tag:theconversation.com,2011:/au/topics/economie-francaise-20565/articleséconomie française – The Conversation2023-11-27T17:11:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2174012023-11-27T17:11:50Z2023-11-27T17:11:50ZÀ Mayotte, l’eau ne coule presque plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558789/original/file-20231110-26-gwxav0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Inscription "Eau secours" sur les murs d'une maison de Mayotte. </span> <span class="attribution"><span class="source">Clémentine Lehuger</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plus de deux mois, le département de Mayotte fait face à une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/30/avec-la-penurie-d-eau-mayotte-s-enfonce-dans-une-crise-hors-norme-ce-n-est-plus-vivable-les-nerfs-vont-lacher_6191776_823448.html">pénurie d’eau sans précédent</a>. Les conséquences pour la population sont extrêmement lourdes (restrictions dans les usages de l’eau, fermeture des écoles, non-potabilité de l’eau) – les habitants n’ont accès à l’eau potable que 16 heures tous les trois jours – et révèlent une nouvelle fois les inégalités d’accès aux services publics dont est victime ce territoire français de l’océan Indien.</p>
<h2>Une « crise de l’eau » aux facteurs multiples</h2>
<p>À Mayotte, le réseau d’eau potable dépend principalement de ce qu’on appelle « les eaux de surface » : venant des rivières et des deux retenues collinaires situées au nord et au centre de l’île. En temps normal, les pluies de la saison humide, qui s’étendent de novembre à avril, remplissent ces réserves et permettent d’assurer près de 80 % de la distribution d’eau. Les 20 % restants sont produits par l’usine de dessalement située en Petite-Terre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de Mayotte avec l’emplacement des deux retenues collinaires" src="https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561564/original/file-20231124-27-hphlbz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Emplacement des deux retenues collinaires de Mayotte.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Avec le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/environnement/video/a-mayotte-des-coupures-d-eau-deux-jours-sur-trois-la-secheresse-est-elle-la-seule-coupable-clx1_223038.html">dérèglement climatique</a>, les saisons des pluies raccourcissent, tandis que les phénomènes de sécheresse s’étendent et sont de plus en plus intenses. À l’heure actuelle les retenues sont presque vides : le dernier bulletin publié par les services de l’État indique un <a href="https://www.europe1.fr/societe/mayotte-les-ressources-en-eau-a-un-niveau-critique-4216252">taux de remplissage alarmant de 6 %</a>.</p>
<p>À ce facteur climatique qui fragilise déjà fortement les ressources en eau de ce territoire insulaire, s’ajoutent également les facteurs liés au développement de l’île. Ces dernières années, Mayotte a connu des transformations extrêmement rapides : développement des industries et des entreprises, <a href="https://old.lejournaldemayotte.fr/2014/12/08/consommation-mayotte-change-de-mode-vie/">changements des modes de vie et de consommation</a> qui ont fortement accentué les besoins en eau. Dans un département en pleine construction, le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/les-affaires-sont-en-bonne-sante-selon-l-iedom-1275084.html">développement du secteur du BTP</a>, qui consomme chaque jour 500 m<sup>3</sup> sur les 27 000 m<sup>3</sup> d’eau consommés par tout le territoire, pose aussi question dans ce contexte de raréfaction des ressources.</p>
<p>La <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/mayotte-plus-un-adulte-sur-deux-n-est-pas-ne-sur-ile/">croissance démographique</a> explique également que les infrastructures liées à la distribution d’eau, qui datent de la fin des années 1990, ne puissent plus subvenir aux besoins de la population, <a href="https://theconversation.com/graphiquement-votre-a-mayotte-la-population-a-quintuple-en-moins-de-40-ans-142788">deux fois plus nombreuse aujourd’hui</a>. Aussi, si la situation est présentée comme exceptionnelle, ce n’est pas la première crise de l’eau à laquelle ont fait face les habitants de Mayotte ces dernières années.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723632223075860619"}"></div></p>
<p>Depuis 2016, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/crise-eau-mayotte-173-millions-euros-engages-2017-plan-eau-507031.html">année d’une crise de l’eau elle aussi mémorable</a>, les services de l’État émettent des restrictions dans les usages de l’eau à chaque saison sèche. Suite à cette crise, <a href="https://www.mayotte.gouv.fr/Actualites/Communiques-de-presse/Communiques-de-presse-2022/Usine-de-dessalement-de-Petite-Terre">l’État a investi</a> pour tenter d’augmenter la production en eau potable de l’usine de dessalement dans le cadre du plan urgence eau de 2017. Mais les travaux réalisés dans l’urgence sur des infrastructures déjà fragilisées n’ont pas permis d’augmenter le volume d’eau produit. De nouveaux travaux ont été programmés face à la crise actuelle, avec un investissement de 4 millions d’euros de l’État, mais il faudra du temps avant que la population en ressente les bénéfices concrets.</p>
<h2>Le quotidien des Mahorais face aux « tours d’eau » et leurs aléas</h2>
<p>Pour faire face au manque d’eau, la préfecture de Mayotte met en place des « tours d’eau » : le territoire a été découpé en quatre secteurs, et l’eau y coule dans les robinets durant 18 heures avant d’être coupée pour 54 heures, selon un <a href="https://lejournaldemayotte.yt/2023/11/11/nouveau-planning-de-tours-deau-dans-la-continuite-du-precedent/">planning communiqué chaque semaine par les services de l’État</a>. Ce dispositif a été mis en place dès le mois d’août dans certaines zones de l’île afin de diminuer la consommation et le débit global. Concrètement, cela se traduit par des coupures d’eau et une eau du robinet impropre à la consommation au moment de sa remise en service. En effet, l’arrêt de la distribution de l’eau pendant 48 heures favorise le développement de bactéries dans le réseau qui risque de contaminer l’eau. Toutefois, ces plannings ne sont pas toujours respectés selon les habitants, l’eau revient parfois au milieu de la nuit ou seulement pour quelques heures. Cette désorganisation conduit certains habitants à laisser ouverts leurs robinets pour être sûrs de ne pas rater le retour de l’eau, en dépit du gaspillage que cela occasionne.</p>
<p>Les Mahorais s’organisent ainsi selon une mécanique qui, si elle semble bien huilée, n’en demeure pas moins très contraignante et anxiogène. Les « jours d’eau », il faut remplir les contenants pour les jours de coupure à venir : bouteilles en plastiques, sceaux, bassines, cuves. Tous les foyers s’adaptent afin de subvenir aux besoins d’hygiène : toilette, douche, lavage des mains, vaisselle. Certains habitants racontent avec honte les conditions d’hygiène qui se dégradent dans les foyers après des mois de restrictions. Certains jours, la recherche d’eau en bouteille dans les magasins de l’île s’apparente à une véritable traque, il faut parfois visiter trois ou quatre magasins avant de trouver de l’eau en bouteille. Certains jours, aucune eau n’est disponible.</p>
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<img alt="Rayon vide d’un magasin de Mayotte" src="https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558835/original/file-20231110-17-2jf6as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rayon vide d’un magasin de Mayotte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clémentine Lehuger</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La préfecture de Mayotte et l’Agence régionale de santé <a href="https://www.mayotte.ars.sante.fr/faq-penurie-deau-2023">préconisent de faire bouillir l’eau</a> afin d’éliminer les bactéries et la rendre potable. Cette solution agace, d’autant plus qu’elle vise les personnes les plus défavorisées qui n’ont pas accès à l’eau en bouteille, ni les moyens de faire bouillir et stocker l’eau. Acheter des bouteilles d’eau (trois fois plus chères qu’en métropole malgré le plafonnement par l’État) est un luxe dans un territoire où près de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4632225">80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté</a>.</p>
<p>Dans les quartiers qui concentrent les populations les plus précaires, des rampes d’eau potable ont été installées pour tenter d’endiguer le risque sanitaire qui plane sur cette crise de l’eau. Sur le bord des routes, de longues cohortes, généralement de femmes et d’enfants à pied, portent de lourds bidons d’eau.</p>
<h2>L’accès aux services publics à Mayotte : un enjeu qui ne date pas de la crise de l’eau</h2>
<p>L’accès aux soins et à l’éducation est un défi constant dans le <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/mayotte-departement-norme-de-republique-4-autres-infographies/00106801">département le plus pauvre de France</a>. Depuis le début de la crise, des <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/mayotte/reportage-je-suis-inquiet-pour-mes-enfants-a-mayotte-la-crise-de-l-eau-met-sous-pression-un-systeme-scolaire-deja-sature_6115035.html">écoles, collèges et lycées ont régulièrement dû fermer leurs portes</a>. Privés d’eau, les établissements scolaires ne pouvaient pas accueillir les élèves selon des conditions d’hygiène décentes. Dans le département qui accuse le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1291829">plus fort taux d’illettrisme</a> et le <a href="https://rers.depp.education.fr/data/commun/RERS.pdf">plus faible taux de réussite au baccalauréat</a>, la fermeture des établissements vient encore creuser ces inégalités.</p>
<p>Les services de santé étaient déjà <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte-des-soignants-en-renfort-face-a-un-manque-criant-de-medecins-1403518.html">à bout de souffle</a> avant la crise de l’eau du fait des difficultés de recrutement dans ce département qui peine à faire venir du personnel soignant qualifié malgré des besoins croissants. La concomitance de la crise de l’eau et de l’épidémie de gastro-entérite <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/crise-de-l-eau-a-mayotte-l-hopital-craint-une-vague-de-malades-1430057.html">a donné des sueurs froides aux services de santé du territoire</a>. D’après l’ARS, qui constate avec soulagement la décrue des cas de gastro-entérite, l’épidémie a été plus forte que les autres années du fait du manque d’accès à l’eau.</p>
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<figcaption><span class="caption">RFI, 20 septembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Quelle issue à cette crise ?</h2>
<p>Face à cette situation désastreuse en matière de santé publique, tout le monde craint le pire et se demande : dans le cas où les <a href="https://www.europe1.fr/societe/mayotte-les-ressources-en-eau-a-un-niveau-critique-4216252">perspectives météorologiques ne s’améliorent pas</a>, que se passera-t-il quand il n’y aura plus d’eau du tout ? Le ministre délégué aux Outre-mer a promis au début du mois de novembre que chaque habitant de Mayotte <a href="https://lejournaldemayotte.yt/2023/11/03/philippe-vigier-annonce-une-distribution-deau-en-bouteille-pour-tous-a-partir-du-20-novembre/">se verrait remettre une bouteille d’un litre d’eau par jour</a>, mais les services de l’État sur place s’interrogent quant à la faisabilité d’une distribution d’une telle ampleur.</p>
<p>Le port de Mayotte a une capacité d’accueil limitée pour recevoir les porte-conteneurs ; et avec quels véhicules seront acheminées ces millions de bouteilles d’eau ? Le concours de l’armée, s’il se révèle utile, tiendra les personnes en situation irrégulière <a href="https://www.unicef.fr/article/a-mayotte-lurgence-de-sanctuariser-un-acces-a-leau-potable-pour-tous-les-habitants/">éloignées de ces distributions, par crainte d’être contrôlées et expulsées</a>.</p>
<p>Quant aux conséquences de l’arrivée en masse de ces millions de bouteilles en plastique, les autorités ont bien conscience du désastre écologique que cela augure, dans cette île entourée d’un lagon fragile et déjà saturée par les ordures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémentine Lehuger a reçu des financements de :
Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Lab'ex TEPSIS</span></em></p>L’actuelle crise de l’eau à Mayotte révèle une fois de plus l’insuffisance du service public dans ce département d’outre-mer.Clémentine Lehuger, Docteure en science politique, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090762023-07-05T17:32:29Z2023-07-05T17:32:29ZPourquoi le retour des politiques d’austérité peut être souhaitable<p>Que le <a href="https://theconversation.com/topics/budget-21031">budget</a> 2024 permette de réaliser « au moins 10 milliards d’euros d’économie » comme l’affirme le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, la Cour des comptes semble en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/finances-publiques-la-cour-des-comptes-sceptique-sur-les-objectifs-du-gouvernement_6179760_823448.html">douter</a>. Hypothèses économiques trop optimistes, <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">rentrées fiscales</a> qui diminuent, besoin de financer une transition verte, les magistrats financiers estiment les efforts promis insuffisants.</p>
<p>Quand on se penche sur les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> de la <a href="https://theconversation.com/topics/economie-francaise-20565">France</a>, le premier constat est l’accroissement spectaculaire du <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/10_ECC/15_FIN">poids des dépenses dans le PIB</a>. Celui-ci est passé de 34,7 % en 1960 à 55,4 % en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19 et à 59 % en 2021, année de l’après-confinement.</p>
<p>Cette hausse s’est accompagnée d’une détérioration régulière du solde budgétaire. Les périodes fastes des cycles économiques n’ont que partiellement été mises à profit pour apurer la situation. Lors de la récession de 1993, le déficit culminait à -6,3 % du PIB. Le redressement qui suit le ramène à -1,3 % en 2000. Puis la récession de 2009 le fait plonger à -7,2 %. Lors du redressement cyclique postérieur, il n’est ramené qu’à un niveau de -2,3 % en 2018. En 2020, il atteint -9 % du PIB et il reste à – 4,7 % en 2022.</p>
<p><iframe id="yV3dD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yV3dD/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela semble traduire un refus implicite de la population d’accepter la vérité de la facture publique ou tout au moins un refus explicite du gouvernement de la mettre face à la réalité. La conséquence la plus tangible est que la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> ne cesse de s’accroître. Au premier trimestre 2023, elle a dépassé le seuil symbolique des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">3 000 milliards d’euros</a>, soit 112 % du PIB. Au moment de l’entrée en vigueur de l’euro en 2002, elle était à 936 milliards ; elle a plus que triplé depuis.</p>
<p><iframe id="osvoS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/osvoS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Le keynésianisme en échec</h2>
<p>Or cette accumulation de dette n’a pas eu les effets positifs attendus. L’ <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/multiplicateur-budgetaire/">« effet multiplicateur »</a> mis en avant par les théories keynésiennes qui associent déficit budgétaire et croissance économique ne paraît pas avoir agi. L’idée est, en théorie, la suivante : une augmentation de la dépense publique va stimuler la demande et par voie de conséquence la production ; les producteurs auront alors des revenus supplémentaires qu’ils pourront redistribuer, augmentant la demande et ainsi de suite. Le mécanisme génèrerait des impôts excédant le déficit initial.</p>
<p>Néanmoins, ce n’est pas ce que l’on observe empiriquement. Alors que la dette s’est accrue en moyenne de 5,7 % par an entre 2002 et 2022, la croissance moyenne en valeur du PIB n’a été que 2,5 %.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Sans doute la population a-t-elle compris qu’une hausse des dépenses publiques aujourd’hui devra être financée plus tard. S’en suit un réflexe d’épargne pour affronter cet avenir fiscal rendu incertain : mieux vaut avoir des provisions au moment où un effort sera demandé. Cela conduit à une augmentation du prix des actifs. Les bulles immobilières ou le retour en force de l’or en sont les traductions les plus manifestes. Le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830268">taux d’épargne des ménages</a> qui était de 14,5 % en 2003 est désormais de 18,3 %.</p>
<p>Ce mécanisme, appelé « équivalence ricardienne », a été mis en évidence en 1974 par l’économiste américain Robert Barro dans un article intitulé <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/Barro1974.pdf">« Are Government Bonds Net Wealth ? »</a>. Il y énonce le « théorème de Barro-Ricardo » indiquant que « la désépargne publique – c’est-à-dire le déficit budgétaire – engendre un surcroît équivalent d’épargne privée ». Il conduit à anticiper un multiplicateur keynésien égal à 0.</p>
<h2>« Robin des bois à l’envers »</h2>
<p>L’endettement public ne semble ainsi pas avoir l’impact positif que certains lui attribuent. Il n’est pas neutre pour autant et présente deux principaux inconvénients.</p>
<p>Le premier tient à l’égalité entre l’offre et la demande. Toute dépense publique non financée par un prélèvement sur la dépense privée augmente la demande. Si cette augmentation se pérennise, elle entraîne soit un apport d’offre extérieure, c’est-à-dire un creusement du déficit de la balance des paiements courants, soit une possibilité offerte au système productif d’augmenter ses prix, c’est-à-dire une relance de l’inflation.</p>
