tag:theconversation.com,2011:/au/topics/especes-invasives-29442/articlesespèces invasives – The Conversation2023-11-23T08:41:46Ztag:theconversation.com,2011:article/2178512023-11-23T08:41:46Z2023-11-23T08:41:46ZDans nos villes et nos campagnes, le paulownia est-il un arbre aussi « magique » qu’on le dit ?<p>C’est un arbre qui déchaîne les passions. Certains vantent ses capacités <a href="https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/video-paulownia-quel-est-cet-arbre-magique-qui-commence-a-pousser-dans-nos-regions-2273902.html">« magiques »</a> à absorber du CO<sub>2</sub> et voient en lui une solution toute trouvée au changement climatique.</p>
<p>Dans le très chic VI<sup>e</sup> arrondissement de Paris, à l’été 2023, le paulownia a également suscité <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/video-l-abattage-d-un-arbre-iconique-au-centre-de-paris-aurait-il-pu-etre-evite-2819780.html">beaucoup d’émois</a>, suite à l’abattage d’un de ses représentants iconiques sur une place de Saint-Germain-des-Prés. Devant la <a href="https://www.liberation.fr/checknews/pourquoi-les-arbres-paulownia-rue-de-furstemberg-a-paris-ont-ils-ete-abattus-20230803_SRMLF2YWOZH7REOWNYZTJGPMRI/">colère des habitants</a>, la mairie de Paris a alors <a href="https://www.paris.fr/pages/pourquoi-cinq-arbres-ont-ete-abattus-en-urgence-dans-le-6e-arrondissement-24424">communiqué</a> en assurant que le paulownia abattu était devenu trop fragile, pouvait tomber et représentait donc un danger dont il fallait se prémunir. Outre-Atlantique, aux États-Unis, mais aussi en Europe centrale, le paulownia est par ailleurs considéré comme « invasif ».</p>
<p>Alors, arbre magique, arbre fragile ou espèce invasive ? Faisons le point.</p>
<h2>D’où vient le paulownia ?</h2>
<p>Avant de s’intéresser aux possibilités comme aux limites du paulownia sous nos latitudes, regardons un peu d’où il vient. Le terme <em>paulownia</em> ne renvoie en fait pas à une seule espèce mais à un genre décrit en 1835 par les botanistes bavarois P.F. von Siebold et J.G. Zuccarini et dédié à la princesse Anna Pavlowna, fille du tsar Paul 1<sup>er</sup> de Russie, d’où son nom occasionnel d’arbre impérial ou « princess tree » en anglais.</p>
<p></p><div style="position: relative; width: 100%; height: 0; padding-top: 56.2500%; padding-bottom: 0; box-shadow: 02px 8px 0 rgba(63,69,81,0.16); margin-top: 1.6em; margin-bottom: 0.9em; overflow: hidden; border-radius: 8px; will-change: transform;"><p></p>
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<p></p></div><a href="https:/ ;/ ;www.canva.com/ ;design/ ;DAF0PiWkWdY/ ;view ?utm_content=DAF0PiWkWdY&utm_campaign=designshare&utm_medium=embeds&utm_source=link" target="_blank" rel="noopener"></a><p></p>
<p>Le <em>Paulownia tomenteux</em>, espèce la plus commune du genre, est indigène dans une vaste zone du continent asiatique, allant de la Corée au Vietnam et des contreforts du Tibet jusqu’à l’île de Taïwan. Sa présence au Japon est probablement due à l’homme.</p>
<p>Cet arbre est assez rare en milieu naturel. C’est une essence pionnière qui nécessite la pleine lumière pour croître. Ce paulownia est davantage un arbre d’ornement dans les villes et de culture dans les campagnes. Il a été introduit dans de nombreux pays.</p>
<h2>Le paulownia des villes</h2>
<p>Le <em>Paulownia tomenteux</em> a d’abord été introduit en Europe dans les villes à partir du XIX<sup>e</sup> siècle. Le premier arbre de cette espèce introduit en Europe l’a été, en provenance du Japon, en 1834 à Paris au Jardin des Plantes où il vécut jusqu’en 1956, soit pendant 122 années. Actuellement, ce sont plus de 1 300 arbres de cette essence qui sont mentionnés à Paris dans l’open data sur les arbres de la ville. On l’observe en alignement et dans des parcs et jardins d’un grand nombre de villes, où <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-main-verte/le-paulownia-1192890">ses qualités esthétiques sont</a> largement reconnues. Ce paulownia a également été retenu pour orner les parvis des 68 futures gares du <a href="https://www.constructioncayola.com/environnement/article/2017/11/20/115866/grand-paris-express-68-arbres-pour-68-gares">Grand Paris Express</a>.</p>
<p>La coupe cet été de plusieurs arbres de cette espèce, et en particulier d’un individu vénérable (plus de 80 ans) et remarquable par ses dimensions (355 cm de circonférence) rue de Furstemberg, dans le VI<sup>e</sup> arrondissement de Paris, a créé une vive polémique, certains habitants estimant que <a href="http://www.liberation.fr/checknews/pourquoi-les-arbres-paulownia-rue-de-furstemberg-a-paris-ont-ils-ete-abattus-20230803_SRMLF2YWOZH7REOWNYZTJGPMRI/">cet abattage n’était pas justifié</a>. <a href="https://www.paris.fr/pages/pourquoi-cinq-arbres-ont-ete-abattus-en-urgence-dans-le-6e-arrondissement-24424">La ville de Paris a</a> répondu que ces arbres étaient devenus dangereux pour la sécurité des habitants.</p>
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<p>Le <em>Paulownia tomenteux</em> figure toutefois sur <a href="https://www.eppo.int/ACTIVITIES/plant_quarantine/alert_list_plants/paulownia_tomentosa">« la liste d’alerte »</a> des espèces invasives de l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes, qui compte 52 membres, dont la France, l’EPPO (European and Mediterranean Plant Protection Organization). </p>
<p>Cette espèce est considérée comme <a href="https://www.researchgate.net/publication/242735292_From_ornamental_to_detrimental_The_incipient_invasion_of_Central_Europe_by_Paulownia_tomentosa">invasive en Europe centrale</a>, ainsi qu’en <a href="https://nc-ipc.weebly.com/uploads/6/8/4/6/6846349/princess_tree.pdf">Australie</a> et dans certains territoires d’Amérique du Nord, où le <em>Paulownia tomenteux</em> est <a href="http://www.iucngisd.org/gisd/species.php ?sc=440">décrit</a> comme « un arbre ornemental agressif qui pousse rapidement dans les zones naturelles perturbées » et où l’on s’inquiète par exemple d’une possible colonisation « des falaises rocheuses et des zones riveraines où il peut entrer en compétition avec des plantes rares ». Pour ce qui concerne la France, le <em>Paulownia tomenteux</em> ne figure pas actuellement sur la <a href="http://especes-exotiques-envahissantes.fr/">liste des espèces exotiques envahissantes</a> mentionnées par le centre de ressources sur les espèces exotiques envahissantes.</p>
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<img alt="Pousse spontanée de Paulownia tomenteux à Paris, 14ème" src="https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559668/original/file-20231115-27-bski9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pousse spontanée de <em>Paulownia tomenteux</em> à Paris, XIVᵉ.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le paulownia des champs</h2>
<p>Mais le paulownia n’est pas seulement présent en ville, les espèces <em>Paulownia tomentosa</em>, <em>elongata</em>, <em>fortunei</em>, etc., et leurs hybrides améliorés sont en fait cultivés de longue date dans leur aire d’indigénat asiatique <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/13/5/668">pour la production de bois d’œuvre</a>. Leur intérêt est également avéré en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agroforesterie-25133">agroforesterie</a> : avec des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6466076/">feuilles de très bonne qualité</a> pour les animaux d’élevage, du miel, et une récolte de bois très rapide produisant des revenus complémentaires aux agriculteurs chinois.</p>
<p>En Europe, <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/13/5/668,">principalement du sud et en Europe centrale</a> différentes espèces et hybrides, parmi lesquels seul le paulownia tomenteux est parfois considéré invasif, sont cultivées. Ils ont plus récemment été introduits pour la production de bois et la séquestration de carbone (<a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jals/32/S/32_7/_article/-char/ja/">plus de 45 tonnes de CO<sub>2</sub> par hectare et par an avec de bonnes conditions de croissance</a>).</p>
<p>L’entreprise allemande <a href="https://www.wegrow.de/">WeGro</a> en vante par exemple <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/13/5/668">la croissance rapide</a> alliée aux qualités exceptionnelles de leur bois, ce qui en fait des arbres considérés comme « magiques ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mesurer-linvisible-la-dure-tache-de-calculer-le-stock-et-le-flux-de-carbone-dune-foret-212810">Mesurer l’invisible : la dure tâche de calculer le stock et le flux de carbone d'une forêt</a>
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<p>La société <a href="https://www.paulowniafrance.com/">Paulownia France</a> a, elle, introduit cette culture dans l’hexagone depuis quelques années, en prônant des distances de plantation adaptées à nos milieux, de 5 m x 5 m à 6 m x 6 m en plein, ou de 4 à 6 m en ligne agroforestière, selon le cultivar de paulownia sélectionné. La plantation de paulownia séduit de plus en plus d’agriculteurs par exemple dans l’ouest du pays, comme dans le <a href="https://www.letelegramme.fr/finistere/saint-pol-de-leon-29250/a-plougoulm-arbre-paulownia-une-start-up-en-pleine-croissance-6358067.php">Finistère</a>, <a href="https://actu.fr/pays-de-la-loire/fye_72139/ab-paulownia-la-start-up-qui-pousse-les-agriculteurs-a-planter-des-arbres-%E2%80%89magiques%E2%80%89_59431598.html">l’Orne</a> ou le <a href="https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/lahontan/bearn-l-une-des-premieres-plantations-de-paulownias-en-france-se-trouve-a-lahontan-14612391.php">Béarn</a>.</p>
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<span class="caption">Une plantation de <em>Paulownia elongata</em>, sept années après recépage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Renaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le paulownia apparaît bien adapté dans une <a href="https://youtube.com/watch?v=0ap45BlMHz8">démarche d’agroforesterie</a>. Il peut y participer, en compagnie d’autres espèces, à l’amélioration rapide d’un paysage vide d’arbres, qui conduira à d’autres mitigations du climat : réduction de la vitesse du vent, limitation de l’érosion, augmentation globale de la pluviométrie, amélioration des sols agricoles devenant favorables pour accueillir une certaine biodiversité.</p>
<p>Cependant, les conditions de culture de paulownia <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/13/5/668">limitent beaucoup</a> leur implantation potentielle. Le sol doit être profond mais ne pas retenir d’eau en excès. Un vent fort régulier lors de la croissance est rédhibitoire car cela déforme la bille de pied, c’est-à-dire la partie du tronc entre la souche et les premières branches. La vitesse de croissance doit être élevée l’année consacrée à la création de la bille de pied (2,5 ou 5 m), après le recépage, ce qui implique une disponibilité importante en eau et en nutriments, et de la chaleur estivale. L’implantation initiale est délicate, mais après récolte, le paulownia hybride repart.</p>
<p>Des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zHE2psniVew">expérimentations récentes</a> ne comportant que quelques dizaines d’arbres ont été mises en place en Centre-Val de Loire par INRAE d’Orléans, afin d’évaluer le potentiel de divers paulownias hybrides auprès d’agriculteurs. Plus généralement, il faudra évaluer les quelques plantations de plus d’un hectare plantées depuis peu en France.</p>
<p>Toutefois, les Chambres d’Agriculture avertissent les amateurs de ces plantations qu’au-delà de 100 plants à l’hectare, les parcelles plantées en paulownia sont considérées comme des <a href="https://pays-de-la-loire.chambres-agriculture.fr/actualites/toutes-les-actualites/detail-de-lactualite/actualites/paulownia-et-boisements-en-terres-agricoles/">parcelles forestières</a>, ne pouvant donc plus bénéficier des subventions européennes de la PAC et devant respecter le code forestier.</p>
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<span class="caption">Récolte d’une plantation de Paulownia.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Renaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quelle place accorder au paulownia dans nos villes et nos campagnes ?</h2>
<p>Dans les villes, le paulownia constitue sans aucun doute une espèce esthétique et spectaculaire qui contribue à la beauté et la diversité des paysages urbains. Cet arbre à croissance rapide est toutefois fragile et, en tant qu’espèce pionnière, n’a qu’une durée de vie limitée, ce qui justifie des interventions sanitaires de coupes de branches ou parfois d’abattage d’arbres à risque.</p>
<p>Dans <a href="http://www.lssd-journal.com/index.php/lssd/article/view/75/33">les campagnes</a>, et notamment en agroforesterie, l’espèce présente de nombreux intérêts : alimentation du bétail, production de miel, revenus complémentaires via la <a href="https://www.nepjol.info/index.php/IJASBT/article/view/20772/17366">production rapide de bois d’œuvre</a> et de biomasse. Par sa rapidité de croissance et grâce au stockage du carbone dans le sol via les racines et les feuilles, ainsi que l’usage très diversifié de son bois, cette espèce peut contribuer aux objectifs de la France de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">réduction des émissions de gaz à effet de serre</a> de 40 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990) et de neutralité carbone en 2050.</p>
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<span class="caption">Paulownia en agroforesterie, la saison après recépage, avec cultures intercalaires transitoires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Renaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais ne tombons pas dans les excès de monocultures étendues de cette essence, à l’image des cultures intensives de dizaines, voire centaines de milliers d’arbres, prônées dans les vidéos à fin publicitaire de <a href="https://www.wegrow.de/videos-fotos/">certains ardents promoteurs du paulownia</a> et <a href="https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/13928077-le-paulownia-un-arbre-sauveur-du-climat-qui-fait-debat-en-europe.html">source</a> d’inquiétude de la part de protecteurs d’une nature plus diversifiée.</p>
<p>De telles monocultures étendues présentent une biodiversité très réduite et comportent un risque de développement de pathogènes ou ravageurs, comme en est victime par exemple le <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-chancre-colore-du-platane-0">platane</a>. Les parcelles potentielles où les conditions de sol et de microclimat conviennent vraiment au paulownia, sans irrigation ou avec une irrigation parcimonieuse et qui n’impacte pas les autres usages de l’eau, sont de toute façon en nombre et surface limités en France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Muller a présidé le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Il est actuellement membre associé de l’Autorité environnementale de l'IGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédérique Santi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les capacités de séquestration de CO₂ de cet arbre venu d'Asie lui ont érigé une réputation d'arbre magique qu'il faudrait planter partout. Qu'en est-il vraiment ?Serge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Frédérique Santi, Chercheuse en génétique forestière, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179762023-11-17T19:41:56Z2023-11-17T19:41:56ZLa répartition géographique des poissons d’eau douce, nouveau marqueur de l’anthropocène ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560005/original/file-20231116-17-iwx39x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C2035%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson rouge est l'une des nombreuses espèces de poissons d'eau douce introduites par les humains dans les milieux naturels, bouleversant durablement leur aire de répartition naturelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Watts / Flickr / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Est-on entré dans l’ère géologique de l’anthropocène, une « époque de l’homme » où l’humain serait devenu la principale force de changement planétaire, surpassant les forces géologiques naturelles ? La question est débattue par la communauté scientifique, en particulier au sein de la Commission internationale de stratigraphie, qui travaille sur le sujet depuis 2009. En juillet dernier, l’enregistrement sédimentaire pressenti pour faire figure de référence et définir la transition de l’holocène à l’anthropocène avait été <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">sélectionné en Ontario, au Canada</a>.</p>
<p>Quels sont les indices qui peuvent témoigner de l’entrée dans l’anthropocène ? Les géologues et paléontologues <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">accumulent toutes sortes de preuves</a> : traces visibles dans les couches sédimentaires telles que la pollution plastique ou la radioactivité, ou encore les changements dans les fossiles à cause de la crise de la biodiversité. Ainsi certains chercheurs proposent même de considérer, comme marqueur les <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">os des poulets que nous consommons</a>, qui deviendront fossiles d’ici quelques millions d’années.</p>
<p>Mais ce n’est pas la seule façon dont notre espèce a bouleversé la biodiversité planétaire. Avec une équipe internationale, qui réunissait notamment le laboratoire BOREA du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le CNRS et l’IRD, nous avons montré comment les sociétés humaines ont redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<p>Nous postulons qu’il s’agit là de changements majeurs, qui constituent une nouvelle preuve de l’entrée dans l’anthropocène. Nos travaux ont été publiés ce 17 novembre dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.adi5502"><em>Science Advances</em></a>.</p>
<h2>Comment la tectonique des plaques a isolé les poissons d’eau douce</h2>
<p>Pour bien comprendre ces résultats, il faut remonter un peu dans l’histoire de la planète. Les 11 000 espèces de poissons d’eau douce qui peuplent la planète sont cantonnées à leurs milieux d’eau douce : rivières et lacs. Ils ne tolèrent pas l’eau salée, et pour eux, les collines, les montagnes, ou les océans représentent des barrières infranchissables.</p>
<p>Ce sont les forces géologiques naturelles qui ont toujours dicté leur évolution au cours de l’histoire de la Terre. La tectonique des plaques, en isolant les continents, <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13674">a séparé les poissons d’eau douce en six grandes régions géographiques</a>. Chaque région a évolué isolément pendant des dizaines de millions d’années, jusqu’à disposer d’un cortège d’espèces unique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions biogéographiques naturelles de poissons d’eau douce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces grandes régions sont appelées « régions biogéographiques », et elles possèdent toutes un taux d’endémisme – c’est-à-dire une proportion d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs – exceptionnellement élevé, de l’ordre de 96,7 à 99,7 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que chez les autres groupes de vertébrés.</p>
<p>Chaque région possède donc des poissons d’eau douce qui lui sont propres, et, depuis des millions d’années, à leur mort, ces poissons forment des restes fossiles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.</p>
<h2>Nos sociétés ont changé les règles du jeu</h2>
<p>Cette tranquille évolution orchestrée par la tectonique des plaques a très récemment été bouleversée à par les activités humaines. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, il est devenu possible pour les poissons d’eau douce de traverser les océans et les montagnes.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">« sociétés d’acclimatation » s’étaient fixé l’objectif</a> d’établir des peuplements de poissons familiers dans les colonies, et de poissons exotiques dans les eaux européennes. Ces sociétés ont ainsi introduit de nombreuses espèces européennes en Australie, Nouvelle-Zélande, ou encore ont introduit des espèces nord-américaines en Europe ou en Russie.</p>
<p>Rapidement, d’autres motifs sont apparus pour justifier l’introduction d’espèces hors de leurs aires natives. La lutte biologique par exemple, avec l’introduction des petites gambusies d’Amérique du Nord partout dans le monde pour manger les larves de moustiques. La construction de canaux connectant différents fleuves a également permis aux espèces d’atteindre des zones auparavant inaccessibles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des régions naturelles de répartition des poissons d’eau douce en fonction du temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais c’est surtout au milieu du XX<sup>e</sup> siècle que nous avons commencé à massivement déplacer les espèces entre les continents. À partir de 1947, on a observé une <a href="https://doi.org/10.1111/geb.13714">accélération exponentielle des introductions</a>, avec une globalisation des origines et des destinations des espèces introduites. Ce phénomène s’explique par l’explosion et la globalisation des échanges commerciaux à partir de cette date.</p>
<p>Les espèces ont alors été transportées entre continents pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">l’aquaculture ou pour le commerce ornemental (aquariophilie)</a>, et trop souvent elles se sont échappées, accidentellement ou intentionnellement. Par exemple, les tilapias d’Afrique ont été introduits partout dans le monde pour l’aquaculture, et se sont rapidement échappés des élevages pour s’établir dans de nouvelles zones. Les poissons des aquariums comme les guppys, les poissons rouges ou encore les carpes se sont, eux aussi, échappés pour coloniser les milieux naturels.</p>
<p><iframe id="3IBEv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3IBEv/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de ces introductions accidentelles, les hommes ont introduit de nombreuses espèces volontairement dans les milieux sauvages, pour la pêche récréative ou la pêche de subsistance. L’usage de poissons exotiques comme appât pour la pêche ou pour empoissonner les milieux naturels s’est développé et a causé de nombreuses introductions dans le monde entier, comme le goujon asiatique ou la perche-soleil en Europe.</p>
<p>Au total, ce sont 453 espèces qui ont été introduites hors de leur aire naturelle, entre les continents, ce qui a profondément redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<h2>L’humain a recréé la Pangée</h2>
<p>Pour étudier les conséquences de ces introductions, nous avons comparé la géographie naturelle de la biodiversité par rapport à la géographie modifiée par les introductions avec la même méthode d’analyse, appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0114">« biorégionalisation »</a>.</p>
<p>Nos résultats ont été sans appel. Nous avons observé l’émergence inédite d’une super-région qui couvre tous les continents : Amérique du Nord, Europe, Asie de l’Est, Océanie, et une petite partie de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cette nouvelle répartition illustre de toute évidence le lien entre introductions d’espèces exotiques et commerce international, car <a href="https://viz.ged-project.de/">elle connecte les pays du monde ayant les plus grands échanges commerciaux</a>.</p>
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<p>Nous avons appelé cette super-région « PAGNEA » pour Pan-Anthropocenian Global North and East Asia. L’acronyme de PAGNEA est volontairement évocateur de la Pangée (Pangea en anglais), qui est le dernier supercontinent de la planète à avoir existé il y a plus de 200 millions d’années.</p>
<p>À l’époque, les organismes avaient la possibilité de disperser sur toute la Pangée, car les océans ne constituaient pas encore une barrière. Ce que la région PAGNEA nous montre aujourd’hui, c’est que les sociétés humaines recréent artificiellement les conditions de la Pangée, en permettant aux organismes de se disperser sur tous les continents.</p>
<h2>Une uniformisation des couches fossiles</h2>
<p>Avant les activités humaines, chaque continent avait ses fossiles uniques, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Désormais, à cause des introductions, nous aurons des fossiles partagés entre les différents continents de la région PAGNEA. La carte ci-dessous illustre les changements attendus dans les couches fossiles du monde entier, et en particulier pour plusieurs bassins versants notables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions de l’Anthropocène, avec des exemples de changements attendus dans les bassins versants qui se répercuteront sur les fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces changements dans la distribution des fossiles à l’échelle planétaire sont un critère déterminant pour la reconnaissance de l’anthropocène. Il s’agit ici de la première cartographie qui montre une telle ampleur dans les changements attendus, tout en utilisant une grande masse de données quantitatives sur les répartitions de poissons d’eau douce.</p>
<p>Cette découverte contribuera donc probablement aux travaux <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">du Groupe de Travail sur l’Anthropocène</a>, qui étudie les éléments de preuves accumulés par les scientifiques et décidera dans le futur d’entériner le passage à l’Anthropocène.</p>
<h2>Message aux paléontologues du futur</h2>
<p>Au-delà de l’anthropocène, cette démonstration de l’ampleur de l’effet des introductions d’espèces à l’échelle globale doit nous pousser à réfléchir sur deux conséquences majeures.</p>
<p>Tout d’abord, l’introduction d’espèces non natives pose le risque de créer de nouvelles invasions biologiques dont les <a href="https://zenodo.org/records/10127924">conséquences peuvent être dramatiques pour les écosystèmes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03405-6">économies</a>, d’autant plus que les principales espèces introduites sont très abondantes et déjà connues pour être envahissantes.</p>
<p>Il est donc absolument nécessaire de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">prévenir les nouvelles introductions</a>, en s’inquiétant tout particulièrement des <a href="https://doi.org/10.1007/s10750-020-04407-7">menaces émergentes comme le commerce en ligne d’espèces vivantes</a>.</p>
<p>La seconde raison est presque d’ordre philosophique : elle nous aide à réaliser que nos actions, sur une échelle de temps très courte – à peine 70 ans – auront des répercussions visibles dans les couches fossiles qui seront étudiées par les paléontologues du futur. Mais ces impacts seront non seulement d’ampleur, mais aussi irréversibles, car nous sommes en train d’altérer durablement la trajectoire évolutive de la biodiversité sur la planète en créant de nouveaux points de départ évolutifs pour les lignées du futur.</p>
<p>Dans plusieurs millions d’années, la biodiversité portera encore l’empreinte évolutive d’une époque où la dispersion des organismes est à nouveau devenue possible entre les continents. Le propre de cette époque, de notre époque, réside bien là : les forces géologiques naturelles ont été surpassées par une nouvelle force de changement planétaire, l’espèce humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les introductions de poissons d'eau douce, à travers le commerce, mais aussi l'ouverture de nouvelles voies de navigation, ont bouleversé la géographie de ces espèces. Un nouveau marqueur de l'Anthropocène ?Boris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109952023-10-01T15:40:47Z2023-10-01T15:40:47ZForêts et parasites invasifs : et si on se trompait de suspect ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549774/original/file-20230922-15-3qdnpv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'orme est un arbre particulièrement vulnérable à certains parasites invasifs venus d'ailleurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels/Tonia Kraakman</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’utilisation d’espèces d’arbres exotiques en forêt apparaît à certains <a href="https://www.onf.fr/+/5b2::les-ilots-davenir-des-plantations-pour-lutter-contre-le-changement-climatique.html">comme une solution incontournable</a> pour faire face à un <a href="https://theconversation.com/secheresses-incendies-et-maladies-les-risques-en-cascade-qui-menacent-les-forets-francaises-157448">changement climatique rapide</a>. Plus résistantes à des températures élevées, elles rendraient nos forêts moins fragiles, par exemple face aux <a href="https://theconversation.com/secheresse-lindispensable-adaptation-des-forets-francaises-128404">épisodes de sécheresse</a>.</p>
<p>Cette pratique est pourtant controversée à plusieurs titres. Non seulement parce que ces espèces se révèlent parfois invasives, se dispersant alors de façon incontrôlée. Mais aussi parce que les flores et faunes associées à ces espèces sont souvent pauvres, d’autant plus qu’elles sont généralement plantées en monoculture en France.</p>
<p>Au-delà de ces risques pour les écosystèmes, cette pratique serait aussi responsable de l’introduction de microorganismes pathogènes et d’insectes ravageurs. Le <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/2021/12/14/la-societe-botanique-de-france-publie-un-livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/#:%7E:text=Ce%20livre%20blanc%20de%20pr%C3%A8s,d%E2%80%99en%20accro%C3%AEtre%20la%20r%C3%A9silience">livre blanc de la Société botanique de France</a> sur l’introduction d’espèces d’arbres exotiques en forêt développe cette idée, l’illustrant en particulier avec le cas de la chalarose du frêne, une maladie qui a émergé ces dernières décennies.</p>
<p>Si cela était avéré, cette stratégie soulèverait une menace très sérieuse : les agents pathogènes invasifs représentent en effet environ 50 % des cas de maladies signalées par le <a href="https://annforsci.biomedcentral.com/articles/10.1007/s13595-015-0487-4">Département de la santé des forêts</a>, et cette proportion s’accroît.</p>
<p>Mais cette affirmation est-elle fondée ? Sait-on précisément comment les microorganismes attaquant les arbres s’introduisent dans les forêts ? Penchons-nous sur trois cas emblématiques.</p>
<h2>La graphiose de l’orme</h2>
<p>Parmi les épidémies les plus sévères ayant affecté la forêt européenne, la graphiose de l’orme arrive en tête. Deux épisodes successifs ont en fait été induits par deux espèces de champignon voisines (<em>Ophiostoma ulmi</em> et <em>O. novo-ulmi</em>).</p>
<p>La première épidémie est survenue au début du XX<sup>e</sup> siècle. Son mode d’introduction reste inconnu, même s’il a parfois été évoqué que l’empaquetage en bois du matériel militaire américain arrivant sur le front pendant la Première Guerre mondiale pourrait en avoir été responsable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Flétrissement de branches d’ormes dû à la graphiose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Inrae Grand-Est-Nancy</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La seconde, causée par <em>O. novo-ulmi</em>, a engendré beaucoup plus de dommages, puisqu’elle élimine largement l’orme des haies et forêts de France. En Europe de l’Ouest, son origine est mieux connue : le <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1973Natur.242..607B/abstract">champignon est arrivé d’Amérique du Nord</a>, qui avait précédemment été envahie. On ne connaît pas précisément la source initiale de l’introduction du parasite. L’épidémie a démarré autour de quelques grands ports du sud de l’Angleterre : une inspection au port de Southampton en 1973 a démontré que le parasite était présent sur des grumes d’ormes nord-américains venues de l’Ontario.</p>
<p>D’après une étude rétrospective, des importations de ces dernières étaient déjà survenues dans les années 60, justement dans les zones où les premiers foyers de graphiose étaient apparus.</p>
<h2>La chalarose du frêne</h2>
