tag:theconversation.com,2011:/au/topics/chirurgie-29094/articleschirurgie – The Conversation2024-03-13T15:55:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2216372024-03-13T15:55:28Z2024-03-13T15:55:28ZXénogreffe : pourra-t-on utiliser de la peau de porc en chirurgie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581666/original/file-20240313-18-h207ag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2400%2C1562&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les greffes de peau, la xénotransplantation pourraient permettre de soigner même les patients chez qui l'on ne peut pas prélever de peau saine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-en-chemise-blanche-portant-des-lunettes-blanches-KrsoedfRAf4">National Cancer Institute/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Alors que plus de 10 000 personnes attendaient une greffe d’organe en France en 2023, la pénurie de dons pousse la recherche à trouver d’autres solutions. Ainsi, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xenotransplantation-115317">xénogreffes</a>, qui consistent à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur, représentent une piste prometteuse. Le porc est considéré comme l’espèce donneuse de choix, du fait de nombreuses similarités physiologiques et morphologiques entre les organes humains et porcins.</p>
<p>Des avancées importantes ont notamment été réalisées récemment, avec en 2023 une greffe de rein chez un patient en état de mort cérébral, et une greffe de cœur chez un patient américain en vie mais inéligible pour une greffe humaine. Mais la xénogreffe représente aussi une piste en chirurgie reconstructive, pour fournir des greffons de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peau-52915">peau</a>.</p>
<h2>Un espoir pour réparer les plaies les plus difficiles</h2>
<p>Si pour les organes comme le foie, le rein ou le cœur, la xénogreffe permettait de pallier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/greffes-dorganes-23822">pénurie de greffons</a>, son application en chirurgie plastique présente d’autres enjeux. C’est le cas en particulier du traitement des plaies dites complexes, des plaies graves et qui ne peuvent être traitées avec des techniques simples, et ce sans agresser les tissus sains du patient. L’impact économique et social que représente aujourd’hui le traitement de ces plaies s’alourdit rapidement, en raison de l’augmentation des coûts des soins et du vieillissement de la population.</p>
<p>Ces plaies complexes surviennent dans des conditions très diverses : fractures de membres, retrait de cancers graves et étendus de la peau, plaies liées aux troubles vasculaires et neurologiques des patients atteints de diabète… Elles exposent parfois à l’air libre des structures dites « nobles » comme de l’os, des tendons et des vaisseaux. Dans le pire des cas, elles conduisent à l’amputation d’un membre ou à une infection généralisée dont le point de départ est la plaie, pouvant conduire au décès.</p>
<h2>Éviter le rejet de la greffe</h2>
<p>La seule solution pour traiter ces plaies et éviter les complications est parfois leur couverture par des tissus prélevés sur le patient lui-même, appelés lambeaux. Ces lambeaux impliquent alors le prélèvement de peau en zone saine, ce qui peut être à l’origine de conséquences néfastes importantes (réouverture de la plaie, perte d’une fonction musculaire, lésion nerveuse, douleur…). Le patient peut également manquer de zones de prélèvement de tissus sains, avec l’impossibilité de prendre du tissu adapté à la plaie à couvrir dans le cas de patients maigres, brûlés ou multiopérés. Utiliser des lambeaux tissulaires venant de porcs dans le cadre de xénogreffes serait une solution pour contourner ces problèmes.</p>
<p>Néanmoins, l’utilisation des xénogreffes est limitée par les barrières immunologiques interespèces. Dans la circulation sanguine humaine, des anticorps sont en effet chargés d’identifier les marqueurs non humains, appelés xénoantigènes, présents à la surface des cellules porcines. Cette réaction immunitaire est responsable d’un phénomène de rejet hyperaigu qui aboutit inexorablement à la perte du greffon en quelques minutes.</p>
<h2>Remplacer les cellules animales par les cellules du patient</h2>
<p>Une méthode pour éviter cette réaction immunitaire consiste à décellulariser puis à recellulariser les greffons. La décellularisation d’organes consiste à produire une matrice sans cellules (ou acellulaire), gardant la forme initiale de l’organe d’un patient ou animal donneur mais qui n’est plus constituée que du tissu conjonctif, qui structure les organes. La décellularisation permet donc d’éliminer les cellules du donneur, tout en préservant la forme et l’environnement nutritif pour les cellules, en traitant le tissu ou l’organe avec des détergents. Comme elle n’a pas de cellules, cette matrice ne provoque pas de rejet si elle est transplantée à un patient receveur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Matrice décellularisée -- donc blanche -- de peau" src="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une matrice décellularisée de peau, prélevée sur l’aine d’un porc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Lupon/Université Côte d’Azur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Des cellules du patient peuvent alors être cultivées sur cette matrice avant transplantation : c’est ce qu’on appelle la recellularisation. Ces matrices recellularisées peuvent être ensuite transplantées au receveur de manière à restaurer, maintenir ou améliorer la fonction de l’organe ou couvrir une plaie.</p>
<p>Ces matrices recellularisées sont reconnues par l’organisme du patient comme faisant partie « du soi » afin qu’il ne les rejette pas. Si un certain nombre de substituts de peau et de matrices dermiques simples et décellularisées ont été produits et commercialisés (valves cardiaques de porc, dermes artificiels bovins…), aucune greffe plus élaborée ne s’est intégrée chez un patient receveur, car les matrices requièrent dans ce cas cette étape de recellularisation.</p>
<h2>Des avancées, mais pas encore de tentative chez l’humain</h2>
<p>Alors que la décellularisation et la recellularisation ont montré un grand potentiel dans la transplantation d’organes comme le foie, le rein, le cœur ou le poumon, son application pour les lambeaux tissulaires n’a été étudiée que récemment. Avec mon équipe, nous avons ainsi développé et optimisé des modèles de matrices de lambeaux de peau décellularisées chez le porc. Toutes les procédures chirurgicales ont été approuvées par le comité d’éthique local.</p>
<p>Des lambeaux de peau ont été prélevés sur des porcs vivants et anesthésiés au bloc opératoire. Ces lambeaux ont ensuite été perfusés avec un détergent spécifique à des niveaux de concentration différents. Nous avons montré qu’il est nécessaire de garder cette concentration faible pour garder un environnement nutritif, indispensable pour accueillir de nouveau des cellules. Si la concentration de détergent est trop importante, la matrice devient toxique pour les cellules, qui ne survivent pas.</p>
<p>Nous avons vérifié que ces matrices de peau préservaient les propriétés mécaniques et chimiques de base de la peau porcine. Les protéines et les facteurs de croissance étaient présents en quantité suffisante dans les matrices pour que des cellules puissent y vivre. Nous avons finalement montré la possibilité de recellularisation des matrices acellulaires. Cependant, nous devons encore optimiser la stratégie de recellularisation, afin de pouvoir déposer un nombre très important de cellules sur les matrices.</p>
<p>Un tel traitement des greffes de lambeaux de porcs, n’induisant pas le rejet chez l’homme car contenant les cellules du patient à traiter, permettrait de s’affranchir des complications liées au prélèvement de tissu sur la peau saine du patient. Cette technologie résoudrait également les problèmes d’absence de site donneur sain. La poursuite de nos recherches est cruciale pour espérer un jour réaliser des xénotransplantation de lambeaux de peau chez l’humain sans rejet immédiat de ceux-ci.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Lupon a reçu des financements de la Fondation des Gueules Cassées et de la Fondation de la Vocation. </span></em></p>Si la xénotransplantation s’est récemment développée avec des greffes de cœurs ou de reins porcins, la chirurgie reconstructive espère aussi utiliser de la peau animale pour soigner les plaies les plus graves.Elise Lupon, Doctorante en recherche clinique et thérapeutique, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223572024-02-12T14:09:52Z2024-02-12T14:09:52ZCancer du poumon : une découverte pourrait mieux prédire les patients à risque de récidive et raffiner le traitement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573525/original/file-20240205-29-abkjt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La chimiothérapie est utilisée comme traitement à tous les patients atteints d'un cancer du poumon. Or, plusieurs n'auraient pas besoin d'un traitement aussi invasif si les diagnostics sur les risques de récidive étaient plus raffinés. Une nouvelle technologie pourrait changer la donne.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le cancer du poumon <a href="https://cancer.ca/en/research/cancer-statistics/cancer-statistics-at-a-glance">cause plus de décès que les cancers du sein, du côlon et de la prostate réunis</a>. </p>
<p>Toutefois, grâce aux progrès réalisés dans son dépistage, davantage de patients vont être diagnostiqués à un stade plus précoce, ce qui leur permettra de subir une intervention chirurgicale. Celle-ci constitue la principale modalité de traitement pour les patients avec un cancer du poumon de stade précoce. </p>
<p>Malheureusement, une proportion significative de patients connaîtront une récidive de leur cancer après la résection, une chirurgie pour enlever la tumeur, et les protocoles cliniques actuels ne permettent pas de prédire quels sont les patients à risque. En le sachant mieux, des traitements ciblés pourraient leur être offerts. </p>
<p>Pour trouver des solutions à ce problème, notre groupe de recherche à l’Université McGill, en collaboration avec l’Université Laval, a entamé un projet <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05672-3#MOESM1">dont les premiers résultats ont été publiés dans la revue <em>Nature</em></a>. Nous avons découvert que l’utilisation d’une nouvelle technologie d’imagerie, ainsi que l’intelligence artificielle, pourraient changer la donne.</p>
<h2>Trop, ou pas assez d’interventions</h2>
<p>Ce dilemme clinique a des implications importantes sur le choix du traitement, tel que la chimiothérapie. Ainsi, les patients atteints de cancer du poumon qui seraient guéris par la chirurgie pourraient être épargnés des toxicités de la chimiothérapie, et les patients qui auraient un risque de récidive de leur cancer pourraient bénéficier d’interventions thérapeutiques supplémentaires.</p>
<p>Ainsi, la prédiction de la récidive pour les patients atteints d’un cancer du poumon de stade précoce représente un défi avec des implications importantes pour les 31 000 Canadiens qui continuent d’être diagnostiqués avec cette terrible maladie chaque année.</p>
<h2>Imagerie par cytométrie de masse</h2>
<p>Pour relever ce défi clinique, nous avons utilisé l’<a href="https://www.mcgill.ca/gci/fr/plateformes/cytometrie-de-masse#:%7E:text=La%20cytom%C3%A9trie%20de%20masse%20par,prot%C3%A9ines%20au%20niveau%20des%20cellules.">imagerie par cytométrie de masse</a> (ICM), une nouvelle technologie qui permet une caractérisation complète du microenvironnement tumoral. </p>
<p>Il s’agit d’un écosystème complexe composé d’interactions entre les cellules tumorales, les cellules immunitaires, notamment les lymphocytes, et diverses cellules structurelles. L’ICM permet de visualiser jusqu’à 50 marqueurs à la surface de cellules, soit beaucoup plus que ce qui était possible auparavant. </p>
<p>Cette technologie permet d’identifier différents types de cellules et de déterminer leur organisation spatiale, c’est-à-dire comment elles interagissent les unes avec les autres. L’ICM produit des images qui peuvent être analysées pour déterminer la fréquence des principales sous-populations cellulaires, leurs états d’activation, les autres types de cellules avec lesquelles elles interagissent et leur localisation dans des regroupements de cellules. </p>
<p>Nos résultats publiés dans <em>Nature</em> ont révélé que divers types de cellules peuvent interagir dans des communautés de cellules, et que les communautés avec des lymphocytes B étaient fortement associées à une plus longue survie chez les patients atteints d’un cancer du poumon. Notre étude souligne qu’au-delà de la fréquence des cellules, les interactions cellulaires et la localisation spatiale ont également une corrélation très forte avec d’importants résultats cliniques comme la survie.</p>
<h2>L’intelligence artificielle pour de meilleures prédictions</h2>
<p>À partir de nos résultats initiaux, nous avons émis l’hypothèse que des caractéristiques spatiales importantes, comme les interactions cellulaires, intégrées dans les images ICM pourraient être importantes pour prédire des résultats cliniques. </p>
<p>Notre ensemble de données, composé de 416 patients et de plus de 1,6 million de cellules, a fourni suffisamment de puissance pour effectuer des prédictions à l’aide de l’intelligence artificielle. Nous avons cherché à prédire quels patients atteints d’un cancer du poumon d’un stade précoce auraient une récidive de leur cancer après la chirurgie, ce qui nous permettrait d’adapter l’utilisation de la chimiothérapie. </p>
<p>En utilisant des échantillons tumoraux de 1 mm2, matériel facilement disponible à partir de résections chirurgicales ou de biopsies, nous avons utilisé des algorithmes d’intelligence artificielle pour faire nos prédictions. En utilisant les informations spatiales contenues dans les images ICM, notre algorithme a pu prédire avec une précision de 95 % quels patients connaîtraient une récidive du cancer. </p>
<h2>Six marqueurs peuvent faire toute la différence</h2>
<p>L’un des défis pour l’utilisation de nos résultats dans les hôpitaux est que l’ICM n’est pas disponible dans les milieux cliniques. Les services de pathologie clinique utilisent généralement des technologies moins complexes telles que l’immunofluorescence, qui sont souvent limitées à l’utilisation de trois marqueurs ou moins à la fois. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="image obtenue grâce à immunofluorescence" src="https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573537/original/file-20240205-17-2oj4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image d’immunofluorescence d’une tumeur traitée par immunothérapie. Cette technologie moins complexe est souvent limitée à l’utilisation de trois marqueurs ou moins à la fois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Pour relever ce défi, nous avons cherché à identifier le nombre minimum des marqueurs nécessaires pour faire des prédictions significatives sur la récidive des patients atteints de cancer du poumon après une intervention chirurgicale. En utilisant six marqueurs, nous avons obtenu une précision de 93 % pour la prédiction de la progression, un résultat qui se rapproche de la précision de 95 % obtenue avec l’utilisation de 35 marqueurs. </p>
<p>Ces résultats suggèrent qu’en exploitant la puissance de l’intelligence artificielle avec les technologies disponibles dans les hôpitaux, nous pourrions être en mesure d’améliorer la gestion clinique post-chirurgicale des patients atteints d’un cancer du poumon d’un stade précoce. Notre objectif ultime est d’augmenter les taux de guérison pour les personnes présentant un risque élevé de récidive du cancer, tout en minimisant la toxicité pour ceux qui peuvent être guéris par la chirurgie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222357/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mark Sorin a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec et des bourses d'études supérieures
du Canada Vanier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Logan Walsh a reçu des financements de l'initiative interdisciplinaire en infection et immunité de l’Université McGill, du Brain Tumour Funders’ Collaborative, des instituts de recherche en santé du Canada (CIHR; PJT-162137), de la fondation canadienne pour l'innovation et est titulaire de la chaire de recherche Rosalind Goodman sur le cancer du poumon.</span></em></p>Le traitement pour les patients atteints d’un cancer du poumon est le même pour tous, indépendamment des risques de récidive. L’utilisation d’une nouvelle technologie pourrait raffiner le diagnostic.Mark Sorin, Étudiant au MD-PhD, chercheur en cancer du poumon, McGill UniversityLogan Walsh, Assistant Professor, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199422024-01-08T16:05:16Z2024-01-08T16:05:16ZSubir une chirurgie de la cataracte sans en avoir besoin ? Certains le font pour améliorer leur vue, mais ce n'est pas sans risque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566966/original/file-20231220-21-m59siq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis quelques années, il est possible d'avoir recours à une chirurgie qui permet de remplacer le cristallin, lentille naturelle de l'oeil, par un implant.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Judy est une consultante accomplie qui voyage régulièrement pour ses rencontres d’affaires. Elle me consulte, car elle ne tolère plus ses lentilles cornéennes. Elle veut explorer toutes les options – surtout les alternatives chirurgicales.</p>
<p>Parmi ces options, il est maintenant possible de faire remplacer son cristallin par un implant. Cette chirurgie, qui est semblable à celle des cataractes, est offerte à des patients qui ne sont pas aux prises avec cette condition. Mais elle n’est pas sans risque.</p>
<p>Comme optométriste expert en lentilles cornéennes, en traitement de la sécheresse oculaire et en gestion pré et postopératoire des chirurgies oculaires, j’ai l’expérience requise pour éclairer Judy.</p>
<h2>Des yeux secs</h2>
<p>Considérons d’abord le portrait clinique de Judy. Elle aura 53 ans dans quelques semaines, est myope (ne voit pas de loin), astigmate (images étirées au loin et au près) et presbyte mature (ne voit pas de près).</p>
<p>Elle déteste les lunettes et ne veut pas en porter devant ses clients, raison pour laquelle elle a subi une chirurgie au laser pour corriger sa myopie, il y a 15 ans.</p>
<p>Vers l’âge de 45 ans, elle a dû être réadaptée en lentilles cornéennes – moment où la presbytie est apparue. Au détour de la ménopause, vers 51 ans, elle a développé quelques symptômes de sécheresse oculaire <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28706404/">qui se sont accrus dans les derniers mois</a>.</p>
<p>Des changements de matériaux des lentilles, de solutions d’entretien ou de modalité de port (1 jour) n’ont eu que peu d’effet. Les environnements arides (habitacle de la voiture, avion, air recyclé des bureaux) auxquels elle est régulièrement exposée contribuent à ses symptômes. Elle passe également plusieurs heures devant un écran d’ordinateur et cligne donc des yeux moins fréquemment, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8439964/">ce qui augmente son inconfort visuel</a>.</p>
<p>L’examen clinique démontre qu’elle souffre effectivement de sécheresse oculaire. Elle présente un volume de larmes réduit, <a href="https://crstoday.com/articles/2011-may/focus-on-complications-and-complexity-dry-eye-after-lasik">effet secondaire de sa chirurgie au laser</a>. Sa cornée démontre une zone sèche, altérée, que l’on attribue à une fermeture incomplète des paupières durant le sommeil, sans doute induite par la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7154208/">chirurgie esthétique des paupières qu’elle a subie il y a 3 ans</a>. Et c’est sans oublier les conséquences de sa médication : certains antidépresseurs ont des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8884704/">effets asséchant pour l’œil</a>.</p>
<h2>Une approche étape par étape</h2>
<p>Aux problèmes de vision de Judy s’ajoute donc un enjeu de santé oculaire.</p>
<p>Or, toute sécheresse oculaire impacte la qualité de la vision, quel que soit le mode de correction. Il faut donc rétablir l’équilibre avant toute chose – et traiter ses yeux secs.</p>
<p>Les chirurgies passées ont laissé des traces. Et on ne peut revenir en arrière. Alors, comment s’y prendre ?</p>
<p>Sur le plan oculaire, la <a href="https://www.tfosdewsreport.org/public/images/TFOS_DEWS_II_Management_ther.pdf">première étape</a> est d’assurer une lubrification intensive (larmes artificielles complètes, sans agent de conservation chimique). Il faut prévoir également une pommade, au coucher, afin de protéger la cornée durant le sommeil. Prescrire de la cyclosporine topique est à considérer en raison de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33299295/">son action sur la stabilité des larmes</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les lentilles souples peuvent exacerber la sécheresse oculaire. Heureusement, d’autres alternatives existent. Les <a href="https://sclerallens.org/for-patients-2/what-are-scleral-lenses/">lentilles sclérales</a> sont de grandes lentilles rigides qui créent un réservoir de larmes, ce qui contribue à <a href="https://healthcare.utah.edu/healthfeed/2022/08/scleral-contact-lenses-might-be-best-solution-youve-never-heard-of-dry-eye">réduire les symptômes de sécheresse</a>. Malgré leur grand diamètre, ces lentilles sont très confortables, car elles prennent appui sur le blanc de l’œil (la sclère) sans toucher la cornée. Au niveau visuel, elles peuvent compenser la myopie, l’astigmatisme et la presbytie.</p>
<p>Je propose donc ces lentilles à Judy. Mais à voir sa réaction, je comprends qu’elle cherche plutôt une alternative chirurgicale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="lentille sclérale" src="https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567134/original/file-20231221-16-qled5m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les lentilles sclérales sont de grandes lentilles rigides qui créent un réservoir de larmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Langis Michaud)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>L’échange de lentille, en cristallin clair comme option</h2>
<p>Une retouche laser n’est pas envisageable <a href="https://myvision.org/lasik/how-many-times/">lorsque la cornée devient trop mince</a>.</p>
<p>Par contre, depuis quelques années, il est possible d’avoir recours à une chirurgie qui permet de remplacer le cristallin, lentille naturelle de l’œil, par un implant. Similaire à une chirurgie de cataractes, cette intervention se fait en absence de toute pathologie de ce type, chez des patients généralement plus jeunes (50-65 ans). Et elle est assez populaire à l’heure actuelle.</p>
<p>L’avantage, c’est que cet implant peut corriger la majorité des défauts visuels – contrairement au Lasik. Dans le cas de Judy, ce serait un implant multifocal (vision de loin et près) et torique (astigmatisme).</p>
<p>Cette option suscite immédiatement l’intérêt de Judy. Elle assume que cette chirurgie la libérera de tout besoin de lentilles ou de lunettes, de façon permanente.</p>
<h2>Une intervention qui n’est pas sans risque</h2>
<p>Toute intervention chirurgicale comporte un risque. En présence de maladie ou de pathologie, la décision de l’ophtalmologiste d’opérer devrait, en théorie, se baser sur une évaluation rigoureuse du risque, en comparaison au bénéfice escompté.</p>
<p>Dans le cas d’un échange de cristallin clair, soit sans pathologie présente, la grille de référence change. On se situe davantage dans le créneau de la chirurgie esthétique, non essentielle, non urgente. Le risque demeure alors que le bénéfice est moins évident, davantage relié à la satisfaction personnelle du patient.</p>
<p>Si la chirurgie de la cataracte est une procédure considérée comme sécuritaire, il <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780323035996500638">peut parfois en être autrement de l’échange de cristallin clair</a>. Plus la personne est jeune, plus le risque de complications est élevé. D’autres éléments particuliers au patient <a href="https://www.aao.org/eyenet/article/refractive-lens-exchange-debate">peuvent peser dans la balance</a>. Avant de procéder, il faut donc évaluer la condition rigoureusement.</p>
<p>La rétine de toute personne myope est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22772022/">à risque de déchirure</a>. Il s’agit d’une complication possible de la chirurgie du cristallin <a href="https://www.reviewofophthalmology.com/article/a-review-of-refractive-lens-exchange">qu’il ne faut pas sous-estimer</a>. La rétine myope est également étirée et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29265742/">peut s’altérer au-delà de 60 ans</a>, comme un écran de cinéma qui devient craquelé. La vision est automatiquement détériorée.</p>
<p>Or, un implant multifocal demande une rétine parfaite pour assurer une bonne vision. Comme Judy est myope, on ne peut lui garantir une vision parfaite à vie à la suite de la chirurgie.</p>
<p>Sans compter que comme sa mère et sa grand-mère, elle pourrait un jour développer une dégénérescence maculaire. Dans ce cas également, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7575463/">vision de l’implant multifocal serait fortement affectée</a></p>
<p>Les implants multifocaux sont souvent associés à une perception de halos et d’éblouissement, notamment le soir. Si la majorité des patients tolèrent ces effets secondaires au départ, il peuvent devenir très dérangeants à long terme, puisqu’ils <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5747227/">persistent dans le temps</a>. Cette procédure n’est d’ailleurs pas tout à fait réversible – le retrait des implants peut engendrer des conséquences importantes.</p>
<p>Le remplacement du cristallin de Judy ne semble donc pas être la meilleure option. En attendant, elle se résout à considérer les lentilles sclérales et à optimiser le traitement de sa sécheresse oculaire.</p>
<p>Elle repart satisfaite d’avoir parlé de ces enjeux avec la personne qui connaît le mieux ses yeux : son optométriste !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219942/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Langis Michaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est possible d’avoir recours à une chirurgie qui permet de remplacer le cristallin, lentille naturelle de l’œil, par un implant – sans avoir de cataracte. Et elle n’est pas sans risque.Langis Michaud, Professeur Titulaire. École d'optométrie. Expertise en santé oculaire et usage des lentilles cornéennes spécialisées, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2107722023-09-07T15:17:15Z2023-09-07T15:17:15ZLa littératie médicale permet aux patients de mieux comprendre leur état de santé et favorise leur bien-être<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541036/original/file-20230803-19-ji9w80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C992%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les médecins ne sont pas nécessairement de bons vulgarisateurs ou n’ont pas toujours le temps d’expliquer tout dans les moindres détails. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce qu’un pontage ? Quels sont les risques liés à ma chirurgie cardiaque ? Le domaine de la santé peut être difficile à comprendre et à expliquer. </p>
<p>En effet, interpréter les informations médicales demande un niveau de littératie élevé pour les patients et les membres de leur famille. Dans ce cas, lorsque l’on parle du développement de la littératie médicale (ou littératie en santé ; <em>health literacy</em> en anglais), c’est le fait, pour un patient, de pouvoir lire, écrire et parler de son état de santé et des différentes étapes à venir pour favoriser son bien-être personnel. </p>
<p>Nous sommes un groupe de chercheurs provenant de l’éducation, de la psychologie, de la santé et de la médecine. La littératie médicale est un domaine que nous développons ensemble depuis quelques années.</p>
<h2>Mieux comprendre pour pouvoir prendre sa santé en main</h2>
<p>Dans le domaine médical, développer les compétences en littératie est lié au fait :</p>
<ul>
<li><p>de lire et de comprendre des informations médicales (ex. : qu’est-ce qu’un anévrisme ?) ; </p></li>
<li><p>d’annoter des documents, d’écrire des notes pour soi-même ou des questions pour le médecin (quels sont les risques liés à ma chirurgie cardiaque ?) ; </p></li>
<li><p>de parler au médecin, d’écouter les informations mentionnées par celui-ci et de les comprendre à l’oral.</p></li>
</ul>
<p>Le but pour les patients est de pouvoir prendre leur propre santé en main et de savoir ce qui s’en vient ou ce qui doit être fait. </p>
<p>Très souvent, les patients vont aller chercher de l’information par eux-mêmes sur Internet. Par contre, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5471568/">informations disponibles en ligne ne sont pas nécessairement fiables ou à jour</a>. Il peut aussi y avoir un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1761906/">problème de lisibilité</a>, c’est-à-dire que les patients ne vont pas nécessairement comprendre ce qu’il est écrit. </p>
<p>C’est d’ailleurs souvent le problème avec les documents disponibles pour les patients, que ce soit sur le web ou en format papier : ils ne sont pas assez compréhensibles et le langage utilisé est souvent complexe. </p>
<p>Selon le National Institute of Health et différents organismes du domaine de la santé, les documents remis aux patients devraient avoir un niveau de lisibilité similaire à celui qu’un élève de <a href="https://www.chudequebec.ca/chudequebec.ca/files/ad/ad7c7c71-ed00-4767-9726-a0b9d4865778.pdf">sixième année du primaire peut lire et comprendre</a>. Par contre, dans les faits, à cause de la complexité du jargon médical, il est extrêmement difficile d’atteindre ce niveau.</p>
<h2>Des vidéos à la rescousse</h2>
<p>Pour pallier cette difficulté, et pour aider les patients et leur famille à comprendre <a href="https://youtu.be/XqeHmTE-uWE"><em>Les différentes étapes de la chirurgie cardiaque</em></a>, nous avons créé des vidéos informatives, vulgarisées et fiables. Elles sont gratuites et disponibles sur YouTube. Ces vidéos font partie du <a href="https://lavoixdunord.ca/2023/02/23/a-la-recherche-dune-plus-grande-comprehension-des-patients/">design de recherche d’un projet en littératie médicale qui est actuellement en cours</a>. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XqeHmTE-uWE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les différentes étapes de la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La première vidéo, <a href="https://youtu.be/xZLSocQ0NPo"><em>Avant la chirurgie cardiaque</em></a>, permet de distinguer le chirurgien cardiaque du cardiologue. Il y a également toute une section sur comment se préparer pour une chirurgie cardiaque et ce qu’il est important de savoir avant de subir une opération à cœur ouvert. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xZLSocQ0NPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Avant la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La deuxième vidéo, <a href="https://youtu.be/Qii7tS_tgio"><em>Pendant la chirurgie cardiaque</em></a>, essaie de répondre aux questions suivantes : que se passera-t-il dans la salle d’opération ? Quels sont les différents types de chirurgie cardiaque ? Pourquoi ai-je besoin d’une chirurgie cardiaque ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Qii7tS_tgio?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Pendant la chirurgie cardiaque.</span></figcaption>
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<p>La troisième vidéo, <a href="https://youtu.be/7P0gF_F5uQo"><em>Après la chirurgie cardiaque : à l’hôpital</em></a>, informe les patients sur ce qui se passe aux soins intensifs, après les soins intensifs, les médicaments à prendre, les émotions ressenties, les exercices à faire le plus rapidement possible, etc. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7P0gF_F5uQo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Après la chirurgie cardiaque : à l’hôpital.</span></figcaption>
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<p>La quatrième vidéo, <a href="https://youtu.be/IKO3t3890kQ"><em>Après la chirurgie cardiaque : le retour à la maison</em></a>, ne devait pas être créée au départ. Par contre, à la lumière des questions et des commentaires de patients <a href="https://lavoixdunord.ca/2021/05/10/bien-comprendre-pour-mieux-se-retablir/">d’une recherche précédente</a>, nous avons voulu leur donner une voix. En effet, trop souvent, les patients ont peur de poser des questions parce qu’ils ne veulent pas déranger le médecin, ont peur d’avoir l’air stupide ou se disent que le problème va passer… Si un patient est inquiet, il doit communiquer avec le bureau de son médecin. </p>
<p>Cette vidéo répond entre autres aux questions suivantes : à quoi devez-vous vous attendre lorsque vous retournez à la maison après avoir subi une chirurgie cardiaque ? Comment prendre bien soin de vous-même ? Qu’est-il permis de faire ? Qu’allez-vous vivre comme émotions ? </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IKO3t3890kQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Après la chirurgie cardiaque : le retour à la maison.</span></figcaption>
