tag:theconversation.com,2011:/au/topics/cooperative-24595/articlescoopérative – The Conversation2024-02-18T15:48:42Ztag:theconversation.com,2011:article/2226622024-02-18T15:48:42Z2024-02-18T15:48:42ZPénurie de logements pour les étudiants : et si la France s’inspirait du modèle coopératif ?<p>Dans un contexte où la <a href="https://basta.media/podcast-speculation-immobiliere-logement-airbnb">spéculation immobilière</a> et les <a href="https://www.mediapart.fr/journal/politique/310124/crise-du-logement-le-rapport-de-la-fondation-abbe-pierre-denonce-l-inertie-du-gouvernement">pénuries de logements sociaux</a> – notamment <a href="https://theconversation.com/les-jeunes-en-premiere-ligne-face-a-la-crise-du-logement-217317">étudiants</a> – créent de nombreuses difficultés pour une part croissante de la population française, considérer des <a href="https://www.cairn.info/l-archipel-residentiel--9782200633769-page-205.htm">modèles alternatifs</a> de logements s’impose. Les coopératives d’habitants développées en Amérique du Nord depuis le début du XIX<sup>e</sup> siècle, notamment celles pour étudiants, sont un modèle qui <a href="https://keeplearning.em-lyon.com/project/reorganiser-le-logement-apres-la-Covid-19%E2%80%AF-vivre-ensemble-pour-lutter-contre-lisolement-et-la-precarite/">mériterait d’être davantage développé en France</a>.</p>
<h2>Des femmes à l’origine du modèle</h2>
<p>Issues de projets pour promouvoir l’autonomie des classes populaires, <a href="https://books.google.fr/books/about/Hasten_Slowly_and_You_Will_Soon_Arrive.html?id=ADHbxwEACAAJ">l’éducation et l’émancipation des femmes et des paysans</a>, aux États-Unis, les premières coopératives de logement ont émergé dans les années 1830. Les balbutiements du mouvement de logement coopératif aux États-Unis sont liés à <a href="https://sites.northwestern.edu/northwesternlibrary/2020/05/22/on-the-same-terms-housing-northwesterns-women-1872-1993/">l’émancipation des femmes</a>. Le développement d’un modèle d’habitat en autogestion coopérative est associé au travail de la militante Mary Lyon pour rendre les études supérieures accessibles aux femmes sans accès aux ressources de la bourgeoisie. Entre 1837 et 1849, celle-ci promeut le développement d’une communauté de femmes basée sur des <a href="https://www.massmoments.org/moment-details/first-students-arrive-at-mt-holyoke-seminary.html">principes coopératifs de partage des tâches domestiques</a> pour les étudiantes de l’université Mount Holyoke, ce qui permet aux résidentes issues du monde rural de poursuivre leurs études.</p>
<p>Ce système de partage des tâches reste encore aujourd’hui très présent dans de nombreux modèles coopératifs aux États-Unis, et notamment dans les coopératives où tous les espaces sauf les chambres sont mutualisés : cuisines, salles de bains, salles communes, bureaux, etc. Cette <a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-stagne-et-si-le-modele-cooperatif-servait-dinspiration-206641">mutualisation</a> des espaces, l’achat de nourriture collectif et le partage des charges ainsi que des tâches de ménage et de préparation des repas, permet de réduire les coûts par rapport à un logement classique. Cela permet non seulement une résilience, mais un <a href="https://us.sagepub.com/en-us/nam/encyclopedia-of-community/book220816">déploiement des logements coopératifs</a>.</p>
<h2>Chicago, déjà précurseuse au XIXᵉ siècle</h2>
<p>Ce modèle s’affine jusqu’à mener à un contrôle autogéré du logement par ses membres, qui émerge en 1892 au sud de Chicago. Sept femmes louent alors collectivement un étage dans un immeuble pour mettre en pratique le mode de vie coopératif. Elles sont proches de <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/1931/addams/biographical/">Jane Addams</a>, une féministe pionnière du travail social aux États-Unis et prix Nobel de la Paix en 1931. Ce lieu de vie, surnommé le « Jane Club », passe de 7 à 33 membres en moins d’un an, occupant rapidement tout l’immeuble, avant de déménager dans un autre édifice proche de <a href="https://www.britannica.com/topic/Hull-House">Hull House</a>, un centre d’innovations sociales majeures du tournant du XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècle. Logeant certaines des femmes pionnières dans les mouvements syndicalistes à Chicago, cette coopérative de logement est décrite comme un lieu de vie très peu cher qui permet à ces femmes de <a href="https://www.jstor.org/stable/41179156">vivre en autonomie</a>, même quand leur participation à des grèves met en péril leurs sources de revenus. Les modestes loyers que ces femmes paient permettent de surcroît de <a href="https://digital.janeaddams.ramapo.edu/items/show/1589">financer la crèche organisée</a> par <a href="https://journals.lww.com/ajnonline/citation/1901/11000/the_jane_club_of_hull_house.4.aspx">Hull House</a>. Cette coopérative fonctionnera pendant 45 ans, jusqu’en 1937, et elle inspirera le modèle d’une coopérative en autogestion, où les membres se réunissent pour prendre toutes les décisions sur leur logement.</p>
<h2>La Grande Dépression accélère l’essor des coopératives</h2>
<p>Après ces premières coopératives développées pour <a href="https://search.library.wisc.edu/digital/AKHUTRNH2BOIEV84/pages/AQZDZFYHSX5MR58I">rendre accessibles les études supérieures aux femmes</a>, la Grande Dépression est une période cruciale d’expérimentations. Le modèle coopératif s’ouvre de plus en plus aux <a href="https://search.library.wisc.edu/digital/AZTYXY452FEBLJ8N/pages/AEOPIRFSYPGYLB9E">hommes</a> issus des milieux populaires, notamment autour des campus où il y a d’importants besoins de <a href="https://vcencyclopedia.vassar.edu/notable-events/cooperative-living-projects/">logements accessibles pour les étudiants</a>. Ces coopératives étudiantes – souvent soutenues par les universités (dons ou prêts de bâtiments, soutiens d’alumni, de professeurs ou doyens impliqués <a href="https://michigantoday.umich.edu/2010/09/08/a7851/">contre la précarité</a> des étudiants) – s’appuient sur la culture paysanne du monde rural.</p>
<p>Un rapport du <a href="https://fraser.stlouisfed.org/title/student-cooperatives-united-states-1941-4227">United States Department of Labor de 1943</a> fait le point sur l’effervescence des coopératives étudiantes recensées en 1941 : au début des années trente, des groupes d’étudiants issus du monde agricole ont fondé de nombreuses coopératives. Certains louent un terrain à bas prix et construisent et gèrent eux-mêmes leur maison selon les principes coopératifs, mutualisant les denrées alimentaires venant de leur famille située dans les campagnes alentour, créant un potager collectif, et cuisinant à tour de rôle. Ayant de faibles revenus, ces membres s’entraident en partageant des aliments issus de leur famille, en jardinant, et en bricolant.</p>
<p>D’autres négocient de restaurer d’anciens bâtiments tombant en ruine, bricolent pour les équiper en eau et en électricité, et en échange multiplient les logements coopératifs autour de différents campus. Un groupe partageant un petit appartement et mettant en commun leurs ressources a fini par être à l’origine d’un système coopératif hébergeant 650 membres en 1941, s’appropriant progressivement jusqu’à cinq immeubles convertis peu à peu en espaces coopératifs. Ce <a href="https://fraser.stlouisfed.org/title/student-cooperatives-united-states-1941-4227">rapport</a> de 1943 dénombre 510 coopératives sur 144 campus et dans 44 états.</p>
<h2>Une expansion du modèle à d’autres secteurs</h2>
<p>Les années 30 sont aussi un moment où les coopératives agricoles, les coopératives de consommateurs et de travailleurs se déploient aux États-Unis, sous la pression d’un contexte économique très dur. Le promoteur des coopératives de logement <a href="https://books.google.fr/books/about/Hasten_Slowly_and_You_Will_Soon_Arrive.html?id=ADHbxwEACAAJ">Jim Jones</a> documente avec soin ces collaborations multiples entre différentes formes de coopératives : parrainages, publicité, financement de la part des coopératives agricoles et de consommateur. À New-York, la mouvance coopérative naît en <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691234748/working-class-utopias">collaboration avec des mouvements syndicalistes</a>. Les campus sont aussi des hubs coopératifs, où se déploient non seulement des logements, mais aussi des barbiers, des librairies, des magasins de vélo et des supermarchés coopératifs. Cela permet souvent une collaboration entre ces différentes structures – l’un des <a href="https://www.nasco.coop/resources/rochdale-principles">sept principes</a> établis par une coopérative pionnière à Rochdale en 1844, et qui restent <a href="https://www.madisoncommunity.coop/cooperative-community">encore aujourd’hui</a> la feuille de route de nombreuses <a href="https://cloyne.org/rochdale-principles/">coopératives de logement</a>.</p>
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<p>Méconnue mais loin d’avoir reculé, la culture coopérative <a href="https://www.nasco.coop/">continue de se déployer</a> aux États-Unis. Aujourd’hui, il est estimé qu’entre <a href="https://betterworld.coop/sectors/sector-housing/">1,5 et 2 millions de personnes</a> vivent en coopérative de logement aux États-Unis. Si les modèles financiers des coopératives sont <a href="https://www.nasco.coop/fr/development/handbook/equity">variés</a>, elles ont souvent vocation à se déployer pour <a href="https://www.safetyandhealthfoundation.org/BadgerSummer2009.pdf">lutter contre la spéculation immobilière</a> et maintenir des logements abordables pour le plus de personnes possible. À New York City, c’est l’ambition de Co-op City, aujourd’hui considérée comme la <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691234748/working-class-utopias">plus large coopérative de logement au monde</a>.</p>
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<p>De même, les coopératives étudiantes se sont structurées en mouvement et continuent de se <a href="https://www.nasco.coop/resources/expansion">déployer dans de nombreuses villes</a> nord-américaines. Certaines coopératives démarrées dans les années 1930 se sont mises en réseau, elles achètent de nouveaux bâtiments, font construire de nouvelles coopératives, et ont offert un logement à bas prix dans de plus en plus de villes au fil du XX<sup>e</sup> siècle (par exemple autour des universités à <a href="https://www.austincooperatives.coop/">Austin</a>, <a href="https://www.madisoncommunity.coop/">Madison</a> ou <a href="https://icc.coop/">Ann Arbor</a>). À Berkeley, plus de <a href="https://bsc.coop/about-us/our-mission">1300 étudiants</a> sont actuellement hébergés au sein de coopératives – soit environ 2,8 % des étudiants de l’Université, et il est estimé que ces coopératives étudiantes permettent aux étudiants de payer leur logement <a href="https://betterworld.coop/sectors/sector-housing/">50 % moins cher</a> que le marché classique.</p>
<p>Promouvant la non-spéculation immobilière, <a href="https://us.sagepub.com/en-us/nam/encyclopedia-of-community/book220816">l’expansion de l’accès aux logements peu onéreux</a> – notamment pour les étudiants, les femmes, et les minorités les moins privilégiées – et une révolution du <a href="https://icor.ieseg.fr/wp-content/uploads/sites/12/2023/02/ABSTRACT-Lisa-Buchter.pdf">partage des tâches domestiques</a>, la culture coopérative pourrait-elle <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/12/28/l-habitat-groupe-ou-comment-vivre-ensemble-chacun-chez-soi_1285440_3224.html">se développer</a> en France ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lisa Buchter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte où la spéculation immobilière et les pénuries de logements sociaux créent de nombreuses difficultés pour les étudiants, considérer des modèles alternatifs de logements s’impose.Lisa Buchter, Professeure associée en sociologie, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172362023-11-16T17:14:05Z2023-11-16T17:14:05ZLes clubs de football en crise, bientôt une vitrine pour l’économie sociale et solidaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558084/original/file-20231107-22-v7bfb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1588%2C855&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Stade Auguste Bonnal, voisin des usines Peugeot, est l'antre du FC Sochaux-Montbéliard, club en pleine mutation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Info Stades / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football professionnel</a> a-t-il sa place au sein de l’<a href="https://theconversation.com/topics/economie-sociale-et-solidaire-22578">économie sociale et solidaire</a> (que l’on connaît parfois sous l’acronyme ESS), cette économie alternative qui valorise à la fois ancrage au territoire, coopération, utilité sociale et performance économique ? Le Football Club Sochaux Montbéliard (FCSM) notamment, club historique franc-comtois fondé en 1928, est en passe de se relancer sous le statut de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).</p>
<p>Après 90 années passées au niveau professionnel, un <a href="https://www.fcsochaux.fr/palmares">palmarès conséquent</a> (deux championnats et deux coupes de France notamment) et jusqu’à 150 salariés, le FCSM connaît des difficultés que l’on peut relier au retrait progressif de Peugeot, marque automobile historiquement intégrée dans ce territoire et qui a permis le développement d’un grand club dans une petite ville. Le Peugeot de 2023, intégré au Groupe Stellantis, mise sur une montée en gamme, sponsorise le golf, le tennis et s’éloigne d’un sport qui véhicule des valeurs populaires. La fin du patronage de l’entreprise automobile en 2015 s’est suivie d’une succession néfaste d’investisseurs étrangers et de difficultés de gestion.</p>
<p>Le club du Doubs, proche du dépôt de bilan, évolue actuellement en National (3<sup>e</sup> division), mais il aurait commencé la saison à un niveau bien inférieur sans le retour d’un ancien président du club, Jean-Claude Plessis, et la <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/bourgogne-franche-comte/football-le-pari-reussi-de-sociochaux-1987400">levée de fonds</a> portée par l’association de supporters les « Sociochaux ». L’initiative visait notamment rassembler les différents acteurs du territoire concernés par la survie de ce club emblématique. Plus de 11 000 supporters, mais aussi des joueurs, anciens joueurs, des entreprises du territoire et les collectivités se sont fédérés autour d’un projet coopératif et économique de territoire.</p>
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<p>Dans le milieu du football, le FCSM n’est pas le premier à penser aux modèles et outils développés par l’ESS, objets de nos travaux. Il pourrait suivre le <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/788972/sc-bastia-la-scic-sportive-levier-de-la-renaissance/">SC Bastia</a>, devenue SCIC en 2019. L’idée a été évoquée par d’autres clubs comme <a href="https://www.lardennais.fr/id501989/article/2023-07-10/football-cs-sedan-ardennes-francis-roumy-cest-une-bataille-tres-difficile-mais">Sedan</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2020/09/02/football-les-supporteurs-de-valenciennes-bientot-au-capital-du-club_6050739_1616938.html">Valenciennes</a>, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/fc-nantes/fc-nantes-reprise-du-club-l-association-a-la-nantaise-propose-un-nouveau-modele-d6af62d4-4f96-11ec-b93a-6aa1b43b752b">Nantes</a> ou <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/100-girondins-l-emission/gironde/girondins-de-bordeaux-le-financement-participatif-peut-il-sauver-le-club">Bordeaux</a>. Leur point commun ? Des clubs emblématiques de leur territoire et connaissants des difficultés de gestion.</p>
<h2>Différents types de sociétaires</h2>
<p>Le projet nommé « FCSM 2028 » veut ramener le club en première division, mais surtout rendre plus transparente et saine la gestion du club en la faisant reposer sur une gouvernance partagée entre des sociétaires de différents horizons : supporters qui connaissent l’histoire du club, collectivités qui veulent maintenir l’emploi et l’attractivité du territoire, salariés et acteurs économiques locaux. L’ESS regroupe des organisations qui partagent ce souci d’une gestion démocratique et multiparties prenantes et c’est notamment ce que permet le <a href="https://www.les-scic.coop/presentation">modèle de la SCIC</a>.</p>
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<p>De forme privée et d’intérêt public, la Société coopérative d’intérêt collectif associe des personnes physiques ou morales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale. Comme dans toute coopérative le principe « un sociétaire = une voix » s’applique, et cela quel que soit le nombre de parts sociales achetées. Sa particularité est d’être construite autour du « multisociétariat ». C’est-à-dire qu’elle implique différents types de sociétaires, salariés, clients, collectivités territoriales, réunis dans différents collèges ayant chacun des droits de vote entre 10 et 50 %.</p>
<p>Ce modèle existe en France depuis 2001 et s’adapte à tout secteur d’activité du <a href="http://www.polenautique.org/">sport</a> à la <a href="https://culture-sante-na.com/">santé</a> en passant par exemple par l’<a href="https://www.communile.com/fr/">alimentation</a>. Il occupe une place de plus en plus importante dans le paysage économique : en 2022 le nombre d’entreprises l’ayant adopté a augmenté de 6 % d’entreprises par rapport à 2021, les effectifs de 7 % pour atteindre <a href="https://www.les-scic.coop/chiffres-cles">14 287 salariés</a> fin 2022.</p>
<h2>Les coopératives, simples « issues de secours » ?</h2>
<p>Dommage qu’il faille « toucher le fond pour sortir de la logique d’actionnaires venus du bout du monde sans aucune attache locale », explique Michel Abhervé dans ses <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2023/08/05/apres-bastia-vers-une-scic-pour-le-fc-sochaux-montbeliard">billets de blog</a> dédiés aux sujets « ESS » pour le mensuel <em>Alternatives économiques</em>. De fait, le cas des clubs de football pourrait pointer le <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2021/11/28/un-projet-de-scic-pour-le-fc-nantes">manque de légitimité</a> des modèles de l’ESS dans certains secteurs économiques avec une approche trop « marquée sociale ou solidaire dans un paysage où on parle de millions d’euros ».</p>
<p>Si la marche est haute dans le milieu du football, dans de nombreux secteurs, les modèles de l’ESS tendent à se faire une place plus importante pour stimuler un changement de regard sur un modèle capitaliste dont les critiques dénoncent le <a href="https://theconversation.com/cooperatives-supermarches-solidaires-devenir-une-organisation-alternative-ne-simprovise-pas-161860">caractère prédateur et destructeur</a>. C’est d’ailleurs comme cela que Bastien Sibille entrevoit le rôle des <a href="https://www.letelegramme.fr/economie/bastien-sibille-on-ne-battra-pas-le-capitalisme-mais-on-peut-essayer-de-le-ringardiser-6424250.php">Licoornes</a>, le regroupement de coopératives qu’il préside : on y retrouve notamment Enercoop dans l’énergie, la NEF dans la finance, Biocoop dans la distribution alimentaire ou Mobicoop dans le covoiturage :</p>
<blockquote>
<p>« Il s’agit de faire grandir ces alternatives et construire le système économique dont le XXI<sup>e</sup> siècle a besoin. »</p>
</blockquote>
<p>La SCIC est même encouragée par l’acteur public : le <a href="https://www.lecese.fr/actualites/retours-sur-les-suites-donnees-lavis-du-cese-sur-leconomie-du-sport">Conseil économique, social et environnemental</a> préconise notamment le développement des SCIC pour les activités sportives. Dans la même veine, nos <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2022-3-page-289.htm">recherches</a> montrent que de plus en plus d’entrepreneurs envisagent la SCIC et les modèles de l’ESS dès l’émergence de leurs projets, et ce pour valoriser et structurer les dimensions multiparties prenantes et territoriales.</p>
<p>A contrecourant d’un entrepreneuriat en mode « start-up » dont la durée de vie des projets est limitée, les coopératives ont l’avantage de constituer des organisations plus pérennes. Leur taux de pérennité à 5 ans est de 76 % contre 61 % pour l’ensemble des entreprises françaises. La SCIC impose qu’au moins 57,5 % des bénéfices doivent être affectés à des réserves impartageables, ce qui consolide l’autonomie financière de l’organisation et rassure les différentes parties prenantes dans leur engagement.</p>
<h2>Bastia, aux portes de la Ligue 1</h2>
<p>L’exemple du SC Bastia commence à prouver la pertinence du modèle de SCIC pour un club de foot. Entre 2019, année de la transformation organisationnelle et 2021, le capital du club est passé de 801 000 à 1,34 million d’euros.</p>
<p>L’augmentation s’opère notamment grâce aux nouvelles souscriptions de particuliers, des supporters qui perçoivent les retombées de leur engagement. Ils prennent part aux décisions et font peser le poids des intérêts de la société civile. Sur les 120 000 euros glanés lors d’une nouvelle souscription réalisée en 2020, 100 000 euros ont ainsi été investis dans la <a href="https://www.liberation.fr/economie/a-bastia-le-foot-est-a-tous">création d’un terrain pour les jeunes</a>.</p>
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<p>De même du côté des collectivités, une vingtaine de communes sont actionnaires du club. Leurs parts sociales sont des investissements récupérables au bout de cinq ans, contrairement aux subventions qui sont en quelques sortes « perdues » pour elles. En impliquant les villes, l’enjeu n’est pas de bénéficier d’un socle financier mais de constituer un projet de club et de territoire avec des contreparties qui dépassent l’économique : les joueurs se déplacent par exemple, dans les clubs et les écoles partenaires. <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/788972/sc-bastia-la-scic-sportive-levier-de-la-renaissance/">Jérôme Negroni</a>, directeur général adjoint du SC Bastia explique dans les colonnes de <em>La Gazette des communes</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Dans ce football de plus en plus mondialisé, nous sommes persuadés que ces valeurs ont un véritable sens. »</p>
</blockquote>
<p>Le club corse porteur d’un nouveau modèle de club de football professionnel a terminé aux portes de la ligue 1 en fin de saison dernière, six ans après avoir frôlé le dépôt de bilan et avoir été rétrogradé administrativement en cinquième division.</p>
<h2>Un mois de l’ESS pour lever des barrières ?</h2>
<p>Avec des SCIC au plus haut niveau du football français, et dans la mesure où celles-ci ne sont pas que des modèles de sortie de crise, l’ESS pourra conquérir de nouveaux supporters pour encourager l’économie de demain. Mettre en place ces modèles d’organisations plus collectifs et démocratiques ne s’improvise cependant pas. Nos analyses mettent en évidence les multiples freins culturels et institutionnels que ces innovations alternatives vont rencontrer pour se déployer à une échelle plus large dans notre société.</p>
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<p>Luc K. Audebrand, professeur en économie sociale à l’université de Laval au Canada, souligne notamment la prégnance de <a href="https://www.lesoleil.com/dossiers-speciaux/limpulsion-coop/2023/10/16/la-cooperative-plus-quun-modele-de-survie-LWB6VXCD2JHQ5DKMLZTXPLJBRI/">mythes</a> qui desservent le modèle : une coopérative serait moins efficace et rentable qu’une entreprise classique par exemple. Le manque de connaissances diffusées et enseignées à leur sujet est également à souligner, de même que des barrières de nature réglementaire. Obtention de financements, mécénat, recours possible au bénévolat, au service civique, etc. de nombreuses spécificités des SCIC sont encore à clarifier sur le plan légal, notamment vis-à-vis des statuts juridiques d’associations, des autres coopératives et des entreprises classiques pour prétendre être une alternative crédible.</p>
<p>Afin de dépasser ces limites, outre l’image positive que pourraient donner des clubs de football, le mois de novembre est aussi le <a href="https://www.mois-ess.org/le-mois-de-l-ess">mois de l’économie sociale et solidaire</a>. Partout en France, des événements mettent en valeur les savoir-faire et activités des femmes et hommes porteurs de projets, entreprises, organisations et collectifs qui se mobilisent dans les territoires pour porter, présenter et faire connaître l’économie sociale et solidaire au plus grand nombre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217236/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Denos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la lignée du SC Bastia et du FC Sochaux, des clubs de football en difficulté réfléchissent à se transformer en entreprises sociales et solidaires proches de leur territoire.Guillaume Denos, Maître de Conférence, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087702023-07-05T17:32:20Z2023-07-05T17:32:20ZBien-être au travail : et si les SCOP avaient tout compris ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534787/original/file-20230629-19-puskmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=127%2C26%2C1270%2C909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le taux de pérennité à 5&nbsp;ans des SCOP a augmenté de 3&nbsp;points par rapport à 2021&nbsp;: il atteint 76&nbsp;% contre 61&nbsp;% pour l’ensemble des entreprises françaises. (Ici, l'ancienne usine Fralib de Gémenos (13), produisant des thés et infusions, qui s'est transformée en SCOP en 2014).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alternative-libertaire/38176825802">Flickr/Levan Ramishvili</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> de 2023, qui entérine le report de l’âge légal de départ à 64 ans, soulève la question de la soutenabilité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>. Selon la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, 37 % des salariés ne se sentaient pas capables, en 2019, de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition aux risques professionnels – physiques ou <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risques-psychosociaux-35370">psychosociaux</a> – explique notamment ce chiffre élevé.</p>
<p>Les <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/en-2023-les-embauches-se-stabilisent-et-les-difficultes-de-recrutement-augmentent">difficultés de recrutement</a> et les différentes formes de démission (<a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">visible</a> ou <a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">silencieuse</a>) que connaissent de nombreuses entreprises s’expliquent en partie par les <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quelles-sont-les-conditions-de-travail-qui-contribuent-le-plus-aux-difficultes-de-recrutement">conditions de travail</a> perçues dans le secteur ou dans le poste proposé, et, plus globalement, par le déphasage entre les attentes des uns et les offres des autres. Deux années de crise Covid ont profondément <a href="https://corporate.apec.fr/home/nos-etudes/toutes-nos-etudes/bilan-2022-des-difficultes-de-recrutement-de-cadres.html">changé la donne</a>. Ce n’est donc pas pour rien si les spécialistes considèrent aujourd’hui la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) comme un <a href="https://www.preventica.com/presse/2023/preventica-paris-2023-le-bilan.pdf">facteur central d’attractivité</a>, de fidélisation et de performance de l’entreprise.</p>
<p>Face à cette situation, les auteurs de <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/cce92165fbf37551d78048a7f7ed8220/Dares-Analyses_Facteurs%20qui%20influencent%20la%20capacite%20%C3%A0%20faire%20le%20meme%20travail%20jusqu%27a%20la%20retraite.pdf">l’étude</a> de la Dares concluent :</p>
<blockquote>
<p>« Une organisation du travail qui favorise l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/autonomie-52709">autonomie</a>, la participation des salariés et limite l’intensité du travail tend à rendre celui-ci plus soutenable ».</p>
</blockquote>
<p>L’exposition aux risques, physiques ou psychosociaux, va de pair avec un sentiment accru d’insoutenabilité. L’autonomie et le soutien social (de la part des supérieurs, des collègues, ou des représentants du personnel) favorisent au contraire la soutenabilité, comme la participation à la prise de décisions atténue les impacts des changements organisationnels.</p>
<p>Ce type d’organisation se retrouve justement dans les sociétés coopératives et participatives (SCOP). Il s’agit de sociétés anonymes (SA) ou de société à responsabilité limitée (SARL) devenues « entreprises de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/economie-sociale-et-solidaire-22578">l’économie sociale et solidaire</a> » (ESS) par choix et par agrément. Les principes (but poursuivi autre que le profit, double projet humain et économique) et les règles de l’ESS (gouvernance, partage des bénéfices) sont ainsi inscrits dans leurs statuts. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534986/original/file-20230630-17-zuvny9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Finalités et règles de gouvernance et de partage propres aux SCOP.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ces structures, les salariés sont les associés majoritaires : ils détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Le pouvoir y est exercé démocratiquement et les profits, les risques ou encore les compétences sont partagés. Les SCOP se distinguent ainsi des entreprises classiques par les finalités et les principes qui les guident, le statut d’associé ouvert à leurs salariés, et leur fonctionnement décisionnel, organisationnel et rétributif. La qualité de vie et le bien-être au travail sont au cœur du projet, et ne sont pas des enjeux secondaires ou optionnels.</p>
<p>Au terme de deux <a href="https://www.les-scop-bfc.coop/system/files/Synthe%25CC%2580se%2520Fact%25202021_0.pdf">enquêtes</a> menées auprès de 205 dirigeants et 554 collaborateurs (dans une recherche en partenariat avec la confédération générale des SCOP, la <a href="https://www.les-scop.coop/">CGSCOP</a>), nous avons effectivement pu constater une implication et un engagement au travail élevés, ainsi qu’un sentiment généralisé de bien-être.</p>
<h2>Pouvoir effectif</h2>
<p>Les dirigeants comme les coopérateurs expriment en moyenne des niveaux de bien-être élevés. Le tableau ci-dessous récapitule les auto-évaluations de nos répondants (note sur 10) :</p>
<p><iframe id="GArhN" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GArhN/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce bien-être est favorisé par les pratiques coopératives (organisation du travail, de la décision, rétribution) qui jouent sur l’implication, l’engagement et le sentiment de sécurité des collaborateurs. Il impacte aussi la performance économique de l’entreprise.</p>
<p>Les salariés apprécient notamment leur pouvoir décisionnel. Le sentiment d’« empowerment », c’est-à-dire d’émancipation, de « prise de pouvoir », est en effet particulièrement élevé (8,32/10). D’après la chercheuse américaine Gretchen M. Spreitzer, c’est ce qu’éprouvent des salariés quand ils exercent un <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/256865">pouvoir effectif sur leur environnement professionnel</a>, à travers un sentiment de compétence, d’impact sur ce qui se passe dans leur entreprise, d’autonomie dans les décisions qui concernent leur travail, et de sens qu’ils trouvent à leur travail.</p>
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<p>Ainsi, même si les coopérateurs ne se saisissent pas tous de la même façon de leur droit à la parole et qu’en pratique la participation est variable, ces sociétés se caractérisent par une participation assez élevée des membres à la prise de décisions stratégiques et opérationnelles.</p>
<p>Pour les coopérateurs, il découle de ce pouvoir décisionnel le sentiment d’une réelle implication vis-à-vis de leur organisation. Le tableau ci-dessous montre les auto-évaluations des salariés concernant différents niveaux d’implication :</p>
<p><iframe id="anz5b" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/anz5b/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On note enfin que les salariés-associés ont un niveau d’implication affective, d’implication normative, d’<em>empowerment</em> (à travers les sentiments de compétence, d’autonomie, et d’impact), et un sentiment de sécurité de l’emploi plus élevés que les salariés non-associés.</p>
<h2>Contrat psychologique</h2>
<p>Nos répondants estiment, globalement, que le contrat dit <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=SsLBAwAAQBAJ">psychologique</a> avec leur société est particulier et spécifique à ce type de structure. En effet, le contrat entre un salarié et une entreprise n’est pas seulement juridique : il est aussi moral. Ce que je peux donner (mes contributions) comme ce que je peux recevoir (les rétributions) va au-delà du contrat de travail. Par exemple, je donne ma loyauté en échange d’une qualité de vie au travail. C’est un « deal » que les salariés-associés estiment équilibré.</p>
<p>Notre étude dévoile l’importance des valeurs coopératives (soutien, partage, participation démocratique, droit à la parole, etc.) dans le contrat psychologique au sein des SCOP. Ces aspects « immatériels » du contrat permettent de compenser des aspects plus matériels (rémunération, formation, développement de carrière, etc.) pour lesquels les SCOP ne surpassent pas les entreprises traditionnelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535246/original/file-20230703-257505-6gxcoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’équilibre du contrat psychologique dans les SCOP.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, les coopérateurs estiment que leur contrat « immatériel » a d’autant plus de valeur qu’il serait très difficile à retrouver ailleurs, dans les organisations classiques. De plus, cette composante immatérielle du contrat permet de prédire des variables clés telles que le bien-être des coopérateurs, ainsi que le sens élevé qu’ils accordent à leur travail.</p>
