrales en souffrance, les cellules souches produisent des facteurs qui vont favoriser la survie, la multiplication, la croissance et la plasticité des cellules cérébrales.</p>
<p>Elles sont aussi capables de limiter l’inflammation cérébrale, qui est un facteur délétère pour la <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-2012-3-page-17.htm">plasticité cérébrale</a>, c’est-à-dire la capacité du cerveau à modifier sa structure en fonction des apprentissages et des expériences, par la fabrication de nouvelles connexions entre les neurones. De plus, des études récentes</p>
<h2>Quels sont les risques et les limitations des cellules souches ?</h2>
<p>Les cellules souches étant capables de se multiplier de façon importante, le principal risque lié à leur utilisation est le développement de tumeurs. Ce risque théorique est fortement limité par la courte durée de survie des cellules souches transplantées. Néanmoins, deux cas de développement de tumeurs chez des patients adultes qui avaient été traités par transplantation de cellules souches (pour des indications sans relation avec la paralysie cérébrale) ont été récemment documentés. L’un de ces cas, en particulier, est survenu <a href="http://www.cmaj.ca/content/191/27/E761">plusieurs années après la thérapie</a>.</p>
<p>L’autre problème lié à l’utilisation des cellules souches est lié à leur origine. Dans la plupart des cas, les cellules souches transplantées proviennent d’un donneur. Il existe de ce fait un risque important de rejet immunologique des cellules transplantées, ce qui peut encore réduire davantage leur survie chez le receveur.</p>
<p>Comme pour les greffes d’organes ou de moelle osseuse, une compatibilité optimisée des <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-cmh-118/">antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité</a> (molécules présentes à la surface des cellules qui, lorsqu’elles sont très différentes entre donneur et receveur, induisent le rejet de cellules ou organes transplantés) entre donneur et receveur est à privilégier pour limiter ce type d’écueil.</p>
<h2>Où en sommes-nous aujourd’hui ?</h2>
<p>L’utilisation des cellules souches représente un <a href="https://stemcellsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.5966/sctm.2015-0372">véritable espoir pour le traitement de différentes maladies neurologiques</a> (en aigu ou à distance de l’épisode initial), et en particulier pour soigner la paralysie cérébrale.</p>
<p>À ce jour de nombreuses études expérimentales ont été réalisées et sont en cours. Si elles ont permis de montrer le potentiel très important des cellules souches dans des modèles animaux de paralysie cérébrale, elles ont également révélé la complexité d’identifier les meilleures conditions de mise en place d’une telle thérapie : type de cellules souches à utiliser, moment idéal pour la transplantation, dose à administrer, éventuelle répétition des administrations, meilleure voie d’administration (intranasale, intraveineuse, intracérébrale…)</p>
<p>Plusieurs essais thérapeutiques avec administration de cellules souches <a href="https://stemcellsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.5966/sctm.2015-0372">sont également menés actuellement</a>. Ils concernent soit des patients à risque de développer une paralysie cérébrale, parce qu’ils sont subis une lésion cérébrale au moment de la naissance par exemple, soit des patients avec paralysie cérébrale avérée.</p>
<p>Il faut toutefois souligner que les protocoles utilisés varient énormément d’un essai à l’autre (type de patient inclus, de cellule souche utilisé, dose(s) administrée(s), la voie d’administration…). C’est un problème, car cette hétérogénéité rend les comparaisons impossibles.</p>
<p>Ces essais thérapeutiques chez l’être humain, menés sans véritable coordination entre les centres et sur la base de données expérimentales parcellaires, ont cependant le mérite de montrer la faisabilité et très probablement l’innocuité de ce type de thérapie.</p>
<p>Ils ont aussi poussé certaines firmes privées à investir dans la production de cellules souches « aux normes », qui pourront obtenir prochainement les agréments nécessaires pour une éventuelle utilisation en clinique.</p>
<h2>Mieux organiser coordonner la recherche</h2>
<p>Afin d’éviter des échecs à répétition qui pourraient mettre en péril le développement de ce type de thérapie, il semble indispensable d’adopter des approches bien construites. Elles doivent permettre d’identifier rapidement la stratégie optimale pour les patients atteints de paralysie cérébrale. Il est également important d’identifier des sous-groupes de patients avec paralysie cérébrale en fonction de l’origine du déficit, afin d’optimiser pour chaque sous-groupe la thérapie.</p>
<p>Une telle approche nécessite une collaboration internationale entre équipes cliniques et de recherche. La première étape consistera à compléter les données chez l’animal, pour disposer du maximum d’informations afin de guider les études cliniques chez l’être humain. Là aussi, une standardisation des protocoles est indispensable pour pouvoir comparer les différentes approches et déterminer la meilleure stratégie.</p>
<p>Il faut aussi souligner la nécessité d’offrir une solution « encadrée et professionnelle » aux familles, qui sont souvent en grande souffrance. À la recherche d’une thérapie pour leurs enfants, elles sont parfois tentées, de façon bien compréhensible, de s’en remettre à des institutions peu scrupuleuses. Moyennant des tarifs prohibitifs, celles-ci leur proposent des thérapies soi-disant à base de cellules souches sans garantie de savoir-faire, de qualité des cellules administrées, de suivi des patients, ni de partage avec la communauté internationale des résultats obtenus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Gressens conseille Chiesi</span></em></p>
Pourra-t-on un jour réparer cerveau et système nerveux abîmés grâce aux cellules souches ? Cette approche est certes compliquée à mettre en œuvre, mais elle n’en demeure pas moins envisageable.
Pierre Gressens, Neuropédiatre, Directeur de Recherche Inserm et Directeur d’Unité Inserm, Inserm
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tag:theconversation.com,2011:article/120240
2019-07-16T17:01:24Z
2019-07-16T17:01:24Z
Quand les patients se mettent à financer les médicaments…
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283667/original/file-20190711-173325-13ani39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour financer la recherche, certains contributeurs déboursent jusqu'à 300 000 euros.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mikbiz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Un quart des personnes qui se sont exprimées via les cahiers de doléances et les référendums d’initiative locale (RIL) estime ne pas bénéficier d’un accès suffisant aux services publics sanitaires : les déserts médicaux, les services d’urgence saturés, la fermeture de pharmacies ou encore la baisse des taux de remboursement des médicaments sont des préoccupations majeures. Selon le <a href="https://granddebat.fr/pages/syntheses-du-grand-debat">bilan du grand débat national</a> en date du 8 avril dernier, la santé fait globalement partie des domaines pour lesquels les Français sont prêts à payer davantage d’impôts. Rien d’étonnant alors à ce que ces derniers soient également enclins à devenir les propres financeurs de la recherche médicale, et plus particulièrement de l’innovation pharmaceutique, tant il reste de maladies sans remède ou sans solution thérapeutique satisfaisante.</p>
<p>Ce qui est plus surprenant, c’est le mode de financement peu conventionnel adopté par les entreprises de biotechnologie santé. Ces dernières ont en effet décidé de recourir aux patients et aux futurs patients par le biais du financement participatif. À l’origine du développement de nouveaux médicaments, ces biotechs santé ont ainsi recours au crowdfunding depuis 2014, et très souvent avec succès. Elles font ainsi appel à l’épargne des destinataires finaux de leurs produits pour financer leur recherche. Ce mode de financement alternatif ne semblait pourtant pas, ab initio, adapté à ce secteur industriel innovant, très risqué et où les perspectives d’amortissement dépassent souvent les 10 ans.</p>
<h2>Un financement traditionnel mal adapté</h2>
<p>Le <a href="http://www.france-biotech.fr/wp-content/uploads/2017/12/Panorama-2017-web-1.pdf">rapport 2017 de France Biotech</a>, l’association des entrepreneurs en sciences de la vie, positionne la France comme un acteur majeur de la santé en Europe et dans le monde. Or, le développement de ce secteur des biotechs repose principalement sur la <a href="http://www.leem.org/sites/default/files/Rapport%20final%20version%2028%2005%2014%20valid%C3%A9e%20COPIL.pdf">création de start-up et de PME</a> et non de grandes firmes, comme le soulignait le LEEM, le syndicat des entreprises du médicament, en 2015. Intensives en recherche, ces jeunes entreprises, plus d’un tiers ont cinq ans ou moins d’existence, sont très consommatrices de trésorerie et ne présentent que de très faibles chances de retour sur investissement à un horizon lointain.</p>
<p>Les fortes contraintes règlementaires, associées aux risques de refus d’autorisation de mise sur le marché (AMM) par l’autorité nationale compétente, rendent ainsi la mise au point d’un médicament excessivement coûteuse et incertaine. En matière pharmaceutique, les risques inhérents au développement clinique ont même été évalués dans une étude de <a href="https://www.pwc.com/gx/en/pharma-life-sciences/pharma-2020/assets/pwc-biotech-reinvented-french.pdf">PwC</a> en 2011 à un taux d’échec en <a href="https://www.ligue-cancer.net/article/37840_les-differentes-phases-des-essais-cliniques">phase clinique III</a> de 74 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283662/original/file-20190711-173360-1d5wun.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pwc.com/gx/en/pharma-life-sciences/pharma-2020/assets/pwc-biotech-reinvented-french.pdf">Elizabeth A. Czerepak et Stefan Ryser, « Drug approvals and failures : implications for alliances (2008) », cité dans l’étude PwC « La Biotech réinventée » (2011).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’accès au financement externe s’impose donc comme l’une des clés de réussite de ces start-up à l’origine de l’innovation dans la santé. Néanmoins, le financement par la dette n’est pas adapté dans la mesure où ces entreprises ne génèrent pas de chiffre d’affaires susceptible de permettre de rembourser un emprunt. Le recours au financement participatif en capital d’investissement (<em>equity</em>) interroge donc. Peut-il pallier les insuffisances des canaux de financements traditionnels ?</p>
<p>Notre <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-4-page-135.htm">étude exploratoire</a> auprès de start-up françaises de biotechs santé a montré l’importance et les spécificités du recours aux plates-formes de crowdfunding par celles-ci. Elle a permis d’identifier l’equity crowdfunding comme type privilégié dans les biotechs santé eu égard à l’importance des montants à lever dans le secteur. Le choix d’un mode de gouvernance sous forme de holding est adapté à la conservation du contrôle par le porteur de projet. En effet, même si les dirigeants sont prêts à céder une partie de leur propriété, ils ne souhaitent pas perdre le contrôle sur leur projet.</p>
<h2>De 100 euros à 300 000 euros par contributeur</h2>
<p>Les profils des investisseurs se sont révélés variés, même si des tendances se dégagent autour de grandes masses : un réseau d’amis exerçant des professions libérales en santé, des particuliers « boursicoteurs », et enfin des financiers qui entrent au tour de table via la plate-forme, ou concomitamment en marge de cette dernière, tous étant potentiellement des futurs patients bénéficiant de la recherche financée.</p>
<p>Aux dires de certains porteurs de projets interviewés, la foule semble guidée par trois motivations essentielles : des considérations financières, de l’intérêt pour la maladie ou la technologie, et enfin de l’affect voire de l’altruisme.</p>
<p>L’échelle de distribution des montants investis est très large, allant de 100 euros à 300 000 euros par contributeur. Les résultats mettent en évidence la manière dont se positionne le crowdfunding dans la chaîne de financement du secteur. La tendance est d’intégrer la finance participative très en amont, lors de la phase d’amorçage (cf. schéma ci-dessous). L’equity crowdfunding a ainsi de plus en plus vocation à se greffer au tour de table des capitaux risqueurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283664/original/file-20190711-173329-mr9r1q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-4-page-135.htm">auteurs.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, l’étude met en évidence que le crowdfunding constitue une aide précieuse aux dirigeants de start-up dans la mesure où l’appel à la foule oblige le porteur de projet à bien penser son business plan et à poser des jalons intermédiaires afin d’en faciliter la compréhension sur le moyen et le long terme.</p>
<h2>L’équilibre délicat de la communication</h2>
<p>La communication demeure très complexe et réglementée dans le secteur biomédical parallèlement aux obligations d’information renforcée propres à la finance participative. De surcroît, le dilemme de la divulgation/communication se révèle avec acuité. En effet, afin d’inciter les contributeurs à investir, il convient de les informer des progrès des recherches sans toutefois trahir des secrets pouvant bénéficier de la coûteuse protection du droit de la propriété intellectuelle. Il faut donc concilier deux cibles opposées : communiquer simplement pour convaincre la foule, sans tomber dans la vulgarisation extrême qui ferait fuir les investisseurs scientifiques.</p>
<p>En définitive, le crowdfunding semble prendre part à une tendance économique et sociale plus globale. L’économie devient plus collaborative, y compris dans le secteur de la santé, et le particulier, patient en puissance, peut désormais devenir le financeur de sa propre santé dans le futur. Il n’en demeure pas moins un autre enjeu, moral celui-ci, car financer des projets de futurs médicaments impose une vigilance toute particulière : celle de ne pas créer de faux espoirs…</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-4-page-135.htm">« Le crowdfunding au secours de l’industrie des biotechnologies santé ? »</a> publié dans la Revue française de gestion (RFG) du quatrième trimestre 2018.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Attuel-Mendes a reçu des financements du Conseil régional Bourgogne Franche Comté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Céline Soulas a reçu des financements du Conseil Régional Bourgogne Franche Comté.</span></em></p>
Le crowdfunding apparaît bien adapté dans ce secteur où les perspectives d’amortissement restent longues. Les motivations des contributeurs dépassent en effet le simple retour sur investissement.
