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contraception – The Conversation
2024-01-15T15:22:20Z
tag:theconversation.com,2011:article/220004
2024-01-15T15:22:20Z
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La pilule contraceptive a aussi un effet sur le cerveau et la régulation des émotions
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567188/original/file-20231221-19-oxth15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C988%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, peuvent accéder au cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les contraceptifs oraux, aussi appelés pilules contraceptives, sont <a href="https://doi.org/10.18356/1bd58a10-en">utilisés par plus de 150 millions de femmes à travers le monde</a>. Environ un tiers des adolescentes en <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/82-003-x/2015010/article/14222-eng.pdf">Amérique du Nord</a> et en <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">Europe</a> les utilisent, ce qui en fait le médicament le plus prescrit aux adolescentes.</p>
<p>Il est bien connu que les contraceptifs oraux ont le pouvoir de modifier le cycle menstruel des femmes. Mais ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils ont aussi accès au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>En tant qu’étudiante au doctorat et professeure en psychologie à l’UQAM, nous nous sommes intéressées à l’influence des contraceptifs oraux sur les régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous avons publié nos <a href="https://doi.org/10.3389/fendo.2023.1228504">résultats dans le journal scientifique <em>Frontiers in Endocrinology</em></a>.</p>
<h2>La pilule, comment ça fonctionne ?</h2>
<p>Il existe plusieurs méthodes de contraception hormonale, mais le type le plus courant en Amérique du Nord est la pilule contraceptive, plus spécifiquement les <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">contraceptifs oraux combinés</a> (COC). Ils sont constitués de deux hormones artificielles simulant un estrogène (généralement l’éthinyl estradiol) et la progestérone.</p>
<p>Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">peuvent accéder au cerveau</a>. Elles se lient à des récepteurs dans différentes régions et signalent au cerveau de diminuer la production d’hormones sexuelles endogènes. C’est ce phénomène qui mène à l’arrêt de la cyclicité menstruelle, empêchant l’ovulation.</p>
<p>C’est donc dire que tout au long de l’utilisation des COC, le corps et le cerveau des utilisatrices ne sont pas exposés aux fluctuations d’hormones sexuelles typiquement observées chez les femmes naturellement cyclées.</p>
<h2>Les effets cérébraux de la pilule : les neurosciences à la rescousse !</h2>
<p>Lorsqu’elles commencent la prise de COC, les adolescentes et les femmes sont informées de divers effets secondaires, principalement physiques (nausées, maux de tête, variations de poids, sensibilité à la poitrine). Pourtant, il n’est généralement pas abordé que les hormones sexuelles accèdent au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>Des études ont d’ailleurs associé l’utilisation de COC à de <a href="https://doi.org/10.1016/j.psyneuen.2018.02.019">moins bonnes performances de régulation émotionnelle</a> et à un <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">risque plus élevé de développer des psychopathologies</a>.</p>
<p>De plus, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de souffrir de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jpsychires.2011.03.006">troubles liés à l’anxiété et au stress chronique</a>. L’utilisation des COC étant très répandue, il importe de mieux comprendre leurs effets sur l’anatomie des régions du cerveau qui sous-tendent la régulation émotionnelle.</p>
<p>Nous avons ainsi conduit une étude ayant pour objectif d’examiner les effets des COC sur l’anatomie des régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous nous sommes intéressées aux effets liés à leur utilisation actuelle, mais aussi aux effets possiblement durables, à savoir si les COC pouvaient affecter l’anatomie du cerveau – même après avoir cessé leur utilisation.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons recruté quatre profils d’individus en santé, soit des femmes qui utilisent actuellement des COC, des femmes qui ont utilisé des COC dans le passé, des femmes qui n’ont jamais utilisé quelconque méthode de contraception hormonale et des hommes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="imagerie résonance magnétique" src="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de faire l’analyse de la morphologie de certaines régions du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aide de l’imagerie cérébrale, nous avons trouvé que seules les femmes qui utilisent actuellement des COC présentaient un cortex préfrontal ventromédian légèrement plus mince que les hommes. Cette partie du cerveau est reconnue comme étant essentielle à la régulation des émotions comme la peur. La littérature scientifique montre que <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0502441102">plus cette région est épaisse, meilleure est la régulation émotionnelle</a>.</p>
<p>De ce fait, les COC pourraient altérer la régulation des émotions chez les femmes. Bien que nous n’ayons pas testé directement le lien entre la morphologie cérébrale et la santé mentale, notre équipe se penche actuellement sur d’autres aspects du cerveau et de la santé mentale, ce qui permettra de mieux comprendre les découvertes anatomiques actuelles.</p>
<h2>Un effet actuel, mais pas durable : une histoire de dose</h2>
<p>Nous avons tenté de mieux comprendre ce qui pourrait expliquer l’effet de l’utilisation actuelle des COC sur cette région du cerveau. Nous avons découvert que cela était associé à la dose d’éthinyl estradiol. En effet, parmi les utilisatrices actuelles de COC, seules celles qui utilisaient un COC à faible dose (10-25 microgrammes), mais pas à dose plus élevée (30-35 microgrammes), étaient associée à un cortex préfrontal ventromédian plus mince.</p>
<p>Cela peut sembler surprenant : une plus faible dose était liée à un effet cérébral…</p>
<p>Sachant que tous les COC réduisent les concentrations d’hormones sexuelles endogènes, nous proposons que les récepteurs à estrogènes de cette région cérébrale pourraient être insuffisamment activés lorsque de faibles niveaux d’estrogène endogène sont combinés à un faible apport en estrogène exogène (éthinyl estradiol).</p>
<p>À l’inverse, des doses plus élevées d’éthinyl estradiol pourraient aider à obtenir une liaison adéquate aux récepteurs à estrogènes dans le cortex préfrontal, simulant ainsi une activité modérée à élevée similaire à celle des femmes ayant un cycle menstruel naturel.</p>
<p>Il est important de noter que cette plus faible épaisseur de matière grise était spécifique à l’utilisation actuelle des COC : les femmes ayant utilisé des COC dans le passé ne présentaient pas d’amincissement comparativement aux hommes. Notre étude soutient donc la réversibilité de l’influence des COC sur l’anatomie cérébrale, notamment sur l’épaisseur du cortex préfrontal ventromédian.</p>
<p>En d’autres termes, l’utilisation de COC pourrait affecter l’anatomie cérébrale, mais de manière réversible.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Bien que notre recherche n’ait pas d’orientation clinique directe, elle contribue à faire progresser notre compréhension des effets anatomiques liés à l’utilisation des COC.</p>
<p>Loin de nous l’idée de vouloir que les femmes cessent d’utiliser leur COC : il serait beaucoup trop hâtif et alarmant d’avoir ce genre de discours.</p>
<p>Il importe également de se rappeler que les effets répertoriés dans notre étude semblent réversibles.</p>
<p>Notre objectif est de promouvoir la recherche fondamentale et clinique, mais également d’accroître l’intérêt scientifique en matière de santé de la femme, un domaine encore trop peu étudié.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220004/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Brouillard est membre étudiante du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Elle détient une bourse d'études doctorales des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-France Marin est chercheure régulière au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, professeure au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal et professeure associée au département de psychiatrie et d'addictologie de l'Université de Montréal. Elle a été soutenue par une bourse salariale du Fonds de recherche du Québec - Santé (2018-2022) et est actuellement titulaire d'une Chaire de recherche du Canada sur la modulation hormonale des fonctions cognitives et émotionnelles (2022-2027). Le projet dont il est question dans l'article est subventionné par les Instituts de recherche en santé du Canada et a reçu l'appui de fonds de projets pilotes du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal et du Réseau de bio-imagerie du Québec. </span></em></p>
Les contraceptifs oraux modifient le cycle menstruel ; ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils accèdent aussi au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.
Alexandra Brouillard, Doctorante en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Marie-France Marin, Professor, Department of Psychology, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220398
2024-01-02T16:28:16Z
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Contraception et sexualité : responsabiliser davantage les garçons
<p>En France, la légalisation de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/contraception-39679">contraception</a> en 1967 est considérée comme un acquis majeur pour les femmes. Elle permet une maternité choisie (avoir un enfant ou non et décider du moment d’enfanter) et de dissocier sexualité et maternité (pouvoir vivre une sexualité sans avoir le poids d’une grossesse non désirée).</p>
<h2>En cas d’« échec » de la contraception, les femmes tenues pour responsables</h2>
<p>Cependant, le recours à la contraception n’empêche pas la survenue d’une grossesse non désirée et/ou non prévue. Les femmes, et les plus jeunes parmi elles, sont souvent tenues pour les seules responsables de « l’échec » de la contraception. En effet, dans les représentations communes, ce que des spécialistes en sciences sociales décrivent comme un véritable <a href="https://journals.openedition.org/rsa/2083">travail contraceptif</a> et de la sexualité relève des compétences des femmes.</p>
<p>Cet état de fait soulève la question de la responsabilité contraceptive et sexuelle entre les partenaires sexuels ou au sein du couple, et plus précisément celle des garçons. Cette responsabilité est le produit d’un processus d’apprentissage qui commence dès le jeune âge et interroge sur la place occupée par les garçons. La responsabilité contraceptive et sexuelle se construit différemment chez les filles et les garçons dans différents espaces privés et publics. Par conséquent, les filles et les garçons s’approprient différemment ces questions.</p>
<h2>Un apprentissage contraceptif et sexuel porté par les pouvoirs publics et la famille</h2>
<p>Deux formes de socialisations informent sur l’apprentissage contraceptif et sexuel des jeunes. L’une est portée par l’action publique. L’autre est « privée » et se déroule au sein de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/famille-27915">famille</a>.</p>
<p>À noter que la socialisation est un processus qui commence dès la naissance. Elle se poursuit tout au long de la vie pendant laquelle les personnes intériorisent un ensemble de manières d’être au monde, de penser, d’agir, etc. On parle, ainsi, de socialisations familiale, scolaire, professionnelle, socialisation par le conjoint ou la conjointe, socialisation militante, associative, etc.</p>
<h2>Dans les campagnes nationales, des injonctions qui visent les filles</h2>
<p>Au niveau institutionnel, le travail contraceptif et la sexualité des jeunes constituent une « préoccupation » pour les pouvoirs publics. L’action publique multiplie, en effet, les outils pour informer, prévenir et éduquer les jeunes, notamment des campagnes nationales (affiches, spots télévisuels, sites Internet comme <a href="https://www.filsantejeunes.com/">filsantejeunes.com</a>, <a href="https://www.onsexprime.fr/">onsexprime.fr</a>, etc.).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=733&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=733&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567439/original/file-20231228-25-dtp9hm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=733&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dédié à l’éducation à sexualité, le site Internet Onsexprime.fr propose des contenus validés par des experts ainsi qu’un chat pour parler à des psychologues et éducateurs spécialisés dans l’adolescence. Il a été conçu sous l’égide de Santé publique France, établissement public sous tutelle du ministère chargé de la santé.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’objectif des campagnes vise l’éducation à la sexualité et la prévention des grossesses non désirées chez les mineurs filles et garçons. Néanmoins, le message préventif ne parvient pas aux garçons.</p>
<p>C’est le constat qui ressort de ma thèse de doctorat, « Grossesses non désirées chez les mineur.es. : prévention et socialisation masculine juvénile » (Université de Poitiers, 2022). Dans ce cadre, j’ai réalisé une enquête par entretiens auprès de jeunes garçons âgés de 15 à 18 ans, scolarisés dans des établissements scolaires de la Vienne, et auprès de sages-femmes impliquées dans l’éducation à la sexualité à l’école. J’ai également observé une soixantaine d’heures de séances.</p>
<p>Une analyse attentive de ces campagnes montre qu’elles s’adressent quasi exclusivement aux jeunes filles. Dans la plupart des cas, le message préventif à l’adresse des femmes, et des plus jeunes parmi elles, prend la forme d’injonctions qui se traduisent au final par l’obligation pour les filles de prendre une contraception.</p>
<p>On citera pour exemples le slogan de l’affiche de la campagne de l’année 2002 « Dans la vie, c’est vous qui vivez la suite » ou celui de 2012 « Que faire en cas d’oubli ? »</p>
<h2>À l’école, des séances qui évitent d’impliquer les garçons</h2>
<p>L’autre volet de la prévention étatique, et la plus emblématique des actions des pouvoirs publics, reste les séances d’éducation à la sexualité et la vie affective (EVAS). La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000222631/">loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception</a> rend en effet obligatoire une information et une éducation sexuelles dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d’au moins trois séances annuelles.</p>
<p>Cependant, tous les établissements scolaires ne se plient pas à cette obligation, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/02/education-a-la-sexualite-trois-associations-attaquent-l-etat-pour-defaut-de-mise-en-uvre-de-la-loi_6163844_3224">ce qui a poussé plusieurs associations, en mars 2023 (SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial) à attaquer l’État devant la justice</a>.</p>
<p>Le personnel qui intervient lors de ces séances est hétéroclite (infirmières scolaires, médecins, sages-femmes, militantes du planning familial, conseillères conjugales et bien d’autres…) et peut manquer des formations nécessaires. Pour remédier aux difficultés que rencontre le personnel intervenant amené à parler de contraception et de sexualité devant un public jeune, l’<a href="https://eduscol.education.fr/document/30565/download">éducation nationale propose d’ailleurs, sur la base du volontariat, une formation de huit journées</a>.</p>
<p>Mais là encore, ma thèse comme de nombreux <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2021-1-page-157.htm?ref=doi">travaux</a> en <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-l-avortement--9782348074998.htm">sociologie</a>, ainsi que des rapports d’organismes gouvernementaux, à l’image de celui du <a href="https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_education_a_la_sexualite_2016_06_15-4.pdf">Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes</a> ont souligné le fait que ces séances d’éducation dirigent le message préventif quasi systématiquement vers les filles, évitant de facto une implication des garçons.</p>
<h2>L’argument selon lequel les femmes auraient le pouvoir sur leur corps</h2>
<p>Très rares sont donc les séances pendant lesquelles les intervenants et les intervenantes tentent de s’adresser directement aux garçons. En effet, les tentatives pour attirer l’attention des jeunes hommes sur leur responsabilité contraceptive et sexuelle restent timides.</p>
<p>Les intervenantes et les intervenants expliquent ces réticences par différents arguments, notamment l’importance de la contraception comme un acquis dans l’histoire des luttes des femmes qui a mis entre les mains de ces dernières un certain pouvoir sur leur corps. Par conséquent, selon leurs explications, comme ce sont les femmes qui portent les enfants, c’est à elles que revient en dernier lieu la prise en charge du travail contraceptif.</p>
<p>Par ailleurs, comme le précise le rapport (2016) du Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, l’éducation à la sexualité au sein de l’école ne doit pas se limiter aux séances d’éducation, mais doit être intégrée dans toutes les matières (français, mathématiques, histoire-géographie, etc.).</p>
<h2>En famille, un apprentissage qui débute avec les menstruations pour les filles</h2>
<p>Le deuxième lieu d’apprentissage de la contraception et de la sexualité se déroule au sein de la famille. Cette dernière est considérée comme le socle premier dans lequel les individus, en interactions avec les différents membres de la famille, construisent leur rapport au monde extérieur. Le rapport à la contraception et à la sexualité fait partie de cet apprentissage familial.</p>
<p>Pendant que l’apprentissage contraceptif et sexuel des jeunes filles commence avec l’apparition des premières menstruations par des visites chez le gynécologue et la prise de la pilule contraceptive, celui des jeunes garçons prend d’autres modalités et d’autres temporalités. Il est, en effet, tributaire de l’entrée du jeune homme dans une relation sexuelle avec une partenaire.</p>
<h2>À la maison, une sensibilisation en douceur pour les garçons</h2>
<p>Cet apprentissage limité dans le temps se distingue par sa tonalité qui peut être qualifiée de « douce » et dont la mise en pratique semble être laissée à l’appréciation du garçon. Selon les expressions des jeunes garçons que j’ai interviewés dans le cadre de ma thèse de doctorat, la plupart des parents abordent la contraception et la sexualité avec leur garçon sous forme d’« anecdote » ou de « rigolade » en donnant des consignes telles que : « protège-toi » ou « est-ce que tu te protèges ? »</p>
<p>Certains parents procèdent autrement que par la parole en laissant « trainer » des préservatifs dans la chambre de leur garçon, ou en se contentant de lui donner des préservatifs.</p>
<p>Sur la même tonalité souple et « plaisante », quelques échanges entre parents et garçon autour de la sexualité peuvent avoir lieu. Par exemple : « on sait que tu n’as pas dormi ici » ou « comment ça s’est passé ? » ou bien « vous en êtes où avec ta copine ? » Ce qui signifie aussi que seuls les garçons qui entrent dans une activité sexuelle avec partenaire peuvent accéder à un apprentissage familial contraceptif et sexuel. Néanmoins, cet apprentissage reste très limité dans le temps et dans les interactions.</p>
<h2>Le rôle des pouvoirs publics et de la famille dans la non responsabilisation des garçons</h2>
<p>Tout porte à croire que l’apprentissage contraceptif et sexuel, par l’action publique ou au sein de la sphère familiale, participe de la mise à l’écart des garçons concernant leur responsabilité dans ces deux domaines.</p>
<p>Par conséquent, de nombreux garçons ne se sentent pas concernés par la contraception.</p>
<p>Cela consolide chez eux le caractère facultatif de leur responsabilité dans la survenue d’une grossesse non désirée et/ou non prévue. Cela fait ainsi peser le poids de la contraception sur les filles, accentuant de fait le regard social culpabilisant lors de l’échec de la contraception et le recours à l’interruption de la grossesse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aziza CHIHI ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La manière dont s’opère l’apprentissage de la sexualité des jeunes via les campagnes nationales, l’école et en famille aide à comprendre pourquoi les hommes sont peu impliqués dans la contraception.
Aziza CHIHI, Docteure en sociologie, Université de Poitiers
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tag:theconversation.com,2011:article/219364
2023-12-18T19:03:21Z
2023-12-18T19:03:21Z
Contraception : est-on sorti du « tout pilule » ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565976/original/file-20231215-17-xkahqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C28%2C6371%2C4110&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En quinze ans, l’usage de la pilule a presque été divisé par deux en France. NUM LPPHOTO</span> </figcaption></figure><p><em>Dix ans après la « crise de la pilule », c’est-à-dire la médiatisation des risques thromboemboliques liés aux contraceptifs œstro-progestatifs, quelle place occupe désormais dans les usages ce contraceptif qui fut longtemps symbole de l’émancipation féminine ? Surtout, qu’elles soient en couple ou non, les femmes ont-elles aujourd’hui en France la possibilité de choisir la contraception qui leur convient ? Cet article de notre série « Nos vies, mode d'emploi » prend le pouls de cette revendication qui marque l’époque.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2012/12/17/alerte-sur-la-pilule_1806558_3208.html">« Alerte sur la pilule »</a>. Voilà onze ans, le 15 décembre 2012 précisément, le journal <em>Le Monde</em> dédiait sa Une au combat judiciaire d’une jeune femme lourdement handicapée suite à un accident vasculaire cérébral qu’elle disait avoir été causé par sa contraception orale. Cette publication avait alors été le point de départ d’une controverse médiatique et politique inédite en France, appelée <a href="https://www.theses.fr/2019SACLS532">« crise de la pilule »</a>.</p>
<h2>Dénoncer une contraception centrée sur la pilule</h2>
<p>Depuis, plusieurs évènements ont bousculé l’actualité sur cette question. Ils ont contribué à dénoncer le caractère <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/58110">« pilulocentré »</a> des usages contraceptifs en France, une <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/cinquante-ans-de-contraception-legale-en-france/">situation que l’on ne retrouve pas forcément dans d’autres pays</a> où la contraception orale occupe une place moins importante au profit d’autres méthodes telles que le préservatif (comme en Espagne) ou les stérilisations féminines et masculines (comme aux États-Unis).</p>
<p>En 2014, des milliers de femmes se saisissent du hashtag #PayeTonUterus pour témoigner des violences gynécologiques subies et des difficultés rencontrées en matière de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/contraception-39679">contraception</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vaccin-pilule-et-thromboses-la-balance-benefices-risques-est-aussi-politique-159082">Vaccin, pilule et thromboses : la balance bénéfices/risques est aussi politique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En 2017, la question des risques associés à l’utilisation de la pilule est réactualisée par la sortie très médiatique du livre <a href="https://jarretelapilule.fr/le-livre/">« J’arrête la pilule »</a> de la journaliste Sabrina Debusquat.</p>
<p>En 2019, elle lance le hashtag #PayeTaContraception suite à la publication d’une tribune parue dans le journal <em>Libération</em> intitulée <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/marre-de-souffrir-pour-notre-contraception_1718931/">« Marre de souffrir pour notre contraception ! »</a> dont elle est cosignataire.</p>
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<p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Nos vies modes d'emploi » explore nos rapports intimes au monde induits par les bouleversements technologiques, féministes et écologiques survenus au tournant du XXIe siècle.</em></p>
<p><em>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162">Les amis, notre nouvelle famille ?</a></em>
<em>et <a href="https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290">Données personnelles : comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle</a></em></p>
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<h2>Des hormones pointées du doigt… mais toujours très utilisées</h2>
<p>Au-delà de la pilule, ce sont bien souvent l’ensemble des contraceptifs hormonaux (pilule, dispositif intra-utérin – DIU, dit « stérilet » – aux hormones, implant, patch, anneau vaginal) qui sont critiqués. Mais qu’en est-il véritablement aujourd’hui des pratiques et des représentations des femmes vivant en France en matière de contraception ?</p>
<p>Certes, en quinze ans, l’usage de la pilule a presque été divisé par deux. Mais dix ans après les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/crise-pilule-france-nouveau-modele-contraceptif/">premières remises en cause du modèle contraceptif français</a>, elle occupe toujours une place importante. 26 % des femmes âgées de 15 à 49 ans y ont recours en 2019 (graphique ci-dessous), un chiffre qui monte à 37 % lorsque l’on s’intéresse aux 20-29 ans.</p>
<p>Par ailleurs, toujours en 2019, plus de 36 % de l’ensemble des femmes de 15-49 ans utilisaient une méthode hormonale de contraception, dont le dispositif intra-utérin hormonal (pour 8 % d’entre elles) et l’implant (3 % d’entre elles).</p>
<h2>Des usages qui diffèrent selon les profils socio-économiques</h2>
<p>L’usage des différents moyens de contraception varie selon le profil socio-économique et l’âge des femmes. Ainsi, les femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté – c’est-à-dire qui sont affiliées <a href="https://www.ameli.fr/assure/droits-demarches/difficultes-acces-droits-soins/complementaire-sante/complementaire-sante-solidaire">à la complémentaire santé solidaire dans les données de l’Assurance maladie</a> – <a href="https://doi.org/10.1016/j.contraception.2023.109976">recourent moins aux méthodes médicales de contraception (pilule, DIU, implant)</a>.</p>
<p>Par ailleurs, lorsqu’elles en utilisent une, leurs usages ne sont pas les mêmes que les femmes plus aisées. Avant 30 ans, leurs pratiques apparaissent plus diversifiées que les femmes dans une situation financière plus confortable, avec un moindre recours à la pilule et une utilisation plus importante de l’implant. En revanche, après 35 ans, leurs usages semblent plus restreints que ceux des femmes du même âge dont les revenus sont supérieurs, ces dernières adoptant plus fréquemment le DIU hormonal au détriment de la pilule.</p>
<p>Ces divergences pourraient s’expliquer par un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S039876202030465X">recours différent aux professionel·le·s de santé</a> (médecins généralistes, gynécologues ou sages-femmes) dont les <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2017-3-page-41.html">recommandations changent selon leurs spécialités</a> et le <a href="https://www.cairn.info/revue-agone-2016-1-page-123.htm">profil des femmes qui viennent les consulter</a>.</p>
<h2>L’argument de l’« hormonophobie » pour discréditer la parole des femmes</h2>
<p>Pour expliquer la diminution de l’utilisation de la pilule, certain·e·s professionnel·le·s de santé avancent que la crise de la pilule en France aurait conduit à l’émergence d’une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/30/ivg-derriere-la-hausse-du-nombre-d-interventions-de-multiples-pistes-d-explication_6197340_3224.html#">« hormonophobie »</a> – c’est-à-dire une peur irrationnelle des hormones – qui n’aurait de cesse d’être alimentée par les récentes mises en cause des autres méthodes de contraception hormonale, en l’occurrence l’<a href="https://ansm.sante.fr/actualites/implant-contraceptif-nexplanon-renforcement-des-mesures-de-reduction-du-risque-de-migration-notamment-dans-lartere-pulmonaire">implant</a> ou le <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-sterilet-hormonal-mirena-accuse-de-provoquer-des-effets-secondaires_112907">DIU</a>, et l’effet amplificateur des réseaux sociaux.</p>
<p>Pourtant, les femmes ont commencé à se détourner de la pilule bien avant fin 2012, date de la publication du <em>Monde</em> : entre 2005 et 2010, le recours à la pilule est passé chez les 15-49 ans de 47 % à 36 % (cf. graphique). Ainsi, la crise de la pilule semble moins être la cause que la conséquence d’une désaffection des femmes pour la contraception orale, qui a en fait permis de libérer la parole au sujet de la contraception.</p>
<h2>Étudier les raisons complexes du rejet de la pilule</h2>
<p>Alors, plutôt que de se désoler de la baisse du recours à la pilule en blâmant les femmes, il apparaît nécessaire d’en comprendre les raisons. C’est ce que fait justement une <a href="https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2021.114247">étude récente</a>. En compilant les données de plusieurs travaux de recherche menés dans les pays occidentaux auprès de femmes et d’hommes, elle fait la synthèse des reproches adressés par les usagères et leurs partenaires à la contraception hormonale.</p>
<p>Cette étude montre que ce rejet repose sur un ensemble d’arguments complexes et multifactoriels. Les effets indésirables, qu’ils aient été vécus ou qu’ils soient craints, sont évidemment une raison majeure de la défiance vis-à-vis des contraceptifs hormonaux qui sont décrits comme altérant la santé physique (prise de poids, maux de tête), la santé mentale (irritabilité, sauts d’humeur, symptômes dépressifs), la sexualité (baisse de libido, sécheresse vaginale ou douleurs aux seins, entraînant des douleurs pendant les rapports sexuels). On leur reproche aussi de réduire les chances de concevoir et d’augmenter les risques de développer un cancer. Certains de ces effets indésirables sont validés scientifiquement, d’autres mériteraient d’être davantage étudiés.</p>
<p>L’autre grande raison du rejet de la contraception hormonale semble renvoyer à des représentations liées au fonctionnement du corps, les méthodes hormonales étant décrites comme des « produits chimiques », « non naturels » qui provoqueraient notamment des modifications du flux menstruel. Si certaines femmes mentionnent des saignements trop importants, d’autres se plaignent de ne plus avoir leurs règles, une situation qui les empêche de vérifier qu’elles ne sont pas enceintes et qui peut se révéler être une source d’anxiété.</p>
<p>Mais finalement, pour beaucoup de femmes, ce ne sont pas tant ces difficultés qui les conduisent à ne plus vouloir utiliser ces méthodes que le fait qu’elles ne soient pas prises au sérieux par leur médecin.</p>
<h2>La prise quotidienne de la pilule, une charge matérielle pesante</h2>
<p>Une enquête qui s’appuie sur des <a href="https://archined.ined.fr/view/9FWshYsBLL62Ri5NKTrS">entretiens</a> menés en France en 2021-2022 auprès de 21 jeunes femmes âgées de 20-28 ans confirme le sentiment de méfiance des jeunes femmes vis-à-vis de la pilule, et plus largement des contraceptifs hormonaux. Elle permet également de mieux comprendre le poids du travail contraceptif dans la relative désaffection que connaît la contraception orale.</p>
<p>Devoir prendre la pilule tous les jours, penser à l’acheter, à se la faire prescrire, etc. : l’arrêt de la pilule est également motivé par la <a href="https://journals.openedition.org/rsa/2083">charge matérielle</a> qu’elle impose et qui devient de plus en plus pesante au fil des années, sans qu’il soit possible d’en répartir l’effort avec le partenaire, dans un contexte où se multiplient pourtant les « appels à développer la contraception masculine » (par exemple dans le journal <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/appel-a-developper-la-contraception-masculine-arretez-de-vous-dorer-la-pilule-20220822_EHE73UGVBZHMJFUGB6APPQC434/">Libération</a> en 2022).</p>
<p>Une partie des femmes choisissent alors d’utiliser le DIU au cuivre ou le préservatif pendant que d’autres se tournent vers d’autres méthodes hormonales qu’elles jugent moins contraignantes. La persistance de l’usage de la pilule chez celles qui continuent à la prendre malgré leurs réserves, s’explique par l’impression qu’il n’y a pas d’alternative, ce qui interroge sur leur réelle <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/sifp.12114">autonomie en matière de contraception</a>.</p>
<p>Derrière le rejet de la pilule, s’exprime surtout une demande d’accès à un véritable choix pour sa contraception. Pour ce faire, plusieurs pistes sont à envisager :</p>
<ul>
<li><p>La délivrance d’une <a href="https://questionnaire.choisirsacontraception.fr">information claire sur les avantages et les inconvénients des différents moyens de contraception</a>, qu’ils soient hormonaux ou non, médicalisés ou non ;</p></li>
<li><p>Une meilleure prise en compte des envies et des besoins des usagères par les professionnels de santé, qui peuvent être des médecins, généralistes ou gynécologues ou, <a href="https://www.ameli.fr/paris/sage-femme/exercice-liberal/presciption-prise-charge/regles-exercice-formalites/contraception">depuis 2009, des sages-femmes</a> ;</p></li>
<li><p>Une plus grande participation des hommes au travail contraceptif, que ce soit à travers le soutien à l’utilisation d’un contraceptif féminin ou le recours à une méthode masculine de contraception, dont les options mériteraient encore d’être davantage développées.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/219364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mireille Le Guen a reçu un financement de l'Ined (Labex Ipops) pour ses recherches. Elle conseille le Haut Conseil à l'Egalité des femmes et des hommes et Santé publique France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Thomé a reçu des financements de l'Ined et du Labex SMS pour ses recherches. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du plan France 2030 portant la référence ANR-21-ESRE-0037.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juliette Congy a reçu des financements de l'Université Paris Saclay et de l'Ined dans le cadre de son doctorat. </span></em></p>
Dix ans après la « crise de la pilule », celle-ci est décriée mais encore très utilisée. Derrière ce rejet des hormones, s’exprime surtout une demande d’accès à un véritable choix pour sa contraception.