<p>Intéressons-nous maintenant à la <a href="https://theconversation.com/chalarose-du-frene-et-autres-maladies-invasives-il-est-possible-de-mieux-proteger-les-forets-71203">chalarose du frêne</a>, qui affecte fortement les frênes communs à travers l’Europe. Signalée pour la première fois en Pologne dans les années 90, la maladie a pour responsable un champignon, <em>Hymenoscyphus fraxineus</em>, qui n’a été identifié qu’en 2006.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Branche envahie de champignons" src="https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C12%2C1408%2C1054&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La chalarose, champignon qui menace les frênes européens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelques années plus tard, il est démontré que ce champignon invasif est originaire d’Extrême-Orient, où son hôte indigène est le frêne de Mandchourie. Son arrivée serait ici liée, <a href="https://www.researchgate.net/publication/271630133_Introduction_of_Mandshurian_ash_Fraxinus_mandshurica_Rupr_to_Estonia_Is_it_related_to_the_current_epidemic_on_European_ash_F_excelsior_L">selon des scientifiques estoniens</a>, aux introductions répétées de frênes de Mandchourie dans les pays baltes durant la période soviétique – en général dans des jardins botaniques, des arboretums ou des parcs.</p>
<p>Mais il s’agissait le plus souvent d’importations de graines de frênes. Or, le risque d’introduction de parasites à travers les graines est très faible : dans le cas de la chalarose, il est impossible que le pathogène ait été véhiculé de cette façon. En 1975, une introduction de plants venus de Mandchourie soviétique dans le Jardin botanique de Tallin pourrait en revanche en être responsable, l’agent pathogène ayant en outre été détecté là-bas sur un échantillon d’herbier de frêne asiatique en 1978. C’est la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35822887/">première présence connue</a> du parasite en Europe.</p>
<p>Le délai entre la première présence connue (1978) et le déclenchement de l’épidémie (années 1990) peut sembler très long, mais il correspond au temps mis par l’agent pathogène pour s’adapter à un hôte et à un environnement nouveau. Et si l’on peut pointer du doigt le Jardin botanique de Tallin, c’est grâce au travail consciencieux de traçabilité menée par son équipe – ce qui s’est passé là est sûrement survenu dans d’autres jardins ou arboretums. Soulignons néanmoins que le frêne de Mandchourie n’a jamais été utilisé en forêt en Europe.</p>
<h2>La mort subite du chêne</h2>
<p>La voie d’introduction de <em>Phytophthora ramorum</em> en Europe est nettement mieux connue. Dans les années 90, cette maladie désastreuse affectant des chênes américains est signalée en Californie, et baptisée la mort subite des chênes. À la même période, un nouveau <em>Phytophthora</em> affectant les rhododendrons est décrit en Allemagne. Les scientifiques montreront dans la foulée que les deux maladies sont causées par le même microorganisme, <em>P. ramorum</em>, rapidement <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SANTVEG2017SA0259Ra.pdf">retrouvé sur des rhododendrons en Californie</a>.</p>
<p>En Europe grandit alors la crainte de voir se développer la maladie sur nos chênes locaux : on constate rapidement la large dissémination du parasite sur le rhododendron et le laurier-tin dans les jardineries et pépinières ornementales de toute l’Europe, mais aussi parfois dans les parcs, en particulier les jardins patrimoniaux britanniques.</p>
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<p>Ce ne sont finalement pas les chênes qui seront impactés en Europe : en 2010, les Britanniques rapportent que le parasite est la cause d’une épidémie sévère en forêt sur mélèze, avant de signaler quelques années plus tard qu’il peut aussi se développer sur châtaignier. En France, un premier foyer est signalé en 2017 sur des mélèzes dans le Finistère par le <a href="https://agriculture.gouv.fr/premiere-observation-de-phytophthora-ramorum-sur-meleze-en-france">Département de la santé des forêts</a> : une procédure d’éradication est menée dans les peuplements atteints et le foyer apparaît, pour l’instant, sous contrôle.</p>
<p>Les modalités d’introduction de <em>P. ramorum</em> sont aussi bien mieux connues grâce à la caractérisation moléculaire du parasite : deux variants du pathogène circulaient initialement sur la côte pacifique des États-Unis, tandis que deux autres différents circulaient en Europe. Après quelques années, le principal variant nord-américain est retrouvé dans des pépinières de rhododendrons de la côte est des États-Unis. Quant au principal variant européen, il fait son apparition en Oregon sur le rhododendron dans des pépinières, puis dans des zones urbaines et enfin sur des essences forestières natives en milieu naturel proche des zones urbaines.</p>
<p>Peu de doutes donc sur la dissémination de ce microorganisme, visiblement causée par le commerce international de rhododendrons. Selon des études génétiques, il serait originaire des montagnes du nord du Vietnam <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/11/1/93">où il a été trouvé récemment</a>, infectant des espèces de rhododendrons locales.</p>
<h2>Le rôle des plantes ornementales</h2>
<p>Pour chacun de ces trois exemples, la plantation d’espèces d’arbres exotiques dans les forêts n’est pas responsable de l’introduction de parasites, contrairement à ce que soutient la Société botanique de France. Ce qui est assez logique : les espèces exotiques sélectionnées pour un usage forestier ont généralement déjà fait longuement la preuve de leur adaptation au climat et de leur bonne croissance dans nos régions, par le biais de tests menés dans des jardins botaniques ou des arboretums. Si un parasite invasif devait être introduit par cette voie, le mal aurait déjà été fait…</p>
<p>Ne dégageons pour autant pas les forestiers de toute responsabilité. Une fois qu’un parasite exotique est introduit et s’est adapté à une essence locale, il sera plus aisément dispersé en forêt par plantation de celle-ci – comme dans le cas de la chalarose du frêne. Même si la maladie se disperse naturellement par le vent, il a été démontré que l’introduction du pathogène dans les îles britanniques s’est en partie faite par plantation du frêne commun européen.</p>
<p>Certaines maladies peuvent en outre être introduites par les forestiers, en particulier lorsqu’elles se disséminent par les graines. C’est le cas par exemple du chancre poisseux du pin, en Afrique du Sud. Absente dans les forêts françaises, elle a été détectée épisodiquement en pépinière et est présente en Espagne. D’autres cas sont connus, tels que les eucalyptus dans la zone de l’océan Indien.</p>
<p>Plus généralement, soulignons le rôle joué par le commerce de plantes ornementales dans la dispersion mondiale des parasites des arbres – c’est le cas de la pyrale du buis. Les villes européennes abritent en effet plusieurs milliers d’espèces ligneuses, dont de nombreuses espèces exotiques, ce qui représente une diversité sans commune mesure avec celle présente dans nos forêts.</p>
<p>Les microorganismes pathogènes exotiques trouvent là non seulement une possible voie d’introduction, mais aussi un riche choix d’hôtes potentiels pour pouvoir s’établir.</p>
<hr>
<p><em>Claude Husson, Département de la santé des forêts, ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire – DGAL, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Marçais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On entend souvent que l’utilisation d’espèces d’arbres exotiques en forêt y introduit des maladies. Mais les principaux exemples d’épidémies montrent que les parasites arrivent par d’autres voies.Benoit Marçais, Directeur de recherche, unité de recherche « Interactions arbres-microorganismes », INRAE - Grand Est - Nancy, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132882023-09-12T21:47:04Z2023-09-12T21:47:04ZUne nouvelle espèce exotique envahissante dans une réserve naturelle du Var : le réduve américain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547736/original/file-20230912-6475-apl25u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C1007%2C674&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Accouplement de la punaise Zelus renardii dans la végétation de la Réserve nationale de la Plaine des Maures (Var) en août 2023. L’espèce s’y reproduit et son arrivée a probablement été aidée par l’incendie de 2021 qui a modifié plus de 75% des écosystèmes de la Réserve. </span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les espèces invasives, ou plus précisément exotiques envahissantes, sont au cœur de la problématique du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, comme le <a href="https://www.ofb.gouv.fr/actualites/publication-du-rapport-de-lipbes-sur-les-especes-exotiques-envahissantes">dévoile sans équivoque le tout récent rapport de l’IPBES</a>. L’IPBES est en quelque sorte le GIEC de la biodiversité, un panel international de spécialistes de la biodiversité et de sa gouvernance.</p>
<p>Des milliers d’espèces sont aujourd’hui évaluées ou monitorées, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/especes-invasives-29442">espèces invasives</a>. Il est crucial pour nous chercheurs de diffuser ces informations auprès du public ou des professionnels de l’agriculture par exemple, ou encore des milieux naturels afin d’informer, d’éviter les mauvaises pratiques, d’anticiper l’arrivée de ces espèces pour permettre une détection précoce.</p>
<h2>Les impacts des espèces invasives</h2>
<p>Certaines espèces invasives sont très visibles, comme les moustiques tigres, et sont évaluées ou encore <a href="http://especes-exotiques-envahissantes.fr/espece/myocastor-coypus/">font l’objet de campagne d’éradication</a> comme le ragondin. Ce sont les <a href="https://theconversation.com/depasser-sa-peur-des-especes-invasives-grace-a-la-science-citoyenne-118422">impacts sur la santé animale ou humaine ou les impacts économiques qui sont alors évalués</a>.</p>
<p>Les impacts écologiques sont plus difficiles à évaluer. Pourtant, ils sont très importants : il s’agit de comprendre la place des espèces invasives dans les écosystèmes, où elles peuvent remplacer des espèces autochtones ou causer des dégâts indirects (comme le rat noir qui favorise certaines espèces de plantes dans les îles) en s’insérant insidieusement dans les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bioc%C3%A9nose">« biocénoses »</a>, ces assemblages d’espèces qui composent les écosystèmes (on parle aussi de communautés).</p>
<p>Mais les espèces invasives peuvent aussi passer inaperçues, notamment si elles ne provoquent pas d’impact évident (nuisible à une culture ou pour la santé) ou si elles ne présentent pas de comportement qui les rend détectables. Ainsi, pour de nombreuses espèces invasives mais discrètes, comme certains insectes, il s’agit d’une invasion silencieuse. Au moins au début.</p>
<p>Les réserves naturelles, et plus largement les espaces naturels protégés, sont dévolus à la protection des espaces naturels et des espèces, en particulier <a href="https://uicn.fr/liste-rouge-mondiale/">celles qui sont protégées ou sensibles, voire en danger d’extinction</a> ?</p>
<p>En effet, ces espaces devraient être aux avant-postes de la surveillance sur les espèces qui les composent et pour cela disposer de personnels compétents et missionnés.</p>
<h2>Le réduve américain : encore une nouvelle espèce de punaise invasive en France</h2>
<p><em>Zelus renardii</em> est une <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/850621/tab/fiche">espèce de punaise Reduviidae (un Hémiptère Hétéroptère) prédatrice</a> qui est en train d’envahir le monde depuis son aire d’origine (sud de l’Amérique du Nord du Nord et Amérique du Sud). Elle a été <a href="https://www.mdpi.com/2075-4450/13/2/158">détectée en Italie en 2018</a> et en <a href="https://bioone.org/journals/transactions-of-the-american-entomological-society/volume-144/issue-3/061.144.0305/The-Invasive-Species-Zelus-renardii-Kolenati-1857-Hemiptera-Reduviidae-in/10.3157/061.144.0305.short">Espagne depuis 2010</a>. C’est une espèce très vorace qui se nourrit de petits insectes, en particulier de petits Hémiptères dans la végétation basse et arbustive où elle vit.</p>
<p>Nous avons <a href="https://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/10281/">détecté cette espèce dans le Var en février 2019</a>. Son implantation en France semble bien établie mais son rôle exact dans les écosystèmes est inconnu. Plusieurs observations confirment maintenant qu’elle est bien implantée dans la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures.</p>
<h2>Une aire protégée doublement fragilisée</h2>
<p>Cette réserve subit actuellement une double peine : un <a href="https://www.sudouest.fr/france/incendie-dans-le-var-la-plaine-des-maures-un-joyau-de-la-biodiversite-europeenne-detruit-par-le-feu-5288686.php">incendie estival a brulé 75 % de son territoire en août 2021</a>, et la fin du service qui gérait ce joyau national, jusque-là géré par le Conseil départemental du Var qui a dénoncé son contrat avec l’état. Jusqu’à présent, quatorze personnes compétentes et assermentées, dont des spécialistes de la faune et de la flore, veillaient sur la réserve et ses quelque 200 espèces animales et végétales protégées, et notamment sur l’une des dernières populations de l’emblématique Tortue d’Hermann.</p>
<p>Un repreneur, la <a href="https://www.snpn.com/communique-la-snpn-nouveau-gestionnaire-de-la-reserve-naturelle-nationale-de-la-plaine-des-maures/?cn-reloaded=1">Société nationale de protection de la nature</a>, a été trouvé pour gérer la réserve nationale : d’un service de quatorze personnes, c’est maintenant une équipe de trois personnes qui est aujourd’hui en place, et qui peine à recruter un conservateur, pour gérer et surveiller plus de 5 000 hectares.</p>
<p>Aussi les espèces invasives animales et végétales, qui profitent des perturbations dans les écosystèmes, trouvent des conditions doublement favorables pour s’installer. Elles arrivent après la perturbation (ici le feu) dans des milieux à faible biodiversité et s’y installent en absence de concurrence. Elles deviennent alors difficiles à déloger.</p>
<p>En absence d’études et de surveillance, il est difficile d’évaluer l’impact de cette punaise, mais on sait qu’elle va remplacer des espèces locales. Nous proposons aux naturalistes et observateurs de la nature d’ajouter les Zelus à leur liste et de suivre son évolution en France : elles sont reconnaissables sur photo et <a href="https://inpn.mnhn.fr/accueil/participer/inpn-especes">peuvent faire l’objet d’un suivi via les sciences participatives</a>.</p>
<p>Ceci est d’autant plus important pour le suivi de Zelus que la mise en place de suivis et d’études pour comprendre la régénération après le feu est fortement compromise par ces déboires politiques qui interrogent sur la place de la conservation et son acceptabilité dans certains de nos territoires, pourtant plus que nécessaire dans le contexte contemporain de nos écosystèmes méditerranéens qui font particulièrement face au réchauffement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste a reçu des financements de MNHN, CNRS, Sorbonne Univ., MAEE, MTE, National Géographic
</span></em></p>Les espèces invasives sont devenues un problème énorme, selon le tout récent rapport de l’IPBES, le « GIEC de la biodiversité ». Zoom sur l’arrivée de Zelus renardii en France.Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086782023-06-28T20:06:51Z2023-06-28T20:06:51ZPodcast « Zootopique » : Des maladies qui s’acclimatent ?<iframe src="https://embed.acast.com/7f7f5b1b-ba8f-4be1-833e-f8c62a47f850/64944f3c7e0c0d0010ec50bd" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p>« Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une première saison portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison.</p>
<p>Pour ce dernier épisode de la saison, intéressons-nous à ces maladies tropicales qui finissent par s’acclimater et se développer sur notre territoire en raison du changement climatique. Par exemple, en 2022, 65 cas de dengue autochtones ont été enregistrés dans le sud de la France.</p>
<p>D’autres maladies humaines ou animales émergeront à l’avenir. Alors, de quelles maladies parle-t-on ? Le changement climatique est-il vraiment l’unique facteur en cause ? Comment faire face à ces nouvelles menaces ?</p>
<p>Avec Stéphan Zientara, vétérinaire et virologiste, directeur de l’unité mixte de recherche Anses-Inrae-Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort et Éric Cardinale, vétérinaire spécialisé dans les domaines de la microbiologie et de l’épidémiologie, directeur adjoint de l’Unité mixte de recherche ASTRE Cirad-Inrae.</p>
<hr>
<p><em>Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : <a href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>. Animation : Benoît Tonson.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En raison du changement climatique et des comportements humains, certaines maladies, comme la dengue, pourraient devenir un problème en France métropolitaine.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceÉric Cardinale, Vétérinaire spécialisé dans les domaines de la microbiologie et de l’épidémiologie,, CiradStéphan Zientara, Vétérinaire et virologiste, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2051032023-06-19T17:49:07Z2023-06-19T17:49:07ZLes oiseaux marins de retour sur l’île Surprise, terrain d’étude du bout du monde des scientifiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532723/original/file-20230619-25-l44kho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne de l’île Surprise.</span> <span class="attribution"><span class="source">Armée de l’Air en Nouvelle-Calédonie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les scientifiques sont formels, le paradis existe ! Exactement comme on se l’imagine : une île tropicale digne des plus belles cartes postales, avec ses cocotiers, son fin sable blanc, sa mer bleu-turquoise et ses colonies d’oiseaux marins. <a href="https://mer-de-corail.gouv.nc/fr/decouverte-du-parc/atolls-dentrecasteaux">Ce petit territoire situé au milieu de l’océan Pacifique</a>, et joliment nommé l’île Surprise, a de quoi faire rêver… Ou plutôt avait. Car, il y a deux siècles, des humains l’ont « découverte ».</p>
<p>Originellement protégée par sa très petite taille, (une bonne dizaine d’îles de sa dimension pourraient aisément tenir dans Central Park, à New York) et son isolement presque total (il faut compter 48 heures de bateau à partir de Nouméa, la capitale néo-calédonienne, pour s’y rendre), elle n’a cependant pas résisté longtemps…</p>
<p>Même rares, les visites répétées entre 1880 et 1930 pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guano">l’exploitation du guano</a>, n’ont pas tardé à s’accompagner de l’introduction involontaire de rats et de souris, qui ont trouvé l’île bien à leur goût. Climat tropical, nourriture à foison (les proies locales ne connaissant pas les rats, elles ne s’en protègent pas), des plantes, des insectes, des reptiles, des œufs et des oisillons à ne plus savoir qu’en faire, et quelques noix de coco pour le dessert. Cerise sur le gâteau, aucun prédateur pour gâcher ce tableau idyllique !</p>
<p>Si bien qu’en quelques années, les colonies d’oiseaux ont commencé à décliner ; une espèce de râle aptère, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, a même totalement disparu.</p>
<h2>Un terrain d’études pour les scientifiques</h2>
<p>C’est dans ce contexte, au début des années 2000, que l’Association pour la sauvegarde de la nature néo-calédonienne (<a href="https://assoce.fr/waldec/W9N1001284/ASSOCIATION-POUR-LA-SAUVEGARDE-DE-LA-NATURE-NEO-CALEDONIENNE-ASNNC-">ASNNC</a>) a contacté le CNRS et l’Université Paris-Saclay pour lancer un programme d’élimination de la population de rats envahissants dans le but de protéger les espèces locales menacées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un rat noir" src="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rat noir introduit sur l’île Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Louis Chapuis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est ainsi que ce petit joyau de biodiversité du bout du monde est devenu, plus de deux décennies durant, le terrain d’étude et de restauration pour une foule de scientifiques et de gestionnaires de la biodiversité.</p>
<p>Impliquant de nombreux partenaires (CNRS, Université Paris-Saclay, IRD, MNHN, Inrae, ministère des Armées, Province Nord et plusieurs associations), elle a vu passer des dizaines d’experts en provenance de Nouvelle-Calédonie, de France métropolitaine, d’Espagne, de Nouvelle-Zélande et de Grande-Bretagne.</p>
<p>Les travaux qui ont découlé de ces observations ont donné lieu à plusieurs études théoriques et appliquées. Certaines décortiquaient le régime alimentaire des <a href="https://www.theses.fr/2006PA112357">rats sur l’île</a>, d’autres portaient sur les étonnants équilibres au sein les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10530-011-0065-0">communautés de fourmis</a>. D’autres encore expliquaient pourquoi éradiquer les rats faisait courir à l’écosystème le risque d’une <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s10530-008-9397-9.pdf">explosion de souris</a>, jusqu’ici contrôlées en une toute petite population localisée par la forte compétition des rats.</p>
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<p>D’autres enfin montraient comment les rats, pourtant prédateurs terrestres, <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2664.2007.01438.x">pouvaient déceler à l’avance</a> l’éclosion des nids de tortues marines, et se déplacer juste à temps sur les plages pour se gorger des bébés tortues qui tentaient de rejoindre les flots.</p>
<p>Mais la plus attendue sans doute de ces études vient d’être publiée, début 2023, <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cobi.14042">à propos de l’état des colonies d’oiseaux marins</a>, 15 années après l’éradication des rats.</p>
<h2>Après l’éradication des rongeurs</h2>
<p>Pour être en mesure de quantifier un effet de l’élimination des prédateurs envahissants, les chercheurs ont dû procéder dès 2002 à une minutieuse cartographie quantitative de l’ensemble de l’écosystème : quelles espèces étaient présentes, où, en quelles quantités ? Quelles espèces étaient liées à quelles autres ?</p>
<p>Une fois cette compréhension du système bien maîtrisée, pouvait-on alors envisager d’intervenir, en éliminant la population des rongeurs envahissants, ce qui eut lieu en 2005.</p>
<p>Ensuite, le suivi des différentes espèces dut se poursuivre sur le long terme, annuellement et pendant 5 ans, puis de manière plus espacée jusqu’à aujourd’hui. Il s’agissait d’une étape cruciale, à la fois pour surveiller que les rongeurs avaient bien tous été éliminés, et pour suivre la lente récupération des populations d’oiseaux affectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une tente sur une plage de l’île Surprise" src="https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campement de fortune sur l’île déserte pendant des sessions de terrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Caut</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Infographie montrant les différentes phases d’intervention sur l’île Surprise" src="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Infographie montrant les différentes étapes du suivi scientifique sur l’île Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ce sont les étapes d’études avant et après l’intervention – et même longtemps après – qui constituent l’une des originalités de cette étude, car elles ne sont que très rarement financées, et les gestionnaires de la biodiversité agissent souvent avec peu d’information sur la situation, ou sur l’efficacité de leurs actions.</p>
<p>À la faveur d’expéditions régulières 5 ans avant et jusqu’à 15 ans après l’éradication des prédateurs envahissants, les chercheurs ont été capables de suivre la dynamique de rétablissement de sept espèces d’oiseaux marins sur ce petit atoll : le fou brun, le fou à pieds rouges, le fou masqué, le noddi noir, le noddi brun, la frégate du Pacifique et la frégate ariel.</p>
<h2>Le retour des oiseaux</h2>
<p>Plus de 20 ans après avoir pris en 2002 la première mesure scientifique sur l’île Surprise, les modèles de dynamique des populations démontrent à quel point la biodiversité est résiliente : l’éradication des rongeurs a permis d’arrêter de façon nette le déclin des oiseaux marins, qui abondent aujourd’hui sur l’île.</p>
<p>Même s’il était déjà trop tard pour les oiseaux terrestres, comme le râle, décimés par le rat et si certaines espèces d’oiseaux marins (comme la sterne bridée) mettent plus de temps à récupérer, il n’y a pas eu besoin d’autres actions que de retirer les prédateurs envahissants ; l’écosystème a fait le reste.</p>
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<img alt="Des oiseaux marins en plein vol" src="https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vol de fous bruns sur l’ïle Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Caut</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En très peu de générations d’oiseaux, l’île retrouve sa fonctionnalité et son visage paradisiaque d’avant sa découverte par les marins, comme l’illustrent les vidéos tournées avant et après le programme scientifique, donnant à voir une différence frappante.</p>
<p>La lente mais solide récupération des populations d’oiseaux donne un nouvel espoir à toutes les îles sur lesquelles les prédateurs introduits ont été éliminés. L’espoir de retrouver le paradis perdu…</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Courchamp ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au début des années 2000, ce petit joyau de biodiversité est devenu un terrain d’étude et de restauration à la suite d’un programme d’élimination d’une population de rats envahissants.Franck Courchamp, Directeur de recherche CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048382023-05-22T16:37:31Z2023-05-22T16:37:31ZFouiller dans l’estomac des araignées pour savoir si elles mangent les insectes ravageurs de cultures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523789/original/file-20230502-3092-t0wg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C5%2C1908%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nouvelles méthodes d’analyse ADN permettent de déterminer ce que mangent les araignées — même si elles liquéfient leurs proies.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans les exploitations agricoles, les araignées sont d’importants prédateurs : elles contribuent à contrôler les populations d’insectes, y compris ceux qui ravagent les cultures. Elles pourraient ainsi être utilisées comme <a href="https://www.nj.gov/agriculture/divisions/pi/prog/buglab/what-is-biological-control/">« agent de biocontrôle »</a> pour limiter intentionnellement les populations de ces ravageurs des cultures. Mais nous devons pour cela mieux comprendre leurs rôles dans les écosystèmes agricoles.</p>
<p>Les zones semi-naturelles autour des champs d’une exploitation agricole sont des refuges <a href="https://doi.org/10.1111/rec.13485">pour les araignées</a> et d’autres arthropodes. Ces habitats leur fournissent des abris et des sources de nourriture alternatives à leurs proies habituelles, notamment lors des labours ou lorsque l’utilisation de pesticides est importante.</p>
<h2>Le régime alimentaire des araignées</h2>
<p>Pour déterminer si les araignées pourraient être des agents de biocontrôle efficaces, il faut déterminer leur régime alimentaire et ses saisonnalités : est-ce qu’elles mangent des insectes ravageurs de cultures, quand, etc.</p>
<p>Mais il s’avère difficile de savoir ce qu’ont mangé des araignées, car elles liquéfient les restes de leurs proies. En effet, certaines sont trop grosses pour être mâchées, voire trop dures à cause de leur exosquelette. Afin de décomposer les tissus corporels, les araignées <a href="https://doi.org/10.1186/s12864-017-3987-9">expulsent donc des enzymes digestives</a> sur leurs proies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="illustration de l’anatomie d’une araignée" src="https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523785/original/file-20230502-28-ykol2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Anatomie d’une araignée femelle à deux poumons.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Spider_internal_anatomy-fr.svg">J.H. Comstock et R.F. Felix/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour les scientifiques, une solution consiste à analyser le contenu stomacal des araignées à l’aide du <em>barcoding</em> de l’ADN (ou « codage à barres »), une technique qui consiste à identifier une espèce en séquençant un fragment d’ADN, court et standardisé, d’un gène particulier. Cette méthode fonctionne même si les restes de proies sont liquéfiés.</p>
<p>La technique du codage à barres de l’ADN a 20 ans : Paul Hebert <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2002.2218">l’a appliqué aux arthropodes</a> en 2003 (avec certains d’entre nous), et a montré qu’il était possible de distinguer les espèces animales en séquençant l’ADN d’un spécimen. Depuis, la technologie a évolué grâce aux progrès dans les domaines du séquençage d’ADN et de la bio-informatique : il est maintenant possible d’identifier rapidement et avec précision les espèces présentes dans de nombreux échantillons.</p>
<h2>Analyse ADN de l’estomac d’une araignée</h2>
<p>Il est ainsi devenu de plus en plus fréquent – et populaire –, d’<a href="https://doi.org/10.1002/edn3.62">analyser le contenu stomacal des araignées grâce au barcoding de l’ADN</a> : l’ADN trouvé dans l’intestin d’une araignée permet de savoir ce qu’elle a mangé, et quel rôle elle tient dans l’écosystème.</p>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.1139/gen-2018-0093">processus d’analyse</a> commence par la capture d’araignées sur le terrain. On les broie ensuite en une « soupe d’ADN », afin d’extraire l’ADN contenu dans leur estomac. En effet, l’estomac des araignées est très étendu, et traverse différentes parties du corps. Broyer des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0196589">araignées entières peut aider à détecter l’ADN de leurs proies</a>.</p>
<p>On peut ainsi déterminer si une araignée est généraliste – c’est-à-dire si elle se nourrit de nombreuses proies différentes, ou spécialiste – si elle se nourrit d’une espèce ou d’un groupe d’espèces particulier, qui peut inclure ou non des insectes ravageurs des cultures. Ces informations pourraient permettre de déployer des araignées comme agents de biocontrôle, une solution de lutte contre les ravageurs qui est plus durable, moins coûteuse et plus respectueuse de l’environnement que les insecticides.</p>
<p>Les prédateurs généralistes, dont certaines araignées, mangent en fait <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-26191-0">ce qu’ils trouvent</a> : des espèces ravageuses comme les <a href="https://theconversation.com/quand-leurs-microbes-aident-ou-pas-les-pucerons-a-survivre-a-la-hausse-des-temperatures-186413">pucerons</a> ainsi que des espèces qui ne s’attaquent pas aux cultures comme les <a href="https://theconversation.com/les-insectes-ces-super-heros-148956">collemboles</a>.</p>
<p>C’est grâce à cette technique que les chercheurs ont constaté que les échantillons prélevés en début de saison de culture révélaient des « estomacs vides », et une augmentation du contenu de l’estomac plus tard dans la saison agricole. Mais ces recherches précédentes avaient analysé le contenu de l’estomac de trois espèces d’araignées seulement, et uniquement au début et à la fin de la saison de culture.</p>
<p>Nous cherchons actuellement à combler ces lacunes.</p>
<h2>Des communautés d’araignées qui évoluent au fil de la saison des cultures</h2>
<p>Nous menons nos recherches dans des exploitations agricoles qui comportent toutes un habitat restauré adjacent aux cultures, comme des prairies d’herbes hautes et des zones humides.</p>
<p>La présence de ces différents types d’habitats dans les exploitations agricoles modifie la structure du réseau trophique, avec des groupes de proies et de prédateurs qui se relayent au fil de la saison. Les habitats aquatiques (zones humides) et terrestres (prairies) sont connus pour favoriser les populations d’araignées, et donc la fonction de biocontrôle que nous cherchons à étudier.</p>