Laurence Attuel-Mendes, Enseignant-chercheur en droit et financement participatif, Burgundy School of Business
Céline Soulas, Enseignant-chercheur en sciences économiques, Burgundy School of Business
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/108214
2019-01-30T20:46:57Z
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CRISPR et les « effets hors-cible » : des risques encore peu contrôlables
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256337/original/file-20190130-42594-1pbn20w.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C145%2C1024%2C545&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Cell/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://theconversation.com/un-scientifique-chinois-a-t-il-fait-naitre-les-premiers-bebes-crispr-107619">Deux bébés génétiquement modifiés</a> via la technologie CRISPR d’édition du génome ont vu le jour en Chine, fin 2018, tandis qu’un troisième enfant devrait naître prochainement : si ces informations ne peuvent encore être vérifiées formellement, faute de communication scientifique validée par les pairs, elles ont néanmoins scandalisé l’ensemble de la communauté des chercheurs. L’occasion de faire le point sur les risques pour l’humain de telles modifications de l’ADN pour des objectifs thérapeutiques : par exemple, <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969">dans le cas des bébés chinois</a>, la création d’un variant dans le génome des embryons pour les protéger d’une éventuelle infection par le VIH.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256335/original/file-20190130-127151-1kveo3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une couverture du journal <em>Nature</em> sur CRISPR.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nature</span></span>
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<p><strong>Qu’est-ce que le système CRISPR-Cas9 ?</strong></p>
<p><a href="https://theconversation.com/crispr-cas9-comment-modifier-les-genomes-va-changer-la-societe-66320">CRISPR-Cas9</a>, ce sont deux éléments biologiques : CRISPR et Cas9. Cas9, ce sont des ciseaux à ADN : une protéine qui coupe les gènes de manière très précise. CRISPR, CRISPR – pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats- ce sont les « mains » qui positionnent les ciseaux à l’endroit voulu du génome. Ce système est susceptible de réparer un gène malade.</p>
<p><strong>Qu’est-ce que l’effet « off target » ?</strong></p>
<p><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Off-target_genome_editing"><em>Off-target</em></a> signifie hors cible. On veut dire par là que la protéine Cas9 n’est pas à 100 % précise car elle peut couper le génome à des endroits non souhaités. Ce problème de spécificité est réel et il n’est pas le seul risque. Par extension, <em>off-target</em> fait référence à tous les effets non voulus que peut engendrer l’outil CRISPR-Cas9.</p>
<p>Par exemple, quel sera l’impact des techniques nécessaires à l’introduction du système CRISPR-Cas9 dans les cellules ? De même, comment la cellule va-t-elle s’y prendre pour « réparer » la coupure produite par les ciseaux Cas9 ? Tout cela ne va-t-il pas créer des mutations inattendues ? Comme n’importe quel médicament, CRISPR-Cas9 pourrait avoir des effets indésirables importants. Le souci est que nous ne sommes qu’au début des recherches cliniques : nous ne connaissons encore pas les risques de la thérapie CRISPR-Cas9 pour l’être humain.</p>
<p>Inactiver un gène défectueux, le remplacer ou même « seulement » le réparer en le modifiant légèrement implique une précision parfaite de l’outil CRISPR car des centaines de gènes se succèdent sur chacun de nos chromosomes et toutes nos cellules contiennent 23 paires de chromosomes. Il s’agit donc de bien toucher le gène voulu et pas son voisin. De plus, un gène est constitué de différentes briques, qui jouent toutes un rôle différent et là encore, viser la bonne brique et uniquement elle est capital : changer la roue d’une voiture ne sert à rien si vous êtes en panne d’essence et vous prenez le risque d’empirer la situation en remontant mal le pneu. Sans oublier que chaque gène est présent dans chacune de nos cellules et ceci même s’il n’y est pas en fonction, le système CRISPR doit donc agir dans un maximum de cellules d’une fonction donnée pour être efficace. Et pour finir, différents gènes peuvent se ressembler et ainsi induire en erreur les ciseaux CRISPR-Cas9… L’outil parfait se doit donc d’être à la fois actif, précis et surtout contrôlable.</p>
<p><strong>Déterminer les bons guides moléculaires</strong></p>
<p>Créer les bons « guides » moléculaires est un premier enjeu. Ils vont permettre de cibler précisément la partie du gène visée, et placent pour cela les ciseaux Cas9 au bon endroit. Le choix des guides c’est la différence entre avoir les mains qui tremblent ou des mains bien assurées pour positionner les ciseaux. Il est donc indispensable de s’assurer qu’ils ne se fixeront qu’à l’endroit à couper. Il faut donc tester de nombreux guides pour sélectionner les plus spécifiques.</p>
<p>Deuxième enjeu, comprendre les mécanismes naturels de réparation des cellules. Le système de réparation cellulaire contribue à maintenir l’intégrité de notre organisme, en surveillant en permanence notre ADN. L’ADN donne toutes les recettes nécessaires à la fabrication de chaque constituant de nos cellules, donc de nos organes et de notre corps tout entier, mais tous ces constituants et nos cellules s’usent et doivent sans cesse être renouvelés. Notre ADN est donc comme un livre dont les pages sont constamment feuilletées.</p>
<p>Mais les pages sont parfois abîmées ou le texte n’est plus lisible, il faut donc veiller à maintenir le livre dans son état initial pour éviter les erreurs, à l’origine de maladies ou de cancers par exemple. Plusieurs systèmes de réparation existent au sein de nos cellules et veillent à ce qu’un fragment d’ADN éventuellement abîmé ne le reste pas.</p>
<p><strong>Attention aux lettres mal insérées</strong></p>
<p>Quand les ciseaux génétiques du système CRISPR viennent couper l’ADN d’un gène, la cellule « répare » la cassure réalisée au niveau du gène. Cela consiste à juste recoller les extrémités coupées, sans conséquence ultérieure autre que celle souhaitée par l’intervention de départ (retirer un défaut – une mutation – de ce gène ou l’empêcher complètement de s’exprimer, par exemple). Mais souvent, la coupure est imparfaite : elle a enlevé ou laissé une lettre qui suffit à empêcher la lecture correcte de l’ADN réparé. Plusieurs lettres peuvent avoir été perdues ou à l’inverse d’autres peuvent venir s’insérer dans la coupure.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256334/original/file-20190130-108358-1s1oz80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Edition du génome.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elzo Meridianos</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Si un morceau entier d’ADN a été coupé, celui-ci peut venir se réinsérer dans le site de coupure, dans le bon sens ou bien inversé, voire en deux exemplaires. Il peut même arriver que deux gènes ouverts en même temps soient malencontreusement « recollés » l’un avec l’autre, parfois même sur deux chromosomes différents. La réparation de l’ADN de nos cellules n’est naturellement pas parfaite, troublant la lecture normale de notre génome. Ainsi, s’ils peuvent être sans conséquence, certains de ces évènements peuvent aussi conduire à la génération d’éléments cellulaires anormaux voir cancéreux.</p>
<p><strong>Maîtriser les effets hors-cible</strong></p>
<p>Aujourd’hui, il n’est pas possible de contrôler les mécanismes de réparation des cellules : il faut donc obligatoirement maîtriser le <em>off-target</em>. Comment ? Par l’examen approfondi du génome des cellules éditées, par exemple en séquençant leur ADN. Le nombre et la localisation exacte des évènements non voulus est ainsi évalué. Détecter ces événements avant le transfert des cellules modifiées au patient permettra d’arrêter un protocole clinique jugé trop risqué par rapport au bénéfice qu’il apporterait.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256336/original/file-20190130-42594-y0hq8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentation de CRISPR.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le biais de ce contrôle extensif de notre génome est que l’on peut finir par trouver ce que l’on ne cherchait pas, à savoir des défauts génétiques qui ne sont pas dus au système CRISPR. Ces mutations vont être attribuées à tort à l’édition de génome par CRISPR dans ces cellules et peuvent entraîner l’arrêt du traitement voire une hyper-surveillance ultérieure du patient qui n’avait pas lieu d’être jusqu’alors.</p>
<p>Cette stratégie de contrôle est valable lorsqu’on veut modifier les cellules d’un patient « ex vivo » pour les lui réimplanter une fois modifiées. Il va sans dire que l’administration éventuelle du système CRISPR directement dans l’organisme, comme un vaccin, pose des problèmes plus importants encore car ce type de contrôle n’est alors pas possible autrement qu’a posteriori.</p>
<p><strong>Dans le futur, éliminer le <em>off-target</em> ?</strong></p>
<p>Tout d’abord, l’amélioration de la précision du système CRISPR va passer par celle des outils de sélection des guides via des méthodes de bio-informatique de plus en plus fiables. Par ailleurs, il n’existe pas un seul système CRISPR-Cas9 mais des milliers. D’autres sortes de ciseaux appelés TALE ou ZFN sont également en cours de test clinique. Les études réalisées par les scientifiques montrent d’ailleurs que certains ciseaux ont des avantages sur d’autres, notamment en termes de précision de coupure. Aujourd’hui, ces études se poursuivent dans de nombreux laboratoires de recherche, privés et publics. Cette piste devrait permettre de sélectionner des systèmes plus précis, actifs et contrôlables.</p>
<p>Enfin, les méthodes de transfert du système dans les cellules ou l’organisme entier sont également une voie explorée. Ainsi, le contrôle des ciseaux utilisés peut se faire via une expression transitoire : l’enzyme sera présente dans les cellules suffisamment de temps pour réaliser la coupure demandée puis elle disparaîtra. Plusieurs technologies commencent à être testées en ce sens.</p>
<p>Ainsi, si l’outil parfait n’a pas encore été mis au point, il y a fort à parier que nous nous en rapprochons. Les recherches autour et avec le système CRISPR vont extrêmement vite et suscitent un engouement incroyable, et pour cause : ils sont l’espoir de pouvoir intervenir sur, voire de soigner, de nombreuses maladies comme les troubles d’origine génétique mais également le cancer ou le sida. Il reste à espérer que les enjeux économiques et de pouvoir n’entravent pas la bonne marche de la science, et la prudence nécessaire : contrairement à ce qui s’est passé en Chine, il est urgent de prendre le temps de bien mesurer tous les effets des manipulations génétiques, aussi porteuses d’espoir soient-elles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Duthoit travaille pour la société Flash Therapeutics, spécialisée dans le transfert de gènes et la thérapie génique.</span></em></p>
Connaît-on vraiment comment fonctionne ce système de découpe moléculaire ? Et quels en sont les risques pour la santé humaine ?