Mireille Le Guen, Démographe au sein de l'Unité Santé et Droits Sexuels et Reproductifs de l'Institut National d’Études Démographiques (INED), Collaboratrice scientifique au sein du Centre de recherche en démographie (DEMO) de l'UCLouvain, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Cécile Thomé, Docteure en sociologie, post-doctorante au Labex SMS, LISST-CERS, Université de Toulouse Jean Jaurès.
Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche en Santé Publique au sein de l'Unité Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Juliette Congy, Épidémiologiste au sein de l'Unité Santé Droits Sexuels et Reproductifs de l'Institut National d'Etudes Démographiques (INED).
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2022-03-08T19:07:36Z
2022-03-08T19:07:36Z
La sexualité des adolescents vivant avec le VIH au Sénégal, entre norme sociale et secret de famille
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/lafrique-region-du-monde-la-plus-touchee-par-le-vih-virus-responsable-du-sida_3738733.html">En Afrique</a>, les défaillances des programmes de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant pendant la grossesse conduisent à un nombre encore assez élevé de naissances d’enfants porteurs du VIH. Dans le même temps, avec la généralisation des programmes de traitement par les médicaments <a href="https://www.sidaction.org/glossaire/arv-antiretroviral#:%7E:text=M%C3%A9dicament%20indiqu%C3%A9%20pour%20traiter%20l,diff%C3%A9rentes%20%C3%A9tapes%20du%20cycle%20viral.">antirétroviraux</a> (ARV) et la prise en charge médicale précoce des enfants nés avec VIH, le nombre d’adolescents vivant avec le VIH augmente progressivement. Au Sénégal, les 13-19 ans représentent environ 36 % des 6 700 de moins de 20 ans vivant avec le VIH (estimations, <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/country/documents/SEN_2019_countryreport.pdf">Spectrum 2018</a>.</p>
<p>À l’adolescence, se pose pour eux – et leur famille – la question de l’entrée dans la sexualité : quelles sont les contraintes auxquelles les adolescents et leur famille doivent faire face ? De quels soutiens ou accompagnements peuvent-ils bénéficier pour gérer cette période délicate de leur vie ?</p>
<p>Une étude anthropologique, visant à <a href="https://transversalmag.fr/articles-vih-sida/1808-Echec-therapeutique-chez-les-0-19-ans-vers-une-meilleure-comprehension-de-ses-causes-en-milieu-rural">décrire et analyser les dimensions socioculturelles et organisationnelles</a> de la prise en charge médicale et sociale des enfants et adolescents vivant avec le VIH en milieu rural, a été réalisée au Sénégal en 2020–2021.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1465317054072905730"}"></div></p>
<p>Des enquêtes ont été effectuées dans 14 hôpitaux régionaux et centres de santé de 11 régions du Sénégal. Des entretiens et des observations ont concerné 85 enfants/adolescents VIH+, 92 parents/tuteurs et 47 acteurs de santé. L’entrée des adolescents dans la sexualité a fait l’objet d’une analyse spécifique.</p>
<h2>Histoire d’Amy</h2>
<p>(<em>Tous les prénoms sont fictifs et le récit anonymisé.</em>)</p>
<blockquote>
<p>« Amy est âgée de 22 ans, elle habite dans une commune très éloignée de la capitale (Dakar). Sa mère est décédée lorsqu’elle avait trois ans et elle a été élevée par Fatou, sa tante maternelle, elle-même mère de trois enfants. Une relation affective forte lie Amy et sa tutrice qui était très attachée à sa mère.</p>
<p>Amy est traitée par ARV depuis le plus jeune âge, sans connaître sa séropositivité. À 17 ans, elle a eu des périodes de révolte et de refus du traitement, et souhaitait connaître la nature de sa maladie. Sa tante craignait le choc de l’annonce et la divulgation de la maladie qu’elle avait toujours soigneusement cachée à son entourage. Seuls elle et son mari étaient informés. Après concertation avec l’assistante sociale du centre de santé où Amy est suivie, Fatou lui a révélé sa séropositivité.</p>
<p>Son observance au traitement ARV s’est améliorée après ces échanges. Dans l’année qui a suivi, la jeune fille est devenue plus coquette, et sortait souvent avec ses amies. Fatou était préoccupée pour l’avenir de sa nièce et à l’idée qu’elle puisse avoir des relations sexuelles. Elle s’est confiée à l’assistante sociale. Celle-ci lui a proposé de recevoir, le moment venu, le fiancé d’Amy, quand il serait question de mariage, afin de discuter avec lui.</p>
<p>Une année plus tard, Fatou découvre qu’Amy est enceinte. Cette grossesse déclenche un scandale familial qui contraint Amy à quitter la maison et à trouver refuge chez une cousine dans un village éloigné. Fatou s’est vu reprocher son manque de surveillance et la honte qui retombait sur la famille. Loin du centre de santé où elle était habituellement suivie, Amy n’a pas dit qu’elle était séropositive et a arrêté de prendre son traitement. Elle a accouché dans un dispensaire proche de son nouveau domicile. Trois mois après la naissance – alors qu’elle était revenue chez sa tante – un test a révélé que son enfant était séropositif. »</p>
</blockquote>
<p>L’histoire de Amy révèle un ensemble de contraintes qui déterminent la capacité des adolescents et de leur environnement familial à gérer l’entrée dans la sexualité.</p>
<h2>Les contraintes sociales</h2>
<p>Au Sénégal, la norme sociale dominante valorise la virginité avant le mariage, et érige l’abstinence des adolescents comme valeur morale cardinale. La sexualité hors mariage est réprouvée et la virginité des filles au mariage est promue comme un idéal ; la contrainte est moindre pour les garçons, à qui il est recommandé une simple tempérance.</p>
<p>L’usage de la contraception est socialement réservé aux couples mariés. Des drames liés à des avortements clandestins ou des infanticides font régulièrement la une des médias dans un contexte de criminalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Avortements et infanticides constituent le <a href="https://etatdedroitafrique.org/rapport-sur-la-situation-des-droits-des-femmes-dans-les-lieux-de-detention-au-senegal-haut-commissariat-des-nations-unies-aux-droits-de-lhomme/">premier motif d’incarcération</a> des femmes au Sénégal.</p>
<p>L’attitude des parents à l’égard des adolescents varie selon le sexe. Pour les filles, les grossesses hors mariage sont désapprouvées ou condamnées : elles jettent l’opprobre sur la fille et sa famille. Les chefs de famille en attribuent la responsabilité aux mères ou tutrices jugées coupables de n’avoir pas su « tenir leur fille ».</p>
<p>Ces grossesses sont souvent la cause de violentes tensions familiales dont la crainte explique les tentatives d’avortement. En milieu rural, le mariage précoce des filles est souvent considéré comme la meilleure solution pour se prémunir d’une grossesse fortuite. Pour les garçons, l’appel à la morale religieuse ou à la discrétion est la seule consigne.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le calvaire des jeunes femmes célibataires au Sénégal, BBC Afrique, 4 septembre 2020.</span></figcaption>
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<p>La santé sexuelle des adolescents au Sénégal est une question sociale et de santé publique majeure : l’Enquête Démographique et de Santé de 2017 révélait que 19 % des femmes avaient eu leur première naissance avant l’âge de 18 ans, 8 % des femmes de 17 ans avaient commencé leur vie procréative (EDS 2017). Depuis plusieurs années, divers programmes de « santé de la reproduction » pour les adolescents sont développés à travers le pays.</p>
<p>Portés par le ministère de la Santé et le ministère de la Famille ou des ONG, ils diffusent des informations sous la forme de séries TV (ex. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jP5Esl_IKNw"><em>Positive</em></a> ; <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/C%27est_la_vie_!_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)"><em>C’est la vie</em></a>), d’applications pour smartphone (<em><a href="http://www.ongraes.org/nos-programmes/sante-sexuelle-et-reproductive/kune/">Hello Ado</a>, Bibl CLV</em>), avec pour objectif la lutte contre les grossesses précoces – principales causes d’arrêt prématurées de la scolarité chez les jeunes filles –, les mariages précoces, les mutilations génitales féminines et les infections sexuellement transmises.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HsZuwxyW8c4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Des « Club ados » ont été mis en place dans la capitale et les villes secondaires. Ces programmes sont régulièrement l’objet de critiques virulentes de la part d’acteurs sociaux, le plus souvent religieux, qui jugent leurs contenus non conformes aux traditions et aux valeurs morales. L’accès à ces programmes est bien souvent limité pour les adolescents en milieu rural, dont le niveau de vie ne permet pas de posséder un smartphone.</p>
<h2>Les contraintes liées au VIH</h2>
<p>Les représentations sociales péjoratives à l’égard du VIH/sida alimentent un autre registre de contraintes influençant l’entrée dans la sexualité. Dans les familles, la prise en charge des enfants et adolescents vivant avec le VIH est le plus souvent marquée par diverses formes de silence autour de la maladie. La préoccupation principale des parents ou des tuteurs est de maintenir le secret le plus absolu sur la maladie de l’enfant, car elle est révélatrice de celle de ses parents biologiques.</p>
<p>Lorsque l’enfant est orphelin de parents susceptibles d’être décédés du VIH, le silence des tuteurs sur ces événements est de mise. Pour la mère, remariée, d’un enfant séropositif, le risque de divulgation du statut de l’enfant est perçu comme une menace susceptible de détruire cette nouvelle union. La nature de la maladie est révélée à l’enfant le plus tardivement possible, de crainte qu’il ne dévoile sans discernement cette information dans l’entourage et le voisinage. Les parents souhaitent se protéger – et protéger l’enfant – contre les risques de stigmatisation et de discrimination.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tensions-et-dilemmes-autour-de-lannonce-de-la-maladie-aux-jeunes-adultes-vivant-avec-le-vih-au-senegal-172335">Tensions et dilemmes autour de l’annonce de la maladie aux jeunes adultes vivant avec le VIH au Sénégal</a>
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<p>Diverses stratégies sont mises en place pour préserver la confidentialité parmi les membres d’une même maisonnée ou dans la famille (les médicaments ou leur consommation sont cachés ; des prétextes sont trouvés pour justifier les fréquentes visites dans le centre de santé, etc.). L’arrivée d’un adolescent vivant avec le VIH dans l’âge du mariage et l’éventualité de son entrée dans la sexualité réactivent les craintes de ses parents ou de ses tuteurs. Ils sont partagés entre le désir que leur enfant puisse avoir une vie normale en respectant les convenances sociales à travers le mariage, et la peur qu’à cette occasion ne soit publiquement révélée l’existence de la maladie dans la famille.</p>
<h2>Les réponses des professionnels de santé et des acteurs de la prise en charge VIH</h2>
<p>En réponse aux exigences gouvernementales, de nombreux professionnels de santé, sur l’ensemble du pays, sont tenus de participer à la mise en œuvre de divers programmes en santé de la reproduction qui sont en principe ouverts aux adolescents. Notre enquête montre que nombre de professionnels désapprouvent les stratégies qui facilitent l’accès à la contraception des adolescents.</p>
<p>Pour des raisons morales personnelles ou par crainte d’être accusés de favoriser la sexualité hors mariage, beaucoup sont réfractaires à l’idée de délivrer une contraception pour des adolescents. <a href="https://www.seneweb.com/news/Societe/linguere-avortement-clandestin-une-eleve_n_366930.html">La criminalisation de l’interruption de grossesse</a> conduit certains à signaler à la gendarmerie les suspicions d’avortement volontaire afin de ne pas être poursuivis pour complicité.</p>
<p>Lorsque les questions de la sexualité concernent des adolescents vivant avec le VIH, elles sont le plus souvent orientées vers le service social de la structure sanitaire : les assistants sociaux et les médiateurs en lien avec des associations de PVVIH. Ces acteurs ont un rôle central dans l’accompagnement des enfants et adolescents vivant avec le VIH ; ce sont souvent eux qui connaissent le mieux l’histoire de la maladie des enfants et adolescents, qui les conseillent et tentent de renforcer leur adhésion au suivi médical.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IIDIBoxvgxw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Pour renforcer la motivation à prendre le traitement ARV, toujours aussi contraignant, ils rappellent fréquemment « qu’avec les ARV on peut vivre normalement, se marier et avoir des enfants […] ; on n’est pas obligé de dire que l’on est malade ». S’ils abordent ainsi de manière lapidaire la question de la sexualité, il est rare qu’ils développent ce sujet. Pour eux aussi, la sexualité n’est envisagée que dans le cadre matrimonial : ils promeuvent l’abstinence avant le mariage – qu’ils préconisent le plus tard possible – et suggèrent aux parents et aux adolescents de revenir « quand ce sera le moment ».</p>
<p>Cette attitude qui consiste à différer la réponse traduit les difficultés des acteurs de santé à proposer des solutions en adéquation à la fois avec leurs valeurs morales et avec les besoins des jeunes générations. Lorsque l’éventualité d’un mariage se précise, certains médiateurs proposent diverses stratégies pour informer le futur conjoint : réalisation d’un dépistage du VIH aux deux prétendants, puis annonce de la séropositivité avec mise en garde de menaces juridiques en cas de divulgation du diagnostic.</p>
<p>Dans certaines associations de PVVIH, des médiateurs jouent un rôle d’entremetteur en facilitant l’identification d’un conjoint parmi les membres VIH+ de l’association, favorisant ainsi une sorte d’endogamie sérologique qui garantira la préservation du secret autour de la maladie.</p>
<p>En dehors des grands centres urbains, les adolescents ont un accès très limité, voire inexistant, aux informations sur la sexualité et aux moyens contraceptifs. Le nombre élevé de grossesses chez des adolescentes est la conséquence des difficultés de prise en compte des besoins de cette classe d’âge.</p>
<p>Les adolescents vivant avec le VIH sont confrontés au silence imposé sur la maladie et au déni de leur sexualité. Une approche individualisée, centrée sur leurs besoins, devrait être promue, notamment à travers un accès confidentiel aux contraceptifs. Cette approche pourrait être portée par les associations de PVVIH, dont le développement des compétences permettrait d’accompagner les adolescents dans cette étape cruciale de leur vie.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est issu de l’étude « L’échec thérapeutique chez les enfants et adolescents vivant avec le VIH en contexte décentralisé au Sénégal, approche anthropologique » (ETEA-VIH, ANRS 12421) réalisée par l’équipe de recherche : Alioune Diagne, Halimatou Diallo, Maimouna Diop, Seynabou Diop, Fatoumata Hane, Ndeye Ngone Have, Oumou Kantom Fall, Ndeye Bineta Ndiaye Coulibaly, Gabrièle Laborde-Balen, Khoudia Sow, Bernard Taverne</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Au Sénégal, une étude anthropologique analyse les contraintes sociales auxquelles sont confrontés les adolescents vivant avec le VIH au moment de leur entrée dans la sexualité.
Maimouna Diop, Doctorante en santé communautaire, Université de Bambey (Sénégal), assistante de recherche au Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann -- CRCF, CHNU Fann, Dakar (Sénégal), Université Alioune Diop de Bambey
Bernard Taverne, Anthropologue, médecin, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Gabriele Laborde-Balen, Anthropologue, Centre Régional de Recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), Institut de recherche pour le développement (IRD)
Khoudia Sow, Chercheuse en anthropologie de la santé (CRCF)/TransVIHMI, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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2022-01-13T13:58:23Z
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Un peu d’or dans vos bijoux de famille : les nanotechnologies au service de la contraception masculine
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440073/original/file-20220110-23-fkyevh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C9500%2C5800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le réchauffement des testicules à l’aide de nanotubes affecte la production de sperme.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Alors que les femmes ont accès à plusieurs méthodes de contraception, les hommes n’ont que deux moyens à leur disposition, le préservatif et la vasectomie. Tout comme l’abstinence, ils comportent leur lot d’inconvénients.</p>
<p>Les préservatifs peuvent se déchirer, et <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0536.1989.tb03173.x">certains hommes sont allergiques au latex couramment utilisé</a>. Quant à la vasectomie, cette chirurgie parfois <a href="https://www.ajandrology.com/article.asp?issn=1008-682X;year=2016;volume=18;issue=3;spage=332;epage=337;aulast=Tan">douloureuse</a> est <a href="https://www.ajandrology.com/article.asp?issn=1008-682X;year=2016;volume=18;issue=3;spage=365;epage=371;aulast=Patel">habituellement irréversible</a>.</p>
<p>La recherche se poursuit donc, et l’une des méthodes à l’étude est la <a href="https://www.nature.com/articles/nmat3701">« nanocontraception »</a>.</p>
<h2>Comme un interrupteur</h2>
<p>Le processus par lequel le testicule produit des spermatozoïdes est <a href="https://rep.bioscientifica.com/view/journals/rep/114/2/jrf_114_2_001.xml">très sensible à la chaleur</a>. C’est pourquoi, chez les mammifères, les glandes génitales sont habituellement situées dans un sac à l’extérieur du corps, le scrotum, qui assure leur maintien à une température optimale, légèrement inférieure à celle du reste du corps.</p>
<p>La nanocontraception consiste à activer ou de désactiver la glande génitale à volonté, un peu comme un interrupteur. On y parvient en implantant dans le testicule des nanoparticules d’un diamètre d’environ 100 nanomètres — un millième de l’épaisseur d’un cheveu humain — que l’on échauffe ensuite par effet magnétique ou photothermique.</p>
<p>En pratique, toutefois, l’exercice est plutôt délicat : trop de chaleur peut détruire les tissus produisant les spermatozoïdes de manière irréversible.</p>
<h2>De l’or et du fer</h2>
<p>En 2013, le biologiste Fei Sun et son équipe de recherche multidisciplinaire ont réalisé les premières expériences de nanocontraception sur des souris. Ils ont d’abord <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/nl400536d">injecté des nanoparticules directement dans les testicules</a>. Il s’agissait de nanotubes d’or — long de 120 atomes et larges de 30 atomes — recouverts de quelques chaînes de polymère qui leur donnait l’aspect de bactéries oblongues hérissées de poils.</p>
<p>Dans un deuxième temps, ils ont soumis les testicules aux infrarouges, ce qui permettait de hausser la température des nanotubes de 30 °C à un niveau entre 37 et 45 °C — une variation qui dépendait de la concentration des nanoparticules et de l’intensité du rayonnement.</p>
<p>Malheureusement, les radiations ont provoqué des brûlures. Même s’il n’existait aucun moyen fiable de mesurer le niveau de douleur, l’équipe a préféré repartir sur de nouvelles bases.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une main portant un gant en latex tient une souris de laboratoire blanche" src="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des chercheurs ont expérimenté sur des souris les méthodes de contraception utilisant les nanotechnologies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>En juillet 2021, l’équipe de Fei Sun a publié un <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.nanolett.1c02181">article sur ses dernières avancées</a>. Les nouveaux nanotubes sont similaires précédents, sauf qu’ils se composent plutôt d’oxyde de fer, doté de propriétés magnétiques, et ils sont recouverts d’acide citrique plutôt que d’éthylène glycol.</p>
<p>Ces nanoparticules magnétiques sont simplement injectées dans le système sanguin puis l’animal est anesthésié. À raison de quatre heures pendant un à quatre jours, les nanotubes sont attirés vers les testicules à l’aide d’un aimant placé près du scrotum.</p>
<p>Après quoi, le scrotum est enroulé dans du fil électrique. Mis sous tension, le fil induit alors un champ magnétique qui échauffe les nanotubes.</p>
<p>Cette méthode a permis de produire des écarts de température similaires au précédent procédé, entre 37 et 42 °C — la variation dépend de la quantité injectée.</p>
<p>Les testicules, ainsi réchauffés, se sont atrophiés et leur fertilité a diminué sept jours après le traitement — jusqu’à les rendre complètement inféconds pour certains. Après arrêt du traitement, les testicules ont repris leur forme et leur fonction normale en 30 à 60 jours.</p>
<p>Même si la fertilité n’est pas revenue au niveau antérieur, la qualité des spermatozoïdes ne semble pas avoir été affectée. Chez les femelles fécondées, les chercheurs n’ont constaté aucune différence dans la taille des portées ni d’infirmités chez leur progéniture.</p>
<p>Enfin, Fei Sun et ses collègues ont constaté que ce procédé réduit le risque de toxicité à long terme. Alors que les nanotubes d’or étaient logés indéfiniment dans les testicules, ceux à base de fer sont progressivement décomposés par le foie et la rate avant d’être éliminés par l’organisme.</p>
<h2>La reproduction contrôlée</h2>
<p>Les premières applications de la nanocontraception touchent les animaux de compagnie, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1098612X15594994">comme alternative à la castration chirurgicale, qui est coûteuse et irréversible</a>. aLa nanocontraception serait déjà utilisée sur des chats en Chine, selon Fei Sun.</p>
<p>Cette méthode a davantage de chance de trouver preneur en Europe, où la castration chirurgicale est moins répandue, qu’en Amérique du Nord, prévoit David Powell, directeur du <a href="https://www.aza.org/reproductive-management-center/">Centre de gestion de la reproduction</a> de l’Association des zoos et aquariums à Saint-Louis, dans le Missouri.</p>
<p>Le marché animal est somme toute limité, explique-t-il, en l’absence de débouché du côté de l’élevage. « L’industrie agricole fait très peu de recherche sur la contraception animale, car le bétail et les moutons sont élevés pour la consommation et l’abattage. »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un lion et un lionceau" src="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une méthode de contraception viable pour les animaux peut être un outil précieux pour les programmes de conservation et de reproduction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>« Et comme en plus les zoos représentent un très petit marché, les entreprises pharmaceutiques ne sont donc pas très motivées pour fabriquer des contraceptifs pour animaux », dit David Powell. Tout de même, certaines le font, et le Centre de gestion de la reproduction recueille des données pour évaluer l’efficacité des contraceptifs sur différentes espèces.</p>
<p>La nanocontraception par nanotubes ferreux pourrait un jour faire partie de la panoplie des outils de reproduction des zoos. Mais, prévient David Powell, il faudra d’abord établir si elle est douloureuse, et chez quelles espèces il y aurait contrindication. <a href="https://bioone.org/journals/journal-of-zoo-and-wildlife-medicine/volume-43/issue-3s/2011-0152.1/IRON-STORAGE-DISORDERS-IN-CAPTIVE-WILD-MAMMALS--THE-COMPARATIVE/10.1638/2011-0152.1.short">Le fer peut être toxique en grande quantité</a>. Or, selon les études, certains mammifères — rhinocéros, lémuriens et dauphins — n’élimineraient pas ce minéral de manière normale en captivité.</p>
<h2>Options réversibles</h2>
<p>La réversibilité serait le principal avantage potentiel de la nanocontraception : elle permettrait aux zoos, notamment, de programmer avec précision les événements de reproduction au cours du cycle de vie des animaux.</p>
<p>Mais la chose reste à étudier. Les souris des expériences de Fei Sun n’ont subi le traitement qu’une seule fois ; elles n’ont jamais été soumises à une seconde injection de nanoparticules après rétablissement des testicules.</p>
<p>L’objectif ultime du chercheur est la nanocontraception humaine, mais il admet en être encore loin. Mais outre que son niveau de toxicité chez l’humain n’est pas établi, il n’est pas acquis que les messieurs accepteraient de subir une anesthésie de quatre heures avant de se faire embobiner le scrotum dans du fil électrique.</p>
<p>Fei Sun, qui envisage d’administrer les nanotubes magnétiques par voie orale, devra aussi trouver autre chose qu’un aimant pour les faire migrer vers les glandes génitales.</p>
<p>Et même à cela, il reste encore à voir combien de mâles seront à l’aise avec l’idée de testicules rétrécis, même si ceux-ci retrouvent leur taille initiale avec le temps.</p>
<p>Il faudra donc s’en tenir aux capotes encore un temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174507/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeffrey Mo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Parmi les applications croissantes des nanotechnologies figure l’utilisation de nanotiges pour la contraception masculine. La technique a connu un certain succès chez les animaux.