<p>En pratique, la France a plutôt accumulé les déficits extérieurs. Son <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tipsii10/default/table?lang=fr">avoir extérieur net</a>, c’est-à-dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l’étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, est de plus en plus négatif. Il est passé de – 40 milliards d’euros fin 2001 (2,7 % du PIB) à – 800 milliards fin 2021 (32 % du PIB). Cela induit une perte de souveraineté qui, bien que souvent ignorée, présente une menace sur la génération future.</p>
<p><iframe id="3OpQd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3OpQd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le second est que la dette publique s’avère un mécanisme anti-redistributif. On qualifie cette situation de « Robin Hood reversed », l’État jouant un rôle inverse de celui de Robin des Bois qui prend aux riches pour donner aux pauvres. Ici, l’ensemble de la population paie des impôts pour que l’État verse des intérêts aux détenteurs de titres publics qui comptent en général parmi les plus fortunés. Avec la hausse en cours des taux d’intérêt, ce mécanisme va s’accentuer.</p>
<p>À ces éléments on pourrait ajouter l’étouffement progressif des marges de manœuvre de l’État obligé de consacrer de plus en plus de moyens à payer des intérêts, la perturbation dans le financement de l’économie due à la ponction sur l’épargne opérée par l’État et la fragilisation de nos rapports avec nos partenaires européens due au non-respect des traités faisant de l’équilibre structurel la règle à respecter.</p>
<h2>Les politiques d’austérité sont-elles légitimes ?</h2>
<p>Faut-il alors en revenir aux politiques de rigueur ? Historiquement, c’est le premier ministre socialiste Pierre Mauroy qui introduit cette expression en mars 1983. Alors qu’il se voit reprocher d’abandonner les promesses de 1981 pour mener une politique identique à celle de Raymond Barre, son prédécesseur plus libéral, il prétend qu’il n’en est rien. Selon lui, « la rigueur, c’est l’austérité, plus l’espoir ».</p>
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<p>Pareilles mesures, autrement appelées d’« austérité » semblent s’imposer dans le contexte actuel. L’enjeu porte plus sur leur contenu que sur leur principe. En 2017, traçant les perspectives dans son document intitulé <a href="https://www.oecd.org/fr/innovation/47747305.pdf#page=16"><em>Des politiques meilleures pour une vie meilleure</em></a>, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« L’assainissement budgétaire – le processus indispensable consistant à retrouver la maîtrise des budgets publics – implique des choix politiques difficiles concernant les dépenses et les recettes publiques. Cela signifie passer en revue les systèmes de protection sociale pour éviter les gaspillages et renforcer les incitations à travailler, et réduire les salaires des fonctionnaires. »</p>
</blockquote>
<p>Ayant étudié les redressements budgétaires de 24 pays entre 1978 à 2002 dans ses « <em><a href="https://www.oecd-ilibrary.org/economics/data/perspectives-economiques-de-l-ocde-statistiques-et-projections/perspectives-economiques-de-l-ocde-no-78_data-00088-fr">perspectives économiques</a></em> » de 2005, soit 85 périodes d’assainissement, l’OCDE constatait la chose suivante : si, en général, l’assainissement ralentit la croissance à court terme, elle se redresse assez vite tandis que la croissance de long terme s’améliore. Deux cas sont particulièrement mis en avant dans l’étude : le Danemark entre 1983 et 1986 et l’Irlande en 1987 pour lesquels l’assainissement s’est même accompagné d’emblée d’une accélération de la croissance.</p>
<p>Une des raisons de leur réussite est que l’austérité a été associée à des mesures en faveur de l’investissement privé qui a pris le relais de la dépense publique. Cela fonctionne à trois conditions. D’abord, il faut éviter de pénaliser les entreprises en augmentant leurs impôts. Cela vaut même aujourd’hui au moment de faire de l’outil fiscal un vecteur privilégié de la transition écologique : on doit alléger leur fiscalité tout en la « verdissant ». Ensuite, il faut compter sur les effets ricardiens concernant les ménages dont la volonté de désépargne se manifestera dès qu’ils auront conscience des effets positifs de la politique suivie. Enfin, la volonté de mener une politique d’assainissement budgétaire doit être suffisamment claire pour que la double dynamique de l’investissement des entreprises et de la désépargne des ménages s’affirme pleinement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Daniel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dette publique ne semble pas stimuler la croissance alors qu’elle pèse sur les déficits extérieurs de la France et accentue pour partie les inégalités.Jean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1658342021-08-12T21:15:12Z2021-08-12T21:15:12ZLes défaillances d’entreprise, un risque finalement limité pour l’économie et les comptes publics<p>La crise, débutée en mars 2020 par le premier confinement, a entraîné une <a href="https://www.lepoint.fr/politique/le-pib-a-chute-de-8-en-2020-contre-les-8-2-annonces-28-05-2021-2428514_20.php">baisse du PIB de 8 % en 2020</a>. Cependant, l’arrêt de l’économie durant les différentes vagues n’a pas entraîné, comme on aurait pu s’y attendre, une hausse des défaillances d’entreprises, c’est-à-dire des situations où une unité légale, n’étant plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, se trouve en cessation et doit déposer son bilan, ce qui conduit à une procédure de redressement judiciaire (graphique 1).</p>
<p>Au contraire, le nombre d’entreprises faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire a <a href="https://www.banque-france.fr/statistiques/defaillances-dentreprises-avr-2021">diminué de 35 % en avril 2021</a> par rapport à avril 2020, selon la Banque de France. Au-delà de la fermeture des tribunaux de commerce durant la première vague, qui a ralenti le processus judiciaire, ce sont les aides de l’État qui ont fortement contribué au soutien des entreprises, comme le montre le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-mesures-de-soutien-financier-aux-entreprises-confrontees-0">rapport final</a> du comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises de France Stratégie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/415217/original/file-20210809-19-1g2l1yy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 1. La forte contraction du PIB n’a pas entraîné une hausse des défaillances d’entreprises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee (Comptes nationaux trimestriels) et Banque de France (Démographie d’entreprises)</span></span>
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</figure>
<p>Les mesures de soutien public ont permis d’alléger le coût du travail : ainsi, la mise en place du dispositif d’activité partielle a réduit la charge de la masse salariale des entreprises et des reports de dettes fiscales et sociales (à hauteur de 3,5 milliards d’euros) ont temporairement réduit leurs charges sociales.</p>
<h2>Un taux de refus limité</h2>
<p>L’État a, par ailleurs, instauré des dispositifs de soutien à la trésorerie. Le fonds de solidarité (32,2 milliards d’euros) a été renforcé et élargi afin de subventionner les frais fixes des entreprises. Enfin, le prêt garanti par l’État (PGE), dispositif le plus important (139,28 milliards d’euros), a été créé afin de permettre aux entreprises d’étaler le coût de la crise sur plusieurs exercices.</p>
<p>Ce prêt, qui est garanti par l’État à hauteur de 90 %, permet d’obtenir des taux d’intérêt avantageux et de soutenir le financement bancaire des entreprises. Sollicitée plus de 600 000 fois, cette aide a fait l’objet d’une sélection de la part des banques avec un taux de refus des demandes de PGE qui est certes <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-etape-coeure-avril_1.pdf">resté inférieur à 3 %</a> mais a pu limiter le surendettement des entreprises.</p>
<p>En moyenne, ce sont les entreprises ayant des niveaux d’endettement intermédiaires qui ont contracté ces prêts avec un taux de participation au dispositif PGE <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2021/04/evaluation-contrainte-entreprises-remboursement-prets-garantis-etat-avril-2021.pdf">proche de 40 %</a>, les plus endettées n’ayant pas alourdi leurs dettes via ce dispositif (leur taux de participation est près de deux fois plus faible).</p>
<p>En cas de défaut, les banques seront touchées. Cependant, le risque de crédit semble contenu. En effet, en septembre 2020, les PGE représentaient 6,4 % de la dette brute des sociétés non financières (SNF) et <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2020/10/27/820151_7_impact_crise_covid_octobre_ok.pdf">10,2 % de leurs crédits bancaires</a>, selon la Banque de France. Ces crédits de trésorerie ont donc soutenu les SNF mais ils représentent une part minime de leur dette et de leur capacité d’endettement.</p>
<p>Un accroissement significatif du risque de défaut des SNF n’est cependant pas exclu dans un futur proche. Pour estimer son ampleur potentielle, nous considérons deux scénarios alternatifs.</p>
<h2>Des pertes supportables</h2>
<p>Le premier scénario consiste à supposer que la probabilité de défaut des entreprises est égale à la part de prêts non performants dans l’ensemble des crédits. Ces prêts, correspondant aux créances douteuses dont le risque de défaut élevé constitue une fragilité dans les bilans bancaires, représentaient <a href="https://sdw.ecb.europa.eu/quickview.do?SERIES_KEY=359.CBD2.Q.FR.W0.11._Z._Z.A.F.I3632._Z._Z._Z._Z._Z._Z.PC">2,1 % de l’ensemble des crédits</a> au premier trimestre 2021, selon Eurostat.</p>
<p>Une telle probabilité de défaut de 2,1 % conduirait pour les banques à des pertes représentant 3,7 % de leurs fonds propres (tableau 1). Encore faut-il souligner que les pertes associées aux PGE ne représentent qu’une fraction très marginale de ce chiffre, correspondant à 0,04 % des fonds propres des banques. Selon ce scénario, le risque de défaut ne pèserait pas lourd non plus dans les dépenses publiques (0,4 %).</p>
<p>Le second scénario correspond à la probabilité de défaut de <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-583-notice.html">5,3 % retenue par le gouvernement</a> dans ses estimations. Les pertes des banques se monteraient alors à 9,2 % de leurs fonds propres (dont 0,1 % liés aux PGE), tandis que le coût pour l’État représenterait 1,1 % des dépenses publiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/415216/original/file-20210809-25-t3hji8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 1. Les risques de défaut ont un effet surmontable tant sur les dépenses de l’État que sur les fonds propres des banques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Quoique substantiels, ces montants de pertes restent tout à fait surmontables pour les banques comme pour l’État. Un diagnostic qui rejoint celui établi par Pierre-Olivier Gourinchas et ses co-auteurs dans une recherche récente. Selon ces économistes, les politiques d’aide aux entreprises mises en œuvre dans la plupart des pays <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/pandp.20211109">n’ont pas créé une « bombe à retardement »</a>. Les prêts associés arrivent à échéance, mais les défaillances d’entreprises restent modestes, de même que les coûts de ces politiques.</p>
<p>En somme, si la sortie de la crise économique et sanitaire se confirmait dans un avenir proche, ces évaluations montrent que les dispositifs d’aide aux entreprises auront rempli leur rôle avec succès, comme le conclut le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-mesures-de-soutien-financier-aux-entreprises-confrontees-0">rapport</a> de France Stratégie, limitant la destruction du tissu productif français, avec des effets d’aubaine modérés, sans exposer les banques et l’État à des risques de défaut excessifs.</p>
<hr>
<p><em>Sarah Nandnaba, élève fonctionnaire stagiaire à l’ENS Paris-Saclay, a co-rédigé cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erica Perego a reçu des financements de la Fondazione Cariplo, Italie en 2010. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabien Tripier a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p>Les fonds propres des banques et les dépenses de l’État rendent largement surmontables les défauts sur les prêts garantis par l’État, qui auront globalement rempli leur rôle avec succès.Erica Perego, Économiste, CEPIIFabien Tripier, Professeur à l'Université Paris-Saclay, Université d'Evry, Conseiller scientifique, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1400972020-06-09T18:05:43Z2020-06-09T18:05:43ZRelance économique : sommes-nous vraiment tous devenus keynésiens ?<p>Si la crise du Covid-19 a fait de nombreuses victimes, elle a aussi ressuscité le plus célèbre économiste du siècle dernier : John Maynard Keynes.</p>
<p>La doctrine du « <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/quoi-qu-il-en-coute-emmanuel-macron-lance-un-appel-general-a-la-mobilisation-contre-le-coronavirus_3863731.html">quoi qu’il en coûte</a> » énoncée par le président de la République Emmanuel Macron pour faire face à une crise sans précédent est révélatrice de ce moment keynésien : l’endettement massif de l’État pour relancer la machine économique constitue désormais la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/coronavirus-l-economiste-esther-duflo-encourage-la-depense-publique-843910.html">solution ultime privilégiée</a>, y compris <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/nicolas-bouzou-nous-sommes-tous-des-keynesiens_2126182.html">chez les économistes favorables à l’austérité budgétaire</a> avant mars 2020.</p>
<p>Une lecture attentive de ces réactions diverses nous invite cependant à faire preuve de circonspection quant à cette prétendue « <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/coronavirus-un-appel-a-nous-renouveler-1193149">revanche de Keynes</a> ».</p>
<h2>Une solution budgétaire qui s’impose</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339830/original/file-20200604-67364-10r4d3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’économiste anglais John Maynard Keynes en 1946.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:John_Maynard_Keynes.jpg">IMF/Wikimedia</a></span>
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<p>Tout d’abord, ce n’est pas la première fois que l’on nous fait le coup du moment keynésien. La dernière fois, c’était en 2009-2010 dans le sillage de la <a href="https://krugman.blogs.nytimes.com/2008/11/29/the-keynesian-moment/">crise financière globale</a>. Mais son effet a été très limité. Les éphémères politiques de relance ont vite cédé le pas aux politiques de « consolidation budgétaire » et Keynes est retourné dans les rayons de l’histoire de la pensée économique.</p>
<p>Ensuite, il faut se méfier du retour soudain et exalté à des penseurs défunts en période de crise. L’histoire des crises ne manque pas de « moment X » réhabilitant des auteurs du passé sans pour autant déboucher sur de véritables transformations, tant au niveau de l’action publique qu’au niveau de la recherche académique.</p>
<p>Le fameux « <a href="https://www.marianne.net/debattons/billets/banques-il-est-prudent-de-connaitre-le-moment-minsky">moment Minsky</a> », lors de la crise financière de 2008 a mis sur le devant de la scène cet économiste hétérodoxe oublié, car son analyse montrait parfaitement comment les cycles financiers pouvaient générer de l’instabilité et des crises financières. Dans les faits, aucune leçon n’en a été tirée pour mettre fin aux excès de la finance dérégulée.</p>
<p>Le retour du consensus keynésien révèle par ailleurs des postures bien distinctes. Certains économistes de la pensée économique dominante préconisent le retour de la politique budgétaire depuis la crise financière globale.</p>
<p>L’appel à une refonte de la macroéconomie par des économistes comme Oliver Blanchard, ancien chef économiste et directeur des études au Fonds monétaire international, ou encore par les prix « Nobel » Paul Krugman et Joseph Stiglitz, a permis de réhabiliter la théorie du <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/multiplicateur-budgetaire/">multiplicateur budgétaire</a>, selon laquelle l’argent public investi va générer des retombées supérieures aux sommes injectées. Rien d’incohérent donc à ce que ces économistes « pragmatiques » préconisent l’option budgétaire aujourd’hui. D’autres s’y rallient, car ils réalisent que la politique monétaire est insuffisante ou même <a href="https://theconversation.com/les-banques-centrales-prennent-le-risque-dune-zombification-de-leconomie-134594">inefficace</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Xavier Timbeau (OFCE) explique le multiplicateur budgétaire (La finance pour tous IEFP, 2017).</span></figcaption>
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<p>En revanche, le retour à Keynes est plus surprenant chez les « gardiens du temple » des politiques économiques de ces dernières années qui expliquent désormais qu’« <a href="https://www.tse-fr.eu/fr/leconomie-du-coronavirus-quelques-eclairages">il faut savoir être keynésien quand la situation l’impose</a> ».</p>
<p>Il s’agit là d’un keynésianisme de circonstances et réducteur, justifié par le fait que « <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/nicolas-bouzou-nous-sommes-tous-des-keynesiens_2126182.html">nous n’avons pas d’autres choix</a> ». Le registre de ce keynésianisme-là se rapproche plutôt de simples modalités de gestion de crise, pas d’une politique structurelle et de <a href="https://www.ecoactu.ma/deficit-redouane-taouil-inflation/">régulation de la demande</a>.</p>