Christine Duthoit, Chercheuse, gestion de projets, ANDès
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/107579
2018-12-16T20:26:13Z
2018-12-16T20:26:13Z
Les science « omiques » ? Du nouveau pour la biologie moléculaire et pour la planète
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250765/original/file-20181215-185240-4nzaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plankton art Mix.</span> <span class="attribution"><span class="source">Noan Le Bescot – Johan Decelle – Colomban de Vargas – Sébastien Colin © 2018 Plankton Planet </span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En 1944, quand Erwin Schroedinger publia son fameux essai <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/What_Is_Life%3F">« What is life ? »</a> qui révolutionna la vision moléculaire du vivant, on était très loin de s’imaginer où nous conduirait la dynamique qu’il avait lancé en faisant de la biologie moléculaire une science transversale respectant <em>in fine</em> les principes énergétiques de la planète.</p>
<p>La nouvelle discipline s’est articulée autour de la biochimie et de la génétique, avec les apports de la physique, de la chimie et de la biologie. La bactérie <em>Escherichia coli</em> et ses virus, les coliphages, servirent alors de modèle de référence pour établir entre les années 1950 et 1960 le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_fondamentale_de_la_biologie_mol%C3%A9culaire">dogme central de la biologie moléculaire</a> : la compréhension des mécanismes de fonctionnement de la cellule, protégée de l’extérieur grâce à ses membranes lipidiques, et du rôle des acides nucléiques -ADN et ARN pour la synthèse des protéines.</p>
<p>A l’époque, le biologiste de laboratoire en était encore à l’ère artisanale dans ses pratiques quotidiennes, assisté par des authentiques compagnons, verriers, électriciens, mécaniciens… 75 ans plus tard, les acquis de la biologie moléculaire ont atteint un niveau inouï de complexité. Ils fondent ce qui est désormais l’industrie du vivant.</p>
<p>Cette évolution majeure a été rendue possible par une accélération énorme des progrès technologiques, de la mise en commun des connaissances acquises et de la croissance de la masse critique des chercheurs et chercheuses engagé·e·s dans cette interface multidisciplinaire. Les moyens mis en jeu pour la médecine ont aussi beaucoup contribué à intégrer la biologie moléculaire pour explorer le contexte cellulaire et physiologique de l’être humain. C’est évidemment notre propre organisme examiné à la loupe de la biologie moléculaire qui nous intéresse, plutôt que la modeste <em>Escherichia coli</em>.</p>
<h2>« Omique » : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Ces dernières années, chimie, physique et informatique ont permis de développer des <a href="https://theconversation.com/metagenomique-interactomique-proteomique-lipidomique-quest-ce-que-cest-84013">technologies dites « omiques »</a>. Il s’agit de mettre en œuvre une ingénierie d’analyse systématique du contenu du vivant à l’échelle moléculaire. En macromolécules ADN (génomique) ; ARN (transcriptomique) ; protéines (protéomique) ; métabolites cellulaires (métabolomique) ; lipides (lipidomique). Une plate forme de services technologiques adaptés et fonctionnant à la demande peut désormais, à partir de n’importe quel échantillon contenant de la matière organique, réaliser une méta-analyse de type « omique ».</p>
<p>L’ère « omique » débute en fanfare au début des années 2000 avec l’annonce du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_g%C3%A9nome_humain">séquençage complet de l’ADN du génome humain</a>. Le matériel génétique de l’espèce humaine, codé dans l’ADN a été déchiffré avec ses 3 milliards de nucléotides selon une séquence précisément agencée entre les 4 nucléotides A,T,G et C le long des 23 paires de chromosomes.</p>
<p>Les chercheurs ont poursuivi leurs investigations sur l’ARN et les protéines. Dans les cellules humaines, protéome et transcriptome sont maintenant analysés à partir <a href="http://book.bionumbers.org/how-many-proteins-are-in-a-cell/">des milliards de copies traduites</a> (protéome) de tout ou partie des environ 20 000 protéines identifiées et des copies d’ARNs transcrits (transcriptome) représentant <a href="http://book.bionumbers.org/what-is-the-macromolecular-composition-of-the-cell/">des centaines de millions de molécules</a> (quantité extrapolée à partir d’<em>Escherichia coli</em>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250031/original/file-20181211-76962-1qiim0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Diagrammes de Voronoï à partir de l’analyse protéomique de plusieurs organismes modèles. (En haut) Protéocartes annotées par catégorie fonctionnelle. (En bas) Mêmes diagrammes annotés avec les noms des gènes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté de W. Liebermeister et coll., Proc. Natl. Acad. Sci., 111 :8488, 2014._</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La découverte de la présence massive dans nos organismes d’une grande diversité de microbes incluant les virus est aussi un des résultats majeurs de ces méta-analyses. <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1002533">Le corps humain contient autant de bactéries, toutes espèces confondues que de cellules humaines</a> (environ 40 trillions… Soit 200 grammes pour un individu de 70 kg), et non pas 10 fois plus comme encore souvent annoncé. Les approches « omiques » ont révolutionné la caractérisation de ce microbiote humain.</p>
<p>Dans le domaine de la biodiversité, les technologies « omiques » ont permis d’en savoir plus sur le nombre d’espèces. Le plancton marin, par exemple : la métagénomique a révélé une immense biodiversité microbienne à la surface des océans représentants des 3 règnes primaires (eucaryotes à l’état de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protista">protistes</a>, bactéries et archées), sans oublier la multitude de virus qui leurs sont associée. Récemment une analyse métatranscriptomique des protistes prélevés par 68 stations marines du réseau Tara a identifié pour ces microorganismes un <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-017-02342-1">total de 116 millions de transcrits d’ARN</a>, témoignant d’une biodiversité inimaginable.</p>
<h2>Biologie des systèmes</h2>
<p>Ces exemples qui frappent l’esprit illustrent à quel point la voie du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9ductionnisme">réductionnisme</a> qui fut longtemps une force motrice essentielle pour conduire les recherches en biologie moléculaire a été débordée par la complexité du vivant et par la multitude d’innovations à la croisée des chemins entre informatique et biotechnologie, entre académie et « start-up », sous l’influence de la Californie et du Massachusetts.</p>
<p>Dans ce cadre complexe et délicat à appréhender, se dégage une voie nouvelle pour la biologie : on pourrait l’appeler « postomique » et souligner sa vision nécessairement holistique pour traiter du global et du détail en même temps. Nous sommes entrés dans l’ère de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biologie_des_syst%C3%A8mes">biologie des systèmes</a>. De fait, l’écologie scientifique, enjeu majeur pour le futur de la planète, s’intéresse de plus en plus aux informations moléculaires accessibles pour influencer la pertinence de ses modèles à l’échelle des écosystèmes. On a cité deux exemples : le plancton marin avec, notamment, sa capacité à produire 50 % de l’oxygène planétaire ; la flore intestinale avec son impact évident sur la santé humaine. Le tout est à replacer dans le cadre de la <a href="http://www.pnas.org/content/115/25/6506.long">biomasse planétaire récemment évaluée à environ 550 gigatonnes de carbone</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250042/original/file-20181211-76968-16fotx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Diagrammes de Voronoï de la biomasse planétaire. A) Biomasse des principaux taxons du monde vivant ; B) Biomasse des taxons animaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Y. M. Bar-On et coll., Proc. Natl. Acad. Sci. 115 :6506, 2018.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face à l’émergence de ces incroyables métadonnées, « macro-micro », le modèle de recherche scientifique toujours en vogue dans beaucoup d’universités et d’organismes de recherche limite terriblement la marge de manœuvre. Cela perdurera tant que l’on restera dans un esprit de court terme, en grande partie fondé sur une compétition entre chercheurs générant trop de pression, de précarité et d’échec. Pour être à la hauteur de sa mission de long terme, le scientifique doit vite <a href="https://anglejournal.com/article/2018-10-whats-next-for-the-lost-generation-of-academics-towards-a-sustainable-academic-system/">retrouver une perspective ouvrant sur un avenir plus fécond</a>, collaboratif et participatif.</p>
<p>Revenons aux sciences « omiques » et à leur utilité pour le futur. Elles peuvent aider à l’émergence de concepts prometteurs comme le <a href="https://theconversation.com/biomimetisme-sinspirer-de-la-nature-pour-rendre-linnovation-plus-soutenable-86164">biomimétisme</a>. La grande idée est de faire en sorte que l’économie et l’écologie <a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/11/02/stop-au-separatisme-entre-ecologie-et-economie_1689463">n’aillent plus l’une sans l’autre</a>]. Pourra alors s’ouvrir une nouvelle ère <a href="https://theconversation.com/biomimetisme-passer-dun-modele-economique-bio-aspire-a-un-modele-bio-inspire-84797">bio-inspirée</a>. La « postomique » à l’échelle <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9soscopique">mésoscopique</a> est bien au cœur d’un futur fondé sur des sciences et des technologies qui permettent le mieux pour l’humanité et la planète. La toile d’araignée contre le plastique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Mirambeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Vous avez dit « omiques » ? La biologie se renouvelle grâce aux technologies d'analyse du vivant à l'échelle moléculaire : génomique, protéomique, etc. Une voie pour saisir la vie dans sa diversité.
Gilles Mirambeau, Maître de conférences, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/85512
2017-10-11T19:04:28Z
2017-10-11T19:04:28Z
Podcast : 100 pixels pour voir le monde
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189644/original/file-20171010-17697-ubb5y1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p><strong>Marc Macé</strong> est chercheur à l’IRIT (Institut de recherche en informatique de Toulouse). Il travaille sur la conception de rétines artificielles. Elles stimulent électriquement la rétine d’une personne déficiente visuelle et lui font percevoir des points lumineux. Mais c’est une vision très altérée du monde, une fenêtre visuelle de cent points lumineux.</p>
<ul>
<li><em>Jouer à débattre</em> sur l’humain augmenté avec Marc Macé, le 12 octobre à 16h30 à la <em>Dépêche du Midi</em> à Toulouse. Une séance organisée par l’association <a href="http://www.arbre-des-connaissances-apsr.org/">L'Arbre des connaissances</a> dans le cadre de la Fête de la science du 7 au 15 octobre.</li>
</ul>
<p>Retrouvez toutes les informations sur <a href="https://www.fetedelascience.fr/pid34623-cid119621/debats-des-jeunes-jeu-debat-tu-debats.html">Jouer à débattre</a> sur le site de la Fête de la Science.</p>
<hr>
<p>Réalisation : <strong>Hervé Marchon</strong>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85512/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Macé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Marc Macé est chercheur à l’IRIT. Il travaille sur la conception de rétines artificielles pour une vision de moins de cent points lumineux pour la personne déficiente visuelle.
Marc Macé, Chercheur à l'IRIT (Université Paul Sabatier de Toulouse), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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tag:theconversation.com,2011:article/71514
2017-08-23T22:08:49Z
2017-08-23T22:08:49Z
Pourquoi la santé doit revisiter sa manière d’innover
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/181687/original/file-20170810-27667-stjvc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La télémédecine fait partie des évolutions récentes les plus significatives en matière de santé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/neccorp/14445634744">NEC/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le secteur de la santé innove. Mais pour qu’il se transforme réellement et durablement, les acteurs doivent collaborer davantage, embrasser de nouveaux concepts et rénover leurs approches méthodologiques. Pour lutter contre les nombreux cloisonnements qui perdurent, il est nécessaire de déployer des espaces favorables à la créativité.</p>
<p>Le domaine de la santé, et plus précisément celui du soin et de l’accompagnement du patient à l’hôpital, dans les établissements médico-sociaux et à domicile, connaît une profonde mutation. S’il fait face à des défis de plus en plus complexes et multiples (<a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/quelle-prise-en-charge-pour-les-maladies-chroniques">maladies chroniques</a>, <a href="http://www.francetvinfo.fr/societe/sante-les-inegalites-d-acces-aux-soins-augmentent_1719633.html">inégalités</a> et <a href="http://www.la-croix.com/Economie/Social/Renoncement-soins-assure-social-quatre-serait-concerne-2017-03-28-1200835473">renoncement aux soins</a>, <a href="http://www.latribune.fr/economie/international/le-boom-de-la-population-agee-pourrait-freiner-la-croissance-742002.html">vieillissement de la population</a>, <a href="http://www.francetvinfo.fr/sante/cancer/pourquoi-le-prix-des-traitements-anticancereux-pose-probleme_1227189.html">renchérissement du coût de certains traitements</a>, renforcement des contraintes économiques), il connaît simultanément un bouillonnement d’initiatives et d’idées nouvelles. Les objets connectés, la <a href="https://theconversation.com/nouveau-depart-pour-les-experimentations-en-telemedecine-49481">télémédecine</a>, la prévention et la personnalisation du soin, par exemple, offrent de grandes possibilités.</p>
<p>Tout cela répond à un axe majeur de réorganisation : la mise en place de parcours de santé plus fluides et coordonnés. Les objectifs sont multiples : réduire les durées d’hospitalisation, favoriser d’autres modes de soin et d’accompagnement, éviter la redondance des actes médicaux, appréhender le patient dans la globalité de sa situation, y compris en trouvant des solutions pour accompagner sa famille.</p>
<h2>Décloisonner le secteur de la santé</h2>
<p>La réponse à ces enjeux suppose de soutenir des innovations aux frontières de nombreux secteurs (numérique, robotique, <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/genetique-genomique-viande-bovine-440/page/3/">génomique</a>, éducation) et qui impliquent différents champs d’intervention autour du patient (handicap et vieillissement, hôpital et domicile, prévention et soins curatifs…).</p>
<p>Or le secteur de la santé est fortement réglementé, cloisonné et institutionnalisé. Les différentes sphères qui le constituent (<a href="http://www.futura-sciences.com/tech/dossiers/technologie-biotechnologies-defi-futur-2158/">biotechnologies</a>, entreprises pharmaceutiques, fournisseurs de dispositifs et d’équipements médicaux, établissements de soin, intervenants à domicile, associations d’usagers) ont encore peu l’habitude de travailler ensemble, chacune étant « enfermée » dans son propre système de normes, de contraintes et d’enjeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/181692/original/file-20170810-27677-wu0twa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le secteur de la santé ne pourra continuer d’innover qu’en faisant collaborer davantage les acteurs qui le composent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/multiracial-medical-team-having-meeting-doctors-608744120?src=aI3S_igDiTokULfIA-ljew-1-7">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est ce cloisonnement qui explique que l’écosystème peine à exploiter pleinement ses capacités d’innovation, à se transformer durablement pour améliorer concrètement l’état de bonne santé de la population, dans un souci d’équité sociale et de maîtrise économique.</p>
<p>Pour relever ces défis, nous devons décaler notre regard sur l’innovation. Innover dans le soin et dans l’accompagnement nécessite d’abord de renouveler les approches managériales, les <em>business models</em>, les processus de créativité, la gouvernance, l’évaluation… bref, de créer et de piloter des espaces favorables à l’innovation, pour dialoguer, imaginer et expérimenter de façon plus collaborative et ouverte.</p>
<h2>Des espaces pour faire émerger l’innovation</h2>
<p>La fin de ce cloisonnement du secteur de la santé passera par la création d’espaces dédiés, dont le rôle sera de faire émerger l’innovation. Tout dispositif plus ou moins formel et permanent qui peut réunir professionnels, patients, usagers, chercheurs, agences et collectivités publiques, pour innover ensemble, peut remplir ce rôle.</p>
<p>Citons quelques exemples, très différents les uns des autres mais qui prennent la bonne direction :</p>
<ul>
<li><p>Les ateliers de <em>design thinking</em> organisés par le pôle services à la personne de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), pour <a href="http://www.psppaca.fr/Habitat-collectif-et-connecte-en">imaginer des habitats collectifs et connectés</a> ;</p></li>
<li><p>Le mouvement des <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/Actualites/Synthese-1_web.pdf"><em>living labs</em> en santé et autonomie</a> (LLSA), présent dans différentes villes de France ;</p></li>
<li><p>L’<a href="http://www.institutdubienvieillirkorian.org/">Institut du bien vieillir Korian</a>, qui réunit professionnels, chercheurs et associations pour encourager l’innovation, donner envie d’entreprendre et faire remonter « du terrain » des projets prometteurs en faveur du « bien vieillir » ;</p></li>
<li><p><a href="http://lesagoras.paca.ars.sante.fr/">Les Agoras de l’Agence régionale de santé (ARS) PACA</a>, moments de rencontres conçus dans une logique de démocratie et de collaboration, pour identifier et valoriser des initiatives, encourager de nouveaux projets, échanger sur les défis communs ;</p></li>
<li><p>Enfin, des écosystèmes urbains, souvent organisés autour de centres de santé, encouragent des expériences qui réunissent professionnels de santé, habitants, laboratoires de recherche, commerçants ou acteurs de tout autre secteur. On peut citer, dans cette catégorie, les dynamiques créatives <a href="http://www.technomontreal.com/fr/industrie/portrait-de-linnovation-montr-al/p-les-de-linnovation-montr-al">mises en place à Montréal</a> ou le projet <a href="http://www.humanicite.fr/">Humanicité</a> à Lille.</p></li>
</ul>
<h2>Quatre piliers pour l’innovation ouverte</h2>
<p>Ces espaces reposent sur le principe de l’<a href="https://www.lesechos.fr/thema/innovation-ouverte/index.php">innovation ouverte</a> (<em>open innovation</em>). Nos travaux de recherche nous conduisent à spécifier ces espaces autour de quatre piliers : acteurs, approches méthodologiques, accompagnement managérial et gouvernance.</p>
<ul>
<li><p>L’innovation naît de la diversité d’acteurs. Il faut dès lors prendre au sérieux le choix des partenaires qui y participent et avoir une démarche volontaire pour les identifier et les mobiliser. On note, en particulier, qu’il n’est pas encore toujours naturel de mobiliser les patients ou les professionnels des secteurs connexes à celui de la santé (numérique, habitat, urbanisme…).</p></li>
<li><p>L’innovation jaillit dès lors qu’on encourage de nouvelles connexions entre acteurs. C’est ainsi que des croisements fertiles entre idées, concepts et expériences peuvent se produire. Des approches de type <em>design thinking</em> ou C-K (pour <em>concept-knowledge</em>) sont à promouvoir pour encourager la créativité au-delà des normes, expérimenter de manière agile, adopter une approche en termes de fonctionnalités et d’usages, et non pas sur la base de considérations strictement technologiques.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8Z24m_3FvGM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de la théorie C-K par Flore Guntzer, responsable R&D et innovation chez Intrapra.</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Se comprendre, s’enrichir et collaborer n’est pas naturel, surtout quand on veut aller au-delà des frontières des secteurs. Investir du temps et des ressources pour accompagner ces expérimentations, donner envie d’entreprendre et se saisir de nouveaux concepts est donc primordial.</p></li>
<li><p>La gouvernance (partagée) des espaces doit embrasser trois facettes. D’abord, une gouvernance stratégique, portée par ceux qui ont suffisamment d’expérience et de légitimité auprès de différents secteurs pour orienter les démarches innovantes et mobiliser les divers acteurs. Ensuite, une gouvernance évaluative, promouvant une évaluation au fil de l’eau, pour démontrer la plus-value apportée et identifier les transformations à opérer pour soutenir l’appropriation de l’innovation. Enfin, une gouvernance associant monde professionnel et monde académique, enfin, pour évaluer l’importance de la transformation des pratiques et des usages que permettent ces espaces.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/71514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Corinne Grenier a reçu des financements de l'IRESP (fin du financement: mai 2016). </span></em></p>
Pour faire face à des défis de plus en plus complexes, le secteur de la santé doit innover différemment. Notamment en se décloisonnant et en créant des espaces dédiés à la collaboration entre acteurs.