<h2>La nécessité d’un leadership « transformationnel »</h2>
<p>Cependant, pour tous, dirigeants comme coopérateurs, le niveau de bien-être dépend du style de leadership. Même si les collaborateurs sont associés et si le terme « gérant » ou « référent » est souvent préféré à « dirigeant » ou « manager », la présence d’un leader pour faire vivre le modèle coopératif reste nécessaire.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535492/original/file-20230704-26-ampcml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différences entre leadership « transformationnel » et « transactionnel ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les enquêtes menées révèlent l’importance du style de leadership adopté au sein de ces sociétés. Le style dit « transformationnel » (qui encourage l’autonomie, la reconnaissance et la valorisation de chaque membre) est en parfaite adéquation avec les valeurs et le fonctionnement des SCOP. Un tel dirigeant a donc une influence très positive sur le bien-être au travail de tous les membres, y compris le sien. En revanche, si son style est plutôt « transactionnel », ses comportements professionnels apparaissent comme peu adaptés au fonctionnement coopératif et incompatibles avec les aspirations des coopérateurs : ce style ne favorise d’ailleurs ni son propre bien-être, ni celui des autres.</p>
<p>Ces résultats mettent en évidence une spirale vertueuse, caractérisée non par des dispositifs très innovants, comme nous pouvions l’imaginer, mais par des grappes de pratiques organisationnelles et managériales humainement valorisantes et économiquement efficaces, guidées par des valeurs et finalités fortement ancrées dans les statuts, et non négociables. Si elle n’est pas exempte de faiblesses ni exonérée des contraintes que connaît toute entreprise, une des réussites de la SCOP, dans le contexte actuel, est de parvenir à associer le collectif (le « vivre ensemble » et la solidarité) et l’individuel (autonomie, responsabilité, développement), l’humain et l’économique. Oui, c’est possible !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535247/original/file-20230703-241559-6883q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La spirale vertueuse, organisée en cercles concentriques, des SCOP.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon le réseau des SCOP, on dénombrait, fin 2022, 2606 de ces structures, présentes dans tous les secteurs d’activité, qui pèsent 58137 emplois et 8,4 milliards de chiffre d’affaires. Ces entreprises coopératives ont en outre enregistré une <a href="https://www.les-scop.coop/chiffres-cles-2022">croissance de 11 % par rapport à 2021</a>. Le taux de pérennité à 5 ans a augmenté de 3 points par rapport à 2021 : il atteint 76 % contre 61 % pour l’ensemble des entreprises françaises. La solidité des SCOP reste donc un sérieux atout de l’économie française pour les politiques de l’emploi mais aussi celles visant à favoriser le bien-être au travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208770/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En associant davantage les salariés aux décisions, le modèle coopératif répond notamment au besoin de valeurs, de sens, de reconnaissance ou encore d’autonomie dans le travail.Claude Fabre, Maître de Conférences en Sciences de Gestion (spécialité ressources humaines), Université de MontpellierFlorence Loose, Maitre de Conférences en Psychologie Sociale, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066412023-06-15T07:09:47Z2023-06-15T07:09:47ZL'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531964/original/file-20230614-23-xr3cbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C15%2C5148%2C3039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8%. Et la tendance est à la baisse. Et si le mouvement coopératif pouvait servir de déclencheur? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il n’y aura pas de durabilité sans faire de changements dans l’économie. </p>
<p>Voilà pourquoi l’économie circulaire est devenue cruciale, traduisant les objectifs de durabilité pour les entreprises : repenser et réduire la production, réutiliser plus fréquemment les produits, les réparer, recycler, et transformer les déchets. Pourtant, malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8 %. <a href="https://www.circularity-gap.world/2023">Et la tendance est à la baisse</a>.</p>
<p>Alors que les stratégies circulaires sont souvent associées à l’innovation, à l’optimisation des processus et à l’efficacité, on peut se demander si on devrait procéder différemment. Et si l’élément manquant pour la transformation était une organisation plus démocratique de l’économie ?</p>
<p>En tant que chercheur à l’intersection de la durabilité et de la gestion, je m’intéresse particulièrement à la relation entre les questions environnementales et sociales. Non seulement l’économie circulaire, mais aussi la société circulaire. </p>
<h2>L’approche réformiste du mouvement coopératif</h2>
<p>Les coopératives sont des acteurs économiques qui se distinguent par le principe « une personne, une voix ». Ce n’est plus la propriété du capital qui est déterminante dans les décisions, mais bien les membres. </p>
<p>Le 1<sup>er</sup> juillet, le mouvement célèbre la Journée internationale des coopératives, avec pour thème leur rôle de <a href="https://www.coopsday.coop">« partenaires pour un développement durable accéléré »</a>. </p>
<p>Quel est donc le rôle du modèle coopératif pour la durabilité et la circularité ?</p>
<p>Le mouvement coopératif peut être placé dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344920302354">approche réformiste de l’économie circulaire</a>. Les coopératives ont tendance à opérer dans un marché basé sur l’échange, tout en exigeant que les acteurs du marché s’organisent démocratiquement. Dans une coopérative de travail, les travailleurs sont les propriétaires de l’entreprise, dans une coopérative de consommateurs, ce sont les consommateurs, etc. </p>
<p>Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que les coopératives poussent les processus de démocratisation également dans les économies durables et circulaires. Cela mérite d’être souligné, car les références à la démocratie sont généralement absentes des définitions de l’économie circulaire. Cette démocratie se décline en de nombreuses variantes, mais au cœur de celle-ci se trouve l’échange d’arguments dans le débat public. </p>
<p>Voici donc <a href="https://www.researchgate.net/publication/371303389_Embedding_Circularity_Theorizing_the_Social_Economy_its_Potential_and_its_Challenges">quatre arguments</a> — abrégés sous l’acronyme <strong>M-O-T-S</strong> coop — que le modèle coopératif offre pour une transition vers une économie circulaire démocratique et durable :</p>
<p><strong>1) Mutualisation des ressources</strong></p>
<p>Une motivation économique bien connue pour la création d’une coopérative est la mutualisation des ressources en réponse à un besoin partagé. </p>
<p>Historiquement, le mouvement coopératif est né lorsque des employés et des familles menacés par les dynamiques du capitalisme du XIX<sup>e</sup> siècle ont <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quitables_Pionniers">uni leurs forces pour acheter de la nourriture qu’ils n’auraient pas pu s’offrir individuellement</a>. Au XXI<sup>e</sup> siècle, on a vu émerger le phénomène des <a href="https://www.elgaronline.com/display/edcoll/9781788119955/9781788119955.00012.xml">« recuperados »</a>, des travailleurs et communautés qui convertissent des entreprises privées que les propriétaires ne jugent plus viables. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Contenant réutilisable de la coopérative Retournzy pour les commandes de nourriture pour apporter dans des restaurants à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Retournzy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette motivation socio-économique pour le partage des ressources place la coopérative pleinement, et « avant la lettre », dans celui exigé par l’économie circulaire. Il n’est donc pas surprenant que la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530">mutualisation s’avère être un modèle d’entreprise circulaire clé aux yeux des coopératives</a>. </p>
<p><a href="https://tiess.ca/economie-circulaire/">Un projet du TIESS</a> a établi huit modèles d’affaires des organisations de l’économie sociale dans l’économie circulaire. Par exemple, en réponse aux déchets plastiques produits par les commandes à emporter pendant la pandémie, la <a href="https://retournzy.ca">coopérative Retournzy</a>, fondée à Montréal, fournit un service qui permet aux restaurants et à leurs clients de commander des plats à emporter en utilisant des contenants réutilisables. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Stratégies d’économie circulaire et modèles d’affaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ziegler et al. 2023</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>2) Organisation démocratique</strong></p>
<p>Il est important que le partage des ressources se fasse entre personnes ayant un statut égal. </p>
<p>Ainsi, le modèle coop introduit un principe démocratique au sein de l’économie. Ce principe crée un véritable levier pour les consommateurs et les travailleurs puisque ces derniers ont le droit de décider des objectifs et des stratégies de gouvernance. Une enquête menée auprès des fédérations des coopératives du Québec montre qu’elles perçoivent la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530#B30-sustainability-15-02530">volonté de leurs membres comme le principal levier de la circularité et de la durabilité</a>.</p>
<p><strong>3) Technologie rééquilibrée par rapport à la demande</strong> </p>
<p>Le passage à une économie circulaire est aussi un défi technique. </p>
<p>Cependant, l’accent est généralement mis sur l’offre : l’investissement dans des stratégies « high-tech » dans l’espoir qu’elles créeront les solutions techniques qui favoriseront la demande. </p>
<p>Le modèle coop pousse à un choix et à une utilisation de la technologie qui donnent la priorité aux membres plutôt qu’au capital. Par exemple, la <a href="https://altecoop.ca">coopérative de travail ALTE</a> regroupe des ingénieurs qui, inspirés par le mouvement « low-tech », veulent relocaliser l’économie et favoriser l’autonomie alimentaire et énergétique. Cette perspective renforce la première stratégie circulaire, trop souvent oubliée, qui consiste à repenser la production et la consommation.</p>
<p><strong>4) Sociétés régionales et circulaires</strong></p>
<p>Les coopératives sont des petites et moyennes entreprises (<a href="https://www.monitor.coop/">bien qu’il existe également de grandes coopératives</a>, et même des institutions bancaires). Elles sont ancrées dans leur économie régionale et, comme le travail est beaucoup moins flexible que le capital, elles sont là pour rester, avec un sens du lieu et un attachement régional.</p>
<p>La vision des <a href="https://portailcoop.hec.ca/in/details.xhtml?id=h::9d159d0e-4056-4288-be50-8bf60d5976c8&bookmark=4b7f3605-3991-4ff3-8823-04b1cadde00c&queryid=738a6017-9522-48ba-a026-50f7acd5fda6&posInPage=0">Inuits et les membres des Premières Nations sur la coopération</a> va plus loin vers une réciprocité écologique. Elle considère les animaux, les écosystèmes et la Terre non pas comme des objets, mais plutôt comme des sujets qui partagent les ressources avec nous, et à qui nous devons aussi redonner. La Terre doit être traitée avec respect. </p>
<h2>Favoriser le potentiel des coopératives</h2>
<p>La contribution des coopératives pour la circularité peut paraître exagérée, car toutes ne sont certainement pas vertes ou circulaires. </p>
<p>Cependant, elles fournissent un potentiel structurel qui rend ce modèle très attrayant pour les économies et sociétés circulaires. Pour favoriser ce potentiel, les coopératives peuvent adopter des stratégies explicites de circularité et de durabilité. Elles doivent utiliser leur voix et leur poids pour le déploiement de politiques sociales et environnementales. Et elles devraient déployer leur principe d’intercoopération — la coopération entre les coopératives —, pour créer des économies circulaires justes et intégrées dans les régions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206641/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rafael Ziegler a reçu des financements du SSHRC (Social Sciences and Humanities Research Council), project number 890-2022-0023, partnership “Social Economy embedding circular economy.” </span></em></p>Le Canada est connu pour sa tradition de coopératives. Quels sont leur rôle et leur potentiel dans la transition vers une économie circulaire ?Rafael Ziegler, Professor, Department of Managment, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1859122022-07-21T16:28:52Z2022-07-21T16:28:52ZLes bouleversements contemporains nous rappellent que le travail est une activité politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473400/original/file-20220711-14-n961e8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C12%2C2037%2C1213&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quel sens donner à la valeur travail? il est urgent d’appréhender le travail autrement que sous le seul prisme quantitatif. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hoyvinmayvin/5166095952">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte politique, économique et social tendu autour des questions du pouvoir d’achat, du recul de l’âge de la retraite et du changement climatique (entre autres), le travail revêt plus que jamais une dimension politique. C’est d’ailleurs le message que semblent nous envoyer les jeunes diplômés de grandes écoles qui revendiquent le droit à une activité professionnelle en phase avec les enjeux <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/06/16/avec-l-urgence-climatique-des-ruptures-plus-politiques-chez-les-jeunes-diplomes_6130536_4401467.html">du changement climatique</a> ou les <a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">salariés qui démissionnent</a> en masse en partie à cause du manque de sens dans leur travail.</p>
<p>Loin de constituer un milieu étanche aux troubles du monde et de la société, le monde du travail occupe dans ses différentes dimensions – individuelles, collectives, organisationnelles – une place centrale à la fois comme révélateur des désordres mondiaux, comme espace de luttes et comme voie <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/plus-rien-ne-sera-jamais-comme-avant-dans-sa-vie-au-travail/">d’émancipation individuelle et collective</a>.</p>
<p>Un temps éclipsés par la domination des doctrines politique et économique néo-libérales, les débats politiques relatifs au travail (particulièrement vifs aux XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles où s’opposaient les doctrines libérales, associationnistes, anarchosyndicalistes, communistes, etc.) se trouvent ainsi réactualisés devant les enjeux contemporains.</p>
<p>Cela étant, on peut observer que les débats actuels sur le travail – notamment à l’occasion des campagnes présidentielles et législatives – se focalisent principalement sur le nombre de trimestres à cotiser et l’âge de départ à la retraite, débats au sein desquels le travail semble perçu comme une forme de souffrance inévitable mise au service d’une économie productiviste. C’est notamment le sens donné à la fameuse <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/10/emmanuel-macron-met-la-valeur-travail-au-centre-de-son-action_6101617_823448.html">« valeur travail »</a>, maintes fois défendue par le président de la république ces dernières années et dont elle semble principalement renvoyer au nombre d’années qu’il nous faudrait travailler.</p>
<p>Si les débats sur le temps et la productivité du travail sont importants, il est urgent d’appréhender le travail autrement que sous le seul prisme quantitatif. Dans un contexte de bouleversements environnementaux, sociaux et technologiques, le travail réapparaît comme bien plus qu’une simple activité de production : il participe à écrire notre histoire commune.</p>
<p>Ceci est l’un des enseignements principaux que nous retirons d’un programme de recherche ayant mobilisé 31 universitaires durant quatre années et ayant donné lieu à l’ouvrage <a href="https://www.pulaval.com/produit/pratiques-de-travail-et-dynamiques-organisationnelle"><em>Nouvelles pratiques de travail et nouvelles dynamiques organisationnelles</em></a> publié aux éditions des Presses de l’Université de Laval.</p>
<h2>Le travail comme levier de transformation</h2>
<p>La dimension politique du travail s’observe dans de nombreuses pratiques et secteurs. Par exemple, les personnes exerçant dans des espaces collaboratifs – comme les espaces de coworking – ne cherchent pas uniquement un enrichissement économique. Leur activité relève souvent d’une démarche politique, c’est-à-dire d’un engagement particulier dans la cité. C’est ce que relève Christelle Baron, auteure d’un chapitre sur les <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.entrepotnumerique.com%2Fflipbook%2Fpublications%2F124140.js&oid=1276&c=&m=&l=fr&r=https://www.pulaval.com&f=pdf">communautés de travailleurs dans les espaces de coworking</a>.</p>
<p>Cette dernière nous explique qu’en cherchant à créer ou à rejoindre une communauté, les « co-workers » étudiées souhaitent faire de leur activité professionnelle un levier de transformation de leurs vies et de la société. Dans certains espaces collaboratifs, il est ainsi difficile de discerner les activités qui relèvent du travail, de la vie privée et du militantisme.</p>
<p>Réactivant d’anciens projets fondés sur le management participatif voire autogestionnaire, de nouvelles dynamiques organisationnelles et pratiques de management se développent : raccourcissement des lignes hiérarchiques, création des espaces de délibération, autogouvernance, etc. On observe ainsi divers mouvements qui se réfèrent à la nécessaire émancipation du travail.</p>
<p>Par exemple, les coopératives, que l’on croyait un temps oubliées, connaissent aujourd’hui un fort regain d’intérêt. Selon la <a href="https://www.les-scop.coop/chiffres-cles">Confédération générale des Scop</a>, le nombre de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) a augmenté de 88 % en cinq ans avec une augmentation de 160 % des effectifs, atteignant 13 190 salariés à la fin 2021.</p>
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<p>Cependant, ces tentatives ne produisent pas toujours les effets escomptés et les résultats sont parfois contrastés. C’est notamment ce que constate la chercheuse Antonella Corsani, dans un <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.entrepotnumerique.com%2Fflipbook%2Fpublications%2F124140.js&oid=1276&c=&m=&l=fr&r=https://www.pulaval.com&f=pdf">chapitre</a> interrogeant les nouvelles formes de travail : ces dernières peuvent certes déboucher sur des espaces d’autonomie renouvelés mais également construire de nouvelles dynamiques de précarisation des emplois.</p>
<p>D’ailleurs, toutes les évolutions du travail ne sont pas motivées par l’émancipation des travailleurs. C’est ce que montre, par exemple, le chercheur Yoann Bazin dans son chapitre sur le <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.entrepotnumerique.com%2Fflipbook%2Fpublications%2F124140.js&oid=1276&c=&m=&l=fr&r=https://www.pulaval.com&f=pdf">management algorithmique</a> et ses effets délétères sur le travail des livreurs indépendants à vélo.</p>
<h2>Les pratiques de management et de travail sont politiques</h2>
<p>Ce que nous faisons dans le cadre de notre activité professionnelle a des conséquences politiques et participe à définir la société dans laquelle nous vivons. Les réponses qu’il s’agit d’apporter aux grands enjeux contemporains ne relèvent donc pas uniquement de la représentation politique ou de la société civile. Elles engagent également les travailleurs et en premier lieu celles et ceux qui occupent des postes de management et de direction dans les entreprises.</p>
<p>La lutte contre le réchauffement climatique dans les entreprises, par exemple, appelle le développement de nouvelles façons de collaborer et d’exploiter les ressources naturelles. L’erreur consisterait à penser que cette lutte reposerait uniquement sur l’usage de nouvelles technologies. Comme le soulignent les chercheurs Alexis Catanzaro et Hervé Goy dans leur chapitre sur le <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.entrepotnumerique.com%2Fflipbook%2Fpublications%2F124140.js&oid=1276&c=&m=&l=fr&r=https://www.pulaval.com&f=pdf">management et le risque d’effondrement</a>, la lutte contre le réchauffement climatique est aussi affaire de pratiques de management et d’organisation.</p>
<p>Ce constat invite ainsi à questionner les positions qu’adoptent les entreprises face aux grands enjeux technologiques, sociaux ou environnementaux, car la question du travail et de son organisation pose toujours celle du monde commun dans lequel nous voulons vivre. En cela, le travail n’est jamais neutre. Il est toujours une forme d’engagement dans la vie sociale.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-grandes-entreprises-prennent-elles-en-compte-les-enjeux-climatiques-183739">Comment les grandes entreprises prennent-elles en compte les enjeux climatiques ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/185912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonathan Sambugaro est administrateur de la MACIF au sein d'Aéma Groupe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Hussenot, Emilie Lanciano et Philippe Lorino ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le travail apparaît comme bien plus qu’une simple activité de production : il participe à écrire notre histoire commune.Anthony Hussenot, Professor in Organization Studies, Université Côte d’AzurEmilie Lanciano, Professeure des Universités, chercheure au laboratoire Coactis, Université Lumière Lyon 2 Jonathan Sambugaro, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de LillePhilippe Lorino, Emeritus Professor, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758942022-02-14T18:12:49Z2022-02-14T18:12:49ZÉnergies renouvelables : jusqu’où l’autonomie énergétique des territoires ?<p>Les coopératives citoyennes <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-les-cooperatives-citoyennes-gagnent-du-terrain-88725">gagnent du terrain aujourd’hui en Europe</a> en matière de production d’énergie renouvelable et décentralisée.</p>
<p>Elles <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/cop26-solaire-eolien-les-citoyens-prennent-des-initiatives-96de374c-38d6-11ec-8684-5212e81a2886">sont plutôt vantées</a> face aux « mégaprojets » industriels comme les <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/nucleaire-risque-de-nouveaux-retards-sur-lepr-de-flamanville-alerte-lasn-1404527">EPR</a> ou les <a href="https://www.liberation.fr/environnement/parc-eolien-de-saint-brieuc-la-justice-refuse-de-suspendre-larrete-conteste-par-les-pecheurs-20211014_4TQNODJTLFGSFH2GXJ222VXYJU/">grandes fermes éoliennes offshore</a>.</p>
<h2>Revisibiliser l’énergie</h2>
<p>Ce phénomène se caractérise par un <a href="http://pus.unistra.fr/livre/?GCOI=28682100503460">double balancement</a>. Le premier tient aux ancrages locaux des adhérents, habitant près des sites de production (éoliens, solaires, etc.), afin de « revisibiliser » le circuit de l’énergie (en dépassant ainsi le sens commun de la <a href="http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/anthropologie-des-usages-de-l-energie-dans-l-a173.html">prise de courant dans le logement</a> !), en regard de mises en réseau nationales (telle <a href="https://www.enercoop.fr/">Enercoop</a> ou les <a href="https://www.centralesvillageoises.fr/">Centrales villageoises</a> pour la France) voire internationales, à l’instar de la fédération européenne <a href="https://www.rescoop.eu/">Rescoop.eu</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<p>Le second distingue deux catégories de coopératives : celles qui sont uniquement productrices d’énergie – qu’elles revendent ensuite au réseau, c’est-à-dire aux énergéticiens « traditionnels » (EDF en France, EnBW, E.ON, RWE et Vattenfall en Allemagne, etc.), à travers un tarif de rachat, garanti ou non selon les pays et avec une éventuelle durée d’engagement – et celles qui sont elles-mêmes fournisseurs d’électricité.</p>
<p>Il a été montré, notamment en Belgique, que la taille des structures, la concentration territoriale et les motivations des adhérents diffèrent selon le cas : la fourniture d’électricité se comprend à des échelles élargies et correspond davantage à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421519301570">motifs financiers qu’environnementaux</a>.</p>
<h2>Autonomie énergétique et renouvelables</h2>
<p>Que signifie alors l’autonomie énergétique des territoires fréquemment associée à l’idée de développer les sources renouvelables ?</p>
<p>Au temps de la consomm’action et autres néologismes « verdis », les <a href="https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-131.htm">logiques de <em>prosumers</em></a> (contraction de producteur <em>et</em> consommateur) se font entendre. Du point de vue des régulations, elles posent la double question de l’auto-consommation et de la revente de l’énergie produite (totale ou en surplus après auto-consommation), au réseau de distribution existant, d’autant que les cycles de consommation et les contraintes d’intermittence voire de saisonnalité des énergies renouvelables ne peuvent complètement coïncider.</p>
<p>Les dispositifs nationaux sont relativement complexes et évolutifs. Par exemple, en Allemagne, s’il est possible de fournir à d’autres consommateurs de l’énergie produite par ses propres installations, un <a href="https://www.klimareporter.de/strom/kluge-politik-setzt-sich-an-die-spitze-der-erneuerbaren-bewegung">cadre précis est à respecter</a> : le producteur devient fournisseur d’énergie, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, au point que la revente n’est pas forcément intéressante économiquement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940189240071213056"}"></div></p>
<p>En Suisse, les communautés d’autoconsommateurs prennent la forme de contrats entre le propriétaire de l’installation et plusieurs consommateurs, à condition d’habiter en proximité ; les pratiques et périmètres concrets demeurent <a href="https://www.vese.ch/fr/gesetzliche-grundlagen/">matières à controverses</a>.</p>
<p>En France, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité imposent des tarifs réseau aux « prosumers collectifs ».</p>
<h2>Pourquoi continuer à payer pour le réseau ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.res-tmo.com/fr/translate-to-french-about-us/translate-to-french-project-outputs">projet trinational RES-TMO</a> – dont nous avons porté le volet sociologique en Alsace, Bade-Wurtemberg et Suisse du nord – a précisément montré une controverse par rapport à la façon de répercuter les coûts de réseau.</p>
<p>Que ce soit la coopérative allemande fesa Energie Geno près de Freiburg ou Énergies partagées en Alsace, le discours est le même : si, en auto-consommant, l’on n’utilise pas ou moins le réseau de distribution, pourquoi payer pour cela ?</p>
<p>D’autres témoignages sont parlants :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi, c’est comme lorsque vous faites pousser de la laitue dans votre jardin, que vous la récoltez et que vous devez en donner la moitié à quelqu’un d’autre » (entretien, Bernhard Mertel, dirigeant de l’entreprise allemande EnergieSüdwest Projektentwicklung).</p>
</blockquote>
<p>Et :</p>
<blockquote>
<p>« Si on consomme moins, après une rénovation énergétique d’un bâtiment, on ne vous demande pas de payer pour ce qu’on consomme moins » (atelier, Rémi Bastien, cofondateur de la start-up française Enogrid).</p>
</blockquote>
<p>Les principes de décentralisation et de territorialisation de l’énergie qui légitiment les coopératives citoyennes interrogent ainsi sur le rapport individuel/collectif.</p>
<h2>L’intérêt général questionné par la transition</h2>
<p>Le rôle de l’État et des collectivités est requestionné, la puissance publique étant historiquement associée à la garantie de l’« intérêt général » face aux acteurs privés mus par le profit.</p>
<p>Les coopératives viennent revisiter ce paysage en termes de <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807328242-gouvernance-et-developpement-durable">gouvernance de la transition écologique</a> dans la <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/fabrique-contemporaine-territoires/">gestion des territoires</a>. L’appréhension et la portée donnée à la transition énergétique varient en fonction des échelles, selon que l’on évoque le niveau d’un ménage, d’un collectif regroupé au sein d’une coopérative, ou d’une entité territoriale (locale, régionale, nationale) plus largement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-transition-ecologique-154104">Pourquoi parle-t-on de « transition » écologique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Parler d’autonomie croissante peut avoir deux sens : celui d’une alternative vis-à-vis des énergéticiens actuels et/ou des sources d’énergie carbonée ou nucléaire, ou celui d’une sortie de tout réseau.</p>
<p>La seconde hypothèse représenterait certes une alternative à la dualité de l’État et du marché, mais où le troisième terme ne serait pas tant le <a href="http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/essor-biens-communs/Philippe-Hamman.html">collectif du <em>faire commun</em></a> qu’une approche individuelle qui peut déborder le slogan de la mise en durabilité « penser global, agir local ».</p>
<p>Le point est d’autant plus important à mesure qu’il est question du stockage des énergies renouvelables avec des batteries et de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421517307619">technologie <em>vehicle-to-grid</em></a> consistant à mobiliser la batterie d’un véhicule électrique pour pallier les effets d’intermittence, ainsi que le met d’ores et déjà en avant un constructeur comme <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/quel-est-le-principe-du-v2g-ou-vehicle-to-grid/">Renault</a>.</p>
<h2>Quatre points clés</h2>
<p>C’est pourquoi <a href="https://www.routledge.com/Cross-Border-Renewable-Energy-Transitions-Lessons-from-Europes-Upper-Rhine/Hamman/p/book/9781032059389">l’analyse sociologique</a> des coopératives énergétiques citoyennes dans le Rhin supérieur a mis en avant quatre principaux enjeux de l’autonomie énergétique des territoires.</p>
<p>D’abord, s’entendre sur la signification de la transition énergétique : est-ce faire mieux, au sens de plus d’efficience technologique, de remplacer des sources fossiles par des renouvelables, etc. ; ou moins, au sens d’une réduction de la production et de la consommation, avec un mot d’ordre de sobriété ?</p>
<p>Ensuite, d’associer à cette transition l’ensemble des parties prenantes territorialement (collectivités et structures en régie, collectifs et associations, habitants…) et pas seulement les acteurs historiques du secteur (producteurs, fournisseurs, gestionnaires de réseau), mais sans non plus prétendre à une autarcie vis-à-vis de ces derniers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485526534467301378"}"></div></p>
<p>Penser également ensemble la relocalisation de l’énergie et les réseaux, c’est-à-dire aussi une solidarité entre territoires compte tenu de situations matérielles distinctes dans les potentiels de production d’énergie renouvelable (ensoleillement, vent, cours d’eau…) et des incidences concrètes comme le prix de l’énergie.</p>
<p>Enfin, ne pas oublier que la capacité d’action renvoie aux positions sociales : si l’on souhaite installer des panneaux photovoltaïques sur son logement, il faut être propriétaire et non locataire ; et, sous une affirmation plus collective, l’engagement au sein d’une coopérative citoyenne est synonyme d’achat d’actions, ce qui suppose d’en avoir les moyens, et se révèle, du moins pour les principaux animateurs, lié à des capitaux sociaux identifiables (éducatifs, professionnels, culturels, etc.).</p>
<h2>Autonomie énergétique, démocratisation énergétique</h2>
<p>Au final, une question sociétale se pose, tant sur un plan politique qu’éthique : à quoi participe-t-on, avec qui et avec quelle visée dans des projets de reterritorialisation de l’énergie ?</p>
<p>D’une initiative à l’autre, le curseur peut être placé diversement entre mise en responsabilité individuelle – y compris la métaphore du colibri (<a href="https://www.colibris-lemouvement.org/">faire chacun sa part</a>) chère à Pierre Rabhi et régulièrement reprise par des coopérateurs interviewés – et mise en commun des ressources et/ou des infrastructures.</p>
<p>Ce qui fait alternative est l’objet de <a href="https://www.mdpi.com/2673-4931/11/1/12/htm">transactions permanentes</a> (économiques, techniques, écologiques…) bel et bien ancrées dans l’épaisseur du social : pas plus que les valeurs coopératives et environnementales <a href="https://theconversation.com/difficile-de-concilier-valeurs-cooperatives-et-environnementales-92747">ne se superposent forcément</a>, le registre de l’autonomie n’est pas mécaniquement synonyme de <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100294160">démocratisation de l’énergie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Hamman est titulaire de la Chaire Jean Monnet «Governance of Integrated Urban Sustainability in Europe (GoInUSE) : Scales, Actors and Citizenship» (2020-2023), financée par la Commission européenne (Réf. : 619635-EPP-1-2020-1-FR-EPPJMO-CHAIR) et dont un axe porte sur la transition énergétique : <a href="https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/">https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/</a>