<p>La référence à Keynes est donc lointaine et ne renvoie aucunement aux travaux de l’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-economie-post-keynesienne-collectif/9782021377880">école post-keynésienne</a> pourtant féconde, y compris en France, qui a su perpétuer et actualiser le message du maître de Cambridge. Pour Keynes et les post-keynésiens, la politique budgétaire ne peut être réduite à une politique de dernier recours. Surtout, l’œuvre de Keynes ne pourrait être réduite aux seuls déficits budgétaires.</p>
<h2>Combattre l’instabilité économique</h2>
<p>Puisque la référence à Keynes est abondamment mobilisée actuellement, demandons-nous comment les travaux de cet économiste de la première partie du XX<sup>e</sup> siècle peuvent nous être utiles aujourd’hui.</p>
<p>Quels sont les apports mobilisables pour poser les fondements d’un fonctionnement économique qui réponde aux grands enjeux contemporains, plein-emploi et transition écologique ? En d’autres termes, Keynes n’est-il utile que par sa justification d’une politique macroéconomique de soutien à la demande via la dépense publique et l’accroissement du déficit ?</p>
<p>Dans la pensée keynésienne, il y a la volonté d’identifier les sources de l’instabilité économique comme la volonté de les tarir. Keynes réfléchit au cadre institutionnel qui permettrait d’atteindre les objectifs retenus, notamment le plein-emploi.</p>
<p>Pour cela, il faut selon Keynes dompter la finance afin de stabiliser le financement de l’économie. C’est ainsi qu’il établit un plan pour construire le système monétaire international d’après-guerre, plan qui repose sur la création d’une monnaie supranationale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑François Ponsot : comprendre le projet d’ordre monétaire international de Keynes (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Si elle avait été retenue, cette proposition aurait permis non seulement de financer la reconstruction des pays détruits par la guerre, mais aussi de favoriser le développement économique des pays nouvellement indépendants.</p>
<p>La création de cette monnaie supranationale, et donc d’une banque centrale supranationale, rendrait pérenne l’accès au financement à l’échelle mondiale et permettrait de cloisonner les marchés financiers nationaux pour éviter les effets de contagion.</p>
<h2>S’attaquer à toutes les dimensions de la crise</h2>
<p>À l’ère de la globalisation financière et du risque systémique planétaire, une relecture de Keynes pour justifier les contrôles sur les flux de capitaux internationaux s’impose.</p>
<p>De plus, si on admet que la nécessaire transition écologique requiert des investissements massifs à l’échelle planétaire notamment pour permettre le découplage énergétique (par le développement des transports collectifs, la relocalisation de la production à proximité des lieux de consommation, l’isolation du bâti, la production énergétique décarbonée, etc.), il est nécessaire de penser les modalités de financement dans une perspective globale et de penser l’articulation des financements domestiques. C’est cette articulation à laquelle pensait Keynes à Bretton Woods.</p>
<p>Bien sûr, la pensée de Keynes s’attache à identifier des politiques économiques susceptibles de garantir le plein-emploi. Mais c’est Keynes aussi qui, dans son essai « <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-bibliotheque-ideale-de-leco/la-bibliotheque-ideale-de-leco-du-vendredi-07-septembre-2018">Lettre à nos petits-enfants</a> », prédit que la période historique d’accumulation intensive du capital sera inévitablement suivie d’une période de liberté, arrachée à l’impératif économique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339819/original/file-20200604-67368-1vt46h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lettre à nos petits-enfants, John Maynard Keynes (1930).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Les Liens Qui Liberent</span></span>
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<p>Optimiste, il estimait qu’« accumuler des richesses n’aura plus grande importance pour la société » ou que la semaine de travail hebdomadaire sera de 15 heures. Écrit en 1930, cet essai concernait la situation anticipée pour… 2030. Sur cette épineuse question du temps de travail, force est de constater que le message de Keynes <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/rebondir-face-au-covid-19-lenjeu-du-temps-de-travail">ne fait pas consensus</a> chez les économistes aujourd’hui.</p>
<p>C’est la leçon keynésienne pour 2020 : il reste nécessaire d’intégrer dans notre cadre de réflexion la répartition équitable des richesses, le plein-emploi, mais aussi la contrainte écologique et les effets dévastateurs sur le climat et l’environnement de notre mode de vie.</p>
<p>L’actualité de Keynes, ce n’est pas que le déficit dans l’urgence. C’est avant tout penser et organiser une société respectueuse des équilibres économiques, sociaux et environnementaux. Et là, nous ne sommes pas tous keynésiens…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140097/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonathan Marie est membre du collectif d'animation de l'association des Économistes atterrés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Ponsot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les travaux de l’économiste anglais, la politique budgétaire ne se réduit pas à un outil de dernier recours en période de crise.Jean-François Ponsot, Professeur des universités, Université Grenoble Alpes (UGA)Jonathan Marie, Maître de conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1270462019-11-20T22:40:12Z2019-11-20T22:40:12ZAssurance-vie : les épargnants français peu disposés à s’orienter vers les contrats plus risqués<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301796/original/file-20191114-26237-xge8b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C31%2C965%2C634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les épargnants français privilégient historiquement les produits financiers non risqués.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mintr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’assurance-vie est un service financier particulier dans le monde de la finance, dont la demande (souscription, variation des encours, résiliation), semble fortement liée aux perceptions, attentes et attitudes des consommateurs. Il s’agit du <a href="https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/publication-du-rapport-2017-de-lobservatoirede-lepargne-reglementee">placement préféré des Français</a>, représentant 39 % du total du patrimoine financier des ménages, avec <a href="https://www.ffa-assurance.fr/etudes-et-chiffres-cles/assurance-vie-collecte-nette-positive-en-septembre-2019">1 776 milliards d’euros d’encours</a> en septembre 2019 et <a href="https://www.ffa-assurance.fr/actualites/les-francais-et-assurance-vie-une-confiance-mutuelle-selon-une-etude-ipsos-ffa">54 millions de contrats souscrits</a>.</p>
<p>Il existe aujourd’hui plus de 500 contrats d’assurance-vie différents que l’on peut regrouper en deux grandes familles. Un souscripteur a la possibilité de choisir un contrat monosupport ou multisupport.</p>
<p>Les contrats monosupports, constitués de fonds en valeur (euros), sont des contrats où le souscripteur ne subit aucun risque. Le capital placé ne peut jamais diminuer : l’assureur s’engage sur un taux de revalorisation minimale chaque année, auquel il ajoute en fin d’exercice des « participations aux bénéfices ». Une fois crédités sur le compte de l’épargnant, les gains ne peuvent plus être remis en cause et ils profitent à leur tour des revalorisations annuelles. Les fonds sont souvent placés par les assureurs majoritairement en obligations (plus sûres) mais aussi en actions et en investissement immobilier non risqué.</p>
<h2>Les contrats risqués n’ont pas la cote</h2>
<p>Les contrats multisupports sont quant à eux plus risqués : ils comprennent en effet à la fois des fonds en valeur (euros) et des fonds en unités de compte (constitués de plusieurs compartiments d’investissements). Ces fonds unités de compte permettent aux assurés d’investir dans des produits financiers très variés. Dans des OPCVM – organismes de placement collectif en valeurs mobilières, c’est-à-dire des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ainsi que dans des Fonds Communs de Placement (FCP). La valeur de l’épargne évolue alors à un rythme identique à ces produits, à la hausse comme à la baisse.</p>
<p>Par exemple, alors que le rendement moyen des fonds en euros était de 1,8 % en 2018, le rendement des fonds en unités de compte a été <a href="https://www.cbanque.com/assurance-vie/actualites/73251/assurance-vie-un-rendement-moyen-de-1,8-en-2018-comme-en-2017">négatif avec -8,9 % sur la même période</a>.</p>
<p>La part des fonds en euros (non risqué) a toujours été majoritaire dans les encours totaux de l’assurance-vie. À la fin 2018, 72 % des fonds étaient en euros contre 28 % en unités de comptes et en fonds « euro croissance », un autre type de contrat lancé en 2014 qui constitue un compromis entre les fonds risqués et moins risqués.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ffa-assurance.fr/file/2738/download?token=FyfOIw6A">ffa-assurance.fr</a></span>
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<p>Les compagnies d’assurances veulent aujourd’hui inverser la tendance en <a href="https://votreargent.lexpress.fr/assurance-vie-pourquoi-et-comment-les-assureurs-vous-poussent-a-prendre-des-risques_1772461.html">poussant leurs clients</a> à opter pour les fonds en unités de compte qui sont plus rémunérateurs, surtout dans un contexte de taux bas voire négatifs, mais également plus risqués.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1184225407295471622"}"></div></p>
<p>Or, tout indique que les épargnants français risquent de ne pas les suivre. Tout d’abord, les consommateurs financiers sont plus thésauriseurs qu’investisseurs. Selon une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-lepargne-et-lassurance-vie">étude conjointe FFA-Ipsos</a> en 2017, 72 % d’entre eux préfèrent un risque zéro pour un rendement modéré (fonds en euros), 26 % sont prêts à prendre un risque léger pour un rendement supérieur (fonds « euro croissance ») et uniquement 2 % prendrait une forte prise de risque pour un rendement élevé (fonds en unités de compte).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-lepargne-et-lassurance-vie">Extrait de l’étude FFA-Ipsos « Les Français, l’épargne et l’assurance vie » (2017)</a></span>
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</figure>
<p>Mais, au-delà de cette traditionnelle aversion au risque, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214804319301351">recherches récentes</a> sur la demande en assurance-vie montrent que celle-ci dépend étroitement de la perception du contexte économique (plus que du contexte économique lui-même) des ménages.</p>
<p>Ainsi, entre 2009 et 2011, période de forte dégradation de la confiance des ménages, les épargnants se sont fortement tournés vers l’assurance-vie et plus particulièrement vers les fonds en euros. À l’inverse, entre 2013 et 2017, la hausse de la confiance des ménages a entraîné une moindre collecte de fonds, mais les épargnants ont privilégié les supports plus risqués en unités de compte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ffa-assurance.fr/file/2738/download?token=FyfOIw6A">ffa-assurance.fr</a></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Indicateur synthétique de confiance des ménages.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4178061#graphique-enquete-menages-g1-fr">Insee</a></span>
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<p>En étant plus méfiants et même défiants envers le contexte économique, les consommateurs financiers auraient tendance à vouloir se protéger d’un avenir incertain. A contrario, en ayant confiance envers la situation économique, ils voudraient profiter davantage en préférant investir ou dépenser leur revenu.</p>
<h2>Faisceau d’indices inquiétants</h2>
<p>C’est pourquoi le pari des assureurs de réorienter l’épargne vers des fonds plus risqués apparaît loin d’être gagné dans le contexte actuel. En effet, si la confiance des ménages n’apparaît pas à l’heure actuelle dégradée (elle s’est stabilisée depuis deux mois après plusieurs mois de hausse continue), la situation pourrait rapidement évoluer tant les signaux pouvant générer une méfiance envers l’avenir se multiplient.</p>
<p>Pour la première fois depuis 10 ans, de nombreux analystes prédisent par exemple une crise financière mondiale qui pourrait faire disparaître jusqu’à un <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/banques/un-tiers-des-banques-mondiales-pourrait-disparaitre-en-cas-de-choc-financier_680896">tiers des banques mondiales</a>. Les causes seraient diverses : l’endettement mondial des ménages qui équivaut à <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/la-crise-financiere-qui-vient-1137201">230 % du PIB</a> en 2018, la <a href="https://theconversation.com/lenseignement-prive-lucratif-premier-responsable-de-la-crise-de-la-dette-etudiante-americaine-114788">dette des étudiants américains</a> qui a atteint 1 605 milliards de dollars (soit le PIB de l’Espagne) ou encore la valorisation excessive des produits financiers américains avec des ratios cours/bénéfice <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-cinq-ingredients-qui-preparent-la-crise-de-2020-140865">supérieurs de 50 % à leur moyenne historique</a>.</p>
<p>La banque fédérale américaine a par ailleurs injecté <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/20/pourquoi-la-fed-injecte-des-liquidites-sur-les-marches-monetaires_6012374_3234.html">270 milliards de dollars de liquidités</a> en urgence dans l’économie sous forme de <a href="https://www.fimarkets.com/pages/repo.php">repo</a>, la semaine du 16 septembre 2019, ce qu’elle n’avait pas fait depuis la précédente crise des surprimes de 2008. On pourrait aussi ajouter à ce faisceau d’indices « l’inversion des taux » entre les bons du trésor américain à court et long terme, un signal que les analystes interprètent comme <a href="https://theconversation.com/la-radicale-incertitude-de-la-finance-mondiale-122065">avant-coureur d’une récession</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il est fort probable que les épargnants qui perçoivent cet environnement économique comme négatif et incertain souscriront à des contrats d’assurance-vie sans risque et préféreront des fonds en euros, au grand dam des assureurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les compagnies d’assurance poussent aujourd’hui les clients à opter pour des placements moins sûrs, mais la perception du contexte économique par les ménages complique cette stratégie.Samy Mansouri, Enseignant-chercheur, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1192392019-06-23T20:19:21Z2019-06-23T20:19:21ZAssurance-chômage, les discrètes manœuvres financières derrière la réforme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280674/original/file-20190621-61767-15ibhlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1001%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ministre du travail Muriel Penicaud (à gauche) et le premier ministre Édouard Philippe lors de l'annonce de la nouvelle réforme de l'assurance chômage, le 18 juin 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lucas Barioulet/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Sur le <a href="https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/muriel-penicaud-si-on-ne-fait-pas-d-economies-dans-10-ans-on-n-aura-plus-de-quoi-indemniser-les-chomeurs-1169449.html">plateau de BFM TV</a>, face à Jean‑Jacques Bourdin, la ministre du travail Muriel Pénicaud a déclaré le 19 juin : « Si on ne fait pas d’économies, dans 10 ans on n’aura plus de quoi indemniser les chômeurs ». Cette phrase-choc fait suite à <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/non-m-le-premier-ministre-le-chomage-ne-paye-jamais-plus-que-le-travail_5443218_3232.html">plusieurs discours approximatifs</a> qui ont pour objectif de légitimer un plan de réduction des droits des chômeurs (à hauteur de 3,4 milliards d’euros).</p>
<p>La réforme annoncée touche en effet en premier lieu les allocataires, alors que plus de la moitié des inscrits à Pôle emploi <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/chomeurs-indemnises-non-indemnises-2016-selon-categorie-nombre-montant-moyen-net-percu-euros-0110201780971.html">ne perçoivent déjà aucune indemnisation</a>. Elle rehausse de 4 à 6 mois de la durée minimale d’activité requise pour être indemnisé, dans les 24 derniers mois au lieu des 28 derniers mois. Par exemple, une personne qui a occupé un emploi entre janvier et mai 2017 ne pourra plus prétendre être indemnisée, bien qu’elle ait cotisé à l’assurance-chômage. La reprise d’un emploi de courte durée durant la période de chômage ne permettra plus de prolonger la durée d’indemnisation, sauf si le contrat excède 6 mois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1141237475249139713"}"></div></p>
<p>Autre mesure prévue : les indemnités-chômage seront <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/chomage-les-sept-changements-a-venir-expliques_2084796.html">comptées d’une nouvelle façon</a>. Au lieu de prendre les salaires journaliers en référence (multipliant les salaires perçus chaque jour de travail par le nombre de jours du mois, ce qui protège les personnes avec des contrats courts ou émiettés), le gouvernement entend prendre le salaire mensuel pour base (la moyenne des salaires par jour, en comptant les jours sans salaire).</p>
<p>Ainsi, une personne qui a travaillé 10 journées pour 500 euros, soit 50 euros quotidiens, est indemnisée sur la base des 50 euros multipliés par 30 jours dans le mois. Sa base fictive d’indemnisation est à 1 500 euros, pour une durée bien sûr très réduite. Désormais, elle touchera une allocation calculée à partir de 500 euros pour le mois entier, quel que soit le nombre de jours travaillés, c’est-à-dire divisée par trois.</p>