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<h2>Le pouvoir de la vulgarisation</h2>
<p>Toutes les vidéos ont été créées et approuvées par une équipe de chercheurs interdisciplinaire en éducation et en psychologie, un chirurgien cardiaque, un cardiologue, une médecin de famille et un infirmier. Elles sont également disponibles en <a href="https://www.youtube.com/@isabellecarignan">anglais</a> en entier et par sections.</p>
<p>L’accès à des informations médicales fiables, de qualité et à jour est en lien direct avec tout ce qui touche le consentement libre et éclairé. En effet, comme patient, lorsque vous signez le document pour approuver une intervention médicale, le médecin spécialiste – ou un professionnel de la santé – doit s’assurer que vous comprenez bien dans quoi vous vous engagez. Comprenez-vous ce qu’il arrivera dans la salle d’opération ? Le type de chirurgie que vous allez subir ? Les risques associés ?</p>
<p>Le but des vidéos était de répondre au quoi et au pourquoi pour les patients et les membres de la famille. Il faut toujours garder en tête que le patient est un élève qui apprend par rapport à sa condition médicale. De plus, les médecins ne sont pas nécessairement de bons vulgarisateurs ou n’ont pas toujours le temps d’expliquer tout dans les moindres détails. </p>
<p>Voilà pourquoi il est important de créer des outils de vulgarisation fiables, peu importe le domaine médical, pour que les patients puissent s’éduquer par eux-mêmes et bien assimiler les informations. </p>
<p>En comprenant bien ce qui l’attend, le <a href="https://miceapps.com/client/EventAttendeeAbstracts/view_published_abstract/512/13418/92108">niveau d’anxiété baisse chez le patient</a>, car il se sent plus en contrôle. Enfin, le développement des compétences en littératie médicale permet aux patients de prendre des décisions libres et éclairées par rapport à leur propre santé. </p>
<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la très grande contribution de Paul-André Gauthier, Ph.D., consultant en santé et en nursing. Il a participé activement à la rédaction de cet article, à la création des vidéos et il est cochercheur dans nos projets de recherche en littératie médicale</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210772/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Carignan a reçu du financement du Consortium national de formation en santé (CNFS) à titre de professeure associée à l'Université Laurentienne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adèle Gallant, Annie Roy-Charland, Marie-Christine Beaudry et Rony Atoui, MD, MSc, FRCSC, FACS ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le développement des compétences en littératie médicale permet aux patients de prendre des décisions plus réfléchies par rapport à leur propre santé. Mais un accompagnement adéquat est nécessaire.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire en éducation, Université TÉLUQ Adèle Gallant, Doctorante en psychologie, Université de MonctonAnnie Roy-Charland, Professeure titulaire en psychologie, Université de MonctonMarie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Rony Atoui, MD, MSc, FRCSC, FACS, Cardiac Surgeon and Full Professor at NOSM University, Northern Ontario School of Medicine Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2034612023-08-01T14:36:33Z2023-08-01T14:36:33ZLe surplus de peau après une chirurgie bariatrique est fréquent, mais on parle peu de ses conséquences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538760/original/file-20230721-37190-hlx10f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C0%2C5472%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il n'est pas rare, après une chirurgie bariatrique, qu'une personne ait un surplus de peau. Cela peut occasionner plusieurs problèmes physiologiques et psycholoqiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La chirurgie bariatrique, plus communément appelée la chirurgie de l’obésité, permet d’aider les personnes vivant avec une obésité sévère à perdre du poids et à améliorer leur santé. L’opération consiste globalement à réduire la taille de l’estomac avec ou sans réduction de la taille de l’intestin associée.</p>
<p><a href="https://iucpq.qc.ca/sites/default/files/2020-06-15_rapport_medecine_bariatrique_hres.pdf">La chirurgie bariatrique est de plus en plus répandue</a>, tant au Québec qu’au Canada, en raison notamment de <a href="https://www.inspq.qc.ca/saine-alimentation-mode-vie-actif/prevention-obesite/montee-obesite-quebec">l’augmentation de l’obésité sévère</a></p>
<p>Cependant, la perte de poids massive est à l’origine de surplus de peau chez plus de 70 % des personnes. Celui-ci est associé à une diminution de la qualité de vie et à des difficultés psychologiques, physiques, et fonctionnelles. En tant qu’équipe scientifique dans le domaine de la psychologie et des sciences de l’activité physique, nous nous intéressons à cette problématique depuis plusieurs années. Avec l’aide d’une patiente partenaire, Christyne Simard, nous vous présentons les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29957078/">connaissances actuelles sur le sujet</a>. </p>
<h2>Des conséquences psychologiques, physiologiques et fonctionnelles</h2>
<p>Plusieurs études ont décrit les conséquences du surplus de peau après la chirurgie bariatrique. </p>
<p>Sur le plan psychologique, les personnes vivant avec un surplus de peau rapportent fréquemment de l’embarras en lien avec le jugement réel ou supposé des autres, des insatisfactions corporelles, des problèmes d’estime de soi, de la honte et du dégoût. Comme le dit une participante de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37389805/">notre étude</a> :</p>
<blockquote>
<p>Même avec moi-même, j’ai de la misère à me regarder dans le miroir parce que là bin surplus de peau fait que ça me ramène au fait que t’sais, c’est pas nécessairement attrayant selon les normes sociales.</p>
</blockquote>
<p>Sur le plan physique, des problèmes de peau, tels que des irritations, des mycoses, des plaies ou des démangeaisons sont également rapportées. Le surplus de peau entraîne parfois de mauvaises odeurs et de la douleur. </p>
<p>Sur le plan fonctionnel, le surplus de peau peut être associé à une mobilité réduite pouvant nuire aux activités quotidiennes (par exemple : hygiène, déplacements, habillage). Les personnes vivant avec du surplus de peau peuvent aussi avoir des difficultés à se trouver des vêtements adéquats et confortables. </p>
<p>Dans l’une de nos études, des participants ont expliqué que l’inconfort causé par l’excès de peau peut être plus ou moins fort en fonction de sa localisation sur le corps. Ceci semble particulièrement vrai lorsque l’excès de peau est visible, comme sur les bras. </p>
<p>De plus, l’inconfort causé par l’excès de peau peut évoluer selon les événements ou les situations vécus. Par exemple, l’embarras peut être plus élevé l’été, période durant laquelle le corps est davantage exposé aux regards des autres et où le port de vêtements courts est plus difficilement évitable.</p>
<h2>Trois questions fréquentes sur le surplus de peau</h2>
<p>Au cours de nos recherches et d’après notre expérience clinique, trois questions apparaissaient de manière fréquente :</p>
<p><strong>Pourquoi certaines personnes ont plus de surplus de peau que d’autres ?</strong></p>
<p>D’après les différentes études, un indice de masse corporelle plus élevé avant la chirurgie serait relié à une quantité plus importante de surplus de peau après la chirurgie. </p>
<p>L’âge ou encore le temps écoulé depuis la chirurgie ne semblent pas être associés à la quantité de surplus de peau. La qualité ou l’élasticité de la peau seraient des pistes à explorer davantage dans de futures études.</p>
<p><strong>Pourquoi certains ont plus d’inconfort par rapport à leur surplus de peau ?</strong></p>
<p>Plusieurs facteurs influencent l’inconfort lié au surplus de peau. D’après les résultats d’études, le fait d’être une femme et d’avoir une perception négative de son image corporelle seraient liées à un inconfort plus important. La quantité de surplus de peau mesurée objectivement ne serait pas systématiquement associée à l’inconfort causé par celui-ci. </p>
<p>Plus d’études avec des évaluations à long terme sont tout de même nécessaires pour identifier d’autres facteurs liés à cet inconfort. </p>
<p><strong>Est-il possible de prévenir l’apparition du surplus de peau ?</strong></p>
<p>Selon l’état des connaissances actuelles, il semble malheureusement impossible de prévenir l’apparition du surplus de peau, même avec la pratique d’activité physique. C’est pourquoi il est important de savoir comment gérer le surplus de peau à la suite d’une chirurgie bariatrique. </p>
<h2>La gestion du surplus de peau</h2>
<p>Plusieurs stratégies peuvent aider avec la gestion du surplus de peau : </p>
<p><strong>Des vêtements adéquats</strong></p>
<p>Certains types de vêtements peuvent réduire les inconforts que le surplus de peau peut amener (par exemple, les manches longues, les vêtements serrés ou les gaines abdominales). </p>
<p><strong>Une bonne hygiène</strong></p>
<p>Elle est impérative pour minimiser les risques de plaies, de champignons et d’odeurs. Par exemple, bien laver et sécher le surplus de peau régulièrement est essentiel. Aussi, l’utilisation de poudres (tel que de l’amidon de maïs) aide à absorber l’humidité et l’utilisation de vêtements serrés au niveau des cuisses peut aider à réduire les frictions. Les infirmières ou les pharmaciens sont bien placés pour donner des conseils à ce niveau.</p>
<p><strong>Le soutien social</strong></p>
<p>Selon une de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37389805/">nos études</a>, le soutien des proches joue un rôle important. En effet, cela peut favoriser l’acceptation du surplus de peau, en plus d’aider à diminuer l’évitement de situations où la peau pourrait être exposée et la crainte du jugement d’autrui. Le soutien social contribue à une estime de soi positive et à une bonne santé mentale. </p>
<p><strong>Le soutien psychologique</strong></p>
<p>Axé sur le développement d’une image corporelle positive, il peut aider les personnes vivant avec un surplus de peau. Une image corporelle positive implique d’être en mesure de respecter son corps, d’apprécier ce qui le rend unique et d’apprécier ce qu’il permet de faire. On tente alors de traiter le corps avec respect, comme si c’était un ami et non pas un objet qu’il faut changer. </p>
<p><strong>La chirurgie reconstructive</strong></p>
<p>Elle peut améliorer l’image corporelle, l’estime de soi, le bien-être sexuel, et la mobilité. Entre 60 % et 80 % des personnes ayant eu une chirurgie bariatrique désirent une chirurgie reconstructive pour enlever leur surplus de peau. Toutefois, son accès est limité par son coût élevé, rarement pris en charge par les assurances. </p>
<p>Ainsi, une proportion importante des personnes qui désirent une chirurgie reconstructive finissent par devoir garder et gérer leur surplus de peau. </p>
<h2>Une meilleure communication</h2>
<p>Le surplus de peau est associé à des problèmes psychologiques, physiques et fonctionnels. C’est pourquoi il est important d’en parler. Les personnes suivies au Québec expriment avoir besoin de plus de soutien et d’information sur cette question. En clinique, son évaluation devrait non seulement porter sur sa quantité, mais aussi sur ses conséquences pour chacun. </p>
<p>Avec toutes ces informations en tête, nous nous demandons si la chirurgie reconstructive ne devrait pas être accessible gratuitement aux patients après leur chirurgie bariatrique, afin d’aider à atténuer les conséquences parfois néfastes d’une telle opération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203461/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurelie Baillot a reçu une bourse salariale jeune chercheur Junior du FRQS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annie Aimé et Shaina Gabriel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le surplus de peau est associé à des problèmes psychologiques, physiques et fonctionnels. Il est donc important d’en parler, et d’offrir plus de soutien et d’information aux patients.Shaina Gabriel, Université du Québec en Outaouais (UQO)Annie Aimé, Professeure au département de psychoéducation et de psychologie, Université du Québec en Outaouais (UQO)Aurelie Baillot, Professeure agrégée, expertise obésité et activité physique, Université du Québec en Outaouais (UQO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2098432023-07-25T17:53:12Z2023-07-25T17:53:12ZInverser la mort : l’étrange histoire de la réanimation<p>La plupart d’entre nous savent probablement – plus ou moins – comment réanimer l’un de nos semblables. Même si vous n’avez pas suivi de cours de <a href="http://www.cfrc.fr/">réanimation cardio-pulmonaire (RCP)</a>, vous avez probablement vu la technique de nombreuses fois à la télévision ou au cinéma.</p>
<p>Les premiers moments de l’histoire de la réanimation étaient, à bien des égards, dramatiques. Ainsi, le 1<sup>er</sup> juin 1782, un journal de Philadelphie rapportait la dernière prouesse en matière de réanimation : un enfant de cinq ans avait été ramené à la vie après s’être noyé dans la rivière Delaware.</p>
<p>Le petit Rowland Oliver jouait sur l’un des quais animés qui avaient été construits lorsque l’industrialisation s’était propagée sur les rives du Delaware lorsqu’il est tombé à l’eau. Il a lutté pendant 10 minutes, puis s’est retrouvé inerte. Un ouvrier l’a sorti de l’eau et l’a ramené chez lui.</p>
<p>Bien que l'enfant ait été rendu visiblement sans vie à sa famille, le journal rapportait que ses parents se sont aperçus qu’il était seulement « mort en apparence ». Cela les a galvanisés, et ils sont passés à l’action. Ils « lui ont immédiatement enlevé tous ses vêtements, l’ont giflé » et « l’ont frotté avec des chiffons de laine trempés dans de l’alcool ».</p>
<p>Le médecin, arrivé peu après, a fait la même chose. Ils ont également plongé les pieds du petit Rowland dans de l’eau chaude et lui ont administré un agent émétique (vomitif) par voie orale. Après environ 20 minutes, la vie est revenue dans le corps du petit garçon. Une petite saignée a été pratiquée, pour atténuer d’éventuels effets secondaires, et le jeune Rowland a vite retrouvé sa vivacité habituelle.</p>
<h2>Sociétés humanitaires</h2>
<p>Ce récit n’était qu’une illustration parmi d’autres des nombreuses histoires de réanimations réussies diffusées dans les journaux par les <a href="https://www.rcpe.ac.uk/sites/default/files/jrcpe_49_2_mccabe.pdf">sociétés humanitaires</a> nouvellement créées à cette époque.</p>
<p><a href="https://royalhumanesociety.org.uk/the-society-history-and-archives/history/">Ces sociétés</a> ont émergé au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle à Amsterdam, ville notoirement connue pour ses canaux… dans lesquels un nombre croissant de personnes se noyaient. Leur but était d’éduquer le public sur le fait que la mort – du moins par noyade – n’était pas forcément absolue, et que les passants avaient le pouvoir d’empêcher les noyés apparemment morts de rejoindre réellement l’au-delà.</p>
<p>À Philadelphie, la résurrection du petit Rowland a rendu ces idées crédibles, et a inspiré la société humanitaire locale : celle-ci a installé le long des rivières de la ville des kits contenant des médicaments, des outils et des instructions pour ranimer les noyés.</p>
<p>Les méthodes ont évolué au fil du temps, mais jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, les efforts de réanimation consistaient essentiellement à stimuler le corps pour le remettre en mouvement mécaniquement parlant. Les sociétés humanitaires recommandaient souvent de réchauffer la victime de la noyade et de pratiquer une respiration artificielle. Quelle que soit la méthode, le plus important était de redémarrer la machine corporelle.</p>
<p>La stimulation externe – les frottements et les massages pratiqués par les parents du jeune Rowland – était essentielle. De même, la stimulation interne, généralement par l’introduction de rhum ou d’une autre concoction stimulante dans l’estomac, était courante. Mais une autre méthode destinée à exciter l’intérieur du corps était plus étonnante : les sociétés humanitaires proposaient en effet de procéder à une <a href="https://www.resuscitationjournal.com/article/S0300-9572(19)30500-3/fulltext">« fumigation au tabac »</a> du côlon des victimes de noyade. Oui, vous avez bien lu : les efforts de réanimation exigeaient de souffler de la fumée de tabac dans l’anus d’un noyé apparemment morte.</p>
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<img alt="Une femme noyée est réanimée par un lavement à la fumée de tabac" src="https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration : une femme noyée est réanimée par un lavement à la fumée de tabac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wellcome Collection</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, d’autres dangers ont émergé, eux aussi potentiellement mortels. Tout comme les noyades se sont multipliées au XVIII<sup>e</sup> siècle, en raison de l’utilisation accrue des voies navigables résultant de l’industrialisation, l’avènement de l’électricité généralisée – et des lignes électriques – ainsi que des automobiles notamment, ont ajouté l’électrocution et l’intoxication au gaz aux causes de mort possibles…</p>
<h2>Un nouveau lieu de stimulation</h2>
<p>Les méthodes de réanimation ont également évolué, les efforts se concentrant de plus sur la stimulation du cœur. Pour cela, il arrivait de manipuler un corps apparemment mort afin de le disposer dans différentes positions. Les compressions thoraciques et les techniques de respiration artificielle sont aussi devenues de plus en plus courantes.</p>
<p>Mais ces modifications de techniques n’ont pas enlevé à la réanimation son caractère « démocratique » : elle pouvait être pratiquée par quasiment n’importe qui. Ses applications restaient cependant spécifiques à certaines circonstances. En effet, la mort apparente ne pouvait résulter que d’un nombre limité de situations…</p>
<p>Les choses ont changé au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. À cette époque, la réanimation a commencé à acquérir une réputation de traitement miraculeux, utilisable pour toutes sortes de « morts ». Les personnes capables de prodiguer ces traitements sont devenues plus spécialisées, et la réanimation s’est bientôt limitée aux professionnels médicaux ou intervenants d’urgence. De nombreuses raisons expliquent ce changement, mais une en particulier a joué un rôle crucial dans cette mutation : la reconnaissance du fait que les accidents chirurgicaux causaient eux aussi des morts apparentes.</p>
<p>Lorsque le chirurgien américain <a href="https://www.researchgate.net/publication/271915780_Never_a_Simple_Choice_Claude_S_Beck_and_the_Definitional_Surplus_in_Decision-Making_About_CPR">Claude Beck</a> parlait de ses propres tentatives de refonte de la réanimation, au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, il évoquait souvent ce qu’était cette discipline lorsqu’il était encore en formation, à la fin des années 1910.</p>
<p>À l’époque, se souvenait-il, si le cœur d’un patient s’arrêtait sur la table d’opération, les chirurgiens ne pouvaient rien faire d’autre que d’appeler les pompiers et d’attendre qu’ils apportent un « pulmotor », le précurseur des respirateurs artificiels que nous connaissons aujourd’hui. Comme si tout le monde pouvait pratiquer la réanimation, sauf les professionnels médicaux…</p>
<p>Trouvant cela inacceptable, Beck s’est lancé à la recherche d’une méthode de réanimation adaptée aux dangers particuliers de la chirurgie.</p>
<p>Les nouvelles techniques que Beck, et d’autres chirurgiens avec lui, ont expérimentées alors reposaient toujours sur la stimulation. Mais elles s’appuyaient quelque chose dont les chirurgiens bénéficiaient plus ou moins exclusivement : l’accès à l’intérieur du corps. L’une de ces nouvelles méthodes consistait à appliquer de l’électricité directement sur le cœur (défibrillation). Une autre consistait à plonger la main dans la poitrine du patient, et à masser manuellement son cœur en était une autre.</p>
<p>Beck considérait ses premiers succès au bloc opératoire comme une promesse que ses techniques pourraient voir leur efficacité encore étendue. En conséquence, il a élargi sa définition de ce qu’était un patient ranimable. Il a ajouté à la catégorie relativement restreinte des personnes « apparemment mortes » toutes celles qui n’étaient pas « absolument et indiscutablement mortes ».</p>
<p>Beck a réalisé plusieurs films témoignant de ses succès. L’un d’eux, <em>The Choir of the Dead</em> (« Le chœur des morts »), montrait les 11 premières personnes que Beck était parvenu à réanimer se tenant debout, maladroitement côte à côte, tandis qu’il leur demandait tour à tour, sur un ton étonnamment jovial : « De quoi êtes-vous mort ? »</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1375084086256091136"}"></div></p>
<p>« Le chirurgien Claude Beck posant aux côtés de ses patients ressuscités »</p>
<p>Les techniques mises en place dans les espaces médicaux découlaient directement de la réanimation pratiquée ailleurs, elles en constituaient une extension, en quelque sorte. Il est cependant rapidement devenu évident que ces méthodes médicales, privilégiant l’accès à l’intérieur du corps, ne pourraient pas être facilement démocratisables.</p>
<p>Cela ne signifie pas que Beck n’a pas essayé de faire en sorte qu’elles sortent du cercle médical. Il imaginait même un monde où ceux qui étaient formés à ses méthodes transporteraient un scalpel de chirurgien sur eux, toujours prêts à ouvrir une poitrine pour masser un cœur et le faire repartir…</p>
<p>Mais la communauté médicale s’est révoltée, vent debout contre cette idée. Elle était non seulement inquiète de voir émerger des « civils-chirurgiens », mais aussi soucieuse de maintenir son monopole professionnel sur l’intérieur du corps.</p>
<p>Ce n’est qu’avec l’avènement, plusieurs années plus tard, de la méthode, moins choquante, de compression thoracique que l’imprimatur démocratique de la réanimation a été rétabli.</p>
<p>La vision de Beck selon laquelle la mort est généralement réversible a persisté. Elle a atteint son apogée en 1960, lorsque des études médicales déclarèrent que le taux de survie de la réanimation s’établissait à <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/328956">« plus de 70 % »</a>. Des études ultérieures <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/656324">ont corrigé cette conclusion trop optimiste</a>, mais la réputation de la réanimation en tant que traitement largement applicable et extrêmement efficace était déjà établie. Et il semblerait <a href="https://www.bmj.com/company/newsroom/patients-overestimate-the-success-of-cpr/">qu’elle persiste encore aujourd’hui, si l’on en croit des rapports récents</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caitjan Gainty dirige le projet Healthy Scepticism financé par le Wellcome Trust.</span></em></p>La réanimation a heureusement beaucoup évolué depuis les premières tentatives à base de lavements à la fumée de tabac.Caitjan Gainty, Senior Lecturer in the History of Science, Technology and Medicine, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069002023-06-07T19:38:20Z2023-06-07T19:38:20ZMaquillage, chirurgie esthétique, tatouage… la beauté, un drôle de marché<p><em>Dans la série des <a href="https://theconversation.com/topics/marches-31843">marchés</a> qui savent franchir les lignes de la morale et du licite tout en déjouant les standards de l’économie, la <a href="https://theconversation.com/topics/beaute-22369">beauté</a> constitue un terrain de choix, entre traditions cosmétiques millénaires et jeunes influenceuses millionnaires. Un nouveau volume de la collection « Drôles de marchés », intitulé</em> <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-miroir_mon_beau_miroir_le_marche_de_la_beaute_sans_fard_faouzi_bensebaa_joan_le_goff-9782140344015-77091.html">Miroir, mon beau miroir… le marché de la beauté sans fard</a> <em>publié par Faouzi Bensebaa (Université Paris-Nanterre) et Joan Le Goff (Université Paris-Est Créteil), aux éditions L’Harmattan, propose un panorama des tendances qui permettent de se faire ou de se refaire une beauté. Nous vous en proposons ici quatre <a href="https://theconversation.com/topics/bonnes-feuilles-77244">extraits</a>, issus respectivement des chapitres sur le maquillage, sur la <a href="https://theconversation.com/topics/chirurgie-29094">chirurgie</a> esthétique, sur le <a href="https://theconversation.com/topics/tatouage-70086">tatouage</a> et sur le monde professionnel.</em></p>
<hr>
<h2>Attention, les hommes arrivent !</h2>
<p>Longtemps associé exclusivement aux femmes, le maquillage commence à attirer les hommes, séduits par l’offre de plus en plus substantielle des marques proposant des produits pour la gent masculine, inspirés par les tutoriels des réseaux sociaux et les influenceurs cherchant à décloisonner les comportements. Cela étant, il faut d’abord tordre le cou aux idées dominantes et aux stéréotypes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529616/original/file-20230601-19-buu4fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Harry Styles, membre du groupe One Direction qui a, depuis 2015, poursuivi une carrière solo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Harry_Styles_-_OZ_Arena_-_4-11-2018_45_%28cropped%29.jpg">Erin Mccormack/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Bien entendu, le maquillage des hommes existe depuis l’Antiquité et le marquage genré est relativement récent : dans la France du XVIII<sup>e</sup> siècle, les hommes se fardaient, se poudraient sans en rougir. Plus proche de nous, des acteurs et des chanteurs – comme David Bowie ou Johnny Depp, entre autres – ont été précurseurs, sans que leurs audaces ne parviennent à rendre universelle une pratique fortement connotée. Après tout, cela reste du show-business, y compris quand des stars actuelles comme Harry Styles emploient mascaras et ombres à paupières ou se <a href="https://www.liberation.fr/lifestyle/beaute/vernis-a-ongles-pour-hommes-vive-la-menucure-20211222_KI2JB2K7PRE5HIOT3DXBUOTB7Y/">vernissent les ongles</a>. Mais ces chanteurs, comme ceux de la K-Pop qui remettent en cause les critères traditionnels de la beauté, sont éminemment suivis et <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/09/07/les-hommes-et-le-maquillage-doucement-mais-surement-9774874">l’engouement des réseaux sociaux</a> pour ces bouleversements est notable : on dénombre (à date de parution de l’ouvrage) plus de 230 millions de vues pour le hashtag #boysinmakeup et plus de 550 millions de vues pour #mensgrooming sur TikTok.</p>
<p>En première approximation, il serait tentant de réduire cette nouvelle tendance à un public jeune ou atypique, à des usages marginaux ou ponctuels. Or, là aussi la pandémie a été décisive pour modifier les habitudes masculines, notamment des employés et cadres contraints de recourir au télétravail et aux visioconférences. La lumière crue des écrans a révélé cernes et rides et les filtres techniques ont leurs limites. Discrètement, ponctuellement, certains se sont mis à piocher dans les trousses de maquillages de leurs épouses.</p>
<p>De fil en aiguille, le geste passager est devenu permanent, le soin timide a été revendiqué. Il n’en fallait pas plus pour que les marques investissent ce segment commercial : l’ex-sportif américain Alex Rodriguez a lancé sa ligne de maquillage pour hommes, avec correcteur pour cernes et rides, suivi par Gucci Beauty ou Chanel. Les mots clés « looks make-up masculin » s’imposent sur Google et, au second semestre 2020, le marché des soins masculins a connu une croissance de 300 %. À Londres, une boutique de maquillage pour hommes ouvre ses portes, avec un intitulé viril à souhait (« War Paint For Men »). Le <a href="https://www.forbes.fr/lifestyle/lhomme-ideal-est-il-une-femme-la-feminisation-des-standards-masculins/">nouvel homme</a> se féminiserait-il ? La femme serait-elle inexorablement l’avenir de l’homme ?</p>
<h2>Le bonheur tout-en-un : avion, hôtel, injection et scalpel</h2>
<blockquote>
<p>« Le nez, le corps… J’ai tout refait ! Il y avait une promo de 50 % sur chaque intervention supplémentaire, j’en ai profité ».</p>
</blockquote>
<p>Une Toulousaine de 23 ans justifie ainsi son voyage « hôtel + chirurgie » en Tunisie. Elle a déboursé 3 550 euros pour une rhinoplastie et un lipofilling fessier (c.-à-d., une augmentation de volume du postérieur en utilisant la graisse de la patiente), avec un séjour dans un 5 étoiles, sa piscine et son buffet à volonté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1464185568930242561"}"></div></p>
<p>Atypique ? Non : ce tourisme médical est très en vogue car il cumule plusieurs atouts. L’économie sur l’intervention séduit les nouveaux adeptes de la chirurgie, notamment les jeunes adultes, motivés par des vedettes de la téléréalité ou des influenceurs. Ces séjours permettent un retour en France avec une mine bronzée et reposée, sans cernes, ecchymoses ou autres traces apparentes. L’acheteur imagine bénéficier en plus de vacances à bas prix.</p>
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<p>La réalité est plus nuancée. Le gain financier est réel mais pas toujours significatif si l’on prend en compte toutes les dépenses (repas, logement, trajet, etc.). En outre, la distance rend difficiles les recours en cas de problème. Enfin, « on fait croire que l’on profite d’un séjour de rêve, en plus d’améliorer son apparence. En réalité, après une opération, personne n’a ni l’envie ni la possibilité de s’exposer sur un transat devant une piscine ».</p>
<p>Certains États encouragent cette offre, qui a redynamisé un secteur hôtelier en désaffection dans des pays touristiques frappés par des attentats ou dont l’économie est fragile.</p>
<h2>Artistes puristes ou prestataires impersonnels ?</h2>
<p>Les tatoueurs les plus renommés et les plus anciens dans la profession revendiquent un style spécifique, une identité propre, qui les différencie de leurs homologues et conduit parfois à travailler sur devis et ne pas avoir une séance libre avant des mois !</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529622/original/file-20230601-29-76j44j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Mais certains de ces esthètes expriment leur désarroi face à une nouvelle génération qui exécute des figures monochromes minimalistes (cœurs, étoiles, formes géométriques), réalisables sans talent particulier.</p>
<p>Discrets, rapides et peu chers, ces tatouages alimentent l’essentiel de la tendance actuelle alors que les propositions des créateurs sont nombreuses : réinterprétation de l’héritage asiatique ou polynésien, arabesques et inventions graphiques débridées, calligraphie médiévale, hyperréalisme ou trompe-l’œil… Un champ à l’imaginaire inépuisable. Ce qui rend d’autant plus dubitatifs les artistes confrontés à des clients réclamant le même motif qu’un influenceur ou un faux code barre, idée convenue s’il en est. Le tout mis en scène et diffusé instantanément :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois les gens sont plus attachés à la photo de leur tatouage qu’au tattoo lui-même, ce qui est assez étrange » <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/perso/entre-tradition-et-avant-gardisme-le-tatouage-fait-peau-neuve-1882661">témoigne un professionnel</a>.</p>
</blockquote>
<p>Cette différence de conception – commerce banal ou 10<sup>e</sup> art comme le défendent les historiques du Syndicat ? – se transforme parfois en débat sur la nécessité de la souffrance : au-delà des vibrations du dermographe, la réalisation du dessin doit-elle faire mal ou se cantonner à d’anodins picotements ? Les avancées techniques qui atténuent la douleur, comme les patchs dotés de microaiguilles encrées dissolvables, sont un progrès pour les tatouages médicaux ou vétérinaires mais sont considérés comme une hérésie pour des adeptes (praticiens ou clients) qui estiment que la <a href="https://www.pressreader.com/france/liberation/20220924/282282439165991">souffrance fait partie de l’expérience</a> esthétique et, à ce titre, ne doit pas être évitée (quand elle n’est pas valorisée !).</p>
<h2>Le rituel beauté du cadre carnassier : un exemple à suivre ?</h2>
<p>Au cinéma, le roman éponyme de Bret Easton Ellis (1992) est devenu le thriller <em>American Psycho</em> (Mary Harron, 2000) lançant la carrière de Christian Bale qui incarne un jeune cadre ambitieux. Ce film et son héros malsain sont devenus l’objet d’un véritable culte, y compris au sujet du rituel matinal des hommes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/b7D1l9ho6ZI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Riche et intelligent, Patrick Bateman entame chaque journée par un (long) passage devant son miroir pour des soins de beauté. Il se montre constamment préoccupé par son apparence. Et cette obsession maniaque est associée à sa réussite et à celle de ses pairs.</p>