Il a également a reçu des financements de l'Union européenne dans le cadre du projet RES-TMO (Réf. : 4726/6.3.), cofinancé par le programme communautaire Interreg V Rhin supérieur et le Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période du 01/02/2019 au 31/07/2022. </span></em></p>Si les projets coopératifs se multiplient pour produire de l’électricité grâce aux renouvelables, autonomie énergétique ne rime pas toujours avec démocratisation.Philippe Hamman, Professeur de sociologie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1716362021-12-09T15:12:10Z2021-12-09T15:12:10ZLes Coops de l’information : une expérience unique au monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/436387/original/file-20211208-133881-4eo2kl.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1910%2C1071&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">VISUELWEB</span> <span class="attribution"><span class="source">Les Coops de l'information</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Il y a deux ans, six villes du Québec et leurs régions ont failli perdre leurs journaux. <a href="https://www.lesoleil.com/"><em>Le Soleil</em></a> (Québec), <a href="https://www.ledroit.com/"><em>Le Droit</em></a> (Ottawa-Gatineau), <a href="https://www.lenouvelliste.ca/"><em>Le Nouvelliste</em></a> (Trois-Rivières), <a href="https://www.latribune.ca/"><em>La Tribune</em></a> (Sherbrooke), <a href="https://www.lequotidien.com/"><em>Le Quotidien</em></a> (Saguenay) et <a href="https://www.lavoixdelest.ca/"><em>La Voix de l’Est</em></a> (Granby) sont passés à deux doigts de fermer leurs portes.</p>
<p>Ils faisaient partie du Groupe Capitales Médias (GCM), propriété de l’ex-ministre fédéral Martin Cauchon. GCM s’était placé <a href="https://journalmetro.com/actualites/national/2363755/capitales-medias-declare-faillite/">sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité en août 2019</a>. Cet automne-là, un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1266137/faillite-liquidites-finances-capitales-medias">plan de sauvetage a été ficelé dans l’urgence</a>. La solution ? Transformer le groupe, et chaque journal, en autant de coopératives, une opération complétée le 19 décembre 2019.</p>
<p>Deux ans plus tard, les journaux sont toujours là. Je me suis penché ces derniers mois sur l’expérience unique au monde qu’ils mènent. Après avoir assisté à une douzaine de réunions internes et réalisé une cinquantaine d’entrevues, voici un survol des constats préliminaires qui se dégagent et des défis qui émergent à l’horizon.</p>
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<img alt="Martin Cauchon en conférence de presse" src="https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436385/original/file-20211208-25-1c19nds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Martin Cauchon au moment de la création du Groupe Capitales Médias, formé des six quotidiens hors-Montréal qui appartenaient auparavant à Gesca, le 18 mars 2015, à Québec. À l’arrière-plan, Claude Gagnon, pdg du Groupe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jacques Boissinot</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De tremplin à aimant</h2>
<p>Les Coopératives de l’information sont comme un miraculé qui se rétablit après avoir failli mourir. Leur bon état de santé rassure et fait plaisir.</p>
<p>Tout d’abord, le groupe a mis sur pied de nouveaux projets, comme une <a href="https://www.lesoleil.com/2021/09/04/les-coops-de-linformation-forment-une-equipe-journalistique-dimpact-dea341fb886795ab8e5190d88c11d9e9">« équipe d’impact »</a> de six journalistes (un par journal) pour réaliser des dossiers et des enquêtes.</p>
<p>Les six journaux se sont mis à embaucher, aussi. La rédactrice en chef de <em>La Voix de l’Est</em>, Isabelle Gaboriault, qui compte 21 ans de carrière au plus petit quotidien du groupe, ne semble pas en revenir elle-même :</p>
<blockquote>
<p>J’ai embauché… attends, six, sept, huit, neuf… dix personnes en un an et demi ! […] Je n’ai jamais vécu ça !</p>
</blockquote>
<p>Bien sûr, <a href="https://www.ledevoir.com/culture/medias/650535/medias-le-journalisme-remonte-la-pente">plusieurs médias recrutent, ces jours-ci</a>. Mais ce qui distingue les Coops de l’info, c’est qu’elles attirent désormais des talents d’autres entreprises de presse. Pendant des générations, les six quotidiens voyaient leurs journalistes quitter pour des médias de la métropole. Ils ont été le tremplin de nombreuses carrières.</p>
<p>Au cours des deux dernières années, on a assisté au phénomène inverse. Quelques exemples : les Coops ont recruté l’analyste politique Hélène Buzzetti, auparavant au <em>Devoir</em> ; Marie-Claude Lortie et Hugo Fontaine ont pour leur part quitté <em>La Presse</em> pour devenir respectivement rédactrice en chef du <em>Droit</em> et directeur général de <em>La Tribune</em> ; la créatrice de RDI junior, Ève Tessier-Bouchard, a été embauchée pour mettre sur pied une plate-forme d’information destinée à la jeunesse.</p>
<h2>Ça change pas le monde, sauf que…</h2>
<p>Ça change quoi, une coop ? Journalistes, représentants publicitaires ou employés de bureau, les artisans des six journaux me répondent tous la même chose. La transparence et le dialogue entre dirigeants et employés sont les nouveautés qu’ils préfèrent. Le sentiment est partagé par les cadres, dont Stéphan Frappier, directeur général du <em>Nouvelliste</em> :</p>
<blockquote>
<p>Il n’y a plus de brouillard. Financièrement, c’est clair. Je n’ai jamais été aussi transparent. Tout est sur la table.</p>
</blockquote>
<p>Les journalistes, dont le métier est de comprendre, apprécient de pouvoir enfin maîtriser toutes les clés de leur propre journal. Mais ce nouveau pouvoir vient avec de grandes responsabilités.</p>
<p>Pour transformer GCM en coopératives, par exemple, il a fallu faire un compromis : fermer les régimes de retraite. Tout le monde (sauf au <em>Droit</em>) a été touché : employés actuels comme retraités. Les premiers ont perdu 25 % du montant qu’ils avaient mis de côté pour leur retraite ; les seconds ont vu leurs prestations diminuer d’autant. Louis Tremblay, qui était à l’époque président du Syndicat des communications du <em>Quotidien</em>, affirme :</p>
<blockquote>
<p>Je n’ai pas signé ça de gaité de cœur. S’il y avait eu une autre solution, on l’aurait prise !</p>
</blockquote>
<p>C’est encore un nœud de discorde. Les retraités poursuivent leurs anciens syndicats devant le Tribunal administratif du travail.</p>
<p>Il se produit quelque chose de particulier quand les employés se retrouvent propriétaires de leur gagne-pain. Ils deviennent prudents, comme le dit Mickaël Bergeron, chroniqueur à <em>La Tribune</em> et vice-président de son syndicat :</p>
<blockquote>
<p>Ça ne donne rien de se voter des augmentations de 15 % si c’est pour nous planter financièrement.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le slogan des Coops de l’info : « Local. De calibre mondial. »" src="https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436149/original/file-20211207-142574-1pajm8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le slogan des Coopératives de l’information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">lescoops.ca</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les défis</h2>
<p>Le modèle d’affaires des Coops de l’information demeure donc fragile. Il repose sur quatre sources de revenus qui toutes sont essentielles, mais dont aucune n’est pérenne :</p>
<ul>
<li><p><strong>La publicité</strong>. J’ai été étonné de constater à quel point la pub imprimée génère encore d’importants revenus. Le problème, c’est que de moins en moins de gens sont abonnés aux éditions papier des journaux. Pour le moment, la pub papier rapporte encore davantage que ce qu’il en coûte pour imprimer et distribuer un produit à un lectorat de plus en plus clairsemé, souvent en milieu rural. L’opération ne sera bientôt plus rentable.</p></li>
<li><p><strong>Les abonnements numériques</strong>. La pandémie a forcé les Coops à prendre le « virage numérique » plus rapidement que prévu. Les journaux ne sont plus imprimés que le samedi (sauf à <em>La Voix de l’Est</em>, où une édition papier subsiste encore le mercredi). Le reste de la semaine, une application mobile est produite chaque matin. Et les sites web des journaux n’offrent que quatre articles gratuits par mois. Pour accéder au contenu numérique sans entrave, il faut s’abonner. Et c’est une autre réussite des Coops. Leur nombre d’abonnés numériques a dépassé 25 000 en 2021. À 9,95 $ par mois, cela assure des revenus annuels de près de 3 millions de dollars. Mais après un départ canon cette année, les abonnements numériques croîtront-ils suffisamment ?</p></li>
<li><p><strong>Des redevances des GAFA</strong>. Les Coops font partie d’une poignée de médias canadiens qui ont signé des ententes avec <a href="https://www.facebook.com/journalismproject/facebook-partners-with-canadian-news-publishers">Meta (anciennement Facebook)</a> et <a href="https://blog.google/products/news/google-news-showcase-canada/">Google</a> en 2021. Même les artisans des journaux ignorent combien ces ententes génèrent en redevances. Gilles Carignan dit que « ça paye le salaire de quelques journalistes » au journal qu’il dirige, <em>Le Soleil</em>. Les ententes ont une durée de trois ans. Les géants du web voudront-ils à nouveau soutenir le journalisme canadien si une loi ne les force pas à le faire ? On compte sur le nouveau ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, pour ressusciter un projet de loi sur lequel planchait son prédécesseur, Steven Guilbeault.</p></li>
<li><p><strong>De l’argent public</strong>. Ces dernières années, les gouvernements ont mis sur pied des programmes d’aide à la presse. Des crédits d’impôt, notamment, assurent plus de la moitié du salaire des journalistes (35 % au provincial et 25 % au fédéral). Ces programmes arrivent à échéance en 2024. On n’a aucune garantie qu’ils seront prolongés. Les conservateurs ont même promis de les supprimer, s’ils prenaient le pouvoir. Valérie Gaudreau, rédactrice en chef du <em>Soleil</em>, n’arrive pas à croire que Gérard Deltell, député conservateur de Chauveau, fasse pareille chose : « T’es un ancien journaliste, lui dirait-elle. T’es historien. Tu connais la valeur de l’information. »</p></li>
</ul>
<h2>Le rôle politique du public</h2>
<p>La partie est donc loin d’être gagnée pour les Coops de l’info. Quand je demande à leurs artisans quel est leur principal défi, la plupart me disent : répondre aux attentes du public. Comme le dit Patrice Gaudreault, ancien rédacteur en chef du <em>Droit</em> et responsable de l’équipe d’impact :</p>
<blockquote>
<p>Il faut continuer d’être pertinents. Alors, le public va le reconnaître, parce que c’est pour eux autres qu’on existe.</p>
</blockquote>
<p>Justement, les six journaux ont choisi un type particulier de coop où le public peut jouer un rôle : la coopérative de solidarité. Elle permet à des gens qui soutiennent sa mission d’en devenir membres. Ainsi, le public peut devenir membre des Coops de l’information.</p>
<p>Mais voilà : seulement quatre des six journaux accueillent des lectrices ou des lecteurs dans leur membership. Selon Vincent Roy, de la Coopérative de développement régional Outaouais-Laurentides, il y a là une occasion ratée pour les Coops de l’info. Le public pourrait leur donner un certain pouvoir politique, dit-il, au sens où il serait plus difficile pour des politiciens de couper les aides publiques aux six journaux si des dizaines de milliers de Québécois·e·s en sont membres au lieu d’y être seulement abonné·e·s.</p>
<p>L’idée n’est pas bête du tout. Ce serait peut-être là une façon de « [remettre] les citoyens au cœur de l’écosystème médiatique », comme l’écrivaient Julia Cagé et Benoît Huet dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-information-est-un-bien-public-julia-cage/9782021483154"><em>L’information est un bien public</em></a>. Des médias d’information que le public se serait « réappropriés » seraient peut-être encore plus indispensables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171636/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Hugues Roy est membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). </span></em></p>Partout, les médias d’information cherchent des façons d’assurer leur survie. Le plus grand groupe coopératif médiatique au monde, qui célèbre son 2ᵉ anniversaire, est peut-être une solution inspirante.Jean-Hugues Roy, Professeur, École des médias, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722132021-11-22T21:34:29Z2021-11-22T21:34:29ZEt si le Covid renforçait les solidarités entre travailleurs autonomes ?<p>Développer son activité au sein d’une coopérative permet de mutualiser les risques avec d’autres entrepreneurs, à la fois salariés et associés.</p>
<blockquote>
<p>« Au lieu de gérer chacun sa crise, il s’agira de faire fonctionner le collectif en choisissant l’émulation plutôt que la concurrence, le commun plutôt que la défense d’intérêts individuels, la coopération ouverte plutôt que le repli. Pour faire face au gros temps, mieux vaut un équipage soudé qu’un marin seul ».</p>
</blockquote>
<p>Tel était ce que nombre de travailleurs autonomes pouvaient lire dans une lettre d’information diffusée par une coopérative d’activités et d’emploi (CAE) à la fin du premier semestre 2020. Et si la crise sanitaire et économique avait poussé ces structures à inventer de nouveaux moyens de sécuriser les entrepreneurs individuels, qui comptent parmi les plus précaires ?</p>
<p>Face à la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470794?sommaire=4470890">croissance du nombre de</a> ces travailleurs, les CAE proposent une forme d’emploi hybride entre travail salarié et indépendant, une forme de travail que l’on peut qualifier d’autonome. Reconnues par la <a href="https://www.economie.gouv.fr/ess-economie-sociale-solidaire/loi-economie-sociale-et-solidaire">loi Économie sociale et solidaire de 2014</a>, elles proposent le régime de l’entrepreneuriat-salarié-associé. Ses membres sont reconnus dans le droit du travail comme des salariés, mais œuvrent dans les faits presque comme des indépendants.</p>
<p>Le Covid invite d’ailleurs à regarder de plus près ce qui s’invente dans ces <a href="https://www.teseopress.com/dictionnaire/">zones grises du travail et de l’emploi</a>. Le pire était à craindre pour les microentrepreneurs, en particulier. Leur <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1672">situation économique fragile</a> avec des revenus faibles et discontinus se double en effet d’une <a href="https://theconversation.com/comment-le-confinement-a-enfonce-les-livreurs-a-velo-dans-la-precarite-138617">dépendance importante</a> à leur clientèle, <a href="https://theconversation.com/les-livreurs-de-plateformes-en-quete-de-protection-sociale-168962">d’une protection sociale réduite</a> et les avantages fiscaux dont ils bénéficient (comme une exonération de la TVA) sont insuffisants pour sécuriser leur travail.</p>
<p>Dans un contexte de <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-452/r19-452_mono.html">précarisation sociale et économique des travailleurs indépendants</a>, les CAE inventent des mécanismes soutenant les activités entrepreneuriales de leurs membres. Ceux-ci se fondent sur les principes de la mutualisation, de la solidarité et de la coopération afin d’amortir les effets de la crise. Elles rassemblent des travailleurs autonomes autour d’un projet politique commun puisqu’ils sont autant salariés et qu’associés. Nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02998438/">travaux</a> montrent que la multifonctionnalité de ces organisations favorise la pérennité et la stabilité des situations d’emplois de leurs membres.</p>
<h2>Garantir une protection</h2>
<p>Les CAE restent une forme d’entreprise encore marginale : les quelques 153 CAE rassemblaient près de <a href="https://www.les-scop.coop/system/files/inline-files/2021%2002%20Actualisation%20des%20donn%C3%A9es%20des%20CAE%20-%20VF%20Avec%20R%C3%A9gions_0.pdf">12 000 travailleurs</a> en février 2021. Elles n’en présentent pas moins des atouts intéressants.</p>
<p>Dans les CAE, les travailleurs autonomes bénéficient de la protection sociale, dès qu’ils parviennent à se salarier grâce à leur chiffre d’affaires. Ceux-ci restent néanmoins responsables du développement de leur activité entrepreneuriale et de trouver leur clientèle. La CAE ne garantit donc pas leur salaire et les <a href="https://www.coopaname.coop/actualite/revenus-temps-travail-chez-coopaname-oxalis">revenus restent ainsi contrastés et discontinus</a>. Ils s’avèrent cependant supérieurs à ceux des microentrepreneurs.</p>
<p>Avec le statut de salariés, les membres accèdent en outre aux droits d’indemnités parentales et de chômage le cas échéant. Ainsi, au plus fort de la crise du Covid, les coopératives ont-elles notamment permis à leurs membres de bénéficier du dispositif mis en place par l’État de chômage partiel. Elles ont aussi pu expérimenter des outils de mutualisation des risques, limitant les impacts économiques de la crise, en particulier pour les travailleurs en situation de fragilité.</p>
<p>Certains mécanismes existaient déjà avant la crise. Un travailleur pouvait ainsi recevoir une avance sur salaire ou un remboursement de frais professionnels grâce à la mutualisation de tous les chiffres d’affaires au sein de la coopérative. Bénéfices et déficits sont en effet mutualisés grâce à un <a href="https://www.cairn.info/journal-recma-2018-4-page-55.htm">système de contribution aux risques collectifs et individuels</a>. Un fonds d’investissement interne peut aider à développer son activité. On peut également bénéficier d’échanges qui prennent la forme de troc entre membres aux compétences diverses (se faire réaliser son site Internet contre une séance de soins par exemple).</p>
<p>La crise aurait-elle ensuite joué un rôle de catalyseur ? Un membre d’une CAE bretonne témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Elle est l’occasion de mettre un truc en place et de le garder par la suite : je pense qu’on va atteindre un autre échelon de coopération ! »</p>
</blockquote>
<h2>Marchandes, publiques, mutualistes et solidaires</h2>
<p>Comme d’autres organisations de <a href="https://www.lelabo-ess.org/ess">l’économie sociale et solidaire</a>, les modèles socioéconomiques des CAE ne reposent ainsi pas uniquement sur des dynamiques de production et d’échanges marchands. Leur force semble en fait résider dans leur capacité à organiser et à produire d’autres formes d’activités sociales et solidaires.</p>
<p>C’est ce que qualifie la notion de multifonctionnalité, définie comme l’association de quatre éléments : la production de biens et services marchands, des échanges communautaires, plusieurs formes de mutualisation (risques, matériel), et l’accompagnement de chômeurs dans la création d’une activité entrepreneuriale. Ils correspondent à des échanges monétaires, réciprocitaires, contributifs ou de subventions publiques.</p>
<p>Autrement dit, la force du modèle socioéconomique des CAE est de parvenir à construire des compromis entre ces quatre logiques socioproductives : marchandes, publiques, mutualistes et solidaires. Ces compromis sont notamment issus de discussion entre les travailleurs autonomes, qui acceptent collectivement de contribuer davantage pour certains, de bénéficier d’aide financière pour les autres.</p>
<h2>Les CAE, comme une forêt</h2>
<p>Pour articuler le tout, l’enjeu est donc aussi de conserver une dynamique démocratique dans la crise.</p>
<blockquote>
<p>« Au lieu de se crisper chacun sur ses manières habituelles de faire, ou de suivre les décisions prises par un seul, nous [dans la CAE] avons inventé de nouveaux cercles pour être à la fois plus réactifs et plus démocratiques », explique une CAE d’Auvergne-Rhône-Alpes.</p>
</blockquote>
<p>Car dans une période où la précarité se fait ressentir, les négociations autour des solidarités peuvent aussi susciter des tensions entre les membres. Il s’agit de trouver un équilibre entre l’intérêt de la coopérative et la situation de chaque travailleur autonome.</p>
<blockquote>
<p>« C’est quand on commence à discuter du degré de solidarité et surtout à qui elle s’applique que les choses se gâtent. S’il y a des décisions difficiles à prendre, il faut qu’elles soient collectives ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432731/original/file-20211118-20-1sil5ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le risque est aussi d’aboutir à des mécanismes, qui certes incarnent l’idéal politique de la coopérative, mais qui sont si complexes, qu’ils en deviennent incompréhensibles pour leurs membres.</p>
<p>Dans son ouvrage <em>la [vie secrète des arbres]</em>(https://www.franceinter.fr/emissions/co2-mon-amour/co2-mon-amour-09-decembre-2017), le garde-forestier allemand Peter Wollheben nous fait découvrir les solidarités ancestrales de nos comparses végétaux. La survivance et la pérennité d’une forêt reposent sur la capacité des arbres, les plus « forts », à apporter des nutriments complémentaires pour soutenir leurs compagnons en difficulté. Dans les CAE, la logique est comparable.</p>
<p>Si l’ampleur des solidarités entre travailleurs autonomes dans les CAE reste encore loin d’être complètement satisfaisante, elles n’en représentent pas moins des espaces politiques d’expérimentation. En questionnant le travail, la mutualité et la coopération, elles renforcent la solidarité entre les membres, améliorant ainsi leurs conditions d’emplois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Justine Ballon est sociétaire de la CAE Coopaname, où elle a réalisée sa thèse en tant que doctorante salariée, dans le cadre d'une convention industrielle de formation par la recherche, également financée par le Ministère de la Recherche. </span></em></p>La crise a stimulé l’intérêt pour les coopératives d’activités et d’emploi en France, au sein desquelles les postes proposés hybrident la liberté de l’entrepreneuriat et la sécurité du salariat.Justine Ballon, Chercheuse-praticienne en économie sociale, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1545102021-02-07T17:32:16Z2021-02-07T17:32:16ZHybridité : pourquoi les banques mêlent-elles modèle coopératif et capitaliste ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382165/original/file-20210203-17-1fxazlx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C171%2C942%2C594&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La communication du Crédit mutuel, présent sur les marchés financiers mondiaux depuis 1998, insiste sur son identité de banque coopérative.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sully-sur-Loire-FR-45-Cr%C3%A9dit_Mutuel-02.jpg">François Goglins / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les groupes bancaires coopératifs français ont mélangé logiques coopérative et capitaliste espérant ainsi accroître la valeur créée tout en renforçant leur aptitude à mieux résister aux agressions internes et externes. Le simple énoncé de cet ambitieux programme témoigne des risques encourus et par exemple celui de la perte d’identité et donc de sens.</p>
<p>Lorsque les trois groupes bancaires coopératifs français ont décidé de <a href="https://blogs.univ-tlse2.fr/cerises/files/atelier-n12/Brest_ORY.pdf">s’adjoindre « des véhicules cotés » en bourse</a>, Crédit agricole (1988 et 2001), BPCE (1998 et 2009) et Crédit mutuel (1998 – 2017), ils manifestaient la volonté d’entrer sur les marchés financiers mondiaux pour suivre le développement de leurs clients.</p>
<p>Ils prenaient aussi le risque d’une dilution de leur identité de coopérateurs. À ce propos, et en termes de communication, on peut rappeler l’insistance du Crédit mutuel à souligner <a href="https://www.creditmutuel.com/fr/notre-engagement-cooperatif.html">« qu’une banque qui appartient à ses clients, ça change tout »</a>. Mais les problèmes d’image apparaissent souvent beaucoup plus complexes qu’ils ne le semblent de prime abord.</p>
<h2>Résilience accrue</h2>
<p>Pour la majorité des chercheurs, le flou identitaire apparaît comme un danger. Le stratège doit donc apporter une attention particulière à la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1476127019900022">netteté de l’identité de son entreprise</a>, et freiner toute tendance à sa dilution, l’ambiguïté en résultant ayant un prix : la perte de sens.</p>
<p>Pour d’autres ce raisonnement intuitivement convaincant ne l’est pourtant pas quand on analyse la <a href="https://www.researchgate.net/publication/282707717_The_polyphony_of_values_and_the_value_of_polyphony">réalité des comportements stratégiques</a>. Le flou identitaire pourrait être interprété comme une offre de visions alternatives des réalités de l’entreprise en montrant la potentialité des services qu’elle peut fournir à ses clients.</p>
<p>Si tel est le cas, les contradictions identitaires peuvent faire partie de l’ensemble de la réponse hybride de l’organisation aux pressions contradictoires de son environnement. Nous insistons sur ce point dans <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01633397">nos travaux de recherche</a> en montrant le caractère à la fois dynamique et cohérent de cette stratégie.</p>
<p>Il apparaît aujourd’hui que les groupes bancaires coopératifs français se sont habilement saisis de ce type de réponse, non seulement pour assurer leur développement mais aussi pour répondre aux besoins de leurs sociétaires et clients. Ainsi, tout en maintenant leur statut coopératif (malgré l’hostilité de Bruxelles), ils ont su créer des effets <a href="https://www.genetics.org/content/33/5/439">d’hétérosis</a> (accroissement de la valeur créée et résilience accrue aux crises).</p>
<p>Certes, les travaux d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8292.2012.00462.x">Ory et Lemzeri en 2012</a> ont montré que les banques coopératives, dans un premier temps, n’avaient pas fait mieux que les banques commerciales, notamment au moment de la crise financière de 2008. Par contre, quelques années plus tard, un <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2019-2-page-93.html">avantage apparaît au profit du secteur coopératif</a>. On peut supposer que les stratégies d’hybridation y sont pour quelque chose et après une inévitable période de rodage, portent aujourd’hui leurs fruits. L’avenir montrera si cet avantage est durable.</p>
<h2>L’hybridité organisationnelle, une stratégie délibérée</h2>
<p>L’une des caractéristiques de ce type de complexité est l’ensemble, sans cesse renouvelé, des signaux contradictoires qui en émane pour les entreprises. Ces dernières doivent ainsi décrypter et traiter dans leurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/232976474_Institutional_Complexity_and_Organizational_Responses">réponses stratégiques</a> de véritables injonctions paradoxales qui auraient pu les déstabiliser.</p>
<p>Les exemples de ces dernières sont multiples :</p>
<ul>
<li><p>exigence d’une forte rentabilité à court terme, et en même temps, incitation aux politiques d’investissements à long terme garantes de développements futurs ;</p></li>
<li><p>prise en compte de dimensions financières mais en même temps exigences de dimensions sociales et environnementales ;</p></li>
<li><p>promotion des valeurs de proximité mais en même temps focalisation de l’attention sur les potentialités de la mondialisation ;</p></li>
<li><p>pressions à la numérisation et à la robotisation de l’organisation tout en mettant l’humain au centre du processus productif ;</p></li>
<li><p>centralisation du pouvoir pour assumer la croissance de dimension, mais incitation à l’autonomie de la périphérie pour garantir des effets d’agilité…</p></li>
</ul>
<p>Si ces exemples d’injonctions paradoxales concernent les entreprises de tous les secteurs, d’autres sont spécifiques à telle ou telle activité. Ainsi, dans le domaine bancaire rappelons les pressions à l’obligation de solvabilité (Accords de Bâle), et en même temps les incitations des pouvoirs publics à des politiques de crédits bancaires plus audacieuses.</p>
<p>Les dirigeants inspirés d’une approche cartésienne des problèmes peuvent tenter de résoudre séparément ces différents paradoxes. La stratégie d’hybridité organisationnelle apparaît en revanche conçue comme processus permanent d’hybridation en réponse globale à un environnement complexe, peu lisible du fait des contradictions qu’il comporte.</p>
<p>Ainsi, le terme d’hybridité très récemment introduit dans les stratégies anti-Covid-19 reflète une volonté de ne pas hiérarchiser logique sanitaire et logique économique, mais de traiter en même temps ces deux logiques en assumant les risques qui en résultent.</p>
<p>Oser l’intégration des contraires dans le management d’une organisation, devient alors une réponse globale à la complexité croissante d’un environnement difficile à décrypter. En termes plus concis, l’hybridité organisationnelle peut se résumer à l’idée suivante : « Un contradictoire interne construit en réponse stratégique à un contradictoire environnemental imposé ». Telle est du moins l’interprétation que nous formulons du choix de l’hybridité par les banques coopératives françaises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katia Lobre-Lebraty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie dite d’« hybridation », au-delà des risques en termes d’image, apparaît comme une réponse efficace face à un environnement bancaire devenu très complexe.Katia Lobre-Lebraty, Maître de conférences HDR - Sciences de Gestion EA 3713 Magellan - iaelyon School of Management, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472362020-10-01T16:00:11Z2020-10-01T16:00:11ZLa valeur de Mountain Equipment Co-op réside dans ses données clients<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361171/original/file-20201001-24-nq3xbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un magasin Mountain Equipment Co-op à Montréal.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Imaginez un monde où, en tant que commerçant, vous disposeriez d’informations complètes et détaillées sur chaque transaction effectuée par chacun de vos cinq millions de clients, et ce, depuis des décennies.</p>
<p>C’est ce que la société privée d’investissement Kingswood Capital Management a acquis lorsqu’elle a <a href="https://www.ledevoir.com/economie/586718/commerce-de-detail-premiere-victoire-pour-des-membres-opposes-a-la-vente-de-mec">racheté l’entreprise canadienne Mountain Equipment Co-op (MEC)</a>, et pas une marque, ni une chaîne de <a href="https://www.bnnbloomberg.ca/mec-cuts-costs-boosts-perks-in-effort-to-turn-around-struggling-retailer-1.1376702">22 magasins en difficulté</a>, ni une clientèle fidèle et certainement pas une franchise d’articles de sport de marque maison qui a du succès.</p>
<p>Kingswood a plutôt obtenu l’accès à une véritable mine de données de consommation et d’historique d’achats ainsi que le contrôle de ces renseignements. Ces données comprennent des informations personnelles détaillées et vérifiées, notamment le nom, l’âge, l’adresse, le numéro de téléphone et l’adresse électronique de chaque membre.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fatigues-de-donner-vos-infos-personnelles-habituez-vous-elles-sont-la-monnaie-du-21-siecle-145004">Fatigués de donner vos infos personnelles ? Habituez-vous, elles sont la monnaie du 21ᵉ siècle</a>
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</p>
<hr>
<h2>Vente au détail pour les membres</h2>
<p>MEC est une coopérative qui ne vend qu’à ses membres. Ceux-ci se sont procuré une part de 5 dollars qui leur a permis de devenir membre à vie de la coopérative. Lorsqu’ils effectuent des achats en ligne ou en magasin, ils doivent fournir leur numéro de membre qui est enregistré sur la transaction.</p>
<p>La <a href="https://www.mec.ca/fr/explore/privacy-policy">politique de confidentialité de MEC</a> comporte les quelques pages habituelles de jargon juridique. On y décrit les données qui sont recueillies, les 15 utilisations possibles de ces renseignements, la politique de stockage, on y explique avoir recours à des services d’analyse et de publicité tiers et on y fait la promesse que les renseignements personnels ne seront divulgués que pour les objectifs établis. MEC s’engage également à supprimer toute information de ses bases de données à la demande d’un membre.</p>
<p>Malheureusement, les objectifs de la collecte de données sont délibérément larges et vagues. En voici quelques-uns :</p>
<blockquote>
<p>pour permettre à MEC d’offrir un service de haut niveau à ses membres et aux membrespotentiels;</p>
<p>pour comprendre les besoins des membres et des membres potentiels en ce qui concerne les produits et services;</p>
<p>pour développer et gérer des produits et services de façon à répondre aux besoins des membres et non-membres.</p>
</blockquote>
<p>MEC n’est ni pire ni meilleure que les entreprises qui demandent aux consommateurs de fournir leurs renseignements personnels en échange d’un avantage quelconque, comme une récompense ou un programme de fidélisation.</p>
<h2>Les données deviennent des produits</h2>
<p>Un collègue et moi avons déjà démystifié la multitude de lois sur <a href="https://iveybusinessjournal.com/publication/data-theft-or-loss-ten-things-your-lawyer-must-tell-you-about-handling-information/">la protection de la vie privée et proposé des recommandations aux organisations sur la manière de traiter les données avec soin et responsabilité à l’ère où le commerce électronique est en plein essor</a>.</p>
<p>MEC, comme beaucoup d’autres entreprises, exploite les données fournies volontairement par ses clients pour améliorer ses services, mais surtout pour faire de la publicité et augmenter ses ventes. C’est ce que permettent l’analyse et l’exploration des données.</p>