Jeffrey Mo, Global Journalism Fellow, Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163689
2021-07-15T20:15:27Z
2021-07-15T20:15:27Z
Le déclin de la fertilité : une charge inégalement partagée entre hommes et femmes
<p>L’âge de 35 ans est souvent avancé par le corps médical comme un cap à partir duquel il devient plus difficile pour les femmes d’avoir un enfant. Dans le contexte actuel où les naissances surviennent de plus en plus tard, de récentes publications dans la presse (<a href="http://www.slate.fr/story/194340/idee-recue-enceinte-grossesse-apres-35-ans-complique-faux-baisse-fertilite-risques">Slate</a>, <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/apr/10/fertility-cliff-age-35-week-in-patriarchy">The Guardian</a> ou encore <a href="https://www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/fertilite-le-mythe-de-la-date-de-peremption-a-35-ans-20210417_GIXSYE7ECVC6HO4EIKPKJMQRHM/">Libération</a>), ont pointé du doigt la pression que fait peser l’existence d’un tel discours sur les femmes, et questionnent sa légitimité. Le seuil des 35 ans découlerait en effet de données anciennes, et ne serait plus d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2684952/">actualité</a> pour la période contemporaine. La « bonne nouvelle » qu’ont ainsi relayée ces médias serait que, passé cet âge, les femmes pourraient en réalité attendre encore quelques années pour concevoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1383752384862593032"}"></div></p>
<p>Quel que soit le seuil avancé, le statut des hommes reste un impensé des problématiques relatives au déclin de la fertilité avec l’âge, ce qui n’est pas sans conséquence pour les femmes.</p>
<p>Cet article s’appuie sur une <a href="http://www.theses.fr/s204948">recherche de doctorat</a> portant sur le fait de devenir parent tardivement. Elle a notamment été menée à partir d’une enquête par entretiens auprès d’hommes et de femmes ayant eu ou envisageant d’avoir un premier enfant au-delà de 35 ans, et se fonde également sur l’analyse du traitement médiatique contemporain des parentalités tardives en France.</p>
<h2>La norme parentale aujourd’hui</h2>
<p>Auparavant, avoir un premier enfant constituait un attendu social, qui plus est fortement associé à l’institution du mariage. C’est moins le cas dans la période contemporaine, durant laquelle il est valorisé de se réaliser pendant un temps dans les études, l’emploi, les loisirs, ou dans une vie de couple sans enfant avant de songer à en avoir un.</p>
<p>Dans le même temps, constituer une famille demeure une norme relativement forte, notamment en France où les taux de fécondité sont parmi les plus élevés d’<a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/29504/569.population.societes.tous.pays.monde.2019.fr.pdf">Europe</a>. Toutefois, l’entrée en parentalité, parce qu’elle répondrait moins à des règles sociales que par le passé, relèverait davantage d’un choix personnel, ce que permet aussi l’accès à des moyens de contraception modernes. Dans les représentations collectives, les individus sont alors considérés comme responsables de leurs décisions en matière de procréation, en particulier lorsqu’ils remettent à plus (trop) tard l’arrivée d’un enfant.</p>
<p>Malgré tout, un certain encadrement de l’entrée en parentalité demeure, s’exerçant notamment par le biais d’<a href="https://www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_2005_num_23_3_1656">institutions médicales</a>. Face à l’arrivée plus tardive d’une première naissance et en raison du déclin de la fertilité avec l’âge, se diffuse un discours incitant à « ne pas trop attendre » pour constituer une famille. Ces mises en garde, principalement portées par le corps médical, sont souvent relayées dans les médias et aussi largement intériorisées par les individus.</p>
<p>Du point de vue des professionnel·le·s de santé, le fait de brandir le seuil de 35 ans comme un âge fatidique à partir duquel il est difficile d’avoir un enfant peut relever d’une volonté d’information, afin de guider les choix procréatifs. Néanmoins, un tel seuil basé sur des critères biologiques participe aussi à figer des différences entre hommes et femmes, en assignant ces dernières à des impératifs corporels et en affirmant une injonction plus forte à la maternité qu’à la paternité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sur le plateau de TV5 Monde, l’autrice Myriam Levain interroge la pression de l’« horloge biologique » qui pèse sur les femmes sans enfant dès 30 ans.</span></figcaption>
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<h2>Avoir un enfant avant qu’il ne soit « trop tard »</h2>
<p>Les messages invitant à « se presser » pour avoir un enfant font surtout référence aux capacités reproductives des femmes, et s’adressent donc principalement à ces dernières. D’ailleurs, parmi les personnes que j’ai interviewées, l’idée selon laquelle les hommes n’auraient « pas d’horloge biologique » était souvent formulée.</p>
<p>Il est vrai que les hommes peuvent concevoir à des âges plus tardifs que les femmes. Pourtant, leur <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00345-006-0130-y">fertilité</a> décline aussi avec l’âge. Dans le cadre d’une prise en charge en AMP (assistance médicale à la procréation), les causes de l’infertilité des couples, lorsqu’elles sont connues, sont autant masculines que féminines. En effet, si la réserve ovarienne et la qualité ovocytaire des femmes diminuent avec l’âge, il en est de même de la qualité des spermatozoïdes pour les hommes.</p>
<p>D’<a href="http://www.ijwhr.net/pdf/pdf_IJWHR_177.pdf">autres facteurs</a> (par exemple environnementaux, liés à la santé ou au déclin du désir sexuel) jouent aussi sur la baisse de la fertilité, pour les hommes comme pour les femmes. Le déclin des capacités reproductives est toutefois mieux connu, car plus étudié, concernant la fertilité féminine que masculine, ce qui participe à nourrir l’idée selon laquelle la vie reproductive des hommes serait largement plus étendue que celle des femmes, voire illimitée.</p>
<p>Ces éléments peuvent aussi être resitués par rapport à l’organisation sociale plus générale de la vie reproductive des femmes, de la ménarche (c’est-à-dire les premières menstruations) à la ménopause, en passant par la prescription de la contraception. L’<a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/27050/549_ang_population.societes.novembre2017.contraception.fr.pdf">offre contraceptive</a> comporte en effet une diversité de moyens féminins et relativement peu de moyens masculins, les plus prescrits par les médecins étant aussi plus souvent des méthodes féminines.</p>
<h2>Des hommes relativement dispensés de la charge reproductive</h2>
<p>Les hommes, quant à eux, ne sont que rarement patients de la <a href="http://dicopolhis.univ-lemans.fr/fr/dictionnaire/a/andrologie.html">médecine reproductive</a>. Ils ne le deviennent éventuellement que dans le cadre d’un recours à l’AMP au côté de leur conjointe. Celle-ci reste, même dans ce cadre, principalement en charge de la gestion des traitements de l’infécondité. De plus, tandis que la ménopause touche toutes les femmes, l’<a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02531775">andropause</a> n’est pas forcément considérée comme concernant tous les hommes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Xs5p0QdpuSg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les discours médicaux incitant à se presser pour concevoir passent ainsi principalement des professionnel·le·s de santé aux femmes (notamment dans le cadre de consultations). À elles ensuite d’impliquer leur conjoint dans ces problématiques, alors même que ce dernier peut, pour sa part, avoir l’impression d’avoir « encore le temps ».</p>
<p>Ainsi, dans la continuité d’une charge contraceptive faisant peser sur les femmes la responsabilité d’éviter une naissance au sein des relations hétérosexuelles, vient s’inscrire une charge – toujours féminine – relative à l’anticipation du déclin de la fertilité dans le cas où il serait envisagé d’avoir un enfant. Autrement dit, après avoir assumé le principal de l’évitement d’une grossesse non désirée, il s’agit d’« être prête » à avoir un enfant, c’est-à-dire de réunir toutes les « bonnes conditions » à la constitution d’une famille (dans l’emploi, dans la vie de couple) avant qu’il ne soit trop difficile de concevoir. Si les hommes peuvent également ressentir une pression à concevoir avant un âge trop tardif (ne pas vouloir être « trop vieux » pour s’occuper d’un enfant en bas âge par exemple), celle-ci fait moins référence à une fatalité biologique relative aux capacités reproductives que pour les femmes, laissant planer l’idée qu’il est toujours possible d’éventuellement devenir père.</p>
<p>Finalement, que l’on fixe un âge fatidique à 35, 37 ou 40 ans, qu’importe. Dans la mesure où l’infertilité liée à l’âge a été construite comme un sujet principalement féminin, elle épargne les hommes de ces préoccupations alors même qu’elles les concernent aussi. Il s’agirait alors de revoir la façon de penser la part que ces derniers jouent dans le processus menant les couples hétérosexuels à reporter une première naissance de plus en plus tard, en les impliquant davantage dans les problématiques relatives à la procréation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Caroline Compans a bénéficié du soutien financier de l'Ined et d'une aide de l'Etat français gérée par l'Agence Nationale de Recherche, au titre du programme "Investissements d'avenir" portant la référence ANR-10-LABEX-0089-01. Elle a aussi été en partie financée par l'Austrian Science Fund (sur le projet FWF P31171-G29, "Later fertility in Europe"). </span></em></p>
Le seuil des « 35 ans », comme âge à partir duquel la fertilité chute, associe les femmes à des impératifs corporels et participe à une injonction plus forte à la maternité qu’à la paternité.
Marie-Caroline Compans, Docteure en démographie, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/159082
2021-04-29T19:36:40Z
2021-04-29T19:36:40Z
Vaccin, pilule et thromboses : la balance bénéfices/risques est aussi politique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396490/original/file-20210422-15-1ggzpkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cellules sanguines (hématies)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/sang-plasma-sanguin-globules-rouges-75302/">Gerd Altmann de Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 mars dernier, une annonce du président de la République a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Alors que la campagne de vaccination en France peinait à atteindre ses objectifs, Emmanuel Macron décidait de suspendre l’utilisation de l’AstraZeneca, dernier vaccin autorisé.</p>
<p>La France s’alignait alors sur les décisions de certains de ses homologues européens. Après le Danemark, la Norvège ou l’Autriche, l’Allemagne <a href="https://www.pei.de/SharedDocs/FAQs/EN/coronavirus/suspension-astrazeneca/1-coronavirus-astrazeneca-why-vaccination-suspended.html">avait décidé de suspendre l’autorisation de ce vaccin</a> : l’Institut Paul Ehrlich, agence fédérale de régulation des médicaments et vaccins allemands, rapportait en effet qu’une forme cérébrale grave et très rare de thrombose veineuse avait été déclarée par 7 personnes de moins de 50 ans, après injection.</p>
<p>Quelques jours plus tard, soit le 18 mars, le Comité pour l’Évaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance de l’Agence européenne du Médicament (AEM) <a href="https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-astrazeneca-benefits-still-outweigh-risks-despite-possible-link-rare-blood-clots">rendait son avis</a> : « l’efficacité prouvée du vaccin à prévenir l’hospitalisation et le décès des patients atteints de Covid-19 dépasse largement le risque très faible de faire une thrombose des sinus veineux cérébraux ou une coagulation intravasculaire disséminée ».</p>
<p>Le lendemain, le gouvernement français a décidé de reprendre la vaccination avec AstraZeneca, en limitant le recours au vaccin aux personnes âgées de plus de 55 ans. Mais la suspension a été l’occasion pour des associations de patientes comme l’<a href="http://avep-asso.org/">AVEP</a> (Association de victimes d’embolie pulmonaire et d’AVC), ou son homologue allemand <a href="https://www.risiko-pille.de">Risiko Pille</a>, d’interroger ce qu’elles dénoncent comme une <a href="http://avep-asso.org/communique-de-presse-vaccin-astrazeneca-pilule-et-thromboses-deux-poids-deux-mesures">dissymétrie de traitement politique</a> du risque de thrombose.</p>
<p>En clair, comment expliquer qu’un risque estimé chaque année à 1 cas sur 2 500, <a href="https://presse.inserm.fr/un-risque-de-thrombose-accru-avec-la-vaccination-vraiment/42551/">pour des femmes sous pilule contraceptive de 3ᵉ ou 4ᵉ génération</a>, soit aussi peu visible et reconnu ? Et ce, quand dans le même temps, un risque évalué à 6 cas pour un million de <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/point-de-situation-sur-la-surveillance-des-vaccins-contre-la-covid-19-periode-du-19-03-2021-au-25-03-2021">personnes vaccinées</a> fait l’objet d’autant d’attention…</p>
<h2>Des conséquences et origines multiples</h2>
<p>Les thromboses veineuses sont une catégorie médicale très hétérogène et relativement fréquente. Le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27126645/">spectre de leurs conséquences cliniques</a> est très étendu, allant de phlébites superficielles et aux effets mineurs jusqu’au décès par embolie pulmonaire, en passant par des syndromes post-thrombotiques très invalidants.</p>
<p>Ces accidents peuvent survenir à la suite d’interventions chirurgicales, de situations d’immobilisation prolongées, ou encore pendant une grossesse. Mais les thromboses sont aussi associées à la prise de différents médicaments, et notamment des pilules contraceptives. Or voilà neuf ans, le sur-risque de thrombose associé aux pilules de 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> génération a fait polémique, lors de la médiatisation du cas d’une jeune femme.</p>
<p>En 2006, âgée de 18 ans, Marion Larat a en effet été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) dont elle a gardé de graves séquelles. Lorsqu’elle découvre, quelques années plus tard, que cet AVC a probablement été déclenché par sa contraception avec une pilule de 3<sup>e</sup> génération, la jeune femme décide de poursuivre pénalement le fabricant, Bayer, mais aussi l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) qui a autorisé sa mise sur le marché.</p>
<p>Cette plainte va inaugurer une période d’<a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2012/12/14/alerte-sur-la-pilule-de-3e-et-4e-generation_1806520_1651302.html">interrogations sur les effets indésirables de la pilule</a>, à laquelle vont prendre part d’autres acteurs comme l’AVEP, et déclencher ce que d’aucuns ont qualifié de <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2014-5-page-1.htm">« crise de la pilule »</a>.</p>
<h2>Le vaccin, en situation d’urgence</h2>
<p>Les controverses autour du risque de thrombose associé soit aux pilules, soit au vaccin AstraZeneca arrivent à des étapes différentes du processus de diffusion de ces produits.</p>
<p>Dans le cas du vaccin, à la faveur d’une urgence sociale forte, c’est l’autorisation conditionnelle de mise sur le marché qui a été utilisée. Les exigences sont moindres dans cette procédure accélérée et simplifiée. Mais l’utilisation est conditionnée à un dispositif de pharmacovigilance renforcé, pour préciser l’évaluation bénéfices/risques.</p>
<p>Ainsi, les cas de thromboses après injection d’AstraZeneca, bien que très rares, ont été repérés par les cliniciens en raison de leur tableau clinique particulier. Non seulement les thromboses sont localisées dans des régions anatomiques inhabituelles, mais leur association avec une pénurie de plaquettes complique fortement leur prise en charge.</p>
<p>En pratique, la décision de l’AEM du 18 mars a eu pour conséquence l’insertion d’un nouvel item dans la notice d’information du vaccin, rendue publique le 19 mars 2021. Ce dernier précise l’existence, dans de très rares cas, d’une association entre vaccin et thrombose, principalement chez des femmes âgées de moins de 55 ans. Il invite les professionnels de santé à être attentifs aux signes et aux symptômes de thromboembolie, mais aussi à informer les personnes vaccinées en leur recommandant de consulter aux premiers signes alarmants.</p>
<h2>Les pilules, une mise sur le marché ancienne</h2>
<p>La situation est différente pour les pilules œstroprogestatives. Lorsque la crise des pilules de 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> générations éclate en 2012, ces médicaments contraceptifs ont, pour certains, obtenu leur AMM depuis plus de vingt ans (ces dates sont indiquées pour chaque produit dans le <a href="https://www.vidal.fr/medicaments.html">dictionnaire Vidal</a>).</p>
<p>Ces AMM ont été données par les autorités sanitaires en s’appuyant sur une évaluation globale de la balance entre les bénéfices et les risques et effets indésirables, qui a été jugée favorable. Mais comme pour tout médicament, la responsabilité de la prescription est laissée aux médecins : c’est à eux qu’il revient de réaliser une seconde évaluation de la balance entre les risques et les bénéfices, de manière individualisée et adaptée à chacun. La prescription est ainsi non recommandée pour les femmes fumeuses, diabétiques, ayant des antécédents familiaux de thrombose, des troubles hépatiques, ou encore ayant dépassé un certain âge.</p>
<p>Cette vision de la balance bénéfices/risques des pilules œstroprogestatives est <a href="https://www.ehess.fr/fr/soutenance/par-amour-femmes-pilule-contraceptive-en-france-gen%C3%A8se-dune-%C3%A9vidence-sociale-et-m%C3%A9dicale">promue dès la fin des années 1960 et le début des années 1970</a>. L’avortement est alors illégal et la contraception médicale est proposée par les médecins et militantes du Mouvement français pour le Planning familial comme une réponse à ce qu’ils considèrent être un fléau social, une catastrophe sanitaire, et un réel problème de santé publique, dans un pays où la principale méthode de contraception est le retrait.</p>
<h2>L’argument des grossesses et avortements risqués</h2>
<p>Dans ce contexte, les risques associés aux œstroprogestatifs <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03612759.2001.10525981">mis en évidence dès la fin des années 1960</a> par de vastes enquêtes épidémiologiques portant sur plusieurs dizaines de milliers de femmes, sont mis en balance avec les risques de grossesses non désirées. Mais ils sont également examinés en regard des risques d’avortement, et d’autant plus quand ces derniers sont réalisés dans de mauvaises conditions sanitaires.</p>
<p>L’existence de risques thromboemboliques élevés pendant la grossesse ou lors d’avortements est également pointée. Le risque de thromboses associé aux pilules est ainsi jugé faible au regard des bénéfices de ce moyen contraceptif, entendus à la fois sous l’angle du contrôle de la fécondité, mais aussi sous celui de la réduction des risques directs sur la santé des femmes que ce contrôle permet.</p>
<p>Ce faisant, le risque devient un événement indésirable présenté dans les notices de ces médicaments. Et il revient aux médecins d’identifier par un examen médical préalable les femmes « à risque », pour les écarter de la prescription. <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1972/01/17/le-ministere-de-la-sante-rappelle-qu-il-n-existe-aucune-preuve-de-la-nocivite-des-contraceptifs-oraux_2387488_1819218.html">Pour les experts</a> de l’époque, la pilule est sans risque si elle est <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/07/17/une-enquete-francaise-sur-les-effets-secondaires-de-la-pilule_2517853_1819218.html">prescrite dans la limite de ses contre-indications</a>.</p>
<h2>Des risques relativisés</h2>
<p>Cette évaluation de la « balance bénéfice/risque » des pilules œstroprogestatives fait l’objet de contestations régulières, au cours des années 1960 et au début des années 1980. Mais de façon systématique en France, lorsque les risques de la pilule sont évoqués, des experts et notamment certains gynécologues et endocrinologues <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/05/24/les-mefaits-imputes-a-la-pilule-contraceptive-sont-tres-exageres_2521449_1819218.html">se mobilisent dans les médias</a> pour les <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1978/04/05/des-risques-connus-et-acceptables_2970525_1819218.html">relativiser</a>, tout en réaffirmant la suprématie de la pilule comme moyen de contraception.</p>
<p>Une telle conception, <a href="https://www.ehess.fr/fr/soutenance/par-amour-femmes-pilule-contraceptive-en-france-gen%C3%A8se-dune-%C3%A9vidence-sociale-et-m%C3%A9dicale">que l’on peut qualifier de « pilulo-centrée »</a>, va se déployer largement auprès des femmes mais également auprès de nombreux médecins prescripteurs. La définition, par ces derniers, des balances bénéfices/risques individuelles lors des prescriptions de pilule s’en trouve fortement impactée : le risque thrombotique est insuffisamment pris en compte.</p>
<p>La crise de 2012 va néanmoins donner une <a href="http://theses.fr/2019SACLS532">visibilité médiatique nouvelle aux risques</a> liés à la pilule, tout en constituant un moment de cristallisation des revendications portées par les associations. Celles-ci déplorent alors, et aujourd’hui encore, des pratiques de prescription trop systématiques, sans recherche de spécificités individualisées : pour la plupart des femmes, faute d’informations suffisantes, le risque de thrombose est totalement invisible.</p>
<p>Cette crise est également l’occasion d’interroger le partage des risques de la contraception entre les partenaires : une politique contraceptive centrée sur la pilule s’accompagne d’une vision très genrée de la gestion de la fécondité, où la <a href="https://journals.openedition.org/rsa/2083">responsabilité, la charge mentale et les risques reposent uniquement sur les femmes</a>.</p>
<p>Enfin, la crise réouvre le débat sur la position dominante de l’institution médicale dans les choix contraceptifs et la gestion de la fécondité. La formation et les pratiques pilulo-centrées conditionnent le choix contraceptif réellement offert aux femmes et aux hommes, en laissant peu de place à leurs préférences individuelles ou à leurs modes de vie.</p>
<h2>Un calcul tributaire d’un contexte social</h2>
<p>L’histoire de la pilule contraceptive le montre : la balance bénéfices/risques de produits de santé massivement prescrits, sur des populations de personnes non malades, et dont les bénéfices associent des dimensions individuelles et des dimensions collectives de santé publique, n’a rien d’un calcul mathématique simple.</p>
<p>Bien entendu, on ne peut la déterminer qu’en fonction des savoirs sur les effets recherchés ou indésirables du produit. Mais elle dépend également du contexte social dans lequel ce produit est amené à prendre place, des fonctions qu’il y est appelé à remplir (maîtrise de la fécondité, protection immunitaire contre un virus) et partant, de la façon dont ces fonctions sont définies.</p>
<p>Notons toutefois qu’après avoir été évaluée dans le cadre de normes administratives (l’AMM, la décision de remboursement par l’assurance maladie, etc.), puis déclinée dans la routine de pratiques médicales de masse, la balance bénéfices/risques en vient à perdre sa dimension de construction sociale. Elle se mue alors en un indicateur de valeur fixe, qui serait strictement et scientifiquement objectivée. Et <a href="https://www.liberation.fr/checknews/comment-evalue-t-on-la-balance-benefice-risque-dun-vaccin-20210420_2QFLTDMNBJCMRN6QHNXUBBU6KY/">dans les discours experts médiatisés</a>, elle devient simplement « positive » ou « négative ».</p>
<p>Rappelons par ailleurs que l’acceptabilité sociale des risques liés aux médicaments et l’appréciation de leurs bénéfices ne sont pas des données intangibles – comme nous l’a récemment rappelé la couverture médiatique des revendications portées par des associations de victimes de thromboses liées à la pilule.</p>
<p>Au-delà de leurs dimensions médicales et de santé publique, notons enfin que les balances bénéfices/risques reflètent aussi des arbitrages politiques entre divers <a href="http://theses.fr/2019SACLS532">groupes d’acteurs aux intérêts divergents</a>. Ces arbitrages conduisent à donner plus ou moins de visibilité aux risques d’un produit ou d’un dispositif médical, en fonction des contextes géographiques ou historiques dans lesquels les rapports de pouvoir entre ces acteurs s’expriment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159082/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Bourgain a reçu des financements de l'ANR, l'INCa, l'Agence de la biomédecine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandra Roux est financée par l'Inserm (France) et par l'Université Sorbonne Paris Nord (France). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mauro Turrini a reçu des financements de l'Institut d'Études Avancées (IEA) de Nantes et de la Comunidad de Madrid</span></em></p>
Les pilules de 3ᵉ et 4ᵉ génération sont plus encore que le vaccin AstraZeneca liées à un risque de thrombose. Mais leur autorisation de mise sur le marché s’est opérée dans un autre contexte social…
Catherine Bourgain, Généticienne et sociologue des sciences. Directrice de recherche à l'Inserm. Directrice du Cermes3 (CNRS, EHESS, INSERM, Université de PARIS), Inserm
Alexandra Roux, Docteure en sociologie, post-doctorante à l'Iris, chercheuse associée au Cermes3, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)
Mauro Turrini, Postdoctoral research fellow, Centro de Ciencias Humanas y Sociales (CCHS - CSIC)
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tag:theconversation.com,2011:article/152802
2021-01-24T17:23:43Z
2021-01-24T17:23:43Z
Alimentation : comment consommer du soja sans risques pour la santé