<p>Résultat : plus de 20 ans après, des marques de cosmétiques se demandent sérieusement <a href="https://polskin.com/blogs/le-blog-du-doc/la-routine-beaute-de-patrick-bateman-est-elle-bonne">« La routine de Patrick Bateman est-elle bonne ? »</a> et des sites s’évertuent à identifier les produits utilisés et en <a href="https://www.vintagemakeup.fr/conseils-beaute-homme-patrick-bateman/">chiffrer le coût</a> pour un quidam. À tel point que certains <a href="https://www.terrafemina.com/article/tiktok-patrick-bateman-la-nouvelle-idole-inquietante-des-jeunes_a366968/1">s’interrogent</a> (à raison) sur ce succès des conseils délivrés d’un ton monocorde par celui qui s’avèrera être… un tueur en série psychopathe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206900/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’ouvrage « Miroir, mon beau miroir… le marché de la beauté sans fard », dont nous vous présentons les bonnes feuilles, explore ce secteur peu commun.Faouzi Bensebaa, Professeur de sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresJoan Le Goff, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952612022-11-29T18:58:01Z2022-11-29T18:58:01ZAider le foie à se régénérer : une piste prometteuse pour des patients condamnés<p>Le foie est bien connu pour sa <a href="https://doi.org/10.1038/s41575-020-0342-4">capacité à se régénérer</a>, inégalée parmi les <a href="https://theconversation.com/auto-regeneration-ce-dont-notre-corps-est-capable-176210">organes du corps humain</a>. Il peut en effet se reconstituer complètement même après ablation chirurgicale des deux tiers de sa masse. Mais les dommages causés par certains médicaments, l’abus d’alcool ou l’obésité peuvent finir par provoquer sa défaillance…</p>
<p>Actuellement, le seul traitement efficace de l’insuffisance hépatique au stade terminal est la <a href="https://doi.org/10.1053/j.gastro.2017.01.003">transplantation</a>.</p>
<p>Malheureusement, comme pour beaucoup d’autres organes, il y a une <a href="https://doi.org/10.1002/lt.25320">pénurie de greffons disponibles</a>. Selon leur compatibilité, les malades doivent <a href="https://www.medicalnewstoday.com/articles/states-with-shortest-liver-transplant-waiting-list">attendre de 30 jours à plus de cinq ans</a> avant de recevoir un foie aux États-Unis. Sur les <a href="https://www.organdonor.gov/learn/organ-donation-statistics">plus de 11 600 patients</a> inscrits sur liste d’attente pour recevoir une greffe de foie en 2021, un peu plus de 9 200 seulement en ont bénéficié. (<em>En France, en 2020, <a href="https://www.dondorganes.fr/questions/56/combien-fait-de-greffes-de-foie-en-france">1 128 greffes de foie</a> ont été réalisées. Chaque année, près de <a href="https://afef.asso.fr/la-maladie/les-traitements/la-transplantation-hepatique/">10 % des malades en liste d’attente</a> vont « soit décéder en liste d’attente, soit sortir de la liste en raison de leur état de santé trop dégradé avant de décéder. Il y a actuellement plus de deux candidats en attente d’une greffe de foie pour un greffon disponible », ndlr</em>)</p>
<p>Mais que se passerait-il si, au lieu d’une transplantation de foie, il existait un traitement capable d’aider le foie à développer encore ses capacités de régénération ?</p>
<p>Je suis le directeur fondateur du <a href="https://livercenter.pitt.edu">Centre de recherche sur le foie de Pittsburgh</a> et je dirige un laboratoire <a href="https://scholar.google.com/citations?user=R2awLBUAAAAJ&hl=en">étudiant la régénération du foie et le cancer</a>. Dans nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">travaux récemment publiés</a>, mon équipe et moi avons découvert que l’activation d’une catégorie de protéines particulière à l’aide d’un nouveau médicament peut contribuer à accélérer la régénération et la réparation du foie après une grave lésion ou après une ablation chirurgicale partielle chez la souris.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le foie est un organe irremplaçable, qui cumule de nombreuses fonctions.</span></figcaption>
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<h2>Acteurs clefs dans la régénération</h2>
<p>Le foie remplit <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscitranslmed.3005975">plus de 500 fonctions fondamentales</a> dans notre organisme. Il intervient notamment dans le tri des nutriments reçus de l’intestin, qu’il transforme, traite, etc. pour générer énergie, hormones et autres molécules qui seront nécessaires dans tout le corps. Il produit ainsi des <a href="https://www.hopkinsmedicine.org/health/conditions-and-diseases/liver-anatomy-and-functions">protéines qui transportent les graisses, gère la conversion de l’excès de glucose en glycogène pour le stocker, le cholestérol, l’élimination de toxines comme l’ammoniac</a>, le métabolisme des certains médicaments, etc.</p>
<p>Les cellules hépatiques, ou hépatocytes, assument ces nombreuses tâches grâce à une stratégie géographique dite de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ajpath.2021.09.007">« zonation »</a>. Chaque unité fonctionnelle du foie est orientée par le flux sanguin traversant l’organe, ce qui permet de le diviser en trois zones fonctionnellement distinctes. Les cellules acquièrent une différentiation particulière selon leur localisation et elles vont activer des fonctions spécialisées distinctes dans chaque zone en activant des gènes spécifiques. Cependant, malgré des <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2006/10/medsci20062211p904/medsci20062211p904.html">pistes pour expliquer cette « zonation métabolique »</a>, on ne sait pas encore exactement ce qui contrôle l’expression de ces gènes.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, mon équipe et d’autres laboratoires ont identifié un groupe de 19 protéines appelées <a href="https://doi.org/10.3727/105221621x16111780348794">Wnts</a> qui jouent un rôle important dans le contrôle des fonctions et de la régénération du foie. Nous savons désormais que les protéines Wnt contribuent à activer le processus de réparation des cellules hépatiques endommagées… mais celles qui contrôlent réellement la zonation et la régénération, ainsi que leur emplacement exact dans le foie, restent un mystère.</p>
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<figcaption><span class="caption">Progression en quatre étapes d’une atteinte hépatique.</span></figcaption>
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<p>Pour identifier ces protéines et leur origine, mon équipe et moi-même avons utilisé une nouvelle technologie appelée <a href="https://doi.org/10.1038/s41592-022-01409-2">cartographie moléculaire</a> pour déterminer où sont activés cent gènes connus pour leurs implications dans les fonctions hépatiques, et l’intensité de cette activité.</p>
<p>De façon inattendue, nous avons constaté que <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">seuls deux des 19 gènes Wnt</a>, Wnt2 et Wnt9b, étaient fonctionnellement présents dans le foie. Nous avons également trouvé que tous deux étaient actifs dans les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins de la zone 3 du foie – une zone qui joue un rôle dans nombre de fonctions métaboliques.</p>
<p>À notre grande surprise, l’élimination de ces deux gènes Wnt a abouti à ce que toutes les cellules hépatiques n’expriment que des gènes généralement limités à la zone 1, limitant ainsi considérablement le fonctionnement global de l’organe. Cette découverte suggère deux choses : que les cellules hépatiques subissent une influence continue sur l’activation de leurs gènes, qui peut donc être modifiée ; et que Wnt est le régulateur principal de ce processus.</p>
<p>L’élimination des deux gènes Wnt des cellules endothéliales a également complètement stoppé la division des cellules du foie, et donc sa capacité de régénération après une ablation chirurgicale partielle.</p>
<h2>Premiers tests d’efficacité</h2>
<p>Étant donné qu’ils contribuent à la fois à la zonation et la régénération, ces gènes constituent une voie prometteuse pour le développement de médicaments en médecine régénérative. Nous avons alors décidé de <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">tester si une nouvelle molécule, un anticorps appelé FL6.13</a> (créé par ingénierie protéique selon la technique du <em>rational design</em>) pourrait aider à restaurer ces deux fonctions primordiales.</p>
<p>Cette molécule s’est avérée capable de se fixer sur des récepteurs spécifiques aux protéines Wnt. Elle pourrait donc en effet partager des fonctions similaires avec elles, notamment l’activation de la faculté de régénération de l’organe.</p>
<p>Pendant deux jours, nous avons administré cet anticorps à des souris génétiquement modifiées pour que les cellules endothéliales de leur foie n’expriment ni Wnt2 ni Wnt9b. Nous avons établi que cette molécule était capable de rétablir presque complètement les fonctions de division et de réparation des cellules hépatiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration d’un foie pathologiquement gras" src="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Si elle n’est pas traitée, la stéatose hépatique peut entraîner de graves lésions.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/fatty-liver-conceptual-illustration-royalty-free-illustration/932736606">Kathryn Kon/Science Photo Library via Getty Images</a></span>
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<p>Pour aller plus loin, nous avons voulu tester l’efficacité de ce médicament potentiel pour réparer le foie après une surdose de <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/utilisation/bon-usage/paracetamol-aspirine-ains/paracetamol.html">paracétamol</a>. Le paracétamol, ou acétaminophène dans la nomenclature internationale, est le médicament en vente libre le plus couramment utilisé pour traiter la fièvre et la douleur. Cependant, pris en quantité trop importante, il peut <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK548162/">causer de graves dommages au foie</a>.</p>
<p>Sans soins médicaux immédiats, cette surdose peut entraîner une insuffisance hépatique et la mort. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK441917/">L’empoisonnement au paracétamol</a> est ainsi l’une des causes les plus fréquentes de lésions hépatiques graves nécessitant une transplantation du foie aux États-Unis notamment. Malgré cela, il n’existe actuellement qu’un seul médicament pour le traiter et il n’est capable de prévenir les lésions hépatiques que s’il est pris très rapidement après le surdosage.</p>
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<p>Nous avons testé notre anticorps sur des souris présentant des lésions hépatiques dues à des quantités toxiques de paracétamol. De façon encourageante, nos analyses ont montré qu’une seule dose permettait de diminuer les biomarqueurs sanguins de lésions – des protéines que le foie libère lorsqu’il est lésé – et de réduire la mort des tissus hépatiques. Ces résultats indiquent que tant la réparation des cellules hépatiques que la régénération des tissus ont lieu.</p>
<h2>Réduire le besoin en transplantation</h2>
<p>Une façon de remédier à la pénurie de greffes de foie serait d’améliorer les traitements des maladies du foie. Si les médicaments actuels peuvent traiter l’<a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/hepatitis-c">hépatite C</a>, une infection virale qui provoque une inflammation du foie parfois bénigne mais potentiellement responsable de cirrhoses et cancers, d’autres atteintes de cet organe majeur n’ont pas connu les mêmes progrès.</p>
<p>Il existe ainsi très peu de traitements efficaces pour des maladies comme la stéatose hépatique non alcoolique ou la maladie alcoolique du foie, ce qui fait que l’état de nombreux patients s’aggrave irrémédiablement. Ces derniers finissent alors par avoir besoin d’une greffe. Une opération, on l’a vu, qui manque cruellement de greffon disponible.</p>
<p>Mon équipe et moi-même pensons qu’en améliorant encore la capacité du foie à se réparer lui-même, on pourrait éviter le recours à la transplantation dans certains cas. Notre étude est un premier pas préliminaire qui montre que des possibilités existent. Des recherches complémentaires plus approfondies sur les capacités de notre anticorps FL6.13 comme l’élaboration de nouvelles molécules capables de favoriser la régénération du foie ouvrent quoiqu’il en soit déjà des pistes inédites contre le fléau des atteintes hépatiques graves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Satdarshan (Paul) Singh Monga a reçu des financements du NIDDK et du NCI des National Institutes of Health. Satdarshan Monga est consultant pour Surrozen et AntlerA.</span></em></p>Trop de patients meurent, chaque année, faute d’avoir pu bénéficier d’une greffe du foie. Mais… et si l’on pouvait améliorer les capacités de régénération de cet organe ? Une approche pleine d’avenir.Satdarshan (Paul) Singh Monga, Professor of Pathology and Medicine, University of PittsburghLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863672022-07-10T15:45:40Z2022-07-10T15:45:40ZRetirer un organe sain pour se protéger du cancer<p>Nous ne sommes pas tous égaux devant le cancer. Certains individus ont en effet une prédisposition et sont porteurs, dans leur patrimoine génétique, d’une ou plusieurs anomalies favorisant certains cancers appelées « variants pathogènes ». Il s’agit d’anomalies (une ou des mutations au sein de gènes spécifiques) transmises le plus souvent par l’un des deux parents, et présentes du premier au dernier jour de vie.</p>
<p>Ces variants pathogènes ne sont en général pas trouvés par hasard : ils sont déjà identifiés chez un patient touché par un cancer. Les membres de la famille peuvent ensuite réaliser un test génétique afin de savoir s’ils en sont également porteurs, ceci dans le cadre d’une consultation spécialisée.</p>
<p>Suite à un dépistage génétique, certaines personnes se retrouvent ainsi concernées par un risque non négligeable de développer un cancer dans les années à venir. Peut alors se poser la question de la chirurgie : faut-il, doit-on envisager de se faire retirer en totalité un organe – estomac, thyroïde, seins ou ovaires par exemple – pour se protéger ?</p>
<p>La question est d’autant plus lourde de conséquences que ces personnes sont, au moment où elles doivent faire ce choix, en parfaite santé et que le cancer ne se déclarera pas forcément. On parle alors de chirurgie prophylactique. En voici les exemples les plus emblématiques.</p>
<h2>Cancer de l’estomac…</h2>
<p>Les variants pathogènes dans le gène <em>CDH1</em> sont associés à une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7116190/">augmentation de risque de développer un type de cancer de l’estomac appelé cancer gastrique diffus, ou « à cellules peu cohésives »</a>. Le risque débute chez les jeunes adultes et atteint 30-40 % au cours de la vie. Ce risque cumulé est considéré comme suffisant pour justifier la chirurgie, et ce d’autant plus que les moyens de dépistage sont limités.</p>
<p><em>CDH1</em> code pour une protéine d’adhésion, l’E-cadhérine, dont le rôle est d’assurer l’intégrité du tissu gastrique. En cas de variant pathogène dans ce gène, la protéine ne fonctionne plus normalement et l’intégrité tissulaire de l’organe est compromise, avec un risque de prolifération incontrôlée des cellules.</p>
<p>Le dépistage du cancer gastrique diffus est difficile. En effet, ce cancer n’est pas toujours visible à la gastroscopie, geste consistant à insérer un tube muni d’une caméra dans l’estomac. Et ce même si les performances de la gastroscopie se sont considérablement améliorées ces dernières années, notamment grâce à des techniques de coloration virtuelle et de grossissement.</p>
<p>La chirurgie est-elle forcément à considérer ? Opter pour un suivi rigoureux n’est pas à écarter, surtout quand le risque de cancer bien inférieur à 100 %, sans compter l’espoir de progrès à court terme dans le dépistage. Néanmoins, seule la chirurgie prophylactique garantit une protection contre le cancer gastrique lié à <em>CDH1</em>. Elle est envisagée dès l’âge de 20 ans.</p>
<h2>… Vivre ensuite sans estomac</h2>
<p>Une vie adulte sans estomac est tout à fait possible… mais au prix d’une altération de la qualité de vie et d’un suivi médical et nutritionnel sur le long terme.</p>
<p>Certes, les chirurgiens reconstruisent un « réservoir » à partir d’un morceau d’intestin, mais cela ne compense que très partiellement l’absence de l’organe. Une perte d’environ 15 % du poids corporel est observée dans l’année qui suit l’opération. Certaines personnes décrivent une disparition de la sensation de faim et du plaisir de manger.</p>
<p>Vivre sans estomac oblige à fractionner les repas, donc à manger de petites quantités mais plus souvent. Des malaises peuvent survenir au cours du repas.</p>
<p>Les malaises précoces sont liés au fait que le bol alimentaire n’est plus stocké dans l’estomac et que l’intestin n’est pas fait pour accueillir de gros volumes en un laps de temps court. Plus tardivement, on peut observer des épisodes d’hypoglycémie : le passage accéléré dans le sang des aliments augmente d’abord rapidement la glycémie, ce qui entraîne de la part de l’organisme la sécrétion de grandes quantités d’insuline… ce qui va faire baisser rapidement le taux de glucose sanguin et parfois de manière excessive.</p>
<p>L’absence d’estomac conduit également à des carences en vitamines et autres éléments essentiels : par exemple un facteur sécrété par l’estomac nécessaire à l’absorption de la vitamine B12, impliquée dans la fabrication des globules rouges et la fonction des nerfs. Le montage chirurgical et le passage accéléré des aliments digérés dans le tube digestif compromettent également l’absorption de la vitamine D et du calcium (essentiels à la solidité du squelette) et du fer (nécessaire pour la production des globules rouges).</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<h2>Les enfants parfois concernés</h2>
<p>L’âge n’est pas toujours, malheureusement, une donnée pertinente : il existe des prédispositions génétiques qui imposent une chirurgie précoce.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=653">néoplasie endocrinienne multiple de type 2</a> est une maladie héréditaire définie par l’existence de variants pathogènes du gène <em>RET</em>. Elle peut toucher trois glandes endocrines (sécrétant des hormones dans le corps) : la thyroïde, les médullosurrénales et parathyroïdes. Mais elle se caractérise principalement par un risque de cancer agressif de la thyroïde, le cancer médullaire.</p>
<p>Le risque varie en fonction de la position du variant pathogène dans le gène. Pour certains variants, le risque débute dès les premières années de vie et s’approche de 100 % à l’âge adulte. Il est alors fortement recommandé de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4490627/">retirer la thyroïde, parfois chez les tout petits</a>. Une substitution en hormones thyroïdiennes est ensuite administrée, et pour toute la vie. Cette substitution prévient les conséquences de l’hypothyroïdie : trouble de croissance et retard du développement chez les enfants, fatigue, ralentissement psychomoteur, prise de poids et intolérance au froid chez l’adulte.</p>
<p>Nous avons présenté deux exemples particulièrement frappants de prédispositions génétiques au cancer, de par les conséquences de la chirurgie et l’âge auquel elle est pratiquée. Mais ces exemples sont rares : on estime que seule une personne sur 5000 est porteuse d’un variant pathogène du gène <em>CDH1</em>.</p>
<p>Abordons maintenant une prédisposition qui concerne cette fois environ <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Facteurs-de-risque/Predispositions-genetiques">1 personne sur 500 : la prédisposition génétique au cancer du sein et de l’ovaire</a>, médiatisée depuis une dizaine d’années par Angelina Jolie.</p>
<h2>Cancer du sein et des ovaires</h2>
<p>Avant ses 40 ans, l’actrice américaine s’est fait retirer les seins puis les ovaires à titre prophylactique. Elle est en effet porteuse d’un variant pathogène dans <em>BRCA1</em>.</p>
<p><em>BRCA1</em> et <em>BRCA2</em> sont les principaux gènes de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire. Le risque sur la vie pour une porteuse est d’environ <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2632503">70 % pour le cancer du sein, et de 20-40 % pour le cancer de l’ovaire</a>. La chirurgie prophylactique des seins consiste en une ablation (mastectomie) suivie d’une reconstruction par un chirurgien plasticien.</p>
<p>Il est important de préciser ici que l’ablation des seins est une option, puisqu’il existe des moyens efficaces de dépistage. La chirurgie est donc discutée au même titre que la surveillance annuelle par examens radiologiques, imagerie par résonnance magnétique (IRM) et mammographie.</p>
<p>Si la femme souhaite s’affranchir de ce risque élevé de cancer du sein, ou trouve la surveillance contraignante et anxiogène, elle décide alors de se faire opérer. La chirurgie est envisageable dès 25-30 ans.</p>
<p>Pour les ovaires, la chirurgie prophylactique est en revanche fortement recommandée, et à partir de 40-45 ans. Contrairement aux seins, il n’existe pas à l’heure actuelle d’outil efficace de dépistage du cancer ovarien.</p>
<p>La chirurgie des ovaires a pour conséquence immédiate une ménopause, la femme étant privée de sa principale source d’hormones féminines. Un traitement hormonal de substitution est proposé sous certaines conditions.</p>
<p>Il est important de rappeler que les hommes porteurs de variants pathogènes <em>BRCA1</em> ou <em>BRCA2</em> ont aussi un risque de cancer du sein. Les porteurs de <em>BRCA2</em> sont également à risque de cancer de la prostate. Il n’est normalement pas question de chirurgie prophylactique prostatique, bien que cette possibilité ait déjà été envisagée. Ses conséquences seraient sévères, principalement impuissance et incontinence. Il existe par ailleurs des moyens de dépistage par dosage de marqueurs sanguins, et peut être bientôt par IRM.</p>
<h2>Un impact social et psychologique</h2>
<p>Le choix d’une chirurgie prophylactique est influencé par la perception du syndrome génétique et par l’historique personnel et familial de la personne concernée.</p>
<p>Avant une opération, il peut être utile de s’accorder un temps de réflexion, de se tourner vers des associations de patients et de solliciter un accompagnement par un professionnel de la santé mentale. En effet, l’impact de la chirurgie n’est pas que physique : il est parfois aussi social et psychologique.</p>
<p>Pour un organe invisible comme l’estomac, la perte de poids postopératoire est apparente et peut susciter remarques et interrogations. Le fractionnement des repas et les malaises peuvent avoir un impact sur la vie sociale. Une femme qui envisage de se faire retirer seins et ovaires craint parfois de perdre une partie de sa féminité. La reconstruction mammaire permet souvent d’excellents résultats. Cependant, il arrive aussi que la nouvelle poitrine ne corresponde pas à celle d’avant la chirurgie et il faut alors s’adapter à une nouvelle image corporelle.</p>
<h2>Des progrès dans le dépistage</h2>
<p>La chirurgie prophylactique reste malgré cela le meilleur moyen de se protéger de certains cancers, en cas de prédisposition.</p>
<p>On peut espérer à moyen terme des progrès dans le dépistage, offrant ainsi des alternatives sûres. Des jeunes porteurs <em>CDH1</em> conserveraient alors leur estomac en toute sérénité, leur permettant de manger comme bon leur semble et sans risque de carences. Des femmes de 40 ou 45 ans garderaient leurs ovaires malgré une prédisposition liée à <em>BRCA1</em> ou <em>BRCA2</em>, et seraient naturellement ménopausées à la cinquantaine…</p>
<p>La médecine évolue. Rendez-vous dans quelques années pour un nouvel éclairage sur la chirurgie prophylactique ?</p>
<hr>
<p><em><a href="https://hal.sorbonne-universite.fr/hal-02791374/document">Camille Desseignés, conseillère en génétique</a> à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'activité de Patrick Benusiglio et son équipe est en partie financée par des subventions de l'Institut National du Cancer. L'auteur a par ailleurs reçu ponctuellement des honoraires des entreprises pharmaceutiques AstraZeneca et MSD pour des prestations (partage d'expérience, conférences invitées).
</span></em></p>Comment réagir quand on se découvre un risque de développer un cancer – dans 5 ou 10 ans ? Se faire ôter par chirurgie l’organe vulnérable est une option dont il est dur de peser le pour et le contre.Patrick Benusiglio, Maître de Conférence des Universités et Praticien Hospitalier à AP-HP.Sorbonne Université, spécialiste des prédispositions génétiques au cancer, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1781072022-03-08T19:05:20Z2022-03-08T19:05:20ZQuelles que soient ses évolutions, la chirurgie reste un travail d’équipe<p>Dans un bloc du CHU de Nancy, un chirurgien, la tête enfouie dans sa console, observe en trois dimensions le corps d’une patiente venue pour une ablation de rein. Il commande par des manettes et des pédaliers un robot doté de quatre bras au bout desquels des instruments et une microcaméra entrent dans le corps de la patiente grâce à quelques fines incises.</p>
<p>Cet arsenal technologique présent maintenant dans tous les CHU de France, est emblématique de la place croissante des « high » technologies dans les blocs opératoires depuis le début des années 2000. Les gestes du chirurgien sont amplifiés par les bras du robot qui tournent à 360 degrés, sécurisés puisqu’il n’y a pas de risque de tremblement. La prescription d’antalgique et le temps de récupération des patients sont diminués car <a href="https://www.urofrance.org/sites/default/files/fileadmin/documents/data/PF/2016/6420/70936/FR/1187492/main.pdf">l’intervention est moins traumatisante</a>.</p>
<p>Pendant ce temps, au CHU de Grenoble, une anesthésiste s’est assise à la tête d’une patiente venue pour une ablation du sein. Elle lui parle longuement et doucement de balade dans la neige froide, de soleil chaud et de pas qui crissent, surveille ses réactions physiologiques tout en lui injectant de quoi procéder à une sédation légère et une anesthésie qui ne sera que locale. Elle cherche par ces paroles à mettre la patiente dans un état de conscience modifié. Alors, les interventions faites sur le corps, a priori douloureuses et anxiogènes seront dissociées de leur vécu psychique induit pour être agréable.</p>
<p>L’hypnosédation pratiquée ici, connaît aussi un <a href="https://www.inserm.fr/rapport/evaluation-de-lefficacite-de-la-pratique-de-lhypnose-2015/">développement important</a> depuis le début des années 2000. L’injection de drogues anesthésiques, le temps de réveil et la durée de récupération <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23628907/">sont diminués</a>. L’anxiété du patient est prise en charge ; l’expérience de l’intervention vécue plus positivement, offrant aux anesthésistes un levier pour <a href="https://www.academia.edu/17840404/Psychological_approaches_during_conscious_sedation_Hypnosis_versus_stress_reducing_strategies_a_prospective_randomized_study?auto=download">réhumaniser leurs pratiques de soins</a>.</p>
<p>Nos <a href="https://journaleska.com/index.php/jdds/article/view/406">recherches</a> conduites dans deux CHU (dont l’une encore à paraître dans la revue <em>M@n@gement</em>), représentatifs d’autres établissements, montrent que si la réussite de ces techniques, high ou low, repose sur les compétences de personnes pivots, elle reste conditionnée à la qualité du travail collectif. Ce travail collectif doit être soutenu et outillé, alors même qu’il est continuellement menacé.</p>
<h2>Relations modifiées</h2>
<p>Chirurgie assistée par robot et hypnose exigent bien évidemment des compétences spécifiques de ceux qui les mettent en œuvre. Les chirurgiens qui opèrent à l’aide de robot, doivent se former à la manipulation des manettes et du pédalier même si les gestes restent assez intuitifs. Pour cela, des formations en partie sur simulateurs ont vu le jour, dont par exemple un DIU de chirurgie robotique proposé par l’Hôpital virtuel de Nancy.</p>
<p>Les hypnopraticiens, médecins ou infirmiers anesthésistes, suivent eux aussi des formations de plusieurs semaines pour maîtriser le langage de l’hypnose et l’adapter aux situations de chaque patient. Leurs paroles doivent suivre leurs gestes qui dosent des produits, piquent, surveillent les constantes exigeant d’être parfaitement à l’aide dans les compétences de base du métier.</p>
<p>Ces compétences individuelles, techniques, nécessaires à la bonne pratique ne sont pas suffisantes. Le chirurgien et son robot, l’hypnopraticien et son malade, n’interviennent pas seuls mais sont entourés d’autres chirurgiens et anesthésistes, d’infirmières de bloc, de brancardiers.</p>
<p>Le travail de ces intervenants change sous l’effet des nouvelles techniques. Il en est ainsi du travail du chirurgien sous hypnose. C’est l’anesthésiste, y compris s’il est infirmier, qui donne le rythme et impose ses règles de bonne pratique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448950/original/file-20220228-15-1ouz8di.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Organisation et communication du bloc sous hypnose par rapport à une anesthésie générale.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous avons par exemple été témoins d’une infirmière corrigeant un chirurgien qui venait de dire « attention ça va être froid » au risque de faire sortir la patiente de sa bulle. Ce dernier reconnaît facilement ses torts :</p>
<p>« Il faut vraiment que je me mette au service du travail engagé par l’infirmière anesthésiste. Je deviens un exécutant. C’est très fatigant »</p>
<p>Tous les intervenants du bloc, du brancardier au chirurgien, doivent apprendre à travailler en portant attention aux effets de leurs gestes, de leurs déplacements, de leurs paroles sur l’état de conscience hypnotique du patient.</p>
<p>Pour la chirurgie assistée par robot, la relation entre le chirurgien et les autres membres de l’équipe de bloc est aussi modifiée. Le chirurgien aux manettes au sens propre comme au sens figuré, va imposer le rythme de l’intervention, de la préparation du patient jusqu’à la phase de retrait de l’organe, en passant par les différentes étapes consistant à atteindre l’organe malgré les multiples tissus et la graisse. Les consignes du chirurgien s’apparentent à des ordres : « aspire », « faites descendre une troisième compresse ».</p>
<p>L’infirmière instrumentiste accepte un rôle plus restreint que lors d’une chirurgie ouverte. Elle ne fait que passer du matériel ou des instruments à l’assistant, qui lui-même devient un simple exécutant, en réponse aux consignes du chirurgien. L’infirmière circulante est peu sollicitée durant l’intervention qui peut durer jusqu’à trois heures.</p>
<p>L’abandon de routines anciennes, les déplacements ou rétrécissements des rôles, le renversement des relations de dépendance ne sont acceptables pour ces professionnels que s’ils sont faits au nom d’un travail collectif, au service du bénéfice du patient. Il prend alors tout son sens.</p>
<h2>Changements de communication</h2>
<p>La coordination de l’équipe repose largement sur le contenu des différents métiers qui permet à chacun de se savoir ce qu’il doit faire pour tenir son rôle propre mais aussi pour compléter celui des autres. Mais cela ne suffit pas. Des interactions sont nécessaires tout au long de l’opération s’appuyant sur une communication précise, bien que profondément modifiée par les techniques.</p>
<p>La réussite de l’hypnose exige par exemple que les paroles échangées dans l’équipe n’interfèrent pas avec celles de l’hypnopraticien. Nous avons été témoins d’une jeune fille se redressant brutalement sur la table d’opération, « réveillée » par un chirurgien expliquant qu’elle présentait une particularité physiologique rendant l’intervention intéressante. Il importe alors que les intervenants s’accordent sur d’autres moyens de communiquer que la parole naturelle, par exemple le regard, les mots codifiés…</p>
<p>Les enjeux d’une communication collective renouvelés sont encore plus marqués dans le cas du robot. Le robot organise une « mise à l’écart » de chacun des intervenants. Le chirurgien, la tête dans sa console, voit le déroulement de l’intervention en 3D. Il donne des consignes aux internes et infirmiers de blocs, situés à plus d’un mètre de lui, qui suivent l’intervention sur un écran en 2D et ne l’entendent pas toujours. Les anesthésistes ne voient eux, ni l’écran, ni le reste de l’équipe puisqu’ils sont derrière un champ de protection qui, comme pour l’hypnose, est vécu comme une barrière.</p>
<p>La communication non verbale n’étant pas possible entre le chirurgien et le reste de l’équipe, c’est la communication sécurisée qui doit être privilégiée. Après chaque consigne, l’infirmière ou l’assistant doivent dire tout haut ce qu’ils font de sorte que le chirurgien soit assuré d’avoir été entendu et bien compris.</p>