<p>Les membres de MEC avaient toujours accepté cela en toute confiance et avec la conviction que les décideurs de l’organisation, en tant que dépositaires des données, agissaient dans le meilleur intérêt de l’entreprise et de ses membres.</p>
<p>Cette confiance a été brisée. Les choses sont sur le point de changer.</p>
<h2>Une trahison en héritage</h2>
<p>Une pétition de change.org, « Sauvons MEC », <a href="https://www.change.org/p/members-of-mec-anyone-who-has-purchased-anything-from-mec-save-mec">a recueilli plus de 138 000 signatures</a> au moment d’écrire ces lignes. Les commentaires inclus avec les signatures parlent de sentiment de trahison et de perte de confiance dans l’organisation.</p>
<p>La pétition a permis <a href="https://www.gofundme.com/f/save-mec-legal-fund">de récolter plus de 100 000 dollars pour couvrir les frais de justice</a> et ses auteurs demandent le <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/4e0f271d-551f-4a0b-baf1-0bba93c18082__7C___0.html">statut d’intervenant devant les tribunaux pour bloquer la vente.</a></p>
<p>Kingswood Capital compte transformer MEC en une chaîne de magasins à but lucratif, pas différente de ses nombreux concurrents locaux, provinciaux et nationaux. Ce faisant, elle va rationaliser les opérations et réduire les coûts (<a href="https://www.retail-insider.com/retail-insider/2020/9/mec-files-for-creditor-protection-amid-acquisition-by-kingswood-capital">le fonds s’est engagé à maintenir 17 magasins ouverts, ce qui signifie qu’au moins cinq devront fermer</a>).</p>
<p>Toutefois, le succès à long terme de MEC réside dans sa capacité à se distinguer, principalement en tirant parti de sa base de 5,1 millions de clients.</p>
<h2>Transformer les données en profits</h2>
<p>Pour y parvenir, il faut pouvoir exploiter de manière agressive les données des clients, non seulement pour les besoins de Kingswood Capital, mais aussi en les divisant en offres attrayantes pour d’autres spécialistes du marketing, services publicitaires, médias sociaux et annonceurs en ligne. Les cinq millions de dossiers que Kingswood a achetés n’ont une réelle valeur que si on les présente sous différentes formes afin de les vendre de façon répétée.</p>
<p>Dans son rapport annuel de 2018-2019,<a href="https://www.mec.ca/fr/explore/current-mec-annual-report">MEC a fait état d’une valeur nette d’environ 189 millions de dollars</a>, ceci sans compter les dettes qui devraient s’élever à 92 millions de dollars d’ici novembre 2020, date à laquelle la transaction est censée se conclure. Kingswood n’aurait payé <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-monitor-urges-bc-supreme-court-to-approve-us-private-equity/">qu'environ 150 millions de dollars</a> pour la coopérative en difficulté. Si l’on considère que les données de chacun des 5,1 millions de membres valent 10 dollars, Kingswood n’a qu’à vendre cette base de données trois fois pour récupérer son investissement. Si elle la vend cinq fois — ce qui est très peu dans une économie du commerce électronique fondée sur les données —, elle double quasiment son investissement.</p>
<p>Bien que ces chiffres puissent sembler simplets, il n’en reste pas moins que même l’analyse la plus rudimentaire montre que la véritable valeur de MEC ne réside pas dans ses magasins, ses marchandises, sa marque ou même ses employés, mais bien dans ses données.</p>
<p>En acquérant cette organisation canadienne emblématique, Kingswood a compris ce que le conseil d’administration de MEC n’avait jamais su voir : la véritable valeur de l’organisme se trouve dans sa base de données complète et actualisée qui évolue grâce à une communauté de membres fidèles qui partagent volontairement, régulièrement et systématiquement des informations précieuses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147236/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Parent a été membre de MEC pendant plus de 30 ans.</span></em></p>Depuis sa création, MEC a recueilli des informations sur chaque transaction de chacun de ses cinq millions de membres. Dans l'économie numérique actuelle, ces données sont une mine d'or.Michael Parent, Professor, Management Information Systems, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1449552020-08-30T15:57:30Z2020-08-30T15:57:30ZConstruire des utopies durables : l’expérience inspirante de la filature ardéchoise Ardelaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/354851/original/file-20200826-7216-1qzytip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C970%2C591&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lancée en 1982, Ardelaine compte aujourd’hui 58&nbsp;salariés.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ardelaine / D.R.</span></span></figcaption></figure><p><strong>La crise de la Covid-19 suscite des appels à un monde plus durable, mieux partagé et plus porteur de sens, mais on sait que la réalité résistera de mille façons. D’où l’intérêt d’étudier les utopies qui ont surmonté les obstacles, comme Ardelaine qui s’est lancée dans le pari « impossible » de reconstituer une filière lainière en France.</strong></p>
<p>La SCOP (société coopérative ouvrière de production) Ardelaine, située à Saint-Pierreville, en Ardèche, est née en 1982. Mais son origine remonte à 10 plus tôt, comme le raconte sa cofondatrice Béatrice Barras :</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354852/original/file-20200826-7211-10ukags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Beatrice Barras, cofondatrice d’Ardelaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ardelaine/D.R</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>« Avec mon mari Gérard, nous étions allés voir en 1972 la filature de laine de Saint-Pierreville car nous étions choqués de savoir que la laine était jetée sur des tas de fumier. La filature s’était écroulée et sa propriétaire habitait encore dans un bâtiment en étant convaincue que tout était fini. L’histoire était tellement triste que nous avons envisagé de racheter la filature et de la remettre en route en intégrant l’ensemble de la filière ».</em></p>
<p>Les lois de l’économie n’étaient pourtant guère favorables. Les moutons produisaient certes une laine idéale pour fabriquer des matelas et des couettes, mais ils étaient élevés pour la viande. La laine n’ayant aucune valeur, elle était jetée. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine et l’Afrique du Sud en produisaient d’énormes quantités en cassant les prix.</p>
<p>Toutefois, pour des raisons sanitaires, les bergers devaient faire tondre, alors que les tondeurs rechignaient à prendre en charge leurs troupeaux éparpillés dans la montagne. En tondant leurs moutons et en leur proposant un bon prix pour la laine, Béatrice et Gérard Barras, l’autre cofondateur, allaient se faire des bergers des alliés.</p>
<p>Ils n’ont cependant pas l’argent nécessaire et ne peuvent se tourner vers les banquiers, ni même vers le Conseil général : pour eux, la laine n’a plus d’avenir. Ils font quand même un petit emprunt pour acheter la ruine de la filature, en laissant à sa propriétaire la jouissance de son logement. Un projet mûrit alors avec un petit groupe de sept personnes aux compétences variées, qui se sont connues dans l’expérience collective d’un chantier de jeunes pour reconstruire un village des gorges de l’Ardèche, Le Viel Audon.</p>
<p>Ils se préparent pendant sept ans. Ils continuent à exercer leurs activités pour réunir l’argent nécessaire. Pour aller plus vite, ils font des économies en jardinant pour leur alimentation, en n’utilisant que deux voitures pour tous, en louant un appartement collectif à Valence pour ceux qui doivent aller y travailler.</p>
<p>Pendant leur temps libre, ils reconstruisent les bâtiments, remettent en route le moulin de la filature et achètent des machines d’occasion. Pour acquérir les connaissances nécessaires à leurs futures activités, l’un suit une formation à la tonte, un autre un stage de création d’entreprise, un troisième apprend à fabriquer des matelas de laine, etc.</p>
<p>C’est finalement en 1982 qu’ils se sentent prêts et créent Ardelaine sous forme de SCOP, en obtenant un financement de la Fondation de France, avec un programme « Initiatives Territoire Emploi Ressource ».</p>
<h2>La reconstitution d’une filière</h2>
<p>Ils commencent par produire le matelas traditionnel de laine, en le relookant pour corriger son image ringarde, et le vendent sur des marchés, ce qui les aide à se faire connaître. Puis ils créent des couettes et des oreillers. Ils tirent parti de la multiplication des foires écologistes, comme le salon Marjolaine à Paris, où ils trouvent une clientèle intéressée par les produits naturels.</p>
<p>Pour élargir la gamme vers l’habillement, ils proposent au propriétaire d’une bonneterie venant de faire faillite de prendre en charge un atelier de tricotage et de confection. Celui-ci accepte à condition de rester à Valence. Ardelaine s’installe dans un quartier chaud de la ville avec l’appui de la société HLM de la ZUP de Valence, qui cherche à faire évoluer ces quartiers en introduisant des boutiques et des ateliers dans les rez-de-chaussée des immeubles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354856/original/file-20200826-16-3d2jqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La SCOP a démarré son activité par la fabrication de matelas avant de se diversifier dans les couettes et les oreillers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ardelaine/D.R</span></span>
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<p>Puis, trouvant que passer leur temps sur les routes pour courir les foires ne relève pas d’un développement local vertueux, ils créent un catalogue de vente par correspondance et développent la vente sur place. Pour attirer les visiteurs dans leur village reculé, ils créent deux musées, l’un sur l’élevage du mouton et la fabrication de produits tirés de la laine, l’autre sur le passage de l’artisanat à l’industrialisation. C’est un succès, et ils accueillent chaque année 20 000 visiteurs.</p>
<p>Pour diversifier leurs activités au profit du territoire, ils créent un café-librairie et une salle d’animation, ce qui renforce la qualité de l’accueil, et développent un pôle alimentaire avec un restaurant et un atelier de transformation. Ils construisent pour cela un bâtiment de 700m<sup>2</sup> sur trois niveaux, couvert par un toit solaire. Cela permet aussi d’agrandir la surface de bureaux. Ces projets avec le territoire entraînent la création de douze emplois chez Ardelaine et cinq dans des associations.</p>
<p>Pour financer leurs développements, ils obtiennent des aides publiques à la création d’emploi et à l’investissement, dont l’aide de l’État aux « Pôles d’excellence rurale » pour leurs derniers projets.</p>
<h2>Un modèle économique sobre</h2>
<p>Tous sont payés au SMIC, avec un petit bonus pour les fonctions de direction, alors que les niveaux de formation vont de « bac – 5 » à bac +5. Les salariés auraient bien sûr préféré être mieux payés, mais tous ont conscience que cela mettrait en péril l’équilibre économique d’Ardelaine. Ce principe égalitaire perdure depuis 38 ans, alors que les deux tiers des salariés pourraient trouver ailleurs des emplois mieux rémunérés.</p>
<p>L’explication de ce mystère tient à deux raisons majeures.</p>
<p>Tout d’abord, ils ne se sentent pas exploités par un patron. Les dirigeants de la SCOP sont élus, et 45 % des bénéfices sont affectés aux réserves légales, 45 % distribués aux salariés et 10 % aux actionnaires (la plupart des salariés sont actionnaires).</p>
<p>D’autre part, le partage et l’apprentissage font partie des valeurs fondamentales d’Ardelaine. Chaque entité a une grande autonomie de décision et de gestion, et pour éviter que ne se créent des visions en silos, une circulation des personnes est organisée, notamment entre le productif et le commercial.</p>
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<p>Ardelaine est une entreprise apprenante, car elle ne cesse de développer des activités nouvelles. La formation y tient une place importante, et on peut y suivre des parcours atypiques : une personne ayant un bac pro en comptabilité et embauchée pour fabriquer des couettes a pu passer à la vente par correspondance, puis à la planification, et elle est maintenant directrice financière. On reste parce qu’on est passionné par le projet et qu’on y trouve des modes de valorisation qu’on retrouverait difficilement ailleurs.</p>
<h2>Une réussite qui commence à faire école</h2>
<p>Ardelaine compte aujourd’hui 58 salariés et a pratiquement toujours dégagé un résultat positif. Elle s’est aujourd’hui diversifiée dans le textile ou encore la laine de paillage pour les jardins, alors que le secteur industriel est sinistré et que sa production est implantée à plus d’une heure de route de Valence, la grande ville la plus proche.</p>
<p>Cette réussite fait même des émules. Gérard Barras témoigne :</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=708&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=708&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=708&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=889&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=889&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354916/original/file-20200826-7297-1rncf46.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=889&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gérard Barras, cofondateur d’Ardelaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ardelaine/D.R</span></span>
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<p><em>« Nous étions seuls à aller à contre-courant de la déstructuration de l’industrie textile, mais aujourd’hui, dans les foires et salons, on trouve des gens qui vendent pratiquement les mêmes produits. Nos concurrents ont compris qu’il y avait un créneau porteur sur des produits écologiques à vendre dans les salons bio, et ils se sont mis dans notre roue ».</em></p>
<p>Pour faire advenir un monde plus durable et porteur de sens, il faut souvent savoir trouver la bonne distance par rapport aux « lois » de l’économie. Les fondateurs d’Ardelaine, comme d’autres exemples de notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">série sur les entreprenants</a>, montrent qu’il est possible d’y arriver avec de l’imagination, de la persévérance et un art de la mobilisation collective.</p>
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<p><em>Je remercie Christophe Deshayes pour ses critiques constructives et Élisabeth Bourguinat, dont j’ai tiré parti des textes qu’elle a écrits sur cette aventure</em></p>
<p><em>Pour en savoir plus, lire <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/484-ardelaine-un-modele-dentreprise-durable">Ardelaine, un modèle d’entreprise durable ?</a></em></p>
<p><em>Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144955/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Cette SCOP a réussi le tour de force de recréer une filière lainière en France, défiant toutes les lois de l’économie.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378272020-05-13T18:57:01Z2020-05-13T18:57:01ZSolidaires car autonomes : loin des grandes villes, la promesse d’une autre vie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334634/original/file-20200513-156679-oldrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C187%2C20645%2C15406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ballots de foin. Le travail de la terre et les solidarités locales ouvrent de nouveaux horizons, notamment en temps de crise.</span> <span class="attribution"><span class="source">Isabelle Favre</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Lors de toute crise, la solidarité et l’entraide réapparaissent comme facteurs premiers d’interdépendance sociale et de « résilience » humaine.</p>
<p>C’est le cas aujourd’hui avec la pandémie du Covid-19. Or, les lieux et les <a href="https://theconversation.com/la-crise-du-covid-19-laube-dune-nouvelle-ere-pour-les-territoires-136861">territoires</a> jouent un rôle plus que déterminant dans l’émergence d’élans de solidarité. Il existe en fait, géographiquement, des potentiels différenciés de solidarité et d’entraide. Ils s’expriment en termes sociaux par une proximité bouleversée par le confinement, en termes économiques par les échanges également modifiés, ou encore écologiques, par le bien-être clairement altéré.</p>
<p>Or, par les contraintes engendrées, ce confinement lie étroitement l’ancrage spatial des formes de solidarité et d’entraide à l’autonomie. La racine grecque de l’autonomie, <em>nomos</em>, vient du verbe <em>nemô</em> qui signifie distribuer tout autant que partager.</p>
<p>Ici, les grands espaces périphériques, éloignés des grandes agglomérations et de leurs banlieues de plus en plus étendues, largement extérieurs aux tumultes métropolitains, et siège du mouvement des « gilets jaunes », semblent afficher dans leur diversité quelques singularités. Et si solidarité et entraide incitaient, par l’autonomie, à reconsidérer nos règles écologiques de vie, et ce faisant à inverser les priorités politiques entre les centres urbains choyés et les fameuses périphéries ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-une-fracture-nord-sud-126962">« Gilets jaunes » : une fracture nord-sud ?</a>
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<h2>Le confinement comme perte d’autonomie</h2>
<p>Qu’il s’agisse du refuge possible dans des lieux au grand air, ou, à l’inverse de l’exiguïté et de la vétusté des logements, les mesures de confinement ont mis à nu les constats sans appel d’inégalité selon les <a href="https://politiquedulogement.com/2018/07/menages-pauvres-du-mal-logement-au-mal-habitat">groupes sociaux</a>.</p>
<p>Dans le contexte actuel, l’autonomie revêt une dimension psychologique et sociale singulière : satisfaire par soi-même quelques besoins vitaux permet de recouvrer un peu de sentiments de capacité et de liberté. Or, nous ne sommes pas tou.te.s égaux en la matière.</p>
<p>Les territoires et les lieux de vie déterminent largement les potentialités de l’autonomie, y compris les formes d’entraide et de solidarité pouvant en découler, du voisinage au quartier, de la place de marché au bourg villageois. Tout cela au croisement des appartenances de classe et de leurs habitudes coopératives, des fonctionnements institutionnels de l’aide, voire des <a href="https://www.humanite.fr/solidarites-et-conflit-687846">solidarités organiques</a> que l’on est amené à redécouvrir en ces temps confinés.</p>
<h2>Les métropoles contre l’autonomie vitale</h2>
<p>Dans ce registre spatial, force est d’admettre que les villes, singulièrement les plus grandes, présentent quelques traits à ce jour éclairés d’une lumière vive par l’enfermement.</p>
<p>Si le confinement est la réponse autoritaire à la densité des peuplements – donc aux risques de la contagion par la promiscuité – la dépendance des citadins aux dispositifs techniques et supports économiques pour satisfaire aux besoins premiers saute également aux yeux. D’où certainement des réflexions réenclenchées il y a peu : rapprocher les emplois pour moins se déplacer, ou encore promouvoir des systèmes alimentaires territorialisés <a href="https://theconversation.com/lurgence-de-systemes-alimentaires-territorialises-136445">pour moins importer</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">S’asseoir et observer. Pour écouter, pour sentir, pour vivre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Favre</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ces réflexions sur la relocalisation impliquent certes la mondialisation économique, mais plus encore son visage géographique premier : les <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/les-metropoles-barbares-demondialiser-la-ville-desurbaniser-la-terre">métropoles</a>.</p>
<p>Par exemple, avec des densités croissantes et une artificialité grandissante, les 100 plus grandes villes françaises n’ont que trois à cinq jours d’autonomie alimentaire, à la différence d’il y a encore <a href="https://theconversation.com/nourrir-paris-en-temps-de-crise-et-apres-135971">quelques dizaines d’années</a>.</p>
<p>À Sheffield, en Angleterre, cultiver à des fins vivrières la totalité des espaces de terre, privés et publics, jardins et parcs, friches et pieds d’arbres, ne permettrait de nourrir au mieux que <a href="https://anthropocenemagazine.org/2020/04/researchers-calculated-how-much-food-urban-green-spaces-could-produce/">30 % de la population</a>. À suivre les nombreux tenants de la grande ville et défenseurs de la mondialité urbaine, nous gagnerions en convivialité et en urbanité par la densité. Mais au détriment d’un besoin vital de terres pour des cultures.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une mise en garde contre l’agriculture « urbaine » comme seule solution (Vox Pop, Arte).</span></figcaption>
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<p>En fait, la métropolisation a réduit l’autonomie de chacun·e au profit de comportements dont on peut interroger les vertus écologiques. Nous y avons troqué le vivant contre les commodités du mouvement incessant, du divertissement permanent ou encore des connexions continues. Le <em>New York Times</em> <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/17/world/europe/coronavirus-city-life.html">questionne d’ailleurs</a>, en lien à la pandémie, l’adaptation des styles de vie urbains. On parle même aux États-Unis de la <a href="https://www.msn.com/en-us/news/us/the-great-american-migration-of-2020-on-the-move-to-escape-the-coronavirus/ar-BB11QAma">« Great American Migration of 2020 »</a>.</p>
<p>S’interroger sur de tels styles de vie, voilà certainement un <a href="https://aoc.media/opinion/2020/03/29/imaginer-les-gestes-barrieres-contre-le-retour-a-la-production-davant-crise/">geste barrière signifiant</a>.</p>
<p>Dès lors s’agirait-il de recouvrer de l’autonomie en faisant peut-être autrement solidarité. Et cette proposition dépasse le seul registre de la dépendance institutionnelle (aide sociale, dispositifs de soins…), de l’organisation municipale des gestes « civiques » (distribution de masques et d’attestations…) et du maintien des <a href="https://www.bippop.com/">liens sociaux</a> : livraison de courses, portage de repas, soutiens psychologiques par téléphone.</p>
<h2>Une nouvelle géographie de la solidarité</h2>
<p>Dans l’auto-organisation de la solidarité face à la pandémie du Covid-19, les grandes périphéries interviennent particulièrement. En effet, la solidarité s’y déploie là aussi de manière spontanée ou en appui de structures existantes.</p>
<p>On pense ainsi au réseau des <em>voisineurs</em> de <a href="https://www.famillesrurales.org/1407/covid-19-familles-rurales-se-mobilise">« Familles rurales »</a>, largement mobilisé actuellement.</p>
<p>Les périphéries se distinguent par de nombreuses initiatives reposant sur les circuits courts pour assurer, aux habitants, des produits de qualité plus écologiques et, aux agriculteurs et paysans, un réseau de vente quand les marchés sont fermés ou contraints. Ainsi se dessine une nouvelle géographie de la solidarité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Depuis 2012, l’association Familles rurales du Tarn fait vivre une friperie ambulante, qui se pose régulièrement dans sept communes tarnaises.</span></figcaption>
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<p>Des cartes émergent qui traduisent cette mise en proximité des mondes paysans et habitants, à l’exemple de la carte de la <a href="https://presselib.com/les-4-chambres-dagriculture-du-bassin-de-ladour-sont-a-la-manoeuvre-pour-permettre-aux-consommateurs-de-sapprovisionner-en-produits-fermiers-frais-locaux-et-de-qualite/?cn-reloaded=1">Confédération paysanne mettant en relation des producteurs avec des surplus et des magasins</a> ou encore celle de points de vente de produits locaux à l’échelle nationale par la <a href="https://communaute.panierlocal.org/infos-covid-19/">Fédération nationale d’Agriculture biologique</a> (CNAVB).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte de distribution des paniers fournie par la Fédération nationale d’Agriculture biologique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://communaute.panierlocal.org/infos-covid-19/">FNAB</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les périphéries viennent aussi en appui des territoires plus denses, comme en attestent les paniers de produits locaux à l’adresse des <a href="https://www.lefonddeshirondelles.org/">quartiers populaires</a> ou l’appel de collectifs à augmenter les cultures d’automne en perspective de la disette économique <a href="https://coopalterterri42.wordpress.com/2020/04/24/produisons-patates-et-courges-en-quantite-pour-celles-et-ceux-qui-auront-faim-a-lautomne/">pour les plus démunis</a>. Avec la rupture de certains réseaux d’approvisionnement, la fragilité des territoires les plus denses s’est imposée comme perspective de réorganisation socioterritoriale.</p>
<h2>Des périphéries loin des clichés</h2>
<p>Loin de l’imaginaire de périphéries isolées par la pauvreté ou l’égoïsme généralisé, la solidarité des périphéries vers les territoires denses constitue une réalité pérenne, par exemple avec des ateliers itinérants de transformation de <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/conserverie-itinerante-et-solidaire-pour-consommer-des-legumes-locaux-26">surplus agricoles à destination des quartiers populaires</a>.</p>
<p>Ces pratiques de solidarité à différentes échelles sont facilitées par un terreau social et écologique, propre aux périphéries. L’entraide dans les campagnes – notamment par des pratiques informelles quotidiennes (partage de récoltes, troc de produits, échanges de services…) – a fondé de nombreux <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/utopies-culturelles-contemporaines">imaginaires sociaux</a> qui, par delà la disqualification moderne de l’isolement ou de la relégation, perdurent.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dessin d’un adhérent de l’association « Les jardins de Lucie » (Communay).</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Durbec</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Jusqu’à nourrir depuis quelques années nombre de choix résidentiels et reconversions socioprofessionnelles des urbains vers les territoires ruraux ou <a href="https://reporterre.net/Les-neo-paysans">simplement suburbains</a>.</p>
<h2>La culture de la terre comme droit solidaire</h2>
<p>Prenant appui sur des revendications d’assez longue date de ralentissement voire <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=29721">dé-consommation</a>, des styles de vie s’y construisent essentiellement autour d’une aspiration partagée, celle du « retour » à la terre, qui se traduit par une acception singulière de la solidarité : s’entraider dans une <a href="https://theconversation.com/contre-la-metropole-barbare-les-francais-es-a-la-recherche-d-espaces-pirates-133376">quête solidaire d’autonomie</a>.</p>
<p>Du potager familial à l’occupation agraire de terres vouées à l’artificialisation, en passant par la reconversion paysanne, les <a href="http://jardinsdelucie.reseaucocagne.asso.fr/">fermes sociales</a> et les <a href="https://bluebees.fr/fr/project/662-ferme-la-martiniere">fermes collectives</a>… la culture de la terre s’impose comme une activité personnellement et socialement partagée.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous dit le <a href="https://www.nddl-poursuivre-ensemble.fr/la-zad-de-notre-dame-des-landes">carnet de bord</a> de zadistes de Notre-Dame-des-Landes en cette période de confinement :</p>
<blockquote>
<p>« La Zad se porte plutôt bien en ces temps de confinement. Nous faisons partie de celles et ceux qui bénéficient d’espace autour d’elles.eux et les formes de vie collective que nous avons choisies nous préservent de l’isolement, facilitent les solidarités, tout en n’empêchant pas les attentions particulières aux personnes plus fragiles. Les activités agricoles, qui n’ont pas vocation à s’arrêter, se déploient avec le printemps, ainsi qu’un certain nombre de travaux sur les lieux de vies et espaces communs, là aussi avec les précautions nécessaires vis-à-vis de la diffusion de la pandémie. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, plus encore qu’un <a href="https://www.jssj.org/article/le-droit-au-village/">« droit au village »</a> qui viendrait à rebours d’un « droit » à des grandes villes de moins en moins vivables, se dessine l’idée d’un « droit à la terre », c’est-à-dire d’un droit à faire valoir des conditions de réalisation de pratiques culturales. Et tout ceci n’est pas sans écho avec les revendications pour une meilleure répartition des terres (à laquelle <a href="https://terredeliens.org/">Terres de Liens</a> par exemple contribue amplement) et une reconnaissance de certaines pratiques en rupture avec les logiques productivistes soutenues par les grandes institutions agricoles ou pharmacoles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Balade en forêt de Rohanne (ZAD – NDDL), 2018. La Zad promeut des modes de vie en accord avec le respect des terres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nddl/8526278222">Non À L’aéroport NDDL/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’accès à un foncier cultivable est pensé comme un droit, se pose alors la question de sa possibilité durable pour tou.te.s, par des pratiques culturales (et d’aménagement) respectueuses des écosystèmes. Le partage de savoir-faire visant l’autonomie apparaît alors comme la première forme d’entraide pour l’accès à des ressources vivrières, cultivées ou sauvages.</p>
<h2>L’entraide par le partage de savoir-faire</h2>
<p>En atteste la multiplication depuis quelques années des formations accélérées à la permaculture et ses différentes <a href="https://www.formationsbio.com/microferme">techniques</a> proposées par des <a href="https://www.permaterra.fr">fermes expérimentales ou ordinaires</a>, revêtant une forme plus dématérialisée ces derniers mois de manière spontanée. On pense ainsi aux débats sur la plate-forme <a href="https://covid-entraide.fr/">Covid-Entraide</a> sur les techniques permacoles ou à l’accès <a href="https://colibris-universite.org/mooc-permaculture/?I11Bienvenue">au MOOC des Colibris sur la permaculture</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253666835515531264"}"></div></p>
<p>Les réseaux sont dorénavant <a href="https://permaculture-upp.org/">constitués</a>, les expériences maillent tout le <a href="http://www.lagraineindocile.fr">territoire national</a>, comme à <a href="http://fraternitesouvrieres.over-blog.com/">l’étranger</a>, et donnent lieu à une <a href="https://librairie-permaculturelle.fr/">littérature abondante</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nuxc0TCn9rc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Si nous faisions la révolution et du potager ?: la chaîne YouTube permaculture agro-écologie compte 255,000 abonnés.</span></figcaption>
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<p>À cet égard, la création en 2019 d’une <a href="https://reseaudesterritorialistes.fr/2020/04/17/luniversite-rurale-des-cevennes/">Université Rurale des Cévennes</a> constitue un exemple éloquent des capacités d’organisation territoriale périphérique d’une entraide structurée autour de pratiques culturales, notamment pour accueillir les <a href="https://www.midilibre.fr/2019/12/10/creation-dune-universite-rurale-en-cevennes,8593187.php">déçus des fonctionnements urbains</a>. Elle a réuni pour son lancement plus d’une soixantaine de participants, très anciennement installés ou fraîchement arrivés dans les Cévennes.</p>
<h2>Vers une économie endogène des solidarités écologiques</h2>
<p>Ce sont en fait de véritables systèmes économiques locaux qui naissent de l’autonomie et de l’entraide permises par l’accès à la terre. Reposant sur des instruments de commercialisation intégrant circuits courts, vente directe, stages, monnaies complémentaires… cette économie se traduit par une attention remarquée à l’écologie des milieux, mais aussi au partage informel à usage ponctuel.</p>
<p>C’est le cas bien connu des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) qui existent grâce à l’engagement de consommateurs sur la durée pour acheter et établir des contacts personnalisés avec chaque producteur (visite de la ferme, connaissance des aléas de l’exploitation et appui ponctuel).</p>
<p>Plus encore, telle personne prêtera son séchoir de plantes chaque année à un producteur de légumes, tel autre utilisera un système d’échange local comme une grainothèque ou certains privilégierons la propriété partagée : moulin, atelier de transformation, four à pain communal ou encore des ateliers collectifs de <a href="http://www.ateliersdetransformationcollectifs.fr">transformation agricole</a>…</p>
<p>Ces pratiques dépassent ainsi les seuls cadres de la culture de la terre, pour s’ouvrir non seulement à la culture de soi, mais aussi à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_d__mocratie_aux_champs-9782359251012.html">l’organisation du rapport vital aux autres</a> (humains, animaux, végétaux).</p>
<p>Cette économie endogène est alors loin de signifier une fermeture sociale de ces territoires, comme en atteste l’engouement pour des pratiques apportant de l’aide aux paysans de manière informelle ou formelle, tel le <em>woofing</em> <a href="https://wwoof.fr/">bénévolat dans les fermes</a>, ou encore par des chantiers participatifs (récolte de gros légumes, plantation de haies…).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zdauNn_lEKM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Centrale villageoise dans le Vercors.</span></figcaption>
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<p>Plus largement, nous avons affaire à une économie des modes de vie se traduisant par une diversité des pratiques d’entraide par la terre : production d’énergie (produits dérivés de l’agro-foresterie, centrale villageoise…), comportements de limitation des besoins en ressources (auto-construction, réusage), en consommation (sobriété, frugalité, simplicité…) ou en équipements (phyto-épuration naturelle plutôt qu’en équipement lourd…).</p>