<p>Nous avons échantillonné les communautés d’araignées de manière intensive pendant quatre mois, entre mai et août, et à différentes distances des champs, afin d’étudier les mouvements des araignées tout au long de la saison de croissance des cultures. La connaissance des populations d’araignées et de leurs mouvements intervient dans la gestion des systèmes agricoles, par exemple pour déterminer le meilleur moment pour répandre des pesticides dans les champs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1200%2C779&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un zoom d’une minuscule araignée sur une feuille" src="https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1200%2C779&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515973/original/file-20230317-22-znihry.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les araignées sauteuses sont plus actives entre juin et août.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(A. Dolezal)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Plusieurs groupes fonctionnels d’araignées</h2>
<p>Sur les exploitations agricoles avec des habitats restaurés à côté des champs de culture, nos données préliminaires révèlent la présence de plusieurs groupes fonctionnels d’araignées : des araignées tisseuses de toiles, des araignées de sol, des araignées embusquées, des chasseuses.</p>
<p>Au total, nous avons identifié vingt familles d’araignées au long de la période d’échantillonnage. Certaines étaient plus présentes dans certains habitats que dans d’autres. Ce nombre de familles présentes au sein d’exploitations agricoles est assez conséquent : il y a en effet <a href="https://www.toronto.ca/wp-content/uploads/2017/08/8f2a-Biodiversity_SpiderBook-Division-Planning-And-Development.pdf">environ vingt-cinq familles d’araignées au total dans cette région</a> (autour de Toronto, au Canada).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Nous avons constaté une plus grande abondance d’araignées et de leurs proies dans les zones semi-naturelles entourant les champs de culture et à proximité de ces zones restaurées (zones humides ou prairies).</p>
<p>Les données préliminaires montrent également que les mois de juin et d’août sont la haute saison pour l’activité des araignées dans ces exploitations agricoles, où elles se déplacent beaucoup plus qu’en mai et en juillet.</p>
<h2>Mieux protéger les araignées, leurs écosystèmes… et la production agricole</h2>
<p>En étudiant le contenu de l’estomac des araignées, nous espérons mieux comprendre le rôle qu’elles jouent dans leurs écosystèmes, ce qui pourrait permettre de promouvoir des modèles de protection des cultures respectueux de l’environnement et inspirés de la lutte naturelle contre les ravageurs.</p>
<p>Selon une méta-analyse de 58 études publiées, les <a href="https://doi.org/10.1111/geb.12927">araignées ont supprimé les insectes nuisibles agricoles dans 79 % des études</a>, ce qui a permis d’améliorer les performances agricoles. Le recours excessif aux produits chimiques pour lutter contre les ravageurs des cultures n’est pas une option durable et il est urgent d’utiliser des approches écologiques.</p>
<p>Ainsi, le barcoding d’ADN ouvre de nouvelles voies pour étudier l’<a href="https://doi.org/10.3390/insects11050294">écologie des araignées et leur potentiel en tant qu’agents de biocontrôle dans les paysages agricoles</a>. Et grâce aux progrès des technologies de séquençage de l’ADN et de la bio-informatique, cela pourrait contribuer à rendre les pratiques agricoles plus durables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204838/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des recherches pour comprendre comment les araignées régulent les populations d’insectes ravageurs de cultures.Aleksandra Jessica Dolezal, PhD Candidate, Integrative Biology, University of GuelphAndrew MacDougall, Professor, Integrative Biology, University of GuelphDirk Steinke, Adjunct Professor, Integrative Biology, University of GuelphJeremy deWaard, Adjunct Professor, Centre for Biodiversity Genomics, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1991442023-02-14T20:35:44Z2023-02-14T20:35:44ZPeut-on éviter de détruire la nature ?<p>Les populations humaines visent souvent à détruire les espèces dites « nuisibles ». C’est le cas lorsque l’on utilise des pesticides pour protéger les cultures de céréales, d’arbres fruitiers ou des vignes contre des insectes qui peuvent les ravager.</p>
<p>Mais cette utilisation de produits chimiques pour protéger les cultures n’est pas « sélective » : non seulement les insectes ravageurs sont éradiqués, mais c’est tout un cortège de communautés d’insectes dans l’écosystème des cultures (en sous-sol, sur les plantes et dans l’atmosphère) ainsi que la faune microbienne souterraine qui est impactée. Or, ces espèces contribuent au fonctionnement naturel des sols et sont très utiles, justement pour l’agriculture. Les détruire c’est mettre en péril la pérennité des cultures. On est en train de scier la branche sur laquelle on est assis ! De plus, il peut y avoir des effets néfastes pour les petits animaux terrestres et les oiseaux, qui se nourrissent d’insectes.</p>
<p>C’est la même chose pour l’utilisation des produits chimiques pour nous assurer un meilleur confort. Il n’y a pas meilleur exemple dans la région méditerranéenne que celui de la lutte contre les moustiques dans les zones humides où on emploie des produits chimiques pour éradiquer les larves dans les lagunes et étangs. Mais une fois dans l’eau ces produits peuvent impacter aussi d’autres composantes de la biodiversité comme les chironomes (insectes qui ne piquent pas les humains) avec comme résultat une perte de nourriture disponible pour leurs prédateurs (libellules et hirondelles par exemple).</p>
<p>Il s’agit donc de deux illustrations d’un seul et même problème : l’impact de l’utilisation des produits chimiques dépasse de loin les espèces dites nuisibles pour affecter la biodiversité dans son ensemble. En visant certaines espèces nuisibles, l’homme détruit aussi d’autres espèces. De plus, la biodiversité fonctionne comme une chaîne d’interactions, entre différentes espèces, et entre les espèces et leurs milieux. Impacter certaines espèces peut avoir des conséquences sur d’autres. Il est temps d’en tenir compte.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AqOhQbe1IP0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">QJR : Pourquoi l’Homme veut-il tant détruire la nature ? (Académie de Montpellier/Agropolis).</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, la population humaine sur Terre augmente, de manière très importante. Nous occupons donc plus d’espaces naturels, à la campagne et en périphérie des villes (construction de maisons, des centres commerciaux, et des zones d’activité, ainsi que des routes, des lignes de train, et d’autres infrastructures). L’espace disponible pour la biodiversité ne cesse de diminuer et les barrières aux déplacements des espèces augmentent. Les villes continuent à croître et, la nuit, les paysages sont de plus en plus pollués par la lumière, non sans impact sur la vie des espèces nocturnes.</p>
<p>Sans forcément vouloir « détruire la nature » les activités humaines sont malheureusement une des causes majeures de la perte de biodiversité, locale, régionale et mondiale et il y a donc de bonnes raisons de la favoriser, dès le plus jeune âge, dans les écoles et les collèges. Pour favoriser localement la biodiversité, il existe en effet plein de bonnes actions assez simples à mettre en place. On peut toujours faire mieux en termes de recyclage, ou de consommer moins d’énergie, voire créer un espace de jardin avec des plantes à fleurs locales, qui, elles, peuvent favoriser la présence des insectes (notamment des pollinisateurs comme les papillons et les abeilles) et des oiseaux. On peut aussi penser à mettre en place des nichoirs pour les oiseaux, des gîtes pour les chauves-souris. Les actions possibles et positives pour la biodiversité sont nombreuses, et les associations de naturalistes, ainsi que les scientifiques, sont là pour les encourager.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503649/original/file-20230109-9360-lxdmaf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre du dispositif « Questions de Jeunes à la Recherche » mené par <a href="https://www.agropolis.fr">Agropolis International</a> en partenariat avec le Rectorat de l’Académie de Montpellier.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Thompson a reçu des financements de subventions publiques ouvertes à la recherche
Il est président et membre de plusieurs conseils scientifiques pour les aires protégées.</span></em></p>Les activités humaines liées à la construction ou à l’agriculture impactent la biodiversité mais certaines actions peuvent être mises en place.John Thompson, Directeur de recherches en écologie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1960792022-12-07T16:04:52Z2022-12-07T16:04:52ZPour préserver la biodiversité, il faut rendre les villes plus compactes, circulaires et vertes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C3159%2C2085&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Comment mieux protéger les espèces vivantes soumises aux pressions croissantes des activités humaines ? Cette question est au cœur des discussions de la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/faune-flore-especes/biodiversite/cop15.html">COP15</a>, qui se tient actuellement à Montréal.</p>
<p>Le développement des villes fait partie de la solution, à condition de limiter leur étalement, de promouvoir l’économie circulaire et de favoriser la cohabitation entre les activités humaines et les différentes espèces végétales et animales qui y vivent.</p>
<p>Professeur en études urbaines à l’Université du Québec à Montréal, mes activités de recherche portent sur les indicateurs de durabilité urbaine et les démarches de durabilité dans les petites et moyennes municipalités du Québec.</p>
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<img alt="Vu du ciel de Tokyo" src="https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499591/original/file-20221207-4221-m1xemt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tokyo, avec le temple Sensoji à l’avant-plan. La métropole japonaise est l’une des villes les plus densément peuplées au monde, mais elle conserve de nombreux espaces verts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Les villes nuisent à la biodiversité, mais contribuent à la préserver</h2>
<p>Les villes n’occupent que <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiYhoa-kOX7AhWsjokEHaz9DqcQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Feuropa.eu%2Fcapacity4dev%2Ffile%2F13847%2Fdownload%3Ftoken%3DohKLITsm&usg=AOvVaw0Ey2E3KL55BvY6SzzmtEMf">3 % de la superficie de la planète</a>, mais elles sont responsables d’une grande partie de la perte de biodiversité mondiale à l’extérieur de leurs frontières. On parle ici de l’extinction de nombreuses espèces vivantes dans les régions rurales et les pays tropicaux en raison de la destruction d’habitats naturels.</p>
<p>Dans quel but ? Répondre <a href="https://royalsociety.org/topics-policy/projects/biodiversity/consumption-patterns-and-biodiversity/">aux besoins en ressources naturelles et en énergie</a> afin de loger, nourrir, vêtir et prendre soin de la population. Deux tiers de ces besoins se trouvent dans les villes et ils sont <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter_08.pdf">jusqu’à cinq fois plus élevés dans les villes des pays les plus riches</a>.</p>
<p>En même temps, les villes contribuent à préserver la biodiversité mondiale en concentrant les populations dans des zones limitées et en isolant ainsi les activités humaines des environnements où se concentrent d’autres espèces vivantes. Cela implique toutefois une cohabitation entre les activités humaines et les autres espèces qui vivent dans les villes. Et cette cohabitation n’est pas toujours facile.</p>
<p>On observe notamment des <a href="https://royalsociety.org/topics-policy/projects/biodiversity/human-impact-on-biodiversity/">problèmes</a> liés à la fragmentation des habitats naturels pour la construction de routes et de bâtiments. Ou encore, l’introduction d’espèces exotiques et envahissantes. Et c’est sans parler de la pollution urbaine (matières résiduelles, bruits), qui nuit aux habitats et à la survie de nombreuses espèces végétales et animales en ville.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne de Dacca, capitale du Bangladesh, la ville la plus densément peuplée au monde, avec 43 797 habitants au km carré. Elle manque d’espaces verts et l’air y est irrespirable pour ses 15 millions d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Pourtant, les villes dépendent de cette biodiversité pour prospérer économiquement. Par exemple, les rendements des cultures visitées par les insectes pollinisateurs comme les abeilles <a href="https://www.openaccessgovernment.org/how-bees-can-stabilise-food-supply-and-food-prices/140342/">produisent un approvisionnement alimentaire plus stable et aident à figer les prix des denrées alimentaires</a>. La biodiversité préserve aussi la qualité des sols, ce qui limite le recours aux engrais et pesticides chimiques dont les coûts sont habituellement supportés par les habitants des villes.</p>
<p>Les villes dépendent aussi de cette biodiversité pour maintenir sa population en santé. Par exemple, les écosystèmes riches en biodiversité <a href="https://library.oapen.org/bitstream/handle/20.500.12657/50063/978-94-007-7088-1.pdf">filtrent l’eau et éliminent les polluants avant qu’ils ne puissent contaminer la source d’eau potable des villes</a>. Pensons aussi <a href="https://theconversation.com/en-ville-les-grands-arbres-sont-indispensables-179898">aux bénéfices psychologiques du contact avec la nature et des avantages</a> qu’offrent les espaces verts pour les activités physiques.</p>
<h2>Promouvoir et faciliter l’économie circulaire</h2>
<p>Afin de préserver cette biodiversité des plus importantes pour les activités humaines, l’un des rôles que les villes peuvent jouer est de créer sur leur territoire les dispositifs urbains propices à l’économie circulaire. On parle ici des infrastructures, de l’aménagement du territoire et des services publics qui favorisent le développement de certaines activités économiques basées sur la réduction de la quantité de ressources vierges consommées, l’intensification de l’usage des produits, le prolongement de leur durée de vie et la valorisation des ressources en leur donnant une nouvelle vie.</p>
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<img alt="un. jardin communautaire, avec un édifice à logements à l’arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499595/original/file-20221207-15956-29psdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un jardin communautaire au cœur de Paris, une des villes les plus densément peuplées de la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De tels dispositifs en faveur de l’économie circulaire contribueront à freiner les taux d’extinction de la biodiversité. Comment ? En réduisant la pression qu’exerce la consommation urbaine de ressources sur les habitats naturels situés en dehors de leurs frontières. Rappelons que les villes consomment à elles seules plus de <a href="https://www.journals.elsevier.com/environmental-development/news/urban-resource-flows-and-the-governance">75 % des ressources naturelles mondiales</a> que procurent ces habitats naturels.</p>
<h2>Rendre les villes plus compactes</h2>
<p>Les villes devront aussi demeurer plus compactes, c’est-à-dire utiliser l’espace de manière à limiter l’étalement urbain sur les milieux naturels ou agricoles environnants ainsi que les besoins de transport. Cela implique notamment de créer des milieux de vie attractifs pour les individus et les familles, indépendamment de leur niveau de revenu. Il s’agit donc pour les villes de favoriser sur leur territoire des opportunités de formations et d’emplois diversifiés <a href="https://theconversation.com/la-densification-des-villes-est-bonne-pour-lenvironnement-et-leconomie-189434">permettant de maintenir et d’attirer les jeunes</a>.</p>
<p>Il s’agit aussi d’utiliser l’espace urbain de façon créative afin de colocaliser les services de proximité et les options de logements pour des niveaux de revenus différents. Elles devront également offrir diverses options de transport actif et collectif abordables, efficaces, accessibles et sécuritaires desservant les lieux de vie et de travail.</p>
<h2>Préserver et accroître la biodiversité urbaine</h2>
<p>Enfin, les villes devront accorder une plus grande priorité à la biodiversité dans leur planification, sous peine de perdre un grand nombre de bénéfices qu’elle leur procure. <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter_08.pdf">Soulignons, par exemple, l’assainissement de l’air et de l’eau</a>, la réduction des eaux de ruissellement, l’atténuation des effets du changement climatique ou encore l’augmentation de la valeur des propriétés.</p>
<p>Il n’est pas non plus utopique de penser que les villes peuvent, elles aussi, fournir des bénéfices à la biodiversité en retour de ce qu’elle leur apporte. <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/2/148/6102678?login=false">Selon une étude publiée dans <em>Bioscience</em></a>, les villes contribuent plus qu’on ne le pense à la biodiversité. Par exemple, elles servent de lieu de refuge à un nombre croissant d’espèces animales qui sont de plus en plus menacées par la perte grandissante d’habitats et le changement climatique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499598/original/file-20221207-3544-5yemhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une pancarte annonce la présence de coyotes, dans un parc au nord de l’île de Montréal. De plus en plus d’animaux sauvages trouvent refuge dans les parcs urbains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Ryan Remiorz</span></span>
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<p>Au-delà des mesures que les villes mettent de l’avant, comme la protection des espaces naturels, la plantation d’arbres et les incitatifs à réduire la pollution urbaine, elles devront déployer des stratégies pour assurer la qualité de vie des autres espèces vivantes en ville et prévenir ainsi leur extinction.</p>
<p>Par exemple, il faudra veiller à la santé des pollinisateurs en limitant l’introduction d’espèces exotiques et en favorisant une végétation diversifiée. Poursuivre les recherches susceptibles d’approfondir notre compréhension de la faune et de la flore urbaines en évolution constante sera aussi vital pour l’avenir de la biodiversité.</p>
<p>Pour amplifier les impacts des politiques nationales en matière de biodiversité, les États gagneraient donc à soutenir les initiatives pilotées par les villes. Car celles-ci auront une double responsabilité. Celle de préserver la biodiversité sur leur territoire et à l’extérieur de leurs frontières. C’est celle-là qui assure leur approvisionnement en ressources et dont dépend leur prospérité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196079/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juste Rajaonson a reçu du financement des Fonds de recherche du Québec Société et Culture pour ses recherches sur les démarches municipales de durabilité au Québec. Il est aussi titulaire d'une subvention du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et du Réseau de recherche en économie circulaire du Québec pour ses recherche sur les villes et régions circulaires.</span></em></p>Le développement des villes constitue un levier important pour préserver la biodiversité, à condition de limiter leur étalement et de promouvoir l’économie circulaire.Juste Rajaonson, Professeur en études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1931902022-11-01T13:58:56Z2022-11-01T13:58:56ZLes chenilles spongieuses ont complètement disparu au Québec : voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492610/original/file-20221031-17-wg66hp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C4%2C2717%2C1815&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que l'épidémie de spongieuse européenne a atteint un pic dramatique dans certaines parties du Canada l'année dernière, ces chenilles ont complètement disparu cette année.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Washington State Department of Agriculture/flickr)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>L’année dernière, les forêts du sud du Québec et de l’Ontario ainsi que d’une grande partie de la Nouvelle-Angleterre ont <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/06/23/en-images-les-forets-du-quebec-ravagees-par-la-chenille-spongieuse">étrangement perdu leurs feuilles</a>. L’air bourdonnait au son des mandibules qui mastiquaient le bois et les troncs d’arbres étaient couverts d’un tapis mouvant de chenilles, dont les excréments tombaient doucement sur les têtes des marcheurs et des campeurs insouciants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-chenilles-affamees-ont-un-impact-sur-la-qualite-des-lacs-et-les-emissions-de-carbone-172103">Des chenilles affamées ont un impact sur la qualité des lacs et les émissions de carbone</a>
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<p>La population de spongieuses européennes, qui enregistrait une hausse graduelle depuis 2019, a connu un pic spectaculaire en 2021, avant de complètement disparaître cette année.</p>
<p>En 2020, la chenille affamée a <a href="http://nfdp.ccfm.org/fr/data/insects.php">endommagé près de 583 157 hectares de forêts en Ontario</a>, et ce nombre est voué à augmenter avec le dévoilement des chiffres de 2021.</p>
<p>Les infestations d’insectes sont une des <a href="https://www.ccmf.org/des-for%C3%AAts-saines/les-perturbations-naturelles/">perturbations naturelles les plus importantes</a> dans les forêts canadiennes. En tant que biologiste travaillant depuis plus de 20 ans sur les interactions entre les plantes et les insectes, je constate que la fréquence, l’intensité et l’étendue des infestations ne cessent d’évoluer. La protection des arbres dans les forêts et les villes passe plus que jamais par la diversité arboricole.</p>
<h2>Infestations d’insectes</h2>
<p>Une infestation d’insectes peut être effrayante. Dans les déserts des quatre coins du monde, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qNpTsn4l0S4">d’énormes nuages de criquets</a> peuvent cacher le soleil pendant des heures. Dans les montagnes Rocheuses, les versants sont couverts d’arbres morts, tués par le [dendoctrone du pin], qui <a href="https://www.britannica.com/video/179774/mountain-pine-beetle-destruction-forests-Canadian">creuse des galeries sous leur écorce</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Arbres dont les feuilles ont été mangées" src="https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489742/original/file-20221014-25-6tyf4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Arbres dont les feuilles ont été mangées par des spongieuses sur le mont Royal, à Montréal, le 7 juillet 2021. Les infestations d’insectes stimulent le cycle des substances nutritives, accélèrent la succession forestière et peuvent renouveler les forêts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
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</figure>
<p>Les infestations d’insectes n’ont cependant rien d’un nouveau phénomène. Des données historiques chinoises rendent compte d’<a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1100189108">infestations de criquets depuis près de 2 000 ans</a>, tandis que des études paléoécologiques démontrent que les forêts boréales du Québec ont été témoins d’infestations de <a href="https://doi.org/10.1139/cjfr-2017-0009">tordeuses des bourgeons de l’épinette depuis au moins 8 000 ans</a>.</p>
<p>De telles infestations sont inhérentes à la façon dont les forêts tempérées et boréales – ainsi que les prairies et les déserts semi-arides – fonctionnent. Elles stimulent le cycle des substances nutritives, accélèrent la succession forestière et peuvent <a href="https://www.nrcan.gc.ca/our-natural-resources/forests/wildland-fires-insects-disturbances/why-forests-need-fires-insects-and-diseases/13081">renouveler les forêts</a>.</p>
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<img alt="Une spongieuse qui pond" src="https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490978/original/file-20221020-23-f2351s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les insectes femelles peuvent produire des centaines de progénitures et il suffit que deux d’entre elles survivent pour stabiliser leur population.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Bob Child)</span></span>
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<p>Les insectes femelles peuvent produire des centaines de progénitures et il suffit que deux d’entre elles survivent pour stabiliser leur population. Une légère hausse de la survie, attribuable à des facteurs comme des conditions climatiques favorables, peut mener à une explosion de la population et à une infestation.</p>
<p>Dans le cas du <a href="http://dx.doi.org/10.1641/B580607">dendoctrone du pin</a> et du <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-020-0835-8">criquet pèlerin</a>, la hausse des températures, l’augmentation de l’activité cyclonique et d’autres effets semblables du réchauffement climatique font que ces conditions favorables sont plus souvent rassemblées dans de nouvelles régions, ce qui entraîne une hausse considérable de l’ampleur des infestations.</p>
<p>Cependant, ces infestations prennent toujours fin en raison de ce que les écologistes appelent la <a href="https://www.nature.com/scitable/knowledge/library/dynamics-of-predation-13229468/">régulation de population desité-dépendante avec délai</a>. Ici, « densité-dépendante » signifie que le taux de mortalité des insectes dépend de la taille de la population. À mesure que la population augmente, la mortalité augmente également et le taux de survie diminue. Par ailleurs, « avec délai » signifie qu’il y a un retard dans ce processus ; la mortalité de l’insecte augmente plus lentement que la population ne croît, ce qui entraîne une infestation.</p>
<p>L’infestation cesse lorsque la mortalité de l’insecte finit par rattraper sa densité de population. C’est généralement attribuable à un ensemble de facteurs, comme un manque de nourriture et une hausse des prédateurs, des parasitoïdes (des insectes qui pondent à l’intérieur d’autres insectes) et des maladies.</p>
<h2>Où est passée la spongieuse ?</h2>
<p><a href="https://www.concordia.ca/artsci/biology/faculty.html.html?fpid=emma-despland">Des étudiantes de mon laboratoire</a> étudient les spongieuses depuis trois ans et ont découvert que la mortalité de ces chenilles augmente graduellement à mesure que sa population croît.</p>
<p>En 2019, une étudiante, Pamela Yataco Marquez, a examiné plus de 300 chenilles et observé un taux de survie de 80 %. Cependant, cette année, malgré des recherches poussées, Marie-Eve Jarry, Geovana Demarchi et Victoria Yip n’ont pu trouver et examiner que 97 chenilles. Seules 6 d’entre elles ont survécu et atteint l’âge adulte.</p>
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<img alt="Un papillon de nuit fraîchement éclos en laboratoire" src="https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490736/original/file-20221019-13-8iisbk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette spongieuse femelle élevée en laboratoire est l’une des rares survivantes de 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Victoria Yip)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Plusieurs <a href="https://doi.org/10.2737/NRS-GTR-179">agents de mortalité</a>, dont un virus <em>Lymantria dispar multiple nucleopolyhedrovirus</em>, la maladie fongique <em>Entomophaga maimaiga</em> et deux guêpes parasitoïdes du nom de <em>Cotesia melanoscela</em> et <em>Ooencyrtus kuvanae</em>, ont finalement permis à la mortalité de rattraper la densité de population de l’insecte.</p>
<p>Lorsque des œufs de parasitoïdes – pondus dans les œufs ou le corps d’autres insectes – éclosent, les larves dévorent leur hôte de l’intérieur et finissent par émerger, prêtes à commencer un nouveau cycle de vie.</p>
<p>Ces dernières s’apparentent davantage à des prédateurs qu’à des parasites, car elles tuent leur hôte, et constituent des agents de contrôle biologique qui entraînent une baisse des populations d’insectes nuisibles.</p>
<h2>Ramper au-delà des frontières</h2>
<p>Bien que la spongieuse soit originaire d’Europe, on la retrouve dans l’est de l’Amérique du Nord depuis les années 1860 et elle <a href="https://www.invasivespeciescentre.ca/invasive-species/meet-the-species/invasive-insects/gypsy-moth/">fait désormais partie de notre faune</a>.</p>
<p>Elle n’a pas encore atteint la partie ouest du continent. La meilleure façon de l’en empêcher est d’inspecter le matériel de plein air à la recherche de chenilles ou de masses d’œufs avant de voyager et de <a href="http://www.invadingspecies.com/fr/envahisseurs/nuisibles-des-forets/spongieuse/">ne pas transporter de bois de chauffage</a>.</p>
<p>La population asiatique de spongieuses ne s’est pas encore rendue jusqu’en Amérique du Nord, et les entomologistes font tout ce qui est en leur pouvoir <a href="https://www.rncan.gc.ca/la-science-simplifiee/articles/par-ses-recherches-le-service-canadien-des-forets-empeche-la-spongieuse-asiatique-den/20993">pour éviter cela</a>.</p>
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<img alt="Une chenille de spongieuse sur une feuille partiellement dévorée" src="https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490738/original/file-20221019-16005-mk4ufs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’étendue actuelle de la distribution de la spongieuse en Amérique du Nord s’étend jusqu’au sud du Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Geovana Demarchi)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au cours des 150 dernières années, un bon nombre des ennemis naturels européens de la spongieuse, notamment la maladie fongique mentionnée ci-dessus et plusieurs parasitoïdes, ont également été <a href="https://fyi.extension.wisc.edu/spongymothinwisconsin/biological-control/">introduits, par inadvertance ou délibérément</a>. Nos découvertes démontrent que ces ennemis naturels sont bien établis dans nos régions et qu’ils se sont avérés efficaces pour arrêter l’infestation.</p>
<p>L’étendue actuelle de la distribution de la spongieuse en Amérique du Nord s’étend jusqu’au sud du Canada. Ici, les <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13474">œufs qui passent l’hiver sur des troncs d’arbre connaissent une mortalité élevée en raison du froid</a>, faisant chuter le taux de survie quelle que soit la densité de population.</p>
<p>Les aménagistes des forêts au <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/documents/forets/RA_2021_DPF.pdf">Québec</a> et en <a href="https://www.ontario.ca/fr/page/spongieuse-lymantria-dispar-dispar-ou-ldd">Ontario</a> surveillent de près la hausse des infestations de spongieuses, qui sont notamment plus graves et plus longues, comme celles observées aux États-Unis, ainsi qu’un possible mouvement des populations vers le nord.</p>
<h2>Diversité forestière</h2>
<p>Même si un arbre sans feuilles au mois de juillet peut sembler mort, beaucoup d’arbres peuvent survivre à la défoliation pendant plusieurs années, puisant dans leurs réserves accumulées pour former de nouvelles feuilles.</p>
<p>L’infestation de spongieuses dans la région de Montréal vers la fin des années 1970 a ralenti la croissance des arbres, mais n’a pas entraîné la mort généralisée des arbres forestiers. Cependant, les <a href="https://academic.oup.com/forestscience/article/45/1/74/4627518">arbres meurent en plus grand nombre</a> plus au sud, aux États-Unis, et cette mortalité dépend de la diversité des arbres dans la zone forestière. Dans des forêts diversifiées au sein desquelles se trouvent également des espèces moins vulnérables, on observe une mortalité moindre des espèces d’arbres que la chenille préfère.</p>
<p><a href="http://dx.doi.org/10.1111/conl.12829">Les forêts diversifiées</a> sont ainsi plus résistantes aux différentes perturbations que celles qui sont plus homogènes. Nous devons donc créer et préserver de telles forêts pour les aider à se préparer à de nouveaux types d’infestations d’insectes dans un monde en constante mutation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193190/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emma Despland a reçu des financements de la subvention Alliance du CRSNG-Accélération de Mitacs.