<p>Cela demande des changements de pratiques sans quoi des tensions apparaissent. On a ainsi pu observer l’énervement d’un chirurgien, qui avait demandé une compresse supplémentaire et n’ayant pas de retour oral et ne la voyant pas arriver dans le corps du patient, a sorti la tête de la console en criant « une troisième compresse s’il vous plaît ! ». Celle-ci était bien en route mais ni l’infirmière ni l’assistant n’avait pensé à le verbaliser. La communication sécurisée est une nouvelle compétence du travail collectif.</p>
<p>Le travail collectif n’est pas une donnée mais un processus, qui exige des apprentissages pas à pas. Il doit être accompagné car il ne va pas de soi. Il est facilité par des temps de débriefing, qui permettent par exemple de prendre conscience qu’il faut changer le tabouret bruyant de l’infirmière de bloc qui altère la communication ou de s’interroger sur la possibilité de faire un trou dans le champ stérile pour permettre un échange visuel entre l’anesthésiste et le chirurgien dans les situations d’hypnose.</p>
<p>Il est aussi facilité lorsqu’il est l’objet d’une représentation partagée. Dans le cas du robot, la visualisation de séquences d’opérations filmées, est une aide pour prendre conscience des obstacles spatiaux créés par la technologie, que le travail collectif doit surmonter. Dans le cas de l’hypnose, l’usage répété de la métaphore de la « bulle », offre une image partagée de ce que le travail collectif doit construire et protéger autour du patient.</p>
<p>L’efficacité de nouvelles techniques n’est donc pas dépendante des seules compétences de ceux et celles qui les mettent en œuvre mais aussi de la qualité du travail de l’ensemble des intervenants des blocs opératoires. L’innovation technique, high ou low, doit être associée au développement de compétences non techniques qui aident le collectif à se représenter son travail, ses interdépendances, ses obstacles. Elle doit aussi être accompagnée de dispositifs d’apprentissage qui nécessitent du temps, de l’espace, de la continuité mis à rude épreuve par le turn-over, les tensions sur les ressources humaines et l’optimisation des taux d’occupation des blocs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178107/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Valette a reçu des financements de la Fédération Hospitalière de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Delphine Wannenmacher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse comparée des opérations sous hypnose et assistées par robot montre que ces nouvelles pratiques, loin d’isoler les praticiens, nécessitent de renforcer le collectif.Annick Valette, Professeure, Chaire innovations organisationnelles en santé, CERAG, INP - Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementDelphine Wannenmacher, Maître de conférences en sciences de gestion et du management, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750812022-01-19T18:30:48Z2022-01-19T18:30:48ZCœur transplanté : un humain est-il l’équivalent de 1 000 cochons ?<p>Depuis le 7 janvier 2022, David Bennett, un Américain de 57 ans atteint d’une insuffisance cardiaque, vit avec un <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2022/01/220110183051.htm">cœur de cochon génétiquement modifié</a>.</p>
<p>Cette transplantation du cœur d’une autre espèce (ou xénogreffe) est historique car elle emploie l’organe d’un animal dont le patrimoine génétique a été spécialement modifié pour qu’il devienne compatible avec l’espèce humaine et ainsi minimiser les risques de rejet.</p>
<p>Au-delà de la <a href="https://www.trtworld.com/magazine/nyt-report-on-pig-heart-recipient-s-criminal-record-criticised-53648">prouesse médicale</a> à plus d’un million de dollars, cette nouvelle greffe ne laisse pas indifférent. L’association animaliste internationale PETA, citée par <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/01/11/un-c-ur-de-porc-transgenique-a-ete-greffe-chez-un-humain_6109068_1650684.html">le <em>Monde</em> du 13 janvier</a>, a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>« Les animaux ne sont pas des cabanes à outils que l’on peut piller, mais des êtres complexes et intelligents. »</p>
</blockquote>
<p>Toutes proportions gardées, ce transfert d’organe vital fera écho pour certains au film dystopique de Michael Bay <em>The Island</em>, dans lequel deux personnages interprétés par Scarlett Johansson et Ewan Mc Gregor cherchent à sauver leur peau en s’enfuyant d’un univers où des humains sont clonés à la chaîne pour constituer les réservoirs d’organes de richissimes bénéficiaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EiBZakZa0TY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dans le film <em>The Island</em>, des clones sont créés spécialement pour prélever leurs organes.</span></figcaption>
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<p>S’il est outrageant d’imaginer que certains individus deviennent les pièces de rechange de leurs congénères (ce serait le cas dans <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27167">certaines régions du monde</a>), la question de l’utilisation d’animaux à cette fin ne peut laisser entièrement indifférent.</p>
<h2>Coeur, valves, peau, tout est bon dans le cochon</h2>
<p>Un chirurgien de l’Hôpital général du Massachusetts à Boston, spécialiste des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00111-9">transplantations</a>, estimait que l’on pourrait davantage apprendre de quatre patients humains reçeveurs de cœurs de cochons que de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07419-5">40 babouins transplantés</a> de la même manière, car cela permettrait d’en tirer des conclusions plus transférables à la médecine humaine.</p>
<p>Les enjeux vitaux pour les individus impliqués dans ces expériences médicales pionnières sont évidemment différents, puisque dans le cas de la récente transplantation, le patient était condamné (dans le sens médical mais aussi pénal du terme : suite à une agression à l’arme blanche qui a paralysé à vie sa victime, il a écopé de 10 ans de prison).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0Pmu4XtUYzw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Opération expérimentale et première mondiale, un homme s’est fait transplanté un cœur de porc génétiquement modifié.</span></figcaption>
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<p>En outre, David Bennett était volontaire, question qu’il semblerait saugrenu de se poser concernant les cochons (ou les babouins).</p>
<p>L’utilisation des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S174391911500374X">valves cardiaques de cochons</a> pour équiper les cœurs humains défaillants ou celle de leur <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1972-un-pansement-de-peau-de-porc-pour-soigner-les-grands-brules">peau pour soigner les grands brûlés</a> étant pratiquées depuis un demi-siècle, nous sommes déjà habitués à l’idée que ceux-ci représentent nos pièces de rechange, malgré les preuves que nous avons de leur <a href="https://www.psychologytoday.com/us/blog/animal-emotions/201506/pigs-are-intelligent-emotional-and-cognitively-complex">intelligence et leurs émotions</a>.</p>
<p>Mais avec la remarquable greffe d’un cœur entier, l’interrogation éthique est à nouveau d’actualité.</p>
<p>Dans son livre <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_bonobo,_Dieu_et_nous-443-1-1-0-1.html"><em>Dieu, le bonobo et nous</em></a>, l’influent primatologue Franz de Waal osait une question vertigineuse : « une personne est-elle l’équivalent de mille souris ? ».</p>
<p>Pour comprendre comment les humains résolvent ce genre d’interrogation, des chercheurs ont adapté une expérience de pensée classique : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dilemme_du_tramway">dilemme du tramway</a>, imaginé par la philosophe Filippa Foot durant les années 1960, et devenu en quelques années une <a href="https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2017/10/how-the-good-place-goes-beyond-the-trolley-problem/543393/">référence dans la culture populaire</a>.</p>
<h2>Le dilemme du tramway, mais avec des animaux</h2>
<p>Imaginez la situation suivante (dessin ci-dessous) : un tramway est en train de foncer sur un ouvrier qui travaille sur une voie, et si vous n’actionnez pas un levier d’aiguillage qui se trouve devant vous, il périra écrasé. Cependant, si vous détournez le tramway pour épargner l’ouvrier, le véhicule heurtera les dix chiens qui se trouvent sur l’autre voie. Que faites-vous ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin représentant le dilemme du tramway" src="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dilemme du tramway avec des victimes canines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">présenté dans Bègue-Shankland, L. (2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés</span></span>
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<p>Le pourcentage de participants qui décident de sauver les dix chiens (et sacrifient donc l’humain) est exactement de 31 %.</p>
<p>Mais remplacez ces 10 chiens par 10 pigeons, et il fait peu de doutes que le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0168184">pourcentage se rapprochera de zéro</a>. Mettez-y maintenant des humains et il avoisinera les 100 %.</p>
<h2>Empathie bien ordonnée commence par son espèce</h2>
<p>L’un des aspects qui éclaire le choix du sacrifice de tel ou tel animal est la proximité de son espèce avec la nôtre. Une équipe du Muséum national d’histoire naturelle de Paris a mis en évidence combien <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-56006-9">l’empathie humaine</a> envers les animaux est sélective et hiérarchisée.</p>
<p>Les chercheurs ont présenté à 3 500 participants les photographies de 52 espèces représentatives de la diversité du vivant (47 espèces animales, quatre plantes et un champignon). On leur présentait des paires de photos avec, à chaque fois, deux espèces différentes. Ils devaient choisir celle pour laquelle ils pensaient pouvoir le plus ressentir des émotions, et, en cas de danger de mort, celle qu’ils sauveraient en priorité. Les résultats ont montré que plus le moment de séparation au cours de l’évolution d’une espèce donnée avec l’humain était ancien, plus l’empathie qu’elle suscitait déclinait. La distance évolutive et la ressemblance morphologique étant reliées, l’empathie semblait donc découler de l’existence de traits physiques évocateurs de similarité avec l’être humain.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’empathie et la compassion pour les espèces animales est reliée à leur distance évolutive par rapport aux humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté de Miralles et coll., 2019, dans Bègue-Shankland, L., _Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences_ (2022).</span></span>
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</figure>
<p>La logique de l’empathie pour les animaux découle aussi du statut qui leur est accordé dans une société donnée. En contexte occidental, il est probable que si le cœur transplanté appartenait à un chien, les réactions du public seraient fort différentes (mais non dans certains pays d’Asie, où ils sont au menu). Nos préférences pour les espèces qui entrent dans nos maisons relèvent d’une logique purement <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-78374-004">affective</a> et culturelle. Si l’on incite les individus qui doivent résoudre le dilemme à « penser de manière émotionnelle », ils ont alors tendance à intensifier leur préférence pour des animaux familiers comme le chien plutôt que d’autres comme le cochon.</p>
<h2>La géométrie variable du « tu ne tueras point »</h2>
<p>Imaginons maintenant que l’on remplace le levier d’aiguillage de l’expérience du tramway par un procédé bien plus expéditif : si vous poussez un <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691154022/would-you-kill-the-fat-man">gros monsieur</a> qui stationne à ce moment-là sur un pont surplombant la voie, son corps massif stoppera net la course infernale du tramway, et vous aurez sauvé plusieurs humains qui allaient périr sur les rails.</p>
<p>Dans ce cas, les réactions s’inversent : près de 90 % des gens répugnent à précipiter l’homme sur la voie. Même si cela est purement imaginaire, être soi-même physiquement impliqué dans un homicide semble trop difficile à assumer.</p>
<p>Dans cette situation et selon des études de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11557895/">neuro-imagerie</a>, les émotions sont plus intenses que celles qui affleurent dans la version « aiguillage ». Ce qui semble pourtant s’imposer numériquement (sauver le maximum de vies) apparaît complètement inadmissible pour presque tout le monde.</p>
<p>La règle absolue « Tu ne tueras point » occupe tout l’espace mental. Certains participants se rappellent peut-être même des fragments de leurs cours de philosophie du lycée, comme cette fameuse formule d’Emmanuel Kant qui nous commande de ne jamais utiliser autrui « simplement comme un moyen ».</p>
<p>Mais imaginons maintenant qu’il s’agisse de sauver des singes, et que l’on remplace le gros monsieur par un gros singe.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une adaptation de la version « pont » du dilemme du tramway dans laquelle les victimes sont des singes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(extrait de Bègue-Shankland, L. (fév. 2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce cas, on observe que la majorité des personnes interrogées est prête à faire de l’animal un simple moyen pour sauver d’autres singes. Ainsi, avec les animaux, tenus pour complètement interchangeables, le principe d’utilité ne nous choque plus tellement.</p>
<p>Il ne heurtait pas Kant non plus, qui déclarait que « les animaux n’ont pas conscience d’eux-mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d’une fin ». Le philosophe ajoutait même : « cette fin est l’homme ». Des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797620960398?journalCode=pssa">études</a> menées par une équipe de chercheurs d’Oxford ont montré que la possibilité de sacrifier le membre d’une espèce pour en sauver plusieurs autres est fonction de la valeur que les humains attribuent aux espèces en question. Par exemple, nous préférons sacrifier un cochon pour sauver dix cochons que sacrifier un chien pour en sauver dix autres.</p>
<h2>Les enfants prennent plus en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance</h2>
<p>L’équipe d’Oxford s’est aussi intéressée aux évolutions du favoritisme pour les humains selon l’âge des participants. À travers plusieurs études, il est ressorti que la priorité que les adultes donnent à leur espèce n’était absolument pas en vigueur chez les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0956797620960398">enfants</a> âgés de 5 à 9 ans.</p>
<p>Qu’il s’agisse de cochons ou de chiens, les plus jeunes prennent davantage en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance. Alors que près de 60 % des adultes préfèrent sauver un humain plutôt que 100 chiens, près de 70 % des enfants donnent la priorité aux 100 chiens. Lorsqu’une vie canine et une vie humaine sont en jeu, 35 % des enfants choisissent l’humain, 28 % donnent la priorité au chien et les autres n’arrivent pas à prendre parti. Dans la même situation, 85 % des adultes optent pour l'humain et 8 % font l’inverse. Si l’on remplace le chien par un cochon, 57 % des enfants donneront la priorité à l’humain, 18 % au cochon et les autres ne se prononcent pas. Dans le même cas de figure, 93 % des adultes choisissent l’humain et seulement 3 % sauvent la vie du cochon.</p>
<p>Dans le cas de la transplantation cardiaque, on peut présumer que les chirurgiens Bartley Griffith et Muhammad Mohiuddin, les auteurs de l’exploit médical, ne manquaient pas d’empathie pour leur malade, mais en avaient beaucoup moins pour le cochon.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.inserm.fr/modeles-animaux/qu-est-regle-3-r/">règles d’éthique médicale</a> qui s’appliquent à l’usage des animaux dans la recherche, leur diminution et leur remplacement par des méthodes alternatives est nécessaire.</p>
<p>Tout en souhaitant longue vie à l’Américain au cœur désormais porcin, on peut donc également espérer que l’entreprise française Carmat parviendra rapidement à faire fonctionner son fameux <a href="https://www.20minutes.fr/sante/3204319-20211223-ur-artificiel-carmat-identifie-origine-probleme-qualite">cœur artificiel</a>. Cela assombrirait un peu moins l’avenir des cochons, et permettrait l’heureuse application d’un aphorisme peut-être pas si bête de Coluche : « Ne fais pas aux truies ce que tu ne voudrais pas qu’elles te fassent ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p>Début 2022, un homme s’est fait transplanter un cœur de cochon. L’opération est un succès mais pose de sérieux problèmes éthiques. Doit-on sacrifier des animaux pour sauver des humains ?Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA). Dernier ouvrage : Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos contradictions. Odile Jacob, février 2022, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752182022-01-19T18:30:47Z2022-01-19T18:30:47ZBioéthique : cœur de porc greffé sur un homme, quand les technologies abolissent les limites du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441602/original/file-20220119-17-csm44a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C6016%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), implante un cœur de cochon génétiquement dans la poitrine de David Bennett, 57 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où il est tant question, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de vaccins à ARN messager, <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">la transplantation d’un cœur de porc sur un Américain âgé de 57 ans</a>, le 7 janvier 2022 à l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis), éclaire d’autres champs de la recherche biomédicale. </p>
<p>Cette innovation scientifique chirurgicale est démonstrative d’une capacité d’intervention sur l’être humain qui, au-delà de la prouesse technologique, reconfigure les repères dans la relation interespèces, non seulement d’un point de physiologique, mais aussi dans une approche anthropologique.</p>
<h2>Tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires</h2>
<p>Quelques repères historiques permettent de mieux comprendre l’évolution des pratiques de greffes d’organes, dans une première phase à partir de donneurs vivants ou de cadavres.</p>
<ul>
<li><p>Le 23 décembre 1954, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/joseph-edward-murray/">Joseph Edward Murray</a> réalise la première greffe de rein sur des jumeaux monozygotes (« vrais » jumeaux) au Brigham and Women’s Hospital de Boston (États-Unis). En 1990, le Prix Nobel de physiologie ou médecine lui sera attribué, notamment pour ses recherches <a href="https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/greffes/greffes-vers-une-nouvelle-generation-d-immunosuppresseurs">ayant permis de développer les immunosuppresseurs</a>, utilisés pour contrer le processus physiologique de rejet du greffon ; </p></li>
<li><p>En 1966, une greffe de pancréas est réalisée avec succès à Minneapolis ;</p></li>
<li><p>En 1967 Christiaan Barnard réalise à Cap Town (Afrique du Sud) la 1<sup>re</sup> greffe de cœur. La même année, à Denver (États-Unis) une greffe de foie permet une survie de 13 mois ;</p></li>
<li><p>En 2000, une double greffe de deux mains et avant-bras est réalisée à Lyon ; </p></li>
<li><p>En 2005, une étape supplémentaire est franchie, avec la greffe partielle d’un visage à Amiens (tant en ce qui concerne le bénéficie direct du receveur que les aspects d’ordre anthropologique, les controverses ont été vives).</p></li>
</ul>
<p>Parallèlement à ces transplantations entre êtres humains, le recours à des organes animaux ou à des organes artificiels connaît également une phase expérimentale. En 1984, un enfant survit 21 jours avec un cœur de babouin ; le 19 juillet 2021 la 1<sup>re</sup> implantation commerciale d’un cœur artificiel a lieu en Italie ; en octobre 2021 la greffe d’un rein de porc génétiquement modifié est poursuivie pendant 3 jours <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">sur une personne en état de mort cérébrale</a>.</p>
<p>Ces tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires, visant à explorer les différentes voies du possible afin de repousser la fatalité d’un dysfonctionnent organique, ne pouvaient que susciter, par leur nature même, des dilemmes éthiques. Ces derniers s’ajoutent à la complexité de l’acte chirurgical, à partir des conditions du prélèvement jusqu’à celles de la réalisation de la greffe.</p>
<h2>Des pratiques sujettes à controverses</h2>
<p>La chirurgie de la greffe a notamment bénéficié des premiers acquis de la réanimation médicale intervenant « aux frontières de la vie », ainsi que des avancées en immunologie. Elle a de ce fait suscité nombre de controverses relatives à l’intervention du médecin en situation extrême et aux transgressions parfois assimilées à ce qu’il convenait de dénoncer comme de « l’acharnement thérapeutique ».</p>
<p>Dans les années 1970, la greffe d’organes a ainsi suscité à la fois espoirs et critiques. En cause, l’origine des greffons utilisés, prélevés sur des cadavres (le terme d’« état de mort encéphalique » semble aujourd’hui plus approprié). Sur la scène publique, cette innovation scientifique apparaissait alors, de par sa force symbolique, comme une forme de transgression anthropologique, voire d’enfreinte à la dignité humaine. </p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699407/">loi n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes</a> avait alors provoqué sur le moment de vives controverses qui se sont estompées à mesure que les techniques de la greffe se sont intégrées aux pratiques conventionnelles de la chirurgie (elle sera abrogée par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, revue dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384">loi n°2021-2017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique</a>). </p>
<p>Dans les temps pionniers de la greffe (les premières transplantations réussies <a href="https://www.inserm.fr/dossier/transplantation-organes-greffe/">datent des années 1950</a>), on évoquait les risques de dérives dans l’exploitation du « corps pourvoyeur d’organes ». Un encadrement des pratiques a été prescrit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136059/">dans le Code civil</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » </p>
</blockquote>
<p>De même, la non-patrimonialité du corps, l’anonymat et la gratuité se sont imposés dans les principes éthiques du don d’organes : </p>
<blockquote>
<p>« Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Ces réticences morales, notamment à l’encontre de la « commercialisation du vivant », se sont estompées à travers le temps. Elles ont toutefois bénéficié en 2005 de la création de l’Agence de la biomédecine (ABM), dont la rigueur est reconnue dans le suivi scientifique et éthique de la stratégie de la greffe d’organes et de tissus. Cette dernière fait l’objet, depuis l’année 2000, d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2017%202021_pour_la_greffe_d_organes_et_de_tissus.pdf">plan national</a>. </p>
<p>Au plan international, les risques inhérents au <a href="https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf">« trafic d’organes »</a> » ou à des prélèvements qui seraient pratiqués sur les cadavres de condamnés à mort ont justifié la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humain (<a href="https://rm.coe.int/16802e7acd">Convention de Compostelle, 25 mars 2015</a>), ainsi que de l’intéressante proposition de loi visant à garantir <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3316_proposition-loi">le respect du don d’organes par nos partenaires non européens</a>. </p>
<p>Dernière innovation témoignant d’évolutions dans l’acceptabilité sociétale des capacités d’interventions biomédicales notamment pour pallier la pénurie de greffons, la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 instaure le recours au <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043895648#:%7E:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2004%20ao%C3%BBt%202021&text=I.,p%C3%A8re%20ou%20m%C3%A8re%20du%20receveur.">« don croisé d’organes »</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Le don croisé d’organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne qui a exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d’un autre donneur. Pour augmenter les possibilités d’appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l’article L. 1232-1. »</p>
</blockquote>
<p>Le recours à l’animal et plus encore <a href="https://www.inserm.fr/dossier/cellules-souches-pluripotentes-induites-ips/">aux cellules souches pluripotentes induites</a> (<em>résultant de la transformation artificielle de cellules adultes, ces cellules « immatures » sont capables de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme, ndlr</em>) poserait en des termes différents l’approche éthique des technologies de la greffe d’organes et de tissus.</p>
<h2>Ce que les technologies biomédicales rendent possible</h2>
<p>Il pourrait être admis a priori que les technologies développées pour parvenir à la conception d’organes artificiels solliciteraient moins directement la réflexion éthique que les prélèvements sur cadavre ou à la suite de « l’humanisation » d’un animal (<em>approche consistant, grâce à des techniques d’édition du génome, à rendre un organe animal « compatible » avec l’être humain, en éliminant notamment certains gènes produisant des molécules impliquées dans les mécanismes de rejet, ndlr</em>). </p>
<p>Le débat mérite cependant d’être engagé tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la « barrière des espèces », que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’être humain, solidarité qui est l’un des marqueurs moraux évoqués depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques.</p>
<p>Les critères qui ont prévalu pour engager l’expérimentation de la greffe d’un cœur de porc en janvier 2022 sont l’absence de tout recours thérapeutique pour la personne bénéficiaire consentante, les avancées dans l’acquisition des savoirs relatifs aux xénotransplantations et le contexte de pénurie de greffons qui pourrait justifier, dans ce domaine aussi, des audaces qui ont souvent servi les avancées scientifiques. C’est notamment <a href="https://ansm.sante.fr/vos-demarches/professionel-de-sante/demande-dautorisation-dacces-compassionnel">au titre de traitement compassionnel</a> que la Food and Drug Administration (FDA) avait donné son accord à cette expérimentation.</p>
<h2>Les xénotransplantations, continuité ou rupture ?</h2>
<p>La question doit être posée : à quels enjeux nous confronte l’évolution des pratiques dans le champ de la greffe d’organes, jusqu’à ce recours aux organes d’animaux afin de pallier la pénurie de greffons humains ? </p>
<p>Si, depuis 1923, des laboratoires produisent de l’insuline à partir de pancréas de bœufs et de porcs, et que l’utilisation des valves cardiaques prélevées sur des porcs est de pratique courante, se situe-t-on dans la continuité de ces approches thérapeutiques ou en rupture ? S’il n’a jamais été anodin de bénéficier d’un organe prélevé sur un cadavre, qu’en est-il du cœur d’un animal, alors qu’est du reste attachée à cet organe une valeur symbolique spécifique ?</p>
<p>En décembre 2020, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, L’Agence de la biomédecine a anticipé les évolutions actuelles :</p>
<blockquote>
<p>« Avec la production des porcs spécifiques, la xénogreffe a sans doute franchi un cap et on observe aujourd’hui des survies de greffes porc/babouins pouvant aller jusqu’à 9 mois. Des chercheurs chinois ont affirmé être en capacité de passer à l’étape humaine si les autorités leur permettaient. Des essais cliniques avec utilisation de cellules porcines se profilent ainsi d’ores et déjà à court terme pour des îlots de Langerhans chez des patients diabétiques, ou en greffe de cornée. » </p>
</blockquote>
<p>Dans ce document très argumenté, l’ABM constatait : </p>
<blockquote>
<p>« En 1993 a émergé l’idée que la suppression chez le porc de la cible majeure (Gal) de la réponse par les anticorps humains permettrait de réduire le risque de rejet humoral. Dès 2002, des porcs appelés “Gal-KO” chez qui l’enzyme avait été invalidée ont vu le jour. Actuellement, une vingtaine de cibles antigéniques sont potentiellement modifiables sur une trentaine connue. » </p>
</blockquote>
<p>Les évolutions intervenues en 2012 dans le champ de la génétique <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau">avec le développement de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas-9</a> se sont avérées déterminantes. En 2022, c’est en effet <a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">cette technique</a> qui a permis à la fois d’intégrer au génome du porc six gènes humains favorisant la compatibilité immunitaire avec le receveur, et d’en supprimer trois. Cette modification organique du porc devrait prévenir tout risque de rejet, mais aussi de zoonose. Rappelons que dans les années 1990, les recherches relatives aux xénogreffes avaient été interrompues <a href="https://www.inserm.fr/dossier/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob/">par l’émergence de la maladie de Creutzfeldt-Jacob</a> dans un contexte de contaminations interespèces.</p>
<h2>Mieux envisager l’éthique de nos interventions sur l’animal</h2>
<p>En résonnance aux avancées technologiques dans les xénogreffes, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer le débat relatif à la production de chimères interespèces autorisée dans la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (article 20) <a href="https://presse.inserm.fr/chimeres-inter-especes/42157/">à des fins de recherche sur l’embryon</a>. Comme si se diluait progressivement, à travers des reconfigurations génétiques, ce qui était distinctif de l’humain au regard de l’animal, et que, d’une certaine manière, se dévoilait une étrange proximité qui justifierait d’être mieux caractérisée. </p>
<p>Cette forme d’altérité pourrait du reste inciter à mieux envisager les règles d’une vigilance éthique dans nos interventions sur l’animal. Du point de vue de la singularité humaine et de ces solidarités interespèces qui émergent de l’innovation biomédicale, il me semble indispensable d’être davantage attentif <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00806908/document">aux réflexions philosophiques que développent les animalistes</a> : l’actualité scientifique leur confère, en ces circonstances, une pertinence qui mérite notre attention.</p>
<p>Autre considérations d’ordre anthropologique, de même que bénéficier du greffon issu d’un cadavre ou d’un donneur apparenté n’est pas anodin, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, l’ABM estime que : </p>
<blockquote>
<p>« De nombreuses questions demandent encore à être résolues avant une éventuelle application à l’homme. Au plan psychologique et éthique notamment, une étude menée auprès d’une centaine de patients greffés ou en attente de greffe a permis d’émettre certaines hypothèses quant à l’acceptabilité psychique d’une xénogreffe. […] Trois profils différents se sont dégagés parmi les patients interrogés : ceux qui acceptent sans condition l’idée d’une xénogreffe (45 %), ceux qui la refusent radicalement (30 %) et les patients qui posent des conditions (25 %). » </p>
</blockquote>
<p>Au-delà des effets d’annonce scientifique, il pourrait être justifié de créer les conditions d’un débat à ce propos au sein de la société, ainsi du reste qu’en ce qui concerne une autre évolution intervenue de manière pour le moins discrète dans les pratiques du prélèvement d’organes : celle du prélèvement d’organes après arrêt circulatoire suite à un arrêt des traitements, <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Protocole-des-conditions-a-respecter-pour-realiser-des-prelevements-d-organes">le protocole « Maastricht 3 »</a>.</p>
<h2>De la greffe d’organes à la conception d’organoïdes</h2>
<p>Dernier élément à intégrer à nos réflexions, les innovations biomédicales relatives à la greffe concernent désormais la reconstruction d’organes à partir de cellules souches pluripotentes induites qui peuvent être ensemencées sur une matrice (comme ce fut le cas pour une bronche), mais également <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/02/msc200030/msc200030.html">produire des organoïdes</a> déjà expérimentés notamment dans l’approche des maladies rénales (<em>les organoïdes sont de petites structures tridimensionnelles produites à partir de cellules souches pluripotentes induites, qui reproduisent en partie l’architecture d’un organe, ndlr</em>).</p>
<p>Les enjeux et les promesses de la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2006-4-page-474.htm">« médecine régénératrice »</a> sont évoqués depuis une vingtaine d’année, avec aujourd’hui des perspectives et des réalisations de nature à bouleverser les technologies de la vie et du vivant tant du point de vue de nos concepts que de celui de nos représentations.</p>
<p>D’autres questions éthiques spécifiques sont suscitées par les greffes de tissus cérébraux ainsi que la création d’<a href="https://www.recherche-animale.org/le-dilemme-ethique-des-mini-cerveaux">organoïdes de cerveaux humains</a>.