<p>Non sans liens étroits avec les écrits d’Ivan Illich <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">sur les outils conviviaux</a> et d’André Gorz sur les <a href="https://www.puf.com/content/ %C3 %89loge_du_suffisant">besoins qualitatifs</a>.</p>
<h2>L’expérience de la terre comme puissance d’autonomie</h2>
<p>Dans une grande créativité, toutes ces initiatives ont en fait en commun des manières de « faire », par soi-même, dans le souci de soi et de celui des milieux vivants, qui invitent à notre « reliance » aux cultures locales et paysannes. Ces dernières ont été <a href="https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-sacrifice-des-paysans">largement malmenées puis oubliées</a> comme modalités renouvelées de l’occupation de la terre, avec ce qu’elles peuvent apporter en <em>matière</em> d’autonomie et de coopération pour <a href="https://journals.openedition.org/lectures/6339">« s’engager dans cette époque obscure »</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Extrait de la brochure « L’agriculture paysanne expliquée aux urbains », Confédération paysanne, FADEAR et Envie de paysans !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claire Robert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>Cela, on l’a vu, concerne nos façons de demeurer, de recouvrer une relation socialement et écologiquement tenable (<a href="https://journals.openedition.org/critiquedart/19306">Augustin Berque</a>, <em>Recouvrance. Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale</em>, Bastia, éditions éoliennes : à paraître), loin de l’artificialisation des sols ou des cultures de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PScQo8_uZxA">l’urbain</a> densifié.</p>
<p>La solidarité passe bien par un réarmement de la puissance de chacun·e à faire entraide par l’autonomie, en reconsidérant assez fondamentalement l’expérience directe, à la fois sensitive et intellective, des formes de vie… périphériques.</p>
<blockquote>
<p>« On est dans un système où il faut de plus en plus courir, après l’argent, après le travail. C’est pas positif. Il faut se calmer. On ne peut pas observer en courant. Il faut s’asseoir et observer. Pour écouter, pour sentir, pour vivre. Et quand je me tourne et que je vois ce que je vois, là je vis. »</p>
</blockquote>
<p>Cet agriculteur interviewé dans le film <a href="https://reseau-agriville.com/film-recherche/"><em>À l’ombre des champs</em></a>(2020) réalisé sur les pratiques de l’agroforesterie, rappelle <a href="http://www.ensfea.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP_agroforesterie-paysage.pdf">l’engagement des corps dans l’expérience de la terre</a>.</p>
<p>Les paysans évoquent souvent une pause dans leur travail, pour regarder le résultat de leur activité, pour prêter attention à la campagne environnante, repères sonores tels que des chants d’oiseaux ou bonne aubaine pour une cueillette de champignons. Moments de liberté dans un travail qu’ils organisent eux-mêmes dans sa variété, au fil des saisons. Loin des tumultes métropolitains.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film-recherche <em>À l’ombre des champs</em>, réalisé par Olivier Bories, Jean‑Pascal Fontorbes, 2020 (UMR CNRS 5193 LISST Dynamiques rurales, ENSFEA).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/137827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte actuel, satisfaire par soi-même quelques besoins vitaux permet de recouvrer un peu de sentiments de capacité et de liberté. Les espaces loin des villes le permettent.Guillaume Faburel, Professeur, chercheur à l'UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2 Isabelle Favre, Doctorante, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Mathilde Girault, Docteure en études urbaines, Collegium de Lyon – RFIEALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097472019-01-16T21:17:06Z2019-01-16T21:17:06ZFermes de Figeac : un cas de réveil des territoires à méditer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253478/original/file-20190112-43541-1maxxvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C23%2C5280%2C2958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dégustation et vente directe.</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Dans un territoire rural isolé, une petite coopérative agricole a refusé le déclin. Avec persévérance et imagination, elle a réinventé son agriculture et son territoire. L’avenir des territoires n’est pas compromis, il pourrait même servir de socle à un redressement national de type bottom-up.</strong></em></p>
<p>L’actualité met l’accent sur la coupure entre Paris et les territoires, notamment ceux à l’écart des grands moyens de communication et ancrés dans la ruralité. On y voit une fatalité regrettable, pourtant des entreprenants trouvent des réponses locales, souvent inventives. Nous en avons vu un exemple avec le <a href="https://theconversation.com/la-vallee-des-entreprenants-la-renaissance-foisonnante-de-romans-sur-isere-98098">renouveau de Romans-sur-Isère</a>, en voici un autre particulièrement inspirant, celui de Fermes de Figeac.</p>
<h2>Une petite coopérative qui ne voulait pas mourir</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253483/original/file-20190112-43529-1jnpexo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dominique Olivier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aux confins du Lot et du Cantal, le territoire agricole de Figeac s’est délité au fil des ans : isolement géographique, concurrence des petites exploitations par l’agro-industrie, départ des jeunes. Un constat s’impose en 1994, selon Dominique Olivier, le directeur de la coopérative :</p>
<blockquote>
<p>« Nous étions confrontés à une perte globale de valeur ajoutée avec un territoire rural en déclin, où s’imposait un marché dérégulé, soumis aux fluctuations impossibles à anticiper des marchés mondiaux. Jadis, il existait une importante production locale de fraises et autres fruits rouges, mais désormais les fruits venaient de Pologne, d’Ukraine ou du Chili. La main d’œuvre familiale n’existait plus, les fermes s’étant agrandies et robotisées, les productions à forte valeur ajoutée avaient disparu. Le monde rural cédait la place à l’agriculture entrepreneuriale. »</p>
</blockquote>
<p>Il demande alors à deux jeunes ingénieurs de l’aider à appréhender le rôle de chacun sur le territoire. L’étude montre que les enfants d’agriculteurs aimeraient rester au pays et leurs parents les y garder, à condition qu’ils aient une qualité de vie décente. Elle note aussi, point important, que les habitants s’identifiaient comme n’étant ni du Cantal ni du Lot, ce qui ne créait pas une forte identité.</p>
<h2>Valoriser la production locale</h2>
<p>Il aura fallu vingt-cinq années d’initiatives pour donner corps à l’identité Pays de Figeac en valorisant la production locale.</p>
<p>Quelques agriculteurs produisaient du yaourt, d’autres de la saucisse fraîche ou autres spécialités. La coopérative ouvre un espace de produits régionaux à Figeac. Alors qu’en 2000 son chiffre d’affaires était de 150 000 euros, il est aujourd’hui de 3 millions pour le magasin de Figeac et de 5 millions pour l’ensemble des magasins de la coopérative.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253484/original/file-20190112-43514-1mpvfmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boucherie.</span>
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<p>En 2000, lors de la crise de la vache folle, des agriculteurs se rendent compte que dans les rayons viande des grandes surfaces de Figeac, rien ne provient du territoire. Ils poussent la coopérative à créer sa propre boucherie dans son magasin Gamm Vert à Figeac. Elle emploie désormais, dans trois boucheries, onze bouchers qu’elle a formés en leur faisant passer des CAP, créant et préservant ainsi la valeur ajoutée sur le territoire.</p>
<p>En 2003, la coopérative perçoit un risque de conflit entre le monde agricole et le territoire : des associations se créent contre l’épandage du lisier ou les activités agricoles qui troublent la tranquillité des quartiers résidentiels. Elle communique activement auprès des élus et organise une fête, qui réunit maintenant chaque année quelque 700 marcheurs allant de ferme en ferme, un rituel qui contribue au vivre-ensemble.</p>
<h2>S’occuper du territoire</h2>
<p>En 2008, elle s’interroge à nouveau sur son avenir et mène un travail de prospective collaborative, qui dégage <strong>trois scénarios</strong> :</p>
<ul>
<li><p>l’agriculture reste basée sur les filières classiques, le territoire devient une zone résidentielle et la coopérative finit par être absorbée ;</p></li>
<li><p>l’agriculture subit une crise alimentaire puis écologique, le territoire se réduit à une campagne « réservoir » d’espace de loisirs pour les urbains et la coopérative devient un prestataire de services territoriaux ;</p></li>
<li><p>l’agriculture développe sa production pour répondre aux besoins locaux et nationaux, le territoire apporte une valeur ajoutée « verte » et la coopérative met l’innovation au cœur de ses activités en recrutant les compétences nécessaires.</p></li>
</ul>
<p>C’est sur le troisième scénario qu’elle travaille depuis, en s’investissant dans des projets de territoire.</p>
<p>À la suite de visites à Fribourg, territoire pionnier en matière d’énergies renouvelables, elle lance un projet mutualisé de construction de 7 hectares de toits photovoltaïques sur 190 bâtiments agricoles. Les agriculteurs financent à 20 % leur installation, le reste étant emprunté par une société commune à tous les projets. Celle-ci reverse un tiers des bénéfices aux fondateurs, met un deuxième tiers en réserve et réinvestit le reste au service du territoire.</p>
<p>En 2009, la coopérative participe à la construction du premier parc éolien et participatif du Lot. Elle sollicite l’épargne locale et réunit 3,5 millions d’euros. Ces éoliennes sont désormais celles des habitants. Elle travaille aussi sur des projets de méthanisation, reprend la dernière scierie du territoire et décide de créer, avec quatre entreprises, une crèche de vingt berceaux, ainsi qu’une conciergerie solidaire.</p>
<p>En relation avec le <a href="http://www.lelabo-ess.org/">Labo de l’ESS</a>, elle travaille à l’élaboration des Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Une dizaine de cofondateurs créent en 2015 le PTCE <a href="https://www.figeacteurs.fr/">Figeacteurs</a>, qui associe des contributeurs de diverses origines autour de la question : « Que pouvons-nous faire ensemble que nous ne pouvons pas faire seuls ? »</p>
<p>Par exemple, sur les 7 500 tonnes de légumes consommés par les habitants du territoire, seulement 400 étaient produites localement. Or, dans le PTCE, une entreprise s’occupant de personnes handicapées avait parmi ses métiers la restauration collective. Ensemble, ils conçoivent un projet de légumerie, entreprise adaptée réalisant 2 000 repas par jour et travaillant avec une entreprise d’insertion par le maraîchage.</p>
<p>Nous pouvons également citer le projet sur la mobilité lancé par le PTCE, idée prémonitoire. Les 4 500 personnes interrogées font en moyenne 20 kilomètres par jour pour aller à leur travail, frais qui représentent un tiers du smic. Avec un certain nombre d’entreprises, un appel d’offres est lancé pour acquérir une vingtaine de voitures électriques et mettre en place des espaces de covoiturage. Un labo de la mobilité est même créé pour étudier toutes les formes possibles de mobilité durable.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3CEGWolTmyE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Soutenir les entreprenants des territoires</h2>
<p>L’aventure de Fermes de Figeac est un cas exemplaire de territoire qui se redresse par ses propres moyens. En terme de management, c’est un modèle de démarche jardinière : les évolutions dépendent des opportunités qui se présentent et des possibilités de les faire prospérer sur le moment. Les idées de création d’une crèche ou d’autopartage électrique ne pouvaient pas être imaginées dix ans plus tôt, voire même étaient impensables. On comprend ici à quel point les démarches planificatrices centralisées sont incapables de remplacer l’énergie participative, l’intelligence de situation et la patience collective d’un territoire qui se mobilise pour s’en sortir.</p>
<p>Fermes de Figeac a valeur d’exemple pour d’autres entreprenants dans les territoires. Ils se réunissent d’ailleurs de plus en plus pour débattre des nouvelles modalités qu’ils expérimentent. Si l’aménagement du territoire a longtemps été dominé par une conception jacobine, l’heure est venue de laisser la main aux entreprenants des territoires qui sauront ressourcer le pays par un processus bottom-up, moins onéreux que les projets « descendants ».</p>
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<p><em>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1233-fermes-de-figeac-de-la-cooperative-agricole-a-la-fabrique-de-territoire">Fermes de Figeac, de la coopérative agricole à la fabrique de territoire</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109747/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Une petite coopérative agricole a refusé le déclin et réinventé son agriculture et son territoire. Les territoires pourraient servir de socle à un redressement national.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1085132018-12-10T20:38:54Z2018-12-10T20:38:54ZFaut-il recourir à des agences de conseil en vote pour gouverner les coopératives agricoles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249640/original/file-20181210-76968-1um6zcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C10%2C774%2C451&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les coopératives agricoles (ici, celle de Limours, en Île-deFrance), font face à des enjeux de plus en plus complexes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Lionel_Allorge">Lionel Allorge / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Deux chiffres suffisent à comprendre la place qu’occupent aujourd’hui les coopératives dans les chaînes de valeur alimentaire. Elles entretiennent des liens étroits et des relations partenariales avec <a href="https://www.dropbox.com/s/rpw0az5z3ygo58j/Essentiel2017_Light.pdf">3 agriculteurs sur 4</a>. Cela veut dire qu’une très large majorité des agriculteurs français valorisent leurs productions (céréales, légumes, viande, sucre…) grâce aux coopératives. Elles représentent également une part très importante de l’agroalimentaire français ce qui implique qu’à travers les produits et les marques qu’elles détiennent, elles ont la responsabilité d’apporter une alimentation saine aux consommateurs. Les orientations stratégiques prises par les dirigeants au niveau des organes de gouvernance constituent des sujets de préoccupation majeurs aussi bien pour les agriculteurs attentifs à leurs revenus que pour les consommateurs soucieux de bénéficier d’une alimentation durablement saine.</p>
<h2>Une gouvernance démocratique construite sur la proximité et la dépendance réciproque</h2>
<p>Comme le montre les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8292.2004.00241.x">travaux de Cornforth</a>, la particularité des coopératives fait qu’elles sont gouvernées démocratiquement par et pour les agriculteurs. Cette gouvernance démocratique se traduit par plusieurs éléments qui sont constitutifs de l’identité coopérative. La propriété de la coopérative est collective. Cela signifie que les agriculteurs qui contractualisent avec la coopérative pour valoriser leurs productions sont collectivement « propriétaires » de l’outil industriel et commercial. Le choix des responsables qui orientent et contrôlent le fonctionnement de la coopérative se fait selon le principe un associé – une voix. La lucrativité est limitée et la coopérative veille à trouver les bons équilibres économiques pour apporter une gamme de services aux bénéfices directs des agriculteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trois-propositions-pour-reformer-la-gouvernance-des-cooperatives-agricoles-106462">Trois propositions pour réformer la gouvernance des coopératives agricoles</a>
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<p>Au-delà de ces caractéristiques bien connues, la gouvernance des coopératives est historiquement construite sur une forte proximité et une dépendance réciproque. La proximité signifie que les agriculteurs ont des contacts réguliers et directs avec leurs élus. Ils sont susceptibles de faire remonter des informations et des attentes à leurs dirigeants et leurs élus. De manière symétrique, les dirigeants peuvent facilement faire redescendre des éléments aux agriculteurs et engager un dialogue direct avec eux lorsque cela s’avère nécessaire. La dépendance réciproque signifie que la coopérative a besoin des agriculteurs et que les agriculteurs ont besoin des coopératives. Les investissements réalisés par les deux parties ne prennent de sens et de valeur que dans l’entretien de la relation partenariale et le partage des objectifs. La coopérative et ses agriculteurs ont ainsi un intérêt commun au bon fonctionnement et au maintien de leurs relations. À la suite des travaux en gouvernance de <a href="https://www.jstor.org/stable/116849">Rajan et Zingales</a>, on parle généralement de dépendance réciproque et d’investissements spécifiques pour décrire la nature des liens entretenus entre les agriculteurs et leurs coopératives.</p>
<h2>Des liens qui se distendent et des enjeux qui se complexifient</h2>
<p>Principes démocratiques, proximité et dépendance réciproque ont pendant longtemps été les piliers de la gouvernance des coopératives agricoles. Ils ont permis de maintenir un engagement fort des agriculteurs dans leurs coopératives ainsi qu’une prise en considération de leurs attentes. Les agriculteurs étaient en mesure d’exercer leurs prérogatives de « propriétaires » et de contrôler à travers leurs représentants élus les décisions prises par les dirigeants salariés. Deux transformations mettent aujourd’hui en tension les piliers de cette gouvernance :</p>
<ul>
<li>L’agrandissement de la base territoriale : les coopératives sont nées dans des territoires et des bassins agricoles bien définis. C’est par exemple le cas de la coopérative Limagrain qui a ses origines sur le canton de Chappes dans le Puy-de-Dôme. À la suite de fusions et de rapprochements, les coopératives françaises ont par la suite pris une taille régionale et certaines d’entre elles couvrent désormais tout le territoire national. Cet accroissement du périmètre d’action fait qu’il est beaucoup plus difficile de s’appuyer sur des relations directes et personnelles entre les agriculteurs et leurs élus pour faire remonter des informations et exprimer des attentes. Les assemblées de section qui sont l’élément de base de l’expression démocratique ont, pour certaines coopératives, des tailles très importantes qui peuvent couvrir plusieurs départements. Dans les grandes coopératives, la chaîne de représentation démocratique ne repose désormais plus forcément sur des relations directes et personnelles, ce qui contribue à distendre le lien entre les agriculteurs et leurs coopératives.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249636/original/file-20181210-76971-j1juav.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La coopérative Limagrain dans le Puy-de-Dôme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.limagrain.com/">Site Internet de Limagain</a></span>
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</figure>
<ul>
<li>La complexification des enjeux : à cet agrandissement territorial s’ajoutent une diversification et une internationalisation des activités industrielles et commerciales portées par les coopératives. Si le métier d’origine des coopératives était centré sur la collecte et le stockage de denrées agricoles, elles ont depuis développé des filières alimentaires qui rayonnent parfois à l’international. L’apparition de groupes coopératifs agricoles internationalisés vient ainsi considérablement complexifier les enjeux que doivent traiter les élus. Les questions qui se posent désormais en assemblée générale et en conseil d’administration dépassent très largement les questions agricoles. Il s’agit de comprendre et de statuer sur des problématiques RH et financières complexes, d’anticiper des enjeux géopolitiques ou encore de penser une stratégie d’ensemble cohérente entre les différents domaines d’activités. Cette complexification et la diversification des activités font aussi que les coopératives sont désormais moins dépendantes des agriculteurs pour assurer leurs revenus et leurs développements.</li>
</ul>
<h2>Un risque accru d’enracinement des dirigeants salariés</h2>
<p>Cette distanciation du lien entre les agriculteurs et leurs coopératives ainsi que la complexification des enjeux stratégiques qui doivent être traités dans les organes de gouvernance peuvent contribuer à affaiblir les capacités d’orientation et de contrôle des agriculteurs et de leurs représentants. Elles favorisent ce que l’on nomme en gouvernance des entreprises l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mde.2585">enracinement des dirigeants</a>. Cet enracinement signifie que les dirigeants prennent des décisions et mettent en œuvre des projets stratégiques qui ne sont pas toujours conformes aux attentes et besoins des « propriétaires » de l’entreprise. Cela signifie également qu’ils peuvent prendre des décisions qui font prendre des risques importants à l’entreprise en dehors de tout contrôle et délibérations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-salaries-dans-la-gouvernance-des-cooperatives-agricoles-107648">Quelle place pour les salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles ?</a>
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<p>Les travaux de <a href="https://academic.oup.com/aepp/article-abstract/26/3/348/7519">Cook et Chaddad</a> ont bien montré que l’éloignement des agriculteurs couplé à la complexification des enjeux à traiter a comme corollaire un risque accru d’enracinement de la part des dirigeants salariés au sein des grands groupes coopératifs. La croissance à la taille et les stratégies de diversification peuvent ainsi se payer par une perte de contrôle et une atténuation des capacités d’orientation des agriculteurs qui peinent à récupérer des informations stratégiques et comprendre les enjeux économiques, industriels et organisationnels.</p>
<h2>Accroître les capacités d’orientation et de contrôle des agriculteurs</h2>
<p>Les grandes coopératives agricoles sont ainsi confrontées à des risques potentiels d’enracinement des dirigeants salariés que les grandes sociétés commerciales cotées ont abordé dès les années 1990. Les actionnaires de ces entreprises sont, eux aussi, très éloignés de la vie de l’entreprise. Ils sont également confrontés à des enjeux stratégiques et organisationnels d’une grande complexité. Face à cette complexité et à ce manque de lisibilité et de transparence de nouveaux acteurs, dénommés agences de conseil en vote (mieux connues sous le nom de <a href="https://equationdelaconfiance.fr/decryptage/proxy-advisors-quel-est-le-role-des-agences-de-conseil-en-vote"><em>proxy advisors</em></a>) sont progressivement apparues.</p>
<p>Ces agences de conseil en vote ont une mission essentielle : analyser le contenu des délibérations et des résolutions soumises au vote de l’assemblée générale. Les agences de conseil en vote se penchent en particulier sur les états financiers de l’entreprise, la structure de contrôle et les prises de participation, le fonctionnement des organes de gouvernance et les schémas de rémunération des dirigeants. Elles fournissent des informations et une analyse des choix stratégiques et des pratiques des dirigeants à destination des actionnaires, administrateurs, et des propriétaires de l’entreprise au moment de l’assemblée générale. Enfin, elles suggèrent des choix en termes de vote (d’où leur nom) au regard des propositions débattues en assemblée générale.</p>
<p>Au fil des années, ces agences ont pris une place importante dans la gouvernance des grandes entreprises cotées et les informations qu’elles font remonter aux actionnaires et aux administrateurs sont susceptibles d’infléchir les comportements et les choix stratégiques des dirigeants. On peut citer le cas de General Electrics et de Disney dont les dirigeants ont dû revoir leurs copies en matière de politique de rémunération suite à des avis négatifs rendus par l’agence de conseil en vote ISS.</p>
<p>En France, l’agence <a href="http://www.proxinvest.fr">Proxinvest</a> fournit des informations détaillées et donne des avis motivés sur les résolutions soumises lors des assemblées générales de nombreuses entreprises françaises. Elle s’est récemment prononcée contre la rémunération des dirigeants de Pernod-Ricard jugées trop importantes eu égard les performances de l’entreprise et avait également alerté depuis plusieurs années sur le <a href="http://www.proxinvest.fr/news/fr/146.html">cas de Carlos Ghosn</a> par exemple. Les avis d’une agence de conseil en vote ne sont pas prescriptifs et n’engagent personne, ils délivrent simplement des avis d’experts argumentés, réalisés à la demande de leur client. Ils peuvent être repris, ou pas, par les actionnaires au moment des votes en assemblée générale.</p>
<p>Compte tenu de la taille et de l’importance des grandes coopératives agricoles, le recours volontaire à des agences indépendantes de conseils en vote pourrait constituer un outil pour les agriculteurs et leurs représentants. Ils disposeraient grâce à ces structures d’informations et d’expertises indépendantes sur les orientations stratégiques proposées par les dirigeants et le bon fonctionnement des organes de gouvernance. Le recours à de telles agences pourrait participer à réduire les asymétries d’information et de compétences entre les administrateurs et les dirigeants. Il renforcerait les capacités d’orientation et de contrôle des élus.</p>
<h2>La confiance n’exclut pas un recours à l’évaluation</h2>
<p>Le mouvement coopératif agricole s’est historiquement doté d’une <a href="https://www.linkedin.com/company/association-nationale-de-revision/?originalSubdomain=fr">Agence nationale de la révision</a> qui vient régulièrement observer sur le terrain et évaluer les comportements et pratiques de gouvernance. Les résultats de ces audits sont particulièrement importants car non seulement ils conditionnent les agréments mais ils engagent également une dynamique de progrès collectif en matière de gouvernance. Par ailleurs, il faut également souligner l’autorité morale du <a href="https://www.hcca.coop/">HCCA</a> (Haut conseil de la coopération agricole) qui veille à s’assurer du respect de certains principes coopératifs, même si elle n’est pas dotée de pouvoir de sanction.</p>
<p>Le monde coopératif sait depuis très longtemps que la confiance dans les gouvernants n’exclut pas un recours à l’évaluation et au regard externe pour jauger les pratiques. Le recours volontaire à des agences de conseil en vote s’inscrit pleinement dans cet état d’esprit. Il est susceptible d’apporter une expertise externe et indépendante sur les orientations stratégiques à destination des élus mais également des dirigeants de la coopérative. Il alimente un débat stratégique de fond qui vise non pas à distendre mais bien à resserrer les liens entre les agriculteurs et leurs coopératives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’augmentation de la taille et de la complexité des coopératives agricoles, le recours à des agences indépendantes de conseil en vote peut constituer une solution.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Titulaire de la Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1076482018-11-28T20:44:20Z2018-11-28T20:44:20ZQuelle place pour les salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247309/original/file-20181126-140513-126iq50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C32%2C5388%2C3532&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les coopératives agricoles (ici, celle d'Égreville, en Seine-et-Marne) sont restées à l’écart des principales évolutions des pratiques observées dans les entreprises privées en matière de représentation des salariés. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Jastrow">Marie-Lan Nguyen / Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Les coopératives constituent des entreprises particulières, créées par et pour leurs membres. Elles partagent des valeurs communes, rassemblées sous les <a href="https://www.ica.coop/fr/coop%C3%A9ratives/identite-cooperative">sept principes de l’Alliance coopérative internationale</a>. Leur fonctionnement et leur gouvernance, réputée démocratique, diffèrent des entreprises privées classiques. Les coopératives agricoles partagent ce même ADN coopératif mais elles s’intéressent peu fréquemment à la question de la participation de leurs salariés au sein des instances de gouvernance. Or, la <a href="http://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199207268.001.0001/oxfordhb-9780199207268">recherche académique</a> comme les récentes évolutions du <a href="https://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/grands-entretiens/2018-03-05/barthelemy-fromont-vers-un-changement-radical-du-modele-social-770204.html">droit français</a> soulignent la nécessité et l’intérêt d’accueillir des administrateurs représentants les salariés au cœur de la gouvernance.</p>
<h2>Des coopératives agricoles en retard</h2>
<p>En matière de représentation des salariés, la France <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000431.pdf">semble moins avancée</a> que d’autres pays qui ont imposé une composition paritaire des instances de gouvernance des sociétés commerciales (régime dit de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/02/20/la-cogestion-pierre-angulaire-du-modele-allemand_1645691_3232.html">codétermination</a> où la moitié des conseils de surveillance est composée de représentants des salariés).</p>
<p>Le modèle allemand est ainsi cité régulièrement, d’autant plus que la recherche a montré que cette représentation des salariés avait plutôt un <a href="https://academic.oup.com/jeea/article-abstract/2/5/863/2280869">effet positif</a> dans les entreprises outre-Rhin. En France, la représentation des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance s’est progressivement étendue depuis les années 2000. Une série de lois récentes (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000458333">2006</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027546648&categorieLien=id">2013</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031046061&categorieLien=id">2015</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000037080861&type=general&typeLoi=proj&legislature=15">2018</a>) a notamment abaissé les seuils minimaux de déclenchement de cette représentation obligatoire. Les coopératives agricoles, qui n’ont rien à envier en termes de taille ou d’activités aux grandes entreprises capitalistes, peuvent-elles rester plus longtemps à l’écart de ce mouvement de fond ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-participer-les-salaries-a-la-gouvernance-de-lentreprise-idees-recues-et-perspectives-93804">Faire participer les salariés à la gouvernance de l’entreprise : idées reçues et perspectives</a>
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<h2>Une question qui fait débat</h2>
<p>La présence des salariés dans la gouvernance des coopératives agricoles présente cependant autant d’arguments en sa faveur qu’en sa défaveur. Pour ce qui est des aspects positifs, la présence des salariés peut sembler justifiée car les salariés sont souvent présentés comme l’un des <a href="https://www.kornferry.com/institute/download/download/id/16815/aid/312">principaux leviers de la création de valeur</a>. Certains travaux relèvent également que leur présence permet d’améliorer la qualité des débats et des décisions prises lors des conseils d’administration car ils ont la capacité de témoigner d’éléments <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/presentation_a.conchon_la_representation_des_salaries_dans_la_cg_0.pdf">tangibles</a> sur les stratégies envisagées ou mises en œuvre.</p>
<p>Toutefois, la présence de salariés n’est pas naturelle dans des <a href="http://recma.org/actualite/les-cooperatives-agricoles-identite-gouvernance-et-strategies">coopératives agricoles</a> dont la gouvernance se fonde sur l’association, plus ou moins harmonieuse, de représentants des agriculteurs et des dirigeants (salariés). Ce tandem classique pourrait se retrouver perturbé par l’arrivée d’une troisième catégorie de « gouvernants ». En outre, la présence de salariés pourrait être perçue comme moins légitime que celle des agriculteurs par exemple, car ces derniers sont très engagés dans la coopérative en étant à la fois fournisseurs, clients et usufruitiers.</p>
<p>C’est cette spécificité en termes de gouvernance qui expliquerait que les coopératives agricoles soient restées à l’écart des principales évolutions des pratiques observées dans les entreprises privées. Pourtant, la représentation des salariés reste possible. Certaines coopératives ont en effet modifié leurs statuts afin d’ouvrir une section d’associés non coopérateurs pour leurs collaborateurs salariés. C’est le cas de <a href="https://www.limagrain.com/fr/le-conseil-d-administration-de-la-cooperative">Limagrain</a>, <a href="https://www.terrena.fr/gouvernance/comite-d-administration/">Terrena</a>, <a href="https://www.triskalia.fr/wp-content/uploads/2016/09/COMMUNICATION071805-Trombinoscope-administrateurs-MAJ-07-2018-136100-BAT1.pdf">Triskalia</a> ou encore de Acolyance qui comptent un à deux administrateurs salariés au sein de leur conseil. Dans ces coopératives, ces derniers doivent, à l’instar des agriculteurs, détenir des parts sociales, ce qui leur ouvre la possibilité d’être entendus et éventuellement représentés en conseil. D’autres coopératives étrangères, comme le danois Arla, ont par ailleurs mis en place des schémas de gouvernance similaires avec des conseils associant <a href="https://www.arla.com/company/management/board-of-directors/">paysans coopérateurs et représentants des salariés</a>.</p>