Corinne Grenier, Professeur d’innovation, stratégie et gouvernance des réseaux, Kedge Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/76044
2017-06-28T18:39:44Z
2017-06-28T18:39:44Z
Convergence technologique : l’homme, la machine et la société
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165670/original/image-20170418-32723-13ka8ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Roboy, l'Université de Zürich, 27 février 2013.</span> <span class="attribution"><span class="source">Adrian Baer/Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>C’est en 2002 qu’a été évoqué pour la première fois le concept de convergence des domaines technologiques NBIC (nanotechnologie, biotechnologie, informatique, sciences cognitives), dans un <a href="http://www.wtec.org/ConvergingTechnologies/Report/NBIC_report.pdf">rapport</a> de près de 500 pages édité par la National Science Foundation (NSF) américaine. Détaillé, et argumenté, le rapport se félicitait alors du nécessaire rapprochement des connaissances scientifiques dans les domaines NBIC et il donnait la tonalité des différents programmes de R&D civils et militaires qui ont été menés depuis.</p>
<p>La dynamique de cette convergence peut être résumée par un schéma qui fait apparaître deux partitions. La première sépare le domaine de la physique à gauche, et de celui de la biologie à droite. La seconde distingue ce qui relève du hardware en haut, de ce qui se rapproche du software en bas. Quand les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nanotechnologie">nanotechnologies</a> manipulent les atomes, les biotechnologies s’appliquent aux gènes, l’informatique s’appuie sur les bits et les sciences cognitives sur les neurones biologiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165614/original/image-20170418-32716-utv31u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Convergence NBIC.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Illustration fournie par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On retiendra qu’à l’intersection de l’informatique et des biotechnologies, se développent la nano-bio-informatique, les calculs sur l’ADN, le séquençage, l’étude des protéines (Proteomics). Tandis que l’intersection des biotechnologies et des nanotechnologies, elle, se concrétise dans la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01364860/document">nano-bio-médecine</a>, les nano-bio-technologies, la biologie synthétique et la <a href="https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680307576">bio-photonique</a>. Les sciences cognitives rencontrent les nanotechnologies dans l’ingénierie neuromorphique, les environnements intelligents, les objets dédiés au développement cognitif. Enfin, les sciences de l’information et l’informatique collaborent avec les sciences cognitives dans les grands programmes de simulation du cerveau, dans la modélisation de la cyberconflictualité ou dans l’éducation personnalisée. L’étude de la convergence NBIC s’appuie sur la définition de métriques adaptées permettant d’évaluer sa vitesse et les distances séparant les domaines concernés.</p>
<p>Le concept de <a href="http://www.ntumems.net/about%20us/news/20150121/NBIC2_FinalReport.pdf">convergence CKTS</a>, lui, est apparu en 2009. Aujourd’hui, il se généralise et étend le périmètre de la convergence NBIC, en introduisant une dimension sociétale qui postule les bienfaits de la connaissance et de la technologie pour l’humanité. Ainsi quand la convergence NBIC se limite au constat du rapprochement des quatre disciplines scientifiques, la convergence CKTS s’inscrit au contraire dans une prise de position résolument solutionniste, proche de la pensée transhumaniste-singulariste. Et l’on notera qu’en 2013, la <a href="https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680307576">Commission européenne</a> a soutenu l’ensemble des projets favorisant la convergence des nanotechnologies, de la nano-biologie et des domaines de la santé en se positionnant dans une dynamique compatible avec celle de la convergence CKTS. Rappelons enfin que lorsqu’on évoque le modèle d’une économie de la connaissance, celui-ci repose sur la dynamique de la <a href="https://www.nsf.gov/crssprgm/nano/NNI_16-0706_Convergence%20spiral_Roco%20@Cambridge_web_50sl.pdf">convergence</a> CKTS qui utilise la connaissance et la technologie comme vecteurs de croissance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165595/original/image-20170418-32705-16aotcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Convergence CTKS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Illustration fournie par l'auteur</span></span>
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<p>Dans sa définition, ce concept de convergence CKTS prend le parti du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Techno-progressisme">techno-progressisme</a> qui n’envisage pas l’éventualité d’une utilisation de la connaissance et de la technologie sans bénéfice immédiat pour la société, ou pour une fraction de la société. Mais le courant techno-conservateur ne partage pas cet optimisme. Manipulations génétiques, bricolage du vivant et intelligence artificielle sont source de controverses, avec des positions parfois très tranchées de ceux qui ne voient en ces disciplines que des menaces pour la société et pour l’espèce humaine…</p>
<p>Autre style de convergence : celle qui porte le nom de matière-information, ou convergence M-I. Elle émerge d’une approche issue de la physique théorique et des boucles de rétroactions qui opèrent entre l’espace physique et l’espace informationnel. Elle établit le lien évolutif entre la matière, qui peut coder l’information, et cette information, qui devient ubiquitaire dans l’espace physique. Concrètement, des travaux de recherche sont menés pour réaliser des calculs au niveau atomique, et créer des espaces de mémoire à cette échelle. L’action de l’homme, elle, est portée en filigrane, tout en restant présente : c’est en effet lui qui supervise la puissance de calcul et le stockage de l’information. Notons que le concept de convergence M-I vient à rebours de l’évolution entropique (second principe) sans contredire cette loi thermodynamique…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165613/original/image-20170418-32716-1j0byyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Convergence Matière-Information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Illustration fournie par l’auteur</span></span>
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<p>Dernier domaine de convergence : la diffusion de l’intelligence artificielle sur les domaines d’expertise humaine (DIADEH). En 2016, l’intelligence artificielle (IA) a en effet surpassé l’homme dans plusieurs domaines jusque-là réservés à la seule sagacité humaine. Cette tendance de fond s’accélère, sans qu’il soit possible d’évaluer précisément ce que l’IA pourra prendre en charge d’ici à 2025. Mais la collection de trophées remportés récemment face à l’homme suscite des interrogations et des craintes chez les uns, des fantasmes chez les autres.</p>
<p>En 2016, le robot chirurgien STAR (Smart Tissue Autonomous Robot) est ainsi parvenu à opérer des intestins de porc de manière autonome avec une qualité d’intervention remarquable. Cette même année, une plateforme développée par Microsoft en collaboration avec la banque ING et l’Université de Delft a créé, via une impression 3D, un portrait humain à la manière de Rembrandt d’une rare intensité, après un processus d’apprentissage machine sur l’ensemble de l’œuvre du maître. Toujours en 2016, l’IA <a href="https://theconversation.com/faut-il-avoir-peur-dalphago-56376">AlphaGo a eu raison du champion mondial de jeu de Go</a>, Lee Sedol, en le battant à quatre reprises. Plus récemment, en janvier 2017, une seconde IA nommée Libratus et développée par une équipe de chercheurs de l’Université américaine Carnegie Mellon s’est illustrée au poker en battant quatre joueurs professionnels durant un tournoi. Enfin, on doit à DeepMind Google le développement d’une IA réalisant la lecture sur les lèvres avec un taux de réussite de 46,8 %, quand les meilleurs experts humains n’atteignent ne dépassent pas les 15 %…</p>
<p>Ces exemples donnant l’avantage à l’IA se sont multipliés en 2016, y compris dans des activités liées aux ressources humaines : par exemple, avec des analyseurs intelligents de CV, qui parviennent à en catégoriser de grands volumes, tout en restant pertinents sur le classement des candidatures. Quel est le pourcentage de métiers et de compétences qui seront demain transférés à l’IA au détriment de l’humain ? Les études prospectives menées par de grands cabinets de conseil américains avancent des chiffres variés, et parfois discutables. Et de fait, il est certainement impossible de mesurer la vitesse de transfert de la DIADEH et d’évaluer son périmètre de diffusion à l’horizon 2025.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=858&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=858&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165655/original/image-20170418-32700-hdma6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=858&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La DIADEH.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Illustration fournie par l’auteur</span></span>
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</figure>
<p>A priori, l’impact de la DIADEH sur l’activité humaine sera global, n’épargnant aucun secteur. Les effets économiques commencent à être tangibles et visibles. Entre autres, avec le remplacement d’équipes entières d’ingénieurs au Japon dans le domaine de l’assurance (calcul du risque) par des plateformes intelligentes de type IBM Watson. La production industrielle a été la première à exploiter la puissance de l’intelligence artificielle en remplaçant les opérateurs humains par des unités robotisées. La médecine et certaines de ses spécialités, comme la radiologie, s’apprêtent à subir les mêmes bouleversements : le praticien devra alors repositionner sa pratique, au contact de puissants systèmes produisant des diagnostics et des analyses prédictives. Les juristes, avocats, notaires, magistrats intégreront et exploiteront les apports de la DIADEH, tout comme les enseignants, les décideurs, les stratèges civils et militaires.</p>
<p>Pour conclure, ajoutons que dans de telles perspectives, le système éducatif tel que nous le connaissons devra chercher à former les élèves dans un objectif de complémentarité avec ce que l’IA sera capable de prendre en charge. Sans cette adaptation dans l’acquisition des connaissances et des compétences, l’objectif de la convergence CKTS ne pourra être atteint. Et dans ce cas, les effets de la DIADEH seront au contraire contre-productifs et destructeurs. Des équilibres subtils seront à inventer par l’homme, et ses IA…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76044/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Berthier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le concept de convergence technologique recouvre des définitions, et des réalités diverses. Plusieurs futurs sont possibles.