<p>Ces orientations sont rapportées par la ministre à un impératif budgétaire. Qu’en est-il vraiment ?</p>
<h2>Un rapport de force bouleversé</h2>
<p>Avant tout, qu’est-ce que l’assurance-chômage ? Il s’agit d’une institution qui récolte des fonds auprès d’actifs chaque mois, afin d’indemniser ceux qui ont perdu un emploi. À sa tête, l’Unédic assure la gestion quotidienne. L’assurance-chômage repose sur une logique de risque (chacun participe un peu au cas où il perdrait son emploi), de mutualisation (les secteurs en expansion aident les secteurs en difficulté), de contribution (le niveau d’indemnisation dépend des derniers salaires) et de redistribution (les faibles salaires sont mieux indemnisés que les hauts salaires).</p>
<p>L’allocation d’aide au retour à l’emploi n’est pas un secours payé par la collectivité aux chômeurs, mais un droit ouvert aux salariés une fois qu’ils ont mis une certaine somme au pot commun. En somme, c’est leur argent qui leur revient. Cependant, l’allocation médiane, c’est-à-dire que la moitié des chômeurs gagnent plus tandis que la moitié perçoivent moins, est de <a href="https://www.unedic.org/sites/default/files/2018-11/3%20-%20Les%20b%C3%A9n%C3%A9ficiaires%20de%20l%E2%80%99Assurance%20ch%C3%B4mage.pdf">950 euros</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1098736802087792642"}"></div></p>
<p>Les versements effectués aux chômeurs dans ce cadre proviennent de deux sources : la cotisation des employeurs prélevée sur les salaires (4,05 % du salaire brut) ainsi qu’une partie de la CSG activité (1,47 point). Cette dernière a remplacé au 1<sup>er</sup> janvier 2019 les cotisations salariées – à part pour quelques catégories comme les intermittents du spectacle ou les salariés monégasques. Le régime d’assurance-chômage est donc composé de flux financiers différents. L’un regroupe les cotisations patronales, assises sur les salaires. L’autre est voté chaque année par le parlement, via la loi de financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Cependant, le remplacement des cotisations salariées par la CSG a bouleversé le rapport de force : désormais, seuls les employeurs (qui acquittent les cotisations) et l’État (qui gère la CSG) ont leur mot à dire. Les représentants des salariés ont été <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-dialogue-social-a-la-peine-1029971">placés en marge du processus</a>. Le statut des chômeurs se joue donc désormais essentiellement entre les organisations patronales et le gouvernement. Cette réforme de l’assurance-chômage est d’ailleurs la première <a href="https://www.lepoint.fr/politique/assurance-chomage-le-gouvernement-devoile-une-vaste-reforme-deja-critiquee-18-06-2019-2319424_20.php">depuis 1982</a> à être intégralement décidée par l’État seul.</p>
<h2>Manœuvres financières</h2>
<p>L’Unédic est-elle donc en crise ? Pas du tout ! Sa situation financière est même plus qu’équilibrée, si l’on retient uniquement la tâche d’assurance. En effet, pour 2019, les bilans comptables prévoient 2 milliards d’euros de manque dans les caisses de l’Unédic. Mais précisons que cette dernière est contrainte de verser 10 % des cotisations recueillies à Pôle emploi pour des <a href="https://www.unedic.org/indemnisation/vos-questions-sur-indemnisation-assurance-chomage/quel-est-le-role-de-lunedic-par">frais de fonctionnement</a>. Cela représente plus de 3 milliards d’euros annuels, transférés de l’assurance-chômage à Pôle emploi (55 % des frais de fonctionnement de ce dernier – les salariés financent deux fois plus Pôle emploi que l’État).</p>
<p>Cela correspond aussi exactement au montant que le gouvernement entend faire supporter aux chômeurs. En conséquence, sans cette ponction discutable et indépendante des chômeurs, le budget est excédentaire d’1 milliard. Au bout du compte, l’ensemble des contributions d’actifs suffit à couvrir l’ensemble des indemnités versées aux chômeurs. Le régime contributif fonctionne et se finance seul. En cessant d’imputer le financement de Pôle emploi à l’assurance-chômage, il y aurait même assez de ressources pour verser une prime exceptionnelle de 150 euros à chacun des 6 millions d’inscrits.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’amélioration du solde de l’Assurance chômage confirme que l’équilibre de moyen terme est assuré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.unedic.org/espace-presse/actualites/lassurance-chomage-proche-de-lequilibre-en-2019">Unédic</a></span>
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</figure>
<p>Cette situation structurelle s’ajoute à des manœuvres financières plus discrètes, comme la substitution décalée de la CSG et des cotisations-chômage. Ainsi, en 2018, la hausse de la CSG sur tous les revenus a été décrétée au mois de janvier, alors que les cotisations chômage n’ont été baissées d’un montant comparable qu’en octobre. Ces neuf mois d’intervalle ont permis de lever près de 6 milliards d’euros… qui ont été soustraits à l’Unédic pour financer le budget étatique. Cela représente près du double de la somme annuelle que veut récupérer le gouvernement avec sa réforme !</p>
<p>Dans l’état actuel de ses prérogatives, l’Unédic connaît un déficit depuis 2008. La grande récession économique, suscitée par la crise bancaire privée, a durablement bloqué le niveau des emplois et les salaires, amputant des ressources. L’assurance-chômage est en effet cyclique : lorsque la situation de l’emploi est favorable, elle provisionne des excédents, tandis qu’elle subit des pertes lorsque la situation de l’emploi est défavorable. Contrairement à une idée reçue, elle n’est <a href="https://theconversation.com/reforme-de-lassurance-chomage-la-tentation-de-luniversalite-112083">pas spécialement généreuse</a> par rapport autres pays européens. En Belgique, en Italie, au Portugal, au Luxembourg, en Suisse ou en Allemagne (avec enfant), le montant d’indemnisation-chômage à l’inscription est plus élevé qu’en France.</p>
<h2>« Politique des caisses vides »</h2>
<p>L’invitation à couper dans l’indemnité des chômeurs est toutefois contradictoire. D’un côté, le gouvernement annonce la diminution à 8 % du taux de chômage (au sens du BIT). Comment peut-il simultanément agiter le spectre d’une dégradation des comptes de l’assurance-chômage, malgré un surcroît d’emplois et, donc, de financement ? Ce paradoxe est renchéri par les prévisionnistes de l’Unédic, qui jugent probable un retour à l’excédent <a href="https://www.unedic.org/espace-presse/actualites/avec-le-ralentissement-de-la-croissance-le-retour-aux-excedents-de">pour 2021</a>. Où est l’urgence à rogner les droits des allocataires ? S’agirait-il plutôt de profiter du déficit maintenant pour comprimer les revenus des chômeurs, avant tout retour à l’équilibre ?</p>
<p>D’autant que plusieurs mesures politiques récentes ont accru les difficultés de financement de l’assurance-chômage. D’abord, une « politique des caisses vides » a largement réduit les cotisations disponibles, en jouant sur deux leviers. D’une part, la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/fin-des-contrats-aides-quel-bilan-sur-l-emploi-761541.html">suppression des emplois aidés</a> et l’explosion du nombre de travailleurs français en <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/des-francais-travailleurs-detaches-en-france_1691663.html">situation de détachement</a> a réduit le nombre de cotisants, tandis que le recul de l’âge de la retraite a accru le nombre de chômeurs allocataires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1110588997544411137"}"></div></p>
<p>D’autre part, le <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/gel-du-point-d-indice-les-syndicats-decus-et-insatisfaits-142218">gel des salaires</a> dans la fonction publique (point d’indice) et le secteur privé (smic) ont bloqué le volume de cotisations. La facilitation du recours aux contrats hors CDI, via les ordonnances Pénicaud, est aussi venue renforcer les déséquilibres financiers de l’assurance-chômage. En 2015, les cotisations tirées d’emplois en CDI rapportaient <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/pourquoi-les-entreprises-privilegient-le-cdd-au-cdi-755885.html">29 milliards d’euros</a>, tandis que les chômeurs ayant perdu un CDI recevaient 19 milliards d’euros d’indemnisation. Le ratio s’inverse totalement pour les détenteurs de CDD ou d’intérim, qui reçoivent bien plus d’allocations qu’ils n’ont le temps d’en verser durant leurs emplois temporaires.</p>
<p>Dans ces conditions, la résilience de l’Unédic est plutôt flatteuse… et les mesures gouvernementales qui figurent dans la réforme pour tenter de juguler les contrats courts apparaissent non seulement contradictoires, mais légères. L’ajout d’une <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/bonus-malus-taxe-sur-les-cdd-d-usage-ce-qu-il-faut-retenir-des-annonces-du-gouvernement_2084758.html">taxe de 10 euros sur les CDD d’usage</a> ne représente jamais qu’une heure de smic brut en plus sur un contrat de plusieurs semaines… surtout avec l’exonération prévue de deux gros secteurs pourvoyeurs, le <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/06/20/assurance-chomage-pour-les-cdd-un-bonus-malus-surtout-symbolique_1735170">bâtiment et la santé</a>.</p>
<h2>Les profits du déficit</h2>
<p>De plus, les 3,4 milliards d’économies sur les chômeurs feront sans doute l’objet de vases communicants. Une partie des individus exclus de l’assurance-chômage s’adresseront aux départements ou au régime d’assistance pour faire valoir leur éligibilité à des prestations de survie. Alors que le nombre de chômeurs représente plus de 20 fois le nombre d’emplois disponibles, l’inéligibilité aux indemnités-chômage va les conduire soit à la paupérisation, soit à l’assistance publique, soit aux deux.</p>
<p>Mais le débat achoppe aussi sur la notion de déficit. Un déficit désigne une situation où les dépenses d’argent excèdent les recettes. Or, les discours publics actuels focalisent uniquement sur le volet « dépenses » (trop élevées), en oubliant le volet « recettes ». Pourtant, les cotisations patronales n’ont presque pas évolué depuis 2003, fixées alors à 4 % du salaire brut. Elles pourraient même baisser encore bientôt, puisque la <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2017/03/29/005-pour-tenter-de-sauver-la-gestion-paritaire-de-l-unedic">contribution patronale exceptionnelle</a> de 0,05 % instaurée en octobre 2017, est censée expirer avant le 30 septembre 2020. Les chômeurs paient-ils aujourd’hui un futur cadeau fiscal offert à certains employeurs ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1041838244105781248"}"></div></p>
<p>Les déficits de l’Unédic sont-ils un problème pour tout le monde ? Non, bien sûr. Au lieu de passer par la dette publique, l’Unédic a émis ses propres titres financiers afin de lever les fonds nécessaires dans les années de pénurie. Un montant de 35 milliards d’euros s’est ainsi accumulé, au terme de plusieurs années de crise de l’emploi. Forte de ce fonds, l’<a href="https://static.mediapart.fr/files/2018/04/30/audit-dette-assurance-chomage-2.pdf">Unédic est entrée sur les marchés financiers</a>. Dans ce système opaque, le directeur de l’Unédic lui-même explique ignorer <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/cr-soc/14-15/c1415043.pdf">« qui sont les vendeurs et les acheteurs »</a> des produits financiers.</p>
<p>Au bilan, certains ménages ou sociétés ont acheté de la dette Unédic et se sont enrichis par l’argent des cotisations sociales ou de la CSG, à hauteur de 400 millions d’euros annuels d’intérêts. C’est le cas de <a href="https://static.mediapart.fr/files/2018/04/30/audit-dette-assurance-chomage-2.pdf">Sicav-Fis</a>, fonds luxembourgeois qui détient environ 8 millions d’euros en titres de l’Unédic… et pratique l’optimisation fiscale dans son pays d’origine. L’assurance-chômage est donc aussi devenue un terrain d’investissement lucratif. Ce que les employeurs ne versent pas en cotisation est donc payé, au prix fort, sous forme de taux d’intérêt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119239/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de projets de recherche sur l'assurance-chômage, Hadrien Clouet a reçu des financements du CIERA et de Sciences Po pour des séjours de recherche.</span></em></p>Avec les mesures prévues, l’État transfère notamment sur les actifs le financement du fonctionnement de Pôle emploi.Hadrien Clouet, Chercheur postdoctorant, CENTRE DE SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS, associé au LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE POUR LA SOCIOLOGIE ECONOMIQUE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054022018-10-22T21:26:59Z2018-10-22T21:26:59ZTerritoires : ces entrepreneurs « capricieux » qui réussissent loin des métropoles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241626/original/file-20181022-105761-16yuy43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=241%2C0%2C689%2C334&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est un enfant du pays qui est à l'origine du Parc Naturopôle Nutrition Santé, à Saint-Bonnet-de-Rochefort, dans l'Allier.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.parc-naturopole.fr/upload/presse/presse_8.pdf">parc-naturopole.fr</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure des clusters et de la constitution de grands ensembles, sommes-nous condamnés à vivre dans un pays composé d’une poignée de grandes métropoles polluées et surpeuplées, entourées d’un grand « vide », faute d’emplois et de dynamisme ? Tout pourrait le laisser penser, surtout lorsque les élus locaux font de la question de l’attractivité territoriale leur Graal. Pourtant, et fort heureusement, des entrepreneurs « capricieux » décident de sortir de sentiers trop battus : ils s’installent en milieu rural… et réussissent. Ne faut-il pas voir en eux des aventuriers des temps modernes ?</p>
<h2>« Caprice entrepreneurial » ?</h2>
<p>Certains entrepreneurs démontrent avec succès qu’une activité peut être développée dans des environnements a priori peu favorables. Par exemple, les départements de l’Aveyron, du Lot, de la Corrèze ou du Cantal sont rarement cités autrement que pour moquer leur dimension rurale. Pourtant, c’est dans cette zone que se situe la <a href="https://www.mecanicvallee.com/qui-sommes-nous/">« Mecanic Vallée »</a>, regroupant quelques 210 entreprises pour 13 000 emplois !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=210%2C72%2C776%2C777&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241592/original/file-20181022-105764-zd1pf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus de 200 entreprises sont installées dans la « Mecanic Vallée », zone qui s’étend sur quatre départements ruraux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mecanicvallee.com">Mecanicvallee.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La ville de Montluçon, dans l’Allier, est peu réputée pour son tourisme haut de gamme. Mais c’est bien là qu’un hôtel quatre étoiles va ouvrir ses portes au printemps prochain, par la volonté (le rêve ?) d’un <a href="https://www.lamontagne.fr/montlucon/travaux-urbanisme/allier/2018/09/27/le-nouveau-proprietaire-du-chateau-saint-jean-a-montlucon-annonce-sa-reouverture-en-avril-prochain_12995271.html">entrepreneur en bâtiment du cru</a>, ayant fait fortune dans l’hôtellerie de luxe.</p>
<p>Personne ne connaît Saint-Bonnet-de-Rochefort, charmant village d’un peu plus de 600 âmes à une trentaine de kilomètres de Vichy. Cela n’a pas empêché un enfant du pays qui a développé, partant de rien, son entreprise de parapharmacie. Aujourd’hui, il existe même un <a href="http://www.parc-naturopole.fr/naturopole-entreprises.asp?reference=19">pôle d’excellence rurale</a> qui s’est constitué avec d’autres sociétés. À la clé, plusieurs centaines d’emplois…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/42oYDkzNAlw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation du Parc Naturopôle Nutrition Santé, à Saint-Bonnet-de-Rochefort dans l’Allier.</span></figcaption>
</figure>
<p>À Marciac, commune du Gers de 1 200 habitants, se déroule depuis 1978 un <a href="http://www.jazzinmarciac.com/">festival de jazz</a>, lancé à l’époque par une poignée d’amateurs et aujourd’hui réputé mondialement. Pourtant éloigné des grandes métropoles (Toulouse est à deux heures de voiture, Pau et Tarbes une heure à environ), le village attire chaque été 200 000 visiteurs et les plus grandes têtes d’affiche de la planète. Autour de ce Festival s’est créé tout un écosystème, et donc une activité économique : ouverture d’une nouvelle salle, « l’Astrada », qui propose des concerts toute l’année, ou encore mise en place d’une classe de collège supplémentaire avec cours de jazz en option.</p>
<p>Ces exemples montrent qu’il n’y a pas de fatalité et que la désertification vécue par une grande partie des territoires français n’est pas inéluctable (ce que montrent d’ailleurs les cas de plusieurs pays voisins).</p>
<p>Mais comment expliquer les décisions d’entreprises de s’installer sur un territoire réputé peu attractif, où les ressources et les compétences nécessaires au développement d’un projet ambitieux manquent a priori ? Nous pensons que ces choix entrepreneuriaux, sorte de <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-6-page-152.htm?1=1&DocId=322635&hits=6166+6152+6126+6123+6000+5380+5370+5176+4852+4701+4354+866+863+809+700+15">« caprice entrepreneurial »</a>, sont (à certaines conditions) parfaitement rationnels et conformes à un mode de raisonnement stratégique performant : aller là où les autres ne sont pas.</p>