Promesse chirurgicale dont on ignore la destinée, en novembre 2017, le neurochirurgien italien Sergio Canavero annonçait publiquement l’imminence de l’expérimentation <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo17/promo17_G12/controverses-minesparistech.fr/groupe12/une-operation-aux-limites-de-lethique/index.html">d’une greffe de tête pratiquée sur deux cadavres</a> <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-casse-tete-juridique-de-la-greffe-de-tete_116518">à la Harbin Medical University</a>…</p>
<p>La réflexion bioéthique, on le constate, est confrontée à des innovations qui doivent être accompagnées de capacités d’innovations conceptuelles, à la fois en anticipation des évolutions et en accompagnement des équipes dans la mise en œuvre de leurs protocoles. Dans le cadre de son approche de la révision de la prochaine loi de bioéthique, le Parlement devrait favoriser avec l’<a href="http://www.senat.fr/opecst/">Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques</a> (OPECST) et les instances éthiques nationales la concertation indispensable à l’acceptabilité d’innovations disruptives d’ordres à la fois technologue, anthropologique, éthique et sociétal. En 1986, déjà, le philosophe Georges Canguilhem nous interpellait : </p>
<blockquote>
<p>« Innover ne va pas sans risque. Le risque jusqu’où ? Le risque admis par qui ? »</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4275/traite-de-bioethique-iv">« Traité de bioéthique »</a>, sous la dir. de E. Hirsch et F. Hirsch, éditions Eres.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La greffe d’un cœur de cochon dans une poitrine humaine est une prouesse biomédicale. Mais ce geste qui brouille les limites interespèces pose la question de l’accompagnement éthique des innovations.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752342022-01-19T18:30:46Z2022-01-19T18:30:46ZGreffe d’un cœur de porc chez un patient : ce que pourraient changer les xénotransplantations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441586/original/file-20220119-15-8tjgcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C5997%2C3998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un chirurgien de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), présente le cœur génétiquement modifié qui sera greffé à David Bennett.</span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p><em>Le 10 janvier 2022, un communiqué de presse de l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis) annonçait <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">qu’un patient avait été opéré trois jours plus tôt pour recevoir un cœur de cochon génétiquement modifié</a>. Âgé de 57 ans et atteint d’une pathologie cardiaque en phase terminale, David Bennett Sr n’était pas éligible à une greffe classique. Il est devenu le premier être humain dont la vie pourrait avoir été sauvée grâce à une « xénotransplantation », autrement dit par la greffe d’un organe provenant d’un être vivant appartenant à une autre espèce. Professeur à l’Université de Paris et chef du service de chirurgie cardiaque à l’hôpital Bichat (AP-HP), Patrick Nataf revient sur les implications de cette prouesse technologique.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : En tant que chirurgien cardiaque, que vous inspire cette transplantation ? S’agit-il effectivement d’une prouesse médicale ?</strong></p>
<p><strong>Patrick Nataf :</strong> En matière de geste chirurgical, une telle opération diffère peu de celles que l’on met en œuvre régulièrement chez l’être humain. Tout chirurgien cardiaque qui pratique la transplantation sait greffer un cœur dans une autre poitrine. Que celui-ci provienne d’un autre être humain ou d’un cochon voire d’un primate n’est pas l’essentiel. Tant qu’il existe une compatibilité anatomique et morphologique, on peut techniquement transplanter l’organe.</p>
<p>La véritable prouesse n’est pas tant chirurgicale qu’immunologique. Quand on greffe un organe d’une espèce sur une autre, il est généralement immédiatement rejeté par le corps du receveur (son système immunitaire le reconnaît comme étranger et le détruit). Le problème n’est donc pas tant de réussir chirurgicalement la transplantation que d’éviter ce rejet hyperaigu.</p>
<p>C’est l’exploit auquel sont parvenus les spécialistes qui se sont occupés de ce patient. Ils ont pour cela utilisé un cœur provenant d’une lignée de cochon génétiquement modifiée produite par la société américaine Revivicor.</p>
<p><strong>TC : Sait-on quelles ont été les modifications apportées pour obtenir ce cœur de cochon « humanisé » ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> En consultant <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">les informations communiquées par l’Université du Maryland</a>, on apprend que le génome de l’animal a été modifié de plusieurs façons. Trois gènes ont été inactivés : ils codaient pour des enzymes impliquées dans la fabrication de sucres présents à la surface des cellules cardiaques (et impliquées dans les mécanismes de rejet). Par ailleurs, six gènes humains ont été insérés, en vue d’améliorer l’acceptation du greffon par le corps du patient.</p>
<p>Enfin, un dernier gène porcin a été inactivé, afin d’éviter une croissance trop importante du cœur de l’animal. Il faut savoir que chez l’être humain, le capital de cellules cardiaques est fixé dans l’enfance et n’augmente que très peu tout au long de l’existence. Durant la croissance les cellules cardiaques ne se multiplient que très modérément. Elles grossissent, surtout, et ce faisant donnent au cœur sa forme.</p>
<p>Les manipulations effectuées sur les cochons de Revivicor semblent avoir permis d’éviter le rejet hyperaigu. Reste maintenant à observer comment vont évoluer les choses. Après une greffe, il peut en effet se produire différents types de rejets : le rejet hyperaigu, qui est immédiat, le rejet aigu, qui survient une à plusieurs semaines après la transplantation, et le rejet chronique, qui survient plus de 6 mois (et parfois des années) après l’opération.</p>
<p>Dans le cas présent, il est encore trop tôt pour avoir des certitudes quant à ce qui va se passer ensuite. Le rejet interespèce a-t-il été uniquement retardé ? Définitivement évité ? Cette dernière éventualité est relativement peu probable : les modifications génétiques n’ont évidemment pas permis d’éliminer tous les motifs moléculaires qui, sur ce greffon d’origine animale, pourraient être perçus par le système immunitaire du patient comme « étranger », et donc mener à son élimination.</p>
<p>Les thérapeutiques immunosuppressives (médicaments destinés à éviter le rejet, en limitant voire supprimant la réponse immunitaire du patient) associées habituellement à la greffe devront être évaluées et adaptées à ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi les scientifiques ont-ils choisi le cochon plutôt, par exemple, qu’une espèce de primate ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Premièrement, parce qu’anatomiquement, le cœur du cochon ressemble beaucoup au cœur de l’être humain. Greffer cet organe ne pose pas vraiment de problème, car sa configuration est approximativement la même que celle de notre cœur. Deuxième point important : les cochons s’élèvent plus facilement que les primates, et ils ont des portées nombreuses, régulières. Enfin, c’est un animal qui grandit assez vite.</p>
<p>On peut donc obtenir rapidement des cœurs de différentes tailles, de volumes variés, adaptés aux morphologies des personnes que l’on doit opérer. Il s’agit là d’un atout majeur du cochon par rapport à d’autres animaux.</p>
<p><strong>TC : Pourrait-on imaginer de greffer d’autres organes que le cœur ? À la fin de l’année dernière, des chirurgiens américains avaient par exemple greffé avec succès <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">un rein de cochon génétiquement modifié</a> sur un patient en état de mort cérébrale…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Anatomiquement, on peut chirurgicalement envisager la greffe d’à peu près tous les organes. Cependant il faut souligner qu’il existe des formes de rejet spécifiques à chaque organe et que chaque organe a des fonctions différentes. De ce point de vue, la complexité immunologique et fonctionnelle n’est pas la même selon l’organe considéré. Ce peut être une des limites pour généraliser à tous les organes ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Au-delà des rejets, existe-t-il d’autres risques potentiels ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> On ne peut pas éliminer complètement le risque d’une contamination par un agent pathogène. Même si ces cochons sont élevés dans des laboratoires où les conditions sont strictement contrôlées, et que les cœurs utilisés sont censés être indemnes de tout agent pathogène, on ne peut pas affirmer que le risque est nul.</p>
<p>On pourrait par exemple imaginer que, même si les zoonoses (maladies se transmettant de l’animal à l’humain) que l’on connaît sont bien contrôlées, certaines maladies jusqu’ici non encore identifiées puissent se révéler après transplantation. Un peu comme ce qui s’est passé durant la crise de la vache folle pour les maladies à prions… Il faut d’ailleurs se souvenir que c’est cette crise sanitaire qui a mis un violent coup de frein à la recherche sur les xénotransplantations, qui, en matière de recherche, avait le vent en poupe dans notre pays jusqu’au début des années 1990.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi cette technologie a-t-elle été choisie pour ce patient ? N’y avait-il pas d’autre solution ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Le patient qui a reçu cette xénogreffe était maintenu en vie grâce à une assistance respiratoire extra-corporelle (extracorporeal membrane oxygenation – ECMO). En d’autres termes, son sang était pompé au moyen de canules puis mis en circulation après son passage dans une machine destinée à l’oxygéner. Les ECMO ne pouvant être utilisées que pendant un laps de temps limité, ce type de patient est prioritaire pour obtenir un greffon. Mais il n’est pas toujours possible de lui en procurer un, du fait de l’incapacité de trouver un greffon humain compatible morphologiquement ou immunologiquement, ou encore en raison d’une dégradation de son état général, avec des défaillances pouvant toucher d’autres organes. Dans ces conditions, il faut envisager d’autres solutions.</p>
<iframe title="New York Times Video -- Embed Player" width="100%" height="321" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen="true" marginheight="0" marginwidth="0" id="nyt_video_player" src="https://www.nytimes.com/video/players/offsite/index.html?videoId=100000008154365"></iframe>
<p>Le chirurgien peut alors choisir d’installer un ventricule artificiel, comme solution temporaire ou à titre définitif. Il peut aussi envisager la pose d’un cœur artificiel total, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/coeur-artificiel/le-coeur-artificiel-de-l-entreprise-francaise-carmat-a-ete-vendu-pour-la-premiere-fois_4708233.html">tel celui mis au point par l’entreprise française Carmat</a>, en attendant une transplantation. Mais ce type d’appareillage n’est pas disponible pour toutes les morphologies de patients, et il ne peut pas être utilisé systématiquement, cela dépend du type de défaillance observée. Par ailleurs, la pose de ces dispositifs n’est pas sans danger.</p>
<p>Outre les aléas liés à la chirurgie ou à la défaillance de la machine, il existe aussi des risques d’infection (les ventricules, par exemple, sont alimentés par des câbles qui sortent par la peau, et ces points peuvent s’infecter). Enfin, la qualité de vie des patients s’en ressent : ils doivent vivre en permanence avec une machine reliée soit à une prise de courant, soit à des batteries externes, ce qui limite leur autonomie.</p>
<p>Les xénogreffes pourraient constituer des organes de transition, voire de remplacement définitif. Si elles devenaient un jour largement disponibles, cela permettrait peut-être de limiter l’impact de la pénurie à laquelle nous faisons face, malgré une législation aujourd’hui très en faveur du prélèvement d’organe en cas de décès. Chaque année, en France, environ 800 patients attendent une greffe du cœur, mais seuls 400 sont transplantés, faute de greffons. Dans le cas des autres organes, environ 20 000 patients sont en attente d’une transplantation (de foie, poumons, rein, etc.). Seuls 5000 d’entre eux en recevront une, tandis que 1500 décéderont faute de greffon.</p>
<p><strong>TC : Mais quand bien même cette première chirurgicale se solderait par un succès, il ne s’agit pour l’instant que d’un premier essai. Cette technologie n’est pas près d’être démocratisée…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Non. Mais surtout, les enjeux ne se limitent pas aux questions de disponibilité ou de faisabilité technique. Selon moi, le défi posé par les xénogreffes n’est pas seulement chirurgical, immunologique, ou infectieux. Il est avant tout éthique, psychologique et sociétal, et nécessite de prendre le temps de la réflexion.</p>
<p>Quel sera le niveau d’acceptation des xénogreffes par la population, les instances politiques, religieuses, les ONG, etc. ? Certes, on implante déjà en routine des valves cardiaques de porc pour remplacer celles, défectueuses, de certains patients. Mais annoncer à quelqu’un qu’on va lui greffer un cœur d’animal complet, en remplacement du sien, n’a probablement pas les mêmes implications psychologiques. Cela pourrait poser problème à certaines personnes. Et à l’heure où certains s’inquiètent de l’exploitation et de la souffrance des animaux, que penser de cette approche qui les instrumentalise ? Sans même parler du fait que ces animaux sont des organismes génétiquement modifiés, nécessitant de recourir à des technologies qui polarisent fortement les débats, elles aussi. Prendre le temps de se pencher sur toutes ces questions, importantes, est essentiel. Rappelons qu’à ses débuts, la transplantation cardiaque entre humains elle-même a été très décriée…</p>
<p>Mais au-delà de ces questions se pose aussi la place de la recherche française dans le paysage international. Aujourd’hui, dans le secteur des xénogreffes, et plus largement de la recherche sur la transplantation, la France est distancée par les États-Unis, la Chine, l’Allemagne ou le Japon, alors même que nos équipes de transplantation sont très performantes. Notre recherche doit rester compétitive. Pour cela, des investissements majeurs sont à prévoir afin de parvenir à regrouper toutes les compétences de haut niveau sur ce thème.</p>
<p>Une solution serait de créer un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/74-millions-d-euros-supplementaires-pour-les-instituts-hospitalo-universitaires">institut hospitalo-universitaire</a> (IHU) spécialisé dans la transplantation multiorganes (<em>labellisés par l’État, les IHU sont des pôles d’excellence visant à fédérer recherche, soin, formation et transfert de technologies dans le domaine biomédical. Il en existe 6 en France actuellement, ndlr</em>). Nous travaillons actuellement sur le Campus Nord Parisien à la réalisation de ce projet, qui réunirait les médecins, chirurgiens, chercheurs de tout type, spécialistes des questions de transplantations et d’innovation dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Nataf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le 7 janvier dernier, l’Américain David Bennet s’est vu greffer un cœur de porc génétiquement modifié. Chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat, Patrick Nataf analyse cette prouesse.Patrick Nataf, Professeur à l’'université de Paris, chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat (AP-HP), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1595022022-01-04T19:02:28Z2022-01-04T19:02:28ZDe nouvelles technologies pour éviter les hernies postopératoires<p>L’abdomen est sujet à la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10255842.2018.1540695?journalCode=gcmb20">pression intra-abdominale</a> qui dépend du volume des organes, de la respiration, de l’activation musculaire ou de toute activité physiologique. L’abdomen doit par conséquent résister aux forces exercées par cette pression qui peut parfois être élevée lors de la toux, du vomissement ou encore de la grossesse. Certaines pathologies telles que l’obésité couplées avec une pression intra-abdominale élevée peuvent conduire à l’apparition d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16140336/">hernie naturelle</a>.</p>
<p>La hernie naturelle est le passage d’un organe, tel que l’intestin grêle, à travers un orifice naturel, le faisant ainsi sortir de sa cavité d’origine. C’est une protrusion pathologique causée le plus souvent par la faiblesse du tissu qui ne résiste pas à la pression de l’organe. Les facteurs tels que l’obésité et le port répété de charges lourdes peuvent augmenter cette pression interne et ainsi encourager la rupture d’équilibre entre les tissus et les organes.</p>
<p>C’est une pathologie commune qui représente <a href="https://www.scansante.fr/applications/statistiques-activite-MCO-par-diagnostique-et-actes/submit?_program=mco_diag.classif_diag_trt_cata.sas&base=pub&typt=cim&annee=2020&niveau=1&code=&codh=110000000">plus de 100 000 opérations en France en 2020</a>. L’aggravation de hernie peut mener à des occlusions intestinales, c’est pour cela que l’opération est souvent préférée en prophylaxie (en prévention). L’acte chirurgical consiste à réduire la protrusion et à replacer l’intestin dans son emplacement.</p>
<p>On parle de hernie inguinale lorsque la hernie se situe juste au-dessus du pli de l’aine, de hernie fémorale lorsqu’elle est située sous le pli de l’aine. La hernie ombilicale lorsque la hernie est située au niveau de l’ombilic et enfin, la hernie épigastrique est située entre les muscles abdominaux, au-dessus du nombril. En général, les hernies fémorales sont plus présentes chez les femmes et sont plus compliquées que les hernies inguinales, qui sont plus fréquentes chez les hommes. Les hernies ombilicales se forment souvent à la suite d’une mauvaise fermeture de l’orifice ombilical, et sont donc plus fréquentes chez les enfants.</p>
<h2>Réduire les hernies après une chirurgie abdominale</h2>
<p>Suite à une chirurgie abdominale, la résistance et le comportement mécanique de la paroi abdominale peuvent être <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17197977/">perturbés</a> ce qui peut entraîner une hernie incisionnelle (appelée également « éventration »). Lors d’une laparotomie (incision verticale de l’abdomen), la ligne blanche (tissu connectif faisant la jonction entre les grands droits) va présenter des zones de faiblesses suite à sa cicatrisation qui vont ensuite se rouvrir. Ces incisions de l’abdomen peuvent être nécessaires dans une centaine d’opérations (greffe d’organes, césarienne…) et mènent pourtant jusqu’à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10594211/">11 % de hernies incisionnelles</a>.</p>
<p>Bien qu’il n’y ait à l’heure actuelle aucun moyen de détecter et prévenir l’apparition de hernies abdominales (naturelles ou incisionnelles), des efforts ont été effectués afin de réduire le taux de complications. Dorénavant, dans la majorité des réparations abdominales (lors d’une laparotomie ou lors de la réparation de hernie), un textile est inséré entre les différentes couches musculaires pour renforcer la paroi et réduire ainsi le risque de récidive herniaire ou le risque d’éventrations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423886/original/file-20210929-13-sardao.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma d’une hernie abdominale et sa réparation avec un textile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Pillet</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sans son utilisation, le taux de récidive est <a href="https://www.researchgate.net/publication/229185503_Comment_choisir_une_prothese_pour_le_traitement_des_eventrations_abdominales">aux alentours de 50 %</a>. On recense 400 000 réparations de l’abdomen avec textile par an en Europe, ce qui représente un coût d’environ 3,2 milliards d’euros. Cela fait d’elle une des chirurgies générales les plus communes, malgré cela, le taux de récidive est encore bien <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21904861/">trop élevé</a> (entre 14 et 44 %). Une réduction de récidives de seulement 1 % permettrait d’économiser <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21904861/">32 millions d’euros par an</a>.</p>
<p>Les textiles de renfort utilisés ont pour but de renforcer les zones de faiblesses le temps de la cicatrisation et de combler les orifices pour reconstruire la paroi abdominale. Le tissu biologique environnant va ensuite coloniser l’implant pour retrouver un état proche de l’origine. Actuellement les textiles sont fabriqués avec des fibres synthétiques résorbables ou non résorbables et parfois avec des dérivés de tissus biologiques (le derme ou encore la sous-muqueuse de l’intestin grêle humaine, porcine ou bovine). Ils sont caractérisés par la taille des pores, le diamètre de fibre, l’épaisseur… Mais également par des caractéristiques mécaniques telles que leur résistance à l’étirement, à la flexion, à l’éclatement…</p>
<h2>Mieux comprendre les récidives</h2>
<p>Pour comprendre le taux de récidives encore trop élevé, des essais mécaniques et des suivis postopératoires avec de l’imagerie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28692907/">existent</a>. Souvent les textiles <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21763794/">ne présentent pas le même comportement mécanique</a> et ne permettent donc pas de reproduire et de s’adapter au mieux à celui de la paroi abdominale (textile trop rigide par exemple). Si le comportement mécanique du textile et de la paroi abdominale ont été relativement bien étudiés dans la littérature, un manque de compréhension existe sur l’intégration du textile dans l’environnement de l’abdomen. En effet, le textile initialement implanté va voir son comportement et son effet sur la paroi évoluer au fur et à mesure que celui-ci va s’intégrer avec le tissu environnant. De plus, il a été observé que le textile avait tendance <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28733734/">à se rétracter</a>, voir à se dégrader au fil du temps.</p>
<p>Des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21763794/">modèles numériques</a> représentant l’abdomen et sa réparation commencent à être développés. De la même façon, si des travaux de plus en plus novateurs voient le jour, l’incompréhension concernant le taux de récidive élevé persiste en raison du manque de données sur ces simulations numériques. Notamment, aucune simulation ne permet d’étudier et de prédire fidèlement le processus de réouverture de la paroi abdominale malgré la présence de textile.</p>
<p>Dans l’optique, de combler ce manque de connaissance, une étude animale est en cours pour observer l’apport du textile dans la reconstruction de la paroi abdominale suite à une hernie incisionnelle.</p>
<p>Les caractéristiques mécaniques seront étudiées à plusieurs intervalles postopératoires à travers des essais mécaniques et l’intégration du textile suivi de près grâce à l’imagerie médicale. En parallèle, un modèle numérique est développé pour représenter le plus fidèlement possible l’abdomen ainsi que ses constituants (les différentes couches musculaires, les tissus connectifs…).</p>
<p>Les données mécaniques seront alors intégrées au modèle pour prendre en compte l’intégration du textile dans son environnement ainsi que ses effets dans le temps. Il pourra prédire, en fonction du placement du textile, de son mode de fixation et de l’activité physiologique, la création ou non d’une réouverture, son origine ainsi que sa propagation. Ce modèle numérique pourrait permettre de mieux comprendre le processus de la réparation de la paroi abdominale à l’aide d’un textile et ainsi améliorer les implants, les techniques chirurgicales et par conséquent la prise en charge des patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste PILLET a reçu des financements de la Région AURA.</span></em></p>Les hernies sont des pathologies communes, représentant plus de 100 000 opérations par an en France. Mieux les comprendre et éviter les récidives est donc primordial.Baptiste Pillet, Enseignant-Chercheur doctorant en biomécanique, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553442021-11-17T21:27:41Z2021-11-17T21:27:41ZHôpital : les « jumeaux numériques », un nouvel outil de simulation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/431269/original/file-20211110-21-1ugwy4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C20%2C4454%2C2954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un jumeau numérique est le double virtuel d'un système complexe. Cet outil numérique, entre simulation et modélisation, permet d'appréhender des conditions complexes ou inhabituelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/U4FyCp3-KzY">Piron Guillaume/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le jumeau numérique est le double virtuel d’un système complexe : un hôpital, un organe, un médicament, ou bien encore une zone de conflit. Dans le secteur de la santé, la start-up française Anatoscope a par exemple développé le jumeau numérique de patients présentant des caractéristiques différentes afin de simuler sur eux l’efficacité de prothèses orthopédiques – une fois l’efficacité prouvée grâce à la simulation numérique, la production personnalisée <a href="https://www.inria.fr/fr/sante-medecine-anatoscope-jumeaux-numeriques">a été lancée</a>.</p>
<p>Aussi éloignées que soient les missions de l’armée et de l’hôpital, l’essor des technologies numériques conduit néanmoins à développer des outils et des pratiques fortement similaires. Par exemple, la complexité d’un combat en zone de guerre et d’une organisation hospitalière peuvent s’appréhender à la fois par la <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/modelisation-systemes-complexes">modélisation systémique</a> et par la <a href="https://mitpress.mit.edu/books/sciences-artificial">simulation</a>, deux possibilités justement offertes par le « jumeau numérique ».</p>
<h2>Modélisation et simulation pour créer des connaissances actionnables à l’armée et à l’hôpital</h2>
<p>Depuis 2016, chaque régiment de l’armée de Terre est équipé d’un « espace d’instruction collective à la numérisation de l’espace de bataille assisté par la simulation ». Par exemple, l’outil de simulation de combat <em>Battle Space 3</em> modélise en 3D de vrais terrains de conflits, <a href="https://www.defense.gouv.fr/terre/actu-terre/la-simulation-en-appui-aux-operations">ce qui permet aux soldats</a> de s’entraîner virtuellement et ensuite d’étudier différents itinéraires, différents scénarios de combats, d’analyser leurs points forts et leurs points faibles.</p>
<p>Dans la même logique que celle suivie par les militaires, les professionnels de la santé commencent à se doter de <a href="https://www.researchgate.net/publication/306223791_Digital_Twin_Mitigating_Unpredictable_Undesirable_Emergent_Behavior_in_Complex_Systems">« jumeaux numériques »</a> pour mieux se préparer aux soins. Par exemple, le jumeau numérique d’un anévrisme de l’aorte permet de fabriquer des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Endoproth%C3%A8se">endoprothèses</a> spécifiques à chaque patient et permet au chirurgien de préparer son intervention grâce aux simulations des complications qui pourraient survenir après l’opération.</p>
<p>Le jumeau numérique d’un hôpital peut également aider à mieux se préparer aux situations sanitaires exceptionnelles. Même si de telles modélisations restent encore expérimentales, il existe déjà des jumeaux numériques de services de soins, par exemple le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/09/17/a-saint-etienne-une-salle-d-hopital-numerique-pour-former-des-etudiants_5511300_4401467.html">jumeau du service des urgences du CHU de Saint-Étienne</a>.</p>
<p>Pour les zones de conflits comme pour les hôpitaux, l’objectif est de développer et d’utiliser des <a href="https://www.dunod.com/entreprise-economie/savoir-pour-agir-surmonter-obstacles-apprentissage-organisationnel">connaissances « actionnables »</a>, c’est-à-dire « valables et pouvant être mises en action » immédiatement, au quotidien. En effet, les jumeaux numériques modélisent le fonctionnement de systèmes complexes, prenant en compte les processus, interactions, rétroactions, effets amplificateurs, etc. Il procède ensuite à des <a href="https://mitpress.mit.edu/books/sciences-artificial">simulations</a> de ce fonctionnement. Dans le cas d’un hôpital, il pourrait par exemple considérer différents scénarios de crise sanitaires : variation du nombre et de l’ampleur des clusters sur le territoire, du taux de personnels contaminé, du nombre de respirateurs disponibles par exemple, afin de tester la fiabilité de l’organisation.</p>
<p>Il existe cependant une différence notable entre l’armée et l’hôpital : la <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/subsidiarit%C3%A9">subsidiarité</a>, c’est-à-dire le fait que « tout échelon supérieur s’interdit de réaliser lui-même ce qu’un échelon inférieur pourrait faire ».</p>
<h2>La subsidiarité et le sens donné aux missions : la force de l’armée, la faiblesse de l’hôpital</h2>
<p>L’armée de Terre française a publié en 2016 un <a href="https://www.economica.fr/livre-commandement-et-fraternite-armee-de-terre,fr,4,9782717868944.cfm">ouvrage</a> qui explique comment elle s’adapte à un monde incertain. Notamment, elle recueille tous les avis « sans que le niveau hiérarchique de ceux qui les émettent n’intervienne dans l’appréciation de leur pertinence », en vertu du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_subsidiarit%C3%A9">principe fondateur de subsidiarité</a>. La collaboration à tous les niveaux de la chaîne de commandement permet de proposer des actions, des adaptations pour être meilleur que l’ennemi. Les décideurs que sont tous les soldats, indépendamment de leur grade, s’appuient sur des flux d’informations croisés avant, pendant, et après la mission, afin de créer des connaissances actionnables. Le partage d’information est en outre indispensable pour poser « les bases d’une compréhension mutuelle, d’une appropriation de la mission en permettant à chacun d’inscrire son action dans un cadre plus vaste ». Cette implication profonde n’enlève rien à la discipline et à la relation de commandement, mais constitue un facteur essentiel du sens donné aux missions et à l’engagement sous les drapeaux.</p>
<p>Inversement, les professionnels au sein des hôpitaux sont globalement peu impliqués dans les prises de décisions qui les concernent directement, ce qui contribue à altérer le sens donné au travail. La culture du secteur porte des valeurs humanistes – égalité, neutralité, continuité des soins et adaptation aux besoins de la population – qui entrent en tension avec l’organisation du management et les outils portés par la technostructure. Ces derniers <a href="https://doi.org/10.3917/mav.111.0035">paraissent en effet souvent rigides, contraignants, inutiles ou même incompatibles</a> avec la réalité du terrain. Globalement, contrairement à ce qui se produit dans l’armée, il est difficile de s’approprier les décisions prises par une tutelle, de trouver du sens à une activité qui étouffe les initiatives sortant du cadre imposé et finalement, d’être agile pour faire face à l’incertitude. C’est d’ailleurs pour cette raison que la tutelle a laissé une <a href="https://theconversation.com/debat-affronter-le-covid-19-comme-larmee-affronterait-son-ennemi-134854">liberté d’action tout à fait inédite</a> de quelques semaines aux équipes de terrain pour affronter la première vague de la pandémie.</p>
<h2>La collaboration de tous les professionnels est nécessaire pour mettre en place des jumeaux numériques utiles</h2>
<p>À l’armée comme à l’hôpital, la modélisation et la simulation grâce au jumeau numérique invitent les équipes à se concerter, collaborer, communiquer pour agir, penser dans et avec la complexité.</p>
<p>Le jumeau numérique d’un hôpital dans son ensemble n’existe pas encore, il nécessiterait le rapprochement des sphères gestionnaire, soignante et technique afin de chercher à comprendre ensemble les situations, les objectifs fixés, les résultats obtenus en fonction d’un contexte donné. La compréhension est <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2006-2-page-59.htm">« à la fois fin et moyen de la communication humaine »</a>. Ce chemin à parcourir ensemble pour définir et faire vivre le jumeau numérique permettrait aux professionnels de mieux comprendre les différentes situations selon chaque point de vue, de participer à la <a href="https://theconversation.com/bureaucratie-hospitaliere-chronique-dune-methodique-construction-138397">définition et à la mise en œuvre des décisions</a> selon le principe de subsidiarité et ainsi, de maintenir ou de faire progresser la qualité des soins et la qualité de vie au travail en <a href="https://www.editions-ems.fr/livres/collections/management-prospective/ouvrage/541-guider-la-raison-qui-nous-guide.html">dépit des incertitudes</a>.</p>
<h2>Les défis de la mise en place de jumeaux numériques d’hôpitaux</h2>
<p>Les résultats seront toujours imparfaits, car tous les scénarios ne peuvent pas être imaginés et toutes les données ne peuvent pas être recueillies, <a href="https://imtech.wp.imt.fr/2019/12/10/quesaco-le-jumeau-numerique/">aujourd’hui en tout cas</a>. Néanmoins, le jumeau numérique d’un hôpital permettrait de visualiser différentes nuances de la réalité auxquelles les équipes pourraient être confrontées. Au lieu de perdre du temps à réguler les dysfonctionnements et à agir dans une inconfortable précipitation, l’étude de chacune de ces nuances permettrait ensuite aux professionnels d’anticiper et de se préparer aux nouvelles situations possibles en agissant sur l’organisation.</p>
<p>Comme la simulation en 3D de conflits utilisée par les soldats, le jumeau numérique de l’hôpital peut aider les acteurs à penser l’organisation selon différents angles de vue, celui des soignants et des non soignants, des personnes avec ou sans responsabilité hiérarchique. Le jumeau numérique oblige ainsi une volte-face épistémologique (passant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Positivisme">positivisme</a> au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_(%C3%A9pist%C3%A9mologie)">constructivisme</a>) en permettant aux professionnels de voir que la réalité n’est pas univoque, qu’il n’existe pas une seule solution, bonne et définitive, à un problème. Cette piste est largement explorée dans le cadre du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03337218">programme de recherche COPING</a> (<em>Covid pandemic institutional management</em>), destiné à mieux appréhender les situations d’incertitudes comme celles engendrées par la pandémie.</p>
<p>La prouesse technologique réside dans la réalisation du double virtuel d’une organisation complexe et du test d’une multitude de scénarios de crises (flux plus ou moins importants de patients lors d’une pandémie, de victime après une tempête, etc.) afin de vérifier la robustesse des différents processus de soins (actes de soins, personnels mobilisés, médicaments et matériels nécessaires, etc.) et des différents processus de services supports (restauration, lingerie, etc.). La prouesse intellectuelle réside dans le fait d’accepter qu’il n’existe pas une seule bonne solution définitive, mais de multiples solutions, qui changent selon le contexte, mais qui gagnent à être trouvées ensemble, puis adaptées au fur et à mesure par ceux qui doivent les appliquer, au plus près des patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155344/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Bertezene est membre de l'Impact Tank, think tank dédié à l'innovation sociale.</span></em></p>Des doubles virtuels d’organes existent déjà pour mieux préparer les soins. Les simulations de services hospitaliers commencent également à se développer, notamment pour la formation.Sandra Bertezene, Professeur titulaire de la Chaire de gestion des services de santé, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1681172021-10-13T19:16:51Z2021-10-13T19:16:51ZSe faire opérer du cerveau tout en étant éveillé<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Saviez-vous qu’il est possible d’opérer votre cerveau alors que vous êtes parfaitement éveillé ? En effet, le cerveau ne contient pas de récepteurs à la douleur. Grâce à cette particularité du tissu cérébral, les chirurgiens peuvent examiner leurs patients pendant l’intervention et identifier – en temps réel – la localisation des structures hautement fonctionnelles. Leur identification réduit fortement le risque d’un déficit neurologique permanent et augmente l’efficacité thérapeutique de l’intervention.</p>
<p>L’ère moderne de la chirurgie cérébrale en condition éveillée a commencé dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec <a href="https://www.mcgill.ca/neuro/fr/propos/wilder-graves-penfield">Wilder Graves Penfield</a> (1891-1976). Ses publications sur les aspects opératoires et les méthodes de repérage fonctionnel ont marqué la discipline. Les techniques pour réaliser des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Craniectomie">craniotomies</a> d’un patient éveillé font maintenant partie intégrante de l’arsenal neurochirurgical, ayant d’importantes applications dans le traitement des tumeurs cérébrales. Le repérage fonctionnel que Penfield a contribué à développer a également eu une grande importance scientifique en nous aidant à mieux comprendre la physiologie et la connectivité des aires fonctionnelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426201/original/file-20211013-25-7ychg6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Penfield en train d’opérer un patient éveillé.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En cette année 2021, un siècle s’achève depuis que le jeune médecin refusa un poste lucratif à l’hôpital Henry Ford de Detroit qui ne lui offrait aucune possibilité de recherche. Il accepta à la place un poste de chirurgien associé à l’Université de Columbia et à l’Hôpital Presbytérien, affilié à cette université et à l’Institut Neurologique de New York.</p>
<p>Outre un évènement important dans sa carrière, cette anecdote est une démonstration de son tenace enthousiasme scientifique. Pour cette Fête de la science, il convient de rappeler le travail de ce médecin et chercheur qui a grandement fait progresser la chirurgie cérébrale et la façon dont nous considérons la répartition des fonctions corticales. De nombreux concepts introduits par Penfield sont toujours d’actualité et continuent à avoir un grand impact sur la médecine contemporaine.</p>
<p>Il y a notamment parmi ses principaux travaux, sa technique développée en collaboration avec Herbert Henri Jasper pour traiter l’épilepsie incurable, connue sous le nom de « technique de Montréal ». Elle a été considérée comme révolutionnaire en tant qu’application chirurgicale directe des principes de la neurophysiologie. En utilisant cette technique pour évaluer ses patients avant de retirer la lésion, Penfield a rassemblé une grande quantité de données. Il a effectué la première cartographie fonctionnelle détaillée du cortex cérébral humain, c’est-à-dire l’étude de la correspondance entre les différentes régions du cortex et les parties du corps qu’elles contrôlent, ou entre ces régions et certaines fonctions mentales. Celle-ci a influencé de façon prolongée les sciences connexes telles que la neurologie et la neuropsychologie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426202/original/file-20211013-17-1kzkvpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’homunculus de Penfield : chaque zone du cerveau correspond à la région du corps qu’elle contrôle.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Sa procédure s’appuyait sur les travaux préalables d’autres chercheurs. L’un d’entre eux était John Hughlings Jackson, importante figure de la neurologie anglaise. En se basant sur des observations cliniques, Jackson conclut que les crises d’épilepsie résultaient de décharges électriques anormales. Il avait également observé qu’une lésion dans la région postérieure du lobe frontal gauche entraînait des difficultés de discours, confirmant les observations réalisées en France par Paul Broca. En 1870, les physiologistes allemands Gustav Theodor Fritz et Julius Eduard Hitzig ont réalisé les premières stimulations électriques corticales sur des mammifères. Ils ont stimulé le lobe frontal du chien, ce qui a produit des mouvements involontaires d’une patte. Le neurologue expérimental écossais David Ferrier a obtenu le même résultat chez le chien et le singe. D’autres investigateurs de la même époque ont également conclu que les réponses observées devraient principalement être attribuées à la transmission d’un courant à des centres sous-corticaux.</p>
<p>En 1928, Penfield a collaboré durant six mois avec le neurologue allemand Otfrid Foerster pour étudier le traitement chirurgical de l’épilepsie. Il s’est familiarisé avec la méthode de Foerster qui stimulait électriquement le cortex cérébral avec le patient éveillé, lors de l’ablation de cicatrices cérébrales dues à des plaies d’armes à feu, en grande partie chez des vétérans. Cela était possible grâce à une anesthésie locale du cuir chevelu. Penfield notait ses observations de façon méticuleuse et en 1930, il a publié avec Foester leur première cartographie corticale. Bien qu’encore relativement incomplète, elle reposait déjà sur plus d’une centaine d’interventions.</p>
<p>En 1934, avec l’appui de la Fondation Rockefeller, Penfield a inauguré l’Institut Neurologique de Montréal, où il a continué ses travaux. Il a adopté la méthode de cartographie utilisant l’anesthésie locale et la stimulation corticale pour reproduire les caractéristiques des crises des patients pendant le geste opératoire. Il s’agissait aussi de délimiter l’aire motrice et l’aire sensitive.</p>
<p>En général, la première étape nécessitait de localiser le sillon central, un repère essentiel pour commencer la stimulation électrique, au début à faible amplitude, puis progressivement augmentée. Ce sillon étant systématiquement situé entre l’aire motrice et l’aire sensitive, son identification en début d’intervention permettait à Penfield d’avoir un référentiel commun facilitant l’application pratique des observations réalisées lors des cas précédents.</p>
<p>Penfield a pu ainsi affiner la cartographie corticale créée préalablement par Foerster : chaque fois qu’un stimulus à partir d’une électrode entraînait une réaction du patient, il plaçait une petite étiquette en papier stérilisé avec un numéro ou une lettre sur le point précis de la surface cérébrale concernée.</p>
<p>Plusieurs aspects de la cartographie des fonctions cérébrales proposée par Penfield sont toujours d’actualité.</p>
<p>L’une de ses plus importantes découvertes est le fait que le cortex situé immédiatement en avant ou en arrière du sillon central contient une représentation du corps très précise et très reproductible. Cela veut dire que chaque petite zone est responsable d’une partie de la moitié opposée du corps. Ce phénomène a été observé à la fois pour la zone motrice (cortex précentral) et pour la zone sensitive (cortex post-central).</p>
<p>Bien que la surface et la localisation exactes de la région corticale impliquée dans chaque fonction variaient d’un individu à l’autre, l’ordre des manifestations aux stimulations était toujours le même lorsqu’elles se déplaçaient de la région de l’oreille jusqu’à la ligne médiane. De plus, la surface de chaque zone était de toute évidence très en rapport avec la complexité de sa fonction. Par exemple, l’aire motrice de la main et des doigts occupait une surface plus grande que celle responsable de tout le tronc. En 1937, Penfield et Boldrey ont établi des cartographies motrice et sensitive qui ont été représentées sous la forme d’un homoncule (petit homme) moteur et d’un autre sensitif.</p>
<p>Les aires visuelles et le lobe temporal ont été également étudiés. Leur stimulation produisait une perception de points lumineux (étoiles), une déformation visuelle et des phénomènes auditifs, par exemple, l’impression d’entendre de la musique ou des sons avoisinants amplifiés. En 1941, Penfield et Theodore Erickson ont noté que la stimulation du cortex temporal pouvait déclencher la survenue de souvenirs vivaces. Les observations détaillées par Penfield en association avec Rassmussen et Roberts ont été à l’origine d’une précieuse avancée dans les possibilités d’exploration des mécanismes du langage. À la même époque, Penfield a fait la première observation de plasticité fonctionnelle du cortex humain. Il a ainsi remarqué que la stimulation d’un même hémisphère lors de deux interventions éloignées l’une de l’autre dans le temps, pouvait présenter des résultats très différents : des aires actives lors de la première opération pouvaient être muettes lors de la seconde ou inversement, ou encore, des aires ne donnant aucune réponse pouvaient devenir actives.</p>
<p>Les premiers travaux de stimulation cérébrale étaient limités à l’exploration de la surface du cerveau. Plus tard, des zones plus profondes ont été progressivement explorées. Le grand nom de la stimulation électrique sous-corticale est Walter Hess, un physiologiste suisse. Il a développé une méthode de stimulation chez l’animal anesthésié et éveillé pour investiguer les bases neurales des comportements complexes. Sa technique comprenait un dispositif de positionnement des électrodes avec une profondeur voulue. Il a ainsi observé que de larges zones sous-corticales participaient à des fonctions motrices, des automatismes, des comportements instinctifs parfois complexes. Les études de Hess et Talairach, psychiatre et neurochirurgien français, ont été suivies de celles de José Manuel Rodriguez Delgado, Warren Roberts et Neal Miller. Ces découvertes ont eu un impact important dans la mesure où elles confirmaient la présence de circuits complexes impliqués dans divers phénomènes neurophysiologiques, allant des fonctions les plus simples aux comportements les plus élaborés.</p>
<p>Rapidement, les applications chirurgicales de la stimulation cérébrale sont devenues rapidement évidentes, avec notamment dans les années 1960 les premières descriptions de stimulations électriques sous-corticales, en grande partie grâce aux travaux de George Ojemann. Cette exploration de la substance blanche, plus profonde que le cortex, est devenue plus courante à la fin du XX<sup>e</sup> siècle et a ajouté de précieuses informations aux modèles physiologiques. Le protocole de Montréal original a progressivement laissé place à des variantes de la technique, amenant à une application relativement fréquente de la stimulation en chirurgie tumorale. De plus, des avancées dans le domaine de l’anesthésiologie ont augmenté le confort de la procédure. Plusieurs établissements choisissent par exemple de limiter la période pendant laquelle le patient est éveillé, lui permettant de s’endormir pendant l’incision et la fermeture. Cependant, les principes de la cartographie cérébrale restent les mêmes.</p>