</span></em></p>La création et la préservation de forêts diversifiées peuvent nous aider à nous préparer à la prochaine invasion d’insectes et à protéger nos arbres.Emma Despland, Professor, Biology Department, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921342022-10-13T13:29:20Z2022-10-13T13:29:20ZLa réglementation des navires transocéaniques a réduit l'introduction d'espèces invasives dans les Grands Lacs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488801/original/file-20221007-18-1iy866.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C15%2C5032%2C2881&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis 60 ans, le rejet de l’eau de ballast par les navires océaniques constitue une source importante d’espèces envahissantes dans les Grands Lacs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les écosystèmes des eaux douces sont menacés par une multitude de stresseurs environnementaux liés aux activités humaines. <a href="https://doi.org/10.1002/9781444329988.ch16">L’invasion par une espèce non indigène</a> constitue l’un des stresseurs les plus insidieux et les plus dommageables.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Au cours des deux derniers siècles, des populations établies de <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12866">près de 190 espèces non indigènes</a> d’invertébrés, de poissons, de plantes et de microbes ont été découvertes dans le bassin des Grands Lacs. Elles ont été introduites par <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2019.09.002">plusieurs sources et voies d’accès</a>, notamment les canaux, les animaux de compagnie, le déversement de seaux à appâts, les fuites provenant de l’aquaculture et, surtout, le rejet de l’eau de ballast des navires transocéaniques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Navire rejetant son eau de ballast en mer" src="https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485398/original/file-20220919-376-2ftiwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Navire rejetant son eau de ballast en mer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Sarah Bailey/Pêches et Océans Canada)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><a href="https://ballast-outreach-ucsgep.ucdavis.edu/AIS_Info_and_Research/Organisms_Found_in_Ballast_Water/">Les citernes de ballast</a> des navires peuvent contenir toutes sortes d’invertébrés, de larves de poissons et d’énormes quantités de phytoplancton et de zooplancton à divers stades de développement. Le rejet de l’eau de ballast est responsable de milliers d’invasions côtières dans le monde. C’est la <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12866">principale cause d’invasion des Grands Lacs depuis 1959</a>, époque à laquelle la voie maritime moderne du Saint-Laurent a été ouverte pour accueillir de plus gros navires de commerce océaniques.</p>
<p>Au milieu des années 1980, un cargo d’Europe de l’Est entreprend un voyage outre-mer vers les Grands Lacs. Avant que le navire ne quitte son port d’attache, de l’eau est pompée dans ses réservoirs de ballast afin d’ajouter poids et stabilité pour traverser l’océan Atlantique en toute sécurité. L’eau contient les larves d’une moule d’eau douce envahissante. Après avoir emprunté la Voie maritime du Saint-Laurent, le navire déverse une partie de l’eau – et donc des larves – dans un port des Grands Lacs, introduisant ainsi la <a href="https://doi.org/10.1016/S0380-1330(08)71617-4">moule zébrée en Amérique du Nord</a>. Le même scénario s’est produit pour de nombreuses autres espèces.</p>
<p>Une gestion efficace du circuit de l’eau de ballast est essentielle si l’on veut ralentir le rythme de l’invasion dans les Grands Lacs et protéger ses ressources. Voici un exemple d’intervention qui semble avoir permis d’atteindre cet objectif.</p>
<h2>Déficiences dans la gestion de l’eau de ballast</h2>
<p>De 1959 à 2006, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1366-9516.2006.00262.x">on découvrait un nouvel envahisseur établi dans le bassin des Grands Lacs tous les six à sept mois</a>, en moyenne. Aucun autre système d’eau douce sur la planète n’a subi d’invasions aussi fréquentes.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1111/j.1366-9516.2006.00262.x">Près des deux tiers de ces espèces</a> ont été introduites par de l’eau de ballast. Parmi elles figurent des envahisseurs qui ont <a href="https://www.glerl.noaa.gov/pubs/tech_reports/glerl-161/tm-161.pdf">appauvri la biodiversité indigène, altéré les pêcheries et causé d’autres impacts écologiques</a> et <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-012-9522-6">socioéconomiques</a> dans les Grands Lacs.</p>
<p>En 1993, le Canada et les États-Unis ont tenté de contrôler les invasions par eau de ballast en <a href="https://doi.org/10.1641/0006-3568(2004)054%5B0919:BTWBIT%5D2.0.CO;2">exigeant que les navires entrants remplacent leur eau de ballast douce par de l’eau salée</a> avant d’entrer dans les Grands Lacs.</p>
<p>La logique derrière cette réglementation était que les organismes d’eau douce présents dans les réservoirs de ballast seraient soit purgés, soit tués par une exposition à l’eau salée, et que tout organisme marin absorbé au hasard au cours du processus serait incapable de se reproduire dans les Grands Lacs.</p>
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<img alt="La crevette rouge sang" src="https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485396/original/file-20220919-29-x562fz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La crevette rouge sang, découverte dans les Grands Lacs en 2006, est une des dernières espèces invasives connues introduites dans le bassin par l’eau de ballast transocéanique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(S. Pothoven/NOAA, Great Lakes Environmental Research Laboratory)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Étonnamment, <a href="https://doi.org/10.1890/07-0748.1">on a continué à découvrir</a> de nouvelles espèces d’eau douce non indigènes dans les Grands Lacs, comme la puce d’eau en hameçon, la petite crevette d’eau douce et la crevette rouge sang, plus de dix ans après la mise en œuvre de cette réglementation.</p>
<p>En réalité, l’efficacité de la réglementation a été compromise par des navires entrants non tenus de procéder à un échange d’eau de ballast parce qu’ils déclaraient ne pas avoir de ballast pompable à bord, alors qu’il y avait de l’eau résiduelle dans leurs citernes, considérées comme vides.</p>
<p>En effet, ces navires, qui <a href="https://doi.org/10.1641/0006-3568(2004)054%5B0919:BTWBIT%5D2.0.CO;2">constituent la majorité des navires empruntant la voie maritime</a>, transportaient en moyenne <a href="https://doi.org/10.1139/f05-160">47 tonnes d’eau résiduelle et 15 tonnes de sédiments dans leurs citernes de ballast</a> et contenaient divers <a href="https://doi.org/10.1139/f05-024">invertébrés d’eau douce vivants</a>.</p>
<p>Après avoir déchargé leur cargaison dans un port des Grands Lacs, ces navires non réglementés pompaient de l’eau pour remplacer le poids perdu. Ils se rendaient ensuite dans un autre port pour charger une nouvelle cargaison et rejeter leur eau de ballast, désormais contaminée par des organismes. <a href="https://doi.org/10.1890/07-0748.1">Plusieurs envahisseurs ont été introduits dans les Grands Lacs de cette façon</a>.</p>
<h2>Une diminution impressionnante des invasions</h2>
<p>Pour répondre à ce problème, on a mis au point une <a href="https://doi.org/10.1111/j.1366-9516.2006.00222.x">procédure appelée rinçage à l’eau de mer</a>. <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2427.2010.02449.x">Des expériences menées à bord de navires</a> ont montré que le rinçage des citernes de ballast à l’eau de mer jusqu’à ce que la salinité y atteigne l’équivalent des concentrations océaniques réduisait considérablement l’abondance et la diversité des organismes qui s’y trouvaient.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KYIJdhw8NcA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’eau de ballast est reconnue comme étant un enjeu complexe pour les Grands Lacs.</span></figcaption>
</figure>
<p>En 2006 et en 2008, le <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2006-129/20060608/p1tt3xt3.html">Canada</a> et les <a href="https://www.govinfo.gov/app/details/FR-2008-02-25/E8-3323">États-Unis</a>, ont exigé de tous les navires transocéaniques qu’ils effectuent un rinçage à l’eau de mer pour s’assurer que les ballasts partiellement remplis contiennent une eau dont la salinité corresponde à celle de l’océan avant d’emprunter la voie maritime. Cette réglementation a été mise en application en menant une inspection à bord de chaque navire.</p>
<p>Mon collègue <a href="https://www.uwindsor.ca/glier/135/hugh-macisaac">Hugh MacIsaac</a> et moi-même avons testé l’efficacité de cette réglementation en exploitant des données historiques. Pour <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12866">notre étude</a>, nous avons comparé le nombre d’espèces non indigènes nouvellement détectées dans le bassin au cours de trois périodes distinctes de 13 ans : 1981-1993, période pendant laquelle l’eau de ballast n’était pas réglementée ; 1994-2006, période de réglementation partielle ; et 2007-2019, période de réglementation stricte appliquant la nouvelle procédure.</p>
<p>Nous avons relevé 19 envahisseurs au cours de la première période et 26 au cours de la deuxième. Après l’obligation du rinçage à l’eau de mer, ce nombre est tombé à seulement quatre nouveaux envahisseurs en 13 ans. Depuis 2008, les nouvelles invasions enregistrées dans le bassin des Grands Lacs ont diminué de 85 %. La fréquence des invasions y est désormais à son taux le plus bas jamais enregistré.</p>
<p>Nous avons tenu compte des variations de la température de l’eau, de l’effort de recherche et du trafic maritime au cours de ces périodes. Aucun de ces facteurs ne peut expliquer, même partiellement, le déclin subit du taux d’invasion.</p>
<p>Bien que d’autres efforts de gestion – comme l’éducation du public et les <a href="https://www.reabic.net/journals/mbi/2021/3/MBI_2021_Davidson_etal.pdf">lois interdisant la possession et la vente d’espèces particulières</a> – aient pu contribuer à ce déclin, les preuves empiriques citées dans notre étude indiquent que la réglementation de l’eau de ballast en est la cause principale et déterminante.</p>
<h2>Le risque d’invasion est réduit, mais pas éliminé</h2>
<p>Les Grands Lacs restent exposés au risque d’invasion par <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2014.11.004">diverses autres voies</a>, en particulier celles associées au <a href="https://doi.org/10.1111/ddi.13530">« commerce vivant »</a> de plantes d’étang ornementales, d’animaux d’aquarium, de poissons-appâts et d’animaux vivants vendus sur les marchés alimentaires.</p>
<p>Parmi ces risques, on compte la <a href="https://doi.org/10.1139/cjfas-2017-0171">tanche</a>, un poisson européen introduit illégalement dans une pisciculture québécoise au milieu des années 1980 et dont la population progresse désormais dans le fleuve Saint-Laurent.</p>
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<img alt="un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487661/original/file-20221003-13-cyo4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Poisson européen envahissant, la tanche se propage en remontant le fleuve Saint-Laurent en direction du lac Ontario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Suncica Avlijas)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>En outre, quatre espèces non indigènes de carpes (carpe à grosse tête, carpe argentée, carpe de roseau et carpe noire) élevées dans des piscicultures du sud des États-Unis se sont répandues dans le bassin du Mississippi au cours des dernières décennies et présentent un <a href="https://doi.org/10.1111/cobi.12369">risque constant d’envahir les Grands Lacs</a>. La carpe de roseau <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2020.07.008">s’est reproduite dans les affluents du lac Érié</a> et est sur le point d’envahir certaines parties du bassin.</p>
<p>Il est essentiel de trouver de nouvelles stratégies pour gérer ces risques afin de préserver la biodiversité et de protéger une pêche qui rapporte plusieurs milliards de dollars. Notre étude a montré l’avantage d’une collaboration entre les chercheurs, les gouvernements et l’industrie pour atteindre cet objectif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192134/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Ricciardi a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de Pêches et Océans Canada.</span></em></p>Depuis 60 ans, le rejet de l’eau de ballast par les navires océaniques constitue une source importante d’espèces envahissantes dans les Grands Lacs.Anthony Ricciardi, Professor of Biology, Redpath Museum & Bieler School of Environment, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1848872022-10-04T17:53:03Z2022-10-04T17:53:03ZQuelle est la pire des menaces qui pèse sur la biodiversité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486712/original/file-20220927-27-vtsqus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C22%2C2970%2C1885&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Importée d’Asie lors de l’exposition de Philadelphie en 1876, le kudzu (Pueraria montana var. lobata) est une espèce invasive qui touche les États-Unis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.si.edu/stories/escape-invasives">Kerry Britton, USDA Forest Service, Bugwood.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Depuis des années, des décennies même, j’ai l’habitude de dire à mes étudiants, expliquer dans mes cours ou écrire dans mes travaux que les <a href="https://theconversation.com/les-invasions-biologiques-un-fardeau-economique-pour-la-france-165119">invasions biologiques</a> sont la seconde plus grande menace sur la biodiversité au niveau mondial.</p>
<p>Ces invasions – le processus par lequel certaines espèces sont introduites par les activités humaines dans des régions où elles n’ont pas évolué, et où elles s’implantent, se propagent et créent des dégâts écologiques, sanitaires et économiques – sont même la <a href="https://www.researchgate.net/publication/295253505_Alien_species_as_a_driver_of_recent_extinctions">première cause connue d’extinctions d’espèces récentes</a>.</p>
<p>C’est dire ma surprise lorsque, à la plénière de la première évaluation globale de l’IPBES, à l’Unesco à Paris en mai 2019, j’ai entendu qu’une nouvelle synthèse plaçait les invasions à la cinquième place, derrière la <a href="https://theconversation.com/couper-moins-et-laisser-reposer-une-nouvelle-gestion-des-forets-tropicales-simpose-164637">destruction de l’habitat</a> et les trois autres menaces globales (surexploitation, changement climatique et pollution). Faisant alors partie de la délégation du CNRS pour la France, j’ai discuté avec d’autres collègues – notamment des délégations du Canada, de Nouvelle-Zélande et du Sénégal – qui tous étaient aussi surpris, voire choqués, que moi de ce classement.</p>
<p>Depuis, lorsque je mentionne la seconde place des invasions biologiques au triste palmarès des menaces, les journalistes me répondent souvent étonnés que l’IPBES ne donne pas cet ordre et me demandent alors quelle place réellement je dois donner aux impacts des <a href="https://theconversation.com/des-zones-du-fleuve-saint-laurent-defavorables-a-la-survie-des-especes-envahissantes-deviennent-des-refuges-pour-les-poissons-indigenes-180393">espèces exotiques envahissantes</a>. Quel est le vrai classement des menaces globales. Et quelle est la pire ?</p>
<p>Cela m’a conduit à beaucoup de réflexion, notamment avec ma collègue Céline Bellard, experte des invasions biologiques et qui a notamment montré – dans des publications qui font autorité mondialement – l’impact majeur de ce processus. Selon ses travaux, les invasions biologiques sont aussi la pire des menaces pour la biodiversité dans les écosystèmes insulaires, ceux-là mêmes qui sont parmi les plus riches en biodiversité dans le monde.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3vCG66aNHVo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Invasions biologiques : Comment lutter contre les espèces qui menacent l’équilibre des écosystèmes ?</span></figcaption>
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<h2>Définir la biodiversité et définir les menaces</h2>
<p>Alors, nous sommes-nous demandé : faisons-nous fausse route depuis toutes ces années ? Elle, moi et des milliers de biologistes des invasions ? Qui a raison et qui a tort dans cette funeste compétition à qui occasionne les pires dégâts ?</p>
<p>Le fruit de ces réflexions, auxquelles s’est jointe sa doctorante Clara Marino, qui fait sa thèse sur l’impact des invasions biologiques sur les différents groupes de vertébrés, <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-022-30339-y">vient d’être publié dans <em>Nature Communication</em></a>. Elles nous ont fait réaliser que ce classement n’était pas aussi simple que celui d’une course à pied.</p>
<p>La question « quelle est la pire menace globale sur la biodiversité ? » implique de définir ce qu’est la biodiversité en question et comment on définit cette menace globale.</p>
<p>Très simplement, prendre toute la biodiversité dans son ensemble implique de considérer toutes les espèces de plantes, d’animaux, de procaryotes, de champignons, mais aussi la biodiversité à l’intérieur de ces espèces (leur diversité génétique) et jusqu’au sein des écosystèmes. Et c’est là que cela se complique. En fait, toutes les études sur les classements de menaces n’étudient pas vraiment la même chose pour répondre à la même question.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479410/original/file-20220816-19-p2shr1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le frelon asiatique, exemple bien connu en Europe d’espèce invasive.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vespa_velutina_-_Frelon_asiatique_-_Poitiers.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Quelles espèces prendre en compte ?</h2>
<p>Pour commencer, ce ne sont pas forcément les mêmes espèces qui sont prises en compte. Dans une recherche idéale, on prendrait tous les groupes taxonomiques, mais toutes les espèces ne sont pas connues, et celles qui sont connues sont loin d’avoir toutes été évaluées pour leur statut de conservation. Quand bien même elles l’auraient été, on ne sait pas toujours attribuer une menace donnée à une espèce menacée.</p>
<p>De fait, certaines études se focalisent sur un (ou plusieurs) groupe taxonomique précis parce que les données y sont plus complètes. Mais ces espèces ne sont pas forcément les mêmes d’une étude à l’autre, et donc on obtient des classements sur des échantillons qui diffèrent dès le début de l’évaluation.</p>
<p>Par exemple, selon le <a href="https://www.iucnredlist.org/">classement le plus récent</a> des espèces menacées de l’UICN (2021), la dégradation de l’habitat est la première menace pour les plantes mais que la troisième pour les oiseaux. On voit tout de suite qu’il est difficile, juste du fait d’effets différents sur deux groupes majeurs, de trancher sur la place de cette menace sur la biodiversité globale.</p>
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<p>Mais cela se complique. Car même au sein de groupe taxonomiques homogènes, les caractéristiques écologiques des espèces vont les rendre sensibles à des menaces distinctes. <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1702078114">Si l’on se focalise uniquement sur les vertébrés</a> dans leur ensemble, alors les plus petits sont principalement menacés par la perte d’habitat, mais la menace la plus importante pour les plus grands est la surexploitation.</p>
<p>Comme rien n’est jamais simple en écologie, l’habitat joue également. Rien qu’au sein des mammifères, le classement des menaces est totalement différent <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1165115">entre ceux qui vivent en milieu terrestre et ceux qui vivent en milieu aquatique</a>.</p>
<h2>Quel indicateur pour évaluer la menace ?</h2>
<p>Ensuite, pour étudier les menaces sur la biodiversité, il faut choisir une métrique de mesure, et toutes les équipes de recherche n’ont pas sélectionné la même, ne serait-ce parce qu’ils se focalisent sur des groupes biologiquement très différents. Il peut paraître évident d’étudier des pertes d’espèces, mais cette métrique ne couvre pas toutes les dimensions d’une menace et peut même sous-estimer le danger.</p>
<p>De fait, de nombreuses métriques sont utilisées, et si certaines sont particulièrement bien adaptées à certains écosystèmes, elles ne le sont pas pour tous. Par exemple, le pourcentage de couverture en corail vivant, qui souligne les <a href="https://doi.org/10.5281/zenodo.5517457">menaces générées par la surexploitation et la pollution</a>, est approprié pour certains écosystèmes marins, mais pas pour les autres, et donc les classements ne seront pas comparables.</p>
<p>D’autres indicateurs de menaces, comme la taille moyenne des poissons, ne sont pertinents que pour un nombre limité d’écosystèmes, et expliquent notamment que les invasions biologiques – qui n’ont que peu d’effet sur cette métrique – puisse descendre dans certains classements des menaces.</p>
<h2>Des effets qui changent dans le temps</h2>
<p>Enfin, il est aussi important de considérer que l’importance des menaces, et l’importance de leurs effets <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-environ-042911-093511">évoluent dans le temps</a>.</p>
<p>Historiquement, la surexploitation puis la destruction de l’habitat, ont été les principales menaces sur la biodiversité. Depuis quelques siècles, ce sont les invasions biologiques qui ont fait le plus de dégâts.</p>
<p>Actuellement, le changement climatique n’a pas encore énormément affecté les espèces vivantes, mais l’ensemble des travaux en écologie prédisent que ce sera probablement la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01079440">première menace dans les décennies à venir</a>.</p>
<p>On voit dès lors que la question de l’ordre d’importance des menaces sur la biodiversité est non seulement plus complexe qu’il y parait, mais n’a que peu de sens, car chaque étudie des objets différents, avec des outils différents ; les classements qui en résultent ne sont souvent pas comparables entre eux. Enfin, aucune de ces études n’est plus juste qu’une autre.</p>
<h2>Et si on arrêtait de hiérarchiser les menaces ?</h2>
<p>En plus de la complexité et de la pertinence de cette question de hiérarchie des menaces, notre réflexion nous a rapidement fait percevoir qu’elle présente en fait un danger pour la conservation de la biodiversité. Si le travers du scientifique est de vouloir tout classer et hiérarchiser, celui du décideur est de prioriser.</p>
<p>Si l’on présente à des décideurs un classement des cinq plus grandes menaces sur la biodiversité, alors leur réflexe sera très probablement de s’occuper de ces menaces par ordre d’importance. Et comme les ressources pour la protection de l’environnement sont toujours très limitées, quel que soit le pays ou le système politique, la tendance naturelle sera de s’occuper principalement du haut de la liste. Or, on l’a vu, certains groupes d’espèces, ou certains écosystèmes, sont en priorité menacés par des processus qui ne sont pas classés premiers globalement.</p>
<p>La réponse à la question « quelle est la pire menace sur la biodiversité ? » est donc relativement simple : « ça dépend ». Les politiciens détestent cette réponse, les scientifiques ont du mal à s’en passer. C’est certainement l’une des raisons sous-jacentes aux incompréhensions entre ces deux maillons indispensables de la préservation de notre environnement.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que si les cinq grandes menaces sur la biodiversité sont globales, elles ne sont globalement pas comparables, pas hiérarchisables, et qu’il n’y a ni pire, ni moins grave. Ni priorité, ni postériorité. La préservation de la biodiversité doit être conçue globalement, et menée globalement.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184887/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Courchamp a reçu des financements du CNRS, du Fond AXA pour la Recherche et du Biodivera Eranet. </span></em></p>Tout dépend de la façon dont on en mesure les effets ! Et d’ailleurs, hiérarchiser les menaces sur la biodiversité n’est peut-être pas la meilleure manière de la sauvegarder.Franck Courchamp, Directeur de recherche CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1905712022-09-16T09:09:34Z2022-09-16T09:09:34ZTraque des moustiques invasifs : au cœur d’une enquête sanitaire inédite à Marseille<p>Les espèces invasives, animales et végétales, sont devenues un problème majeur au niveau mondial – écologique, économique, mais aussi de santé publique.</p>
<p>Le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>) en est un exemple malheureusement fameux : venu d’Asie du Sud-Est, il a gagné la majeure partie de la planète et se répand désormais dans le sud de la France. Il y propage des <a href="https://theconversation.com/virus-exotiques-en-france-un-sujet-plus-que-jamais-dactualite-186324">virus responsables de graves maladies comme la dengue, le Zika ou le chikungunya</a>.</p>
<p>D’où l’importance d’un suivi rigoureux de ce risque, notamment aux points d’entrée que constituent les grands ports et aéroports internationaux, pour bloquer à la source tout risque de dissémination de nouveaux vecteurs ou pathogènes…</p>
<p>Le réseau de surveillance national est assez fin pour parfois réussir à réagir à un unique insecte – c’est ce qui s’est passé il y a quatre ans. Nous venons de publier l’<a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2022043">enquête menée au sujet d’un moustique dans la revue <em>Parasite</em></a>.</p>
<h2>Une enquête unique</h2>
<p>Tout débute en juillet 2018 par une observation surprenante dans le Grand port maritime de Marseille lors d’une opération de routine de l’EID-Méditerranée (<a href="https://www.eid-med.org/">Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen</a>), chargée de la surveillance entomologique dans la lutte contre les espèces invasives…</p>
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<img alt="Un piège installé en plein air dans une zone herbeuse à surveiller" src="https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différents types de pièges à moustiques sont dispersés dans les zones à surveiller. Attirés par exemple par de la chaleur, du gaz carbonique, etc., les moustiques sont ensuite aspirés et coincés dans une nasse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charles Jeannin/EID-Méditerranée</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En pratique, sont installés dans ce secteur stratégique des pièges à moustiques de différents types – basés sur divers attractifs tels que la chaleur, le gaz carbonique, des odeurs mimant celles d’une proie à piquer, etc. Les moustiques attirés sont ensuite aspirés par un ventilateur et aboutissent dans un filet nasse où ils meurent rapidement.</p>
<p>Les pièges sont relevés toutes les deux ou quatre semaines et leurs contenus examinés.</p>
<p>Cette observation aurait pu passer inaperçue, puisqu’il s’agissait de celle d’un unique moustique mort, une femelle en l’occurrence, au milieu de nombreux autres moustiques pris au piège. Mais sa morphologie a d’emblée titillé les spécialistes : le spécimen, quoiqu’abîmé par son séjour dans le filet du piège, présentait en effet des taches argentées caractéristiques sur ses pattes et semblait être un <em>Aedes aegypti</em>.</p>
<p>Le problème est que cette espèce, largement distribuée dans les zones tropicales, ne devrait pas être présente à Marseille. La dernière fois qu’elle a été observée dans la capitale phocéenne, c’était le 22 novembre 1907 ; et là encore, un seul spécimen femelle avait été collecté à proximité du Vieux-Port, dans le Parc du Pharo.</p>
<p>Elle a été éliminée d’Europe et du pourtour méditerranéen dans les années 1950 en utilisant largement des insecticides chimiques tels que le DDT. La faible occurrence de ces observations suggère un faible flux invasif d’<em>Aedes aegypti</em> par bateau, de port à port – ce qui est rassurant, nous verrons pourquoi.</p>
<p>Or la confirmation de la préidentification de l’espèce est vite arrivée grâce à des analyses de biologie moléculaire de type « code-barres » (portant sur l’ADN extrait de l’abdomen du moustique) réalisées par les spécialistes de l’unité Mivegec (Université de Montpellier, CNRS, IRD, Montpellier).</p>
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<img alt="Trois vues du moustique récupéré dans le piège, en mauvais état" src="https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’identification du spécimen découvert dans le piège, en mauvais état, a été complexe : abîmé, il a nécessité une analyse génétique en plus de l’étude morphologique (<em>Ae. aegypti</em> se distingue normalement par les taches argentées sur ses pattes et par un dessin en lyre, ici absent, sur le dos du thorax).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Robert/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2><em>Ae. aegypti</em>, le vecteur de virus dangereux</h2>
<p><em>Aedes aegypti</em> était donc de retour, et il est bien connu pour être un redoutable vecteur pour de nombreux virus hautement pathogènes tels que les virus de la fièvre jaune, dengue, chikungunya, Zika, etc. L’installation de populations pérennes d’<em>Aedes aegypti</em> dans un grand port méditerranéen est donc redoutée pour les risques sanitaires associés – outre le grave problème de nuisance à cause des piqûres.</p>
<p>Restait à savoir s’il s’agissait ici d’un retour avorté, ou du début d’une nouvelle infestation.</p>
<p>Le cas ne serait pas inédit. Depuis quelques années, le sud de la France doit déjà faire face au moustique tigre <em>Aedes albopictus</em> qui, lui, a parfaitement réussi son introduction et son implantation sur la quasi-totalité du pourtour méditerranéen. Cette dernière espèce est désormais régulièrement à l’origine de cas de maladies considérées hier comme « exotiques » en France avec maintenant des cas autochtones – c’est-à-dire contractés localement. À ce jour, <a href="https://www.paca.ars.sante.fr/point-de-situation-cas-autochtones-de-dengue-dans-les-alpes-maritimes">21 cas autochtones de dengue ont déjà été comptabilisés</a> en région PACA pour la seule année 2022.</p>
<p>À ce stade, des enquêtes entomologiques complémentaires sont diligentées par l’EID-Méditerranée dans le port de Marseille et alentour pour savoir si ce moustique provient d’une petite population qui se maintiendrait à Marseille, suffisamment discrètement pour passer sous le seuil de détection de la surveillance.</p>
<p>Cette question est importante car y répondre positivement déclencherait aussitôt d’importantes et coûteuses opérations de lutte anti-vectorielle afin de l’éliminer.</p>
<p>La réponse est négative. Le surcroît d’échantillonnage réalisé au cours de l’été 2018 (~5 600 moustiques collectés) n’a pas permis de collecter un seul autre spécimen de cette espèce : de quoi conclure que le moustique identifié dans le port a été introduit à Marseille, et qu’il n’est donc pas nécessaire de mettre en place des actions exceptionnelles de lutte anti-vectorielle.</p>
<p>L’enquête aurait pu s’arrêter là, sur cette issue heureuse pour nous, avec le piégeage de ce dangereux moustique vecteur et l’échec de son installation à Marseille…</p>
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<h2>Une recherche pour en inspirer d’autres</h2>
<p>Toutefois, pour aller plus avant dans la connaissance des routes suivies par les individus pionniers des espèces envahissantes, des investigations complémentaires ont été menées sur les restes du moustique, pour retrouver sa provenance puis son itinéraire.</p>