<p>La philosophie asiatique enseigne que le « vide » exprime en réalité un potentiel de transformation qui ne demande qu’à se remplir. Pour ce qui est d’un territoire, « vide » est donc le contraire de « rien ». Les paysages naturels, les forêts, l’eau pure et l’air frais – autant d’éléments qui ont disparu dans les métropoles – mais aussi parfois les traditions ancestrales et les savoir-faire sont là perçus comme des opportunités.</p>
<h2>La dictature de l’attractivité</h2>
<p>Une vision radicalement différente de celle qui guide les débats et l’action publique. Une vision selon laquelle il y aurait les territoires gagnants, pour l’essentiel quelques grandes métropoles disposant de toutes les infrastructures et ressources qu’offre la modernité (transports, système de santé, éducation, nouvelles technologies, emplois, etc.), et les autres… Tous les autres : hameaux, bourgs, villages, villes petites et moyennes, qui se dévitalisent chaque jour un peu plus de façon apparemment inexorable, notamment sous l’effet de la transformation du modèle agricole qui a vidé les campagnes.</p>
<p>Un phénomène d’amplification de cet antagonisme semble même se produire, un peu à la manière du restaurant plein qui attire toujours plus de clients au détriment du restaurant voisin d’autant plus délaissé qu’il est déjà peu fréquenté. Avec, bien sûr, un cortège d’effets pervers pour des villes de plus en plus peuplées et déshumanisées : <a href="https://www.autoplus.fr/actualite/Embouteillage-Classement-Monde-Pollution-Retard-1513544.html">congestion</a> des axes de déplacements, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/pollution-respirer-dans-les-grandes-villes-equivaut-a-fumer-selon-une-etude_2890191.html">pollution de l’air</a>, <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/01/02/01016-20170102ARTFIG00290-decouvrez-la-carte-des-crimes-et-delits-en-france-et-dans-le-grand-paris.php">criminalité en hausse</a>, problèmes d’habitat, etc.</p>
<p>Pour les territoires de la « diagonale du vide » (opportunément rebaptisée <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/diagonale-faibles-densites">« diagonale »</a> des faibles densité)), les géographes, les économistes et les pouvoirs publics ont fourni de nombreux diagnostics et rapports, parfois assortis de quelques recommandations pour les redynamiser. Sans grands résultats jusqu’à présent. Il faut dire que le déséquilibre entre zones dotées très différemment en ressources nécessiterait une intervention massive de la puissance publique qui semble <a href="http://www.europe1.fr/economie/collectivites-la-baisse-des-dotations-a-mis-un-coup-darret-aux-depenses-locales-estime-la-cour-des-comptes-3763892">moins que jamais à l’ordre du jour</a>. Alors que faire ?</p>
<h2>Approcher les territoires par les entrepreneurs</h2>
<p>« La folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent », aurait dit Albert Einstein. Nous proposons donc de changer de perspective et de nous pencher sur les décisions de ces entrepreneurs et décideurs situés dans des zones perçues comme peu attractives. Nous pensons en effet que les sciences de gestion, qui se sont emparées relativement récemment de la question des territoires, permettent de l’éclairer sous un jour nouveau. C’est dans ce sens que vont les exemples, parmi ceux que nous avons cités en début d’article.</p>
<p>Bien au-delà de l’action publique, la réussite de ces initiatives se fonde surtout sur la personnalité des entrepreneurs, leur choix délibéré et stratégique de s’installer <a href="https://theconversation.com/ici-plutot-quailleurs-une-decision-strategique-pour-lentreprise-et-les-territoires-91272">ici plutôt qu’ailleurs</a>, ainsi que sur leur capacité à identifier des ressources disponibles et à <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-4-page-141.htm">construire des proximités activables</a>. Espérons que ce message apporte une petite contribution à l’idée d’un aménagement du territoire plus équilibré et durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105402/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le prisme du créateur d’entreprise offre une vision différente des territoires réputés peu attractifs et invite à repenser l’antagonisme entre métropoles dynamiques et monde rural.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche BSB, enseignant-chercheur en Stratégie et Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1003012018-07-22T22:44:22Z2018-07-22T22:44:22ZLa France championne du Monde du tourisme : une position et des retombées à relativiser<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228488/original/file-20180719-142438-8o01xw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C17%2C3829%2C2537&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Touristes sur un bateau-mouche parisien.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stignygaard/1243059402/in/photolist-2TR1fE-8EfH2M-SATkzN-SDkFWp-24iDiy3-9QeRyg-37YV6M-RAECdc-9QhEnY-9QeRg4-9QeRGR-bxrLcg-9QhFQo-9QhEw5-Ry84gq-9QeS9t-9QhFXS-9QePWH-dt9GSf-83sTs5-fhLEVB-7PUwgC-qnvDdD-SchrRB-9eh7jn-a3sGTb-oueV7q-ahw9bd-ahwe2U-9itZW6-ahwjT1-RAEAQx-9gYZPz-9QhF7G-SQCmda-SQCps6-Zwp5Pj-ZVseB9-27zwVBJ-dozL6Z-apPmWB-28HHyBg-9nWrAq-6mBCDk-ahwiWd-ahtAyp-24ABBDt-bjwTTs-23Fqztr-3kuyq">Stig Nygaard / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Souvent présentée comme la première destination touristique mondiale, la France confirme cette année encore son attractivité. Un possible « effet Coupe du Monde », un plus certain attrait lié à la diversité de notre littoral, de nos montagnes et de notre patrimoine culturel, vont continuer à faire de la France une destination prisée. Dans un tel contexte, l’objectif gouvernemental récemment réaffirmé d’atteindre la barre des 100 millions de touristes par an ne semble <a href="https://www.gouvernement.fr/action/la-strategie-pour-un-tourisme-francais-leader-mondial">pas irréaliste</a>. Faire d’une telle performance un levier de croissance majeur et un moyen de financer le déficit commercial l’est sans doute un peu plus.</p>
<h2>Le nombre de touristes : un critère à mettre en perspective</h2>
<p>Avec près de 90 millions de touristes accueillis l’an dernier, la France demeure en première position d’un classement mondial flatteur sur ce critère. L’Espagne, avec 82 millions de touristes et les États-Unis (76 millions) complètent un podium qui peut se révéler trompeur au regard d’autres critères pertinents.</p>
<p>Les recettes touristiques, mesurées sur la base de l’ensemble des chiffres d’affaires réalisés, constituent un critère lui aussi contestable mais qui a le mérite d’offrir une vision clairement différente : avec 54 milliards d’euros, la France apparaissait l’année dernière loin derrière les États-Unis (190 milliards d’euros) et l’Espagne (60 milliards).</p>
<p>Elle est même, selon ce critère, talonnée par la Chine et la Thaïlande qui connaissent actuellement des dynamiques plus fortes. Un tel écart s’explique par le fait que de nombreux voyageurs considérés comme des touristes ne font en réalité que passer ou qu’ils ne s’arrêtent que peu de temps.</p>
<p>La France n’apparaît ainsi qu’à la 17<sup>e</sup> place du classement fondé sur le chiffre d’affaires par touriste, très loin derrière la <a href="http://www.xerficanal-economie.com/emission/Alexandre-Mirlicourtois-L-imposture-de-la-France-n%C2%B01-du-tourisme-les-vrais-chiffres_3746097.html">Suède, leader sur ce critère.</a></p>
<h2>Une non-spécialisation évidente</h2>
<p>La place du tourisme dans l’économie française, bien que non-négligeable, témoigne d’une non-spécialisation qui explique également en partie le relativement faible chiffre d’affaires par touriste généré par un pays considéré comme leader mondial de cette industrie.</p>
<p>Les recettes touristiques françaises représentent à peine 2,3 % du PIB, contre 19,5 % pour… la Croatie, véritable championne du Monde sur ce critère. Bien sûr, il est possible de constater, derrière ce chiffre, la bonne santé et l’importante contribution au PIB de nombreux autres secteurs d’activités et partant, une dépendance au tourisme relativement faible et bienvenue. Les « meilleurs » sur ce critère sont d’ailleurs des pays qui cherchent, tout en exploitant leur potentiel touristique, à réduire une dépendance jugée trop forte (à côté de la Croatie, Chypre et Malte complètent un podium exclusivement composé de « petits » pays).</p>
<p>Il n’empêche que les recettes touristiques représentent 5,2 % du PIB en Espagne, pays qui a largement investi dans une montée en gamme contribuant à l’accueil de plus de touristes et à l’augmentation significative du chiffre d’affaires par touriste. Sans faire de l’hexagone un pur spécialiste du tourisme, il est donc possible de faire mieux que de surfer sur les attraits naturels et historiques du pays.</p>
<p>Réduire la déception des touristes constatant un décalage entre leur vision idéalisée de la France et la réalité (je pense ici notamment <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Paris">au syndrome de Paris</a>) pourrait être un objectif bienvenu et réaliste (puisque réussi par notre voisin espagnol).</p>
<h2>Financer le déficit commercial grâce au tourisme : un raisonnement dangereux</h2>
<p>Vouloir éponger le déficit commercial grâce au tourisme semble une stratégie douteuse. D’abord parce que le déficit commercial pose de réels défis industriels dont il importe d’avoir conscience et qu’il ne s’agit pas de dissimuler derrière les performances d’un secteur porteur.</p>
<p>Ensuite parce que les chiffres, comme nous avons pu le voir, ne disent pas tout. Dépasser la barre des 100 millions de touristes ne constitue sans doute pas l’objectif le plus pertinent à l’heure où la recherche de sens est de plus en plus réelle <a href="http://www.tourismesolidaire.org/actualites/2015-06-25/le-tourisme-en-quete-de-sens-exposition-votre-disposition">chez les voyageurs</a>. Succomber à la stratégie du chiffre s’avérerait sans doute à la fois difficile et dangereux du point de vue des résultats et de l’image du pays.</p>
<h2>Vers de nouvelles stratégies au niveau local</h2>
<p>Au-delà des objectifs nationaux, les véritables stratégies en matière de tourisme de forgent et se déclinent au niveau local, celui des territoires. Le concept de touristicité, récemment développé, apparaît, de ce point de vue très intéressant : il s’agit en effet de mesurer le potentiel touristique d’un territoire sur une échelle de 0 à 100 à travers quatre dimensions :</p>
<ul>
<li><p>L’accessibilité</p></li>
<li><p>L’attractivité</p></li>
<li><p>L’offre en tourisme de séjour</p></li>
<li><p>L’offre en <a href="http://www.offices-de-tourisme-de-france.org/actualites/touristicite-des-territoires-le-club-des-indicateurs-otf-est-sur-les-rails">tourisme d’excursion</a></p></li>
</ul>
<p>De plus en plus, afin de développer la touristicité, ce sont de véritables stratégies collectives que les acteurs locaux mettent en place, n’hésitant plus à collaborer en tant que concurrents et, partant, à se livrer à des stratégies de coopétition pour attirer ensemble davantage de touristes que chacun n’aurait pu le faire en jouant la carte de la concurrence entre sites.</p>
<p>La <a href="https://www.paris.fr/tourisme">Stratégie Tourisme 2022</a> de la Mairie de Paris semble également faire de la montée en gamme sa pierre angulaire. 59 actions apparaissent ainsi classées en quatre axes complémentaires :</p>
<ul>
<li><p>Des expériences uniques</p></li>
<li><p>Une ville bienveillante</p></li>
<li><p>Un tourisme durable</p></li>
<li><p>Une destination performante</p></li>
</ul>
<p>Ceci confirme bien, si besoin était, que c’est au niveau local que les solutions et les stratégies les plus pertinentes peuvent être déployées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/100301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France n’apparaît qu’à la 17ᵉ place du classement fondé sur le chiffre d’affaires par touriste. Analyse et pistes stratégiques.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894722018-01-09T20:27:04Z2018-01-09T20:27:04ZLa relocalisation industrielle en France : un retour vers le futur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200593/original/file-20180102-26163-69j84w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=106%2C46%2C1136%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Oeuvre de Fernand Léger (_Le Transport des forces_) sur les murs du Palais de la Découverte à Paris
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/14791183751/in/photolist-ox3FBv-5D8MmG-r96GRy-7VuTvx-6HykPf-deyWAj-bw6kW4-cc146m-6HugSc-FZf5XH-8mtEj5-877nkY-9QrrY9-anTz24-6JuPxV-qRKWHn-dStYcp-wcgD1F-P4GqDv-i6LEp6-jMmY8x-FNn6Lb-6zWEq8-a9ZeVZ-aa9egt-6HEzKG-FZf4fp-4Q6woh-cC9kfh-e5m8Yn-cF97jW-fGNSdc-5CRAQa-deyVAc-5pgdzS-bw6ksD-eQkey2-n4mXue-fGPjLM-5puxkP-fGNmTD-nTvs5v-gXKTzv-amPrQX-fH6ufN-n4mijt-deyFab-eQwLtb-9uLZE2-eR4mAC">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, on constate un retour en France de plusieurs industries qui s’étaient délocalisées dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est (beaucoup) plus faible. Même si cette tendance reste timide (d’ailleurs très peu de chiffres sont disponibles sur le sujet), plusieurs entreprises de renom ont fait le choix de relocaliser en totalité ou en partie leurs sites de production en France. C’est le cas par exemple du fabricant de skis <em>Rossignol</em> depuis 2010 ou plus récemment du fabricant de thés et infusions <em>Kusmi Tea</em>.</p>
<p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ? Voici quelques clés de compréhension.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dKOwTYilyNY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La colère des ouvrières de Lejaby face à la délocalisation de leur usine en Tunisie (L’Obs/Youtube).</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’industrie française face à la concurrence étrangère</h2>
<p>Alors qu’au milieu des années 1980, le poids du secteur industriel représentait encore 20 % du PIB français, celui-ci ne représente désormais plus que 12 % aujourd’hui. Ce <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/11/04/alerte-l-industrie-francaise-est-en-train-de-couler_4517794_3232.html">« décrochage industriel »</a> (pour reprendre le titre du livre d’Elie Cohen et de Pierre-André Buigues sorti en 2014) semblerait être un mouvement inéluctable, <a href="http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/11/11/competitivite-le-decrochage-francais-est-il-irreversible_5029377_1656968.html">voire irréversible si l’État ne décidait pas de rendre le pays beaucoup plus compétitif</a>. En effet, après les deux chocs pétroliers des années 1973 et 1979, la baisse du PIB français a coïncidé avec sa désindustrialisation, touchée de plein fouet par la hausse des frais de production (due à l’augmentation sensible du prix du pétrole). Parallèlement, l’économie française s’est sensiblement tertiarisée par une part de plus en plus importante des services marchands, une création massive d’emplois publics ou encore l’émergence d’une économie numérique (en lien avec l’avènement d’Internet).</p>
<p>Par ailleurs, l’émergence de pays en voie de développement a précipité le déclin de l’industrie française par le fait de nombreuses délocalisations dans ces « pays-ateliers » (Asie du Sud-Est, Maghreb, Europe de l’Est…). Le principal coupable désigné reste avant tout leur faible coût de la main-d’œuvre bien sûr, mais aussi – ironiquement – la stabilisation politique et/ou la pacification de ces pays qui ont créé des signaux favorables à l’accueil d’industries étrangères et aux investisseurs. La mondialisation a donc redessiné la géographie mondiale du travail et des innovations à partir des années 1980. Par conséquent, pour la France, l’impression est qu’elle semble avoir regardé venir et n’a pas su investir au moment voulu avec d’importants moyens dans des secteurs-clés, laissant donc filer certains de ses centres de productions à l’étranger.</p>
<p>Ne tirons pas à boulets rouges sur les délocalisations car elles sont parfois le seul moyen pour l’entreprise de pouvoir garder l’activité, d’exister sur le marché et de, pourquoi pas, ensuite revenir sur le territoire national.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La richesse des nations et leur insertion dans la mondialisation : l’un des classements possibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JP Bouron/geotheque.org</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pourquoi certaines industries décident de se relocaliser en France ?</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent ces mouvements de relocalisation industrielle et des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00517566/file/Grasland_Van_Hamme.pdf">études socio-économiques sur le sujet</a> montrent que ce n’est pas un simple schéma qui détermine la localisation de l’entreprise.</p>
<p>Nous avons parlé des coûts de la main-d’œuvre, mais ils sont désormais à relativiser et n’apparaissent pas comme le facteur numéro un d’une localisation. En effet, la main d’œuvre et son coût sont aujourd’hui englobés dans un format plus vaste qui inclue la formation, la qualification des salariés ou encore l’accessibilité de ceux-ci au bassin d’emplois. Et de ce point de vue, les atouts français en la matière sont intéressants et concourent à repositionner les stratégies d’entreprise qui peuvent bénéficier de l’arsenal de dispositifs pour une main d’œuvre, certes plus chères, mais plus qualifiée et pouvant répondre aux exigences sur les marchés. Par ailleurs, les <a href="https://www.lesechos.fr/03/11/2016/lesechos.fr/0211455369438_cette-nuit-en-asie---l-inexorable-ascension-de-la-classe-moyenne-chinoise.htm">revendications sociales et la récente montée d’une classe moyenne dans certains pays-ateliers comme la Chine</a> ont augmenté leurs coûts salariaux.</p>