Thierry Berthier, Maitre de conférences en mathématiques, cybersécurité et cyberdéfense, chaire de cyberdéfense Saint-Cyr, Université de Limoges
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/78069
2017-05-25T19:10:50Z
2017-05-25T19:10:50Z
Un superordinateur, réplique de notre cerveau, pourrait-il éradiquer Alzheimer ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170619/original/file-20170523-5790-ml2jch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C258%2C4309%2C3275&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La conscience ne peut pas se résumer à un pur fonctionnement informatique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/concept-thinkingbackground-brain-file-saved-ai10-93075775?src=3fx6EwlsnZt3Ok1EpD0U3Q-1-72">Vladgrin/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La médecine du futur promet de réparer voire même d’augmenter l’homme et d’accroître sa longévité. Grâce aux biotechnologies que sont les implants sous la peau ou les bioprothèses, on jure que chacun pourra maîtriser son corps et son esprit, afin de retarder le vieillissement et la mort. Ces espoirs sont portés par un courant mondial de pensée, le transhumanisme. Vu sous cet angle, qui pourrait s’en plaindre ?</p>
<p>La maladie d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alzheimer-31417">Alzheimer</a>, avec ses 900 000 patients sans espoir de guérison en France, est un paradigme des dilemmes philosophiques, éthiques, sociétaux et scientifiques posés par les pathologies touchant le cerveau. En effet, cette maladie neurodégénérative atteint toutes les fonctions cognitives comme la ou plutôt les mémoires (il en existe plusieurs formes), le langage, les taches exécutives, le jugement et la personnalité, en plus de perturber les gestes et les mouvements.</p>
<p>L’un des projets phares du transhumanisme, porté par l’Union européenne, consiste à répliquer le cerveau humain sous la forme d’un superordinateur. Dès lors, le <a href="https://www.humanbrainproject.eu/">Human Brain Project</a> (son nom en anglais) pourrait-il résoudre l’énigme de la maladie d’Alzheimer et nous permettre de la vaincre ? Certains chercheurs le pensent, jugeant que les <a href="https://iatranshumanisme.com/tag/alzheimer/page/2/">derniers progrès des biotechnologies montrent déjà le chemin</a>. D’autres en doutent. Ceux-là craignent de payer le prix fort d’une technologie toute puissante, entraînant la disparition de la souffrance mais aussi de la joie qui font la condition humaine.</p>
<h2>Numériser l’esprit, un projet fascinant et contesté</h2>
<p>Le « Projet du cerveau humain », programme scientifique d’envergure, vise à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_math%C3%A9matique">simuler</a> le fonctionnement du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cerveau_humain">cerveau humain</a> grâce à un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Superordinateur">superordinateur</a>. L’horizon fixé est 2024. Il servirait à mettre au point de nouvelles thérapies médicales plus efficaces contre les maladies <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurologie">neurologiques</a>. Mené par le neuroscientifique israélien Henry Markram, il prévoit d’étudier le fonctionnement du cerveau par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tro-ing%C3%A9nierie">rétro-ingénierie</a>, une approche consistant à étudier un objet pour en déterminer le fonctionnement interne ou la méthode de fabrication.</p>
<p>Cette réplique numérique d’un cerveau humain a été choisie en 2013 pour être l’une des deux « Initiatives phare des technologies futures et émergentes » (en anglais, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/FET_Flagships"><em>FET flagships</em></a>) de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne">Union européenne</a>. Le coût total est estimé à 1,19 milliard d’euros, une somme colossale. À titre de comparaison, le projet de recherche Brain présenté en 2014 par Barack Obama, alors président des États-Unis, pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau, est évalué à 100 millions de dollars (environ 90 millions d’euros).</p>
<h2>Peut-on simuler l’activité d’un cerveau ?</h2>
<p>Un tel « simulateur » doit permettre de tester des hypothèses sur le fonctionnement normal ou pathologique du cerveau humain. Ses concepteurs espèrent ainsi pouvoir mettre au point de tests de dépistage et de thérapies pour lutter contre la maladie d’Alzheimer mais aussi la dépression ou l’épilepsie. Car en Europe, les maladies cérébrales touchent 180 millions d’individus, c’est-à-dire à peu près une personne sur trois.</p>
<p>L’Europe y consacre, en soins, plus de 500 milliards d’euros chaque année.</p>
<p>Par ailleurs, le simulateur, avec ses schémas de connexion de dizaines de milliers de milliards de « neurones », constituera aussi une source d’inspiration pour concevoir de futurs ordinateurs opérant comme des cerveaux humains, voire des robots intelligents.</p>
<p>L’objectif affiché, très ambitieux, est-il vraiment réaliste ?</p>
<p>En 2014, des scientifiques de France, d’Allemagne et de Grande-Bretagne ont publié une <a href="http://neurofuture.eu/">lettre ouverte à la Commission européenne</a>, signée ensuite par des dizaines de chercheurs. Dans le texte, ils demandaient non seulement un audit contradictoire du projet, mais une réorientation en profondeur, du fait de son manque de réalisme et de son coût important.</p>
<p><a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/human-brain-project-plus-de-100-scientifiques-s-y-opposent_27609">Les détracteurs du projet</a> estiment qu’il faudra bien davantage d’équations que prévu pour simuler le comportement d’un cerveau entier. À lui seul, le cortex d’un homme (la partie supérieure du cerveau) renferme en effet des milliards de neurones, pouvant chacun se connecter à 10 000 autres, par le biais de 4 à 10 messagers chimiques différents, au travers de 10 à 100 types de canaux ioniques. Et en plus du cortex, il faudrait ajouter les autres parties du cerveau, comme le cervelet et le système limbique…</p>
<p><a href="https://theconversation.com/esprit-in-silico-les-vains-espoirs-de-limmortalite-1-50643">Selon les critiques</a>, le modèle de cerveau du Human Brain Project devrait ainsi inclure au moins 10 000 milliards de variables ! Or on ne disposerait pas encore d’un modèle de compréhension du cerveau assez robuste pour agréger correctement un tel volume de données informatiques.</p>
<p>La lettre ouverte des scientifiques a entraîné en 2015 une <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/02/11/la-commission-europeenne-reoriente-le-human-brain-project_4574193_1650684.html">réorientation du Human brain project</a>, avec des changements importants au niveau des attentes. Celui-ci doit désormais déboucher sur des résultats concrets en neurosciences cognitives, l’utopie d’un futur homme augmenté étant passée au second plan.</p>
<h2>Voir petit ou voir grand ?</h2>
<p>« Voir petit » est un reproche qu’on ne peut faire à Henry Markram, <a href="http://www.lopinion.fr/edition/autres/4/5-henry-markram-cosmonaute-cerveau-14504">comme le rappelle le site L’Opinion</a>. Car son projet à plus d’un milliard d’euros visant à numériser un cerveau est à la mesure de son enthousiasme. De même, l’américain Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google, a affirmé que dans 30 ans, les hommes <a href="https://theconversation.com/esprit-in-silico-pourquoi-lidee-de-telecharger-son-cerveau-na-pas-de-sens-2-51058">pourront « télécharger » leur esprit</a> dans le disque dur d’un ordinateur.</p>
<p>Numériser la conscience humaine serait, pour ces chercheurs, une étape logique dans la création d’une intelligence artificielle censée simuler ou augmenter nos capacités.</p>
<p>On peut penser, comme l’écrit Richard Hahnolser, professeur de neurosciences à l’Université de Zurich en Suisse, que l’<a href="http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/biologie-intelligence-origines-genetiques-identifiee-52259/">intelligence</a>, la conscience et la pensée sont trop complexes pour être informatisées. La conscience, en particulier, va bien au-delà de nos capacités en matière de technologie <a href="http://www.futura-sciences.com/tech/definitions/informatique-numerique-584/">numérique</a>. Sa simulation dans une machine reste pour l’instant du registre de la science-fiction. Et évoque davantage, de mon point de vue, une nouvelle phrénologie (théorie selon laquelle les bosses du crâne d’un être humain reflètent son caractère)…</p>
<h2>Un problème d’échelle</h2>
<p>Et si, sur le fond, le Human Brain Project souffrait avant tout d’un problème d’échelle ? Seul l’imaginaire est peuplé d’êtres monstrueux, c’est-à-dire hors proportions. Par exemple le Golem, cet être artificiel humanoïde fait d’argile de la mythologie juive. Ou Frankenstein, créature géante née dans le laboratoire d’un jeune savant à partir de restes de cadavres humains.</p>
<p>Dans la nature, chaque organisme n’est viable qu’à son échelle adéquate : une araignée géante, par exemple, s’asphyxierait. <em>Idem</em> pour les sociétés et les cultures, comme l’<a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-une-question-de-taille-de-olivier-rey">affirme le philosophe et mathématicien Olivier Rey</a>. Il met cette « question de taille » au centre de sa critique de la modernité technicienne et libérale, reprenant la thèse du philosophe du XX<sup>e</sup> siècle Leopold Kohr. Ce dernier fut à l’origine et, pendant près de 25 ans, le seul avocat du concept de l’échelle humaine, incarné par la célèbre petite phrase « small is beautiful ». « Partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros », affirmait-il, appliquant ce concept aux villes, aux institutions ou aux techniques.</p>
<p>Remplacer certaines parties de nos corps par des prothèses bioniques, cela est déjà possible bien que rare, car coûteux. Mais un cerveau ? « Un cerveau raisonne et une âme résonne », dit le poète et romancier François Cheng. Numériser le cerveau, c’est le réduire à une somme de chiffres, à des algorithmes, lesquels ne ressembleront jamais, de près ou de loin, à un homme conscient. Les chiffres n’ont pas d’âme, et la singularité humaine ne peut se réduire à des concepts.</p>
<h2>Un cerveau neuf, inusable et exempt… de sentiments</h2>
<p>On saura dans sept ans, en 2024 donc, si les promesses d’un cerveau neuf, inusable, exempt de maladie – mais aussi de sentiments donc d’humanité – seront tenues. En attendant, ne faudrait-il pas rester à l’écoute du minuscule, des petites perceptions des malades d’Alzheimer qui jamais ne disparaissent sous la pathologie ? Dans mon service, en tout cas, ils nous murmurent de bien jolis récits de vie. « Moi, ma maladie, ça me fait penser », a dit l’un d’eux.</p>
<p>Les progrès de la technique peuvent être une chance pour certaines pathologies neurodégénératives, par exemple dans la maladie de Parkinson, où l’on sait introduire des électrodes dans le cerveau pour stimuler certaines zones. Mais selon l’usage qui en est fait, les nouveaux outils peuvent aussi se révéler déshumanisants. Or ce qui soigne, c’est bien la possibilité d’être dans une ouverture à l’autre, quelle que soit son histoire et l’état de ses neurones.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Le Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes a reçu des financements ces trois dernières années (pour des formations, participations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Astra-Zeneca, Otsuka Pharmaceutical et Novartis Pharma. </span></em></p>
Le Projet européen du cerveau humain vise à réaliser un simulateur de cet organe pour 2024. Avec la promesse de réussir à comprendre et guérir les maladies neurodégénératives. Faut-il y croire ?
Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/67753
2016-11-10T19:41:50Z
2016-11-10T19:41:50Z
L’humain augmenté et son symptôme
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144576/original/image-20161104-27925-1as6s53.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le « Titan Arm », un exosquelette conçu par une équipe de l’université de Pennsylvanie pour démultiplier la force de traction des bras. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://titanarm.com/">Titan Arm</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la première édition du <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/fr/vie-de-campus/uspc-et-la-cite/festival-des-idees-paris-16-19-novembre-2016">Festival des idées</a>, un événement organisé du 15 au 19 novembre 2016 par <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/fr">USPC</a> et dont The Conversation France est partenaire. L’auteure participera au <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-la-machine-peut-elle-nous-rendre-eternel-festival-des-idees-paris-28618474628">débat</a> « La machine peut-elle nous rendre éternel ? », qui se déroulera le vendredi 18 novembre à partir de 14h00 à l’Université Paris Diderot et sera animé par The Conversation. Entrée gratuite dans la limite des places disponibles.</em></p>
<hr>
<p>Aujourd’hui plus que jamais, la médecine fait appel à la technologie, aux objets de synthèse et techniques prothétiques, externes et internes. Il est désormais possible de remplacer une jambe ou un bras manquant, une articulation de genou ou de la hanche, voire même de changer un organe aussi vital que le cœur.</p>
<p>Ces techniques prothétiques peuvent aussi être utilisées dans le domaine sensoriel en « ressuscitant » la vue, et l’ouïe. Le cerveau est également concerné par ces prouesses techniques, <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/02/02/des-implants-de-graphene-dans-le-cerveau-pour-lutter-contre-park/">au moyen d’« implants »</a> insérés au plus profond de l’organe pour agir, par exemple, sur les symptômes parkinsoniens.</p>
<p>Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises concernant le progrès technologique puisque le séquençage du génome ou encore la robotisation allant jusqu’aux nanorobots et introduits dans les recoins les plus inimaginables de notre corps, sont actuellement possibles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des nanorobots utilisés dans les thérapies contre le cancer (TV5 Monde, 2016).</span></figcaption>
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<h2>L’inévitable symbiose humain-machine</h2>
<p>Cette technologisation va de pair avec une prétention de mutation anthropologique, souhaitée par le mouvement « transhumaniste ». Mouvement idéologique qui annonce l’avènement d’une ère prétendant à terme « rectifier » la réalité humaine. Cela n’a pas échappé à l’ensemble des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/l-invite-des-matins/intelligence-artificielle-transhumanisme-cybernetique-quel-futur-les">investissent des millions</a> pour « améliorer » le corps humain.</p>
<p>Même s’il ne s’agit pas de méconnaître le gain de techniques permettant aux sujets d’avoir accès à des traitements avant inimaginables, force est de constater que ces nouvelles techniques nous engagent en même temps dans une « dépendance technologisée ». Ce qui se vérifie cliniquement, puisque avec les avancées technologiques nous observons l’apparition croissante de nouveaux symptômes. Cet état « hybride » entraîne le sujet dans un corps à corps avec la technique et provoque des expériences corporelles, fantasmatiques et sexuelles nouvelles dont nous ne connaissons pas tous les effets.</p>
<p>La symbiose humain-machine est devenue incontournable, alliée à une intégration de plus en plus prégnante de la technologie dans notre vie quotidienne. Cela n’est pas inintéressant pour la psychanalyse, bien au contraire, puisque ces expériences innovantes, inscrites dans ce nouveau « idéal néo-prométhéen », font resurgir de nombreuses questions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le transhumanisme vu par le magazine BITS (Arte Creative, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Notre impuissance fondatrice</h2>
<p>On rencontre ainsi l’énoncé de Freud qui, dès 1929, dans son texte <em><a href="https://www.puf.com/content/Le_malaise_dans_la_culture">Malaise dans la culture</a></em> ajoute que dans le futur, l’homme, à travers ses connaissances scientifiques et ses performances technologiques deviendra « une sorte de dieu prothétique ».</p>
<p>Cependant, se dépêche de rajouter le père de la psychanalyse, comme les prothèses ne feront jamais corps avec le sujet elles « lui donnent à l’occasion encore beaucoup de mal ». Autrement dit, passé le temps de l’illusion vient le temps de la rencontre avec le malaise anthropologique fondamental qui tient à l’humain tout autant qu’il lui appartient.</p>
<p>Autrement dit, les transformations, ces augmentations proposées par la technique actuelle sont en définitive en lien avec le sentiment d’impuissance originelle chez le nourrisson et son expérience du manque localisé, au cours de l’instauration de sa sexualité dans certaines parties de son corps.</p>
<p>Selon la psychanalyse, c’est à partir de cette détresse originelle et de la dépendance à l’autre que le sujet fonde sa position subjective et même si elle est, de manière illusoire, recouverte par la mise en place de ce que nous appelons « narcissisme », elle reste toujours présente.</p>
<h2>Le corps maternel, cette première prothèse</h2>
<p>En définitive, la démarche de vouloir augmenter son corps, cette disposition prométhéenne de l’humain a toujours existé, et nous pouvons dire que la première prothèse pour l’homme est le corps maternel. C’est toujours ce même et éternel désir de réparation et d’augmentation de soi qui amène le sujet à vouloir croire qu’il serait possible de compléter ces lieux du corps identifiés comme le lieu du malaise.</p>
<p>C’est d’ailleurs dans cette atmosphère narcissique que gravitent les promesses technologiques et auxquelles nous nous attachons comme dans un état d’ivresse. C’est à partir de là, selon moi, que s’organise une politique technique qui, en s’appuyant sur l’effet du manque, promet à chacun de traiter ce sentiment d’impuissance fondatrice. D’ailleurs, les discours et les pratiques transhumanistes, se fondent sur le désir ou l’illusion de nous guérir ou de nous débarrasser d’un corps défaillant, c’est-à-dire castré, et soumis à des contraintes (maladie, vieillissement, mort).</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence de Laurent Alexandre, l’auteur de «La Mort de la mort» (TEDx Talks, 2012).</span></figcaption>
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<p>Ce n’est pas simplement une lutte contre la finitude et les limites de l’humain, mais aussi tout simplement une lutte contre la mort, évidemment à mettre en liaison avec la petite mort de la jouissance orgasmique. Mais le ver est dans le fruit. C’est justement la rencontre avec l’autre, avec l’altérité, avec l’épreuve de la castration qui participent à la constitution de l’humain.</p>
<p>En conclusion, le malaise, ce symptôme chronique et incurable, revient tout le temps, car le sexuel fait toujours symptôme, quelle que soit son époque. L’<a href="http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?rubrique444">humain augmenté</a> et son correspondant l’humain prothétique seront-ils son nouveau visage ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67753/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cristina Lindenmeyer est chercheuse en délégation au CNRS, pôle de recherches « santé connectée et humain augmenté ».</span></em></p>
Un paradigme nouveau s’est imposé sur la scène sociale, celui de « l’humain augmenté ». Analyse de ce phénomène à travers la problématique du corps réparé ou/et augmenté par une prothèse.
Cristina Lindenmeyer, Psychanalyste, maître de conférences, Université Paris Cité
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tag:theconversation.com,2011:article/52837
2016-01-07T05:37:58Z
2016-01-07T05:37:58Z
Pourquoi les OGM végétaux font-ils peur et pas les gènes-médicaments ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/107387/original/image-20160106-14922-wwm7jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/adn-h%C3%A9lice-courbe-la-science-869109/">Pete Linforth/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’animalerie des petits êtres que les chercheurs ont l’habitude de décrire et de transformer en laboratoire, les composés issus des manipulations du vivant tiennent une place à part. Cette singularité prend sa source dans la diversité des productions biologiques rendues possibles par les techniques de transformation de l’ADN, regroupées sous le vocable de génie génétique. Trois exemples, parmi d’autres : les hormones de croissance prescrites pour les enfants atteints de nanisme ; les thérapies géniques (où l’on introduit du matériel génétique dans les cellules d’un malade en vue de le soigner) et les plantes transgéniques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La recherche biotechnologique est active mondialement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/laboratoire-scientifiques-recherche-385349/">Pixabay</a></span>
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<p>Une particularité des productions du génie génétique provient de leur capacité à faire régulièrement la manchette des journaux. L’application des outils de la biologie moléculaire sur les plantes et les animaux suscite plus spécifiquement la controverse. Mais tous ces outils ne sont pas traités de la même façon : pourquoi certaines biotechnologies entraînent elles facilement l’adhésion, tandis que d’autres provoquent d’emblée de la défiance ? Faut-il aller chercher la réponse dans les mythes modernes du bien-manger (de la nourriture bio aux restrictions sur le gluten ou le lactose), du corps sain (sportif, mince, équilibré et durable) ou bien dans la structure complexe des relations de confiance/défiance entre les pouvoirs publics, la recherche et l’opinion publique ?</p>
<p>La réponse que je donne ici n’exclut pas ces dimensions anthropologiques et politiques, mais mon attention porte sur le binôme risque avéré/risque perçu. Je pose l’hypothèse que la politisation de controverses autour de l’usage d’une technologie est plus probable quand les risques perçus concernent l’échelle populationnelle même si les risques avérés sont négligeables.</p>
<h2>Une perception différente du risque</h2>
<p>L’interprétation traditionnellement donnée à la forte médiatisation du génie génétique repose sur l’idée que l’opinion publique serait plutôt récalcitrante à consentir aux essais et à la commercialisation de ces technologies fondées sur les propriétés du monde vivant.</p>
<p>Cette vision doit être fortement nuancée. Prenons un exemple pour expliquer la cacophonie médiatique dont ces outils font l’objet : le génie génétique est à l’origine de la production d’une substance, l’antithrombine recombinante, qui vise à empêcher la formation de caillots sanguins. C’est la même technologie qui rend possible la production de plantes transgéniques dotées d’une résistance à un pesticide. Dans le premier cas, il s’agit d’une protéine humaine d’intérêt médical synthétisée par des chèvres génétiquement modifiées produisant du lait ; dans le second, on transfert un gène dans les cellules végétales, organisme hôte, dans l’objectif de faire exprimer un nouveau trait d’intérêt agronomique par la plante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le riz doré, génétiquement modifié pour être enrichi en vitamine A.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ricephotos/9296690867">IRRI Photos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Bien entendu, ces mécanismes ne sont pas toujours faciles à comprendre pour les non-spécialistes. Curieusement, les biotechnologies à portée médicale provoquent peu de rejets et apparaissent relativement moins controversées que leurs homologues à finalité agricole. Le sondage <a href="http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_341_fr.pdf">Eurobaromètre 2010</a> sur les biotechnologies indique que près de trois Européens sur cinq approuvent la recherche transgénique à finalité médicale sur les animaux et les thérapies géniques humaines, tandis que seulement 3 sur 10 considèrent qu’une pomme ayant intégré un gène étranger ne présente pas de risque… À cet égard, le public européen est très suspicieux à l’égard des aliments génétiquement modifiés (61 %). Cette attitude amène l’association française pour l’information scientifique à questionner légitimement ce paradoxe à propos de l’affaire du <a href="http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/biotechno_agricole/Biotechno_rapport.pdf">riz doré</a>, un OGM enrichi en vitamine A : Un OGM pouvant sauver des vies serait-il politiquement incorrect ?</p>
<h2>Nature du risque perçu et confiance politique.</h2>
<p>Les technologies se rapportant à l’environnement et à la santé sont distinguables au niveau de la nature même de leurs risques. Ainsi, le domaine environnemental renvoie à des situations qui affectent collectivement et de façon simultanée le quotidien d’une société ou d’un corps professionnel. Les préoccupations sur la qualité de l’eau, la pollution par les moteurs diesel ou le risque lié à l’exposition à l’amiante nous concernent tous simultanément.</p>
<p>Tout message de communication à propos de ces technologies implique alors d’opérer « holistiquement » sur des perceptions collectives, ce qui n’est pas dénué d’effets sur la nature du risque perçu. En effet, si un individu a deux collègues de travail qui développent un cancer de la plèvre lié à la présence d’amiante, il a statistiquement intérêt à consulter son médecin et à militer pour que son environnement professionnel réponde à des conditions optimales de salubrité. C’est pourquoi ces types d’enjeux se prêtent plus facilement à une politisation radicale avec le désir pour certains, de devenir des acteurs agissants de la concertation.</p>
<p>Cette nature du risque est à contraster avec celle des biotechnologies médicales qui se rapporte préférentiellement, aux yeux des citoyens, à la seule sphère privée d’un individu ou tout au plus, à l’univers familial. Les procréations médicalement assistées ou les techniques d’accompagnement de la fin de vie nous concernent tous, mais pas simultanément et ni de façon interdépendante.</p>
<p>Si une personne est amenée à consommer de la viande rouge en grande quantité, augmentant ainsi son risque de survenue de cancer – ou si sa fin de vie est difficile, il n’y a absolument pas de corrélation statistique entre sa situation clinique personnelle et la probabilité pour son voisinage d’être confrontée à sa situation. En termes de communication, le ciblage est ici individualiste, parce que ces technologies se rapportent aux seuls choix individuels.</p>
<p>Il peut y avoir une <a href="http://www.scienceshumaines.com/l-intime-saisi-par-le-droit_fr_35642.html">« politisation de l’intime »</a>, notamment autour des questions de la contraception, de la procréation et de la fin de vie, mais ces sujets rentrent difficilement dans les clivages politiques classiques. Leur irréductibilité provient en grande partie du fait qu’ils rencontrent des enjeux particuliers à la sphère privée, ce qui les intègre derechef dans le champ non moins controversé de la bioéthique. Les attitudes politiques sont ici plus ambivalentes, marquées par un désir de plus grande liberté pour des questions qui relèvent de la sphère privée tout en souhaitant que cette liberté soit socialement certifiée. Ces luttes passent fréquemment par le jeu des associations.</p>
<h2>Une communication scientifique liée aux attitudes politiques</h2>
<p>Dans le champ du génie génétique, la question de la communication n’est pas univoque. Même si les technologies de modification génétique sont parfois comparables entre elles au niveau des procédés et des risques avérés, le risque perçu par le citoyen peut différer selon le secteur social considéré. Cette notion de risque perçu est donc une variable déterminante dans la compréhension des comportements politiques et les phénomènes de politisation.</p>
<p>En ce sens, la controverse autour des OGM est emblématique puisque le risque avéré des technologies de modification génétique se prête difficilement à la généralisation des produits obtenus et leur singularité ne les rend pas a priori plus menaçants que d’autres produits qui n’auraient pas subi cette préparation. Un OGM ne serait pas plus dangereux que le <a href="http://www.huffingtonpost.fr/virginie-tournay/un-ogm-estil-plus-dangere_b_4382329.html">sourire du flamant rose</a>, pour faire écho au célèbre ouvrage de Stephen Jay Gould.</p>
<p>Pour autant, la question environnementale apparaît difficilement détachable d’un impératif démocratique en raison de la nature du risque perçu. Si les produits du génie génétique ne présentent pas plus de risques avérés que les variants naturels, cela ne suffit pas à bloquer la politisation autour de leur dangerosité. C’est pourquoi, depuis plus de vingt ans, les Européens accordent majoritairement leur confiance à la profession médicale en ce qui concerne l’introduction de gènes humains dans les animaux à des fins thérapeutiques, tandis qu’ils se réfèrent plutôt aux organisations de consommateurs et de protection de l’environnement lorsqu’il est question de culture en plein air des plantes génétiquement modifiés (Eurobaromètre 1996). Comment mieux communiquer de telle sorte que les attitudes politiques soient davantage déterminées par les risques avérés plutôt que par les risques perçus ?</p>
<h2>Renouveler nos catégories de désignation des biotechnologies.</h2>
<p>Comme le rappelle à juste titre le dernier rapport de l’<a href="http://www.academie-sciences.fr/fr/">Académie des sciences</a>, l’enjeu principal de l’expertise technico-scientifique consiste à fournir une évaluation <em>ex-ante</em> adaptée aux modalités décisionnelles des pouvoirs publics, c’est-à-dire traduisible dans la pratique réglementaire. Pour autant, expliciter davantage les propriétés scientifiques d’une biotechnologie dénuée de risques avérés n’est pas toujours suffisant pour calmer les inquiétudes. Communiquer autour des risques suppose de porter attention aux déterminants des risques perçus.</p>
<p>Certains de ces déterminants sont sémantiques. Ainsi, le terme « génétiquement modifié » est un marqueur sociojuridique qui ne désigne pas une catégorie d’organismes naturellement fondée sur un plan biologique. Il ne constitue même pas une réalité juridique comparable en Europe et en Amérique du Nord. L’écart existant entre le monde vivant et les constructions culturelles que nous utilisons pour décrire ces organismes est susceptible d’engendrer des malentendus dans la communication publique autour des risques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52837/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Tournay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans le débat polarisé autour des OGM, il est curieux que les plantes fassent l’objet d’un rejet massif alors que les produits biotechnologiques à usage médical sont mieux acceptés. Explication.