<p>Des collaborateurs sollicités à l’Université de Yale (New Haven, Connecticut, USA) ont extrait de l’ADN de ce qu’il restait du moustique et l’ont testé sur une puce (<em>chip</em>) analysant en une fois quelque 23 000 marqueurs génétiques (de type SNP <em>Single Nucleotid Polymorphism</em>, des variations au niveau d’une seule lettre de l’ADN) répartis dans tout le génome. En reportant ces caractéristiques dans une base mondiale de données génétiques, ils ont établi que ce moustique appartient à une population d’Afrique tropicale, Cameroun (probablement) ou Burkina Faso (moins probablement, d’autant que ce pays est enclavé, sans ouverture maritime).</p>
<p>L’EID-Méditerranée a poursuivi sa recherche pour tenter d’identifier le navire par lequel le moustique est arrivé.</p>
<p>La première étape fut la consultation du registre des bateaux en provenance d’Afrique Centrale ayant accosté à Marseille dans les semaines qui ont précédé la capture du moustique <em>Aedes aegypti</em>. Le croisement de ces informations avec la date de collecte du moustique dans le piège a suggéré que le spécimen avait voyagé dans un navire de commerce identifié, un transporteur de véhicules reliant Douala (Cameroun) à Marseille. Ce navire avait quitté Douala le 25 juin 2018 pour arriver à Marseille le 15 juillet, 20 jours plus tard, après avoir parcouru près de 6000 km.</p>
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<img alt="Vue du Grand port maritime de Marseille, zone est, avec les bateaux et conteneurs" src="https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les grands ports internationaux reçoivent des marchandises du monde entier. Peuvent s’y trouver des vecteurs d’agents de maladies, tels les moustiques. Ce qui illustre le côté néfaste de la mondialisation des transports (Grand port maritime de Marseille, zone est, où a été menée l’enquête relative à cet article).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gildas Le Cunff de Kagnac/Mer et Marine</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La distance entre le dock et le piège à moustique était de 350 m, une distance que le moustique a aisément pu franchir en volant.</p>
<p>L’interception d’un individu introduit relevant d’une espèce invasive est un évènement exceptionnel, particulièrement bien documenté ici. À notre connaissance, c’est la <strong>première fois qu’un tel cheminement est retracé si précisément</strong>, au point d’identifier par quel navire, par quelle route, et à quelles dates un spécimen a été embarqué d’un continent et débarqué sur un autre.</p>
<p>Mais cet exemple illustre surtout un effet néfaste de la mondialisation des transports qui facilite la dissémination de vecteurs de pathogènes d’un environnement à un autre.</p>
<p>Il est sûr que des moustiques voyagent en permanence comme passagers clandestins dans tous les types de transport (maritime, aérien, routier), mais il est difficile d’avoir une estimation de la fréquence de tels évènements, au moins sur longue distance. D’où l’importance du développement des moyens de surveillance tels ceux déployés ici, et de leur permettre de fonctionner dans de bonnes conditions pour le bénéfice de tous.</p>
<hr>
<p><em>Charles Jeannin, entomologiste médical et chargé de projets à l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (Montpellier) a participé à la conception et à la rédaction de cet article.</em></p>
<p><em><strong>Référence de l’article scientifique :</strong>
Ch. Jeannin, Y. Perrin, S. Cornelie, A. Gloria-Soria, J.-D. Gauchet, V. Robert – <a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2022043">An alien in Marseille : investigations on a single Aedes aegypti mosquito likely introduced by a merchant ship from tropical Africa to Europe</a>. Parasite, 2022, vol 29.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Robert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrivée du moustique tigre a montré le danger des espèces invasives. Comment les traquer pour empêcher leur installation ? Réponse avec cette enquête unique en son genre sur un moustique A. aegypti.Vincent Robert, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803932022-08-10T13:35:46Z2022-08-10T13:35:46ZDes zones du fleuve Saint-Laurent défavorables à la survie des espèces envahissantes deviennent des refuges pour les poissons indigènes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462497/original/file-20220511-16-o3ntoq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C20%2C4545%2C3428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gobie à taches noires est un poisson envahissant qui s’est établi et répandu dans le fleuve Saint-Laurent au cours des deux dernières décennies à la suite de son introduction dans les Grands Lacs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Cristina Charette)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les invasions biologiques représentent l’un des principaux facteurs ayant <a href="https://doi.org/10.2307/1313420">contribué à l’important déclin de la biodiversité observé à l’échelle mondiale</a>. </p>
<p>Plusieurs espèces envahissantes indigènes à la région ponto-caspienne (qui comprend les mers Noire, Caspienne et d’Azov), comme la moule zébrée (<em>Dreissena polymorpha</em>), ont été introduites en Amérique du Nord par les navires transocéaniques. Ces espèces sont reconnues pour avoir perturbé les écosystèmes du monde entier, y compris ceux des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Par contre, les impacts des envahisseurs ponto-caspiens sur la biodiversité indigène, bien qu’importants, <a href="https://doi.org/10.1007/s10530-009-9490-8">semblent avoir été de moindre envergure dans le fleuve Saint-Laurent que dans les Grands Lacs</a>. Ce phénomène pourrait être expliqué par une différence de conductivité entre ces écosystèmes, qui est plus faible dans le fleuve. La conductivité est la capacité de l’eau à conduire un courant électrique, qui résulte de la quantité de minéraux dissous. Elle est donc fortement dépendante de salinité, qui représente la concentration totale de tous les sels dissous dans l’eau.</p>
<p>Les espèces envahissantes qui proviennent de la région ponto-caspienne ont évolué dans des eaux saumâtres, qui sont moins salées que l’eau de mer, mais tout de même riches en minéraux qui leur sont essentiels. Ainsi, lorsqu’elles sont introduites dans des habitats faibles en minéraux, ou de faible conductivité comme dans le fleuve, ces espèces semblent démontrer des contraintes physiologiques affectant leur survie.</p>
<p>Nous étudions comment les gradients de conductivité dans le fleuve Saint-Laurent favorisent la diversité aquatique face aux invasions par les espèces envahissantes. Ces gradients permettent de fournir aux espèces indigènes des refuges non envahis, qui présentent des conditions environnementales défavorables aux espèces invasives.</p>
<h2>Le gobie à taches noires envahit le Saint-Laurent</h2>
<p>Le gobie à taches noires (<em>Neogobius melanostomus</em>), envahisseur ponto-caspien, est un poisson qui s’est établi et répandu dans le fleuve Saint-Laurent <a href="https://doi.org/10.22621/cfn.v119i4.212">au cours des deux dernières décennies à la suite de son introduction dans les Grands Lacs</a>. Il a perturbé les communautés de poissons littoraux en raison de <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8649.2011.03157.x">sa capacité à se reproduire rapidement et fréquemment, de sa forte adaptabilité à diverses conditions d’habitat et de son comportement agressif</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-L_24ur8Irw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le gobie à taches noires est une espèce envahissante retrouvée dans le fleuve Saint-Laurent.</span></figcaption>
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<p>La présence du gobie a notamment été associée <a href="https://www.reabic.net/aquaticinvasions/2018/AI_2018_Morissette_etal.pdf">au déclin de plusieurs espèces de poissons indigènes comme le raseux-de-terre noir</a> et à la propagation de certaines maladies chez les poissons, comme la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/septicemie-hemorragique-virale">septicémie hémorragique virale</a>. Il existe également des évidences que le gobie à taches noires contribue à la propagation du <a href="https://doi.org/10.7589/0090-3558-42.3.479">botulisme aviaire</a> et à la bioaccumulation de contaminants tels que le <a href="https://doi.org/10.3394/0380-1330(2007)33%5B46:HNSILE%5D2.0.CO;2">mercure dans la chaîne alimentaire aquatique</a>.</p>
<p>Qui plus est, on s’attend à ce que ces impacts s’aggravent avec le changement climatique, car le gobie à taches noires présente des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8649.2011.03157.x">taux de croissance plus rapides à mesure que les températures de l’eau se réchauffent dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent</a>.</p>
<p>La plupart des impacts écologiques du gobie à taches noires sur les communautés de poissons et de macroinvertébrés (animaux sans colonne vertébrale et visibles à l’œil nu), indigènes semblent dépendre de sa densité et de son statut d’invasion ; les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">impacts seront plus importants dans les zones où l’espèce est présente en grand nombre, et depuis longtemps</a>.</p>
<p>Puisque la répartition spatiale de plusieurs espèces envahissantes (dont les moules zébrées) du fleuve Saint-Laurent semble être influencée par le gradient de conductivité de l’eau, on peut se questionner si cette caractéristique de l’habitat représente un facteur limitant de l’invasion des milieux d’eau douce par le gobie à taches noires.</p>
<h2>Une question de refuge</h2>
<p>L’hétérogénéité environnementale, c’est-à-dire la variation des caractéristiques physiques et écologiques du paysage, peut jouer un rôle important dans la préservation de la diversité et de l’abondance des espèces indigènes dans les écosystèmes envahis par le gobie. En effet, <a href="https://doi.org/10.1002/ecs2.1311">cette hétérogénéité peut générer des refuges pour les espèces indigènes face à une invasion biologique</a> lorsque les conditions environnementales, telles que la conductivité de l’eau, restreignent l’abondance et l’impact des envahisseurs en limitant leur survie.</p>
<p>Il existe également un nombre convaincant, mais limité d’études dans les Grands Lacs qui suggèrent que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2009.11.001">milieux humides (herbiers et marais) sont défavorables à certains envahisseurs aquatiques clés, notamment les gobies à taches noires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte de gobies dans le fleuve Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Cristina Charette), Fourni par l’auteure</span></span>
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</figure>
<p>Nos travaux ont également démontré que les deux types de refuges, soit le gradient de conductivité et les milieux humides locaux, limitaient l’abondance du gobie à taches noires. Et même aux endroits où il est présent en grande quantité, la présence de milieux humides permet d’atténuer ses effets négatifs sur les communautés indigènes. Ceci pourrait être attribuable aux effets structurants de la végétation, qui offrent des conditions favorables au maintien de la diversité de poissons et de macroinvertébrés.</p>
<h2>Des outils importants pour la conservation de la biodiversité</h2>
<p>Les résultats de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">cette étude</a>, bien que très pertinents pour l’évaluation des risques et la gestion du gobie à taches noires, étaient basés sur des observations sur une portion limitée du fleuve Saint-Laurent. L’existence de deux grands inventaires de poissons le long du fleuve Saint-Laurent, le Fish Identification Nearshore Survey (FINS) et le <a href="https://catalogue.ogsl.ca/dataset/17b68796-fcd2-4888-8653-ecbcaadc8a91#:%7E:text=Le%20R%C3%A9seau%20de%20suivi%20ichtyologique,la%20Faune%20et%20des%20Parcs.">réseau de suivi ichtyologique (RSI)</a>, respectivement mené par le River Institute et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, nous donne maintenant l’occasion de tester le phénomène à une échelle spatiale beaucoup plus importante, soit sur pratiquement l’ensemble de la portion d’eau douce du fleuve Saint-Laurent.</p>
<p>Nous présentons ainsi <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">l’une des rares études en eau douce, à ce jour, qui ait abordé le rôle essentiel, mais méconnu, des refuges dans un écosystème avec des conditions environnementales hétérogènes</a>. En plus d’atténuer les effets de l’invasion sur la biodiversité indigène, ces zones assurent leur pérennité. L’atténuation de la présence et de l’abondance du gobie à taches noires dans le fleuve Saint-Laurent par les eaux à faible conductivité et par la présence de milieux humides représentent donc un outil de conservation considérable et pouvant contribuer à la préservation des ressources de ce système fluvial d’une grande importance culturelle et socio-économique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le gobie à taches noires un poisson envahissant ayant des impacts importants dans le fleuve Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Stephany Hildebrand), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De plus, la relation entre l’abondance du gobie et la conductivité de l’eau représente un outil simple, mais informatif, dans l’évaluation du risque pour les habitats qui ne sont pas encore colonisés par le gobie à taches noires (comme les affluents du fleuve Saint-Laurent) et qui peuvent héberger des espèces de poissons en péril, notamment le dard de sable (<em>Ammocrypta pelludica</em>), le fouille-roche gris (<em>Percina copelandi</em>) et le méné camus (<em>Notropis anogenus</em>).</p>
<p>Nos recherches soutiennent l’importance de préserver une grande diversité de milieux naturels, y compris les milieux humides, pour leurs effets bénéfiques dans l’atténuation des impacts négatifs des invasions biologiques sur la biodiversité des eaux douces.</p>
<p>Nous préconisons notamment la préservation des milieux humides dans le fleuve Saint-Laurent comme un geste critique au soutien de ce service écosystémique.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Matthew Windle du River Institute d’avoir fourni des données et pour sa contribution intellectuelle au projet. Nous remercions Louis Astorg d’avoir développé des idées, dirigé et mis en œuvre la première étude de notre recherche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180393/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alison Derry est membre du Groupe interuniversitaire en limnologie (GRIL). Alison Derry a reçu des financements de Fonds de recherche du Québec (FRQNT) - nature et technologies et du Conseil Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), projet Alliance avec le River Institute.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cristina Charette est membre du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL). Cristina Charette a recu du financements du Fonds de recherche du Québec nature et technologies (FRQNT) et de Mitacs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Morissette est membre de Ressources Aquatiques Québec (RAQ), il a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec (FRQNT) - nature et technologies et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>La relation entre la conductivité et l’abondance du gobie à taches noires, espèce envahissante, et les impacts écologiques qui y sont associés, représente un outil simple d’évaluation des risques.Alison Derry, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal (UQAM)Cristina Charette, PhD Candidate, Université du Québec à Montréal (UQAM)Olivier Morissette, Assistant professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873412022-08-02T13:45:44Z2022-08-02T13:45:44ZLa propagation de la moule zébrée prouve que de petits envahisseurs peuvent causer de gros dégâts<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476723/original/file-20220729-20-yd6eov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C17%2C3831%2C2567&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une hélice de bateau incrustée de moules zébrées. Ces envahisseurs, présents dans le fleuve et dans nos lacs, sont transportés par l'activité humaine. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/28LifoX">(NPS/Flickr)</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://nas.er.usgs.gov/queries/FactSheet.aspx?speciesID=5">moule zébrée</a> fait figure d’exemple d’espèce envahissante depuis qu’elle a déclenché des ravages économiques et écologiques dans les <a href="https://www.greatlakesnow.org/2020/02/zebra-mussels-impact-good-bad/">Grands Lacs</a> à la fin des années 1980. Pourtant, malgré les efforts intensifs déployés pour la neutraliser, ainsi que sa parente, la <a href="https://nas.er.usgs.gov/queries/FactSheet.aspx?speciesID=95">moule Quagga</a>, ce mollusque de la taille d’un ongle <a href="https://nas.er.usgs.gov/UserImages/current_zm_quag_map.jpg">se répand dans les rivières, les lacs et les baies des États-Unis</a>, et <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/profiles-profils/zebramussel-moulezebree-fra.html">du Canada</a>, notamment dans le fleuve Saint-Laurent, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1895947/moule-zebree-eau-potable-sherbrooke">colmatant les tuyaux d’alimentation en eau</a> et altérant les réseaux trophiques.</p>
<p>Aujourd’hui, les moules menacent d’atteindre les dernières grandes zones d’eau douce non infestées, à l’ouest et au nord des États-Unis : à Washington et en Oregon, le <a href="https://civileats.com/2022/05/17/zebra-mussels/">bassin du fleuve Columbia</a>, et les voies navigables de <a href="https://www.alaskasnewssource.com/2022/06/18/invasive-species-awareness-week-puts-focus-zebra-mussel-prevention-alaska/">l’Alaska</a>.</p>
<p>En tant qu’<a href="https://www.researchgate.net/scientific-contributions/Christine-Keiner-2071802254">historienne de l’environnement</a>, mon travail consiste à étudier comment l’attitude de la population envers les <a href="https://ugapress.org/book/9780820337180/the-oyster-question/">espèces</a> <a href="https://ugapress.org/book/9780820338958/deep-cut/"></a> <a href="https://ugapress.org/book/9780820338958/deep-cut/">non indigènes</a> a changé au fil du temps. Comme beaucoup d’autres intrus aquatiques, la moule zébrée et la moule Quagga se propagent dans de nouvelles étendues d’eau, transportées par les gens, que ce soit par accident ou de façon délibérée. Les structures érigées par les humains, comme les canaux, et le <a href="https://theconversation.com/how-the-japanese-tsunami-sent-marine-invaders-across-the-ocean-and-why-you-should-be-worried-53107">matériel détritique</a> peuvent aussi aider les envahisseurs à contourner les barrières naturelles.</p>
<p>À mon avis, pour réduire les dommages provoqués par ces épidémies — et les prévenir dans la mesure du possible — il faut comprendre que les activités anthropiques sont la cause première des invasions biologiques coûteuses.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montrant la distribution des moules zébrées et Quagga en 2021" src="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les moules zébrées et Quagga se sont déplacées vers l’est, le sud et l’ouest des Grands Lacs pour atteindre de nombreux autres lacs et rivières des États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://nas.er.usgs.gov/UserImages/current_zm_quag_map.pdf">(USGS)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Invasions transocéaniques du passé</h2>
<p>L’exploration des Amériques par les Européens entre la fin des années 1400 et les années 1700 a entraîné des transferts massifs d’organismes, un processus connu sous le terme <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/alfred-w-crosby-on-the-columbian-exchange-98116477/">« échange colombien »</a>, nommé d’après Christophe Colomb. De nombreux investisseurs se sont enrichis en expédiant du bétail et des cultures de plantation par-delà les océans. Ces voyages transatlantiques ont également favorisé l’introduction de microbes à l’origine de maladies infectieuses, comme la variole et la rougeole, qui ont <a href="https://doi.org/10.1097/00000441-200204000-00009">tué des millions d’Autochtones</a> qui n’étaient pas immunisés.</p>
<p>Au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, les colonisateurs européens et nord-américains ont créé des <a href="https://theconversation.com/victorian-efforts-to-export-animals-to-new-worlds-failed-mostly-126003">sociétés d’acclimatation</a> pour importer les espèces souhaitées de plantes et d’animaux étrangers afin de les utiliser pour la nourriture, la chasse sportive ou pour embellir leur environnement. Bon nombre de ces efforts ont échoué. Les espèces introduites ne parvenant pas à s’adapter à leurs nouvelles conditions, elles n’ont pas survécu.</p>
<p>D’autres événements ont été à l’origine de catastrophes écologiques légendaires. Par exemple, après que la Victorian Acclimatisation Society <a href="https://theconversation.com/the-rabbits-of-christmas-past-a-present-that-backfired-for-australia-35544">ait relâché des lapins européens en Australie en 1859</a>, ces derniers se sont multipliés rapidement. Les lapins sauvages, ainsi que d’autres espèces introduites <a href="https://theconversation.com/this-critically-endangered-marsupial-survived-a-bushfire-then-along-came-the-feral-cats-185133">comme les chats</a> ont détruit des millions de plantes et d’animaux indigènes d’Australie.</p>
<p>Le transport maritime a aussi contribué à la propagation accidentelle d’espèces exotiques. Les canaux artificiels ont facilité le transport des marchandises, mais ont aussi fourni de nouvelles <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-1-4020-5047-3?noAccess=true">voies d’accès aux parasites aquatiques</a>.</p>
<p>À la fin du 19<sup>e</sup> et au début du 20<sup>e</sup>, par exemple, le Canada a agrandi le canal Welland entre le lac Ontario et le lac Érié pour permettre aux grands navires de contourner les chutes du Niagara. Dès 1921, ces améliorations technologiques ont permis à la <a href="http://sealamprey.org/">lamproie marine</a>, un poisson parasite, de <a href="https://www.michiganradio.org/environment-science/2019-10-24/after-70-years-the-fight-to-get-sea-lampreys-out-of-the-great-lakes-continues">passer du lac Ontario aux Grands Lacs supérieurs</a>, où elle constitue toujours une menace sérieuse pour les activités de pêche commerciale.</p>
<p>En 1959, les États-Unis et le Canada ont ouvert la <a href="https://muse.jhu.edu/book/6966">Voie maritime du Saint-Laurent</a>, un réseau de navigation qui relie l’Atlantique aux Grands Lacs. Les navires océaniques qui empruntent la Voie maritime ont transporté des espèces clandestines dans leurs <a href="https://www.invasivespeciesinfo.gov/subject/ballast-water">eaux de ballast</a> — des réservoirs remplis d’eau utilisée pour maintenir la stabilité des navires en mer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’eau se déverse dans le port à partir d’un orifice situé sur la proue d’un grand vraquier" src="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Navire amarré à Southampton, en Angleterre, déversant de l’eau de ballast.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/southampton-england-uk-a-bulk-carrier-alongside-berth-with-news-photo/1355165014">(Peter Titmuss/UCG/Universal Images Group via Getty Images)</a></span>
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<p>Lorsque les navires atteignent leur destination et vident leurs citernes de ballast, ils libèrent des plantes exotiques, des crustacés, des vers, des bactéries et d’autres organismes dans les eaux locales. Dans une étude importante de 1985, le <a href="https://mystic.williams.edu/about/faculty/dr-james-t-carlton/">biologiste Jim Carlton</a> du Williams College a décrit comment les rejets d’eaux de ballast <a href="http://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=7865531">constituaient un puissant véhicule pour les invasions biologiques</a>.</p>
<h2>L’invasion des Grands Lacs par les moules</h2>
<p>La moule zébrée est originaire de la mer Noire et de la mer Caspienne. On pense qu’elle est entrée en Amérique du Nord <a href="https://doi.org/10.1016/S0380-1330(08)71617-4">au début des années 1980</a> et a été officiellement recensée <a href="https://www.jsonline.com/in-depth/archives/2021/09/02/how-zebra-mussels-and-quagga-mussels-changed-great-lakes-forever/7832198002/">dans les Grands Lacs en 1988</a>, suivie par la moule Quagga en 1989.</p>
<p>Rapidement, les bivalves rayés ont recouvert les surfaces dures des lacs et se sont échoués sur les rivages, infligeant des coupures au pied des baigneurs. Les moules zébrées ont obstrué les tuyaux d’admission des usines de traitement d’eau potable, des <a href="https://www.osti.gov/biblio/6368446-infestation-monroe-power-plant-zebra-mussel-dreissena-polymorpha">centrales électriques</a>, des <a href="https://seagrant.sunysb.edu/ais/pdfs/Firefacts-v3.pdf">bouches d’incendie</a> et des <a href="https://www.nrc.gov/reading-rm/doc-collections/gen-comm/info-notices/1989/in89076.html">réacteurs nucléaires</a>, réduisant dangereusement la pression de l’eau et nécessitant des réparations coûteuses.</p>
<p>Les mollusques sont des organismes filtreurs qui rendent généralement l’eau plus claire. Mais les moules zébrées et Quagga filtrent tellement de plancton dans l’eau qu’elles affament les moules indigènes et favorisent la <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/1998/09/980919115852.htm">prolifération d’algues nuisibles</a>. Les envahisseurs ont également transmis le <a href="https://www.mlive.com/chronicle/2007/12/avian_botulism_killing_birds.html">botulisme de type E</a> mortel pour les oiseaux piscivores.</p>
<p>Au début des années 1990, 139 espèces exotiques s’étaient établies dans les Grands Lacs, dont près d’un tiers après l’ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent. Les introductions liées aux navires, ainsi qu’à d’autres voies, comme l’aquaculture et les rejets de poissons d’aquarium et d’appâts, ont transformé les Grands Lacs en <a href="https://doi.org/10.1016/S0380-1330(93)71197-1">l’un des écosystèmes d’eau douce les plus envahis au monde</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YiFHlOiPn1M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les responsables locaux sont aux prises avec une infestation de moules zébrées qui se propage dans le lac Brownwood, dans le centre du Texas.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Premières réactions politiques</h2>
<p>Les États-Unis ont commencé à <a href="https://www.fws.gov/law/nonindigenous-aquatic-nuisance-prevention-and-control-act-1990">réglementer la gestion des eaux de ballast en 1990</a>, mais ont eu du mal à combler les lacunes. Par exemple, les navires déclarant qu’ils n’avaient pas d’eaux de ballast pompables à bord n’ont pas eu à vider et à remplir à nouveau leurs citernes avec de l’eau de mer propre en cours de voyage. Résultat : les organismes d’eau douce vivants qui se cachaient dans les sédiments des réservoirs pouvaient encore être libérés dans les ports vulnérables.</p>
<p>Enfin, après des <a href="https://glpf.org/funded-projects/assessment-of-transoceanic-nobob-vessels-and-low-salinity-ballast-water-as-vectors-for-nonindigenous-species-introductions-to-the-great-lakes/">études approfondies</a>, les États-Unis et le Canada ont exigé en 2006 que les navires rincent les réservoirs contenant des sédiments résiduels avec de l’eau de mer. Une évaluation de 2019 a révélé que <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2019.09.002">seules trois nouvelles espèces se sont établies</a> dans les Grands Lacs entre 2006 et 2018, et qu’aucune d’entre elles ne l’a été par le biais des eaux de ballast des navires.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont d’autres pratiques anthropiques qui contribuent de plus en plus aux introductions nuisibles en eau douce. Et les activités maritimes étant réglementées, les grands coupables sont des milliers de plaisanciers privés et de pêcheurs à la ligne.</p>
<h2>Endiguer la propagation vers l’ouest</h2>
<p>Les moules zébrées et Quagga se déplacent vers l’ouest et le sud des Grands Lacs, attachées à des bateaux privés ou transportées dans les eaux de cale et les seaux à appâts. On en a découvert au <a href="https://doi.org/10.1111/j.1523-1739.2010.01490.x">Nevada</a>, en <a href="https://news.asu.edu/20200910-arizona-impact-invasive-species-continues-flex-its-mussels-arizona %25E2 %2580 %2599s-waterways">Arizona</a>, en <a href="https://wildlife.ca.gov/Conservation/Invasives/Quagga-Mussels/Incident-Description">Californie</a>, en <a href="https://www.deseret.com/2015/5/7/20564487/potential-mussel-infestation-threatens-water-supply-could-cost-state-millions">Utah</a>, <a href="https://www.koaa.com/news/covering-colorado/invasive-mussels-no-longer-present-in-colorado-cpw-says">au Colorado</a> et <a href="https://www.hcn.org/issues/48.22/latest-invasive-zebra-mussels-have-reached-montana">au Montana</a>.</p>
<p>Si les moules atteignent l’écosystème du fleuve Columbia, elles seront une menace pour la faune indigène et pour les canalisations d’irrigation et les barrages vitaux pour l’agriculture et l’hydroélectricité. Les représentants du gouvernement, les gestionnaires de la faune et les scientifiques travaillent sans relâche pour empêcher qu’une telle situation ne se produise.</p>
<p>La sensibilisation du public est essentielle. Les voyageurs qui transportent leurs bateaux sans les décontaminer peuvent transférer les moules zébrées et Quagga dans les réseaux fluviaux et lacustres intérieurs. Les moules peuvent survivre hors de l’eau dans des endroits chauds pendant des semaines. Il est donc important que les plaisanciers et les pêcheurs <a href="https://stdofthesea.utah.gov/">nettoient, vidangent et fassent sécher</a> leur équipement de navigation et le matériel de pêche.</p>
<p>Les propriétaires d’aquarium peuvent aider à endiguer la vague en <a href="https://www.fws.gov/sites/default/files/documents/zebra-mussel-disposal.pdf">désinfectant leurs réservoirs et leurs accessoires</a> afin d’éviter les rejets accidentels d’organismes vivants dans les cours d’eau publics, et en étant vigilants lors de leurs achats. En 2021, des moules zébrées ont été détectées dans des boules de mousse importées vendues comme plantes d’aquarium aux <a href="https://fws.gov/story/invasive-zebra-mussels-found-moss-balls">États-Unis</a> et au <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/new-brunswick/zebra-mussles-invasive-species-1.5960252">Canada</a>.</p>
<h2>Maintenir le soutien du public</h2>
<p>Certains de ces efforts ont donné des résultats encourageants. Depuis 2008, le Colorado <a href="https://coloradosun.com/2022/05/30/aquatic-nuisance-species/">a mis en place un programme rigoureux d’inspection des bateaux</a> qui a permis de maintenir les moules zébrées et Quagga hors des eaux de l’État.</p>
<p>Mais la prévention n’est pas toujours bien accueillie. Les autorités ont fermé le réservoir de San Justo, dans le centre de la Californie, au public en 2008 après y avoir découvert des moules zébrées ; les résidents affirment que la fermeture <a href="https://panetta.house.gov/media/press-releases/rep-panetta-leadcs-letter-rep-lofgren-request-expedited-process-san-justo">a nui à la communauté</a> et font pression sur le gouvernement fédéral pour éradiquer les moules afin de <a href="https://sanbenitolive.com/fishing-advocate-makes-case-to-reopen-san-justo-reservoir/">rouvrir le plan d’eau à la pêche</a>.</p>