<p>L’autre facteur explicatif concerne l’augmentation des coûts de transport due en partie à des prix du pétrole plus volatiles depuis la fin des années 2000. Produire loin de son marché privilégié de distribution et de vente n’est plus aussi rentable pour l’entreprise qui doit faire face à une diminution des gains et marges réalisés sur le coût de la main-d’œuvre. De plus, les crises financières et assurancielles qui ont touché l’ensemble de la planète depuis 2007 ont également entraîné des zones d’incertitudes sur certains marchés (comme en Asie) et sur les investissements à réaliser loin de ses bases.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Arnaud Montebourg chez Renault Cléon en 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Parti socialiste/Flickr</span></span>
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</figure>
<h2>Et le « Made in France » dans tout ça ?</h2>
<p>Ce sujet des relocalisations a été remis sur le devant de la scène en France lors de la mise en place en 2012 du Ministère du Redressement productif piloté par Arnaud Montebourg sous l’égide du gouvernement Ayrault. On a assisté alors à une communication offensive sur les avantages et les bienfaits du « Made in France », notamment par le <a href="http://lelab.europe1.fr/arnaud-montebourg-s-habille-en-mariniere-pour-louer-le-made-in-france-5283">ministre en question qui n’a pas hésité à faire la une du journal Le Parisien en marinière pour exprimer son soutien en faveur de ce label qui fabrique et conçoit en France</a>. Cette forme de patriotisme économique induit donc qu’il existe des dispositifs et mécanismes pour favoriser la production sur le territoire national et/ou son retour.</p>
<p>Le cas de l’entreprise Paraboot est intéressant de ce point de vue. Principale marque d’un groupe de fabrication de chaussures et de textile, Paraboot décide en 2014 de relocaliser une partie de sa production en Isère alors réalisée au Portugal (le reste est en Espagne et Italie). Dès lors, cette entreprise aspire à profiter un maximum de ce que le « Made in France » peut lui offrir en terme d’image, mais aussi pour reconcentrer du savoir-faire <a href="http://www.paysvoironnais.com/documents/Documents/ECONOMIE/Centr_Alp2.pdf">sur le territoire isérois et dans les ateliers de 11 000 m² flambants neufs du Centr’Alp’2</a>, tout proche des sites historiques de l’entreprise familiale. Cette dernière remarque n’est pas anodine car les industries ayant une longue tradition familiale sur un territoire particulier peuvent être tentées de repositionner leur production ou leur activité près de leur origine géographique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la répartition des pays d’origine des entreprises relocalisées en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France Culture</span></span>
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<h2>La relocalisation ou la revanche des territoires ?</h2>
<p>La question territoriale et plus particulièrement les aménités au développement (cadre de vie, activités culturelles et sportives…) sont souvent sous-estimées dans les facteurs explicatifs des choix de (-re) localisation des entreprises. Dans le cas de <em>Rossignol</em>, nul doute que ce qui a conduit au retour de la marque à Sallanches en Haute-Savoie correspond à des préoccupations d’image, de main-d’œuvre qualifiée pour de tels produits, voire d’accès plus direct au marché limitant les coûts de transports (l’entreprise avait délocalisé sa production à Taïwan). Aux yeux des consommateurs, un ski fabriqué dans les vallées des Alpes est gage de savoir-faire et de qualité, renvoyant à la culture locale de fabrication disposant d’un fort ancrage historique. En effet, le passé industriel des entreprises est un facteur important, surtout lors d’un repositionnement de marché ou des produits fabriqués en fonction des compétences recherchées.</p>
<p>En plus des aspects productifs et organisationnels, l’environnement économique de l’entreprise joue aussi beaucoup désormais. La politique française de soutien aux filières industrielles s’est renforcée depuis le milieu des années 2000 autour de dispositifs et structures tels que les clusters, grappes, pôle de compétitivité, ou encore les clubs d’entreprise, dans le but d’améliorer les liens entre entreprises ou bien l’accès aux financements. Cet environnement d’affaires et les proximités créées entre les entreprises permettent à celles-ci d’envisager des collaborations et des partenariats qui peuvent les conforter, voire les rassurer, dans leur « aventure » productive.</p>
<p>À l’heure actuelle, le phénomène de relocalisation reste très marginal et ne concerne finalement que très peu d’entreprises (92 entreprises relocalisées en France depuis 2008). En revanche, malgré ces signaux faibles, ce mouvement de relocalisation exprime sans aucun doute les recompositions de ce qu’appelle El Mouhoub Mouhoud <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/mondialisation-cartes-rebattues/00060358">« l’hyper-mondialisation »</a>. En effet, les chocs et crises combinés à des ralentissements dans le secteur du commerce mondial ont forcé certaines entreprises à se redéployer, à revoir leurs stratégies et à reconsidérer leur marché et leur périmètre d’action. Dans ce vaste mouvement, si certaines décident de se relocaliser en France, alors encourageons-les à revenir car ce ne sont pas les atouts qui manquent pour les recevoir à bras ouverts… L’emploi français en a besoin !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ?François Raulin, Ingénieur de recherche, Laboratoire Métis EM Normandie, EM NormandieFabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial et Economie régionale, EM Normandie,Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/534722016-01-22T05:57:12Z2016-01-22T05:57:12ZPour créer des emplois, que peut le politique quand seul le patronat décide ?<p>François Hollande, le 18 janvier au Conseil économique, social, environnemental (Cese), a semblé vouloir jouer son va-tout dans la bataille engagée depuis son élection contre le chômage de masse. Mais la critique qu’il a adressée au président du Medef Pierre Gataz, et à l’ensemble des employeurs, selon laquelle « le pacte de responsabilité a produit des résultats significatifs, mais encore insuffisants » est révélatrice d’une dure réalité pour les dirigeants politiques de tous bords : l’employeur-capitaliste est empereur en son royaume et le succès de l’action du législateur en matière de créations d’emplois demeure subordonnée à la liberté de choix de ces mêmes employeurs-capitalistes. Ce sont eux qui décident, in fine, de la réussite ou l’échec des politiques publiques et par là même de l’avenir des élus, tel un François Hollande ayant décidé de conditionner une nouvelle candidature à la présidence de la République à « l’inversion » de la courbe du chômage.</p>
<h2>Seuls les « décideurs » décident…</h2>
<p>« Ce sont les employeurs qui créent les emplois ». Cet énoncé, répété à satiété, autant par les organisations patronales que par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, est tout à fait juste dans le cadre de l’ordre productif capitaliste. Cela n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on désigne souvent les employeurs-capitalistes par le nom de « décideurs ». En effet, l’appropriation privative des moyens sociaux de production confère aux employeurs-capitalistes le monopole de la prise de décision légitime au sein de l’entreprise privée.</p>
<p>Il est aussi nécessaire de rappeler le rapport de subordination juridique permanent caractérisant la relation que les salariés entretiennent avec ceux qui achètent leur force de travail en contrepartie du versement d’un salaire mensuel. Une réalité floutée volontairement par les euphémisations de la « <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/novlangue_neoliberale/novlangue_neoliberale.html">novlangue néolibérale</a> ».</p>
<p>Absolument prédominants au sein de <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=1626">« l’ordre usinier »</a>, ce sont les employeurs-capitalistes qui possèdent l’autorité juridique suffisante pour prendre les décisions en matière d’emploi. Ainsi, les créations d’emplois, à l’instar des éventuelles destructions dans le cadre des restructurations, ne peuvent être en dernière instance que de leur seul fait.</p>
<p>Réside, ici, l’une des principales contradictions du régime capitaliste, comme l’avait rappelé Isaac Joshua dans son <a href="http://www.contretemps.eu/lectures/bonnes-feuilles-r%C3%A9volution-selon-karl-marx-isaac-johsua">dernier ouvrage</a> : d’un côté le caractère socialisé du travail salarié et de l’autre l’appropriation privée des moyens sociaux de production qui prive les salariés de la capacité de décider collectivement des choix concernant l’activité productive à laquelle ils prennent part. La prise de décision demeure de tout temps totalement privatisée. Ni les salariés et les organisations syndicales représentatives, ni l’État lui-même ne disposent de moyens juridiques suffisants pour imposer aux employeurs l’embauche d’un ou de plusieurs salariés.</p>
<p>Ces différentes entités n’ont pas vocation à se substituer à la prise de décision des employeurs. Les entreprises du secteur productif privé demeurent, en économie de marché, des agents économiques indépendants au sein desquelles le détenteur du capital exerce une souveraineté exclusive. Le secteur productif privé n’est pas la fonction publique qui elle, a contrario, demeure le domaine réservé du pouvoir exécutif sous le contrôle du pouvoir législatif censé ratifier les décisions en la matière. Aussi le gouvernement peut-il décider, dans le cadre du budget annuel, du nombre de postes de fonctionnaires nécessaires, en prenant en compte certains paramètres : déficits publics, exigences de tel corps d’agents de l’État, ou doléances des ministres.</p>
<h2>Des politiques publiques pour l’emploi…</h2>
<p>Alors, certes, le gouvernement a la possibilité de mener des politiques incitatives en matière d’emplois. Depuis plusieurs décennies elles consistent principalement à encourager l’embauche de nouveaux salariés par une politique de « modération salariale » et une réorganisation néolibérale du marché du travail. Cette dernière passe, par exemple, par une sécurisation juridique des procédures de licenciements afin que les employeurs-capitalistes n’aient plus peur d’embaucher.</p>
<p>A l’inverse, le pouvoir exécutif peut décider, en recourant aux recettes keynésiennes classiques, de privilégier la demande de consommation des ménages, notamment les plus modestes qui ont une proportion à consommer plus importante que les hauts revenus, afin d’augmenter la demande de production des entreprises et, ainsi, les inciter à recourir à une main-d’œuvre supplémentaire. Il peut également décider de réduire de plusieurs heures la durée légale du temps de travail que ce soit à l’échelle de la journée, de la semaine ou de l’année. Cette politique est censée conduire les employeurs-capitalistes, pour compenser cette diminution du temps de travail voulue par le législateur, à recourir à de nouvelles embauches. L’État peut tout autant mettre au point un système de bonus-malus pour pousser les entreprises à privilégier la transformation de leurs profits en investissements de capacité au lieu de rémunérer d’abord la prise de risque des actionnaires sous forme de dividendes.</p>
<h2>…mais des gouvernements toujours dépendants du patronat</h2>
<p>Toutefois, s’il est incontestable que « l’État ne peut pas rien » en matière de créations d’emplois dans le secteur productif privé, qu’il peut faire preuve de volontarisme pour inciter les employeurs-capitalistes à prendre des décisions dans le sens de davantage de créations d’emplois, il n’en demeure pas moins, comme l’avait reconnu lucidement le premier ministre de la gauche gouvernante Lionel Jospin, « <a href="http://www.liberation.fr/france/1999/09/17/la-faute-de-jospin-reveille-la-gauche-en-avouant-son-impuissance-face-aux-licenciements-le-premier-m_283702">qu’il ne faut pas tout attendre de l’État</a> » dans un régime capitaliste reposant sur la propriété privée et lucrative des moyens de production.</p>
<p>L’État ne peut pas se substituer aux employeurs-capitalistes et à l’unité de commandement existante au sein de l’entreprise capitaliste. Si les employeurs ne veulent pas embaucher parce qu’ils préfèrent arbitrer en faveur des dividendes, c’est-à-dire des profits improductifs, au détriment de l’emploi ou qu’ils décident de faire travailler davantage leurs salariés en recourant aux heures supplémentaires au lieu d’en embaucher de nouveau, personne n’y pourra rien. Le champ des possibles en politique économique s’arrête là où commence la propriété privée des moyens de production. Aussi le drame de l’État, c’est qu’il est en permanence soumit au bon vouloir du patronat. Aucune politique, aussi pro-business, aussi conforme fut-elle aux exigences des employeurs, ne saurait assurer a priori un quelconque succès dans la lutte contre le chômage de masse.</p>
<p>Le gouvernement socialiste, depuis qu’il est arrivé au pouvoir, est confronté à cette contradiction insoluble et indépassable. Même si depuis le début des années 1980 il a renoncé à tout « <a href="https://books.google.fr/books/about/Le_PS_du_projet_au_pouvoir.html?id=1IVVRPhm0csC&redir_esc=y">projet de transcendance sociale</a> », autrement dit à toute politique ayant pour finalité la remise en cause de la propriété capitaliste et l’abolition du salariat en tant que mode d’organisation du travail. Aujourd’hui, ce n’est pas tant le « mur de l’argent » qui se dresse devant le gouvernement de François Hollande, que celui de la propriété privée des moyens de productions. Il n’existe aucune échappatoire pour l’exécutif, qu’il fût de gauche ou de droite. Les politiques en faveur de l’emploi mises en œuvre, il ne reste plus au gouvernement en exercice que d’implorer les employeurs-capitalistes de jouer le jeu, d’être reconnaissant, d’avoir « un comportement civique », ou « responsable ».</p>
<h2>L’appel à la « reponsabilité » patronale</h2>
<p>Déjà au début des années 1980, dans le cadre de la « guerre au chômage » engagée par le gouvernement Mauroy, des responsables socialistes, tel le premier ministre lui-même, exhortaient les employeurs français de « Foncer ! De faire tourner les entreprises comme jadis on faisait tourner les moulins ». Lors du premier congrès PS post-présidentielle à Valence (21-23 octobre 1981) après avoir laissé Jean-Pierre Chevènement, rappeler qu’il n’était nullement dans les intentions du pouvoir socialiste de remettre en cause « le système d’économie de marché » et qu’il fallait ainsi tenir compte des « besoins, des contraintes, des sensibilités de ces entrepreneurs ou exploitants », ce même Pierre Mauroy déclara aux congressistes : « Nous attendons des entreprises françaises qu’elles investissent ».</p>
<p>En 2014, trente après, l’histoire semblait bégayer. En effet, après l’annonce par François Hollande de la mise en place du « pacte de responsabilité », le Medef promit au gouvernement qu’il n’aurait pas affaire à des ingrats et que le patronat saurait être digne de sa confiance, qu’il créerait jusqu’à « 1 million d’emplois ». Pour cela, il fallait simplement laisser le temps aux entreprises sinistrées de reconstituer leurs marges, de recouvrer une confiance dans leur écosystème, avant de pouvoir envisager de nouveaux investissements créateurs d’emplois. Mais une chose était certaine, les créations d’emplois allaient intervenir tôt au tard. Le plus tard possible en réalité, au risque de conforter l’idée, une fois de plus, selon laquelle le chômage de masse, c’est-à-dire le fait de disposer « d’une armée industrielle de réserve » est une nécessité économique pour le patronat et par là même un choix délibéré.</p>
<p>Mais comment le gouvernement pourrait-il sanctionner les employeurs-capitalistes pour leur refus d’embaucher, alors qu’ils en auraient les moyens ? Exiger un remboursement intégral des baisses de cotisations sociales ou des aides publiques octroyées généreusement par la région ? Augmenter brutalement l’impôt sur les sociétés ? Autant de mesures jugées contre-productives par les employeurs-capitalistes et qui n’auront d’autres effets, diront-ils, que de décourager les investissements censés permettre une diminution du chômage.</p>
<p>Alors que peut faire un gouvernement, en capitalisme concurrentiel, pour favoriser une création d’emplois suffisante pour absorber la demande de travail ? Des politiques néolibérales misant sur l’amélioration de l’offre, ou des politiques keynésiennes ayant pour finalité l’amélioration de la demande. Puis, bon gré mal gré, il lui faut laisser aux employeurs-capitalistes le soin de décider du futur de l’emploi en France. Et il en sera toujours ainsi… à moins qu’un gouvernement ose s’engager dans une « stratégie de rupture » avec le régime juridique de la propriété capitaliste pour qu’à terme les employeurs ne disposent plus seuls de la liberté de choix en matière de créations d’emplois. Par exemple, par la médiation d’une « planification autogestionnaire » articulée avec une nouvelle étape de réduction du temps de travail à l’échelle de la semaine, de l’année ou encore de la vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour créer de l’emploi en France, faut-il laisser le monopole de la prise de décision aux seuls employeurs-capitalistes ? Alors que le gouvernement lance un nouveau plan, la question peut se poser.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/526832016-01-03T16:19:50Z2016-01-03T16:19:50ZInnovation industrielle : la France progresse<p>On a longtemps vitupéré l’incapacité française à transformer une recherche publique de bon niveau en innovation et en valeur ajoutée industrielle. Ce cliché n’est-il pas dépassé ?</p>
<p>Longtemps les industriels français investissaient moins dans la R&D que leurs concurrents. On mettait notamment en cause une recherche publique moins ouverte qu’ailleurs au dialogue avec les entreprises et la frilosité de ces dernières. Divers mécanismes d’incitation tels qu’un crédit d’impôt recherche généreux, des pôles de compétitivité, les programmes d’investissement d’avenir étaient jugés coûteux ou décevants.</p>