<p>Aujourd’hui, la chirurgie éveillée avec cartographie cérébrale est l’une des principales ressources des neurochirurgiens pour augmenter la sécurité des procédures de résection des tumeurs qui infiltrent le tissu cérébral, telles que les gliomes de bas grade. S’y ajoute une meilleure reconnaissance du tissu fonctionnel à préserver, ce qui permet aux équipes de réaliser des résections plus larges, avec un meilleur impact thérapeutique.</p>
<p>Pour cette Fête de la science, souvenons-nous du travail de Penfield, et célébrons l’enthousiasme scientifique qui a servi de force motrice à sa carrière et qui mobilise tant d’autres chercheurs.</p>
<p>Vive la science !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Igor Maldonado a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Découvrez l’histoire de Wilder Graves Penfield, l’un des pères de la chirurgie cérébrale en condition éveillée.Igor Maldonado, Neurosurgeon and Researcher, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525372021-03-11T17:55:03Z2021-03-11T17:55:03ZRéalité virtuelle et chirurgie du cerveau : ce que nous révèlent les interventions sur des patients éveillés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389104/original/file-20210311-19-yo2vo6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=313%2C5%2C1603%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La réalité virtuelle entre dans les salles d’opération.</span> <span class="attribution"><span class="source">P. Menei</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Paradoxalement, le cerveau est le <a href="https://theconversation.com/puisque-le-cerveau-ne-ressent-pas-la-douleur-dou-viennent-les-maux-de-tete-120623">seul organe insensible</a>. C’est ce qui a permis aux neurochirurgiens, dès les années 1900, d’identifier les zones cérébrales impliquées dans la motricité, en stimulant électriquement à l’aide d’une électrode le cerveau de leurs patients opérés sous anesthésie locale.</p>
<p>Plus tard, ils ont appris à identifier les réseaux du langage verbal, <a href="https://academic.oup.com/cercor/article-abstract/29/10/4312/5248525?redirectedFrom=fulltext">situés dans l’hémisphère gauche</a> chez la majorité des gens. Ils ont ainsi découvert que, lors d’une chirurgie cérébrale chez un patient conscient, une stimulation électrique au niveau des réseaux du langage bloquait ce dernier.</p>
<p>Les neurones impliqués dans le langage appartiennent en effet à des réseaux montés en parallèle, organisés dans un jeu d’équilibre complexe. La stimulation électrique à un point du réseau rompt cet équilibre, ce qui se traduit par un dysfonctionnement, une « paralysie » du langage en quelque sorte. Ce dernier peut ainsi être troublé, parfois bloqué dans sa production (aspect phonologique) ou dans sa compréhension (aspect sémantique).</p>
<p>Depuis les années 2000, cette exploration du langage verbal chez le patient conscient est pratiquée dans de nombreux services de neurochirurgie. Elle permet d’opérer des tumeurs considérées jusque-là comme inopérables et de diminuer les risques de séquelles. De plus, elle offre une fenêtre inégalée sur le fonctionnement cérébral et les réseaux sous-tendant la cognition. Les observations réalisées lors de ces chirurgies ont amené une vision nouvelle de l’organisation cérébrale du langage, complémentaire de celle dessinée par l’imagerie fonctionnelle.</p>
<p>Mais le langage verbal est loin de représenter la seule fonction permettant l’interaction humaine. Des plus primaires aux plus complexes, d’autres fonctions, supportées par des réseaux cérébraux souvent latéralisés dans l’hémisphère droit, ont été identifiées en imagerie fonctionnelle.</p>
<p>Depuis 2017, nous avons développé dans le service de neurochirurgie du CHU d’Angers un nouvel outil basé sur la réalité virtuelle pour explorer ces fonctions et nous assurer que nos interventions n’endommageront pas de zones d’importance majeure. Explications.</p>
<h2>Explorer le cerveau social</h2>
<p>Nos interactions sociales sont rendues possibles par la mise en œuvre conjointe des divers processus cognitifs qui constituent la « cognition sociale ». Parmi ceux-ci figure tout d’abord l’attention sociale,autrement dit ce qui fait que les visages ou les regards ont la faculté de capter notre attention de façon parfois impressionnante, même à la limite de notre conscience. Qui n’a jamais « senti » au moins une fois, avec raison, qu’on le regardait ? Le <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.00093/full">contact visuel est chez l’être humain un puissant déclencheur de l’attention</a>.</p>
<p>Le réseau des neurones miroirs permet quant à lui de reconnaître dans l’autre sa propre aptitude à produire la même action, autrement dit dans le contexte social, à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S095943881400155X?via%3Dihub">communiquer comme soi-même</a>.</p>
<p>Le langage non verbal (prélinguistique) est une autre composante de la cognition sociale. Ce concept comprend la <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1878-8750(18)31577-8">reconnaissance d’une intonation émotionnelle dans la voix, d’une émotion sur le visage ou encore l’identification de la direction du regard</a>.</p>
<p>Enfin, nous avons la possibilité de nous <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053811919311000?via%3Dihub">projeter à la place de l’autre (mentalisation) pour ressentir ce qu’il ressent (empathie) et deviner son état d’esprit</a>. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’esprit, qui, bien qu’ainsi nommée, désigne, en sciences cognitives, non pas une théorie mais <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/hbm.24966">l’aptitude permettant à un individu d’attribuer des états mentaux (intention, désir, croyance…) à d’autres individus</a>.</p>
<p>Jusqu’à présent, il était difficile d’explorer ces fonctions faute de pouvoir reproduire une interaction sociale naturelle avec le patient allongé sur la table d’opération. Mais en 2017, la réalité virtuelle a fait son entrée au bloc opératoire.</p>
<h2>La réalité virtuelle, futur outil du neurochirurgien ?</h2>
<p>En équipant le patient de lunettes de réalité virtuelle, il devient possible de créer des situations qu’il serait impossible de reproduire en salle d’opération. À l’aide d’acteurs ou d’avatars, on peut ainsi reproduire tout type d’interaction sociale, du repas de famille au flirt à la terrasse d’un café. Ces simulations, parfaitement contrôlées et reproductibles, sont interactives, les personnages répondant émotionnellement au regard du patient.</p>
<p>Celui-ci doit explorer la scène, identifier quelle personne cherche à rentrer en contact visuel avec lui, deviner son émotion, son état d’esprit… Tout cela alors que le neurochirurgien stimule électriquement chaque zone qu’il est susceptible de traverser ou réséquer (retirer) lors de l’intervention.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389118/original/file-20210311-15-1n9s1o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans cet exemple de test, le patient doit identifier le personnage qui tente de rentrer en contact visuel avec lui, et identifier son émotion faciale (ici en haut et gauche). Le regard du patient est matérialisé par un trait bleu. Ici, le patient a exploré normalement l’espace et les visages et s’est fixé sur le bon personnage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Menei</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Sur un écran, l’équipe chirurgicale peut visualiser ce que le patient voit dans l’univers virtuel et suivre son regard, matérialisé par un point. Elle peut ainsi savoir instantanément comment le patient explore visuellement la scène sociale, s’il réagit de façon adaptée aux indices du langage non verbal, s’il reconnaît les émotions, les intentions de son ou de ses interlocuteurs virtuels.</p>
<h2>Tester les effets des perturbations pour limiter les séquelles de l’opération</h2>
<p>Quand une zone corticale – ou un faisceau d’axones – impliquée dans l’interaction sociale est transitoirement paralysée par une stimulation électrique, des perturbations apparaissent, différentes selon le réseau identifié : le patient devient incapable d’explorer la scène des yeux, d’identifier un contact visuel, de reconnaître une émotion ou encore de deviner l’état d’esprit de son interlocuteur.</p>
<p>Chez les patients opérés d’une tumeur cérébrale, on peut dès lors identifier des nœuds de réseaux essentiels à l’interaction sociale et les préserver afin de diminuer le handicap, souvent négligé, que représente un dysfonctionnement de la cognition sociale. Nos travaux ont ainsi confirmé le <a href="https://www.jmir.org/2018/6/e10332/">rôle majeur de l’hémisphère droit dans les interactions humaines non verbales</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389117/original/file-20210311-17-1isp9yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les stimulations électriques appliquées sur le cerveau au moyen d’une électrode perturbent le fonctionnement des réseaux de neurones.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Menei</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>De plus, la similarité des dysfonctionnements induits par la stimulation électrique avec les symptômes observés dans des pathologies de la cognition sociale, comme les troubles associés à l’autisme ou la schizophrénie, pourrait nous permettre de mieux comprendre ces maladies.</p>
<p>Les travaux de mon équipe et les connaissances récentes sur le fonctionnement cérébral m’ont aussi amené à revisiter la latéralisation cérébrale, autrement dit la répartition des fonctions entre l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit du cerveau. Le premier est parfois un peu vite qualifié de « dominant » (car siège du langage verbal), tandis que le second est abusivement désigné comme « mineur », alors qu’il gère d’autres fonctions tout aussi importantes comme la cognition visuo-spatiale (qui permet entre autres de se positionner dans un espace en 3 dimensions), les processus liés à l’attention et le <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0079-6123(18)30050-5">langage non verbal</a>.</p>
<p>Nous savons aujourd’hui que la communication et les interactions sociales résultent de la mise en action concomitante de réseaux cérébraux distincts et étendus dans les deux hémisphères. La réalité virtuelle pourrait permettre de les explorer plus finement.</p>
<p>L’apport précis des tests de la cognition sociale grâce à la réalité virtuelle est <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04288505">actuellement évalué dans le cadre d’une étude clinique au CHU d’Angers</a>. Cependant, la rapidité des progrès technologiques en réalité virtuelle et l’introduction de matériels de plus en plus puissants et performants au bloc opératoire complexifient l’évaluation clinique sur une grande série de patients.</p>
<p>Par ailleurs, l’introduction de la réalité virtuelle pour une opération du cerveau chez un patient conscient ne s’est pas faite facilement. Il y a quelques années encore, la réalité virtuelle soulevait des craintes et des fantasmes qu’il a fallu lever par des études de faisabilité et tolérance <a href="https://www.researchgate.net/publication/337264453_Immersing_Patients_in_a_Virtual_Reality_Environment_for_Brain_Mapping_During_Awake_Surgery_Safety_Study">dont certains résultats viennent d’être publiés</a>.</p>
<p>Heureusement, on voit maintenant la réalité virtuelle s’installer dans les blocs opératoires, que ce soit pour guider le chirurgien ou tranquilliser le patient. Afin d’évaluer des fonctions cognitives de plus en plus complexes, nous travaillons pour notre part à rendre l’expérience virtuelle encore plus réelle, plus immersive, en rajoutant des sons, des odeurs, et pourquoi pas, les proches du patient, grâce à la mise en œuvre de la technologie du <a href="https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-16587QE.htm">« deepfake »</a> (ou « hypertrucage »), qui recourt au deep learning afin de créer des images et des vidéos réalistes à partir d’enregistrements.</p>
<hr>
<p><em><strong>Pour aller plus loin :</strong> <br><br>
– Menei P., <a href="https://laboutique.edpsciences.fr/produit/1171/9782759825493/Voyage%20du%20cerveau%20gauche%20au%20cerveau%20droit%20">« Voyage du cerveau gauche au cerveau droit »</a>, collection Mes cerveaux et moi, EDP Science ;<br><br>
– Casanova M., Clavreul A., Soulard G., Delion M., Aubin G., Ter Minassian A., Seguier R., Menei P. (2021) Immersive virtual reality and ocular tracking for brain mapping during awake surgery, J Med Internet Res (in press).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152537/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Menei a reçu des financements de la Fondation de l'Avenir, auteur de "voyage du cerveau gauche au cerveau droit". EDP Sciences </span></em></p>La réalité virtuelle permet de limiter les risques lors d’opérations cérébrales. Elle nous en apprend aussi plus sur les processus complexes impliqués dans le langage et les interactions sociales.Philippe Menei, Professeur de Neurochirurgie, neurochirurgien des Hôpitaux, chef de service CHU d'Angers, enseignant chercheur de l’Unité Inserm U1232-CRCINA., Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1483582020-11-05T20:04:46Z2020-11-05T20:04:46ZLes césariennes sont-elles devenues trop fréquentes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365009/original/file-20201022-23-17gcejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/YSbvqo9YLHA">Amit Gaur / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières décennies, les taux de césariennes ont augmenté un peu partout sur la planète. Lorsque ce geste chirurgical est pratiqué dans les règles et justifié sur le plan médical, il permet incontestablement de <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/publications/non-clinical-interventions-to-reduce-cs/en/">prévenir de manière efficace la mortalité maternelle et néonatale</a>.</p>
<p>À l’inverse, l’impossibilité de recourir à la césarienne peut mettre en jeu la vie de la mère et de son enfant quand survient une complication obstétricale, un véritable problème dans les pays où les systèmes de santé sont peu performants et <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)31928-7/fulltext">ne répondent pas aux besoins de toutes les femmes</a>.</p>
<p>Néanmoins, le recours à la césarienne comporte aussi des <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1002494">risques</a> pour la mère et l’enfant, qui sont plus élevés dans les milieux où les femmes ont un accès limité à des soins obstétricaux de bonne qualité.</p>
<p>Alors que penser de la hausse mondiale du recours à ces interventions ? Quel serait le taux de césarienne « idéal », qui présenterait un rapport bénéfice-risque optimal ?</p>
<h2>Un taux d’intervention optimal entre 10 et 15 %</h2>
<p><a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)31928-7/fulltext">Dans étude parue en 2018</a>, des scientifiques ont examiné un peu plus de 98 % des naissances survenues en 2015. Leurs résultats révèlent que 21 % d’entre elles ont eu lieu par césarienne. En moyenne, à l’échelle du globe, la fréquence du recours à cette intervention a quasi triplé en un quart de siècle, passant d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 6,7 % en 1990 à 19,1 % en 2014.</p>
<p>En 1985, un groupe d’experts <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/topics/maternal_perinatal/cs-statement/en/">réunis par l’OMS</a> estimait que le taux de césariennes « idéal » <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-9-page-1.htm">se situait entre 10 et 15 %</a>. En deçà de cette fourchette, les besoins ne sont pas totalement couverts, d’où un risque de surmortalité maternelle et périnatale. Au-delà, il n’y a pas de bénéfice supplémentaire vis-à-vis de ce risque.</p>
<p>À l’époque, cette recommandation fit l’objet de nombreuses critiques de la part de la communauté scientifique et médicale internationale, en raison d’une mauvaise compréhension de sa signification : la fourchette préconisée ne s’applique pas aux hôpitaux où sont réalisées les césariennes (où les taux peuvent être supérieurs, notamment parce que certains sont particulièrement bien équipés pour pratiquer ce geste chirurgical et se voient adresser les patientes). Cette fourchette est un intervalle moyen concernant la population générale, c’est-à-dire comprenant l’ensemble des femmes qui accouchent aussi bien dans les hôpitaux que dans les centres de santé non équipés d’un bloc opératoire, voire à domicile pour certaines.</p>
<p>Les taux de césariennes dans les hôpitaux sont très variables et souvent plus élevés que dans la population générale car une partie des femmes y sont référées pour des complications de la grossesse ou de l’accouchement</p>
<p>En 2015, l’OMS a réaffirmé la nécessité de s’en tenir à <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/topics/maternal_perinatal/cs-statement/en/">cette fourchette de 10 à 15 %</a> pour la population.</p>
<p>Pour mieux appréhender le sujet, nous avons confronté deux jeux de données : d’une part le <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)31928-7/fulltext">taux de césarienne</a> estimé dans chaque pays par l’OMS pour la période 2010-2015, d’autre part le <a href="https://population.un.org/wpp/">nombre moyen de naissances</a> par pays établi par la Division de la population des Nations unies, pour la même période.</p>
<p>Notons que l’on ne dispose des taux officiels de césariennes que pour 174 pays : ces données manquent pour la Grèce (où le taux rapporté officieusement par la presse aurait atteint 57 % en 2017), Taïwan (taux officieux de 33 % en 2008), l’Afrique du Sud (26 % en 2015-2016), mais aussi pour des pays dépourvus de toute estimation comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Libye, la Somalie ou le Botswana.</p>
<h2>Des taux variant énormément suivant les pays</h2>
<p>D’après les données de l’OMS, les taux de césariennes varient de 1 % à 58 % à travers le monde. Ils sont particulièrement bas (moins de 5 %) dans vingt-huit pays, les trois quarts d’entre eux se situant en Afrique subsaharienne. Les taux les plus faibles concernent le Niger, le Tchad, l’Éthiopie, Madagascar et Timor-Leste (moins de 2 %). Mais la situation n’est guère plus enviable au Mali (2 %), au Nigéria (3 %), en Afghanistan (3 %) ou au Congo (5 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365006/original/file-20201022-21-br7qe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les variations du taux de césarienne dans le monde (2010-2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dumont A., Guilmoto C.Z., « Trop et pas assez à la fois : le double fardeau de la césarienne », _Population & Sociétés_ n° 581, 2020, p 1-4</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’inverse, on remarque que les taux de césarienne dépassent le seuil de 15 % pour une centaine de pays, 43 enregistrant même des taux supérieurs à 30 %. Or sur le plan géographique, ces taux élevés rassemblent des pays très éloignés.</p>
<p>On y retrouve divers pays d’Europe comme Chypre (57 %), la Géorgie (41 %), la Roumanie (40 %) ou l’Italie (35 %), mais aussi pour moitié des pays d’Amérique latine, continent doté d’une vieille tradition d’accouchements par césarienne : la République dominicaine arrive en tête (58 %), suivie entre autres par le Brésil (55 %), le Chili (50 %) et l’Équateur (49 %). On y note également l’émergence de pays du Moyen-Orient (Turquie, Liban et Iran : 46 à 48 %) et d’Asie orientale comme la Corée du Sud (39 %) ou la Chine (35 %).</p>
<p>Sans surprise, on observe qu’en général, le taux de césarienne augmente avec le niveau de développement des pays (et donc la prospérité, l’éducation et une basse fécondité). Sa hausse accompagne également la pénétration du secteur privé dans la santé. Reste que l’on ne peut pas expliquer de cette façon les polarisations régionales que nous avons observées, et notamment les forts taux d’Amérique latine. Le recours accru aux césariennes peut aussi venir de <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0213352">demandes des patientes</a> ou des praticiens, sans motif médical.</p>
<p>Enfin, on constate aussi que certains des pays parmi les plus riches et les mieux équipés en matière de santé publique ont résisté à la poussée des césariennes. C’est ce qu’illustrent les exemples de la Finlande, des Pays-Bas, de la Suède et du Japon, où les taux sont inférieurs à 20 %.</p>
<h2>Du « pas assez » au « nettement trop »</h2>
<p>Nous avons estimé, pour chacun des pays se situant hors de la fourchette d’interventions jugée optimale par l’OMS, soit un taux de 10 à 15 %, le nombre annuel de césariennes en déficit ou en excédent.</p>
<p>En Colombie, par exemple, le taux de césarienne est évalué pour la période 2010-2015 à 46 %, soit 31 points de plus que le maximum recommandé de 15 % : nous en avons déduit qu’il y a eu chaque année quelque 230 000 césariennes en excédent (soit 31 % des 746 000 naissances annuelles dans cet intervalle de temps).</p>
<p>En appliquant ce calcul à l’ensemble des données, on obtient un nombre annuel de 11,9 millions de césariennes en excédent, c’est-à-dire d’interventions menées au delà du maximum recommandé de 15 %. Ce surplus de césariennes englobe à lui seul 42 % de toutes les césariennes pratiquées dans le monde.</p>
<p>Parmi les pays pesant le plus lourd dans ce surplus de césariennes, on retrouve la Chine (avec 3,5 millions d’interventions en excès chaque année), le Brésil (1,2 million), mais aussi l’Égypte (930 000) ou les États-Unis (670 000) – l’Europe et le Maghreb restant relativement en retrait.</p>
<p>À l’inverse, nous avons évalué le déficit de césariennes, en examinant de près les pays dont le taux annuel d’interventions se situe sous les 10 %. À l’échelle du globe, ce sont ainsi quelque 2,1 millions de césariennes qui font défaut chaque année. Et cette fois, ce sont principalement les pays d’Afrique subsaharienne qui sont concernés : notamment le Nigéria (avec un déficit de 500 000 césariennes par an), l’Éthiopie (260 000), le Congo (150 000), ou encore l’Angola (70 000).</p>
<p>In fine, dans les pays en développement, le manque de césariennes augmente les risques de décès pendant et après la naissance. Cependant, s’il faut lutter pour donner aux populations vulnérables l’accès à un accouchement sans risque, il convient également de combattre le recours aux césariennes sans justification médicale que l’on observe au sein des classes moyennes – y compris dans des pays émergents comme l’<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2728617">Inde</a> ou l’Indonésie.</p>
<p>Les autorités nationales de santé publique sont donc contraintes de promouvoir la médicalisation des naissances, tout en prévenant son essor incontrôlé.</p>
<h2>Une fréquence qui risque encore d’augmenter</h2>
<p>Bien sûr, la situation que nous connaissons aujourd’hui est loin d’être figée. Les taux de césarienne augmentent là où ils sont inférieurs à la moyenne, et parfois très rapidement, comme en Asie du Sud ou du Sud-Est. Cette situation témoigne de progrès médicaux dans des pays en développement où l’accès à un accouchement sans risque reste encore très limité, notamment en zone rurale. Cette hausse est également perceptible en ville, ainsi que dans les milieux privilégiés, au sein de pays à faibles et moyens revenus.</p>
<p>Sur fond de médicalisation abusive, l’accouchement « moderne » et sécurisé tend donc à se diffuser un peu partout dans le monde. Un accouchement de plus en plus souvent pratiqué par césarienne, sans que celle-ci soit médicalement justifiée : l’intervention est plutôt effectuée à la demande des patientes, pour le confort des praticiens (qui peuvent programmer l’accouchement), et le profit des cliniques privées. Une surenchère thérapeutique qui ne pourra être contrée que par une mobilisation conjointe du monde médical et des patientes.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 581, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-9-page-1.htm">« Trop et pas assez à la fois : le double fardeau de la césarienne »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Quelle est la proportion d’accouchements par césarienne dans le monde ? Et comment varie-t-elle d’un pays à l’autre ? Un bref panorama…Christophe Z Guilmoto, Senior fellow in demography, Institut de recherche pour le développement (IRD)Alexandre Dumont, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1443002020-10-01T18:52:25Z2020-10-01T18:52:25ZUn implant innovant pour le traitement d’insuffisances cardiaques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361093/original/file-20201001-23-nkw0zy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3712%2C2078&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un nouveau traitement pour les insuffisances cardiaques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/dvXGnwnYweM">Giulia Bertelli / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Notre équipe vient de développer un nouvel implant cardiaque visant à réparer la valve mitrale sans opération à cœur ouvert, cette dernière sépare l’oreillette du ventricule dans le cœur gauche. Il est destiné à pallier les fuites de la valve chez les patients souffrant d’insuffisance mitrale. Cette pathologie est grave, car aucun des traitements actuels ne permet de la traiter de manière efficace.</p>
<p>Elle est la pathologie valvulaire la plus fréquente dans les pays occidentaux, après le rétrécissement aortique des personnes du 3<sup>e</sup> âge. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10190406/">Près de 20 % de la population</a> souffre d’une insuffisance mitrale même bénigne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360291/original/file-20200928-16-8ywzp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma en coupe du cœur.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si on se restreint à l’insuffisance mitrale pathologique, près de 10 % de la population de plus de 75 ans en souffre. Parmi les différentes conséquences cliniques qu’elle engendre, la plus fréquente et la plus critique est la fuite mitrale, qui se produit en systole : lorsque le muscle ventriculaire se contracte pour évacuer le sang vers les organes. L’ouverture partielle de la valve engendre une régurgitation du sang vers l’oreillette. Celle-ci est responsable d’un mauvais état de santé des patients et d’une forte augmentation du risque de mort prématurée en raison du manque d’irrigation en sang.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360294/original/file-20200928-24-10v6sfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustrations de la morphologie du cœur et des écoulements sanguins lors des deux phases du cycle cardiaque.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Actuellement, le traitement de référence de l’insuffisance mitrale est la chirurgie à cœur ouvert, le but étant si possible de réparer la valve mitrale, ou de la remplacer sinon. Ces interventions lourdes nécessitent l’ouverture de la cage thoracique, l’arrêt du cœur et la mise en place d’une circulation extra-corporelle. Outre son fort taux de récidive, elle présente le défaut de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17350971/">ne pas être praticable sur une part importante de patients</a>, car trop fragiles compte tenu de leur âge et condition physique.</p>
<h2>Une solution sans chirurgie à cœur ouvert</h2>
<p>Ce besoin de est particulièrement criant chez les patients souffrant d’insuffisance mitrale fonctionnelle, chez qui la fuite de la valve est due à la dilatation du ventricule gauche et non à des défauts de la valve, comme dans le cas de l’insuffisance mitrale organique. La valve n’arrive plus alors à se fermer, car le ventricule dilaté tire sur les feuillets, ce qui empêche qu’ils viennent en contact l’un avec l’autre en systole. Les traitements conventionnels ne sont d’aucune utilité, car trop invasifs et incapables de contrer la traction exercée sur la valve.</p>
<p>En raison de leur état de santé, seule une approche endovasculaire est envisageable pour traiter ces patients. Elle consiste à introduire un dispositif médical replié dans un cathéter en passant par les vaisseaux sanguins. L’avantage de cette approche est l’absence d’ouverture chirurgicale : le cathéter est introduit dans la veine au niveau du pli de l’aine via une simple ponction et remonté jusqu’à l’oreillette droite du cœur, puis l’oreillette gauche après avoir percé le septum (la membrane séparant cœurs droit et gauche).</p>
<p>Un seul type de dispositifs de réparation est actuellement disponible sur le marché : le <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2028916/fr/mitraclip">Mitraclip</a>, qui consiste en une petite pince, que le chirurgien cardiaque vient placer au milieu des deux feuillets sans arrêter le cœur, et qu’il laisse de manière permanente. L’ouverture de la valve est alors non physiologique, le passage du sang se faisant sur les côtés par deux orifices de part et d’autre du clip. Il est, de plus, très fréquent qu’il faille mettre plusieurs clips (souvent deux, parfois trois), ce qui induit un rétrécissement accru des orifices, gênant l’écoulement sanguin.</p>
<p>Une limite de cette option est la difficulté inhérente à sa pose : pour être efficace, le clip doit être apposé à des niveaux équivalents sur les deux feuillets, sans quoi ceux-ci se distordent causant une fuite résiduelle. L’acte est donc souvent long, d’autant plus si plusieurs clips se révèlent nécessaires.</p>
<h2>Notre nouvel implant</h2>
<p>Afin d’optimiser la prise en charge des patients atteints d’insuffisance mitrale fonctionnelle, il convient donc de développer de nouveaux dispositifs endovasculaires. Le dispositif, que nous avons <a href="https://bases-brevets.inpi.fr/fr/document/FR3085835.html">récemment breveté</a>, est basé sur une nouvelle approche : il est destiné à être placé sous cœur battant sur un des feuillets de la valve et à combler l’espace résiduel entre les deux feuillets au moyen d’un ballonnet. L’implant est en effet constitué d’une pince, permettant sa fixation sur le feuillet de manière permanente, et d’un ballonnet, dont le volume est ajusté in situ pour minimiser les fuites de sang pendant la systole, l’idée étant que le feuillet libre soit alors en butée contre lui.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360780/original/file-20200930-16-l7iwi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schémas de l’implant en position ouverte et positionné sur un des feuillets de la valve mitrale..</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’implant est destiné à être introduit en endovasculaire par voie veineuse et doit donc être repliable dans un cathéter pouvant être navigué depuis l’aine jusqu’au cœur. Dans le cathéter, le ballonnet est inséré dégonflé et replié sur lui-même. La pose de l’implant sur un des feuillets et le gonflement du ballonnet sont réalisés sous échographie transœsophagienne, de manière à voir le résultat fonctionnel de l’ouverture du ballonnet pendant la procédure : l’objectif est en effet de trouver le gonflement optimal pour chaque patient, qui réduise au maximum les fuites résiduelles en systole.</p>
<p>L’originalité de la genèse du dispositif tient à deux éléments : d’une part, le travail en symbiose entre une équipe clinique et une équipe de recherche, après que le Professeur Couetil et le Docteur Bergoend ont eu l’idée du concept totalement innovant, et nous ont contactés ; d’autre part, le fait que la phase de conception du dispositif a été réalisée, au sein de cours de l’UTC conçus en mode projets, par des équipes projet formées d’étudiants ingénieurs. Le projet a bénéficié de plusieurs équipes regroupant des étudiants de différentes filières (génie biologique, génie des matériaux, génie mécanique, design…) et de différents niveaux (de bac +3 à bac +5). L’un d’eux, Adrien Laperrousaz, co-signataire du brevet, a été lauréat du concours national I-LAB (BPI-MESRI) en 2015 et a obtenu une bourse pour financer le développement de l’implant pendant ses études d’ingénieur, ainsi qu’une étude de marché. Il est donc remarquable que le projet ait permis une concomitance entre le temps de la recherche et le temps de l’enseignement.</p>
<p>Des tests in vitro ont depuis été réalisés à University College London en collaboration avec le Professeur Burriesci et son équipe. Ils ont testé l’implant sur une valve bioartificielle, placée dans un banc simulant l’écoulement sanguin intra-cardiaque, et qui avait été rendu pathologique. Ils ont montré que l’implant permettait de réduire notablement les fuites de sang vers l’oreillette, et ont apporté ainsi une preuve de concept.</p>
<p>Les avantages du nouvel implant sont nombreux. Il offrira une vraie alternative mini-invasive pour la réparation de la valve mitrale, et présente une facilité de pose par rapport aux autres approches, comme l’implant n’est apposé que sur un seul feuillet. Il aura l’avantage de pouvoir s’adapter à de sévères défauts de coaptation causés par une dilatation du ventricule et potentiellement aussi de l’anneau mitral, et réduira donc les fuites résiduelles par rapport à l’existant. Le gonflement du ballonnet pourra en effet être ajusté à la sévérité du défaut de coaptation de chaque patient. Enfin, en maintenant la forme de son ouverture en diastole, le dispositif permettra un fonctionnement plus physiologique de la valve, ce qui sera probablement un avantage sur le moyen et long terme, car moins générateur de turbulences lors de la diastole et donc de moins de remaniement fibreux des feuillets valvulaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Notre projet est une collaboration entre l’Université de technologie de Compiègne (UTC), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).</span></em></p>Actuellement, le traitement de référence de l’insuffisance mitrale est la chirurgie à cœur ouvert. Ce nouvel implant pourrait éviter cette lourde intervention.Anne-Virginie Salsac, Directrice de recherche CNRS, Université de Technologie de Compiègne (UTC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1223722019-09-12T22:26:35Z2019-09-12T22:26:35ZComment le cerveau se reconstruit après une opération<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292221/original/file-20190912-190044-xq550b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C13%2C4491%2C2958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De plus en plus de tumeurs cérébrales deviennent opérables.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/science/medical-science/surgery-doctor-medicine-operation#">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Une zone cérébrale, une fonction : pendant plus d’un siècle, il a été clamé que le cerveau fonctionnait selon un modèle dit <em>localisationniste</em>, dans lequel une zone cérébrale était censée correspondre à une fonction donnée (mouvement, attention, langage ou affect). De fait, toute lésion d’une de ces aires considérées comme critiques se devrait de déboucher sur des conséquences neurologiques sévères et définitives.</p>
<p>Ce modèle rigide a été en grande partie fondé sur l’observation par <a href="https://www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1961_num_14_1_3920">Paul Broca</a> de seulement deux patients en 1861. Ils présentaient des troubles de la parole suite à un dommage du cerveau dans une région appelée depuis <em>l’aire de Broca</em> et assimilée abusivement à la zone du langage articulé. En effet, il a été démontré grâce aux méthodes d’imagerie moderne qu’en réexaminant ces lésions, elles intéressaient en fait non seulement la surface du cortex cérébral, mais également (voire surtout) de nombreuses connexions profondes constituées par la substance blanche, expliquant pourquoi les patients n’avaient jamais pu récupérer vu que plusieurs réseaux de neurones (et pas simplement une région précise) avaient été gravement endommagés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292206/original/file-20190912-190065-bucama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma d’un cerveau avec le cortex, la partie la plus externe, puis la substance grise et la substance blanche en profondeur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pourlascience.fr/sd/neurosciences/a-quoi-sert-la-substance-blanche-2289.php">Jen Christiansen, Derek Jones/Cardiff University</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un ensemble de circuits complexes et multiconnectés</h2>
<p>L’essor récent des neurosciences cognitives, basées notamment sur les avancées technologiques de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, a effectivement permis d’évoluer vers de nouveaux modèles d’organisation du système nerveux.</p>
<p>Ces derniers reposent sur un fonctionnement en circuits complexes, distribués, chacun connectant de nombreuses zones corticales reparties sur l’ensemble des deux hémisphères. Les circuits générent, grâce à leur synchronisation les fonctions cérébrales, depuis les plus unitaires (comme la vision ou la sensibilité) jusqu’aux plus intégrées (comme la prise de décision ou la créativité).</p>
<p>Les interactions sont en effet infinies entre les différents sous-réseaux. Le réseau du langage, par exemple, implique non seulement le sous-réseau de la production orale de la parole, mais aussi celui participant au traitement syntaxique ou sémantique de l’information verbale ainsi qu’entre plusieurs réseaux, comme ceux impliqués dans la mémoire à court terme et l’attention.</p>
<h2>La neuroplasticité : quand le cerveau se réorganise pour guérir</h2>
<p>Cette organisation dynamique explique pourquoi le cerveau humain a une capacité massive de neuroplasticité :il est doué d’un potentiel de redistribution, à court, moyen et long-terme, afin d’optimiser son fonctionnement et de s’adapter aux diverses sollicitations. Ainsi, les processus cérébraux ne sont pas immuables mais reposent sur une succession d’états d’équilibre avec réorganisation perpétuelle, en réponse à des facteurs à la fois intrinsèques et environnementaux.</p>
<p>Cette neuroplasticité permet le développement cérébral, elle sous-tend l’apprentissage, et rend possible la compensation fonctionnelle lors du vieillissement mais aussi à la suite d’éventuels dommages cérébraux (tels que des traumatismes, lésions vasculaires ou tumeurs).</p>
<p>En d’autres termes, au-delà des neurosciences fondamentales, cette meilleure compréhension du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24050218"><em>connectome cérébral</em></a> (l’organisation en circuits neuronaux parallèles, à large échelle, avec des interactions changeantes) a par ailleurs d’importantes implications médicales concernant le traitement des patients cérébro-lésés.</p>
<h2>Opérer l’inopérable</h2>
<p>Par exemple, de nombreuses observations de récupération fonctionnelle suite à une lésion d’une région classiquement considérée comme cruciale dans un modèle localisationniste rigide (en particulier l’aire de Broca) ont été rapportées, notamment après une ablation chirurgicale de tumeurs pourtant jusqu’à présent réputées inopérables.</p>
<p>De telles opérations sont de plus en plus réalisées chez des patients éveillés (le cerveau n’ayant pas de récepteur à la douleur), afin de bénéficier d’un véritable bilan neuropsychologique en temps réel dans la salle d’intervention.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/a3kXCC3h1dw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un patient atteint d’une tumeur cérébrale joue de la guitare pendant l’opération chirurgicale.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est ainsi qu’une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26912646">carte individuelle</a> des fonctions cérébrales est effectuée, permettant en conséquence l’ablation de la tumeur envahissant les structures compensables, tout en épargnant les réseaux neuronaux essentiels. Ces chirurgies sous anesthésie locale ont débouché sur une majoration significative de l’espérance de vie des patients porteurs d’une tumeur cérébrale, avec en parallèle une préservation de leur qualité de vie.</p>
<p>Par ailleurs, elles ont démontré le potentiel majeur de neuroplasticité et permis une meilleure compréhension des mécanismes qui sous-tendent une telle redistribution des circuits de neurones, grâce à l’observation directe du fonctionnement cérébral in vivo.</p>
<p>En effet, la réalisation d’examens neuroimagerie fonctionnelle non invasives avant et après intervention en régions <em>critiques</em> et pourtant chez des patients ayant récupéré une vie normale, a démontré une modulation dynamique de ces réseaux distribués, expliquant comment la compensation neurologique a pu survenir.</p>
<h2>Vers des interventions de plus en plus personnalisées</h2>
<p>Une telle connaissance rend possible l’élaboration de programmes de rééducation cognitive adaptés à l’échelon individuel, à même de potentialiser la qualité de récupération post-opératoire. Une étape supplémentaire a débouché sur une seconde voire troisième intervention chirurgicale en cas de ré-évolution tumorale des années après l’opération initiale, avec une majoration de l’étendue de l’ablation lésionnelle en comparaison par rapport à la première intervention, tout en préservant la qualité de vie, grâce à une modification des cartes fonctionnelles cérébrales survenue au fil des ans, et démontrée pendant l’éveil du patient lors de la ré-opération.</p>
<p>Un <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/9102/MS_2017_01_84.pdf?sequence=2&isAllowed=y">atlas probabiliste de neuroplasticité</a> a récemment été créé sur la base de ces données uniques, non seulement permettant de prédire quelle sera l’étendue de la résection chirurgicale avant même d’aller au bloc opératoire, mais également avec d’autres applications dans le domaine de la neurologie clinique – telle que l’estimation des chances de récupération à la suite d’une lésion cérébrale (par exemple après un accident vasculaire).</p>
<p>En synthèse, la combinaison des bilans neurocognitifs, de l’imagerie fonctionnelle chez les volontaires sains ou chez les patients cérébro-lésés, et les informations originales issues des cartes fonctionnelles dressées lors de chirurgies éveillées réalisées pour ablation de tumeur cérébrales, a résulté en une modélisation optimisée du connectome humain.</p>
<p>Elle repose sur une identification des réseaux neuronaux (constitués de mosaïques d’aires corticales interconnectées par des fibres sous-corticales de substance blanche) impliqués aussi bien dans le mouvement et le contrôle de l’action, le langage, les fonctions cognitives telles que l’attention, la mémoire, la multitâche, ou la flexibilité mentale, différents niveaux de conscience (de soi et de l’environnement), que dans la théorie de l’esprit et la mentalisation (à savoir, la capacité de percevoir les états mentaux d’autrui et d’en inférer les intentions, respectivement) – pour n’en citer que quelques-uns.</p>
<p>L’intégration inter-réseaux permet pour la première fois de mieux appréhender les fondations neurales du comportement humain, très variable d’un individu à l’autre voire chez le même sujet au cours du temps. Le prochain défi, sur la base de cette connaissance rompant définitivement avec l’ancien dogme localisationniste, serait de tendre vers une restauration fonctionnelle chez les patients cérébro-lésés, en stimulant notamment la re-modulation des réseaux de neurones via le développement de l’interface cerveau-machine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Duffau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors d’une opération chirurgicale pour éliminer une tumeur cérébrale, certaines zones du cerveau sont altérées mais la plasticité de cet organe permet la récupération des fonctions impactées.Hugues Duffau, Neurochirurgien, professeur des universités – praticien hospitalier CHU Montpellier, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1161142019-04-29T20:20:38Z2019-04-29T20:20:38ZVidéo : La simulation, une évolution incontournable de la formation en santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271525/original/file-20190429-194637-1bdtod4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1770%2C1074&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ce mannequin de nourrisson « haute fidélité » permet de simuler un large panel de situations.</span> <span class="attribution"><span class="source">DR</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié en collaboration avec
<a href="https://www.youtube.com/channel/UCMX8hjQwbGJ7Q_RL9JDhD7A">« Pour une meilleure santé »</a> (PuMS) : l’émission santé grand public conçue par des universitaires. Coproduit par l’Université de Paris et em&i production, ce rendez-vous mensuel d’actualité de la santé est animé par le <a href="https://theconversation.com/profiles/boris-hansel-711054">Dr Boris Hansel</a>.</em></p>
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<p>Depuis le rapport <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25077248">« To Err Is Human »</a> aux États-Unis et l’enquête française <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/etablissements-de-sante-sociaux-et-medico-sociaux/article/l-enquete-nationale-sur-les-evenements-indesirables-lies-aux-soins-eneis">ENEIS</a> (Enquête nationale sur les évènements indésirables liés aux soins), un des challenges de l’enseignement de la médecine est de renforcer la maîtrise des soins et de limiter leurs risques, non seulement lors de la formation initiale des professionnels, mais aussi tout au long de leur activité.</p>
<p>Pour cela, l’acquisition des gestes doit se faire en toute sécurité, et en aucune manière la première fois sur le patient. L’utilisation des techniques de simulation, réelles ou virtuelles, est un moyen performant et moderne de répondre à ces différentes problématiques.</p>
<p>Nos travaux ont notamment montré l’intérêt de la simulation pour former les jeunes gynécologues obstétriciens <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30711812">à l’accouchement de jumeaux</a>, une situation à risque qui, jusqu’à présent, était difficile d’acquisition hors conditions réelles. L’exercice de simulation permet de mettre les jeunes obstétriciens en confiance, en prévision du jour où cette situation leur arrivera. Il participe aussi aux efforts pour limiter <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30322585">« l’épidémie mondiale de césariennes »</a>, dont le nombre a presque doublé en quinze ans.</p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/116114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-François Ceccaldi a reçu des financements de l'ARS pour l'apprentissage des soins, et un appel d'offre Européen FEDER</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Boris Hansel a reçu des financements pour des projets de recherche de la part de la DGOS, de la fondation de la recherche de l'AP-HP et du laboratoire AMGEN.