Virginie Tournay, Chargée de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po., Sciences Po
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tag:theconversation.com,2011:article/51206
2015-11-24T10:27:49Z
2015-11-24T10:27:49Z
Pfizer et Allergan : cure de rajeunissement ou méga tour de passe-passe fiscal ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/102993/original/image-20151124-18271-k6zm4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Etablissement de Pfizer à Citywest Campus Dublin. Déjà sur place...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/infomatique/7054477499/in/photolist-bKo3op-3masDV-3mas6X-a7Yvej-a7Yvao-3bSCX3-3bN6MV-3bSxoL-3bSvLU-3bN2Ne-3tfTQt-bPU27k-3bMXmx-3bMVCH-3bMURz-zmbBo-4R7sfE-4R3dAk-iwoXE-aAghoE-7wz8gR-6Vavrp-6VcZDu-4kXHg-4sbANM-7wz8sK-7wz8nB-7wCWWs-7FizdG-3rEHUV-sTTr1-7FutxE-9GK2w3-d5xbnh-5pw343-8pCpM3-6xmFHt-4HuUsT-ymx93-6CpDrW-6CkweB-6CkwdP-6CpDpG-6CkwbR-6CpDnL-6CpDmW-6Ckw9B-6Ckw8k-6Ckw7H-6Ckw78">William Murphy / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pfizer et Allergan ont annoncé le 23 novembre qu’ils étaient sur le point de concrétiser une alliance à près de 150 milliards d'euros (160 milliards de dollars) en vue de créer le plus grand groupe mondial pharmaceutique.
Quelles sont les véritables raisons qui poussent ces deux acteurs de la « Big Pharma » à se rapprocher ?</p>
<h2>La course à la première place mondiale</h2>
<p>Pfizer, numéro un mondial de la pharmacie jusqu’en 2009-2010 a perdu sa place de leader en 2013, dépassé par son rival suisse Novartis. À fin 2014, le groupe helvète réalisait 59,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires contre 49,6 milliards de dollars pour Pfizer. Plus préoccupant, les ventes du groupe pharmaceutique américain n’ont cessé de baisser depuis 2010.
Cette perte de chiffre d’affaires est directement liée à l’expiration de brevets ou licences des produits phares développés et commercialisés par Pfizer. Dès lors que les brevets tombent dans le domaine public, les produits autrefois vedettes (et les plus profitables) se trouvent concurrencés par des génériques. </p>
<p>Pour ne citer que quelques exemples, le brevet du Viagra est tombé dans le domaine public à partir de juin 2013 en Europe, en mai 2014 pour le Japon et l’Australie. Celui du Lyrica a connu le même sort en juillet 2014 sur la plupart des marchés européens or ce traitement contre les douleurs neuropathiques et contre l’épilepsie générait encore plus de 10 % du chiffre d’affaires de Pfizer en 2014. D’autres brevets sont également tombés dans le domaine public en 2015 comme l’antibiotique Zyvox.</p>
<p>Sans nouveaux produits pour prendre le relais, Pfizer devait donc s’allier à un concurrent à même de lui apporter un portefeuille de produits de premier choix. Allergan semblerait être le candidat idéal. Avec le Botox, fameux traitement antirides (et qui pourrait aussi être utilisé pour de pathologies plus sérieuses) ou le Restasis, gouttes vendues en dosette à prix d’or et permettant de lutter contre la sécheresse oculaire, le groupe irlandais ouvrirait à Pfizer la porte vers des marchés prometteurs et rémunérateurs. Le regroupement des deux acteurs devrait leur permettre de réaliser plus de 65 milliards de dollars de chiffre d’affaires et ainsi de redevenir le numéro un mondial de la pharmacie.</p>
<h2>Une longue tradition d’acquisitions et de cessions</h2>
<p>Tout au long de son histoire, Pfizer a mis en oeuvre une stratégie d’acquisitions et de cessions. En 2000, Pfizer, alors numéro 7 mondial rachetait Warner-Lambert (9<sup>e</sup>) pour près de 90 milliards de dollars et devenait le numéro deux mondial du secteur. En 2006, Pfizer cédait ses activités de médicaments sans ordonnance à Johnson & Johnson. En 2009, le laboratoire avait racheté Wyeth, autre société américaine pour 68 milliards de dollars pour faire face à l’expiration de licences sur des produits clés et se diversifier dans de nouveaux domaines notamment celui des compléments alimentaires. En 2010, le nouvel ensemble réalisait 67,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires. En 2011, Pfizer poursuivait son développement dans les compléments alimentaires avec l’acquisition de Ferrosan et en 2012 Pfizer rachetait Alacer Corporation, une société spécialisée dans la distribution d’Emergen-C, des boissons énergétiques supplémentées en vitamines. En 2012 également, Pfizer finalisait le rachat de NextWave Pharmaceuticals, détenteur du Quillivant XR, médicament pour le traitement de l’hyperactivité. Et plus récemment, en septembre 2014, le groupe américain absorbait InnoPharma, une société privée dans le développement pharmaceutique.</p>
<p>Malgré ces diversifications et ces acquisitions, les ventes ont continué à chuter. Pfizer a donc voulu réaliser une opération de très grande envergure. En 2014, l’américain tentait d’acquérir AstraZeneca pour 100 milliards de dollars, mais le projet d’OPA avait finalement été abandonné. Dans un secteur qui connaît cette année de nombreuses fusions-acquisitions avec des transactions annoncées s’élevant à plus de mille milliards de dollars selon le <em>Financial Times</em> du 23 novembre, rien de surprenant donc que Pfizer se lance dans la plus grosse acquisition de son histoire.</p>
<h2>Une « fusion à l’envers » à caractère fiscal</h2>
<p>Certes redevenir numéro un, diversifier le portefeuille de produits et mieux rémunérer les actionnaires sont des motifs mis en avant, mais il semblerait que le but poursuivi soit surtout de réduire les impôts à
payer par le nouveau groupe.</p>
<p>L’opération a été avalisée par les Conseils d’Administration dimanche, le nouveau groupe serait basé à Dublin (République d’Irlande), patrie d’origine d’Allergan et où le taux d’impôt sur les sociétés est un des plus attractifs au monde : 12,5 % seulement contre 25 % à 35 % aux États-Unis. Dans une déclaration publiée par le groupe Pfizer sur son site, il est clairement écrit que la transaction constitue une <em>reverse takeover transaction</em> et que de ce fait ce sont les lois fiscales irlandaises sur les acquisitions qui s’appliquent.</p>
<p>Ce mécanisme conduit à la « tax inversion » ou « inversion fiscale » à savoir lorsqu’une entreprise américaine acquiert une entreprise étrangère qui représente au moins 25 % de sa taille, elle peut bénéficier des lois fiscales du pays de la société achetée. Techniquement ce ne serait a priori pas Pfizer qui rachèterait Allergan mais l’inverse, soit une « fusion à l’envers » pour pouvoir bénéficier d’économies d’impôts considérables. Selon le <em>Financial Times</em> du 23 novembre, ce serait l’opération d’inversion la plus importante jamais réalisée, « permettant à Pfizer d’échapper aux impôts américains sur plus de 128 milliards de dollars de profits en déménageant le domicile du groupe en Irlande. Un type d’opération fortement controversé par le monde politique aux États-Unis et en Europe ». Jusqu’à présent les opérations d’inversion fiscale réalisées n’étaient pas de cette ampleur et n’avaient pas conduit à une délocalisation conséquente des emplois.</p>
<p>Alors, s’agit-il d’un beau cadeau aux investisseurs à quelques jours de Thanksgiving ? Au-delà de l’annonce, rien n’a été clairement communiqué sur la stratégie future ou le nouveau <em>business model</em> qui pourrait résulter de cette opération. Il n’est pas à exclure que le nouvel ensemble combiné Pfizer-Allergan se réorganise ensuite en plusieurs segments pour séparer les médicaments encore sous brevets et hautement rentables des autres médicaments plus anciens et subissant la concurrence des génériques. Mais il convient surtout de s’interroger sur le risque fiscal non négligeable que présente cette opération.</p>
<p>Il y a de fortes chances que le Trésor américain intervienne d’une manière ou d’une autre contre ce projet d’OPA car si une telle fusion était finalement approuvée, ce serait ouvrir la porte à d’autres montages financiers de la sorte, principalement motivés pour des raisons fiscales. Si Pfizer poursuit dans cette direction, le groupe risque de devoir mener une lutte acharnée contre le Trésor américain qui ne voit pas d’un bon œil l’exode fiscal des grandes entreprises et cela pourrait bien conduire à un changement de loi sur l’inversion fiscale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51206/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Chaboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Pfizer – ex numéro un mondial – et Allegan vont fusionner pour créer un leader de la pharmacie. Mais cette « fusion inversée » est aussi une belle opération fiscale pour profiter du système irlandais.
Isabelle Chaboud, Professeur d'analyse financière, d'audit et de risk management, Grenoble École de Management (GEM)
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tag:theconversation.com,2011:article/50538
2015-11-12T05:44:56Z
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Climat et OGM : hostilité de principe contre questionnement critique (3)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101629/original/image-20151111-9400-8xu1uj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pour le climat, 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/esdanitoff/6448493645/in/photostream/">Michel van Reysen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans un précédent article, nous mettions en relief les failles du raisonnement des climatosceptiques, d’une part, des adversaires des OGM d’autre part, et nous osions nous poser la question de les qualifier de la même manière d’opposants à la science. Si l’on regarde les choses en détail, cette impression va (heureusement) s’estomper. Le consensus d’experts sur le réchauffement climatique est, dit-on, robuste ; cela signifie qu’il y a plusieurs manières de le tester, à commencer par le simple <a href="http://www.sciencemag.org/content/306/5702/1686.full">examen</a> d’un millier de résumés d’articles comme l’historienne des sciences Naomi Oreskes l’a fait dans la revue <em>Science</em> dès 2004. L’une d’elles est très instructive.</p>
<p>Dans une <a href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">étude récente</a>, Verheggen et ses collègues ont étudié la distribution des opinions sur le réchauffement climatique, en fonction, en gros, de la force de l’expertise des experts. Cette intensité se mesure par le nombre d’articles que l’on a soi-même publiés sur le changement climatique ; il s’agit donc de se demander dans quelle mesure, plus on publie sur ce thème, plus on soutient une certaine opinion. La conclusion ? La confiance dans l’idée que le climat se réchauffe en conséquence de l’activité humaine augmente proportionnellement au nombre d’articles publiés sur la question. En gros, plus on sait (le nombre de publications est un indicateur raisonnable de cela), plus on confirme la thèse du changement climatique (voir la figure ci-dessous).</p>
<p>Ce travail met en relief un second aspect très important de l’éthos de la recherche : l’expert n’est expert que sur une toute petite zone de la réalité ; pour le reste, il est comme à peu près tout le monde. Aussi dès lors qu’il y a consensus d’experts, on peut toujours tenter une mesure plus fine de ce consensus en regardant le détail de sa distribution.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ceux, parmi les chercheurs, qui mettent le plus en garde contre les changements climatiques sont aussi ceux qui ont publié le plus sur le sujet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">Verheggen, B. et al.</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi le climatosceptique peut bien jouer certains experts contre le consensus du GIEC ; l’ennui, c’est que ce ne sont pas les meilleurs dans le domaine du climat. On retrouve là un aspect essentiel de l’antiscience, patent pour tout ce qui touche à l’évolution (ou aux théories du complot) : jouer « ses » experts contre les experts. C’est ainsi que la plupart des scientifiques soutenant le créationnisme ou l’<em>intelligent design</em> sont souvent des chimistes, rarement des biologistes, et jamais des biologistes de l’évolution (ce sont des généticiens ou des biologistes moléculaires, qui n’ont pas de raison d’être aussi des spécialistes de la sélection naturelle ou de la systématique).</p>
<p>La manoeuvre est souvent payante, car l’opinion, en général, se soucie peu de ces nuances : Claude Allègre, géologue, sera spontanément mis sur le même pied qu’un paléoclimatologue du GIEC, alors que seul le second est un expert du climat… De fait, géologues et météorologues fournissent le plus gros contingent de climatosceptiques parmi les scientifiques, alors que ces disciplines ne concernent pas directement le climat, son estimation, ses projections, ses causes (la météorologie se joue sur une échelle de temps beaucoup plus courte, et l’échelle est toujours un paramètre scientifique fondamental : comment pourrait-on extrapoler de la vie d’une fourmi à l’histoire de la vie sur Terre ?).</p>
<h2>Risques pour la biodiversité</h2>
<p>Qu’en est-il alors du militant anti-OGM ? Doit-il lui aussi jouer la carte de pseudo-experts pour contester un vrai consensus scientifique ? Il nous faut ici préciser la question, car les risques potentiels des OGM sont multiples et ne relèvent pas tous du même champ d’expertise. Il y a certes les risques à long terme sur la santé humaine, via l’ingestion d’aliments OGM, ou bien via l’usage d’OGM pour nourrir les animaux d’élevage. Mais il existe aussi des risques essentiels pour les écosystèmes.</p>
<p>Les plants génétiquement modifiés, de fait, peuvent constituer une menace pour la biodiversité : l’existence généralisée de flux de gènes entre les diverses cultures, les qualités de résistance des OGM, et une caractéristique économique des semences GM (elles sont brevetées, ce qui veut dire que leur présence, même involontaire, sur une culture quelconque implique de payer la semence et de l’utiliser massivement), impliquent, pris tous ensemble, la possibilité de voir la biodiversité se réduire. Un appauvrissement que l’agriculture traditionnelle savait éviter par diverses pratiques de croisement, alternance, jachère, etc.</p>