<p>Plusieurs rapports récents montrent cependant des résultats encourageants, à la fois sur les performances des entreprises et sur la pertinence des politiques publiques destinées à les aider.</p>
<h2>Les entreprises françaises investissent dans l’innovation</h2>
<p>La dépense de recherche des entreprises sur le territoire français est en <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/flash/flash201505.pdf">forte progression</a>. Elle représente aujourd’hui 31 milliards d’euros, soit 1,46 % du PIB national. Elle est environ deux fois plus élevée que la dépense publique (organismes publics de recherche et établissements d’enseignement supérieur), malheureusement en partie parce que cette dernière a diminué (0,8 % du PIB aujourd’hui).</p>
<p>L’intensité de R&D dans l’industrie (pourcentage du chiffre d’affaires consacré à la R&D) est de <a href="http://observatoire-du-cir.fr/">7 %</a>. C’est moins que dans les pays scandinaves, mais plus qu’en Allemagne (6,5 %). Les effectifs de chercheurs dans le privé sont passés de 68 000 à 128 000 en 20 ans, tandis qu’ils n’augmentaient dans le public que de 75 000 à 100 000 (en équivalent temps plein, les enseignants-chercheurs étant comptés comme chercheurs à mi-temps).</p>
<p>Le nombre d’implantations de centres de R&D étrangers en France s’accroît fortement, en partie grâce à l’attractivité du crédit d’impôt recherche. Leur nombre oscillait entre 16 et 29 par an dans la période 2001-2008. Il <a href="http://sayouitofrance-innovation.com/?p=1544">fluctue entre 40 et 72 depuis</a>.</p>
<p>Ces chiffres agrégés ne prennent pas en compte la spécialisation industrielle défavorable de la France. En effet, certains secteurs comme la pharmacie font traditionnellement des efforts de R&D plus importants que d’autres comme l’agro-alimentaire. Or la France a quelques fleurons de haute technologie, mais beaucoup d’entreprises dans des secteurs peu technologiques. Si l’on corrige ces effets, on constate que dans un secteur donné, la France investit plutôt <a href="http://progettoegadi.enea.it/it/oecd-science-technology-and-industry-outlook-2014">plus que ses voisines</a>.</p>
<p>La France détient de belles positions dans des secteurs porteurs comme l’aéronautique, l’électronique embarquée et communicante. Cela se traduit par quelques grosses entreprises emblématiques comme Airbus, Safran, Thales ou Dassault Systems, mais aussi par de nombreuses start-up comme Criteo, Blablacar, Parrot, Withings ou Carmat. La French Tech fait particulièrement bonne figure au Consumer Electronic Show de Las Vegas dans le domaine des objets connectés.</p>
<p>La France commence à tenir une place honnête dans les classements internationaux. Deux des cinquante entreprises jugées les plus innovantes dans le « <a href="https://media-publications.bcg.com/MIC/BCG-Most-Innovative-Companies-2015-Nov-2015.pdf">BCG Top 50 innovators</a> » sont françaises (Axa et Renault) et 87 parmi le « <a href="http://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/global/Documents/Technology-Media-Telecommunications/gx-deloitte-tmt-emea-fast500-2015-rankings.pdf">Technology fast 500 EMEA</a> » de Deloitte (moins significatif, car il privilégie le taux de croissance mais prend en compte de très petites sociétés).</p>
<h2>Des politiques publiques patientes et pertinentes</h2>
<p>Même si le mérite de ces performances revient d’abord aux entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à oser l’innovation et à en maîtriser les processus, des politiques publiques leur ont facilité la tâche.</p>
<p>Ces politiques sont d’autant plus efficaces qu’elles sont menées avec persévérance et avec le souci de règles du jeu stables. Ce n’est pas toujours facile, car les attentes sont fortes et les évaluateurs très impatients, tandis que ces politiques n’ont des effets qu’à moyen et long terme.</p>
<p>On se félicite notamment de ce que le Crédit d’impôt recherche est resté stable depuis 2008 (avec un enrichissement récent de son assiette pour prendre en compte certaines dépenses d’innovation des PME). Les voix n’ont pas manqué pour dénoncer ce « cadeau aux entreprises » de 5,5 milliards d’euros par an. Or si les effets d’aubaine ont dominé les toutes premières années (l’augmentation de l’argent donné aux entreprises dépassait le supplément de dépenses de R&D qu’elles engageaient), ce n’est de loin plus le cas depuis 2011 (<a href="http://observatoire-du-cir.fr/">l’effet de levier était supérieur à 1,6 en 2013</a>). Et quand bien même l’effet ne serait pas très élevé, ne serait-il pas judicieux, pour faire évoluer favorablement la spécialisation industrielle de la France, de favoriser les entreprises qui investissent dans la R&D ?</p>
<p>On a beaucoup dit que le CIR était accaparé par les grandes entreprises, au détriment des PME et des ETI. Il est exact que les grands groupes font une grande partie de la recherche industrielle (61 %) et reçoivent donc beaucoup (46 % du CIR, soit 2,3 milliards), mais <a href="http://observatoire-du-cir.fr/">le CIR finance 32,5 % de la recherche des PME</a>, 21,2 % de celles des ETI et 13,7 % de celle des grandes entreprises.</p>
<p>Il est beaucoup trop tôt pour évaluer sérieusement les effets des pôles de compétitivité et des investissements d’avenir, mais tout laisse penser qu’ils seront très positifs, malgré les détournements d’une partie des sommes consacrées aux seconds (la Cour des comptes note qu’une partie de l’enveloppe a servi à débudgétiser des dépenses récurrentes ou déjà <a href="https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Le-programme-d-investissements-d-avenir">prévues de l’État</a> et une partie des sommes distribuées par l’ANR au titre des grands défis sociétaux sert en fait à pallier la stagnation ou la régression des budgets de certains organismes publics).</p>
<p>Il faut se résigner à la complexité de ces politiques : le soutien aux filières, à la diffusion des technologies génériques, à la R&D, à l’investissement industriel, au renforcement des synergies territoriales sont autant d’instruments complémentaires qui se renforcent mutuellement. Il faut comprendre que leurs effets sont visibles à long terme et encourager les pouvoirs publics à la patience et à la persévérance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52683/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil est délégué de La Fabrique de l'industrie et membre de l'Académie des technologies.
Il a présidé l'Observatoire des Sciences et des Techniques et dirigé l'Observatoire des pôles de compétitivité. Il anime le séminaire "Innovation" de l'Ecole de Paris du management.</span></em></p>Plusieurs rapports récents montrent que la France sait désormais mieux transformer ses dépenses de R&D en innovation et en valeur ajoutée.Thierry Weil, Professeur au centre d’économie industrielle ; membre de l'Académie des technologies, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/515352015-12-04T05:37:39Z2015-12-04T05:37:39ZInnovation : aux origines des succès français<p>Les groupes français figurent toujours en bonne place dans le fameux <a href="http://top100innovators.stateofinnovation.thomsonreuters.com/">Top 100 mondial de l’innovation</a>. Pas moins de 10 sociétés françaises font partie de ce classement établi mi-novembre par le cabinet américain Thomson Reuters, permettant à la France de conforter sa troisième place mondiale, loin derrière le Japon (40 entreprises !) et les États-Unis (35), mais assez loin également devant l’Allemagne (4), la Suisse et la Corée du Sud (3). Bien sûr, les critères utilisés pour de tels classements ne sont pas neutres. L’analyse de ces derniers plaide en faveur d’une relativisation de la performance décrite. Il n’en demeure pas moins que cette dernière s’avère bien réelle. Et que la performance française s’avérerait sans doute meilleure encore en intégrant la multitude de start-up pour lesquelles l’essai reste certes encore à transformer.</p>
<p><strong>La dimension internationale des brevets : un indicateur de base favorable au classement français</strong></p>
<p>Au-delà du nombre de brevets détenus, le classement tient compte de leur qualité, appréhendée via leur taux de succès, mais aussi de leur portée internationale (mesurée au travers des dépôts réalisés auprès des offices américains, japonais, européens et chinois) et de leur influence. Ces derniers critères ont largement pour effet de favoriser les groupes français, portés par leur présence internationale. La prise en compte des organismes de recherche publique a également pour effet de renforcer le poids de la France (le CNRS et le CEA font partie des 10 acteurs français de ce classement). Ces mêmes critères, pertinents mais restant discutables, expliquent que la Chine, pourtant premier déposant de brevets au monde, soit totalement absente du classement : seules 6 % des inventions chinoises aboutissent à un dépôt de brevet à l’étranger.</p>
<p><strong>Des secteurs aux dynamiques variées</strong></p>
<p>21 entreprises du classement officiaient dans l’électronique et les semi-conducteurs en 2014. Seules 12 sont issues de ces secteurs cette année. Le classement est donc très évolutif d’une année sur l’autre, comme en témoigne la sortie de 27 entreprises par rapport à 2014. Dans ce contexte, les entreprises françaises tirent bien leur épingle du jeu puisque 7 d’entre elles seulement étaient présentes dans le palmarès 2014 (ce qui constituait déjà une performance notable). La chimie est un secteur de plus en plus dynamique selon les critères observés puisque 12 entreprises appartiennent à ce secteur contre 6 l’année dernière. </p>
<p><strong>Une position solide et renforcée par la bonne santé de nos start-up</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/104248/original/image-20151203-22452-9jai7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mars 2015, Mobile World Congress, Barcelona.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/feuilllu/16124625354">Pierre Metivier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>La stabilité de la position française repose sur des groupes présents dans le classement, et c’est remarquable, depuis ses origines (2011). C’est le cas de cinq d’entre eux : Alcatel-Lucent, Arkema, le CNRS, le CEA et Saint-Gobain. Au-delà du dynamisme de nos grands groupes, relayé par celui de nos organismes de recherche publique, et bien que leur taille leur interdise l’accès à ce type de classement, nos start-up ne sont pas en reste. Leur visibilité dans les grandes manifestations internationales comme le <a href="http://www.01net.com/actualite/ces/">CES de Las Vegas</a> en atteste. 77 y étaient représentées, remportant au total 14 médailles, performance inégalée.</p>
<p><strong>Améliorer les relations entre les grandes entreprises et les start-up pour transformer l’essai</strong></p>
<p>En dépit des performances atteintes par nos grands groupes d’un côté et par nos start-up de l’autre, nos entreprises souffrent encore largement d’une difficulté à exploiter les brevets déposés. Nombre d’entre eux sont en effet rachetés et donnent lieu à des développements de produits à l’étranger. L’« orientation client », parfois décrite comme insuffisante au sein de nos entreprises, n’en constitue pas toujours la raison la plus prégnante. Les relations entre grands groupes et PME ou start-up méritent en effet une attention au moins aussi grande. S’il est souvent reproché à la France son manque d’ETI, la taille nous semble moins déterminante que la capacité de collaboration, entendue comme le savoir-faire dans la constitution de relations constructives et fertiles entre des entreprises de tailles différentes. </p>
<p>Les progrès récents en matière de délais de paiement prouvent, sur une donnée très simple, que les grands groupes comprennent de mieux en mieux les intérêts qu’ils ont à mieux collaborer avec leurs partenaires plus petits. Les efforts entrepris depuis des années en faveur de l’innovation collaborative, notamment portée par les <a href="http://competitivite.gouv.fr/">pôles de compétitivité</a> et les <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56375/instituts-de-recherche-technologique.html">IRT</a>vont également dans le bon sens et renforcent cette prise de conscience. De la qualité des relations à l’œuvre dépend directement la pérennité de ces dernières et la capacité à exploiter à plusieurs les pépites issues de nos start-up.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier est Professeur à Grenoble Ecole de Management et Directeur de la Recherche de l'IRIMA </span></em></p>Dix sociétés françaises figurent dans le Top 100 des entreprises innovantes dans le monde. Ce bon classement est à l’image de la dynamique du pays dans ce domaine. N’en déplaise aux Cassandre.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/490232015-10-14T04:36:35Z2015-10-14T04:36:35ZLe CICE, un objet fiscal mal identifié<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/98133/original/image-20151012-17849-yy2wfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jean Pisani-Ferry président du Comité de suivi du CICE présente le rapport 2015 le 22 septembre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.strategie.gouv.fr/presse/dossiers-de-presse/rapport-2015-cice">France Stratégie</a></span></figcaption></figure><p>Suite à la remise du Rapport Gallois sur le Pacte de Compétitivité pour l’industrie française, le <a href="http://www.economie.gouv.fr/pacte-responsabilite/cice/detail">Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi</a> (CICE) a été instauré par la loi du 29 décembre 2012. Alors que la création du CICE remonte à près de trois ans, que peut-on dire actuellement de la principale mesure fiscale, avec le Pacte de responsabilité, du quinquennat de François Hollande ?</p>
<h2>Un instrument fiscal hybride</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que le CICE est un <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31326">instrument fiscal hybride</a> dont le mode de calcul repose sur assiette salariale large (comprise entre 1 et 2,5 SMIC) de façon à alléger le coût du travail mais qui prend la forme d’un instrument fiscal qu’est le crédit d’impôt sur les bénéfices des sociétés. Le CICE permet à une entreprise de <a href="http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2015/09/22/le-cice-un-dispositif-entre-dans-les-moeurs-des-entreprises_4766665_3234.html">déduire de son impôt sur les bénéfices des sociétés</a> (IS) une somme égale 6 % des salaires bruts (hors cotisations sociales patronales) versés aux salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 2,5 fois le SMIC.</p>
<p>Le CICE, qui représente un montant de grande ampleur, 20 milliards d’euros en 2018, poursuit plusieurs objectifs simultanés. Selon la loi, il doit permettre aux entreprises de faire des « efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. »</p>
<p>Or, force est de constater que le CICE est très éloigné de la doctrine selon laquelle il doit y avoir un seul objectif par outil fiscal. Et si, bien sûr, en raison de son montant conséquent et de son ciblage jusqu’à 2,5 SMIC, couvrant plus de 80 % des salariés du secteur privé et 63 % de la masse salariale des entreprises, le CICE devrait avoir des effets diffus à la fois sur l’emploi, les salaires, l’investissement et la compétitivité, il est fort probable qu’il n’atteigne <a href="http://www.latribune.fr/economie/france/les-effets-du-cice-ne-sont-pas-vraiment-spectaculaires-507223.html">pas complètement un seul de ces objectifs</a>.</p>
<h2>Un effet sur l’emploi peu clair</h2>
<p>Tout d’abord, le CICE, ayant une base large et peu concentrée sur les bas salaires, aura un effet relativement faible sur l’emploi au regard de son montant. L’impact de la baisse du coût du travail est en effet d’autant plus fort qu’il est réalisé sur les bas salaires, avec un effet maximum autour du SMIC. La baisse du coût du travail jusqu’à 2,5 SMIC, niveau de salaire où le taux de chômage est faible, se traduira probablement par des hausses de revenu pour les salaires les plus élevés concernés par le dispositif.</p>
<p>Un argument avancé dans le Rapport Gallois était que réduire le coût du travail jusqu’à 2,5 SMIC permettrait de mieux cibler l’industrie, secteur exposé à la concurrence internationale, car les salaires versés y sont en moyenne supérieurs de 6 % à ceux de l’ensemble du secteur privé. Mais, si cet argument est juste en moyenne, il devient moins convaincant lorsqu’on mène une analyse fine des salaires par branche et taille d’entreprise. En effet, au sein de l’industrie, c’est uniquement dans les entreprises de plus de 1 000 salariés que les salaires y sont supérieurs aux autres secteurs. A l’inverse, dans les TPE, PME ou les ETI de moins de 1 000 salariés du secteur industriel, le niveau de salaire est inférieur à la moyenne du secteur privé.</p>
<h2>Quels salaires viser ?</h2>
<p>Ainsi, à enveloppe constante, plus les allègements de coût du travail seront ciblés sur des salaires élevés, plus ce sont les grandes entreprises qui en bénéficieront au détriment des PME. Or, pour les grands groupes industriels, il semble plus efficace d’améliorer l’attractivité du territoire en réduisant la fiscalité du capital plutôt que d’abaisser le coût du travail des salariés les plus qualifiés.</p>
<p>Ainsi, pour favoriser l’emploi, il aurait été plus judicieux de consacrer une partie de l’enveloppe CICE à un allègement plus conséquent sur les bas salaires en abaissant le plafond des salaires éligibles. Et utiliser le reste de l’enveloppe afin d’améliorer la compétitivité hors coût des entreprises et de mieux cibler l’industrie, secteur le plus exposé à la concurrence internationale : pour cela, il aurait fallu conditionner le CICE à un certain type d’investissement, tel que les dépenses d’investissement en machines et équipement, les dépenses d’innovation, les dépenses liées aux économies d’énergie… En effet, ce type d’investissement, avec la R&D, sont ceux qui permettent aux entreprises d’améliorer leur compétitivité hors coût et l’industrie y consacre, au regard de son poids dans l’économie, une part plus importante que les autres secteurs.</p>