<h2>Des salariés au conseil : propositions et effets potentiels</h2>
<p>Ouvrir la gouvernance des coopératives agricoles à des salariés constitue une piste de réflexion qui pourrait s’avérer bénéfique. Les travaux de l’économiste <a href="https://law.vanderbilt.edu/bio/margaret-blair">Margaret Blair</a> permettent de dégager <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/1099-1468%28200003%2921%3A2%3C89%3A%3AAID-MDE965%3E3.0.CO%3B2-1">quatre aspects</a> essentiels des effets attendus de cette participation :</p>
<ul>
<li><p>La présence de salariés permettrait de renforcer sensiblement l’identité commune autour d’un projet d’entreprise partagé. Une part très importante de la valeur créée par les coopératives provient de leurs salariés et les associer à la gouvernance permettrait de faire converger agriculteurs et salariés autour d’un même projet stratégique.</p></li>
<li><p>Leur présence améliore la mise en œuvre potentielle des décisions stratégiques car ils connaissent mieux que les agriculteurs le quotidien de l’entreprise. Ils peuvent ainsi apporter des informations et des analyses précieuses aux administrateurs pour prendre les décisions.</p></li>
<li><p>Leur présence permet d’augmenter le portefeuille de compétences dont dispose le conseil. On pense naturellement à la compétence « dialogue social », mais aussi à leur connaissance fine et intime des rouages de l’organisation en matière de finances ou de marketing. Des éléments dont ne disposent pas nécessairement les agriculteurs et parfois les dirigeants eux-mêmes.</p></li>
<li><p>La présence de salariés permet enfin de construire et de développer une culture de la transparence des informations, qui est elle-même un des ingrédients nécessaires à une <a href="https://www.cairn.info/les-meilleures-pratiques-de-gouvernance--9782707153388.htm">bonne gouvernance</a>. Elle contribue à responsabiliser tous les acteurs de la coopérative (adhérents, élus, dirigeants et salariés).</p></li>
</ul>
<p>Cependant, cette évolution, souhaitable sur le papier, oblige les coopératives à répondre à plusieurs défis. Doit-on limiter la représentation des salariés à la seule catégorie des cadres ou ingénieurs ? Un seul représentant ou plusieurs ? Quel type de représentation en cas d’activités internationales (et de salariés de différents pays) ? Doivent-ils disposer d’une formation spécifique ? Quelles relations avec les dirigeants présents ?</p>
<p>Autant de questions, désormais bien identifiées et traitées dans le cadre des entreprises classiques que les coopératives agricoles doivent encore se poser. D’autant plus que, comme souvent, le diable de la participation se niche dans les détails. Les coopératives agricoles pionnières peuvent à ce sujet constituer des exemples précurseurs pour les autres coopératives qui souhaiteraient ouvrir ce chantier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les spécificités des coopératives agricoles freinent l’entrée des salariés au sein des instances de gouvernance. Leur présence apporterait pourtant un certain nombre de bénéfices.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Titulaire de la Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064622018-11-13T23:06:34Z2018-11-13T23:06:34ZTrois propositions pour réformer la gouvernance des coopératives agricoles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245092/original/file-20181112-83564-1hibey7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C64%2C2044%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, les coopératives regroupent plus de 450 000 agriculteurs et pèsent 40 % de l'agroalimentaire français. Ici, celle de Pont-sur-Yonne en Bourgogne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0">François Goglins/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le prolongement de la <a href="http://www.web-agri.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/la-loi-alimentation-publiee-au-journal-officiel-du-jeudi-1er-novembre-1145-142772.html">loi EGA</a>, le gouvernement souhaite réformer les pratiques de gouvernance des coopératives agricoles en ayant recours à des ordonnances. Cette réforme est essentielle pour que les coopératives continuent de jouer un rôle central dans l’agriculture et l’alimentation durable.</p>
<h2>Pas d’agriculture et d’alimentation durable sans coopératives responsables</h2>
<p>On le sait peu, mais l’essentiel de la production de denrées alimentaires provient des coopératives. Elles jouent un rôle clé dans l’alimentation et l’agriculture à l’échelle mondiale. <a href="https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/external-studies/2012/support-farmers-coop/fulltext_en.pdf">Certains travaux</a> montrent même qu’il n’existe pas de systèmes alimentaires avancés sans leur présence. En Europe, on compte plus de 51 000 coopératives agricoles qui concernent plus de 9,5 millions de producteurs, emploient 675 000 salariés et sont présentes dans toutes les filières alimentaires. En France, les coopératives regroupent plus de 450 000 agriculteurs, réalisent 85 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et pèsent 40 % de l’agroalimentaire français.</p>
<p>Cette centralité des coopératives dans l’alimentation s’explique par leur capacité à fédérer des producteurs de denrées agricoles (vins, céréales, lait, œufs, viande, fruits et légumes, sucre, etc.) autour de filières capables d’assurer la souveraineté alimentaire des pays. Cette importance des coopératives fait que les orientations stratégiques prises par les dirigeants au niveau des organes de gouvernance constituent des sujets de préoccupation majeurs, aussi bien pour les agriculteurs attentifs à leurs revenus, que pour les consommateurs soucieux de bénéficier d’une alimentation durablement saine.</p>
<p>Les travaux de recherche que nous avons menés dans le cadre de la <a href="http://alter-gouvernance.org">Chaire Alter-Gouvernance</a> nous amènent à faire trois propositions de réforme pour que les coopératives et en particulier les plus grandes d’entre elles demeurent des structures créatrices de valeur au service d’une alimentation et d’une agriculture durable.</p>
<h2>Proposition 1 : formaliser un Pacte d’orientation coopérateurs en assemblée générale</h2>
<p>On reproche parfois aux plus grandes coopératives agricoles d’avoir introduit une distance trop importante avec leurs adhérents. Distance qui génère incompréhensions et postures de retrait de la part des agriculteurs qui perçoivent avec difficulté l’importance et la valeur ajoutée de leurs coopératives. Cette distance (réelle ou perçue) pourrait être réduite à travers la rédaction et le vote d’un Pacte d’orientation coopérateurs (POC).</p>
<p>Ce POC est un document de synthèse qui précise et formalise la raison d’être de la coopérative (À quoi sert-elle ? Quelle est sa mission de base ? Quelles contributions à la société ?). Il exprime une ambition stratégique et délimite les grandes orientations à long terme sur lesquels les adhérents souhaitent que les dirigeants élus et salariés se prononcent. Il contient les éléments suivants :</p>
<ul>
<li><p>Raison d’être de la coopérative</p></li>
<li><p>Inscription territoriale et trajectoire agroécologique</p></li>
<li><p>Rentabilité et croissance du groupe coopératif</p></li>
<li><p>Politique de distribution de dividendes en provenance des filiales</p></li>
</ul>
<p>Le POC est débattu en assemblées de section et voté en assemblée générale. Sans être engageant, il sert de fondement aux objectifs stratégiques fixés par les dirigeants et les administrateurs. Il est susceptible de donner un sens renouvelé aux assemblées de section et à l’assemblée générale car il précise le mandat confié aux administrateurs de la coopérative. Il contribue à réduire la distance entre l’adhérent et sa coopérative. À travers le POC, les assemblées de section et l’assemblée générale défendent l’intérêt général et la raison d’être de la coopérative. Les administrateurs et les délégués de section sont les ambassadeurs du POC auprès des dirigeants, mais également des parties prenantes de la coopérative. Ce POC pourra faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation à travers un <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/1626">bilan sociétal</a> à l’image de celui testé au début des années par les équipes de Coop de France.</p>
<h2>Proposition 2 : installer des comités spécialisés dans les conseils d’administration</h2>
<p>Les 20 dernières années ont été marquées par un agrandissement et une complexification très importante des outils industriels et des structures commerciales adossés aux coopératives agricoles. Sur la même période, le fonctionnement et l’organisation des conseils d’administration sont restés quasiment identiques. Il en découle des asymétries d’information et de compétences entre les administrateurs élus et les dirigeants salariés. Ce déséquilibre est problématique car les administrateurs peinent parfois à comprendre, contrôler et contester les choix et orientations stratégiques proposés par les dirigeants qui maîtrisent mieux les sujets et ont accès à plus d’informations. Même si depuis 20 ans, le niveau de compétences des administrateurs a beaucoup augmenté, il convient de s’organiser différemment pour réduire ces asymétries de compétences et d’information, il semble important de revoir le fonctionnement et l’organisation des conseils d’administration en mettant en place des comités spécialisés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tereos-ou-la-gouvernance-cooperative-inachevee-102364">Tereos, ou la gouvernance coopérative inachevée</a>
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<p>Ces comités spécialisés sont susceptibles de faire monter en compétence les administrateurs sur les enjeux industriels et économiques. Ils permettront également aux administrateurs de s’appuyer sur des expertises et points de vue externes pour mieux contrôler l’action des dirigeants. Nous proposons la mise en place de quatre comités spécialisés :</p>
<ul>
<li><p>Le comité des rémunérations et des nominations</p></li>
<li><p>Le comité d’audit</p></li>
<li><p>Le comité des filiales et des participations</p></li>
<li><p>La comité vie coopérative et développement durable.</p></li>
</ul>
<p>La présidence de ces comités sera confiée à un·e vice-président·e qui sera chargé·e de son animation et reportera auprès du conseil d’administration. Une fois par an le conseil d’administrateur fera un bilan du fonctionnement de ces comités spécialisés.</p>
<h2>Proposition 3 : impliquer les administrateurs de la coopérative mère dans la gouvernance des filiales</h2>
<p>Les travaux de <a href="https://www6.versailles-grignon.inra.fr/sadapt/Equipe-Proximites/Membres/l/Maryline-Filippi">Maryline Filippi</a>, chercheuse associée à l’INRA, ont bien montré que les grandes coopératives sont désormais organisées en groupes coopératifs et détiennent des participations dans un nombre parfois très important de filiales industrielles et commerciales. Qui doit gouverner ces filiales ? Les agriculteurs doivent-ils avoir droit au chapitre ? À l’heure actuelle, il y a clairement deux approches.</p>
<p>La première considère que la gouvernance et le pilotage des filiales relèvent strictement du management et des dirigeants. Les administrateurs de la coopérative mère n’ont pas à s’immiscer dans les organes de gouvernance des filiales. L’autre position consiste au contraire à impliquer les administrateurs de la coopérative mère dans la gouvernance des filiales. Les résultats de nos observations montrent que cette deuxième option doit être privilégiée si les agriculteurs et leurs représentants souhaitent garder la main et contrôler les politiques de filières et de diversification menées à l’échelle du groupe coopératif.</p>
<p>Cette implication dans les organes de gouvernance des filiales est susceptible de renforcer le contrôle que les administrateurs de la coopérative mère peuvent avoir du groupe. Cette implication passe par cinq mesures principales :</p>
<ul>
<li><p>Donner la présidence des principales filiales à des vice-présidents de la coopérative mère et leur adjoindre le cas échéant un ou deux administrateurs ;</p></li>
<li><p>Harmoniser les outils de reporting entre les différentes filiales pour comparer les niveaux de performance et de risques ; ce reporting devra montrer comment les filiales contribuent au projet coopératif</p></li>
<li><p>Proposer un découpage du groupe coopératif et une mise en cohérence des filiales qui reflètent la politique de filières de la coopérative ;</p></li>
<li><p>Une fois par an, le conseil d’administration devra consacrer une séance exclusivement dédiée à l’évaluation du fonctionnement des filiales et des relations intragroupe (objectifs, stratégie commune, stratégie différenciée, etc.) ;</p></li>
<li><p>La coopérative mère doit disposer d’une cartographie de la gouvernance du groupe (périmètre, participations, etc.) et des mandats au sein des filiales. Cette cartographie doit être travaillée par le comité des participations et mise à disposition de tous les administrateurs.</p></li>
</ul>
<p>Cette implication renforcée des administrateurs de la coopérative mère dans les principales filiales aidera le conseil d’administration de la coopérative mère à suivre et accompagner la croissance du groupe coopératif ainsi que les politiques de filières. Elle est susceptible de déboucher sur une « articulation claire et une complémentarité explicite et lisible entre un pôle agricole tourné vers l’amont et la production agricole et un pôle industriel tourné vers l’aval, la transformation et la grande distribution », comme le souligne Chantal Chomel, ancienne directrice des affaires juridiques et fiscales chez Coop de France.</p>
<h2>Privilégier l’autorégulation à la contrainte législative</h2>
<p>Le gouvernement a décidé de se pencher sur le sujet de la gouvernance des coopératives à travers la loi EGA et la rédaction d’ordonnances qui devront, selon le député LREM Jean‑Baptiste Moreau, « renouveler le modèle en revenant à la pureté originelle du mouvement coopératif ». À ce stade, l’idée générale est d’apporter plus de transparence et d’information aux agriculteurs. Il s’agit aussi de faciliter les ruptures contractuelles entre les agriculteurs et leurs coopératives. C’est donc une approche contractuelle de la relation coopératives-adhérents qui semble prévaloir. Cependant, l’expérience montre que plus d’information et une facilité de rupture contractuelle ne suffisent pas à réformer en profondeur les pratiques de gouvernance. Le gouvernement devra s’appuyer sur d’autres ressorts s’il veut vraiment aider les coopératives à faire un saut qualitatif en matière de pratiques de gouvernance.</p>
<p>Les trois propositions que nous faisons ouvrent un débat sur les fondamentaux du modèle coopératif français. Elles peuvent aider les acteurs du monde coopératif agricole à se doter d’une doctrine claire et partagée en matière de bonnes pratiques de gouvernance. L’actualité et l’observation montrent que des changements sont nécessaires pour que les coopératives françaises continuent de grandir et de se développer. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue que les coopératives sont essentielles à l’agriculture et l’alimentation. La loi EGA peut apporter des réponses mais il est toujours préférable de privilégier l’autorégulation plutôt que la contrainte. Il y a maintenant plus de 20 ans que les grandes entreprises françaises regroupées au sein du CAC 40 ont mis en mouvement une réflexion de fond sur les meilleures pratiques de gouvernance. Cela se traduit concrètement par le <a href="http://www.afep.com/publications/le-code-afep-medef-revise-de-2018/">code Afep-Medef</a> qui balise le chemin pour les acteurs de la gouvernance de ces grandes entreprises. Les coopératives agricoles n’ont pas encore fait ce travail de cadrage et c’est dans cet esprit que nous avons publié en 2016 un [ <a href="http://www.refcoopagri.org">référentiel de bonnes pratiques</a>] de gouvernance.</p>
<p>C’est aujourd’hui au mouvement coopératif de revisiter ses fondamentaux et de faire des propositions ambitieuses au gouvernement pour projeter les agriculteurs et l’agriculture française dans les défis du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le gouvernement envisage le recours aux ordonnances, voici quelques pistes pour que les coopératives continuent de jouer un rôle central dans l’agriculture et l’alimentation durable.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Titulaire de la Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1023642018-09-04T19:08:10Z2018-09-04T19:08:10ZTereos, ou la gouvernance coopérative inachevée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235182/original/file-20180906-190647-893np1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C991%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser les modèles de gouvernance est devenu une urgence pour les coopératives agricoles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Tatyana Mi / shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://tereos.com/">Tereos</a>, groupe coopératif spécialisé dans l’industrie sucrière, est un acteur majeur et un fleuron de son secteur d’activité. Comme pour d’autres coopératives agricoles, le bon fonctionnement de ses organes de gouvernance est vital aussi bien pour les 25 000 salariés de l’entreprise que pour les 12 000 producteurs de betteraves sucrières qu’il regroupe. Si les tensions au sein de la gouvernance de Tereos sont <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/08/09/fortes-turbulences-au-sein-de-la-cooperative-sucriere-tereos_5340779_3234.html">latentes depuis plusieurs mois</a>, elles ont pris une nouvelle tournure lorsque des administrateurs ont remis en cause le fonctionnement du conseil de surveillance et demandé l’activation des comités d’audit et des rémunérations. </p>
<p>Cette demande, jugée malvenue, a conduit ces administrateurs à être <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/hauts-france-trois-betteraviers-frondeurs-exclus-cooperative-tereos-1528656.html">purement et simplement exclus de la coopérative</a>. Un évènement rarissime dans le monde coopératif agricole. Compte tenu de la taille et des enjeux du groupe coopératif Tereos, ces demandes autour de la mise en place et du bon fonctionnement de ces deux comités au sein du conseil de surveillance peuvent pourtant apparaître comme parfaitement légitimes.</p>
<h2>À quoi servent les comités d’audit et des rémunérations ?</h2>
<p>En France comme à l’étranger, de nombreuses entreprises se sont dotées depuis de nombreuses années des comités d’audit et des rémunérations. Les travaux que nous avons menés dans le cadre de la <a href="http://alter-gouvernance.org/">Chaire Alter-Gouvernance</a> montrent que les entreprises qui ont fait le choix d’installer ces comités spécialisés au sein de leurs conseils de surveillance ou d’administration ont fait des sauts qualitatifs en matière de gouvernance et de prise de décision stratégique.</p>
<p>Le <a href="https://www.ifa-asso.com/informer/centre-de-ressources/les-questions-cles/quel-est-le-role-du-comite-daudit.html">comité d’audit</a> permet aux administrateurs de développer des connaissances précises qui touchent à la vie de l’entreprise, à son organisation et aux risques auxquels elle s’expose. Les administrateurs sont alors en mesure d’apprécier pleinement les décisions stratégiques et opérationnelles proposées par les dirigeants, voire de les contester. Les travaux du comité permettent également de savoir si les options discutées en conseil sont risquées ou non.</p>
<p>Le <a href="https://www.ifa-asso.com/informer/centre-de-ressources/les-questions-cles/quel-est-le-role-du-comite-de-remuneration.html">comité des rémunérations</a> offre lui des leviers aux administrateurs pour analyser et aligner les rémunérations des dirigeants sur l’atteinte des objectifs stratégiques. Les travaux de ce comité conduisent à définir le <em>package</em> de rémunération, notamment la part fixe et la part variable. Lorsqu’un conseil d’administration ne maîtrise pas les éléments de rémunération des dirigeants, il se prive d’un puissant levier d’action pour orienter le fonctionnement de l’entreprise et contrôler leur action.</p>
<p>Autrement dit, ces deux comités sont indispensables pour que les administrateurs puissent accomplir leurs missions de surveillance et de co-construction de la stratégie avec les dirigeants. Ils permettent de développer des capacités d’analyse et de réflexion qui ne sont pas innées chez les administrateurs. Ils permettent également d’agir concrètement sur le comportement des dirigeants dans l’intérêt de l’entreprise. D’autres comités peuvent par ailleurs éclairer les travaux du conseil en fonction du secteur d’activité de la société : comité d’investissements, d’innovation, stratégique, RSE, etc.</p>
<h2>Des comités absents de la plupart des coopératives agricoles françaises</h2>
<p>Si l’on se réfère aux prescriptions des codes de gouvernance <a href="http://www.afep.com/publications/le-code-afep-medef-revise-de-2018/">Afep-Medef</a> et <a href="https://www.middlenext.com/IMG/pdf/2016_CodeMiddlenext-PDF_Version_Finale.pdf">MiddleNExt</a>, la décision des dirigeants de Tereos d’exclure de la coopérative les administrateurs à l’origine de demandes pour reconsidérer le fonctionnement des comités d’audit et des rémunérations est difficilement compréhensible.</p>
<p>Mais la coopérative Tereos est tout sauf une exception en matière de gouvernance. En effet, la plupart des grandes coopératives agricoles (à l’exception notable d’<a href="http://www.euralis.fr/euralis/gouvernance/">Euralis</a>) ne s’appuient pas sur les comités d’audit et des rémunérations pour organiser leur gouvernance. L’observation montre que les coopératives agricoles ont plutôt tendance à composer et à structurer leur conseil d’administration ou de surveillance en fonction du <a href="https://tereos.com/notre-groupe/gouvernance/conseil-de-surveillance">type de production agricole</a>. A titre d’exemple, le conseil de surveillance de Tereos est organisé en <a href="https://tereos.com/notre-groupe/gouvernance/conseil-de-surveillance">quatre commissions</a> qui sont liées aux productions des adhérents : la betterave, la pomme de terre, la nutrition animale et les affaires publiques. Comme d’autres coopératives, Tereos n’a jamais réussi à activer pleinement les comités d’audit et des rémunérations et c’est précisément ce que les administrateurs exclus de la coopérative reprochent à l’équipe de gouvernance actuelle.</p>
<p>Ce fonctionnement des conseils d’administration ou de surveillance sans comités spécialisés est plus la norme que l’exception dans les coopératives agricoles. Finalement, on ne devrait pas reprocher à Tereos de ne pas avoir activé et mis en place de tels comités puisque l’écrasante majorité des coopératives ne suivent pas ce schéma de gouvernance.</p>
<p>La crise de gouvernance que traverse Tereos témoigne avant tout d’une méconnaissance de la part des coopératives agricoles des pratiques et des structures de gouvernance susceptibles de faire monter en compétence les administrateurs sur des enjeux stratégiques, organisationnels et financiers propres à l’entreprise qu’ils doivent gouverner.</p>
<h2>Faire de la gouvernance un enjeu central au sein des coopératives agricoles</h2>
<p>Cette méconnaissance devient aujourd’hui problématique, comme l’illustre les <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0302080965268-remous-au-sein-du-groupe-sucrier-tereos-2196520.php">difficultés rencontrées aujourd’hui par Tereos</a>. Les grandes coopératives agricoles, qui pèsent plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires et représentent une part majoritaire de l’agriculture française, sont restées sur des schémas de gouvernance historiques. Des schémas centrés sur les enjeux de productions agricoles plus que sur les enjeux stratégiques, financiers et industriels des groupes coopératifs dont ils ont la charge.</p>
<p>L’absence de comités pénalise en premier lieu les administrateurs de coopératives : ceux-ci ne disposent ni des compétences, ni des connaissances, ni des leviers d’action qui leur permettraient de participer activement, et sur un pied d’égalité avec les dirigeants, à la gouvernance des groupes dont ils ont la responsabilité.</p>
<p>Les coopératives agricoles auraient donc tout intérêt à revisiter leurs schémas et pratiques de gouvernance pour aller vers plus de transparence, une meilleure appréhension des risques, et un dialogue permanent entre agriculteurs, administrateurs et dirigeants. Ce sera là un enjeu central dans les années à venir. Sinon, des tensions politiques particulièrement néfastes risquent de naître dans un contexte déjà délicat marqué par l’incertitude, la volatilité des prix et la concurrence mondiale. La généralisation des comités d’audit et des rémunérations apparaît à cet égard comme une évolution indispensable du modèle coopératif agricole français si celui-ci veut perdurer, se développer et rester légitime aux yeux des agriculteurs, des pouvoirs publics et des consommateurs.</p>
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<p><em>Xavier Hollandts et Bertrand Valiorgue ont publié en 2016 un <a href="http://www.refcoopagri.org/">référentiel de bonnes pratiques de gouvernance</a> à destination des coopératives agricoles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le groupe coopératif Tereos, spécialiste de l’industrie sucrière, traverse une crise de gouvernance sans précédent qui interroge les fondements du modèle de gouvernance coopératif.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Titulaire de la Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/960502018-05-30T22:05:51Z2018-05-30T22:05:51ZDe l’artiste plasticien au chauffeur Uber, réinventer l’accompagnement des travailleurs autonomes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220793/original/file-20180529-80653-cbjn71.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2419%2C1434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De plus en plus de travailleurs sont autonomes, et cumulent parfois plusieurs emplois.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/651366">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le nombre de travailleurs autonomes augmente, de nouvelles formes d’accompagnement se mettent en place. Fondée à la fin des années 1990 en Belgique pour assister les artistes indépendants, l'entreprise sociale SMart a rencontré un tel succès qu’elle a progressivement élargi son champ d’action, essaimant dans plusieurs pays européens. Décryptage d’une réussite.</p>
<h2>Des travailleurs atypiques</h2>
<p>Emeric, 42 ans, fait partie de ceux qu’on appelle les « travailleurs au projet » ou « travailleurs autonomes ». Il est menuisier ébéniste et membre d’un collectif d’artistes plasticiens. Il réalise des projets d’ameublement sur mesure pour une clientèle aisée. Pendant plusieurs années, il a gagné chichement sa vie, sous statut d’indépendant. Ses collaborations ponctuelles au collectif d’artistes s’encastrent difficilement dans ce statut, qui suppose une activité régulière et reconnue.</p>
<p>Depuis quelques mois, il loue depuis un étage de sa maison sur Airbnb. Ce revenu complémentaire lui permet de sélectionner les projets sur lesquels il souhaite travailler, d’assouvir sa passion des voyages, et de consacrer du temps à des activités créatives, parfois rémunérées.</p>
<p>Son activité ne rentre pas dans les catégories établies du marché du travail, qui classe les travailleurs soit comme indépendants, soit comme salariés, avec dans les deux cas une activité régulière et bien définie. Dans ce contexte qui ne propose pas de reconnaissance spécifique pour ces travailleurs atypiques, par exemple en termes d’accès à la sécurité sociale, nous nous intéressons à l’accompagnement de leurs trajectoires professionnelles.</p>
<h2>Travailleurs autonomes : une population en croissance</h2>
<p>Partout en Europe, le nombre de ces travailleurs « au projet » ou « autonomes » va croissant – un <a href="http://www.i-wire.eu/">projet européen qui s’est clôturé récemment</a> s’y est d’ailleurs spécifiquement intéressé. Il est toutefois difficile de produire à ce sujet des chiffres précis, dans la mesure où les données statistiques disponibles ne reflètent pas les nouvelles réalités du marché du travail.</p>
<p>Un travail exploratoire a cependant été mené <a href="http://www.efip.org/sites/default/files/efip_report_french.pdf">au niveau européen en 2012</a> par l’économiste Stéphane Rapelli à propos des indépendants professionnels ou « Ipros ». Il s’agit de travailleurs indépendants sans employé, n’exerçant pas dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat ou du commerce, et engagés dans des activités de nature intellectuelle et/ou de service. De 2000 à 2011, la croissance de ces IPros a été de plus de 80 %, là où le nombre global de travailleurs indépendants est resté globalement stable. Ces travailleurs accumulent les contrats ponctuels pour une prestation donnée.</p>
<p>Les travailleurs autonomes exercent des métiers variés : musiciens, comédiens, graphistes, développeurs web, écrivains, journalistes freelance, architectes, professeurs… Mais aussi, de plus en plus, des chauffeurs ou livreurs dans le cadre de plates-formes en ligne de type Uber, Deliveroo et autres Foodora.</p>
<p>Parmi eux, nombreux sont ceux qui, comme Emeric, cumulent plusieurs jobs, ce que reflète la <a href="https://theconversation.com/slashers-pluriactivite-et-transformations-du-travail-opportunite-ou-menace-pour-le-management-84939">croissance des travailleurs « pluriactifs » en Europe</a>. Ces travailleurs sont parfois employés, parfois indépendants, parfois donneurs d’ordres voire employeurs lorsqu’ils sous-traitent des missions. Dans certains cas, une partie de ce travail n’est pas reconnue en amont de la prestation faisant l’objet d’un contrat avec le client. C’est par exemple le cas des répétitions pour un musicien ou un comédien.</p>
<p>Par leur situation atypique, la reconnaissance de leur activité professionnelle requiert souvent une complexe gymnastique administrative. Les zones d’ombre sont nombreuses, les empêchant souvent de bénéficier d’une protection sociale correcte, qu’il s’agisse d’allocations de chômage, de congés maladie ou de cotisations pour la retraite.</p>
<p>Pour offrir des solutions à ces travailleurs atypiques et les représenter auprès des acteurs établis du marché du travail (État, syndicats, représentants des employeurs), des organisations intermédiaires ont été créées, dont certaines par les travailleurs concernés eux-mêmes.</p>
<h2>Le modèle SMart, société mutuelle pour artistes</h2>
<p><a href="http://www.smartfr.fr/smart/">SMart</a> a été créée en 1998 en Belgique. Il s’agissait alors d’aider les artistes à sécuriser leurs trajectoires professionnelles. Pour répondre à ce besoin, SMart a conçu un ensemble d’outils, dont une plate-forme en ligne facilitant la gestion administrative du travail.</p>
<p>Un dispositif de facturation et un compte virtuel permet au travailleur d’être rémunéré par SMart avant que le donneur d’ordre n’effectue le paiement. Ce système lui offre également la possibilité de bénéficier d’un contrat de travail sur une année entière, de façon à lisser les revenus, souvent très irréguliers, dans le temps. Le travailleur peut même gérer sa propre « entreprise virtuelle » au travers d’un « compte budget » pouvant être utilisé pour payer la rémunération de collaborateurs ou d’autres frais de fonctionnement.</p>
<p>De nouveaux services ont rapidement vu le jour : location de matériel, services juridiques, mise en réseau, contribution à la création d’espaces de travail partagés (<a href="http://www.brusselsartfactory.be/">Brussels Art Factory</a>, <a href="http://www.lagrappe.eu/">La Grappe</a> à Lille ou l’espace Spinoza à Paris). En outre, des ateliers ou des formations sont régulièrement proposés aux membres.</p>
<h2>Essaimage géographique et sectoriel</h2>
<p>Si, à l’origine, SMart a été créée par et pour les artistes, le succès de l’organisation l’a vite amenée à proposer ses services à tous les travailleurs autonomes ou au projet, de l’univers de la formation à celui du design en passant par la communication ou la mode. Après la Belgique, SMart s’est implantée dans plusieurs pays européens dont la France, l’Espagne ou la Suède, en collaboration avec des partenaires locaux et en adaptant à chaque fois son modèle aux spécificités locales.</p>
<p>SMart est ainsi passée de quelques centaines de membres au début des années 2000 à plus de 100 000 membres actuellement. En 2016, la structure s’est transformée en coopérative et est en passe de devenir la plus grande coopérative de travailleurs en Europe. Elle est également devenue une interlocutrice majeure en termes de promotion et de représentation des travailleurs autonomes. Le rôle joué récemment par SMart dans la <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-159546-la-faillite-de-take-eat-easy-remet-elle-en-cause-luberisation-2023860.php">représentation et la défense des coursiers de Take Eat Easy</a>, puis de Deliveroo, en témoigne.</p>
<h2>Un modèle innovant en quête de légitimité</h2>