Boris Hansel est cofondateur de la société IRIADE qui développe des solutions de télésuivi via le web.</span></em></p>Massage cardiaque, ponction lombaire, ou même accouchement : la simulation en médecine permet de s’entraîner en toute sécurité et de répéter les gestes de façon adéquate, avant la situation réelle.Pierre-François Ceccaldi, PU-PH, Chef de Service de gynécologie-obstétrique, Hôpital Beaujon AP-HP, Université Paris CitéBoris Hansel, Médecin, Maître de conférences des universités-praticien hospitalier, Inserm U1138, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1108542019-01-30T20:41:06Z2019-01-30T20:41:06ZEt demain, la médecine…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256430/original/file-20190130-108351-1wak8ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C4897%2C2592&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Demain, robotique et génomique feront partie du paysage de la médecine.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La médecine occidentale, basée sur l’évidence, est un art rationnel découlant de la connaissance des causes et des mécanismes des maladies.</p>
<p>La France se distingue par son système de santé de haut niveau technologique et accessible à tous dans un principe de solidarité et d’équité. Elle se heurte toutefois à un modèle économique contraint et à des difficultés dues au cloisonnement des spécialités médicales et aux liens insuffisants entre l’hôpital, la médecine de ville et les acteurs sociaux. Ce n’est en outre que récemment que la prise en charge des patients tente de sortir de référentiels établis sur des données moyennes, gommant les spécificités de chacun, pour aller vers la médecine de précision qui constitue le nouveau paradigme des soins.</p>
<p>Notre médecine actuelle fait probablement aussi une place insuffisante à la prévention, non par volonté politique, mais par difficulté à convaincre les citoyens. On peut espérer que la médecine du futur, en France et ailleurs, puisse devenir plus prédictive, préventive, participative et de précision.</p>
<p>La refonte de l’organisation du système de soins aidera à le décloisonner et à mieux préciser la place des acteurs réels et virtuels autour du patient dans une vision de démocratie sanitaire.</p>
<h2>Explorer le génome, les métagénomes et l’exposome pour une médecine de précision, prédictive et préventive</h2>
<p><a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-genome-154/">Génome</a>, <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-metagenome-5153/">métagénomes</a> et <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/l-exposome-entre-dans-la-loi-francaise_19165">exposome</a> façonnent ce que nous sommes et conditionnent largement la prévalence et les particularités des maladies de chacun.</p>
<p>La place cruciale du génome et de ses épigénomes dans le développement de l’individu et la définition du soi est validée expérimentalement depuis longtemps. Toutefois, ce n’est que depuis quelques décades que ces données ont envahi la recherche sur la santé et la pratique de la médecine. Des domaines clés que constituent la transplantation de moelle osseuse et d’organe, les maladies rares à transmission génétique mono-factorielle et les cancers, l’intérêt des chercheurs s’est tourné vers d’autres maladies fréquentes multifactorielles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256616/original/file-20190131-75085-yjgnxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le coût du séquençage d’un génôme a chuté drastiquement en 15 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NIH/DR</span></span>
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<p>Le poids des gènes dans la prévalence et les formes cliniques commence à être établi avec, en toile de fond, la complexité apportée par les variations génétiques des populations entre elles. Ce champ de recherche a été bouleversé par les évolutions technologiques et la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2016/03/08/sequencage-genome-999-dollars-veritas-genetics-application_n_9408484.html">diminution du coût du séquençage</a> qui mettent à portée du médecin l’utilisation clinique des approches génomiques et facilite l’interprétation de celles qui en sont proches – <a href="http://www.imm.cnrs.fr/transcriptome/spip.php?rubrique11">transcriptomique</a>, <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/proteomique">protéomique</a>, <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-metabolome-8787/">métabolomique</a>.</p>
<p>Éviter l’errance diagnostique qui frappe les familles atteintes de maladies génétiques, adapter le traitement des cancers sur la base du génome de l’individu et de la tumeur, mieux comprendre et peut-être prédire et prévenir les maladies courantes multifactorielles, c’est la feuille de route que s’est donnée la France dans le <a href="http://www.aviesan.fr/fr/aviesan/accueil/toute-l-actualite/plan-france-medecine-genomique-2025">Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG)</a>.</p>
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<p>Récemment encore, chercheurs et médecins se sont réapproprié la notion que l’homme ou les autres éléments du vivant sont des êtres symbiotiques. Il serait artificiel de considérer l’homme indépendamment des micro-organismes qui peuplent l’intestin, la peau et les muqueuses. Ces micro-organismes échangent des signaux avec notre organisme et jouent des rôles déterminants dans nombre de maladies comme l’obésité ou certaines maladies neurologiques ou psychiatriques. Ces germes peuvent être aussi critiques pour l’efficacité des thérapeutiques, telle l’immunothérapie des cancers. Evaluer la diversité de nos <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/biologie-microbiote-12710/">microbiotes</a> par les approches « -omiques » pourrait utilement compléter les outils du PFMG dans le futur.</p>
<p>Si la génomique définit le champ des possibles pour chaque individu depuis la conception, ce que nous sommes à tous les âges de la vie, est largement déterminé par notre exposition au monde extérieur par notre mode de vie et ses déterminants sociaux, notre environnement au travail et plus généralement par l’environnement tout court, largement marqué par l’homme depuis la période industrielle. Le corps est façonné par l’alimentation (que l’on peut par extension considérer comme une exposition). Il est altéré par l’exposition aux toxiques ou par la rencontre avec des agents infectieux ou leurs vecteurs. Dans ce contexte, il est clair que la santé humaine ne peut être isolée d’une santé plus globale qui inclut l’ensemble du vivant (<a href="https://www.who.int/features/qa/one-health/fr/">« One Health »</a>).</p>
<p>Recueillir et intégrer ces données aux éléments cliniques et aux données quantitatives issues de l’imagerie clinique in vivo est un enjeu majeur de la médecine du futur de précision. Ceci ne peut se faire que par le développement d’une filière industrielle spécialisée de dispositifs médicaux pour interroger le génome, l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/genome-premiere-carte-epigenome-humain-revele-secrets-adn-57240/">épigénome</a> et l’exposome, filière pour laquelle le Centre de référence, d’innovation, d’expertise et de transfert (CREFIX) du PFMG devrait être une première brique et un orchestrateur majeur.</p>
<h2>Placer le malade, le médecin et leurs avatars en situation clinique pour une médecine numérique participative, transparente et équitable</h2>
<p>De nombreux schémas organisationnels de médecine individuelle sont possibles, allant jusqu’à la disparition des professionnels de santé remplacés par des algorithmes et des dispositifs de diagnostic et de soins fournis par des sociétés industrielles à partir d’un catalogue mondial. Moins ambitieux mais garant de l’équité, le scénario que je suggère conserve une relation entre malade et médecin, êtres sensibles, tout en incorporant des compagnons technologiques qui optimisent la démarche commune.</p>
<p>Dans ce modèle, sont associés au malade une représentation digitale ou jumeau numérique et un compagnon biologique qui regroupe l’ensemble des ressources personnalisées extraites ou construites à partir de son corps. Le médecin, pour sa part, est épaulé par la représentation digitale de ses connaissances et de ses règles de décision (médecin digital). Lui sont également associés des capteurs et outils diagnostiques qui construisent le patient digital en convertissant les données biologiques, d’imagerie ou cliniques en fichiers numériques.</p>
<p>Pour intervenir sur le patient, le médecin dispose d’approches classiques (médicaments, actes chirurgicaux, agents physiques, rééducation, psychothérapie), enrichis de technologies émergentes. Médecin digital et patient digital en interaction avec l’espace des connaissances, optimisent l’aide à la décision partagée par le malade et le médecin qui, débarrassés des détails techniques, devraient disposer du temps nécessaire pour trouver un langage commun dans un principe de médiation, de transparence et d’équité.</p>
<h2>Construire, avec le tissu industriel, les trois piliers technologiques d’une médecine intégrée, source de développement économique</h2>
<p>La médecine du futur sera très fortement impactée par trois piliers technologiques, sources majeures de recherches et de développement économique.</p>
<p>Le premier pilier est celui des approches multidisciplinaires de développement des dispositifs médicaux à usage diagnostique, thérapeutique ou mixte. Ils bénéficieront de la chimie, de la biologie de synthèse, de différentes physiques dont l’électronique et la science des matériaux, de la robotique, des nanotechnologies et des sciences de l’information.</p>
<p>Le deuxième pilier est celui du compagnon biologique regroupant tous les développements biotechnologiques personnalisés construits à partir d’éléments du corps du malade tels le développement d’organes sur puces ou encore la modification génétique de cellules à des fins de médecine de précision.</p>
<p>Le dernier pilier, enfin, est numérique, intégrateur de la médecine du futur et bâtisseur d’un système de santé doté d’autoapprentissage.</p>
<h2>Nano-objets hybrides, interfaces « vivant-électronique » et robotique</h2>
<p>Les nanotechnologies tiennent déjà une place importante en médecine. Dans le domaine du diagnostic, elles sont cruciales pour augmenter la sensibilité de l’imagerie in-vivo dont l’objectif ultime (notamment pour l’imagerie par résonance magnétique) est la visualisation à l’échelle de la cellule. En thérapeutique, les nano-objets sont utilisés pour la délivrance de principes actifs ou pour augmenter l’efficacité de la radiothérapie dont les modalités évoluent avec les avancées technologiques et celles de la radiobiologie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-nano-imagerie-un-nouvel-outil-pour-la-medecine-moderne-57150">La nano-imagerie, un nouvel outil pour la médecine moderne</a>
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<p>La possibilité de coupler au sein d’un même objet des dispositifs issus de la biologie synthétique et de l’électronique pourrait ouvrir la voie à des objets communicants multifonctionnels, à la fois capteurs de données biologiques et physiques et outils thérapeutiques délivrant de façon raisonnée des principes actifs. Dans ce contexte, le développement d’une électronique biocompatible et, le cas échéant, biodégradable, sera une étape clé.</p>
<p>Le vieillissement de la population augmente le nombre de patients atteints de maladies dégénératives pour lesquelles les thérapeutiques restent peu efficaces. Ces maladies entraînent des handicaps majeurs. Au-delà de fournir des organes de substitution, comme la rétine artificielle, ou des exosquelettes, la médecine devra accompagner les personnes handicapées pour améliorer leur bien-être dans leur environnement habituel. La conception de robots les aidant dans leur vie quotidienne sera cruciale dans ce cadre.</p>
<p>Outre des développements technologiques, l’élaboration de ces robots demandera d’importants développements d’algorithmes d’intelligence artificielle participant à la création d’un lieu de vie personnalisé, intelligent et connecté. De plus en plus, les robots pilotables à distance accompagneront les chirurgiens dans une pratique de moins en moins invasive, bénéficiant d’une vision augmentée du champ opératoire et d’une simulation préopératoire personnalisée basée sur les données d’imagerie du patient.</p>
<h2>Compagnon biologique du patient et reconstruction des tissus et organes</h2>
<p>Les avancées considérables de la recherche sur les cellules souches permettent d’obtenir <em>in vitro</em> pratiquement tous les types de cellules qui constituent l’organisme. Les progrès en biotechnologie et notamment dans la bio-impression 3D ouvrent la voie vers la reconstruction de tissus et d’organes dont les fonctions biologiques sont conservées. Elles permettent également de reconstruire des tumeurs malignes à l’image de celle du patient.</p>
<p>À l’échelon individuel, ces compagnons biologiques peuvent être utilisés pour l’optimisation des traitements personnalisés en étudiant ex vivo l’effet des thérapeutiques, les données obtenues enrichissant l’avatar du patient. Les organes reconstitués pourront également être réimplantés chez le patient donneur sans rejet immunitaire, diminuant le recours aux organes prélevés sur cadavres.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-compagnons-biologiques-un-atout-pour-la-medecine-du-futur-109304">Les « compagnons biologiques », un atout pour la médecine du futur</a>
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<p>La constitution de collections d’un grand nombre de compagnons biologiques annotés par la séquence du génome de l’individu, permettra de simuler des essais thérapeutiques <em>ex vivo</em> et diminueront les risques de toxicité et d’inefficacité.</p>
<h2>La médecine numérique, intégrateur de la médecine du futur</h2>
<p>La possibilité de convertir pratiquement toutes les données médicales (clinique, génomique, imagerie par exemple) en données digitales compréhensibles par un ordinateur (le patient digital) ouvre la voie à une nouvelle médecine basée sur ces données.</p>
<p>Dans ce contexte, la relation médecin-malade est une confrontation du monde réel et d’un monde virtuel où interagissent trois partenaires : la connaissance scientifique et les données, la représentation numérique du malade (patient digital ou jumeau numérique) et les algorithmes d’intelligence artificielle (ou médecin digital). Ces derniers interprètent le patient digital et fournissent une aide à la décision médicale en proposant des recommandations diagnostiques et thérapeutiques de précision. Le médecin devient un médiateur critique de l’information et reste le garant du caractère humain de cette nouvelle médecine.</p>
<p>L’inclusion des cohortes de patients numériques dans un collecteur et analyseur de données (comme le CAD du PFMG) permettra d’appliquer des algorithmes basés sur l’intelligence artificielle, la science des données et la simulation des processus biologiques qui guideront le médecin et le patient dans la définition d’une prise en charge optimale.</p>
<p>Les données de tous seront au service de chacun, contribuant, par l’expertise collective, à une médecine personnalisée et moins dépendante de l’expérience d’un seul médecin ou d’une seule équipe médicale. Au-delà de la prise en charge des maladies, cette médecine numérique s’appliquera aussi à la prédiction et à la prévention notamment via les objets connectés réalisant un Internet de santé.</p>
<p>Il est probable que la question du séquençage du génome de tous les individus se posera un jour, faisant l’objet de débats éthiques et poussant à l’évolution des lois et règlements. La variabilité des génomes définit les populations et constitue une ressource patrimoniale. Son analyse peut permettre d’anticiper à l’échelon individuel et collectif la capacité de réagir au milieu ambiant. Il s’agit donc de données qui doivent être conservées dans un lieu hautement sécurisé offrant toutes les garanties <a href="https://www.letemps.ch/sciences/genome-chiffre-genome-protege">contre une utilisation frauduleuse ou malveillante</a>.</p>
<p>Imaginer les innovations des trois piliers de la médecine du futur et les conduire jusqu’au patient demande une interaction efficace entre professionnels de santé, chercheurs académiques et industriels et entreprises qui puissent les mettre sur le marché. Des innovations organisationnelles sont nécessaires. Des propositions en ce sens ont été faites dans le rapport <a href="https://dg.dk/wp-content/uploads/2017/04/M%C3%A9decine-du-Futur.pdf">« Médecine du futur »</a>.</p>
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<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le CEA, qui consacre le <a href="http://www.cea.fr/multimedia/Documents/publications/clefs-cea/CLEFS67-FR-PAGES.pdf">numéro 67</a> de son magazine Clefs à la médecine du futur. Il a également été publié dans la revue <a href="https://www.jle.com/fr/revues/hma/revue.phtml">Hématologie (2018 ; 24(6))</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110854/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Sigaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La médecine du futur : des technologies de rupture pour une pratique de précision, préventive, prédictive, participative, réactive, garante du respect du patient et source de développement économique.François Sigaux, PU-PH, Université Paris Diderot et APHP, Directeur scientifique, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1102342019-01-21T19:43:34Z2019-01-21T19:43:34ZAutour de l’informatique : Les robots à l’hôpital<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254756/original/file-20190121-100273-98kp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Système chirurgical robotisé, William Beaumont Army Medical Center;</span> <span class="attribution"><span class="source">Marcy Sanchez, Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p><em>Jocelyne Troccaz est Directrice de recherche CNRS au Laboratoire « Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité – informatique, mathématiques et applications » de l’Université de Grenoble. Ses travaux concernent principalement la robotique et l’imagerie médicales et sont appliqués à des domaines cliniques variés. Ainsi, ses recherches sur l’aide à la biopsie de la prostate permettent le guidage plus précis de la ponction, améliorant la prise en charge du cancer de la prostate, de loin le plus fréquent chez l’homme. Ses travaux sont au cœur des activités de plusieurs start-up valorisant les travaux du laboratoire. Cet article est co-publié avec le <a href="http://binaire.blog.lemonde.fr/">Blog Binaire</a>.</em></p>
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<p><strong>Binaire : Jocelyne, pourrais-tu nous parler de ton domaine de recherche ?</strong></p>
<p><strong>Jocelyne Troccaz :</strong> Je travaille en informatique et en robotique, au service des gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur. Il s’agit de concevoir, développer des systèmes, inventer des dispositifs pour aider les cliniciens lors de leurs interventions, pour le diagnostic, ou la thérapie. C’est prioritairement guidé par les besoins cliniques. On a les pieds dans la clinique et on espère aider les cliniciens à résoudre de vrais problèmes qu’ils rencontrent. Les domaines de l’informatique qui sont les plus pertinents dans mon travail sont le traitement d’images, du signal la robotique vue du côté de la programmation et de la modélisation et l’IHM. L’IA aussi.</p>
<p><strong>Comment en es-tu arrivée là ?</strong></p>
<p>J’ai suivi une licence, une maîtrise et un DEA d’informatique. J’ai étudié l’intelligence artificielle avec Jean‑Claude Latombe et Christian Laugier en particulier, le raisonnement géométrique pour comprendre et reproduire le mécanisme de la préhension d’objets par des robots. Il n’y avait là rien de médical. Après avoir soutenu ma thèse en 1986, je suis entrée au CNRS en 1988. En 1990, je me suis réorientée en rejoignant un laboratoire CNRS de Technologies pour la Santé à l’Université de Grenoble, TIMC, physiquement implanté à l’intérieur du CHU. C’est là que j’ai rencontré le domaine médical et j’ai découvert que c’était à cela que je désirais consacrer mon énergie et ma créativité. Je me suis même posé la question d’entreprendre des études de médecine. Je ne l’ai pas fait, mais j’en ai appris suffisamment pour comprendre les problèmes cliniques et essayer de trouver des solutions.</p>
<p><strong>Qu’est ce qui est spécifique à la robotique médicale ?</strong></p>
<p>Les êtres humains. Pendant ma thèse, quand on mettait des robots en marche, tout le monde se tenait à distance car c’était potentiellement dangereux. À TIMC, l’une des premières interventions que j’ai vues, c’était un bras robotisé qui passait à dix centimètres de la tête d’un patient, j’étais effarée. Le robot est à côté, voire à l’intérieur du patient. Les cliniciens sont tout proches. De plus, les tâches qu’on va faire faire au robot ne sont pas stéréotypées comme dans une ligne d’assemblage. Chaque patient est un cas particulier ; parfois aussi, les organes bougent ou se déforment, et le robot doit s’adapter en permanence. Et puis, un bloc opératoire est un environnement très contraint en termes d’espace, avec des contraintes de propreté, des contraintes électromagnétiques, etc., et toute une batterie de règlements auxquels il faut obéir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Utilisation de la fusion d’images en urologie pour les biopsies de prostate : visualisation per-opératoire d’une zone cible (en rouge) et de la forme de la prostate (maillage) issues de l’IRM préopératoire ainsi que des biopsies déjà réalisées (cylindres verts, jaunes et rouges).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Koelis</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>Ce sont toutes ces contraintes qui guident les comportements des robots ?</strong></p>
<p>Les images du patient sont à la base des décisions. Il faut être capable d’y lier la planification des gestes. Il faut fusionner des informations provenant de plusieurs sources, modéliser des processus de déformation des organes sur lesquels on agit. On utilise des capteurs, mais on utilise aussi des modèles statistiques, biomécaniques, ou mixtes. Il faut également gérer les interactions entre l’utilisateur et le robot.</p>
<p>Et d’autres problématiques peuvent intervenir. Par exemple, pour des minirobots qui vont dans le corps du patient et peuvent y demeurer, on a la question des sources d’énergie. On travaille sur un tel robot et on se propose de lui fournir de l’énergie en utilisant les ressources du corps humain (sucre, ions, etc.). On fait coexister biologie et robotique.</p>
<p>C’est par exemple, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11852828">M2A</a>, un objet autonome à peu près de la taille d’un gros antibiotique. Le patient l’avale ; dedans il y a une caméra, de la lumière, des batteries ; ce dispositif prend des images de l’intérieur du tractus digestif, et périodiquement les envoie à un boîtier qui se trouve à la ceinture du patient. C’est utile pour des examens endoscopiques, en particulier pour la zone médiane de l’intestin qu’il est difficile à atteindre par moyen classique. Ce type de système est passif et de nombreuses équipes cherchent à pouvoir en contrôler la trajectoire.</p>
<p><strong>Quels sont les grands défis de ta discipline ?</strong></p>
<p>Un défi est la question de l’autonomie décisionnelle des robots. Par exemple, en radiothérapie, on délivre des rayons X sur une tumeur, et plus il y a des incidences nombreuses avec des petits faisceaux, plus vous pouvez être précis. C’est comme faire de la peinture avec un rouleau ou avec un pinceau fin. Un robot nommé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberknife">Cyberknife</a> existe actuellement en radiothérapie, et il porte un système d’irradiation. À ce robot, les chercheurs ont ajouté la capacité de suivre la respiration du patient. Quand on respire, la tumeur bouge. Ils ont développé un modèle qui corrèle le mouvement facilement détectable de la cage thoracique avec celui de la tumeur, et le robot utilise cela pendant le traitement pour mieux diriger les radiations vers celle-ci. Avec une telle autonomie de prise de décision, il faut garantir la sécurité ; le partage des prises de décision avec un opérateur humain devient un défi important. Aujourd’hui, l’homme décide, le robot réalise. Mais on assiste à un début de glissement : le robot décide certaines choses. Plus on aura des robots qui agissent de manière un peu autonome sur des tissus mous où tout n’est pas modélisable a priori, plus ces questions se poseront.</p>
<p>Un autre défi, qui n’est pas spécifiquement lié à la robotique, c’est de pouvoir démontrer une valeur ajoutée clinique. Qu’on développe un dispositif, un robot, ou une méthode de traitement d’images médicales, il faut en faire une évaluation technique : cela doit être correct, répétable, et conforme à ce qu’on devrait avoir. Mais il faut aussi démontrer un bénéfice clinique : par exemple, il y a moins d’effets secondaires, ou le patient passe moins de temps à l’hôpital, ou ça coûte moins cher, etc. Ce n’est pas toujours simple. Par exemple on parle beaucoup du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Da_Vinci_(chirurgie)">robot médical Da Vinci</a>, mais il coûte très cher et en ce qui concerne son bénéfice clinique pour les patients, les études sont contradictoires. Par contre, il est certain que la formation des cliniciens à la technique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C5%93lioscopie">laparoscopie</a> est beaucoup plus simple et rapide avec ce robot.</p>
<p>Il y a des difficultés spécifiques au travail avec des cliniciens. Quand on travaille avec des gens d’un domaine différent du sien, il peut être difficile de se comprendre. Déjà, il y a le problème du vocabulaire : la première année, je ne comprenais rien au jargon médical. On finit par apprendre et on découvre alors le plaisir d’interagir avec des personnes d’une culture très différente. C’est une chance et une richesse d’avoir un labo si proche des cliniciens du CHU.</p>
<p><strong>N’y a-t-il pas un risque, pour l’humain, d’être dessaisi du pouvoir décisionnel, de se retrouver juste là à admirer ce que fait le robot ?</strong></p>
<p>De mon point de vue, l’idée n’est pas de remplacer le clinicien. Pour les choses que nous faisons bien, ce n’est pas la peine de remplacer l’humain par une machine ; il y a beaucoup de choses que l’humain fait mieux que le robot. Pour la dextérité, les gestes fins de l’humain peuvent être excellents grâce à sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Haptique">perception haptique</a>. Pour l’intelligence, l’humain est très bon en ses capacités d’analyse et de prise de décision surtout dans des conditions critiques. Il faut voir ces dispositifs comme le moyen de faire faire aux robots des choses que nous ne faisons pas bien nous-mêmes ou avec des moyens non robotisés. Aujourd’hui, si on confie des tâches à un robot qui travaille de manière autonome, ce sont des tâches encore limitées ; par exemple, quand le robot se synchronise sur la respiration du patient pour la radiothérapie.</p>
<p>Évidemment, je parle de la situation actuelle, mais avec le <em>deep learning</em> et les évolutions futures, il y aura sans doute de plus en plus de tâches et des tâches de plus en plus complexes qui seront déléguées à des machines. En tout cas, ce qui me semble fondamental, c’est que si un robot prend des décisions, il puisse les expliquer aux humains qui l’accompagne et que ces méthodes permettent l’interaction et la prise de décision conjointe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Utilisation d’un robot porte-endoscope contrôlé par commande vocale. Le dispositif développé au laboratoire TIMC a été industrialisé par la société Endocontrol Medical.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CHU Grenoble Alpes</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>De ta formation initiale, qu’est ce qui t’a été utile pour ta recherche ?</strong></p>
<p>À l’époque, en informatique, on apprenait surtout à programmer, à faire de l’algorithmique. Ça apprend à réfléchir de manière méthodique, et structurée c’est extrêmement important. On enseignait aussi les algorithmes numériques, qui ne me passionnaient pas, mais je le regrette un peu, car ça m’est utile tous les jours. Mes cours d’électronique, je ne suis pas sûre que ça m’ait servi à grand-chose. Globalement, je crois que ma formation m’a assez bien préparée. Et puis, on apprend beaucoup « sur le tas » : la robotique, je l’ai apprise en faisant ma recherche parce qu’elle n’était pas encore enseignée. Par contre, les mathématiques de base, les manipulations de matrices par exemple, c’est évidemment indispensable et ça, il vaut mieux l’avoir appris dans ses études. Peut-être une chose qui m’a manquée, c’est d’apprendre une méthodologie expérimentale, pour concevoir une expérience, analyser ses résultats, comprendre ce qui ne marche pas. J’ai surtout appris cela « sur le tas ».</p>
<p><strong>Apprendre « la robotique », qu’est-ce que ça veut dire ?</strong></p>
<p>Dans mon premier laboratoire, on travaillait sur les aspects algorithmiques de la robotique, la modélisation géométrique, la prise de décision. En arrivant à TIMC, je m’imaginais connaître la robotique, mais j’y ai découvert d’autres aspects indispensables : la calibration de robot, la préparation de manips, le contrôle de plus bas niveau du robot et bien évidemment l’imagerie qui nourrit la planification du robot. Ce que j’aime dans la robotique, c’est la diversité des tâches et des disciplines concernées. Nous écrivons beaucoup de programmes informatiques. Mais, il nous arrive aussi de concevoir des robots, c’est-à-dire d’inventer des dispositifs nouveaux d’un point de vue architectural, d’un point de vue physique, introduisant de nouvelles formes d’interactions avec les humains. On va jusqu’à la réalisation de ces dispositifs, y compris leur mise en œuvre clinique.</p>
<p><strong>Quelles sont des choses que tu as faites et dont tu es particulièrement fière ?</strong></p>
<p>Je suis fière de travaux sur la « co-manipulation » réalisés dans les années 1990 que j’appelais « robotique synergique » et qui étaient très innovants. L’outil est porté par le robot mais tenu également par l’opérateur humain. Ainsi le robot peut « filtrer » les mouvements proposés par l’opérateur. Cela permet de faire cohabiter planification globale et ajustement local, assistance robotisée et sécurité car le clinicien est « dans la boucle ». Cette approche intéresse beaucoup les cliniciens.</p>