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378111/original/file-20210111-21-kpj2a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Graines de soja</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/soja-haricots-alimentaire-c%C3%A9r%C3%A9ales-182295/">© Jing / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Riche en protéines, en fibres et en acides gras oméga-6 et oméga-3, le soja est une légumineuse de grand intérêt nutritionnel. </p>
<p>Mais pour tirer parti des nutriments de cette plante, il faut limiter les risques pour la santé de certains de ses composés, notamment ceux du aux <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=13">phytoestrogènes</a>, des analogues d’hormones sexuelles féminines.</p>
<h2>Comestible après cuisson</h2>
<p>Pour résister à ses prédateurs herbivores, le soja a développé tout un arsenal de composés antinutritionnels (interférant avec l’absorption des nutriments), voire toxiques. Résultat : il n’est du reste que très peu attaqué par les rongeurs lors de son stockage, mais ces molécules ont réduit son intérêt à l’état cru : .</p>
<p>En Chine, où le soja est utilisé depuis au moins 4 000 ans dans les rotations des cultures, pour enrichir les sols en azote, on a cherché à le consommer en s’appuyant sur divers procédés – dont la cuisson et le trempage.</p>
<p>La chaleur de la cuisson détruit ou désactive en effet les inhibiteurs des protéases (qui réduisent la digestibilité des protéines), les hémagglutinines (qui font coaguler le sang), les lipoxygénases (qui oxydent les acides gras polyinsaturés), les saponines (qui altèrent les membranes cellulaires), les tannins (qui freinent l’absorption des minéraux et la digestion des protéines), etc.</p>
<p>Reste deux problèmes : celui des allergènes du soja (comme la <a href="https://biochim-agro.univ-lille.fr/proteines/co/ch2_II_b.html">glycinine</a> ou la β-conglycinine), et celui des <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=16">isoflavones</a> – des substances que l’on classe parmi les phytoestrogènes. Le premier n’a pas vraiment de parade. Mais le second peut-être résolu <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02458900/document">par le trempage et la cuisson prolongée des recettes asiatiques traditionnelles</a> – les isoflavones, solubles dans l’eau, sont ainsi éliminées pour une grande part. </p>
<p>En revanche, les procédés de transformation utilisés par l’industrie agroalimentaire depuis les années 1960, qui réduisent parfois la cuisson à quelques dizaines de secondes sous un jet de vapeur, n’éliminent pas les isoflavones. Or, celles-ci ont une activité biologique.</p>
<h2>Des composés qui perturbent la fertilité</h2>
<p>L’activité hormonale des isoflavones présentes dans le soja est avérée depuis les années 1940 en Australie. Ainsi des brebis que l’on faisait paître sur des champs de trèfle rouge ou souterrain (riches en isoflavones) <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21028682/">développaient un syndrome d’infertilité</a>. Le phénomène était spectaculaire. En l’espace de trois à quatre saisons sur ces pâtures, la fertilité des animaux s’effondrait. Il fut alors mis fin à un nombre important d’élevages. </p>
<p>Il fallut attendre la fin des années 1950 pour que des études vétérinaires expliquent enfin le syndrome des brebis : les isoflavones perturbent plusieurs mécanismes endocriniens, et notamment la sécrétion de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_folliculo-stimulante">FSH</a> et de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_lut%C3%A9inisante">LH</a>, des hormones de l’hypophyse contrôlant la reproduction.</p>
<p>Dans les années 1990, l’impact chez l’être humain finit par être envisagé. À l’époque, on considèrait les effets du soja sous un angle positif, en imaginant qu’il pourrait limiter la sécrétion d’estradiol et peut-être réduire le risque de cancer du sein. On a alors constaté, sur un petit nombre de jeunes femmes britanniques, que la consommation quotidienne de 60 g de soja (soit 45 mg d’isoflavones pendant un mois) peut allonger le cycle menstruel de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8074062/">28 à 30 jours en réduisant la production de FSH et LH</a>.</p>
<p>Quelques années plus tard, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11216491/">étude d’intervention menée avec 40 jeunes étudiantes japonaises</a> aboutit à des conclusions similaires : une consommation quotidienne de 20 à 40 mg d’isoflavones s’est traduite par des cycles menstruels plus irréguliers et plus longs que ceux des femmes occidentales (30 jours versus 28). En ajoutant à leur alimentation du jus de soja contenant 50 mg d’isoflavones, ledit cycle pouvait atteindre 32 jours.</p>
<p>Des travaux à mettre en perspective avec ceux d’une équipe américaine qui avait noté, dans les années 1970, que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/167146/">60 % des plantes traditionnellement utilisées en occident pour leurs vertus contraceptives sont riches en isoflavones</a>.</p>
<h2>Premières recommandations</h2>
<p>En 2005, répondant à une auto-saisine et à une saisine de la direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (aujourd’hui ANSES) se prononce sur la <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf">sécurité et les bénéfices des phytoestrogènes apportés par l’alimentation</a>.</p>
<p>Son rapport préconise de ne pas utiliser les formules infantiles à base de soja contenant de fortes quantités de phytoestrogènes. Il déconseille par ailleurs aux femmes enceintes, tout comme à celles ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers du sein, de consommer du soja. Enfin, il est demandé aux industriels d’indiquer les teneurs en isoflavones sur leurs produits, et recommandé de ne pas dépasser 1 mg/kg/jour.</p>
<p>Trois ans plus tard, le National Toxicology Program Américain, qui fait autorité au plan mondial, mettait en avant chez le rongeur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18685713/">toxicité de la génistéine</a>, principale isoflavone du soja, sur la reproduction. En soumettant quatre générations de rats à différentes doses de génistéine, cette étude révélait qu’une dose de 35 mg/kg/j provoquait des retards de croissance et l’apparition de malformations génitales chez les jeunes, tout en perturbant les cycles des femelles et en provoquant une baisse de la fertilité pour la deuxième génération exposée.</p>
<p>Problème : cette dose se traduit, chez les animaux, par des taux sanguins comparables à ceux d’un consommateur régulier de soja (deux portions quotidiennes d’aliments industriels à base de soja). Or en pratique, selon les règles qui permettent d’élaborer les <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBSTANCES2017SA0016Ra.pdf">limites à ne pas dépasser chez l’humain</a>), la valeur toxique de référence doit être cent fois moins élevée que la dose active chez le rongeur (35 mg/kg/jour) : on ne devrait donc pas consommer plus de 0,35 mg/kg/jour (un steak de soja pour un adulte de 60 kg, un demi pour un enfant de 30 kg).</p>
<h2>Qu’observe-t-on en population ?</h2>
<p>Aujourd’hui, il semble que dans les pays asiatiques industrialisés, la <a href="https://www.indexmundi.com/g/r.aspx?v=31">fertilité est malmenée</a>. Ces populations consomment depuis toujours du soja, mais suite à la généralisation des aliments transformés, elles sont exposées depuis deux générations, de façon régulière, à d’importantes quantités d’isoflavones. Le problème est que l’on ne dispose pas de populations témoins pour réellement relier l’exposition aux isoflavones aux problèmes de fertilité.</p>
<p>Pas moins de cinq études ont cependant révélé l’existence <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18650557/">d’une corrélation</a> entre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26423741/">fortes teneurs en isoflavones</a> des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21958682/">fluides biologiques</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23820060/">l’altération</a> de la quantité et de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31128434/">qualité du sperme chez l’homme</a>. Aucune ne permet d’exclure des effets synergiques entre les phytoestrogènes et d’autres perturbateurs endocriniens de l’environnement. Mais ces derniers étant présents partout, ces études restent pertinentes.</p>
<p>Côté femmes, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18396257/">trois cas cliniques de surconsommation de soja</a> ont été rapportés en 2008, avec des fibromes utérins, de l’endométriose, et pour celles qui étaient sous pilule contraceptive, un traitement perturbé. Tout est rentré dans l’ordre à l’arrêt du soja. Voilà sept ans, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24741329/">étude menée auprès de 11 688 Américaines</a> a montré qu’une consommation de 50 mg/jour d’isoflavones diminue la probabilité de donner naissance à un enfant. Des données <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26082480/">confortées l’année suivante</a> par le suivi d’un plus petit nombre de femmes. Il est alors observé un défaut de la phase lutéale, augmentant le risque de fausse couche, quand l’apport d’isoflavones s’accroit.</p>
<h2>Qu’en est-il des enfants ?</h2>
<p>S’agissant des enfants, et plus particulièrement des tout petits, on manque de données pour se prononcer. Si plusieurs équipes scientifiques se sont inquiétées des conséquences d’une alimentation à base de soja dans les premiers mois de vie, leurs résultats ne sont pas toujours probants.</p>
<p>Chez les petits garçons, il a par exemple été constaté une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19846109/">diminution du volume des testicules</a> après qu’ils aient été nourris par du lait à base de soja plutôt que par du lait maternel. Mais c’était aussi le cas à la suite d’une alimentation infantile à base de lait de vache.</p>
<p>Chez les petites filles, il a été noté un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21813368/">comportement de jeu</a> « moins féminin », mais aussi des différences dans la maturation des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29506126/">cellules vaginales et dans le volume utérin</a>. Enfin, trois études américaines font état de <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/34/1/148/5146638">règles plus douloureuses</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11497534/">plus longues</a> et anarchiques, mais aussi d’éventuels <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26565393/">fibromes de taille plus importante</a>, chez ces petites filles devenues femmes.</p>
<h2>Quelques conseils pour réduire les doses</h2>
<p>Si les plantes produisent des phytoestrogènes, c’est avant tout pour <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/62660/">limiter la reproduction de leurs prédateurs</a>. La présence dans l’alimentation humaine de ces composés, qui ressemblent à la principale hormone sexuelle féminine - l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Estradiol">estradiol</a>, n’est donc pas anodine.</p>
<p>Chez les jeunes femmes, les estrogènes sont utilisés à des fins contraceptives. Au moment de la ménopause, à condition que soit exclu tout risque de cancer du sein ou de l’utérus, ils permettent aussi de réduire les bouffées de chaleur et la perte osseuse. Toutefois, en pratique, ces hormones ou leurs analogues pharmaceutiques sont délivrés sur prescription médicale et ne sont pas laissés à la disposition de tous. Ce qui n’est pas le cas des phytoestrogènes…</p>
<p>Dans les faits, à travers une enquête de consommation conduite auprès de 270 femmes, et doublée de l’analyse des sources d’isoflavones dans l’offre alimentaire française, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31569435/">notre équipe a récemment conclu que 12 % des consommatrices de soja</a> avaient un apport d’isoflavones dépassant 50 mg par jour, et donc susceptible d’allonger la durée des cycles menstruels. Dans ces conditions, nous estimons qu’il est prudent de revenir aux préparations traditionnelles du soja, pour limiter les risques et profiter de ses bienfaits.</p>
<p>Concrètement, avant de consommer des graines de soja, il s’agit de les faire tremper dans une première eau, puis de les blanchir en commençant la cuisson dans de l’eau froide, et enfin de jeter cette deuxième eau. On le fait d’ailleurs, pour toutes sortes d’autres graines (haricots, pois chiches…).</p>
<p>À ce propos, notons que certains industriels de l’agroalimentaire proposent déjà des produits à teneur réduite en isoflavones, qui conservent de bonnes qualités nutritionnelles et gustatives. Et l’on ne peut qu’encourager la consommation de ces nouveaux aliments, qui permettent de s’affranchir des limites imposées aux autres préparations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine BENNETAU-PELISSERO a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine</span></em></p>
Parce qu’il renferme des composés homologues aux hormones sexuelles féminines, le soja ne doit pas être consommé à la légère. Mais à la juste dose, on peut tirer parti de tous ses bienfaits.
Catherine Bennetau-Pelissero, Professeur Physiologiste, endocrinologiste de la reproduction, pertubateurs endocrinien, nutrition, Université de Bordeaux
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tag:theconversation.com,2011:article/150044
2020-11-30T18:29:37Z
2020-11-30T18:29:37Z
Pourquoi fait-on plus d’enfants dans le nord de l’Europe que dans le sud ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369339/original/file-20201113-19-b4rg4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C27%2C5988%2C3980&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fécondité est en général élevée en Europe du Nord et faible en Europe du Sud. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/amour-amusement-bonheur-couple-2253879/">Emma Bauso/Pexels</a></span></figcaption></figure><p>En <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database">Europe</a>, les femmes mettent au monde 1,6 enfant en moyenne chacune. Cette moyenne cache cependant de grandes variations d’un pays à l’autre. Les Espagnoles, qui ont 1,26 enfant en moyenne, font partie des Européennes les moins fécondes, et les Françaises, avec 1,84 enfant, sont à l’opposé en tête du <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">classement</a>.</p>
<p>Comment la fécondité varie-t-elle en Europe ? À quoi tiennent les différences d’un pays à l’autre ?</p>
<h2>Forte fécondité en Europe du Nord, faible au Sud</h2>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">fécondité</a> est en général élevée en Europe du Nord et faible en Europe du Sud (figure 1). Ce contraste nord-sud était déjà présent il y a deux à trois décennies (figure 2), il semble donc peu lié à la conjoncture mais plutôt à des facteurs de fond. L’un des premiers est la politique familiale. Tous les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">pays</a> d’Europe en ont une, visant à aider les familles ayant des enfants au moyen d’allocations, de congés accordés aux parents après une naissance, et de services de garde d’enfants en bas-âge, pour leur permettre de travailler, notamment les mères.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Carte des variations de l’indicateur conjoncturel de fécondité en Europe (2018).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">Figure reprise de G. Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2. Indicateur conjoncturel de fécondité des 28 pays de l’Union européenne en 2000 et 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">Figure reprise de Gilles Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’investissement en <a href="http://www.oecd.org/fr/els/famille/basededonnees.htm#politiques">prestations et financements</a> divers varie cependant selon les pays, représentant autour de 1,5 % du PIB au total dans les pays du sud de l’Europe en 2015, et plus de deux fois plus, autour de 3,5 %, dans ceux du Nord.</p>
<p>Les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">dépenses</a> associées aux congés parentaux sont en particulier nettement plus importantes dans les pays du nord. Pas tellement en raison de la durée des congés, qui peuvent être longs dans les pays du sud, mais du fait de leur rémunération, nettement plus faible au sud qu’au nord. L’offre de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/657603/filename/LuciThevenon_INEDWP174.pdf">garde d’enfants</a> est également beaucoup plus développée au Nord, et la proportion d’enfants en bas-âge pris en charge par des services d’accueil formels, c’est-à-dire autrement que par la famille ou les proches, est nettement plus importante.</p>
<h2>Les pays nordiques seraient-ils natalistes ?</h2>
<p>Le soutien important apporté aux familles par les pays du Nord signifie-t-il que ceux-ci soient natalistes ? La politique familiale dans leur cas n’a pas pour objectif d’augmenter le nombre de naissances, mais plutôt de <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2014-6-page-1.htm">permettre</a> aux parents de pouvoir concilier le travail et la famille.</p>
<p>Ces pays cherchent en particulier à favoriser le travail des femmes. Les taux d’activité des femmes ont beau y être les plus élevés d’Europe, voire du monde, ils restent inférieurs à ceux des hommes. Et la politique de l’État vise à réduire ces écarts et à arriver à terme à l’égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail.</p>
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<figcaption><span class="caption">La situation des femmes en Suède.</span></figcaption>
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<p>Pour que les femmes aient plus d’enfants, l’idée était répandue il y a encore quelques décennies qu’il fallait qu’elles retournent à la maison. Or c’est dans les pays où les femmes travaillent le plus qu’elles ont le plus d’enfants. Les taux d’activité féminine sont ainsi les plus élevés au nord de l’Europe et les plus faibles au sud, et c’est au nord que les femmes ont le plus d’enfants, et non l’inverse.</p>
<h2>Les inégalités entre hommes et femmes : moins marquées au nord qu’au sud</h2>
<p>De façon plus générale, ce qui importe est le statut des femmes par rapport aux hommes. Il est plus défavorable au sud qu’au nord de l’Europe : les inégalités entre hommes et femmes y sont plus marquées, au travail, et aussi dans la sphère privée. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/657603/filename/LuciThevenon_INEDWP174.pdf">Les tâches</a> au sein du couple y sont par exemple moins bien partagées.</p>
<p>En l’absence de mode de garde tout au long de la journée, l’exercice d’un emploi par les deux parents est impossible, et un des parents doit s’arrêter de travailler. Les hommes n’envisagent pas de s’occuper de leur nouveau-né au-delà de quelques jours, et les <a href="https://wol.iza.org/articles/female-labor-force-participation-and-development/long">femmes</a> ne souhaitent pas d’une vie de mère au foyer comme leurs mères ou leurs grand-mères ; de plus les couples ont besoin de conserver deux revenus pour maintenir leur niveau de vie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Égalité hommes-femmes au travail, le modèle norvégien.</span></figcaption>
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<p>C’est vrai en Europe comme dans de nombreux pays ailleurs dans le monde. Les couples repoussent donc à plus tard l’arrivée d’un enfant s’il ne leur est pas possible de concilier travail et famille. À force de la reporter, une partie des couples finissent par renoncer à la naissance désirée.</p>
<p>Les politiques familiales des pays du nord de l’Europe n’ont pas pour objectif de soutenir la fécondité comme nous l’avons déjà mentionné. Leur fécondité relativement élevée est plutôt l’une des conséquences indirectes, non forcément souhaitée initialement, de politiques visant à promouvoir <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/j.1728-4457.2008.00246.x">l’égalité</a> entre les femmes et les hommes.</p>
<h2>En France, une politique familiale ancienne, héritière du natalisme historique du pays</h2>
<p>Au sein du gradient nord-sud de la fécondité, la France détonne : quoique située au Centre-Ouest de l’Europe, elle a la fécondité la plus élevée de la région et se rattache aux pays du nord de ce point de vue (voir carte plus haut). Autre ressemblance avec eux, sa <a href="http://www.oecd.org/fr/els/famille/basededonnees.htm#politiques">politique</a> familiale représente 3,7 % du PIB du pays en 2015, soit un taux relativement élevé comme dans les pays du Nord.</p>
<p>La politique familiale française est l’héritière des politiques natalistes mises en place il y a plus d’un siècle pour tenter d’enrayer les <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2005-2-page-228.htm">tendances démographiques</a> de l’époque jugées néfastes. La population a en effet augmenté moins rapidement que celle des pays voisins au cours du XIX<sup>e</sup> siècle et du début du XX<sup>e</sup>, elle a même diminué avec les pertes militaires de la Première Guerre mondiale. Il en a résulté des mesures natalistes au sortir de la guerre, comme l’interdiction de <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/etudes-enquetes-historiques/gouverner-les-moeurs/">l’avortement</a> et la limitation de la contraception, l’information à son propos étant en particulier défendue.</p>
<p>La politique familiale mise en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale s’est délestée progressivement des mesures les plus natalistes, avec notamment la libération de la contraception et de l’avortement dans les années 1960 et 1970.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simone Veil présente la loi IVG à l’Assemblée Nationale (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>Régulièrement adaptée depuis, la politique familiale a cherché depuis quelques décennies à promouvoir l’activité des femmes et la <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">conciliation</a> entre l’emploi et la famille comme dans les pays du Nord. Elle est aussi devenue pour l’État un instrument de lutte contre la pauvreté, avec la création d’aides ciblées en direction des familles les plus défavorisées, notamment les familles monoparentales, se rapprochant de ce point de vue des politiques familiales des <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">pays anglo-saxons</a> (Royaume-Uni, Irlande).</p>
<p>Faut-il attribuer à la politique familiale de la France sa première place en Europe en matière de fécondité ? Il y a sans doute un lien entre les deux, mais sans qu’il soit possible de quantifier l’effet précis de chaque dispositif particulier, tant la politique familiale française est complexe, avec un ensemble de <a href="https://www.cairn.info/journal-informations-sociales-2014-3-page-50.htm">mesures diverses</a> aux objectifs variés interagissant les unes avec les autres.</p>
<p>L’influence de la politique familiale française est sans doute la plus visible quand survient une crise, car elle peut alors jouer un rôle d’amortisseur.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 3. Évolution de l’indicateur conjoncturel de fécondité depuis 2000 dans une sélection de pays européens et aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1">Figure adaptée de Gilles Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La crise financière de 2007-2008 et la baisse de fécondité qui a suivi</h2>
<p>La fécondité est restée relativement élevée dans les pays du nord de l’Europe tout au long des trois dernières décennies, mais l’indicateur de fécondité a cependant fluctué. Il était à la hausse au début des années 2000, la tendance s’inversant ensuite et <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19122/454.fr.pdf">l’indicateur</a> diminuant fortement après 2008 (figure 3). Ce renversement est lié à la crise financière de 2007-2008.</p>
<p>La récession économique et la montée du chômage que la crise a entraînées ont en effet rendu le futur plus incertain. Une partie des couples ont reporté leur projet de fécondité en attendant des jours meilleurs.</p>
<p>La France n’a pas été épargnée par ce retournement, mais la baisse y a été plus modeste qu’ailleurs. Aux États-Unis, l’indicateur de fécondité atteignait 2,12 enfants par femme au début de la crise, en 2007, et il a reculé à 1,73 enfant en 2018 (soit une baisse de 23 %) (figure 3). En Norvège, il a reculé de 1,96 en 2008 à 1,56 en 2018 (une baisse de 26 %). La France, sans faire exception, a connu une <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19122/454.fr.pdf">baisse</a> bien plus modeste (moins 8 % entre 2008 et 2018). Et les fluctuations de l’indicateur y ont été moins heurtées (figure 3). Sans doute un résultat des politiques sociales et familiales qui ont amorti le choc de la crise et les effets du chômage.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NzeBpRipBWs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Natalité : la France toujours championne ?</span></figcaption>
</figure>
<p>La crise sanitaire liée au Covid-19 sera l’occasion de vérifier à nouveau ce rôle d’amortisseur. Lors du confinement du printemps 2020, certains ont pensé qu’il y aurait un baby-boom neuf mois après, l’un des arguments étant que les ventes de tests de grossesse avaient alors augmenté en France. Or les demandes d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont elles-aussi augmenté, signe d’une hausse des grossesses non désirées liée à des difficultés d’accès à la contraception pendant le confinement. </p>
<p>L’épidémie de Covid-19 et la crise économique qui en résulte pourraient entrainer plutôt une baisse des naissances et de l’indicateur conjoncturel de fécondité. Si c’est le cas, la baisse sera-t-elle uniforme en Europe, ou plus prononcée dans les pays ayant déjà la fécondité la plus basse ? Réponse dans quelques mois, lorsque les enfants conçus pendant la crise seront nés.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par l’auteur dans Population et Sociétés n° 575, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">« France : la fécondité la plus élevée d’Europe »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150044/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p>
La fécondité est plus élevée en Europe du Nord qu’en Europe du Sud. Pour comprendre, jetons un œil sur les politiques familiales, l’égalité entre les femmes et les hommes et le contexte économique.
Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/143284
2020-07-28T18:02:13Z
2020-07-28T18:02:13Z
Jeunesse, sentiments et sexualités : comment certaines séries Netflix parlent de santé sexuelle
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349656/original/file-20200727-21-16mte0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C1276%2C843&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">needpix.com</span></span></figcaption></figure><p>Comment passer à côté du phénomène Netflix, devenu une source presque illimitée de divertissement audiovisuel ?</p>
<p>Certaines séries, spécialement destinées aux jeunes, ont acquis une popularité incontestable, avec une place centrale de la « culture jeune » au sein des scénarios.</p>
<p>À l’âge où de nouveaux sentiments émergent et où les sexualités se construisent, les séries populaires sur les nouvelles plates-formes de streaming pourraient ainsi devenir des acteurs participant, à leur manière, à la promotion de la santé sexuelle.</p>
<h2>Des séries Netflix plébiscitées par les jeunes</h2>
<p>Depuis plusieurs années, les plates-formes de vidéos à la demande par abonnement (SVoD) sont apparues dans l’univers digital, proposant films, séries et documentaires. Présente dans plus de 190 pays, Netflix est la plate-forme de référence la plus regardée, avec une croissance régulière du nombre d’abonnés, estimés aujourd’hui à <a href="https://www.statista.com/statistics/250934/quarterly-number-of-netflix-streaming-subscribers-worldwide/">193 millions</a>. Netflix propose des contenus audiovisuels, selon leurs genres et les publics. Un algorithme recommande des contenus susceptibles de plaire, selon les habitudes et préférences des abonnés.</p>
<p><a href="https://www.mediametrie.fr/en/online-video-who-are-netflixs-audiences">Selon Médiamétrie</a>, les jeunes de 15 à 24 ans représentaient près d’un quart (24 %) de l’audience française de Netflix en septembre 2018, alors que cette tranche d’âge ne représente que 12 % de la population. Parmi les contenus Netflix, certaines séries apparaissent comme des formats attractifs pour les jeunes. Les scénarios se construisent sur plusieurs épisodes et saisons, fidélisant un public s’identifiant parfois aux personnages, et traitant de sujets de la vie des jeunes.</p>
<h2>Nouvelles représentations des dimensions affectives et sexuelles</h2>
<p>Depuis toujours, les dimensions affectives et sexuelles de la vie adolescente sont intégrées dans les films, romans, séries télévisuelles, faisant écho au quotidien des jeunes et à la socialisation adolescente. Avec l’essor des séries Netflix destinées aux jeunes, une nouvelle manière d’aborder ces questionnements pourrait s’observer.</p>
<p>Des sujets actuels sont abordés dans ces séries et de nouvelles normes y sont représentées, de manière parfois explicite.</p>
<p><em>Puis-je prendre mon propre plaisir sexuel en étant une fille ? Mon orientation sexuelle est-elle compatible avec ma religion ? Ma vie amoureuse est-elle possible avec le VIH ? Est-il envisageable d’avoir plusieurs partenaires en même temps ?</em></p>
<p>La question est alors de savoir comment est abordée la <a href="https://www.who.int/topics/sexual_health/fr/">santé sexuelle</a> au sein des séries à destination des jeunes, sachant que la définition de la santé sexuelle donnée par l’Organisation mondiale de la Santé est la suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité [qui requiert] une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. »</p>
</blockquote>
<h2>Une analyse scientifique de 6 séries Netflix pour les jeunes</h2>
<p>Pour répondre à cette question, une recherche conjointe entre l’Institut national d’études démographiques (Ined) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a été menée. Cette étude a analysé les contenus liés à la santé sexuelle dans 65 épisodes de 6 séries récentes (2015-2020) et populaires chez les jeunes.</p>
<p>Deux séries avaient un synopsis directement en lien avec la santé sexuelle (26 épisodes) : Sex Education et les Chroniques de San Francisco (version 2019). Quatre autres étaient « tout sujet »(39 épisodes) : Elite, 13 Reasons Why, Stranger Things, The Society.</p>
<p>Bien que le but premier soit avant tout de divertir, ces séries à destination des jeunes peuvent intégrer ce qu’on pourrait appeler des « messages de <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/129675/Ottawa_Charter_F.pdf">promotion de la santé</a> sexuelle », au sens où des informations, conseils ou représentations positives pourraient amener les téléspectatrices et téléspectateurs à réfléchir sur leurs représentations, normes et comportements.</p>
<p>Pour chacun des 65 épisodes analysés, deux chercheurs en santé publique ont complété indépendamment une grille permettant de décrire les sujets de santé sexuelle abordés par les séries, et d’analyser les messages de promotion de la santé sexuelle intégrés. Après avoir confronté leurs observations, les chercheurs ont discuté pour arriver à une grille d’analyse consensuelle.</p>
<p>Les messages relevés dans les séries allaient au-delà de la simple prévention des risques. Ils pouvaient être des informations factuelles exprimées par les personnages, mais également des mises en scène beaucoup plus visuelles de comportements ou de situations de vie.</p>
<h2>La santé sexuelle et sa promotion dans les 6 séries Netflix</h2>
<p>Parmi les séries analysées, les sujets de santé sexuelle les plus abordés étaient les relations amoureuses et sexuelles, apparaissant dans l’intégralité des 65 épisodes visionnés. Les scénarios pouvaient mettre en avant les enjeux du couple, les techniques de drague, les « sex-friends », ou encore les partenaires multiples.</p>
<p>Ces séries mettent également en avant les pressions sociales pesant sur les jeunes, telles que la réussite amoureuse et sexuelle, mais aussi scolaire ou sportive. Toutes ces injonctions de la vie quotidienne mettent les personnages face à de nombreux dilemmes. La quête d’une « normalité » (déconstruite parfois) et les difficultés de communication sont mises en scène chez des personnages adolescents, et parfois chez des personnages plus âgés.</p>
<p>Les autres sujets les plus abordés présents dans les séries concernaient l’orientation sexuelle et l’identité de genre abordé dans 72 % des épisodes (47 épisodes sur 65), et le harcèlement ou violences sexuelles dont il est question dans 62 % des épisodes. Les deux séries dont le synopsis est orienté sur la santé sexuelle traitaient la question du plaisir, notamment féminin, dans 54 % des épisodes, alors que seulement 13 % des épisodes de quatre séries « tout sujet » en parlent.</p>
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<span class="caption">47 épisodes abordent la question « orientations sexuelles et identités de genre », soit 47/65 = 72 % des épisodes qui abordent cette thématique.</span>
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<p>Globalement, parmi les 65 épisodes, nous avons observé 62 messages de promotion de la santé sexuelle, principalement diffusés comme information factuelle (77 %) avec une scène se déroulant dans un établissement scolaire (48 %). Les deux séries dont le scénario est orienté sur la « santé sexuelle » diffusaient la plupart des messages (50 messages sur les 62, soit 81 % des messages de promotion de santé sexuelle). Au vu de leur synopsis, il était bien sûr attendu que ces deux séries parlent de santé sexuelle. Par contre, la faible fréquence des messages de promotion de la santé sexuelle dans les autres séries (entre 0,5 et 0 message par épisode, voir figure ci-dessous) est plus étonnante au regard du public visé et de l’importance de ces thématiques à ces âges.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349123/original/file-20200723-21-cev9fh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Voici quelques exemples de messages de promotion de la santé sexuelle observés dans les séries :</p>
<p><em>Un « Non », ça veut dire « Non ». (Sex Education)</em></p>
<p><em>Une personne infectée par le VIH ne peut pas transmettre le virus si sa charge virale est indétectable. (Elite)</em></p>
<p><em>Un rapport sexuel n’est pas forcément la reproduction de scène de film pornographique et il faut pouvoir penser à son plaisir. (Sex Education)</em></p>
<p><em>Des commentaires sur le physique d’une femme peuvent être une forme de harcèlement. (13 Reasons Why)</em></p>
<p><em>Le terme « travelo » peut être discriminant ou offensant. (Les chroniques de San Francisco)</em></p>
<p>Les messages de promotion de la santé sexuelle traitaient principalement des violences sexuelles (19 %), de la protection contre les infections sexuellement transmissibles (18 %) ou encore de la contraception (15 %). Certaines thématiques étaient abordées uniquement dans les deux séries dont le scénario est orienté vers la santé sexuelle, telles que l’acceptation de soi, le plaisir et les troubles sexuels.</p>
<p>De manière plus implicite, certaines séries (Sex Education, Elite, Les Chroniques de San Francisco) tentent également de déconstruire les représentations et normes de genre. Elles donnent ainsi à voir des jeunes femmes vivant pleinement leur sexualité, ayant des projets de carrière et non de famille, des jeunes hommes qui se maquillent ou expriment sans honte leurs sentiments. Des populations minorisées sont représentées (cultures, identités sexuelles et de genre, handicaps).</p>
<p>Ces personnages sont acceptés et appréciés par leurs pairs, bien qu’une histoire relative à un rejet vécu soit très souvent dépeinte. Par ailleurs, différents schémas familiaux peuvent être mis en scène : familles homo/monoparentales, absence de parents, problématiques familiales. Toutes ces représentations au sein des séries dressent donc le portrait d’une réalité jeune diverse, participant ainsi à la déconstruction des stéréotypes de genre.</p>
<h2>Le cas particulier de Sex Education</h2>
<p>Dans cette analyse, Sex Education est la série qui diffuse le plus grand nombre de messages de promotion de la santé sexuelle, avec une moyenne de 2,6 messages par épisode. Les réalisateurs de cette série télévisée britannique (2019) collaborent avec un éducateur sexuel donnant son avis sur les scénarios et vérifiant que les informations sont correctes et adaptées au public visé par la série.</p>
<p>La série met en scène un adolescent (dont la mère est sexothérapeute) qui fait équipe avec une camarade de classe pour instaurer des séances de thérapie sexuelle dans son lycée. Tout au long de la série, on y découvre une diversité de problématiques jeunes liées à la sexualité et aux sentiments, avec les questions de rapports sexuels, de violences sexuelles, ou encore d’impact des réseaux sociaux (« revenge porn »). Dans chaque épisode, l’intrigue porte sur un sujet de santé sexuelle (romance, virginité, trouble de l’érection, cyberharcèlement, etc.). L’originalité de cette série est qu’elle apporte des réponses concrètes face aux enjeux de santé sexuelle, sur un fond à la fois humoristique, dramatique et émotionnel.</p>
<p>Sex Education est allée encore plus loin, en proposant <a href="https://sexeducation.fr/assets/data/le_petit_manuel_sex_education.pdf">« Le Petit manuel de Sex Education »</a>, conçu dans un but de promotion de la santé sexuelle. Aussi, des stands ont été mis en place dans des lieux de passage (rue, gare), notamment en France, pour discuter avec des (jeunes) passants des sujets de sexualité.</p>
<p>À travers cette série, Netflix souhaite que les jeunes puissent se reconnaître dans leurs vécus. Pour illustrer la portée de leur série, Netflix a publié le témoignage d’une jeune femme ayant subi une agression sexuelle dans les transports :</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z_qohVC_jpU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Elle explique qu’un épisode de la série mettant en scène une telle agression lui a permis de se sentir moins seule, et de lever un tabou.</p>
<h2>Est-ce que les séries Netflix peuvent être actrices dans la promotion de la santé sexuelle ?</h2>
<p>Des séries telles que Sex Education pourraient donc participer à la libération de la parole sur des sujets complexes. Le partage d’expériences et l’identification aux personnages pourraient avoir une influence positive dans la gestion des évènements de vie des jeunes visionnant ces séries. Néanmoins, il est possible que ces messages provoquent l’effet inverse, et ainsi renforcent les stigmatisations et discriminations, en dédramatisant et en rendant risibles des problèmes de santé sexuelle. Certains jeunes pourraient aussi ne pas se sentir concernés ou représentés et donc ne pas être sensibles à ce type de contenu.</p>
<p>En effet, au-delà de la simple description des messages de promotion de la santé sexuelle intégrés dans les séries Netflix, nous aurions besoin d’explorer la perception des jeunes de ces messages. Une perspective serait de mieux comprendre comment les séries peuvent réellement apporter des connaissances et compétences, quels jeunes y sont sensibles, et comment il peut être possible d’intégrer les séries dans les actions traditionnelles de promotion de la santé.</p>
<p>Il apparaît nécessaire d’explorer l’intérêt de pistes « non traditionnelles » dans la promotion de la santé sexuelle auprès des jeunes. L’approche institutionnelle est en effet perçue comme « moralisatrice », ce qui en réduit l’efficacité et appelle à réfléchir à d’autres voies, complémentaires, pour développer la promotion de la santé sexuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143284/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Certaines choses ne s’apprennent pas que sur les bancs de l’école, c’est le lot de l’éducation sexuelle. Pour cela, les géants des vidéos à la demande s’emploient à éduquer les jeunes générations.
Philippe Martin, Santé et droits sexuels et reproductifs, Ined – Eceve U1123, Inserm
Corinne Alberti, PU-PH de santé publique, Université Paris Cité
Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Solenne Tauty, Pharmacienne, Epidémiologiste, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/133109
2020-03-10T18:44:21Z
2020-03-10T18:44:21Z
Fact check : les chiffres de la dernière campagne Durex sont-ils objectifs ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319655/original/file-20200310-61148-1bx6dnl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2048%2C1526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La dernière campagne Durex, dans le métro.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/JadouPatatas/status/1229803102041255937/photo/1">Twitter / Jenko</a></span></figcaption></figure><p>À la mi-février, on a vu fleurir dans le métro et sur les réseaux sociaux une campagne Durex fondée sur le slogan : « cassons les codes ». Jadis accusée de véhiculer une <a href="https://www.thedrum.com/news/2020/02/14/durex-emerges-activist-against-sexual-taboos-and-stigmas-brand-overhaul">vision immorale de la sexualité</a> et <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/326068-preservatifs-et-pub-trash-le-spot-durex-censure-au-super-bowl.html">parfois même censurée</a>, la marque veut se ranger aujourd’hui du côté des pourfendeurs d’une sexualité irréaliste, avec une ambition pédagogique qui s’inscrit dans la lignée du <a href="https://lareclame.fr/millesoixantequatre/news/ce-que-netflix-nous-apprend-sur-le-brand-content-avec-sex-education">succès de la série Netflix <em>Sex Education</em></a>.</p>
<p>La nouvelle campagne, qui utilise l’aspect visuel des <a href="https://www.arteradio.com/son/61662795/collages_feministes">« collages », empruntés aux activistes féministes</a>, a été globalement appréciée par les <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">parties prenantes (agences de communication, experts)</a>. Cependant, les chiffres avancés dans les accroches des différents visuels poussent à s’interroger sur leur objectivité. On pouvait lire ainsi : « 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle » et dans d’autres visuels, « 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle ».</p>
<h2>« 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une accroche de la nouvelle communication Durex.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JadouPatatas/Twitter</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette statistique proviendrait d’une étude mondiale menée par Durex en 2017. De nombreux articles de presse en ligne – <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">francophones</a> et <a href="https://www.campaignlive.co.uk/article/durex-challenges-sexual-norms-major-brand-relaunch-valentines-day/1674071">anglophones</a> – citent cette étude, mais le rapport complet reste introuvable sur le web. Le site de Durex USA évoque une <a href="https://www.durexusa.com/pages/global-research">enquête sur le bien-être sexuel menée en 2006/2007</a>. La plate-forme Durex Network fait mention d’une unité de recherche (Durex Network Research Unit (DNRU) fondée en 2005 qui <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/">étudie chaque année les comportements sexuels</a> mais n’a produit que cinq rapports datés de <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/faceofglobalsex/pages/home.aspx">2005, 2007, 2008, 2009 et 2010</a>, et aucun de ces documents ne fait allusion à l’influence de la pornographie. Enfin, le site Durex France ne donne aucune information concernant les <a href="https://www.durex.fr/">chiffres de cette étude</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’origine de ce chiffre paraît donc incertaine. Une statistique non justifiée et non explicitée n’est scientifiquement pas acceptable. Par ailleurs, la formulation des slogans est imprécise. L’étude est-elle basée sur des <a href="https://www.hitwise.com/en/2016/01/25/inferred-declared-observed-demystifying-common-data-types/">données déclarées par les répondants ?</a> Dans ce cas, cela devrait apparaître dans la formulation avec par exemple : 71 % des hommes déclarent… Ou sur des données observées chez les répondants ? Mais cela paraît difficilement observable et le cas échéant, il faudrait aussi le préciser. Le manque d’information sur l’étude invite à douter de son sérieux et de ses résultats, et dénote une absence de données scientifiquement fondées.</p>
<p>Pire, la version anglophone de cette campagne publicitaire indique « 71 % of young guys go online for inspiration in the bedroom » (« En matière de sexualité, 71 % des jeunes hommes cherchent l’inspiration sur le web »). On voit bien qu’il s’agit de deux façons de mettre en avant un même chiffre, mais qui impliquent un sens différent en fonction de la langue utilisée. La première concerne les hommes en général – qui prendraient la pornographie pour modèle – alors que la seconde se concentre sur les jeunes hommes, catégorie on ne peut plus floue, qui eux se contenteraient de s’en inspirer.</p>
<h2>Influence de la pornographie sur les comportements sexuels : ce que l’on sait</h2>
<p>Des centaines d’articles ont été publiés sur la thématique de l’<a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=pornography+sexual+behavior&btnG=">influence de la pornographie sur les comportements sexuels</a>, avec des perspectives de recherche variées. La pornographie semble influencer les comportements mais d’une manière beaucoup plus nuancée que ce que laissent supposer les chiffres avancés dans la campagne Durex.</p>
<p>Une chercheuse en sociologie, Stacy Gorman, à consacré sa thèse de doctorat à cette thématique en analysant l’impact de la pornographie sur <a href="https://scholarworks.gsu.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://scholar.google.com/&httpsredir=1&article=1073&context=sociology_diss">les comportements, les attitudes et les relations</a>. À partir des résultats issus d’un échantillon représentatif de la population américaine, il apparaît que la pornographie influence beaucoup moins les comportements sexuels que ne le laisse supposer la campagne Durex.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats de l’étude sur l’impact de la pornographie sur les comportements sexuels issus de la thèse Stacy Gorman.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au regard de cette étude, 4,5 % des femmes et 5,7 % des hommes affirment souvent essayer ce qu’ils visionnent dans les contenus pornographiques. Et uniquement 1 % d’entre eux disent vouloir toujours essayer. Nous sommes ici bien loin de l’accroche de Durex qui d’ailleurs ne distingue pas l’influence de la consommation pornographique selon le genre.</p>
<h2>« 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un message de la nouvelle communication Durex dans le métro parisien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">delf2paname/Twitter</span></span>
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</figure>
<p>Comme pour la première statistique, nous n’avons aucune information sur le protocole de recherche mis en place pour obtenir cette donnée. Comment la satisfaction sexuelle a-t-elle été mesurée ? Sur la base d’une question affirmative ? Sur la déclaration du nombre d’orgasmes au cours d’une période donnée ? Ou à partir d’autres critères ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’autres résultats de l’étude Durex.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À ce jour, l’étude la plus importante sur le thème de la satisfaction sexuelle est sûrement la <a href="http://www.natsal.ac.uk/home.aspx">National Surveys of Sexual Attitudes and Lifestyles</a> (NATSAL). Menée pour la première fois en 1990, elle est reconduite tous les 10 ans depuis. Cette étude interroge un échantillon représentatif de la population britannique sur ses attitudes et ses habitudes sexuelles. À ce jour, plus de <a href="http://www.natsal.ac.uk/about.aspx">45 000 personnes y ont participé</a> et les résultats ont donné lieu à de <a href="http://www.natsal.ac.uk/natsal-3/publications.aspx">nombreuses publications scientifiques</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Mfsq-Hd7srE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Synthèse des résultats de l’étude NATSAL publié dans plusieurs articles de recherche.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="http://www.natsal.ac.uk/media/2102/natsal-infographic.pdf">résultats de la dernière enquête en date de 2012</a> montrent que plus de 60 % des personnes ont déclaré avoir eu des relations sexuelles récemment et que plus de 60 % des personnes ont déclaré être satisfaites de leur vie sexuelle. On apprend également que les personnes en mauvaise santé étaient moins susceptibles d’avoir eu des rapports sexuels récemment et moins susceptibles de se dire satisfaites. Ceci se vérifie même après avoir pris en compte l’âge et le fait que les personnes soient en couple ou non.</p>
<p>Ce chiffre contredit celui de l’étude de Durex, qui a également été exploitée dans la version anglaise de sa campagne de publicité. Bien que les chiffres aient pu changer entre 2012 et 2017, il y a peu de chances que la tendance s’inverse, passant d’une majorité à une minorité de personnes se disant satisfaites, en seulement 5 ans.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les chiffres de la campagne Durex s’apparentent bien à des accroches communicationnelles et non aux résultats d’une étude scientifique sérieuse. Sélectionner des résultats issus de sondages maison où d’études scientifiques indépendantes est une pratique courante en marketing. Cependant, le protocole et le rapport de recherche sur lequel se fondent la campagne devraient être disponibles pour tou·te·s sur le modèle de la <a href="https://www.unilever.com/Images/dove-girls-beauty-confidence-report-infographic_tcm244-511240_en.pdf">marque Dove avec son étude</a> sur la <a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/girls-on-beauty-new-dove-research-finds-low-beauty-confidence-driving-8-in-10-girls-to-opt-out-of-future-opportunities-649549253.html">beauté et la confiance en soi</a>.</p>
<p>Durex souhaite se positionner comme une marque émancipatrice des stéréotypes sexuels. Mais en utilisant des statistiques chocs, là où la réalité est beaucoup plus nuancée, ne serait-elle pas en train d’en créer de nouveaux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri est financé par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.</span></em></p>
Les statistiques choc avancés par Durex relèvent-elles plus de la communication que de la science ?