<h2>Mieux gérer ce crédit d’impôt</h2>
<p>Enfin, le CICE est encore dans sa phase de montée en charge et n’a pas atteint son régime de croisière. Il se caractérise actuellement par un écart conséquent entre la créance des entreprises liée au CICE et leur consommation effective, c’est-à-dire l’imputation ou la restitution de l’impôt dû au titre des bénéfices sur les sociétés (IS). Or, selon le dernier <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/cice_21_09_web.pdf">Rapport du Comité de suivi pour le CICE</a>, la créance des entreprises sur l’État liée au CICE serait de 17,3 milliards en 2015 (18,5 milliards en 2016) mais sa consommation effective serait de « seulement » 12,5 milliards (13 milliards en 2016), soit un écart d’environ 5 à 5,5 milliards en 2015 et 2016.</p>
<p>Cette différence importante entre la créance et la consommation effective s’explique principalement par le fait que lorsqu’une entreprise déclare des pertes ou des bénéfices faibles, et que par conséquent le crédit d’impôt est supérieur à l’IS, l’État ne lui reverse pas immédiatement la différence à l’exception de certaines entreprises (PME, jeunes entreprises innovantes…). Cette somme devient alors une créance que l’entreprise détient sur l’État, et qui pourra être déduite de l’IS de l’année suivante. Ce report est possible trois années de suite. Si au terme de la troisième année, l’IS de l’entreprise est toujours trop faible pour absorber les créances cumulées au titre du CICE, celles-ci sont restituées par l’État. </p>
<p>Ainsi, en raison actuellement de la faiblesse chronique des bénéfices des sociétés d’un grand nombre d’entreprises, et donc de l’IS, celles-ci accumulent des créances à faire valoir plus tard, sans bénéficier aujourd’hui du CICE. Par conséquent, les entreprises de plus de 250 salariés qui ne font pas de bénéfices ne peuvent bénéficier actuellement du CICE.</p>
<p>Or, selon les nouvelles normes comptables européennes, les crédits d’impôt sont comptabilisés dans les finances publiques en droits constatés et non pas en versement effectif. Ainsi, pour 2015, le CICE est comptabilisé à hauteur de 17,3 milliards dans le calcul du déficit public de la France alors que les entreprises ne recevront effectivement que 12,5 milliards.</p>
<p>Transformer le CICE en crédit d’impôt restituable immédiatement et sans report permettrait d’allouer en 2015 et 2016 entre 5 et 5,5 milliards supplémentaires aux entreprises, en ciblant de fait majoritairement celles faisant le moins de bénéfices, et ce sans modifier le niveau du déficit public. Une telle mesure permettrait de relancer davantage l’activité, en soutenant les entreprises les plus en difficulté sans coût comptable supplémentaire pour les finances publiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/49023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Plane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le CICE, dispositif fiscal phare du début du quinquennat, trop large et complexe, est peu convaincant économiquement. Quelques mesures simples pourraient le rendre plus efficace.Mathieu Plane, Economiste - Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE , Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/487202015-10-08T04:47:48Z2015-10-08T04:47:48ZLa silver économie ou le vieillissement comme levier du développement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/97602/original/image-20151007-7335-1wzyqxy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La « société de longévité » va permettre la création d'emplois, notamment dans le domaine de l'aide à la personne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/valdemarne/6000714673/in/photolist-a9gepP-a9gf8n-a9j3Fj-zMeA6-fHUqvV-c6pmwm-8Ksd2f-dAXFBz-dAXFJv-dB499o-7t73HF-7t6sdR-7t5kRT-7t6JAe-dB48N5-dAXEsc-dAXEKD-dB483u-dAXFkx-dB48F3-dAXEb2-efzfgo-7t5BzB-7t4Svg-7t4Jmk-7t6dbD-7ta9ZN-7t94LC-7t6or2-7ta3YE-7t4NMX-7t5nKK-7t69Ug-7t9ci1-7taYB7-7taoZd-7ta631-7t9BQb-7taznC-7t9fSo-7t9az9-7t4i44-7t83CQ-7t4jYg-yYqGB-qNZcW5-qwvxtb-pShvRF-qP4t2k-qwBQFe">Département du Val de Marne/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="http://www.social-sante.gouv.fr/espaces,770/personnes-agees-autonomie,776/dossiers,758/silver-economie,2432/">silver économie</a> synthétise la volonté de traduire sous la forme d’activité économique la transition démographique. Ce marché qui concerne le quart de la population et, d’ici à 2050, plus du tiers, impose une transformation majeure de l’offre et des circuits de distribution. Elle repose sur trois axes : le développement économique, pour répondre aux besoins et usages des 16 millions de seniors ; la transformation de l’écosystème du soin et de la santé dans une dynamique de e-santé ; l’investissement dans la ville et le territoire intelligent.</p>
<p>La France tente, avec 30 ans de retard, de prendre <a href="http://www.silvereco.fr/mercredi-11-mars-atelier-business-france-sur-les-opportunites-silver-economie-au-japon-et-en-coree/3141853">exemple sur le Japon</a> qui a fait de la nouvelle donne démographique un levier d’innovation et de développement économique. Au Japon le marché représentera quelque 692 milliards d’euros en 2015. En France, le marché devrait atteindre les 130 milliards d’euros d’ici à 2020. Gare, cependant, aux déceptions que pourraient engendrer une vision trop centrée sur la technologie et faisant l’impasse sur la solvabilité des financeurs ou des consommateurs.</p>
<h2>La société de longévité crée des emplois</h2>
<p>Le premier mérite de la silver économie est de combattre une idée reçue bien ancrée dans les esprits faisant du vieillissement la source essentielle du déclin de la France. Or, la société de la longévité est aussi porteuse d’un potentiel d’<a href="http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-CGSP_Silver_Economie_dec2013-.pdf">emplois nouveaux</a> (350 000 créations d’ici à 2020 dans les services à la personne, selon la Dares, et de nouveaux métiers : care manager, assistante sociale téléphonique, coach prévention…), d’innovations technologiques et sociales, <a href="http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/silver-economie-les-seniors-valent-de-l-or_1627219.html">d’invention de nouveaux produits et services</a> adaptés aux besoins et aux usages de la « Silver Génération », fragilisée ou non, etc.</p>
<p>La silver économie concerne pratiquement l’ensemble des biens et services. Faciliter l’ouverture d’une bouteille, améliorer la signalétique dans les lieux publics ou encore systématiser l’utilisation de sols antidérapants sont autant de « démarches silver » qui renforcent l’autonomie des personnes et, le plus souvent, améliorent aussi la vie quotidienne du plus grand nombre, surtout des plus fragiles.</p>
<h2>Un marché high-tech … et humain</h2>
<p>De nombreuses solutions concernent les systèmes de surveillance, d’alerte ou d’encadrement de personnes en perte d’autonomie. Mais ils peuvent concerner aussi les démarches de prévention et/ou de sécurisation. Ces solutions transforment profondément les pratiques, en particulier de la santé, et conduisent à la mise en place de plateformes qui centralisent les données entrantes pour les redistribuer en termes de conseils, de diagnostic, d’actions ou de collectes et traitement d’informations.</p>
<p>D’autres approches concernent les robots de service qui selon leurs défenseurs pourraient venir assister les personnes âgées déficientes. Ces systèmes visent souvent à rassurer l’entourage et à palier la présence insuffisante ou considérée comme trop onéreuse de personnels d’accompagnement et de soin. Reste qu’en ces temps de complexité et de déshumanisation, rien n’est plus essentiel que la présence humaine, le lien social, l’accompagnement et le soin. Cela impose aussi un effort de formation, de qualification et d’accompagnement des personnels qu’ils interviennent dans des résidences ou maisons de retraite, ou qu’ils se déplacent à domicile ou répondent via des plateformes téléphoniques ou virtuelles.</p>
<p>Au-delà des questions de santé, l’accès à l’information, quelle soit juridique, réglementaire, liée à la vie quotidienne, aux loisirs ou à la culture, passera majoritairement par des outils type tablettes qui diffuseront indications et conseils sous diverses formes : articles et témoignages, tutoriels pratiques, données réglementaires, accès personnalisé.</p>
<h2>La question du coût</h2>
<p>Un apport majeur de ce qu’il est convenu de nommer les <a href="http://www.agevillagepro.com/sousTheme-271-Gerontechnologie---Silver-Economie.html">gérontotechnologies</a> tient à l’émergence de la e-santé : télé-diagnostic, suivi et même interventions. Ces technologies à distance facilitent aussi le lien entre les familles et un proche fragilisé, et réduisent les effets de l’éloignement géographique et des difficultés de suivi. Pour 93 % des Français, ces solutions peuvent améliorer la situation, en particulier pour les personnes subissant des maladies neurodégénératives. Les technologies s’appuyant sur les réseaux numériques contribuent à plus d’équité territoriale. Si 23 % de la population française à plus de 60 ans, le niveau moyen dépasse 28 % dans les zones rurales.</p>
<p>Pour aussi riches et intéressantes qu’elles soient, ces approches doivent intégrer les possibilités financières des personnes visées ou la capacité d’investissement des collectivités territoriales. La réussite de la transition démographique par la silver économie nécessite aussi de répondre au mieux aux problématiques de complexité, de coûts et de maintenance. La question des usages doit rester au centre de la réflexion des acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Guérin est consultant auprès de collectivités et entreprises sur les politiques de soutien envers les
seniors et les personnes très fragilisées et sur l’innovation sociale.</span></em></p>Oui, la « société de longévité », le vieillissement de la population française, peut être une chance économique et un gisement d’emplois. Mais il faut en maîtriser le développement.Serge Guérin, Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/486302015-10-06T04:40:52Z2015-10-06T04:40:52ZComment le streaming s’est imposé en sept ans sur le marché français<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/97404/original/image-20151006-7352-1ne5w54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">infographie streaming</span> </figcaption></figure><p>Ces sept dernières années, la valeur du marché de téléchargement et de streaming a explosé – et depuis 2014, le streaming commence à s’imposer. Une infographie réalisée par Nolwenn Mousset, étudiante du Master journalisme et médias numériques, à l’Université de Lorraine, Metz. </p>
<iframe width="100%" height="1750" frameborder="0" scrolling="no" style="overflow-y:hidden;" src="https://magic.piktochart.com/embed/7980932-streaming-musical-en-france"></iframe><img src="https://counter.theconversation.com/content/48630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Pignard-Cheynel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces dernières années, la valeur du téléchargement et du streaming a explosé. Une infographie pour comprendre l’évolution du marché de la musique en ligne.Nathalie Pignard-Cheynel, Maître de conférences, journalisme numérique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/477932015-09-20T14:32:10Z2015-09-20T14:32:10ZLes profits pèsent moins lourd qu’on croit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/98834/original/image-20151019-23270-5c0180.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Profit</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jakerust/16649943478/in/photolist-rnij81-iU2qFE-rCYDAi-7QjY6b-62NNTG-aYWhmk-jcjSSZ-8SkSjj-7R525X-rDSEpZ-7WtLZP-8eQDoE-pVrsjo-gSaEoD-robitg-34U1ss-pCSDxV-8bceA3-pTcG9b-6HkDfJ-8vGw3b-thfASj-8vDvur-8Dx98C-7vc87a-ei31to-7yUWAD-5p6j4E-y4QdhM-atsp23-atsh63-62QRte-8vDuMZ-daDEAU-aAAETK-gycap-caz37C-87QhiE-xKaDP-xKaCN-xKaBP-xKaAq-xKazv-xKaye-xKax9-xKaw1-xKauj-xKato-xKasy-aqqZY9">www.gotcredit.com / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’évolution du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits est régulièrement évoquée dans le débat public. Après une forte augmentation au début des années 1980, à un moment où les idées libérales s’imposaient dans le monde, la part des profits s’est stabilisée autour de 30 %. Elle peine, depuis, à revenir à un niveau que beaucoup jugeraient plus normal. Mais les profits représentent-ils vraiment 30 % de la richesse produite chaque année ? La réponse, en fait, est négative. Le véritable chiffre est de l’ordre de la moitié. Et il a évolué nettement à la baisse dans les vingt-cinq dernières années.</p>
<p>Le graphique ci-dessous présente les évolutions depuis 1978 des deux parts, brute et nette, pour l’ensemble des sociétés non financières. Les données statistiques sont accessibles sur le site de l’INSEE. La courbe la plus connue et commentée (en bleu) retrace l’évolution de la part brute des profits dans la valeur ajoutée. Mais la courbe la plus pertinente est celle de la part nette (en rouge).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/95338/original/image-20150918-17718-1xthf4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Part brute et part nette (en rouge) des profits dans la valeur ajoutée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INSEE</span></span>
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<p>Au niveau macroéconomique, le profit est mesuré par l’excédent brut d’exploitation, différence entre la valeur produite et les coûts de production. Il est pour partie distribué aux actionnaires, le reste permettant à l’entreprise d’autofinancer ses investissements. Le problème est qu’il s’agit, comme son nom l’indique, d’une mesure brute, qui ne déduit pas la valeur du capital physique « usé » dans le processus productif. Cet amortissement, comme on l’appelle en comptabilité privée, ou cette consommation de capital fixe, selon les termes de la comptabilité nationale, est incontestablement un coût de production qui devrait être déduit dans le calcul du profit. </p>
<p>Mais cette usure du capital est difficile à mesurer de manière précise aussi bien dans les entreprises qu’au niveau de l’économie nationale. On connaît les quantités de machines achetées chaque année, mais pas l’état de celles qui vieillissent dans les entreprises. Ceci explique que les comptables nationaux, à l’INSEE et ailleurs, privilégient les données brutes, à commencer par le célèbre PIB, le produit intérieur brut. Mais ce sont bien les valeurs nettes qui ont un sens. Mieux vaut alors être moins précis statistiquement, mais plus juste économiquement.</p>
<p>Or la part des profits nets dans la valeur produite nette, obtenue en soustrayant la même usure du capital au numérateur et au dénominateur, est nettement inférieure à la part brute. Son évolution a la même allure générale, mais un examen attentif montre qu’elle a davantage décru dans les dernières années. Elle est aujourd’hui inférieure d’un point à sa valeur en 1978 alors que la part brute est encore supérieure de quatre points à sa valeur d’alors.</p>
<p>Pour aller plus loin dans la compréhension des évolutions des salaires et des profits, il faut s’intéresser au taux de profit. Celui-ci peut être calculé en rapportant l’excédent d’exploitation à la valeur du capital, mais on doit de nouveau distinguer un taux brut et un taux net. Le taux de profit brut sur la période 1978-2014 est en moyenne de 10 %. Il se décompose entre un taux d’usure du capital et un taux de profit net, tous deux représentés dans le graphique ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">taux d’usure du capital et un taux de profit net.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INSEE</span></span>
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<p>Sur la même période, le taux d’usure a augmenté régulièrement de 5 % à 5,8 %, ce qui reflète le renouvellement accéléré d’un capital de plus en plus sophistiqué. Le taux de profit net des sociétés non financières qui en résulte a connu une évolution qui rappelle celle de la part des profits, et plus précisément celle de la part nette. L’écart, légèrement croissant, entre les parts brute et nette reflète la croissance du taux d’usure du capital. La courbe bien connue de la part brute des profits ne capte pas ce phénomène et sous-estime donc la décroissance de la part des profits. Elle capte bien, en revanche ses fluctuations. Celles-ci reflètent bien la capacité des entreprises à réaliser des profits, ou à se les attribuer si l’on adopte une perspective plus conflictuelle.</p>
<p>En conclusion, le niveau absolu des taux de profit que nous mettons en évidence doit être considéré avec prudence, car il repose sur une mesure imparfaite de ses composantes, mais le sens de l’évolution est clair puisque le taux de profit net que nous obtenons est passé de 5,9 % en 1998 à 2,6 % en 2014. Une tendance qui mérite assurément d’être connue et présente dans le débat sur la pertinence d’une politique favorable aux entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/47793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine d’Autume ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La part des profits en France est-elle aussi élevée qu’on le dit ? Une mesure plus exacte montre qu’il n’en est rien et elle a plus baissé qu’on ne le croit. L’examen des taux de profit le confirme.Antoine d’Autume, Professeur d'économie Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.