<p>Les autres choses dont je suis le plus fière sont les systèmes qu’on est arrivé à amener jusqu’à une utilisation clinique. Il n’y a rien de plus gratifiant que de voir son propre système utilisé sur des patients en routine clinique. Par exemple, je travaille avec le CHU de Grenoble et la Pitié-Salpêtrière sur le cancer de la prostate depuis longtemps, du point de vue à la fois du diagnostic et du traitement.</p>
<p>Côté diagnostic, pour faire une biopsie de la prostate, il y a des carottes de tissu qui sont prélevées puis examinées au microscope. Ces biopsies sont faites sous contrôle échographique, avec une sonde mise dans le rectum du patient. Or la prostate est un peu comme une châtaigne, et quand on bouge la sonde ça bouge la prostate ; du coup ce n’est pas très facile de savoir où est faite la biopsie. En cas de cancer, la recommandation en France, c’est de faire 12 biopsies, les « mieux réparties possibles » dans la prostate. Comment vous faites pour bien les répartir ? L’idée qui a germé a été de développer des méthodes de fusion de données ultrasonores, échographie et IRM. On travaille en 3D. On a développé des méthodes de recalage d’image pour s’orienter dans l’espace. J’ai eu la chance d’avoir deux étudiants en thèse brillants, l’un urologue et l’autre d’une école d’ingénieur sur ce thème. Les méthodes de recalage en trois dimensions se sont avérées robustes et complètement automatiques. Cela a débouché sur un dispositif industriel de la société KOELIS. Plus de 250 000 patients ont maintenant eu des biopsies avec ce dispositif, dans 20 pays, sur 4 continents.</p>
<p>Au début, certains urologues disaient que ça ne servait à rien, qu’ils se débrouillaient bien sans, mais leur point de vue a évolué. La chirurgie peut avoir des effets secondaires graves d’incontinence ou d’impuissance, et les gens se posent donc beaucoup de questions sur la décision de traitement et son type, alors si on sait mieux faire les biopsies, on peut faire un traitement plus adapté. Les gens ont commencé à dire qu’au lieu d’enlever la prostate toute entière, si on localise mieux le cancer, on peut n’enlever qu’une partie de la prostate. On était dans une phase d’évolution de la pratique clinique et l’outil développé allait dans le sens de cette évolution. Il est maintenant très bien accueilli.</p>
<p>L’informatique s’est rendue indispensable à la médecine. On a construit les premiers scanners il y a cinquante ans. Le scanner n’existerait pas sans l’informatique. Les dispositifs d’imagerie qui sont capables de reconstruire une image en trois dimensions à partir de radios n’auraient pas d’existence s’il n’y avait pas de tomographie.</p>
<p><strong>Comment vois-tu une bonne formation d’étudiants ?</strong></p>
<p>Pour ce qui est de l’informatique, ce serait bien si les élèves avec un master d’informatique avaient une formation un peu plus homogène. C’est génial de picorer des choses à droite à gauche, mais ça rend leur intégration plus difficile pour nous, car les étudiants peuvent avoir le diplôme et avoir des lacunes importantes sur des aspects basiques de l’informatique.</p>
<p>Pour ce qui est de la formation en médecine, on voit se développer des simulateurs informatisés pour la médecine et la chirurgie. Les étudiants ne pratiquent plus une opération la première fois directement sur un corps vivant ou sur un cadavre, ils s’entraînent sur des simulateurs. L’informatique est utile pour cela aussi.</p>
<p>On a développé un simulateur de biopsie, pour enseigner aux étudiants à faire des biopsies sur simulateurs avant de les leur faire réaliser sur des patients. Pour la biopsie de la prostate, il y a eu une expérimentation avec deux groupes d’étudiants en médecine, un groupe avec une formation traditionnelle sur cadavre, et un groupe formé sur le simulateur. Le groupe formé avec simulateur était vraiment meilleur.</p>
<p>La recherche à l’interface entre santé et informatique est passionnante. La plupart de nos étudiants attrapent très vite la fibre. Même si parfois, les challenges posés à l’informatique sont hyper intéressants et que cela peut conduire à des résultats fondamentaux, nous sommes également très motivés par la résolution de questions posées par la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Entretien avec Jocelyne Troccaz, spécialiste de robotique médicale. Ses recherches sur l’aide à la biopsie de la prostate améliorent la prise en charge de ce cancer masculin.Serge Abiteboul, Directeur de recherche à Inria, membre de l'Académie des Sciences, École normale supérieure (ENS) – PSLClaire Mathieu, Directrice de recherche CNRS, Paris, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1070642018-11-15T21:39:39Z2018-11-15T21:39:39ZPourquoi certaines personnes sont-elles plus douillettes que d’autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245848/original/file-20181115-194506-1o47xoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5607%2C3732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines personnes supportent moins bien la douleur...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/tattooist-makes-tattoo-287783510">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quiconque a grandi dans les années 1990 se souvient de l’épisode de la série « Friends » où Phoebe et Rachel s’aventurent à se faire tatouer. Alerte <em>spoiler</em> : Rachel finit avec un tatouage, et Phoebe se retrouve avec un simple point d’encre noire, parce qu’elle n'a pas pu supporter la douleur.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En terme de douleur, êtes-vous plutôt Rachel ou Phoebe ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Associated-Press-Domestic-News-California-Unite-/0ea5d08fdde6da11af9f0014c2589dfb/2/0">AP Photo/Reed Saxon</a></span>
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<p>Ce scénario de <em>sitcom</em> est drôle, et illustre bien la question à laquelle je tente de répondre, comme bon nombre de mes confrères <a href="http://doi.org/10.1038/nrrheum.2013.43">travaillant</a> <a href="http://doi.org/10.1136/jmedgenet-2011-100386">dans</a> le <a href="http://doi.org/10.1016/j.pain.2013.09.018">domaine</a> <a href="http://doi.org/10.1111/gbb.12302">de</a> <a href="http://doi.org/10.1172/JCI87406">la</a> <a href="http://doi.org/10.2174/138920111798357393">« génétique</a> <a href="http://doi.org/10.1038/nm.2710">de la douleur »</a> : en quoi Rachel est-elle différente de Phoebe ? Et, plus important encore, pouvons-nous exploiter cette différence pour aider les « Phoebe » du monde à moins souffrir, en les rendant plus semblables aux « Rachel » ?</p>
<p>La douleur est le symptôme le plus courant signalé en consultation médicale. Dans des circonstances normales, elle est signe de blessure. La réaction « naturelle » est donc de se protéger du mieux possible, jusqu’au rétablissement et à la disparition de la douleur. Malheureusement, les <a href="http://doi.org/10.1371/journal.pgen.1000086">gens diffèrent non seulement dans leur capacité à détecter la douleur, à la tolérer et à y réagir</a>, mais aussi dans la façon dont ils la signalent, et dont ils répondent aux divers traitements. Il est de ce fait difficile de savoir comment traiter efficacement chaque patient. Pourquoi la douleur n’est-elle pas ressentie de la même façon par tout le monde ?</p>
<p>En termes de santé, les différences entre individus résultent souvent d’interactions complexes entre des facteurs psychosociaux, environnementaux et génétiques. Et bien que la douleur ne puisse pas être considérée comme une maladie « traditionnelle », au même titre que les maladies cardio-vasculaires ou le diabète, les facteurs qui entrent en ligne de compte sont identiques. Notre bagage génétique nous rend plus ou moins sensibles à la douleur, et aux expériences douloureuses que nous subissons tout au long de notre vie. Mais nos réactions peuvent aussi être modulées par notre état mental et physique, nos expériences passées – douloureuses, traumatisantes – et notre environnement.</p>
<p>Si nous pouvions mieux comprendre ce qui, dans diverses situations, rend les individus plus ou moins sensibles à la douleur, nous serions plus à même de réduire la souffrance des individus, en mettant au point des traitements personnalisés. Ciblés, ceux-ci présenteraient moins de risques de mauvaise utilisation ou d’accoutumance que les traitements actuels. Concrètement, il s’agit dans un premier temps de savoir déterminer qui risque de ressentir le plus de douleur, ou qui va avoir besoin de plus grandes quantités d’analgésiques, puis dans un second temps d’être capable de gérer efficacement ladite douleur, afin que le patient se sente mieux et se rétablisse plus rapidement.</p>
<h2>Les gènes de la douleur ne sont pas tous les mêmes</h2>
<p>Le séquençage du génome humain nous a beaucoup appris sur le nombre et l’emplacement des gènes contenus dans notre ADN. Il a aussi permis d’identifier des millions de petites variations à l’intérieur desdits gènes. Certaines ont des effets connus, d’autres non.</p>
<p>Ces variations peuvent se présenter sous plusieurs formes, mais la variation la plus courante est le <a href="http://www.edu.upmc.fr/sdv/masselot_05001/polymorphisme/snp.html">polymorphisme d’un seul nucléotide</a> (SNP), qui correspond à une unique différence dans les nucléotides qui composent le gène (les nucléotides sont les <a href="http://www.supagro.fr/ress-tice/ue1-ue2_auto/Bases_Biologie_Moleculaire_v2/co/_gc_briques_elementaires.html">« briques moléculaires »</a> qui constituent l’ADN. Au nombre de quatre, elles sont symbolisées par les lettres A,T,C et G).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plusieurs des raisons pour lesquelles la sensibilité à la douleur diffère d’une personne à une autre résident dans nos gènes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sequencing-genome-background-on-subject-dna-792901510?src=-STUX5PnnQvYXMisZokyfA-2-19">Sergei Drozd/Shutterstock</a></span>
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<p>On connaît environ 10 millions de SNP dans le génome humain ; la combinaison des SNP d’un individu constitue son code ADN personnel et le différencie de celui des autres. Lorsqu’un SNP est fréquent, on parle de variant ; lorsqu’un SNP est rare, c’est-à-dire qu’on le trouve dans moins de 1 % de la population, on parle alors de mutation. </p>
<p>Des données de plus en plus nombreuses montrent <a href="https://www.humanpaingenetics.org/hpgdb/">des douzaines de gènes</a> et de variants différents sont impliqués non seulement dans notre sensibilité à la douleur, mais aussi dans la proportion dans laquelle les analgésiques – comme les opioïdes – sont capables de la réduire, ou dans notre risque de développer une douleur chronique.</p>
<h2>Une histoire de la tolérance à la douleur</h2>
<p>Les premières études de « génétique de la douleur » ont porté sur des familles dont certains membres étaient touchés par une affection extrêmement rare, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4237581/">l'insensibilité congénitale à la douleur</a>. Décrite pour la première fois <a href="https://journals.lww.com/jonmd/Citation/1932/06000/A_Case_of_Congenital_General_Pure_Analgesia.2.asp">en 1932</a> chez un artiste travaillant dans un spectacle ambulant en tant que « The Human Pincushion » (« Le coussin à épingles humain »),cette « analgésie pure » se caractérise par une absence de douleur. Dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14209605">années 1960</a>, des travaux ont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14177236">rapporté</a> l’existence de familles <a href="http://dx.doi.org/10.1136/jnnp.31.3.291">génétiquement apparentées</a> dont certains enfants étaient tolérants à la douleur.</p>
<p>À l’époque, il n’existait aucune technologie permettant de déterminer la cause de ce trouble. Toutefois, grâce à ces familles rares, nous savons que l’analgésie congénitale – connue désormais sous des noms plus étranges tels que <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2010/11/medsci20102612p1015/medsci20102612p1015.html">« canalopathie »</a> – résulte de mutations ou de délétions spécifiques au sein de gènes uniques, indispensables pour transmettre les signaux de la douleur.</p>
<p>Le coupable le plus courant est l’un des quelques SNPs connus du gène <a href="https://ghr.nlm.nih.gov/gene/SCN9A">SCN9A</a>, qui code un <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/canaux-ioniques/3-les-caracteristiques-structurales-des-canaux-ioniques/">canal protéique</a> nécessaire à l’envoi de signaux de la douleur. Cette affection est rare, et seule une poignée de cas a été documentée aux États-Unis. On pourrait penser que vivre sans douleur est une bénédiction, mais ce n’est pas le cas. Ces familles doivent en effet toujours être à l’affût de blessures graves ou de maladies mortelles. En temps normal, les enfants tombent et pleurent, mais dans le cas de l’analgésie congénitale, il n’existe aucun des niveaux de douleur qui permettent habituellement de distinguer une simple éraflure au genou d’un genou cassé. De même, aucune douleur thoracique ne signale une crise cardiaque, et aucune souffrance abdominale ne prévient d’une appendicite, ce qui fait que ces deux affections peuvent tuer les individus atteints avant que quiconque ne réalise le problème.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’aide-enseignante Sue Price, à droite, examine la tête d’Ashlyn Blocker à la recherche d’éraflures, qui s'est cognée après l’école. Ashlyn ne se plaint jamais, car cette enfant de 5 ans fait partie du petit nombre de personnes dans le monde connu pour leur insensibilité congénitale à la douleur – une maladie génétique rare qui la rend incapable de ressentir la douleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Associated-Press-Domestic-News-Georgia-United-S-/69578fe3eee0da11af9f0014c2589dfb/3/0">AP Photo/Stephen Morton</a></span>
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<h2>Supersensibilité à la douleur</h2>
<p>Les variations au sein du gène SCN9A causent non seulement une insensibilité à la douleur, mais il a également été démontré qu’elles déclenchent deux affections sévères, caractérisées par une douleur extrême : l’érythermalgie primaire et le syndrome de douleur extrême paroxystique. Dans ces deux cas, les mutations au sein de SCN9A provoquent plus de signaux de douleur que la normale.</p>
<p>Ces types de douleurs héréditaires sont extrêmement rares. Il ne fait aucun doute que les études sur les variations génétiques qui en sont la cause e ne révèlent que peu de choses sur les variations plus subtiles qui contribuent aux différences de sensibilité à la douleur des individus appartenant à la population normale.</p>
<p>Cependant, grâce à l'intérêt croissant du public pour la médecine basée sur le génome et aux appels à développer des stratégies de soins de santé personnalisés plus ciblés, ces résultats peuvent être traduits par les chercheurs en protocoles de traitement de la douleur personnalisés, qui correspondent aux gènes d’un patient donné.</p>
<h2>Les variations génétiques affectent-elles la douleur chez tout le monde ?</h2>
<p>En activant ou en réduisant au silence le canal sodique, le gène SCN9A joue un rôle majeur dans le contrôle de la réponse de l’organisme à la douleur. Le fait qu’il amplifie ou atténue la douleur dépend de la mutation portée par un individu.</p>
<p>Il s’avère que le gène SCN9A influe également sur la perception de la douleur dans la population normale. Il a été démontré qu’un SNP relativement courant au sein du gène SCN9A, appelé 3312G>T, présent dans 5 % de la population, détermine la sensibilité à la <a href="http://doi.org/10.1097/ALN.0b013e31827dde74">douleur post-opératoire</a> et la quantité de médicaments opioïdes nécessaires pour la maîtriser. <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0913181107">Un autre SNP</a> du gène SCN9A provoque quant à lui une plus grande sensibilité chez les personnes souffrant de douleurs causées par l’arthrose, la chirurgie d’ablation des disques lombaires, les membres fantômes chez les personnes amputées et la pancréatite.</p>
<p>Selon les estimations, jusqu’à 60 % de la variabilité de la douleur pourrait être attribuable à des facteurs héréditaires, c’est-à-dire génétique. En d’autres termes, cela signifie que la sensibilité à la douleur se transmet, au sein d’une famille, par l’hérédité, tout comme la taille, la couleur des cheveux ou le teint de la peau.</p>
<p>Certains des principaux gènes qui influencent la perception de la douleur sont déjà connus, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=k0pWUhqZoAc">de nouveaux gènes</a> continuent à être identifiés.</p>
<h2>Les créatures marines, sources de nouveaux analgésiques</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains poissons-globes comme <em>Arothron meleagris</em> peuvent produire une toxine capable de bloquer la transmission du signal de la douleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Arothron_meleagris_by_NPS_1.jpg">NPS photo -- Bill Eichenlaub</a></span>
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<p>Sur le plan thérapeutique, depuis plus d’un siècle des anesthésiques locaux (notamment la <a href="https://www.vidal.fr/substances/2097/lidocaine/">lidocaïne</a>) sont utilisés pour traiter la douleur. Ceux-ci induisent un blocage à court terme du canal protéique, afin de stopper la transmission de la douleur efficacement et en toute sécurité.</p>
<p>Fait intéressant, les chercheurs évaluent actuellement la tétrodotoxine, une puissante neurotoxine produite par des créatures marines comme le dangereux <a href="https://youtu.be/osz8w-mxy8c?t=52">poisson-globe</a> et les poulpes, qui agit en bloquant la transmission du signal de la douleur.</p>
<p>La tétrodotoxine a montré une efficacité précoce dans le traitement de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21655148">douleur cancéreuse</a> et de la <a href="http://doi.org/10.3390/md10020281">migraine</a>. Ces médicaments et toxines induisent le même état que celui existant chez les personnes atteintes d'insensibilité congénitale à la douleur.</p>
<p>S’il fallait trouver un point positif à la <a href="https://theconversation.com/antidouleurs-opio-des-comment-prevenir-une-crise-sanitaire-en-france-101621">terrible crise des opioïdes</a> actuellement en cours, c’est qu’elle a fait prendre conscience de la nécessité de mettre au point des outils plus précis pour traiter la douleur – des outils capables de s'y attaquer à la source, tout en génèrant moins d’effets secondaires et comportant moins de risques.</p>
<p>Grâce à une meilleure compréhension de la contribution des gènes à la sensibilité à la douleur, à la susceptibilité aux douleurs chroniques et même à la réponse analgésique, des traitements qui abordent le « pourquoi » de la douleur, et non plus seulement le « où », pourront être mis au point. Des stratégies de gestion de la douleur ciblées commencent déjà à être conçues. Leurs bienfaits ne feront que croître, à mesure que nous en apprendrons davantage sur les raisons pour lesquelles la douleur diffère d’une personne à l’autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erin Young reçoit des fonds des instituts nationaux de la santé. Elle est professeure adjointe à l'École des Sciences infirmières de l'Université du Connecticut et directrice adjointe du Centre pour l'avancement dans la gestion de la douleur (CAMP).</span></em></p>Comprendre pourquoi certaines personnes sont plus sensibles à la douleur que d’autres permettrait de mettre au point des traitements personnalisés beaucoup plus efficaces.Erin Young, Assistant Professor, University of Connecticut School of Nursing; Assistant Director, UCONN Center for Advancement in Managing Pain, University of ConnecticutLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049102018-10-16T20:01:47Z2018-10-16T20:01:47ZUne vache trépanée au Néolithique : une première chirurgie expérimentale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240640/original/file-20181015-165891-1p90t0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un crâne vieux de 5 000 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">S. Ordureau/Vizua3D</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Se soigner, ingérer des plantes médicinales, voire se livrer à des actes chirurgicaux : les humains de la préhistoire se préoccupaient sans nul doute de leur santé, même si les <a href="https://www.inrap.fr/colloque-archeologie-de-la-sante-anthropologie-du-soin-11654">preuves d’une activité thérapeutique</a> tangible sont difficiles à établir, exception faite de la phytothérapie. Les premières interventions avérées sur le corps humain se situent à environ 5000 ans avant notre ère : avec le passage à un mode de vie plus sédentaire, l’augmentation de la densité démographique et le déploiement de grandes migrations ont pu entraîner davantage de conflits, et donc la nécessité de techniques chirurgicales plus efficaces.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240780/original/file-20181016-165894-niyadd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une amputation antique (ici un humérus) documentée dans le journal <em>Antiquity</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antiquity</span></span>
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<p>Un des <a href="http://www.antiquity.ac.uk/projgall/buquet322/">témoignages les plus anciens</a> d’amputation réussie est celle d’un homme dont le bras a été sectionné proprement au niveau de la palette humérale, sur le site Néolithique ancien de Buthiers, daté d’environ 4 800 avant notre ère. Quant aux trépanations crâniennes, dont les premières remontent au Mésolithique, et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1251805001015464">qui se multiplient au Néolithique</a>, elles peuvent avoir pour motivation un traumatisme mais il s’agit le plus souvent d’une intervention de nature para psychiatrique, pour faire sortir un mauvais esprit de la tête.</p>
<h2>Chirurgie maîtrisée</h2>
<p>En France, on connaît des centaines de cas préhistoriques, et rien que dans les Grands Causses, du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%82ge_du_cuivre">Chalcolithique</a> jusqu’au Bronze ancien (soit entre 3500 et 2200 avant J.-C), 27 sites d’inhumation mégalithiques ont livré plus de 160 cas. Parmi eux, <a href="https://www.inrap.fr/colloque-archeologie-de-la-sante-anthropologie-du-soin-11654">70 % avaient cicatrisé</a>, attestant d’une chirurgie maîtrisée, notamment dans les zones du crâne où le risque létal de toucher de gros vaisseaux sanguins est majeur. Cette pratique, particulièrement connue dans le monde andin précolombien, a perduré dans les sociétés traditionnelles du monde entier, et a pu être observée par des scientifiques, comme l’ethnologue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Germaine_Tillion">Germaine Tillon</a> en Algérie. En Occident, certains originaux, notamment au sein de l’<a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/461556.stm">International Trepanation Advocacy Group</a>, prônent ce geste, souvent auto-pratiqué à la perceuse électrique, pour, disent-ils, aérer le cerveau…</p>
<p>Mais si les cas humains sont relativement fréquents au cours de la préhistoire, les cas animaux sont quasi inexistants. C’est ce qui fait tout l’intérêt du crâne de vache exhumé par le préhistorien <a href="http://www.histoire-vendee.com/auteur/joussaume-roger">Roger Joussaume</a> sur le <a href="https://www.researchgate.net/publication/260153519_DUPONT_C_GRUET_Y_2012_-_Les_faunes_marines_invertebres_marins_In_Joussaume_R_ed_L%27enceinte_neolithique_de_Champ-Durand_a_Nieul-sur-l%27Autize_Vendee_Memoire_XLIV_Chauvigny_Ed_Association_des_Publication">site néolithique final de Champ-Durand</a>, en Vendée, daté de 3 400 à 3 000 avant notre ère. Il s’agit d’un ensemble d’enceintes fortifiées dans les fossés desquels ont été exhumés de nombreux restes d’animaux d’élevage (porcs, moutons, chèvres, vaches) découpés pour la boucherie. Les bovidés forment 54 % du total, soit au moins 95 individus, parmi lesquels subsistent plusieurs crânes assez complets.</p>
<h2>Crâne bovin perforé</h2>
<p>L’un de ces crânes, appartenant à une vache adulte, sans mandibule et par ailleurs dépourvu de tout caractère distinct, portait sur la partie droite de l’os frontal une grosse perforation ovoïde de 64 mm sur 46 mm à l’extérieur, et de 40 mm sur 30 mm côté endocrânien, orientée selon un grand axe antéro-postérieur. L’observation à la loupe binoculaire montre que les bords de cet orifice, sur la table externe de l’os frontal, ont été finement et régulièrement raclés par un outil de pierre, mais sont trop irréguliers pour avoir été franchement découpés. La microscopie électronique à balayage de donne pas plus de renseignements que le simple examen à la binoculaire. À l’inspection comme à la radiographie, il n’existe aucun signe de régénération osseuse, et donc de cicatrisation. Le geste a donc été pratiqué sur l’animal de façon peri- ou post-mortem, et si celui-ci était vivant au moment de l’opération, il ne lui a pas survécu. Le scanner et la reconstruction 3D ont montré l’absence d’enfoncement des os à la face endocrânienne ainsi qu’une surface homogène et normale aux alentours de l’orifice.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240785/original/file-20181016-165924-5lde3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe vache. Les flèches indiquent la trépanation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sylvain Ordureau/Vizua3D</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La présence des stries de raclage multidirectionnelles nous a conduits à les comparer à celles que montrent les crânes humains trépanés de la même époque. Les techniques les plus courantes sont au nombre de trois : grattage-raclage, forage, ou rainurage-burinage, mais dans les séries préhistoriques de France, c’est le raclage qui est privilégié. L’anthropologue et chirurgien <a href="https://www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1876_num_11_1_9636">Paul Broca</a>, qui s’était vivement intéressé à la trépanation et l’avait même reconstituée expérimentalement sur un chien, faisait observer que le raclage était le mieux à même d’exposer la dure-mère, membrane qui entoure le cerveau, sans la blesser. L’effraction de cette membrane met en effet à nu le tissu cérébral, avec un risque considérablement plus grand pour le patient. Les examens comparatifs menés sur 18 crânes et rondelles de trépanation néolithiques conservés au Musée de l’Homme ont montré une totale similarité entre les interventions pratiquées sur des humains et sur la vache.</p>
<p>Mais quelle peut être la signification d’une telle lésion sur une vache du Néolithique ? Après avoir facilement exclu une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Taphonomie">cause taphonomique</a> ou pathologique à la perforation, puisque les stries signent son intentionnalité, trois hypothèses peuvent être avancées. La plus simple est la découpe d’une rondelle pour en faire une amulette ; cependant, d’une part il aurait été plus simple d’inciser l’os plutôt que de le gratter, et d’autre part un tel objet, prélevé sur un animal banal n’a que peu de valeur, à la différence des découpes sur os humain.</p>
<p>La seconde hypothèse est celle d’un soin vétérinaire : l’animal aurait été encorné par un congénère, ou blessé par une arme pointue, et le praticien aurait tenté de le sauver en levant l’embarrure provoquée par le traumatisme. Les Néolithiques étaient des éleveurs expérimentés et le souci de sauver un animal blessé leur était certainement cher. C’était l’avis de nos collègues archéo-zoologues qui ont les premiers <a href="https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1999_num_96_3_10983">examiné ce cas</a>, et on aurait affaire là au plus ancien témoignage de soin animalier, antérieur de 20 siècles à la <a href="https://sciencepost.fr/2018/07/les-plus-anciennes-preuves-de-soins-veterinaires-decouvertes-en-mongolie/">récente observation de W. Taylor</a>.</p>
<p>Néanmoins, le caractère <em>a priori</em> d’emblée létal d’une plaie pénétrante de cette dimension dans le tissu cérébral est au-delà de toute thérapeutique. De plus il n’existe, comme si un enfoncement violent était survenu, ni traits de refend autour de l’orifice, ni enfoncement de ses bords vers le dedans, comme l’ont montré les coupes au scanner.</p>
<h2>Trépanation pour s’entraîner</h2>
<p>Reste une troisième explication, bien entendu spéculative, celle de la chirurgie expérimentale. Compte tenu de l’importance de la trépanation dans les sociétés néolithiques, on peut penser qu’un tradi-praticien ait pu vouloir s’entraîner sur un animal de proximité avant d’aborder un malade. Sur 250 cas préhistoriques, l’orifice mesure en moyenne 45 mm sur 30 mm, et jusqu’à 51 mm sur 37 mm sur les Grands Causses, ce qui, compte tenu de la taille plus grande d’une tête bovine, relève du même ordre de grandeur. L’os frontal est, chez la vache, plat et facile d’accès, sans masses musculaires à trancher, et dépourvu de gros vaisseaux à sa face interne, ce qui en fait un modèle intéressant.</p>
<p>Un seul autre exemple contemporain est connu, celui d’un animal sauvage cette fois, un <a href="https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1948_num_45_5_2345">sanglier provenant d’un site probablement néolithique</a>, actuellement perdu, mais dont l’examen avait montré, autour d’une lacune occipitale de 21 mm sur 28 mm, non seulement des stries de raclage, mais aussi des signes de cicatrisation. Les deux autres cas, beaucoup plus tardifs car d’époque gauloise, impliquent un sanglier et un cervidé. Les motivations de tels gestes nous échappent totalement, mais Hippocrate, 400 ans avant notre ère, nous a laissé un <a href="http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Hippocrate/plaies.htm">traité</a> sur les traumatismes de la tête qui décrit le détail de la technique de trépanation. Un tel savoir s’appuyait évidemment sur des milliers d’années de pratiques non écrites. Mais que presque 3 000 ans avant Hippocrate, des expérimentateurs aient pu tenter l’opération sur un modèle animal est une hypothèse assez fascinante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Froment et Fernando Ramirez-Rozzi ont reçu des financements de l'IRD, du CNRS et du MNHN. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alain Froment et Fernando Ramirez-Rozzi ont reçu des financements de l'IRD, du CNRS et du MNHN.</span></em></p>Un trou dans un crâne de vache vieux de 3 000 ans soulève de nombreuses questions : soin vétérinaire, fabrication d’un artefact ou chirurgie expérimentale ? Enquête au temps du néolithique !Alain Froment, Directeur de recherches IRD et Professeur d'anthropologie biologique Musée de l'homme, Institut de recherche pour le développement (IRD)Fernando Ramirez Rozzi, Directeur de recherche CNRS, spécialiste de la croissance chez l’homme moderne, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.