<p>Atténuer les effets destructeurs des espèces envahissantes est une mission complexe qui n’a pas forcément de finalité évidente. Cela requiert des connaissances scientifiques, technologiques et historiques, une volonté politique et des compétences pour convaincre le public que tout le monde fait partie de la solution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187341/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Keiner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour réduire et prévenir les dommages provoqués par les moules zébrées, il faut comprendre que les activités anthropiques sont la cause première de ces invasions biologiques.Christine Keiner, Chair, Department of Science, Technology, and Society, Rochester Institute of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1872312022-07-26T21:19:57Z2022-07-26T21:19:57ZLes réglementations commerciales, un levier de croissance durable dans le Sud<p>Ces dernières décennies, l’essor du commerce international a apporté la diversité alimentaire dans nos cuisines mais aussi un risque accru de transport d’agents pathogènes. Le commerce illégal d’animaux vivants, <a href="https://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2014/May/wildlife-crime-worth-8-10-billion-annually.html">qui représenterait entre 8 à 10 milliards de dollars par an</a>, <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/72953">exacerbe encore plus cette menace</a>.</p>
<p>En parallèle, le changement climatique, à l’origine de vagues de chaleur, d’inondations ou d’ouragans, met les cultures à l’épreuve. La hausse des températures offre en effet des conditions idéales pour la <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate1990">reproduction des parasites</a> qui s’attaquent aux plantes et au bétail. Par exemple, les <a href="https://theconversation.com/explainer-whats-behind-the-locust-swarms-damaging-crops-in-southern-africa-147129">invasions de criquets pèlerins</a> qui ont notamment touché l’est de l’Afrique en 2020 et 2021 trouvent leur origine dans des précipitations inhabituellement élevées et des inondations dans des zones précédemment épargnées par le parasite.</p>
<h2>40 % de la production agricole perdue</h2>
<p>L’an dernier aux États-Unis, les propriétaires et les agriculteurs du Nord-est, du Midwest, du Sud et du Sud-ouest ont également assisté avec horreur à une <a href="https://theconversation.com/the-fall-armyworm-invasion-is-fierce-this-year-and-scientists-are-researching-how-to-stop-its-destruction-of-lawns-football-fields-and-crops-167098">invasion sans précédent de <em>Spodoptera frugiperda</em>, ou légionnaires d’automne</a>. Ces chenilles ont dévasté les champs de riz, de soja, de luzerne et d’autres cultures.</p>
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<img alt="Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya. » source=" src="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yasuyoshi Chiba/AFP</span></span>
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<p>Les Nations unies estiment qu’environ <a href="https://news.un.org/en/story/2021/06/1093202">40 % de la production agricole mondiale est actuellement perdue à cause des parasites</a>, tandis que les maladies des plantes coûtent à l’économie mondiale plus de 220 milliards de dollars par an.</p>
<p>Or, nous ne sommes pas égaux face à ce problème. Les pays riches comme les États-Unis, le Canada, le Japon et une grande partie de l’Europe occidentale, qui portent une grande responsabilité dans le changement climatique car ils ont émis <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/11/12/climate/cop26-emissions-compensation.html">50 % de tous les gaz à effet de serre</a> depuis la révolution industrielle, ont développé de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.20201539">meilleures stratégies</a> pour limiter la propagation d’agents pathogènes. Par exemple, en améliorant la production, avec la sélection génétique de variétés résistantes, ou en contrôlant le transport transfrontalier à l’aide de réglementations commerciales, de normes et d’accords internationaux.</p>
<h2>Plus de qualité et de croissance</h2>
<p>Parmi ceux-ci, l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/spsund_f.htm">mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)</a>, négocié lors du cycle d’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et entré en vigueur en 1995, réglemente aujourd’hui le commerce des produits vulnérables aux parasites et aux agents pathogènes.</p>
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<p>Leur objectif est de protéger la vie ou la santé humaine, animale ou végétale grâce à des normes de sécurité. Le texte définit les règles de base que les gouvernements sont tenus de suivre pour fournir des aliments sûrs aux consommateurs tout en évitant toute forme de protectionnisme des producteurs nationaux.</p>
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<img alt="L’ambassadeur américain Michael Froman, assis devant un panneau aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est" src="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ambassadeur américain Michael Froman signe l’accord de coopération entre la Communauté d’Afrique de l’Est et les États-Unis sur la facilitation des échanges, les mesures sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce, aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est à Washington, en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Saul Loeb/AFP</span></span>
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<p>Les pays du Sud représentant la majeure partie de la production agricole brute (par exemple, la valeur ajoutée de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-20572">agriculture</a> représentait <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.AGR.TOTL.ZS?view=chart">17,2 % du produit intérieur brut de l’Afrique subsaharienne en 2021</a>), nous avons cherché à mesurer l’impact de ces réglementations sur les économies nationales et le commerce mondial. Notre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/twec.13256">recherche</a> apporte des nouvelles largement positives : les pays qui avaient les moyens de se conformer à ces nouvelles normes de sécurité ont bénéficié d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance économique</a> accrue et d’aliments plus sûrs.</p>
<p>Le renforcement des normes de sécurité a en effet permis d’améliorer les technologies et les pratiques de production, notamment en remplaçant les engrais chimiques par des engrais organiques, avec des effets positifs en termes de qualité des aliments. Les normes de sécurité ont également contribué à la création et à l’expansion des routes commerciales <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1093/aepp/ppx063">bénéfiques aux pays du Sud</a>. Le commerce agricole entre le Nord et le Sud tend ainsi à augmenter de 30 % lorsque ces normes s’appliquent.</p>
<h2>Renforcer la coopération</h2>
<p>Nous avons observé que ces effets positifs se renforcent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">si les acteurs économiques coopèrent</a> non seulement de manière formelle (par exemple, en employant un groupe d’experts traitant des questions de sécurité) mais aussi de manière substantielle (par exemple, en fixant des règles techniques pour coopérer sur les questions de sécurité).</p>
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<img alt="Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation" src="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation – Effets sur le commerce agricole entre le Nord et le Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Authors’ elaboration</span></span>
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<p>Contrairement à ce que prétend le <a href="https://www.jasonhickel.org/less-is-more">mouvement de la décroissance</a>, nos recherches montrent donc que les réglementations peuvent rendre possible une croissance durable. Des évaluations minutieuses de l’impact environnemental des accords commerciaux démontrent d’ailleurs que les accords entravent les plus gros pollueurs et <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.2202/1538-0637.1330/html">contribuent au contraire à une croissance durable</a>.</p>
<p>L’harmonisation des normes apparaît également essentielle pour instaurer un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">environnement coopératif</a> car les accords commerciaux réduisent les frictions dans le commerce et le temps nécessaire pour résoudre les différends. En bref, ils favorisent à la fois la coopération et la croissance.</p>
<h2>Une croissance durable est-elle possible ?</h2>
<p>Aujourd’hui, plusieurs institutions internationales, comme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC), soulignent la <a href="https://www.wto.org/english/tratop_e/envir_e/climate_measures_e.htm">nécessité d’agir</a> et encouragent les politiques commerciales <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abo4207">plus favorables au climat</a>. L’OMC s’accorde également avec le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale (BM) sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en tant que stratégie principale pour <a href="https://thedocs.worldbank.org/en/doc/0534eca53121c137d3766a02320d0310-0430012022/original/Subsidies-Trade-and-International-Cooperation-April-19-ci.pdf">faire face aux problèmes du changement climatique</a>. Néanmoins, les relations internationales tendent à évoluer à l’inverse vers une <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">fragmentation de l’espace mondial</a>…</p>
<p>Si l’impact conjoint du changement climatique et du commerce international favorise l’émergence et la propagation d’agents pathogènes, les efforts visant à les surveiller et à contrôler leur transport transfrontalier deviendront essentiels pour relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale.</p>
<p>Les politiques commerciales pourraient alors constituer une stratégie efficace mais <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/136/2/831/6039348">leur harmonisation reste à ce jour essentielle</a>, en particulier avec des économies caractérisées par une réactivité hétérogène aux impacts du changement climatique et par des capacités différentes à modifier les termes de l’échange.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds AXA pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site AXA Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude souligne les effets positifs des accords internationaux à la fois en termes de protection du consommateur et d’ouverture commerciale.Emilia Lamonaca, AXA Research Fellow, Università di FoggiaFabio Gaetano Santeramo, Associate Professor, Università di FoggiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789502022-05-24T17:58:21Z2022-05-24T17:58:21ZImages de science : « Watersipora subatra », voyageuse au long cours<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451023/original/file-20220309-25-1mfm9sg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4495%2C3000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bryozoaire _Watersipora subatra_ est originaire du Japon. Ici dans la rade de Brest, où sa présence est attestée depuis 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Dugornay/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Originaire du Japon, <em>Watersipora subatra</em> envahit progressivement les océans et mers du globe. L’introduction d’une espèce dans un nouvel écosystème peut engendrer des déséquilibres écologiques parfois irrémédiables. En milieu marin, leurs conséquences peuvent être graves du fait de la difficulté d’intervention.</p>
<p>Il existe quelques exemples spectaculaires, tels l’<a href="https://gisposidonie.osupytheas.fr/?p=399">algue verte tropicale <em>Caulerpa taxifolia</em> en Méditerranée</a> ou encore le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crabe_royal_du_Kamtchatka">crabe royal du Kamchatka</a>. Ces crabes, originaires de la mer de Béring entre l’est de la Russie et l’Alaska, ont été introduits en mer de Barents pour y développer une pêcherie et soutenir l’emploi local. Trouvant des écosystèmes favorables, cette espèce a rapidement étendu son aire de distribution vers l’ouest et colonisé les côtes de Norvège, actuellement jusqu’aux îles Lofoten. Elle représente une menace pour les écosystèmes qu’elle colonise dont elle perturbe profondément le fonctionnement, notamment en ingérant les œufs de poissons, notamment ceux du tacaud et de la morue.</p>
<p>Fort heureusement, dans la majorité des cas, les espèces introduites sont plus discrètes, ce qui n’exclut pas de les surveiller afin de déceler toute perturbation du fonctionnement au sein des écosystèmes ou la disparition d’autres espèces.</p>
<p>Le bryozoaire <em>Watersipora subatra</em> illustre l’exemple d’une introduction discrète mais d’une capacité de colonisation de nouveaux milieux très efficace – originaire du Japon, elle s’est largement implantée sur tout le <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00612/72370/">littoral breton</a> en seulement une décennie.</p>
<p>Si son arrivée en Europe peut être due à la présence de colonies dans du naissain (juvéniles) d’huître japonaise, son expansion pourrait aussi se faire via la fixation de ses larves ou de ses colonies sur les coques de navires (phénomène communément appelé « fouling »), ou encore par des algues dérivantes sur lesquelles les colonies pourraient se développer.</p>
<h2>Des « animaux mousses » variés à travers le monde</h2>
<p>Les bryozoaires, littéralement « animaux mousses », sont des animaux coloniaux, fixés pour la plupart sur un substrat, inerte ou vivant, et majoritairement marins. Chaque individu, appelé zoïde ou zoécie, vit dans une loge millimétrique au sein d’une colonie, le zoarium, qui peut être encroûtante, dressée ou arbustive et mesurer de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. La nutrition et la respiration des bryozoaires sont assurées par un courant d’eau créé par une couronne de tentacules appelée « lophophore ». Les loges étant le plus souvent carbonatées, plusieurs espèces contribuent ainsi dans les mers chaudes à la construction des récifs coralliens. La forme, la taille et l’agencement des loges permettent de reconnaître les différentes espèces.</p>
<p>Par leurs larves ou leurs colonies présentes dans le « fouling », quelques espèces sont facilement transportées de port en port et colonisent actuellement le littoral européen.</p>
<p>Tel est le cas de <em>Watersipora subatra</em>, originaire du Japon, qui est actuellement recensée comme une espèce introduite dans l’Atlantique Nord-Est, dans l’Indopacifique (Indonésie), le Pacifique sud-ouest (Australie, Nouvelle-Zélande) et le Pacifique nord-est (Californie). La taxonomie de ce genre, qui compte 13 espèces quelquefois <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.3857.2.1">très proches morphologiquement</a>, a induit de nombreuses hésitations avant que l’identification définitive des Watersipora présents sur les côtes européennes ne soit fixée.</p>
<p>Le long des côtes atlantiques européennes, cette espèce a été initialement identifiée comme <em>Watersipora aterrima</em> dans le bassin d’Arcachon entre 1968 et 1973, puis comme <em>Watersipora subovoidea</em> en Bretagne en <a href="https://www.vliz.be/imisdocs/publications/334935.pdf">2005</a>, revue comme <em>Watersipora subtorquata</em> en <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.2093.1.3">2009</a>. Il est désormais avéré que l’espèce présente en Bretagne, autour des îles Britanniques et en mer du Nord est en fait <em>Watersipora subatra</em> et que quatre autres espèces sont présentes sur le <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.3857.2.1">reste des côtes européennes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Financement de projets de recherche provenant de guichets divers (EC2CO, ANR, Agences de l'eau, Région Bretagne, FEAMP, INTERREG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Thiébaut a reçu des financements pour des projets de recherche provenant de différents financeurs ou programmes (ex. PNEC-EC2CO, ANR, Agence de l'eau Loire-Bretagne, OFB, FEAMP, Inter-Reg, Europe). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme FOURNIER et Laurent Godet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’arrivée d’une espèce invasive peut perturber l’écosystème, même quand elle reste discrète.Nicolas Desroy, Chercheur en faune benthique, IfremerEric Thiébaut, professeur en océanographie biologique, Sorbonne UniversitéJérôme FOURNIER, chercheur au CNRS, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Laurent Godet, Chercheur au CNRS, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1777762022-03-20T17:48:40Z2022-03-20T17:48:40ZL’invasion des vers plats est loin d’être terminée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451126/original/file-20220309-13-1ibzj3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une des espèces de vers plats à tête en forme de marteau en voie d'envahir le monde: _Diversibipalium multilineatum_</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://peerj.com/articles/12725/">Photo par Pierre Gros</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, de drôles d’animaux ont fait leur apparition dans les jardins français : longs de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres, les Plathelminthes terrestres, ou vers plats, se sont installés en France (peut-être chez vous !). Comment sont-ils arrivés ? Vraisemblablement par l’import de plantes exotiques, cachés dans le terreau ou sous les pots. Parmi ceux-ci, les <a href="https://theconversation.com/des-vers-geants-predateurs-envahissent-les-jardins-francais-dans-lindifference-96241">bipaliinés</a> ou « vers à tête en marteau » sont particulièrement impressionnants ; <a href="https://peerj.com/articles/12725/">trois espèces sont présentes en France métropolitaine</a>, probablement venues d’Asie, et globalement au moins cinq espèces ont été introduites hors de leur région d’origine.</p>
<h2>Quels risques les vers plats introduits présentent-ils ?</h2>
<p>Pourquoi doit-on s’inquiéter de la présence de vers plats exotiques ? Ces espèces pourraient-elles simplement représenter une nouvelle faune, caractéristique des jardins du XXI<sup>e</sup> siècle ? Après tout, la biodiversité est dynamique ; on sait que les espèces se déplacent au gré des bouleversements climatiques ou géologiques, et de la dispersion naturelle des individus. Toutefois, comme c’est souvent le cas des espèces transportées par l’homme, on a de bonnes raisons de craindre que leur introduction puisse bouleverser les écosystèmes envahis. Dans le cas de ces vers plats, leur régime alimentaire est en cause : ils sont prédateurs de gastéropodes (escargots, limaces) ou de vers de terre, architectes essentiels des sols. D’autres espèces semblables ont déjà provoqué des dégâts : en Angleterre, le ver plat <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthurdendyus_triangulatus"><em>Arthurdendyus triangulatus</em></a>, originaire de Nouvelle-Zélande, entraîne le déclin des populations de certains vers de terre dont il se nourrit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451113/original/file-20220309-22-1ldfbt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une des espèces de grande taille de ver plat à tête en forme de marteau présente en France, <em>Bipalium kewense</em></span>
<span class="attribution"><span class="source">par Pierre Gros</span></span>
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<p>De tels envahisseurs sont extrêmement difficiles à contrôler. Une fois introduits, ils se cachent dans les recoins humides des jardins, s’enterrent pour supporter des conditions climatiques difficiles, et se reproduisent rapidement. Une stratégie évidente s’impose alors : il faut se prémunir de l’arrivée de ces vers avant qu’ils ne soient définitivement installés. Une stricte surveillance des importations de plantes exotiques ou des autres sources d’invasion est nécessaire, ainsi qu’un suivi méticuleux des écosystèmes pouvant être envahis. À l’échelle mondiale, ces efforts de prévention représentent un coût considérable. Les ressources financières et humaines n’étant pas illimitées, il faut prioriser les actions dans les régions susceptibles d’être envahies, mais encore épargnées.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1111/ddi.13489">C’est dans cette optique que notre étude visait à cartographier</a> la susceptibilité à l’invasion par les cinq espèces de vers plats à tête en forme de marteau les plus fréquemment envahissantes. </p>
<h2>Comment prédire les zones d’invasion ?</h2>
<p>Pour identifier les zones pouvant potentiellement être envahies, il suffit de regarder où se trouvent d’ores et déjà ces vers plats. Pour cela, rien de mieux que des données issues de sciences participatives. Partout dans le monde, des naturalistes amateurs enregistrent leurs observations, notamment via des projets communautaires comme <a href="https://www.inaturalist.org/">iNaturalist</a> ou <a href="https://inpn.mnhn.fr/informations/inpn-especes">INPN espèces</a> (vous pouvez y contribuer vous-même, via une application smartphone à télécharger).</p>
<p>Si ces espèces pouvaient passer inaperçues, il y a quelques années, elles sont maintenant bien identifiées (voire recherchées) par de nombreux observateurs avertis. Cela nous permet d’avoir aujourd’hui une vision assez bonne des régions envahies. Dès lors, il est possible de mettre en relation ces observations et les conditions climatiques correspondantes à leur localisation.</p>
<p>La méthode implique des modèles statistiques complexes, mais dont le principe est simple : si on observe systématiquement une espèce entre 10 et 20 °C, par exemple, cela nous permet de déduire qu’elle a besoin d’un climat tempéré pour s’installer et survivre. Ces informations seraient bien insuffisantes pour déterminer si un jardin donné est à risque d’invasion, mais peuvent malgré tout délimiter les zones du globe les plus favorables à la prolifération des vers plats.</p>
<h2>Quelles régions à risque ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.doi.org/10.1111/ddi.13489">résultats</a> de nos modélisations nous apportent des pistes importantes pour la gestion des vers plats prédateurs invasifs. En France, chacune des cinq espèces étudiées est susceptible de trouver des zones climatiques favorables à sa survie (pas toutes dans les mêmes régions).</p>
<p>Pourtant, on n’observe à l’heure actuelle que les impressionnants <em>Bipalium kewense</em> et <em>Diversibipalium multilineatum</em>, facilement repérables avec leurs plusieurs dizaines de cm de long. La vigilance est donc de mise ! Et d’ailleurs, une petite espèce vient récemment d’être découverte en France, <a href="https://theconversation.com/humbertium-covidum-le-nouveau-ver-qui-menace-nos-jardins-174904"><em>Humbertium covidum</em></a>. Cette espèce est jusqu’ici <a href="https://peerj.com/articles/12725/">rare</a> et n’a pas été prise en compte dans notre travail de modélisation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451118/original/file-20220309-13-1li8to1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’autre espèce de grande taille de ver plat à tête en forme de marteau présente en France, <em>Diversibipalium multilineatum</em></span>
<span class="attribution"><span class="source">par Pierre Gros</span></span>
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</figure>
<p>La législation européenne impose maintenant des restrictions fortes sur l’importation de plantes exotiques ; toutefois, nous ne sommes pas à l’abri de l’arrivée d’un nouvel envahisseur tel que <em>Bipalium vagum</em>, un ver plat fortement envahissant en Amérique du Nord et aux Antilles françaises et pour lequel nos modèles montrent une possibilité d’invasion sur une grande partie du territoire métropolitain. Cette espèce a été récemment <a href="https://doi.org/10.1007/s10530-021-02638-w">trouvée en Italie</a>, mais pas encore en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451122/original/file-20220309-25-1q1c3lc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Bipalium vagum</em>, une espèce qui n’a pas encore envahi la France, mais qui le pourrait comme le montre nos modèles d’invasion. Photographiée ici en Guyane Française.</span>
<span class="attribution"><span class="source">par Sébastien Sant</span></span>
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</figure>
<p>Outre le cas particulier de la France, <a href="https://doi.org/10.1111/ddi.13489">notre étude met en lumière des zones potentiellement propices</a> à l’invasion par ces espèces ailleurs dans le monde. De façon remarquable, une petite région d’Amérique du Sud semble pouvoir accueillir l’ensemble des espèces modélisées : il s’agit du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%ADo_de_la_Plata">Río de la Plata</a> et de ses environs, un estuaire situé à la frontière entre Argentine et Uruguay.</p>
<p>Loin d’être anecdotique, cette découverte montre que nos cinq espèces pourraient bien envahir une région du globe dans laquelle de nombreuses autres espèces de vers plats terrestres prolifèrent de façon naturelle. C’est notamment l’aire d’origine d’<a href="https://theconversation.com/obama-nungara-le-ver-venu-dargentine-qui-envahit-les-jardins-francais-131004"><em>Obama nungara</em></a>, un autre <a href="https://peerj.com/articles/8385/">Plathelminthe introduit récemment en France</a>, également prédateur de vers de terre et d’escargots. <em>Bipalium kewense</em> a déjà largement envahi l’Amérique du Sud ; il convient donc d’éviter que de nouvelles invasions ne viennent fragiliser ces écosystèmes à la richesse exceptionnelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451114/original/file-20220309-27-1u85oxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résultat de modélisation montrant la répartition potentielle des bipaliinés invasifs dans les conditions actuelles et en 2070 dans un scénario de fort changement climatique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourcade et coll., 2022</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et plus tard ?</h2>
<p>Le climat futur reste particulièrement incertain, et dépendra de notre capacité à réformer nos sociétés pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, les climatologues développent des modèles permettant de projeter l’évolution des conditions climatiques en fonction des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trajectoires_socio-%C3%A9conomiques_partag%C3%A9es">scénarios proposés par le GIEC</a>.</p>
<p>Dès lors que nos modélisations prédisent le risque d’invasion par les vers plats en fonction de facteurs climatiques, il nous est possible d’imaginer comment ce risque d’invasion pourrait changer dans le futur. <a href="https://doi.org/10.1111/ddi.13489">Dans notre étude</a>, on observe que les deux espèces déjà introduites dans le plus grand nombre de pays à l’heure actuelle (<em>Bipalium kewense</em> et <em>Bipalium vagum</em>) sont aussi celles qui pourraient bénéficier d’un climat plus chaud. L’invasion des vers plats à tête en forme de marteau n’est donc pas prête de s’arrêter. Pour l’heure, les régions à forte probabilité d’invasion devraient redoubler de vigilance, car l’élimination de ces espèces des régions envahies risque d’être difficile. Quant aux scientifiques, leur travail se poursuit pour cartographier plus finement les zones les plus favorables aux vers plats invasifs ; pour cela, les <a href="https://sites.google.com/site/jljjustine/que-faire-si-je-trouve-un-plathelminthe">données fournies par chacun</a> s’avéreront déterminantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoan Fourcade est l'un des éditeurs associés du journal Diversity and Distributions dans lequel l'étude décrite a été publiée.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Lou Justine a reçu des financements du Muséum National d'Histoire Naturelle.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leigh Winsor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des modèles climatiques permettent de prédire que l’invasion des vers plats continuera dans le futur, aussi bien en France que dans le monde, et même s’aggravera avec le réchauffement climatique.Yoan Fourcade, Enseignant chercheur en écologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Jean-Lou Justine, Professeur, UMR ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Leigh Winsor, Adjunct Senior Research Fellow, James Cook UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749052022-03-10T20:25:51Z2022-03-10T20:25:51ZUne nouvelle espèce de ver plat à Mayotte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446490/original/file-20220215-17-4jei6d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C380%2C1870%2C1130&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La nouvelle espèce _Diversibipalium mayottensis_ photographiée à Mayotte</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.7717/peerj.12725/fig-24">Laurent Charles</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En avril 2015, Laurent Charles, qui s’occupe des mollusques au Muséum de Bordeaux, est parti explorer la biodiversité de l’île de Mayotte, dans l’océan Indien. Les îles sont souvent des hauts lieux de la biodiversité des mollusques terrestres, et un chercheur expérimenté ne rentre jamais bredouille en termes de nouvelles espèces, souvent des tout petits escargots. Au cours de ses recherches, Laurent trouva un petit ver bizarre d’une couleur extraordinaire, bleu vert mordoré. Il eut tout de suite la bonne idée de faire des photos sur place, et bien sûr, de récolter quelques spécimens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446487/original/file-20220215-15-1gh6bjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La forêt aux environs de Mamoudzou à Mayotte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Charles</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2018, nous avons fait une grande enquête sur les <a href="https://peerj.com/articles/4672/">Plathelminthes (ou vers plats) à tête en forme de marteau</a>, basée sur une recherche de science participative, c’est-à-dire que les particuliers nous ont envoyé des photos de vers trouvés dans leurs jardins, en France métropolitaine, mais aussi <a href="https://peerj.com/articles/10098/">dans les départements d’outre-mer</a>.</p>
<p><a href="https://peerj.com/articles/4672/">Dans ce travail de 2018</a>, nous avons aussi rapporté l’existence de ce ver et sa présence à Mayotte. Aucune espèce au monde n’ayant cette couleur extraordinaire, nous avions bien la prémonition que c’était une espèce inconnue de la science. Nous avons aussi fait une analyse moléculaire du gène codant pour la première sous-unité de la cytochrome c oxydase, ou <em>cox1</em>, un gène mitochondrial très utilisé pour le « barcoding » ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Barcoding_mol%C3%A9culaire">codage à barres de l’ADN</a> des animaux.</p>
<p>En effet, à chaque espèce animale correspond une séquence de <em>cox1</em>, qui lui est caractéristique. Pour cette espèce, le barcode était bien différent de tous ceux qui sont connus dans ce groupe des Bipaliinae, ou « vers plats à tête en forme de marteau ».</p>
<p>Mais la description formelle d’une espèce demande beaucoup plus de détails, sinon elle ne sera pas reconnue par la communauté scientifique. Nous avons donc appelé cette espèce de Mayotte : <em>Diversibipalium</em> « bleu ». Pour un spécialiste, ce nom, malgré ses sept syllabes et son apparence de sérieux, montrait bien l’étendue de notre ignorance. En effet, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diversibipalium">genre <em>Diversibipalium</em></a> a été créé pour ranger les espèces qui ressemblent à des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bipalium"><em>Bipalium</em></a> (un genre bien connu de vers plats à tête en forme de marteau), mais pour lesquelles on ne connaît pas l’anatomie des organes sexuels. Une espèce de fourre-tout, justifié par le fait que souvent ces espèces abandonnent la reproduction sexuée – ce qui embarrasse bien les chercheurs. Et « bleu », qui n’est pas un mot latin, signifiait que nous ne pouvions pas donner un nom latin, donc pas vraiment nommer la nouvelle espèce.</p>
<h2>Génomes mitochondriaux</h2>