<p>Ce risque a été bien montré par les évolutionnistes et les écologues, et présenté en France avec force aux pouvoirs publics et à l’opinion publique par des biologistes comme <a href="http://www.les-ernest.fr/la-biodiversite/">Pierre Henri Gouyon</a>, du Museum d’Histoire Naturelle. La compétence pour modéliser et analyser un tel risque ne relève en effet pas de la médecine, de la génétique ou bien de la biologie moléculaire, qui sont les disciplines concernées par l’évaluation du risque alimentaire. Comme l’historien des sciences Christophe Bonneuil l’a <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00140594/document">montré</a>, il existe en France entre deux pans disciplinaires de la biologie une fracture quant à leur appréhension et leur opinion sur les OGM : là où l’écologie et la biologie de l’évolution freinent des quatre fers, à propos de ces considérations relatives à la biodiversité, les biologistes moléculaires ont tendance à encourager les OGM.</p>
<p>Cette fracture est d’ailleurs visible à l’échelle internationale : les 255 pages d’un des rapports majeurs sur l’évaluation des risques des OGM, parrainé par l’Institute of Medicine et le National Research Council of the National Academies des États-Unis en 2004 et intitulé <a href="http://nas-sites.org/teachers/files/2012/05/ge_foods_final.pdf">Safety of Genetically Engineered Foods : Approaches to Assessing Unintended Health Effects</a> ne contiennent aucune mention des mots « écologie », « biodiversité » – contre une cinquantaine d’occurrence du terme « moléculaire » !</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? En fait, l’opposant aux OGM, dès qu’il insiste sur le problème écologique posé par ces organismes, ne s’inscrit pas dans une logique de déni de l’expertise scientifique en tant que telle : au contraire, il peut s’appuyer, précisément, sur une autre expertise scientifique que celle qui est présentée comme dominante sur ce sujet précis par la plupart des instances publiques (en particulier aux USA).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cultures de soja génétiquement modifié aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Soybean#/media/File:Multicolor_soybeans_in_Hale_Township.jpg">Nyttend/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, le problème écologique peut évidemment devenir un problème de santé publique, puisqu’une perte massive de biodiversité expose à des risques accrus de famine. Il est en effet plus probable de perdre toutes ses sources de nourriture si on cultive très peu de variétés que si on dispose de beaucoup d’entre elles. Ce simple fait autorise à juger très contestable l’absence totale de considérations écologiques dans le rapport que je viens de citer sur les risques pour la santé.</p>
<p>Par voie de conséquence, on mesure combien les défenseurs des OGM ont intérêt à porter le débat sur le thème des risques médicaux : ils pourront ainsi plus facilement faire passer leurs adversaires pour des adversaires de la raison scientifique, et les mettre dans le même sac que des conspirationnistes, des créationnistes ou des… climatosceptiques. Celui qui souhaite questionner l’usage des OGM doit donc plutôt mener la controverse sur le terrain écologique… Quitte à ensuite se lancer dans une analyse sociologique, en questionnant les corrélations possibles entre provenance des fonds de recherche et avis sur les OGM…</p>
<p>Pour conclure, la défiance envers les experts, si elle peut difficilement être justifiée, n’est en tout cas pas tout d’un bloc. Il y a une différence de nature entre, premièrement, contester par principe l’expert, parce qu’il représente des intérêts capitalistes (comme disent certains opposants à la vaccination), ou bien est le serviteur d’une frange d’intellectuels gauchistes coalisés (comme disent les républicains), ou encore représente la croyance aveugle en une rationalité occidentale au fondement suspect (comme diraient des partisans de la médecine dite védantique) ; et, deuxièmement, contester ce que dit un expert du champ A au sujet du champ X, inclus dans le champ A, en s’appuyant soi-même sur des experts du champ B, incluant lui aussi le champ X… </p>
<p>Il y a, entre ces attitudes – celle du climatosceptique et celle de l’écologiste opposant aux OGM – toute la distance entre une hostilité de principe envers la science et un questionnement critique sur les usages de la science et de la technologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans le troisième volet de sa contribution sur climatoscepticisme et opposition aux OGM, Philippe Huneman montre comment la défiance envers les experts n’est pas une posture tout d’un bloc.
Philippe Huneman, Directeur de recherche l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/50495
2015-11-10T22:14:04Z
2015-11-10T22:14:04Z
Climatosceptiques et opposants aux OGM : erreurs sur les méthodes (2)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101469/original/image-20151110-21214-mr6chf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maile/1745480">Mai Le/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nous nous posions la question, dans un <a href="https://theconversation.com/anti-science-ogm-et-climat-les-sceptiques-ne-sont-pas-les-memes-1-50328">précédent texte</a>, de savoir si la méfiance envers l’expertise scientifique, partagée par les climatosceptiques et les opposants aux OGM, était un argument suffisant pour mettre ces deux groupes dans le même sac. </p>
<p>Évoquons tout d’abord les controverses autour du climat. Il y a un accord de la plupart des scientifiques sur la réalité du changement climatique et sur son caractère massivement anthropogénique. Bien entendu, différents scénarios prévisionnels existent, dont la fiabilité dépend des assertions qui les sous-tendent, et que les scientifiques discutent précisément entre eux. L’extrême diversité des questions de recherche qu’embrasse le vocable « changement climatique » laisse évidemment place à de nombreuses controverses sur la validité de tel ou tel modèle de l’évolution des températures du globe depuis le Cénozoïque, ou bien sur la fonction mathématique représentant au mieux la fonte annuelle de la banquise, et ainsi de suite.</p>
<p>Cependant, il y a bel et bien consensus, au-delà des experts du GIEC, sur le schéma suivant : l’activité humaine depuis la révolution industrielle est causalement impliquée dans un changement général du régime du climat, lequel inclut une hausse de la température globale, une augmentation de la variance des températures et de la probabilité de précipitations extrêmes. Comme le conclut <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/8/2/024024/meta">une étude</a> évaluant 11 944 articles sur le climat entre 1991 et 2011, « le nombre d’articles qui rejettent le consensus sur le réchauffement climatique anthropogène est, en proportion de la recherche publiée, petit jusqu’à disparaître » (<em>vanishingly small</em>).</p>
<h2>Sélection naturelle</h2>
<p>Un parallèle avec la biologie évolutive est ici éclairant : si les biologistes de l’évolution discutent sans relâche depuis des décennies de la pertinence du modèle darwinien d’évolution, du rôle respectif de certains processus évolutifs, de la forme générale de l’évolution, reste que tous admettent ceci : les espèces actuelles descendent toutes d’espèces anciennes qui remontent ultimement à une origine unique, et la sélection naturelle a été l’une des causes majeures de cette évolution. </p>
<p>De la même façon, le fait du changement climatique et le rôle du facteur humain ne font pas question pour les scientifiques, mais il s’agit pour eux de comprendre l’allure de ce changement et de préciser les mécanismes par lesquels les facteurs humains et non-humains ont eu un impact sur lui – sur ces deux points, il y a évidemment débats, la controverse étant la signature de la recherche vivante. Il y a toutefois dans ce second cas une considération supplémentaire que ne connaissent pas les biologistes de l’évolution : concernant le changement climatique, il s’agit avant tout de donner des indications pour aider les décideurs, et les humains en général, à éviter une catastrophe attendue…</p>
<p>« Ce n’est qu’une théorie », disent les détracteurs du changement climatique comme les créationnistes, en parlant de la science qu’ils contestent ; ils croient opposer théorie et faits, alors que, justement, dans les deux cas, il s’agit de la meilleure théorie que nous ayons pour expliquer certains faits (changement climatique d’un côté, diversité et adaptation des organismes de l’autre).</p>
<p>L’opposant aux OGM, lui, oppose rarement théories et faits ; mais il s’inscrit aussi contre un consensus d’expert. Prenons par exemple les risques que les OGM feraient porter sur la santé humaine. Ces 15 dernières années, aucun cas de maladie ou décès imputables aux OGM n’a été enregistré, alors qu’aux USA, des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2408621/">millions de gens</a> consomment des aliments à base d’OGM. Au niveau des recherches menées depuis 20 ans, même constat : pas d’effet pathologique des aliments génétiquement modifiés sur la santé humaine, souligne <a href="http://www.medscape.com/viewarticle/766051">un rapport</a> de l’Association Américaine de Médecine. L’Union européenne a conclu pour sa part en 2010 que 500 études menées par des groupes de chercheurs indépendants n’ont pas trouvé de risque supplémentaire propre aux OGM par rapport aux aliments traditionnels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les rats de l’affaire Séralini.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jepoirrier/422469518/in/set-72157594329856603/">Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ici, les opposants aux OGM s’arrêteraient de lire pour contester la valeur de ces expertises. Ils estiment en effet que les chercheurs qui les ont produites ne sont pas du tout indépendants des fabricants d’OGM, comme le soulignait Gilles-Eric Séralini lors de la controverse que son travail sur le maïs NK603 suscita. Et puis, soulignent-ils, on connaît bien les liens reliant les associations médicales professionnelles aux groupes pharmaceutiques ou agroalimentaires, qui au mieux frôlent le conflit d’intérêt, et au pire, s’avèrent de la pure corruption. « Et d’abord, quelle était la méthodologie de ces études ? Était-elle incontestable ? », questionnent-ils.</p>
<p>J’aurais tendance à les suivre. Sauf qu’à bien y regarder, le climatosceptique avance exactement les mêmes arguments : les expertises sont biaisées et les experts du GIEC s’entendent entre eux pour maquiller des données ou pratiquer l’omission volontaire (donc, déni du postulat d’indépendance des groupes de recherche). Là où les militants écologistes mettent en doute la méthodologie des recherches sur les OGM, les climatosceptiques renvoient, eux aussi, aux innombrables sites qui contestent les détails des calculs par lesquels nous retraçons les courbes de température du globe depuis 100 000 ans… Tous deux récusent donc l’autorité des experts – à tort ou à raison.</p>
<p>Et, sur le fond, tous deux auraient tort : pour contester une expertise scientifique, il faut être soi-même un expert, afin de comprendre la méthode et le bien-fondé des conclusions. C’est le principe même de l’évaluation par les pairs, qui conduit à l’acceptation ou le rejet de la publication d’un article dans une revue scientifique : seuls des pratiquants de la même discipline peuvent évaluer un travail de recherche dans leur domaine. Dire a priori qu’il est mal fait alors qu’on n’y connaît rien, c’est donc précisément mettre en doute l’idée même de l’expertise, à savoir qu’il existe une compétence spécifique pour aborder de manière scientifique un morceau de la réalité, en construisant des modèles adéquats, en sachant recueillir les donnés pour valider et calibrer ces modèles, et ultimement, en sachant reconnaître la portée et les limites des modèles en question.</p>
<h2>Expertise non respectée</h2>
<p>Autrement dit, dénoncer a priori la méthodologie utilisée dans des études qui convergent sur un consensus d’experts, au motif que ces experts sont accusés d’être a priori biaisés, c’est commettre le sophisme consistant à inverser le principe et la conséquence : si un autre expert peut démontrer que les expertises en question sont méthodologiquement invalides ou du moins très contestables, alors le fait du consensus va apparaître suspect, et on pourra ensuite se tourner vers une sociologie démystificatrice pour comprendre pourquoi ces chercheurs se sont ainsi comportés. Mais à l’inverse, on peut difficilement alléguer le soupçon d’un biais quelconque (au motif que nous paraît suspect l’avis en question – innocuité des OGM, réchauffement climatique anthropogène…) pour ensuite accuser la méthodologie… Procéder ainsi, c’est très exactement ne pas respecter l’expertise – l’un des piliers du travail scientifique et de l’<a href="http://rsa.revues.org/661">ethos de la recherche</a> – et donc faire preuve d’anti-science.</p>
<p>Pour développer : le soupçon plus ou moins étayé d’un conflit d’intérêt peut motiver subjectivement la recherche de failles empiriques ou méthodologiques dans une étude ; mais logiquement parlant, elle ne s’y substitue pas. Certes, il est probable que sans un tel soupçon – par exemple, le fait que des auteurs d’une étude financés par un groupe agroalimentaire n’ont pas intérêt à ce que leur étude conclue à la dangerosité du produit étudié – personne n’aurait analysé de manière critique l’étude en question, mais le soupçon lui-même n’est pas un argument recevable. De la même manière, si une dénonciation conduit quelqu’un à être convoqué par un juge d’instruction, la dénonciation elle-même ne prouve rien. C’est le travail du juge qui va mettre au jour l’existence de délits – ou pas. Par ailleurs, s’il y a davantage que du soupçon, si des faits de collusion ou de corruption sont établis, alors l’étude en question est invalidée ou retirée, mais c’est un autre cas de figure que ce qui m’occupe ici.</p>
<p>Alors, faut-il alors mettre le climatosceptique et l’anti-OGM dans le même camp de l’antiscience ? Ce serait une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui abhorrent autant les climatosceptiques que Monsanto – c’est-à-dire une bonne partie des sympathisants de l’écologie politique. Nous aborderons ce point dans un troisième article.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Contester l'expertise scientifique, en mettant en avant ses biais… Voilà qui réunit adversaires des OGM et climatosceptiques. Mais l'argumentation est fallacieuse.
Philippe Huneman, Directeur de recherche l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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