<p>Pourtant, malgré ce succès, le développement de SMart lui a rapidement attiré l’hostilité de nombreux acteurs établis du marché du travail : syndicats, agences d’intérim, plates-formes en ligne et, dans une certaine mesure, pouvoirs publics. En particulier, certains l’accusent de banaliser la précarité du travail au projet, sous la forme de ce qui est appelé aujourd’hui le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13533312.2014.899123">« projectariat »</a>. On a également reproché à SMart de marginaliser les syndicats, d’agir comme employeurs sans en assumer toute la responsabilité et, plus globalement, de se développer sur les plates-bandes des acteurs reconnus de la concertation sociale.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/bjir.12281">Dans notre étude</a>, nous nous sommes intéressés aux facteurs qui ont permis à la coopérative de se développer en dépit de cette hostilité. En dépit, aussi, d’un marché du travail très réglementé, en particulier dans des pays comme la Belgique et la France, où l’innovation dans ce secteur est très difficile à introduire et à diffuser si elle n’est pas portée par les acteurs établis.</p>
<p>Les résultats révèlent que le succès de SMart repose notamment sur sa capacité à transgresser les frontières établies sur le marché du travail : distinction employeur-employé, distinction entre travailleur indépendant et salarié, distinctions entre les métiers, distinction des rôles sur le marché du travail…</p>
<h2>Pragmatisme, réflexivité et remise en question, les trois piliers de SMart</h2>
<p>Les actions qui ont permis à SMart de gagner sa légitimité sur le marché du travail peuvent être classées en trois catégories faisant appel des qualités distinctes :</p>
<ul>
<li><p>le pragmatisme : l’action de SMart est toujours restée ciblée sur les besoins de ses membres, cherchant à y répondre sans attendre l’intervention ou l’autorisation des pouvoirs publics. Cet approche lui a permis de développer de nombreux services et outils, de croître rapidement et de gagner en légitimité auprès des nombreux travailleurs autonomes. Ainsi, lorsque les acteurs du marché du travail se sont opposés au « modèle SMart », l’organisation regroupait déjà un grand nombre de travailleurs qui pouvaient difficilement être abandonnés ;</p></li>
<li><p>la réflexivité : SMart s’est toujours positionné sur une démarche de <a href="http://smartbe.be/fr/services/education-permanente/">réflexion et de communication</a>, afin de justifier la pertinence de ses actions. Quoi qu’on pense de ces justifications, SMart a pris une place importante dans le débat public sur les travailleurs autonomes. Malgré les critiques que son attitude « fonceuse » a pu provoquer, SMart a gagné en visibilité en se reposant sur ses réalisations concrètes.</p></li>
<li><p>la remise en question : le modèle SMart ayant fait ses preuves, les critiques ne se portent plus tellement sur les solutions offertes par SMart, mais sur sa légitimité à développer ses solutions en tant qu’initiative privée, bien que coopérative et sans but lucratif. Face aux appels à un « SMart public » identifiés dans certains de nos entretiens, SMart réaffirme sa vocation de service aux membres. À travers la création de la coopérative, la structure renforce d’ailleurs leur participation à toutes les prises de décisions. Déjà bien reconnue dans les réseaux d’économie sociale et solidaire, SMart revendique ainsi une action économique au service des travailleurs et de la société, même si certains auraient préféré que cette action soit plutôt portée par les syndicats et les pouvoirs publics.</p></li>
</ul>
<p>À l’heure des discussions sur les conditions de travail et la protection des travailleurs autonomes, notamment ceux des plates-formes Uber et <a href="https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/Deliveroo-faire-entrer-le-droit-du-travail-dans-le-XXIe-siecle/9973066">Deliveroo</a>, l’expérience de SMart, si imparfaite soit-elle, constitue un apport intéressant au débat. Elle constitue en effet une alternative tant aux schémas classiques de protection sur le marché du travail qu’aux tendances à « l’uberisation » de l’économie. Ainsi, elle contribue à renforcer la protection sociale des travailleurs aux statuts atypiques, toujours plus nombreux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:v.xhauflair@uliege.be">v.xhauflair@uliege.be</a> a reçu des financements du Fonds Baillet Latour (Belgique). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Huybrechts et François Pichault ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le nombre de travailleurs autonomes est en rapide augmentation. Pour les accompagner administrativement, de nouvelles structures émergent. Analyse du succès de la belge SMart, leader du secteur.Benjamin Huybrechts, Professeur associé en entrepreneuriat et organisation, EM Lyon Business SchoolFrançois Pichault, Professeur titulaire à HEC Liège , Université de LiègeVirginie Xhauflair, Associate professor, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/927472018-05-23T20:52:07Z2018-05-23T20:52:07ZDifficile de concilier valeurs coopératives et environnementales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219969/original/file-20180522-51130-1n96s9c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4288%2C2830&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En terme de logistique verte, les coopératives ne sont pas forcément plus vertueuses que les entreprises capitalistiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/recycling-cardboard-old-paper-141847876?src=JX1ryyoHidnX5Nm4yMdXxA-1-36">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les coopératives ont de nouveau le vent en poupe. En 2016, elles sont 266 à avoir vu le jour et sur les quatre dernières années, <a href="http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/">leur nombre a augmenté de 22 %</a>. Elles constituent un modèle alternatif aux entreprises classiques car elles conjuguent logique de marché et préservation d’un caractère humain. Alors qu’on s’attendrait à ce qu’elles soient exemplaires en termes de pratiques RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), il apparaît que tel n’est pas toujours le cas. Quelles sont les raisons qui freinent la mise en œuvre des politiques vertes ? Pour tenter de répondre à cette question, analysons les pratiques de logistique inversée d’une grande coopérative de consommateurs dans la distribution.</p>
<h2>Les coopératives : intrinsèquement solidaires</h2>
<p><a href="https://www.humanite.fr/histoire-le-bel-exemple-cooperatif-des-equitables-pionniers-de-rochdale-525689">Nées au XIXᵉ siècle à Manchester</a> dans les milieux ouvriers, les coopératives de consommateurs répondent à un grand principe : la primauté des personnes et de l’objet social sur le capital, ce qui les distinguent des entreprises « classiques » capitalistiques.</p>
<p>Trois éléments les caractérisent. Tout d’abord, le fait de fédérer les individus sociétaires autour d’un projet qui leur procure des avantages (par exemple, un meilleur prix pour les produits achetés). Ensuite, elles fondent leur gouvernance sur les valeurs démocratiques d’égalité des sociétaires à travers le principe : « un homme, une voix ». Enfin, les coopératives développent une forme de solidarité au niveau local. Elles vont privilégier les emplois locaux et les entreprises partenaires de la région en stimulant le <em>made in</em> local.</p>
<p>Il faut bien comprendre que par nature, les coopératives doivent conjuguer rentabilité et satisfaction des membres de la coopérative. Ceci est loin d’être simple, en témoignent les atermoiements des coopératives lorsqu’il s’agit de mettre en avant leurs valeurs solidaires. Si ces valeurs peuvent apparaître comme un avantage compétitif à communiquer, les coopératives ne promeuvent pourtant pas ou peu leur différence. Le recours à la publicité leur semble dénué de sens dans la mesure où les sociétaires-clients sont parties prenantes de l’organisation, et non de simples consommateurs à séduire.</p>
<p>Cette frilosité pose toutefois question, à un moment où de nombreuses entreprises non coopératives dans des secteurs comme la distribution et l’alimentaire prennent des engagements solidaires en mettant en place des initiatives comme le <a href="http://www.lefigaro.fr/conso/2016/10/17/20010-20161017ARTFIG00004-16-million-d-euros-de-dons-collectes-grace-a-vos-tickets-de-caisse-et-fiches-de-paie-en-2016.php">micro-don</a> (par exemple l’enseigne textile Bonobo) ou l’aide à l’implantation de producteurs locaux.</p>
<h2>La logistique inverse : une pratique verte</h2>
<p>La logistique inverse est un processus qui récupère les produits usagés et les remet dans la boucle de production. Ceci recoupe en réalité des opérations très diverses : les retours de marchandises, le service après-vente et le recyclage. C’est ce dernier aspect qui est nommé « logistique verte », puisque son but est de préserver l’environnement.</p>
<p>Les entreprises l’ont mise en place pour se conformer à la réglementation en vigueur, telle que la <a href="https://aida.ineris.fr/consultation_document/1035">Directive de la Communauté européenne sur le matériel d’emballage de 1994</a>. Toutefois, elles en retirent un bénéfice économique puisque lorsqu’elles captent des flux de marchandises utilisées, les entreprises récupèrent la valeur intrinsèque des marchandises.</p>
<p>La logistique verte est également porteuse d’une valeur écologique : elle alimente l’image responsable de l’entreprise. Enfin, ces pratiques de recyclage favorisent le développement économique territorial en générant de nouvelles activités : recyclerie, tri sélectif, transformation des matériaux collectés. En définitive, qu’elle soit envisagée sous un angle économique, écologique ou territorial, la démarche de la logistique inverse est séduisante pour les coopératives.</p>
<h2>Des pratiques de logistique verte à améliorer</h2>
<p>La coopérative de consommateurs étudiée est le fruit du rapprochement après-guerre de nombreuses coopératives locales qui ont regroupé leur patrimoine et leurs ressources humaines. Elle est une actrice d’un marché particulièrement concurrentiel composé d’organisations qui ne sont pas issues de l’économie sociale et solidaire. Elle en partage les valeurs habituelles : la démocratie, la solidarité, la responsabilité, la pérennité, la transparence, la proximité et le service. Elle a par ailleurs un véritable ancrage local puisqu’elle a une implantation uniquement régionale.</p>
<p>Notre étude révèle que, si dans cette coopérative certaines pratiques de logistique inverse comme le service après-vente sont bien développées, il est plus difficile pour la structure de déployer la logistique inverse « verte ». À l’heure actuelle, la pratique de la logistique inverse à visée environnementale touche pourtant environ 80 % des emballages. Cependant, les sociétaires en charge des aspects logistiques portent un regard nuancé sur le niveau de recyclage opéré. Comme le résume l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« On est bien meilleurs qu’il y a cinq ans. On est encore loin d’être bons… »</p>
</blockquote>
<p>Les marges de progression sont identifiées. Elles concernent, notamment, la mise en place de nouvelles manières de collecter (via la sensibilisation des collaborateurs) et le recyclage de nouvelles matières (comme les plastiques durs).</p>
<p>La coopérative étudiée n’est donc pas tout à fait exemplaire en matière de logistique verte, alors que les entreprises non coopératives dans le secteur de la distribution mettent en place des circuits de récupération et de retraitement des produits usagés. Tel est le cas de Séphora, H&M, Orange, Auchan, Carrefour…</p>
<p>Pourquoi cette coopérative ne s’engage-t-elle pas davantage dans la logistique verte ?</p>
<h2>Un discours de performance économique plutôt qu’un discours altruiste</h2>
<p>La première raison qui freine la mise en place de pratiques vertes plus poussées réside dans les motivations sous-jacentes des membres de la coopérative. Celles-ci sont en effet principalement d’ordre économique, une idée reprise par un responsable de la coopérative :</p>
<blockquote>
<p>« On peut faire de l’or avec ça. »</p>
</blockquote>
<p>Ce n’est qu’en préoccupation mineure qu’apparaît l’argument des « gains environnementaux ». Par ailleurs, dans ce registre, c’est avant tout un certain bon sens qui est évoqué à travers l’idée de parcimonie plutôt qu’un discours prônant le bien de tous. C’est ce qu’explique ce répondant :</p>
<blockquote>
<p>« Enfin, on a fait une action pour réutiliser des produits qui peuvent se réutiliser et qui peuvent fabriquer des doudounes ou je ne sais quoi. Donc les valeurs elles se transmettent là-dedans parce qu’aujourd’hui beaucoup de sociétés se donnent bonne conscience à parler de, je dirais de santé et de… Et zut, j’ai oublié le mot… Euh… D’environnement. »</p>
</blockquote>
<p>L’oubli qu’il commet au passage est très révélateur de la défiance des salariés de la coopérative au sujet des objectifs environnementaux.</p>
<p>Autre point, le respect de l’environnement est évoqué comme un argument porteur par les salariés dans la mesure où il est rattaché aux pratiques coopératives dont il découle. Hors de ce contexte, l’écologie n’est qu’un concept « à la mode » et non différenciant par rapport à la concurrence. L’un des répondants déclare :</p>
<blockquote>
<p>« On ne peut pas jeter indéfiniment du carton. C’est écologique, c’est économique, c’est rationnel, c’est pas spécialement coopératif. »</p>
</blockquote>
<h2>Les pratiques de la logistique inverse faiblement communiquées</h2>
<p>Que ce soit sur le site Web de la coopérative ou sur sa page Facebook, il est à peine fait état des pratiques de recyclage déployées. En magasin, seul un tableau de taille modeste indique les tonnages (papier, cartons, plastique, polystyrène) collectés sur l’année.</p>
<p>En interne à l’entreprise également cette activité est peu mise en valeur : seuls quelques chiffres sont communiqués aux comités réunissant les sociétaires deux fois l’an. Les répondants, s’ils ont conscience de ce manque de communication ne sont pas convaincus du bien-fondé de valoriser l’écologie. Ils jugent cette pratique comme allant de soi et non distinctive puisque « l’écologie, tout le monde en fait ! ». Ceci cache une certaine forme de résistance au marketing et une forte ambivalence face aux arguments écologiques.</p>
<p>Les entreprises de distribution classiques communiquent fortement sur les opérations de reprise et de recyclage (par exemple H&M). Les coopératives doivent-elles les suivre dans cette démarche, elles qui ont justement une démarche alternative ? Cette question nous amène à nous interroger sur une éventuelle peur des sociétaires d’orienter leur coopérative vers du « greenwashing » et ainsi de dévoyer les valeurs coopératives qui leur sont chères.</p>
<h2>RSE : la difficile position des coopératives</h2>
<p>Alors que bien des travaux soulignent la <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2010-3-page-329.htm">compatibilité entre valeurs coopératives et RSE</a>, il apparaît que les pratiques de logistique inverse de la coopérative étudiée ne sont pas exemplaires. Les résultats de cette enquête en disent long sur les tensions à l’œuvre au sein des coopératives.</p>
<p>La première tension concerne la conciliation entre la performance économique et la prise en compte de l’intérêt de tous que supposent les politiques environnementales. Dans la coopérative étudiée, il est frappant de constater que l’argument de performance économique est utilisé de façon ambivalente pour expliquer les pratiques RSE de la coopérative. D’un côté, les répondants justifient la logistique inverse via des arguments économiques plutôt que des arguments altruistes de préservation du bien commun. De l’autre côté, on constate que lesdites pratiques RSE ne sont que peu ou pas intégrées dans la logique marketing : elles ne sont pas communiquées vers les partenaires extérieurs et les consommateurs comme des avantages économiques différenciant. Pourtant, cette approche est porteuse de performance économique. Mais elle est précisément évitée au nom des principes coopératifs, qui, d’une certaine manière, l’empêcheraient.</p>
<p>En ce qui concerne la RSE, cette coopérative aborde donc l’argument économique de façon paradoxale, ce qui révèle la difficile conciliation des objectifs économique et solidaire au sein de cette structure.</p>
<p>La seconde tension réside dans l’arbitrage entre, d’une part, la solidarité envers les sociétaires et, d’autre part, la prise en compte de l’ensemble des parties prenantes. Or, la solidarité dite « mutuelle » (entre sociétaires) prédomine sur toute autre solidarité. Les actions écologiques sont à expliquer et communiquer sous cet angle.</p>
<p>Notre étude met en lumière la difficile position du marketing au sein d’une coopérative. Dans ces structures alternatives, il est perçu comme peu légitime et réservé aux entreprises capitalistes. Mais dans le même temps, il est nécessaire pour se positionner par rapport aux concurrents et marquer son territoire sur ses valeurs solidaires et altruistes. Qui plus est, les effets peuvent dépasser le périmètre du seul marketing : l’intention de communiquer massivement sur une opération de logistique inverse verte peut amener à optimiser ce processus.</p>
<p>Pour supporter le développement des coopératives et de leurs pratiques RSE, un marketing plus offensif est à inventer. Mais qui reste sincère.</p>
<hr>
<p>Cet article a été co-écrit avec Sabine Domont, acheteuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92747/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par peur d’être assimilées aux entreprises capitalistiques ou par manque d’intérêt, les coopératives renâclent à mettre en avant leurs valeurs de solidarité ou à développer la RSE. À leurs dépens…Salomée Ruel, Professeure Associée en Supply Chain Management, ExceliaBénédicte Bourcier-Béquaert, Enseignant-chercheur en marketing, ISC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881222017-12-07T21:38:37Z2017-12-07T21:38:37ZQuatre conditions pour réussir une reprise d’entreprise en SCOP<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197771/original/file-20171205-23047-1p2iibz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=103%2C0%2C762%2C385&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Sociétés Coopératives de production (Scop) sont des sociétés commerciales (SARL, SA ou SAS) présentes dans l’ensemble des secteurs d’activité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.scop.org/accueil/les-scop-scic/scop/scop-quest-ce-que-cest/">scop.org</a></span></figcaption></figure><p>À l’image d’entreprises comme <a href="http://www.liberation.fr/futurs/2017/09/06/ex-fralib-notre-nouveau-combat-c-est-la-perennite-de-la-scop_1594611">Fralib</a> fortement médiatisée depuis son basculement en SCOP en 2014, la possibilité pour des salariés de reprendre leurs entreprises attire de plus en plus.</p>
<p>Cette solution permet aux salariés d’assurer la continuité de l’activité de leurs entreprises suite au départ des dirigeants ou aux décisions de fermeture de la part d’actionnaires jugeant la rentabilité insuffisante. L’entreprise <a href="https://www.lesechos.fr/18/12/2012/LesEchos/21336-130-ECH_le-bureau-d-etudes-hisa-se-transforme-en-societe-cooperative.htm">Hisa</a> cédée aux salariés suite au départ du dirigeant fondateur et la librairie <a href="https://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20151230.OBS2072/les-volcans-la-librairie-auvergnate-qui-resiste-a-amazon.html">Les Volcans</a> jugée non rentable par le <a href="http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/12/02/les-librairies-chapitre-en-liquidation-judiciaire_3524237_3260.html">Groupe Chapitre</a> sont deux exemples de reprises en SCOP réussies. Les SCOP constituent ainsi une piste particulièrement intéressante pour éviter les cessations d’activités et les pertes d’emplois.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6rVDJhWvnRA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Séduisante sur le papier, la reprise en SCOP reste néanmoins vécue comme un véritable big-bang. Il faut en effet bien souvent faire table rase du passé et notamment du modèle social et organisationnel. De l’aveu même des acteurs concernés, la reprise d’une entreprise par ses salariés constituent un exercice particulièrement complexe et délicat qui se solde souvent par des échecs comme en témoigne les exemples récents des reprises en SCOP avortées des entreprises <a href="http://www.20minutes.fr/economie/2083295-20170609-mim-salaries-abandonnent-projet-scop-faute-financement">Mim</a>, <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/16/20005-20150216ARTFIG00010-la-belle-aventure-des-ex-lejaby-pres-de-la-fin.php">Lejaby</a> ou <a href="http://www.leparisien.fr/lyon-69000/la-scop-des-meubles-vibel-reprise-partiellement-27-04-2015-4730373.php">Vibel</a>.</p>
<p>Dans quelles conditions, la reprise d’une entreprise par ses salariés sous la forme d’une SCOP peut-elle réussir ? Le <a href="http://alter-gouvernance.org/wp-content/uploads/2017/12/La-gouvernance-des-SCOP.pdf">rapport d’étude</a> de la <a href="http://alter-gouvernance.org/">Chaire Alter-Gouvernance</a> met en évidence quatre conditions.</p>
<h2>1. Légitimer le projet de reprise en SCOP dans son environnement</h2>
<p>La réussite d’une reprise en SCOP nécessite de légitimer et de gagner la confiance des parties prenantes externes. Le statut juridique de SCOP et les pratiques de gouvernance associées restent relativement mal connus et parfois assimilés à des représentations fausses d’organisation sans hiérarchie ou fonctionnant de manière anarchique. Ainsi, pour Roland Arnaud PDG de la SCOP <a href="http://www.leveil.fr/espaly-saint-marcel/economie/2016/12/01/la-scop-cest-une-aventure-humaine_12191014.html">Fontanille</a> : </p>
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<p>« Il ne faut pas croire qu’une SCOP est une armée mexicaine et que tout le monde est à la même hauteur, qu’il n’y a pas de hiérarchie ».</p>
</blockquote>
<p>Le passage en SCOP implique avant tout une transformation du mode gouvernance dans une logique démocratique. Elle n’est pas forcément synonyme de changement dans le fonctionnement opérationnel de l’entreprise et de son management. Face au scepticisme des partenaires (clients, fournisseurs ou banquiers), il est donc important de démontrer la viabilité économique du projet, la pertinence du business model et de l’organisation du travail.</p>
<p>Cette légitimation passe par une communication positive sur le projet de reprise, sa solidité et sa pérennité économique. Les réticences sont parfois très fortes et les salariés qui reprennent leurs entreprises sous-estiment l’importance de convaincre l’environnement du bien-fondé de la démarche de reprise.</p>
<h2>2. Développer l’identité et les compétences des salariés/propriétaires</h2>
<p>Lors des reprises en SCOP, ce sont parfois des salariés très éloignés des considérations stratégiques et du pilotage de l’entreprise qui sont élus administrateurs ou nommés dirigeants et prennent de facto en main le destin de l’entreprise. Mais le simple changement de statut de l’entreprise ne suffit pas pour que les salariés se sentent immédiatement co-associés et co-propriétaires de l’outil de production.</p>
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<p>« C’est pas évident quand on est simple ouvrier de se dire voilà je peux prendre la décision. Certains ont eu peur de sauter le pas » note un salarié de la SCOP <a href="http://www.lemonde.fr/argent/article/2013/11/05/juratri-mise-sur-l-humain-pour-valoriser-les-dechets_3507942_1657007.html">Juratri</a> au moment de la reprise.</p>
</blockquote>
<p>Pour assurer la prise en main du destin de leur entreprise, un véritable travail de déconstruction et de reconstruction identitaire doit s’opérer pour abandonner les identités de « simples salariés » passifs à l’égard de la gouvernance pour investir celles de propriétaires, responsables du devenir de l’entreprise. Il s’agit de transformer les croyances et les représentations qu’ont les salariés sur leurs capacités à prendre en main le destin de leur entreprise. Les nécessaires compétences pour gouverner une entreprise ne s’improvisent pas non plus et il est également indispensable que les salariés se forment à la gouvernance et la stratégie d’entreprise (en particulier les administrateurs et les dirigeants initialement éloignés de ces problématiques).</p>
<h2>3. Se prémunir contre un « hold-up » des cadres</h2>
<p>Pour assurer la mise en œuvre d’une gouvernance démocratique et le bon fonctionnement de l’entreprise, il est fondamental de veiller à éviter que la reprise par les salariés ne se solde par un hold-up des cadres sur le pilotage de l’entreprise et ses bénéfices. En effet, le tableau idyllique des SCOP qui offre à l’ensemble des salariés la possibilité de prendre en main le destin de leur entreprise n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous.</p>
<p>Des cas de « hold-up » opérés par l’équipe dirigeante pour détourner à son intérêt la reprise en SCOP existent. Ces hold-up peuvent se matérialiser par le choix délibéré de composer un conseil d’administration à l’identique du comité de direction et/ou de fixer des droits d’entrée au sociétariat très élevés pour limiter l’accès à une large partie des salariés. On imagine le clivage dans une jeune SCOP où seuls les plus hauts salaires peuvent devenir sociétaires de la SCOP, bénéficier d’une partie de la valeur créée collectivement et participer au pilotage stratégique. On observe alors un important décalage entre les principes démocratiques sensés structurer la gouvernance et les pratiques en usage.</p>
<p>Ainsi, tout comme certains actionnaires des entreprises cotées orientent les choix stratégiques en fonction de leurs intérêts financiers de courts termes, certains salariés de SCOP peuvent adopter le même type de comportement au détriment du développement de l’entreprise et de l’esprit démocratique.</p>
<h2>4. Construire de nouvelles règles, outils et pratiques soutenant une gouvernance démocratique</h2>
<p>Construire et faire vivre la gouvernance démocratique implique de créer ou faire évoluer un certain nombre de règles, pratiques et outils à l’intérieur de l’entreprise.</p>
<p>Pour endosser leurs nouveaux rôles de propriétaires et d’administrateurs, les salariés ont besoin d’accéder de manière beaucoup plus large et précise aux informations sur l’activité, l’environnement et la stratégie de leurs entreprises. De nouveaux comportements, de nouveaux pratiques, et outils de transmission d’information doivent se développer dans la jeune SCOP. Les comptes rendus de réunions, de conseils d’administration, l’évolution du système d’affichage, les réunions d’information formelles et informelles doivent se structurer progressivement.</p>
<p>Ces nouvelles pratiques de transmission d’informations plus riches, plus systématiques et plus transparentes sont nécessaires pour que les salariés puissent assumer leurs nouvelles responsabilités. Elles constituent un « biotope » indispensable pour le fonctionnement de la gouvernance démocratique.</p>
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<p>« Il y a plus de transparence d’information, de ce qui se passe au niveau de la direction. On sait où l’on va et c’est appréciable » souligne un salarié de la SCOP <a href="https://www.lesechos.fr/18/12/2012/LesEchos/21336-130-ECH_le-bureau-d-etudes-hisa-se-transforme-en-societe-cooperative.htm">Hisa</a>.</p>
</blockquote>
<p>Mais la mise en œuvre d’une gouvernance et d’une culture démocratique implique aussi des évolutions importantes des règles et pratiques de gouvernance. Dans ces évolutions, la recomposition du conseil d’administration occupe une place importante. Elle doit garantir une meilleure représentation des intérêts, des revendications et des valeurs diverses portés par les salariés propriétaires. La représentation dans le conseil d’administration de parties prenantes externes (certains clients, fournisseurs clés ou membres d’autres SCOP par exemple) peut également contribuer à renforcer l’efficacité de cette instance de gouvernance et les compétences stratégiques de l’entreprise.</p>
<p>Au-delà de la recomposition du conseil d’administration, la question de son renouvellement et de sa régénération est également importante. Garantir le renouvellement réel des salariés-administrateurs lors des élections successives permet de faire vivre la culture démocratique car elle assure le développement progressif d’une compétence collective à gouverner l’entreprise. Un renouvellement partiel du conseil d’administration offre également l’avantage de pouvoir capitaliser sur le tutorat des nouveaux administrateurs par les anciens.</p>
<p>Ce renouvellement systématique assure une ouverture effective des organes de gouvernance à l’ensemble des salariés et opérationnalise ainsi l’un des principes fondamentaux du modèle de gouvernance coopératif.</p>
<p>Enfin, pour faire fonctionner la gouvernance démocratique la règle de séparation des fonctions de dirigeant et de président du conseil d’administration, ou de cadres de direction et d’administrateur, garantit des contre-pouvoirs utiles et évite les risques de hold-up évoqués plus haut. Elle contribue également à assurer une séparation plus nette entre gouvernance et management de l’entreprise.</p>
<p>Les recherches sur la gouvernance des SCOP menées par la Chaire Alter-Gouvernance depuis 2014 montrent que ces quatre conditions pour réussir une reprise ne sont pas toujours pleinement intégrées par les acteurs de la reprise. C’est après plusieurs années de fonctionnement que les SCOP découvrent l’importance de cette question et souvent à leurs dépens.</p>
<p>L’essence démocratique de la gouvernance et le principe un homme–une voix constituent indéniablement une force pour les SCOP mais il est aussi important de penser l’opérationnalisation de ces principes. Il est également important que les acteurs anticipent les effets à long terme d’une concentration des compétences et prérogatives de pilotage sur une minorité de salariés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilie Bargues a reçu des financements du Conseil Régional d'Auvergne et de la CG Scop. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue a reçu des financements de la fondation de l’Université Clermont Auvergne et du conseil Régional d’Auvergne. Il a également bénéficié d'un soutien de la CG SCOP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts a reçu des financements du Conseil Regional d'Auvergne et de la CG Scop.</span></em></p>Les SCOP constituent ainsi une piste particulièrement intéressante pour éviter les cessations d’activités et les pertes d’emplois. Une étude précise les conditions de réussite.Emilie Bargues, Enseignant-chercheur en Sciences de gestion, ESC Clermont Business SchoolBertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises - Ecole Universitaire de Management de Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/874202017-12-07T21:38:36Z2017-12-07T21:38:36ZComment les SCOP gèrent leurs « ressources » humaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197775/original/file-20171205-22962-knx366.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans une Scop, le principe c’est l’égalité dans le système de gouvernance :
un associé = une voix.</span> <span class="attribution"><span class="source">www.shutterstock.com</span></span></figcaption></figure><p>Les SCOP (<a href="http://www.les-scop.coop/">sociétés coopératives et participatives</a>) sont des sociétés sous statut SARL, SA ou SAS, qui adoptent volontairement un statut coopératif et participatif. À la fin 2016, on dénombrait, en France, 2 991 SCOP (dont 627 SCIC, sociétés coopératives d’intérêt collectif) pour 53 850 salariés (dont 27 800 associés).</p>
<p>Le nombre de SCOP est en hausse de 4 % depuis 2015, confirmant une tendance de moyen terme. Le chiffre d’affaires des SCOP était de 4,6 milliards d’Euros en 2016.</p>
<p>Les salariés des SCOP sont appelés à être sociétaires de leur entreprise, ils doivent détenir au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote, sachant qu’un associé dispose d’une voix quel que soit le nombre de parts qu’il détient. Le dirigeant est élu par l’Assemblée générale des sociétaires, donc par une majorité de salariés. Le partage du profit est réglementé dans un souci d’équité :</p>
<ul>
<li><p>au moins 40 % pour la part travail, c’est-à-dire versé aux salariés ;</p></li>
<li><p>au moins 45 % en réserves, qui restent impartageables même en cas de dissolution de la société ;</p></li>
<li><p>au plus 15 % en rémunération du capital (dividendes).</p></li>
</ul>
<p>Dans une SCIC, les mécanismes coopératifs et participatifs sont identiques à ceux de la SCOP. Toutefois, les membres associés au capital peuvent être de toute nature : salariés mais aussi celles et ceux qui souhaitent s’impliquer dans le projet, c’est-à-dire des clients, des fournisseurs, des bénévoles, des collectivités territoriales, des partenaires privés par exemple.</p>
<p><a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/05/la-codetermination-est-une-idee-porteuse-d-avenir-qui-doit-trouver-sa-place-dans-la-loi_5196511_3232.html"><em>Le Monde</em></a> du 6 octobre 2017 a fait paraître un appel en faveur de la codétermination dans les entreprises, signé par 91 personnalités dont de nombreux universitaires. Il présente quatre atouts de la codétermination :</p>
<ul>
<li><p>les salariés participent aux choix stratégiques, donc aux décisions qui déterminent leur avenir, c’est juste ;</p></li>
<li><p>le Conseil d’administration bénéficie de sources d’informations complémentaires aux siennes, c’est efficace ;</p></li>
<li><p>les variables non financières et les impératifs de la responsabilité sociale de l’entreprise sont mieux pris en compte, c’est responsable ;</p></li>
<li><p>des efforts sont faits pour renforcer la compétitivité tout en tenant compte de la dimension humaine, cela dynamise la confiance et l’innovation.</p></li>
</ul>
<h2>Quatre domaines spécifiques</h2>
<p>Nos travaux de recherche sur les SCOP nous permettent aujourd’hui de mettre en évidence quatre domaines dans lesquels les SCOP se distinguent par des pratiques de GRH originales et caractéristiques du souci de codétermination.</p>