<p>À partir de 2018, nous avons commencé à collaborer avec Romain Gastineau, chercheur français à l’Université de Szczecin en Pologne, et spécialiste des génomes mitochondriaux. Le génome mitochondrial est le code utilisé par les mitochondries, des petits organites présents dans toutes les cellules. Il y a beaucoup d’information dans un génome mitochondrial. Par exemple, pour <em>Homo sapiens</em>, le génome a une taille de 16 569 bases nucléotidiques. Chez les vers plats, c’est autour de 15 000 bases. Ces génomes mitochondriaux sont plus faciles à analyser que le génome des noyaux (3,2 milliards de bases pour <em>Homo sapiens</em>). Avec Romain, nous avons commencé à décrire les génomes mitochondriaux de plusieurs vers plats envahissants, comme le très médiatique <a href="https://doi.org/10.1080/23802359.2020.1748532">ver plat de Nouvelle-Guinée</a> <em>Platydemus manokwari</em>, ou le <a href="https://doi.org/10.1080/23802359.2019.1596768">ver plat à tête en forme de marteau</a> <em>Bipalium kewense</em>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446488/original/file-20220215-8037-gl4dze.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le génome mitochondrial de <em>Diversibipalium mayottensis</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Justine et coll., 2022</span></span>
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<h2>Le groupe-frère des autres vers plats à tête en forme de marteau</h2>
<p>Nous n’avions que peu de spécimens de notre <em>Diversibipalium</em> « bleu », mais nous avons tout de même décidé d’en détruire un pour extraire son ADN et caractériser son génome mitochondrial. Et là, surprise, ce mitogénome était très différent de ceux de tous les autres <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bipaliinae">Bipaliinae</a>, ou « vers plats à tête en forme de marteau » pour lesquels nous avions des informations.</p>
<p>En fait, dans nos analyses, <em>Diversibipalium</em> « bleu » était le groupe-frère de tous les autres Bipaliinae. Qu’est-ce qu’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_fr%C3%A8re">groupe-frère</a> ? C’est une espèce qui a une origine commune avec tout un groupe d’autres espèces. Avant que ne se répande l’usage de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cladistique">cladistique</a> dans les années 1980, une science qui permet de ranger les espèces selon une méthode rigoureuse, certains auraient peut-être appelé cette espèce « l’ancêtre des Bipaliinae », ce qu’elle n’est certainement pas.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446544/original/file-20220215-13-15o6tx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un arbre phylogénétique des vers plats terrestres (Geoplanidae) basé sur une analyse moléculaire. <em>Diversibipalium mayottensis</em> est le groupe-frère de tous les autres vers plats à tête en forme de marteau (Bipaliinae).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Justine et coll., 2022</span></span>
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<h2>Le nom <em>mayottensis</em> : est-il bien choisi ?</h2>
<p><a href="https://peerj.com/articles/12725/">Dans un article publié début 2022</a>, nous avons donc décidé de donner un nom à cette espèce, et nous avons tout simplement choisi <em>mayottensis</em>, ce qui signifie dans le latin de cuisine des scientifiques « qui vient de Mayotte ». Nous l’avons gardée dans le genre <em>Diversibipalium</em>, puisque nous n’avons pas pu décrire ses organes sexuels, mais nous avons remarqué qu’il faudrait peut-être bien un jour lui donner un nom de genre nouveau.</p>
<p>Nous avons donc maintenant une espèce <em>Diversibipalium mayottensis</em>, avec son nom latin tout à fait officiel, et sa position très intéressante dans un arbre des vers plats, comme groupe-frère des autres Bipaliinae.</p>
<p>En dépit de ce nom, <em>Diversibipalium mayottensis</em> vient-elle vraiment de Mayotte ? Probablement pas ! Mayotte est une île volcanique relativement jeune, âgée d’à peine <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mayotte#Origine_de_l%E2%80%99%C3%AEle">quelques millions d’années</a>, et il n’est donc pas question que cette petite île héberge depuis très longtemps le groupe-frère de tous les Bipaliinae. L’espèce vient donc d’ailleurs. Il n’y a pas de vers plats à tête en forme de marteau en Afrique continentale, mais ils sont communs en Asie et à Madagascar.</p>
<p>Pour une autre espèce, <em>Humbertium covidum</em>, que <a href="https://peerj.com/articles/12725/">nous avons aussi décrite en 2022</a> et qui a été trouvée en France et en Italie dans des jardins, la situation était plus simple : il nous est paru évident qu’elle avait été récemment importée en Europe depuis l’Asie, probablement dans des plantes en pot, en relation avec la mondialisation. C’est clairement une espèce introduite.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/humbertium-covidum-le-nouveau-ver-qui-menace-nos-jardins-174904">Humbertium covidum : le nouveau ver qui menace nos jardins</a>
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<p>Pour <em>Diversibipalium mayottensis</em> à Mayotte, l’origine malgache nous paraît bien plus probable. En effet, Mayotte et Madagascar ont été en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mayotte#Temps_anciens">contact historique durant des siècles</a>, et il suffit que quelques voyageurs aient apporté dans leurs bateaux traditionnels des plantes vivantes pour avoir aussi importé l’espèce.</p>
<p>Nous supposons donc que <em>Diversibipalium mayottensis</em> est en fait une espèce de Madagascar, qui a été amenée à Mayotte il y a quelques siècles, où elle est bien installée. Cela correspondrait bien avec cette hypothèse d’un groupe d’espèces de Madagascar, qui seraient le groupe-frère des Bipaliinae d’Asie, et qui auraient évolué séparément sur la Grande Île.</p>
<h2>Espèce envahissante ou endémique de Mayotte ?</h2>
<p>Si notre hypothèse est juste, <em>Diversibipalium mayottensis</em> est donc une espèce introduite à Mayotte, et si on confirme qu’elle est largement répandue, on pourrait la faire passer dans la catégorie des EEE, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_envahissante">« espèces exotiques envahissantes »</a>. Mais voilà, l’est-elle vraiment ? C’est ici que l’hypothèse de quelques siècles d’introduction à Mayotte prend toute son importance.</p>
<p>En effet, il n’est pas facile de classer les espèces introduites depuis plusieurs siècles dans un territoire et bien établies. Pour <em>Diversibipalium mayottensis</em>, que faudrait-il conclure ? Espèce introduite, donc à combattre pour éviter qu’elle ne perturbe l’équilibre écologique de l’île, ou au contraire espèce connue nulle part ailleurs, intéressante par sa position phylogénétique, et donc à protéger ? Nous penchons plutôt vers la protection.</p>
<p>Que faire pour mieux interpréter cette présence de <em>Diversibipalium mayottensis</em> à Mayotte ? Récolter des vers plats à Madagascar, et retrouver son lieu d’origine, ou des espèces voisines. Mais tout cela est peut-être encore plus compliqué : Madagascar a été peuplée par des peuples <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Austron%C3%A9siens">Austronésiens</a>, et la faune des vers plats de Madagascar a peut-être été amenée en partie d’Asie, par ces peuples, il y a un ou deux millénaires. Le passé de <em>Diversibipalium mayottensis</em> est probablement complexe, et inextricablement lié aux migrations humaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Lou Justine a reçu des financements du Muséum National d'Histoire Naturelle. Il est l'un des "Academic Editor" (bénévole) de la revue scientifique PeerJ (<a href="http://www.peerj.com">www.peerj.com</a>) dans laquelle cette recherche est publiée</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leigh Winsor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle espèce trouvée à Mayotte change les idées sur l’évolution des vers plats, et pose un problème de conservation.Jean-Lou Justine, Professeur, UMR ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Leigh Winsor, Adjunct Senior Research Fellow, James Cook UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749042022-02-01T12:01:29Z2022-02-01T12:01:29ZHumbertium covidum : le nouveau ver qui menace nos jardins<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442083/original/file-20220123-15-1kndvea.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C3180%2C1800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La nouvelle espèce _Humbertium covidum_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://dx.doi.org/10.7717/peerj.12725">Pierre Gros</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Une centaine de nouvelles espèces, animales ou végétales, sont décrites <a href="https://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/13061/">chaque année en France métropolitaine</a>. Dans la plupart des cas, il s’agit d’espèces autochtones, présentes chez nous depuis longtemps, mais qui avaient échappé jusqu’ici à l’attention des scientifiques. De manière bien différente, <a href="https://peerj.com/articles/12725/">nous rapportons maintenant l’existence d’une espèce nouvelle trouvée en France</a>, mais qui a été introduite, et même qui est potentiellement capable d’envahir nos jardins.</p>
<p>Cette espèce, c’est un ver plat, grande comme une phalange de votre petit doigt. L’espèce est allongée, avec une tête plus large, comme tous les vers plats à tête en forme de marteau. Alors que les autres vers plats tendent généralement vers le marron ou le jaune, sa couleur est tout à fait extraordinaire : totalement noire, elle fait penser à du « métal liquide ». Son nom : <em>Humbertium covidum</em> – nous reviendrons sur ce nom plus loin.</p>
<h2>Comment différencier les espèces ?</h2>
<p>Depuis une dizaine d’années, nous savons que des vers plats ont envahi les jardins de France. Notre équipe a ainsi rapporté et cartographié l’invasion par plusieurs espèces : le <a href="https://dx.doi.org/10.7717%2Fpeerj.297">ver plat de Nouvelle-Guinée</a> (<em>Platydemus manokwari</em>), les <a href="https://dx.doi.org/10.7717%2Fpeerj.4672">vers géants à tête en forme de marteau</a> (surtout <em>Bipalium kewense</em>) et le <a href="https://dx.doi.org/10.7717%2Fpeerj.8385">bizarrement nommé <em>Obama nungara</em></a>, qui à lui tout seul a envahi plus de 70 départements métropolitains. Nous avons aussi rapporté des invasions <a href="https://doi.org/10.11646/zootaxa.4951.2.11">récentes en outremer</a>.</p>
<p>Pour donner un nom à une espèce, les scientifiques doivent convaincre qu’elle est nouvelle, et donc expliquer en quoi elle est différente des espèces déjà connues. Dans tous les cas, il faut décrire avec précision les formes et les couleurs. Très souvent, il faut aussi décrire avec une grande précision les organes sexuels des espèces, qui sont différents et caractéristiques. C’est là qu’un problème se pose pour les vers plats : certaines espèces se reproduisent seulement de manière asexuée, et donc n’ont tout simplement pas d’organes sexuels. On imagine le problème pour les différencier. C’est pour cela que nous avons utilisé les techniques modernes de la biologie moléculaire pour caractériser les génomes mitochondriaux de ces espèces.</p>
<h2>Le génome mitochondrial</h2>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nome_mitochondrial">génome mitochondrial</a>, en abrégé mitogénomes, est le code génétique qui fait fonctionner les mitochondries, des petits organites présents dans toutes les cellules et assurent leur fonctionnement énergétique. Ce génome mitochondrial est distinct du génome du noyau. Comme ce génome mitochondrial est présent en milliers de copies dans chaque cellule, il est donc techniquement plus facile – et moins coûteux – de l’obtenir que le génome du noyau.</p>
<p>Le génome mitochondrial est un ADN circulaire, long d’environ 15000 paires de bases nucléotidiques : c’est assez long pour donner beaucoup d’information, et assez court pour être obtenu facilement.</p>
<p>Nous avons donc obtenu le génome mitochondrial de plusieurs espèces de vers plats envahissants, comme <a href="https://doi.org/10.1080/23802359.2020.1748532">celui du ver plat de Nouvelle-Guinée</a> et des <a href="https://doi.org/10.1080/23802359.2019.1596768">vers à tête en forme de marteau</a>. Nous avons utilisé les caractéristiques de ces génomes pour différencier les espèces trouvées, même si elles n’avaient pas de caractères sexuels visibles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442105/original/file-20220123-25-xyqe5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le génome mitochondrial de la nouvelle espèce <em>Humbertium covidum</em></span>
<span class="attribution"><span class="source">Justine et coll., 2022</span></span>
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</figure>
<h2>La nouvelle espèce en France</h2>
<p>Grâce à la <a href="https://sites.google.com/site/jljjustine/que-faire-si-je-trouve-un-plathelminthe">science participative</a>, c’est-à-dire des particuliers qui nous aident en répertoriant les espèces qui sont chez eux, nous avons trouvé la nouvelle espèce « noir métallique » dans deux jardins en France, tous les deux dans le département des Pyrénées-Atlantiques, dans des communes séparées par une centaine de kilomètres.</p>
<p>Il est maintenant bien connu que le département des Pyrénées-Atlantiques est un <a href="https://dx.doi.org/10.7717%2Fpeerj.4672">petit paradis pour les vers plats introduits depuis le monde entier</a>, principalement à cause de son climat doux et toujours un peu humide. Dans les deux cas, il n’y avait que quelques individus de l’espèce noire. Au début de notre étude, nous nous sommes même demandés si ce n’était pas des simples variants de couleur noire d’une espèce plus grande, <em>Bipalium kewense</em>, aussi trouvée dans ces jardins. Mais en voyant de près les spécimens, et en comparant les génomes, pas de doute, l’espèce était différente. Nous avons alors cherché dans la littérature scientifique si l’espèce avait été décrite ailleurs, et surtout en Asie tropicale, qui est le continent d’origine principal de ces vers à tête en forme de marteau. Nous avons bien trouvé quelques mentions d’animaux qui y ressemblent, mais sans plus.</p>
<h2>En Italie aussi</h2>
<p>Vers la fin de 2019, nous avons été averti qu’une espèce noire proliférait dans un champ en Vénétie. Des centaines de vers noirs, bien actifs tôt le matin, et très mobiles. <a href="https://doi.org/10.1007/s10530-021-02638-w">D’autres signalements</a> ont ensuite été faits de ce ver noir près de Rome. Nous avons comparé le génome mitochondrial d’individus trouvés en France avec celui d’individus trouvés en Italie : ils étaient très peu différents, ce qui montre qu’il s’agit de la même espèce, qui donc était déjà présente dans deux pays en Europe.</p>
<p>Et donc, il fallait décrire l’espèce, c’est-à-dire lui donner un nom latin.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PwXlwyXAiIU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La nouvelle espèce <em>Humbertium covidum</em>, filmée en Italie.</span></figcaption>
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<h2>Le nom de la nouvelle espèce</h2>
<p>Attribuer un nom à une espèce est une étape clé primordiale et indispensable à toute étude ultérieure. Quand on s’adresse à des espèces potentiellement envahissantes, et qui donc peuvent attirer l’attention du législateur, il est encore plus indispensable de pouvoir les nommer : les lois et décrets utilisent les noms latins, parce que ces noms garantissent qu’on désigne bien la bonne espèce.</p>
<p>Chaque nom latin d’espèce est binomial, avec un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nomenclature_zoologique">nom de genre et un nom d’espèce</a>. Pour le nom de genre, c’est « Humbertium », simplement parce que l’animal a les caractères de ce genre <a href="https://biblio.naturalsciences.be/associated_publications/bjz/bibliographic-references/ISI_000170313800034">décrit en 2001</a>. Pour le nom de la nouvelle espèce, nous avons choisi « covidum », un nom bien évidemment basé sur « covid ». Pourquoi ? D’abord parce que nous avons commencé ce travail en 2020, quand nos laboratoires étaient fermés du fait du confinement. Ensuite, au fur et à mesure que la pandémie progressait, nous avons voulu nommer l’espèce en hommage à toutes les victimes. Et finalement, il nous a semblé que « covidum » était un nom approprié pour un organisme capable d’envahir le monde et venant d’Asie, comme la pandémie de Covid-19 elle-même.</p>
<h2>Espèces envahissantes</h2>
<p>En dehors de la <a href="https://peerj.com/articles/12725/">description</a> de cette seule espèce, que nous apprend cette découverte d’une nouvelle espèce de ver plat en Europe ? Surtout, que des espèces étrangères viennent sans arrêt envahir nos contrées (la même chose existe ailleurs dans le monde, avec des espèces européennes qui envahissent d’autres continents). Faut-il leur reprocher et les tenir responsables ? Ces espèces n’y sont pour rien, bien sûr. C’est l’humanité qui est responsable, et en particulier le phénomène moderne de mondialisation, par lequel on fait circuler des marchandises à un rythme effréné dans toutes les directions.</p>
<p>Quelques individus d’un ver plat, qui ne se rendent compte de rien, se retrouvent ainsi à traverser le monde entier en quelques jours, probablement dans la terre d’un lot de plantes. Ils arrivent dans un nouvel environnement où leurs ennemis naturels sont absents, trouvent une nourriture abondante, et prolifèrent. Dans le cas d’<em>Humbertium covidum</em>, en analysant l’ADN de leurs proies, nous avons ainsi pu montrer que l’espèce mange des petits escargots, mais elle consomme peut-être aussi d’autres proies.</p>
<p>En quoi cette arrivée de <em>Humbertium covidum</em> est-elle un problème ? Parce que les espèces animales qui vivent sur le sol et dans le sol sont en équilibre avec leur environnement européen depuis longtemps, et que l’arrivée d’un prédateur opportuniste peut changer cet équilibre, et donc altérer la biodiversité de nos sols. Altérer la biodiversité a un coût écologique, et même, un coût économique. Par exemple, on peut calculer que les espèces envahissantes diminuent les productions agricoles. Le coût des espèces exotiques envahissantes en France est énorme, de l’ordre de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">centaines de millions d’euros par an</a>.</p>
<p><em>Humbertium covidum</em> est donc un <a href="https://peerj.com/articles/12725/">exemple de plus d’espèce exotique introduite</a>, qui à terme menace la biodiversité. Espérons qu’à la différence du virus qui lui a donné son nom, elle n’envahisse pas le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Lou Justine a reçu des financements du Muséum National d'Histoire Naturelle. Il est l'un des "Academic Editor" (bénévole) de la revue scientifique PeerJ dans laquelle cette recherche est publiée.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leigh Winsor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle espèce de ver plat nous envahit. Elle est de couleur noir métallique et son nom est Humbertium covidum.Jean-Lou Justine, Professeur, UMR ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Leigh Winsor, Adjunct Senior Research Fellow, James Cook UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1560072021-10-27T20:41:34Z2021-10-27T20:41:34ZPourquoi les chiens sont-ils interdits en Antarctique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386207/original/file-20210224-23-1rs0bxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C4724%2C3132&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chiens ont aussi été les meilleurs amis des explorateurs des pôles. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/beautiful-siberian-huskies-dog-sledding-competition-1006205260">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pôle Sud (Antarctique) ou pôle Nord (Arctique) ?</p>
<p>Outre la géographie, l’un des éléments de différenciation de ces deux espaces repose sur les espèces, indigènes et exogènes, qui s’y trouvent : aucun pingouin ne foule en effet les glaces antarctiques, seul le manchot s’y déplace de sa démarche chaloupée ; l’ours polaire, symbole d’un changement climatique dont les pôles sont les témoins privilégiés, ne s’observe lui qu’en Arctique.</p>
<p>Et les chiens ? Le fameux Husky sibérien, ou Husky de l’Arctique, n’a pas de cousin en Antarctique. Mais si aucun canidé n’est indigène au continent austral, peut-il y être introduit ? Il l’a en tout cas été par le passé.</p>
<h2>Aux côtés de Roald Amundsen et de Jean-Louis Étienne</h2>
<p>En Antarctique, le chien a été le meilleur ami des explorateurs et on l’associe souvent à <a href="https://sites.google.com/site/peternobletalks/dog-days-on.ice">l’âge d’or</a> (1897-1922) des expéditions d’exploration au pôle Sud. Parmi les plus fameux explorateurs, les Britanniques Ernest <a href="https://www.editionsdurocher.fr/livre/fiche/sir-ernest-shackleton-9782268086118">Shackleton</a> et Robert <a href="https://www.cairn.info/trois-marins-pour-un-pole--9782759203628-page-43.htm">Scott</a> avaient ainsi choisi d’employer des chiens et des poneys pour tirer les traîneaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428220/original/file-20211025-19-869h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les chiens auraient également joué un rôle vital dans l’atteinte du pôle Sud par le Norvégien <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-02692-9_41">Roald Amundsen</a> (1911). Plus récemment, Jean-Louis Étienne organisait la <a href="https://www.europe1.fr/emissions/lentretien-de-philippe-legrand/jean-louis-etienne-transantarctica-etait-une-ouverture-sur-le-monde-3917157">« Transantarctica »</a> en 1989-1990, traversant le continent austral à skis et en traîneaux à chiens.</p>
<p>Mais l’époque de l’organisation d’expéditions en Antarctique avec des chiens comme moyen de locomotion est aujourd’hui révolue.</p>
<h2>Protéger la faune et la flore australes</h2>
<p>En 1991, les États choisissent de renforcer les règles du <a href="https://documents.ats.aq/keydocs/vol_1/vol1_2_AT_Antarctic_Treaty_f.pdf">Traité sur l’Antarctique</a> en matière de protection de l’environnement (Washington, 1959) au sud du soixantième degré de latitude Sud. Le Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement (<a href="https://www.ats.aq/f/protocol.html">Protocole de Madrid</a>) est adopté : l’Antarctique devient une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science.</p>
<p>Le Protocole vient en réalité renforcer un dispositif ancien qui s’était progressivement étoffé. Depuis <a href="https://www.ats.aq/devAS/Meetings/Measure/35?lang=f&id=35">1964</a>, l’introduction d’espèces exogènes est en effet exclue. Cette interdiction ne concernait cependant pas les chiens de traîneau. Plus encore, il était prévu qu’ils pouvaient « être introduits » et que des permis pouvaient être octroyés « pour fournir les aliments indispensables aux hommes et aux chiens dans la zone du Traité, en quantité limitée et en conformité avec les principes et les objectifs ».</p>
<p>L’exception, au profit des chiens, au principe de l’interdiction d’introduction d’espèces exogènes se justifiait par le fait qu’à l’époque les technologies au service du transport étaient encore peu développées.</p>
<p>Si leur entrée en Antarctique était envisageable, elle était toutefois conditionnée : non seulement un permis autorisant leur entrée devait avoir été obtenu au préalable, mais les chiens devaient être vaccinés contre différentes maladies (l’hépatite canine contagieuse, la rage, la leptospirose…) avant d’entrer dans la zone du Traité sur l’Antarctique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo sur la faune de l’Antarctique (National Geographic, 2018).</span></figcaption>
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<p>Avec l’évolution des technologies, les chiens ont peu à peu laissé la place aux engins motorisés. Les risques que comportait leur présence pour le milieu naturel ont d’autre part été davantage soulignés. Il a été rappelé que des phoques avaient été utilisés pour les <a href="https://www.jstor.org/stable/24052392?seq=1">nourrir</a>, qu’ils <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175303712X13240472427519">risquaient</a> de se détacher, d’errer sur le continent et d’attaquer la faune, qu’ils la menaçaient en développement la maladie de Carré, affection virale très contagieuse pouvant être transférée à d’autres espèces (phoques).</p>
<p>Les auteurs du Protocole de Madrid ont alors choisi d’exclure les chiens de l’Antarctique.</p>
<h2>Une nouvelle distinction pour le continent austral</h2>
<p>Depuis le <a href="https://www.ats.aq/f/protocol.html">Protocole de Madrid</a> « aucune espèce animale ou végétale non indigène de la zone du Traité sur l’Antarctique n’est introduite sur le continent ou sur la plate-forme glaciaire ou dans les eaux de cette zone » sauf si un permis préalable été accordé à cette <a href="https://uptv.univ-poitiers.fr/program/les-animaux/video/51257/des-empereurs-et-des-intrus-la-protection-de-contre-la-faune-en-antarctique/index.html">fin</a>.</p>
<p>Le principe vient d’ailleurs d’être réaffirmé dans la <a href="https://atcm43paris.fr/declaration-de-paris-43e-rcta">Déclaration de Paris</a>, adoptée lors de la dernière <a href="https://theconversation.com/la-reunion-consultative-du-traite-sur-lantarctique-a-paris-priorite-a-lenvironnement-162286">réunion consultative au Traité sur l’Antarctique</a> en juin 2021, dans laquelle les États ont « réaffirmé leur engagement à poursuivre leurs efforts pour protéger la faune et la flore indigènes, y compris en empêchant l’introduction d’espèces non indigènes ».</p>
<p>Si un permis peut être accordé pour déroger à cette règle, les chiens sont toutefois exclus d’une telle possibilité. Quant à ceux qui s’y trouvaient, ils ont dû tous être évacués au 1<sup>er</sup> avril 1994.</p>
<p>Depuis le Protocole de Madrid, les chiens sont donc exclus du continent antarctique et des plates-formes glaciaires. Le continent austral marque ainsi une nouvelle différence par rapport à la région arctique, où les chiens de traîneau ont droit de cité.</p>
<h2>Des risques multiples</h2>
<p>Les États doivent toutefois rester attentifs aux comportements de leurs ressortissants. En Norvège, les autorités nationales ont ainsi été saisies de plusieurs demandes d’introduction de chiens <a href="https://docest.com/use-of-dogs-in-the-context-of-a-commemorative-centennial-expedition">dans le cadre du centenaire de la première expédition ayant atteint le pôle Sud</a>.</p>
<p><a href="https://ir.canterbury.ac.nz/handle/10092/14047">Certains</a> regrettent cette interdiction absolue et rappellent que l’emploi de chiens représentait un mode de transport soutenable et moins dommageable en matière de l’environnement que n’importe quel mode de transport employé depuis.</p>
<p>Comme l’a d’autre part souligné <a href="https://journals.openedition.org/teoros/173">Alain Grenier</a>, spécialiste des croisières et du tourisme polaire, ce dernier « trouve sa distinction dans l’inusité, par exemple le moyen de transport utilisé (le traîneau à chiens) ». On pourrait très bien imaginer que des tour-opérateurs peu scrupuleux cherchent à se démarquer de leurs concurrents et offrent de nouvelles formes de tourisme en s’inspirant d’expéditions anciennes…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7qCIkQimhow?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo sur le tourisme en Antarctique. (TV5 Monde Info, 2019).</span></figcaption>
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<p>Certains pourraient également être tentés de faire voyager à bord de leur navire des espèces exogènes. En février 2018, un skipper est ainsi parti sillonner les mers du globe… en embarquant une poule à bord de son voilier. Il lui a été <a href="https://view.officeapps.live.com/op/view.aspx">rappelé avec force</a> que, tout comme les chiens, les volatiles vivants sont interdits dans la zone antarctique.</p>
<p>Ni chien, ni poule donc en Antarctique. Mais des pétrels, des skuas, des phoques… et des manchots empereurs, particulièrement sensibles aux effets du réchauffement climatique, tout comme leurs voisins lointains, à l’autre bout du globe, les ours polaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Traité international sur le continent du pôle Sud interdit depuis 30 ans l’introduction de toute « espèce animale ou végétale non indigène ».Anne Choquet, Enseignante chercheure en droit, laboratoire Amure (UBO, Ifremer, CNRS), Université de Bretagne occidentale Florian Aumond, Maître de conférences en droit public, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1651192021-09-07T18:28:09Z2021-09-07T18:28:09ZLes invasions biologiques, un fardeau économique pour la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419654/original/file-20210906-17-xymldg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moustique tigre lors de son repas de sang. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aedes_albopictus#/media/Fichier:CDC-Gathany-Aedes-albopictus-1.jpg">James Gathany, CDC/Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Les invasions biologiques forment un paradoxe vraiment intéressant. Même si on en parle assez peu dans le débat public, elles n’ont rien d’anodin. Il s’agirait même de la <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsbl.2015.0623">seconde menace pesant sur la biodiversité</a>, devant le changement climatique.</p>
<p>Ces invasions induisent nombre de dégâts, dans des domaines aussi variés que celui de <a href="https://theconversation.com/chalarose-du-frene-et-autres-maladies-invasives-il-est-possible-de-mieux-proteger-les-forets-71203">l’agriculture</a> ou de la <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-020-15586-1">santé</a>.</p>
<p>Et pourtant, on en parle assez peu. Tout le monde connaît les risques du changement climatique, de la déforestation ou de la pollution, mais beaucoup moins les invasions biologiques, pourtant au moins aussi problématiques pour l’environnement. Alors pourquoi en parle-t-on si peu ?</p>
<p>Pour les chercheurs spécialisés sur la question, comme <a href="https://www.ese.universite-paris-saclay.fr/?s=Dynamique+de+la+biodiversit%C3%A9+et+macro-%C3%A9cologie&lang=fr">ceux de mon équipe</a>, une des explications réside dans le fait qu’il s’agit d’un processus <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169534716302129">plus complexe à appréhender et beaucoup moins intuitif</a> que ceux imputables à la déforestation ou à la pollution.</p>
<h2>Des exemples en pagaille</h2>
<p>Les invasions biologiques désignent des introductions d’espèces, volontairement ou non, dans une autre région que celle dont elles sont natives, et dont la prolifération cause de multiples dommages à la biodiversité.</p>
<p>Si on cite souvent le ragondin ou à l’écrevisse de Louisiane, ces deux exemples ne représentent toutefois qu’une infime proportion des milliers d’espèces dites « envahissantes » dans le monde. Cela peut être des microbes, des champignons, des plantes ou des animaux…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419656/original/file-20210906-29-fvbthi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ragondin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ragondin#/media/Fichier:Biberratte_-_Nutria_-_coypu_-_Myocastor_coypus_-_ragondin_-_castor_des_marais_-_M%C3%B6nchbruch_-_December_25th_2012_-_01.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leurs impacts sont ainsi très variés et concernent la santé, le tourisme, l’immobilier, la foresterie, des pêcheries, etc.</p>
<p>Prenons l’agriculture, par exemple. D’innombrables espèces peuvent détruire les cultures, les stocks ou les infrastructures, à l’image du désormais célèbre doryphore, ce joli scarabée du Colorado arrivé en Europe au XIX<sup>e</sup> siècle ; ses ravages sur les champs de pommes de terre ont provoqué des famines mémorables.</p>
<p>Imaginez maintenant l’impact d’espèces exotiques envahissantes s’attaquant à des dizaines de plantes en même temps ! <a href="https://theconversation.com/la-punaise-diabolique-cette-creature-urbaine-66752">La punaise diabolique</a> gâte de nombreuses cultures de fruits et de légumes, mais aussi des plantes ornementales d’arbres et d’arbustes. La mouche méditerranéenne peut quant à elle s’attaquer à plus de 300 espèces de fruits (sauvages et cultivés)…</p>