Samy Mansouri, Doctorant en Sciences de Gestion, Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130325
2020-01-21T19:04:18Z
2020-01-21T19:04:18Z
Jusqu’à quel point la pilule contraceptive est-elle efficace ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311180/original/file-20200121-117933-zlrp3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C25%2C5615%2C3707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous prenez la pilule « parfaitement », elle est efficace à 99,5 %.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Un tiers des femmes ayant recours à la contraception <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27373543">ont recours à la pilule</a> (en France, <a href="https://theconversation.com/la-pilule-premiere-methode-de-contraception-en-france-mais-pas-dans-le-monde-89207">près de la moitié des femmes l’utilisent</a>). Jusqu’à quel point celle-ci est-elle efficace ?</p>
<p>Il existe deux sortes de pilules contraceptives : la pilule combinée estroprogestative (ou mini-dosée), qui contient un œstrogène de synthèse et un progestatif de synthèse, et la pilule progestative (ou micro-dosée), qui contient uniquement un progestatif de synthèse.</p>
<p>Les efficacités respectives des deux sortes de pilules <a href="https://www.fpv.org.au/for-you/contraception/daily-contraceptive-pills/contraceptive-pill">sont généralement considérées comme similaires</a> : elles seraient de 93 % dans le cadre d’une utilisation typique (une prise ponctuellement manquée) et de 99,5 % dans le cadre d’une utilisation parfaite. Pourtant la plupart des preuves d’efficacité résultent de travaux menés sur la pilule combinée.</p>
<p>Que signifient ces chiffres et comment ont-ils été obtenus ?</p>
<h2>Utilisez-vous la pilule « parfaitement » ?</h2>
<p>Les protocoles visant à évaluer l’efficacité de la pilule ont consisté à demander à des femmes de <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=Retrieve&db=PubMed&dopt=Citation&list_uids=15325887">prendre leur pilule à la même heure chaque jour</a>. Les femmes qui ont respecté les règles édictées sans jamais se trouver à court de pilules ni manquer une prise quotidienne et sans avoir pris de médicament risquant de diminuer l’efficacité du contraceptif ont été considérées. Les femmes qui ont participé à ces études ont été considérées comme étant toutes aussi fertiles et « à risque » de grossesse.</p>
<p>Dans ces strictes conditions, les deux types de pilules s’avèrent efficaces à environ 99,5 %. Autrement dit, sur une période de 12 mois, cinq femmes sur mille risquaient de tomber enceintes malgré la prise de l’une ou l’autre des sortes de pilules.</p>
<p>Mais ces conditions ne sont pas représentatives de la vie quotidienne de la plupart des utilisatrices. Il est donc plus réaliste de considérer l’efficacité de chaque pilule dans le cadre d’une « utilisation typique ». Leur efficacité <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28245088">est alors de 93 %</a>, ce qui signifie que sept utilisatrices sur 100 tombent enceintes sur une période de 12 mois.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pilule-premiere-methode-de-contraception-en-france-mais-pas-dans-le-monde-89207">La pilule, première méthode de contraception en France, mais pas dans le monde</a>
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<hr>
<p>Ce taux de 93 % reflète les aléas de la vie quotidienne : la pilule peut être oubliée, on peut venir à en manquer avant d’avoir pu obtenir une nouvelle ordonnance, une maladie peut entraîner des vomissements ou des diarrhées, provoquant ainsi le rejet du contraceptif… L’efficacité de la pilule peut aussi être diminuée par la prise d’autres médicaments (dont certaines <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27444983">préparations sans ordonnance à base de végétaux</a>).</p>
<p>En réalité, la probabilité de tomber enceinte en prenant la pilule se situe donc quelque part entre 93 % et 99,5 %. Cette efficacité peut s’améliorer avec le temps, à mesure que les utilisatrices s’habituent à prendre quotidiennement la pilule. Elle peut aussi être augmentée en conjuguant la prise de la pilule avec l’utilisation du préservatif (qui présente de plus l’avantage de prévenir les infections sexuellement transmissibles) et en utilisant des moyens de contraception d’urgence si la pilule a été oubliée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La plupart des utilisatrices ne pourront pas prendre la pilule systématiquement à la même heure chaque jour sans jamais commettre d’impair.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le timing est primordial</h2>
<p>Le mode d’action de la pilule combinée repose principalement sur l’arrêt de l’ovulation. Bien qu’il soit important de la prendre chaque jour à la même heure, cette pilule continuera à être efficace même si elle est prise avec 24 heures en retard, car l’ovulation sera malgré tout empêchée.</p>
<p>Moins souvent prescrite, la pilule progestative agit quant à elle principalement en épaississant la glaire du col de l’utérus, afin d’empêcher les spermatozoïdes de remonter dans l’utérus et les trompes de Fallope et d’éviter ainsi la fécondation de l’ovule.</p>
<p>Cet effet disparaît au bout d’environ 27 heures, ce qui signifie que la fenêtre de prise quotidienne est étroite : elle n’est que de 3 heures. Pour cette raison, l’efficacité de la pilule progestative risque généralement d’être plus proche des 93 % que des 99,5 %.</p>
<p>Les adolescentes et les jeunes femmes d’une vingtaine d’années sont susceptibles d’avoir un <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1110855">taux d’échec plus élevé</a> que les utilisatrices plus âgées. Ceci peut s’expliquer par une plus grande fertilité, ou par une plus grande difficulté à se souvenir de prendre la pilule chaque jour et à entreprendre les démarches pour faire renouveler leurs ordonnances.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle la pilule progestative est rarement prescrite aux jeunes femmes appartenant à ce groupe d’âge. On leur recommande généralement des méthodes plus efficaces, telles que dispositif contraceptif implantable ou une pilule combinée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un contraceptif intra-utérin peut être efficace jusqu’à dix ans après son implantation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En règle générale, moins les utilisateurs d’un contraceptif ont de choses à faire pour s’assurer de son efficacité, plus cette dernière est élevée. Les contraceptifs réversibles à longue durée d’action sont de ce fait les <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1110855">méthodes de contraception les plus efficaces</a>, et ce partout dans le monde, car une fois mis en place leur efficience ne dépend plus du comportement de l’utilisatrice.</p>
<p>Ces dispositifs comprennent les implants contraceptifs, qui peuvent jusqu’à trois ans, et les dispositifs hormonaux ou intra-utérins en cuivre, qui durent respectivement jusqu’à cinq et dix ans. Ils sont efficaces à 99,5–99,95 % car une fois insérés, l’utilisatrice n’a pas besoin de se rappeler de faire quoi que ce soit. Cette simplicité peut en faire une alternative attrayante à la pilule pour les femmes qui souhaitent une méthode fiable.</p>
<p>Effets secondaires, risques associés, coûts, avantages supplémentaires… La décision d’opter pour l’un ou l’autre des dispositifs contraceptifs dépend de divers facteurs qui vont au-delà de la seule efficacité. Mais comprendre ce que signifie cette dernière et la façon dont elle est calculée constitue une étape importante pour faire un choix éclairé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deborah Bateson a participé à des réunions consultatives et a reçu un soutien pour assister à des événements éducatifs pour Bayer et MSD dans le cadre de son rôle de directrice médicale du planning familial en Nouvelle-Galles du Sud.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kathleen McNamee a participé à des réunions consultatives et a reçu un soutien pour assister à des événements éducatifs pour Bayer et MSD dans le cadre de son rôle de directrice médicale au Planning familial de Victoria.</span></em></p>
La pilule contraceptive n’est pas efficace à 100 %. Comprendre comment son efficacité est calculée et ce qu’elle signifie constitue une étape importante dans le choix d’un mode de contraception.
Deborah Bateson, Clinical Associate Professor, Discipline of Obstetrics, Gynaecology and Neonatology, University of Sydney
Kathleen McNamee, Adjunct Senior Lecturer, Obstetrics & Gynaecology, Monash University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/122612
2019-09-09T13:56:00Z
2019-09-09T13:56:00Z
Prendre la pilule contraceptive à l’adolescence augmente le risque de dépression à long terme
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/291539/original/file-20190909-109931-1wcdy3o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La prise de la pilule à l'adolescence peut augmenter le risque de dépression, même des années après l'arrêt du traitement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La pilule contraceptive représente l’un des plus grands succès de la médecine moderne. Quand elle est devenue accessible dans les années 60, elle a contribué à révolutionner le rôle des femmes dans la société, leur assurant un contrôle sans précédent sur leur fertilité. </p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.plannedparenthood.org/files/1514/3518/7100/Pill_History_FactSheet.pdf">plus de 100 millions de femmes</a> partout dans le monde prennent ces pilules d’hormones contraceptives, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2015010/article/14222-eng.pdf">particulièrement populaires auprès des adolescentes.</a></p>
<p>De toute évidence, la pilule est une façon hautement efficace de prévenir les grossesses non désirées. Même des femmes qui ne sont pas actives sexuellement y ont recours pour d’autres raisons, notamment pour <a href="https://www.guttmacher.org/sites/default/files/report_pdf/beyond-birth-control.pdf">réduire les douleurs menstruelles ou soigner l’acné.</a> Toutefois, à l’origine, on destinait ce médicament à des patientes adultes et il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas sur les effets secondaires que la pilule peut avoir sur des usagères plus jeunes.</p>
<h2>Une période délicate</h2>
<p>La puberté est une étape critique de la vie <a href="https://www.nature.com/articles/nrn3313">marquée par une croissance rapide et des changements dans le corps et le cerveau</a>. On sait que, chez les animaux, les hormones sexuelles comme l’oestrogène et la progestérone <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0018506X0900066X?via%3Dihub">affectent le développement du cerveau durant la puberté.</a> S’il en est de même pour les humains, la prise de ces hormones – qui sont les substances de base de la pilule contraceptive – durant cette période délicate, pourrait affecter le développement et, à long terme, avoir des conséquences sur la santé mentale.</p>
<p>Globalement, les résultats des recherches sont mitigés en ce qui concerne le lien entre l’usage de contraceptifs oraux et le risque de dépression. Certaines études n’ont trouvé aucun lien, d’autres ont démontré que les femmes adultes prenant la pilule avaient un risque moins élevé de souffrir de dépression que celles qui n’en prenaient pas.</p>
<p>Mais une étude récente, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2552796">la plus vaste réalisée sur le sujet</a> - incluant plus d’un million de femmes vivant au Danemark – a conclu que celles qui prennent la pilule ou d’autres hormones contraceptives courent un risque plus élevé de souffrir de dépression. L’étude démontre également que ce lien entre contraceptif et dépression est encore plus fort à l’adolescence.</p>
<h2>Risque accru de dépression</h2>
<p>Notre récente étude, publiée dans le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jcpp.13115">Jourmal of Child Psychology and Psychiatry</a>, va au-delà des recherches précédentes en tentant de savoir si l’usage de la pilule augmente le risque de dépression non seulement à court terme mais également à long terme. Nous avons examiné les données de 1 236 Américaines âgées entre 20 et 39 ans <a href="https://www.cdc.gov/nchs/nhanes/about_nhanes.htm">ayant participé au sondage du National Health and Nutrition Examination Survey</a> et partagé l’historique de leur usage de la pilule.</p>
<p>Près de la moitié de ces femmes ont commencé à prendre la pilule à l’adolescence. Et le risque de dépression chez elles (16 pour cent) a été plus élevé que chez celles qui n’avaient jamais pris la pilule (six pour cent) ou celles qui ne l’avaient prise qu’à l’âge adulte (neuf pour cent).</p>
<p>Ces écarts de groupe dans le risque de dépression sont resté stables – ou se sont creusés – lorsqu’on a exercé un contrôle statistique sur d’autres variables, comme l’âge des premières menstruations, l’âge du premier rapport sexuel, l’état actuel des relations amoureuses, le statut socio-économique, l’ethnicité et l’usage courant de contraceptifs.</p>
<p>Nos résultats suggèrent que l’usage de contraceptifs oraux durant les années de l’adolescence peut avoir un effet à long terme sur le risque de dépression chez les femmes, plusieurs années même après qu’elles aient cessé de les prendre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288472/original/file-20190819-123754-fs02hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Prendre la pilule à l’adolescence peut augmenter le risque de souffrir d’une dépression plusieurs années plus tard.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Usage précédent de la pilule</h2>
<p>Comment expliquer ces résultats contradictoires sur le lien entre l’usage de la pilule et le risque de dépression? Nous croyons que la contradiction est due à la façon dont les chercheurs ont regroupé les femmes étudiées.</p>
<p>Parce que la plupart des recherches s’intéressaient aux effets de la pilule à court terme, les chercheurs ont créé un groupe pour les femmes qui utilisaient la pilule à ce moment-là. Mais ils n’ont pas inclus dans ce groupe les femmes qui avaient déjà pris la pilule (et l’auraient arrêté entretemps). Nous croyons que pour cette raison, les chercheurs ont peut-être involontairement sous-estimé les effets de la pilule sur le risque de dépression.</p>
<p>Prenons l’exemple de l’usage du tabac. Il a <a href="https://academic.oup.com/jnci/article-abstract/110/11/1201/4996947?redirectedFrom=fulltext">des effets à long terme sur le risque de cancer du poumon</a>. Si on n’avait comparé que les fumeurs aux non-fumeurs sans prendre en compte ceux qui avaient déjà fumé, on aurait pu conclure le contraire, à savoir qu’il n’y a pas de lien entre l’usage du tabac et le risque de cancer du poumon. Grouper les ex-fumeurs avec ceux n’ayant jamais fumé peut mener à des conclusions erronées, parce que l’état de santé de leurs poumons peut différer en raison des effets à long terme du tabac.</p>
<p>C’est pour la même raison que nous croyons que les recherches à venir ne devraient pas grouper les ex-usagères de la pilule avec celles qui ne l’ont jamais prise.</p>
<h2>Choisir la pilule</h2>
<p>Prendre la pilule est une décision très personnelle et nous endossons sans réserve la <a href="https://www.unfpa.org/sites/default/files/resource-pdf/Contraception.pdf">déclaration des Nations-Unies</a> voulant que l’accessibilité à l’information et aux services en matière de contraception soit un droit universel. La pilule procure des avantages indéniables et beaucoup de femmes qui l’utilisent ne souffrent pas d’effets négatifs.</p>
<p>Nous croyons qu’il est urgent de mener des recherches plus poussées sur le sujet. Nous ne croyons pas que toutes les femmes subissent des effets secondaires identiques lorsqu’elles utilisent la pilule contraceptive. C’est pourquoi il serait prématuré de faire une déclaration générale sur la marche à suivre quant à la prise de contraceptifs oraux à l’adolescence.</p>
<p>Nous espérons toutefois que notre recherche va inciter les adolescentes et leurs parents à consulter leurs médecins quant aux risques et avantages associés aux diverses options disponibles, en particulier s’il existe un historique de dépression dans la famille ou d’autres raisons de croire qu’elles pourraient être sensibles à certains effets secondaires des contraceptifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C0%2C5760%2C3828&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288469/original/file-20190819-192235-174jifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une meilleure compréhension des effets à long terme des contraceptifs oraux est nécessaire afin d’ améliorer la décision de les prendre ou non.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Orientations futures</h2>
<p>Il est important de comprendre que puisque notre étude s’appuie sur des corrélations, elle ne nous permet pas de conclure que la prise de la pilule se traduit nécessairement par un risque accru de dépression.</p>
<p>Même si nous avons exercé un contrôle statistique de toutes les variables trouvées dans les données auxquelles nous avons eu accès et dont nous pensons qu’elles pouvaient jouer un rôle dans le lien entre pilule et risque de dépression, nous ne pouvons exclure la possibilité que d’autres variables aient pu entrer en ligne de compte.</p>
<p>Finalement, l’étude que nous avons produite n’est qu’un élément d’un plus grand casse-tête auquel devront s’ajouter une combinaison d’autres recherches corrélationnelles et expérimentales. Chaque approche en recherche comporte ses forces et faiblesses. Il faut des données convergentes issues d’études sur des animaux et des humains, de séries de données épidémiologiques, d’essais aléatoires et contrôlés, et d’approches transversales et longitudinales.</p>
<p>À cette fin, nous avons lancé <a href="https://blogs.ubc.ca/teenstudy/">une recherche prospective</a> à l’Université de la Colombie-Britannique dans le but d’examiner le sujet dans un contexte plus large. Nous allons suivre les niveaux hormonaux de centaines d’adolescentes, leur usage de contraceptifs hormonaux oraux, leur fonctionnement social et affectif, leur réactivité au stress et ce, au cours des trois à cinq prochaines années.</p>
<p>Nous espérons que cette recherche éclaircira davantage le dialogue et les décisions en matière contraceptive pour les adolescentes.</p>
<p><em>Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ?</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=like">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122612/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Anderl reçoit des fonds de la Fondation Alexander von Humboldt et des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frances Chen reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>
L'utilisation à long terme de contraceptifs oraux peut entraîner une augmentation du risque de dépression dans les années à venir.
Christine Anderl, Postdoctoral Fellow, University of British Columbia
Frances Chen, Associate professor, University of British Columbia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/118980
2019-06-28T14:30:02Z
2019-06-28T14:30:02Z
Le sextage est lié une vie sexuelle plus active, à la consommation de drogues et à l'anxiété chez les ados
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281173/original/file-20190625-81758-1w6spuz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les programmes d'éducation à la sexualité à l'école sont essentiels pour enseigner aux jeunes comment devenir des citoyens numériques responsables et assurer leur sécurité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous jeter un oeil sur le téléphone intelligent de votre ado et voyez un message texte apparaître à l'écran… Vous constatez avec stupéfaction qu'il s'agit d'un sexto. Une série de questions vous viennent alors à l'esprit : </p>
<p>Est-ce normal? Est-ce que cela signifie que mon enfant a nécessairement des relations sexuelles?</p>
<p>Le sextage, soit l'échange de messages à caractère sexuel, de photographies ou de vidéos par l'intermédiaire de dispositifs technologiques, est relativement courant chez les adolescents. En fait, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2673719">un jeune sur quatre reçoit des sextos et un jeune sur sept en envoie.</a></p>
<p>Certains chercheurs ont trouvé des liens entre les sextos et d'autres facteurs tels que <a href="https://pediatrics.aappublications.org/content/134/1/e21">l'activité sexuelle</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15546128.2012.650959">la consommation de substances</a> (par exemple la consommation de drogues et d'alcool) et <a href="https://doi.org/10.1080/15546128.2012.650959">les problèmes de santé émotionnelle</a>. D'autres n'ont trouvé aucune preuve de ces associations.</p>
<p>Dans notre <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2735639?guestAccessKey=0d6a6a6da6-54f2-454c-a9ab-ef9e718d726f&utm_source=For_The_Media&utm_medium=referral&utm_campaign=ftm_links&utm_content=tfl&utm_term=061719">étude publiée dans la revue <em>JAMA Pediatrics</em></a>, nous avons cherché à résoudre cette incertitude. </p>
<p>À partir des résultats de 23 études publiées entre 2012 et 2018 auprès de 41 723 jeunes âgés de 12 à 17 ans, nous avons mené une série de méta-analyses pour examiner les liens entre le sextage et l'activité sexuelle, les partenaires sexuels multiples, la contraception, les comportements délinquants, les problèmes d'intériorisation (par exemple l'anxiété et la dépression), la consommation d'alcool et de drogues ainsi que le tabagisme. </p>
<h2>Sexe, alcool et santé mentale</h2>
<p>Nos résultats révèlent que les jeunes qui s'adonnent au sextage ont quatre fois plus de probabilités d'avoir déjà eu des relations sexuelles. Ils sont également cinq fois plus susceptibles d'avoir eu des partenaires sexuels multiples et deux fois moins enclins à utiliser la contraception.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279406/original/file-20190613-32366-19l1318.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une corrélation entre le sextage et la consommation d'alcool ne signifie pas que l'un cause l'autre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En examinant les liens entre le sextage, le comportement délinquant et la consommation d'alcool et d'autres drogues, nous avons constaté que les jeunes qui se sont livrés au sextage étaient aussi deux fois et demie plus nombreux à avoir eu des comportements délinquants comme le vol et les dommages matériels. </p>
<p>De plus, les probabilités qu'ils aient bu de l'alcool étaient quatre fois plus élevées et ils étaient environ trois fois plus susceptibles d'avoir consommé des drogues, comme la marijuana, et fumé des cigarettes.</p>
<p>Compte tenu de <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2019/03/190315110908.htm">l'augmentation des problèmes de santé mentale</a> au cours de la dernière décennie et des affirmations selon lesquelles <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2017/09/has-the-smartphone-destroyed-a-generation/534198/">la technologie numérique entraîne une détérioration de la santé mentale chez les jeunes</a>, notre équipe a également examiné le lien entre les sextos et les problèmes de santé mentale. </p>
<p>Nous avons constaté que les jeunes qui se faisaient envoyer des sextos avaient environ deux fois plus de risques de présenter des symptômes de dépression et d'anxiété.</p>
<h2>Le contexte est important</h2>
<p>Les résultats de cette étude peuvent s'avérer alarmants pour certains. Cependant, certaines considérations sont d'une importance cruciale avant d'étiqueter les sextos comme un comportement dangereux ou « à risque » chez les jeunes.</p>
<p>Premièrement, les résultats sont des corrélations. Bien que les sextos soient liés au comportement sexuel et aux facteurs de santé mentale, les études de corrélations ne fournissent pas de preuves suggérant que ce type de messages soient la cause de comportements à risque ou d'une moins bonne santé mentale.</p>
<p>Deuxièmement, les risques liés au sextage peuvent varier en fonction de la situation dans laquelle il est effectué. Le contexte est important. Par exemple, des sondages menés auprès d'étudiants de premier cycle révèlent que les sextos qui sont envoyés dans le contexte d'une relation engagée ont <a href="https://doi.org/10.1016/j.chb.2017.06.018">plus d'impacts positifs et moins d'impacts négatifs</a> que les sextos envoyés dans le cadre de relations occasionnelles. </p>
<p>Le sextage peut aussi <a href="https://hrcak.srce.hr/index.php?show=clanak&id_clanak_jezik=282632">améliorer les aspects émotionnels et sexuels d'une relation</a> entre partenaires.</p>
<h2>Plus l'enfant est jeune, plus c'est risqué</h2>
<p>Au fur et à mesure que les adolescents vieillissent, <a href="https://doi.org/10.1363/3910007">l'exploration romantique et sexuelle devient un élément de plus en plus normatif et sain du développement</a>. Nous avons donc examiné si nos conclusions variaient selon l'âge des participants. Nous avons constaté que les liens entre les sextos et de nombreux comportements à risque étaient plus forts chez les adolescents plus jeunes que chez les adolescents plus âgés. </p>
<p>Ces résultats vont dans le sens des recherches qui montrent que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2156059/">l'activité sexuelle est plus fortement liée aux comportements à risque chez les jeunes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279407/original/file-20190613-32347-oomnuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Parler ouvertement de sexe avec les jeunes est essentiel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En ce qui concerne le genre, nous avons constaté qu'en général, les résultats n'étaient pas différents selon que les jeunes qui sextaient étaient des filles ou des garçons. Cette observation est cohérente avec nos recherches précédentes, qui <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/article-abstract/2688780">n'indiquent aucune différence selon le genre</a> dans la prévalence des différentes formes de sextage.</p>
<h2>L'éducation : la clé de la sécurité</h2>
<p>Le sexto, comme d'autres aspects du développement de l'adolescente et de l'adolescent, n'est pas exempt de risques. Mais, <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/66/wr/pdfs/mm665152a1-H.PDF" title=" ">tout comme la sexualité</a>, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2673719" title=" "">le sextage chez les adolescents est courant</a>. Pourtant, la sexualité reste souvent un sujet tabou entre les parents et leurs enfants. </p>
<p>En fait, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1741-3729.2012.00740.x">une étude qui a mesuré l'intention des mères de parler de santé sexuelle à leurs enfants</a> a révélé que 71 % d'entre elles n'avaient pas parlé de sexualité à leurs adolescents et que 49 % n'avaient aucune intention de le faire. </p>
<p>Alors, comment pouvons-nous aider les jeunes à être en sécurité, en ligne et hors ligne ?</p>
<p>L'absence d'éducation sexuelle à la maison nécessite <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/nicole-chammartin-sex-education-opinion-1.4755517">des programmes complets d'éducation sexuelle dans les écoles</a>. Cela comprend l'enseignement du sextage aux adolescents.</p>
<p>Plutôt que de condamner l'acte de sexter chez les jeunes, une approche plus proactive pourrait se concentrer sur le fait de parler ouvertement de sexualité avec eux et de les éduquer sur la façon d'être <a href="https://theconversation.com/why-sexting-must-be-on-the-curriculum-96457">des citoyens numériques responsables</a> en mettant l'accent sur des interactions en ligne éthiques, respectueuses et sécuritaires.</p>
<p>*Si un parent ou un adolescent craint que des vidéos et des images soient distribuées sans son consentement, s'il reçoit des sextos non-sollicités ou est victime de sextorsion, il doit signaler immédiatement ses préoccupations à la police locale. Au Canada, on peut aussi consulter <a href="https://needhelpnow.ca/app/en/">needhelpnow.ca</a> et envoyer un rapport à <a href="https://www.cybertip.ca/app/en/report">Cyberaide.ca</a>. Aux États-Unis, on peut consulter <a href="https://www.stopbullying.gov/" title=" "">Stopbullying.org</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118980/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Mori travaille au Determinants of Child Development Lab de l'Université de Calgary, en Alberta, et reçoit du financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jeff Temple reçoit des fonds des National Institutes of Health, du National Institute of Justice et des Centers for Disease Control and Prevention. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sheri Madigan reçoit du financement du Conseil de recherches en sciences humaines, du Programme des chaires de recherche du Canada et de l'Alberta Children's Hospital Foundation.</span></em></p>
Les jeunes qui s'adonnent au sextage sont quatre fois plus actifs sexuellement, cinq fois plus susceptibles d'avoir eu plusieurs partenaires et deux fois moins enclins à utiliser la contraception.
Camille Mori, M.Sc. student in Clinical Psychology, University of Calgary
Jeff Temple, Professor, Department of Obstetrics & Gynecology; Director, Behavioral Health and Research, The University of Texas Medical Branch
Sheri Madigan, Assistant Professor, Canada Research Chair in Determinants of Child Development, Owerko Centre at the Alberta Children’s Hospital Research Institute, University of Calgary
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tag:theconversation.com,2011:article/115079
2019-04-08T19:58:06Z
2019-04-08T19:58:06Z
Podcast : « La pilule » altérerait la reconnaissance des émotions
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/268164/original/file-20190408-2898-107ye85.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C135%2C1270%2C757&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plaquettes_de_pilule.jpg">Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Les traitements contraceptifs par voie orale sont vraisemblablement parmi les médicaments les plus étudiés de l’histoire de la médecine. Mais il semblerait que certains de leurs effets secondaires commencent tout juste à être mis en évidence.</p>
<p>C’est notamment ce que vient de mettre en lumière une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2018.01041/full">étude scientifique allemande</a> qui semble montrer que ce type de traitement médicamenteux pourraient avoir pour conséquence d’altérer la reconnaissance des émotions complexes chez les autres.</p>
<p>En moins de 10 minutes, grâce à cet épisode, découvrez plus en détail cette étude dont les résultats encore préliminaires doivent être pris avec précaution.</p>
<hr>
<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/2748">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ne pas arriver à reconnaître les émotions chez les autres peut être handicapant dans nos relations interpersonnelles.
Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences à Aix-Marseille Université, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)
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tag:theconversation.com,2011:article/89207
2017-12-17T21:07:56Z
2017-12-17T21:07:56Z
La pilule, première méthode de contraception en France, mais pas dans le monde
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/199428/original/file-20171215-17878-1fag0xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pilule contraceptive</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Après le vote il y a 50 ans de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Neuwirth">loi Neuwirth</a> autorisant la contraception, la pilule est devenue très vite la première méthode contraceptive en France. Malgré la controverse sur les pilules de nouvelles générations en 2012 qui a entraîné son léger recul, cette méthode reste la plus courante : près d’une Française sur deux ne souhaitant pas être enceinte l’<a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/cinquante-ans-de-contraception-legale-en-france/">utilise</a>. Est-ce aussi le cas dans les autres pays du monde ? Quelles méthodes sont utilisées ailleurs ?</p>
<p>De nos jours, la plupart des couples ont le nombre d’enfants qu’ils veulent et quand ils le veulent. En 2015, près de <a href="http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/index.shtml">deux sur trois dans le monde</a> utilisent une méthode de contraception, comme le montre la figure ci-dessous. Le tiers restant soit s’apprête à avoir un enfant – la femme est enceinte – soit souhaite en avoir un prochainement, soit ne le souhaite pas mais ne se protège pas. La contraception est répandue presque partout dans le monde à l’exception de l’Afrique où elle n’est encore utilisée que par un tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans mariées ou en union. Elle est beaucoup utilisée en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais c’est en Afrique intertropicale qu’elle l’est peu, seulement une <a href="http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/index.shtml">femme sur quatre y ayant recours</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199414/original/file-20171215-17869-xkhijm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La contraception dans le monde et les différents continents en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles Pison à partir de données ONU</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Stérilisation : majoritaire dans le monde, mais en baisse</h2>
<p>Les méthodes de contraception les plus utilisées dans le monde sont, par ordre d’importance, la stérilisation (dans 34 % des cas), le stérilet (22 %), la pilule contraceptive (14 %), le préservatif (12 %), et l’injection ou l’implant hormonal (8 %). Parmi les autres méthodes moins utilisées, on trouve le retrait et l’abstinence périodique.</p>
<p>La stérilisation a cependant un peu reculé au cours des vingt dernières années, à la fois du côté féminin et masculin – 33 % des femmes ne souhaitant pas être enceintes et se protégeant pour cela avaient recours à la stérilisation féminine en 1994, <a href="http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/index.shtml">contre 30 % en 2015</a>. La stérilisation masculine, beaucoup moins fréquente déjà il y a 20 ans, a encore diminué – 8 % de couples en 1994, contre 4 % en 2015. Le recul de la stérilisation s’est fait au profit principalement du préservatif, dont l’usage a été promu pour lutter contre l’épidémie de sida, et des méthodes hormonales, notamment l’injection, utilisée par 2 % des femmes en 1994 et 7 % en 2015. Ces évolutions reflètent pour partie l’évolution de la population d’utilisatrices à l’échelle mondiale, qui compte une part croissante de femmes d’Afrique subsaharienne, la population de cette région étant celle qui a augmenté le plus, et le <a href="http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/index.shtml">recours à la contraception y étant à la hausse</a>. Or l’injection hormonale et le préservatif sont des méthodes répandues en Afrique subsaharienne, contrairement à la stérilisation qui est peu pratiquée.</p>
<h2>Des modes variables d’un pays à l’autre</h2>
<p>D’un pays à l’autre les méthodes de contraception varient beaucoup, comme on peut le voir sur la figure ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1614&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1614&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199415/original/file-20171215-17854-1g8f6u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1614&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les méthodes de contraception dans le monde et dans une sélection de pays en 2015 (les pays sont classés par importance décroissante de la stérilisation).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles Pison à partir de données ONU</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France, la pilule domine, près de la moitié des femmes l’utilisant comme déjà mentionné. Viennent ensuite le stérilet, utilisé par un quart des femmes, puis le préservatif (10 %). La stérilisation ne concerne que 6 % des couples ne souhaitant pas avoir d’enfant – dans un cas sur cinq c’est l’homme qui est stérilisé, dans quatre cas sur cinq, c’est la femme. Les méthodes utilisées en France n’ont guère changé au cours des 20 dernières années mis à part l’importance accrue du préservatif en lien avec l’épidémie de sida, et un <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/cinquante-ans-de-contraception-legale-en-france/">léger recul de la pilule au profit des autres méthodes depuis 2012</a>.</p>
<iframe id="datawrapper-chart-8dqTl" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8dqTl/8/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" allowfullscreen="allowfullscreen" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" oallowfullscreen="oallowfullscreen" msallowfullscreen="msallowfullscreen" style="width: 0; min-width: 100% !important;" height="600" width="100%"></iframe>
<p>En Inde, la stérilisation est la principale méthode de limitation des naissances. Elle est utilisée par les deux tiers des couples qui ne veulent pas d’enfants. La plupart du temps, c’est la femme qui est stérilisée, alors qu’il y a plusieurs dizaines d’années, seule la moitié des couples stérilisés était dans ce cas, l’homme étant stérilisé dans l’autre moitié des cas. La pilule et le stérilet sont très peu utilisés.</p>
<p>En Chine, la stérilisation est très utilisée, comme en Inde. Six fois sur sept, c’est la femme qui est stérilisée, et une fois sur sept, c’est l’homme. Mais les Chinoises utilisent encore plus le stérilet : un sur deux portés dans le monde l’est par une Chinoise. Par contre, elles utilisent très peu la pilule.</p>
<p>Au Brésil, la stérilisation est la première méthode, comme en Inde, et ce sont également les femmes qui sont stérilisées, beaucoup de maris refusant de l’être, comme dans presque tous les pays latins. La deuxième méthode est la pilule contraceptive. Le stérilet est pratiquement inconnu.</p>
<iframe id="datawrapper-chart-3T1AR" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3T1AR/2/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" allowfullscreen="allowfullscreen" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" oallowfullscreen="oallowfullscreen" msallowfullscreen="msallowfullscreen" style="width: 0; min-width: 100% !important;" height="550" width="100%"></iframe>
<h2>Et d’autres méthodes</h2>
<p>En Égypte, contrairement à la situation en Inde, en Chine ou au Brésil, la stérilisation est peu fréquente et la principale méthode de contraception est le stérilet. La pilule est également utilisée, ainsi que l’injection. Comprenant des hormones proches de la progestérone, et répétée tous les trois mois, elle a une action analogue à la pilule contraceptive.</p>
<p>En Indonésie, comme en Égypte, la stérilisation est peu fréquente et la pilule relativement diffusée. Mais la méthode la plus fréquente est l’injection, utilisée par la moitié des femmes ne souhaitant pas être enceintes.</p>
<p>En Haïti la situation est similaire à celle de l’Indonésie avec une domination encore plus forte de l’injection : elle est utilisée par deux Haïtiennes ne souhaitant pas être enceintes sur trois.</p>
<p>Au Kenya, les méthodes hormonales autres que la pilule sont également utilisées par les deux tiers des femmes se protégeant, mais elles recourent à l’injection dans seulement deux cas sur trois, choisissant l’implant dans un cas sur trois. Petit bâtonnet implanté sous la peau et remplacé tous les trois ans, il contient des hormones proches de la progestérone qui diffusent de façon lente et continue dans le corps et ont une action analogue à celle de la pilule contraceptive.</p>
<p>En Algérie, presque toute la contraception repose sur la pilule, huit femmes ne souhaitant pas être enceintes sur dix l’utilisant, la plus forte proportion au monde. La proportion est très élevée aussi au Maroc où trois femmes sur quatre l’utilisent.</p>
<p>Au Japon, la méthode de contraception préférée est le préservatif : les Japonais en sont les plus gros consommateurs au monde. En revanche, la pilule n’est pratiquement pas utilisée, et le stérilet non plus. Ils sont considérés comme dangereux.</p>
<p>Cette revue de la situation dans quelques pays illustre combien les usages varient dans le monde en matière de contraception.</p>
<p><em>Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Marie Simon.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89207/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
A l'occasion des 50 ans de la loi Neuwirth, un panorama en data visualisations sur la contraception en France et dans le monde.
Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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tag:theconversation.com,2011:article/77492
2017-06-28T18:41:04Z
2017-06-28T18:41:04Z
Adolescentes : les informations essentielles pour dédramatiser la première visite gynéco
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173799/original/file-20170614-21345-js8cmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5168%2C3133&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les jeunes filles, les appréhensions vis à vis de la première consultation gynécologique sont nombreuses.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/doctor-showing-patient-test-results-on-284516711?src=Q4zhd-GTOknyIVL7VuYUcw-1-0">Monkey business images/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>A partir du 1er novembre, la première consultation pour la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles est prise en charge à 100 % par l'Assurance Maladie. Cette disposition, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2017/6/21/SSAU1724058S/jo/texte">publiée au Journal officiel</a>, concerne les jeunes filles de 15 à 18 ans.</p>
<p>La <a href="http://www.filsantejeunes.com/premiere-consultation-gyneco-5687">première consultation chez le gynéco</a>, pour une jeune fille, c’est toute une affaire. Pour s’en rendre compte, il suffit de feuilleter le petit guide de dix pages diffusé par Santé publique France sur ce sujet. Avec des questions récurrentes : Il paraît que l’examen médical fait hyper mal, comment savoir ? Ma copine m’a dit que c’était horrible, qu’il faut se mettre nue, est-ce que c’est vrai ? Est-ce que ça vaut la peine que j’y aille si j’ai pas de petit copain ?</p>
<p>Distribué dans les établissements scolaires mais aussi par les médecins ou les conseillers conjugaux, <a href="http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1400.pdf">accessible en ligne</a>, ce guide est venu combler un besoin d’information important chez les adolescentes et les jeunes adultes. Sous le titre « La première consultation gynécologique, tout ce que tu as toujours voulu savoir sans jamais oser le demander », le document a atteint le but visé par ses concepteurs : dédramatiser et encourager la consultation d’un professionnel de santé, qu’il soit médecin ou sage-femme. C’est en tout cas ce que montre l’évaluation <a href="http://www.fondationmgen.fr/wp-content/uploads/2017/05/Rapport_1ere_consult_Final.pdf">dont nous venons de publier les résultats</a>, cinq ans après sa première diffusion.</p>
<h2>« Paye ton utérus » sur Twitter</h2>
<p>Il s’est passé beaucoup de choses dans l’intervalle. En 2014, une étudiante en pharmacie a lancé sur Twitter le <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/payetonuterus-quand-les-femmes-se-lachent-contre-leur-gyneco_1623785.html">hashtag (mot clé) #PayeTonUtérus</a>, avec l’intention de libérer la parole des femmes vis-à-vis des médecins qui leur feraient « payer » d’avoir un utérus. Son appel a déclenché une vague de témoignages sur les indélicatesses subies en consultation.</p>
<p>En 2015, c’est le toucher vaginal sans consentement, pratiqué par des étudiants en médecine sur des patientes endormies pour une opération, <a href="http://www.slate.fr/story/108351/touchers-vaginaux-sans-consentement-prive-institut-montsouris">qui a été dénoncé</a>. Et le mois dernier, c’est un Collectif de défense des victimes de violences obstétricales et gynécologiques qui s’est constitué à l’initiative <a href="http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/">d’une blogueuse féministe</a>, pour combattre la maltraitance dans les pratiques médicales.</p>
<p>Dans ce contexte tendu, le guide de la première consultation gynécologique mérite d’être redécouvert. Plus que jamais, il peut jouer son rôle de pacification des relations entre jeunes filles et soignants, faciliter le dialogue sur les questions de sexualité et éviter certaines incompréhensions.</p>
<h2>Avec la collaboration du médecin écrivain Martin Winckler</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174551/original/file-20170619-22138-1kbskup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le document a été conçu par un groupe de travail comprenant <a href="http://www.la-croix.com/Famille/A-quel-emmener-fille-chez-gynecologue-2016-09-27-1200792064">médecins</a> et spécialistes de la promotion de la santé, dont certains de l’association <a href="http://adosen-sante.com/">Adosen prévention santé MGEN</a> dédiée au bien-être des élèves, de l’association <a href="https://www.sparadrap.org/">Sparadrap</a>, qui agit pour mieux préparer les enfants aux soins médicaux, et de <a href="http://inpes.santepubliquefrance.fr/">Santé publique France</a> (auparavant Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, Inpes). Des jeunes ont été sollicités pour sa réalisation, ainsi que le médecin écrivain Martin Winckler, dont le <a href="http://www.martinwinckler.com/">blog sur la contraception</a> est reconnu pour sa contribution à l’information des patientes.</p>
<p>Le guide traite notamment, sous forme de dialogues, de « la peur d’être jugée ». Au-dessus d’une jeune fille dessinée dans le style BD, une bulle transcrit sa pensée : « J’ai eu un rapport sans préservatif… ». Réponse des auteurs du guide : « Le professionnel de santé n’est pas là pour te faire la morale mais pour t’aider ». Est abordée, aussi, « la peur de poser des questions ridicules ». Par exemple : « Est-ce que je lui demande comment mettre un tampon ? » Réponse des auteurs : « Il n’y a pas de question stupide ou déplacée : tu as le droit à l’information ».</p>
<p>La consultation peut aussi mal se passer. Et les auteurs rappellent aux jeunes filles leur liberté de choix : </p>
<blockquote>
<p>« Tu hésites à revenir… Tu n’as pas “accroché” avec le médecin ou la sage-femme, tu as eu l’impression d’être mal à l’aise, d’être jugée ou mal conseillée, que l’on n’a pas pris le temps de t’écouter… Tu as tout à fait le droit de changer jusqu’à ce que tu trouves quelqu’un avec lequel tu te sentes à l’aise ! »</p>
</blockquote>
<h2>Une enquête sur l’appréciation du guide par les professionnels</h2>
<p>Les professionnels du social et de la santé se montrent satisfaits de cet outil d’information. Leur appréciation a pu être mesurée au cours d’une enquête menée par la <a href="http://www.fondationmgen.fr/">Fondation d’entreprise MGEN pour la santé publique</a> (FESP-MGEN). Sur les 2 746 personnes ou entités l’ayant commandé auprès de Santé publique France entre 2012 et 2016, 567 ont répondu au questionnaire. Les répondants sont 71 % à la trouver « très intéressante » et 29 % « plutôt intéressante ». 75 % d’entre eux la trouvent « très utile » et 24 % « plutôt utile ».</p>
<p>Dans la pratique, les infirmières et les conseillers conjugaux ont distribué le guide essentiellement à des élèves, dont l’immense majorité dans le secondaire. Les médecins et les sages-femmes l’ont surtout donné à leurs patients, à titre de support d’information.</p>
<p>Ainsi, le guide de la première consultation gynécologique constitue bien un outil de promotion de la santé, laquelle a été définie par l’<a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/175/?sequence=17">Organisation mondiale de la Santé en 1986</a> comme « le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé afin d’améliorer celle-ci ».</p>
<h2>Le gynéco, mais aussi le généraliste et la sage-femme</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174553/original/file-20170619-22151-f0iv9z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des améliorations de son contenu ont été suggérées à travers l’enquête. Parmi les critiques, la place prépondérante accordée au « gynéco », c’est-à-dire au médecin spécialiste. Or c’est souvent un <a href="https://nuxeo.u-bourgogne.fr/nuxeo/site/esupversions/e2c543c9-004a-452e-816f-99216f4e928a">médecin généraliste</a> qui reçoit les jeunes filles pour la <a href="http://www.chu-nantes.fr/premier-examen-gynecologique-questions-reponses-24650.kjsp">première visite</a>. Et tous les professionnels de santé, en particulier les sages-femmes, sont en capacité de la faire. Une nouvelle version du guide devrait ainsi être élaborée cet automne.</p>
<p>À ce jour, les jeunes filles inquiètes à l’idée de prendre rendez-vous pour cette visite touchant à leur intimité ont le choix entre questionner les sœurs aînées ou les copines, parcourir au hasard des articles traitant de ce sujet sur Internet et… lire le guide, où les informations sont validées et présentées de façon pédagogique. En tenant compte des appréhensions légitimes des adolescentes et des jeunes femmes, cet outil contribue à leur meilleur suivi gynécologique.</p>
<p>Et si la prochaine version s’adressait aussi… à leurs partenaires masculins ? Certes des jeunes gens apparaissent bel et bien dans les illustrations, et il est rappelé que le « petit copain » peut tout à fait accompagner la jeune fille à la consultation. Mais ils ne trouvent dans le guide aucune information à leur intention, comme cela a été souligné au cours de notre enquête. La contraception masculine, par exemple, on en parle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme-Philippe Garsi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La première consultation gynécologique est désormais remboursée à 100%. Un guide validé par des médecins et des spécialistes de santé publique aborde l'ensemble des peurs qu'elle suscite volontiers.
Jérôme-Philippe Garsi, Chargé de recherche en Recherche interventionnelle, Fondation MGEN pour la santé publique, MGEN
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tag:theconversation.com,2011:article/79214
2017-06-20T19:14:29Z
2017-06-20T19:14:29Z
Les normes natalistes entravent l’Afrique subsaharienne
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174668/original/file-20170620-24911-1e3jtws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C69%2C1497%2C1014&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Erithrée.</span> <span class="attribution"><span class="source">J. Kefauver, A. Hagos/USAID</span></span></figcaption></figure><p>La plupart des pays d’Afrique subsaharienne aspirent à devenir rapidement des pays émergents à croissance forte, inclusive et durable. Cependant, l’importance des investissements démographiques, en santé, éducation, logements, etc. qu’ils doivent continuer à faire constitue un des obstacles majeurs pour cet objectif. En effet, comme nous l’avons vu dans nos précédentes data visualisations (<a href="https://theconversation.com/dividende-demographique-et-fecondite-en-afrique-79212">ici</a> et <a href="https://theconversation.com/lafrique-est-forte-de-sa-jeunesse-mais-doit-investir-dans-leducation-79213">là</a>), la fécondité y reste presque partout supérieure à 4 enfants par femme. En comparaison, pour les pays émergents, elle est aujourd’hui d’environ 2 enfants par femme (entre et 1,5 et 3 enfants).</p>
<p>Le maintien d’une forte fécondité en Afrique subsaharienne depuis les années 1960 est le résultat de facteurs socio-économiques et culturels. La faiblesse des niveaux d’instruction, d’urbanisation et du statut de la femme dans la plupart des pays sont des facteurs défavorables à une maîtrise consciente de la fécondité. Aussi, les sociétés africaines continuent de valoriser les familles nombreuses et les femmes ayant beaucoup d’enfants. La persistance de ces normes « natalistes » s’est traduite par une résistance à une utilisation de la contraception.</p>
<h2>Révolution contraceptive</h2>
<p>L’utilisation de la contraception en Afrique subsaharienne reste faible. Selon les résultats des dernières enquêtes, elle est, dans la moitié des pays, égale au plus à 20 % parmi les femmes mariées ou vivant maritalement. En revanche, elle se situe entre 60 % et 85 % dans la majorité des pays en développement ayant achevé leur transition de la fécondité : les femmes de ces pays ont donc réussi à maîtriser consciemment la taille de leur famille. Ce qui leur a permis d’entrer sur le marché du travail et d’être plus autonomes. Ces femmes ont ainsi réalisé en 30, 40 ans ce qu’on a appelé leur « révolution contraceptive ».</p>
<p>La faible utilisation de la contraception en Afrique subsaharienne est fortement corrélée à la faiblesse de la demande du côté des femmes. En effet, dans la moitié des pays, moins de 50 % d’entre elles ont exprimé un besoin en contraception. Contre 70 à 90 % des femmes dans la majorité des autres pays en développement. La faible demande peut s’expliquer par le fait que de nombreuses femmes ne sont pas encore pleinement conscientes de leurs droits en la matière. On encore que les pressions du conjoint, de la famille et de l’environnement dans lequel elles vivent les empêchent d’exercer ces droits. Par ailleurs, la faiblesse des programmes de planification familiale dans la plupart des pays peut décourager les femmes de l’utiliser.</p>
<p>Mais surtout, la faiblesse de l’utilisation de la contraception et de la demande correspondante apparaît liée aux normes natalistes toujours dominantes. En effet, dans la plupart des pays, les femmes ont indiqué un nombre idéal d’enfants supérieur à quatre, contre deux à trois dans la plupart des autres pays en développement. À noter que les nombres idéaux d’enfants en Afrique subsaharienne diminuent lentement. Mais restent toujours élevés parmi les jeunes femmes, y compris celles ayant suivi des études secondaires.</p>
<p>Dans ce contexte, les femmes d’Afrique subsaharienne considèrent logiquement la contraception comme un moyen de réaliser leur nombre idéal d’enfants toujours élevé, en espaçant mieux leurs grossesses. Ainsi, dans la moitié des pays, plus de 65 % de la demande en contraception cible ce besoin d’espacement. À l’inverse, dans la majorité des autres pays en développement, 65 % et plus de la demande l’est dans un objectif de maîtrise de la taille de la famille.</p>
<h2>La contraception est surtout pour les Africaines un moyen d’espacer des naissances nombreuses</h2>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/YzV9X/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" allowfullscreen="allowfullscreen" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" oallowfullscreen="oallowfullscreen" msallowfullscreen="msallowfullscreen" width="100%" height="600"></iframe>
<p><em>Relation entre la demande en planification familiale (en % sur l’axe vertical) et la demande en espacement des naissances de la part des femmes, dans 71 pays en développement. Etoiles rouges pour l'Afrique subsaharienne; trianges jaunes pour Asie et Afrique du Nord; Carrés verts pour Amérique latine; Ronds bleus pour Europe. L’Afrique subsaharienne veut une contraception pour simplement espacer les naissances sans en réduire le nombre. Source : <a href="https://www.ined.fr/fr/ressources-methodes/selection-sites-web/ressources-statistiques-enquetes/enquetes-demographiques-et-de-sante-demographic-and-health-surveys-dhs/">Enquêtes DHS</a> 1994–2014.</em></p>
<p>L’accélération de la transition démographique, en particulier de la transition de la fécondité, n’est donc pas acquise. C’est pourtant l’une des conditions préalables à remplir pour pouvoir bénéficier d’un dividende démographique et atteindre l’émergence.</p>
<p>Pour enclencher une telle accélération, il est nécessaire de faire sauter le verrou que constituent actuellement les normes natalistes qui caractérisent toujours les sociétés d’Afrique subsaharienne. Cela est possible au travers une refonte totale des programmes actuels d’information et d’éducation sur la planification familiale généralement centrés sur la santé de la mère et de l’enfant.</p>
<p>Ces programmes devraient selon nous être recentrés sur l’ensemble des adaptations auxquelles les femmes et les couples sont aujourd’hui contraints dans un contexte de changement rapide des sociétés africaines. Elles devraient aussi mettre davantage l’accent sur le futur espéré par les couples pour leurs enfants en termes d’éducation et d’insertion sociale dans des sociétés en pleine mutation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Guengant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si elle veut devenir émergente, l’Afrique subsaharienne doit agir sur sa tradition nataliste. La contraception doit permettre de réduire le nombre de naissances et pas simplement de les espacer.
Jean-Pierre Guengant, Démographe - Directeur de recherche émérite Université Paris 1- IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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tag:theconversation.com,2011:article/74056
2017-03-15T21:31:51Z
2017-03-15T21:31:51Z
Contraception et avortement, des enjeux du masculin ?