<ul>
<li><p><strong>Les rémunérations</strong> dans les SCOP sont faiblement incitatives, cependant les SCOP sont performantes et résilientes. Nous avons mobilisé la théorie de l’architecture organisationnelle (<a href="http://mcadams.posc.mu.edu/econ/Jensen,%2520Specific%2520and%2520General%2520Knowledge.pdf">Jensen et Meckling, 1992</a>) pour cette recherche et constaté que l’incitation est faible, la délégation est développée et le contrôle (troisième pilier de la TAO) est mal assumé, laissant la place à une confiance parfois un peu aveugle. La délégation joue donc un rôle fondamental dans les SCOP.</p></li>
<li><p><strong>Le recrutement</strong> est mené à partir de la recherche d’un équilibre entre les projets économique et sociopolitique de la SCOP, ce qui est caractéristique des organisations hybrides (<a href="https://www.researchgate.net/publication/259285229_Building_Sustainable_Hybrid_Organizations_The_Case_of_Commercial_Microfinance_Organizations">Battilana et Dorado, 2010</a>). Le couplage sélectif se révèle la meilleure solution pour régler les problèmes liés à la tension entre les deux objectifs.</p></li>
<li><p><strong>La gestion des effectifs et des emplois</strong> fait apparaître un mélange intéressant de sécurité des emplois et de flexibilité, que nous avons baptisé « sécuflexibilité ». La sécurité l’emporte sur la flexibilité, qui reste essentiellement interne. Nous faisons référence aux travaux d’un juriste (<a href="https://www.iea-nantes.fr/fichier/s_parasimple/96/parasimple_file_fr_publications_30nov2016.pdf">Supiot, 2002</a>) pour montrer que c’est l’équilibre délicat entre liberté (démocratie), sécurité (pérennité de l’emploi) et responsabilité (implication) qui assure la réussite de la « sécuflexibilité ».</p></li>
<li><p><strong>Les conventions de GRH</strong> (<a href="http://www.seuil.com/ouvrage/les-pratiques-de-gestion-des-ressources-humaines-francois-pichault/9782757834466">Pichault et Nizet, 2013</a>) nous amènent à constater que les SCOP se caractérisent par un mélange de pratiques délibératives (sur les rémunérations), discrétionnaires en période de tension (sur les effectifs et le recrutement) et souvent marquées par les valeurs de l’ESS (convention « valorielle »).</p></li>
</ul>
<p>En conclusion, nous pouvons nous référer à <a href="https://nrt.revues.org/2481">Bernoux</a> (2015) et son ouvrage « Mieux-être au travail : appropriation et reconnaissance » pour dire que l’appropriation du travail dans les SCOP est fondée sur la délégation, un équilibre entre liberté et responsabilité et des pratiques de GRH soumises à la délibération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Juban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelques caractéristiques de la GRH dans les SCOP, uns catégorie d’entreprises très particulière en ce domaine.Jean-Yves Juban, Professeur de Gestion, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/719172017-02-16T21:30:23Z2017-02-16T21:30:23ZLes bonnes raisons de créer ou rejoindre une SCOP<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157189/original/image-20170216-32718-1rnkx6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un exemple de SCOP : Ethiquable, coopérative de commerce équitable.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ethiquable.coop/sites/www.ethiquable.coop/files/dossier_de_presse_2014.pdf">Ethiquable</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans ses vœux pour 2017, la <a href="http://bit.ly/2kKuBkf">Confédération générale des SCOP</a> vise les 70 000 emplois. Avec l’engouement actuel pour les nouvelles formes d’économie collaborative, le secteur coopératif paraît avoir le <a href="http://projetscop.blogspot.fr/p/blog-page_3062.html">vent en poupe</a>. En 2015, 2 855 SCOP employaient 51 500 salariés. L’ampleur du phénomène ne <a href="http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/">peut donc être ignorée</a>. Mais qu’en est-il des forces et faiblesses de ce domaine d’activité si particulier ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157007/original/image-20170215-27406-ax4gl2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.les-scop.coop/export/sites/default/fr/_media/docs-presse/Dossier_de_presse_2016_-_juillet_2016.pdf">Source : Mouvement SCOP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les spécificités des SCOP</h2>
<p>La SCOP, <a href="http://www.les-scop.coop/sites/fr/">Société coopérative et participative</a>, est juridiquement une entreprise de type SA ou SARL (voire SAS mais rarement), dans laquelle les salariés sont également les associés de l’entreprise.</p>
<p>Les sociétés coopératives et participatives (SCOP) sont des sociétés commerciales qui vivent et se développent sur le secteur concurrentiel. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’activité (commerce, artisanat, services…).</p>
<p>Leur originalité : les salariés sont associés majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote. En Assemblée générale, les salariés associés décident ensemble des orientations à prendre et élisent leurs dirigeants selon le principe 1 personne = 1 voix, quelle que soit la part de capital détenue par chacun.</p>
<p>En matière de répartition des bénéfices, le résultat est partagé entre :</p>
<ul>
<li><p>les salariés, sous forme de complément de salaire, d’intéressement ou de participation : au moins 25 % du bénéfice,</p></li>
<li><p>les salariés associés, sous forme de dividendes : pour une part inférieure à celle des salariés,</p></li>
<li><p>les réserves de l’entreprise (la dotation aux réserves alimente ses fonds propres) : 15 % minimum (réserve légale).</p></li>
</ul>
<p>Les SCOP relèvent de l’économie sociale et solidaire et portent donc un double projet économique et social, qui peut recouvrir différents objectifs. On peut les qualifier de ce fait d’organisations hybrides (<a href="http://bit.ly/2l8u0dj">Juban, Charmettant, Magne, 2015</a>).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4QhR_wM0MXk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo scénarisée et conçue par la Scop francilienne Possum Interactive.</span></figcaption>
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<h2>L’originalité du statut des SCOP/statuts SA ou SARL</h2>
<p>En droit des sociétés, il est d’usage d’évoquer la formation d’un contrat de société. Dans le cas d’une SCOP, ce contrat existe mais prend une forme originale. Un SCOP peut être soit une SARL, une SA, dans la majorité des cas. De même, une des conditions de formation spécifique au contrat de société est l’engagement de chaque associé à s’impliquer dans les affaires sociales (notion d’<em>affectio societatis</em>). Cela semble particulièrement le cas des SCOP.</p>
<p>Au sein des entreprises « classiques », le régime social des dirigeants dépend du statut juridique. Les gérants majoritaires de SARL sont considérés comme TNS (travailleurs non salariés). Cela signifie qu’ils relèvent du Régime social des indépendants (RSI). Il en est de même pour les entrepreneurs individuels et l’associé unique d’EURL.</p>
<p>Les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL, les présidents et directeurs généraux de SA, les présidents de SAS sont quant à eux considérés comme des « assimilés-salariés » car ils bénéficient de la même protection sociale que les salariés, à l’exception de l’assurance chômage. Ils ne peuvent pas prétendre par ailleurs aux dispositions du droit du travail (par exemple des règles applicables en matière de licenciement ou des congés payés) au titre de <a href="https://www.afecreation.fr/">leur mandat social</a>.</p>
<p>Dans une Scop, tous les associés coopérateurs, y compris les dirigeants mandataires sociaux, ont la qualité de salarié (notamment au regard de l’assurance chômage), ce qui est un réel avantage.</p>
<p>Le nombre d’associés est de sept au minimum dans une SCOP SA et deux dans une SCOP SARL. Le capital est variable avec un minimum de 18 500 euros en SCOP SA alors qu’il n’est que de 30 euros (15 euros par associé) dans une SCOP SARL. Le Statut est donc très abordable pour les salariés. Les dirigeants sont élus pour quatre ans par les salariés. Il s’agit d’un fonctionnement atypique qui rappelle les règles de nomination des IRPs (instances représentatives du personnel) dans les entreprises « classiques ».</p>
<h2>Des objectifs sociaux</h2>
<p>Il convient de se poser la question sur l’objet financier propre à la formation des contrats de société, en ce qui concerne les SCOP. En effet, dans une entreprise classique, la volonté de s’associer rejoint le souhait d’un gain financier. Dans le cas des SCOP, le souhait de s’associer provient d’un souhait de maintenir l’activité, de partager une passion commune.</p>
<p>Parmi les objectifs de création des SCOP, on note l’insertion sociale comme celui de la <a href="http://bit.ly/2cnFRAo">SCOP Liesse en Normandie</a>, la reprise d’entreprise par les salariés suite au départ en retraite du dirigeant comme pour <a href="http://www.hisa.fr/">Hisa Ingénierie</a>, ou la reprise d’entreprise en <a href="http://bit.ly/2jKU0MH">difficulté par les salariés</a> (ex : SCOP SIC à Bolbec).</p>
<h2>Une nécessité de recruter des profils spécifiques : une difficulté</h2>
<p>Compte tenu du double projet économique et social des SCOP, les difficultés de recrutement sont réelles. Dans le cas des SCOP, l’enjeu du recrutement est particulièrement important dans la mesure où il n’existe pas d’individus « hybrides » (<a href="http://bit.ly/2kKf2Jt">Battilana et Lee, 2014</a>).</p>
<p>Le succès du recrutement reposera sur la mise en relation (attractivité) entre candidats et employeurs et le mode de sélection. La cooptation semble jouer un rôle crucial (<a href="http://bit.ly/2l8u0dj">Juban,Charmattant,Magne, 2015</a>). Développer un réseau, notamment entre dirigeants de SCOP, est donc vital.</p>
<p>Une autre solution est de recruter de jeunes diplômés sans expérience professionnelle antérieure dans une entreprise classique et leur faire ainsi découvrir l’environnement spécifique des SCOP. Enfin, la pratique du « couplage sélectif » (<a href="http://bit.ly/1OkfaGZ">Pache et Santos, 2013</a>) permet aussi, dans une SCOP avec une identité forte, de faire valoir tantôt la dimension sociale, tantôt la dimension des compétences professionnelles, en fonction de l’avancée dans le processus de recrutement.</p>
<p>Ainsi, on constate sur le terrain que les dirigeants de SCOP rencontrent des difficultés de recrutement. A contrario, plusieurs arguments peuvent être avancés par ces entreprises pour recruter des compétences :</p>
<ul>
<li><p>un statut privilégié pour le directeur ;</p></li>
<li><p>un fonctionnement démocratique ;</p></li>
<li><p>une participation équitable aux résultats ;</p></li>
<li><p>une liberté de prise de décision ;</p></li>
<li><p>un fonctionnement autonome, indépendant de toute maison mère ou fonds de pension.</p></li>
</ul>
<p>Enfin, les salariés des SCOP sont acteurs de la gestion de l’entreprise. À ce titre, ils deviennent aussi acteurs du recrutement des nouveaux collaborateurs. C’est là que réside toute la difficulté : recruter ses futurs collègues n’est pas chose aisée. Les nouveaux arrivants devront adhérer à un projet d’entreprise hybride, partager d’emblée des valeurs communes. La sélection va donc bien au delà de critères de compétences habituels. Le savoir-être sera au cœur de la sélection ! Rejoindre une SCOP, c’est un peu adopter une nouvelle famille !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au sein de l’économie sociale et solidaire, les SCOP ont une fonction sociale bien particulière, des règles spécifiques et des défis de recrutement.Virginie Hachard, Doyenne associée de la Faculté, Enseignant-chercheur en entrepreneuriat, Laboratoire Metis, EM NormandieCaroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines - Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/666482016-10-06T18:21:33Z2016-10-06T18:21:33ZUne Allemagne sans charbon en 2040, c’est mal parti pour l’instant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La centrale thermique allemande de Jänschwalde, l’une des plus grandes d’Europe et aussi l’une des plus polluantes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/uncloned/5700491446/in/photolist-9FFwEr-9FJvvh-9FFyFn-63EQ6S-aj7sc9-9G7s3E-9G4xcT-9G4wPa-9G4wmv-8LsHPo-5mm2Vj-5mgGEP-5mkXYh-5mgHiR-5mkYrW-5mm27j-8Losf8-5mgGnH-5mm2cu-5mgJTv-5mm111-5mgHwa-5mgKSg-5mgHqV-5mgGgP-5mm2v1-5mkYKC-5mgGcM-5mm16o-8LrvDW-5mgGzz-5mm1ru-5mgFX4-5mgJr4-5mgJHD-5zRjc3-5mm2i3-5zRjc7-5mm2ou-8LrvpY-5mm1hb-5mm1H5-5mkY4y-5mgJYi-5mm1Zf-5mgHe2-5mm1x9-8LosVK-5mkZHu-5mkZ7f/">Tobias Scheck/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La transition énergétique allemande – <em>« Energiewende »</em> – est à la croisée des chemins. C’est l’avis d’experts issus d’horizons très différents et porteurs de visions également très différentes, que ce soit sur les mérites de la sortie du nucléaire ou le développement à marche forcée des énergies renouvelables, les deux piliers de la transition « à l’allemande ».</p>
<p>De ce côté-ci du Rhin, on note ainsi la parution, fin août 2017, d’une <a href="http://www.strategie.gouv.fr/publications/transition-energetique-allemande-fin-ambitions">analyse de France Stratégie</a> intulée <em>Transition énergétique allemande : la fin des ambitions</em>.</p>
<p>Cette note pointe les difficultés rencontrées par Berlin en termes de financement des renouvelables, d’avancées en matière d’efficacité énergétique, de réduction des consommations de charbon et des émissions de gaz à effet de serre. Le texte souligne enfin les déséquilibres imposés par les énergies renouvelables allemandes au réseau électrique européen.</p>
<p>Outre-Rhin, Claudia Kemfert – économiste reconnue et très en faveur des fondamentaux de la politique énergétique allemande adoptée jusque-là – publiait, le 6 septembre 2017 dans <a href="https://www.nature.com/news/germany-must-go-back-to-its-low-carbon-future-1.22555"><em>Nature</em></a>, un article remarqué dont la première phrase donne le ton :</p>
<blockquote>
<p>« On a fait dérailler le train qui devait conduire l’Allemagne vers un futur bas carbone. »</p>
</blockquote>
<p>Selon Claudia Kemfert, il s’agit de remettre ce train sur les rails, en relançant les renouvelables, l’efficacité énergétique et en augmentant substantiellement l’effort de recherche et développement pour la transition énergétique. L’experte insiste sur la nécessité d’accélérer la sortie du charbon, condition absolue pour que l’Allemagne puisse tenir ses engagements en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (tant au niveau européen que dans le cadre de l’Accord de Paris).</p>
<p>Rien n’est donc acquis pour la transition allemande, encore plus dans le contexte actuel de redéfinition des alliances politiques à Berlin.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/140704/original/image-20161006-14713-1t2fgxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Développement des renouvelables dans la production d’électricité allemande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.erneuerbare-energien.de/EE/Redaktion/DE/Downloads/development-of-renewable-energy-sources-in-germany-2015.pdf?__blob=publicationFile&v=8;">www.erneuerbare-energien.de</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une transition en trois temps</h2>
<p>La sortie du charbon et du <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Lignite">lignite</a> constitue bien l’épreuve cruciale pour la transition allemande. Il sera en effet impossible d’atteindre les objectifs climatiques sans une « régression charbonnière » rapide, à l’image de celle que la <a href="http://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00201/la-derniere-remontee-du-puits-de-l-escarpelle.html">France</a> a connue dans les années 1960, au moment du tout pétrole.</p>
<p>La transition énergétique allemande <a href="https://www.cleanenergywire.org/factsheets/milestones-german-energiewende">s’inscrit</a> dans la profondeur historique et politique du pays.</p>
<p>Les années 1970-1980 sont celles de la contestation de la croissance et du mouvement antinucléaire, avec l’émergence du parti des Verts. Les années 1990 voient les premières politiques de développement des énergies renouvelables. En 1998, l’accession au pouvoir de la « coalition rouge-vert » marque, pour la première fois, l’inscription de l’objectif de sortie du nucléaire dans la politique énergétique.</p>
<p>Au fil des coalitions politiques qui se succèdent au pouvoir, l’idée s’est transmise par contagion, des Verts au SPD, puis du SPD à la CDU. Après la catastrophe de Fukushima en 2011, ce mot d’ordre de la sortie du nucléaire est retenu par Angela Merkel. La date de 2022 pour la fermeture des dernières centrales est fixée.</p>
<p>L’<em>Energiewende</em> se pense comme une fusée à trois étages : d’abord la sortie du nucléaire, puis le déploiement des énergies renouvelables, et enfin la régression du charbon et du lignite pour répondre aux impératifs climatiques. Aujourd’hui, seuls les deux premiers étages de la fusée ont été allumés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Angela Merkel : «Après la catastrophe de Fukushima, mon point de vue a changé» (Arte, 2011).</span></figcaption>
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<h2>Un puissant soutien de la population</h2>
<p>De fait, la sortie du nucléaire est en bonne voie, avec des changements massifs dans le « mix électrique » : depuis 2005, la production nucléaire est passée de 163 à 91 TWh, alors que celle des énergies renouvelables augmentait de 62 à 196 TWh.</p>
<p>Les succès remportés en matière d’énergies renouvelables sont incontestables, puisque pris ensemble, éolien, solaire, biomasse et hydraulique représentent maintenant 30 % de la production d’électricité en Allemagne (contre un peu <a href="http://www.rte-france.com/sites/default/files/panorama_enr20161231.pdf">moins de 20 %</a> pour la France en 2016).</p>
<p>Ce résultat a été notamment obtenu grâce à une politique généreuse de <a href="http://www.la-croix.com/Economie/L-Allemagne-reforme-sa-couteuse-transition-energetique-2014-02-09-1103640">prix garantis</a> pour le rachat de la production renouvelable, financé par les consommateurs domestiques. C’est aussi le cas en France avec la Contribution au service public de l’électricité <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-charges-de-service-public-de-l.html">(CSPE)</a>. Mais en Allemagne, cette contribution est plus élevée et représente aujourd’hui près de 25 % du prix moyen de l’électricité, qui s’élève à 30 ct/kWh, soit le double du prix français.</p>
<p>Vu de France, le plus extraordinaire est sans doute que, malgré ce prix élevé, la transition énergétique bénéficie d’un large soutien populaire ; plus de 90 % de la population la considèrent comme importante ou très importante, selon le laboratoire d’idées <a href="https://www.agora-energiewende.de/fr/">Agora</a>.</p>
<p>Cette adhésion s’explique d’une part par l’enracinement du sentiment antinucléaire dans de larges fractions de la société allemande, d’autre part par le fait que les énergies renouvelables sont avant tout perçues comme des énergies nationales.</p>
<p>Il faut ici rappeler que les capacités renouvelables sont à 55 % la propriété de particuliers, notamment à travers un ensemble de <a href="http://www.coopburo.be/fr/kalender/160317-coop-tour-duitsland-de-energietransitie-in-handen-van-burgercooperaties">coopératives citoyennes</a>, beaucoup plus nombreuses qu’en France.</p>
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<figcaption><span class="caption">La coopérative «Énergie citoyenne» de Berlin (Arte, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Des émissions qui ne baissent plus depuis 2009</h2>
<p>Sur le front des émissions de CO<sub>2</sub> du secteur énergétique, les résultats sont en revanche décevants. Après une réduction de 20 % dans la décennie de la réunification, les émissions ont encore baissé de 6 % au début des années 2000. Mais depuis, les émissions sont stables et l’objectif de réaliser -40 % d’émissions pour 2030 par rapport aux niveaux de 1990 semble compromis.</p>
<p>Deux facteurs expliquent cette longue pause : les émissions des autres secteurs ont légèrement augmenté ; ensuite, bien que la production d’électricité renouvelable ait plus que compensé la baisse du nucléaire dans la production d’électricité, de nombreuses centrales à gaz ont été remplacées par des centrales au charbon ou au lignite. Or celles-ci émettent au moins deux fois plus de CO<sub>2</sub> par kWh produit.</p>
<p>En raison du faible coût de ses centrales à charbon, anciennes et amorties, l’Allemagne est devenue le <a href="http://www.lesechos.fr/15/01/2014/LesEchos/21605-088-ECH_l-allemagne-exporte-de-plus-en-plus-d-electricite-vers-la-france.htm">premier exportateur européen</a> d’électricité… et largement d’électricité-charbon ! Face aux 30 % des renouvelables, l’ensemble charbon et lignite représente encore 42 % de l’électricité produite.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/140706/original/image-20161006-14713-x4aifx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mix électrique allemand en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://energytransition.de/2016/01/germany-is-20-years-away-from-100-percent-renewable-power-not/">AGEB</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais la transition connaît d’autres difficultés, qui expliquent largement la révision des politiques entreprise à l’été 2016 par Sigmar Gabriel, alors ministre de l’Industrie et de l’Énergie.</p>
<p>Elles tiennent en particulier à la question des <a href="http://www.bmwi.de/FR/Sujets/Energie/Reseaux-et-developpement-des-reseaux/les-reseaux-electriques-du-futur,did=656604.html">infrastructures de réseau</a> : la poursuite de la montée des renouvelables suppose d’acheminer vers le Sud du pays, consommateur, la production future des grands parcs éoliens offshore de la mer du Nord.</p>
<p>Or les décisions dans ce domaine se heurtent à de <a href="http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=allemagne-modernisation">fortes oppositions</a> et les équipements prennent du retard. Cela sans mentionner la situation difficile des plus grandes <a href="http://journal.ccas.fr/industrie-electrique-en-allemagne-et-transition-energetique/">compagnies électriques</a>, qui doivent assurer ces investissements, alors même que leurs marges sont laminées par la baisse des prix de gros sur le marché européen… Au mois de juin 2016, <em>Die Welt</em> <a href="https://www.welt.de/debatte/kommentare/article156130737/Energiewende-Das-Schlimmste-steht-uns-noch-bevor.html">titrait</a> : « Tournant énergétique, le pire est encore devant nous ».</p>
<h2>À quand la sortie du charbon ?</h2>
<p>La question se pose déjà concrètement et les contradictions apparaissent clairement dans le <a href="https://www.mckinsey.de/energiewendeindex">tableau de bord</a> de la transition.</p>
<p>Ainsi, la centrale de <a href="http://www.equaltimes.org/en-allemagne-la-difficile-sortie">Jänschwalde</a>, près de la frontière polonaise est, avec ses 3 000 MWe, l’une des plus grandes centrales d’Europe et aussi l’une des plus polluantes ; elle émet chaque année 26 MtCO2 (soit l’équivalent de 6,5 % de toutes les émissions énergétiques en France). Deux de ses six unités de production devraient être arrêtées en 2018-2019. Or cette centrale représente dans cette région 8 000 emplois directs et 9 000 emplois indirects ; les représentants des collectivités locales s’alarment de cette perspective.</p>
<p>Dans le même temps et dans la même région, des villages entiers disparaissent du fait de l’extension des mines de lignite à ciel ouvert. Pour résoudre ces difficultés, le gouvernement allemand a pour l’instant décidé d’indemniser massivement les entreprises : jusqu’à 1,6 milliard d’euros pour la centrale de Jänschwalde, par exemple.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mines de lignite : les contradictions du modèle écologique allemand (Euronews, 2015).</span></figcaption>
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<p>Un plan en onze points, proposé par le laboratoire d’idées <a href="https://www.agora-energiewende.de/en/topics/-agothem-/Produkt/produkt/265/How+Germany+can+successfully+exit+coal+by+2040/">Agora</a>, fournit les éléments pour des objectifs contraignants de sortie du charbon en 2040.</p>
<p>Il combine une feuille de route pour la fermeture des centrales à charbon ; l’interdiction des nouvelles mines de lignite et la création d’un fonds d’adaptation structurel pour la fermeture des mines existantes ; enfin, un volet économique et industriel pour limiter les impacts sur l’industrie allemande de la sortie du charbon. Mais c’est autour de cette question de la compétitivité industrielle que réside sans doute le talon d’Achille du modèle allemand de transition énergétique.</p>
<p>Jusqu’à aujourd’hui, les coûts ont été essentiellement supportés par les ménages, alors même que l’industrie était exonérée des surcoûts liés aux renouvelables. Les grandes industries ont même pu profiter de la baisse des prix de gros sur le marché européen.</p>
<p>Si, par son impact sur le budget de l’État ou par un renchérissement général des prix de l’électricité, la sortie du charbon devait remettre en cause la compétitivité industrielle, alors cela affecterait le cœur du modèle économique allemand. Et les conséquences politiques pourraient en être dévastatrices.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Patrick Criqui est membre du conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot.</span></em></p>Si la transition énergétique allemande est souvent donnée en exemple pour la sortie du nucléaire et l’essor des renouvelables, la fin du charbon est, elle, beaucoup plus problématique.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/541862016-02-09T05:48:45Z2016-02-09T05:48:45ZLa monnaie : l’impensé des recherches en économie sociale et solidaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/110784/original/image-20160209-12621-1hwwrpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'argent. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/40875537@N04/5659908590/in/photolist-9C9vCS-aFAPtx-9ZA9J6-cXNz15-68zxij-aFDkRt-aFDet2-bDwJ11-rAG5dm-bmm93i-55FLSR-bf3Nge-nQZguc-bu6sBd-8usD9K-657VsP-dmyfCP-snzzza-6oVWp-bbeUhH-61LYTT-brcZGM-8ismaU-qnZDsQ-aFB2Ba-4Kdou8-8HWvej-kyBTGB-bnFUG4-fKKcRD-knHgd-cEJ54Q-8ip6ZZ-cNdyo-9htwiK-fKuazu-bu6pKh-9FPrx5-bf3TAn-5z3f3L-bUVSpp-f54gtt-6c6Q6r-cEHZc1-9qRF8r-62LD8Z-9htwN2-9PSLHY-7987Vs-bH1gac">Aaron Patterson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La monnaie est le talon d’Achille de l’économie orthodoxe qui la considère comme un simple lubrifiant de l’échange marchand et non comme un bien désiré pour lui-même pouvant affecter profondément le fonctionnement de l’économie. Curieusement, les travaux sur l’<a href="http://www.alternatives-economiques.fr/la-definition-de-l-economie-sociale-et-solidaire_fr_art_350_27927.html">Économie sociale et solidaire</a> (ESS), pourtant très critiques vis-à-vis de la théorie orthodoxe, ne se penchent que très peu sur la monnaie alors que beaucoup d’initiatives solidaires sont consacrées à cette dernière.</p>
<p>Dans la théorie orthodoxe (néoclassique), notre économie se résume à une économie de marché, une économie d’échange. Dans une telle vision, la monnaie est une marchandise particulière qui a pour fonction première de faciliter les transactions. Pourtant, l’économie ne se résume pas à des transactions sur un marché. Avant d’échanger, il convient bien évidemment de produire. Or, au cours des siècles, le mode de production dominant a changé. Ainsi, depuis la révolution industrielle, nous sommes entrés dans une économie monétaire de production où les individus ne produisent généralement plus par et pour eux-mêmes, mais pour l’entreprise qui les emploie.</p>
<p>Dans cette économie, la monnaie n’est plus un simple lubrifiant de l’échange, mais le préalable à toute activité économique. En effet, l’entreprise doit être en mesure de faire l’avance salariale pour associer le facteur travail au facteur capital. Cette avance monétaire ne peut se faire sans l’entremise du système bancaire qui, seul, est en mesure de faire naître des unités monétaires dans l’acte d’octroi du crédit. Dans ce cadre, l’activité productive des individus est non seulement subordonnée aux décisions de production des entreprises, mais aussi aux décisions de financement des banques. Ces dernières sont assujetties à une logique de rentabilisation du capital qui les conduit à ne retenir que les productions financièrement viables. Cette logique capitaliste réduit la production à la création de marchandises, sans prise en considération de l’utilité sociale et de l’impact écologique de cette dernière.</p>
<p>C’est pourquoi, visant, au contraire, le renforcement de solidarités dans un environnement sain, l’<a href="http://www.atelier-idf.org/agir-ess/entreprendre-autrement-ess/initiez-vous-ess/economie-sociale-solidaire/">ESS</a> peut être vue comme une réaction aux maux engendrés par l’économie monétaire de production.</p>
<h2>Les initiatives monétaires de l’économie sociale</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle cette réaction va prendre <a href="http://www.cress-fc.org/index.php/economie-sociale-et-solidaire">plusieurs formes</a>.</p>
<ul>
<li><p>La forme des <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/histoire-des-banques-cooperatives_fr_art_223_31127.html">coopératives et des mutuelles bancaires</a> qui facilitent l’accès au crédit et à la monnaie aux indépendants (artisans, agriculteurs…) </p></li>
<li><p>La forme des coopératives de production qui dans la constitution d’un capital commun entendent échapper à la logique du profit au nom de la liberté productive.</p></li>
<li><p>La forme des mutuelles sociales visant la sécurisation de l’activité salariale.</p></li>
</ul>
<p>Le résultat de ces expériences est mitigé. En effet, elles sont bien à l’origine d’un usage alternatif de la monnaie. Le mouvement mutualiste est à l’origine de la reconnaissance de l’État providence qui revient à mettre en place un système de production sociale généralisé (soins, aide aux personnes…) échappant à la logique de rentabilisation du capital.</p>
<p>Ainsi, dans le cadre du système monétaire de production, une partie du financement, et donc de la création monétaire par les institutions monétaires, est affectée à la production de biens publics. Le mutualisme constitue donc le ferment d’un usage social de la monnaie qui trouve son apogée après-guerre avec la création de la Sécurité sociale. Cependant, l’alternative à la monnaie asservie au capital n’est que partiellement réussie. En effet, une bonne partie des <a href="http://base.socioeco.org/docs/histoire_ess.pdf">banques mutualistes</a> ont été rattrapées par la logique spéculative, le financement des projets de production de leurs sociétaires n’échappant pas à la règle de la rentabilisation capitaliste.</p>
<h2>Les initiatives monétaires de l’économie solidaire</h2>
<p>L’<a href="http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/terre/5-5-l-economie-solidaire/l-economie-solidaire-une-maniere.html">économie solidaire</a> qui se développe à la fin des années 70-80 constitue, elle aussi, une interrogation quant à l’économie monétaire de production et à l’usage de la monnaie assujetti à la logique de profit. Nous nous plaçons, ici, dans une période de remise en cause de l’État providence, de crise économique et de globalisation des marchés. La généralisation de la logique de marché, comme solution à la crise, s’accompagne d’un retour à l’hégémonie de l’économie monétaire de production. La société civile, confrontée à l’emprise croissante de logique de rentabilisation (délocalisation, individualisation, exclusion), réagit, de nouveau, par des pratiques cherchant à réinventer l’économie pour la rendre plus solidaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Monnaie locale nantaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/quartiercreation/8466252392/in/photolist-dU398p-dU8KNS-dU396R-dU39in-dU8KWh-dU8KVQ-dU396V-dU394r-dU394H-dU8KSQ-dU8KU3-dU8KVW-dU8KT1-dU3974-dU8KUb-eFmgAp-erF7Gs-bVdr1y">Quartie Création/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Parmi ces dernières, les <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-1-page-81.htm">systèmes d’échanges locaux</a>, les <a href="http://monnaie-locale-complementaire.net/">monnaies locales</a> et les <a href="http://www.accorderie.fr/">accorderies</a>, nous semblent particulièrement intéressantes. Car, au-delà des dispositions techniques et des règles de régulation qui diffèrent fortement d’une initiative à l’autre, on retrouve la même volonté : gérer démocratiquement la monnaie pour renforcer le lien social. Cette volonté pragmatique de maîtriser l’accès à la monnaie est une invitation pour les théoriciens de l’économie solidaire à se pencher sur le rôle de la monnaie comme levier ou frein à la transition vers une société postcapitaliste. En effet, il n’y aura pas de transition démocratique vers une société solidaire sans une réappropriation citoyenne généralisée du fait monétaire.</p>
<p>Passées ou actuelles, ces initiatives monétaires soulignent, en creux, un impensé des théories contemporaines de la recherche en ESS : l’accès à la monnaie comme préalable au développement d’une auto-organisation productive de la société civile et comme levier de changement de régime économique. Pas de société démocratique sans une théorie démocratique de la monnaie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les recherches sur la place de la monnaie dans l’économie capitaliste classique sont légion, celles sur son rôle dans l’économie sociale et solidaire sont encore trop peu nombreuses.Éric Dacheux, Professeur Information Communication , Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maitre de Conférences, Sciences Economiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.