<p>Même des espèces aux profils inoffensifs et vulnérables peuvent devenir problématiques, comme le vison d’Amérique. Échappé de nos élevages de fourrure, il provoque aujourd’hui le déclin d’espèces européennes et peut nous transmettre certaines maladies, à l’image du <a href="https://theconversation.com/origine-du-virus-de-la-covid-19-la-piste-de-lelevage-des-visons-153219">coronavirus</a>.</p>
<p>À l’autre bout de la planète, des troupeaux de majestueux dromadaires venus d’Asie <a href="https://theconversation.com/can-australia-afford-the-dingo-fence-7101">assoiffent l’Australie</a>, menaçant d’innombrables espèces locales.</p>
<h2>Evaluer le coût des invasions</h2>
<p>Devant une telle variété d’impacts, les réunir sous une unité commune (le dollar ou l’euro) – à l’image du degré Celsius pour le réchauffement climatique –, permettrait de mieux prendre conscience de tous ces dégâts.</p>
<p>C’est donc sur les conséquences financières des invasions biologiques que nous nous sommes penchés : évaluer en argent ce coût global parlerait davantage sans doute que la seule évocation du nombre d’espèces menacées (hélas !).</p>
<p>Pendant cinq ans, mes collègues et moi-même avons élaboré une <a href="https://doi.org/10.1038/s41597-020-00586-z">base de données</a> réunissant des milliers de coûts recueillis dans la littérature scientifique, totalisant des <a href="https://theconversation.com/1-288-milliards-de-dollars-chiffrer-les-degats-causes-par-les-invasions-biologiques-pour-enfin-agir-158204">milliers de milliards d’euros</a> à l’échelle du globe.</p>
<h2>En France, des dégâts qui se chiffrent en milliards</h2>
<p>Notre pays n’est pas épargné par les invasions biologiques ; celles-ci sont facilitées par notre position géographique centrale (avec l’Outremer notamment) et notre statut de puissance économique, impliquant des échanges de personnes et de biens parmi les plus importants au monde. Coccinelle asiatique, tortue de Floride, écureuil de Corée, tulipier du Gabon, fourmi d’Argentine, renouée du Japon… Les exemples d’espèces envahissantes ne manquent pas !</p>
<p>Et les coûts économiques y sont impressionnants : au total, entre <a href="https://doi.org/10.3897/neobiota.67.59134">1,14 et 10,2 milliards d’euros en seulement 25 ans</a>.</p>
<p>Certaines espèces se placent en championnes des pertes et dégâts, <a href="https://theconversation.com/demoustication-comment-larrivee-du-moustique-tigre-a-change-la-donne-100467">à l’image des moustiques tigres</a>, vecteurs de nombreuses maladies (dengue, Zika, chikungunya) ; on peut aussi citer les <a href="https://theconversation.com/le-pollen-allergisant-dope-par-le-changement-climatique-117640">ambroisies</a>, provoquant de nombreuses allergies et pertes agricoles. À elles seules, ces espèces « coûtent » près de 40 millions d’euros par an.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo présentant l’ambroisie (eSET Bourgogne-Franche-Comté, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Des espèces peu étudiées, des coûts sous-estimés</h2>
<p>En plus d’être considérables, ces coûts possèdent trois caractéristiques qui doivent nous alerter.</p>
<p>Ils correspondent tout d’abord, pour au moins à 80 %, aux pertes et dégâts occasionnés ; la part allouée pour lutter contre ces invasions est elle minime. Or les scientifiques ont montré que prévenir les invasions serait bien moins coûteux que de les subir. Ceci est d’autant plus crucial que c’est la société entière qui en fait aujourd’hui les frais, alors que le principe de « pollueur-payeur » devrait s’appliquer pour responsabiliser les responsables de ces invasions.</p>
<p>Prenons l’exemple du <a href="https://theconversation.com/le-frelon-asiatique-ce-derangeant-predateur-147676">frelon asiatique</a>, une espèce dont l’invasion a été particulièrement rapide. Arrivé en 2004 dans une cargaison de poteries de Chine, il colonise déjà presque toute la France et a atteint les pays limitrophes (Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre…) ; sa progression semble n’avoir pas de fin !</p>
<p>Dans le même temps, le magnifique et très venimeux <a href="https://theconversation.com/en-mediterranee-linquietante-invasion-du-poisson-lion-predateur-redoutable-120782">poisson-lion</a> se répand à une vitesse fulgurante dans les mers des Antilles et de Méditerranée. Originaire du Pacifique, aucun prédateur naturel ne le contrôle dans les nouvelles zones où il prospère, au point qu’au Honduras on tente de <a href="https://www.nationalgeographic.com/adventure/article/110404-sharks-lionfish-alien-fish-invasive-species-science">dresser des requins</a> pour les chasser.</p>
<p>Second point : bien qu’importante, cette évaluation économique ne forme que la partie visible de l’iceberg, les dégâts étant très sous-estimés car très peu d’espèces ont été étudiées – moins d’une centaine à ce jour alors qu’on estime à plus de 2 750 les espèces exotiques en France.</p>
<p>Enfin, ces coûts sont en constante augmentation en France, comme le souligne le <a href="https://invacost.fr/rapport/">rapport pour décideurs</a> que nous avons élaboré avec mes collègues, comme <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03405-6">dans le reste du monde</a> ; sous l’impulsion de la mondialisation – qui favorise l’introduction d’espèces exotiques – et le changement climatique – qui favorise leur établissement et leur invasion –, on sait déjà que ces coûts vont exploser dans les années à venir.</p>
<p>Au final, réaliser que les invasions biologiques sont un fardeau économique pourrait inciter à préserver l’environnement. Cela mettrait en lumière un autre paradoxe intéressant : pour une fois, l’intérêt pour l’argent aiderait à protéger la biodiversité.</p>
<hr>
<p><em>Élena Manfrini (Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech, Écologie systématique évolution, Orsay) est co-autrice de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Courchamp a reçu des financements de la Fondation BNP Paribas (Climate Initiative) et du Fonds Axa pour la recherche.</span></em></p>Beaucoup moins médiatisée que le changement climatique ou la pollution, la présence croissante d’espèces exotiques envahissantes représente pourtant une grave menace pour la biodiversité.Franck Courchamp, Directeur de recherche CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637912021-07-06T12:14:54Z2021-07-06T12:14:54ZVoici pourquoi une chenille envahissante attaque des arbres dans la plus grande infestation depuis des décennies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409896/original/file-20210706-21-zi1y35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4031%2C3024&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les efforts pour contrôler cette chenille envahissante ont coûté des milliards de dollars au Canada et aux États-Unis. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières semaines, une chenille très vorace s’attaque aux feuilles des arbres dans le sud de l’Ontario et du Québec, et du Michigan au Vermont. À Montréal, les <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2021-07-06/chenilles-spongieuses/le-mont-royal-infeste.php">arbres du mont Royal sont particulièrement affectés</a>.</p>
<p>Depuis les années 1980, la chenille du Lymantria dispar, un papillon nocturne, a provoqué plusieurs grandes infestations, souvent pluriannuelles. Au Canada, <a href="http://nfdp.ccfm.org/fr/data/insects.php">cette chenille a endommagé 17 000 km² de forêt</a> et les efforts pour la contrôler <a href="https://www.invasivespeciescentre.ca/invasive-species/meet-the-species/invasive-insects/gypsy-moth">ont coûté des milliards de dollars</a> tant au Canada qu’aux États-Unis.</p>
<p>Cette espèce de papillon nocturne, « bombyx disparate », est mieux connue pour sa chenille appelée « spongieuse ». Comme il existe d’autres noms comme « le disparate » ou « le zigzag », j’emploierai son nom latin, L. dispar, pour simplifier.</p>
<p>Son origine remonte une tentative infructueuse <a href="https://academic.oup.com/ae/article-abstract/35/2/20/221921?redirectedFrom=fulltext">d’implanter l’industrie de la soie en Amérique du Nord</a>. Bien que cantonnée à quelques provinces et États du nord-est du continent, cette espèce ravageuse pourrait se propager davantage avec le réchauffement climatique.</p>
<h2>Échec commercial, mais invasion réussie</h2>
<p>C’est un Français, Étienne Léopold Trouvelot, à la fois artiste, astronome et entomologiste, qui eut l’idée de créer une colonie de vers à soie dans les arbres près de sa maison de Medfort au Massachusetts. Mais sa première tentative, avec un papillon nocturne indigène, fut un échec. Ses chenilles, élevées en grand nombre, auraient contracté des maladies virales et les oiseaux ne cessaient de s’y attaquer.</p>
<p>La solution de Trouvelot fut d’importer une chenille européenne, L. dispar, pour la croiser avec des espèces nord-américaines pour créer un hybride résistant aux maladies et qui n’intéresserait pas les oiseaux.</p>
<p>Malheureusement, les jeunes chenilles s’échappèrent de son labo improvisé vers 1868 ou 1869. En 1879, les habitants de Medford ont commencé à se plaindre d’une espèce de chenille encore inconnue qui commençait à pulluler.</p>
<p><a href="https://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/42094">Un voisin a écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>Les chenilles ont envahi tout notre jardin et dépouillé tous nos arbres fruitiers, en commençant par les pommiers, puis les poiriers. Les chenilles ont aussi dévoré toutes les feuilles du bel érable dans la rue, devant la maison voisine. Elles sont descendues au sol avant de se déplacer sur la maison. La façade était noire de chenilles, qui entraient dans la maison malgré toutes les précautions, et nous les trouvions jusque sur les vêtements dans les placards.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue en contre-jour de la canopée des arbres, sans la plupart des feuilles" src="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Arbres défoliés lors de l’infestation de 2021 dans la zone de conservation de Thornton Bales, près de King City, en Ontario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premiers efforts d’éradication de cette chenille <a href="https://www.mass.gov/guides/gypsy-moth-in-massachusetts">ont nécessité beaucoup d’efforts</a>. Avant l’invention des insecticides chimiques, il fallait grimper aux arbres pour éliminer l’insecte. Ces premiers efforts n’ont pas suffi et l’insecte s’est frayé un chemin dans le sud du Québec et de l’Ontario à la fin des années 1960.</p>
<h2>Gloutonnerie et crottes de chenilles</h2>
<p>L’Ontario a connu trois infestations depuis les années 1980. Dans les années 1990, 350 000 hectares de forêt avaient été atteints. Et puis en 2020, <a href="https://www.ontario.ca/fr/page/spongieuse">L. dispar en a endommagé 585 000 hectares</a>, une superficie équivalente à celle de l’île du Prince-Édouard.</p>
<p>Le problème vient de la voracité de cette chenille, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/conseils-pour-controle-parasites/spongieuse.html">qui peut consommer un mètre carré de feuilles</a> au cours de sa croissance (une surface de la taille d’une serviette de bain). Multipliez ce chiffre par des millions ou des milliards de chenilles qui dévorent tout et une forêt sera défoliée très vite.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Plusieurs chenilles rampant sur un arbre à écorce blanche" src="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chenilles de L. dispar sur un bouleau à l’arboretum des Jardins botaniques royaux à Hamilton et Burlington, en Ontario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La chenille du L. dispar n’est pas capricieuse. Elle préfère les feuilles de chêne, mais elle se servira dans les érables, les bouleaux et les trembles, <a href="https://www.fs.usda.gov/treesearch/pubs/4327">et d’autres plantes encore</a>.</p>
<p>En mangeant, les chenilles produisent des excréments, de petites qui tombent sur le sol de la forêt — ou sur les pique-niqueurs assis dessous. La plupart des arbres peuvent tolérer cette défoliation, si bien que l’insecte tue rarement les arbres sur-le-champ. Mais des infestations répétées vont les rendre plus vulnérables. <a href="https://academic.oup.com/forestry/article/89/3/284/1749439">Une étude récente</a> a révélé une diminution du nombre de jeunes chênes dans les forêts américaines ayant subi plusieurs infestations.</p>
<p>Certains conifères comme le pin blanc et le sapin baumier sont particulièrement fragiles en cas d’attaque, car contrairement aux arbres à feuilles caduques, leurs aiguilles ne repoussent pas.</p>
<h2>Pièges à chenilles en toile de jute</h2>
<p>Le contrôle de cette chenille peut être difficile. <a href="https://www.toronto.ca/services-payments/water-environment/trees/forest-management/threats-to-trees-insects/european-gypsy-moth/">Certaines municipalités</a> utilisent un <a href="https://www.rncan.gc.ca/forets/feux-insectes-perturbations/principaux-insectes/13402">insecticide biologique appelé BtK</a> qui cible spécifiquement les chenilles. Les campagnes de pulvérisation ont lieu au début de l’été, quand les chenilles sont petites et les plus sensibles à l’insecticide.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une boulette spongieuse de couleur beige attachée à l’écorce des arbres" src="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des masses d’œufs sur un arbre dans la zone de conservation de Thornton Bales, près de King City, en Ontario, avec une chenille rampant à proximité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les particuliers peuvent également appliquer du BtK, <a href="https://fyi.extension.wisc.edu/gypsymothinwisconsin/making-a-burlap-barrier-band-trap/">mais une autre approche consiste à enrouler une bande de toile de jute</a> autour du tronc de l’arbre pour attraper les chenilles lorsqu’elles montent et descendent de l’arbre pendant la journée. Ce piège simple permet de capturer les chenilles, pour ensuite en disposer dans un seau d’eau savonneuse.</p>
<p>À la fin de l’été et à l’automne, <a href="https://www.invasivespeciescentre.ca/a-year-of-gypsy-moth/">les masses d’œufs spongieux peuvent également être grattées et jetées</a>. Cette tactique est également utile pour en prévenir la propagation, car les masses d’œufs peuvent être transportées sur les véhicules et les équipements extérieurs.</p>
<h2>Merci, les épizooties</h2>
<p>Quand cela s’arrêtera-t-il ? Les infestations de L. dispar durent de trois à cinq ans et se terminent généralement d’elles-mêmes. Les insectes <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/vir.0.018952-0">sont sensibles à un virus</a> et <a href="https://academic.oup.com/ae/article-abstract/41/1/31/2474416?redirectedFrom=fulltext">à un champignon</a> qui provoquent des « épizooties », terme qui désigne une « pandémie » affectant une espèce animale.</p>
<p><a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2307/2265735">Ce sont donc les prédateurs</a> et les épizooties, grâce à un virus et un champignon, qui permettent de maintenir les populations à un faible niveau. Ce même virus <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/08-1246.1">expliquerait peut-être les intervalles réguliers de cinq à dix ans</a> entre les infestations.</p>
<p>L’aire de répartition de l’insecte est actuellement limitée à l’Ontario, au Québec et aux Maritimes, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4020-9680-8_10">mais on s’attend à ce que les changements climatiques augmentent la zone au Canada</a>. D’ici 2050, L. dispar pourrait rejoindre le sud de l’Alberta et la Nouvelle-Écosse. Les montagnes escarpées de la Colombie-Britannique et leur climat alpin devraient y empêcher sa propagation.</p>
<p>Les espèces envahissantes constituent une menace persistante pour les forêts du continent, même si on en parle moins que les feux de forêt et les changements climatiques. Toutefois, les humains ont le pouvoir d’agir pour empêcher sa propagation, et celles d’autres espèces envahissantes, ne serait-ce qu’en évitant de déplacer le bois de chauffage d’une région à l’autre.</p>
<p>L. dispar est là pour rester, mais nous pouvons tous agir pour éviter de l’encourager !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163791/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris JK MacQuarrie est chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada et vice-président de la Société entomologique du Canada.</span></em></p>La chenille Lymantria dispar a dévoré 17 000 kms carrés d’arbres depuis les années 1980. Cet insecte invasif a été importé dans les années 1880 pour lancer l’industrie de la soie en Amérique du Nord.Chris JK MacQuarrie, Adjunct professor, John H. Daniels Faculty of Architecture, Landscape and Design, and the Graduate Department of Forestry, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605092021-05-27T18:27:55Z2021-05-27T18:27:55ZQuel est ce « tigre » dans mon chêne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399318/original/file-20210506-24-12p8iw8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chênes attaqués par _Corythucha arcuata_, à côté d’érables. Le contraste des couleurs est saisissant. </span> <span class="attribution"><span class="source">Gyory Csoka</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La liste des espèces d’insectes herbivores associées au chêne était déjà longue ; elle s’est récemment allongée. La nouvelle venue est une petite punaise de la famille des Tingidae. Son nom : <em>Corythucha arcuata</em>, plus communément appelée la punaise réticulée du chêne, ou le tigre du chêne.</p>
<p>Est-ce une bonne nouvelle pour la biodiversité ? Pas vraiment, la nouvelle venue ayant tout pour devenir une espèce exotique envahissante.</p>
<p>Mais que sait-on exactement de cet insecte et des dégâts qu’elle cause ?</p>
<h2>Un minuscule insecte à collerette</h2>
<p>Son « apparition » n’a pas fait beaucoup de bruit, en 2017, quand pour la première fois la présence d’une espèce d’insecte herbivore exotique a été documentée sur un chêne <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-punaise-reticulee-ou-le-tigre-du-chene-decouverte-dun-nouvel-insecte-identifie-sur-chene-dans-la">dans la région de Toulouse</a>. Il s’agissait de notre punaise réticulée du chêne, (<em>Corythucha arcuata</em>). Aujourd’hui, son aire de distribution s’étend en France.</p>
<p><em>Corythucha arcuata</em> est une petite punaise de 3-4 mm de long, reconnaissable à sa collerette qui rappelle la fraise qu’arbore Elisabeth I dans le <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Le_Portrait_de_l%27Armada">portrait de l’Armada</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gyorgy Csoka" src="https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Corythucha arcuata</em> sur une feuille de chêne.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’insecte lui-même passe souvent inaperçu. Ces dégâts, eux, attirent immédiatement l’œil ! les feuilles attaquées virent au jaune, parfois dès le mois de juillet. La décoloration peut être spectaculaire, surtout quand l’espèce végétale hôte – celle sur laquelle l’insecte peut s’alimenter – se trouve à proximité d’une espèce non hôte et donc pas attaquée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dégâts de <em>Corythucha arcuata</em> sur chêne pédonculé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les décolorations provoquées s’expliquent par le mode d’alimentation des nymphes et des adultes. <em>Corythucha arcuata</em> est un insecte qu’on qualifie de « piqueur-suceur » : ses pièces buccales consistent en un stylet servant à percer le contenu des cellules des feuilles avant de l’aspirer le contenu.</p>
<h2>Une espèce exotique envahissante</h2>
<p>En Europe, <em>C. arcuata</em> est une espèce exotique : elle a été introduite accidentellement en Italie, en 2000, depuis l’Amérique du Nord. Son aire de distribution s’est ensuite étendue à la Turquie, l’Europe de l’Est, les Balkans. En 2017, elle était signalée, on l’a vu plus haut, dans la région de Toulouse ; en 2018, à Bordeaux. Il s’agit d’une <a href="https://theconversation.com/1-288-milliards-de-dollars-chiffrer-les-degats-causes-par-les-invasions-biologiques-pour-enfin-agir-158204">espèce envahissante, aux effets préoccupants</a>.</p>
<p>Comme son nom l’indique, la punaise réticulée du chêne s’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/afe.12362">attaque essentiellement aux chênes</a>, même si elle a été signalée sur d’autres espèces d’arbres (châtaigner, érable, noisetier) ou de buissons (ronce).</p>
<p>Parmi les chênes, ce sont les chênes européens qui sont les plus touchés – notamment le chêne pédonculé (<em>Quercus robur</em>), le chêne sessile (<em>Q. petraea</em>) et le chêne chevelu (<em>Q. cerris</em>).</p>
<p>En Europe, les chênes nord-américains – comme le chêne rouge (<em>Q. rubra</em>) ou le chêne des marais (<em>Q. palustris</em>) – ne semblent pas être attaqués, ou très exceptionnellement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux chênes photographiés en octobre 2020 dans un parc de la ville de Bordeaux. À gauche, un chêne rouge, non attaqué ; à droite, un chêne pédonculé dont les feuilles présentent des décolorations typiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Les capacités photosynthétiques attaquées</h2>
<p>Dans son aire native, <em>C. arcuata</em> ne cause pas de dégâts majeurs sur les arbres, de sorte que l’on connaît encore très peu de choses sur sa biologie. C’est un problème récurrent avec les invasions biologiques : souvent, on ne commence à s’intéresser à une espèce que quand elle pose déjà des problèmes.</p>
<p>Des travaux sont en cours dans plusieurs laboratoires de recherche en Europe pour en apprendre plus. <a href="https://www.researchgate.net/publication/345508479_Known_and_predicted_impacts_of_the_invasive_oak_lace_bug_Corythucha_arcuata_in_European_oak_ecosystems_-_a_review">Voilà ce que l’on sait, et ce que l’on suspecte aujourd’hui</a>.</p>
<p>Les décolorations causées par l’alimentation des nymphes et des adultes peuvent <a href="https://www.researchgate.net/publication/329776371_Physiological_responses_of_Pedunculate_oak_Quercus_robur_L_to_Corythucha_arcuata_Say_1832_attack">réduire de près de 60 % les capacités photosynthétiques des feuilles attaquées</a>. Or, la photosynthèse est le point d’entrée de l’énergie et du carbone dans l’arbre, ce qui lui permet d’assurer sa croissance, son entretien, et sa défense contre les stress et les agressions.</p>
<p>Bien que la majeure partie de la croissance des chênes s’effectue au printemps – avant que les décolorations ne soient trop importantes –, il serait surprenant que des décolorations massives n’aient pas de conséquences sur la croissance des chênes, surtout si les attaques de <em>C. arcuata</em> sont concomitantes d’autres stress comme la sécheresse.</p>
<h2>Une régulation sporadique</h2>
<p>Une des clés du succès des insectes ravageurs exotiques, c’est qu’ils voyagent souvent seuls, sans leurs ennemis naturels. Dans leur aire d’introduction, seuls les prédateurs et parasites généralistes peuvent réduire les niveaux de population des ravageurs exotiques.</p>
<p>Des observations confirment que plusieurs espèces de coccinelles, de <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Chrysope_verte">chrysopes</a> ou encore d’araignées peuvent s’alimenter sur la punaise réticulée du chêne, mais seulement de manière sporadique.</p>
<p>Actuellement, <em>C. arcuata</em> est essentiellement présente dans le sud de l’Europe. On pourrait soupçonner que son expansion vers le nord serait limitée par le froid.</p>
<p>Des travaux récents ont malheureusement montré que <a href="https://web.nlcsk.org/wp-content/uploads/2021/03/Paulin.pdf">ce n’est pas le cas</a> : les nymphes et les adultes qui passent l’hiver dans la mousse au pied des arbres ou les anfractuosités de l’écorce résistent à plusieurs jours de gel consécutif.</p>
<p>Pour attirer davantage l’attention et lancer l’alerte, ajoutons un dernier élément : comme son cousin le tigre du platane (<em>Corythucha ciliata</em>), <em>C. arcuata</em> pique occasionnellement l’homme. Rien d’insoutenable, mais c’est désagréable.</p>
<h2>Agir très tôt</h2>
<p>Les insectes ravageurs exotiques envahissants sont une grave menace pour la santé des forêts.</p>
<p>À l’automne 2019, la Croatie, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie et la partie européenne de la Russie totalisaient plus de 1,7 million d’hectares de chênes touchés. C’est presque deux fois la surface de la forêt des Landes de Gascogne.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/profile/Giovanni-Caudullo/publication/299471357_Quercus_robur_and_Quercus_petraea_in_Europe_distribution_habitat_usage_and_threats/links/570b71aa08ae8883a1fe1b7a/Quercus-robur-and-Quercus-petraea-in-Europe-distribution-habitat-usage-and-threats.pdf">Une grande partie de la forêt européenne est aussi menacée</a> : les deux principales espèces de chênes couvrent en effet une surface allant du nord de l’Espagne au sud de la Suède, et de l’Irlande à la Russie.</p>
<p>Il est très probable que la dispersion longue distance de <em>C. arcuata</em> se fasse grâce au transport des troncs d’arbre, lequel doit être surveillé puisqu’à ce jour, il n’existe pas de méthode de lutte qui soit applicable à l’échelle d’un massif forestier.</p>
<p>Une étude récente suggère que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378112721002814?dgcid=raven_sd_via_email">champignons entomopathogènes (parasites des insectes) du genre <em>Beauveria</em> infectent et tuent <em>C. arcuata</em></a> mais leur potentiel de biocontrôle dans des conditions naturelles doit encore être étudié.</p>
<p>L’exemple de la punaise réticulée du chêne nous rappelle qu’il est crucial de pouvoir <a href="https://plurifor.efi.int/fr/">repérer les introductions d’insectes exotiques très tôt</a>, avant qu’ils ne se propagent et deviennent envahissants. Des outils de signalement existent, comme l’application <a href="https://silvalert.net/"><em>Silvalert</em></a>, mais ils ne sont utiles que si l’on est prêts à les utiliser. Soyons vigilants !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol a reçu des financements de l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 pour le projet No. 771271, HOMED (Holistic Management of Emerging forest pests and Diseases, homed-project.eu).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alex Stemmelen a reçu des financements de l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 pour le projet No. 771271, HOMED (Holistic Management of Emerging forest pests and Diseases, homed-project.eu).</span></em></p>Repérée pour la première fois en France en 2017, la punaise réticulée du chêne étend depuis son aire de distribution. Ses dégâts menacent les chênes européens.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeAlex Stemmelen, Doctorant en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1589222021-04-20T18:05:57Z2021-04-20T18:05:57ZImages de science : La Guadeloupe envahie par le ver plat de Nouvelle-Guinée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394823/original/file-20210413-23-d67guo.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C2%2C1657%2C978&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ver plat de Nouvelle-Guinée, Platydemus manokwari</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Peerj-297-fig-1_Platydemus_manokwari.png">Photo par Pierre Gros</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le format « Images de science » vous propose de décrypter une photographie particulièrement signifiante d’un point de vue scientifique, de la décrire et d’en comprendre les enjeux.</em></p>
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<p>Au début de l’année 2019, quand nous avons reçu la première mention du ver plat de Nouvelle-Guinée, <em>Platydemus manokwari</em>, en Guadeloupe, c’était un peu inquiétant. Cette espèce est considérée comme <a href="https://peerj.com/articles/297/">très envahissante</a>. C’est un prédateur d’autres animaux du sol. Elle a été repérée dans beaucoup d’îles en Océanie et nous l’avions signalée en <a href="https://peerj.com/articles/1037/">2015 pour la première fois aux Antilles</a>, à Porto Rico. Nous avons alors publié en mai 2020 un <a href="https://doi.org/10.20944/preprints202005.0023.v1">court preprint</a> (un article non corrigé par la communauté scientifique) pour signaler sa présence en Guadeloupe – à l’époque, cela était une observation un peu anecdotique.</p>
<p>Fin 2020, nous avons travaillé sur une autre espèce de ver plat, <em>Amaga expatria</em>, qui semble relativement commune en <a href="https://peerj.com/articles/10098/">Guadeloupe et Martinique</a>. À cette occasion, nous avons relayé notre recherche dans The Conversation et les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/emissions-radio/clin-oeil-vie">médias locaux</a> ont parlé de vers plats terrestres – probablement pour la première fois dans ces îles. Chaque fois que j’en ai eu l’occasion, à la radio et à la télévision, j’ai appelé les personnes qui trouvaient un ver bizarre dans leur jardin à m’envoyer leur observation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-vers-plats-predateurs-envahissent-les-antilles-144298">Les vers plats prédateurs envahissent les Antilles</a>
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<p>Les résultats ont été impressionnants de rapidité. En quelques semaines, nous avons reçu des dizaines de signalements. Les gens ont envoyé des photos ou des films faits avec leur smartphone dans leur jardin ou dans leur maison – <em>Platydemus manokwari</em> a tendance à aller sur les terrasses ou à monter sur les murs. <a href="https://doi.org/10.11646/zootaxa.4951.2.11">Et voilà le résultat dans cette carte</a>, dans son implacable vérité : la totalité de la Guadeloupe, aussi bien Grande-Terre que Basse-Terre, est envahie. Même Marie-Galante est contaminée !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394825/original/file-20210413-21-1h01tfb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La carte de Guadeloupe de l’invasion par le ver plat de Nouvelle-Guinée, <em>Platydemus manokwari</em>, basée sur la science participative. Les zones vertes sont les communes envahies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Carte par Jessica Thévenot</span></span>
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</figure>
<p>Cette carte montre le pire et le meilleur. Le pire : elle illustre la terrible menace des invasions biologiques. Les espèces exotiques envahissantes constituent une des principales menaces contre la biodiversité, et coûtent très cher à l’humanité. Une espèce jamais signalée en Guadeloupe avant 2018 a ainsi envahi toute l’île en seulement deux ans !</p>
<p>Le meilleur : la formidable puissance de la science participative qui permet, grâce à la gentillesse des personnes qui signalent des espèces, d’acquérir des informations scientifiques à vitesse record. Merci encore à toutes ces personnes : elles reconnaîtront leurs initiales dans le <a href="https://doi.org/10.11646/zootaxa.4951.2.11">Tableau publié dans l’article</a> (en accès libre et gratuit).</p>
<p>Une bonne nouvelle : la Martinique n’est pas envahie. En fait, <em>pas encore</em>… nous avons déjà un signalement de <em>Platydemus manokwari</em>. Combien d’années avant une invasion totale comme en Guadeloupe ? Plus que jamais, les signalements de science participative nous sont indispensables. Les lecteurs peuvent les envoyer <a href="https://sites.google.com/site/jljjustine/que-faire-si-je-trouve-un-plathelminthe">ici</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Lou Justine a reçu des financements du Muséum National d'Histoire Naturelle.</span></em></p>La Guadeloupe est envahie par le ver plat de Nouvelle-Guinée, Platydemus manokwari.Jean-Lou Justine, Professeur, UMR ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.