<p>La décision le vendredi 24 juin par la Cour suprême des États-Unis <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/24/droit-a-l-avortement-la-cour-supreme-des-etats-unis-revient-sur-l-arret-roe-vs-wade-et-laisse-les-etats-americains-libres-d-interdire-l-ivg_6131955_3210.html">d'annuler l’arrêt Roe vs Wade</a>, qui, depuis 1973, accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays, a non seulement rappelé <a href="https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914">la mainmise du religieux</a> sur les institutions, mais a également eu de nombreuses répercussions à l'international. En France, cet événement <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/06/27/droit-a-l-ivg-dans-la-constitution-alors-que-le-debat-refait-surface-le-parlement-pousse-au-consensus_6132165_3224.html">a relancé le débat</a> quant à l'inscription du droit à l'avortement (IVG) dans la Constitution. Nombreux sont celles et ceux qui en ont profité pour rappeler combien ce droit concerne aussi les hommes.</p>
<h2>La contraception masculine en question</h2>
<p>Pourtant, le désintérêt, voire l’ignorance des hommes en matière de contraception comme d'avortement est très largement répandu et leur implication reste marginale. Comme le souligne <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2006-1-page-65.htm">Geneviève Cresson dans une étude</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il est sans doute erroné de parler des pratiques contraceptives des hommes, car il ressort de leurs propos que, toutes méthodes confondues, la contraception reste d’abord, voire uniquement, l’affaire des femmes. Même pour les hommes qui utilisent des méthodes dites masculines comme le retrait (coït interrompu) ou le préservatif, les remarques renvoyant à la responsabilité principale de la femme ne sont pas rares. »</p>
</blockquote>
<p>Or, la « confiance » dans la partenaire n’est le plus souvent qu’un alibi ou un refus d’assumer une part de responsabilité (en cas d’échec de la contraception notamment) et une volonté de s’affranchir des contraintes liées à la contraception hormonale qui <a href="http://www.contraceptionmasculine.fr">existe pour les hommes</a>, mais que la plupart d’entre eux ne connaissent pas.</p>
<p>Il y a, en effet, vis-à-vis de la contraception, en particulier hormonale, une contradiction intrinsèque du point de vue du masculin : la maîtrise du corps des femmes par les hommes supposerait logiquement une maîtrise de l’acte contraceptif (qui est possible techniquement sous plusieurs formes) par les hommes, cependant <a href="https://www.arteradio.com/son/61657845/les_bijoux_de_famille">ces derniers refusent cette contraception, dans leur écrasante majorité</a>.</p>
<p>Pourquoi un tel abandon de responsabilité ?</p>
<p>La contraception masculine est, dans l’ordre des représentations et de l’imaginaire masculins, associée à l’impuissance ou à une limitation de la puissance virile. Selon <a href="https://books.google.fr/books?id=_NMXT-RQmV0C&pg=PA363&lpg=PA363&dq=Accorder+l%C3%A9galement+la+contraception+aux+femmes+dans+notre+pays+r%C3%A9sulte+d%E2%80%99une+erreur+d%E2%80%99appr%C3%A9ciation+d%E2%80%99un+pouvoir+essentiellement+masculin%E2%80%A6+Rien+n%E2%80%99emp%C3%AAchait+cependant+de+la+mettre+entre+la+main+des+hommes+fran%C3%A7oise+h%C3%A9ritier&source=bl&ots=8hc1_QBdEG&sig=ACfU3U3C5zCl778xCEL_8BnBGXl9s5plCg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwizmOad4834AhUBrxoKHW-bDKEQ6AF6BAgCEAM#v=onepage&q=Accorder%20l%C3%A9galement%20la%20contraception%20aux%20femmes%20dans%20notre%20pays%20r%C3%A9sulte%20d%E2%80%99une%20erreur%20d%E2%80%99appr%C3%A9ciation%20d%E2%80%99un%20pouvoir%20essentiellement%20masculin%E2%80%A6%20Rien%20n%E2%80%99emp%C3%AAchait%20cependant%20de%20la%20mettre%20entre%20la%20main%20des%20hommes%20fran%C3%A7oise%20h%C3%A9ritier&f=false">Françoise Héritier</a>,</p>
<blockquote>
<p>« Accorder légalement la contraception aux femmes dans notre pays résulte d’une erreur d’appréciation d’un pouvoir essentiellement masculin… Rien n’empêchait cependant de la mettre entre la main des hommes. Mais, s’il y a peu de recherche sur la contraception masculine, c’est justement à cause de la vivacité du modèle archaïque : la contraception masculine est vue comme une atteinte à la virilité… De plus, on a l’habitude de penser que tout ce qui concerne les enfants est du ressort des femmes… Ils (les députés) n’ont pas prévu les conséquences potentielles de leur loi, parce qu’ils se trouvaient dans le point d’aveuglement normal de notre société, où femme implique maternité. »</p>
</blockquote>
<h2>Production et reproduction</h2>
<p>La deuxième réponse renvoie à une conception de la division sexuée du travail entre l’ordre de la production (celui les hommes) et celui de la reproduction (celui des femmes). Si, laisser les femmes « en responsabilité » des affaires de reproduction, c’est leur donner une sphère d’autonomie, en revanche, en les cantonnant strictement dans cette sphère à des gestes techniques, par ailleurs perçus comme contraignants, c’est une autonomie d’apparence, « surveillée », qui concourt (ou croit concourir) à une dépendance des femmes et perpétue l’ignorance et le malaise des hommes vis-à-vis de la réalité de la gestation et du monde de la primo-enfance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160456/original/image-20170313-19226-1qgee8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=933&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La reproduction, une affaire de femmes, vraiment ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b0/Mary_Cassatt_-_Mother_and_two_children_-_1901.jpg">Mary Cassatt, « Femme et ses deux enfants », 1901/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conséquence, tout échec contraceptif sera systématiquement imputé aux femmes, puisque c’est leur affaire… Enfin, la contraception hormonale est physiquement contraignante, ce que la culture patriarcale du risque, des pulsions, du plaisir n’a pas particulièrement favorisé chez les hommes.</p>
<h2>Une contraception confidentielle</h2>
<p>Il existe des méthodes contraceptives hormonales « au masculin », <a href="http://www.courrierinternational.com/article/contraception-la-pilule-pour-homme-ce-nest-pas-pour-demain">qui ont pourtant fait leurs preuves</a>, mais elles restent confidentielles et seuls deux médecins hospitaliers, le Dr Jean Claude Soufir à l’hôpital Cochin de Paris et le Dr Roger Mieusset à l’hôpital Purpan à Toulouse s’en font les <a href="https://vaderetrospermato.wordpress.com/techniques/">ardents promoteurs</a>.</p>
<p>Cette confidentialité exprime toutes sortes de résistances :</p>
<ul>
<li><p>la quasi-totalité des médecins, qui pensent que lesdites méthodes ne sont pas encore au point (alors que leurs protocoles ont été validés par l’OMS il y a plus de trente ans <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/contraception-hormonale-masculine-des-resultats-prometteurs">et encore récemment</a>), perpétuent les représentations et les assignations genrées qui maintiennent les inégalités entre hommes et femmes et empêchent de penser un partage possible des décisions, des responsabilités et des prises de risques.</p></li>
<li><p>la résistance des hommes en général, qui refusent de se questionner socialement et symboliquement, en pensant que la contraception masculine peut être contradictoire avec une certaine représentation de la virilité et qui restent réticents à un modèle décisionnel où le poids des dispositifs (consultations et analyses médicales, gestion du calendrier des prises, des bilans…), et des effets secondaires (bien évidemment à assumer par les femmes seulement !), priment sur la responsabilité partagée de toutes ces contraintes contraceptives et où le « ce n’est pas mon affaire » l’emporte sur l’information, l’attention et le dialogue entre partenaires.</p></li>
</ul>
<p>En touchant au corps des hommes, il ne faut pas craindre une perte d’autonomie contraceptive des femmes (une crainte des féministes pour qui, malgré son instrumentalisation par les hommes, la contraception a représenté une étape majeure de l’émancipation des femmes), mais au contraire, il devient possible de repenser le rapport des hommes à la sexualité, à la parentalité et à un modèle hégémonique de masculinité/virilité. Comme le souligne souvent Françoise Héritier, « Il faut du temps pour passer du possible au pensable », à l’émotionnellement concevable et acceptable, puis à l’inscription dans le droit et enfin, dans les pratiques sociales.</p>
<h2>L’avortement et la maîtrise du corps des femmes</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160422/original/image-20170312-19278-95tn89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La contraception masculine existe, mais la plupart des hommes ne s’y intéressent pas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/pilules-1354782/">Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.guttmacher.org/sites/default/files/pdfs/pubs/fb_IAW_fr.pdf">Les taux d’avortement</a> s’élèvent à 29 pour mille femmes en âge de procréer en Afrique et 32 pour mille en Amérique latine ; la procédure y est illégale dans presque tous les cas. 25 % de la population mondiale vit dans des pays interdisant tout avortement pour quelque motif que ce soit. En 2008, plus de 97 % des avortements pratiqués en Afrique n’étaient pas médicalisés.</p>
<p>Ces quelques chiffres prouvent combien l’avortement représente lui aussi un enjeu prégnant du modèle archaïque patriarcal qui fait que la fonction biologique des femmes, qui a généré la représentation de la « vocation » naturelle des femmes à être mères se trouve transformée en assignation à produire des enfants, même contre leur gré.</p>
<p>Cette assignation fonctionnelle qui les dépasse fait que les femmes ne s’appartiennent pas, pas plus que le fœtus qu’elles peuvent porter. Ainsi, la responsabilité et la propriété finales des enfants portés n’est pas la leur mais celle des hommes (voire de Dieu lui-même), et il leur est interdit d’en disposer en décidant d’avorter.</p>
<p>Alors que face à des grossesses non planifiées ou non désirées, la décision de recourir à l’avortement engage, de fait, le plus profondément les femmes par rapport à leur intimité, à leur corps et à la liberté d’en disposer, les hommes sont à l’origine de multiples dispositifs qui vont de l’interdiction pure et simple de toute forme d’avortement (justifiée par les corpus, les institutions et les discours religieux divers, quasi-exclusivement aux mains des hommes) à sa pénalisation (édictée et mise en œuvre par les appareils étatiques et judiciaires).</p>
<p>Lors du procès de Bobigny en 1972, l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=DcdXKrFh5ZU">avocate Gisèle Halimi dans sa plaidoirie</a> a très bien décrit les ressorts de cette mise en tutelle à la fois médicale, judiciaire et sociale de la fécondité, et plus largement, du corps des femmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160423/original/image-20170312-19266-1535myk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’enlèvement des filles de Leucippe, par Peter Paul Rubens.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sexual_fantasy#/media/File:Peter_Paul_Rubens_-_The_Rape_of_the_Daughters_of_Leucippus.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Il y a toujours profusion d’exemples de pénalisation des femmes qui ont, pour elles-mêmes, leurs filles, leurs sœurs, leurs collègues de travail, eu recours à l’avortement. En Amérique latine, par exemple, les Églises et les États, avec leurs instruments respectifs allant de l’excommunication à des peines d’emprisonnement, sont les parties prenantes de cette criminalisation des femmes.</p>
<h2>Un système qui encourage les avortements sélectifs</h2>
<p>Paradoxalement, le système patriarcal globalisé admet, voire encourage, ce que l’on peut appeler les avortements de convenance, ces avortements sélectifs au nom de la préférence « archaïque » pour les garçons qui, en Asie par exemple, représente un enjeu sociétal majeur.</p>
<p>Ancrée au cœur des traditions de modèles patriarcaux de l’Inde ou de la Chine, cette préférence se manifeste dans le droit, en matière d’héritage et de succession par exemple, et dans le statut d’infériorité sociale des femmes.</p>
<p>Il est à noter que les technologies médicales avancées comme les échographies largement inventées, déployées et utilisées par les hommes, qui se sont diffusées avec le développement économique, ont permis de mettre en place une sélection prénatale au détriment des fœtus féminins, provoquant de graves déséquilibres démographiques – 933 filles naissent chaque année en Inde pour 1 000 garçons. La proportion normale devrait être de 1 050 à 1 060 filles pour 1 000 garçons.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8FaiTDrT6sU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ainsi, que l’on soit dans une culture d’opposition à l’avortement ou dans une culture d’imposition d’un type d’avortement, c’est toujours la disqualification sociale des femmes à décider par elles-mêmes et pour elles-mêmes (et au-delà, pour leurs filles) qui est en jeu. C’est toujours la culpabilité des femmes qui est avancée : culpabilité d’avoir procédé à un avortement ou au contraire, culpabilité de ne pas y avoir procédé.</p>
<p>Ce qui apparaît comme une toute-puissance des hommes sur le corps des femmes révèle en fait l’ambivalence de la domination patriarcale, qui est l’expression et le résultat d’entreprises et de dispositifs de pouvoirs mais qui, à terme, ne peuvent que questionner, voire déstabiliser la domination elle-même, soit en la forçant à afficher une coercition, de moins en moins acceptable socialement, soit en révélant ses contradictions qui ne seront plus tenables d’un point de vue anthropologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Tant que les hommes ne s’empareront pas sérieusement des questions de contraception et d’avortement, les femmes ne seront pas totalement libres de disposer de leur corps et de leur destin.
Serge Rabier, Chargé de recherches Populations genre, Agence française de développement (AFD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/67612
2016-11-20T19:52:32Z
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Éducation à la sexualité ou éducation à l’hétérosexualité?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146088/original/image-20161115-31140-7omid0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Figurines pour l'éducation sexuelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ross_angus/23333036234/in/photolist-BxRULb-CvnNsR-EPUChW-EiJJsK-AyvbCe-HgLBJK-f3U6wb-d9YA6i-8gWsrh-9NH4cA-9QV1JT-6Vrbao-6APc3n-99Srpe-9NEusH-3gmA5J-8VVZmH-5qFtcF-pLSRg8-2EE3Xr-A8As9-4acgJa-qFKji9-8gTbkp-9hm65Z-7P3aHo-6tsQM9-Jm5zH-6sRUWV-ynhPSU-BN1JWA-CJUdxW-wL2ZZu-EQU16m-wBoTgo-H86WtU-r1S4CL-NpUkH9-N5Ukw4-MCGv4q-M8gcSt-MUJg4d-N2Pg4A-MUJ6bh-MXdeqz-MA1chL-MzTfiQ-KPv5ub-rQHPNG-wEiSzr">Ross Angus/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire.</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a></em></p>
<p>« On parlait du cycle menstruel. Le jour 14, c’est le jour où tu ovules, et tout. Un élève a dit : « Merde ! J’ai fait l’amour le 14 février ! » Il a fallu que j’explique que l’ovulation n’avait pas nécessairement lieu le 14 de tous les mois », raconte, perplexe, une enseignante d’école secondaire québécoise. « “En matière de sexualité, c’est au garçon d’assurer. C’est lui qui fait tout puisque c’est lui qui pénètre”. C’est le genre de commentaire qu’on entend systématiquement », rapportent des professeurs de collège français. Pour peu qu’on s’intéresse à l’éducation à la sexualité, les anecdotes abondent, navrantes et similaires des deux côtés de l’Atlantique.</p>
<h2>La sexualité sans plaisir</h2>
<p>Ces constats, pourtant, sont loin d’étonner les membres du <a href="https://Twitter.com/EASexCreteil">Groupe académique Éducation à la sexualité de Créteil</a>. Ce groupe d’une quinzaine de membres (infirmières, enseignant(e)s, chefs d’établissements, etc.) de l’Académie de Créteil œuvre depuis 2013 à l’information et à la formation des personnels en matière d’éducation à la sexualité. Leurs actions menées au sein de différents établissements visent à susciter chez les élèves des réflexions quant aux fausses croyances (liées notamment à une méconnaissance du fonctionnement du corps ou des pratiques sexuelles) et aux stéréotypes sexués (accordant aux filles et aux garçons des rôles distincts et complémentaires dans l’exercice de la sexualité) qu’ils peuvent entretenir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146592/original/image-20161118-19352-194mbrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’exposition « Zizi sexuel », organisée en 2007 et 2014 par la Cité des Sciences à Paris, se proposait de déconstruire les idées reçues sur la sexualité auprès des jeunes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/daffyduke/8163426605">Olivier Dusquesne/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces préconceptions ne sont pas entièrement adressées par les programmes actuels, qui misent pour la plupart sur des points d’entrée en matière essentiellement biologiques, via les sciences de la vie et de la Terre. Cela contribue à constituer, toujours selon des membres du Groupe avec qui nous avons échangé, un frein à une éducation à la sexualité plus complète et inclusive. Ils estiment que cette approche dessert les <a href="https://gss.revues.org/3144">élèves LGBTI</a>(lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes) mais, plus globalement, « tous les élèves qui se questionnent ou estiment ne pas être dans la norme – du corps, du comportement, du ressenti », <a href="http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/01/13/surveiller-et-jouir-anthropologie-politique-du-sexe-de-gayle-rubin_1465008_3260.html">comme le montrait d’ailleurs l’anthropologue américaine Gayle Rubin</a>.</p>
<p>Les contenus des <a href="http://www.archipel.uqam.ca/8981/">apprentissages en éducation à la sexualité</a> passionnent Guillaume Cyr, doctorant en éducation à l’Université du Québec à Montréal et ancien enseignant de science. L’ennui, selon lui, c’est que l’inclusion des programmes d’éducation à la sexualité se heurte à au moins deux types d’obstacles. Le premier, c’est l’insistance accordée aux enseignements sur la reproduction sexuée. « Cela évacue la question du plaisir sexuel, ce qui tend à naturaliser l’hétérosexualité ». Le second, « c’est qu’on présente les corps, et donc la sexualité, selon une bicatégorisation par sexe ».</p>
<p>Selon ces enseignements, au-delà des anatomies féminine et masculine, il y aurait des manières acceptables de draguer, de solliciter les rapprochements sexuels, de se comporter pour plaire à l’autre, de concevoir le plaisir sexuel, <a href="http://allodoxia.blog.lemonde.fr/files/2016/11/OFillod_Caf%C3%A9-IEC-%C3%A9ducation-%C3%A0-la-sexualit%C3%A9_8-nov-2016.pdf">qui seraient distinctes en fonction du sexe</a>. Ces <a href="https://gss.revues.org/1402">représentations limitées</a> de la sexualité humaine (presqu’exclusivement associées à la pénétration vaginale) contribueraient de surcroît à présenter une sexualité associée au plaisir pour les garçons/hommes, et à la responsabilité et à la gestion du risque pour les filles/femmes. Bref, les programmes auraient tendance à reconduire une série de <a href="https://theconversation.com/ni-putes-ni-prudes-et-surtout-pas-pedes-attentes-de-genre-chez-les-adolescent-e-s-66793">normes en matière de sexualité qui seraient largement genrées</a>.</p>
<h2>Tabous, clichés et controverses</h2>
<p>Les tensions autour des contenus à transmettre en éducation à la sexualité n’étonnent guère les sociologues du curriculum. La sexualité est peut-être l’une des thématiques dont l’inclusion dans le curriculum scolaire a fait – et continue de faire – l’objet du plus de controverses, et dans plusieurs pays. Au Canada, le gouvernement de la province de l’Ontario a dû <a href="http://www.cbc.ca/news/canada/toronto/sex-ed-opponents-claim-victory-in-ontario-1.899830">retourner à la table de travail</a> en 2010 après que sa tentative d’introduire un nouveau programme d’éducation à la sexualité abordant les notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre ait déplu à des groupes de parents d’élèves. Au Royaume-Uni, de 1988 à 2003, les enseignant(e)s désireux de parler d’homosexualité étaient <a href="http://ethos.bl.uk/OrderDetails.do?uin=uk.bl.ethos.358979">largement freinés</a> en raison de la <a href="https://www.theguardian.com/politics/2003/nov/17/uk.gayrights">section 28</a> de l’acte de gouvernement local interdisant de faire la promotion de l’homosexualité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146588/original/image-20161118-19383-mho6rx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelle place l’éducation sexuelle doit-elle accorder au plaisir et aux différents types de sexualités humaines ? Détail du temple indien de Khajuraho.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Khajuraho_Group_of_Monuments#/media/File:Khajuraho-Lakshmana_Temple_erotic_detal1.JPG">Aotearoa/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>En France, la controverse la plus récente date de 2011 et concerne l’introduction des notions d’<a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/16/defendons-les-etudes-de-genre-a-l-ecole_1573255_3232.html">identité et d’orientation sexuelles</a> dans les manuels scolaires de science et vie de la terre. Cette initiative a engendré une importante levée de boucliers, ses opposants reprochant à l’Éducation nationale de se faire porteuse d’une supposée <a href="http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/qu-est-ce-que-la-theorie-du-genre-7785093561">« théorie du genre »</a>.</p>
<p>On identifie trois courants dominants d’intervention en éducation à la sexualité, qui correspondent à autant de manières d’inclure la sexualité dans le curriculum.</p>
<ul>
<li><p>Le modèle traditionnel, <a href="http://www.ncsl.org/research/health/state-policies-on-sex-education-in-schools.aspx">préconisé par plusieurs états américains</a> se caractérise par la promotion de l’abstinence avant le mariage, la valorisation de l’union hétérosexuelle et la condamnation de l’homosexualité. Ces programmes accentuent la construction d’un certain type de « normalité sexuelle », encensant les notions de monogamie, de relation sexuelle comme étant uniquement centrée sur la pénétration, de la conformité des partenaires aux rôles de genre conventionnels.</p></li>
<li><p>Le modèle préventif, <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1158136007000928">sur lequel s’axe notamment le programme scolaire français</a>, aborde la sexualité sous l’angle de ses risques inhérents (infections transmissibles sexuellement, grossesse à l’adolescence, violence dans les relations amoureuses, etc.) et des manières d’y faire face (principalement la contraception).</p></li>
<li><p>Quant au modèle libéral, en <a href="https://www.theguardian.com/education/2015/jun/05/swedish-sex-education-games-mature-debate">vigueur dans les pays scandinaves</a>, il est axé sur la promotion du plaisir et la discussion des différentes orientations sexuelles.</p></li>
</ul>
<p>L’Unesco a publié en 2010 des <a href="http://www.unesco.org/new/fr/hiv-and-aids/our-priorities-in-hiv/sexuality-education/international-technical-guidance-on-sexuality-education/">Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité</a>, mais suggère qu’une approche uniforme des contenus liés à la sexualité n’est ni possible, ni souhaitable. L’efficacité des initiatives d’éducation sexuelle dépend ainsi des influences culturelles spécifiques à chaque région.</p>
<h2>Pas d’uniformisation des savoirs</h2>
<p>Au-delà des contenus scolaires, le manque d’uniformisation des connaissances transmises d’une école à l’autre, même d’une classe à l’autre, règne en maître au chapitre des préoccupations. « L’éducation à la sexualité est tout à fait inégale d’une école à l’autre », constate Guillaume Cyr. « Au Québec, on a peu d’informations, autres qu’anecdotiques, sur ce qui se passe dans les écoles ».</p>
<p>Il faut dire que l’éducation à la sexualité a connu son lot de pérégrinations dans la province. Instaurés en 1986 comme module du cours de Formation personnelle et sociale, les enseignements liés à la sexualité ont à toutes fins utiles disparu du cursus scolaire en 2000, avec la modification du programme de formation de l’école secondaire. Malgré cette réforme des contenus, ces sujets demeuraient en théorie sous la responsabilité de l’école. Les enseignant(e)s et les personnels scolaires se partageaient donc la tâche d’évoquer, ici les mécanismes de la reproduction humaine, là la puberté, là encore, l’épineuse question des orientations sexuelles. En septembre 2015, un <a href="http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/744185/education-sexuelle-ecole-projet-pilote-quebec">programme pilote d’éducation à la sexualité</a> a vu le jour dans 19 écoles secondaires, mais n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements.</p>
<p>La <a href="http://www.lecrips-idf.net/informer/dossier-thematique/sexualite-loi/loi-education-sexualite.htm">situation n’est ni plus simple, ni plus rose en France</a>. L’éducation à la sexualité est <a href="https://edso.revues.org/951?lang=en">obligatoire dans les écoles françaises</a> depuis l’adoption de la loi du 4 juillet 2001. Les écoles, les collèges et les lycées sont tenus d’assurer au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Comme au Québec, on fait rapidement le constat d’initiatives inégales en fonction des écoles et des territoires, puisqu’étroitement liées aux bonnes volontés d’enseignants et de personnels.</p>
<p>Le 15 juin 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes publiait un <a href="http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_education_a_la_sexualite_2016_06_15-4.pdf">rapport relatif à l’éducation à la sexualité</a>. Ce rapport tirait la sonnette d’alarme quant aux inégalités filles-garçons en matière de sexualité : poids des attentes de genre et des stéréotypes de sexe, <a href="https://theconversation.com/la-fille-la-photo-et-la-mauvaise-reputation-66790">enjeux liés à la préservation d’une réputation féminine</a>, popularité des violences sexistes et <a href="http://www.ouiep.org/lenquete-sur-les-experiences-vecues-en-ligne-des-filles-et-des-garcons-12-16-ans/">cybersexistes</a>, <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/08/31/un-clitoris-en-3d-pour-expliquer-le-plaisir-aux-eleves_1475678?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1472717931">méconnaissance du plaisir et du corps féminin</a>, inégalité des responsabilités en matière de prévention des maladies sexuellement transmissibles et des grossesses non désirées, etc.</p>
<p>Comment aller de l’avant, alors, avec une éducation à la sexualité répondant dans les faits aux besoins de tous les élèves ? Le caractère inclusif du programme devrait être dans la mire des ministères d’éducation et du corps enseignant, suggère Guillaume Cyr.</p>
<blockquote>
<p>« Le programme d’éducation à la sexualité devrait faire mention des réalités des personnes LGBTI, inclure une historicisation des contenus des programmes afin d’éviter de les présenter et de les percevoir comme universels, et les présenter de manière non genrée afin d’éviter la bicatégorisation par sexe. »</p>
</blockquote>
<p>Selon le Groupe académique Éducation à la sexualité de Créteil, il faudrait a minima que l’on questionne la manière dont les membres des équipes éducatives se représentent eux-mêmes la sexualité. Car si les tabous en matière de sexualité sont surtout verbalisés par les jeunes, <a href="http://esup.espe-bretagne.fr/efficacite_et_equite_en_education/programme/textes_atelier_6.pdf">ils n’en sont pas moins partagés par les adultes à l’école</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabrielle Richard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Tabous et clichés continuent de peupler l’éducation à la sexualité en France comme au Québec. Un programme plus inclusif pourrait changer la donne chez les enfants…comme les adultes.
Gabrielle Richard, Sociologue du genre, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
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